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Ocytocine mon amour

Marcel Hibert
Éditions humenSciences
2021
Marcel Hibert : chimiste pharmacologue. À commencé professeur et directeur du Laboratoire
d’innovation thérapeutique à la faculté de pharmacie de Strasbourg.
1991 : publie les premières représentations tridimensionnelles détaillées d’une classe importante de
protéines, les récepteurs couplés aux protéines G (RCPG) . Recherche et trouve comment les
hormones peuvent se fixer sur leur cible. Modélise ces fameux récepteurs RCPG
Puis recherche de l’ocytocine à l’amour, et de l’amour à l’autisme.

1- L’Ocytocine est au cœur du vivant.

C’est rare et unique pour un neurotransmetteur ou une hormone de réguler autant de


processus biologiques.

L’ocytocine, après cinquante ans de confinement à ses effets utérotonique et galactogène, devient
successivement, sous les feux de la vulgarisation, hormone de l’amour, hormone de la confiance
et hormone de l’orgasme.
Son action est beaucoup plus subtile et diverse que cela, en s’étendant à 4 grandes fonctions :
• la reproduction

• l’attachement mutuel enfant-parents

• l’attachement au groupe social

• l’attachement affectif et amoureux entre deux individus.

L’auteur différencie les trois formes distinctes d’amour – Éros, Philia et Agapé – en
supposant qu’elles étaient sous-tendues par des mécanismes moléculaires différents et
découvre que l’ocytocine se retrouve finalement derrière chacune d’elles.

• Pour Éros, l’ocytocine est source de plaisir, de manque et de désir, de la naissance jusqu’à la
relation amoureuse et sexuelle.
• pour Philia, l’ocytocine module l’amour parental, l’empathie, l’attachement au groupe
social
• pour Agapé, elle stimule l’altruisme et la générosité.

Bien au-delà de la nécessité amoureuse l’ocytocine garantit la survie de l’espèce


L’ocytocine est nécessaire pour

• accoucher
• protéger le bébé de la douleur et de l’hypoxie lors de l’accouchement (puissant anti-
inflammatoire)
• nourrir l’enfant dans le plaisir
• construire son microbiote (participe à la construction de l’axe intestins-cerveau, régule la
colonisation microbienne et en limitant là encore les processus inflammatoires. Elle
contribue également à la communication entre microbiote et cerveau et à ses conséquences
sur le comportement social)
• catalyser le comportement parental et l’affiliation
• mettre en place des mécanismes de défense et de réconfort du nouveau-né
• mais aussi réduire l’anxiété et les épisodes dépressifs de la mère pour qu’elle assume son
rôle favoriser l’affiliation et l’éducation de l’enfant, lui permettre l’intégration dans son
groupe social
• défendre le groupe contre toute agression extérieure
• associer dans l’esprit de chacun plaisir et désir
• focaliser son désir et son attachement sur un individu et lui donner l’envie et les moyens de
se reproduire dans le plaisir.

Fonctions de l’ocytocine, au service de la survie de l’espèce


Ce rôle privilégié accordé par l’évolution à notre hormone est conforté par deux observations.

1- l’ocytocine est présente dans toutes les espèces animales connues, depuis la nuit des temps, et
l’évolution n’y a pas touché.
A priori son précurseur était déjà présent il y a 700 millions d’années.
- Elle serait issue d’un gène commun avec la vasopressine, présent dans des espèces
animales extrêmement primitives.
- Elle a atteint sa forme actuelle chez les mammifères il y a environ 100 millions d’années.
- L’évolution génétique et fonctionnelle de notre hormone à travers de multiples espèces a
été récemment passée en revue. Son rôle a été étudié chez de très nombreuses espèces et elle est
toujours associée à des processus de régulation vitaux majeurs tels que la reproduction,
l’alimentation ou l’équilibre hydrique. Il semble que l’évolution ait étendu le spectre de ses
fonctions vitales selon les nécessités de survie de telle ou telle espèce.
2- Unicité du récepteur de l’ocytocine aussi ancien que l’ocytocine elle-même.
- L’évolution a généralement introduit de la complexité et de la diversité en laissant
apparaître différents sous-types de récepteurs pour un neurotransmetteur donné. Il est donc
étonnant et singulier que l’évolution n’ait autorisé qu’un seul type de récepteur pour
l’ocytocine. Une des explications serait que ce récepteur est tellement important pour des
fonctions nécessaires à la survie de toute espèce qu’aucune mutation n’est autorisée, sous
peine de rupture fonctionnelle et létale.

