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Association Technique de l’Industrie des Liants Hydrauliques

Sous la direction de Jean-Pierre OLLIVIER et Angélique VICHOT

LA
DURABILITÉ
DES
BÉTONS

Bases scientifiques pour la formulation


de bétons durables dans leur environnement

Sommaire Quitter
Avant-propos

Les ouvrages en béton sont conçus et construits pour durer. Pour combien de
temps? Il est difficile de répondre à cette question, même si l’Eurocode 0 précise
des « durées d’utilisation de projet », appelées couramment dans ce livre « durées
de vie », pour différentes catégories d’ouvrages.
Désormais, les ouvrages sont donc dimensionnés pour une durée de vie explicite-
ment prescrite tout en prenant en compte l’environnement dans lequel ils se trou-
vent. Certains pour des durées de vie exceptionnelles comme c’est le cas du tunnel
sous la Manche (120 ans), du pont sur le Tage (120 ans), du viaduc de Millau
(120 ans). Pour respecter de telles prescriptions, le calculateur doit disposer de rè-
gles de dimensionnement basées sur la connaissance des modes de dégradations
du béton (et du béton armé ou précontraint) et sur des modèles prédictifs des dé-
gradations. L’ingénieur matériau doit, lui, apporter des solutions permettant aux
ouvrages de mieux résister aux agressions de l’environnement. La garantie d’une
durée de vie satisfaisante doit être trouvée en associant des matériaux adaptés à
l’environnement, des méthodes de mises en œuvre et de cure soignées, des outils
de calculs prenant en compte les dégradations possibles des ouvrages tout en
maintenant une bonne sécurité.
Si, au-delà de la durée de vie indiquée dans l’Eurocode, l’ouvrage est encore utile
dans des conditions de sécurité acceptables pour les usagers, il continuera à servir,
moyennant toujours un entretien et une maintenance régulière.
En 1992, paraissait aux Presses des Ponts et Chaussées La durabilité des bétons.
Quinze ans plus tard, la rédaction d’un nouveau livre est apparue nécessaire au vu
des connaissances nouvelles ainsi que des fortes évolutions normatives. Ce nou-
veau livre fait toutefois quelques emprunts à la première version, et nous tenons
à remercier ses auteurs qui ont préparé la fondation solide sur laquelle nous nous
sommes appuyés.
Dans le nouveau contexte normatif, le calcul d’un ouvrage en béton doit être pré-
cédé d’une analyse sur les actions dues à l’environnement. Ces actions, réparties
en classes d’exposition, déterminent des valeurs limites applicables à la composi-
tion du béton mais aussi une classe de résistance minimale du béton (norme NF
EN 206-1) et une épaisseur minimale de l’enrobage des armatures (NF EN 1992,
Eurocode 2). À côté de cette approche prescriptive de la durabilité, une approche

5
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

performantielle est autorisée par la norme NF EN 206-1. Elle consiste à appréhen-


der la durabilité des bétons en considérant aussi certaines caractéristiques ou pro-
priétés du matériau dont on sait qu’elles présentent un intérêt pour prévoir son
évolution lorsqu’il est exposé à des conditions environnementales données. La
mise en œuvre de cette approche va de pair avec la définition de grandeurs, appe-
lées indicateurs de durabilité et avec le développement de modèles prédictifs du
comportement des bétons dans différents environnements. L’utilisation de métho-
des performantielles est enfin facilitée par une meilleure maîtrise de la mesure des
indicateurs de durabilité. L’adoption de méthodes de mesure unifiées facilite en
outre les échanges de données entre laboratoires et autorise la conduite de recher-
ches coordonnées qui permettent de mieux comprendre les phénomènes de dégra-
dation et de développer ainsi des modèles prédictifs plus performants.
Le chapitre premier de ce livre présente le positionnement des bétons vis-à-vis du
développement durable. En effet, la durabilité d’un ouvrage en est un des points
clés, car plus elle est importante plus l’impact environnemental global diminue.
Le livre est ensuite organisé en deux parties. Dans la première partie, les bases
scientifiques pour la formulation de bétons durables sont présentées. Le béton est
un matériau résistant mais poreux. Sa stabilité dans le temps dépend des réactions
chimiques qui peuvent se produire avec le milieu environnant. Deux chapitres (2
et 4) de cette première partie traitent plus particulièrement de ce thème. Il y est
question de l’hydratation du ciment Portland, constituant de base de la plupart des
bétons de structure, de la stabilité des produits d’hydratation dans différents mi-
lieux et des outils de modélisation pour décrire l’évolution de la composition chi-
mique du matériau dans un environnement donné. La résistance du béton aux
agressions extérieures peut être fortement améliorée en réalisant des matériaux
compacts qui s’opposent durablement à la pénétration des agents agressifs. Dans
le chapitre 3 la formation de la structure poreuse et les transferts de matière à tra-
vers le béton sont présentés. La façon de concevoir des matériaux qui s’opposent
à la pénétration des fluides y est décrite et la nécessité de réaliser une cure soignée
est démontrée. La pénétration des agents agressifs peut aussi avoir lieu grâce à des
fissures. Certaines, telles que les fissures fonctionnelles du béton armé, ne peu-
vent être évitées. Les codes de calcul en limitent l’ouverture en fonction de
l’agressivité du milieu. Par contre, la fissuration précoce doit être évitée. Pour
cela il est nécessaire de bien connaître les phénomènes de retrait. De même, une
autre déformation différée, le fluage, peut mettre en cause la durabilité des ouvra-
ges. Ces différents aspects sont discutés dans les chapitres 5 et 6.
La deuxième partie du livre présente la durabilité des bétons dans leur environ-
nement. Le contexte normatif est d’abord décrit (chapitre 7). Les ouvrages en bé-
ton disposent désormais d’un support normatif complet. L’ensemble des textes

6
Avant-propos

(normes européennes, complétées par des référentiels nationaux) couvre, en effet,


les différents aspects liés à la construction des ouvrages. Parallèlement à l’appro-
che prescriptive basée sur des obligations de moyens, de nouvelles méthodes re-
posant sur une approche performantielle de la durabilité sont développées. C’est
l’objet du chapitre 8. Les chapitres suivants sont consacrés à l’étude de quatre
questions spécifiques : la durabilité des armatures et du béton d’enrobage (chapi-
tre 9), la durabilité du béton en ambiance hivernale rigoureuse (chapitre 10), la
durabilité du béton face aux réactions de gonflement interne : réaction alcali-silice
et réaction sulfatique interne (chapitre 11), puis face aux eaux agressives
(chapitre 12). Après avoir étudié les mécanismes de dégradation, les auteurs s’at-
tachent à décrire les moyens de formuler des bétons durables dans ces divers en-
vironnements. Le chapitre 13 traite de la durabilité des bétons face aux incendies.
Enfin, les chapitres 14 et 15 présentent les solutions spécifiques apportées par les
ciments d’aluminates de calcium et par les ciments prompts naturels.

Jean-Pierre OLLIVIER
Angélique VICHOT

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7
CHAPITRE 1

Béton et développement durable

A. CAPMAS

Il semble difficile aujourd’hui de parler de durabilité des bétons sans mentionner


le positionnement des bétons vis-à-vis du développement durable. Bien entendu,
la durabilité est l’un des facteurs les plus importants dans le développement dura-
ble. On imagine mal d’envisager la démolition d’une construction en béton au
bout d’une période courte !
Mais le développement durable recouvre d’autres dimensions :
1) préserver la qualité de l’environnement, par la restauration, l’aménagement et
le maintien des habitats essentiels aux espèces ainsi que par une gestion durable
du recours aux populations animales et végétales;
2) améliorer l’équité sociale non seulement par la satisfaction des besoins essen-
tiels des communautés humaines présentes et futures, mais aussi par l’améliora-
tion de la qualité de vie, notamment par l’accès pour tous à un logement de
qualité;
3) renforcer l’efficacité économique, c’est-à-dire favoriser une gestion optimale
des ressources humaines, naturelles et financières, afin de permettre la satisfac-
tion des besoins des communautés humaines, notamment par la responsabilisa-
tion des entreprises et des consommateurs.

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LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Figure 1.1 : le plus grand pont levant de France à Rouen


(photo Arnaud Bertereau).
L’audace et la performance au service de la collectivité et… pour longtemps (maîtres d’œuvre de con-
ception : Arcadis-Serf-Michel Virlogeux-Aymeric Zublena Architecte-Eurodim).

