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C O N T R I B U T I O N | N O V E M B R E 2023

Filière laitière :
mieux partager
la valeur pour
assurer un élevage
durable en France
SOMMAIRE
Les auteurs :

• Elyne Etienne, responsable Élevages, Fondation pour la Nature et l’Homme


• Thomas Uthayakumar, directeur du plaidoyer et des programmes, Fondation pour la Nature et l’Homme
• Christophe Alliot, directeur des études, Le BASIC Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
• Maylis Labusquière, responsable pôle société civile, Le BASIC
La filière laitière est florissante, mais de plus en plus inégalitaire

• Les produits laitiers sont des fleurons français dont la consommation a explosé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
Remerciements : • Mais la filière est de plus en plus inégalitaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
• Et les revenus des éleveurs et volumes de production sont maintenus
• Julie Maisonhaute (Commerce Equitable France), Léa Guérin (Oxfam), Loic Adam (France OP Lait), Théo- grâce aux subventions publiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
phile Jouve (Biolait), Maureen Jorand (Collectif Nourrir), Pierre-Marie Aubert et Aurélie Catallo (IDDRI).
• Ainsi que notre comité d’expert, notre comité de pilotage, et toutes les parties prenantes (représentants Comment expliquer ces inégalités croissantes dans la filière laitière ?
de la filière ou d’un de ses collèges, députés, cabinets ministériels, instituts techniques, etc.) avec les- • Le secteur laitier : une industrie de flux à grande échelle qui crée de la valeur
quelles nous nous sommes entretenus. via le marketing et la publicité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
• Les oligopoles de l’industrie et de la grande distribution, pilotes de la filière laitière . . . . . . . . . . . . . . . 15
• L’oligopole de l’industrie laitière, autre goulet d’étranglement de la filière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
• La forte pression économique subie par les éleveurs laitiers en raison de la déconnexion
Cette publication a été réalisée en collaboration avec : avec l’aval et de la concentration des acheteurs (industriels comme distributeurs) . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

Brique de lait, plaquette de beurre : deux produits phares qui illustrent ces asymétries
• La brique de lait, symbole d’une captation de valeur grâce à l’immatériel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
• La plaquette de beurre, symbole d’attitudes opportunistes face à l’inflation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

Sans politiques publiques ambitieuses, les éleveurs et l’environnement s’enliseront dans l’impasse
! Consulter le rapport de recherche
• La structuration de la filière est source d’externalités sociales et environnementales négatives . . . . . . 24
• Des alternatives existent mais elles ne transforment pas l’essai . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
• La nécessité d’un plan de transformation de la filière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
Et réalisée avec le soutien financier de :
Recommandations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
• Bâtir un plan de transformation de toute la filière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
• Faire de la transparence une pierre angulaire d’un nouveau contrat social . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
• Mieux répartir les richesses afin de créer une filière durable et équitable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

Annexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
• État des lieux des principales entreprises du secteur de la transformation

Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

— La responsabilité des informations et des points de vue exposés dans ce rapport incombe aux auteurs
et n’engage en rien les partenaires, ni les personnes interrogées dans le cadre de l’étude —

! Photos : iStock ; Unsplash ; Pixabay

3
INTRODUCTION LA FILIÈRE LAITIÈRE EST
FLORISSANTE, MAIS DE PLUS
EN PLUS INÉGALITAIRE
En juillet 2023, la Fondation pour la Nature et ! Et au global, une vision de l’évolution du par-
l’Homme (FNH) publiait une étude s’intitulant tage de la valeur sur l’ensemble des chaînes de
«Élevage bovin : comment sortir de l’impasse ?». valeur laitières, avec un gros plan sur deux pro-
Cette étude soulignait la double impasse environ- duits phares du secteur : la brique de lait et la
nementale et socio-économique dans laquelle se plaquette de beurre. L E S P R O D U I T S LA I T I E R S S O N T Leur consommation a fortement augmenté et s’est
trouve la filière bovine, analysant les politiques D E S F L E U RO N S F RA N ÇA I S D O N T diversifiée :
Nos analyses ont démarré par un travail de re-
publiques comme très insuffisantes pour changer LA C O N S O M M AT I O N A E X P LO S É
cherche approfondi sur les données chiffrées dispo- Ainsi, la consommation par ménage a fortement
la donne. Dans la continuité de cette étude, c’est à
nibles sur les chaînes de valeur laitières et chacun augmenté ces dernières décennies :
l’aspect socio-économique et à la compréhension Les produits laitiers sont constitutifs de notre pa-
de ses maillons (élevage, transformation, distri-
de la structuration de la filière laitière que la FNH trimoine :
bution) à partir des données de l’Insee, de l’Office ! À la fois en volume, puisqu’elle a été multipliée
s’attelle maintenant pour caractériser les causes de
Français des Prix et des Marges (OFPM) et du Ré- par 2,4 entre 1960 et 2021 d’après l’Insee.4
l’impasse économique et comprendre pourquoi la Les produits laitiers ont une place particulière dans
seau d’Information Comptable Agricole (RICA). En- le patrimoine français qui possède par exemple ! Mais aussi en part du budget alimentaire que les
transition agroécologique reste jusqu’à présent un
suite, nous avons mené une large revue bibliogra- l’une des plus larges variétés de fromages au Français lui consacrent puisque celle-ci a quasi-
vœu pieux.
phique et conduit des entretiens avec des acteurs monde. Ceux-ci sont étroitement mêlés à l’histoire ment doublé depuis 1959, passant de 6 % à 11 %.
Cette publication s’intéresse en particulier aux éle- clés de la filière. La méthodologie est détaillée dans de nos territoires et tirent souvent leur nom des Dans ce budget, si la part consacrée au lait condi-
veurs laitiers, qui sont de moins en moins nombreux, le rapport de recherche du BASIC. lieux de production. tionné a diminué de moitié, celle consacrée aux fro-
ont des conditions de travail difficiles (notamment
Nos conclusions sont sans appel : alors que cumu- En retour, de nombreux paysages ruraux ont été fa- mages a en revanche été multipliée par 3, et celle
dues à l’astreinte de la traite), un revenu inférieur au
lés, les bénéfices nets générés grâce à la vente de çonnés par l’élevage bovin et ont fini par devenir consacrée aux glaces, sorbets, yaourts et desserts
salaire médian, et sont souvent fortement endettés
produits laitiers des grandes entreprises de l’aval des éléments essentiels de l’identité de nombreuses lactés a été multipliée par 10. Cette évolution est
par de lourds investissements. Dans ces conditions,
ont augmenté de 61 % entre 2018 et 2021 (passant régions : bocages de Normandie, marais de l’ouest, d’autant plus frappante qu’elle a eu lieu dans un
adopter des pratiques agroécologiques n’est pas en-
de 523 millions d’euros à 842 millions d’euros), les alpages de Savoie, estives pyrénéennes, combes du contexte où la part de l’alimentation dans les dé-
visageable pour la majorité d’entre eux.
revenus des éleveurs ne connaissent pas la même Jura… Ces paysages constituent un véritable capital penses totales des Français a pourtant fortement
La Fondation cherche donc à ouvrir un débat, certes dynamique et restent en-dessous du smic horaire, culturel, économique et écologique. diminué en 60 ans (passant d’environ 35 % à envi-
sensible, mais nécessaire pour comprendre les blo- financés en majorité par les subventions publiques. ron 20 % entre 1959 et aujourd’hui).
cages existants dans la filière. Sans dogmatisme, Cette répartition inégalitaire de la valeur et des Encore aujourd’hui, malgré la massification de leur
production et consommation (cf. ci-après), 76 % Cette croissance ne se tarit pas, les consommateurs
nous mettons en lumière une réalité à prendre en bénéfices s’explique par l’effet combiné de deux
des Français considèrent que les produits laitiers ayant ainsi dépensé 17 milliards d’euros pour des
compte pour sortir l’élevage de l’impasse : malgré causes :
sont des «produits traditionnels, dont ils ne pour- produits laitiers en 2021, soit 1,5 milliards d’euros
la hausse de la consommation de produits laitiers,
! Une déconnexion physique et économique entre raient se passer»2 et 60 % considèrent que ce sont de plus qu’en 2016. Sur ces cinq ans, la baisse des
près de 20 % des éleveurs laitiers sont sous le seuil
le lait produit par les éleveurs d’un côté et les dif- des produits locaux3. Pourtant, comme explicité achats de lait conditionné a continué (-3 %), alors
de pauvreté et extrêmement dépendants des sub-
férents produits laitiers que les consommateurs dans les parties suivantes, les procédés de fabrica- que les achats de fromage ont poursuivi leur pro-
ventions publiques (à 84 % en moyenne) pour se
achètent de l’autre. tion des produits laitiers sont industriels pour leur gression (+15 %). Aujourd’hui, la part du fromage
dégager un revenu. Alors comment se répartit la va-
! L’organisation en oligopole1 du côté de la distri- grande majorité, et si le lait des produits laitiers est dans la consommation française de produits laitiers
leur créée ? Pour quelles raisons ? Quelles sont les
bution comme de la transformation qui crée des certes d’origine française dans l’écrasante majorité (en équivalent lait) atteint même 44 %, suivie par le
marges de manœuvre pour infléchir la situation ?
rapports de pouvoir asymétriques entre les éle- des cas, il n’est pas possible d’avoir une traçabilité beurre (24 %), la crème (11 %), le lait (11 %), et les
Pour y répondre, la FNH et Le BASIC font un état des veurs et ce nombre réduit d’acteurs. précise de son origine sur le territoire. yaourts (9 %) (cf. figure 1).
lieux de la situation économique de chaque maillon
à travers : Mis bout à bout, les résultats de ces différentes Figure 1 : Part de chaque catégorie de produits laitiers dans la consommation
française, exprimée en équivalent lait cru. Source : BASIC d’après les
étapes de recherche interpellent et posent d’épi- données du projet «Réf Flux» mené avec les instituts techniques, 2023.
! L’évolution de la production agricole laitière et neuses questions sur l’équité dans la filière, le rôle
FROMAGE 44%
de la rémunération des éleveurs d’un côté. des subventions publiques, le partage de la richesse
BEURRE PRINCIPAL 24%
! La structuration de la transformation et de la et la possibilité même d’une transition agroécolo-
CRÈME RICHE OU LÉGÈRE 11%
distribution des produits laitiers en France de gique. Suite aux résultats de cette étude, nous met-
LAIT STANDARDISÉ ENTIER ET 1/2 ENTIER 11%
l’autre, avec une quantification de l’évolution de tons sur la table des propositions en faveur d’un
YAOURT ET ULTRA FRAIS 9%
la création de valeur et des bénéfices dégagés plan ambitieux de transformation de la filière lai-
POUDRE DE LAIT ENTIER ET 1/2 ÉCRÉMÉ 1%
par les industries agroalimentaires et les en- tière.
seignes de la grande distribution.
4 5
M A I S LA F I L I È R E E S T D E P L U S ! Les principales industries agroalimentaires
E N P L U S I N É G A L I TA I R E laitières françaises8 ont vu les bénéfices nets Éleveurs laitiers : des revenus tributaires
qu’elles génèrent via leur activité de transforma- des subventions publiques
Néanmoins, derrière une filière florissante dans son
tion laitière augmenter de 55 %, passant de 449 Évolution de la part de subventions publiques dans les revenus annuels
ensemble se cachent des inégalités importantes des éleveurs laitiers entre 2011 et 2021
millions d’euros (2018) à 697 millions d’euros
entre les maillons de la chaîne.
(2021).
Alors que les entreprises de l’agroalimentaire et de ! Les éleveurs9, quant à eux, ont gagné10 en
la grande distribution réalisent des bénéfices nets5 moyenne entre 22 400 et 33 000 euros brut par 2011 89 % 73 % revenus issus
importants et en forte augmentation, les éleveurs an pour 58 heures de travail hebdomadaire11, ce de la vente de lait
2012 89 %
rencontrent des difficultés économiques de plus en qui revient à un salaire inférieur au smic horaire12 part de
2013 81 % 84 % en moyenne subventions
plus critiques. (soit entre 0,7 et 0,9 SMIC horaire entre 2018 et
sur 10 ans publiques
2021). Ce montant est stable sur une plus longue 2014 72 %
Ainsi, entre 2018 et 2021 :
période (2011-2021), de l’ordre de 0,6 à 0,9 SMIC
2015 100 %
! Les 8 principales enseignes de la grande distribu- par heure travaillée.
2016 100 %
tion6 ont vu les bénéfices nets qu’elles dégagent
En parallèle, le nombre d’exploitations ayant des
doubler grâce à la vente de produits laitiers, pas- 2017 82 %
vaches laitières ne cesse de chuter, avec une ac-
sant de 74 millions d’euros (2018) à 145 millions 2018 92 %
célération récente : alors qu’il y avait 107 000 ex-
d’euros (2021)7.
ploitations laitières en 2011, ce chiffre est tombé à 2019 84 %
74 000 en 2020 et 71 000 en 202113.
2020 84 %

