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Erick Cakpo

Art chrétien africain


Caractéristiques et enjeux

L' I-f~mattan
Art chrétien africain
Caractéristiques et enjeux
Si l'art africain est largement étudié et exposé, l'art chrétien
africain l'est moins. Ce livre est le premier à étudier, en français,
à partir d'un certain nombre de modèles, les caractéristiques
de cet art. Ce faisant, l'auteur pose le problème de son
utilisation et de sa place dans les églises africaines. Par une
réflexion méthodique, il expose, à travers le prisme des
cultures africaines et occidentales, les enjeux de cet art. Les
chrétiens africains doivent-ils disposer d'un art sacré de facture
locale? En prenant comme leitmotiv cette question, le présent
ouvrage inscrit l'art chrétien africain dans le débat actuel de
l'inculturation du message chrétien en Afrique.

Enseignant et jeune chercheur; frick Cakpo a soutenu récemment


à l'université de Strasbourg une thèse de doctorat portant sur l'art
chrétien en pays de mission. 1/s'intéresse notamment à /'inculturation
de l'art chrétien en Afrique.

ISBN: 978-2-336-29181-9 1111


9 782336 291819
1
22€
Études africaines
Collection dirigée par Denis Pryen et François Manga Akoa

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en Afrique, 2013. .
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Tchad,2013.
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Lang Fafa DAMPHA, Nationalism and reparation, 2013.
Erick Cakpo

Art chrétien africain

Caractéristiques et enjeux

CHARMA TT AN
© L'HARMAITAN, 2013
5-7, rue de l'École-Polytechnique; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
di/fusion.harmattan@Wanadoo.fr
harmattan l@Wanadoo.fr

ISBN: 978-2-336-29181-9
EAN: 9782336291819
A mes erfants, AmatlO' cf Uandre.
INTRODUCTION

Le « problème de l'art chrétien en pays de mission» s'est


posé dès les débuts des missions catholiques hors d'Europe'.
Faut-il imposer dans les pays de mission l'art chrétien
européen ou adapter celui-ci aux sensibilités artistiques et
culturelles de ces pays? Depuis l'affaire de l'évêque
iconoclaste Serenus (autour de l'an 600) et suite aux deux
lettres que lui a adressées le pape Grégoire Ier le Grand, le
principe de l'image religieuse en tant que substitut de la Bible
a été reçu comme général dans l'Eglise occidentale2• Forts de
ce postulat, les missionnaires européens qui, depuis
l'expansion coloniale portugaise et espagnole du Xv" siècle,
ont reçu la mission d'évangéliser les populations avec
lesquelles ils rentraient en contact, avaient souvent dans leurs
affaires, même si ce n'était pas une règle générale, des images
de Jésus ou de la Vierge dans l'espoir que celles-ci eussent pu
les aider à enseigner les rudiments de la foi chrétienne aux
peuples des continents africain, américain et asiatique. Dès
lors se posa, et durant une longue période, la question de
l'adaptation des images chrétiennes dans les pays de mission.
Les différentes réponses apportées à cette préoccupation
semblent dépendre des paradigmes missionnaires
catholiques si bien que les formes qu'a pu suivre l'art
chrétien des pays de mission, à défaut d'une histoire propre à
l'évolution commune de l'art chrétien de ces pays, se
déterminent en général à partir de l'histoire même des
missions catholiques hors d'Europe et des grandes étapes
qui la constituent.

C. (*1949: 27).
,1 Voir Cosranrini
- Sc:lon la formule du pape, «la peinture apprend aux illettrés cc que l'Ecriture
enseigne aux personnes cultivées». \' oir Bocspflug l'. (*2008 : 111-112) ;
Menoxxi D. (*199.1: 20).

7
Deux tendances se font jour dans l'action missionnaire
dans les pays de mission entre le Xv'I" et le Xv'Ill" siècle
(première période des missions catholiques) : celle de la table
rase et celle de l'adaptation. En Amérique et en Afrique, la
méthode de la table rase semble prévaloir tandis qu'en Asie
grâce aux missionnaires comme Matteo Ricci (1552-1610),
Robert de Nobili (1577-1656) et Alexandre de Rhodes
(1591-1660), l'adaptation est privilégiée". De maniere
générale et surtout pour les missionnaires partisans de la
méthode de la table rase, le message chrétien est mal
distingué de son enveloppe culturelle européenne si bien
qu'évangéliser revient souvent à transplanter la culture
européenne dans les pays de mission. Le Renouveau
missionnaire du XIXe siècle qui marque la seconde période
des missions catholiques (XIxe-xxe siècles) détermine de
manière progressive ce que doit être l'attitude à adopter face
aux cultures des pays de mission. Au milieu du XIX" siècle,
les directives de l'Instruction Neminem Profecto (23 novembre
1845) conduisent vers des Églises locales", Mais il faut
attendre 1919 avec l'encyclique Maximum illud de Benoît Àrv
pour assister à la mise en place de véritables Églises locales
avec leur propre clergé. L'encyclique signifie bien que les
missionnaires ne sont pas les agents de leur patrie d'Europe,
qu'il faut désormais reconnaître la richesse des cultures
locales et laisser celles-ci s'exprimer dans le culte chrétien.
Cette encyclique semble marquer le début effectif de l'art
chrétien des pays de mission si bien que dans l'entre-deux-

3 Voir Comby J. (Collectif *2008: 27-38). Pour la suite des paradigmes, nous
suivrons les grandes étapes définies par l'auteur.
4 Neminem Pro.fecto est une «Instruction» de la Sacrée Congrégation de la
Propagation de la Foi aux Archevêques, Évêques, Vicaires apostoliques et autres
chefs des Missions. Le texte reprend les propositions faites depuis longtemps
dans les Instructions de 1659 de la Sacrée Congrégation de la Propagation de la Foi
aux vicaires apostoliques en partance pour les royaumes chinois de Tonkin et de
Cochinchine pour une non-transplantation du christianisme européen dans les
pays de mission.

8
guerres, des initiatives d'adaptation de l'art chrétien aux
sensibilités culturelles et artistiques locales fusent un peu
partout dans ces pays. Le concile Vatican II (1962-1965),
tout en validant les intuitions et les recherches antérieures
allant dans le sens de la création et de la reconnaissance des
communautés chrétiennes locales, entérine les initiatives
d'adaptation de l'art chrétien. Dans le sillage du concile
Vatican II, du synode sur l'évangélisation de 1974 et de la
lettre de Paul VI Evangelii nnntiandi (1975) SI est précisé le
concept d'inculturation (1978). La première définition que
donna le Supérieur des Jésuites, le Père Pedro Arrupe du
thème dans sa lettre sur l'inculturation du 14 mai 1978 reste
celle qui remporte le plus d'adhésion:
{( L'inculturation ut l'incarnation de la vie et du meJ.rage cbrétiens
dans une aire culturelle conirète, en sorte que non seulement cette
expérience s'exprime avec les élémenfJ propres de la culture en question,
mais encore que cette meme expérience se transforme en un principe
d'inspiration, à lafoi: norme et[oree d'unijù'Cltion, qui transforme et recree
œtte (ulture, étant ainsi à l'ongine d'une nouvelle creation )}.
Ce dernier concept sert désormais de boussole à ce que
l'on peut appeler le dialogue entre les cultures des anciens
pays de mission et le christianisme. L'inculturation étant le
dernier volet de ce processus, l'objectif principal de ce livre
est de montrer ce que recouvre le vocable « art chrétien
inculturé» aujourd'hui en Afrique. Quelles articulations
peut-il y avoir entre l'art chrétien en général et l'art africain ?
Quel est l'intérêt de représenter un Christ ou une Vierge
avec des traits africains? Comment ces représentations sont-
elles reçues par les chrétiens locaux? Telles sont les
questions essentielles posées aux initiatives d'inculturation de
l'art chrétien en Afrique. Elles sont examinées en majorité
par le biais d'œuvres chrétiennes inculturées du Bénin.
Pourquoi l'exemple du Bénin ?

5 Voir Chanson l'. (Collectif 2001 : 165). Voir aussi] .abbé Y. (*2006: 205-215).

9
L'une des raisons est la production importante d'œuvres
d'art chrétien local en provenance du pays. Ce constat n'a
rien de définitif dans la mesure où il ne tient compte que des
sources documentaires. Par exemple, dans le répertoire
dressé par Josef Franz Thiel, les pièces de sculpture de
provenance béninoise représentent un nombre d'objets bien
supérieur à celui des pays africains comme le Nigeria, le
Congo ou le Malawi, où pourtant l'art chrétien a été
suffisamment encouragé par la création de centres de
production promus par les Européens. La production d'art
chrétien béninois s'opérant de manière éclectique et plus ou
moins spontanée - absence d'une action de coordination
explicitement connue - montre une spécificité au regard la
prolixité des œuvres en provenance de ce pays.
Enfin, selon Josef Franz Thiel, l'art chrétien africain
aurait vu le jour pour la première fois en Afrique de l'Ouest
chez les Fon d'Abomey (famille du sud du Bénin fondateur
du royaume de Dahomey) et les Yorouba de Kétou (famille
d'Afrique de l'Ouest dont les origines se trouvent au
Nigeria)". Cette assertion est confirmée par les collections
du « Musée Africain» de la Société des Missions Africaines
de Lyon. Le musée détient, en France, le plus grand nombre
de collections d'objets d'art chrétien d'Afrique de l'Ouest.
Parmi ces objets, les plus anciens sont de provenance
béninoise. 1915 est la date de la plus ancienne pièce en laiton
que nous avons recensée et 1920 pour celle en bois.
Il faut noter que les affirmations qui sous-tendent les
caractéristiques et les enjeux de l'art africain que nous allons
développer dans ce livre sont fondées sur des œuvres d'art
chrétien inculturé que nous avons rassemblées, notamment
au Bénin. Compte tenu de leur nombre important, elles ne
pourront pas être livrées ici. Nous ferons en sorte que le
lecteur n'ait pas besoin de les avoir toutes sous les yeux pour

6 ThielJ. F. et /ldfH. (*1984: 181).

10
saïsir nos propos. Cependant, certaines caractéristiques
évoquées dans la première partie peuvent manquer
d'exemples en raison du catalogue d'œuvres qui fait défaut.
LES CARACTERISTIQUES DE L'ART
CHRETIEN INCULTURE

Qu'est-ce que l'art chrétien inculturé ? La réponse à cette


question passe avant tout par la détermination des formes,
des matériaux, des techniques, des styles et des canons de cet
art.
L'art chrétien africain évoque un jeu d'influences voire
d'interdépendances entre la tradition iconographique
chrétienne et ce que l'on peut appeler l'art africain. Ôter un
aspect revient à abandonner une identité. Les critères qui
permettent de reconnaître à une œuvre son identité
chrétienne africaine sont les références aux formes, styles et
canons de « l'art africain »lui-même. Compte tenu de son
ancienneté, l'art chrétien occidental n'a de cesse d'influencer
par ses formes l'art chrétien africain, constituant pour celui-
ci une source où puiser. Les niveaux de ces emprunts sont
multiples, allant de l'emprise qu'exercent les commanditaires
européens sur les producteurs à la simple question de la
volonté des producteurs de se conformer aux canons de l'art
chrétien lui-même. Enfin, nous serons au cœur de la
question de la définition de l'art chrétien inculturé par
l'établissement des paradigmes qui le gouvernent. La
nouveatlté de l'art chrétien des pays de mission impose
d'établir des modèles d'adaptation qui le caractérisent. Ceux-
ci définis en termes de gradation auront pour intérêt de
constituer un canevas pour l'étude de l'art chrétien dans les
pays de mission.

13
Alignement de l'art chrétien africain sur l'art local

En Afrique, il n'existe pas un type d'art que l'on pourrait


dénommer « art africain »7.L'art est intrinsèquement lié à des
aires ou contrées données qui ont su développer une
tradition artistique. Ainsi, l'on peut parler de l'art sénoufo,
dogon, fon etc. Mais dans la multiplicité des aires culturelles
et des régions, dans la diversité des formes d'expression
artistiques et plastiques, il y a des caractères récurrents qui
permettent d'attribuer une « identité» à l'art. Les caractères
identitaires évoqués se développent dans trois domaines
habituels: le style traditionnellement utilisé, le matériau de
prédilection et la technique perpétuée par les types d'art.
L'identité des arts africains, nous semble-t-il, se construit à
travers la plupart de ces caractéristiques. L'art chrétien
africain s'est frayé un chemin en adoptant les différents types
et formes des arts locaux. Les thèmes chrétiens se déploient
à travers matériaux, techniques, styles et canons des arts
traditionnels.

Appropriation des matériaux traditionnels


L'importance du matenau dans l'art africain est
considérable. Les matériaux dans lesquels l'art africain
s'exprime sont indissociables de la tradition artistique. Il est
par exemple inconcevable pour un Hountondji du Bénin de
déployer son savoir-faire dans un autre matériau que le
laiton. De même, le yorouba de Kétou, pour sculpter une
statue, préfèrera le bois à tout autre matériau.
En effet, des raisons géographiques et géologiques
déterminent l'usage d'un tel ou tel type de matériau8.

7Voir à ce sujet, Willett F. (*2004: 9).


8 Scion les historiens de l'art africain, il semble avoir une corrélation entre le
matériau d'usage et l'emplacement géographique des populations à tradition
artistique. l'ar exemple, les peuples d'Afrique occidentale situés en lisière de forêt

14
L'attachement au matériau apparaît donc comme un élément
déterminant de l'identité d'un art. Malgré l'accessibilité
actuelle du marché des matériaux, les artistes tiennent pour
patrimoine inaltérable le matériau dans lequel ils ont acquis
leur savoir-faire. On peut noter trois principaux matériaux:
la terre cuite, le laiton et le bois, le matériau d'art le plus
répandu de l'Afrique noire. L'essentiel des œuvres d'art
chrétien recensées a été réalisé dans ces mêmes matériaux.
En Afrique noire, on a retrouvé des terres cuites dans de
nombreuses parties du continent, mais elles sont
généralement isolées et non apparentées à une tradition
durable. Cependant, la découverte en Afrique de l'Ouest de
la plus ancienne tradition sculpturale, permettant d'observer
l'évolution de la sculpture sur une période de deux mille
cinq cents ans, révèle des œuvres ayant essentiellement pour
matériau la terre cuite. Au Centre-Nord du Nigeria, dans le
village du Nok, ont été exhumées à grande échelle des têtes
de figures humaines et animales pouvant remonter à 440 av.
J .-c. Si certains auteurs soutiennent la primauté du bois sur
la terre cuite dans le développement de la sculpture noire
africaine, il faut reconnaître l'utilisation antique de ce type de
matériau dans l'art africain".
Le laiton est un alliage de cuivre et de zinc aux
proportions variables. Il contient également d'autres métaux
comme le plomb ou l'étain. Le laiton est connu depuis la
préhistoire, les Grecs l'utilisaient dans l'Antiquité. En raison
de sa malléabilité, il est utilisé pour l'exécution des objets
d'art. Il est utilisé par plusieurs familles d'artistes en Afrique
subsaharienne. Le laiton est le matériau de prédilection des
Fon d'Abomey. Il est connu des Hountondji depuis le
XVIIIe siècle voire antérieurement comme principal support
d'expression de l'art de cour du palais royal d'Abomey. La

qui ont cu à leur disposition d'irnportantcs réserves de bois ont pu développer


une tradition de sculpture sur bois. Voir Willctt Jo". (*2004 : 23-24).
9 Cf. Willett Jo". (*2004: 68) ct Boyer .\-~l. (*2006 : 30-36).

15
fonction des sculptures en laiton a donc été essentiellement
héraldique durant la période de la royauté d'Abomey, c'est-à-
dire jusqu'en 1894.
Parallèlement au laiton, le bois s'impose comme le
matériau dans lequel la plupart des œuvres chrétiennes
africaines prennent corps. Il est la matière qui domine dans
la sculpture traditionnelle africaine. L'utilisation du bois dans
la sculpture africaine est très ancienne. Elle serait antérieure,
selon certains auteurs, à la plus ancienne tradition sculpturale
africaine connue dont le déploiement s'est effectué dans les
sculptures en terre cuite de Nok (Nigeria). Selon les
défenseurs de cette thèse, l'observation dans certaines
sculptures de Nok de formes purement géométriques qu'on
s'attendrait plutôt à trouver exécutées sur bois entérine l'idée
selon laquelle l'utilisation du bois a précédé la technique de
la terre cuite. Il semble donc que les terres cuites de Nok
soient issues d'une tradition de sculpture sur bois inconnue
dans la mesure où, à cause de l'incurie ou de la
désagrégation, aucun spécimen n'a été conservé": Au cas où
cette conjecture serait avérée, on ignore tout de même à
quand remonterait cette tradition. Par ailleurs, la permanence
de ce matériau dans toutes les régions négro-africaines de
tradition artistique dénote la primauté du bois dans l'art
africain. La prolixité numérique des sculptures en bois sur le
continent constitue une preuve essentielle de cette assertion.
En général, la pièce de bois à sculpter est choisie avec
beaucoup de précautions. Les sculpteurs utilisent
habituellement un bois léger comme le bois du fromager
pour la fabrication des masques. Cependant les bois denses
comme le bombax, le ricinodendron ou l'iroko sont réservés
à la statuaire. Il faut noter que l'ébène est aussi utilisée mais
ce bois est préféré pour les objets destinés au marché
touristique. Dans la réalisation des œuvres, le sculpteur

10 Willctt F. (*2004 : 68) ct Boyer .\-M. (*2006: 30-36).

16
travaille en taille directe avec des outils rudimentaires:
couteau, gouge, herminette. Puis il opère des finitions:
patine, couleurs dans certains cas. L'une des caractéristiques
primordiales de l'utilisation du bois dans la sculpture
africaine se trouve dans les pièces monoxyles, taillées dans
un seul bloc de bois où les rajouts sont rarement admis.
Les différentes considérations ci-dessus évoquées
s'appliquent à l'art chrétien local. La prééminence du bois est
manifeste. Tout comme pour le laiton, les régions ayant
gardé comme matériau traditionnel le bois ont reporté leur
savoir-faire dans la réalisation des pièces chrétiennes en
mettant un point d'honneur à utiliser leur matériau de
prédilection.

.Assimilation du techniques traditionnel/ex


De façon générale en Afrique noire, les techniques
utilisées en sculpture sont le modelage et la taille directe.
Elles impliquent souvent des matériaux différents (la terre
cuite, le fer, le bronze, la pierre, l'ivoire, l'or, l'argent et le
bois) qui contribuent à diversifier les styles. En Afrique
subsaharienne, la sculpture reste dans une ligne de tradition
appelant une variété de procédés se conformant aux deux
techniques principales de la sculpture évoquées. Tout
comme les matériaux d'expression, les procédés participent à
la pérennisation d'un tel ou autre type d'art local. Les
procédés de réalisation d'œuvres se transmettent de
génération en génération par des castes d'artisans. Ainsi
selon la technique utilisée, il est aisé de repérer la provenance
d'une œuvre.
Restant dans la même ligne que la sculpture
traditionnelle, la sculpture chrétienne locale a trouvé forme
par des techniques souvent ancestrales en usage chez les
sculpteurs locaux. Si l'application des procédés traditionnels
peut être considérée comme tacite dans la volonté

17
d'inculturation de l'art chrétien, la volonté de certaines
initiatives allant jusqu'à ressusciter des procédés parfois
tombés en désuétude est notable. Par ailleurs les procédés
inhérents à l'art traditionnel africain et repris par l'art
chrétien local sont en l'occurrence la technique de la cire
perdue, le modelage des bas-reliefs, la technique de la taille
directe des portes sculptées et l'usage de la polychromie.

Reprise des styles, canons et !Jmboles


Style, canon et symboles sont des éléments essentiels à
l'identité d'une œuvre d'art africain. Le style est ce qui
permet de relier une œuvre à un auteur, à un groupe, à une
aire géographique et artistique. Les canons- facture,
proportions, attitudes, traitement du visage ... - sont
l'expression de traditions stylistiques bien définies en relation
avec différents groupes ethniques. Chaque tradition
artistique utilise des motifs, des thèmes, des signes
graphiques et des symboles propres à son univers culturel.
L'utilisation de ceux-ci fait partie intégrante de l'œuvre d'art
et lui attribue son identité. Comme l'affirme l'universitaire
belge Vanessa Mastronardi : « Dans l'art africain, chaque œuvre
est un {Ymbole, un signe lisible porteur d'un message »11. L'adoption
de différents styles locaux, des canons de l'art traditionnel et
de l'intégration de symboles locaux dans l'exécution d'une
œuvre d'art chrétien se révèlent alors un aspect important de
l'inculturation.
À l'instar du matériau et de la technique, le style est
considéré comme un héritage artistique par lequel l'artisan se
situe dans la lignée de ses prédécesseurs. L'art se distingue
peu de l'artisanat dans les sociétés traditionnelles africaines.
La différence entre l'artisan et l'artiste est souvent
imperceptible. Le sculpteur hérite du métier. Le Père

Il Mastronardi V. (*2006 : 95).

18
transmet à son fils les caractéristiques inhérentes au savoir-
faire dont il a été lui-même légataire. Comme un patrimoine
à sauvegarder, il lui transmet le métier sans risque
d'altération12• Ainsi, un même style est perpétué depuis des
générations dans des confréries et castes locales. Le style
devient ainsi le lieu même de la pérennisation d'un type d'art.
Avec la perpétuation du style ancestral, l'artiste se donne une
identité et une légitimité artistiques. La transmission d'un
style donné assure dans une certaine mesure, en termes de
savoir-faire, le lien entre plusieurs générations. On
comprend ainsi l'intérêt primordial que suscite la
pérennisation du style voire de la tradition non seulement
dans l'art mais aussi dans la culture africaine.
Pour ce qui est des thèmes et de leur rôle dans l'art
africain, ceux-ci sont parfois tenus comme partie intégrante
de la tradition artistique africaine. Ainsi, il y a certains
thèmes comme les ancêtres, les masques etc ... qui sont par
tradition repris et pérennisés dans la statuaire africaine. En
marge des thèmes éponymes, l'une des particularités de l'art
béninois par exemple réside dans la représentation de scènes
de genre13• Ainsi, les thèmes de pêche, de marché, de travaux
champêtres et parfois d'animaux parcourent l'art aboméen'".
Ceci a peut-être permis à l'art chrétien local d'émerger au
Bénin. La plus ancienne œuvre béninoise d'inspiration
chrétienne connue est une sculpture en laiton d'Abomey
datant de 1915. Il s'agit de la figure 1 représentant un évêque
en visite accompagné de sa suite (religieuse, prêtre et laïcs)
en pirogue. Le motif de la pirogue est récurrent dans l'art
aboméen. Quoique formulé en termes d'hypothèse, il est
possible que les missionnaires SMA aient pu profiter de la
notoriété de l'art aboméen au vu de son développement de

12 Cf. Collectif (*2009).


J3 v oir Real D. (* 1920).
14 Real D. (*1920). En cc gui concerne les représentations J'animaux Jans l'art

béninois, voir Mercier l'. (* 1951 : 93-103).

19
scènes de genre pour faire émerger un art chrétien local.
Ainsi, le motif profane de la pirogue associé au thème de
l'Eglise Navire1s de l'art chrétien occidental a pu donner
naissance à la première œuvre d'art chrétien béninois
nommée « visite pastorale d'un évêque ». Cependant, comme
le thème de l'Eglise Navire est peu répandu dans l'art
occidental, il pourrait s'agir de la représentation d'une scène
de genre à laquelle le missionnaire commanditaire aurait
voulu joindre des personnages du clergé chrétien s'inspirant
ainsi des thèmes développés par l'art aboméen.

l'lgure 1, Visite pastorale d'un éve"que

15 «Le thème de l'Eglise Navire a été traité par Giotto dans sa célèbre mosaïque

de saint Pierre de Rome; mais il en a très peu d'autres, entre le début XIVe et
début XVIe»: Boespflug F. (*1995: 10-11).

20
Le rôle des symboles dans les cultures africaines est
substantiel. Reconnaître cela amène à mieux appréhender la
culture africaine car comme en témoigne Clémentine Faik-
N'Zuji, les modes de vie négro-africains sont orientés vers le
côté pratique et utilitaire des symboles, accordant
essentiellement la priorité à leur fonction et à leur efficacité
dans la vie sociale et religieuse16• Par l'affirmation suivante,
l'ethnologue Marcel Griaule reconnaissait déjà le rôle
prépondérant des symboles chez les peuples noirs africains:
« Le .rymbole ut le chemin qui non seulement mène à la
compréhension du dires, actes et materiels disparates ou apparemment
incohérents, mais encore,par le jeu du correspondances, foit découvrir
d'autres dires et d'autres adeJ~jamaù révélésdirectement.Le .rymbolùme,
.vez les Noirs, ut un langage et une écriture dont les arcbiues sont
.-onstituéu non seulementpar d'innombrables signes éphémères,mais par
tout le matériel mobile ou fixe, par /'infrastrudure, la voûte dleste, les
rites, lu techniques et d'une manière générale par toutes les adivitéJ
humaines etpem:ptibles ou supposéeJpar les bommes » 17.
De même que le symbolisme envahit toutes les activités
de l'Homme africain, les symboles, vecteurs de sens,
interviennent dans la vie sociale et religieuse". Ce que l'on
considère en Occident comme des objets d'art africain sont
les principaux lieux de déploiement des symboles. La plupart
de ces symboles ont une signification déterminée. Il faut
cependant remarquer que de nos jours, dans l'art africain,
malgré leur provenance des répertoires de signes graphiques
ou de symboles dont les noms et les significations sont bien
connus, les symboles sont d'abord utilisés à des fins
décoratives". Le cas des chemins de croix réalisés par
l'artiste béninois Tidjani dans l'église Saint Benoît de Toffo
(Sud du Bénin) est flagrant. Les œuvres déploient un
nombre important de signes graphiques dont certains sont

16 Faïk-N'Zuji C. (*2000: 12).


17 Griaule:\1. (*1952: 9).
18 Voir éhralcment Dcspincy E. (*2003: 92-93).

19 Cf. Faïk-N'zuji c., (*2000 : 106).

21
récurrents dans la sculpture africaine. Les chevrons, par
exemple, représentent la communication, les relations, le
lien20. Dans les œuvres de Tidjani, les chevrons et les autres
signes graphiques sont probablement des motifs décoratifs
et essentiellement utilisés dans ce but".
En marge des signes graphiques souvent utilisés à titre
décoratif, on note la présence de symboles issus de la
tradition culturelle, politique et religieuse dont le sens est
parfois de notoriété publique.
La correspondance de ces symboles avec les réalités de la
foi chrétienne est un problème que nous soulèverons plus
loin. Toujours est-il que leur insertion dans l'art chrétien est
une manière de faire appel à ce qu'il y a de fondamental dans
la vie sociale, culturelle et religieuse du pays.
Somme toute, considérant les aspects développés dans
cette partie, en reprenant les formes, styles et autres
caractéristiques des arts locaux, les œuvres inculturées
dénotent une volonté d'assimilation du fond traditionnel et
culturel africain. On peut y voir la preuve même d'une
interdépendance nécessaire entre les arts locaux et la
tradition iconographique chrétienne, condition d'existence
de l'art chrétien inculturé.

Attachements aux formes de l'art chrétien occidental


Pour endosser le qualificatif « chrétien », l'art africain se
voit lié à l'art chrétien occidental par plusieurs aspects. Trois
facteurs déterminent l'attachement de l'art chrétien local à
certaines formes de l'art chrétien occidental. D'abord, à
certains égards, l'art chrétien africain se rapproche de son
pendant occidental par l'action des commanditaires. Ensuite,

20 Faïk-N'zuji C. (*2000 : 122).


21 Comme le remarque Clémentine Faïk-Nzuji, certains artistes modernes ne
saisissent plus actuellement la portée des signes et symboles. Faïk-N'zuji C.
(*2000 : 102).

22
il montre sa dépendance par l'emprunt de certains sujets et
les fonctions de la tradition iconographique chrétienne.
Enfin, l'influence de l'art chrétien occidental se révèle dans
la reprise par l'art africain des procédés et techniques mises
en œuvre dans l'iconographie occidentale depuis des siècles.

L'emprùe des commanditaires européens


Les commanditaires des œuvres d'art chrétien africain
sont issus de divers horizons, mais leur action est toujours
prépondérante. Par exemple, en tant que pays de mission, le
Bénin a vu l'essor d'un art chrétien local en partie grâce aux
initiatives des missionnaires européens=. En s'inspirant de
l'art traditionnel, ils ont permis aux artisans locaux de
donner forme à des thèmes chrétiens. Toutefois, les artistes
ont parfois eu recours à des modèles occidentaux fournis par
les commanditaires.
Si la tendance générale est à la réalisation d'œuvres
tributaires de l'art chrétien occidental en raison de
l'intervention des commanditaires, il faut remarquer des
divergences au niveau de l'influence. On peut en général
déterminer deux sortes d'influence exercées par les
commanditaires sur les artistes: l'influence directe et
indirecte.
L'influence directe s'exerce par l'apport matériel de
modèles à suivre dans la réalisation des œuvres. Il s'agit
essentiellement des cas où un modèle à respecter est soumis
par l'entremise d'images ou de photos. Les objets adoptant
un schéma de composition obstinément occidental ont
souvent pour modèle une image. Par ailleurs, l'indice qui
révèle la reproduction ou l'inspiration à partir d'un modèle
est le vêtement de type occidental des personnages.
Un autre cas relevant de manière plus probante d'une
influence directe est celui de la réalisation de l'ébauche par le

22 Voir notre livre sur l'émergence Je l'art J'inspiration chrétienne au Bénin,


L'Harmattan, 2012.

23
commanditaire et soumise au sculpteur. Il s'agit entre autres
des œuvres dont nous avons pu apporter les preuves de
reproduction à partir du modèle fourni par le
commanditaire. Dans les cas d'influence directe des
commanditaires, pour l'exécution des œuvres, les artistes
n'ont eu qu'à matérialiser l'ébauche sur le bois. Il s'agit là
d'une forme apparemment exacerbée d'influence des
commanditaires laissant peu d'opportunité à l'auteur
d'exprimer sa liberté artistique.
L'influence indirecte concerne les cas où il n'y a pas de
support matériel comme modèle pour la réalisation des
oeuvres. L'influence du commanditaire s'exerce alors par des
recommandations orales'", Dans ce cas, les œuvres sculptées
exposent un canon majoritairement traditionnel de l'art local
et déploient, en rapport avec les schémas partiellement
occidentaux, des compositions peu ou prou inculturées.
On comprend alors que l'action du commanditaire soit
déterminante dans la réalisation de certaines œuvres.
Cependant, les interventions des commanditaires quelles
qu'elles soient, empêchent dans une certaine mesure la libre
expression de la liberté artistique des producteurs. Il s'agit là
de l'un des points d'achoppement des entreprises
d'adaptation de l'art chrétien local. Peut-on encore parler
dans ce cas précis d'art inculturé? La liberté des artistes
locaux prévaut dans la production des œuvres. Ils ont
l'inspiration nécessaire, au de leur savoir-faire et de leur
connaissance plus approfondie des cultures locales, de
produire des œuvres capables de témoigner de l'inculturation
sur le plan iconique.

23 Le cas s'observe le plus pour l'émergence de l'art chrétien en "Urique. La


plupart des initiateurs d'art chrétien africain avouent avoir procédé de manière
indirecte, par des orientations orales, pour passer commande auprès d'artisans
locaux. A ce sujet, on peut lire une interview l'un des initiateurs d'art chrétien
ivoirien, Père Derr L. (*2007 : 12-13).

24
Confof7J1itéJ à l'mt chrétien
Il est des lieux où l'art chrétien occidental et l'art chrétien
africain se rejoignent et se déclinent des mêmes manières. Il
s'agit des conditions nécessaires à l'appellation d' « art
chrétien». Elles résident selon nous dans les thèmes et les
fonctions de l'art chrétien. Le caractère dirimant de ces
éléments oblige l'art chrétien africain à les intégrer dans les
réalisations.
Le thème est un élément essentiel de l'art chrétien. S'il est
indifféremment utilisé pour désigner le titre ou le sujet d'une
œuvre, le thème est, selon la définition qu'en donne François
Boespflug, « tin Jttper-J/!jet fédérant pltlJiettrJ Jt(jetJ »24.Le thème
résulte d'une définition rapide du sujet ou de la description
résumée de ce qu'on peut voir sur la représentation. Parce
que l'art chrétien tend à remplir des fonctions religieuses
données, le rôle du thème est précis et rarement anodin. Un
tableau religieux se prêtre aisément à dénomination: une
.Annonaation se distingue d'une Pietà. Au-delà de leur
composition différente, la première est destinée à
l'enseignement d'un élément fondamental de la foi
chrétienne, l'incarnation et la seconde est réservée à la
dévotion ou à l'édification de la foi du fidèle.
Les œuvres d'art chrétien inculturé répondent en général
aux critères de dénomination élaborés peu à peu par
l'histoire de l'art chrétien en Europe". Ainsi, on a une
reprise des sujets récurrents de l'art chrétien occidental:
l'Adoration de l'Enfant, laf'/Iite en Eypte, le Bapteme dtl Christ, la
Péche miraculeuse, Le pa1l1lre Laeare et les chiens, le Reniement de
Pierre, le Christ en croix, la Vie~e à l'Enjànt, les Saisus etc ...

24 Bocspflug 1:. (*2008: 524).


25 Nadeijc Lancyric-Dagcn remaryue <lue la dénomination d'une œuvre s'est
forgée peu à peu dans l'histoire de l'art occidental. jusqu'à l'invention des Salons,
à la fin du X"lIe ct au X"lIle siècle, les peintures n'ont pas de titre au sens où
nous entendons cc mot actuellement. Cf. Lancvrie-Dagcn N. (*2006: 5).

25
Cependant, des thèmes moins fréquents s'y retrouvent
également.
Dans la tradition chrétienne catholique, on reconnaît trois
rôles aux représentations visuelles dans la transmission de la
foi et des traditions chrétiennes. Ces rôles sont reliés à la
triple fonction didactique, dévotionnelle et mnérnonique'",
Ces trois fonctions reviennent avec insistance. En prenant
en considération les œuvres que nous avons réunies, on peut
répartir les fonctions les plus apparentes en :
- Fonction didactique: Le but est d'enseigner le message
biblique aux Venants à la foi. En témoignent les œuvres des
églises de Toffo et notamment des portes sculptées de
l'église du monastère.
- Fonction cultuelle: Il s'agit des objets qui sont utilisés
pendant le culte comme les tabernacles, les ciboires, les
calices, les ostensoirs etc.
- Fonction dévotionnelle: Elle concerne les Vierges
exposées dans les églises. Mais à côté de cette dévotion qui
s'avère publique, il yale cas des commandes privées
destinée à la dévotion strictement privée.
- Fonction de décoration ou d'ornementation: Elle peut
être publique ou bien privée. Dans le cas du public, il y a les
œuvres exposées dans les églises qui jouent plusieurs rôles
dont celui d'ornementation. Parallèlement, se développe la
fonction décorative privée réservée surtout aux œuvres
vendues sur le marché de l'art et qui sont seulement
destinées à cette fonction. Elles sont avant tout désirées
pour leur esthétisme. Pour cela, elles sont exposées dans les
maisons pour y être admirées comme objets de décoration.
Ces cas sont tout de même mineurs.
En marge des fonctions que nous venons de relever, on
peut relever d'autres pour certaines œuvres. Il s'agit des
fonctions de propagande, de monstration ou de promotion

26 Voir Bocspflug F. (*2008: 112,118 ct 457).

26
de la culture du pays à l'extérieur. Ces cas feront l'objet d'un
examen plus approfondi plus loin.

Survivance desformes de l'art chrétienoccidental


Les œuvres de l'art chrétien répondent à des
caractéristiques qui au fil des siècles se sont fixées et
imposées. Par convention, par exemple, une Madone est une
Vierge cadrée à mi-corps et seule avec l'Enfant; la Vie~e à
l'Enfant devient Vie~e en MqjeJté dès lors qu'elle est assise sur
un trône, entourée d'anges et de saints'", La stabilité d'un
schéma de composition a souvent donné naissance à un type
iconographique. La découverte d'une technique donnée a
permis l'éclosion d'une succession d'œuvres reprenant la
même technique. En exemple, la technique de la perspective.
Ces éléments qui ont peu à peu contribué à l'évolution de
l'art chrétien en Occident se retrouvent en partie dans les
œuvres réunies comme s'ils en étaient les fondements. Nous
en avons repéré trois qui témoignent de la reprise voire de la
reproduction d'œuvres ou de formes de l'art chrétien
occidental. Il s'agit de la résurgence des styles vestimentaires
occidentaux chez certains personnages, de l'usage du
procédé de la perspective et du schéma de composition
occidental de certaines œuvres.
La présence de certains styles vestimentaires occidentaux
dans les représentations locales est un indice de
reproduction ou d'inspiration de modèles européens.
Certains styles vestimentaires de personnages constituent des
constantes dans l'art chrétien occidental. Dans un Christ en
croix, le peri~onitlm est le vêtement habituel. De même, on ne
peut imaginer dans nombre de cas la représentation de J ean-
Baptiste sans la tunique de peau de chameau ou de peau de
mouton qui est un attribut essentiel dans la représentation

27 Cf. Laneyric-Dagcn N. (*2006 : 6).

27
du personnage dans l'art occidentaex• Si l'adoption des types
vestimentaires occidentaux montre l'inspiration ou
l'attachement aux formes de l'art chrétien occidental, dans
certains cas, leur reprise relève d'une simple reproduction de
modèle.
Depuis la découverte des règles de la perspective par
Filippo Brunelleschi (1377-1446), la technique qu'il a mise en
place, c'est-à-dire la manière de reproduire graphiquement
l'éloignement et la profondeur d'un objet ou d'un paysage,
n'a cessé de séduire les artistes occidentaux. La technique de
la perspective a connu un essor surtout à la Renaissance et
au cours de la période moderne. Pendant cette période et
plus tard, sauf quelques exceptions, l'art de donner l'illusion
de la profondeur a été reproduit sur plusieurs formes. Ainsi,
on peut distinguer la perspective de réduction, la perspective
empirique, la perspective centrale, les anamorphoses, la
perspective classique, la perspective linéaire etc29•
L'usage du procédé de la perspective est observable sur
certaines portes sculptées de Toffo. Puisqu'il s'agit de
sculpture sur panneaux de bois, le procédé a pu y trouver
place.
Par définition, le schéma de composmon est
l'organisation habituelle d'un sujet en surface ou en
volume", Dans l'art chrétien occidental, le schéma de
compOSItion a souvent servi a la détermination d'un type
iconographique". La connaissance du schéma de
composition de certains thèmes de l'art chrétien occidental

28 Voir Mâle E. (*1951 : 53-61).


29 Pour la définition de ces différentes formes de perspective, voir Laneyrie-
Dagen N. (*2006: 77-93).
30 Boespflug F. (*200S : 523).