1. LA PREMIÈRE DIMENSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE


La première dimension du développement durable peut être abordée par l’analyse
du cycle de vie. Il s’agit de calculer l’impact environnemental d’une « unité fonc-
tionnelle », c’est-à-dire tout simplement une maison ou une route, sur l’environ-
nement depuis sa conception jusqu’à sa disparition complète. L’analyse prend en
compte toutes les matières premières utilisées, l’énergie (sous forme thermique,
électrique ou de transport), ainsi que les émissions gazeuses et aqueuses. Ces im-
pacts regroupent un ensemble de données, et peuvent être différemment exprimés
selon les objectifs recherchés et les méthodes utilisées. La discipline n’est pas en-
core stabilisée, les méthodologies ne sont pas fixées et restent trop nombreuses
pour assurer une véritable gestion en connaissance de cause. La norme internatio-
nale, l’ISO 14040, reste encore floue. La norme française P01-010, maintenant
homologuée, exprime l’analyse de cycle de vie en 20 impacts environnementaux,
regroupant un ensemble de 400 données de base mesurées ou calculées. Pour cha-

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Béton et développement durable

que dimension, un commentaire est fait pour le béton, plutôt en tendance qu’en
affirmation, car les données doivent être recalculées pour chaque utilisation.
ˆ Consommation d’énergie renouvelable. L’industrie cimentière française
utilise 10 % de l’énergie thermique sous forme de biomasse pour produire du
ciment, et met en place des éoliennes là où cela présente un intérêt. Il faut tout de
même préciser que l’énergie électrique consommée par l’industrie constitue la
demande « de base », régulière et sans « pointe ». La demande électrique régu-
lière ne correspond pas à l’offre aléatoire d’une éolienne. En général, l’investis-
sement d’une éolienne doit être complété par l’investissement d’une centrale
thermique de puissance correspondante.
ˆ Consommation d’énergie non renouvelable. L’industrie cimentière repré-
sente une part importante de l’énergie non renouvelable consommée dans le
béton, c’est pourquoi elle s’efforce d’économiser l’énergie fossile en lui substi-
tuant des déchets combustibles : environ le quart de l’énergie provient de cette
filière, économisant ainsi l’importation d’environ 500000 tep/an. Par comparai-
son avec la brique ou l’acier, le béton est assez économe, car seule la partie liante
est cuite.
ˆ Consommation de ressources non énergétiques. Le béton est un consom-
mateur de granulats. Cette ressource est abondante, et rien n’en prévoit la dispa-
rition. Il est cependant évident que les granulats pourraient être recyclés si la
construction le prévoyait, à l’image des automobiles actuelles « recyclables par
conception ». Un autre moyen de limiter la consommation de ressources est
l’usage de bétons à hautes performances, qui assurent la même fonctionnalité en
utilisant moins de matériaux. La France est pionnière dans le domaine des bétons
à hautes performances, et la technologie française s’exporte bien. Il faut ajouter
que les bétons à hautes performances ont en général une durabilité supérieure
aux bétons courants.
ˆ Consommation d’eau. Le béton utilise de l’eau pour la partie liante, intégrée
dans la structure des hydrates. Par contre, le béton permet de canaliser et contenir
l’eau pour en assurer un meilleur usage. Par cet exemple on voit la complexité de
l’analyse de cycle de vie d’une fonctionnalité comme un réseau d’eau potable ou
usée. Seule la prise en compte complète des éléments de construction, d’usage
permet de caractériser l’impact environnemental.
Un point clé : plus la durabilité de l’ouvrage est importante plus l’impact envi-
ronnemental global diminue.
ˆ Déchets valorisés. Seule la construction routière permet aujourd’hui un recy-
clage satisfaisant des déchets produits par le chantier, y compris le recyclage des
enrobés bitumineux. Pour le ciment, quelques sous-produits d’autres industries

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Béton et développement durable

sont valorisés : le laitier, les cendres volantes, mais aussi une partie des boues
d’aluminerie, des sables de fonderies. Ces produits peuvent faire l’objet d’un
contrôle de qualité satisfaisant pour l’usage en construction.

Figure 1.2 : four de cimenterie (photo Syndicat français de l’industrie cimentière).


Économiser les combustibles fossiles grâce à la valorisation énergétique.
ˆ Déchets éliminés. La production de béton génère une quantité marginale de
déchets. Par contre, les déchets inertes liés à la démolition de constructions ne
sont pas encore suffisamment recyclés bien qu’utilisables en remplissage.
ˆ Changement climatique. L’impact sur le changement climatique illustre par-
faitement la simplification à outrance des problématiques environnementales.
La température moyenne de la Terre a augmenté de 0,6 °C depuis le début de
l’ère industrielle, ce que l’histoire n’a jamais observé, entraînant des phénomè-
nes météorologiques locaux exceptionnels. La courbe de montée de température
suit celle de la population humaine de façon impressionnante. Le gâchis énergé-
tique des pays développés peut être mis en cause1 : les champions sont les USA
avec 20,02 t de CO2 par habitant, puis l’Australasie avec 12,2 t de CO2/hab., le

1. ADEME, « Changement climatique, données 2002 ».

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Béton et développement durable

Japon avec 9,14 t de CO2/hab., l’Europe de l’Ouest avec 8,28 t de CO2/hab.


L’Amérique latine représente 2,79 t de CO2/hab., l’Afrique 1,39 t de CO2/hab.
Ces données montrent l’importance de l’efficacité énergétique des pays. La
France émet 6,2 t de CO2/hab. La production d’électricité représente 0,44 t de
CO2/hab. en France contre 3,67 en Allemagne et 7,94 aux USA, ceci grâce au
nucléaire. Les différences montrent bien les progrès réalisables par diffusion de
techniques connues. La Communauté européenne a signé un engagement de
réduction des émissions annuelles de gaz à effet de serre de 8 % entre 1990 et
2010. Cet engagement a entraîné une directive d’allocations et d’échanges de
quotas, avec création d’une bourse d’échange pour optimiser économiquement la
réduction des émissions industrielles et énergétiques. Cette méthode ne prend en
compte qu’une partie du problème en ne traitant que la partie « production » de
l’analyse de cycle de vie, et non l’ensemble. Un exemple caricatural vient du
verre : pour faire un triple vitrage, très performant, il faut trois fois plus d’éner-
gie, donc trois fois plus de CO2 émis à la production. Faut-il revenir pour autant
à des simples vitrages minces et donc consommer beaucoup plus pour maintenir
une température acceptable dans les logements ? La réponse est évidente. Le
problème est le même avec le bâtiment, où les murs massiques apportent de
l’inertie thermique, source de confort, mais aussi d’économies de chauffage et de
climatisation. L’analyse de cycle de vie deviendra inévitablement un outil d’aide
à la décision pour éviter les contresens.
ˆ Acidification atmosphérique. Le béton n’a pas d’impact sur ce critère, sauf
de façon très indirecte et marginale au travers des émissions de NOx et SOx des
usines, mais aussi, en particulier, du transport. Le béton étant plutôt basique cor-
rige l’eau légèrement acide dans les premiers temps d’usage, puis n’a rapidement
plus aucun effet.
ˆ Pollution de l’air. La pollution de l’air provient des émissions des cimente-
ries, installations classées pour la pollution et l’environnement (ICPE), et des
poussières émises lors de la production des granulats et des bétons. Cette pollu-
tion reste minérale, et faible. Les émissions liées au transport des matériaux peu-
vent devenir non négligeables. Pour le béton, le transport reste faible en
comparaison d’autres industries.
ˆ Pollution de l’eau. Le béton n’a pas d’impact négatif sur l’eau, utilisé pour
son stockage et son transport, il contribue même à en préserver la qualité.

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Béton et développement durable

Figure 1.3 : tuyaux préfabriqués en béton (photo Cimbéton).


Transporter l’eau potable en toute sécurité.
ˆ Pollution des sols. Le béton est souvent utilisé pour protéger les sols de la
pollution, par exemple en parois moulées. L’impact sur les sols est souvent posi-
tif selon l’usage.
ˆ Destruction de la couche d’ozone stratosphérique. La destruction de la
couche d’ozone provient essentiellement des chlorofluorocarbures (CFC), inter-
dits maintenant mais toujours utilisés. Ce gaz n’est pas produit en construction.
Par contre, la couche d’ozone est sensible aux variations climatiques, et il est
possible de voir des évolutions fortes pour cette raison, non prise en compte
actuellement dans cette dimension.
ˆ Formation d’ozone photochimique. Comme l’acidification, l’impact est
indirect et surtout lié au transport. Cet impact est sans objet pour les bétons mis
en œuvre.
ˆ Atteinte à la biodiversité. Sans objet pour les bétons qui n’ont pas d’impact
sur la biodiversité, car ils ne modifient pas le milieu ambiant.
ˆ Contribution à la qualité sanitaire des espaces intérieurs. Le béton n’a pas
d’impact sur l’air. Il faut par contre se rappeler que les produits organiques (tels
que colles et peintures) peuvent avoir un impact non négligeable.
ˆ Contribution à la qualité sanitaire de l’eau. Les tests de lixiviation mon-
trent que l’eau potable est souvent en contact avec du béton, sans impact sani-
taire. Dans certains cas c’est, à l’inverse, le passage de l’eau qui peut entraîner
une précipitation (marginale mais non nulle) de métaux lourds dans la porosité
du béton par effet de pH.

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Béton et développement durable

ˆ Confort hygrométrique. Les dimensions de confort restent des facteurs qua-


litatifs. Le béton est un excellent isolant hydrique, souvent utilisé pour cette
fonction en fondation.
ˆ Confort acoustique. Le béton est utilisé en murs acoustiques le long des
autoroutes, car il absorbe les aigus. Il faut, là encore, prendre en considération la
conception et, en particulier, la surface pour éviter des phénomènes d’écho. En
construction, il faut éviter les murs d’un seul tenant pour éviter la transmission
de certains sons. Ces rupteurs acoustiques sont classiquement utilisés.
ˆ Confort visuel. Le béton est une surface trop connue! Mais les évolutions
des qualités de parement sont la preuve d’un confort visuel retrouvé.

Figure 1.4 : chambre des métiers de Loire-Atlantique, Sainte-Luce


(architecte Jean-Pierre Lott ; photo Jean-Michel Landecy).
Le béton au service des formes les plus audacieuses

ˆ Confort olfactif. Sans objet : le béton n’a pas d’odeur une fois durci.

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Béton et développement durable

La simple lecture de ces modes d’évaluation de la première dimension du déve-


loppement durable permet de situer les questions de durabilité des bétons dans ce
contexte d’analyse de cycle de vie.
Le défaut principal du béton est l’utilisation des ressources énergétiques et non
énergétiques non renouvelables. Sa principale qualité est la durabilité, qui don-
ne un cycle de vie très long et limite donc l’impact de cette utilisation.
Il faut relativiser l’impact direct du béton par la fonction qu’il remplit, et les éco-
nomies d’impacts ultérieurs qu’il génère. Une construction qui nécessiterait un
entretien régulier et important peut, en effet, totalement renverser l’analyse de cy-
cle de vie de l’ensemble. Les évaluations faites par calcul montrent que la phase
de construction ne représente qu’environ 10 % de l’impact environnemental d’un
bâtiment ou d’un kilomètre de route. Ces proportions donnent une idée de l’im-
pact de la qualité d’usage des bâtiments et de l’impact de la durabilité des ouvra-
ges. Il faut rappeler qu’en France le chauffage des bâtiments avec des
combustibles fossiles représente 18,4 % des émissions totales, soit pratiquement
autant que l’agriculture (19,3 %) et l’industrie (20 %). Le chauffage des bâtiments
est en croissance de 14 % par rapport à 1990, alors que l’industrie est en baisse de
22 % par rapport à 1990 (année de référence de l’accord de Kyoto de réduction
des gaz à effet de serre).