2021 65
65%%

5 000 € 10 000 € 15 000 € 20 000 € 25 000 € 30 000 € 35 000 € Revenus totaux

Bénéfices dans la filière laitière :


l’écart se creuse
Évolution des bénéfices des distributeurs et des entreprises agroalimentaires
entre 2018 et 2021, vis-à-vis des éleveurs

E T L E S R E V E N U S D E S É L E V E U R S E T VO L U M E S D E P RO D U CT I O N
S O N T M A I N T E N U S G RÂC E A U X S U B V E N T I O N S P U B L I Q U E S
697
600 M€ Une analyse plus en détail des résultats économiques des exploitations d’élevage montre le rôle central
Pour 58 h de travail
des subventions publiques dans la capacité des éleveurs spécialisés en bovins lait à se dégager un revenu
les éleveurs gagnent :
449 (approché à travers le Revenu Courant Avant Impôt). Entre 201114 et 2021, la part des subventions dans le
400 M€
x1,55 26 625 € / an revenu des éleveurs a été de 84 % en moyenne, oscillant entre 65 % et 100 % de leurs revenus selon les
(soit moins d’un années. Une part importante donc, qui sert aussi d’amortisseur pour les années où les coûts de production
SMIC/heure) sont supérieurs aux recettes issues de la vente du lait, comme ce fut le cas en 2015 et 2016, années d’une
200 M€ terrible crise du lait15.

145
74 x2

2018 2021 2018 2021

entreprises
distributeurs agroalimentaires

6 7
Egalim, quel changement pour le secteur laitier ? ■ Que concernant l’élaboration de contrats Concernant les données utilisées dans cette
types ou autres outils d’aides par les présente étude :
organisations interprofessionnelles, le
Avec l’objectif d’un meilleur partage de la Suite à la loi EGAlim 1, un rapport de ■ Elles montrent certes que le prix du
CNIEL (Comité National Interprofessionnel
valeur dans les filières agricoles, différentes l’Assemblée Nationale16 affirme : lait augmente depuis 2018-2019, et en
de l’Economie Laitière) a préféré mettre en
lois ont été promulguées ces dernières particulier en 2022, dans un contexte
■ Que producteurs comme industriels place des «guides de bonnes pratiques»
années. En 2018, la loi EGAlim 1 a été d’inflation et de baisse du nombre de
s’interrogent sur la répartition de la ou de contractualisation pour rendre
adoptée, puis la loi EGAlim 2 en 2021, et la vaches laitières qui peut mettre en
«manne financière» née de l’augmentation accessible, aux opérateurs ayant recours
loi Descrozailles, surnommée EGAlim 3, en tension l’offre. L’avenir dira si cette hausse
du seuil de revente à perte ; à la contractualisation, les différentes
2023. La possibilité d’une loi EGAlim 4 serait n’est que conjoncturelle ou durable, les
clauses à fixer, les dispositions possibles,
actuellement à l’étude pour 2024. ■ Que la loi de 2018 aurait donné des fluctuations du prix du lait étant fortes
ainsi que la base juridique existante.
résultats encourageants pour la filière d’années en années avec un retour pour
Quel bilan en faire ? La multiplication de ces ■ Que «les exploitants s’interrogent l’instant systématique à un faible niveau
laitière du fait de la contractualisation
différentes lois en quelques années permet encore sur l’efficacité de la nouvelle de prix sur le long terme en raison de la
écrite obligatoire depuis 2011. «Ainsi,
à elle seule de constater que l’enjeu d’une contractualisation à leur donner plus de concurrence à bas coût des pays du Nord
l’ensemble des dispositions de la loi
répartition de la valeur équitable est loin poids». La Coordination rurale témoigne de l’Europe.
EGALIM a contribué à améliorer les
d’être réglé, et les résultats de notre étude notamment que «face à l’impossibilité
relations commerciales et le niveau du ■ Ainsi, en euros constants (c’est-à-dire
en témoignent également. Par ailleurs, on d’imposer des contrats comportant des
prix du lait payé aux producteurs. En 2019, après correction de l’inflation), le prix à
manque encore de recul sur les données clauses tarifaires supérieures aux coûts
le prix du lait payé aux producteurs est la tonne de lait a retrouvé depuis 2019
publiées ces dernières années, et il est toujours de production, les éleveurs ont renoncé à
resté au-dessus du prix de 2018 tout au les niveaux d’avant 2005 (c’est-à-dire
difficile de déduire des liens de causalité de proposer des contrats».
long de l’année ; en particulier, grâce aux supérieurs à 400 euros la tonne de litre),
simples corrélations. Si la prudence est donc
dispositions de la loi EGALIM, la baisse avec un montant légèrement supérieur
de mise, des premières conclusions peuvent
saisonnière des prix du lait observée pour 202217.
néanmoins être dégagées. En parallèle de ces éléments institutionnels,
chaque année au printemps lors de la
période du pic de production a été très différentes limites nous ont été remontées ■ Néanmoins, les coûts de production ont
limitée.» par différentes parties prenantes sur les également fortement augmenté ces
dispositifs EGAlim : dernières années (+40 % entre janvier
2020 et janvier 2023 selon l’indice des
■ Les coûts de production ne seraient pas
prix d’achat des moyens de production
la seule variable prise en compte dans
agricole)18 ce qui implique une situation
la négociation (les tendances de marché
économique moins favorable pour les
également).
éleveurs qu’au début des années 200019.
■ L’obligation de contractualisation ne serait
■ Et la question légitime se pose sur le
pas toujours respectée.
partage de la valeur des produits laitiers
■ La sanctuarisation de la matière première achetés par les consommateurs dans
agricole ne serait pas toujours appliquée. le contexte actuel de forte inflation :
■ EGAlim n’oblige pas à la transparence de dans quelle mesure l’augmentation du
la part des industries sur la valorisation prix payé en caisse est-il seulement
des matières premières industrielles. proportionnel à la hausse du prix du lait
payé aux éleveurs, ou bien également
■ La mise en place d’une contractualisation par l’augmentation des marges et des
ne signifie pas toujours qu’elle comportera bénéfices nets des transformateurs et
une bonne rémunération pour les distributeurs ?
éleveurs, et d’ailleurs, le niveau de
rémunération n’est pas la seule variable à
prendre en compte dans un accord entre
parties prenantes pour s’assurer que les
éleveurs ne sont pas lésés, le rapport
de force sera toujours asymétrique en
situation d’oligopole.

En conclusion, ces nouveaux dispositifs semblent aller dans la bonne direction et permettre
certains progrès. Mais nos résultats et ce rapport, au fur et à mesure de son déroulé, plaident
pour compléter ces dispositifs par des réponses plus structurelles compte tenu des asymétries
existantes entre acteurs.

8 9
L E S E C T E U R LA I T I E R : U N E I N D U S T R I E D E F L U X À G R A N D E É C H E L L E

COMMENT EXPLIQUER CES Q U I C R É E D E LA VA L E U R V I A L E M A R K E T I N G E T LA P U B L I C I T É

INÉGALITÉS CROISSANTES Le changement d’échelle de la fabrication française de produits laitiers a basculé en


quelques décennies d’une production artisanale vers une production industrielle de

DANS LA FILIÈRE LAITIÈRE ?


masse et à prix accessibles, soutenue par des campagnes de publicité pour promou-
voir leur consommation20, point de départ pour comprendre les évolutions de la filière
jusqu’à nos jours, et sa structure actuelle.

La construction d’un modèle de masse


Comment expliquer de telles différences entre la
situation socio-économique extrêmement difficile Progressivement, le lait est devenu une matière première destinée à être transformée
des éleveurs d’un côté et les bénéfices nets en forte essentiellement à l’usine21 et soumise à des contraintes strictes de qualité. Le secteur
augmentation du côté des grands acteurs de l’in- laitier s’est structuré en «industrie de flux» qui nécessite toujours plus d’approvisionne-
dustrie laitière et de la grande distribution ? Plu- ment en lait et d’investissements industriels pour réaliser des économies d’échelle crois-
sieurs éléments de réponse permettent d’apporter santes et faire baisser les coûts de fabrication. Exemple emblématique, les fromages qui
un éclairage sur la situation. étaient auparavant traditionnellement fabriqués au lait cru sont désormais pour près de
95 % fabriqués à base de lait pasteurisé auquel sont ajoutés des ferments et bactéries,
La cause principale des inégalités constatée précé-
eux aussi produits de manière industrielle.
demment est la conjonction de deux facteurs :
En recherche constante de compétitivité en raison de la concurrence internationale et
! D’un côté, la déconnexion physique et écono-
de la pression sur les prix exercée par la grande distribution, les grandes entreprises du
mique entre le lait collecté (matière première) et
secteur laitier ont créé des sites industriels de taille de plus en plus importante et qui
le produit laitier vendu en magasin (produit fini) :
opèrent en flux tendu. Cette dynamique a par ailleurs été encouragée par la mise en
• Déconnexion physique en raison des étapes d’ho- place de normes d’hygiène et sanitaires de plus en plus contraignantes à l’échelle euro-
mogénéisation et de transformation du lait col- péenne (comme par exemple le «paquet hygiène» adopté en 200222).
lecté en plusieurs sous-produits et ingrédients
laitiers (à commencer par la crème et le lait écré- Résultat de ces dynamiques, la fabrication française de produits laitiers est aujourd’hui
mé) qui sont ensuite réassemblés pour fabriquer assurée en majorité par de grandes unités de transformation23 pour plus de 68 % des
les produits laitiers vendus aux consommateurs quantités, par des unités de taille moyenne pour plus de 24 % et par des petites unités
et au reste de l’industrie agroalimentaire. pour moins de 7 % des quantités produites (cf. graphique ci-dessous). À l’intérieur de
cette moyenne, il existe de fortes disparités entre les produits (59 % du lait est condi-
• Déconnexion économique en raison de la créa- tionné par de grandes structures de transformation contre 85 % du beurre) mais éga-
tion de valeur économique qui repose essentiel- lement en leur sein (25 % des fromages à pâte pressée non cuite - type raclette - sont
lement sur la valeur immatérielle de l’image de fabriqués par de grandes unités contre 89 % des fromages à pâte pressée filée - type
marque, et donc sur les investissements en mar- mozzarella ou burrata - ou encore 71 % des pâtes fraîches - type pâtes à tartiner ou feta
Résultat de cette double dynamique, le lait est de- ou chèvre frais).
keting et publicité qui sont associés, pour des
venu une commodité indifférenciée sans spécificité
myriades de produits laitiers pourtant issus d’un
pour 80 % du lait collecté (c’est-à-dire hors lait bio,
même lait homogénéisé, et sans que cela ne se 1% 2% 3% 6,6
hors AOP, hors démarches spécifiques), les éleveurs Figure 2 : Part de
10%
14% 12% 12%
traduise par une meilleure valorisation de la ma-
deviennent des fournisseurs interchangeables production des produits 21%
tière première. laitiers, selon la taille 24,7
d’une matière première dont les prix peuvent être de l’usine de fabrication, 31%
32%
! De l’autre, la concentration des acteurs au niveau en 2019. Source : BASIC
compressés et nivelés aux plus bas coûts de pro- d’après FranceAgriMer,
de la transformation laitière et de la distribution duction. L’opacité dans la valorisation des différents Les mutations de la
transformation laitière
de produits laitiers, et plus largement alimen- sous-produits du lait et la structuration du marché française de 2010
87%
à 2019 (2021). 85%
taires, qui a donné naissance à des oligopoles en oligopole, avec des acteurs très concentrés au ni- 75%
68,7
industriels et économiques, dans un contexte de veau de la transformation comme de la distribution 59% 58%

massification de la production et de la consom- des produits laitiers, entérine l’asymétrie existante


mation de produits laitiers à un prix restant abor- dans la filière.
dable.
Lait conditionné Beurre Crème fraîche et Tous les yaourts Tous types de Moyenne
crème longue et desserts lactés fromages générale
conservation