31 Le type iconographique est une "formule d'image relativement stable, dans le

cadre d'une L'Poque ou d'une école, faite de motifs principaux disposés suivant
un même schéma de composition et régissant un ensemble d'œuvres ayant le
même sujet». Boespflug F. (* 200S : 525).

28
permet d'identifier des cas de reprIse dans l'art chrétien
africain.

Modèles d'inculturation

L'analyse des œuvres que nous avons recensées conduit à


conclure à une tendance générale à l'adaptation de l'art
chrétien africain au contextes culturels locaux tout en restant
tributaire des schémas et sujets de l'art chrétien occidental.
Par rapport à l'art chrétien dans les pays de mission,
parallèlement à l'adaptation, apparaît un terme souvent
usité sans considération adéquate et qui suggère un niveau
supérieur à celui de l'adaptation. Il s'agit de l'inculturation,
terme en vogue depuis le Concile Vatican II dans toutes les
problématiques liées aux missions catholiques.", Pour
reprendre la définition qu'en donne François Boespflug sur
le plan iconique, on entend par inculturation « les formes d'art
nëes de la réception locale de l'Evangile, qfJranchies de l'imitation ou de
l'adaptation des modèles importés et par consëquen: capables de produire de
nouveaux slijets ou de déterminer de nouveaux schémas de composition et de
nouveaux usagu»'·. BD ans l'e cas qU1 nous occupe, il"d
s agtte
déterminer sa portée dans l'art chrétien dans les pays de
mission en général et en Afrique en particulier. Dans ce
dessein, l'élaboration des paradigmes de l'art chrétien
inculturé en termes de degrés d'adaptation paraît nécessaire.
De l'analyse des œuvres se dégagent des tendances
susceptibles d'être classées en catégories. Ainsi, trois
catégories s'offrent à nous et ce de manière graduelle:
l'adaptation de forme ou de surface, l'adaptation dite
d' « accoutumance» et l'inculturation:l4• Ces différentes
catégories peuvent se constituer en niveaux - et non en

32 l'our appréhender de manière synthetique la définition et les problematiques


liées à l'inculturation, on peut se référer à Pcclrnan .\. (*2007).
33 Hoesptlug 1". (*2008: -156).

34 l'our la définition et le contenu de ces différentes catégories, voir irfra.

29
modèles - car le terme «niveau» renferme, à notre avis,
l'idée d'une valeur de gradation à partir de laquelle un
modèle peut être remarqué. Ceci a pour but de permettre
une certaine flexibilité et non une fixation des paradigmes
car ces derniers sont appelés à évoluer et évoluent déjà dans
le développement de l'art chrétien africain.

Premier niveau d'adaptation, l'adaptation de ssoface


Cette partie relève de la première catégorie définie,
l'adaptation de forme ou de surface. On entend par
adaptation de surface des œuvres profondément tributaires
des schémas occidentaux mais ayant fait l'objet d'une
accommodation au niveau des traits des personnages, des
vêtements et du décor ou cadre des scènes. Au sein même
de cette catégorie, il paraît à la fois possible et souhaitable
d'émettre une idée de gradation en déterminant
respectivement un premier, un deuxième et un troisième
degré d'adaptation de surface qui sont respectivement les
traits, les vêtements des personnages et le cadre dans lequel
s'insèrent les scènes.
L'adaptation des traits des personnages est celle qui
concerne la quasi-totalité des œuvres. Il est la détermination
première d'un art de facture locale. La référence aux traits
des personnages permet, à première vue, de parler d'un art
chrétien d'origine locale. S'il n'est pas exclu qu'un Africain
réalise une œuvre de facture résolument occidentale ou
qu'un Européen exécute un thème chrétien avec des
personnages africains, ce sont les traits des personnages qui
témoignent de la facture d'origine de l'œuvre dans une phase
pré-iconographique de l'observation. Ainsi aucune volonté
d'adaptation de l'art chrétien ne peut passer à côté de ce
pre1TI1erniveau.
Lorsque les personnages sont représentés avec des traits
africains, les œuvres révèlent une certaine harmonie quand
ils sont vêtus de tenues locales. Le choix des vêtements de

30
facture locale, en lien avec les traits physiques des
personnages, renforce l'adaptation des représentations. Cela
se remarque dans certaines représentations montrant des
modèles vestimentaires locaux - pagnes à motifs africains,
chapeau des notables, vêtements des dignitaires etc ... -. Le
cas le plus représentatif se trouve dans les personnages de
« l'autel des Prophètes» de l'église de Toffo au Bénin (figure
2). Ce deuxième degré d'adaptation met en exergue l'utilité
des vêtements locaux dans les modèles d'adaptation de l'art
chrétien.
Le cadre est l'environnement dans lequel s'inscrit une
scène. Dans la statuaire, l'absence de cadre conduit à
déterminer comme degré supérieur d'adaptation de surface
les vêtements. Cependant, la série des portes sculptées de
l'église du monastère de Toffo admet l'exécution d'un cadre
au moyen de la forme du matériau utilisé, les panneaux de
bois. Toutefois, en raison de la volonté de l'artiste d'insérer
la plupart des scènes dans leur cadre biblique, plusieurs de
ces œuvres ne répondent pas au critère d'adaptation du
cadre au contexte local. Néanmoins, quand le thème le
permet, surtout quand il s'agit des représentations de
villages, les habitations traditionnelles africaines connaissent
un regain de figuration.

31
Figure 2, L'autel des Prophètes
Deuxième niveau d'adaptation, (( l'accoutumance »,

Il s'agit des démarcations par rapport à l'art européen. Le


terme « accoutumance» nous semble approprié car les
aménagements opérés concernent les postures, les gestuelles
et les accessoires liés aux coutumes et traditions locales". Ce
niveau concerne l'adaptation plus poussée des modèles
importés par l'adjonction d'éléments locaux et culturels, mais
dont la production demeure dans une moindre mesure
tributaire de l'art européen. Il s'agit là de ce que l'on peut
aussi désigner par inculturation de premier ordre.
À l'instar de la première catégorie, on peut déterminer des
degrés renvoyant à une à une idée de gradation. Ainsi on a :
1/ premier degré, adaptation de la posture et de la gestuelle
des personnages par rapport aux contextes culturels et
sociaux du pays, 2/deuxième degré, adjonction d'éléments
ou accessoires culturels, 3/ troisième degré, retouche des
schémas de composition occidentaux grâce à l'insertion d'un
accessoire culturel.
Une adaptation plus accentuée concerne la prise en
compte de certaines attitudes et pratiques. Parce que ces
gestes et attitudes sont porteurs de sens et reflètent parfois
une situation culturelle, leur insertion dans une
représentation conduit à une compréhension qui va au-delà
d'une simple adaptation des traits, vêtements et cadres. On
peut répartir en trois types les attitudes qu'adoptent les
personnages des représentations recensées. Il y a des
attitudes que l'on observe dans la vie quotidienne, ensuite
celles qui relèvent des moments importants ou des

35 Nous voyons également dans le terme «accoutumance» certains de ses aspects


iconologiqucs, En iconologie, l'accoutumance est représentée en homme âgé,
chargé d'instruments propres aux arts. Il s'appuie d'une main sur un bâton, et de
l'autre tient un rouleau avec cette devise: <<1 ':n marchant il acquiert des forces»;
viru acqnirit till/do. Une roue tourne devant lui, pour marquer qu'il tire toute sa
force de l'action.

33
cérémonies et enfin des postures significatives dont le sens
rejoint parfois celui de la foi chrétienne. Respectivement, ces
attitudes et gestes relèvent du domaine social, culturel et
cultuel.
Qui en tant que simple visiteur ou résident n'a pas déjà
été frappé par les scènes de bébés au dos de leur mère en
Afrique subsaharienne ? Le geste qui révèle le mieux une
pratique courante et quotidienne chez les Africains est celui
du portage des enfants au dos. Cette pratique fait partie
intégrante de la vie de chaque Africain.
En Afrique noire, on accorde de l'importance aux
cérémonies car elles marquent des moments de la vie. Ainsi,
les moments d'entrée et de sortie de la vie sont marqués par
d'importantes cérémonies traditionnelles. Parallèlement aux
cérémonies, des moments importants marquent la vie sociale
des Africains. Lors de la prise d'une décision concernant une
famille ou un village ou lors de la prononciation d'une
sentence, il est de règle de se réunir sous l'arbre à palabres.
Certaines attitudes sont liées à ces moments. Quelques
œuvres les livrent. Pour marquer l'importance de la
discussion de Jésus et des docteurs de la Loi, le sculpteur de
la figure 3 n'a eu qu'un moyen de signifier cela, celui
d'insérer la scène dans une ambiance proche du lieu de
parole par excellence en Afrique, l'arbre à palabres.
L'adaptation de l'œuvre provient notamment de la station
assise des docteurs. Elle est celle des hommes sous l'arbre à
palabres en Afrique. De surcroît, le geste de Jésus, l'index et
le pouce relevés, indique son rôle d'orateur comme cela
s'observe réellement dans ce genre de situation sous l'arbre à
palabres. Par ailleurs, une autre attitude, celle de Pierre dans
la figure 4, reflète une situation apparente toujours dans le
cadre indiqué de l'arbre à palabres. Chez les Fon du Bénin,

34
poslt1on assise et gesticulation de mains sont les gestes
accomplis par l'orateur principal lors d'un jugement36.

rigtlre 3, jéJtlJ et les docteurs de la Loi

36 Baducl-Marhon C (*1971: 222).

35
Egure 4, Le reniement de Pierre

La figure 5, la Vie~e à l'Enfant expose la situation d'une


cérémonie traditionnelle. On voit l'enfant allongé dans les
bras de Marie. Au Bénin, la mère présente le nouveau-né
dans cette position lors de « la cérémonie de sortie». Chez
les familles du sud du Bénin, le nouveau-né et sa mère n'ont
pas le droit de sortir de la concession familiale avant qu'on
ne procède à la cérémonie dite de sortie qui a lieu huit jours
après la naissance. Ce dernier est alors accueilli au seuil de la,
concession dans la position décrite dans l'œuvre par l'un de
ses oncles qui procède au rituel adapté à la cérémonie.

36
rlgure 5, Viet;ge à l'Enjàll/
On distingue également les postures signifiantes. On
entend par postures signifiantes des attitudes et gestes du
corps exprimant un sens dans la tradition du pays. Ce sens
est souvent connu de tous et l'application de l'attitude ou du
geste vise à faire passer un message ou à signifier et révéler
une situation. Parfois, le sens de l'attitude adoptée rejoint
celui de la tradition chrétienne.
On peut donc distinguer les attitudes qui relèvent
uniquement de la tradition du pays. On distingue également
les postures dont le sens paraît univoque dans les deux
traditions chrétiennes et africaine. Dans la figure 6 par
exemple, le geste admoniteur de Jean-Baptiste, l'index pointé
vers le haut, s'apparente au geste de la personne qui montre
sa bonne foi en jurant sur le ciel- Dieu, Mawu - dans la
tradition fon du Bénin.

38
"f'lgtlre 6, Saint [ean-Baptiste
Par ailleurs, dans l'art africain, l'insertion d'un symbole ou
d'un élément culturel dans une représentation ne relève pas
d'une simple convention. Le fait découle habituellement des
figures de langage et y reste étroitement lié3?; Par exemple, la
représentation de l'eau (fraîche) dans l'art béninois évoque la
paix, parce que le mot fifa qui désigne à la fois fraîcheur et
paix en fon est synonyme de tranquillité, calme, placidité et
douceur. Ainsi, la représentation de symboles,
d'idéogrammes et autres éléments culturels introduit aux
différents aspects culturels du pays. Dans les œuvres
recensées, l'introduction d'éléments culturels se présente à
diverses échelles. Ainsi, on peut distinguer les objets à usage
quotidien, les objets liés aux traditions royales d'Abomey
(Sud du Bénin) et les objets de type sacré ou cultuel.
Quelques œuvres incorporent des éléments de la vie
quotidienne qui ont une fonction plus ou moins liée à celle
de la tradition chrétienne. Leur insertion confère un aspect
plus inculturé à la représentation.
Plusieurs œuvres issues de l'art d'Abomey retiennent de
manière délibérée des objets liés à la tradition royale. En
raison de leur importance dans l'univers culturel fon, leur
intégration dans l'art chrétien local relève d'une adaptation
plus poussée qui s'effectue avec sens. Plusieurs œuvres en
provenance d'Abomey intègrent à leur composition le trône
des rois. Le tabouret sur lequel est assis «le juge» dans la
figure 7 est un avatar du trône royal qui trouve sa place dans
plusieurs royautés de l'Afrique occidentale, ashanti, fon et
yorouba. La Vie~e à l'Enfant de la figure 8 est assise sur un
trône royal de type aboméen. De la sorte, l'intégration de cet
objet dans ces figures n'a rien de banal. De même que dans
la tradition judéo-chrétienne l'habit du prophète représente
sa fonction - voir l'histoire du manteau d'Elie (1 Rois
19,19) -, le trône symbolise la présence du roi dans la sphère

37 Voir Qucnum M. (*1999: 149).

40
culturelle fon. Le trône royal, même en l'absence du roi le
rend présent.

t<lgtlf'e 7, La condamnation de jéSlIS

41
Figure 8, Vie!;ge à l'Enfant
En outre, d'autres œuvres développent un symbole
politique cher à l'histoire royale du Bénin : la jarre trouée
(figures 9). Elle provient d'une image utilisée par le roi
Ghézo (1818-1858) pour symboliser l'unité du peuple
dahoméen. En effet, devant la menace que représentait la
colonisation pour le royaume, Ghézo aurait réuni toute la
population d'Abomey et leur aurait présenté une jarre ou
une calebasse trouée dans laquelle il aurait versé de l'eau.
Pendant l'action, il aurait prononcé cette phrase: ((Si cbacsn
de VOl/J, fiù de cette nation, pouoai: bot/cher lin troll arec son doigt, la
jarre retiendrait l'ea« Dès lors, l'image de la jarre trouée est
))38,

devenue le symbole de l'unité de la nation béninoise et un


emblème important du pays.

f-<lgllre9, Calice enjarre tronee

38 Qucnurn M. ("1999' 25).

43
En outre, le culte revêt une place importante dans la vie
des sociétés traditionnelles en Afrique. Il y prend
habituellement des formes extérieures qui se manifestent par
le truchement d'éléments naturels tenus pour sacrés. La
répartition de ces éléments se fait de diverses manières selon
les domaines. Ainsi, au Bénin, dans le monde animal,
l'antilope (agbanlin en fon) , la panthère (kpo) , la grenouille
(béee), la tortue (lôgôZO),la bergeronette (awo/ï-he), etc ... sont
des animaux sacrés. Pour les végétaux, le lôkô (l'iroko) et le
baobab relèvent des bois sacrés. De même, il est des cours
d'eau qui sont dits sacrés car prétendument habités par des
ondins". Par ailleurs, certains objets comme le cauris, par le
simple fait de leur utilisation traditionnelle dans certains
cultes, sont associés au sacré. Le cauris ou Cypraea moneta est
un petit coquillage importé des Îles Maldives. Le nom
viendrait du mot sanskrit kaparda ou kapardika transformé
par les Anglais en cauri ou eowri. Les cauris auraient été
amenés par les Arabes sur les côtes orientales de l'Afrique.
Ils se prêtaient à plusieurs usages", Ils constituaient la
monnaie en Afrique de l'Ouest, notamment à l'époque des
grands empires du Ghana, du Mali et du Songhaï. Une
certaine valeur religieuse amenait les prêtres animistes à
confectionner des costumes entièrement ou en partie faits de
cauris que revêtaient les porteurs de masques dans les
manifestations cérémonielles, dans les bois sacrés. Des
objets à caractère magique ou culturel, cornes, gris-gris,
fétiches étaient sertis de cauris chez le guérisseur ou le
sorcier. En Afrique occidentale, le cauris est utilisé dans la
divination appelée Fa au Bénin. Sur le plan symbolique, le
cauris est fréquemment mis en relation avec le féminin. Sa
forme étant associée à celle du sexe féminin, le cauris est

39 Pour tous les aspects liés aux éléments sacrés et leurs contenus, voir Quenum
M. (*1999: 87-90).
40 Chambord J. (*2004).

44
utilisé lors de rites de fécondité. L'utilisation du cauns
intervient dans la figure 10, Notre-Dame d'Ablodé.

t'zgtlre 10, Notre-Dame d'Ablodé (lapaix)

45
Par rapport au Fa, symboliquement, il est représenté par
le plateau de divination qui lui sert de support. On voit ce
plateau dans la figure 11. Au sens large et principalement
dans la culture fon, le Fa n'est pas un dieu; il est l'oracle, le
porte-parole des dieux. Il joue un rôle prépondérant dans la
vie sociale et cultuelle du Béninois. Pour conjurer un
malheur, savoit quelles divinités supplier pour obtenit la
guérison d'un malade, entreprendre une affaite, etc... on
consulte le ta. En sus du Fa, la figure 11 intègre dans sa
composition la barre de fer tripode de l'assen qui ici supporte
l'objet. Rappelons-le, l'assen est un objet rituel fan utilisé
dans le culte des ancêtres. Il s'agit d'un autel portatif usité
dans le Sud du Bénin pour rendre présent la mémoite de
l'ancêtre défunt. Sa forme initiale est celle d'une calebasse
munie de son couvercle et montée sur un pieu métallique
que l'on peut enfoncer dans le sol. Il existe deux sortes
d'assen: legbadota et legodokponon41•

41
Voir Adandé J., «Les Assen», http://www.epa-
prcma.nct/abomey/pcdago/assins.htm consulté le 9 juin 2012.

46
A.

"

rzgure l l , Ostensoir en platea« (( Fa» JlI17JJon/é d'une croix


Par ailleurs, il est des œuvres qui, par l'insertion dans leur
composition d'attitudes corporelles ou d'objets liés à la
culture du pays, infléchissent légèrement le schéma connu
pour le thème dans l'art chrétien occidental. On observe la
retouche du schéma de composition surtout au niveau des
compositions dont les scènes sont contextualisées. De
même, la figuration d'expressions verbales accentuées et des
postures et attitudes corporelles locales entraîne parfois la
modification du schéma de composition.
L'adaptation des compositions dont les scènes sont en
lien avec le contexte local se révèle le plus dans les
réalisations des portes sculptées de l'église de Toffo. Les
dialogues qui ont souvent lieu dans l'art chrétien africain,
rendus visibles par les représentations, entraînent parfois la
modification de la composition'f. Pour ce qui est des
postures ou attitudes corporelles de type local, il faut signaler
que celles-ci contribuent à contextualiser le thème chrétien
représenté. Ainsi, les enfants portés au dos de leur mère, les
gestes, comportements et attitudes de concession locale des
personnages déterminent l'inscription des scènes dans
l'univers culturel et social typique des potentiels
destinataires. Par ce fait, on assiste à une retouche des types
iconographiques occidentaux 43.
Dans un degré plus élevé, la singularité de certaines
représentations au niveau des schémas de composition
dénote une adaptation plus concluante grâce à des attitudes
liées à la tradition locale. Remarquons par exemple la façon
dont la Vierge à l'Enfant de la figure 12 porte son enfant.
L'enfant est attaché dans un pagne contre le ventre de sa

42 Selon Thiel dans l'art chrétien en Afrique, la plupart des scènes bibliques ne
peuvent être représentées que sous la forme d'un dialogue. «Les conversations de
Dieu avec les hommes est l'un des principaux sujets de l'art chrétien en Afrique»,
Thiel J.F. et lIeif Il. (*1984: 178).
43 Pour s'acquérir de comment les gestes, comportements et attitudes de
concession locale des personnages entraînent une inflexion des compositions, se
référer à la description des figures citées.

48
mère. Il a l'air de dormir profondément, apaisé par le contact
de sa mère. Les bras de l'enfant sont maintenus hors du
pagne comme l'exige la pratique. Cette posture change le
schéma de composition connu pour la représentation du
sujet dans l'art chrétien occidental. L'acte imposant de placer
l'enfant en face de sa génitrice renforce la tendresse de la
mère à l'égard de l'enfant car celui-ci est placé de la sorte
seulement quand la mère s'occupe de lui.

~lg/.lre12, Vie(ge à l'Erifant

49
On peut d'ailleurs remarquer que les œuvres qw se
détachent le plus des modèles européens et qui offrent
davantage de nouveautés, que ce soit sur le plan de la forme
et de la composition, sont notamment les Vierges à l'Enfant
et ce, à cause de la prédisposition à être facilement accueillies
par l'art local- voir infra, la conclusion de cette partie
intitulée « Espaces de contact entre l'art chrétien occidental
et l'art chrétien local» -. Certains sujets chrétiens permettent
aisément des modifications par leur malléabilité
schématique". Le cas le plus probant ici est celui de la figure
13 où au moment de l'Annonciation Marie est en train de piler
du mil. L'une des activités de Marie lorsque l'Archange lui
adresse le message est le tissage de .la pourpre destinée au
voile du Temple conformément au récit du Protévangile de
Jacques (11,1). Cette représentation envahit l'art
paléochrétien jusqu'au moment où un ivoire - Milan, trésor
du Dôme - apporte dès le V" siècle une nouveauté : Marie
apparaît sous la forme d'une femme allant puiser de l'eau
dans une cruche". Dès lors, l'activité de Marie lors de
l'Annonciation connut une flexibilité dans les
représentations occidentales. Ce qui a permis au sculpteur de
situer Marie dans une activité qui, à point nommé, fait le
quotidien de la plupart des femmes africaines.
Les objets et attitudes culturels intégrés dans la
composition de certaines œuvres rejoignent plusieurs
domaines de la vie culturelle locale. Plus les objets et
attitudes appartiennent et répondent à certaines traditions,
plus ils sont capables d'interpeller le chrétien local. En tout
cas, l'incorporation des objets de l'aire culturelle locale se
justifie, à notre avis, dans ce dessein. Au nombre des

44 Terme inspiré de l'hypothèse de malléabilité sémantique avancée par François


Boespflug pour rendre compte de l'adoption par les premiers chrétiens de
certains thèmes du répertoire juif et païen dont la signification semble assez
souple pour être incorporée dans l'art chrétien naissant. Voir Boespflug F.
(*2008 : 73).
45 Cf. Duchet-Suchaux G. et Pastoureau M. (*2006: 30).

50
éléments voués à ce dessein, on peut placer les symboles
locaux, qui, selon les traditions africaines, sont l'un des
noyaux des cultures noires africaines.

tlgtlre 13, L'Annonaation

51
Troisième niveau d'adaptation, l'inculturation
L'inculturation de l'art peut admettre plusieurs nrveaux
d'adaptation au nombre desquels ceux que nous avons
déterminés: adaptation de surface, « accoutumance» et
inculturation. Mais qu'est-ce que réellement un art chrétien
inculturé?
Par rapport à la définition apportée par François
Boespflug - voir supra -, on retient les points suivants:
absence d'imitation et d'adaptation de modèles étrangers,
capacités à produire de nouveaux sujets et détermination de
nouveaux schémas de composition. Il nous plaît de
reprendre dans ce troisième niveau ces trois points et
d'émettre, comme il a été le cas pour les premier et
deuxième niveaux, une idée de gradation. Ainsi, paraissent:
nouveaux sujets, nouveaux schémas de composition et
symboles en correspondance de sens avec la foi chrétienne.
Ce troisième niveau permet de supputer dans le
traitement des œuvres l'absence d'influence et d'imitation
des formes d'art européen. De même, l'adjonction de
symboles locaux, au vu de l'importance de ceux-ci dans la
culture africaine - voir supra -, confère aux œuvres un
caractère authentique qui fait grimper le niveau vers ce qu'on
peut véritablement appeler l'art chrétien « inculturé ».
Le thème ou le sujet revêt un caractère déterminant dans
l'art chrétien. Les sujets de l'art chrétien, en s'inspirant de la
Bible et de la tradition chrétienne, représentent des réalités
de la foi chrétienne nommément identiftables. L'apparition
d'un nouveau thème suppose la détermination de nouveaux
critères devant correspondre à la tradition chrétienne et
susceptibles par là de la faire évoluer, ne serait-ce sur le plan
lcomque.
Certaines œuvres que nous avons rassemblées
développent des thèmes qui n'ont pas connu une fortune

52
considérable dans l'art chrétien occidental: jéJUJ chassant tm
démon, La décollation de Saint Paul, La confession, L'Église sur
bateau avec Saint Pierre ; celles-ci révèlent quelques
correspondances avec le thème d'Eglùe-Navire de l'art
occidental.
Au niveau des titres, une particularité apparaît: certaines
œuvres exposent des thèmes connus de l'art occidental mais
avec l'adjonction d'une nouvelle mention. Par exemple,
« Ange au livre », est le titre sous lequel est présentée une
œuvre inculturée au musée africain de Lyon. La
représentation montre un ange seul, exhibant un livre, la
Bible. Le type iconographique semble absent de l'art chrétien
occidental". De même, une autre œuvre de la collection du
musée africain de Lyon porte le titre Viet~e aujiat (voir figure
14). On dénombre dans l'iconographie occidentale plusieurs
types de Vierges avec divers compléments - Viet~e à l'Enfant,
Viet~e aux angu, Viet~e d'hl/milité etc ... -. Cependant, comme
titre, la Viet~e ailjiat semble une innovation. Le complément
« au fiat » lui vient de son attitude d'obéissance caractérisée
par les mains ouvertes. Cette représentation fait donc écho à
la réponse de la Vierge à l'ange Gabriel lors de
l'Annonciation: « qt/il me soitjàit Je/on ta Parole» (Lc 1,32) ou
«ql/e ta lJOlontéj'oit faite» (Le 22,42). Dans l'iconographie
chrétienne occidentale, la posture de la Vierge lors de
l'Annonciation est souvent caractérisée par les mains jointes
sur le cœur ou croisées sur la poitrine.

46 La manière dont l'ange porte la Hiblc exclut tout lien avec le type
iconographique Je l'ange intervenant Jans certaines représentations Je Saint
Matthieu.

53
Figure 14, VieQ5e «au fiat»
De même, plusieurs types de Vierge sont connus sous le
vocable Notre-Dame de... Le titre de Notre-Dame d'Ablodé (la
paix) a été donné à la figure 10. La statue a été réalisée selon
les canons des fétiches de la fécondité et protecteurs de la
famille. Son auteur est un ancien féticheur; principal
sculpteur des fétiches de la fécondité à Ouidah et environs,
Anagonou se convertit au christianisme à l'arrivée de Marie
Baranger au Bénin (1949t7. Cette dernière fut sa marraine".
La statue fut exécutée après la conversion du féticheur. Cette
représentation a été réalisée dans un style naïf qui est celui
des représentations des fétiches fon. La traduction Notre-
Dame de la paix doit se comprendre selon l'explication
qu'en donne Marie Baranger comme l'entente, la paix
souhaitée entre les religions malgré leurs différences à l'instar
d e l' expenence
,. d'A nagonou.49
Les œuvres qui proposent un nouveau thème font
également l'objet d'un aménagement voire d'une
modification du schéma de composition. Par exemple, la
figure 15, Tele d'Adam avec croix montre un Christ en croix
implanté dans la tête d'Adam. La croix semble surgir du
crâne d'Adam. Malgré le rapprochement avec le type des
Christ en croix où la croix est montée sur un crâne d'Adam
enfoui dans le S01511, la figure présente une composition bien
différente. La tête d'Adam représentée en entier est
proportionnelle à la taille de la croix. L'œuvre semble
symboliser l'arbre de vie qui pousse du crâne d'Adam. Nous

47 Marie Haranger est une fresquiste française qui a œuvré pour le


développement Je l'art chrétien inculture Jans les pays extra-européens. En
prélude à l'exposition vaticane Je 1950, elle a effectué, sous l'égiJe Je
l'association «. \rt ct Louange» un voyage à travers divers pays Je mission afin Je
commander des œuvres pour l'exposition.
48 Voir le récit Je cette conversion Jans Haranger ~\1.(*1981 : 71).
49 Haranger 1\1.(*1981 : 71).
50 Exemple J'une icône russe du X"lIe nommée Golgotha. Voir
www.mariemaJeleine.com/Jictionnaire/ crane.html

55
nous trouverions en face d'une représentation qill
soulignerait certains traits de la sotériologie chrétienne.

~,1
'------"-===-_.._-"~j
f'zgure 15, Tête d'Adam avec croix

56
Dans la composltlon complexe de la figure 16, Saint
Michel portant lin .rymbole trinitaire, on voit un ange piétinant un
serpent. De la tête et de la queue de l'animal surgit un objet
en forme de crochet. Les extrémités du corps du serpent
sont relevées; ce qui donne à l'animal une forme en V. En
haut de l'image, trois autres serpents sont tenus de manière
ostensible par l'ange. Les serpents se mordent la queue
formant ainsi trois cercles enchevêtrés. Sur les notes de
Marie Baranger relatives à la représentation, on note qu'il
s'agit de « Saint Michel portant le symbole trinitaire des trois
serpents entrelacés »51. La représentation est inspirée du
symbole de l'OllroboroJ", le serpent qui se mord la queue. Dans
le même sens, on a la figure 17, l'OJtenJoir à l'ange de la rosace
trinitaire. Sur la figure, un ange debout sur le trône des rois
d'Abomey. Dans un geste donnant aux bras arqués une
forme de losange, il soulève au-dessus de la tête un disque
surmonté d'une croix. De part et d'autre de la croix, on
compte huit rayons proportionnellement disposés. Au milieu
du disque, dans la partie frontale, sont dessinés trois
poissons disposés en croix unis par une seule tête. La
représentation des trois poissons monocéphales sur le disque
ferait référence à la Sainte Trinitë2• Selon Stanislas
Swiderski, ce motif des trois poissons à une seule tête et un
seul ((ail de providence )) évoque ((la consubstantialité et l't/nité des
trois personnes divines )/3. Si ce motif semble avoir accueilli une
signification trinitaire, de manière explicite, dans la tradition
iconographique occidentale, la représentation de la Trinité
ou de motifs trinitaires a pris d'autres formes'".

51 Notes non classées, retrouvées dans les archives privées de Marie Beranger à
joué-Les-Tours.
52 Voir Thicl J. 1:. et 1Iclf II. (1984: 173).
53 Voir Swidcrski S. (*1982: 221).
54 l'our les differents types et schémas de composition de l'iconographie de la
Trinité voir l'etude complète de Hoespflug 1:. (*2008: 15-18; 179-187 et
notamment le chapitre septième, 197-234).

57
rzgure 16, Saint Michel portant un .rymboletrinitaire
f'lgllrt 17. Üstensoir à l'ange de la rosace trinitaire
Enfin, on peut signaler les œuvres qui développent
réellement de nouveaux schémas par rapport aux schémas
occidentaux du thème. Soulignons leur importance par
rapport aux démarcations schématiques occidentales. La
ftgure 18 par exemple.

Figure 18, Adoration de l'Enfant

Dans les représentations occidentales de l'Adoration de


l'Eifant ou de la Nativité 5\ on assiste à divers modèles et
compositions. Il existe deux traditions dans les
représentations iconographiques de la Nativité. Dans la
tradition occidentale, Marie est ftgurée assise, portant
l'Enfant Jésus sur ses genoux. À la fin du XIV siècle, sous
l'influence artistique italienne, la Vierge sera représentée à
genoux dans l'attitude de l'adoration. À partir du Àrvr siècle,
prédomine le thème de l'Adoration de l'Eifant par la Vierge et

55 La Nativité, proprement dite, rassemble Marie, Joseph, l'Enfant Jésus, les


bergers, les anges et les rois mages.

60
les bergers". Plusieurs schémas correspondent à ces types;
du schéma horizontal au schéma triangulaire. Ici, le schéma
de composition est en forme de croix. Les personnages
disposés horizontalement a
oseph et Marie) et verticalement
(l'ange et la brebis) forment une croix autour de l'enfant
Jésus (absent sur la photo). Le schéma de composition a un
caractère original et semble être une invention du sculpteur.
Par ailleurs, le thème de Jésus chassant le démon est
rarement isolé dans l'iconographie occidentale car il est
souvent relié à l'épisode de la tentation du ChristS? Dans la
figure 19, le thème apparaît isolé.

l-'lgure 19, jéJ/IJ chassant le démon et dé/ailJ

Dans les passages de la Bible relatifs à l'expulsion du


démon en Matthieu 17, 14-21 ; Marc 1, 21-28 et 5, 1-15,
aucune description explicite n'est donnée sur les détails de
l'acte; pourtant on remarque sur la figure une scène très
expressive. Jésus, debout, intime un ordre au démon

56 Rèau L. (* 1957: 213-255) ; Corncll Il. (* 192-1).


57 Duchct-Suchaux C;. ct Pastoureau ~1. (*2006: 318).

61
représenté sous des traits anthropomorphes. Celui-ci, à terre,
semble se débattre pour se relever. Il est couché sur les ailes
comme s'il était tombé. La tête est surmontée de deux
cornes. De même, des genoux et des coudes sortent des
cornes. Le visage du démon est très expressif. Les yeux
globuleux sortis de leur orbite ainsi que la bouche ouverte
suscitent l'effroi. Hormis ces critères liés aux traits expressifs
de l'œuvre, relevons le caractère unique et atypique du
schéma de composition si on veut le relier au thème de la
Tentation du Christ. Dans ce type iconographique, le démon
est debout comme on peut le voir dans un détail du retable
de Duccio di Buoninsegna la Maestà 58 comme dans tant
d'autres œuvres du thème'", Ici, le démon est couché comme
déjà signalé. Si l'on trace un trait de la tête du démon à celle
de Jésus, on obtient une ligne oblique; le schéma de
composition suit ainsi cette ligne. Le traitement réaliste des
expressions, l'isolation du thème et par conséquent la
nouveauté du schéma de composition affirment l'originalité
de l'œuvre.
Par ailleurs, parce que le rôle des symboles dans les
cultures africaines est primordial, leur introduction dans l'art
chrétien confère au principe d'inculturation tout son sens. Il
convient de rappeler que les modes de vie négro-africains
sont portés sur la pratique et l'utilité des symboles. La
priorité accordée à leur fonction et à leur efficacité dans la
vie sociale et religieuse en est térnoin'". Le symbole constitue
l'un des socles de la culture africaine et puisque, selon la
définition du principe d'inculturation, toute expérience
d'inculturation doit « s'exprimer avec les éléments propres de la
culture en question )), intégrer les symboles culturels
autochtones à l'art chrétien, c'est accomplir un geste par

58 Duccio di Buoninsegna, Maestà, Tentation du Christ sur la montagne, 1308-


1311, Frick Collection, New York, USA.
59 Voir Réau L. (*1957: 304-310).
60 Cf. Faïk-N'zuji C. (*2000: 12).

62
excellence d'inculturation du christianisme. De surcroît, si
ces symboles donnent lieu à de nouvelles expériences
(nouveaux thèmes et nouveaux usages) et ((que cette même
expérience Je tram/orme en tin princit» d'inspiration )),
l'inculturation sera ainsi portée à son sommer",
Approcher les symboles africains, c'est toucher ce qu'il y
de profond dans la culture. Ainsi l'art chrétien ne peut
ignorer le symbolisme africain. Mais, il ne suffit pas
seulement de déployer des symboles locaux dans une œuvre
chrétienne pour arriver à un art inculturé. Une condition
prévaut à cela: que les symboles autochtones soient en
coalescence avec le symbolisme chrétien de même que les
symboles chrétiens soient aisément saisissables par les
destinataires. Il s'agit là de ce que nous appelons le dialogue des
symboles. Dans ce dialogue se situe à nos yeux le lieu d'une
véritable inculturation. Mais, le dialogue dont il s'agit peut
ressembler à un dialogue de sourds dans les cas où l'absence
de concordance entre les symboles est constatée.
Par rapport à leur utilisation des œuvres incorporant des
symboles locaux, on observe plusieurs cas: des symboles à
sens divergents, des symboles universels, des symboles
disparates, des symboles à convergence possible et des
symboles à sens équivoques ou coalescents'f. Trois cas de
figure se présentent: des symboles africains et chrétiens en
juxtaposition hétéroclite donc sans convergence de sens, des
symboles chrétiens incompréhensibles ou comportant des
risques d'interprétation équivoques pour les destinataires
locaux et enfin des symboles en symbiose dans les deux
traditions chrétienne et autochtone. Pour chacun des trois

61 Référence à la définition du terme «inculturation», Chanson P. (Collectif


*2001 : 165).
62 Voir la case «Rajout Je symboles. Convergence des symboles locaux et
chrétiens» du tableau synoptique du catalogue pour se référer aux œuvres en
question.