Figure 1.5 : le lycée Jean-Jaurès près de Montpellier


(photo et architecte Agence Pierre Tourre).
Une architecture béton pour le confort d’été.

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Béton et développement durable

2. LA DEUXIÈME DIMENSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE


La deuxième dimension du développement durable est d’améliorer l’équité socia-
le. Cette dimension est très largement tournée vers la construction et l’habitat.
L’enjeu des matériaux de construction est donc majeur. La construction de loge-
ments sociaux est devenue un véritable enjeu politique, il faut, certes, construire
rapidement et à moindre coût, mais aussi répondre aux besoins des générations fu-
tures. La comparaison des différents matériaux de construction doit se faire dans
le cadre de l’analyse de cycles de vie. Le béton est évidemment au cœur de ces
questions dans la mesure où il représente 90 % du marché de la construction. Si
la problématique peut être posée en termes simples, elle reste difficile à aborder
dans sa totalité. Le ratio entre l’investissement nécessaire et le coût ultérieur de
fonctionnement de l’ouvrage fait partie des équations difficiles à résoudre. La du-
rée prévue de l’ouvrage peut aussi être un paramètre clef de l’investissement : le
tunnel sous la Manche, le pont Rion-Antirion en Grèce, le viaduc de Millau sont
des ouvrages à durée de vie prévue de 120 ans. Le musée des Arts premiers de
Paris a été conçu pour une durée de vie de 20 ans (il n’est, bien sûr, pas en béton!).
Une maison est, en général, prévue pour durer 50 ans.
Les facteurs sociaux ont évidemment une in-
fluence notable: les « barres » de HLM des an-
nées soixante sont aujourd’hui détruites, car ne
correspondant plus aux nouvelles données so-
ciétales, et sont remplacées par des ensembles
immobiliers plus adaptés aux temps modernes.
Trop lentement d’ailleurs, car il manque en
France en général, et, plus particulièrement, à
Paris plusieurs centaines de milliers de loge-
ments sociaux. L’équité sociale n’est pas encore
atteinte. Le béton permet d’y contribuer, restant
de loin le matériau le plus économique et le plus
utilisé au monde pour la construction.
Ne parler que de logements dans cette dimen-
sion sociale serait réducteur, car l’aménagement
urbain, tant apprécié aujourd’hui, avec les zones
piétonnes et les transports collectifs, n’a jamais
été plus consommateur de béton. Coloré, textu-
ré, matricé, la diversité d’aspect des bétons est si Figure 1.6 : logements sociaux à
grande que peu de personnes parviennent à iden- Fontenay-aux-Roses « Toit et Joie »
tifier ce matériau caméléon qui se fond harmo- (photo Éric Thierry).
nieusement dans le paysage urbain. Un béton doux au regard,
doux pour les factures de chauffage.

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Béton et développement durable

3. LA TROISIÈME DIMENSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE


La troisième dimension, l’efficacité économique, est probablement celle qui s’ap-
proche le plus directement de la notion de durabilité. Le béton est un matériau du-
rable en ce sens qu’il ne nécessite, dans la majorité des cas, ni protection, ni
entretien spécifique. La grande majorité des structures de génie civil sont en béton
brut et ne font l’objet que de surveillance visuelle régulière. Les ouvrages à pro-
blèmes sont pratiquement toujours des ouvrages présentant un défaut de concep-
tion ou de réalisation. La plupart du temps, l’optimisation économique est d’éviter
les protections, consommatrices de temps et de ressources, en acceptant le risque
de problèmes spécifiques de durabilité. Le béton pourrait être peint, enduit, traité,
avec des armatures inoxydables pour réduire totalement le risque de dégradation.
Ce calcul est rarement économiquement intéressant, le plus souvent réservé à des
cas très particuliers comme les ponts de grande portée ou le stockage des déchets
nucléaires.

Figure 1.7 : pont TGV Perpignan-Figueras (architecte Architecture Neel ; maîtrise


d’œuvre Ingérop, Sener, Arcadis ; photo Régis Bouchu-Actophoto).
Limiter l’impact environnemental avec un objectif centenaire.

20
Béton et développement durable

4. CONCLUSION
En conclusion, on constate à l’usage que les concepts du développement durable
se construisent dans une complexité évidente, contraire aux tentatives permanen-
tes de simplification des problèmes. Les analyses de cycles de vie ne sont pas en-
core « mûres », car les données d’entrée restent entachées d’une incertitude forte.
La liste des dimensions à prendre en compte dans ces analyses pour réduire l’em-
preinte écologique des activités humaines est aujourd’hui certainement loin d’être
exhaustive. Pour autant, l’appréciation qualitative du béton dans les dimensions
aujourd’hui référencées montre que ce matériau n’a pas à être cloué au pilori de
l’écologiquement correct. Et, dans tous les cas, sa durabilité est le facteur fonda-
mental pour réduire son impact.

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21
CHAPITRE 2

L’hydratation des ciments

A. NONAT

Résumé
L’objectif de ce chapitre est de rappeler les bases scientifiques et techniques né-
cessaires à la compréhension des phénomènes qui interviennent dès lors que
l’on mélange une poudre de ciment avec de l’eau pour conduire à ce qui consti-
tuera la phase liante du béton. Bien que cette transformation d’une suspension
de particules en un solide dur et résistant soit assez extraordinaire, elle obéit à
des règles simples qu’il convient de bien garder en tête parce qu’elles vont éga-
lement fixer la durabilité du béton.
Après une présentation sommaire du ciment Portland et de ses composés, on dé-
crira le moteur de l’hydratation qui est l’évolution chimique du ciment dans l’eau
et les caractéristiques des produits formés au cours de ces réactions. On montre-
ra comment la microstructure de la pâte de ciment durcie se construit par l’hydra-
tation et pourquoi le solide formé est poreux.
Mots-clés
CIMENT PORTLAND, CINÉTIQUE, CLINKER, DISSOLUTION/PRÉCIPITATION, HYDRATATION,
HYDRATES, MICROSTRUCTURE, THERMODYNAMIQUE.

25
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

1. INTRODUCTION
Le ciment est un matériau que tout le monde croit connaître tant il est courant. On
l’emploie en effet pour fabriquer le béton qui est le matériau de construction le
plus utilisé au monde. La raison en est son faible coût, sa facilité de mise en œuvre
et sa disponibilité pratiquement universelle. Il suffit, en effet, de mélanger un peu
de poudre avec de l’eau, du sable et des graviers pour obtenir, à température am-
biante et en quelques heures, un matériau dur. Bien que près de deux milliards de
tonnes de béton soient produites de cette manière par an, tous les processus phy-
sico-chimiques à la base de cette transformation ne sont pas complètement bien
compris et font encore l’objet de recherches. Dans ce chapitre, on s’intéressera es-
sentiellement à l’aspect chimique des transformations, c’est ce qu’on appelle
d’une manière générale l’hydratation. Ce simple nom cache cependant un ensem-
ble de processus physico-chimiques qui obéissent aux lois générales de la thermo-
dynamique et de la cinétique. La complexité de l’hydratation du ciment ne vient
pas de la complexité des processus élémentaires eux-mêmes, ceux-ci sont en gé-
néral bien décrits pour d’autres matériaux, mais de la complexité de la pâte de ci-
ment :
– le ciment est lui-même un matériau polyphasé, chacune des phases constituti-
ves réagissant d’une manière différente ;
– les réactions font intervenir une solution dont le volume est faible et confiné ;
– les phases hydratées formées sont souvent difficiles à caractériser du fait de
leur caractère amorphe ou nanocristallin ;
– l’hydratation de chaque phase modifie la solution dans laquelle réagissent les
autres.
Pour simplifier l’approche, on adopte souvent la démarche d’étudier d’abord sé-
parément chacune des phases qui constituent le ciment. C’est celle que l’on suivra
dans ce chapitre.

2. LE CIMENT PORTLAND ET LES CIMENTS COMPOSÉS :


GÉNÉRALITÉS ET NORMES
Bien que déjà utilisé par les Romains, le béton a eu le développement qu’on lui
connaît grâce à la découverte du ciment Portland au XIXe siècle. Celui-ci a été
breveté par Aspdin sur la base des travaux de Louis Vicat sur les chaux hydrau-
liques. Le ciment Portland est un mélange de clinker et de sulfate de calcium
dans un rapport d’environ 95-5 %. Le clinker est fabriqué par cuisson vers
1450 °C d’un mélange finement broyé et homogénéisé de calcaire et d’argile (ou
de marnes) dans un rapport d’environ 80-20 % pour former des silicates de cal-
cium ainsi que des aluminates et aluminoferrites de calcium.

26
L’hydratation des ciments

La composition minéralogique moyenne du clinker de ciment Portland est donnée


dans le tableau 2.1. Le caractère hétérogène de cette pierre artificielle est illustré
sur la figure 2.1.
Tableau 2.1 : composition minéralogique moyenne typique d’un clinker de ciment
Portland, d’après [TAY 97].