Grandes structures Moyennes structures Petites structures

10 11
Les industries laitières structurent aujourd’hui leurs La création de valeur par l’image de marque et les Figure n°4 : Relevé de prix de l’emmental râpé vendu en ligne par
un leader de la grande distribution. Source : BASIC, à partir du site Le développement d’une logique similaire chez les
opérations autour de 3 fonctions : investissements marketing et publicitaires internet de vente en ligne du distributeur (novembre 2023)
marques distributeurs :
! la centralisation des flux via la collecte de lait En la matière, les marques des grands distributeurs
(disséminée dans les élevages laitiers sur tout le Une variété de produits laitiers de plus en plus dé- qui représentent 43 % des ventes françaises de pro-
territoire), connectés d’une matière première homogénéisée : duits laitiers et près de 50 % de la collecte de lait
! l’homogénéisation du lait (c’est-à-dire le mé- En parallèle, les grands acteurs de l’industrie lai- dans le pays29, participent de la même logique de
lange à grande échelle de la diversité des laits tière se sont aussi engagés depuis plusieurs dé- création de valeur immatérielle.
collectés), cennies dans des stratégies d’investissements de
Grâce à un emballage imitant les caractéristiques
grande ampleur en marketing et publicité afin de
! la décomposition de cette matière première des grandes marques et/ou du terroir30 et de la na-
différencier leurs produits de ceux des concurrents,
standardisée en ingrédients intermédiaires (lait turalité, la grande distribution propose ainsi, en en-
d’augmenter le prix de vente aux consommateurs et
écrémé et la crème) et produits dérivés (poudre trée de gamme, des produits laitiers à des prix plus
ainsi de financer en retour les campagnes de pro-
de lait, babeurre, etc.) qui vont ensuite être réas- faibles qui génèrent des marges plus intéressantes
motion27. C’est ce que les experts désignent comme
semblés pour fabriquer une grande variété de que sur les produits phares des grandes marques31
relevant d’une «déconnexion économique».
produits laitiers à des coûts optimaux24. grâce à l’internalisation des coûts de fabrication et
A partir d’une matière première homogénéisée et la réduction au minimum des dépenses de publicité
Les industriels se libèrent des contraintes et de la
standardisée, les grands industriels du secteur lai- et de Recherche & Développement.
variabilité de l’élevage laitier grâce à une homo-
tier ont ainsi créé une multitude de marques qui
généisation du lait collecté dès l’entrée en usine Avec le développement des produits de MDD, les
leur ont permis de conquérir des parts de mar-
et via la définition de primes techniques dans les acteurs de la grande distribution ont ainsi réussi à
ché tout en créant des segments de produits tou-
contrats avec les éleveurs qui incitent à l’uniformi- rester bénéficiaire sur un rayon d’appel mais aussi
jours plus nombreux afin de réduire le risque d’y
sation du lait produit dès l’étape de la ferme (prove- à prendre un rôle structurant pour toute la filière
être concurrencés28. Sur ces segments, la force de
nant en majorité d’une même race, la Prim’Holstein). laitière32. Plus récemment, ils ont déployé une stra-
la marque est souvent plus déterminante que la
Concrètement, les éleveurs reçoivent une prime ou tégie de montée en gamme de leur MDD qui leur a
typicité du produit. Ainsi, la diversité des produits
une pénalité selon que le lait atteigne ou pas les permis de compenser les pertes de rentabilité liées
en grande distribution tient plus à la profusion de
cibles de 38g/L de matière grasse et 32g/L de ma- à la guerre des prix et de conserver un rayon laitier
marques qu’à la matière première agricole qui les
tière protéique, afin d’obtenir «un lait apte à toutes bénéficiaire, au fur et à mesure de l’augmentation
compose et qui a été standardisée.
les transformations».25 des parts de marché de ces produits de MDD (voir le
Un exemple emblématique de cette logique est le rapport de recherche pour plus de détails sur le su-
La combinaison de ces fonctions engendre une
cas de l’emmental, traditionnellement issu du Jura, jet)33. Ce développement des MDD sur les produits
déconnexion physique (prépondérante dans le
et qui est aujourd’hui fabriqué à 85 % en Bretagne laitiers, supérieur à la moyenne pour les autres pro-
secteur) entre la matière première agricole et le
et Pays de la Loire à partir de lait collecté dans ces Comme illustré ci-dessus, bien que l’emmental soit duits alimentaires (43 % contre 30 % environ), est
produit laitier final, rendant très difficile voire im-
2 régions, et commercialisé en majorité sous forme fabriqué par de grandes usines à partir de lait ho- une des explications plausibles à la forte augmen-
possible le traçage de la destination du lait collecté.
de râpé et non de morceaux entiers. mogénéisé et standardisé issu essentiellement de 2 tation des bénéfices de la grande distribution sur le
régions de l’Ouest de la France, le prix de l’emmental rayon laitier entre 2018 et 2021 (cf. partie 1). Faute
Figure n°3 : Schéma simplifié de l’écrémage du lait. Source : CNIEL râpé aux consommateurs peut aller de 7,75 euros/ de transparence sur les marges nettes des diffé-
(Conseil National Interprofessionnel de l’Economie Laitière)26 rents produits laitiers commercialisés, il est en effet
kg à 11,38 euros/kg, soit une différence de près de
50 % entre le premier prix «éco» et le produit de la difficile de savoir si ces niveaux de marges réalisés
grande marque la plus emblématique du segment, sur les produits MDD se justifient uniquement par
les produits de MDD (marque de distributeurs) se une péréquation des marges (c’est-à-dire par le fait
situant sur toute la gamme de prix entre les 2 (de de marger plus sur leurs marques pour compenser
8,28 euros/kg à 11,10 euros/kg). Ces résultats confir- le fait de marger moins sur certaines marques pri-
ment l’importance prépondérante du marketing sur vées qui peuvent constituer des produits d’appel).
le prix final et donc sur le consentement à payer des
consommateurs, sans lien avec la qualité du lait à
partir duquel est fabriqué le fromage (d’autant qu’il
n’y a pas d’IGP dans les produits présentés ci-dessus
et que l’emmental râpé MDD bio est vendu en-des-
sous des prix les plus chers de l’échantillon, à 10,05
euros/kg et 11,00 euros/kg).

12 13
Une confusion entre l’image traditionnelle des produits L E S O L I G O P O L E S D E L’ I N D U S T R I E Cette stratégie a créé une pression économique sur
laitiers et les processus industriels dont ils font l’objet E T D E LA G R A N D E D I S T R I B U T I O N , tous les maillons situés en amont dans les filières
P I LO T E S D E LA F I L I È R E LA I T I È R E laitières, d’autant plus forte que le secteur de la
En parallèle des ventes de produits laitiers, les indus-
grande distribution s’est fortement concentré sur
tries laitières ont une autre source de rentabilité : la La forte pression économique exercée par la concen-
les dernières décennies :
vente des co-produits. En effet, le lait collecté étant tration des enseignes de la grande distribution
décomposé pendant le processus industriel, il génère ! La part des 5 premiers distributeurs français est
Les magasins de la grande distribution canalisent
des co-produits qui peuvent ensuite contribuer à la fa- ainsi passée de 28 % en 1980 à 82 % en 2023 ;
aujourd’hui 95 % des achats de produits laitiers des
brication de produits agroalimentaires (fabrication de ! Aujourd’hui, les 8 principaux acteurs (voir
consommateurs français37, devenant ainsi le débou-
produits transformés, en particulier pour les secteurs diagramme ci-dessous) représentent 98,8 % du
ché incontournable et quasi exclusif des produc-
de la boulangerie-pâtisserie industrielle, biscuiterie, marché de la grande distribution ;
teurs et transformateurs. Même les produits dont
charcuterie, fabrication de plats préparés), être expor-
l’origine du lait et les procédés de fabrication sont
tés (c’est le cas emblématique de la poudre de lait) ou
différenciés et valorisent le terroir sont essentiel- Pour ces enseignes, le rayon des produits laitiers est
encore contribuer à fabriquer de l’alimentation pour les
lement vendus en grande distribution : c’est no- un rayon d’appel, utilisé pour attirer les consomma-
animaux d’élevage. Les éleveurs n’ont aucune informa-
tamment le cas de 86 % des fromages AOP38 et de teurs dans leurs magasins via un prix très attractif
tion sur ces usages finaux de leur lait ni sur la valorisa-
91 % des produits laitiers bio vendus en 202139. En pour tenter de gagner des parts de marché sur les
tion monétaire qui en est faite (que ce soit pendant les
vis-à-vis, les boutiques indépendantes spécialisées concurrents. Le rayon laitier est ainsi le premier en
négociations commerciales ou lors de la collecte).
ne commercialisent plus aujourd’hui que des fro- termes de ventes d’aliments frais dans les grandes
Ces co-produits jouent un rôle essentiel pour les indus- mages, et les circuits courts représentent à peine surfaces en 2022 (29 % du chiffre d’affaires asso-
triels laitiers car ils leur permettent de résoudre deux 1,9 % des ventes de produits laitiers. cié). Malgré ces prix, ce rayon réussit à générer des
Sur la scène internationale, les produits bénéfices nets,40 le développement des MDD appa-
problématiques essentielles :
laitiers représentent le 2e excédent Pour devenir indispensables, les acteurs de la raissant comme un levier potentiel permettant de
! d’un côté l’équilibre de l’équation matière première commercial de la France en produits grande distribution ont construit leur stratégie au- conjuguer prix attractifs et rentabilité (cf. p. 13).
entre le lait et ses co-produits agricoles et alimentaires (après le vin), tour de deux fondamentaux :
générant plus de 3 milliards d’euros de
! de l’autre, l’équilibre financier et la rentabilité de l’en-
solde positif en 2021. Mais cet excédent ! l’offre surabondante de produits proposés aux
treprise qui dépendent de la valorisation des co-pro- a baissé de près de 1 milliard d’euros consommateurs,
duits laitiers à la fois auprès des autres industries depuis 2014, et le ratio entre la valeur des
! la guerre des prix, en particulier sur les produits
agroalimentaires mais aussi sur les marchés à l’ex- exportations de produits laitiers et celle
les plus consommés.
port (en majorité hors Union Européenne)34. des importations ne cesse de se dégrader.

En termes économiques, la vente des co-produits lai- Positive en valeur, la balance commerciale
Leclerc Carrefour y.c. Cora,
tiers en France s’est ainsi élevée en 2020 à environ 2,7 de la France en produits laitiers est (groupement d'indépendants ~coopératif); Match
milliards d’euros, soit 11 % de la valeur totale des pro- devenue déficitaire en volume en 2019 22,7% (groupe intégré coté
lorsque l’on raisonne en équivalent lait. En en bourse); 22,5%
duits laitiers commercialisés cette année-là35, auxquels
effet, bien que les fromages constituent
il faut rajouter 2,5 milliards d’euros de valeur à l’export
une part importante des quantités
(28 % du montant total des exportations laitières).
exportées par la France (environ 23 %), Autres; 1,2%
Figure n°5 : Parts de marché
Au-delà, notre recherche montre que près d’un tiers de ils sont de loin dépassés par les poudres des principaux distributeurs Les Mousquetaires
de lait et autres coproduits (poudre de français (2023). Source : Intermarché
la consommation française de produits laitiers est «in- d’après les données de Daumas Aldi (groupement
lactosérum et de babeurre, caséines, (2006), Conseil de la concurence (groupe intégré à d'indépendants
visibilisée» en raison de l’utilisation de grandes quanti- (1997) et LSA (2023). capital familial); 3,0%
peptones…) qui ont représenté 37 % des ~coopératif); 15,9%
tés d’ingrédients laitiers et de co-produits pour la fabri-
volumes exportés en 2019, ce qui crée
cation de produits alimentaires transformés. En partie un effet ciseau avec une croissance des
fabriqués par les industriels français, ces ingrédients et importations de beurre et de fromage à Casino
co-produits viennent en grande partie des importations bas prix utilisés pour la restauration hors (groupe intégré coté Système U
qui sont destinées à 49 % à la fabrication de produits en bourse); 5,9% (groupement
domicile et les produits transformés.
d'indépendants
transformés, et pour 22 % à la restauration hors foyer. ~coopératif); 11,9%
Majoritairement constitués de beurre et de fromage né- Lidl
cessitant de grandes quantités de lait pour leur fabrica- (groupe intégré à Auchan
capital familial); 7,9% (groupe intégré à
tion, ces produits importés représentent au final l’équi-
capital familial); 9,0%
valent de 30 % de la consommation française ramenée
en équivalent-lait36.