- Si le récepteur lui-même reste intouchable, le lieu, le moment et l’intensité de son


expression peuvent cependant être des facteurs de modulation alternatifs, et donc d’exploration
de la diversité par le biais de la génétique et de l’épigénétique.

- Le jeu de roulette de la génétique nous fait naître avec certaines caractéristiques et


prédispositions qui conditionneront en partie notre existence. Des études montrent l’association
entre quelques variants du gène du récepteur de l’ocytocine et divers comportements, ou
différentes fonctions. Ces mutations ne se trouvent pas sur la partie codant pour la séquence du
récepteur, mais plutôt en amont, sur le promoteur. L’allèle A du variant rs53576 est associé à des
comportements maternels et sociaux détériorés alors que l’allèle G induirait un meilleur
comportement social, un décryptage des émotions plus efficace, une estime de soi accrue. En
revanche, une prédisposition à la dépression a été observée chez les hommes porteurs du
variant GG. La combinaison GG ne serait donc pas toujours gagnante comparé aux combinaisons
AA ou AG et d’autres études devront être menées pour valider ces conclusions, d’autant que
l’épigénétique peut venir compliquer les choses.

- L’épigénétique est un phénomène qui ajoute de la diversité et de la complexité sur notre


patrimoine génétique initial. Elle consiste notamment en la méthylation de l’ADN, c’est-à-dire
une modification chimique naturelle qui ajoute un atome de carbone et trois atomes d’hydrogène
(un groupe « méthyl ») sur une base cytosine de l’ADN, ce qui permet à l’organisme de réguler
l’expression d’un gène. C’est ce qui se passe sur une partie du récepteur humain de
l’ocytocine, le promoteur nommé MT2. Les méthylations de ce site conduisent à une diminution de
l’expression du gène du récepteur, permettant ainsi une régulation fine des fonctions associées. Un
lien entre différents types de méthylation du gène OTR a ainsi pu être proposé avec l’autisme,
les psychopathies, l’anorexie, la dépression post-partum, la réaction à la colère et à la peur.
Indépendamment de notre patrimoine génétique initial, les modifications
épigénétiques du gène du récepteur de l’ocytocine peuvent venir moduler
nos comportements sociaux sous la pression de l’environnement et de
l’histoire.
L’ocytocine permet de repérer et de réguler toutes les saillances du comportement social, en
tirant toujours positivement vers le haut pour rétablir un équilibre ou pour donner un
avantage compétitif à l’individu, à son groupe, à l’espèce, à la vie.
Elle n’est évidemment pas seule dans cette tâche, mais là où la plupart des autres
neuromessagers assurent leur fonction spécifique, elle apparaît comme le grand
régulateur de nos émotions.
Plus que la flèche de Cupidon, ce serait la baguette du chef d’orchestre, au service du
vivant.

2- Trois formes d’amour (souffrance vs bonheur)

- Éros : l’amour passion, l’amour romantique, l’amour inconditionnel pour un


homme ou une femme avec qui on souhaite fusionner et partager sa vie.

Aristophane : sentiment profond de vouloir « se réunir et se fondre avec l’Objet aimé et ne plus
faire qu’un au lieu de deux », retrouver sa moitié en quelque sorte pour trouver la plénitude.
Platon est quant à lui remonté plus à la source en faisant dire à son Socrate que « l’amour [Éros] est
désir et le désir est manque ». Il y aurait ainsi au cœur de chaque individu un manque
originel, la certitude d’une incomplétude et donc le désir de la combler.

Résumé par Comte-Sponville, Éros serait « l’amour qui ne désire que ce qu’il n’a pas et qu’il
veut posséder [...]. Le manque est son essence, la passion amoureuse son sommet ». Un amour
terriblement égoïste en somme, intéressé.

l’acception générale, Éros est désir et le désir est manque.

Il n’y a pas d’Éros heureux, puisqu’il n’existe que par le manque.


Dès que ce manque est comblé, le désir s’érode et Éros disparaît.

Comprendre d’où vient ce manque.


Philia amour filial indéfectible et inaltérable, amour maternel et filial inconditionnel,
l’amitié, attachement indéfectible, insensible au temps et aux vicissitudes) se définit de manière
beaucoup plus positive
André Comte-Sponville : « L’amour [Philia] est une joie qu’accompagne l’idée de sa cause
extérieure, [écrit Spinoza ] ».