Notation % massique des différentes phases


Constituant Formule brute
cimentaire dans le clinker

Silicate tricalcique (alite) C3S Ca3SiO5 60-65

Silicate bicalcique (bélite) C2S Ca2SiO4 10-20

Aluminate tricalcique C3A Ca3Al2O6 8-12

Aluminoferrite tétracalcique C4AF Ca4Al2O10Fe2 8-10

Figure 2.1 : clinker de ciment Portland.


A = cristaux polygonaux de C3S ou alite ; B = cristaux arrondis de C2S ou bélite ; C = phase interstitielle, liquide à
la température de cuisson, formée de C3A en microcristaux (gris) enchevêtrés avec C4AF (blanc réfléchissant). Mi-
croscopie optique en lumière réfléchie. Section polie attaquée par HNO3 + NaOH (× 200). (Courtoisie H. Hornain).

27
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

La notation cimentière
En chimie des ciments, on a l’habitude d’utiliser une nomenclature particulière pour
écrire les transformations chimiques ; celle-ci utilise l’initiale des oxydes en place des
symboles chimiques classiques :
C = CaO S = SiO2 A = Al2O3 F = Fe2O3 M = MgO
S = SO3 C = CO2 H = H2O…
Ainsi les principaux constituants du ciment Portland s’écrivent :
– silicate tricalcique, Ca3SiO5 ou 3CaO, SiO2 : C3S ;
– silicate dicalcique, Ca2SiO4 ou 2CaO, SiO2 : C2S ;
– aluminate tricalcique, Ca3Al2O6 ou 3CaO, Al2O3 : C3A ;
– aluminoferrite tetracalcique, Ca4Al2 O10Fe2 ou 4CaO,Al2O3, Fe2O3 : C4AF ;
– sulfate de calcium, CaSO4 ou CaO, SO3 : C S .

La composition minéralogique du clinker varie légèrement d’une usine à l’autre


du fait qu’aucune carrière n’est identique à une autre. En particulier, en l’absence
d’oxyde de fer, on obtient du clinker de ciment blanc qui ne contient pas d’alumi-
noferrite de calcium. À la sortie du four de cimenterie, après refroidissement ra-
pide, les nodules centimétriques durs obtenus sont broyés avec du sulfate de
calcium pour donner le ciment Portland. Les ciments composés résultent du mé-
lange par cobroyage ou après broyage séparé du clinker avec d’autres constituants
minéraux. La quantité de CO2 émise dans l’atmosphère pendant la fabrication du
ciment Portland correspond grossièrement à 1 kg de CO2 émis par kg de clinker.
Cette libération de CO2 provient pour environ 30 % des combustibles brûlés pour
la cuisson et pour 70 % de la décarbonatation du calcaire. Pour limiter l’émission
due à la consommation d’énergie fossile, on utilise en cimenterie de plus en plus
de combustibles de substitution. Ceux-ci proviennent de déchets industriels aussi
variés que les pneus usagés, les solvants et huiles ou de la biomasse (sciures de
bois, boues de stations d’épuration…). Pour limiter la quantité de CO2 émise liée
à la décarbonatation, une des solutions consiste à diminuer la quantité de clinker
dans le ciment. Une partie du clinker est alors remplacée par des composés miné-
raux plus ou moins réactifs :
– fillers calcaires ;
– ajouts pouzzolaniques (fumées de silice, cendres volantes, schistes calcinés) ;
– ajouts potentiellement hydrauliques (laitiers de haut-fourneau).
On obtient ainsi différents types de ciment, identifiés suivant la nature et la pro-
portion des ajouts dans le tableau 2.2.

28
Tableau 2.2 : différents types de ciments suivant la norme EN 197-1.
Composition (pourcentage en masse) a
Constituants principaux
Principaux Notation des 27 produits (types Pouzzolanes Cendres volantes Constituants
types de ciment courant) Laitier de Fumée de Schiste secondaires
Clinker naturelle Calcaire
haut-fourneau silice naturelle siliceuse calcique calciné
calcinée
K S Db P Q V W T L LL
CEM I Ciment Portland CEM I 95-100 – – – – – – – – – 0-5
Ciment Portland CEM II/A-S 80-94 6-20 – – – – – – – – 0-5
au laitier CEM II/B-S 65-79 21-35 – – – – – – – – 0-5
Ciment Portland
à la fumée CEM II/A-D 90-94 – 6-10 – – – – – – – 0-5
de silice
CEM II/A-P 80-94 – – 6-20 – – – – – – 0-5
Ciment Portland CEM II/B-P 65-79 – – 21-35 – – – – – – 0-5
à la pouzzolane CEM II/A-Q 80-94 – – – 6-20 – – – – – 0-5
CEM II/B-Q 65-79 – – – 21-35 – – – – – 0-5
CEM II/A-V 80-94 – – – – 6-20 – – – – 0-5
Ciment Portland CEM II/B-V 65-79 – – – – 21-35 – – – – 0-5
CEM II aux cendres
volantes CEM II/A-W 80-94 – – – – – 6-20 – – – 0-5
CEM II/B-W 65-79 – – – – – 21-35 – – – 0-5
Ciment Portland CEM II/A-T 80-94 – – – – – – 6-20 – – 0-5
au schiste
calciné CEM B/T 65-79 – – – – – – 21-35 – – 0-5

CEM II/A-L 80-94 – – – – – – – 6-20 – 0-5


Ciment Portland CEM II/B-L 65-79 – – – – – – – 21-35 – 0-5
au calcaire CEM II/A-LL 80-94 – – – – – – – – 6-20 0-5
CEM II/B-LL 65-79 – – – – – – – – 21-35 0-5
CimentPortland CEM II/A-M 80-94 6-20 0-5
composéc CEM II/B-M 65-79 21-35 0-5
CEM III/A 35-64 36-65 – – – – – – – – 0-5
Ciment de haut-
CEM III CEM III/B 20-34 66-80 – – – – – – – – 0-5
fourneau
CEM III/C 5-19 81-95 – – – – – – – – 0-5
Ciment CEM IV/A 65-89 – 11-35 – – – 0-5
CEM IV
pouzzolanique c CEM IV/B 45-64 – 36-55 – – – 0-5
Ciment CEM V/A 40-64 18-30 – 18-30 – – – – 0-5
CEM V
composé c CEM V/B 20-38 31-50 – 31-50 – – – – 0-5
L’hydratation des ciments

29
a) Les valeurs indiquées se réfèrent à la somme des constituants principaux et secondaires.
b) La proportion de fumées de silice est limitée à 10 %.
c) Dans le cas des ciments Portland composés CEM II/A-M et CEM II/B-M, des ciments pouzzolaniques CEM IV/A et CEM IV/B et des ciments composés CEM V/A et CEM V/B, les constituants
principaux, autres que le clinker, doivent être déclarés dans la désignation du ciment.
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Les matériaux ajoutés au clinker


Les fillers calcaires. Ils sont constitués de calcaire broyé. Leur principale fonction est
un rôle de remplissage. Une partie du clinker peut être remplacée sans grand impact
sur les propriétés finales par un matériau pratiquement inerte comme le carbonate de
calcium qui a une bonne affinité pour les hydrates du ciment. En fait, les fillers cal-
caires ne sont pas complètement inertes, ils conduisent à la formation de carboalumi-
nates de calcium qui sont les AFm (voir § 3.2.2) les plus stables.
Les ajouts pouzzolaniques. Ils tirent leur nom des pouzzolanes, cendres volcaniques
utilisées par les Romains en mélange avec de la chaux pour faire leur ciment. Par ex-
tension, un matériau est dit pouzzolanique s’il conduit à des propriétés hydrauliques
en mélange avec la chaux. Ces ajouts peuvent être d’origine naturelle comme les ma-
tériaux d’origine volcanique ou des sous-produits industriels comme les cendres vo-
lantes obtenues par dépoussiérage des gaz de chaudières alimentées au charbon
pulvérisé ou les fumées de silice, sous-produit de l’industrie du silicium.
Les ajouts hydrauliques latents. Ce sont des composés constitués au moins des mê-
mes oxydes que le clinker, CaO, SiO2, Al2O3 dans des proportions telles qu’ils con-
duisent à la formation des mêmes hydrates. Cependant, leur solubilité dans l’eau est
très inférieure à celle des anhydres du clinker, de sorte qu’il est nécessaire de modifier
le milieu pour qu’ils réagissent (activation). Ce sont essentiellement les laitiers gra-
nulés de haut-fourneau obtenus par trempe du surnageant de la fonte résultant de la
fusion du minerai de fer.

3. L’HYDRATATION DU CIMENT
« Hydratation » est un mot utilisé pour décrire de la manière la plus générale, l’en-
semble des réactions qui interviennent dès que l’on mélange le ciment avec de
l’eau. Comme toutes les réactions chimiques, celles- ci obéissent à des lois ther-
modynamiques (voir encadré ci-après) et cinétiques.
3.1. La thermodynamique de l’hydratation
Dès que l’on met un minéral au contact de l’eau, il tend à se dissoudre jusqu’à at-
teindre sa solubilité dans le milieu considéré ; c’est la première étape de l’hydra-
tation. La thermodynamique de la dissolution est définie par le produit de
solubilité : tant que le produit d’activité des ions en solution est inférieur au pro-
duit de solubilité, la solution est sous-saturée par rapport à AB, le minéral AB se
dissout. Au contraire, si le produit d’activité des ions est supérieur au produit de
solubilité, la solution est sursaturée et c’est la réaction inverse, la précipitation,
qui est thermodynamiquement possible. Ce comportement est illustré sur les figu-
res 2.2a et 2.2b.

30
L’hydratation des ciments

Dans le cas de l’hydratation du ciment, les phases anhydres qui le constituent con-
duisent en se dissolvant à une solution sursaturée par rapport à des phases hydra-
tées moins solubles qui vont précipiter (figure 2.2c).