14 15
L’O L I G O P O L E D E L’ I N D U S T R I E Sur certains types de produits, la concentration est telle que 3 entreprises leader (qui varient en partie d’un
LA I T I È R E , A U T R E G O U L E T produit à l’autre) représentent (cf. tableau en annexe) :
D’ É T R A N G L E M E N T D E LA F I L I È R E
• 68,2 % de la fabrication de lait conditionné
Une forte concentration du secteur : Parmi les exemples récents : • 54,5 % du beurre
• 66,4 % de la production de crème,
La prépondérance de grands sites industriels dé- ! la création de Laïta en 2009 suite au rappro- • 62,8 % de la fabrication de yaourts et desserts lactés
crite dans la partie précédente va de pair avec une chement des activités laitières des coopératives • et en moyenne 71,8 % de la fabrication de fromages, dont 87 % de l’emmental et 99 % de la mozzarella.
concentration du secteur laitier autour d’un petit Even, Terrena et Coopagri Bretagne,
nombre de grandes entreprises qui possèdent la ! le développement rapide du pôle laitier de la
Figure n°7 : Part de marché détenue par le top 3 des entreprises pour chaque type de produit laitier.
majorité des infrastructures de transformation. Ces coopérative Agrial entre 2011 et 2016 grâce à Source : BASIC d’après FranceAgriMer, Les mutations de la transformation laitière française de 2010 à 2019, 2021.
grandes entreprises sont également propriétaires une vague d’acquisitions (Eurial, Senoble…)42
de sites de plus petite taille où elles réalisent des
! le rachat récent de Yoplait par le groupe coopé- Tous les types de fromages 72%
fabrications plus qualitatives (AOP, Bio…), ce qui
ratif Sodiaal en 2021 (cette entreprise étant au-
leur permet de canaliser près de 3/4 des volumes
paravant détenue en joint venture avec le groupe Yaourts et desserts lactés frais 63%
de fabrication de produits laitiers en France et de
américain General Mills)43.
créer des synergies permettant de maximiser leur
Crème fraîche et non-fraîche 66%
rentabilité. Résultat de cette dynamique, la figure ci-dessous
illustre les 7 plus grands groupes laitiers français
Ainsi, s’il existe une forte diversité de marques Beurre 55%
en 2022 ainsi que les principales marques qu’ils
pour les produits laitiers, comme en témoignent les
possèdent (ces informations sont également listées
larges rayons de supermarché qui leur sont alloués, Lait conditionné 68%
en annexe, de même que le classement de chaque
le nombre d’acteurs qui les fabrique est en réalité
entreprise dans les ventes par catégorie de produits
très faible, résultat des importants mouvements de
laitiers). On retrouve dans ce schéma la plupart des
concentration et de restructurations financières qui
produits laitiers du quotidien, présents dans les ré-
se sont déroulés dans la collecte comme dans la
frigérateurs des Français. Un oligopole où 3 % des entreprises réalisent
transformation depuis les années 9041.
97 % des bénéfices, au détriment des PME :
Le secteur laitier est ainsi structuré en oligopole à
Proportion Part du chiffre Part des
frange : quelques entreprises très concentrées cô- d'entreprises d'affaires bénéfices
toient une multitude de micro-entreprises et de pe- 3%
Figure n°6 : Principales marques des grands industriels laitiers français. tites et moyennes entreprises (PME) qui détiennent
Source : BASIC, à partir des sites internet des entreprises concernées 24%
à peine quelques pourcentages de part de marché.
Si ces dernières constituent 97 % des entreprises du
secteur laitier en 2021, les entreprises de taille in-
termédiaire et les grandes entreprises concentrent
93% 96,9%
93 % du chiffre d’affaires du secteur et 96,9 % de
ses bénéfices nets cumulés. Les experts du secteur
73%
estiment que les grandes entreprises (c’est-à-dire
celles qui emploient plus de 5 000 salariés) repré-
sentent à elles seules 80 % de ce total. Toujours
selon les experts, parmi elles, les groupes privés
6% 2,7%
se distinguent a priori par leur plus forte rentabi-
1% 0,4%
lité par rapport aux groupes coopératifs. Il n’existe
Microentreprise PME ETI ou GE
cependant pas de statistique publique pour objec-
tiver cette situation et plus de transparence en la
matière serait nécessaire pour préciser la réparti- Figure n°8 : Source : Insee, Caractéristiques comptables,
financières et d’emploi des entreprises (Esane), 2022
tion des bénéfices nets présentés dans le chapitre I
entre groupes privés et coopératifs.

16 17
LA F O R T E P R E S S I O N É C O N O M I Q U E Les éleveurs sont ainsi la variable d’ajustement des
S U B I E PA R L E S É L E V E U R S LA I T I E R S chaînes de valeur laitières après fixation du prix
E N R A I S O N D E LA D É C O N N E X I O N AV E C consommateur et des marges que chaque acteur
L’AVA L E T D E LA C O N C E N T R AT I O N intermédiaire souhaite générer. Cette asymétrie
D E S AC H E T E U R S (I N D U S T R I E L S est renforcée par la forte opacité régnante sur la
CO M M E D I S T R I B U T E U R S) valorisation du lait, en partie en produits laitiers
traditionnels de grande consommation, mais aussi
Dans ce contexte de déconnexion entre l’amont et
en partie en matières premières industrielles (les
l’aval des filières laitières, et face aux oligopoles
co-produits du lait) dont les prix peuvent dépendre
de grandes entreprises au niveau de la transforma-
des marchés mondiaux, sur fond de concurrence in-
tion comme de la distribution, les éleveurs ont une
ternationale.52
faible capacité de négociation et sont contraints
d’intensifier leur production pour alimenter la pro- Dans ce contexte, les prix que la majorité des éle-
duction de masse et compenser la faiblesse des prix veurs obtiennent pour leurs produits agricoles leur
du lait. Cela se traduit par un fort endettement des permettent à peine de couvrir leurs coûts de pro-
exploitations laitières (42 % des élevages laitiers duction et très rarement de dégager un revenu dé-
sont surendettés et sans trésorerie50), un montant cent. Les conséquences de cette situation en termes
élevé d’actifs immobilisés sur l’exploitation (qui est de modèle agricole sont développées dans la der-
passé de 140 000 euros en 2000 à 330 000 euros nière partie de cette étude.
en 202051), et un nombre d’heures de travail très
important.

Les fonctionnements respectifs des grands groupes Toutefois, le Conseil général de l’alimentation, de
laitiers coopératifs et privés paraissent de plus en l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) notait
plus similaires. En effet, les coopératives se sont dans un rapport que le modèle économique des
progressivement tournées vers l’aval en dévelop- PME reposant sur les MDD est précaire : «Le dé- F I L I È R E L A I T I È R E
pant leurs capacités de fabrication de produits bouché des MDD, s’il reste important avec 43 % des Le nombre ne fait pas la force
laitiers transformés avec des marques connues du ventes, implique souvent une érosion des marges et
grand public, et les groupes privés ont développé de la profitabilité des transformateurs et entraîne
leur fonction de collecte du lait. Ainsi, aujourd’hui, une dépendance commerciale.»48 Finalement, «les
les coopératives laitières collectent et transforment PME, en l’absence d’une diversification réussie, s’ex-
environ 54 % du lait en France et fabriquent 45 % posent à être reprises que ce soit par des privés ou
des produits laitiers en volume44, quand les groupes des coopératives»49. En raison de leur disparition 8 distributeurs vendent 98 %
du lait produit en France
privés collectent 46 % du lait pour fabriquer le reste progressive, ce sont désormais les entreprises de
des produits laitiers. taille intermédiaire et même les grands groupes qui pression économique
fabriquent aujourd’hui la majorité voire l’essentiel
En contrepoint, les PME (à statut privé comme coo-
pératif), qui sont nombreuses mais représentent
des produits laitiers vendus sous MDD.
3 entreprises conditionnent 70 %
une très faible part du marché, permettent de main- agroalimentaires du lait vendu en France

tenir un tissu local de transformation qui fabrique


mise en concurrence
une grande diversité de produits laitiers en petites
séries, sous signe de qualité ou sous des marques
qui produisent 24 Mds
régionales45. Parmi elles, beaucoup sont parvenues 71 000 de litres de lait
à maintenir leur activité en devenant sous-traitants exploitations laitières
des grands distributeurs pour fabriquer les MDD46,
tout en essayant de conserver des débouchés pour
leurs propres marques47. 71 000 exploitations laitières produisent 24 milliards
de litres de lait, 3 entreprises agroalimentaires53
conditionnent presque 70 % du lait et les 8 distributeurs
principaux vendent 98 % du lait produit en France.

18 19
En 2022, sur une brique de lait à 83 centimes d’eu- Le lait conditionné est ainsi un cas emblématique

BRIQUE DE LAIT, PLAQUETTE ros (hors taxes) : de produit où l’industrie laitière et la grande distri-
bution ont progressivement augmenté leur marge

DE BEURRE : DEUX PRODUITS


• Le maillon de la grande distribution gagnait 23
brute sur le long terme, sans lien avec les coûts
centimes d’euros (soit 28 %).
de la matière première. On assiste sur ce produit à
• Le maillon de la transformation gagnait 36 cen-
PHARES QUI ILLUSTRENT times (soit 43 % du prix).
• Le maillon de l’élevage gagnait 24 centimes (soit
un transfert de valeur croissante au détriment des
agriculteurs et en direction des acteurs de l’aval de

CES ASYMÉTRIES 29 % du prix).


la chaîne, en particulier les distributeurs.

Ce mécanisme a été notamment rendu possible


par la déconnexion économique et physique dé-
Que s’est-il passé sur cette période pour que la part
Pour illustrer les mécanismes décrits précédem- LA B R I Q U E D E LA I T, S Y M B O L E crite précédemment qui a permis de valoriser
perçue par l’éleveur passe de 45 à 29 % du prix (soit
ment, et comprendre à l’échelle d’un produit les D’ U N E C A P TAT I O N D E VA L E U R le lait conditionné via le marketing et la publici-
une différence de 16 points) ?
inégalités entre maillons de la filière à l’échelle G R Â C E À L’ I M M AT É R I E L té auprès des consommateurs, sans augmenter le
• Le prix hors taxe a augmenté de 51 %, soit au-de- prix payé aux éleveurs (ou faiblement dans le cas
macroéconomique, nous avons analysé entre 2001
Notre première analyse sur un produit concerne la là de l’inflation qui a été de 34 % sur la même de démarches spécifiques). Il est aussi le reflet de
et 2022 l’évolution du partage de la valeur sur deux
brique de lait UHT demi-écrémé, l’un des produits période. l’asymétrie de pouvoir au sein de la chaîne qui est
produits phares : une brique de lait et une pla-
du quotidien les plus consommés en France. En pré- • La marge du maillon de la grande distribution a décrite au chapitre précédent.
quette de beurre. Cette analyse se base sur un pro-
ambule, rappelons qu’1 litre de lait demi-écrémé augmenté de 188 %.
duit «moyen», hors label bio54. Cette analyse révèle
acheté en magasin n’équivaut pas à 1 litre de lait • La marge du maillon de la transformation a aug-
une répartition de plus en plus inéquitable au fil
collecté chez l’éleveur puisqu’il est moins riche en menté de 64 %.
des années, également valable sur d’autres produits
matière grasse et que la crème non utilisée dans la • La marge du maillon de l’élevage a baissé de 4 %.
(comme le yaourt et le fromage)55.
brique de lait va servir à d’autres usages, en particu-
L’ampleur de l’augmentation des marges brutes lier la fabrication de beurre qui est mieux valorisée.
des maillons de transformation et de distribution La part reçue par l’éleveur sur une brique de lait est
qui est décrite ci-après ne peut pas s’expliquer par donc inférieure au prix du lait collecté. C’est pour
la seule hausse de leurs coûts internes, que ce soit cela que l’OFPM parle de «coût de la matière pre-
l’énergie qui n’en représente que quelques pour- mière» pour l’industriel et non pas de prix du lait. Les éleveurs, grands perdants
cents ou les salaires qui n’ont été revalorisés que de l’augmentation du prix du lait
L’analyse rétrospective des estimations de l’OFPM
d’un peu plus d’un tiers en 20 ans. L’analyse des per- Évolution du montant de la marge brute réalisée par chaque acteur
depuis 2001 montre un renversement progressif, sur un litre de lait demi-écrémé
formances économiques en première partie a d’ail-
année après année, des équilibres dans le partage
leurs déjà exclu tous ces coûts puisqu’elle portait
de la valeur entre éleveurs, industries agroalimen- 2001 2022
sur les bénéfices nets cumulés de chaque maillon.
taires et enseignes de la grande distribution (que la
Évolution de la
En comparaison, les coûts de production des éle- découpe de valeur soit exprimée en centimes d’eu- marge brute
0,55 € HT 0,83 € HT
veurs laitiers sont beaucoup plus dépendants des ros versés à chaque maillon, comme en pourcen-
coûts de l’énergie (que ce soit pour l’essence de tage du prix final).
leurs tracteurs, les engrais de synthèse ou les ali- Lorem ipsum
distributeurs 0,08 € + 188 % 0,23 €
En effet, alors qu’en 2001, sur une brique de lait à
ments pour animaux). À titre d’illustration, ils ont
55 centimes (hors taxes) :
crû de +40 % rien qu’entre janvier 2020 et janvier
202356. • Le maillon de la grande distribution gagnait 8
centimes d’euros (soit 15 %) entreprises
• Le maillon de la transformation gagnait 22 cen- agroalimentaires
0,22 € + 64 % 0,36 €

times (soit 40 % du prix)