63
cas cités, il convient de donner quelques exemples
caractéristiques:
La figure 16 est caractéristique de cette tendance de
juxtaposition hétéroclite des symboles. La disparité des
symboles africains déployés et leur divergence expliquent
l'absence de maîtrise de leur sens. L'œuvre représente
l'archange Michel portant un symbole supposé trinitaire.
Saint Michel piétine un python et des mains brandit, comme
le geste de l'élévation de l'hostie et du calice effectué par le
prêtre lors d'une eucharistie, trois serpents en cercle.
Plusieurs symboles empruntés au monde religieux béninois y
sont utilisés: le python et les haches de sacrifice qui
surgissent de la tête et de la queue de l'animal. Ces symboles
sont mal maîtrisés et utilisés à contresens. Le python, dieu
Dan, est un bienfaiteur chez les Fon. Il est surtout vénéré par
les Houédah, famille de population du sud du Bénin. Dans
les cultures agraires d'Afrique, cet animal est un élément
positif. Ici, il prend la place habituelle de Satan piétiné par
l'archange. De même, la hache de sacrifice est chez les
peuples du sud du Bénin l'attribut des adeptes du dieu de la
foudre Hêviosô. Ce dieu réprouve les conspirations et punit
par le foudroiement63. Cet attribut est ici lié au dieu Dan. Il
est clair que nous assistons dans la représentation de la
figure 16 à un jeu de symboles traditionnels utilisés à
congédiement. Ceci rend l'interprétation obtuse tant dans
l'univers culturel béninois que dans la tradition chrétienne.
Il y va de même pour la figure 11. Il s'agit de la
représentation d'un ostensoir. Celui-ci est composé de
plusieurs éléments traditionnels de la culture fon. Le pied sur
lequel repose l'ensemble est directement inspiré de la barre
de fer tripode de l'assen sur laquelle est fixé l'ustensile en
forme de calebasse qui représente l'ancêtre fon. Ici, cette
barre de fer tripode reçoit un plateau de divination appelé

63 Voir Quenum M. (*1999 : 71).

64
Fa. Lerà, ijà ou afa selon les appellations, est à la fois un
dieu et un oracle, un moyen de divination, de géomancie
chez les yorouba et les Fon du Nigeria et du Bénin. LeFe est
le porte-parole de tous les dieux qui s'expriment à travers lui.
L'utilisation de planches de divination est largement
répandue dans la religion traditionnelle todoun. Avec la
technique de la géomancie, ces planches ou plateaux
permettent au devin invoquantrà de lire l'avenir". La
planche utilisée ici ressemble à celle qui, en provenance du
Bénin, est actuellement conservée au musée Linden de
Stuttgart. Le visage que l'on voit dans la partie supérieure de
la planche est celui d'EJhu, le principe aléatoire du panthéon
yorouba'". Selon les notes de Marie Baranger, pour une
lecture chrétienne de cet ostensoir, il est indiqué de voir à la
place du plateauFz et de la tête d'EJhllla représentation d'un
chérubin'". Ce dernier porte sur la tête, autour de la croix, les
quatre roues de la vision d'Ezéchiel (Ez 1, 15-21). Ces quatre
roues symbolisent le trône ou la présence de Dieu dans la
tradition chrétienne'". Dans la représentation, apparaît un jeu
de symboles sans convergence apparente. Les symboles
africains utilisés assenç Fa et visage d'EJhll possèdent des
significations bien précises dans leur environnement culturel.
La lecture chrétienne des symboles semble forcée. En
dehors de l'aHen, présence de l'ancêtre dans la tradition fon,
dont le sens converge quelque peu avec la présence de Dieu,
les autres symboles africains sont éloignés du dessein de
l'œuvre.
Certains symboles utilisés peuvent échapper à l'univers
culturel du fabricant et par là, être incompréhensibles pour

64 Pour ce <luides techniques de la géomancie au Bénin, voir Maupoil B. (*1943).


65 Willet F. (*2004 : 83).
66 Document provenant des archives privées non classées de Marie Baranger à

Joué Lès Tours, 37300.


67 Voir l'illustration de Gustave Doré, "La vision du prophète Ezéchieh>, Bible de
TOl/rs, 1866.

65
les chrétiens locaux. Ce sont les cas d'utilisation de symboles
chrétiens comportant des difficultés d'interprétation. La
flgure 20 témoigne de ce cas de flgure. Comme le titre sous
lequel est mentionnée l'oeuvre dans les archives de Marie
Baranger l'indique, il s'agit de la représentation d'un « ange
portant le signe trinitaire des trois poissons ».

Figure 20, Ange portant Jesigne trinitaire des 3poissons

66
La représentation montre un ange, ailes déployées,
debout, tenant un objet en forme de disque. Sur l'objet sont
gravés trois poissons à une seule tête au centre. Les deux
poissons latéraux sont disposés symétriquement par rapport
à celui du centre. Celui-ci est disposé verticalement et forme
avec les autres un Y. De chaque angle constituant le point de
jonction de la tête des poissons, partent trois plantes
trilobées en forme de croix. Le signe trinitaire des trois
poissons symboliserait la consubstantialité et l'unité des trois
personnes divines. Ce signe rappelle le triJkei, un motif
giratoire constitué de trois volutes tournant dans le même
sens. Ce motif antique connut des variantes dans l'univers
celtique et grec. Il aurait été repris par les chrétiens avec
quelques modifications pour donner ce qu'on appelle en
histoire de l'art chrétien la triquëtre qui est un motif de trois
poissons unis par une seule tête .. Ce qui était les jambes chez
les Grecs fut remplacé par un symbole chrétien: les
poissons et ce, pour symboliser la Trinitë8• La
représentation de ce symbole pose des questions sur la
destination de l'oeuvre. La lecture du symbole échappe à
l'univers culturel béninois voire africain et aussi à la culture
actuelle de l'Europe. La compréhension de l'œuvre requiert
une explication approfondie sans quoi, le motif risque d'être
interprété autrement dans le milieu local. En effet, le motif
du poisson est souvent utilisé dans l'art béninois fon, parfois
sous forme allégorique. L'allégorie du poisson, le sôsôgloso~
revêt un sens bien précis dans les relations sociales au Bénin.
En cas de conflit entre deux personnes, le motif est envoyé
pour signifier au destinataire que l'on ne le redoute pas et
que l'on ne craint rien de sa part'", Même si le motif du signe
trinitaire des trois poissons comporte des différences de
représentation avec le motif du JÔJôglâJô, le risque de
rapprochement du motif chrétien avec le motif béninois ne

68 Voir. \imé C;. ct A/ii, (*2001).


69 Qucnum M. (*1999: 152).

67
peut être exclu. Le sens alambiqué que peut couvrir le triske/
en tant que motif chrétien rend par ailleurs difficile son
appréhension dans l'univers culturel local par une divergence
possible de sens.
Enfin, le cas des symboles en corrélation. Il s'agit des
œuvres qui incorporent des symboles africains dont le sens
est en coalescence avec le thème chrétien représenté ou avec
d'autres symboles chrétiens. Plusieurs œuvres rassemblées
correspondent à cette catégorie.
La flgure 21 constitue un exemple de convergence de
sens entre les symboles locaux utilisés et le thème représenté.
Le symbole du chaînon reliant les deux croix est utilisé à bon
escient. Ce symbole est fréquent dans l'art yorouba. Dans la
société Ogboni 70 du Nigeria, tout initié détient comme signe
de reconnaissance la statue edan. Souvent en bronze, cet
objet est une sculpture qui présente un couple relié par une
chaîne. Dans la société Ogboni, cette sculpture représente le
couple fondateur de la confrérie et symbolise en même
temps tous les hommes et toutes les femmes du groupe7t. La
symbolique est de taille pour le thème chrétien lorsque l'on
sait que par sa mort sur la croix, comme l'enseigne Saint
Paul, « le Christ récapitule toutes choses» (Ep. 1, 10).

70 La société ogboni est une instance de contre pouvoir dans l'ancien royaume

yorouba d'Ijebu (Nigeria). Elle réunit des hommes et femmes d'un certain âge
qui traitent des cas judiciaires. Elle contrôle en outre le choix, l'intronisation et
les funérailles du roi.
7\ Owusu rr. (*1999: 111).

68
f'tg"re 21, Cn/(ijix atec chaine (( ogboni ))

Pour le cas de la figure 22, le tabernacle recèle des


symboles empruntés à la tradition africaine et fon. La forme
en casque du tabernacle est directement inspirée de la tête
commémorative d'un Oba, roi de l'ancien royaume du Benin
(Nigeria)72. La représentation en bronze des têtes des Oba
aidait à commémorer et à vénérer les ancêtres royaux lors
des grandes cérémonies dans l'ancien royaume du Benin73.
Le parasol qui surplombe le tabernacle est un attribut royal
chez les Fon du Bénin. Il est traditionnellement utilisé à
Abomey pour abriter le roi lors de ses déplacements. L'objet
accolé à droite du tabernacle est un assen. Il est le tenant-lieu
de l'ancêtre fon. Les principaux objets traditionnels, tête
commémorative des Oba et assen, qui symbolisent
respectivement la présence du roi, de l'ancêtre dans l'univers
yorouba et fon sont utilisés ici pour évoquer la présence du
Dieu chrétien dans le tabernacle. La symbolique chrétienne

72 l'our cc (lui concerne les têtes commemoratives des Oba, voir Duchâreau ,\.
)*1990).
3 Duchâreau .\. (*1990: 27).

69
n'est pas non plus oubliée. Selon les notes de Marie
Baranger, les motifs sur la porte du tabernacle représentent
le royaume céleste dans l'iconographie chrétienne.". De
même, la main tenant une étoile du côté gauche du
tabernacle évoque la divinité".

f'igure 22, Tabemacle surmonté de f'ombrelle des rois

74 Notes retrouvées dans les archives non classées de Marie Baranger.


75 Feuillet M. (2004: 51).

70
Quoique ne dévoilant pas des thèmes chrétiens
explicitement reconnus comme tels, les motifs qui
recouvrent La porte du rymboleJ africains (figure 23) sont des
symboles qui prétendent à des significations chrétiennes. Les
sculptures anthropomorphiques, les bras levés, du registre
central caractérisent la prière, la supplication. Elles sont
inspirées des tellem dogon76• Les Tellem sont une famille qui
vivait au Mali, dans la Falaise de Bandiagara. Ils ont laissé
des objets de culte et des objets funéraires qui ont eu une
influence sur leurs successeurs, les Dogon. Les statuettes du
même nom (tellem) découvertes par les Dogon et utilisées à
des fins sacrées se caractérisent par les bras levés au-dessus
de la tête; très allongées, stylisées, réduites à l'essentiel,
seules ou en couple, elles expriment, selon les Dogon, une
prière pour obtenir la pluie, ou plus généralement elles
implorent le pardon des fautes commises". Par ailleurs, les
sculptures disposées dans les deux registres inférieurs de la
porte s'apparentent aux tellem mais elles ressemblent
davantage à un symbole graphique africain connu sous le
nom de « symbole de la communion ou de l'union». Selon
la sémiologue Clémentine Faïk-Nzuji, son graphisme
symbolise la croyance en Dieu et dans les ancêtres, et l'union
de ceux qui se reconnaissent issus d'un même ancêtre, réel
ou mythique". Le registre au-dessus des tellem est composé
de motifs empruntés au peuple Kasaï de la République
démocratique du Congo. Ils s'inspirent du « cercle de début»
mwanifJ nkongolo. Il est le signe par lequel on représente le
dieu kongolo kao mukanda, ordonnateur de la loi. Il est l'être
parfait qui promet la perfection, l'état de l'être « achevé» à

76 1nfonnation tenue de la Mère Charles 1Iélie, Sœur bénédictine sous l'égide de


qui les travaux de construction et d'ornementation des églises de Toffo se sont
déroulés. Entretien du 31 octobre 2007 à \' anvcs (Paris).
77 Cf. Terrisse A. (* 1965: 20). Cette explication est contestée par certains

auteurs.
78 Faïk-N'zuji C. (*2000: 125).

71
tous ceux qui se conforment à la loi79• Sémantiquement, le
rapprochement des signes-symboles sculptés sur la porte est
possible dans les deux univers africain et chrétien. Le but de
ces sculptures étant de permettre aux chrétiens locaux de
reconnaître dans les motifs des symboles de l'univers culturel
africain qui revêtent un sens proche de celui de la foi
chrétienne.

l'lgure 23, La porte aux !Jmboles africains

79 Faïk-N'zuji C. (*2000 : 115).

72
Par ailleurs, un cas de convergence de symboles sur le
plan des techniques architecturales peut être noté: les deux
statues des Saints Pierre et Paul, figures 24. La technique
utilisée pour la représentation de ces sculptures s'apparente
au procédé des statues-colonnes qui décorent le trumeau, les
ébrasements voire les piédroits des portails gothiques dans
l'architecture occidentale'". Mais le sculpteur semble
davantage s'inspirer des chambranles ou cadres de portes
sculptés en usage dans l'art africain. Chez certains peuples
africains comme les Bamiléké du Cameroun, les poteaux, les
encadrements ou les chambranles des portes offrent souvent
un champ d'action au sculpteur qui les décore ou les
transforme en statues d'ancêtres". Leur situation permet aux
visiteurs de passer par eux avant d'accéder à la demeure
familiale. Dans le cas de l'église de Toffo, le commanditaire
semble s'être inspiré de cette tradition. Dans le sens de la
théologie chrétienne, on peut voir en les Saints Pierre et Paul
des personnages qui introduisent à la maison Dieu voire au
paradis. Cela vaut particulièrement pour Saint Pierre, qui,
selon la tradition chrétienne, détient les clés du paradis. Au
sens propre comme au sens figuré, la position des Saints et
leur emplacement suggèrent de voir en eux les piliers, les
colonnes de l'Église.

80 Les ébrasements des portails gothiques donnent souvent lieu à des


représentations de prophètes de l'Ancien Testament En exemple, les décors
sculptés du portail central de la façade occidentale de la cathédrale de Strasbourg.
81 \'oirWillet 1,'.(*2004: 118-119).

73
l-'igures 24, Saints Pierre et Paul
f'lglff"e 25, Tabernacle en « tata somba »

Pour finir, relevons le cas de la figure 25, le tabernacle en


tata samba. Tata veut dire maison et Somba est le nom
générique retenu par l'administration coloniale pour désigner
un ensemble de groupes socioculturels vivant dans la
montagne et le piémont occidental de l'Atacora -la plus
grande chaîne de montagne du Bénin, au Nord du pays-.
Les tata somba sont des habitations à étage faites en banco. Ils
sont souvent constitués de deux tours latérales qui les
caractérisent. Ce type d'architecture a été mis en œuvre par
les Bètammaribè, une famille du Nord du pays dont
l'appellation signifie "les maçons ou constructeurs". Mais la
symbolique du tabernacle ne peut être saisie sans l'insertion
de l'objet de culte dans l'environnement architectural qui
définit l'église qui la renferme et avec laquelle il forme une
unité.

75
L'église de Manta dans laquelle se trouve le tabernacle a
été construite par le missionnaire français le Père Cloué. Le
choeur de cette église abrite en plus du tabernacle l'autel
dont les piliers rappellent la forme des autels à sacrifice que
l'on trouve à l'entrée des tata somba. L'éclairage du choeur est
assuré par un puits de lumière au plafond, comme le trou
percé au premier étage des tata pour éclairer le rez-de-
chaussée. Mais les tata somba ne sont pas que de simples
habitations. Les multiples fonctions qu'ils comportent ne
sont pas anodines et ont constitué un terrain favorable
permettant au Père Clouet, missionnaire de la Société des
Missions Africaines, d'adopter ses caractéristiques
architecturales et religieuses pour la construction en 1964 de
l'église de Manta. Pour donner quelques convergences de
sens et de symboles entre le tata somba traditionnel et l'église
de Manta, on peut remarquer qu'au rez-de-chaussée des Tata
somba se déroulent les cérémonies d'initiation de passage de
classe d'âge. Le baptistère de l'église y a été installé.
Une partie de la concession est considérée comme le
réceptacle des ancêtres de la famille, lieu de représentations
spirituelles. Dans ce même endroit a été installé le tabernacle
de l'église.
Enfin, le côté mystique de chaque habitation se définit à
travers l'orientation Ouest-Est de la concession. Le tata
Somba n'a qu'une seule entrée et elle fait face à l'Ouest et
pour cause. L'Est est considéré comme le mauvais côté d'où
viennent tous les maux notamment les intempéries dont
souffre la société. Le côté ouest en revanche ne procure que
bonheur. La porte d'entrée et l'autel de l'église de Manta
sont tournés vers l'Ouesë2•
L'utilisation du modèle d'un tata somba pour le tabernacle
de cette église témoigne d'une volonté d'inculturation. Au-
delà de l'identification du tabernacle aux demeures des

82 Voir Rondeau G. (*2004).

76
Somba, ce sont les fonctions culturelles et cultuelles des tatas
qui rejoignent et révèlent le sens du tabernacle. Le principe
traditionnel des tata somba comme lieu de cohabitation de
l'homme et du divin où le sacré et le profane se croisent peut
d'une certaine manière se retrouver dans la fonction du
tabernacle chrétien. De même, ce type d'adaptation pourrait
également impliquer l'idée d'un Dieu qui vient habiter les
mêmes demeures que les habitants de la région.
De toutes ces considérations, on peut déduire le rôle
fondamental de l'utilisation des symboles locaux en
convergence avec les réalités de la foi chrétienne
représentées. Leur participation à l'aboutissement d'une
véritable inculturation de l'art chrétien est capitale. Comme
le souligne Martin Ott, dans le processus d'inculturation, les
symboles assurent le rôle d'intermédiaire. En eux, se réalise
l'étroit réseau de continuité et de discontinuité qui prévaut
pour l'inculturation. L'auteur propose d'introduire dans la
discussion concernant l'inculturation le concept de
commumcatio rymbolomm inspiré de la formule théologique
Communication des idiomes. Il doit, par référence à l'emploi
de cammunicatio idiomatum en christologie, expliciter que dans
un art chrétien inculturé, les images de deux traditions
s'interpénètrent mutuellement de même que les symboles
des deux champs d'expérience se représentent
, • K3
reclproquement .

Espaces de contact entre l'art chrétien occidental et l'art chrétien local


En guise de conclusion à cette partie consacrée aux
caractéristiques de l'art chrétien inculturé, il convient de
souligner que l'adaptation de l'art chrétien aux sensibilités
culturelles et artistiques locales n'est pas faite que de jeux de
récupération, de reproduction ou d'alignement des deux

83 \' oir Ott M. (* 1999 : 142).

77
parties l'une sur l'autre. Il existe dans l'art africain des lieux
de contact que l'on peut exprimer en termes de
prédispositions à l'art chrétien". Ces espaces de contact où
les dimensions de l'art chrétien rejoignent les caractéristiques
de l'art africain s'observent de manière probante et surtout
dans les représentations de Vierges.
Les sculptures de vierges sont le sujet le plus représenté
des œuvres rassemblées. De même, l'iconographie de Vierge
à l'Enfant est l'un des sujets les plus disposés à l'adaptation.
Pourquoi les représentations de Vierges semblent autant
affectionnées dans l'art chrétien africain et pourquoi
semblent-elles facilement disposées à l'adaptation? Pour
tenter d'approcher la réponse, il convient de se référer aux
conditions qui ont entraîné la naissance de l'art chrétien
occidental. L'art paléochrétien est en partie fait
d'appropriations. Les images chrétiennes ne sont pas nées ex
nihilo. A leur naissance prévalent des emprunts le plus
souvent à l'art hellénistique. Les chrétiens ont pu
visuellement exprimer leur espérance en s'inspirant des
motifs de l'art grec pour lesquels la ((malléabilité sémantique )}5
était aisée voire équivoque. Ainsi, pour ne donner que cet
exemple, le berger criophore de l'art grec qui exprime le
bonheur céleste et la paix bienheureuse voulue aux défunts
est devenu l'image du Bon Berger dans l'univers chrétien.
Le même principe de malléabilité sémantique semble
gouverner la propension aux représentations de vierges dans
l'art chrétien africain. L'art traditionnel africain regorge de

84 De ce constat, nous ne cherchons pas à établir, sur le plan iconique, une


équivalence avec la théorie "des pierres d'attente» qui prévaut dans la théologie
africaine. La théorie dite des «pierres d'attente» cherche et découvre chez le
destinataire du message évangélique, singulièrement dans sa tradition culturelle et
religieuse, des éléments eposiifs. et «boss», compatibles avec le christianisme, qui
pourrait, éventuellement, les assumer moyennant (!/JlIriftcatiom) et ((transfigllratiom).
Cette théorie a été initiée par l'un des premiers inspirateurs de la théologie
africaine, Mulago V. (*1965).
85 Voir Boespflug F. (*2008: 73).

78
représentations de mère avec enfant. Ce type de
représentation symbolise la fécondité et la maternité dans la
tradition africaine86. Les postures qui caractérisent ces
représentations sont nombreuses: mère debout avec enfant
au dos, mère assise avec enfant porté contre son sein, enfant
dans les bras de la mère assise, mère assise allaitant l'enfant,
mère assise avec enfant porté sur les genoux face au
H7
spectateur. .. .
La plupart de ces postures sont semblables à celles
souvent adoptées pour les représentations de Vierges à
l'Enfant dans l'art occidental. Ceci n'a-t-il pas eu pour effet
de faciliter l'adoption du thème par les sculpteurs? Selon les
témoignages du Père Lucien Derr (SMA), la prévalence des
images de maternité dans l'art africain a facilité les
commandes de Vierges à l'Enfant auprès des artistes
sénoufo de la Côte d'Ivoire'", De même, on retrouve la
plupart des postures de maternité de l'art africain dans les
objets chrétiens ivoiriens qui ont été recueillis par le Père
Pierre Trichet (SMA) pour l'ExpoJition du statues iioiriennes de
la Viet;!!e organisée par ses soins au centre culturel de la
cathédrale d'Abidjan du 1cr au 15 février 198789•
Au-delà des postures, le sens que revêtent les
représentations dans les deux univers semble en partie
convergent.

86 Cf. Massa G. (*1999).


87 Pour les différentes postures de la maternite dans l'art africain, voir Massa G.
(*1999 : 60-138).
88 Le Père Lucien Derr est l'un des initiateurs de l'art chrétien en Côte d'Ivoire.

89 Les informations sur l'exposition et les œuvres exposées se trouvent dans un

document sous forme de compte-rendu écrit par le Père Pierre Tricher, actuel
directeur des archives de la SM.\. Ce document qui n'est pas publié est
uniquement consultable aux archives de la SM.\ à Rome.
ENJEUX ET PROBLEMES DE L'ART CHRETIEN
AFRICAIN

Il s'agit ici d'examiner les problèmes auxquels l'art


chrétien inculturé pourrait être confronté par rapport à sa
place dans le culte chrétien. Ceci exclut d'office les œuvres
réalisées à des fins autres que celle liturgique.
Comment respecter la tradition iconographique
chrétienne tout en incorporant les éléments de la tradition
artistique et culturelle locale? La question se présente en
permanence à l'art chrétien inculturé. Dans bien des cas, il
est reproché aux initiatives d'inculturation de l'art chrétien
de privilégier les traditions artistiques et culturelles locales au
détriment de la tradition iconographique chrétienne si bien
qu'apparaissent dans l'Eglise deux tendances au sujet de l'art
chrétien inculturé : celle qui prône l'utilisation parcimonieuse
des éléments culturels locaux dans le respect de la tradition
iconographique chrétienne (européenne) et celle qui
encourage l'usage de tous les éléments de la culture locale
dans l'objectif de créer un art chrétien ((nouveau )). Les
oppositions entre ces deux tendances ont parfois entraîné la
fm des essais d'art chrétien local en Afrique. Par exemple,
les Pères Kevin Carroll et Sean O'Mahoney (SMA),
initiateurs du projet d'art chrétien inculturé d'Oye Ekiti
(Nigeria), ont été contraints de procéder à la fermeture du
centre à cause de la controverse que les initiatives ont
provoquée. L'expérience a connu une forte opposition de la
part de la hiérarchie SMA, du clergé et des laïcs locaux à
cause de l'usage jugé exacerbé des formes et éléments de l'art
yorouba'", Ces deux tendances montrent bien le manque de
lignes directrices à suivre au sujet des initiatives d'art
chrétien local. Ce qui peut amener à considérer le problème

90 Voir Bridger N. J., (Collectif*2007 : 110).

81
de l'art chrétien local sur le plan théologique et liturgique :
Quels sont les enjeux théologiques de l'art chrétien en quête
d'inculturation ? Comment l'art chrétien inculturé peut-il
être intégré au culte dans un contexte habitué aux œuvres
d'obédience européenne? Dans quelle mesure l'intégration
de certains éléments et symboles locaux dans la
représentation des thèmes chrétiens peut-elle s'effectuer sans
risques d'interprétation erronée ou équivoque?
Ces questions suggèrent trois types d'enjeux relatifs à l'art
chrétien inculturé : 1ILes principes théologiques qui peuvent
être liés à l'adaptation de l'art chrétien hors d'Europe, 21 les
contraintes de l'art chrétien inculturé par rapport aux
exigences cultuelles et enfin 31 les problèmes de réception
de l'art chrétien local autrement dit l'attitude des chrétiens
locaux face à certaines initiatives d'art chrétien inculturé.
Tels seront successivement les points que nous
développerons dans cette partie.

Art chrétien local: Légitimité et contraintes

Pour parler d'inculturation, l'une des conditions


primordiales réside dans l'adaptation des traits des
personnages par rapport au type physique local. Cette
pratique a amené certains artistes africains à emprunter les
traits des personnages de leur entourage pour représenter
des personnages bibliques 91. Cependant, au nom de quel(s)
princip e(s) théologique(s) peut-on se permettre de
représenter les personnages bibliques, en l'occurrence le
Christ, avec des traits africains? Quels problèmes ce type
d'entreprise peut-il soulever? Par ailleurs, l'art chrétien
inculturé, en vue de son utilisation dans le culte chrétien doit
répondre à certaines exigences liturgiques (conformité aux

91Ce n'est pas l'apanage de l'art chrétien béninois. Le principe est bien connu
dans l'art occidental.

82
enseignements de la foi, a la morale et à la pIete
catholiquesj'", Qui doit et peut garantir la conformité des
représentations aux exigences de la liturgie catholique? De
même, pour assurer le respect de ces exigences, les artistes
chrétiens, en raison de leur disposition à connaître les
réalités de la foi chrétienne, doivent-ils être les seuls habilités
à produire des œuvres destinées au culte?

Ugitimité de l'adaptation
On ne peut pas poser la question de la légitimité de
l'adaptation de l'art chrétien dans les pays de mission sans se
référer à la tradition chrétienne occidentale elle-même car
l'histoire du christianisme, surtout sur le plan artistique, est
faite d'adaptations aux contextes culturels européens. En
matière théologique, Saint Paul avait déjà fixé le cap lorsqu'il
écrivait aux Philippiens que toute coutume qui s'appuie sur
la vertu devait être acceptée et faire l'objet de la
considération chrétienne'", De même, l'art chrétien pour
s'implanter dans l'univers occidental, à ses débuts et bien
plus après, s'est largement inspiré de l'art romain et
hellénistique. Dès les premières représentations du Christ,
celui-ci apparaît en toge et prend des allures multiples et
variées (Apollon, philosophe, empereur ... )94. Doit-on tolérer
ou accepter l'adaptation de l'art chrétien hors de la sphère
européenne où celui-ci a pris racine ? La réponse apparaît
dans les actions missionnaires hors d'Europe. Dès les
premières périodes des missions extra européennes, malgré
les initiatives éparses et mal coordonnées, les missionnaires

92 Cf. la constitution du concile Vatican Il sur la liturgie, Socrosanctto» condliam.


93 «Ali resle,fr~res, qlle 10111ce qlli est vrai, 10111ce qn! est hOl/orable, 1011/a qll; jllsle, /011/ce
qlli est pllr, 10111ce qlli est aimable, tont Il qlli eslmérite 1'approbation, tout ce qll; est tertueux
el digm de 10llal/ge, soit lobjel de vos pensées» l'ho 4, 8.
94 Voir Bocspflug 1;. (*2008: 79-81).

83
ont montré la volonté d'adapter l'art chrétien aux sensibilités
artistiques des populations à évangéliser. Entre 1530 et 1572,
l'art chrétien du Mexique est fondamentalement d'exécution
locale". En Chine, dès les débuts des missions, au Àrvr
siècle, l'influence exercée par l'image de Marie a été attestée
par l'étude de certains dessins du peintre chinois Tang Yin
(1470-1524). Cet artiste a peint, sur le modèle européen de la
Vierge de Grâce de Sainte-Matie-Majeure à Rome, une
((Madone chinoise ))96. Les crucifix et les statuettes chrétiennes
de facture locale découverts au Congo montrent que des
initiatives d'adaptation de l'art chrétien ont eu lieu dans le
royaume dès le Xv" siècle97• Si des tentatives ont eu lieu dès
les débuts des missions extra-européennes, on comprend
qu'aucun principe ne s'oppose à l'adaptation de l'art chrétien
hors d'Europe.
Toutefois, considérons le problème de la représentation
du Christ avec les traits d'un Africain. Sur le plan
théologique, l'une des questions est de savoir si la
représentation du Christ avec des traits africains remet en
cause l'historicité de la révélation judéo-chrétienne et par là
le mystère de l'incarnation. Le Christ a pris chair dans un
peuple donné, le peuple juif. A priori, ses caractéristiques
physiques doivent correspondre au type méditerranéen.
Alors doit-on, au nom du mystère de l'incarnation, faire
obligation à représenter le Christ avec les traits physiques qui
ont dû être les siens? L'enjeu théologique de cette question
n'est pas négligeable. Bien que dans l'histoire des missions
nous ne connaissions pas de polémique explicite par rapport
à la représentation de Jésus avec ou non des traits juifs, le
débat peut concerner les représentations du Christ dans l'art

95 Voir Duvcrger Chr.; (*2003 : 56).


96 Schüller S., (*1939: 9). Par ailleurs, les confusions engendrées par les
représentations de la Vierge avec une divinité locale entrainèrent de remplacer les
images de Vierge par celles du Christ en majesté. Voir Boespflug F. (*2008 : 460).
97 Van Cleemput J. C. (*1936: 839).

84
chrétien des pays de mission. En quoi la représentation d'un
Christ avec les traits d'un homme africain peut-elle remettre
en cause l'historicité de la révélation en Jésus de Nazareth?
Face aux débats qui ont eu lieu surtout en Orient quant à la
légitimité des représentations visuelles surtout des
représentations du Christ dans l'Eglise catholique, le concile
de Nicée II (787) en s'inspirant de la position de Jean
Damascène (675 env.-741) a tranché en invoquant
l'argument christologique : ((l'incarnation du Verbe impliqlle la
possibilité de repréJenter sa forme pf?ysiqtfe )/8. Mais quelle forme
physique lui attribuer quand qu'on ignore quels furent
précisément ses traits? L'art chrétien occidental fut le
premier à renoncer à se restreindre aux traits physiques selon
l'historicité de Jésus de Nazareth". Dans l'art occidental,
l'Enfant Jésus blond avec une peau claire et des yeux bleus a
prévalu, témoignant de l'empreint des traits physiques de
type européen. Ainsi faisant, on peut considérer que l'art
chrétien européen a ouvert la voie à l'appropriation de
l'image du Christ selon les types physiques correspondant à
chaque peuple chrétien. Il est vrai que ce qui vaut pour la
théologie ne vaut pas toujours pour l'art mais comme
l'affirme Saint Paul, par le mystère de l'incarnation, le salut
tert a toutes les nattons
est 0 fi:' . lOti
. L'affiirmauon
. ad met qu ' on
ne peut pas restreindre le mystère de l'incarnation in illo 10(0
en Palestine. Par là, si l'incarnation valide les images visuelles
du Christ, il semble difficile de confiner les représentations
de Jésus dans le seul espace européen selon le seul type
européen. Ainsi, l'argument sotériologique tend à régler la
question de la légitimité des représentations du Christ et
d'autres personnages bibliques sans préoccupations des traits

98 Menozzi D. (* 1991 : 25).


99 \'oir Bocspflug 1:. (*2008: 476-477).
100 Eph. 3, 2-6.

85
physiques 101. On comprend alors que rien dans la théologie
chrétienne n'empêche de représenter le Christ sous d'autres
traits physiques que ceux qui ont dû être les siens en raison
du peuple dans lequel il s'est incarné. Par là, la
représentation du Christ est légitimée sous divers traits,
quelle que soit la race, sans un lien physique imposé à Jésus
de Nazareth.

Art chrétien local et règles


L'adaptation de l'art chrétien dans les pays de tn1SS10n
soulève des préoccupations d'ordre théologique dont le
règlement est souvent laissé à la libre appréciation des
commanditaires ou des producteurs. Comme le constatait
déjà le cardinal Costantini, ((chaque missionnaire résolvait lui-
meme, empiriquement et de la [açon qui lui semblait la meilleure, le
problème de l'art chrétien en pqys de mission ))102. Aujourd'hui, la
situation semble identique. Le développement actuel de l'art
chrétien dans certains pays de mission pose toujours le
problème de manque de principes généraux dans la
réalisation et l'usage de l'art chrétien inculturé si bien qu'on
est en droit de se poser la question de l'établissement de
règles de conduite générales. Aujourd'hui, au Bénin,
n'importe quel artiste peut réaliser selon ses inspirations des
sujets chrétiens. Ceux-ci sont proposés sur les marchés d'art
à destination des touristes. Les chrétiens béninois peuvent
en procurer pour leurs propres besoins de dévotion ou de
décoration.
Cependant, dans le cadre liturgique, l'utilisation de l'art
chrétien répond à des exigences selon l'Eglise catholique. La
constitution du concile Vatican II sur la liturgie, Sacrosanctum

101 Boespflug F. (*2008: 115). Cependant, cela ne doit pas donner libre cours à

toutes initiatives. Un Christ en dieu yorouba Shango par exemple aura vite fait de
heurter les sensibilités et relever de la provocation.
102 Costantini C. (*1949: 27).

86
conciliion, stipule que l'art chrétien doit s'accorder à certains
principes à savoir: conformité aux enseignements de la foi, à
la morale et à la piété catholiques'i". Alors, doit-on exiger de
l'art chrétien inculturé de se conformer à certaines règles
liturgiques? Certaines questions ont constitué des
préoccupations pour l'art chrétien occidental à plusieurs
moments de son développement. Conscient que les
préoccupations de l'art en Europe ne peuvent être les
mêmes que celles des pays de mission, l'apport de solutions
préconisées en termes d'orientations peut pourtant être
exposé en guise d'éclairage.
La querelle des images (vers 730-843) opposant les
défenseurs d'une vénération des icônes et les réfractaires à
cette idée a vite fait de provoquer des tensions dans l'Eglise
d'Orient conduisant à l'adoption lors du concile de Nicée II
(787) d'une « définition de foi» appelée boras en grecW4• Elle
stipule que vénération et honneurs soient rendus à certaines
images, celles du Christ, de la Vierge, des anges et des saints.
Ce fut l'une des premières règles de l'Eglise universelle
définissant le comportement à avoir devant les images
religieuses. Ainsi, cette définition de foi replace les icônes au
cœur du culte chrétien. Obligation a été faite aux évêques,
clercs, moines et laïcs de respecter les dispositions du boros
sous peine d'être déposés ou excommuniés'l". Quelque huit
siècles plus tard, c'est au Concile de Trente (1545-1563) que
l'on devra une nouvelle mention du problème, à cause de la
Réforme. Pour assurer la légitimité des images religieuses,
une répartition des rôles entre artistes et prêtres a été
convenue. Ce qui relevait de la conception et de la tradition
revint aux prêtres et les peintres s'occupèrent désormais des

cité par Mcnozzi D. (*1991 : 60).


103 SOtTOSO/lCIHfIICOlltiliHfII

104 l'our cc qui concerne le concile de Nicée Il voir Bocspflug F. (*2008: 115-
119). l'our le texte du boros, voir Mcnozzi (*1991: 100-101).
105 Menozzi D. (*1991 : 101).

87
aspects techniques picturaux':". Plus tard au À"VI" siècle,
dans les oppositions entre catholiques et protestants, le
décret tridentin eut pour effet de rejeter les images dites
((lascives)). Ainsi, les artistes furent exhortés à limiter voire
bannir de leurs réalisations toute beauté profane jugée
provocante. Pour que ces prescriptions soient observées, le
concile décida qu'il ne fût permis de placer ou faire placer en
aucun lieu ou église une image sans qu'elle n'ait été au
préalable approuvée par l'évêque du lieulU7• Après la Seconde
Guerre mondiale, en Occident, les débats sur l'art chrétien
tournaient autour de l'abandon ou non des formes
médiévales de l'art chrétien. Pour certains artistes comme
Lenz (1832-1928), il était opportun de tourner le dos aux
formes d'expression du Moyen Âge afin d'aller à la
découverte et vers la reproduction des formes naturelles-
.
cosffilques , blies par le C'reateur.lU8 L' on d enonça
- eta ' la
tendance académiste exacerbée du « nouvel art». La
hiérarchie considérait ce renouveau avec méfiance. Le Code
de droit canonique de 1917 (can. 1279-1281) stipulait déjà
que l'ordinaire diocésain avait le devoir d'examiner les
images insolites avant de les approuver. Le code rappelait
que l'on ne pouvait donner l'autorisation d'exposer les
images dans un lieu de culte que si celles-ci étaient en accord
« mm probato ecclesiae usu », avec l'usage approuvé par
l'Eglise1ll9. Ce qui donnait de fait à l'ordinaire un droit de
regard sur les images religieuses qui circulent dans son
diocèse. En 1932, Pie XI prit nettement position contre le
« nouvel art sacré ». Tout en rappelant que l'Église se
montrait ouverte à l'égard du développement de la tradition
artistique chrétienne qui allait dans le sens de l'innovation,
son discours pour l'inauguration des nouveaux locaux de la

106BocspflugF. (*2008: 118).