0,03 0,03 0,03


État final 2 E > 1 : précipitation
0,025

État initial 0,02 État 1 État 2

éq
0,02 0,02
État final 1
(B)

uil
(B)

(B)
ibr
0,015

e
0,01 équil 0,01
ibre 0,01 équilib
re
E < 1 : dissolution équilibre 2
État final
0
0 0,01 0,02 0,03 0 0,01 0,02 0,03 0 0,005 0,02 0,025 0,03
État initial État final
État initial (A) (A) (A)

(a) (b) (c)


Figure 2.2 : les trois diagrammes illustrent la thermodynamique de la dissolution et de la
précipitation à travers les diagrammes de solubilité. Les axes sont les activités (A) et (B)
en solution, la courbe est la courbe de solubilité ; c’est le lieu des points qui satisfont le
produit de solubilité. Sur cette courbe β = 1.(voir encadré ci-après).
(a) Si on disperse le solide AB dans l’eau (état initial), il va se dissoudre parce qu’en dessous de la
courbe de solubilité β < 1, la solution est sous-saturée et les activités (A) et (B) vont augmenter en
solution en suivant la flèche. Si la quantité de AB n’est pas suffisante, on n’atteint pas la courbe de
solubilité, et il reste une solution limpide (état final 1). Si le solide est en excès, il reste des grains de
AB en équilibre avec la solution saturée (état final 2).
(b) Si, au contraire, AB est dispersé dans une solution sursaturée, β > 1, les grains vont grossir en
consommant les ions A et B qui sont en solution jusqu’à ce que le produit d’activité (A)(B) en solution
soit égal au produit de solubilité c’est-à-dire jusqu’à ce que β = 1.
(c) Dans le cas où il existe dans le système A-B-H2O, une phase moins soluble que AB (équilibre 2),
alors en se dissolvant, AB enrichit la solution qui devient sursaturée par rapport à AB, xH2O par exem-
ple (état 1) qui va donc précipiter pendant que AB va continuer à se dissoudre (état 2) : c’est ce qui
se passe au cours de l’hydratation des liants. Une fois que tout AB se sera dissous, il ne restera que
la phase AB, xH2O en équilibre avec sa solution saturée (état final).

Thermodynamique de la dissolution (voir aussi chapitre 4)


Un minéral AxBy mis au contact de l’eau se dissout jusqu’à atteindre sa solubilité dé-
finie par l’équilibre de solubilité :
(AxBy)solide ' xAsolution + yBsolution
x y
La loi d’action de masse associée à cet équilibre s’écrit : k = ( A ) équilibre ( B ) équilibre
où (A) est l’activité de l’espèce A ;
k est le produit de solubilité.
La variation d’enthalpie libre liée à la dissolution s’écrit :
x y
(A) (B)
Δ diss G = RT ln ----------------------
k

31
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

(A)x(B)y est le produit d’activité des ions dans la solution.


Tant que k < (A)x(B)y, ΔdissG est négatif, AxBy se dissout.
x y
(A) (B)
On pose par exemple β = ---------------------- l’indice de saturation, on peut alors écrire :
k
ΔdissG = RTlnβ.
Tant que β < 1 la solution est sous-saturée par rapport à AxBy,ΔdissG < 0, il se dissout.
Quand β =1 la solution est saturée, ΔdissG = 0 l’équilibre de solubilité est atteint.
Si β > 1, ΔdissG > 0, AxBy ne peut plus se dissoudre. Si la réaction est inversible, il
doit précipiter.

3.2. L’hydratation des principales phases constituant le ciment


3.2.1. L’hydratation des silicates de calcium
Le silicate tricalcique, Ca3SiO5, ou C3S en notation cimentière, est la principale
phase constituant le clinker de ciment Portland. Dans le clinker on le nomme alite,
ce n’est pas du silicate tricalcique pur, il contient un certain nombre d’impuretés
en substitution dans son réseau cristallin. Dès qu’il est en contact avec l’eau, après
une hydroxylation superficielle qui transforme les ions du solide en ions présents
en solution [BAR 79, BAR 86], le C3S se dissout selon :
Ca3SiO5 + 3 H2O → 3 Ca++ + H2SiO42– + 4 OH–
La solution devient rapidement sursaturée par rapport à un hydrate moins soluble,
l’hydrosilicate de calcium, noté C-S-H en notation cimentière, selon :
x Ca2+ + H2SiO42– + 2(x-1) OH- + y H2O → C-S-H (ou xCaO, SiO2, yH2O)
La stœchiométrie du C-S-H, généralement définie par le rapport molaire CaO/SiO2
(ou C/S en notation cimentière), varie avec la composition de la solution avec la-
quelle il est en équilibre. Le rapport C/S varie grossièrement entre 1 et 2 ; il est en
moyenne de 1,7 dans une pâte de ciment Portland ordinaire [TAY 97]. De ce fait,
en se dissolvant le silicate tricalcique libère plus d’ions calcium et hydroxyde que
le C-S-H n’en consomme, la solution s’enrichit en ces ions et devient sursaturée par
rapport à l’hydroxyde de calcium qui précipite sous forme de portlandite :
Ca2+ + 2 OH– → Ca(OH)2
L’ensemble de ces trois réactions par lesquelles procède l’hydratation du C3S est
souvent résumé par l’équation bilan suivante (ce n’est pas une réaction chimique) :
Ca3SiO5 + H2O → 1,7CaO, SiO2, yH2O + 1,3 Ca(OH)2
qui s’écrit en notation cimentière :
C3S + H → C-S-H +1,3 CH

32
L’hydratation des ciments

Le même enchaînement de réactions entre en jeu dans le cas du C2S pour aboutir
à l’équation bilan :
C2S + H → C-S-H + 0,3 CH
3.2.2. L’hydratation des aluminates de calcium
Le même type de processus que dans le cas des silicates de calcium intervient
lorsque l’aluminate tricalcique est mis au contact de l’eau. Son hydrolyse et sa
dissolution conduisent à :
Ca3Al2O6 + 6 H2O → 3 Ca2+ + 2 Al3+ + 12 OH–
En milieu basique, du fait du caractère amphotère de l’aluminium, celui-ci se
trouve majoritairement sous forme d’anions Al(OH)4–. Contrairement au cas des
silicates de calcium, il existe plusieurs phases aluminates de calcium hydratés
moins solubles que l’anhydre : outre l’hydroxyde d’aluminium, Al(OH)3, il exis-
te, d’une part, Ca2Al2(OH)10,3H2O (C2AH8) et Ca4Al2(OH)14,6H2O (C4AH13)
qui sont en fait les limites d’une solution solide dans laquelle le rapport C/A varie
entre 2 et 4 selon la concentration en hydroxyde de calcium en solution, et, d’autre
part, un hydroxyde mixte Ca3Al2(OH)12 (C3AH6). C’est ce dernier qui est ther-
modynamiquement le plus stable (le moins soluble), c’est donc l’état final vers le-
quel le système C3A-eau doit tendre en l’absence de tout autre constituant.
Pourtant, les premiers se forment d’abord parce que, pour un même degré de sur-
saturation, le temps nécessaire pour former les premiers germes est plus court. Ils
se dissolvent ensuite pour précipiter C3AH6.
On rajoute au clinker du sulfate de calcium sous forme de gypse (CaSO4, 2H2O),
de plâtre ou hémihydrate (CaSO4, 0,5H2O) ou d’anhydrite (CaSO4). Dans ces
conditions, dans une solution contenant les ions Ca2+, Al3+, OH– et SO42–, la pha-
se la moins soluble est le trisulfoaluminate de calcium hydraté
Ca6Al2(SO4)3(OH)12, 26H2O ou ettringite (C6A S 3H32 en notation cimentière).
C’est cette phase qui se forme tant que la concentration en sulfate en solution est
suffisante. Lorsque tous les sulfates sont épuisés, ce sont les hydroaluminates de
calcium comme C4AH13 et ses homologues mono-substitués (monosulfoalumi-
nate de calcium, monocarboaluminate de calcium…) qui précipitent.
En ce qui concerne l’hydratation du C4AF, elle conduit à la précipitation du même
type de composés que ceux qui sont formés à partir de la dissolution du C3A, en
particulier lorsque celle-ci est réalisée en présence d’hydroxyde de calcium. Dans
ce cas, une partie des ions Al3+ dans les hydrates sont substitués par des ions Fe3+.
Dans le cas contraire, une partie importante du fer précipite sous forme d’hy-

33
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

droxyde de fer, Fe(OH)3. C’est pour cette raison que, d’une manière générique,
les hydroaluminates de calcium contenant ou non du fer sont appelés AFm. Une
justification de cette terminologie en relation avec la structure sera donnée au pa-
ragraphe 3.4.3. De même les composés de type ettringite sont appelés AFt.
3.3. La réactivité des autres constituants du ciment
3.3.1. Les ajouts pouzzolaniques
Ces composés sont riches en silice et pauvres en oxyde de calcium ; de ce fait ils
sont très peu solubles dans l’eau. Dans une solution riche en hydroxyde de cal-
cium, du fait du pH élevé, la silice se dissout selon :
SiO2 + 2 OH– → H2SiO42–
En présence des ions calcium de la solution, le C-S-H moins soluble précipite se-
lon la même réaction que dans le cas des silicates de calcium :
x Ca2+ + H2SiO42– + 2(x-1) OH– + y H2O → C-S-H (ou xCaO, SiO2, yH2O)
Cependant en présence de silice solide, le rapport C/S du C-S-H est plus faible que
celui obtenu à partir de la dissolution des silicates calciques. L’équation bilan de ces
réactions de dissolution et précipitation est souvent appelée réaction pouzzolanique
en référence au ciment romain constitué d’un mélange de chaux et de pouzzolannes.
Il convient de se souvenir que ce n’est qu’un bilan de deux réactions et que ce n’est
pas « la portlandite qui réagit avec la silice » comme c’est souvent énoncé.
3.3.2. Les ajouts potentiellement hydrauliques
Les types mêmes de ces ajouts sont les laitiers granulés de haut-fourneau. Ils sont
constitués de CaO, SiO2, Al2O3, MgO. La trempe que le laitier subit à la sortie du
haut-fourneau confère une structure vitreuse à ce matériau. La teneur des diffé-
rents oxydes varie d’un laitier à l’autre ; une fourchette de composition en oxydes
est donnée dans le tableau 2.3.
Tableau 2.3 : composition chimique donnée en pourcentage en poids
des principaux oxydes, d’après [TAY 97].