• Le maillon de l’élevage gagnait 25 centimes d’eu-
ro (soit 45 % du prix)
éleveurs 0,25 € - 4% 0,24 €

20 21
Cet épisode inflationniste a ainsi rebattu les cartes Un nouvel épisode de cette nature a débuté concer-
du partage de la valeur, en permettant de cranter nant le beurre depuis 2022 et sans que l’on puisse
des prix élevés aux consommateurs au bénéfice de encore en voir la fin (avec une augmentation de
la transformation et de la distribution, et au détri- 14 % du prix consommateur rien qu’entre 2021 et
ment des éleveurs : 2022). L’avenir permettra de savoir si le même mé-
canisme se met en œuvre une fois l’inflation des
prix agricoles redescendue.
• En 2016 : une plaquette de beurre coûtait 1,35
euros hors taxe, dont 0,27 euros pour la grande Le risque est néanmoins très élevé qu’un «cran-
distribution (soit 20 %), 0,36 euros pour la trans- tage à la hausse» similaire à celui de 2016-2020
formation (soit 26 %), 0,72 euros pour l’élevage se reproduise, non seulement pour le beurre mais
(soit 54 %) aussi plus largement pour la majorité des produits
• En 2020 : une plaquette de beurre coûtait 1,81 laitiers, car ce mécanisme semble être récurrent
euros hors taxe, dont 0,36 euro pour la grande en cas de flambée des prix des matières premières
distribution (soit 20 %), 0,65 euros pour la trans- agricoles d’après les analyses de l’OFPM57. De ma-
formation (soit 36 %), et 0,81 euros pour l’éle- nière schématique, les prix payés en caisse aug-
vage (soit 44 %). mentent en période de hausse des cours agricoles,
Après cet épisode, les éleveurs gagnent certes un puis ne baissent pas quand ces cours se rétractent.
peu plus en 2020 qu’en 2016, mais comparé à l’aug- Les acteurs du milieu de chaîne augmentent leurs
mentation du prix du beurre, ils reçoivent une part marges (qui avaient été compressées momentané-
bien moindre du prix final que l’industrie agroali- ment pendant la hausse des cours), afin de garder
mentaire. En effet, en 4 ans, les marges respectives ce niveau élevé par la suite, captant ainsi un surcroît
ont évolué : +11 % pour les éleveurs, +80 % pour substantiel de valeur, et donc de bénéfices nets.
la transformation et +32 % pour la grande distri-
LA P LA Q U E T T E D E B E U R R E , S Y M B O L E rayons des grandes surfaces pendant plusieurs se- bution.
D’AT T I T U D E S O P P O R T U N I S T E S maines, les industriels préférant vendre à l’export.
F A C E À L’ I N F LAT I O N
Il est alors intéressant de regarder plus en détail la
Prenons maintenant une plaquette de beurre de répartition de la valeur sur une plaquette de beurre
250 grammes. Son prix a augmenté de 75 % entre en 2016 et en 2020, c’est-à-dire juste avant cet épi- Inflation : les éleveurs ne tirent pas leur épingle du jeu
2001 et 2022, soit 2 fois plus vite que l’inflation qui sode inflationniste, puis 3 ans après quand le mar- Évolution de la marge brute réalisée par chaque acteur
était de 34 %. Cette augmentation du prix a en par- ché semble s’être détendu. sur une plaquette de beurre de 250 g
tie bénéficié aux éleveurs puisque le coût de la ma-
Au niveau des consommateurs, le prix du beurre
tière première a augmenté de 43 % sur la période ;
vendu a bondi de 34 % entre 2016 et 2020 et n’est 2016 Évolution de la 2020
mais de manière bien moindre que pour l’industrie marge brute
jamais redescendu permettant aux acteurs indus-
agroalimentaire et la grande distribution dont les
triels et de la grande distribution d’augmenter lar- 1,35 € HT (Inflation de 34 %) 1,81 € HT
marges ont respectivement augmenté de 142 % et
gement leurs marges brutes sur la période.
127 % sur la période.

Comment expliquer une telle différence de répar- distributeurs


0,27 € + 32 % 0,36 €

tition dans la valeur créée entre ces deux dates ?


Une partie de l’explication tient au mécanisme de
«crantage des prix à la hausse» qui s’est notamment
déroulé entre 2016 et 2019. entreprises
agroalimentaires
0,36 € + 80 % 0,65 €
Fin 2016, une pénurie de lait, et surtout de beurre,
au niveau international a créé un appel d’air de
débouchés vers l’exportation, en particulier vers la
Chine. En a découlé un bras de fer entre les dis-
tributeurs et les industriels sur la négociation des éleveurs 0,72 € + 11 % 0,81 €

prix dans un contexte de flambée des cours du lait


qui a débouché sur une pénurie de beurre dans les

22 23
SANS POLITIQUES PUBLIQUES
AMBITIEUSES, LES ÉLEVEURS
ET L’ENVIRONNEMENT
S’ENLISERONT DANS
L’IMPASSE
LA S T R U C T U R AT I O N D E LA F I L I È R E E S T ! Aujourd’hui, presque la moitié des vaches lai-
S O U R C E D’ E X T E R N A L I T É S S O C I A L E S tières sont dans des systèmes peu herbagers :
E T E N V I R O N N E M E N TA L E S N É G AT I V E S 10 % n’ont pas accès au pâturage, 13 % consom-
ment majoritairement du maïs et 21 % consom-
Les inégalités croissantes décrites précédemment,
ment du maïs de façon importante62.
notamment liées aux asymétries de pouvoir, ont
également des impacts environnementaux et so- La réduction subie du cheptel s’accélérant forte-
cio-économiques majeurs. Elles sont à la source de ment (-1 % par an entre 2016 et 2019, -2 % par an
trois grandes tendances que nous avions identifiées entre 2019 et 2021 et une baisse supérieure à -3 %
dans un précédent rapport58 : l’agrandissement et en 202263), elle laisse place à des élevages intensifs D E S A LT E R N AT I V E S E X I S T E N T M A I S
la concentration des exploitations, l’intensification de plus grande taille. • La filière lait Bleu-Blanc-Coeur (avec des scores
E L L E S N E T R A N S F O R M E N T PA S L’ E S S A I
des pratiques, et la spécialisation à l’échelle des ter- respectifs de 3/5 et 3/5).
ritoires. Historiques, elles s’accélèrent désormais en Face à une trajectoire business as usual, des alterna- • L’AOP Comté (4/5 et 5/5).
poursuivant une trajectoire business as usual dont Figure 9 : Cartographie de l’évolution du cheptel de vaches tives existent • C’est qui le patron ?! (2/5 et 3/5).
laitières entre 2010 et 2020 en France . Source : Cour des comptes,
nous avions évalué les impacts négatifs pour 13 in- Les soutiens publics aux éleveurs de bovins, novembre 2023.
Différentes démarches existent aujourd’hui pour En termes de prix du lait collecté :
dicateurs environnementaux et socio-économiques.
faire face à un prix insuffisamment rémunérateur
Pour les différents produits laitiers qui cherchent à
L’accélération de ces trois grandes tendances s’il- et pour contrer les tendances à l’intensification des
se distinguer du conventionnel, seules les filières
lustrent par les chiffres suivants : pratiques.
lait biologique et AOP assurent un prix du litre payé
! Entre 2000 et 2020, pour dégager un même ré- qui est nettement supérieur, comme le montrent les
En termes de cahier des charges : données de l’année 2020 :
sultat économique : 5 % d’hectares en plus sont
mobilisés avec 23 % de main d’œuvre en moins, En 2021, une étude du BASIC, de WWF et de Green-
! Le prix des «laits engagés», payé à l’éleveur, est
ainsi qu’un capital et des consommations inter- peace64 a évalué les différentes garanties associées
en moyenne supérieur de 12 % au prix du lait
médiaires supplémentaires de respectivement à chaque démarche de progrès et leur a donné un
conventionnel (+ 10 euros à +70 euros la tonne).
25 % et 39 %59. score de 1 à 5 :
Le prix du lait est en moyenne de 40 % supérieur
! Les fermes laitières de plus de 100 vaches consti- ! Les démarches apparentées à l’agriculture biolo- pour les filières AOP (+245 euros par rapport au
tuent désormais plus de 30 % des troupeaux60. gique ont un score de 4/5 ou plus sur l’environ- conventionnel en moyenne, avec de fortes dis-
! 45 % des exploitations, situées dans le Grand nement et de 3/5 ou plus sur le volet socio-éco- parités)65.
Ouest61 produisent 54 % du lait produit au total nomique. Ce sont donc celles qui se démarquent ! Le prix du lait biologique est d’environ 25 % su-
en France. Le cheptel augmente dans cette ré- le plus (en particulier la démarche bio équitable périeur au lait conventionnel.
gion, dans le nord des Hauts-de-France et de l’Al- France qui obtient 5/5 sur les deux dimensions).
sace, et en Franche-Comté, alors qu’il baisse dans ! Les démarches liées à la certification environne- L’écart de prix entre le lait conventionnel et le lait
les autres territoires (cf. figure 9). mentale (de type HVE) ont obtenu un score de biologique est resté stable entre 2015 et 2020, avec
1/5 sur les deux dimensions et sont donc celles un écart d’au moins 100 euros pour 1000 litres. Ce
! En 2020, 53 % des exploitations de plaine utili-
qui se démarquent le moins. sont donc les filières avec un mode de production
saient le maïs/soja comme alimentation princi-
! Dans les démarches définies par les filières elles- agricole distinct et une certification indépendante
pale de leurs vaches, contre 42 % en 2000.
mêmes, seules se démarquent : concernant le respect du cahier des charges bio ou