107McnozziD. (*1991: 189-192.
108Menozzi D. (*1991 : 55).
109Mcnozzi D. (*1991 : 58).

88
Pinacothèque vaticane prit la forme suivante: (( Un tel art ne
pe"t pas ëtre admis dans nOJ églùeJ, et on petit encore moinsfaire appel
à Itli pour les édifier, lex transformer Otl les décorer;} HI. Depuis le
concile Vatican II, des critères généraux de conformité de
l'art aux usages de l'Eglise sont énoncés par la constitution
sur la liturgie Sacrosancïto» Concilitlm en termes de principes
loin d'être considérés comme des règles canoniques. D'un
côté, le texte proclame la pleine liberté de l'art dans l'Eglise.
Mais, d'un autre côté, il pose une condition: ((Seroir les édijiccJ
et lu rites sacrés, avec le respea et i'honneur qtti leur sont dtlJ )). Par
ailleurs, la constitution demande bien qu'en matière d'art
sacré les évêques se préoccupent davantage de la beauté que
de la seule richesse. Mais, en même temps, elle leur enjoint
de refuser les œuvres qui sont contraires à la foi, à la morale
et à la piété, ou qui offensent la sensibilité religieuse
authentique'!', On comprend ainsi que la condition est le
respect des exigences de la liturgie.
Au vu des solutions apportées aux problèmes posés par
l'art en Occident, est-ce au prêtre, à l'évêque ou une
quelconque instance que doit revenir le devoir de garantir la
conformité des œuvres d'art chrétien local en usage dans la
liturgie? Au Bénin, la conférence épiscopale comporte une
commission de la catéchèse et de la liturgie qui examine la
réflexion et les actions relatives à l'inculturation.
Parallèlement à cette commission existe un mouvement
d'inculturation à vocation africaine à l'initiative du prêtre
béninois Barthélémy Adoukonou. Il s'agit du Mewihwendo qui
en langue fon veut dire « la sève de la tradition africaine ». Ce
mouvement est né le 19 octobre 1970. Ses actions dans le
domaine de l'inculturation ayant été étendues à tous les
diocèses du pays, le mouvement fut adopté par la conférence
épiscopale sous le vocable le Sillon Noir pour faire office de
structure d'orientation et de recherche en matière

110 Menozzi D. (*1991 : 58).


III Mcnozzi D. (*1991: 60).

89
d' « africanisation» des réalités de l'Eglise catholique en
Afrique subsaharienne'F, Ses objectifs: éviter ou limiter les
risques de syncrétisme qui peuvent découler des initiatives
d'adaptation dans tous les domaines concernant la liturgie113.
Au vu de ses prérogatives, le Sillon Noir semble être
l'instance capable de proposer des orientations et assurer, s'il
y a besoin, la conformité de l'art chrétien au Bénin à l'usage
liturgique d'autant plus que les compétences et la pertinence
des propositions de Barthélémy Adoukonou - responsable
du mouvement Sillon noir- en matière d'inculturation sont
, ., 114
appreclees .
Cependant, si les problèmes relatifs à l'expression de l'art
dans la vie liturgique de l'Eglise ont connu au cours de
l'histoire des réponses qui ont souvent conduit à un contrôle
de la production artistique, il ne va pas de soi de suivre cette
voie dans les cas d'adaptation de l'art chrétien en Afrique. À
nos yeux, les problèmes de conformité des œuvres aux
usages de l'Eglise, en tout cas pour ce qui concerne le Bénin,
ne se posent pas avec acuité pour qu'il faille recourir à une
centralisation. Si tel devait être le cas, il conviendrait à notre
avis que les Eglises locales trouvent elles-mêmes les
solutions adéquates.

L'appartenance religieusedes réalisateurs


Les problèmes de conformité des œuvres d'art chrétien
local aux usages de l'Eglise engagent les réalisateurs. Étant

112 Alladayè J., (2003 : 350) use du mot «africanisation» pour parler des actions de
ce mouvement en matière d'adaptation de l'évangile aux contextes africains. Par
ailleurs, le mouvement initié par le Père Adoukonou est en expérimentation dans
plusieurs pays de l'Afrique de l'Ouest dont le cas qui nous est connu est celui de
la Côte d'Ivoire.
113 Scion les mots de Mgr Lucien .\gboka, (dl jaut une étude pour êin sûr qu'on ne
naviguepas, voiles dipll!Yés, dam les eaux du !yncritisme)>,cité dans Alladayè ]. (*2003 :
350).
114 Voir Bujo B. et Illunga Muya]. (éd), (*2002).

90
donné que les œuvres doivent respecter les exigences de la
liturgie, on peut comprendre que la réalisation des œuvres ne
peut être confiée à n'importe quel artiste. Ceci suppose que
les producteurs d'œuvres d'art chrétien local remplissent
certaines conditions, ne fût-ce que celle de la connaissance
des réalités de la foi chrétienne. Seuls les artistes chrétiens
doivent être disposés à réaliser les œuvres destinées à la
liturgie. Une œuvre réalisée par un artiste musulman est-elle
« valide»? Autant de questions qui soulèvent bien des
difficultés.
Dans les discussions qu'ont menées les tenants et les
opposants d' « un nouvel art sacré» au ~'I(c siècle en
Europe, les premiers ont centré leurs arguments sur le
principe selon lequel les sources d'inspiration de l'artiste
doivent répondre aux attentes spirituelles des communautés
, . 1es 115 . L e groupe qU1s
ecc lesta ., est rorme
f:'
autour d e 1a revue
l'Art sacré, périodique dirigé successivement par les
dominicains Joseph Pichard et Marie-Alain Couturier (1897-
1954), soutenait la thèse suivante: l'existence de l'art sacré
est le propre d'une situation de chrétienté; en revanche,
dans un monde sécularisé, on ne peut et on ne doit pas
obliger l'expression artistique à servir ou à défendre l'Église.
La prière et la liturgie peuvent sans doute trouver un soutien
dans les images. Cependant, la condition est que ces
dernières soient le résultat d'une authentique inspiration
artistique qui permette à l'homme contemporain de
contempler la réalité cachée dans le mystère eucharistique.
Dans ce dessein, il devient nécessaire que l'artiste fréquente
les différentes communautés de fidèles. Tout en respectant
les convictions de chacun, il lui reviendra de se mettre à
l'écoute des aspirations et de la vie ecclésiale des
communautés, avant de les traduire librement en images.
Peu importe alors que l'artiste soit croyant ou non, pourvu

115 Mcnozz] D. (*1991 : 59).

91
qu'il se révèle un véritable créateur de formes capables de
parler à l'homme moderne'Ï'',
Au Bénin, les commanditaires de certaines œuvres
présentes dans les églises, sans peut-être avoir eu
e
connaissance des controverses en Europe au XX siècle au
sujet du choix de l'artiste, ont suivi la voie défendue par l'Art
sacre en ayant recours à des artistes sans distinction d'ethnie
ni de religion. Tidjani est l'auteur des nombreuses sculptures
des églises de Toffo. Étant lui-même de confession
musulmane, il a eu son premier contact avec le « monde
chrétien» à l'occasion de la réalisation des œuvres des églises
de Toffo. En règle générale, les commanditaires, dans la
recherche d'un art chrétien adapté ou inculturé, font appel,
sans distinction de religion ni d'ethnie, aux artistes locaux
qui se sont affirmés par leur savoir-faire117. En connaissance
de cause, les commanditaires s'assureront d'une certaine
adaptation de l'art chrétien sans tenir compte de la
provenance chrétienne ou non de l'artiste. L'artiste aboméen
Athanase Logo que nous avons rencontré en juillet 2007,
témoigne qu'il est venu à la foi chrétienne grâce aux liens
noués avec les Pères européens qui lui passaient commande.
D'autres artisans ou artistes comme ceux de la confrérie des
Donvidé-Houéssou et des Hountondji, jouissant d'une
renommée nationale voire internationale, vont se voir
confier une part non négligeable de réalisation d' œuvres
exécutées avec minutie. La plupart de ces sculpteurs sont de
religion traditionnelle - animiste -.
S'il est tout à fait admis de soutenir qu'un artiste chrétien
bien ancré dans la foi chrétienne saura trouver les formes
adéquates pour exécuter des œuvres capables de répondre
aux aspirations spirituelles de ses coreligionnaires, on ne
peut ignorer la part importante que peut apporter un artiste

116 Menozzi D. (*1991 : 59).


117 Cf. le récit du Père Lucien Derr pour le cas de la Côte d'Ivoire (*2007: 12-
13).

92
ordinaire en matière de savoir-faire local en ce qui concerne
l'adaptation de l'art chrétien dans les pays de mission. Établir
un principe d'agrément des seuls artistes chrétiens revient à
contester que les compétences des artistes non-chrétiens soit
ici adéquates. Les artistes non-chrétiens sont capables de
faire preuve d'imagination en allant puiser dans les traditions
locales des éléments susceptibles de révéler la foi chrétienne.
Bien qu'étant de confession animiste, Ferdinand Donvidé a
réalisé un nombre important d'œuvres pour les
missionnaires de la Société des Missions Africaines si bien
qu'il est devenu le sculpteur officiel de la societe
missionnaire au Bénin11K• On peut également évoquer le cas
du sculpteur aboméen Athanase Logo qui, au préalable
animiste, est venu à la foi chrétienne grâce aux commandes
... , 119
d es missronnaires europeens .
L'ensemble des questions posées dans cette partie
trouvent leur solution dans la conformité aux exigences de la
liturgie. Il ne s'agit pas de définir une règle générale ou de
rentrer dans des considérations théologiques interminables
pour prouver quels comportements adopter face à tel ou tel
aspect des questions soulevées. Il faut laisser libre cours aux
inspirations des artistes avec la seule condition que les
œuvres répondent aux aspirations des chrétiens locaux.

La place de l'art chrétien local dans le culte

Parallèlement à l'Orient, les débats qui ont eu lieu en


Occident à propos de l'usage des images ont souvent été sur
le terrain des « utilités» et des « effets» de l'image

118 Nous n'avons pas pu rencontrer l'artiste Jurant nos séjours au Bénin en
raison Je l'âge avancé Je celui-ci. Selon ses neveux avec qui nous nous sommes
entretenus, l-crdionnd DonviJé serait devenu impotent, invalide il cause Je la
sénilité.
119 Les propos nous ont été confiés par l'artiste lors Je notre entretien du 09
•\oût 2007 il .\bomey.

93
religieusel2u• Pour de nombreux esprits, l'image religieuse est
faite pour se mettre de diverses manières au service de la foi
chrétienne. La tradition catholique a d'ailleurs tout fait pour
conforter cette idée. L'affaire marseillaise (autour de 600) à
l'occasion de laquelle le pape Grégoire Ier le Grand a adressé
deux lettres à l'évêque iconoclaste Serenus a permis de
définir le principe reçu de l'image religieuse comme Bible de
remplacement pour les populations illettrées. Pour le pape,
l'image religieuse est comme la ((Bible des non-lisants)), les
illiterati selon la formule qui sera souvent reprise par la suite,
((la peinture apprend aux illettrés ce que l'Iicriture enseigne aux
personnes cultivées))121. Par ailleurs, le décret de Nicée II,
toujours d'actualité dans l'Eglise d'Orient, élargit l'utilité des
images religieuses, plus précisément des icônes, en leur
attribuant une dimension cultuelle. Selon Nicée II, l'image
religieuse n'est pas que didactique ou décorative. Elle sert à
«entretenir le souvenir et le désir des prototypes, entendons: des
personnes saintes dont les icônes sont les effigies ou, au mieux, une
forme de présence))122. La virtuosité de l'art chrétien de la
Renaissance, bien que privilégiant les aspects décoratifs en
déplaçant les œuvres vers la sphère civile, n'a pas totalement
éloigné l'art des préoccupations liturgiques.
Suscitant des craintes et des inquiétudes, la question de
l'utilité de l'art est posée chaque fois qu'apparaît une
nouvelle tendance ou une nouvelle forme d'art dans l'Eglise ;
Nous l'avons précisé avec la prise de position du Pape Pie
XI dans les discussions sur le «nouvel art sacré »123. Quelle
est la place de l'art chrétien local dans le culte chrétien ?
Dans la dévotion liée aux œuvres, quelles sont les limites de

120 Bocspflug F. (*2008 : 112).


121 Bocspflug F. (*2008: 111-112). ; Menozzi D. (*1991 : 20).
122 Boespflug F. (*2008 : 118).

123;\ titre de rappel, les paroles de Pic XI : ((Un tel art ne pmt pas être admis dans nos
églises. et on pmt encore moins faire appel à Illi pOlir les édifier. les transformer 011 les décoren>.

94
l'adaptation de l'art chrétien? L'art chrétien doit-il se
développer parallèlement hors de l'église?

An chrétien local hors d'Eglùe


Quelle est la place de l'art chrétien inculturé dans les
églises locales? Cette question ne semble pas avoir été une
préoccupation majeure les premières années de l'art chrétien
béninois. Des années 1920 aux années 1960, les fonctions
dévolues aux œuvres fabriquées au Bénin sont celles de
propagande dans la mesure où elles ont servi à la promotion
de la culture (artistique) béninoise en Europe. Cette situation
s'illustre particulièrement par les œuvres les plus anciennes -
datant d'avant 1960 - de notre collection. Celles-ci se
retrouvent en majorité dans les musées européens. De
même, on peut évoquer le cas des œuvres en laiton issues de
la collection d'Abomey dont certaines ont nourri des
expositions missionnaires en Europe dans le but de montrer
cet art promu par les missionnaires.
Il va sans dire, dans le cas du Bénin, que la fonction
poursuivie pour les œuvres naissantes n'a pas été, comme on
pourrait le croire, cultuelle; pas plus que celles-ci n'ont joué
un rôle d'éveil de la population à la foi chrétienne. Toutes les
œuvres produites dans le pays à cette période ont été sans
exception exportées vers l'Europe faisant ainsi des
Européens les principaux destinataires de fait. Les raisons,
on peut les appréhender, sont celles de la découverte en
Europe de la culture des pays de mission à travers l'art;
pratique en vogue à cette période'<'. Il faut croire que les
missionnaires, principaux commanditaires des œuvres, n'ont

124 Scion Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire, l'apogée de la culture coloniale ct

par conséquent de l'attrait pour tout cc qui est considéré comme exotique sc
situe dans la période qui va de l'exposition des arts décoratifs (1925) à
l'exposition coloniale internationale de 1931. Voir Blanchard P. ct Lemaire S.,
(*2003: 7).

95
pas consacré celles-ci aux fonctions qu'on aurait pu attendre
de l'art chrétien en contexte de mission: la transmission du
message chrétien. Ainsi faisant, leur pratique frise la
dépossession du patrimoine culturel des principaux
bénéficiaires, attitude décriée dans les actions coloniales.
Plus tard, dans les années 1970, les Sœurs Bénédictines de
Toffo reconnaissent le rôle sensible de l'art chrétien
inculturé dans la transmission du message chrétien aux
populations locales. Ainsi, l'orientation de l'art chrétien
produit sur place vers une fonction plus didactique et son
intégration dans les églises locales permettent aux
populations locales de profiter des œuvres produites par l'un
des leurs.
Par ailleurs, plus actuel est le cas distinctif de certaines
œuvres destinées aux touristes. Les visées commerciales qui
motivent la fabrication de ces œuvres les détournent des
fonctions religieuses. Les artistes qui réalisent les œuvres que
l'on retrouve sur le marché de l'art à Cotonou ne reçoivent
pas de commandes destinées aux églises locales. Les œuvres
fabriquées sont laissées à leur libre inspiration. Est-ce pour
autant qu'il faut exiger un droit de regard des autorités de
l'Eglise sous prétexte qu'ils sont des sujets chrétiens? Les
dispositions survenues dans l'histoire de l'art chrétien en
Occident sur l'attitude à avoir par rapport aux images
religieuses, le horos de Nicée par exemple, ont souvent
concerné les œuvres destinées au culte. Parmi les façons
dont est reçu le décret tridentin sur les images, par exemple,
il en est une qui insiste sur l'élimination des représentations
(( erronëes » ou ((obscènes » et l'autre entend extirper les
superstitions liées au culte des images125• Pour le cas qui nous
occupe, les œuvres qui se trouvent sur les étals du Centre de
Promotion de l'Artisanat de Cotonou sont destinées aux
touristes et aux Béninois friands de ce type d'art. Leur

125 Menozzi D. (*1991 : 193). Voir également Molanus J. (*1996).

96
fonction est uniquement décorative. Le style épuré et
contemporain de certaines œuvres témoigne de la recherche
d'un but essentiellement esthétique (voir figure 26). Les
œuvres des mêmes producteurs qui nourrissent la dévotion
des fidèles béninois prennent davantage des tendances
occidentales dans les formes et styles.

,f'rgllre 26, Viet~eà l'Enjànt

97
Dans l'émergence de l'art chrétien au Bénin, il est encore
trop tôt pour juger de l'usage de certaines œuvres d'art
contemporain dans la liturgie d'autant plus que, au vu de leur
style semi figuratif et jugé ((trop épuré )), ces œuvres sont pour
le moment réalisées dans l'objectif de satisfaire les besoins
décoratifs des destinataires. L'aptitude des œuvres d'art
chrétien local à servir le culte chrétien est une question qui,
pour le moment, n'est pas encore généralement soulevée au
Bénin en raison de leur présence négligeable dans les églises.
La question sera peut-être abordée le jour où l'on voudra
introduire davantage d'œuvres d'art chrétien béninois dans la
liturgie. Alors, le débat sur la présence d'œuvres de style
semi figuratif ou contemporain dans les églises ne sera pas
aisé et prendra, à notre avis, les mêmes airs que les
discussions qui ont divisé les tenants et les opposants d'un
(( nouve l art sacre' )) au ,"r~xc·'
x., sieele en Europe 126 .

Art chrétien inculturé et liturgie


L'œuvre d'art est une creation humaine qui allie le
symbolique à l'utile. Dans l'Eglise catholique, la production
d'images religieuses répond à des usages bien définis, La
présence d'une peinture ou d'une sculpture dans une église
correspond à des besoins déterminés. Au-delà de leur
fonction décorative, les images religieuses jouent un rôle
mnémonique et permettent dans certains cas d'édifier la foi
du fidèle. Conformément aux fonctions reconnues aux
œuvres d'art chrétien dans le cadre de la transmission du
message chrétien, « par elles la doctrine est enseignée à ceux qui ne

126 Dans un contexte habitué aux œuvres figuratives et de surcroît d'obédience


européenne, le passage aux œuvres d'art chrétien local de style contemporain,
souvent semi figuratif, pourrait s'avérer inacceptable dans certains milieux
attachés au style atraditionnel»,

98
sont pas en mesure de lire, comme est excitee la dévotion desfidèles et
(re)mùe en mémoire l'histoire sainte »127,
Cependant, il faut faire une distinction entre art religieux
et art liturgique voire art sacré. L'art liturgique désigne l'art
lié aux pratiques du culte. Il se distingue de l'art religieux,
concept plus vaste, qui a pour thème des sujets en rapport
avec la religion, et de l'art sacré qui désigne les productions
artistiques ayant pour but l'expression du sacré. Si l' « art
religieux» est généralement utilisé par métonymie pour les
trois types d'art évoqués, l'art liturgique et l'art sacré sont
plus souvent directement concernés par le culte.
L'intégration de l'art religieux dans la liturgie répond à des
exigences. Selon une acception spirituelle et contemporaine,
l'art liturgique contribue au mystère de la révélation de
l'infinie beauté de Dieu. Suivant cette théorie, la beauté est
servante de la liturgie et du mystère de Dieu. Dans ce
dessein, l'art liturgique chrétien cherche avant tout le beau et
révèle le Beaul2B• Toutefois, considérer l'art liturgique au
regard du seul principe de beauté paraît réducteur. En quoi
une œuvre d'art chrétien inculturé mérite-t-elle ou non d'être
intégrée à la liturgie? L'évaluation de la qualité et de
l'esthétique de l'art à l'aide des critères chrétiens ou
européens n'est pas tolérable. L'idée d'une esthétique
chrétienne du XIX siècle reprenant
C
la tradition
platonicienne avance la thèse suivante: ((l'art authentique ne
peut se rencontrer que dans la religion, puùque le beau est une
expression de Dieu ; et, en retour, l'art ne peut que conduire à Dieu
puùqu'il est essentiellement religietlx )}29. L'esthétique ne concerne
pas la seule capacité d'atteindre le beat/3o• La notion

127 Boespflug 1,', (*2008: 457),


128 Rouet. \. (~Igr) (*1992: 42).
129 Cette idée de l'esthétique chrétienne inspira notamment un groupe de peintres
qui créa la société de Saint-Luc appelée plus tard les Nazaréens, Voir Mcnozzi D.
(* 1991 : 53).
\30 1~dgar W. (Collectif *2001 : 32).

99
d'esthétique, du moins du beau, n'est pas la même pour l'art
négro-africain que pour l'art occidental13l. De quels critères
dispose t-on pour affirmer qu'une œuvre européenne est
plus esthétique qu'une œuvre d'art africain? D'aucun, car les
critères esthétiques européens ne sont pas forcément les
mêmes que ceux de l'art africain. L'art chrétien, en adoptant
les formes de l'art local d'un pays de mission incorpore de
fait les expressions esthétiques liées au type d'art
traditionnel. Ainsi l'esthétique des arts locaux ou de l'art
africain en général doit être pris en compte dans l'art
inculturé.
S'agissant des critères de la mise au service du culte,]ean-
Paul II, dans sa lettre apostolique Duodeâmum saecu/um
commémorant Nicée II, souhaite que chaque genre d'art
sacré exprime la foi et l'espérance de l'Eglise universelle132.
Toutefois, dans les jeunes Eglises d'Afrique où
l'évangélisation n'a que cent cinquante ans, la préoccupation
principale de l'art demeure encore la transmission de
l'histoire du christianisme. En outre, les représentations
destinées à la dévotion ou la piété des fidèles locaux restent
dans une large mesure les œuvres de facture européenne.

Le principe de transivité dans l'art chrétien incu/turé


Le principe de transivité de l'image est que ce que l'on
vénère à travers une image est le prototype, c'est-à-dire le

DI En ce qui concerne l'esthétique de l'art négro-africain, voir l'étude très


poussée de Lokoho Tumba Shango (*2008). Cependant, Léopold Sédar Senghor
a été le premier à théoriser dans un article ce qu'il a nommé «L'Esthétique négro-
africaine». L'article a été publié dans la revue Diogène en 1956 lors du Premier
Congrès des Ecrivains et Artistes noirs de Paris et repris sous le titre «De la
Négritude» dans Léopold Sédar Senghor, Liberté 5, Le dialogue des CIIllures, Seuil,
1993.
\32 Voir Menozzi D. (*1991: 61). L'affirmation de Jean-Paul II est une

proposition à retrouver la tradition orientale de l'image. Ainsi, elle semble avoir


une portée œcuménique que l'on pourrait étendre à l'art émergeant des pays de
mission.

100
saint dont elle est l'icône133. Ce principe est l'une des
affirmations majeures du décret de Nicée II pour justifier la
vénération des icônes. La réception chrétienne de la
philosophie néo-platonicienne du Pseudo-Denys selon
laquelle Dieu se reflète en toutes les choses de l'univers
serait à son origine 134. (( LA contemplation de l'image, reJlet de
Dieu, permet ainsi à l'homme de refaire le parcottrJ de la hiérarchie
Je/on lin sens ascendant, en partant de la sphère matérielle pour accéder
à ce/le qui ut Jpirifue/le ))135. Dans quelle mesure ce principe qui
prévaut surtout dans l'art chrétien d'Orient -l'art des icônes
notamment - pourrait-il être valable pour la sculpture
chrétienne africaine ?
Au Bénin par exemple, le culte de la Vierge est l'un des
ferments de la foi chrétienne. Sur chaque paroisse existe
plusieurs groupes de vénération de la Vierge136• Sur la
paroisse Bon-Pasteur de Cotonou par exemple, on
dénombre au moins cinq groupes de dévotion à la Vierge
Marie: Notre-Dame de Montlégion, Cœur immaculé de
Marie, N otre- Dame du Sacré-Cœur, Légion de Marie, Marie
auxiliatrice. À Dassa Zoumè, ville du centre du Bénin, la
grotte de Notre-Dame d'Arigbo construite sur le modèle de
la grotte de Lourdes accueille chaque année des pèlerinages
de chrétiens non seulement béninois mais aussi ceux de
plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest pour vénérer la mère du
Christ'i". Différents actes de dévotion et de vénération

133 Bocspflug 1". et Revillon 1.., (*1995: 23); Bocspflug Jo'. (*2008: 118);
Mcnozzi D. (*1991 : 20-21).
134 Voir Mcnozzi D. (*1991 : 20-21).

135 Mcnozzi D. (*1991 : 21).


136 Voir .vlladayè J. (*2003: 301).

137 Le site de Dassa Zoumè accueille depuis 1954 des pèlerins venus rendre

hommage à la Vierge Marie à 'lui le Pape Pie XII avait dédié cette année-là. Les
fidèles africains n'ayant pas les moyens de se rendre en pèlerinage à Rome, à
Lourdes, en France, ou à d'autres lieux d'apparition de la Vierge Marie, avaient
reçu l'onction du Pape pour visiter Dassa Zoumé. L', vrchevêquc de Cotonou
d'alors, Mgr Louis Parisot, avait demandé de rechercher un site capable d'assurer

101
s'effectuent devant les représentations souvent sculpturales
de la Vierge. Il convient de poser le problème en se
demandant dans quelle mesure le principe de transivité vaut
pour les représentations de Vierges aux traits africains.
Contrairement à la tradition iconographique orientale où
les traits du Christ sont censés être connus, l'art chrétien
occidental ne retient pas un type unique pour la
représentation des personnages chrétiens. Les traits sous
lesquels apparaît la Vierge ont souvent été les produits de
l'imagination des peintres occidentaux et de la projection
que ceux-ci font de la beauté féminine. Ce qui conduisait
parfois à des représentations jugées trop humaines'i".
D'ailleurs, comment pouvait-il en être autrement? Aucun
texte biblique ni historique ne mentionne les traits physiques
de Jésus ni ceux de sa mère. Ceci ne pouvait donner lieu qu'à
des spéculations. Le type de la Vierge de Lourdes est
différent de celui de la Vierge de Fatima. Pourtant le culte
qui leur est voué ne va-t-il pas au prototype, la mère de Dieu
selon la théologie chrétienne ? Une Vierge représentée avec
des traits noirs ne peut empêcher le culte d'aller à la Sainte
selon le principe de transivité. En Afrique, les préférences
pour les images européennes de la Vierge ne sont que les
conséquences de la réception du christianisme encore lié à
l'héritage européen. Sur ce point, un long cheminement -
psychologique - reste à faire par chaque chrétien africain
pour intégrer les images chrétiennes locales dans la pratique
cultuelle. Il doit comprendre que ce n'est pas parce qu'il prie

un regroupement important de chrétiens catholiques pour rester en union avec


ceux qui sont partis à Rome ou à Lourdes.
138 Le cas de l'abondante iconographie de la Vierge par le peintre florentin

Filippo Lippi (1406-1469) est révélateur de l'appropriation de la figure humaine


et de la figuration de la beauté féminine au travers du sujet de la Vierge. Ce n'est
pas un hasard si le peintre représente fréquemment l'objet de sa passion sous les
traits de la Vierge. L'amour «illicite»de Filippo pour la belle Lucrezia aurait été le
résultat d'une artirance irrépressible du peintre pour la gent féminine. Voir
Molinié A-S. (*2009).

102
devant la représentation d'une Vierge européenne que ces
prières iraient plus vite au prototype qui dans son imaginaire
ne peut correspondre qu'à l'image que lui ont transmise les
premiers missionnaires. La question de l'intégration des
représentations africaines de la Vierge dans le culte trouve
un écho dans cette affirmation de Bamba Ndornbasi
Kufimba, professeur à l'Académie des beaux-arts de la
R'epu blique d'emocrattque
. d u C ongo'lW :
((La Vie1J(e Marie, pensons-nous, en tant que mère du Christ
jéJUJ,.ftIJ de Dieu, Je situe au-dessus de toutes IeJ considerations d'ordre
radai et peut doncfaire l' oo/ct des interprëtationsformeùes diverses de la
part de nombreuses communautéJ chrétiennes selon leur oision propre du
monde. Une vie1J(enoire nousparaît une manière d'exprimer son adoption
comme M,ere ae
J l'E L
'1egro-.Atricai
~g [Je 11\.1' 'jnt'tltne» 1411
.

Problèmes de réception de l'art chrétien local

En Afrique, bien que les initiatives d'adaptation de l'art


chrétien aux réalités locales soient en augmentation, des
réticences sont observées quant à la réception des objets
auprès de certains chrétiens qui ne cachent pas leur
préférence pour les objets européens. La question du bien-
fondé des entreprises d'inculturation de l'art chrétien peut se
poser. Dans quelle mesure l'art chrétien inculturé
correspond-il aux préoccupations locales?
Par ailleurs, des thèmes comme la Trinité, totalement
absente des représentations sculpturales, peinent à s'imposer
dans la peinture. Ce constat, loin de ne concerner que l'art
chrétien local, renvoie à la très faible place de la Trinité dans
la théologie africaine. D'autre part, l'inculturation de l'art
chrétien suppose l'incorporation de certains éléments
culturels locaux dans la représentation des thèmes chrétiens.

139 Bamba Ndornbasi Kufimba est l'auteur de plusieurs ouvrages sur l'art africain

congolais: (*1987); (*1973).


140 Bamba N. K. (*1981 : 295-298).

103
Cette entreprise comporte le risque d'interprétations
équivoques de certains éléments culturels locaux avec les
symboles chrétiens. Parallèlement aux nsques
d'interprétations équivoques des éléments culturels et
chrétiens, on peut évoquer le problème de la juxtaposition
hétéroclite des symboles locaux et des symboles chrétiens.
Par exemple, dans quelle mesure l'intégration des symboles
locaux dans la réalisation des thèmes chrétiens peut-elle
s'effectuer sans une juxtaposition hétéroclite des éléments
qui reviennent à chaque univers?
Telles sont les principales difficultés que posent les
tentatives d'inculturation de l'art chrétien en Afrique.
L'examen des problèmes permettra de situer les difficultés
et, à l'aide des éléments de réponse que nous apporterons,
de proposer, dans la partie suivante, des voies pour l'avenir
de l'art chrétien inculturé en Afrique.

La réceptionde l'art chrétienlocal


Comment comprendre les propos suivants venant de
fidèles de la paroisse « Bon-Pasteur» de Cotonou: «( Cette
Vie~e n'est pas la Marie que nous connaissons)}41 ? Les propos
concernent la représentation de la Vierge à l'Enfant de la
figure 27. En effet, la représentation fait preuve d'une
véritable adaptation par le traitement des traits et du
vêtement des personnages. Les traits de la Vierge et de
l'Enfant sont africains. La Vierge a par exemple le cou strié.
Il ne s'agit ni de scarifications ni de colliers mais d'une
distinction naturelle, élément essentiel des canons de beauté
africaine. Par ailleurs, certains détails des vêtements de la
Vierge sont remarquables par leur ressemblance au modèle
béninois. Le nœud du foulard est caractéristique d'une forme
répandue chez les femmes béninoises. De même, le pagne
retenu par l'avant-bras gauche de Marie et qui tombe vers

141 Propos des paroissiens rapportés par le l'ère Jacob Agossou, curé de la
paroisse «Bon-Pasteur» de Cotonou lors de notre entrevue du 13 août 2007.

104
l'avant est synonyme d'atours de grandes occasions. Au
moyen de cette représentation, l'auteur fait voir en la Vierge
l'idéal de beauté de la femme africaine.

f-<lgure 27, Viet.Ee à !'Erifant

La Vierge et l'Enfant sont vraisemblablement réalisés sur


le modèle de personnages de l'entourage du sculpteur. Ce
qui semble poser problème à ces paroissiens est justement la

lOS
ressemblance avec des personnes ordinaires de leur
environnement. Le cas de la Vierge à l'Enfant de la paroisse
«Bon-Pasteur» de Cotonou est évocateur d'une situation
similaire dans d'autres pays africains. En témoigne cette
remarque de Bamba Kufimba sur l'art chrétien local en
République du Congo:
((La majorité des chrétiens zaïrois apprécient des images et statues
des saints européens, fabriqués de surtraît dans des rdftcines européennes.
Une représentation d'une vierge noire, si extraordinaire qu'elle puisse
paraître du point de vue artistique, est indifféremment acceptée par les
r - . 142
ca!hotZques zatrots )) .
Les obstacles qui empêchent certaines sculptures
fchrétiennes locales de s'imposer auprès des chrétiens
africains ont en grande partie pour cause la préférence pour
les objets européens'V. Cette situation, au-delà des
considérations liées à l'art, concerne la manière dont le
christianisme a été transmis et reçu en Afrique. La religion
chrétienne, du fait de ses modes de transmission, a été
intimement associée à la culture européenne si bien que
venir au christianisme revenait dans une certaine mesure à
embrasser la culture européenne au moins pour une part.
Après un siècle et demi d'implantation du christianisme dans
la plupart des pays africains, les réticences liées à la réception
des objets d'art chrétien local révèlent en partie
l'attachement aux formes religieuses européennes transmises
par les missionnaires.
L'un des enjeux des initiatives d'inculturation de l'art
chrétien réside dans la valorisation et la prise de conscience
des richesses artistiques et culturelles locales. Nous osons

142Bamba N. K., (*1981: 296).


143 Il semble que les représentations qui ont du mal à s'imposer auprès des
chrétiens africains sont celles du Christ et de la Vierge sous des traits africains.
Les représentations de saints et autres personnages bibliques ne semblent pas
poser problème; d'où la corrélation entre les problèmes de réception des
représentations de Jésus et de Marie et leur place dans l'imaginaire religieux de
ces chrétiens.

106
espérer que l'art chrétien inculturé arrive à faire découvrir et
apprécier aux Africains les valeurs des traditions
autochtones.

Thèmes chrétiens et contextes cfricains


Dans l'histoire de l'art chrétien hors d'Europe, certains
thèmes ont fait l'objet d'aménagements car ils étaient mal
accueillis par les populations locales. Au Japon par exemple,
au À\TI" siècle, le Christ en croix a été délaissé par les
Jésuites au profit d'images de la Vierge à cause de la
correspondance entre le supplice subi par le Christ et celui
que les Japonais infligeaient eux-mêmes aux brigands. Le
corps souffrant n'évoquait pour eux qu'impureté. Alors, par
prudence, les Jésuites ont dû utiliser la croix grecque plutôt
que la croix latine". Au Mexique, Cortés essaya de rentrer
en contact avec les caciques en leur donnant des images
pieuses ; le capitaine général jugeait les images de Marie plus
attractives que le Christ en croix, trop sacrificiel et trop
sanglant pour un premier contact. Cortés distribua donc
.
exc 1usrvement d'es lmages dee laa Vilerge 145 .
Si les représentations du Christ en croix ne semblent pas
poser problème en Afrique, on ne peut que constater
l'absence de certains thèmes et personnages de l'art chrétien
comme Dieu le Père, la Trinité et/ou Dieu-TrinitéI46• Ce qui

144 Bocspflug 1". (*2008 : 465).


145 Duverger Chr. (*2003: 59).
146 Dans notre enquête sur le terrain, en parcourant le pays du sud au nord, nous
n'avons rencontré aucune representation sculpturale des thèmes évoqués, aucune
représentation anthropomorphique de Dieu le Père. Ces thèmes peinent à exister
dans les représentations picturales d'obédience européenne en Afrique-ne
parlons pas des représentations picturales locales puisqu'elles n'existent pas-.
Dans l'ouvrage de Thiel qui répertorie les réalisations d'art chrétien africain,
aucune trace de Dieu-Trinité dans les représentations sculpturales. Cas en a été
fait dans deux œuvres picturales d'Erhiopie. \' oir Thiel J. F. et l Iclf 1r. (* 1984 :
72-73). François Boespflug posait déjà la question du désintérêt africain pour les
images anthropomorphiques de la Trinité. Voir Boespflug F. (*2008: 473).

107
conduit à se poser la question de la place de ces thèmes en
contexte africain.
En Afrique subsaharienne, malgré l'absence de règles
explicites interdisant la représentation du divin, il est rare de
rencontrer des représentations anthropomorphiques du dieu
créateur local. Sur le plan rituel, dieu créateur n'a pas d'autel,
il n'a pas de culte, pas de sacrifices. Il est sans symbole
visible sauf dans de rares cas comme chez les Fon du Bénin
où il est symbolisé par le soleil ou la lune. Il est surtout sans
image. Pas de représentation anthropomorphe de lui147• Est-
ce parce que sa personne, considérée comme suprêmement
,
sacree, ne peut d onner li'eu a aucune representatlon
,. 148 "\
r
Pourtant, son nom entre dans la détermination des
prénoms ; d'où la propension des prénoms théophores en
Afrique subsaharienne. Chez les Fon du Bénin par exemple
le nom de Mawu intervient souvent dans le prénom des
enfants". Chez les Sar du Tchad, le nom de l'initié,
notamment chez les hommes, est remplacé par un nom
théophore lors de l'initiation1su• Chez les Kabyé du Nord
Togo, Eso apparaît dans tous les noms - par exemple
Esàxam, Dieu m'a donné - en fonction des événements qui
interviennent dans la vie du Kabyé1s1• De même, Dieu est
dans toutes les salutations et les bénédictions.
Par analogie, on serait tenté de dire que les
représentations anthropomorphiques du dieu créateur étant
rares dans l'art africain, pour des raisons que l'on ne peut
que supputer, il semble inutile pour l'Africain, fût-ce par

147 Cf. Thomas L.V. et Luneau R. (*1980: 142).


148 Chez les Dangaléat du Tchad, Dieu ne peut être objet d'aucune invocation;
on ne sait pas son nom. Voir Fedry J. (*1971 : 10).
149 Cf. Saulnier P. (*1971).