« l’amour qui a tout ce qu’il désire puisqu’il ne désire que ce qui est, en jouit et
s’en réjouit ».

Pas un manque, mais au contraire du plaisir procuré par une réalité objective dont on ne peut
être privé que par la disparition, le départ ou la mort des enfants ou des amis, la bouteille de
sancerre vide. Et encore, il est probable que Philia résistera à la disparition.
Philia se conjugue et se vit à tous les temps, dans la joie.

Comte-Sponville, « pour Éros, dire “je t’aime”, c’est demander. Pour Philia, dire “j’aime” ou “je
t’aime”, c’est remercier »

Il n’existe pas de Philia malheureux, puisqu’il se réjouit de ce qui est et qui le met en
joie.

Au passage on en tirera donc la conclusion peut-être simpliste qu’un amour passion ne peut
survivre au temps que si Éros se mue en Philia, avec travail, tendresse et élégance.

Agapé : amour plutôt rare défini comme la charité, l’amour universel de son prochain.
« L’amour transfiguré en vertu », relève le philosophe André Comte-Sponville chez Jankélévitch,
cette charité qui « excuse tout, croit tout, supporte tout », aurait écrit Paul. Comte-Sponville
vient encore une fois à notre secours en décryptant Agapé comme « une compassion libérée de la
souffrance, une amitié libérée de l’ego ». Au quotidien, Agapé se loge sans doute au plus près de
nous dans la constellation d’actions citoyennes, solidaires et généreuses, qui tentent de donner aux
individus en souffrance un peu d’amour de proximité, sans tomber dans l’illusion d’un amour
universel qui sauverait le monde.
L’auteur se méfie car le trouve Ambivalent et ambigu

3- L’origine du manque (manque originel)

Psychanalyse Intuition de Freud :


- plaisir primal, inégalable et addictif, associé aux premières fonctions vitales de l’être humain
(boire, manger, uriner, déféquer, se réchauffer, se rassurer) ;
- l’état de manque profond résulte du sevrage à certains de ces plaisirs ;
- désir conscient ou inconscient de combler ce manque comme moteur de l’existence. On y mettra
aussi un peu d’ocytocine, ou plutôt l’ocytocine y mettra du sien.

Plaisir et dépendance : mécanisme chimique

Principe général du vivant, le mécanisme de plaisir-aversion = mécanisme rudimentaire mais


efficace de sélection naturelle, qui permettrait à l’enfant de se construire en allant vers ce qui lui est
bénéfique et en évitant ce qui lui serait nocif.
Circuits neuronaux responsables du plaisir, de l’aversion et de cet équilibre plaisir-aversion :
impliquent plusieurs neurotransmetteurs dont la dopamine, les endorphines et les enképhalines,
dans diverses zones du cerveau.
- Endorphines et enképhalines seraient responsables du plaisir en tant que tel,
- dopamine aurait plutôt une action incitatrice à aller vers ce plaisir. Elle serait l’instrument
de la récompense, la source du manque et le moteur du désir.
- Deux autres neurotransmetteurs, le GABA et le glutamate, maintiennent l’équilibre entre les
signaux qui inhibent ou qui excitent les neurones, et semblent essentiels pour contrôler la
motivation à « faire » ou « éviter » .
Le dérèglement de ces équilibres par des substances exogènes peut induire une forte addiction.
L’administration répétée de drogues telles que l’alcool, la nicotine ou les dérivés d’opium provoque
à terme une tolérance et une dépendance physique. La tolérance est le phénomène par lequel il
faut sans cesse augmenter la dose de drogue pour obtenir le même effet. La dépendance
s’installe et se manifeste par de violents symptômes de manque lorsqu’on suspend l’absorption de
drogue. Ces effets sont principalement l’œuvre de la dopamine, en réponse à certains stimuli de
plaisir.

Ocytocine : n’induit apparemment pas elle-même de plaisir mais est vecteur du plaisir :
associe un acte bénéfique pour l’individu et l’espèce à un ressenti de plaisir.
- régule les circuits neuronaux de la récompense selon les deux axes désir et plaisir, associés
respectivement à la dopamine et aux opiacés. Cet axe « plaisir » pourrait être directement
impliqué dans l’affiliation, dans « l’amour maternel », mais aussi dans l’attachement social.
- La recherche du plaisir serait un des moteurs de l’existence, l’aversion à la douleur serait son
contrepoids. Les premiers plaisirs sont ressentis dès la naissance et les premiers jours de la vie.
Le cocktail de stimuli provoque des bouffées de plaisir qui se gravent alors dans les circuits de
son cerveau et encouragent le nouveau-né puis l’enfant, et enfin l’adulte, consciemment ou
inconsciemment, à recommencer ces expériences hédonistes, sous la pression dopaminergique
et platonicienne du manque et du désir.