24 25
AOP qui rémunèrent le mieux les éleveurs. À partir Et dans les mains des acteurs conventionnels déjà LA N É C E S S I T É D’ U N P LA N D E
de 2021 néanmoins, le prix du lait conventionnel dominants T R A N S F O R M AT I O N D E LA F I L I È R E
a fortement augmenté dans le contexte d’inflation
Le «rapprochement du consommateur et du pro- La structuration de la filière repose sur un modèle
des intrants agricoles. Il converge aujourd’hui vers
ducteur» sur les «laits engagés» et différenciés de production et de consommation de masse, avec
un prix presque égal au lait biologique, sans qu’il
mobilise des canaux conventionnels : les grandes un pouvoir de marché exercé par une quinzaine
soit possible de savoir si ce prix relativement élevé
entreprises de transformation et de grande distri- d’entreprises de la transformation et de la distribu-
sera durable (cf. encadré p.8).
bution fortement concentrées : tion. Ce modèle est la source d’externalités sociales
Sur les filières AOP, le rééquilibrage de la réparti- et environnementales négatives, en exerçant une
! La grande distribution vend 91 % des produits
tion de la valeur en faveur des éleveurs dépend du pression forte sur les éleveurs, et en incitant à l’in-
laitiers bio en 202170 et 86 % des fromages
rapport de force au sein des différents maillons et tensification des pratiques.
AOP71 : sans circuit alternatif de commerciali-
varie beaucoup d’une filière AOP à une autre : au
sation, excepté quelques magasins de distribu- Peu rémunérés et dépendants de subventions pu-
moins 20 % des fromages AOP sont fabriqués de
tion des produits biologiques et fromageries, les bliques, qui sont elles-mêmes peu conditionnées à
manière industrielle, à base de lait pasteurisé66, pro-
produits biologiques et AOP subissent la même des critères sociaux ou environnementaux, les éle-
portion qui varie beaucoup d’une AOP à une autre.
guerre des prix que les produits conventionnels. veurs n’ont pas les ressources économiques, organi-
La capacité à mieux rémunérer les éleveurs dépend
Marques distributeurs et discounters72 se sont sationnelles et commerciales pour adopter massi-
de leur capacité à piloter la filière à travers leurs
ainsi investis fortement sur les créneaux biolo- vement des pratiques agroécologiques.
organisations collectives (contrôle du volume de
giques, AOP, laits engagés, renforçant la pression
production, usage de la marque, transparence sur Quant aux citoyens et consommateurs, ils abondent de la France (fière de ses fermes à taille humaine
sur un prix bas pour ces produits laitiers de qua-
les prix de vente à chaque maillon ou de coûts, etc). à la fois en tant que contribuables les subventions et de ses prairies), ni que ce soit compatible avec
lité.
publiques pour soutenir les éleveurs, et à la fois la les contraintes environnementales auxquelles la
Mais ces alternatives restent minoritaires ! La GMS est également régulièrement accusée
filière par leur acte d’achat. Malgré ce «double pas- SNBC 3 (Stratégie Nationale Bas Carbone), en cours
de faire des «surmarges» sur les produits biolo-
! À l’échelle de tout le lait collecté en 2021, envi- sage en caisse», ils ont peu leur mot à dire sur le d’élaboration, doit répondre (une baisse de 46 %
giques73.
ron un litre sur cinq correspond à un cahier des type de modèle à promouvoir. des émissions agricoles d’ici 2050). À ce stade, rap-
charges spécifique67 (5 % en agriculture biolo- ! Ce sont aussi les quelques grandes entreprises pelons que les leviers mis sur la table dans cette
privées ou coopératives de la transformation qui Nous avons analysé les causes de ces asymétries stratégie sont :
gique, une petite part sous AOP (12 %) ou sous
fabriquent ces produits laitiers différenciés : de pouvoir :
IGP (1 %), et au travers d’initiatives de «laits en-
! Une réduction à deux chiffres du cheptel laitier ;
gagés»). ! Des sites industriels de grande taille, qui stan-
• soit en réservant leur ligne de production, après ! Une augmentation de la part de pâturage pour
! Une analyse plus particulière des initiatives de nettoyage, pour un lait distinct ; dardisent le lait, et vont de pair avec une concen-
les vaches (avec la fin des vaches laitières en 0
lait en bouteille (que nous nommons «laits en- • soit en rachetant des plus petits sites de trans- tration des acteurs de la transformation, dans
pâturage, et 64 % des vaches dans un système en
gagés»), c’est-à-dire des initiatives consistant à formation qui continuent la fabrication de ces une logique d’économie d’échelle ;
pâturage a minima dominant) ;
collecter du lait entier pour le transformer spé- produits en petites séries. ! Un oligopole dans les maillons de la transforma-
cifiquement en lait demi-écrémé conditionné, ! Une forte réduction de l’usage de soja défores-
tion et de la distribution ;
peut être menée. Celles-ci ont certes rencontré ! À titre d’exemple : tant dans les rations (mettre un terme à la défo-
! Un produit final vendu aux consommateurs dont restation importée et diviser par 2 le soja impor-
un certain engouement après la crise du lait de • Lactalis a aujourd’hui un large portefeuille de la valeur est déconnectée de la qualité de la ma- té d’ici 2030).
2015, mais elles sont encore trop minoritaires produits AOP. tière première agricole.
pour changer la structure de la filière : • Lactalis est également le 3ème plus grand fabri- La deuxième consisterait à substituer une partie
• Si 12 % du marché des bouteilles de lait concerne cant de produits laitiers biologiques74. Ce modèle montre des signes de faiblesse, comme croissante du lait français par du lait importé. Cela
du lait biologique, cela ne représente que 0,6 % • Sodiaal a racheté la coopérative Entremont Al- en témoigne la baisse historique des volumes de arrive certes aujourd’hui de manière anecdotique,
de tout le lait collecté en France. liance, groupe spécialisé dans la fabrication de production, qui inquiète la profession : - 2,2 % de mais cela ne peut être une réelle alternative en
• De même, en 2020, si environ 15 % des ventes fromages AOP comme le Comté, et le Beaufort75. lait collecté entre janvier et juin 2023, par rapport raison des coûts de transport du lait (qui est une
de lait en bouteille seraient des «laits enga- • La majeure partie du lait biologique des coopé- à l’année précédente76. Jusqu’à présent, la baisse matière première lourde), à moins de substituer nos
gés» (MDD avec contrats tripartites, marques ratives est vendue à la filière longue, sans accord du cheptel laitier avait toujours été compensée consommations par des produits à base de poudre.
régionales, C’est qui le patron)68, cela ne repré- tripartite pour assurer une prévisibilité et un par une augmentation de la production de lait par
vache. Alors que la réduction du cheptel s’accélère, La troisième consisterait en une restructuration de
sente que 1,9 % de l’ensemble du lait collecté en seuil minimum sur les revenus de l’éleveur.
cette augmentation de la productivité atteint des la filière avec un réel plan de transformation de la
France69.
limites physiques. Trois issues semblent possibles. part des pouvoirs publics. Nous plaidons pour cette
• Au total, ces bouteilles de lait plus rémunéra-
troisième option, certes ambitieuse mais qui nous
trices ne concernent, ramenées en équivalent lait La première consisterait à s’enliser dans une course semble être la plus raisonnable compte tenu de
entier, que 2,5 % de l’ensemble du lait collecté à la compétitivité sur le modèle de certains pays du l’état des lieux dressé, que nous déclinons en re-
auprès des éleveurs. nord. Mais il n’est pas certain que ce soit l’aspiration commandations ci-après.
26 27
Cette voie nécessite :
L’autorité de la
! Une implication plus forte de la puissance publique, à la concurrence et le RECOMMANDATIONS
fois pour soutenir les PME et unités moyennes de trans-
formation, mais aussi pour soutenir la structuration de
filières à part entière, émancipées des outils de transfor-
secteur laitier
PRINCIPALES
mation et de distribution conventionnels, permettant une L’Autorité de la concurrence
est amenée à statuer sur
meilleure rémunération des éleveurs, un meilleur partage Pour sortir de l’impasse, la FNH exhorte les acteurs N O S P R I N C I PA L E S
plusieurs anomalies de marché
de la valeur, et le développement de pratiques agroécolo- à bâtir un nouveau contrat social entre éleveurs, en- R E C O M M A N D AT I O N S :
concernant le secteur laitier :
giques (comme dans le cas du lait biologique). treprises, et citoyens pour plus d’équité et de dura-
■ En 2015, elle a condamné 10 ! Organisation d’une conférence sociale dans la fi-
! Une différenciation du lait par bassin de productions, et bilité dans la filière laitière.
industriels du lait77 à des amendes lière laitière, incluant des citoyens tirés au sort.
pas seulement venant des subventions de la PAC, pour
à hauteur de 192,7 millions d’euros Dans le respect des limites planétaires, la puissance ! Consacrer une partie des investissements an-
tenir compte des différences importantes de coûts de
pour des faits datant de 2012 à publique doit être garante de ce contrat social dont nuels réalisés par les acteurs de la transforma-
production (qui sont 50 % plus élevées en zones de mon- 2016 et consistant à une entente les incontournables sont : tion et de la distribution pour développer des
tagne que dans le Grand Ouest par exemple) et soutenir sur la progression des prix et des
usines de fabrication de taille intermédiaire.
ainsi les pratiques moins intensives, plus traditionnelles, volumes proposés pour les produits ! La nécessité de bâtir un plan de transformation ;
et permettre aux consommateurs de soutenir des produits laitiers vendus aux enseignes de la ! Rendre obligatoire la transparence des marges
! La nécessité de sanctuariser la transparence ;
laitiers plus ancrés sur le terroir. grande distribution dans le cadre nettes des acteurs de la transformation et de la
! La nécessité de mieux répartir les richesses.
de leurs marques distributeurs. distribution.
! D’assumer une baisse des volumes de production, en la
traduisant par une assiette différente pour les Français Cette condamnation portait non Alors qu’une précédente étude soulevait l’absence ! D’ici 2030, atteindre respectivement un tiers des
seulement sur des entreprises en de régulation des acteurs de l’aval80 , pourtant né- produits laitiers MDD et des marques nationales
(comportant moins de produits laitiers, qu’ils soient en-
situation dominante sur le marché cessaire à la transition agroécologique des éle- qui répondent aux critères suivants : contrats tri-
tiers ou «cachés» dans le cas des plats industriels) et une
mais également sur des PME.
réduction des exportations (en privilégiant celles de pro- vages, la FNH souhaite corriger le tir avec ses re- partites, label biologique et commerce équitable.
duits à plus haute valeur ajoutée). Cette baisse des vo- ■ Depuis novembre 2022, une autre commandations. Selon nous, elles sont clés pour ! Créer un fonds mutualisé de transition agroéco-
lumes de production est déjà en cours, mais de manière procédure est en cours concernant que l’élevage laitier puisse répondre aux enjeux logique qui soutient la conversion et le maintien
subie et non-sélective, pour des raisons structurelles (in- les accords de collecte de lait entre environnementaux et socio-économiques de ces en bio, l’augmentation de l’autonomie protéique
industriels. Cette procédure a donné prochaines décennies.
suffisant renouvellement des générations notamment). et du pâturage et la structuration de filières terri-
lieu à «des opérations de visite et
! Pour les pouvoirs publics, encourager cette évolution de torialisées. Abonder ce fonds par un pourcentage
saisie inopinées auprès des entreprises Pour sortir l’élevage laitier de l’impasse, nos recom-
la consommation doit passer par : suspectées d’avoir mis en œuvre des minimum des bénéfices et dividendes exception-
mandations portent sur la déconcentration des ac-
• La réaffirmation des plus-values environnementales et en pratiques anticoncurrentielles dans nels des acteurs de la transformation et de la
teurs de l’aval en soutenant davantage les PME et
termes de rémunération des modes de production biolo- le secteur de l’approvisionnement en distribution.
en redimensionnant les outils de transformation. En
giques par rapport aux autres. lait de vache» selon le communiqué parallèle, les financements du secteur privé doivent ! Soutenir les Organisations de Producteurs lai-
• La mise en œuvre de leviers ambitieux pour respecter les de presse de l’Autorité de la tières répondant à des critères sociaux et envi-
être mobilisés pour soutenir des pratiques plus
objectifs de 20 % de produits biologiques dans la restau- concurrence78. Ces interventions ronnementaux en augmentant la part du budget
agroécologiques. Enfin, une réelle transparence et
ne préjugent évidemment pas de la PAC allouée aux « programmes opération-
ration collective fixés par EGAlim. un meilleur partage de la richesse semblent incon-
de la culpabilité des entreprises
• Le développement de recommandations et campagnes tournables pour une filière durable. nels ».
concernées, que seule l’instruction
de publicité promouvant le «moins et mieux» de produits
pourra confirmer ou infirmer. En
laitiers pour les consommateurs mais aussi pour les ac- cause, un principe consistant à ce
teurs de la transformation et de la distribution puisqu’au- que les laiteries collectent le lait
jourd’hui : d’un éleveur présent à proximité
→ Le premier produit laitier consommé, en volume en même s’il est sous contrat avec un
équivalent lait, est le fromage (44 %), suivi par le concurrent ; ceux-ci se remboursant
beurre (24 %). ensuite79. Cet accord entre laiteries
→ Une partie non-négligeable des plats industriels sont crée une asymétrie entre les éleveurs
constitués d’ingrédients laitiers (30 %), souvent impor- et acteurs de la transformation
tés (cf. page 14). puisqu’ils ne peuvent alors pas
• La mise en place d’une obligation d’inscrire l’origine des choisir qui va collecter leur lait.
ingrédients laitiers pour tous les produits laitiers, et en
particulier dans les plats industriels.