150 Cf. Hallaire J. (*1972: 36-55).

151 Cf. Pahizi 1. (*1972: 18-19).

108
imitation des images européennes de Dieu, de donner corps
à Dieu le Père chrétien'Y.
Mais qu'en est-il des signes conventionnels - main,
tétragramme, cercle, triangle, œil etc ... - qui symbolisent
Dieu le Père dans l'art chrétien? Parmi les œuvres
rassemblées, seule une, la figure 28, donne à voir la main de
Dieu descendant des nuées.
Quand on sait que l'ébauche de la sculpture a été
effectuée par une religieuse française, on a vite fait de revenir
à l'idée de l'absence de représentation de Dieu le Père, fût-ce
de manière symbolique, par les sculpteurs locaux. On peut
considérer comme le suggère François Boespflug pour le
panneau du buisson ardent des portes en bois de l'université
catholique d'Ibadan, que la renonciation à figurer Dieu en
personne ou sa VOLX répond à l'imaginaire africain qui
« concentre /e sacre dans les o,?jets matérielJ ou dans les o,?jets naturels ))
rendant ainsi « superflus)) les signes conventionnels de la
,
presence de D'leu'153.

152 Des études systématiques manquent pour montrer pourquoi l'art africain est
rétif aux représentations anthropomorphiques du dieu créateur pourtant présent
dans le panthéon de nombreux peuples africains.
153 Bocspflug 1;. (*2008: 473).

109
J:'lgure 28, L'intercession d'Abraham pour Sodome
Pour ce qui est de la Trinité, au-delà de la complexité du
dogme y compris dans la pensée chrétienne occidentale, si
l'on veut comprendre pourquoi l'art chrétien africain est rétif
à sa représentation, il faut d'abord interroger la théologie
africaine. Comme le suggérait Bruno Chenu, la question que
l'on doit adresser à la théologie africaine aujourd'hui est la
suivante: « Théologieafricaine, qu'as-tu fait du Dieu-Trinité? )}S4.
Dans un important ouvrage sur la question, Jean-Paul
Sagadou, religieux assomptionniste burkinabé, examine la
conception de la Trinité en Afrique à travers les grandes
étapes de la théologie africaine, depuis la théologie des
pierres d'attente, jusqu'à la théologie de l'Église-Famille en
passant par la théologie de l'inculturation. Il tente de repérer
les traces du Dieu-Trinité dans la ligne de l'inculturation de
la foi chrétienne en Afrique, en se demandant ce que devient
le christianisme acculturé dans la civilisation occidentale
quand il est exporté en Afrique et comment respecter les
religions et les croyances africaines tout en soulignant la
rupture que Jésus apporte15S• Si le grand domaine de
recherche de la théologie africaine est la christologie, il faut
observer qu'elle a négligé la question de la Trinité. Pour
l'auteur, c'est à la question «Que dites-tous queje JuÎJ ? )) que les
Africains vont travailler à répondre en développant une
christologie à la fois sotériologique et performative.
Sotériologique pour montrer que le Christ est suffisamment
proche de l'Africain pour comprendre et assumer sa
détresse, et suffisamment différent pour le libérer, pour le
sauver. Performative, en traçant le chemin de la nomination
africaine de Jésus-Christ, qui est chemin d'une
réappropriation christologique en rapport avec la culture
africaine et les problèmes de vie à affronter. Ce serait donc
une théologie pragmatique, anthropologique que
chercheraient à développer les Africains en privilégiant à tort

154 Chenu Ho (Collectif *1994 : 21-28).


155 Sagadou ./-1'. (*2006).

111
ou à raison la ftgure du Christ au détriment du Père et de
l'Esprit pourtant essentiels au mystère de la foi chrétienne.
Conscient que ce qui révèle de la théologie ne s'applique pas
toujours à l'art chrétien, on peut supposer que la faible place
de la Trinité dans la théologie africaine indique dans une
certaine mesure l'absence de la Trinité dans l'art chrétien
béninois. En négligeant la réflexion sur la Trinité, l'Africain
se con d amnait., a 19norer
. ,.
sa representatlOn d ans l' art 156
.
Par ailleurs, une autre raison pourrait expliquer le
désintérêt pour la Trinité dans la théologie africaine. La
Trinité chrétienne ne présente aucune correspondance avec
la conception du monothéisme africain157.Chez les Fon du
Bénin, Mawu a parfois un pendant féminin Lissa parce que
dans la conception fon, pour que naissent le monde et les
hommes, il faut une entité masculine et féminine. De même,
à Mawu conviennent plusieurs dénominations. Selon le
contexte et les besoins de ceux qui l'invoquent, il est appelé
Sê (Esprit protecteur), Sêgbô-Lissa (le plus grand Esprit), Sê-
Mèhoto (Esprit sauveur), Sê-Mêdôto (Esprit créateur) etc. Ceci
ne conteste pas le monothéisme fon qui érige Mawu en dieu
A ,
. outetois concevoir. Mawu en D'leu
supreme et createur 158TL'
« Tri-unité» semble ne pas correspondre à l'imaginaire
béninois, voire africain 159.Le dualisme est une conception
accessible à la pensée africaine. Il régit les éléments de la
cosmogonie - ciel/terre, soleil/lune, eau/ feu - également
identifiés comme des principes masculins et féminins. Le
trialisme qu'il faut se garder de confondre avec la Trinité n'a

156 Au Bénin, bon nombre d'auteurs ont écrit sur la théologie béninoise

(africaine), parmi lesquels on compte: Assohoto B. (*2002); lIoungbédji R.,


(*2008) ; Association Des Théologiens Du Bénin, (*2003). Dans ces ouvrages,
on ne relève aucune réflexion sur la Trinité en contexte béninois.
157 L'ouvrage de Thomas L.V. et Luneau R, (*1969),donne un important aperçu

des approches de l'univers religieux négro-africain qui ne présentent aucune


mention avec la conception chrétienne du Dieu-Trinité.
158 Quenum M., (*1999 : 66-67).

159 Les mythologies béninoises ne présentent pas un Dieu créateur à la fois un et

trois. Voir Quenum M. (*1999).

112
aucune place dans la pensée africaine 1611. La Trinité
chrétienne, dans les principaux courants du christianisme,
désigne Dieu, unique, en trois hypostases, Père, Fils et Esprit
Saint, égales et participant à une même essence
(consubstantialité ou bomoousidï. L'énoncé du dogme de la
Trinité se présente comme la conséquence de ce qui est dit
du mystère du Dieu chrétien dans les Écritures: Dans
l'Anâen Testament, Dieu a révéléson existence et son uniaté ; dans le
Nouveau Testament ont été qfjirméJ la divinité de [ésus-Christ et le
caractère personnel de l'Esprit-Sain: Cependant, il faut
reconnaître avec Maximilien Quenum que le monothéisme
fon est un monothéisme sans dogme et peut-être sans
concession
• 161 . L a personm 'fi'
icanon d es crorces d e la nature
dans l'univers religieux fon entraînant la confusion des dieux
avec les manifestations de la nature n'a pas supprimé la
croyance en un Dieu suprême. La notion de la Personne
divine est primordiale dans la théologie fon. La Personne
divine de la théologie fon ne se distingue pas de la notion du
Dieu suprême et le nom Maw« suffit à lui seul pour le
prouver. Maw« est la forme syncopée de la locution NOIl dé
ma WOII qui signifie littéralement l'être tel qu'il n'yen a de
plus grand. Cependant, il se trouve que les missionnaires ont
traduit Dieu par MawtI au Bénin. Ce qui condamne le
chrétien béninois à penser le Dieu chrétien avec les formes
de pensée liées à MaWl1 dans la théologie fon. Par là, si MawtI
est fondamentalement une Personne divine, « l'être tel qll'il ny
en a de plus grand )), le concevoir en plusieurs hypostases
semble alors une tâche difficile pour le chrétien local dans la
mesure où celui-ci s'emploie à ne jamais lui adjoindre
d'autres divinités. Par ce qui précède, il apparaît, à notre avis,
que les difficultés de correspondance entre la conception

160 Le trialisrnc est un Système de croyance ou de pensée gui pose la coexistence

de trois principes premiers, opposés et irréductibles. Voir le dictionnaire


électronique http://www.cnrtLfr/definition/trialisme.
161 Quenum M. (*1999 : 65).

113
chrétienne de la Trinité et la notion du monothéisme dans la
théologie fon béninoise freinent l'imposition du thème tant
dans la théologie que dans l'art chrétien local.

Risques de corfusion sémantique et schématique


Nous entendons par risques de confusion sémantique et
schématique la lecture équivoque que les chrétiens locaux
peuvent être amenés à faire des symboles traditionnels
intégrés à l'art chrétien inculturé et le symbolisme chrétien.
Ces risques ne sont pas forcément un danger pour le
principe d'inculturation. Bien au contraire, nous considérons
que les rapprochements entre certains éléments culturels
africains et la tradition chrétienne procurent à l'inculturation
toute sa vitalité. Seulement, il s'agit ici de relever quelques
risques d'équivocité auxquels peut être exposé le chrétien
africain mais avec lesquels il est amené à composer dans le
cas précis de l'adaptation de l'art chrétien aux sensibilités
locales.
Dans l'histoire de l'importation de l'art chrétien en
Afrique, le premier exemple de lecture équivoque des objets
d'art chrétien et des éléments de la culture religieuse et
traditionnelle locale nous vient du J\.'vr siècle, dans le
royaume kongol62• Dom Afonso l" (1506 à 1543), deuxième
roi chrétien kongo, semble avoir été le plus zélé des rois
convertis par les Portugais. Ce roi n'a pas hésité à ordonner
la destruction des statues kongo originelles - auxquelles on
conférait un rôle religieux - pour permettre l'adoption de
l'art chrétien dans tout le royaurne'I". Toutefois, la
disparition du royaume et de l'influence portugaise entraîna

162Le royaume kongo rassemble une grande partie du Sud-ouest de l'actuelle


République démocratique du Congo, du Nord de l'Angola, du Sud de la
République du Congo et une partie du Gabon.
163Pourl'exemple de Dom Afonso 1er donné et un approfondissement de l'art
chrétien au Congo (rép. du), cf. l'article de Ne-Mwine Badi-Banga (*1982).

114
la résurgence des pratiques religieuses païennes kongo qUl
récupererent dans leurs usages des représentations
chrétiennes. En 1940, Robert Wannyn découvrit au bas-
Zaïre plusieurs statues de Saint-Antoine depuis longtemps
utilisées comme «porte bonheur, amulettes, remèdes )/64. Si le cas
illustre la récupération d'éléments étrangers au service du
culte local en situation de privation, il montre par ailleurs
que l'adaptation de l'art chrétien en Afrique ne peut aller
sans risques de confusion ou de récupération des objets à
d'autres frns165•
Dans les premières années de l'adaptation de l'art
chrétien en Afrique, dans les années 1930, le Père Alexandre
Gillès de Pélichy soulignait déjà les difficultés à intégrer sans
risque les symboles traditionnels dans l'art chrétien local:
« Souvent, dans un J'impie motif qu'on aurait .TU décoratif, on
retrouvait une J(:ylùation hardie de quelque réalité rymbolique ... Et l'on
constatait atec étonnement que les néopf?ytej'en étaient scandalisés !
.Ainsi la richesse même et la variété infinie du symboles utilùéJ
couramment par les ~rri •.ains canstituaient une source nouvelle de
diffimltéJ et le missionnaire Je demandait s'il arriverait jamaù à utiùser
pour desfins chrétiennes une production africaine qui s'acérait maintenant
'h e lie
trop ni" -' rym bousme
.r sens et lie /' .. ))166 .
païens
Dans un entretien, le Père Pascal Fanou, curé de la
paroisse Saint Benoît de Zagnanado - Sud du Bénin - nous
confirmait les propos du Père Gillès de Pélichy167. Comment
un chrétien béninois peut-il percevoir la Vierge à l'Enfant,

Il,4 Cf. R. Wannyn, (*1951).


Il,5 Le cas du royaume kongo montre que lorsqu'une population (africaine) est
privée de ses objets religieux, elle fait une projection des attitudes religieuses
traditionnelles dans les objets de culte qui lui sont présentés. C'est aussi le cas
pendant l'esclavage. Les populations africaines qui n'ont pas pu emmener avec
elles les objets de culte traditionnel ont récupéré certains objets religieux trouvés
sur place (représentations sculpturales de saints chrétiens) en les intégrant aus
rites traditionnels de leur propre religion. L'exemple des esclaves béninois au
Brésil pourrait venir à point nommé. \' oir à ce sujet les travaux de Pâques V.
(*1991).
161, Dom Cillés de Pélichy .\. (*1950: 63).

167 Entretien du 27 Juillet 2007 à Zagnanado.

115
celle de la figure 10 qui est incustrée de cauris, objet usité
pour le l'à et tant associé au culte uodoun ? Autant dire que le
risque de malentendu paraît grand tant il peut être parfois
redouté par le chrétien local. Les représentations du dieu
Ugba, dieu à la fois protecteur et malfaiteur, intègrent des
cauris. Ugba en tant protecteur est érigé un peu partout, à
l'entrée des maisons ou des villes. Cette vision fait partie de
l'inconscient du chrétien béninois et pourrait l'amener à faire
un rapprochement, si anodin soit-il, entre cette
représentation de la Vierge à l'Enfant et Ugba en raison de
l'utilisation de cauris.
Cependant, le problème ne concerne pas seulement
l'utilisation des éléments religieux locaux. Le risque de
confusion peut aussi envahir la lecture que peuvent faire les
chrétiens locaux de certains thèmes de la tradition
iconographique chrétienne. On pense par exemple à
certaines représentations de Vierges à l'Enfant. Dans quelle
mesure distinguer une représentation de mère et enfant
africain d'une Vierge à l'Enfant surtout quand celui-ci est
porté sur les jambes ou allaité par sa mère? Ces deux
(dis)positions de l'enfant prévalent dans les représentations
de mère et enfant dans l'art africain - baoulé notamment -
et symbolisent la fécondité". Le risque de malentendu paraît
moindre pour les représentations de mère allaitant car des
Vierges allaitant existent dans l'art européen et le
rapprochement de sens peut être soutenu. Cependant, rien
ne permet de distinguer une représentation de mère à enfant
porté sur la jambe de l'art traditionnel africain d'une Vierge à
l'Enfant de l'art chrétien africain si ce n'est le lieu (église ou
maison) où l'œuvre est présentée.
En outre, dans la théologie africaine, il y a les défenseurs
d'une identification (spirituelle) au Christ par la voie de
l'ancêtre. La réflexion menée par Jules Pascal Zabre permet

168 Pour les représentations de mère et enfant symbolisant la fécondité, voir


Massa G. (*1999: 60-138).

116
de retenir d'emblée un concept africain de l'ethnie des
Moose au Burkina Faso, le Sigre, qui s'illustre comme une
méthode, mieux, un chemin d'identification à une personne
aînée ou Ancêtre, Jésus-Chrise69• Cette réflexion tend à
s'imposer dans la théologie africaine car selon certains
théologiens africains, elle permet aux Africains de mieux
s'approprier le Christ'Ï'', Si l'on se place sur le plan iconique,
dans quelle mesure la représentation d'un Christ en ancêtre
ou en sage africain peut-il aller sans risque d'interprétation
équivoque? La représentation d'un Christ en ancêtre africain
peut-il évoquer la véritable figure du Jésus des évangiles? Ce
qui vaut pour la théologie ne se justifie pas toujours en art.
La représentation de l'ancêtre répond à des canons bien
précis en art africain. L'ancêtre est l'une des figures les plus
représentées dans la statuaire africaine. Dans l'art dogon
(Mali), bangwa (Cameroun), masaï (Kenya, Tanzanie) et
d'autres peuples d'Afrique noire, un personnage masculin se
tirant la barbe souvent bien fournie illustre la figure de
l'ancêtre ou du sage. La représentation d'un Christ-Ancêtre-
si le cas se présentait, puisque nous ne connaissons aucune
représentation du thème - reprenant le même canon risque
fort de conduire à une confusion des deux personnages au
nom du principe de transivité auquel sont soumis le Christ et
l'ancêtre africain. Un culte est certes voué aux deux
personnages à travers leurs représentations matérielles, mais
les manifestations du culte ne sont pas les mêmes. Pour cela,
nous considérons qu'il est nécessaire de laisser à chaque
univers ce qui lui revient de droit. Identifier le Christ à
l'ancêtre africain ou vice-versa correspond souvent à une
volonté non avouée de hisser ce dernier à un rang considéré

169Zabre J. P. (*2010).
170 Dans la théologie africaine, on a les tenants d'une identification (spirituelle) au
Christ par la voie de l'ancêtre et les opposants à cette idée. Si la réflexion menée
par Jules Pascal Zabre défend l'idée de l'identification de Jésus comme ancêtre,
certains s'insurgent contre l'identification des ancêtres africains aux Saints
chrétiens et au Christ .. \ ce sujet, voir Kabasélé F. (*2001).

117
comme « noble» et mondialement reconnu (comme celui du
Christ). On oublie ainsi que le nom d' « ancêtre» est la plus
haute distinction qui soit accordée en Afrique à une
personne de la lignée, lui permettant d'intervenir désormais
dans la vie des descendants encore vivants.
D'autre part, il faut aussi compter avec le risque de
juxtaposition hétéroclite des symboles. L'exemple d'un jeune
prêtre français qui voulait remplacer au Sénégal la croix
chrétienne par la croix d'Agadès montre les limites du
rapprochement de symboles de prime abord convergents'Î'.
Envoyé dans les années 1980 dans le Nord-Ouest du
Sénégal dans le cadre de Fidei Donum ou Prîtres sans
frontières"; ce jeune prêtre, dans l'esprit d'adapter les
éléments de la foi chrétienne aux sensibilités locales, prit
l'initiative de substituer la grande croix chrétienne
préalablement installée dans la cour de la paroisse par la
croix d'Agadès. Or, il s'avère que celle-ci renferme un
symbolisme complexe, polysémique, à tendance sexuelle et à
fonction controverséel". La croix d'Agadès est un objet
cruciforme dont la partie supérieure renferme un anneau
comportant un renflement central et deux appendices
l'encadrant. La partie inférieure est un losange aux bords
incurvés à trois sommets terminés par des ornements en
double cône. Le plus souvent utilisée comme pendentif, elle
est reconnue comme le symbole principal du Sahara et
l'attribut des troupes sahariennes. Selon les différentes

171 Cette aventure du jeune prêtre est racontée dans Brasseur Paule (*1984: 119).
172Fidei Dontos ou Prêtres salis frontières est un organisme missionnaire institué en
1957 et inspiré par la lettre encyclique que Pie XII a envoyée la même année aux
évêques du monde entier. Le pape les invitait à porter avec lui «le souci de toutes
les Eglises». Et cela non seulement par la prière et l'entraide, mais aussi «en
mettant certains de leurs prêtres, pour une durée limitée, à la disposition des
évêques d'Afrique». Depuis 1957, de nombreuses congrégations ont envoyé des
équipes de religieux et de religieuses dans l'esprit de Fidei domo». Durant ces 50
ans après l'Encyclique Fidei donum; plus de mille prêtres français ont été ainsi
envoyés principalement en Afrique et en Amérique Latine.
173 Voir Mauny R. (*1954: 70-79); (*1955), ainsi que Dudot B. (*1955).

118
hypothèses formulées sur son ongme, elle serait faite à
l'image du pommeau de la rahla. Rahla est le mot d'origine
arabe par lequel les Méharistes « métropolitains », c'est-à-dire
ceux qui opéraient dans les territoires dépendant de l'ex-
Afrique Française du Nord désignaient la selle du chameau
dont les plus beaux exemplaires sont fabriqués à Agadès au
Niger et dont les pommeaux affectent la forme particulière
d'une pointe de flèche dirigée vers le bas. Selon d'autres
hypothèses formulées par Raymond Mauny sur son origine,
la croix d'Agadès serait une forme évoluée des t'aihakim, les
bagues romaines à trois bosses qui sont des symboles
phalliques 174. Par ailleurs, la croix d'Agadès serait à
rapprocher de la représentation du varan, ce lézard dont la
représentation est courante dans les gravures rupestres du
pays Dogon et dans la symbolique saharienne et soudanaise.
Le varan est considéré par les nobles touareg comme leur
oncle maternel. Il est utilisé dans la divination par ses traces
sur le sable et sa tête entre dans la confection d'amulettes.
Enfin, selon une autre hypothèse, la croix d'Agadès serait la
représentation stylisée de la Déesse Mère. Celle-ci est
commune à toutes les mythologies du bassin méditerranéen.
La Déesse Mère connue sous le nom d'Hissariik à travers le
Sahara est la dispensatrice de la fertilité dans les champs,
chez les animaux et les hommes. Son culte à caractère sexuel
comprenaIt. 1a prostitution
.. ,175
sacree. S omme toute, 1es

m Ces anneaux sont toujours fabriqués dans le golfe de Cambay en Inde. En


argent ou en cornaline, ils jouissent toujours en Syrie de la réputation d'amulettes
de fécondité. La croyance populaire y ajoute la capacité pour ces anneaux de
protéger contre les écoulements de sang et de raccourcir le flux menstruel
féminin. Voir Mauny R. (*1954: 75).
175 La thèse de la relation entre la croix d'.\/,>adès et la Déesse Mère l Iissarlik a

été exposée par un certain Es Sahraoui. Voir l'article de Drone J.R.D., «La croix
d'. \/,>adès, origine et symbolisme», article mis L'Il ligne sur le site www.syrnbolcs-
et -traditions, com/ articlcsanciens/ croix -agadcs/ page-croix-agades. htm. J :auteur
de cette thèse montre par une série de croquis l'évolution et la stylisation
supposée de la représentation de la déesse à ce qui est appelé aujourd'hui la croix
d'. \/,>adès.

119
ethnologues s'accordent sur le fait que l'origine de ce qu'on
appelle communément la croix d'Agadès est liée à un
symbole de fécondité ou de sexualité. On comprend qu'au-
delà de la polysémie des symboles de la croix d'Agadès,
l'initiative pose le problème de la convergence des sens.
Dans quelle mesure la théologie chrétienne pourrait
admettre que le principal symbole de la foi chrétienne soit
identifié à un symbole a Priori sexuel, en tout cas à sens
controversés? Cet exemple préconise que les initiatives
d'adaptation soient motivées par des expériences bien
renseignées afin d'éviter tout risque de juxtaposition
hétéroclite de symboles. Cette initiative du jeune prêtre Fidei
Donum se distingue toutefois de celle de Marie Baranger qui a
fait disposer la croix égyptienne Ankh sur le couvercle d'un
ciboire (voir la figure 29). La convergence de sens entre la
croix ankh encore appelée la croix ansée et la croix
chrétienne met cette fois-ci à l'abri de tout malentendu.

120
""~ ;>',~
"..
y,~'/
W1"

l-'zgtlre 29, Ciboire JtlTmonfé de la croix Ankh


Les problèmes soulevés dans la présente partie évoquent
les enjeux de l'art chrétien inculturé en Afrique. La
préférence pour les objets européens montre combien le
christianisme africain est encore en quête d'identité176• De
même, elle montre les difficultés que doivent affronter les
initiatives d'inculturation de l'art chrétien. On aura beau
plaider pour un art chrétien inculturé, si les intérêts de cet art
ne coïncident pas avec les attentes des destinataires,
l'entreprise sera vaine. D'où l'intérêt de trouver les voies
pouvant permettre à l'art de s'imposer, si cela est nécessaire,
auprès des chrétiens locaux, fût-ce par les moyens pouvant
égaler la qualité de l'art chrétien occidental.
Sur l'adoption des signes et objets traditionnels locaux
dans l'art chrétien inculturé, les œuvres commandées par les
Européens répondent aisément aux critères d'adaptation de
fond. Les initiatives des commanditaires locaux sont celles
qui sont le plus souvent rétives à l'intégration des éléments
culturels locaux aux œuvres chrétiennes. Est -ce par respect
pour le patrimoine culturel africain ou par souci de
distinguer ce qui relève de l'héritage traditionnel des
éléments de la foi chrétienne? La réponse semble résider
dans la manière dont le christianisme a été présenté lors de
son implantation. Certains aspects de la culture et des
religions traditionnelles ont été réprouvés par les
missionnaires dans les premiers temps de l'évangélisation,
créant ainsi une dichotomie entre le christianisme et les
cultures et religions locales 177. Cet héritage est encore vivant
dans certains esprits si bien que permettre aujourd'hui
l'insertion des éléments culturels comme les symboles dans
les réalisations chrétiennes pourrait sembler
incompréhensible.

176 Voir Messina]-P. (*2007).


177 Voir Roussé-Grosscau C. (*2000 : 286).

122
Quant à l'absence de certains thèmes dans l'art chrétien
africain, soutenir qu'il s'agit d'une déficience par rapport à
l'art chrétien européen serait retomber dans le travers de
l'idée de transplantation contre laquelle l'Eglise, dans son
histoire missionnaire, a lutté au cours du ~~c siècle. Certes,
la foi en la Trinité n'est pas un aspect secondaire de la foi
chrétienne. Cependant, à quoi servirait une image de la
Trinité si elle ne répondait pas à de réels besoins? ((Cela
n'aurait pas de sens d'exporter les imageJ de Dieu et de la Trinité qui
-'
ont eu cours aans l''htstotre ,178»:", L'·
. . de l' art europeen existence de
certains thèmes de l'art chrétien n'a de sens que localement,
selon les besoins et les aspirations des destinataires.

178 Boespflug F. (*2008: 471).


UN AVENIR POUR L'ART CHRETIEN
AFRICAIN?

L'art chrétien africain a-t-il un avenir? La stagnation de


l'art sacré pourrait donner raison à un espoir de renouveau
de l'art chrétien qui se trouverait du côté des pays de
mission. L'essor qu'a connu l'art chrétien ces dernières
années en Afrique peut faire naître la conviction de voir la
continuité de l'art chrétien en général assurée par l'art
chrétien africain. Cependant, les conditions du
développement de l'art chrétien africain dépendent de bon
nombre de facteurs. Si les problèmes évoqués dans la partie
précédente sur la place de l'art chrétien africain dans la
théologie et la liturgie chrétiennes restent en lien avec
l'avenir de cet art sur le continent, d'autres conditions
prévalent à son développement. Il plaît ici de traduire ces
conditions en interrogations pour lesquelles, sans prétention,
nous envisageons, en termes de solutions, baliser le chemin :
Pour son développement, l'art chrétien africain doit-il
procéder à l'abandon complet des formes de l'art chrétien
européen? L'art chrétien africain est-il l'assurance de la
pérennité de l'art chrétien? En Afrique, va t-on vers
davantage d'églises ornées d'objets d'art chrétien local ou en
est-on loin? Les garanties de l'avenir de l'art chrétien
africain résident-elles dans le développement actuel de l'art
africain contemporain ?
Les différentes réponses que l'on peut apporter à ces
interrogations peuvent être considérées comme des garanties
nécessaires au développement de l'art chrétien africain. Il
s'agira donc ici en premier de montrer les voies de
l'émancipation de l'art chrétien africain; ensuite de relever,
en termes de capacité, le potentiel de l'art chrétien africain et
enfin de suggérer les garanties capables d'assurer la survie de
l'art chrétien sur le continent.

125
Les voies de l'émancipation de l'art chrétien africain

Les rapports entre l'art chrétien des pays de mission et


l'art chrétien occidental sont faits de jeux d'interinfluence et
d'interdépendance parfois à dominante européenne - du
moins pour les débuts de l'art chrétien dans certains pays
africains -. Missionnaires commanditaires, promoteurs et
éditeurs de formes d'œuvres, les interventions des
Européens n'ont eu de cesse, pour diverses raisons, d'avoir
des influences sur les premières œuvres d'art chrétien local.
On peut le concevoir: il a fallu montrer le chemin à l'art
africain afin qu'il puisse endosser les formes de l'art chrétien.
Si cet argument est valable pour les débuts de l'art chrétien,
reste-t-il toujours recevable pour l'art chrétien local
aujourd'hui? Quelles sont les voies d'émancipation de l'art
chrétien africain? La question occupera les lignes suivantes.

Un programme pour J'art chrétien africain ?


L'établissement d'un programme d'action artistique est-il
l'une des voies possibles du développement de l'art chrétien
en Afrique? À partir des années 1930, avec l'émergence de
l'art chrétien un peu partout en Afrique, bon nombre de
revues missionnaires sur l'art parmi les plus importantes,
L'Art sacré, Bulletin des Missions, L'artisan litu1J!,iqueet Arte
cristiana, se sont intéressées à l'art chrétien et à son devenir
dans les pays de mission 179. Des colonnes de ces revues
fusent parfois des orientations sur ce que doit être l'art
chrétien dans les pays de mission. Parallèlement à ces revues,
des manuels ont été consacrés à l'art chrétien dans les pays

179 Dans une chronique de la revue L'Art sacré,n04, Mars-Avril 1938, p. 88-89,

Patrick O'Reilly recense un certain nombre de revues et d'événements liés à l'art


chrétien en Afrique.

126
de mission. On pense bien évidemment ici à l'ouvrage du
Cardinal Celso Costantini déjà èvoqué'Ï". Mais avant lui, le
Père Maurice Briault''", missionnaire spiritain, trace dans un
petit volume intitulé L'arcbiteaure en pqyJ de miJJion/82 les
grandes règles de l'art religieux tel qu'il le voit réalisable en
Afrique. Les considérations apportées par le Père sont d'une
grande utilité en matière de théorie sur l'art chrétien et en
particulier sur l'architecture en contexte africain: utilisation
de l'art local et de ses motifs décoratifs ; conseils pour le
choix du matériau à employer et supériorité des matériaux
francs - pierre, brique ou bois sur les ciments, armés ou non
- ; nécessité de songer au climat qui force à revenir aux gros
murs bas, d'appareil simple, aux toits débordants, aux
fenêtres placées très haut, en claire-voie ou presque sous
l'avancée des toitures, à des éclairages diffus répercutés par
des murs blancs ; renoncement au vitrail, usage des auvents,
cloîtres et vérandas ; toitures en charpente visibles, avec de
beaux bois locaux ...
De manière plus explicite, Henri Terrasse (1895-1971)183
établit en guise de programme une esquisse en cinq points
de ce que devrait être l'art chrétien dans les pays de
. . 184
rrussion
1. L'art en pays de mission devra avoir d'abord toutes les
qualités de l'art chrétien. Il devra même être plus

ISO.\ titre de rappel, Costantini C. (*1949).


181 Le Père Maurice Briault (1874-1953), prêtre du Saint-Esprit, a été
missionnaire au Gabon. Il figure parmi les africanistes français. Il publie de
nombreux ouvrages sur l'Afrique, dont Sur lespistes de l'A.E.F., Paris, éd. Alsatia,
1945.
182 Briault 1\/., (*1937).

183 Orientaliste, spécialiste du Maroc et de l'art hispano-rnaurcsquc, I1enri


Terrasse fut professeur (1923-1941) puis directeur (1941-1957) de l'Institut des
hautes études marocaines.
IH~ Les cinq points sont tirés en grande partie de l'exposé de l'auteur dans «L'art

en pays Je mission», L'Art sacn, n03, janvier 1938, p. 14-16. Il faut remarguer gue
les propositions de Terrasse rejoignent de façon frappante les conclusions gui se
déj..,>agentde l'étude de Louis Van Den Bossche (*1935).

127
« enseignant» et plus attirant si possible que l'art des vieux
pays chrétiens, car il a un rôle de formation à la fois plus
vaste et plus urgent.
II. Mais l'art chrétien en pays en mission se trouve placé
devant une gênante alternative:
- Il doit être, dans la mesure du possible, l'émanation du
pays où se fonde la nouvelle Eglise.
- Il ne faut pas confiner les convertis, en matière d'art,
dans leur passé païen. Si l'art nouveau doit chercher ses
formes de liaison avec le passé de la race que l'on conduit au
Christ, il doit aussi proposer des formules de départ vers
l'avenir.
- Il doit libérer les forces artistiques qui n'auraient pu se
révéler, lever toutes les gênes d'origine religieuse qui
pouvaient peser sur l'art antérieur.
III. Étudier l'art qu'on se propose de prolonger et de
transformer en art chrétien. Il ne faudrait pas se contenter
d'approximations, de contacts superficiels et d'emballement
de première heure. Il faudrait connaître toutes les ressources
de la tradition locale.
IV. En même temps qu'on étudiera la tradition artistique
propre au pays de mission, il faudra par ailleurs étudier le
passé de l'art chrétien occidental, surtout à ses débuts et voir
en particulier comment il s'est incorporé la tradition
hellénistique et la tradition orientale.
V. Toutefois il ne s'agira pas, dans chaque pays de
mission, de réinventer l'art chrétien, mais de fonder un
nouvel art chrétien, et même d'organiser une nouvelle
province de l'art chrétien.
Si les orientations de Terrasse sont appropriées, dans
quelle mesure sont-elles indispensables? Il semble que les
premières initiatives de création d'un art chrétien local dans
les pays de mission n'aient suivi aucune politique ou
programme iconographique savamment pensés par une
instance ecclésiastique ou artistique. Les initiatives ont été

128
plus ou moins improvisées et laissées au libre jugement des
missionnairesl1l5• Si les recommandations de Terrasse et
celles de Louis Van Den Bossche" montrent que dans les
années 1930 l'art chrétien des pays de mission est devenu un
objet d'étude qui nécessite des réflexions théoriques sur les
voies à suivre, on est loin d'évaluer les impacts de ces
recommandations sur le développement de l'art chrétien
local. De même, la réception de ces orientations par les
acteurs sur le terrain reste difficile à évaluer. Tant bien même
que ces recommandations soient suivies, comment peut-on
imaginer qu'elles aient été à l'adresse des acteurs locaux. Il
apparaît qu'elles ont été pensées pour les missionnaires
européens alors en poste dans les pays de mission pour
l'amorce de l'art chrétien dans ces pays si bien qu'on peut se
demander si un programme bien établi, à valeur de
prescription, est encore actuellement nécessaire pour le
développement de l'art chrétien en Afrique. Au Bénin par
exemple, les missionnaires initiateurs d'art chrétien local
semblent n'avoir suivi aucun programme. D'après nos
recherches, nous sommes capable d' affirmer qu'aucune
politique iconographique ne leur a été dictée par la
hiérarchie. Ceci n'a pas empêché les expériences d'évoluer et
de donner des résultats que l'on peut parfois qualifier de
louables. À notre avis, l'établissement d'un programme
d'action artistique lié à l'art chrétien n'a de sens que selon les
besoins. On pourrait bien envisager un programme dans le
cadre de la création et des activités d'un atelier
d'expérimentation de l'art chrétien local. Des orientations
peuvent tout autant être données par un évêque dans son
diocèse en cas de problèmes liés à la conformité des œuvres
au culte chrétienl87• Cependant, il serait difficile d'imposer

185 Voir Boespflug l,'. (*2008 : 455).


186 l'our ce dernier, voir Van Den Hossche L. (* 1935).
187 ).'l!/stmdioll d« Sailli-Office sur l'art sacré du 30 juin 1952 stipule dans son
paragraphe 2 que «l'ordinaire n'approm« pas les images sacrées qn'on doit exposer

129
des directives à un producteur dont les œuvres sont par
exemple destinées au marché de l'art.
Somme toute, nécessité de programme ou pas, bien qu'en
étant parfois bien placés pour envisager des orientations, on
ne peut imaginer que seuls les Européens fassent des
propositions sur ce que doit être l'art chrétien dans les pays
de mission comme cela a été le cas dans les années 1930
voire plus tard dans certains pays. Le développement actuel
de l'art africain offre aux chrétiens africains capables de le
faire le terrain pour penser, en termes de programme ou
non, les voies de l'art chrétien qui peuvent leur être propres.

L'art chrétien africain, un éventuel renouveau de l'art chrétien?


Les espoirs qui ont été mis dans l'art chrétien africain
dépassent parfois le simple cadre de l'inculturation de l'art
chrétien. Au-delà de la conviction que l'art chrétien est
adaptable en dehors de l'espace européen, l'ambition d'un
renouveau artistique semble être projetée dans l'art chrétien
des pays de mission, du moins en ses débuts. Au point
numéro 5 des propositions d'Henri Terrasse évoquées plus
haut, l'auteur émet le vœu pieux de voir dans chaque pays de
mission «fonder un nouvel art chrétien )), et même de faire de ces
pays « une nouvelle province de l'art chrétien )}Bs. Celso Costantini
exprime en ces termes le dessein de l'art chrétien africain :
« L'art chrétien nègre, tel un rameau d'olivier franc greffé sur un olivier
sauvage, pourra, tT'!)Ions-nous, faire édore du vieux tronc une floraison
nouvelle et créer une renaissante artistique chrétienne qui répondra à la
nouvelle aoilisation cbrëtienne apportée aux noirs )}S9.
Dans ces phrases se dessinent les espoirs de renouveau
fondés dans l'art chrétien africain. Mais pourquoi autant

publiquement à la vénération des fi&les. si elles ne concordent pas avec l'usage approuvé par
l'Eglise»,
188 Terrasse H. (*1938 : 15).