Passion amoureuse

Difficile d’échapper à cette folie et à cet aveuglement .

S’il y a désir de l’autre, c’est qu’il y a manque, nous disent Platon et... le bon sens. S’il y a
manque, c’est que l’on a déjà auparavant goûté, réellement ou virtuellement, consciemment ou
inconsciemment, à un plaisir addictif interrompu, avec un sevrage opportunément imparfait.
La dopamine nous a rendus « accros » aux bonnes choses des premiers instants de l’existence.
L’ocytocine a fait le lien entre ces choses et le plaisir.
Nous sommes probablement physiquement, psychiquement et biologiquement « accros » aux
stimuli de la première enfance.
Le sevrage a générer en nous un manque douloureux, mais le cocktail addictif ocytocine-
endorphine-dopamine nous était inconnu.
On peut envisager que, bien plus tard, en avançant en âge, le fait de croiser l’un ou l’autre de ces
stimuli réveille en nous, inconsciemment, l’envie de retrouver ces plaisirs premiers, engendrant
donc le manque et le désir. Ainsi, une personne ayant la voix, le parfum, des traits physiques
évoquant ceux du père ou de la mère pourrait devenir l’obscur objet de notre désir.

3- L’ocytocine et bonheur
Affiliation, attachement : les taux d’ocytocine produits pendant et après la grossesse, chez le
père, la mère et l’enfant, ainsi que certaines variations génétiques de son récepteur, ont un impact
sur l’attachement parental et sur le futur développement personnel et social de l’enfant.
il semble démontré que la qualité de l’attention donnée à l’enfant conduit à une meilleure
adaptation au monde adulte et à des relations plus stables dans le couple .
L’ocytocine, en diminuant l’état anxieux et dépressif de la mère (dépression post-partum),
favoriserait son comportement maternel et l’éducation comportementale de l’enfant,
bénéfique à son développement cognitif et socio-émotionnel.
Le contact peau à peau diminue la durée et la gravité des épisodes dépressifs. Il est très
vraisemblable que l’ocytocine, déjà présente durant la grossesse, mais surproduite lors de ces
contacts, contribue à cet effet antidépresseur.

Le développement du lien mère-enfant est un processus psychobiologique dans lequel


l’ocytocine intensifie la sensibilité mutuelle de l’un pour l’autre.

L’empathie : Pouvoir se mettre à la place d’autrui pour comprendre ses idées, ses émotions et ses
sentiments pour rendre possibles, intelligentes et pacifiées les interactions sociales.

À ne pas confondre avec sympathie ou altruisme et ne se limite ni à un ressenti de sentiments


positifs ni à une sollicitude.

Empathie = décrypter l’autre, autant que possible, pour adapter son propre comportement.
Rôle attribué à l’ocytocine pour ce comportement social essentiel.

l’ocytocine améliore l’empathie émotionnelle, en réponse à des stimuli positifs ou négatifs.


le polymorphisme du récepteur de l’ocytocine est clairement associé à l’empathie : les porteurs de
l’allèle GG du variant rs53576 montrent une meilleure compétence émotionnelle et sociale que
les porteurs de génotypes AA ou AG : plus grande empathie, un comportement plus extraverti
et sont moins sujets à la solitude sociale. L’empathie et une plus grande réceptivité à des stimuli
sociaux ont été confirmées pour ce variant GG.

L’ocytocine module et augmente l’empathie (favorise le ressenti des émotions d’autrui) et


nous encourage dans une certaine mesure à faire confiance à notre frère humain, ou du moins
à ne pas craindre sa trahison.
l’ocytocine augmentait le niveau d’empathie vis-à-vis de membres du groupe adverse,
probablement en restaurant la compréhension que ses membres « ennemis » pouvaient avoir des
émotions humaines complexes, identiques à celles du groupe auquel on appartient.

l’hormone apaise généralement l’agressivité sauf en situation de compétition ou de mise en danger


de son groupe d’affiliés. l’ocytocine n’induit pas systématiquement de l’empathie, de
l’altruisme, de la générosité, de l’amour. Elle peut aussi induire une réactivité exacerbée en
réponse à une agression (l’agression non réactive envers les autres ne relèverait pas de l’ocytocine)

Anxiété (généralisée, post-traumatique, sociale) : lien fort entre ocytocine et anxiété, et un rôle
bénéfique de l’ocytocine, y compris dans une perspective thérapeutique.