SiO2 Al2O3 CaO MgO FeO


32-37 10-16 38-45 3-9 0,3-10

Les laitiers de haut-fourneau contiennent tous les éléments susceptibles de donner


les mêmes hydrates que les ciments. Cependant, leur solubilité dans l’eau est trop
faible pour conduire à des solutions suffisamment concentrées pour être sursatu-
rées par rapport aux hydrates du ciment. Ils doivent être activés, c’est-à-dire que
la solution d’hydratation doit être telle que leur solubilité soit augmentée. C’est le

34
L’hydratation des ciments

cas dans une pâte de ciment Portland dans laquelle le pH est suffisamment basi-
que. La silice contribue à la formation de C-S-H, l’alumine à des aluminates de
calcium et de magnésium. Ces derniers constituent la famille des hydrotalcites
dont la structure dérive de celle de la brucite (Mg(OH)2) selon le même mécanis-
me que les AFm dérivent de celle de l’hydroxyde de calcium.
3.4. Les propriétés des principales phases hydratées
3.4.1. La portlandite
La portlandite est le nom minéralogique de l’hydroxyde de calcium cristallisé.
Son nom vient, bien sûr, du fait qu’on la trouve dans le ciment Portland hydraté.
C’est la phase la plus soluble de la pâte de ciment hydratée.
Sa solubilité dans l’eau est de l’ordre de 22 mmol/L à 25 °C soit environ 1,6 g/L,
ce qui correspond à un pH de 12,6. Sa présence dans la pâte de ciment, par son
équilibre de solubilité maintient le pH élevé de la solution interstitielle. Sa solu-
bilité diminue avec la température.
C’est également une des phases les mieux cristallisées. Elle cristallise sous forme
de cristaux hexagonaux plus ou moins développés dans la pâte de ciment, les po-
res et l’interface pâte/granulat. Sa structure cristalline est de type hexagonal. Elle
est constituée de plans d’ions calcium (plan ab) en environnement octaédrique as-
suré par 3 ions OH– de part et d’autre du plan, ce qui constitue un feuillet d’hy-
droxyde qui est répété selon l’axe c (figure 2.3).

c OH–
Ca++
OH–

a
(a) (b)

Figure 2.3 : (a) structure cristalline de la portlandite ; (b) image en microscopie


électronique à balayage de cristaux de portlandite (courtoisie D. Damidot).
La morphologie est un reflet de la structure hexagonale.

35
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

3.4.2. Les silicates de calcium hydratés (C-S-H)


Les C-S-H constituent la majeure partie de la phase liante de la pâte de ciment.
On parle souvent de gel de C-S-H se référant à des composés amorphes. Ce sont
en fait des composés nanocristallins constitués de particules nanométriques
agrégées les unes aux autres (figure 2.4).

(a) (b)

Figure 2.4 : morphologie du C-S-H.


(a) Image en microscopie électronique à balayage de C-S-H poussant à la surface de grains d’alite
[REG 75]. (b) Image de C-S-H observé en microscopie à force atomique. La différence de morpholo-
gie est due au fait que le vide du microscope électronique à balayage déshydrate le C-S-H et modifie
la microstructure.

Les dimensions typiques de ces particules sont de l’ordre de 60 × 30 × 5 nm3


[GAU 98]. Elles présentent également une structure lamellaire ; chaque feuillet est
constitué d’un double plan d’ions calcium coordinés de part et d’autre par les oxygè-
nes de tétraèdres de silicates [TAY 86, NON 04]. Les silicates se présentent sous for-
me de lignes parallèles de dimères (figure 2.5). Une partie plus ou moins importante
de ces dimères peuvent être pontés par un troisième tétraèdre formant ainsi des penta-
mères. L’interfeuillet contient des molécules d’eau et plus ou moins d’ions calcium.
Le nombre de tétraèdres pontants et de calcium en interfeuillet dépend de la concen-
tration de la solution interstitielle en hydroxyde de calcium ; c’est cette dépendance
qui est à l’origine de la variation du rapport Ca/Si des C-S-H. Il semble bien qu’il exis-
te trois phases distinctes de C-S-H, C-S-H-α correspondant à 0,66 < Ca/Si < 1, C-S-
H-β correspondant à 1 < Ca/Si < 1,5 et C-S-H-γ correspondant à 1,5 < Ca/Si < 2. Dans
un ciment CEM I, on rencontrera essentiellement les C-S-H de plus haut rapport Ca/
Si ; en revanche, dans un ciment à la fumée de silice par exemple, on trouvera le C-S-
H-α à l’interface avec la fumée de silice. On distingue souvent également les C-S-H

36
L’hydratation des ciments

par leur morphologie, en particulier, les C-S-H externes (outer product) de morpholo-
gie plutôt fibrillaire, qui se développent à partir de la surface des grains anhydres dans
les pores de la pâte et les C-S-H internes (inner product) de morphologie plus com-
pacte, qui occupent l’espace libéré par le grain d’alite qui se dissout.

30 nm 60 nm
Tétraèdre pontant
Dimère de silicate 5 nm

feuillet Plan de CaO H

interfeuillet H C
H
H
Plan de CaO

Figure 2.5 : représentation schématique de la structure cristalline du C-S-H


et relation avec la morphologie.

Du fait de la petite taille des particules qui le compose, la surface spécifique du


C-S-H est très élevée (de l’ordre de 250 m2/g) [KAN 61] ; de ce fait les propriétés
physicochimiques de la surface sont aussi importantes sinon plus que les proprié-
tés du volume. En particulier, la principale caractéristique du C-S-H est qu’il por-
te une forte densité de charges électriques de surface. En effet, les tétraèdres de
silicates portent un oxygène à chacun de leur sommet. Si ces oxygènes ne sont pas
engagés pour connecter deux tétraèdres ou pour coordiner un ion calcium, ils por-
tent des protons et forment des groupes silanols >Si-OH. En milieu basique, les
groupes silanols de la surface sont ionisés selon :
> Si–OH + OH– → >SiO– + H2O

La densité de sites > Si-OH à la surface est fixée par la structure (4,8 sites/nm2)
[VIA 01].
À haut pH, comme c’est le cas dans la pâte de ciment, la plupart des sites sont
ionisés, ce qui donne une densité de charges de surface parmi les plus élevées des
minéraux. Cette haute densité de charges de surface est à l’origine de la cohésion
du ciment et joue un rôle important dans l’interaction des espèces ioniques avec
la surface [PEL 97, JON 04].
En ce qui concerne sa stabilité le C-S-H est très peu soluble dans une solution sa-
turée par rapport à la portlandite (quelques µmol/L, soit de l’ordre de 1 mg/L), sa
solubilité augmente quand la concentration en hydroxyde de calcium en solution
diminue et si le pH descend en dessous de 10, il se dissout au profit de la silice
qui devient moins soluble [GRE 60].

37
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

3.4.3. Les aluminates de calcium hydratés


On distingue les phases hexagonales (C2AH8–C4AH13) et la phase cubique
C3AH6.
ˆ Le C3AH6 ou hydrogrenat
Le C3AH6, Ca3Al2(OH)12 est la forme la moins soluble des aluminates de cal-
cium hydratés. Il présente la même structure cristalline que le grenat
Ca3Al2(SiO4)3 dans laquelle chaque tétraèdre de silicate est remplacé par quatre
ions hydroxydes qui occupent la position des oxygènes des sommets du tétraèdre
(figure 2.6). Il existe en fait un domaine de solution solide entre les deux pôles
Ca3Al2(OH)12 et Ca3Al2(SiO4)3 (Katoite) [DAM 95]. L’hydrogrenat est le pro-
duit de l’hydratation des ciments alumineux (chapitre 14), on le trouve rarement
dans les ciments Portland hydratés à des températures normales.

(a) (b)

Figure 2.6 : (a) structure cristalline de l’hydrogrenat ; (b) image en microscopie


électronique à balayage de cristaux d’hydrogrenat.

ˆ Les phases hexagonales


La structure des aluminates de calcium hexagonaux dérive directement de celle
de la portlandite. Certains ions calcium du plan cationique du feuillet sont substi-
tués par des ions Al3+. Il en résulte un excès d’une charge positive par calcium
substitué. Cette charge positive est compensée dans l’interfeuillet par des anions
; ces anions sont des hydroxydes OH– dans C2AH8 et C4AH13 mais ce peut être
également tout autre anion mono ou divalent (Cl–, CO32–, SO42–…) (figure 2.7).

38
L’hydratation des ciments

Par exemple dans C4AH13, qui peut s’écrire encore 2([Ca2Al (OH)6]+OH-,
3H2O), un Ca2+ sur 3 est remplacé par un Al3+, et l’excès de charge est compensé
par un OH-. On obtient le même type de composés avec des ions Fe3+. Pour une
mole d’oxyde Al2O3 ou Fe2O3 substituant deux moles de CaO, il faut une mole
d’anions divalents que l’on peut écrire en notation cimentière : C3A, CX. C’est la
raison pour laquelle on les nomme AFm (A pour Al2O3, F pour Fe2O3 et m pour
mono (1 CX)). Les hydrates les plus stables sont les carboaluminates de calcium
qui se forment dans les ciments contenant des ajouts calcaire ou simplement à par-
tir des carbonates dissous dans la solution interstitielle du fait du contact avec le
CO2 atmosphérique.