189 Costantini C. (*1949 : 359).

130
d'attentes de la part de l'art chrétien des pays de mission?
Bien que ne justifiant pas la seule motivation des actions
allant dans le sens de l'adaptation de l'art chrétien dans les
pays de mission, la crise que traverse l'art européen au début
du :A.,"{C siècle pourrait apporter des éléments de réponse. En
adoptant le nom signifIcatif de « Sécession» pour leur
mouvement de rénovation, les peintres les plus novateurs du
début du :A.,"{C siècle affirmaient que le monde des arts était
en proie à la crise, terme dont le romancier et essayiste
Camille Mauclair allait faire en 1906 le sujet de son premier
ouvrage entièrement consacré à la peinture sous le titre Trois
aises de l'art adlle!')f.I. L'intérêt grandissant d'un art chrétien
dans les pays de mission au début du :A.,"{c siècle s'inscrirait
alors, en partie, dans une recherche générale de nouveauté
engendrée par la ((crise defin-de-siëcie )) qui aurait aussi atteint
l'art. Le japonisme, le primitivisme et l'intérêt renaissant
pour l'art byzantin ou les survivances de la chinoiserie du
tournant du siècle constitueraient autant d'aspects d'une
recherche d'exotisme européen pour palier une hypothétique
panne d'inspiration occidentalel91• Le cubisme analytique de
Picasso et l'influence de l'art africain sur le peintre sont selon
Guy Ducrey et Jean-Marc Moura un exemple de cette
recherche de nouveauré'".
L'art sacré européen ne restera pas en marge de cette
situation. En matière de décadence de l'art sacré en Europe,
les critiques qui se font parfois acerbes viendront même des
rangs d'ecclésiastiques. Le Père Louis Van den Bossche
(1890-1980) en donne ici la preuve:
« II est tout aussi évident. si nous revenons à nos contrees et si nous
considérons nos foules. pieuses ou non, que leur goût a été amplement
perverti par toutes lu niaiseries, toutes les laideurs de nos décors familiers.
Osons l'avouer,' la mièvrerie et le goût souvent déplorable de ce qui ut

\90 Mauclair C. (*1906).


\9\ Voir Ducrcy G. ct Moura J-M. (Ed.) (*2002: 14).
\92 Ducrcy G. ct Moura j-l\1. (*2002).

131
habituellement rffert à la dévotion desfidèles, ont contribué pour leur part
à la diformation du sens esthétique de notre peuple.
Et je pense non sans tristesse, que l'on transplante ce mauvais goût,
ces niaiseries, pour en faire le décor où se dispense, à un peuple artiste, la
vérité chrétienne. Mais avons-nous le droit, vis-à-vis des nègres, de les
prétendre conduire à la vérité, en lesfaisant passer par un chemin qui les
éloigne de la beauté? La vérité et la beauté sont-elles séparables ? et le
Beau ne serait-il plus le resplendissement du Vrai?
Void que se dessine une première ligne de conduite, à lafois négative
et positive: éliminer des étoles, cbapelles, églises africaines, tout fe qui les
enlaidirait, tout ce qui est vulgaire ou de mauvais goût et les meubler
d'objets francs, - encore qU'Ils soient sans luxe et même sans confort -,
d'0o/cts bien faits, logiques, c'est-à-dire vrais et beaux. Cette meme
remarque vaut a• PiUS
1 fi'orte raison, pour les
1 b âttments eux-memes ))193 .
A • A

Si cette affirmation reflète le point de vue personnel de


l'auteur sur l'art chrétien européen du XX" siècle et se
rapporte à l'art de tendance sulpicienne, elle révèle une
situation caractéristique de son époque. Louis Van den
Bossche ne peut pas à notre avis se livrer à de telles critiques
de l'art chrétien européen si celui-ci n'a pas déjà mauvaise
presse auprès d'une partie de la population chrétienne au
x...:-X" siècle. Pendant la seconde après-guerre les exemples
d'art chrétien local et les réalités de la déchristianisation des
masses ont conduit un groupe de théologiens et d'artistes,
responsables de la revue L'Art sacré, à soutenir la thèse de la
fm de l'art sacré en Europe". Il semble donc que
l'émergence de l'art chrétien des pays de mission se fit sur
fond de crise et de recherche éventuelle du renouveau de
l'art chrétien. Ce contexte conduit à supposer que les ardeurs
mises dans la naissance d'un art chrétien dans les pays de
mission sont parfois les vestiges d'un rêve inavoué de voir
l'art chrétien de ces pays voler au secours de l'art chrétien
alors en panne en Europe. Si cela prévaut pour les débuts de
l'art chrétien africain au début du XXe siècle, rien n'exclut

193 Van Den Bossche L., (* 1935 : 244).


194 Voir Menozzi D. (*1991 : 263-268).

132
l'idée que ce rêve demeure peut-être toujours latent dans
certains esprits, se manifestant parfois par la recherche
exacerbée d'une forme d'exotisme dans l'art chrétien
africain. Il est légitime de fonder des espoirs dans l'art
chrétien africain, mais il serait imprudent à notre avis de
considérer qu'il pouvait venir en remplacement de l'art
européen, même dans des situations supposées de panne. Ce
n'est pas le rôle qui lui est dévolu.

L' «( Eurodtflie )) iconique, linfrein ?


L'attachement aux formes d'art chrétien européen est une
réalité dans l'adaptation de l'art chrétien en Afrique. C'est ce
que nous nommons l' « euro dulie » iconique des Africains.
Cette situation se présente à plusieurs niveaux. Par rapport
aux artistes, la forme exacerbée de cette situation est la
reproduction mimétique des œuvres occidentales. Mais en
marge des artistes, les destinataires africains manifestent
également cet attachement aux œuvres occidentales. S'il n'est
pas question de revenir sur certains des aspects déjà évoqués
dans la partie consacrée à la réception de l'art chrétien en
Afrique, il convient d'examiner la situation en termes
d'obstacles aux initiatives allant dans le sens de
l'inculturation de l'art chrétien en Afrique.
En matière d'eurodulie iconique, le constat est patent et
ce dès les débuts de l'art chrétien africain. Dans un article
paru dans un numéro spécial du Bulletin des MÙJionJ de
l'Abbaye Saint-André-lez-Bruges, numéro consacré au
Cameroun, le Père Maurice Briault traite la question de l'art
chrétien dans les Eglises des missions principalement du
point de vue du chrétien local". Il admet, selon ses propres
constats, que le chrétien du Cameroun n'aime ni les Saints ni
les Vierges noires. Il préfère l'objet religieux importé

195 Briaulr M. (*1937 : 322-330).

133
d'Europe à celui fabriqué par ses compatriotes. En matière
de reproductions, le Père estime que les œuvres fabriquées
sur place cherchent à dépasser les modèles qui ne sont rien
d'autre que des objets européens fabriqués en sériel96•
Le goût prononcé de certains Africains pour les
différentes formes de culture occidentale est souvent imputé
au principe de supériorité culturelle dispensé par la
colonisation". Pour le cas qui nous intéresse, les Européens,
au début de l'art chrétien en Afrique, se sont inscrits dans
cette démarche en initiant les artistes locaux aux formes de
l'art chrétien occidental. Ce que dénonce le Père Alexandre
Gillès de Pélichy dans ces phrases:
« Des moniteurs trop Zélés ont l'nt devoir initier leurs élèves aux
secrets de la milpture européenne: on leur a appris les proportions du
corps humain; on leur a montré des reproductions d'art gret~ des Viet;ges
de la Renaissance, des modèles bien plus médiocres parfois. On leur a
demandé de s'inspirer de cespièces pour créer à leur tour des personnages
africains, confUS à la [açon des Blancs et réalisés suivant leur technique.
On ne sait ce que l'on doit admirer le plus dans ces œuvres: ou la docilité
et la souplesse de l'Afn"Llin, ou la témérité du Blanc qui n'a pas hésité à
leur proposer des modèles inassimilables, ne pouvant produire que des
. 198
œuvresfactices )) .
Les conséquences restent la dépendance de l'artiste local
aux modèles européens. Les raisons de la reproduction
mimétique des œuvres européennes sont souvent la sous-
estimation des richesses et de la qualité de l'art africain.
Comparé aux modèles occidentaux, le style africain est
souvent jugé trop naïf. Cette situation trouve ses racines
dans l'eurocentrisme et par conséquent dans les préjugés
d'infériorité qui ont envahi l'Afrique et sa culture. L'art
africain en a sérieusement pâti. Le processus qui a conduit à

196 Dans un article, le Père .\. Dupeyrat signale, comme le Père Briault,
l'enthousiasme des chrétiens papous pour les productions de Saint-Sulpice. Voir
Dupeyrat A. (*1938).
197 Sur le problème, voir l'examen succinct de Ndaw A. (*1984).

198 Gillès de Pélichy :\. (*1950: 65).

134
la reconnaissance des objets africains comme art a été long.
L'ingénieur-géographe et archéologue français Edme
François J omard (1777-1862) fut le premier en 1843 à
émettre l'idée d'un projet de musée d'ethnologie en vue de
l'étude des cultures des territoires colonisés par leurs
productions matérielles. La même année, Philipp-Frantz von
Siebold (1796-1866), médecin et naturaliste bavarois, publie
une lettre sur « L'utilité des musées ethnographiques et
l'importance de leur création dans les Etats qui possèdent
des colonies », L'impulsion ainsi donnée aboutira dans le
dernier quart du XIX" siècle à la fondation de musées
ethnographiques en Europe. Cependant, les œuvres
« étudiées» n'ont pas cessé d'être vues avec des yeux
eurocentriques, projetant sur elles des « vérités»
européennes hors des réalités africaines. La véritable
rencontre de l'art africain et de l'Europe se fit au XXc siècle.
C'est une œuvre précise qui conduira les Européens à
regarder les objets africains comme de véritables œuvres
d'art, toujours au sens européen du terme. Il s'agit d'un
masque gabonais offert à Maurice Vlaminck en 1905. Il
raconte que Derain resta ((boucbe bée )) lorsqu'il le vit, qu'il le
lui acheta et le montra à son tour à Picasso et à Matisse, qui
furent également stupéfaits. Ambroise Vollard le lui
emprunta ensuite et en fit faire un moulage en bronze chez
le fondeur de Maillol199• Pour le cas qui nous concerne, de là
provient encore aujourd'hui chez l'artiste local la volonté
d'égaler les modèles européens censés être la référence pour
les fidèles ou les commanditairesf". Dans ce cas, on
comprend que le travail de sensibilisation entamé depuis les
années 1960 pour la reconnaissance par les Africains des
richesses culturelles locales soit plus que jamais d'actualité.

199Voir Zerbini L. (*2004 : 11-12) et Willett JI., (*2004: 35).


Certains artistes béninois rencontrés nous ont affirmé gue la reproduction des
21MI

modèles européens est souvent un moyen d'écoulement rapide des œuvres sur le
marché local.

135
Pour souligner une fois encore l'intérêt de l'adoption des
formes locales d'art chrétien, il plaît de faire cas de cette
affirmation de l'ancien gouverneur général du Congo Belge,
Pierre Ryckmans :
(( Croyez-vous qu'une mère noire ne comprendra pas mieux la
maternité divine de Marie devant une statue, même naïvement modeléequi
la représenteportant Jésus sur la hanche, que devant un plâtre de Saint-
Sulpice où elle tient l'Enfant dans ses bras, commejamais une mère
'r. .
d'A~rtque n ,a porte, sonpetIt. garçon,))
o 201
.

En guise de conclusion, les titres exprimés en forme de


questions confirment que les interrogations liées aux voies
d'émancipation de l'art chrétien africain ne peuvent pas
s'exprimer en certitudes ni en propositions exclusives. Il a
été question de savoir si l'établissement d'un programme
d'orientation de l'art est l'une des voies de développement
de l'art chrétien africain. La réponse peut sembler aussi
simple que la question: un programme, qu'il émane des
missionnaires ou des instances locales, doit répondre à des
besoins précis. L'établissement d'un programme d'art à
suivre dans le cadre de l'inculturation de l'art chrétien ne
peut avoir un caractère dirimant. Par ailleurs, la question de
l'art chrétien africain en tant qu'éventuel renouveau de l'art
chrétien a été posée. Sur le problème des visées des
Européens de vouloir faire de l'art chrétien africain ou des
pays de mission un substitut de l'art chrétien européen,
quoique soulevé en termes d'hypothèse comporte à notre
avis des pistes sur les réelles motivations de l'Eglise
catholique pour l'émergence de l'art chrétien dans les pays
de mission en général. Enfin, en matière de recherche des
voies d'émancipation de l'art chrétien africain, l'un des
obstacles majeurs demeure l'attachement aux formes d'art
chrétien européen. Eu égard aux conséquences que nous
avons évoquées, cette situation constitue un frein à

201 Ryckmans P., (*1936: 109), cité par Rcgamcy R. (*1937: 27).

136
l'émancipation de l'art chrétien africain. Pour un véritable art
chrétien africain inculturé, on doit procéder - tel est déjà le
cas pour plusieurs initiatives - à une recherche de plus en
plus avancée des formes authentiquement africaines capables
de révéler l'identité de l'art chrétien africain. Cette entreprise
passe par la recherche de nouvelles formes d'art
authentiquement locales. Là réside aussi la condition pour
l'art chrétien inculturé de prendre une place importante dans
le paysage de l'Eglise en Afrique.

Le potentiel de l'art chrétien africain

Depuis les années 1930, les capacités de l'art africain à


accueillir l'art chrétien prévalent dans les considérations
missionnaires. Il s'agit, comme l'a exprimé Louis Van den
Bossche par le titre évocateur de l'une de ses contributions,
des « POJJibilitù chrétiennes de l'art nègre ))2112. Cela suppose qu'il
existe dans les traditions artistiques africaines des formes en
accord avec la tradition chrétienne en général et la tradition
iconographique chrétienne en particulier. On peut affirmer
d'office qu'au-delà des aspects esthétiques, les capacités de
l'art africain pour l'art chrétien résident en premier dans les
caractéristiques fondamentales du premier. Dans les lignes
qui suivent, il conviendra de les énoncer afin de voir leur
importance dans le développement de l'art chrétien africain.
Ensuite, si l'on part du principe que l'art chrétien africain ne
peut se développer en marge de l'art africain contemporain
en raison des avancées qu'a connues ce dernier ces trente
dernières années, on pourrait considérer l'art africain
contemporain comme un partenaire avec lequel l'art chrétien
devra composer. Enfin, la relative nouveauté de l'art chrétien
local constitue un potentiel important en raison des besoins

20Z\'an Den Hossche L. (*1935: 153-174,233-247).

137
nouveaux et des possibilités d'usage surtout sur le plan
liturgique.

Art cifricain et art chrétien


Dans un important travail sur les fondements de l'art
africain, Léopold Sédar Senghor établit, le premier, les règles
de ((l'esthétique négro-cifritaine )) et par là certaines
caractéristiques fondamentales de l'art africain203•
L'esthétique senghorienne fait de l'art africain un art
fonctionnel et collectif, un art engagé et interdépendant, un
art qui, à la différence de l'art classique occidental, n'est ni
imitatif ni limitatie04. L'auteur reconnaît en définitive trois
caractéristiques qui composent l'art négro-africain: 1/ l'art
africain est un art utilitaire, 2/ il comporte une dimension
essentiellement religieuse et 3/ il est un art expressif axé sur
le sym b 0lisme 205 .
Suivant les caractéristiques établies par Léopold Sédar
Senghor, les productions artistiques négro-africaines ont
toujours leur finalité hors d'elles-mêmes. C'est-à-dire qu'il est
rarement question chez le négro-africain d'un « art pour
l'art », un art poursuivant une fm indépendante. L'art nègre
demeure un art engagé dans la vie de tous les jours, à savoir
un art utilitaire. L'art nègre n'est réellement esthétique qu'à la
mesure de son utilité et de son caractère fonctionnel.
Ensuite, l'art négro-africain repose essentiellement sur la
compréhension du surréel. Autrement dit, il s'agit d'un art
qui fait accéder à l'invisible. L'art africain vise à exprimer un
monde moral, invisible, plus vrai que le monde visiblé06.

203 Voir Senghor L. S. (*1956).


20~ Senghor L. S. (*1956).
205 Senghor L. S. (*1956: 73-84).

206 En termes d'esthétique, ce qui émeut dans l'art africain, ce n'est pas, nous dit

Léopold Sédar Senghor, l'aspect extérieur des choses, de l'objet d'art, mais sa
«réalité»,ou mieux sa surréaliré. L'eau émeut l'homme noir, non pas parce qu'elle

138
Enfin, l'oeuvre d'art négra-africaine est faiblement
mimétique, imitative. Elle est expressive et conceptuelle en
ceci qu'elle est toujours attachée à une signification
métaphysique. Cela signifie que l'artiste ne cherche pas à
reproduire habilement les objets de la nature comme le
suggère la thèse aristotélicienne de l'art en tant qu'imitation
de la nature. En Afrique noire, l'art est, selon la formule
senghorienne, ((explication et connaissance d" monde, c'est-à-dire
participation sensible à la réalité qJli sous-tend 1'"niverJà la JJlmalité,
P LJlJ exactement aux Jorees
O, 1
mtates qtll• animent
• 1"umters )).2117 L' art
négro-africain n'est pas un art d'imitation, mais est
fondamentalement symboliquef". Selon Léopold Sédar
Senghor, ((le mérite de l'art nègre est de n'erre ni jeJl, ni pitre
joltùJanœ estbétique, de Jignijier)/09.
Ces trais caractéristiques fondamentales de l'art négro-
africain permettent de mettre en relief le potentiel que
détient l'art africain pour tout art sacré. Autrement dit, ces
caractéristiques sont autant de moyens favorables à l'art
chrétien en général. Selon les critères esthétiques de l'art
africain, la beauté d'une œuvre ne s'apprécie pas toujours
selon le sens esthétique du mot. Le caractère utilitaire,
fonctionnel de l'art africain révèle la dimension esthétique
d'une œuvre en ceci que l'art négra-africain assimile la
beauté à l'efficacité. Pour Léopold Sédar Senghor, c'est bien
parce qu ,eIle est b eIle que l'œuvre d' art peut etre
• e ffncace 210 .
Un beau masque africain ou une belle musique classique

lave, mais parce qu'elle purifie; le feu il cause de sa puissance de destruction, non
il cause de sa chaleur ou de sa couleur.
207 Senghor L. S. (*1956: 71).

208. vlors Cluel'art gréco-latin occidental trouve le beau dans l'imitation, l'Africain,

s'émeut scion Léopold Sédar Senghor du sens caché que renferme le signe qui lui
apparaît. Son émotion naît de sa participation à une réalité sous-jacente, qu'il
perçoit par-delà les apparences sensibles.. vinsi, la poupée de la fécondité de
l'artiste Ashanti n'est pas une servile reproduction d'une poupée, mais un
symbole de féminité.
209 Senghor L. S. (*1956: 81).

210 Senghor J •• S. (*1956: 80).

139
européenne produisent sur le public approprié l'émotion
souhaitée. Mais comme le souligne l'auteur, si chez l'Africain
comme chez l'Européen, la grande règle de l'art est de plaire,
l'un et l'autre ne trouvent pas toujours plaisir aux mêmes
choses'!'. Du point de vue esthétique, un objet d'art africain
plaît parce qu'il est utile, fonctionnel donc beau. Puisque
l'esthétique négro-africaine allie le fonctionnel et le beau
comme critères, elle pourrait être bien utile pour l'art
chrétien. Par ailleurs, la recherche de la simplicité - de l'utile
- généralement poursuivie par l'art africain se révèle une
voie efficace pour atteindre le beau. Le père Maurice Briault
en donne un exemple au travers de la palette chromatique en
usage dans l'art africain et indique comment l'intégrer dans
l'art chrétien africain.
« La palette des Noirs est peu compliquée. C'est un bleu indigo, c'est
un ou deux rouges, l'un vers le vermillon, l'autre vers le grenat, c'est un
jaune d'ocre et encore un noir plus ou moins intense. Le blanc, assez
souvent grisâtre sert à séparer les tons plutôt qu'à les lier. De cette palette
si J'impIe, les tisserands du Soudan tirent une série d'effets de draperie si
curieux, si doux à l'œil, que non seulement on peut s'en inspirer pour la
tenture et le tapis que non seulement on peut emprunter tout de suite ces
objets pour remplacer dans nos églises les tapisseries et les tentures
d'Europe, mais encore que notre décoration murale pourra, lejour où l'on
voudra enfaire une, se creer, en adoptant ces tonalités qui sont un reflet du
pcrys, une gamme d.egran dee orzgtnattte
orioi r' et d' un 10
ofl',et sur» 212 .
A

À propos du caractère religieux de l'art africain, les


bénéfices pour l'art chrétien semblent patents. Pour le père
Marie-Alain Couturier, le caractère religieux de l'art africain
réside dans sa capacité à être spontané. En regrettant le tort
qui a été fait à l'art africain par les missionnaires européens,
le réduisant à un art empreint de fétichisme, le dominicain
souligne le caractère essentiellement sacré de l'art négro-
africain :

211 Senghor L. S. (*1956: 80).


212 Briault M. (*1936 : 843).

140
(( Ces arts de jéticbùtes et de sorciers pouvaient, du fond de leurs
malifùu et de leur nuit, nous faire entendre une certaine leçon: iIJ
pouvaient nous rappeler te qu'est un art vraiment sacré. C'est-à-dire un
art où, sans aucun souti de beauté ni de représentation réaliste, le caractère
donné aux formes et aux d~formations a pour but excùaif l'expression du
mystère sairé et son aaion directe sur les sens et les imaginations )}13.
Pour finir, le caractère expressif et symbolique de l'art
africain rejoint l'une des finalités de l'art chrétien. Si l'art
africain est (( explication et connaissance d» monde» comme l'a
affirmé Léopold Sédar Senghor, il ne peut qu'être un moyen
efficace pour atteindre l'un des buts de l'art chrétien:
enseigner les rudiments de la foi chrétienne à ceux qui les
ignorent. Puisque la dimension didactique est l'une des
finalités de l'art chrétien occidental, celui-ci a intégré dès ses
débuts des représentations syrnboliquesi". Ainsi, le
symbolisme qui est l'un des traits caractéristiques de l'art
africain se révèle un aspect important de l'art chrétien. Si l'on
ne peut réduire l'art africain au degré d'un simple
symbolisme, celui-ci constitue une part importante de cet art.
Dans l'art africain, une mère portant un enfant n'est pas la
simple représentation d'une scène quotidienne mais le
symbole de la maternité, de la fécondité. De même, dans l'art
chrétien, un homme cloué sur un bois en forme de croix
n'est pas le reflet d'un supplice infligé à un criminel mais le
symbole de la rédemption des chrétiens. Fondamentalement
symbolique, l'art africain peut ainsi servir le symbolisme qui
est de rigueur dans la tradition iconographique chrétienne.

213 :'\1-.\. (*1951: 20).


Couturier
214Dès Sl'S débuts dans les catacombes ct surtout depuis que Grégoire le Grand
(540-604) défend l'idée que les représentations chrétiennes peuvent enseigner la
Bible aux chrétiens illettrés, l'art chrétien abandonne la recherche de ré-alismequi
prévalait dans l'art romain au profit de la clarté du message. La création devient
symbolique. Voir Chaine S. (*2006 : 36).

141
Le rôlede l'art africain contemporain
Les progrès que connaît de nos jours l'art africain
contemporain sont notables. L'Afrique n'a jamais connu un
nombre aussi important d'artistes internationalement connus
qu'aujourd'hui. Les artistes africains sont présents dans les
salons internationaux d'art contemporain qui leur sont
parfois entièrement dédiés tant leurs œuvres sont souvent
jugées prodigieusesr". Sur le continent, des événements
d'envergure internationale sont organisés pour valoriser la
création de nouveaux modèles dans le domaine des arts,
confirmer ou révéler les talents, susciter de nouvelles
approches dans la définition et la conceptualisation des arts
contemporains en Afrique. On compte parmi les plus
importants la biennale Dak 'Art au Sénégal, CAPE
(Contemporary African Culture) en Afrique du Sud,
TACCA (Territôrios de Arte e Cultura Contemporânea
Africana) de Luanda en Angola, Bou/v'Art à Cotonou au
Bénin. L'objectif de ces événements est de révéler auprès
d'un large public venu des quatre coins du monde une
Afrique qui crée et innove. Ces événements ont révélé des
artistes d'art africain contemporain de renommée mondiale
comme Ousmane Sow (Sénégal), Chéri Samba (Congo),
Samuel Fosso (Cameroun), Cyprien Tokoudagba (Bénin)
etc ... Autant affirmer que l'art chrétien africain pourrait
compter s'il le veut sur ces forces vives de l'art africain
contemporain.
Par ailleurs, l'art chrétien africain pourrait bénéficier des
caractères fondamentaux de l'art africain contemporain, à
savoir sa capacité à la fIguration et à la narration. Ces

215 En 1989, l'exposition «Les magiciens de la terre» (Centre Pompidou, 1989)


présentait des œuvres d'art africain contemporain (d'artistes vivants) pour la
première fois en Europe. En 2005, l'exposition «Africa Remix» qui a été
présentée en Allemagne, en Angleterre, en France et au Japon peut être
considérée comme la première à présenter un panorama important de l'art
contemporain spécifiquement africain, montrant surtout la richesse de l'art
africain sub-saharicn,

142
caractères sont liés à la naissance même de l'art africain
contemporain. Les prémices de l'art africain contemporain
remontent avant les années 1950, avec le peintre nigérian
Aina Onabulu, considéré comme le premier artiste moderne
africain au début du siècle, ou avec Charles Thiry, engagé
auprès des imagiers congolais en 1930. Mis en place dès la
fm des années 1940, l'art contemporain se développe dans
les années 1960 dans toute l'Afrique grâce à des écoles et
ateliers d'art promus par les Ëuropéensi'", Parmi les plus
importants: the PollY Street Center en Afrique du Sud, celui de
Ulli Beier et Suzanne Wenger à Oshogbo au Nigeria, the
WorkJhop Scboo! de Frank McEwen au Zimbabwe et le
Hangar de Pierre Romain-Desfossés au Congo217. En général,
ce sont des professionnels de l'art, ou proches du milieu de
l'art, venus de l'étranger et qui rassemblent autour d'eux un
groupe d'artistes africains non formés'". Malgré leurs
histoires particulières, les ateliers reposent sur la même
formule : mettre en place un lieu qui permette de libérer ou
de réanimer l'esprit de création des Africains. Cependant, il
s'agit de ne pas couper l'artiste du répertoire traditionnel. Le
résultat est une esthétique donnant la priorité à la figuration,
plutôt narrative, construite à partir de la tradition orale ou les
aléas de la vie de village2l9. Là réside aujourd'hui l'un des
fondements de l'art africain contemporain. Les œuvres des
artistes contemporains privilégient des motifs figuratifs axés
sur la narration puisant elle-même ses sources dans la
tradition orale ou les faits quotidiens et les principales

216 • \u lendemain des indépendances, de nombreuses écoles d'art et des beaux-


arts s'ouvrent notamment au Sénégal, en I·:thiopie, en Côte d'Ivoire, au Mali, au
Ghana ct une vigoureuse expression artistique se fait jour dans un certain
nombre de grands pays du continent, accompagnant leur accession à la
modernité. Voir Guez N. (*1998: 57).
217 Kasfir S. 1.., (*2000).

218 Il faut souligner que de nos jours les artistes africains sont souvent des
autodidactes et sont de moins en moins issus d'ateliers ou d'écoles initiés par des
Européens sur le continent.
219Kasfir S. 1.. (*2000 : 165).

143
préoccupations humaines. Les techniques et les supports
sont variés, allant de la simple peinture aux installations avec
projection vidéo, en passant par des sculptures faites en
matériaux de récupération... Ces aspects semblent
importants pour l'art chrétien africain. L'art chrétien en
général est un art axé sur la figuration. Au niveau des
fonctions de l'art chrétien, dans un continent où le
christianisme est en général vieux de cent soixante ans et où
la principale préoccupation demeure la transmission de la foi
chrétienne, les capacités narratives de l'art chrétien
contemporain pourraient être utiles à l'art chrétien africain.
Cependant, une condition subsiste aux bénéfices que
nous relevons dans les caractéristiques de l'art africain
contemporain: que l'on assigne aux artistes de réaliser des
œuvres capables de révéler explicitement aux destinataires le
message chrétien. Cela passe avant tout par des œuvres
figuratives dont le sens est immédiatement saisissable. L'art
africain contemporain aura beau mettre toutes ses prouesses
au service de l'art chrétien, si le message chrétien contenu
dans les œuvres n'est pas perceptible par les destinataires le
but ne sera pas atteint.

Les possibilités de l'art chrétien africain


Les enjeux de l'art chrétien africain en termes de
possibilité sont importants. En matière d'utilisation de cet
art sur le continent, si l'on considère que l'art chrétien local
peut trouver sa place dans la plupart des églises africaines, un
champ d'action important s'offrirait à l'art chrétien. À ce
propos, trois domaines principaux présentent des possibilités
d'utilisation de l'art chrétien africain. Il s'agit des domaines
de la liturgie (utilisation de la paramentique, des objets de

144
culte), de la décoration des églises (utilisation de la sculpture
.
et d e 1a pemture ) et d e l'arc hiitecture d'es eglises2211.
La liturgie est le domaine qui, à notre avis, offre le plus de
possibilités d'adaptation des objets de culte aux sensibilités
locales. De nos jours, en Afrique, lors des cérémonies
religieuses, il est fréquent de voir le célébrant arborer une
étole ou une chasuble avec des symboles graphiques
africainsj". De même, l'utilisation des objets de culte,
patènes, ciboires, tabernacle etc ... aux formes et symboles
africains est de plus en plus constatée dans le culte chrétien
en Afrique222• En ce qui concerne les vêtements religieux, on
est parti du principe promu par certains pères de la théologie
africaine comme le jésuite camerounais Engelberg Mveng
que par certains de ses symboles, la culture africaine dispose
d'un langage religieux correspondant aux expressions de la
foi chrétienner". Par ailleurs, les expériences d'adaptation
des objets de culte chrétien ont été très vite adoptées dans
les années 1930, dès les débuts de l'art chrétien inculturé en
Afrinque--"4.
Dès lors des efforts commencent à naître dans le dessein
de promouvoir l'art chrétien local au service de la liturgie.
Au Congo par exemple, les premières tentatives d'ornement
des objets liturgiques avec des motifs décoratifs purement
africains viennent des associations européennes comme les

220 Même si certains des domaines énumérés à savoir la paramentique et


l'architecture s'éloignent du champ défini pour ce travail, il a semblé nécessaire
de les aborder ici en raison des enjeux qu'englobe la question des possibilités de
l'art africain.
221 Il n'est pas rare non plus de rencontrer en Europe, surtout dans les
congrL1,>ations ayant un lien avec l'. \frique, des prêtres porter des étoles ou
chasubles aux couleurs et motifs de l'. \frique.
222 On peut se référer, dans la deuxième partie de ce travail, aux nombreuses
commandes de Marie Haranger portées sur des objets de cultes adaptés aux
symboles béninois.
223 Voir l\lveng 10:., (*1974). Le religieux camerounais s'est lui-même consacré à la
conception de motifs africains destinés aux vêtements religieux.
224 Voir Gillês de Pélichy .v. (*1936: 28).

145
filles de l'Eglise du Béguinage de Bruges, l'ouvroir Unaca
dirigé par M. l'abbé van der Mensbrugghe, vicaire de la
paroisse Saint-Jacques de Gand (Belgique), l'association
parisienne Art et Louange qui ont encouragé, dans les années
1930, la conception et la concession de la paramentique
africaine22s• Toujours en termes de promotion, certaines
revues d'art chrétien africain telles que !Artisan Liturgique
(Belgique), les Katholieke Missiën (Hollande) et la Christliche
Kunst (Munich en Allemagne) ont consacré bon nombre de
leurs numéros aux modèles de chasubles, d'étoles et de bas
d'aubes226• Dans le même sens, les Ouvroirs du Sacré-Cœur et l'
Œuvre du ve!ement congolais ont organisé en 1936 à Bruxelles
une exposition d'objets liturgiques destinés au Congo belge.
L'exposition a rassemblé plus de 1300 objets ou vêtements
. 227
liturglques .
À présent, de telles expositions uniquement consacrées à
la paramentique de facture locale ne sont plus organisées.
Dans certains pays africains, la paramentique est souvent
l'œuvre des congrégations religieuses qui fournissent les
paroisses en vêtements et objets de culte. Il conviendrait, à
notre avis, d'ouvrir aussi le champ aux artisans et artistes
locaux avertis dans le dessein de faire émerger, à l'aide des
motifs et symboles africains en adéquation avec les
expressions de la foi chrétienne, de nouvelles formes de
vêtements et d'objets de culte dans le respect de la tradition
chrétienne. Ce ne sont pas les possibilités qui manquent.
Comme l'affirme Celso Costantini, ((certains peuples primitifs
ont un art décoratif très évolué;) et ei! semble qu'un artiste patient et
intelligentpuisse en tirerparti dans la décorationdes vases sacrés... »228.
D'autre part, la décoration des églises africaines paraît à la
fois une opportunité à saisir et un chantier colossal pour l'art

ZZ; Gilles de Pélichy A. (*1936 : 28).


226 Gillès de Pélichy A. (*1936: 28).
227 Gilles de Pélichy A. (*1936: 28).
228 Costantini C. (*1934: 408), cité dans Gillès de Pélichy A. (*1936: 22).

146
chrétien africain. Sur ce dernier aspect, nous avons souligné
les réticences de certains chrétiens africains à voir émerger
dans leurs églises des objets d'art chrétien local en raison de
leur attachement aux œuvres d'obédience européenne si bien
qu'on peut se poser des questions sur la place de l'art
chrétien inculturé dans la décoration des églises. Si cette
place paraît faible, il faut admettre que depuis quelques
années des responsables d'Eglise confient de plus en plus,
dans le cadre de la décoration d'une église nouvellement
construite, la sculpture des portes et de la statuaire
chrétienne aux artistes locaux. La réussite de telles
entreprises révèle souvent les possibilités de l'art chrétien
local en matière de décoration.
Par rapport à la peinture, le constat est moins flagrant229•
Peu d'initiatives d'adaptation des images picturales à titre de
décoration des églises sont entreprises, peut-être en raison
de l'utilisation peu importante de ce type d'art en Afrique
noire. Au Bénin par exemple, seule l'église Saint-François de
Cotonou construite en 1998 laisse voir dans le choeur une
fresque murale relatant la vie de Jésus. Tous les personnages
y ont des traits africains. Cependant, la peinture est la copie
de la fresque conçue et réalisée en 1963 dans l'église de
l'Abbaye Keur Samba du Sénégal par le Père Dom Georges
Saget, moine de Solesmes. Toutefois, cela n'empêche pas de
considérer que les possibilités de l'art chrétien dans le
domaine sont conséquentes surtout quand on prend en
compte les capacités actuelles des artistes africains
contemporains qui font de plus en plus usage de la
2311 C
.
pemture . epen dant, pour que l'experlence
" sort. conrorme
c

aux usages de l'Eglise, il semble nécessaire que les artistes

229 Le répertoire d'art chrétien africain de Josef Franz Thiel fait état d'un nombre
infime d'initiatives allant dans le sens de l'adaptation du message chrétien en
peinture dans les églises africaines. Voir Thiel J. F. et Ilclf II. (*1984).
230 Des artistes africains contemporains se spécialisent de plus en plus dans la
peinture chrétienne. Le cas est plus probant au Congo où l'on parle des
producteurs d' «art messianique». \' oir Badi-Banga N-M. (*1982: 162-164).

147
s'avisent de la tradition iconographique chrétienne et dans ce
cas précis, surtout en matière de décoration.
Sur le plan architectural, dans les premières années de
C
l'implantation des missions au milieu du XIX siècle en
Afrique, priorité a été donnée à la construction d'églises par
les missionnaires. Dès lors, les formes d'architecture
inspirées des modèles européens comme le néo-roman et le
néo-gothique furent la règle. Plus tard, au début du XX"
siècle, quelques exceptions à cette règle commencent à
apparaître dans certains cas. L'intérêt que Laurick Zerbini
porte au problème de l'architecture chrétienne au Bénin
montre la cohabitation de deux types de modèles: le modèle
architectural européen et le modèle de type locaf31. Celui-ci
étant minoritaire. À la fm Au L'XC siècle, la tendance a été
pour les missionnaires constructeurs l'importation de
modèles européens sauf dans le Nord-Ouest du pays où,
s'inspirant du type architectural local, certaines initiatives
missionnaires ont essayé d'incorporer, dans la construction
d'églises, une architecture à l'image des habitations locales.
En exemple l'église de l'Immaculée conception construite
par le missionnaire SMA Joseph Huchet à Natitingou (Nord-
Ouest du Bénin) en 1942 qui développe un plan
rectangulaire semblable aux unités architecturales
rencontrées dans le pays. Tout en banco, elle est coiffée d'un
toit en chaume et flanquée sur sa façade d'une tour à chacun
de ses angles. Le choix de proposer en façade un élément
stylistique considéré comme un référent architectural mais
aussi religieux par les Somba revêt une signification que nous
avons déjà eu l'occasion de souligner dans cette étude.
Huchet encourage ainsi une forme architecturale qui, vingt-
deux ans plus tard, sera reprise par son collègue Jean Clouet
pour l'érection à Manta (Nord-Ouest du Bénin) d'une église
dont la structure, les formes et stylistiques et les éléments

231 Voir Zerbini L. (*2009 : 46-53).

148
décoratifs s'inspirent clairement des tata samba. Si le
développement de ce style reste une exception durant cette
période, le début du x..'X:1" siècle confirme dans le Nord du
Bénin l'appropriation d'un style régional, celui de la case
ronde dans la construction d'églises comme celles de
Boukoumbé et de Perma (villes du Nord-Ouest du Bénin)
ou encore la nouvelle cathédrale de Natitingou qui offre un
plan semi-circulaire et présente deux tours greniers en
f:açade232 .
En matière d'adaptation architecturale, de manière
générale, on reconnaît trois types d'architecture en Afrique:
les cases rondes avec toit conique, les cases en forme de
ruche et les cases rectangulairest", On pourrait s'inspirer de
ces unités architecturales pour la construction des églises en
Afrique. On sait que, contrairement à l'Europe, on continue
chaque jour à ériger des églises en Afrique. Dans ces
constructions, la recherche de la circulation de l'air permet
de menues adaptations aux contextes climatiques locaux par
l'utilisation de claustras e.t de persiennes. Cependant, les
plans restent encore pour la plupart tributaires des modèles
,
europeens--. '14 1n j"me, c est parce que 1e c h antier
. est vaste et
ouvert que les possibilités de l'art chrétien en Afrique sont
considérables. Mais au-delà des possibilités, la question de
l'adaptation des édifices religieux ou de l'art chrétien en
général est une question de conviction. Inaugurant le 20
mars 1935 l'ouvroir des Dames du Sacré-Cœur, à Kalina,
Mgr Dellepiane, ancien Délégué Apostolique du Congo
Belge prononçait ces paroles significatives :
« Quand lu Noirs adorent et prient dans une ég/ùe silentieuse ou
qu'iL,. prennent part aux cërëmonies '!.tfiâe/lu du mIte, c'est tout tédifi ce,
expression authentique de leur âme, qui adore, prie ou cbante avec eux lu
/ouangu du Seigneur. .Alors, mais alors Jeulement, une églùe au milieu

m Zerbini L. (*2009 : 49-50).


m \' oir Cosrantini C. (* 1949 : 362).
2J.l ),(.'S églises en .vfriquc ont souvent un plan basilical avec une nef centrale et

une nef latérale.