L’homme est un animal social :

L’ocytocine agit sur les interactions sociales et plus particulièrement la reconnaissance et la


mémoire sociale. Ce sont des éléments essentiels à la vie en communauté. Savoir reconnaître si
l’animal ou la personne que l’on croise est un ami, un ennemi ou un élément neutre déterminera
le comportement. Il faut apprendre les signes indicateurs et s’en souvenir pour pouvoir
s’adapter, vivre et survivre dans un environnement donné.
Chez les animaux, ces relations se construisent principalement par l’odorat, alors que chez
l’humain, la vision et la parole ont pris le dessus.

l’ocytocine renforce l’attention au regard de l’autre, augmente la capacité à décrypter des


émotions sur un visage et favorise l’apprentissage et la mémoire sociale.

IL N’Y A PAS DE MAL À SE FAIRE DU BIEN

En attendant que l’ocytocine devienne un médicament officiellement labellisé pour les


pathologies émotionnelles et psychiques (cela n’arrivera pas, je vais vous expliquer pourquoi), il
existe plusieurs techniques plus ou moins validées et efficaces pour stimuler la production de sa
propre ocytocine, et contribuer ainsi à son bien-être et à sa santé physique et mentale. En gros, il
suffit de se faire plaisir ou que l’on vous donne du plaisir.

- toutes les preuves d’amour peuvent faire grimper votre ocytocine : un sourire amical, une
caresse, le massage, un baiser, faire l’amour,l’orgasme.
- si vous n’avez pas de compagne ou de compagnon adéquat sous la main, il existe quelques autres
techniques, moins efficaces, mais plus accessibles : dans le domaine du sexe, l’onanisme (effet 1/2
heure), la course à pied, la pratique des arts martiaux, la méditation, chanter serait bon pour le
moral et la santé (Les taux d’ocytocine augmentent chez des chanteurs après une séance
d’improvisation, alors qu’ils ne changent pas lors de l’interprétation d’un morceau imposé. La
gestion de l’interaction ou le plaisir éprouvé à cette création commune semblent donc plus faire
appel à l’ocytocine que le fait de chanter. La concentration en ocytocine augmente également lors
d’une leçon de chant, chez des amateurs comme chez des professionnels . Enfin, cet effet est
observé après une session de chant collectif alors qu’il ne l’est pas lors d’une simple session de
parole, montrant ainsi une action de synchronisation empathique supérieure dans le premier cas),
danser (la synchronisation était significativement améliorée chez les preneurs d’ocytocine, ce
qu’elle interprète comme une forme d’empathie kinesthésique, donc liée à la perception des
mouvements et déplacements de l’autre.), les taux d’ocytocine augmentent et le rythme cardiaque
diminue lors de l’écoute des tempos lents, et de la relaxation, alors que le cortisol et le rythme
cardiaque augmentent avec les tempos rapides et l’excitation.
- Se tourner vers Dieu ou toute forme de spiritualité (affirmation personnelle de soi en relation avec
un pouvoir supérieur ou le sacré, la croyance en une vie pleine de sens, imprégnée d’un sentiment
de connexion avec une puissance supérieure, partagé avec une large communauté humaine.) :
l’ocytocine augmente le niveau de spiritualité.
- Se tourner vers les animaux : les interactions tactiles entre l’Homme et le chien font monter
l’ocytocine chez les deux. Par ailleurs, plus encore que la caresse, l’interaction sociale initiée par le
regard du chien augmente les taux d’ocytocine mesurés dans les urines de son maître. Le regard du
chien provoque une augmentation d’ocytocine dans les urines du maître, ce qui induit son
comportement affectueux et provoque en retour l’augmentation d’ocytocine chez le chien. Cet effet
n’existe pas avec le loup, son ancêtre non domestiqué. Par ailleurs, l’administration nasale
d’ocytocine au chien augmente sa stimulation du maître par le regard, ce qui induit une montée
d’ocytocine chez le maître. Ces résultats vont dans le sens d’une boucle d’interaction positive entre
ces deux espèces, l’humain et le chien, résultant de l’évolution et autorisant la domestication, au
bénéfice des deux, mais au prix de la liberté du canidé.