28 29
RECOMMANDATIONS
DÉTAILLÉES
B ÂT I R U N P LA N D E T R A N S F O R M AT I O N rendre éligible le secteur laitier afin de finan- ! Renforcer les moyens de la haute autorité de la ! Créer un fonds mutualisé de transition agroéco-
D E T O U T E LA F I L I È R E cer les organisations de producteurs répondant concurrence pour que son pouvoir d’investigation logique qui soutient la conversion et le maintien
à des critères sociaux, environnementaux, et de ne soit pas limité aux enjeux de pouvoir d’achat en bio, l’augmentation de l’autonomie protéique
! Organisation d’une conférence sociale dans la fi- et puisse être étendu (aux atteintes à l’environ- et du pâturage et la structuration de filières ter-
gouvernance.
lière laitière, incluant des citoyens tirés au sort, nement, aux conditions de vie des agriculteurs, ritorialisées.
! Dans un contexte social et environnemental
sur : etc.). ! Abonder ce fonds par un pourcentage minimum
alarmant dû à la surproduction, étudier la perti-
• le partage de la valeur ; des bénéfices et dividendes exceptionnels des
nence et faisabilité du «programme de responsa-
• la transition agroécologique des élevages ; acteurs de la transformation et de la distribution.
bilisation face au marché»81.
• l’environnement alimentaire (aménagement des M I E U X R É PA R T I R L E S R I C H E S S E S ! Etudier l’opportunité d’établir :
rayons, marketing, allégations commerciales) et AFIN DE CRÉER UNE FILIÈRE
les évolutions de consommation. D U R A B L E E T É Q U I TA B L E • un prix plancher de la matière première agricole,
F A I R E D E LA T R A N S PA R E N C E prenant en compte les coûts de production ;
! Consacrer une partie des investissements an-
U N E P I E R R E A N G U LA I R E D’ U N ! Dans le cadre des enquêtes de la haute autori- • un encadrement des marges (par exemple à par-
nuels des acteurs de la transformation et de la
N O U V E A U C O N T R AT S O C I A L té de la concurrence, réaffecter une partie des tir d’un coefficient multiplicateur de la matière
distribution pour développer des usines de fa-
amendes aux organisations de producteurs. première agricole qui pourrait être basé sur la
brication de taille intermédiaire permettant une ! Rendre obligatoire la transparence des acteurs
meilleure traçabilité du lait. de la transformation et de la distribution sur : ! D’ici 2030, atteindre respectivement un tiers des moyenne des marges des 10 dernières années).
produits laitiers vendus sous marques MDD et
! Flécher les aides publiques destinées à l’agroali-
• leurs marges brutes et nettes au sein de chaque marques nationales qui répondent aux critères
mentaire vers les PME et vers la structuration de
catégorie de produits ; suivants : contrats tripartites, label biologique et
filières territorialisées.
• la valorisation de la matière première agricole et commerce équitable.
! Porter les enveloppes des «programmes opéra-
des matières premières industrielles ;
tionnels » à 3 % du premier pilier de la PAC et
• leurs résultats économiques et financiers.

30 31
É TAT D E S L I E U X D E S P R I N C I PA L E S E N T R E P R I S E S D U S E C T E U R D E LA
T R A N S F O R M AT I O N ( C H I F F R E S D’A F F A I R E S , P LA C E D A N S L E T O P 3 PA R
C AT É G O R I E D E P R O D U I T S , M A R Q U E S D É T E N U E S ), D O N T L E C H I F F R E
D’A F F A I R E S E S T S U P É R I E U R À U N M I L L I A R D D’ E U R O S E N 2021.

Entreprises classées
Chiffre d’affaires 2021 Place dans le top 3 des entreprises concentrant les volumes de
selon leur rang en Statut Marques
(€) 82 production (2019)83
Europe de l’ouest
N°1 du top 3 - 79 % de poudre de lactosérum
N°1 du top 3 - 76 % de crème longue conservation
N°1 du top 3 - 63 % des fromages à pâte molle / Camembert et brie
N°1 du top 3 - 54 % de la production de beurre
Lactalis
22 milliards € (monde) Entreprise privée N°2 du top 3 - 99 % des fromages à pâte filée / Mozzarella
(n°1 mondial
4,4 milliards (France) Groupe familial N°2 du top 3 - 70 % des fromages à pâte pressée cuite / Emmental
secteur laitier)
N°2 du top 3 - 68 % du volume de lait conditionné
N°3 du top 3 qui représente 84 % des fromages à pâte persillée
N°3 du top 3 - 62 % des yaourts
N°3 du top 3 - 44 % des fromages à pâte pressée non cuite

Danone 13,1 milliards € (monde


Entreprise privée,
(n°2 européen – produits laitiers) N°1 du top 3 - 62 % des yaourts
cotée en bourse
secteur laitier) 1,8 milliards € (France)
ANNEXE

6,2 milliards € (monde)


dont 2,4 milliards €
Agrial en produits laitiers84 N°1 du top 3 - 76 % de crème fraiche conditionnée
Coopérative
(ex-Eurial) –1 milliard € (France – N°1 du top 3 - 99,6 % des fromages à pâte filée / Mozzarella
produits laitiers)

5,6 milliards € (monde)


2 milliards € (France)
Savencia N°1 du top 3 - 70 % des fromages à pâte fraîche
(ex Bongrain)85 N°1 du top 3 - 84 % des fromages à pâte persillée
(dont 1 joint-ventures Entreprise privée
N°2 du top 3 - 76 % de crème longue conservation
(n°5 européen avec Sodiaal : CF&R, N°2 du top 3 - 54 % de la production de beurre
avec les marques Cœur Groupe familial
secteur laitier) N°3 du top 3 - 79 % de poudre de lactosérum
de Lion, Le Rustique et
N°3 du top 3 - 63 % des fromages à pâte molle / Camembert et brie
Richesmont)

5,5 milliards € (monde)


4,2 milliards € (France) N°1 du top 3 - 70 % des fromages à pâte pressée cuite /Emmental
Sodiaal 86 N°1 du top 3 - 68 % du volume de lait conditionné
(dont 1 joint-venture avec N°1 du top 3 - 44 % des fromages à pâte pressée non cuite N°2 du top
(n°8 européen Savencia : CF&R, avec les Coopérative 3 - 84 % des fromages à pâte persillée
secteur laitier) marques Cœur de Lion, Le N°2 du top 3 - 79 % de poudre de lactosérum
Rustique et Richesmont, N°2 du top 3 - 62 % des yaourts
1 joint-venture avec Even N°3 du top 3 - 76 % de crème longue conservation
(Laïta : Régilait)

3,4 milliards € (monde) Entreprise privée N°2 du top 3 - 70 % des fromages à pâte fraîche
Bel
0,8 milliard € (France) Groupe familial N°2 du top 3 - 44 % des fromages à pâte pressée non cuite

Laïta
N°3 du top 3 - 70 % des fromages à pâte fraîche
(joint-venture 2,3 milliards € (monde)
Coopérative N°3 du top 3 - 70 % des fromages à pâte pressée cuite / Emmental
Even, Terrena & 1 milliard € (France)
N°3 du top 3 - 54 % de la production de beurre
Triskalia)
32 33
1 En termes techniques, il s’agit en fait d’un 10 Nous avons pris en compte le Revenu Courant une grande, moyenne et petite unité de positionné comme un produit d’appel. En vis- 52 ADEME, Le Basic, AScA, Analyse des enjeux est 100 % conventionnelle. La part du bio
oligopsone, c’est-à-dire d’une concentration Avant Impôt brut, considérant que ce résultat transformation dépend des types de produits. à-vis, Franprix dégage une wmarge brute 10 économiques et sociaux d’une alimentation dans la production nationale des fromages
d’acheteurs (côté industries agroalimentaires) est l’indicateur le plus proche du revenu brut Plus d’informations dans le rapport de fois supérieure (0,69 €/kg) sur le camembert plus durable. Volet 2 « Analyse de la valeur de vache est dans tous les cas faible, à
par rapport à une multitude de vendeurs perçu par les éleveurs. recherche de la présente étude. de sa MDD Leader Price via une montée en socio-économique de l’alimentation, et sa hauteur de 2,1 % (Agreste, Graph’Agri,
(côté éleveurs). Par simplification dans le 11 Idele (2022). Comprendre et caractériser 24 Rastoin, J-L . et Bouquery, J-M., (2015). Les gamme du produit (mention « camembert à répartition ». 2017 2022). FranceAgriMer, La consommation des
présent document, nous avons choisi de les modes d’organisation du travail. Issu Industries Agroalimentaires en France, La la louche ») qui tente de s’appuyer sur une 53 Sodiaal, Lactalis et LSDH. produits laitiers en 2021, 2022.
parler d’oligopole. d’une recherche entre l’Idele, l’Orgue, et le Documentation Française, Paris. image d’une fabrication plus artisanale. Cet 71 INAO, Chiffres clés 2021 des produits laitiers
exemple concerne Franprix mais illustre une 54 Plus d’informations sur la méthodologie dans
2 CNIEL, Baromètre des produits laitiers 2022, RMT Travail en agriculture, en partenariat 25 Selon le site du CNIEL, qui corrobore nos le rapport de recherche. AOP et IGP, 2022. Notre calcul inclut les
décembre 2022. avec notamment l’INRAE et les chambres dynamique courante pour les MDDs selon les hypermarchés et supermarchés (61,6 %),
analyses, bien que la composition du lait experts interrogés. 55 Ces éléments complémentaires figurent dans
3 CNIEL, Baromètre des produits laitiers 2022, d’agriculture. peut varier selon les troupeaux et leur le hard discount (13,8 %), les magasins de
32 Nozieres et al., op . cit, 2018, p. 76. le rapport de recherche. proximité (5,8 %) et la vente par internet
décembre 2022 12 Pour mettre en contexte le revenu que alimentation, les mêmes principes de
les éleveurs laitiers spécialisés arrivent à prélèvement et d’analyse du lait cru sont 33 À l’image de l’exemple du camembert Leader 56 L’IPAMPA (l’indice des prix d’achat des moyens (4,9 %), en vis-à-vis desquels les commerces
4 INSEE, Consommation effective des ménages de production agricole que sont l’énergie, spécialisés réalisent 14,1 % des ventes.
depuis 1959 (issu des comptes de la Nation), se verser grâce au résultat courant avant appliqués quel que soit le lieu de production Price détaillé dans la note de bas de page
impôt (RCAI), nous avons décoté le RCAI des et de collecte en France. En effet, après précédente. les engrais et l’alimentation animale) est 72 « Saveur de nos régions » (avec au moins
2021 passé de 101,8 à 142,6, en prenant comme
cotisations sociales patronales et l’avons collecte, le lait est destiné à être transformé 34 IDELE, Marchés mondiaux des produits 6 références de fromages AOP) ou « Lait de
5 On parle de bénéfices nets une fois comparé à un SMIC net après prise en compte en une grande variété de produits laitiers, et base 100 janvier 2015. Cela équivaut à une ch’nord » de Lidl.
soustraits du chiffre d’affaires tous les coûts laitiers : des échanges contractés, 2023, p.7-8. augmentation de 40,1 % entre janvier 2020
du nombre d’heures de travail effectif des peut donc être standardisé en composition. 73 https://www.quechoisir.org/action-ufc-que-
liés à l’achat de matières premières, à la éleveurs laitiers par comparaison avec la La FNPL a d’ailleurs mis en place une « 35 Il s’agit d’une estimation conservatrice car les et janvier 2023. Source : Agreste. (2023).
rémunération des salariés, à l’amortissement professionnels du secteur n’ont pas donné les Coûts de production. En janvier 2023, le prix choisir-fruits-et-legumes-bio-les-sur-marges-
référence de 35 heures hebdomadaires charte des bonnes pratiques », pour aider de-la-grande-distribution-n45900/
des investissements productifs, au paiement « les éleveurs à progresser et améliorer la chiffres de vente annuels pour les produits des intrants est stable, à un niveau élevé.
des frais financiers et des impôts. La 13 Agreste (2022). Bovins. suivants : caséines, laits concentrés non 74 Cf. les données sur le marché de la
qualité de leur lait ». En 2013, près de 95 % 57 OFPM, rapport 2022.
méthodologie de ces calculs se trouve dans 14 Date retenue pour débuter l’analyse en raison des éleveurs laitiers y adhéraient. Des critères sucrés, lactose et lactoprotéines, voir CNIEL, bio publiées en 2019 dans la revue
le rapport de recherche. de la disponibilité et robustesse des données L’économie laitière en chiffres, édition 2022, 58 Fondation pour la Nature et l’Homme (2023). professionnelle Linéaires
supplémentaires peuvent être exigés par Elevage bovin, comment sortir de l’impasse ?
6 On parle ici de Leclerc, Carrefour, Les accessibles. certains cahiers des charges, par exemple p.54. 75 FranceAgriMer, op. cit., 2019, p. 39.
Préserver la planète et les éleveurs : l’urgence
RÉFÉRENCES