149
d'un peuple a son sens complet, divin et humain à la fois ; elle est la
Maison de Dieu, remplie de sa présence, et la maison desfidèles construite
-' 1
ae •
leurs mains et paree, ae
-' 1
leur art }}235 .

Somme toute, les capacités de l'art chrétien africain


évoquées dans cette partie sont l'expression d'une possibilité
de ce qui existe en puissance et non virtuellement. Si toutes
les opportunités offertes ne sont pas encore saisies en
matière de l'art chrétien inculturé, des essais sont entrepris ça
et là sur le continent.
Nous avons souligné les traits caractéristiques de l'art
africain traditionnel qui présentent des correspondances non
négligeables avec les finalités de l'art chrétien. Il s'agit d'une
façon de signaler qu'il est temps de dépasser définitivement
les a priori qui ont longtemps conduit à ignorer les richesses
de l'art africain. Les premiers initiateurs européens de l'art
chrétien en Afrique l'ont compris à la manière de Louis Van
den Bossche : « Et meme les œuvres païennes, spontanées et sincères, ne
présentent-elles pas souvent un caractère plus profondément religieux, ne
traduisent-elles pas tout au moins un sentiment religieux naturel [. . .J ? }}36.
Nous avons également souligné les chances que
pourraient présenter les avancées de l'art africain
contemporain pour l'art chrétien africain, à condition de ne
pas s'éloigner des visées de l'art chrétien. Ces visées ont
souvent été rappelées par les autorités ecclésiales dès les
premières initiatives d'adaptation de l'art chrétien dans les
pays de mission. Pour le cardinal Fumasoni-Biondi, Préfet
de la Propagande (1933-1958), l'art chrétien inculturé doit
être « un art à la fois profondément catholique mais caractéristiquement
(local), contribuera en meme temps à la vie chrétienne plus intime des
catholiques (iocaux), puisqu'il les conduira à canaliser vers la vie spirituelle

235 Cité par Gillès de Pélichy A. (*1936: 170).


236 Van Den Bosschc L., (*1937: 64).

150
toutes ln énergiu de leur âme atec ses dons partimliers d'intelligente et de
sensibzJité ... »237
Enfin, nous avons fait état des chantiers qui, en raison
des besoins encore importants sur le terrain, fournissent à
l'art chrétien africain un champ d'action considérable.
Cependant, en termes de perspectives, il convient d'être
prudent et d'éviter le risque des expériences mal informées.
L'art chrétien a une tradition et des usages dont il faudra
tenir compte. À la manière de Louis Van Den Bossche, on a
le droit d'être enthousiaste par rapport aux possibilités de
l'art chrétien africairr". Toutefois, il est nécessaire à nos
yeux que les initiatives et les expériences d'art chrétien
inculturé respectent la tradition iconographique chrétienne (à
ne pas confondre avec la tradition iconographique
européenne) .

Les garanties d'un art chrétien africain viable

L'avenir de l'art chrétien africain est-il prometteur? Il


s'agit d'une question essentielle dont la réponse peut être
conditionnée par les perspectives réservées à son essor.
L'avenir de l'art chrétien africain dépend des intérêts qu'on
lui porte. Il y a des raisons de douter de son plein
développement sur le continent quand on se réfère aux
différents freins relevés dans ce livre, entre autres les
problèmes liés à son appropriation et l'attachement des
Africains aux formes de l'art occidental. Cependant, on peut
aujourd'hui juger de sa capacité de se développer, d'être
mené à bien et de durer. Au stade actuel de son

237 Lettre du cardinal Furnasoni-Biondi envoyée au délégué apostolique du Japon


en 1936; Lettre citée par Van Den Bosschc L. (*1937: 64).
23R Le l'ère exprimait ces propos confiants au sujet des perspectives de l'art

chrétien africain: «ll ne reste donc qlle t'elfe set/le sohaian: faiT? appel à tart il/digèl/e. Le
sm! moym d'atteindre ce bllt est bie» d'Iltiliser tart il/digèl/e ponr les besoins nouveato: de la
Foi et de /Jtifaire largemel/t confianœ». Voir Van Den Bosschc L. (*1937: 64).

151
développement, il Y a des raisons de croire qu'il présente des
aptitudes au plein épanouissement. C'est bien pour cela que
nous nous essayons, au vu de l'examen des préoccupations
qui lui sont liées, à présenter sans prétention des dispositions
essentielles à son développement. Trois substantifs résument
ces propositions: promotion, considération et
appropriation. Ainsi, l'assurance d'un art chrétien africain
viable passe par:
1/ sa promotion à travers la création de centres qui lui
seront dédiés,
2/ sa considération par les acteurs locaux grâce à une
prise en main entière, sérieuse et conséquente de sa gestion
et
3/ son appropriation par les destinataires sous diverses
formes.

Pour une création de centres de promotion de l'art chrétien africain


La création de centres de promotion de l'art chrétien est à
nos yeux un point essentiel du développement de cet art en
Afrique. Nous entendons par centres de promotion de l'art
chrétien des villages d'art où les artisans et artistes locaux
peuvent travailler, échanger et exposer les œuvres d'art
chrétien. Une entreprise similaire a été initiée dans plusieurs
pays africains en ce qui concerne les arts locaux. Au Bénin
par exemple, le Centre de Promotion des Arts (CPA) de
Cotonou, créé dans les années 1980, a donné une véritable
impulsion aux arts locaux. Aujourd'hui, ce centre est le plus
grand du pays et l'un des plus importants de l'Afrique
occidentale où les artisans de plusieurs pays viennent
exposer et vendre. Dans les années 1930, les missionnaires
belges ont compris la nécessité de promouvoir les arts
locaux congolais par la création de centres et d'un organisme
de protection des arts locaux. Leur but était entre autres de
garantir la promotion de l'art chrétien local par la protection

152
de l'art africain. Ainsi, le renouveau d'intérêt dont a joui l'art
congolais dans les années 1930 fut pour une large part
l'action suivie et désintéressée de deux personnalités
entièrement dévouées à la cause de l'art nègre: M. G.-D.
Périer, bibliothécaire au Ministère des Colonies à Bruxelles,
et Mme Maquet-Tornbu, à Léopoldville. Le premier, après
des années d'efforts, est parvenu à créer à Bruxelles en 1934
une Commissionpour la protection du arts et métiers indigènesqui se
propose d'étudier et de rechercher tout ce qui peut
contribuer à la sauvegarde, à la conservation, à la rénovation
et au progrès des arts et métiers locaux; la seconde travailla
sur place à Léopoldville et réussit à mettre sur pied, en 1935,
une association au nom significatif des .Amis de l'Art
Indigène2W• A Léopoldville, les .Amis de l'art indigène ont pu
créer un musée d'art et de folklore local. Ainsi donc, en
réunissant au musée de Léopoldville des pièces dans
lesquelles l'art bantou s'exprime ((dam sa forme la plus pllre )),
les .Amis de l'art indigène espéraient amener les artistes locaux à
s'inspirer de leurs véritables traditions artistiques tout en
habituant aussi peu à peu le public à apprécier la valeur
propre d e l'art negre
' 240
.
Par rapport à l'art chrétien africain à proprement parler,
des centres de réalisation de l'art chrétien ont été ouverts
dans certains pays africains entre 1940 et 1975. Parmi les
centres ou écoles d'art les plus importants, on peut citer le
centre d'Qye Ekiti au Nigeria fondé en 1946 par les
missionnaires irlandais de la Société des Missions Africaines,
les Pères Patrick Kelly et Kevin Carroll. Les recherches de ce
centre sont axées sur la culture artistique yorouba en vue de
son utilisation par l'Eglise. Dans ce centre, les élèves se
spécialisent non seulement dans la sculpture, mais aussi dans
d'autres branches d'artisanat nigérian, comme le tissage, la

m C;illè~ de Pélichy .\. (*1936: 168-169).


24"C;illè~ de Pélichy .v, (*1936: 169).

153
broderie, les travaux du cuir et des perles'?'. Un centre
semblable a ouvert à Dibouangui au Gabon dont le travail
fut sur axé les œuvres de pierre. On se doit de faire référence
au KuNgoni Art Crqft Center fondé en 1975 au Malawi en
Afrique de l'Est par Claude Boucher, un Père blanc
québecois. En prônant le dialogue des images, le travail de ce
centre a été de puiser dans ce qui constitue l'imaginaire
africain à savoir les contes, la mythologie et les images de la
vie quotidienne des éléments en correspondance avec le
message chrétien et de les rendre en image (peinture,
sculpture etc ... ). Ce centre a réalisé des œuvres aussi bien en
Afrique qu'en Europe via le Canada242. On connaît aussi
l'atelier d'art religieux de Kansenya-Kiswishi dans la
province du Katanga, Sud-Est de la République
démocratique du Congo. L'atelier fut créé en 1951 et laissé à
la direction des religieux le Père Pascase, dessinateur, et le
frère Georges Minne, artiste et architecte, venus de
Maredsous en Belgique. En dehors des religieux, y travaillait
François Goddard, artiste-sculpteur africain formé selon les
traditions artisanales, diplômé académique et spécialiste de
l'art kuba. Les sections développées par cet atelier sont la
peinture, la sculpture, le travail du cuivre - le Katanga est
une région riche en cuivre - et la poterie. A l'actif de cet
atelier, la réalisation de la croix de l'église Sainte-Thérèse de
Likasi ainsi que la construction et la décoration de l'église de
Ngandajikai". Toujours au Congo, on peut citer le centre de
Ruwe au Katanga où François Goddard a créé plusieurs
objets et ornements pour l'Eglise dans un nouvel esprit, mais
avec des éléments essentiels de l'art traditionnel. Il faut
mentionner ces différentes écoles à vocation universitaire:
l'Ecole Saint-Luc à Kinshasa, le département de l'art au Collège

W Pour tout ce qui concerne ce centre et son travail, voir Bridger N. J. (Collectif
*2007 : 95-114).
2~2 Voir le livre qui est consacré à ce centre, Ott M. (*2007).

2H Verbeek L., Cabala Kaleba S. (*2008: 85).

154
Maearere à Kampala en Ouganda, les centres d'art Selima et
Cyrene au Zimbabwé et l'école de Pierre Romain-Defossés à
Poto-Poto de Lotos à Brazzaville en République du
Congo244• Pour finir, on ne manquera pas de faire référence
au centre d'art Rorke': Driji situé dans la région du Natal en
Afrique du Sud. Ce centre est l'un des rares dont l'activité en
matière d'art chrétien, entre autres, est encore de nos jours
considérable. Créé en 1962 par un couple suédois Ulla et
Peder Gowenius, ce centre réunit plusieurs sections dont les
plus importantes sont celles de tissage, d'impression textile
et de céramique. Aujourd'hui, plus de deux cents artistes y
travaillent encorei".
Les résultats de ces centres ou écoles sur le
développement de l'art chrétien sur le continent et en dehors
sont significatifs, Plusieurs églises ont été décorées de leurs
œuvres. Il faut toutefois reconnaître qu'aujourd'hui la
plupart de ces centres ont fermé mais continuent d'être
présents dans les esprits grâce au travail personnel des
artistes africains qui y ont travaillé. L'artiste yorouba du nom
de Lamidi F akèyè, disciple de Bandélé, le sculpteur le plus
connu de l'atelier d'Oye Ekiti, réalise encore, par diverses
comman d es, d es œuvres chréetrennes
. 246 C
. es ate liers ne sont
plus en activité en partie parce qu'ils sont souvent l'œuvre de
missionnaires occidentaux. Leur départ a parfois précipité la
fermeture de ces centres. Mais souvent, la position de
certains membres du clergé occidental et des laïcs locaux à
l'encontre des expériences menées dans ces centres a
entraîné leur fermeture. Le cas du centre d'Oye Ekiti est
probanr''", Néanmoins, il convient de s'inspirer de ces
expériences en évitant les erreurs qui ont empêché leur bon

m Swidcrski S. (*1982: 50).


2H Ott M. (*2007: 85).
246 Hridger N. J. (*2007 : 111).

247 l'our beaucoup, le projet accordait trop d'importance aux aspects culturels
yorouba au détriment des réalités chrétiennes. \' oir Bridger N. J. (*2007: 110).

155
fonctionnement et en consacrant, si nécéssaire, les efforts à
la formation des artistes locaux aux fondements de l'art
chrétien. Ainsi, la promotion de l'art chrétien africain
proposée au moyen de la création de centres suppose une
entreprise préparée et gérée par des acteurs locaux à même
de cerner les besoins et les attentes des chrétiens locaux en la
matière.

Pour une prise en main par les acteurs locaux


En matière d'initiatives, les expériences d'art chrétien ne
sont pas en Afrique l'apanage des missionnaires: des ateliers
dirigés par des laïcs locaux sont nés. Les expériences menées
en République démocratique du Congo sont probantes en ce
qui concerne la prise en main du devenir de l'art chrétien par
des acteurs locaux. Dans ce pays, plusieurs ateliers ont été
créés par des Congolais afin de prendre la suite des
initiatives européennes. On y compte désormais une
vingtaine d'ateliers dirigés par des artistes locaux. Entre
autres, la Corporation des Zande de Buta, l'Ecole de
Bamanya (Ouest du pays) et d'Ebonda (Nord), l'Atelier de
Kahemba (Sud-Ouest du pays), l'Académie des Beaux-arts
de Kinshasa, l'Académie d'An Populaire Indigène de
Lubumbashi, le Monastère Notre-Dame-des-Sources,
l'Atelier de François Goddart, l'atelier du peintre Nkusu
Fefelo, l'Atelier de Mushenge dans la région du Nord-Kivu,
l'Atelier Chenge et l'Atelier de l'évêché de Kananga (centre
du pays/48. L'impact de ces ateliers sur le développement de
l'art chrétien local est indéniable. Les productions d'art
chrétien du Congo sont parmi les plus prolixes du
continenr'". Le cas congolais illustre donc l'importance de la

248 Pour plus de détails sur ces ateliers, voir Badi-Banga N.-M. (*1982: 150-161).
249 Pour preuve, consulter le recensement des œuvres d'art chrétien africain dans
l'ouvrage de Thiel J. F. et 1Ielf II. (* 1984).

156
prise en main des initiatives concernant l'art chrétien au
niveau local.
Cependant, l'art chrétien africain suscite peu d'intérêt
dans le clergé africain. L'élan donné par les missionnaires fut
timidement relayé par le clergé local et ne rencontra
nullement le plein enthousiasme de la majorité des prêtres
locaux. Le constat peut être relevé par quiconque entreprend
un travail sur l'art chrétien en Afrique: l'art chrétien africain
est absent des préoccupations des prêtre locaux. Pour le cas
de la République démocratique du Congo, Bamba Ndombasi
Kufimba situe les raisons de cette situation dans le peu de
sensibilité des prêtres africains à l'art:
« La mqjorité de prêtres et religieux zaïroÎJ~ sans doute parœ que non
initiéJ à fart, ne semblent pas sentir le besoin profond que presente, pour
/eurJ populationJ chrétiennes, une imnographie largement dévelopPée
surtout Ji."eue eJI ptasee
.• aux JourCCJae
de l'art
art né. ,(, ..
negro-q;ncam ))250 .
Au Bénin par exemple, le constat n'est pas si différent au
point où le cas pourrait faire l'objet d'une recherche
approfondie. Tout en reconnaissant leur peu d'intérêt au
sujet, les prêtres que nous avons rencontrés évoquent
souvent la crainte que l'entreprise soit assimilée par les
fidèles à un retour au passé païen. Ils évoquent de même un
problème de non appropriation du christianisme par les
Afrincains,
. y comprIs. 1es pretres 1ocaux eux-memes 251 .
A A

Toutefois, dès les débuts de l'art chrétien local en Afrique,


dans les années 1930, des initiatives si rares soit-elles ont
parfois été relevées de manière éparse sur le continent. On
note dans une station missionnaire annexe du Gabon
l'initiative d'un prêtre local qui a orné les gros poteaux
d'encoches en bois de son église à la manière des bâtons des

Barnba N. K., «Art chrétien au Zaïre» (*1981: 295-298).


25lJ

251Voir notre entretien du 09 .\oût 2007 à . \bomey avec Didier l.égonou, curé
de la cathédrale Saints Pierre et Paul d'. \bomey et celui du 27 Juillet 2007 avec
Pascal Fanou, curé de la paroisse Saint Benoit de Zagnanado.

157
chefs et de les colorer jusqu'à une certaine hauteur, en rouge,
1e rouge d u taco ul , cornrnun a toute
toute l'Af rique
à . ,
equaton 'ale252 .
Nous signalons le cas des prêtres locaux en raison de
l'estimation de l'impact qu'aurait leur implication sur l'art
chrétien local. Mais pour cela, il faudrait que l'art soit un
point essentiel de la formation des prêtres en Afrique.

Pour une meilleun: appropriation de l'art chrétien en Afrique


Les réticences des chrétiens locaux à l'art chrétien
inculturé sont l'une des principales entraves à l'implantation
de cet art sur le continent. Les propositions émises plus haut
sur l'avenir de l'art chrétien africain n'aboutiraient que si le
problème de la place de l'art chrétien inculturé était
réellement considéré. Il faut comprendre que le problème de
l'appropriation de l'art chrétien africain est souvent lié à celui
de la perception de cet art en ceci que, pour les chrétiens
locaux, l'art chrétien relève de l'Occident et y mêler des
éléments de la culture locale revient à l'altérer. Le problème
ne se pose pas seulement sur le continent africain. Il semble
concerner la plupart des pays de missionf", Un exemple
japonais montre que les chrétiens du pays lient l'art chrétien
japonais au bouddhisme dès lors que les éléments de la
religion bouddhiste sont utilisés". Le même constat peut
encore être relevé aujourd'hui en Afrique noire. Certains
chrétiens africains voient d'un mauvais œil la réalisation des
éléments de leur n:ligion en style africain. À tort ou à raison, et
pour des raisons qui devraient être précisées, ils ne séparent
pas le style local du paganisme et ne conçoivent pas qu'on
l'utilise à des fins chrétiennes. On comprend qu'un véritable

252 Maurice Briault a manqué de préciser le nom du prêtre. Voir Briault M.


(*1936: 842-843).
253 Le problème est signalé dans plusieurs revues sur l'art chrétien dans les pays

de mission. Voir Aufhauser ]. B. (*1935: 97-108); Vergott F. (*1936: 219-222);


et Brou A. (*1936: 196-213).
25-1 Voir Vergott F. (*1936: 219-222).

158
travail de sensibilisation et de formation à l'art chrétien
inculturé soit de mise auprès des chrétiens locaux.
Toutefois, la question de l'appropriation de l'art chrétien
local dans les pays de mission a amené Louis Van Den
Bossche à identifier le principal problème. Pour lui, les
problèmes de l'art chrétien dans les pays de mission ont
pour origine la perception de l'art uniquement sous son
aspect matériel. Pour le critique d'art, ((on a l'impreJJion, que les
discnssions au Jtfjet d'art indigène chrétien Je fondent Jouvent sur une

conception , • 1/
trop matenette J
ae l'art »:".
?55 La consequence
' est que
cela mène à regarder mécaniquement des œuvres qui
reflètent un esprit autre que celui escompté. Selon l'auteur,
ce n'est pas les symboles locaux ou le style qui rendent
l'œuvre belle et expressive. Car on a souvent tendance à
appeler « style» un ensemble de formules de construction,
de solutions constructives, des motifs ornementaux dont il
est facile de discerner les caractères et dont il est loisible à
chacun d'appliquer les 10is256• Ainsi, le regard que nous
portons sur les œuvres d'art détermine notre aptitude à les
recevoir ou non comme telles. Ce regard est souvent
empreint d'éléments de nos propres jugements soumis à la
tradition dans laquelle nous avons été élevés. L'Européen
voit dans l'art chrétien africain une œuvre d'art que l'on ne
peut aborder que par son aspect esthétique et stylistique.
L'Africain considère une œuvre d'art chrétien africain
comme un objet de culte qui doit être dépourvu du passé
païen. Ainsi, Louis Van Den Bossche propose de considérer
le présent de l'art chrétien africain comme un temps de
transition. Cela éviterait souvent les confusions qui résultent
d' une re'fl'eX10ntrop axee 'l' sur œuvre en tant que matene , . 1257.
Cette réflexion est encore aujourd'hui valable à nos yeux

255 Van Den Bossche 1.. (*1937: 61).


256 Van Den Bossche 1.. (*1937 : 60).
257 Van Den Hossche 1.. (*1937 : 60).

159
dans les considérations sur l'inculturation de l'art chrétien en
Afrique.
Pour finir, nous voudrions attirer l'attention sur trois
points qui nous semblent essentiels pour une meilleure
appropriation de l'art chrétien par les populations
chrétiennes locales: 1/ Étudier les symboles africains avant
leur intégration dans l'art chrétien, 2/ Permettre la
coalescence des symboles africains avec le symbolisme
chrétien et 3/ Travailler sur les manières d'éviter que les
destinataires assimilent l'art chrétien local aux réalités
païennes.

Inculturation ou dialogue iconique?

Le dialogue des images


Il a été longuement question d'art chrétien inculturé. Mais
si on nous demandait au terme de cet ouvrage de résumer en
trois mots ce que nous entendons par art chrétien inculturé,
saurions-nous y parvenir? On retiendra avant tout que
l'inculturation est l'effet du dialogue entre le christianisme et
les cultures des pays de mission. Sur le plan iconique, le
terme prend tout son sens et il semble que l'on peut parler
de « dialogue des images» sans risque de double sens. Mais
que serait le dialogue des images dans le cas précis de
l'inculturation de l'art chrétien? Un vrai dialogue reste avant
tout un échange qui laisse à chacune des parties son identité.
Dans un dialogue iconique, l'art local doit rester
authentiquement local et l'art chrétien authentiquement
chrétien2sH• L'exemple d'une expérience d'art chrétien
africain aura le mérite d'illustrer cette règle2s9• Il s'agit de
deux sculptures de portes de la chapelle des missions de

258 Voir Bouyer L. (*1958).


259 On doit l'exemple à Martin Ott (*1999: 131-136).

160
Munich (Allemagne) réalisées, pour l'une, par les artistes Jibu
Sani et pour l'autre par James Samikwa et Mikhael
Chakwanda du centre KIINgoni An Crafi du Malawi (Afrique
Centraleji'", La porte d'entrée de la chapelle présente deux
battants sculptés reao tersa.
La première scène représente le ((mythe du mont
Kaphùintiwa )), une légende qui passe pour être la clé de
compréhension des cultes, des rites et des pratiques
religieuses des groupes bantous du Malawi. Voici tout
d'abord les termes du mythe : ((Au commencement, ily avait Cbiuta
(Dieu) et la terre. Chiuta vivait au deI. Sous lut; la terre était sans eau et
J'ans vie. Un jour, des nuages noirs se formèrent et couvrirent de ciel. Des
Main brillèrent et des roups de tonnerre décbirèrent l'air. Le dei s'ouvrit et au
milieu d'une énorme averse arrivèrent Cbiuoa, le premier homme et la
première femme et tous les animaux J"Urterre. Ils mirent pied à terre sur le
mont Kapbi ... , un sommet aplati parmi lu montagnes de Dzala1!Jama. Puis
la terre J"Urlaquelle ils étaient descendus se transforma en pierre]. . .J Sur terre
des plantes et des arbres poussèrent, ils produisirent desfruits en abondance.
Dieu, les hommes et les animaux vivaient heureux en paix ensemble.
Un jour, l'homme joua avec un bout de bois mou et un bout de bois dur.
Il lesfrotta l'un contre l'autre et inventa ainsi par hasard lefeu. Bien que mis
en garde, lÏ n'écouta pas. La steppe prit feu. Il J'en suivit un grand désarroi.
Le ebie« et la chèvre coururent ven l'homme, pour y trouver protection.
L'éléphant et le lion s'enfuirent plein de rancœur envers les hommes. Le
caméléon sumeut aux flammes en montant sur un arbre. De là, lÏ cria à
Dieu de le suivre. Mais Chiuva répondit qu'il était trop vieux pour grimper
aux arbres. Lonque l'araignée entendit cela, elle tissa un mince Jil et tira
Dieu à l'aide de celui-a dans lu hauteurs.
C'est ainsi que Dieu fut chassé de la terre par la foute des hommes. Il
annonça que désormais l'homme devrait mourir et que ce n'est qu'au dei qu'il
le retrouverait )).

titre de rappel, le centre a pour but la promotion d'un art africain inculturé .
2(~J .\

.\ côté de nombreuses œuvres uniques, les artistes du centre ont doté environ
quatre-vingts égli~e~ au Malawi, au Kenya, en Zambie, en Afrique du Sud, au
Canada, en Italie et en . vllemagnc.

161
}<lgure30.1, Mythe Figure 30.2, Le Christ
du mont « Kaphirintiwa )) ressuscitéreconduit fa création
Le panneau de la porte d'entrée vu de l'extérieur illustre
ce mythe avec de nombreux détails (voir figure 30,1: «
mythe du mont Kaphirintiwa », panneau de la porte d'entrée
de la chapelle des missions, Munich). Les épisodes du mythe
sont inscrits dans une mandorle. En haut, un gros nuage
d'où se détachent des gouttes et des ramifications d'un éclair
qui se prolongent jusqu'au sol, signe que le dieu Mphambe,
maître de l'éclair et du tonnerre laisse éclater, dans un
gigantesque orage, des éclairs de tonnerre sur toute la terre.
Les éclairs frappent le mont Kaphirintiwa et détachent des
rochers de la montagne. Du ciel entrouvert descendent les
premiers hommes et les animaux sur terre. Chiuta (Dieu)
n'est pas représenté sous des traits anthropomorphes. Il est
représenté par des symboles (nuage, éclair, arc-en-ciel). Les
premiers hommes, ici un homme et une femme, mettent
pied à terre sur la surface molle du Kaphirintiwa où leurs
traces sont visibles. La scène entière rend compte de la
polarité des deux mondes, celui de Dieu en haut et celui des
hommes en-bas. En dessous de l'homme et de la femme, des
animaux distribués en mâle ou en femelle conformément à
leur signification symbolique. Le mythe de Kaphirintiwa se
termine avec l'invention du feu et la perte du paradis. Quatre
médaillons évoquent cette « faute» dans les angles. Ils
rappellent quatre règles qui sont toujours en vigueur chez les
Malawites, en particulier avant et pendant la fête de la pluie:
interdiction de faire du feu et de chasser, obligation de se
réconcilier et obligation de chasteté.
La scène sculptée n'a rien à voir avec la représentation
chrétienne ou biblique de la création. Cependant, le rapport
de ce mythe africain avec les récits de la création ou de la
genèse chrétienne apparaît avec la seconde scène.
Sur le second panneau (voir figure 30,2, « Le Christ
ressuscité reconduit la création à son origine », panneau de la
porte d'entrée de la chapelle des missions, Munich), au
mouvement descendant du battant extérieur décrit ci-dessus,

163
correspond un mouvement ascendant à l'intérieur. Dieu, les
premiers êtres humains et les animaux étaient descendus du
ciel sur la terre, ici nous voyons les animaux et les hommes
s'élever. Au point de rencontre entre le haut et le bas, le
« divin » et le « terrestre », se dresse le Christ ressuscité les
bras grand ouverts. La tête et le tronc se dressent vers le ciel,
les pieds encore sur la terre. Le Christ ressuscité reconduit la
création entière à son origine.
L'organisation et la répartition des scènes sont
complètement identiques sur les deux panneaux - répartition
en deux domaines « en haut» (nuage, arc-en-ciel, éclair,
pluie) et « en bas» (humains, animaux, plantes, traces de
pieds sur la montagne, mare sacrée) et les quatre médaillons
dans les angles (avec exactement les mêmes scènes) -. Les
deux panneaux se réfèrent l'un à l'autre, se reflètent
réciproquement, sont les deux côtés d'une même médaille si
bien que l'un peut et doit être lu à partir de son pendant, les
représentations d'un côté peuvent et doivent être
interprétées à partir des représentations de l'autre côté.
Autrement dit, la représentation du message biblique qui
montre toute la création rentrant avec le Christ, éclaire d'une
nouvelle lumière le récit du mont Kaphirintiwa, le mythe
malawi de la création est l'arrière-plan du message biblique
de la fln des temps.
La manière dont les battants extérieur et intérieur de la
porte d'entrée renvoient l'un à l'autre est d'une importance
exemplaire pour la relation entre thèmes bibliques et
traditionnels dans ce genre d'art inculturé. Ce qui est
primordial dans ces relations est que le mythe africain de la
création n'est pas dénaturé par des motifs ou des éléments
bibliques. L'observateur peut le reconnaître comme la
tradition orale du Malawi le décrit, le raconte. La lecture
chrétienne du mythe africain ne s'opère que par
l'observateur en intégrant « l'autre partie », La mise en
relation des deux mondes d'images est effectuée par le

164
spectateur. Le battant intérieur se présente à lui comme une
histoire en images complémentaire du mythe de
Kaphirintiwa. L'installation des deux battants respecte
l'indépendance et si l'on veut, la dignité de la religion
traditionnelle africaine.
Ainsi, le « dialogue des images», peut -être plus que
d'autres domaines du dialogue entre le christianisme et les
cultures hors-européennes (inculturation), ne peut se
résoudre à ce que Gérard Bissainthe appelle ((le bapteme des
valet/rJ indigèneJ )), ce principe qui prévaut parfois dans le
christianisme et qui consiste à adopter les richesses locales
de différentes cultures et à en faire une propriété chrétienne.
L'auteur détermine trois manières de « baptiser» les valeurs
culturelles localesi'" :
-La première consiste à admettre dans le christianisme,
sans modification, ce que d'autres religions ont de vrai et de
bon.
-La deuxième consiste à prendre une réalité païenne, à en
extirper ce qu'elle a de trouble ou d'équivoque et à la
présenter comme une nouveauté chrétienne.
-La troisième consiste à reprendre l'idée, le schéma
intellectuel qui est à l'origine d'une création païenne et de la
repenser dans une inspiration chrétienne+",
Dans le cas des œuvres de KttNgoni évoquées plus haut,
l'expérience met les deux traditions dans une relation
constructive et complémentaire, les confrontant et les
unissant. Il s'agit réellement du « dialogue des images ».

261 Bissainrhc G. (*2006 : 132-134).


262 Pour cette dernière catégorie, l'auteur prend comme exemple l'idée d'une
danse païenne de la victoire; laquelle idée est repensée avec une inspiration
chrétienne qui en fait une danse du triomphe de Pâques, qui ne sera peut-être pas
forcément différente de la précédente mais dont l'esprit sera tout autre.

165
L'art comme connaissance de l'autre
Nous vivons en un temps où il n'a jamais été autant
question d'images. Il est aujourd'hui possible d'étendre le
champ lexical de ce terme à plusieurs domaines. Ainsi, est-il
permis de parler d'images mentales, d'images naturelles,
d'images numériques, d'images virtuelles, d'images que la
société nous renvoie aux images que l'on a de soi... Ce qui
donne l'impression que l'image peut être maîtrisée quelle
qu'elle soit. Grâce à internet, les images aujourd'hui circulent
sans limites si bien qu'on peut parler de mondialisation
iconique. Elles envahissent tout et tous les domaines si bien
que l'on peut « parler par images ». On commence de
concevoir l'existence d'une pensée figurative à côté de la
pensée discursivef". Bref, l'image n'a jamais autant occupé
l'espace de notre temps. Cependant, à quel service est-elle
soumise?
Sur le plan de l'art chrétien, l'expression « dialogue des
images» offre un champ considérable dans la connaissance
de l'autre. ((Connaître l'autre par l'étude de ses images est une voie
prometteuse. Elle est encore à peine explorée }64. La fonction la plus
fascinante de l'art semble se situer depuis toujours dans la
création d'images apparaissant comme des condensations
visuelles symbolisant dans leur structure, leur esthétique et
leur thème, les structures, les valeurs et les références
principales de la société qui les porte. Elles renvoient donc
aux croyances, aux valeurs passées ou présentes de chaque
société. Elles deviennent des images sociales référentielles
majeures.

263 Voir Boespflug F. (*2008: 486). Voir aussi à ce sujet le récent livre au titre
évocateur de Boespflug F. (*2011).
264 Boespflug F. (*2008: 475).

166
lnadturation et mondialisation (des imageJ)
L'inculturation, sur le plan iconique, a constitué l'épine
dorsale de notre étude. Ce concept ne peut pas se référer
uniquement à l'aspect traditionnel ou actuel des cultures
mais doit aussi se consacrer au devenir des cultures, aux
nouvelles valeurs qui émergent dans notre société actuelle et
qui attendent le discernement que peut apporter le
christianisme. Au-delà des deux points principaux -
l'annonce du message chrétien et la découverte des valeurs
culturelles - autour desquels s'articule l'inculturation,
apparaît aujourd'hui un troisième qui est celui de la diffusion
universelle (mondialisation) des valeurs culturelles modernes.
Ce dernier point se présente en tant que défi à relever. Le
problème de l'inculturation en contexte de mondialisation
est aussi celui des frontières culturelles. Comment admettre
leur existence dans un monde fait d'interpénétrations et
d'interactions? Alors que les sciences sociales ont de plus en
plus de mal à débrouiller les rapports entre l'universel et le
particulier, l'inculturation peut devenir le lieu ou s'opère la
transformation des frontières (barrières) culturelles en
horizons. Une réflexion sur le concept kantien de limite -
non comme Scbranee, mais Grenze, frontière à partir de
laquelle on est appelé à regarder au-delà, à aller au-delà -,
pourrait nous aider265• Ainsi compris, le concept
d'inculturation apparaît non comme un principe à la
disparition mais à la reconnaissance des peuples et de leurs
cultures. Il intéresse à la question de la quête identitaire
autant qu'à celle de la diversité des cultures. De même, il
apparaît comme un processus de conscientisation capable de
faire échec à certains aspects de la mondialisation considérés
comme un risque à la disparition de certaines culturesi". Par

265Concept kantien référé par. \ucante \'. (*2008 : 62).