Par voies thérapeutiques (de la panacée naturelle aux médicaments)

Des variations des taux d’ocytocine ou de la structure des gènes de son récepteur pouvaient
être associées à la douleur, l’anxiété, la dépression, aux troubles de l’interaction sociale, à la
capacité à vivre en couple.
L’ocytocine module l’empathie, la confiance, la générosité, la coopération et la communication
sociale, entre autres. Il était donc tentant d’étudier un potentiel effet bénéfique chez des
patients.
De très nombreuses études cliniques sont en cours à ce jour pour tester ces hypothèses. Leurs
résultats sont mitigés, voire contradictoires.
Certains résultats sont cependant très encourageants, ce qui suggère que l’ocytocine ou un agoniste
pourront être utilisés pour certaines pathologies, à condition de bien définir le profil des patients
éligibles et les modalités du traitement. Il est vraisemblable également que l’ocytocine ne traitera
pas la totalité des symptômes d’une maladie donnée, mais plutôt qu’elle améliorera des symptômes
communs à plusieurs pathologies.
175 L’ocytocine est désormais employée de façon raisonnable en obstétrique, avec la prise de
conscience des gynécologues et sages-femmes qu’un usage abusif pourrait avoir des conséquences
neurodéveloppementales sur l’enfant.
L’utilisation en milieu vétérinaire est également sous contrôle, du moins dans la plupart des
pays, en espérant que les dérives extravagantes en cours en Inde sont en voie de régulation.
L’incroyable éventail de fonctions biologiques naturellement modulées par l’ocytocine en fait une
sorte de panacée de « mère nature », qui semble intervenir positivement dans une multitude de
fonctions physiologiques, psychologiques et sociales. Cela ouvre des perspectives thérapeutiques
dans de nombreuses pathologies, notamment psychiatriques, sans traitement satisfaisant à ce
jour. Il y en a une à laquelle j’ai consacré vingt ans d’efforts avec mon équipe de recherche :
l’autisme. Un dernier point : l’ocytocine elle-même ne pourra jamais être développée comme
médicament.
Chimistes conçoivent et développent des molécules qui vont entrer en compétition avec l’ocytocine
pour aller se fixer sur son récepteur. Si elles produisent une réponse cellulaire identique à celle de
l’ocytocine, ce seront des agonistes ( molécule de synthèse, conçue et produite par un chimiste, qui
est capable de se lier à un récepteur et de lui faire produire une réponse biologique identique à celle
induite par le neurotransmetteur naturel. C’est un mime parfait de la clé naturelle.)