Ca (OH)2

interfeuillet

×6

Insertions d'anions
en interfeuillet
pour compenser la charge plans de cations

Substitution 1/5 Ca par Al


feuillet chargé positivement (Ca2+ / Mg2+ /
Al3 / Fe3+)

Ca2+ OH– anions

Figure 2.7 : représentation schématique de la substitution cationique et de la


compensation de charge dans les phases de type AFm.

3.4.4. L’ettringite
La structure de l’ettringite est très différente de celles des AFm. Elle est constituée
de colonnes de cations coordinés par les oxygènes des hydroxydes et des molécules
d’eau (figure 2.8). Les ions sulfate ne participent pas non plus à la coordination des
cations, ils n’assurent que l’électroneutralité. Ils sont accueillis dans les canaux
créés par les colonnes cationiques. Ils peuvent également être remplacés par d’autres
anions tout comme l’aluminium peut également être substitué par du FerIII.

39
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

C6A S 3H32 s’écrit également C3A, 3C S d’où le nom de AFt donné à cette famille
de composés.

octaèdres Al (OH)6
tétraèdres SO42–
molécules H2O
polyèdres CaO8

(a) (b)

Figure 2.8 : (a) structure cristalline de l’ettringite ; (b) image en microscopie électronique
à balayage de cristaux d’ettringite (courtoisie D. Damidot).

3.5. La cinétique de l’hydratation des principales phases du ciment


La dissolution et la précipitation sont des réactions hétérogènes, elles font inter-
venir deux phases : une phase liquide, la solution, et une phase solide, celle qui se
dissout ou précipite. Au contraire des réactions homogènes, il n’y a pas de lois ci-
nétiques générales pour décrire les réactions hétérogènes, la vitesse de celles-ci
dépend des caractéristiques de la surface du solide et de l’interface solide-solu-
tion. Les deux principaux paramètres qui vont contrôler la vitesse macroscopique
de la réaction sont l’étendue de l’interface, c’est-à-dire la surface développée par
le solide en contact avec la solution, et l’écart à l’équilibre autrement dit le degré
de sous-saturation, dans le cas de la dissolution, et le degré de sursaturation, dans
le cas de la précipitation. Plus l’écart à l’équilibre est grand, plus la vitesse inter-
faciale sera grande ; de même, plus l’étendue de l’interface est grande, plus la vi-
tesse macroscopique globale sera grande. Par exemple, au cours de la dissolution
d’un solide, si aucune autre réaction n’intervient, la vitesse macroscopique ne
peut que diminuer : d’une part, la concentration des ions en solution augmente ce
qui diminue l’écart à l’équilibre et, d’autre part, la taille des grains diminue éga-
lement, ce qui diminue l’étendue de l’interface.
Dans le cas d’un processus incluant la dissolution d’une phase et la précipitation
d’une autre comme l’hydratation, l’étendue de l’interface de dissolution diminue
alors que l’étendue de l’interface de précipitation augmente. Pour maintenir la vi-
tesse globale de dissolution égale à la vitesse globale de précipitation, les concen-
trations en solution évoluent de telle sorte que l’écart à l’équilibre par rapport à

40
L’hydratation des ciments

l’équilibre de solubilité de la phase qui se dissout augmente pour compenser la di-


minution de l’étendue de l’interface ; de ce fait, en même temps, l’écart à l’équi-
libre de solubilité de la phase qui précipite diminue, ce qui ralentit la vitesse
interfaciale de précipitation. C’est ce que Barret a appelé le chemin cinétique de
l’hydratation [BAR 88, BAR 90]. On peut rencontrer différents cas.
Le plus simple est par exemple celui de l’hydratation du plâtre en gypse : l’évo-
lution du pourcentage d’hydratation, c’est-à-dire le taux de disparition du plâtre
ou le taux d’apparition du gypse, en fonction du temps est représenté sur la figure
2.9 : c’est une sigmoïde pratiquement symétrique qui s’étend entre 0 et 100 %
d’hydratation. La vitesse instantanée de l’hydratation est la tangente en chaque
point de la courbe ; elle est maximale au point d’inflexion. On observe donc suc-
cessivement une période accélérée, puis une période décélérée. La période accé-
lérée est contrôlée par la croissance du gypse dont l’augmentation de surface
entraîne une consommation de plus en plus grande d’ions fournis par la dissolu-
tion du plâtre. Pendant ce temps, la surface du plâtre diminue, et il arrive un mo-
ment où sa dissolution ne suffit plus à fournir tous les ions que pourrait
consommer la croissance du gypse. La vitesse diminue alors comme dans le cas
de la dissolution pure. La réaction devient limitée par la dissolution.

(2)
100

80
% hydratation

60

40 (1)

20

0
0 10 20 30 32 40 50 60
temps (minutes)

Figure 2.9 : avancement de l’hydratation du plâtre au cours du temps après malaxage


avec de l’eau (eau/plâtre = 2).
La vitesse d’hydratation est la tangente à la courbe. (1) Après le gâchage, la réaction accélère continû-
ment jusqu’à 32 minutes : elle est contrôlée par la croissance du gypse dont la surface augmente et con-
somme de plus en plus d’ions fournis par la dissolution du plâtre. (2) À cet instant, la surface du plâtre
diminuant, sa dissolution n’arrive plus à fournir tous les ions que pourrait consommer la croissance du
gypse et la vitesse diminue jusqu’à disparition complète du plâtre.

3.5.1. Cas des silicates calciques


Le cas de l’hydratation des silicates calciques est un peu plus complexe : l’évolu-
tion du taux d’hydratation en fonction du temps est représentée sur la figure 2.10

41
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

pour le silicate tricalcique. Le début de l’hydratation suit le même type d’évolu-


tion que dans le cas précédent, même s’il est plus lent.
L’hydratation est contrôlée par la vitesse de croissance du C-S-H. Les particules
nanométriques de C-S-H précipitent à la surface du grain qui se dissout et finis-
sent par former une couche continue sur la surface du grain. À partir de ce mo-
ment, l’hydratation est contrôlée par la diffusion des ions à travers cette couche
d’hydrate.
Il est à noter que si les grains de C3S sont suffisamment petits pour être complè-
tement dissous avant que la couche ne soit continue, on observe le même type
d’évolution que dans le cas de l’hydratation du plâtre en gypse.
50
8 1,2E+05
Flux de chaleur (mW/g C3S)

Quantité de chaleur (mJ)


1,0E+05 40

Avancement (%)
6
8,0E+04
30 [Ca (OH)2] 22 mmol/L
4 6,0E+04 C–S–H
20
4,0E+04
[Ca (OH)2] 11 mmol/L
2
2,0E+04 10
C–S–H
0 0,0E+00 0
0 200 400 600 800 1 000 1 200 0 200 400 600 800 1 000 1 200
Temps (minutes) Temps (minutes)

(a) (b)
Figure 2.10 : avancement de l’hydratation du C3S.
(a) Dans le cas du C3S, l’avancement de l’hydratation peut facilement être obtenu par intégration du
flux de chaleur dégagé par la réaction et mesuré par calorimétrie. (b) Au cours du processus de dis-
solution du C3S-précipitation du C-S-H, celui-ci se forme par germination hétérogène sur la surface
du C3S [GAR 99] et des particules de C-S-H déjà précipitées, de telle sorte qu’assez rapidement une
couche continue autour du grain d’anhydre va ralentir le processus de dissolution [GAR 01]. Le pour-
centage d’hydratation pour lequel cette couche devient continue dépend de la granulométrie du C3S,
de la température et d’une manière générale de tout ce qui peut faire changer localement la concen-
tration en hydroxyde de calcium.

3.5.2. Cas des aluminates calciques


En ce qui concerne la vitesse d’hydratation de l’aluminate tricalcique en particu-
lier, le problème de son contrôle est un peu plus complexe et fait encore débat. En
l’absence de sulfate de calcium, l’hydratation est très rapide, elle n’est contrôlée
que par la vitesse de dissolution du C3A car la formation d’aluminates de calcium
hydratés C2AH8 et C4AH13 est très rapide (figure 2.11b). Cela conduit d’ailleurs
à un raidissement prématuré de la pâte (prise rapide ou flash set). C’est la raison
pour laquelle on ajoute du sulfate de calcium au clinker. Dans ces conditions, l’et-
tringite est la phase la moins soluble, et c’est sa vitesse de croissance, qui est un
processus beaucoup plus lent, qui contrôle la vitesse d’hydratation. Il se forme
néanmoins un peu d’AFm au début de l’hydratation, c’est ce qui est à l’origine du

42
L’hydratation des ciments

premier pic intense observé sur la courbe de flux thermique mesuré par calorimé-
trie présenté sur la figure 2.11a. Une fois que tout le sulfate de calcium a été con-
sommé pour former de l’AFt, on forme à nouveau du C4AH13 très rapidement à
une vitesse contrôlée par la vitesse de dissolution du C3A ; c’est le deuxième pic
sur la courbe de flux thermique de la figure 2.11a. Dans ces conditions, l’ettringite
n’est plus la phase la moins soluble, elle se dissout partiellement, les ions libérés
contribuant à précipiter du mono sulfoaluminate de calcium.

14 1 C 3A

Avancement de l'hydratation
Flux thermique (mW/g)

12
0,8
10

8 0,6 C3A +gypse


6
0,4
4
0,2
2

0 0
0 200 400 600 800 1 000 0 500 1 000 1 500
Temps (minutes) Temps (minutes)
(a) (b)
Figure 2.11 : avancement de l’hydratation d’un mélange C3A-gypse.
(a) Évolution du flux thermique libéré au cours de l’hydratation d’un mélange C3A-gypse. (b) Avance-
ment de l’hydratation du C3A seul et du mélange C3A-gypse. On note l’effet ralentisseur introduit par
la formation de l’ettringite. D’après [MIN 03].