266La mondialisation Je l'économie n'entraînerait pas avec elle l'uniformisation
des cultures, soutiennent D'Irbarnc l'. et .\Iii. (* 1998). .\u contraire, elle

167
là, l'inculturation s'offre comme une réponse approprlee à
l'angoisse que pourrait susciter les bouleversements sociaux
au moment où plane le diktat de la globalisation en ceci
qu'elle est un concept ouvert à la différence, accessible par la
pluralité et étranger au conformisme. À la suite du Jésuite
Aloysius Pieris, nous estimons que l'inculturation ne peut
être une pratique ad gentes (à l'intention des nations)
artificiellement produite et commandée par une autorité
centrale, elle demeure une expérience in intra (du dedans) qui
se fait et se vit le plus naturellement par le peuple chrétierr'".
Pour finir, exprimons une dernière conviction par
rapport au devenir de l'art chrétien inculturé. Tandis que le
mouvement et l'installation multimédia dominent de plus en
plus la création contemporaine, tandis que le flux interactif
et insaisissable des arts numériques s'impose, ne faut-il pas
rechercher l'alTer sur image, dont la puissance iconique et
symbolique saura condenser et visualiser l'essentiel des
cultures? Ainsi se formule aujourd'hui le défi de l'art
chrétien inculturé. L'art chrétien des ex-pays de mission peut
se révéler un outil essentiel de connaissance des cultures de
ces pays. Nous exprimons cette conviction parce que cette
recherche nous en a donné la preuve. Notre souhait est que
le lecteur fasse cette expérience.
Nous espérons que notre contribution à l'étude de l'art
chrétien africain ira au-delà des considérations théoriques et
que nos propositions et nos convictions prendront forme,
avec l'aide des acteurs tant européens qu'africains, pour
permettre de donner un essor à l'art chrétien inculturé en
Afrique.

impliquerait l'enracinement culturel et social des entreprises de même que celui


du fonctionnement des économies.
267 Picris A. (*1990: 76).
CONCLUSION

Au terme de cette étude, il paraît nécessaire, parce que le


chemin parcouru permet désormais de prendre de l'altitude,
d'en exposer les portées et de (re)préciser les enjeux.
L'échantillon des sculptures chrétiennes rassemblées a
permis de dégager, en les catégorisant, les modèles de l'art
chrétien africain. Ainsi a t-on déterminé les degrés
d'inculturation suivants, avec l'idée d'une sans y projeter
pour autant l'idée de progrès: 1/ L'adaptation de surface,
comportant des aménagements superficiels par rapport aux
modèles occidentaux (accommodation des traits des
personnages, des vêtements et du décor ou cadre des scènes
aux aspects culturels du pays). 2/ L' « accoutumance »,
impliquant l'adaptation plus poussée des modèles importés
par l'adjonction d'éléments locaux et culturels (adaptation de
la posture et de la gestuelle des personnages par rapport aux
contextes culturels et sociaux du pays, adjonction de
différents accessoires culturels permettant de retoucher ou
non le schéma de composition du modèle occidental) mais
dont la production demeure tributaire de l'art européen. 3/
L'inculturation, admettant non seulement des éléments
artistiques des deux traditions chrétienne et africaine
s'interpénètrent mutuellement mais aussi que les symboles
des deux champs d'expérience se représentent
réciproquement.
Au vu des modèles ci-dessus mentionnés, l'art chrétien
africain laisse apparaître deux tendances caractéristiques. La
première vise à accommoder certaines formes de l'art
chrétien aux sensibilités locales. Au demeurant, l'art chrétien
local reste tributaire des modèles européens. Cette tendance
touche la plupart des œuvres rassemblées. La seconde
tendance ambitionne plutôt de rechercher les principes
mêmes des différents arts et symboles chrétiens et africains

169
en partant de ceux-ci pour réaliser une forme nouvelle.
L'objectif étant de créer un art chrétien nouveau inspiré des
traditions artistiques locales et présentant, de façon
accessible aux mentalités locales, la doctrine chrétienne.
Cette dernière tendance est préoccupée avant tout par
l'inculturation de l'art chrétien.
Dans l'objectif d'un bilan (chiffré) de l'art chrétien
inculturé, dans quelle mesure l'entreprise peut-elle
s'appliquer aux œuvres antérieures à l'apparition du terme
« inculturation » (1978)? La réponse se veut affirmative
quand on considère que le processus à l'œuvre a devancé le
nom conventionnel qui le désigne. Cependant, la
légitimation du principe d'inculturation ne s'est effectuée
dans les églises africaines qu'à partir du Synode de 1994268•
Doit-on commencer le bilan de l'art chrétien inculturé à
partir de cette année-là? Par rapport aux objets rassemblés,
la définition de l'art chrétien inculturé ne peut s'arrêter à
certaines œuvres appartenant à une certaine période. Elle
peut et doit prendre en compte toutes les œuvres
inculturées, indifféremment selon les périodes, car sans
attendre l'énonciation et l'élaboration du principe
d'inculturation, certains objets d'art chrétien africain ont
manifesté, en raison de la coalescence des symboles
chrétiens et locaux qui les composent, des aspects répondant
à l'inculturation sur le plan iconique si bien que limiter le
principe dans le temps revenait à abandonner certains objets
d'art chrétien inculturés.
Par ailleurs notons que l'art chrétien africain comporte
des spécificités aujourd'hui selon les pays. Les œuvres d'art
chrétien béninois les plus récentes que nous avons
rassemblées (années 1990 aux années 2000) sont issues de
deux lieux principaux: des églises et du marché touristique
de l'artisanat. Cependant, ce sont les œuvres en provenance

268 Luneau R. (*1997: 10).

170
du marché artisanal qui correspondent, en majorité, à la
recherche de nouvelles formes de composition et de lisibilité
conjointe des symboles chrétiens et locaux, au principe
d'inculturation sur le plan iconique. Contrairement aux
œuvres destinées aux églises qui sont largement tributaires
des schémas de composition occidentaux, les objets présents
sur les étals des artisans ou artistes du Centre de Promotion
de J'Artisanat de Cotonou montrent une originalité notoire
au niveau du style; Si bien qu'on est en droit de se
demander si la recherche de nouvelles formes d'art chrétien
local ne s'effectue pas aujourd'hui en marge de l'Eglise.
Peut-être parce que les œuvres destinées aux églises doivent
répondre aux fonctions essentielles d'une œuvre d'art
chrétien (enseigner, édifier et décorer), elles ne peuvent pas
assidûment se soumettre à la libre inspiration de l'artiste.
En outre, la difficile appropriation de certaines œuvres
chrétiennes locales comme la Vierge à l'Enfant de la figure
27 par les paroissiens de l'église Bon-Pasteur de Cotonou
résume à elle seule la place de l'art chrétien inculturé dans
l'Eglise africaine aujourd'hui. Cet exemple met en évidence,
à petite échelle, la complexité de l'entreprise d'adaptation de
l'art chrétien. L'art chrétien inculruré'?" peine à s'imposer
dans les églises africaines, c'est un fait. Et pourtant, la
musique a parfaitement intégré le principe d'inculturation si
bien qu'on est capable aujourd'hui de parler de musique
chrétienne africaine. Les messes africaines ont la réputation
d'être joyeuses car elles sont animées par des rythmes locaux
exécutés avec les instruments locaux. À quand alors des
églises entièrement décorées d'objets d'art chrétien
inculturé? S'il est aujourd'hui difficile de pronostiquer le
sort de l'art chrétien africain, les propositions que nous
avons émises allant dans le sens de la promotion, de la

269 L'art chrétien inculture prend en considération ici les arts chrétiens majeurs
(peinture, sculpture et architecture).

171
considération et de l'appropriation de cet art, loin de toute
prétention, sont à nos yeux la garantie de son avenir.
Même si l'art chrétien inculturé peine à trouver sa place
dans les églises catholiques en Afrique, les initiatives
d'inculturation sont souvent bien accueillies, du moins dans
certains milieux. Cependant, on ne peut faire fi des limites
qu'impose toute entreprise d'adaptation. Qu'on le précise, la
réussite d'un art chrétien inculturé réside dans la négociation
aboutie entre le caractère local des moyens et la tradition
iconographique chrétienne.
Par ailleurs, l'un des grands défis de l'art chrétien
inculturé en Afrique est le paradoxe qui gouverne certains
aspects de son appropriation. Comment comprendre dans
un milieu traditionnellement friand de représentations que
l'art chrétien local peine à s'imposer dans le paysage de
l'Eglise africaine? Les représentations sculpturales sont les
composantes principales des cultes des sociétés
traditionnelles en Afrique. La statuaire est très présente dans
la vie quotidienne et dans l'ensemble des cultes traditionnels
si bien qu'on peut qualifier l'Africain d'homo depictor en ceci
que l'Africain est un « représenteur »270. Selon Ian Hacking,
les êtres humains font des images, réalisent des peintures,
imitent le gloussement des poules, façonnent l'argile,
découpent des statues, martèlent le laiton etc ... parce qu'ils
ne peuvent pas s'empêcher de représenter la nature visible et
invisible271• Ce dernier point se justifie surtout chez l'homme
africain tant la statuaire africaine a fait des représentations
des dieux et des défunts ancêtres l'une de ses principales
préoccupations. Il y a une telle profusion et un tel besoin de
représentations dans les cultes traditionnels parce que le
principe de transivité prévaut dans l'art africain. Selon ce
principe et d'après la conception africaine des
représentations de dieux, le culte rendu à une sculpture va au

270 Hacking 1. (*1983 : 130).


271 lTacking 1. (*1983 : 130).

172
prototype c'est-à-dire à la divinité dont la sculpture est la
représentation. Cependant, il semble que ce soit ce même
principe qui empêche certains chrétiens locaux de voir dans
la sculpture d'une Vierge en femme africaine la Mère de
Dieu car selon eux le prototype ne peut pas être africain. Ce
n'est pas un hasard si les œuvres qui présentent des
difficultés d'acceptation ou d'appropriation des chrétiens
locaux soient des représentations de Vierge et de Jésus. Dans
le culte chrétien africain, ils sont les deux principales
personnes à qui l'on voue un culte. Adoration pour le Christ
car il est le Fils de Dieu et en même temps Dieu selon la
théologie chrétienne et vénération pour la Vierge en tant que
Mère de Dieu (theotokoj~. Le problème qui prévaut est donc
celui de l'identité des figures du Christ et de la Vierge. Les
images chrétiennes occidentales ont une telle place dans le
paysage de l'Eglise que pour les chrétiens africains, les
personnages de Jésus et de Marie hissés au rang de sacrés ne
peuvent qu'être européens et doivent être représentés
comme tels. Alors, le rapport aux images chrétiennes semble
être faussé à travers l'idée que les représentations elles-
mêmes peuvent véhiculer. Par là, un long cheminement reste
à faire, si cela s'avère indispensable ou nécessaire, pour
amener le chrétien africain à comprendre que le prototype
dont il s'agit ici est au-delà de toutes considérations
physiques et raciales.
Ainsi, à nos yeux, l'un des défis majeurs de l'art chrétien
inculturé en Afrique reste celui des moyens de son
appropriation par les chrétiens africains. L'art chrétien en
général semble ne pas être une préoccupation majeure des
chrétiens en Afrique272• Le désintérêt pour l'art chrétien est
une réalité en Afrique. Ce désintérêt est-il lié à la différence
de conception et d'appréhension du mot « art» ? L'art dans

272Ce constat peut s'étendre aux prêtres. Comment comprendre qu'un certain
prêtre soir incapable d'identifier les moindres personnages des sculptures qui
ornent son église alors qu'il y est curé depuis des années.

173
son acception occidentale n'existe pas en langue fon par
exemple. Le terme approximatif pour l'expliquer - terme
apparu plus tard, après la colonisation - est adawun, qui veut
dire « merveilles, prodiges »273.Ce mot semble absent dans
plusieurs langues africaines, en tout cas dans son acception
européenne. Du reste, les définitions de ce concept varient
largement selon les époques et les lieux, et aucune d'entre
elles n'est universellement acceptée. Pour cette raison, nous
préférons la définition sociologique de Marcel Mauss ((un
. d' art est /' 0 b'?Jetreconnu comme te / par un groupe)) 274L
ob?Jet .
. a notion
d'art communément admise aujourd'hui en Occident date du
siècle des Lumières. Elle part d'une réflexion sur les sens et
le goût et engage donc une conception basée sur l'idée de
beauté275. Or, si la conception africaine de l'art retient en
filigrane l'idée du beau, cette beauté est intimement liée au
caractère utilitaire de l'œuvre. Comme il a été montré dans
cette étude, selon Léopold Sédar Senghor le caractère
utilitaire, fonctionnel de l'art africain révèle la dimension
esthétique d'une œuvre en ceci que l'art négro-africain
assimile la beauté à l'efficacité. L'œuvre d'art est belle parce
qu'elle est efficace276.Partant de cette acception, on peut
déduire, sans pour autant en faire une généralité, que dans
les milieux traditionnels en Afrique, ce qui intéresse dans une
œuvre d'art est sa capacité à servir. Servir à communiquer
avec les dieux, les ancêtres (la statuaire) et servir à implorer
la clémence de la nature (les masques). En ce qui concerne
l'art chrétien, les représentations de Jésus et de Marie
semblent correspondre au caractère utilitaire de l'art parce
qu'elles permettent le principe de transivité comme nous
venons de le décrire dans le paragraphe précédent. C'est un
constat, les figures de Jésus et de Marie sont les plus

273 Voir Beaujcan-Baltzer G. ct Alli. (*2009: 13).


m Voir Mau55 M. (*1971: 89).
275 Voir Eco U. ct De Michele G. (*2004: 8-14).
276 Voir Senghor L. S. (*1956).

174
représentées dans l'art chrétien africain et les plus
affectionnées dans le culte. Contrairement en Europe où l'on
peut encore aujourd'hui assister au culte de Saint Roch ou de
tant d'autres Saints, rares sont en Afrique les cultes rendus
aux Saints en dehors de la Vierge Marie277. Il apparaît donc
que la conception fonctionnelle, parfois trop cultuelle de
l'art constitue paradoxalement l'une des causes du désintérêt
accordé à l'art chrétien africain.
Par ailleurs, plusieurs problèmes se présentent
aujourd'hui à l'art chrétien inculturé en Afrique. L'une des
difficultés de cet art réside dans l'incapacité de dresser un
bilan chiffré des expériences qui ont cours actuellement sur
le continent en raison du caractère épars de ces dernières. S'il
est évident qu'elles continuent d'avoir lieu, on peut noter
que les initiatives s'effectuent localement, bien souvent sans
coordination, de commanditaire à artiste, ce qui amoindrit
les possibilités d'évaluation de l'état de l'art chrétien
inculturé à l'échelle du continenr'". Entre 1940 et 1980, des
ateliers d'art chrétien inculturé ont ouvert un peu partout en
Afrique. On pouvait compter parmi les plus importants le
centre d'Oye Eki/i au Nigeria fondé en 1946 par les
missionnaires irlandais de la Société des Missions Africaines,
les Pères Patrick Kelly et Kevin Carroll, le KuNgoni Art Craft
Center fondé en 1975 au Malawi en Afrique de l'Est par
Claude Boucher, un Père blanc québecois, plusieurs écoles à
vocation universitaire: l'Ecole Saint-Luc à Kinshasa, le
département de l'art au Collège Makarere à Kampala en
Ouganda, les centres d'art S erima (1948) et Cyrene (1940) au

277 Des villes, des quartiers, des rues, des lacs, des collines, des forêts, des caps
portent son nom en France, en Italie, en E~pagne, en Allemagne, en Autriche, en
Hongrie, en Pologne. En Europe, on dénombre des milliers d'églises, de
chapelles, d'oratoires dédiés à saint Roch : 3000 en Italie auxquels s'ajoutent 250
paroisses, 74 villes et 36 quartiers dans les cités les plus importantes.
27K Cependant, bien llue sc déroulant de manière sporadique, les expériences
locales n'assoupissent pa~ le développement de cet art sur le continent, le cas du
Bénin que nous avons étudié en est la preuve.

175
Zimbabwé et l'école de Pierre Rornain-Defossés à Poto-
Poto de Lotos à Brazzaville en République du Congo. Ces
ateliers permettaient d'estimer le développement de cet art
sur le continent et assuraient son avenir. Aujourd'hui, en
dehors du Rorke j. Drift art crqfp9 d'Afrique du Sud, ces
ateliers ont fermé, laissant place à des initiatives individuelles
difficiles à évaluer.
Toutefois, leur création témoigne d'un état de faits: le
caractère européen des initiatives. Ces ateliers ont été mis en
place par des Européens. D'ailleurs, cette situation constitue
la principale cause de fermeture des ateliers. Le départ des
fondateurs a souvent mis fln aux expériences. Par ailleurs, le
caractère européen des initiatives ne s'applique pas
seulement à la création d'ateliers. De nos jours, la plupart des
expériences - souvent individuelles - sont encore le fait de
pretres ou d'arti
A , 280 . E t pourtant, on aurait. pu
artistes europeens
croire que les impulsions données par les Européens en
matière d'inculturation de l'Evangile dans des langages
flguratifs africains trouveraient des relais dans la population
chrétienne africaine. Aujourd'hui, les initiatives locales
impulsées par des auteurs locaux ont de la peine à émerger
en Afrique. On peut être amené à considérer les travaux du
Jésuite camerounais Engelbert Mveng sur les prédispositions
chrétiennes de l'art africain comme une prise de conscience
des interactions entre les langages artistiques africains et la
foi chrétiennei". De même, l'atelier d'art religieux fondé par
le jésuite camerounais à Yaoundé s'avère la transition entre

279 Voir à propos de ce centre voir M. Ott (*2007 : 85-86).


280 À titre d'exemple, le couple d'artistes alsaciens Hugues et France Siptrott,
réalisateurs d'un ensemble de sculptures en bronze appelées Les hommes tU /0 cité
installées à l'entrée de la station de métro «Esplanade de La Défense» à Paris,
travaillent actuellement sur un projet d'art chrétien inculture dans le Nord du
Togo.
281 Voir le principal ouvrage de Mveng E. (* 1974). Il n'y est cependant pas
question d'art chrétien africain, mais seulement d'interprétation chrétienne des
motifs.

176
les initiatives européennes et la prise en main de l'art
chrétien africain par les Africains. L'atelier créé par le P.
Mveng se proposait de concrétiser linculturation et de
reproduire des modèles d'ornements liturgiques puisant leur
inspiration dans l'art africain. Parmi les œuvres artistiques du
jésuite, on compte les mosaïques de Notre-Dame d'Afrique
(basilique de Nazareth, Israël), de Notre-Dame des Victoires
(cathédrale de Yaoundé) et les tableaux de la chapelle du
Collège Hekima à Nairobi). Aujourd'hui de telles initiatives
sont peut-être discrètes voire rares si bien qu'on peut être
amené à croire que les impulsions données dans les années
1960 et 1970 se sont estompées.
Les problèmes que nous venons d'évoquer tendent à
montrer de manière générale le manque d'intérêt dont
souffre l'art chrétien africain sur le continent. Il faut se poser
des questions par rapport à ce désintérêt. L'art en général
paraît loin des préoccupations de l'Homme africain. L'art, tel
qu'il est perçu dans la conception européenne relève du
domaine du superflu. Il ne correspond fondamentalement à
aucun besoin vital si ce n'est celui du culte. C'est donc la
fonction sociologique de l'art qu'il faut interroger. Comment
l'art chrétien inculturé peut apporter des réponses aux
préoccupations majeures et quotidiennes dans un contexte
de pauvreté et d'injustice? Il s'agit là d'une question que l'art
chrétien inculturé, s'il veut se frayer un chemin en Afrique,
doit prendre en considération.
Les problèmes posés par l'art chrétien des pays de
mission sont considérables et ne peuvent éviter des
questionnements qui, pour la plupart, n'ont de réponse que
leur disposition à la subjectivité. Autrement dit, les réponses
apportées à l'adaptation de l'annonce de l'Évangile dans les
cultures extra-européennes sont si souvent empreintes de
convictions et de considérations théoriques qu'elles ignorent
les difficultés qui caractérisent la phase pratique. Les
problèmes de réception de l'art chrétien local soulevés dans

177
de certains pays africains en sont une preuve. L'engouement
toujours actuel des chrétiens locaux pour les objets
européens semble être lié à la manière dont le christianisme a
été transmis et compris en Afrique. L'attachement aux
formes d'art chrétien européen constitue un frein aux
initiatives d'inculturation de l'art chrétien en Afrique; d'où le
besoin de recherche des voies d'émancipation de l'art
chrétien africain.
En termes d'avenir de l'art chrétien en Afrique, au vu des
chantiers et des besoins encore importants sur le terrain, on
peut considérer que le champ d'action est grand. Alors,
comment conduire l'art chrétien africain à trouver sa voie et
être l'un des garants de la culturelle traditionnelle en
contexte de mondialisation? Notre conviction consiste à
dire que l'art chrétien inculturé, au vu des dialogues qu'il
initie entre les cultures, apparaît comme la passerelle
nécessaire vers les fondements de chaque culture. De la
même manière que le contact avec le prochain nous révèle
des aspects de nous-même, l'inculturation iconique, par le
dialogue qu'il engage entre les arts d'univers différents,
constitue l'un des instruments les plus efficaces actuellement
pour dévoiler les aspects fondamentaux des cultures. En
matière d'avenir de l'art chrétien inculturé, le critique d'art
Louis Van Den Bossche, loin du dédale rhétorique auquel le
sujet peut mener, suggère ceci: ((Nous aurons beau chercher; si
l'art cherche une solution, il faudra nécessairement qu'il la découvre lui-
meme )}82. Cette affirmation peut paraître déroutante et friser
la confiance absolue en la providence dans un monde où
toute situation doit rester sous contrôle. Mais n'est-il pas
plus sensé de considérer que la voie à montrer à l'art
chrétien inculturé est celle déjà balisée par la culture dans
laquelle cet art s'implante?

282 Van Den Bossche L. (*1938: 256).


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patrimoine historique et affirmation d'identité », .Africa e
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INFORMATIONS SUR LES FIGURES

La légende suivante correspond à l'ordre des renseignements


fournis pour chaque figure

- identifiant de la figure
- titre ou sujet représenté
- matériau
- dimensions quand elles sont connues
- date précise ou estimée de fabrication de la pièce
- auteur s'il est connu
- ethnie de l'auteur (un des critères d'identification des objets
d'art africain)
- lieu de provenance de l'œuvre
- lieu de conservation actuelle de la pièce
- numéro d'identification de la pièce dans un musée (s'il y a
lieu)
- source de l'image
- auteur de la photo

Figure 1
Visite pastoraled'un élJeCjlle
Bois, laiton et cuivre
L : 75 cm, 1: 11,2 cm, H : 18 cm
1915
Inconnu
Fon
Abomey
Musée de la SMA de Lyon
Erick Cakpo

201
Figure 2
L'autel des Prophètes
Bois
Inconnue
1974
Tidjani
Yorouba
Toffo
Eglise Saint Benoît de Toffo
Erick Cakpo

Figure 3
Jésus et les docteurs de la Loi
Bois
Inconnue
1985
Tidjani
Yorouba
Toffo
Église du Monastère des Soeurs Bénédictines de Toffo
Erick Cakpo

Figure 4
Le reniement de Pierre
Laiton et bois
H :16,5 cm
1920
Inconnu
fon
Abomey
Musée de la SMA de Lyon
Erick Cakpo

202
Figure 5
Viet;!!e à l'Enjànt
Bois
Inconnue
Années 1980
Inconnu
Fon
Sud du Bénin
Collection privée du Père Pierre Legendre (SMA Lyon)
Erick Cakpo

Figure 6
Saint jean-Baptùte
Bois
+ de 200 cm
1974
Tidjani
Yorouba
Toffo
Eglise Saint Benoît de Toffo
Erick Cakpo

Figure 7
La condamnation de jéJt/J
Bois
Inconnue
1974
Tidjani
Yorouba
Toffo
Église Saint Benoît de Toffo
Erick Cakpo

203
Figure 8
VieT.!{eà l'Enfant
Bois
1964
Inconnue
Atelier des Donvidé de Banamé
Fon
Banamè
Dapaong (Nord Togo)
Père Pierre Legendre

Figure 9
Calice enjarre trouée
Argen t et cuivre
Inconnue
1949
Emile N ounagnon
Fon
Porto-Novo
Inconnu
Archives privées de Marie Baranger
Reproduction à partir de diapositive

Figure 10
Notre-Dame d'Ablodé (lapaix)
Terre cuite
Inconnue
1949
Anagonou
Fon
Ouidah
Inconnu
Archives privées de Marie Baranger
Reproduction à partir de diapositive

204
Figure 11
Ostensoir en plateau «Fa» j"u17JJontéd'une croix
Cuivre et bois
Inconnue
1949
Gangbé Logo
Fon
Abomey
Inconnu
Archives privées de Marie Baranger
Reproduction à partir de diapositive

Figure 12
Vie~e à l'E,!/ànt
Bois polychrome
Inconnue
Années 1980
Inconnu
Fon
Sud du Bénin
Inconnu
Père Pierre Legendre (SMA)
Erick Cakpo
Figure 13
L'Annonâation
Bois
Inconnue
1985
Tidjani
Yorouba
Toffo
Église du Monastère Saint Joseph de Toffo
Erick Cakpo

205
Figure 14
Vie~e «aufiat»
Bois
72x16,6x22 cm, Poids 4800g
:::::1930
Inconnu
Yorouba-Nago
Kétou
Musée de la SMA de Lyon
401.991.011
Erick Cakpo

Figure 15
Tête d'Adam aveccroix
Bois monoxyle
H: 47,5 cm
Avant 1960
Inconnu
Fon
Athiémé (Sud du Bénin)
Musée de la SMA de Lyon
Cbristlicbe Kunst in Afrika, p. 193

Figure 16
Saint Michel portant un rymbole trinitaire
Laiton
Inconnue
1949
Agbacodji Aloha
Fon
Abomey
Inconnu
Archives de Marie Baranger voir aussi
Cbristlicbe Kunst in Afrika, p. 176

206
Figure 17
Ostensoir à l'ange de la rosace trinitaire
Laiton
H: 41 cm
1949
Accrombessi
Fon
Abomey
Afrika-centrum à Cadier en Keer (Hollande)
Cbristlicbe KunJt in Afrika, p. 176

Figure 18
Adora/ion de l'Enjànt
Laiton et bois
1920
?x2,26, P : 1250g
Inconnu
Fon
Abomey
Musée de la SMA de Lyon
402.991.017
Lyon
Erick Cakpo

Figure 19
jÙUJ cbassant Ie démon et détails
Bois, laiton et fer
17,5x37,lx19,2, P : 1250g
Années 1920-1930
Inconnu
Fon
Abomey
Musée de la SMA de Lyon
402.991.002
Erick Cakpo

207
Figure 20
Ange portant le signe trinitaire des 3 poissons
Cuivre
Inconnue
1949
Hyacinthe Code
Fon
Abomey
Inconnu
Archives privées de Marie Baranger
Reproduction à partir de diapositive

Figure 21
Crulifix avec cha/ne (( ogboni ))
Bois
66x3,4x5,7 cm
Années 1960
Ferdinand Donvidé
Fon
Sud du Bénin
Musée de la SMA de Lyon
401.991.???
Erick Cakpo

Figure 22
Tabernacle surmonté de l'ombrelle des rois
Laiton
Inconnue
1949
Agbacodji Zokpon
Fon
Abomey
Inconnu
Archives privées de Marie Baranger

208
Reproduction à partir de diapositive

Figure 23
La porte aux rymbo/u africains
Bois
1985
Tidjani
Yorouba
Toffo
Eglise du Monastère des Soeurs Bénédictines de Toffo
Erick Cakpo

Figures 24
Xaints Pierre et Pau!
Bois
+ de 200 cm
1974
Tidjani
Yorouba
Toffo
Église Saint Benoît de Toffo
Erick Cakpo

Figure 25
Tabernacle en (( tata somba »
Terre cuite
Inconnue
Années 1980
Inconnu
Inconnue
Manta (Nord du Bénin)
Église de Manta
http://\V\V\v.chez.com/beninrama/manta.htm

209
Figure 26
Vie'le à l'Enfant
Bois
Inconnue
2007
Inconnu
Fon-Mina
Cotonou
Centre artisanal de Cotonou
Erick Cakpo

Figure 27
Vie'le à l'Erifant
Bois
Inconnue
Années 1980
Inconnu
Fon
Cotonou
Église Bon Pasteur de Cotonou
Erick Cakpo

Figure 28
L'intercession d'Abraham pour Sodome
Bois
Inconnue
1985
Tidjani
Yorouba
Toffo
Église du Monastère Saint Joseph de Toffo
Erick Cakpo

210
Figure 29
Ciboire Jttf7J1ontéde la croix Ankh
Cuivre
Inconnue
1949
Dahou Gankpon
Fon
Abomey
Inconnu
Archives privées de Marie Baranger
Reproduction à partir de diapositive

Figure 30.1
Mythe dtl mont « Kaphirintiiua ))
Bois
100x150 cm
James Samikwa et Mikhael Chakwanda
Porte d'entrée de la chapelle des missions catholiques de
Munich
Ajncan theolo!J in imageJ, p. 539

Figure 30.2
« Le Christ ressusdté reconduit la création à son origine ))
Bois
100x150 cm
Jibu Sani
Porte d'entrée de la chapelle des rnissions catholiques de
Munich
Ajncan theolo!J in imageJ, p. 538
TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION 7

LES CARACTERISTIQUES DE L'ART CHRETIEN


INCULTURE 13

Alignement de l'art chrétien africain sur l'art local 14


Appropriation des matériaux traditionnels 14
.Assimilation des techniqnes tradùionnelles 17
Reprise des JryleJ,canonset rymboleJ 18

Attachements aux formes de l'art chrétien


occidental 22
L'empriJe des commanditaireseuropéens 23
ConjormitéJ à l'art chrétien 25
S"roivance desformes de l'art chrétienoccidental 27

Modèles d'inculturation 29
Premier niveau d'adaptation, l'adaptation de smface 30
Detcaème niveau d'adaptation, "l'accoutumance" 33
T roisième nitea« d'adaptation, lïnmlturation 52
Espaces de contactentre l'art chrétienoccidentalet l'art chrétien
local 77

ENJEUX ET PROBLEMES DE L'ART CHRETIEN


AFRICAIN 81

Art chrétien local: Légitimité et contraintes 82


Ugitimité de l'adaptation 83
Arl chrétienlocalet règleJ 86
L'appartenance religiettJedes rëalisatem: 90

213
La place de l'art chrétien local dans le culte 93
An chrétienlocalbors d'Eglùe 95
Anmn~nmm~nahm~ie 98
Le principe de transitnté dans l'an cbrëtien inmltun 100

Problèmes de réception de l'art chrétien local 103


La réception de l'an chrétien local 104
Thèmes chrétiens et contextes africains 107
Risques de confuJionsémantique et schématique 114

UN AVENIR POUR L'ART CHRETIEN


AFRICAIN? 125

Les voies de l'émancipation de l'art chrétien


africain 126
Un programmepour l'an chrétien africain ? 126
L'an chrétien africain, un éventuelrenouveaude l'an
chrétien ? 130
L' ((Earodulie )) iconique,unfrein? 133

Le potentiel de l'art chrétien africain 137


An qfricain et an chrétien 138
Le rôlede l'an cfricain contemporain 142
LeJpoJJibilitéJ de l'an chrétien africain 144

Les garanties d'un art chrétien africain viable 151


Pour une aëation de centresde promotion de l'an chrétien
africain 152
Pour uneprise en main par les acteurslocaux 156
Pour une meilleureappropriationde l'an chrétien
enAfrique 158

Inculturation ou dialogue iconique? 160


Le dialoguedes imageJ 160
L'an commeconnaissancede l'autre 166

214
Inot/tllration et mondialisation (des imageJ) 167

CONCLUSION 169

BIBLIOGRAPHIE 179

INFORMATIONS SUR LES FIGURES 201

TABLE DES MATIERES 213


Les Beaux Arts
aux éditions L'Harmattan

Dernières parutions

GÉOARTlSTIQUE ET GÉOPOLITIQUE - Frontières


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En quoi et pourquoi les frontières géopolitiques travaillent-elles les frontières
géoartistiques, et réciproquement ? La géoartistique désigne l'importance
des déplacements d'un artiste. d'une pratique ou d'un courant artistiques,
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BATAILLE (LA) DES MUSÉES
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Quatre musées français, le Louvre, le Quai Branly, la Bibliothèque Nationale
de France, le Muséum de Rouen, sont confrontés à des demandes pressantes
de restitutions d'œuvres d'art. La question du retour du patrimoine culturel
est plus que jamais au centre de l'actualité. La polémique fait rage. Deux
conceptions s'affrontent: celle du musée universel selon laquelle les œuvres
appartiennent à l'humanité et celle des pays sources qui bataillent pour exiger
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L'art est public, et dans la rue! Une belle journée d'automne, des centaines
d'artistes de rue convergent vers Paris. Ils viennent de toute la France. Leur
objectif: Une politique culturelle réinventée. Acte 1. Le matin, un convoi de
trois minibus emporte une délégation d'artistes faire «le Siège des sièges».
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investissent la Place de la République à Paris pour y organiser une action
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Un architecte sur le vif
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Architecte hors normes depuis plus de 50 ans, Paul Chemetov n'ajamais cessé
de développer une réflexion exigeante sur les implications de son métier. Au
risque de déranger parfois. À travers son portrait, le film tente de saisir la
pensée et les pratiques qui préfigurent, fondent l'acte architectural. Car avant
tout, Paul Chemetov pense la ville et l'homme dans la ville; il s'interroge,
interroge, construit et transforme dans le souci des hommes, de leur mémoire
et de la nécessité d'habiter ...
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THÉORIES DE LA PRATIQUE - Ce qu'en disent les artistes
Toulouse Ivan, Molina Miguel Angel
Les quinze entretiens d'artistes réunis dans ce livre et sur le DVD qui
l'accompagne ne sont pas des déclarations programmatiques comme on les
trouve dans les revues spécialisées. Ce sont des conversations où l'artiste
se retourne sur ce qui est advenu pour essayer de le comprendre, pour
tenter d'expliciter ce qui s'est réellement passé. Parmi la diversité de ces
cheminements retracés, le lecteur qui s'engage lui-même dans une démarche
créatrice trouvera un viatique pour l'accompagner.
(Coll. Eurêka et cie, 35.00 euros, 302 p.)
ISBN: 978-2-336-00321-4, ISBN EBOOK: 978-2-296-5/046-3
MUSÉES EN MUTATION - Un espace public à revisiter
Sous la direction de Regourd Martine
Les musées sont confrontés à des mutations majeures concernant leur mode
de gestion, leurs statuts, leur insertion territoriale, leur relation au public,
leur dispositif de médiation et de valorisation. Voici une analyse de celles-
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VOYAGE(S) SUR LA DIAGONALE DU CLOWN - En compagnie du
Bataclown
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Voici un livre sur le clown contemporain et sur les pratiques artistiques et
sociales développées autour du clown. Il invite à découvrir ce personnage
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et complice avec ceux qu'il rencontre. Que ce soit en formation, en création ou
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DU THÉÂTRE AU CIRQUE DU MONDE
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Se repérer dans la production artistique contemporaine demande de replacer
les changements des formes de la représentation dans l'Histoire et les enjeux
qu'elle nous a légués. Les œuvres en action ont pour effet une mobilisation du
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Reconnaître que nous sommes passés du Théâtre au Cirque du monde, c'est
inévitablement questionner les conditions d'une échappée possible à cette
captivité du spectateur dans les processus de l'action, pour encore se donner
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(Coll. Esthétique série Ars, 35.00 euros, 340 p.)
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CINÉMA (LE) AMÉRICAIN FACE À SES MYTHES


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Ce volume vise à mettre en relief les mutations qui affectent l'ensemble de la
culture aux États-Unis. Au sein du western, plus qu'ailleurs, cette crise des mythes
éclate tant le genre est à présent partagé entre célébration nostalgique et critique
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mettre en scène ses travers et excès mais sans jamais oublier de rappeler son pouvoir
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ARTS, CRISES, ALTÉRITÉ ET HEURTS
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muséale.
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ISBN.' 978-2-336-00611-6, ISBN EBOOK ."978-2-296-50944-3
WALTER BENJAMIN ET LA FORME PLASTIQUE
Architecture, technique, lieux
Déotte Jean-Louis
W. Benjamin est un penseur essentiel de la technique comme déploiement
de la nature, il abordera ainsi la photographie, la radio et le cinéma sans
complexes. Grâce à la lecture de l'historien de l'architecture S. Giedion, il
va découvrir l'architecture industrielle du XIXe siècle qui inaugure un autre
mode de la forme. Transférer au monde du texte, cela implique qu'il n'y a
pas à rechercher une vérité cachée. W. Benjamin a ainsi jeté les bases d'une
esthétique topologique.
(Coll. Esthétiques, 16.00 euros, 156 p.)
ISBN." 978-2-296-99368-6. ISBN EBOOK ."978-2-296-50874-3
CAMILLE CLAUDELÀ MONTDEVERGUES
Histoire d'un internement (7 septembre 1914 - 19 octobre 1943)
Deveaux Michel
Peu après la première guerre mondiale on n'entendit plus parler de Camille
Claudel. Peut-être l'aurait-on oubliée si Jacques Cassar, lors d'une recherche
consacrée à Paul Claudel dans les années soixante-dix, n'avait découvert
que la soeur de ce dernier avait été internée en asile psychiatrique pendant
trente années. Camille Claudel était-elle vraiment malade mentale? Son
état nécessitait-il un enferrnement ? A partir de lettres d'origines, l'auteur
recherche l'origine de ses troubles.
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ISBN.- 978-2-296-99481-2, ISBN EBOOK .- 978-2-296-50819-4
MAISON (LA) DE L'ARMATEUR
L'Hôtel Thibault, une architecture du XVIIIe siècle au Havre
Grammare Gisèle
La Maison de l'Armateur, demeure du XVIIIe siècle, se situe en bordure du quai
de l'Île. au Havre. Elle fut construite en 1790 par l'architecte Paul-Michel Thibault,
pour son usage personnel. Ayant échappé à la destruction de la ville en septembre
1944, elle fut ignorée pendant plus de 60 ans, jusqu'à son ouverture au public
en 2006. Empruntant la forme de l'essai, les références artistiques, picturales,
philosophiques et littéraires du XVIIIe siècle, contemporaines de la maison,
côtoient d'autres époques pour donner sens à ce lieu retrouvé.
(Coll. Ouverture Philosophique, série Esthétique, 12.00 euros, 102 p.)
ISBN.- 978-2-336-00555-3, ISBN EBOOK.- 978-2-296-50807-1

RENAISSANCE ET BAROQUE (Tome 1) - Les charmes de l'analogie


Chaptal Jocelyne - Préface de Philippe Beaussant
L'homme de la Renaissance et de l'Age Baroque appréhendait le monde
à travers un mode de pensée hérité d'un passé immémorial : la pensée
analogique. Pensée première de tout être humain, elle tisse un réseau de
liens entre le monde (le macrocosme) et l'homme (le microcosme). Les
philosophes et les artistes de l'Antiquité jusqu'au XVIIIe siècle se sont
emparés du développement naturel de cette pensée et ont établi une science
des correspondances. ou science de l'analogie.
(Coll. Histoires et idées des Arts, 26.00 euros, 252 p.)
ISBN: 978-2-336-00275-0, ISBN EBOOK .- 978-2-296-50528-5

RENAISSANCE ET BAROQUE (Tome 2) - Les pouvoirs de l'image


Chaptal Jocelyne - Préface de Philippe Beaussant
Dans ce second volume, grâce à de nombreux exemples, l'auteur montre
comment fonctionne la science de l'analogie dans les productions littéraires,
artistiques et musicales. là où s'élaborent et se dévoilent des images de
mémoire d'un monde mystérieux, changeant, magique, mais doté d'une
immuable unité. C'est le pouvoir et la force de ces images qui sont révélés ici.
(Coll. Histoires et idées des Arts, 28.00 euros, 270 p.)
ISBN.- 978-2-336-00276-7, ISBN EBOOK .- 978-2-296-50527-8
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L'HARMATTAN MAURITANIE
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L'HARMATTAN TOGO
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