L’autisme
Lien entre notre hormone et cette pathologie lourde
Recherche d’agonistes de l’ocytocine pour tenter d’en faire un médicament : projet OT-isme
La définition de l’autisme est à géométrie très variable selon les époques, les équipes, les comités :
on regroupe sous ce vocable des individus aux personnalités et aux parcours de vie terriblement
divers : quelques génies (Mozart, Newton ou Einstein) ont eu la chance de pouvoir valoriser
leur spécificité.
La majorité des autres sombrent dans le repli douloureux sur soi-même et l’exclusion sociale.
On ne parle d’ailleurs plus d’autisme, mais plutôt de trouble du spectre autistique (TSA).
Dernière définition en date proposée par le comité d’experts du DSM-V (Diagnostic and Statisticale
Manual of Mental Disorders, 5 édition) : Le
TSA est l’un des troubles neurodéveloppementaux : « Les déficits persistants de la communication
et des interactions sociales observées dans des contextes variés, et le caractère restreint et répétitif
des comportements, des intérêts ou des activités. » + « déficit intellectuel, altération du langage,
pathologie médicale ou génétique connue ou facteur environnemental, autre trouble
développemental, mental ou comportemental, ou catatonie ».
1/60 naissances mais l’évolution de sa personnalité sera très dépendante de son patrimoine
génétique, de son environnement, de son éducation, de son histoire.
Un point commun à tous les autistes, une incapacité innée à décrypter et décoder les émotions et les
comportements des personnes qui les entourent.
Les nouveau-nés, quelle que soit leur origine ethnique, ont cette aptitude. Tous acquièrent
rapidement la possibilité d’interpréter des signaux tels qu’un sourire, un froncement de sourcils, une
voix qui gronde. Pas les autistes. Ils arrivent donc dans un monde dont ils n’ont pas les codes
relationnels, nécessaires à leur construction personnelle et sociale. Imaginez-vous débarquer dans
un pays étranger sans en connaître ni le langage parlé ni le langage corporel, un environnement où
vous avez tout à découvrir, sans repères. Soit vous vous concentrez sur le petit créneau que vous
comprenez et maîtrisez, soit vous jetez l’éponge dans la peur et la souffrance.
LE RÉCEPTEUR DE L’OCYTOCINE, UNE CIBLE VALIDÉE POUR SOIGNER
L’AUTISME ?
Expériences de Thomas Insel montrent que le blocage du récepteur de l’ocytocine chez le
campagnol induisait un retrait social, de très nombreuses publications sont venues consolider le lien
entre notre hormone et cette pathologie.
Les patients présentent généralement un déficit en ocytocine. Bien que les origines génétiques
de l’autisme soient très complexes et ne l’expliquent que partiellement, certaines mutations
génétiques et épigénétiques du récepteur de l’ocytocine conduisent inexorablement à un
trouble du spectre autistique. Les preuves les plus directes viennent cependant de
l’administration d’ocytocine par spray nasal à diverses populations d’autistes. L’administration
d’une dose unique d’hormone peut en partie effacer les comportements stéréotypiques, améliorer
la compréhension du discours affectif, la reconnaissance faciale et l’interaction sociale.
L’administration de doses répétées montre aussi une efficacité sur certains traits autistiques tels que
la reconnaissance des émotions , la qualité de vie, la réciprocité sociale et des tâches en lien avec le
jugement social, et les stéréotypies. À long terme, les effets bénéfiques semblent moins nets chez
les enfants que chez les adultes.
L’ocytocine, son récepteur et leurs fonctions, une cible potentielle pour la conception d’un
médicament permettant de traiter certains troubles du spectre autistique.
Les deux traitements expérimentaux les plus prometteurs, la bumétanide et la transfusion de
microbiote, sont en relation étroite avec le rôle joué par l’ocytocine au moment de la naissance.
Elle contribue en effet à l’enclenchement, à ce moment précis, de la maturation des canaux
chlore du cerveau de l’embryon et à la mise en place de son microbiote intestinal. Une
déficience en ocytocine pourrait donc être en cause dans ces deux processus

La bumétanide est un diurétique qui interagit avec le transport du chlore dans les neurones.
Ce mécanisme s’inverse à la naissance, notamment sous l’action de l’ocytocine. Cette maturation
est déficiente chez les autistes et pourrait être la cause de leur déficit d’interaction sociale. La
molécule a déjà montré des résultats encourageants sur les premiers patients qui présentent moins
de comportements stéréotypés et une meilleure interaction sociale.
- le microbiote intestinal serait également lié aux troubles du spectre autistique. La plus récente
confirme que 39 enfants atteints du TSA présentent une dysbiose, soit un déséquilibre du
microbiote intestinal. Le traitement d’autistes par une transplantation de microbiote fécal se
montre extrêmement efficace, y compris deux ans après cette greffe de selles. On connaît
maintenant l’importance de l’ocytocine sur l’établissement du microbiote du nouveau-né dès la
naissance. La contribution de cette hormone à l’efficacité d’un microbiote normalisé sur les TSA
reste à étudier.
CONCLUSION
Peut-être vous demandez-vous quelle est votre part de libre arbitre dans votre humeur du matin,
dans la joie ou l’anxiété, dans l’amour ou la colère que vous ressentez. Quel est votre taux
d’ocytocine ? Avec quels variants du gène de son récepteur êtes-vous né(e), AA ou GG ? En quoi
votre histoire les a-t-elle modifiés ? Avec moi, je vous invite à hurler : au diable la chimie et la
génétique !
La science n’est finalement venue que confirmer ce que vous saviez déjà. La vie sans la joie, le
plaisir et l’amour n’a pas grand sens et vous savez quoi faire pour ça.

Oubliez le spray nasal et faites monter l’ocytocine qui est en vous, celle de vos enfants, de vos amis,
de vos amours, de vos frères et sœurs humains, de votre chien. Un sourire, de l’empathie, quelques
mots, des regards, de la tendresse, des câlins... aimer, rire, boire et danser. Quoi d’autre ?!

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