Mousquetaires Intermarché, Système U, 15 La Croix (2016). « Dix-huit mois de crise du dans le cas d’AOP. Source : CNIEL, La qualité : 36 BASIC d’après les données du projet « d’une feuille de route de la fourche à la 76 https://agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-
Auchan, Lidl, Casino, Aldi. Ces huit enseignes secteur laitier français » au coeur de la filière laitière. Réf Flux » mené avec les instituts techniques, fourchette. web/download/publication/publie/
détiennent 98,8 % du marché. Source : 16 Assemblée Nationale (2022). Rapport 26 Affiche pédagogique 2023 IraLai23111/2023_111inforaplait.pdf
d’après les données de Daumas (2006), 59 Selon des calculs du Basic réalisés à partir de
d’information sur l’évaluation de la loi 27 CREDOC, Contrat d’étude prospective 37 Proportion des achats en valeur (en euros). données RICA 77 https://www.autoritedelaconcurrence.fr/fr/
Conseil de la Concurrence (1997) et LSA n°2018-938 du 30 octobre 2018. FranceAgriMer, La consommation des
(2023) commerce de gros - Première phase : analyse 60 Sénat. (2022). Compétitivité de la Ferme communiques-de-presse/lautorite-de-la-
17 Données Agreste sur l’évolution du prix du économique du secteur, 1995 produits laitiers en 2021, 2022. concurrence-sanctionne-hauteur-de-1927-
7 Cette estimation a été réalisée sur le France. Rapport d’Information n° 905 (2021-
lait de vache conventionnel « sorti de ferme 28 Chatellier V., Perrot C., Beguin E., Moraine M., 38 INAO, Chiffres clés 2021 des produits laitiers 2022). millions-deuros-une
périmètre du rayon des produits laitiers en » en euros courants et constants en moyenne AOP et IGP, 2022. Notre calcul inclut les
grande distribution, ce qui exclut les ventes Veysset P., La compétitivité et l’attractivité du 61 IDELE. (2021). Conférence Grand Angle Lait 78 https://www.autoritedelaconcurrence.fr/fr/
nationale annuelle entre 1999 et 2023. secteur bovin en France, 2020, p. 236. hypermarchés et supermarchés (61,6 %), article/operations-de-visite-et-saisie-dans-
hors grandes surfaces. A noter que le chiffre le hard discount (13,8 %), les magasins de 62 Les vaches laitières qui consomment
d’affaires hors grandes surfaces représente 18 L’IPAMPA (l’indice des prix d’achat des moyens 29 LSA, Crémerie : de multiples interrogations le-secteur-de-lapprovisionnement-en-lait-
de production agricole que sont l’énergie, proximité (5,8 %) et la vente par internet majoritairement du maïs correspondent à de-vache
environ 30 % de la consommation française pour 2021, 14 janvier 2021, (4,9 %), en vis-à-vis desquels les commerces celles élevées dans des exploitations où la
de produits laitiers et correspond à la les engrais et l’alimentation animale) est 79 https://www.lsa-conso.fr/visites-et-saisies-
passé de 101,8 à 142,6, en prenant comme 30 On assiste également à une augmentation des spécialisés réalisent 14,1 % des ventes. surface fourragère principale est constituée
consommation Hors Domicile (restaurants, allégations responsables avec des mentions à plus de 50 % de maïs. Pour celles qui chez-les-industriels-du-lait,424956 + https://
cantines, vente à emporter…), les achats base 100 janvier 2015. Cela équivaut à une 39 FranceAgrimer, La consommation de produits www.autoritedelaconcurrence.fr/fr/article/
augmentation de 40,1 % entre janvier 2020 du type « origine France » (qui n’est pas un laitiers en 2021, édition 2022. en consomment de façon importante, ce
d’ingrédients laitiers des autres industries trait distinctif puisque c’est le cas de 95 % du pourcentage est fixé à 30 %. Ces chiffres operations-de-visite-et-saisie-dans-le-
agroalimentaires (pour la fabrication de et janvier 2023. Source : Agreste. (2023). 40 Il est toutefois à noter que sa marge nette secteur-de-lapprovisionnement-en-lait-de-
Coûts de production. En janvier 2023, le prix lait utilisé pour fabriquer les produits laitiers ont été fournis par l’Idele dans le cadre des
viennoiseries, pâtisseries, plats préparés, vendus aux ménages français, après prise en est inférieure au taux moyen observé sur travaux gouvernementaux sur la Stratégie vache
sauces, charcuterie, potages, etc.) et pour finir des intrants est stable, à un niveau élevé. l’ensemble des rayons frais des grandes
compte des importations), « origine grand Nationale Bas Carbone. 80 FNH (2022). Élevage bovin, comment sortir
les petits commerces et la vente directe (qui 19 Données issues d’Agreste et traitées par Le ouest » (région dont la production laitière surfaces (2,3 %) d’après le rapport de l’OFPM de l’impasse ?
Basic. de 2022. 63 https://www.agri71.fr/articles/19/05/2023/
comptent pour moins de 5 % des ventes). nationale vient majoritairement), avec des Decryptage-bovins-viande-decapitalisation- 81 Proposition issue de l’European Milk Board,
8 On parle ici des entreprises agroalimentaires 20 Il en est ainsi de la campagne de publicité photos d’éleveuses ou d’éleveurs, et pour 41 Nozieres et al., op. cit., 2018, p. 72. de-quoi-es-tu-le-nom-91811/ détaillée dans une synthèse intitulée
réalisant 96,9 % des bénéfices nets du très connue intitulée « les produits laitiers, certaines marques des engagements sur 42 FranceAgriMer, op. cit., 2021, p. 8. «Programme de Responsabilisation face au
nos amis pour la vie », lancée dès 1981. 64 Basic, WWF, Greenpeace. (2021). Étude de
secteur, c’est-à-dire la catégorie « grandes le pâturage ou sur une meilleure prise en 43 Les Echos : Yaourts : Yoplait repasse sous démarches de durabilité dans le domaine Marché».
entreprises et entreprises de taille En 2018, selon Santé Publique France, les considération des producteurs. La solidité
produits laitiers sont la première catégorie pavillon français alimentaire. 82 IDELE, dossier annuel Bovin lait, février 2023.
intermédiaire » de l’Insee, qui exclut les et pertinence de ces allégations varie d’un
PME et microentreprises. Au sein de cette de produits alimentaires promus par la produit et d’une marque à l’autre. 44 CGAAER, op. cit., 2016, p. 33. 65 IDELE. (2021). Conférence Grand Angle Lait 83 FranceAgriMer, Les mutations de la
catégorie, les différents experts avec lesquels publicité, et représentent 16 % des dépenses 45 Rastoin, J-L . Une brève histoire économique 66 INAO, Chiffres clés 2021 des produits laitiers transformation laitière française de 2010
31 Une illustration de ce phénomène est fournie à 2019. Analyse croisée des dynamiques
nous nous sommes entretenus assurent que publicitaires tous canaux. Certaines dépenses par les données internes de Franprix datant de l’industrie alimentaire, Économie Rurale, AOP et IGP, 2022, p. 7.
les grandes entreprises représentent environ font l’objet de soutiens publics de l’Union 2000 régionales et des évolutions par famille de
de septembre 2017 et qui ont été rendues 67 Calculs BASIC sur base de FranceAgriMer produits, 2021.
80 % de ces bénéfices. Pour calculer ces Européenne pour plusieurs millions d’euros, à publiques par le journal Le Parisien. Elles 46 LSA, Crémerie : les fabricants de MDD (2023), INAO (2022), Agence Bio (2022).
bénéfices, un coefficient a été utilisé pour l’image de la prochaine campagne, soutenue ont permis de comparer la marge brute que retrouvent des couleurs, 26 juin 2019. 84 2,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires pour
ne prendre en compte que les résultats liés à 80 %, qui sera lancée début 2024. 68 IDELE, Conférence Grand Angle, 2021 la branche lait sur les 4 branches, en 2020
réalise l’enseigne sur les produits de marque 47 Rastoin, J-L . et Bouquery, J-M. (coord.), Les
à l’activité laitière, c’est à dire à l’exclusion 21 Nozières-Petir et al. (2018). Transformations Président (commercialisés par Lactalis) et 69 12,2 % du lait collecté en France en 2019 a d’après LSA, Résultats financiers : en 2020,
des autres produits agroalimentaires que Industries Agroalimentaires en France, La été utilisé pour la fabrication des bouteilles Agrial a tenu bon, 12 avril 2021,
des filières françaises de produits carnés et les produits équivalents vendus en MDD Documentation Française, Paris, 2015
ces entreprises commercialisent également laitiers : la place des éleveurs en question. Leader Price. Dans le cas de la plaquette de de lait conditionnées cette année-là. Source : 85 Savencia (anciennement Bongrain) détient
(à l’image d’Agrial, Danone ou Laita). Plus de INRA Prod. Anim., 31, p76. beurre, les 2 produits étaient vendus à un 48 CGAAER et al., op. cit., p. 45 BASIC d’après les données du projet « Réf 51 % des parts de Terra Lecta, dont le premier
détails sur la méthodologie dans le rapport prix similaire (environ 1,85 €/kg), l’enseigne 49 CGAAER et al., op. cit., p. 47. Flux » mené avec les instituts techniques métier est la collecte de lait, repris en 2013,
22 Cette nouvelle réglementation a transféré agricoles, 2023.
de recherche. aux opérateurs la responsabilité juridique (Franprix) réalisant une marge brute deux 50 Idele. (2022). Observatoire de l’endettement voir FranceAgriMer, ibid, 2021, p. 7.
9 On parle ici de la catégorie « éleveurs de la qualité sanitaire des produits, ce qui fois plus importante sur la MDD Leader Price et des trésoreries des élevages bovins lait et 70 Selon les chiffres de FranceAgriMer, 91 % 86 Yoplait est détenu à 100 % par Sodiaal depuis
spécialisés bovins lait » du Recensement a entraîné une recomposition des filières que pour le beurre Président (0,57 €/kg viande - été 2021. des produits laitiers bio sont vendus en fin 2021, mais était auparavant détenu à
agricole, soit la majorité des éleveurs laitiers, laitières pour supporter les importants coûts contre 0,28 €/Kg). Dans le cas du camembert circuit généraliste. Comme FranceAgriMer ne 49 % par Sodiaal et à 51 % par le groupe
51 I4CE. (2023). Transition de l’élevage : Gérer donne pas le détail bio/conventionnel pour
faute de pouvoir avoir des données fiables de mise aux normes. Président, best-seller de la catégorie, le les investissements passés et repenser ceux américain General Mills selon FranceAgriMer,
pour les agriculteurs qui ont une autre distributeur a presque totalement renoncé à la catégorie des fromages, nous formulons op. cit., 2021, p. 8.
23 La définition officielle de ce que sont à venir. l’hypothèse que la catégorie du fromage
activité en parallèle. sa marge brute (0,07 €/kg) car ce produit est
Reconnue d’utilité publique, apartisane et non-confessionnelle, la
Fondation pour la Nature et l’Homme œuvre depuis 1990 pour que
les solutions écologiques deviennent la norme de nos vies, sans
laisser personne de côté. En plaçant l’humain au cœur de ses actions,
elle lève les blocages économiques, politiques, psychologiques
et sociaux qui entravent cet horizon, seul choix d’avenir.
Pour y parvenir, la Fondation démontre qu’agir pour le climat et la
biodiversité est dans l’intérêt de tous. Avec son conseil scientifique et
ses partenaires, elle propose à celles et ceux qui ont le pouvoir d’agir,
des décideurs politiques aux acteurs économiques en passant par les
citoyens, des solutions qui concilient les impératifs de la planète et les
besoins humains. L’exigence dans l’action, la co-construction, la solidarité
et le dialogue avec tous sont les fondamentaux de sa méthode.

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