L’hydratation du C4AF en présence de sulfate de calcium et d’hydroxyde de cal-


cium suit le même type d’évolution que celle de l’hydratation du C3A. Elle conduit
à de l’ettringite dont les ions Al3+ sont partiellement substitués par des ions Fe3+.
3.6. L’hydratation des ciments
Le ciment est composé de nombreuses phases différentes qui contribuent chacune
en se dissolvant, à alimenter la solution interstitielle de la pâte de ciment en dif-
férents ions. En retour, la nature et la concentration des ions en solution influent
sur la dissolution des phases anhydres et des hydrates, de sorte que le mélange des
phases constituant le ciment ne se comporte pas comme la simple superposition
de l’hydratation de chaque phase. Une illustration de ce comportement en est don-
née figure 2.12 sur laquelle sont comparées, d’une part, les courbes de flux ther-
miques libérés au cours de l’hydratation du C3S et du système C3A-gypse pris
séparément et, d’autre part, au cours de l’hydratation de leur mélange.

43
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Flux thermique (mW/g alite)


14 14

Flux thermique (mW/g)


12 12
10 10 C3A–gypse
8 8
C3S
6 6
4 4
2 2
0 0
0 200 400 600 800 1 000 0 200 400 600 800 1 000
Temps (minutes) Temps (minutes)

(a) (b)

14 14 Comparaison (1) + (2) calculé /


(1) + (2) mesuré
Flux thermique (mW/g)

(1) + (2) calculé

Flux thermique (mW/g)


12 12

10 10

8 8

6 6

4 4

2 2

0 0
0 200 400 600 800 1 000 0 200 400 600 800 1 000
Temps (minutes) Temps (minutes)

(c) (d)

Figure 2.12 : hydratation de C3S et du mélange C3A-gypse ainsi que du mélange


des trois phases.
(a) Flux thermique expérimental libéré au cours de l’hydratation de C3S seul. (b) Flux thermique ex-
périmental libéré au cours de l’hydratation de mélange C3A-gypse. (c) Somme algébrique des contri-
butions. (d) Flux thermique expérimental libéré au cours de l’hydratation du mélange C3S-C3A-gypse
; par comparaison avec la somme algébrique de la contribution des deux sous-systèmes on peut noter
que c’est surtout l’hydratation du mélange C3A-gypse qui est affectée. D’après [MIN 03].

De ce fait, l’étude cinétique précise de l’hydratation d’un ciment est toujours dif-
ficile et d’autant plus que l’on y incorpore des ajouts plus ou moins réactifs. Néan-
moins, on peut considérer en première approximation que les mécanismes de
l’hydratation des différentes phases ne sont pas sensiblement modifiés. En parti-
culier en ce qui concerne l’hydratation de l’alite, qui constitue la phase majeure
du ciment Portland, celle-ci suivra le même type d’évolution que celle décrite au
paragraphe 3.2.1. Une partie des C-S-H pourra cependant précipiter sur d’autres
supports solides (fillers…), ce qui modifiera le pourcentage de réaction pour le-
quel l’hydratation est limitée par une couche continue d’hydrate.
En ce qui concerne la nature des phases qui se forment, celles-ci sont les mêmes
que celles qui précipitent lors de l’hydratation de chaque constituant du ciment.

44
L’hydratation des ciments

La pâte de ciment hydratée mature est constituée essentiellement de C-S-H ; on y


trouve intimement mélangé avec les C-S-H, de la portlandite et des AFm, sulfoa-
luminates et carboaluminates de calcium, de l’ettringite, souvent bien visible dans
les pores, et parfois des hydrogrenats, en particulier dans les bétons curés à tem-
pérature plus élevée. L’hydratation de l’alite sature la solution interstitielle en hy-
droxyde de calcium ce qui confère le pH élevé de la pâte de ciment. Dans le cas
des ciments composés, ces conditions sont favorables à la solubilité des ajouts
pouzzolaniques et des laitiers de haut-fourneau. Ces ajouts constituent alors une
nouvelle source de silice, pour précipiter des C-S-H, et d’alumine, pour former de
l’ettringite et/ou des AFm. Du fait de la présence d’oxyde de magnésium dans les
laitiers, on trouvera en plus des composés de type hydrotalcite qui consomment
une partie de l’aluminium ajouté.
3.7. La génération et les caractéristiques de la microstructure
de la pâte de ciment
On s’est intéressé jusqu’à présent aux processus chimiques qui conduisent aux
produits de la réaction avec l’eau, des grains qui constituent le ciment.
La principale propriété du ciment est, bien sûr, que son mélange avec l’eau con-
duit à un solide : la pâte de ciment hydratée. Sa microstructure résulte du carac-
tère granulaire du produit de départ. Dans le milieu ionique que constitue la
solution interstitielle et dans les secondes qui suivent la fin du gâchage, des forces
attractives maintiennent les grains de ciment encore anhydres en contact
[NAC 01] formant ainsi un solide poreux peu résistant. Celui-ci va être renforcé
au cours de l’hydratation par la formation des hydrates, d’abord près des points
de contact entre les grains anhydres, puis tout autour des grains, comblant ainsi,
au fur et à mesure que l’hydratation se poursuit, l’espace laissé libre entre les
grains et occupé initialement par l’eau. Cette évolution est schématisée sur la
figure 2.13.
L’espace entre les grains, occupé initialement par l’eau, est la porosité capillaire.
Deux caractéristiques de cette porosité capillaire sont particulièrement importantes :
– son volume ;
– sa connectivité.
Le volume de la porosité capillaire dépend de la formulation du matériau cimen-
taire. Le premier paramètre est le rapport eau/ciment ; pour une quantité de ciment
donnée, plus le volume d’eau est grand, plus l’espace initial entre les grains de ci-
ment est grand et plus la porosité capillaire est grande. Le deuxième paramètre est
la distribution granulométrique du matériau cimentaire : on peut diminuer la po-
rosité capillaire si des particules plus fines sont capables de combler au moins par-
tiellement l’espace entre les plus gros grains. Le troisième paramètre est le degré
d’hydratation : le volume molaire des hydrates étant supérieur à celui des anhy-

45
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

dres, l’espace occupé par le solide va augmenter au fur et à mesure de l’hydrata-


tion et la porosité capillaire diminuer. Cependant, le volume molaire des hydrates
reste inférieur à la somme du volume molaire des anhydres et du volume d’eau
nécessaire pour les former de sorte qu’il peut toujours subsister une porosité ca-
pillaire résiduelle si le le rapport eau sur ciment est trop grand même à hydratation
complète [POW 48].
Le volume de la porosité capillaire est un paramètre déterminant la résistance
de la pâte de ciment et donc du béton.

hydratation

Figure 2.13 : représentation bidimensionnelle de l’empilement de grains de ciment


dans la pâte.
Un amas continu est formé dès la fin du malaxage du fait de l’existence de forces attractives entre les
grains. L’espace laissé libre entre les grains constitue la porosité capillaire. Dans cette représentation
constituée d’une seule couche de grains de même dimension, celle-ci est connectée par les cols
autour des contacts intergranulaires. Compte tenu de la taille des grains de ciment, l’ordre de gran-
deur des pores capillaires est le micromètre. Au cours de l’hydratation, les hydrates remplissent pro-
gressivement les pores capillaires sans les combler totalement. Cette représentation 2D ne rend pas
compte d’un élément important, la connectivité des pores capillaires.

Retrait chimique ou contraction Le Chatelier


La formation du C-S-H à partir de l’hydrolyse du silicate tricalcique constitue la plus
grande partie de la formation de la microstructure de la pâte de ciment. Compte tenu de
la très faible solubilité des C-S-H, on peut considérer en première approximation
qu’une mole de C3S fournit une mole de C-S-H. La stoechiométrie exacte en eau des
C-S-H est difficile à déterminer : prise en compte uniquement de l’eau de structure des
hydrates (eau non évaporable) ou prise en compte l’eau remplissant la nanoporosité (gel
water). Si on inclut les deux, la valeur de quatre moles d’eau par mole de C-S-H est
généralement admise [YOU 87]. Le volume d’une mole de C-S-H est plus petit que le
volume initialement occupé par une mole de C3S et quatre moles d’eau, il s’en suivra
donc une variation de volume absolu associée à l’hydratation. Cette variation de volu-
me a été mise en évidence dès 1894 par Le Chatelier, c’est pourquoi on parle de retrait
chimique ou contraction Le Chatelier. La valeur du retrait dépend du volume occupé
par une mole de C-S-H qui peut varier légèrement suivant les conditions de l’hydrata-
tion. La présentation du retrait chimique est complétée aux chapitres 3 et 5.

46
L’hydratation des ciments

La connectivité du réseau capillaire est un paramètre particulièrement impor-


tant pour la durabilité du matériau.
En effet, si l’ensemble de la porosité capillaire est interconnectée, les agents
agressifs extérieurs peuvent pénétrer facilement dans le matériau, et sa dégrada-
tion en sera facilitée. La connectivité diminue au fur et à mesure de l’hydratation
: les hydrates en se développant sont susceptibles de boucher les entrées des pores
(figure 2.14). Lorsque l’hydratation progresse, il arrive un moment où les pores
capillaires ne sont plus connectés entre eux que par la porosité des hydrates. Ce
point est traité en détail au chapitre 3.
L’origine de la porosité des hydrates est essentiellement de même nature que celle
de la porosité capillaire : elle est due au caractère granulaire des produits d’hydra-
tation. La plus grande partie de la matière hydratée de la pâte de ciment est cons-
tituée par les C-S-H qui sont, comme le montre la figure 2.4, des particules
nanométriques. L’ordre de grandeur de la taille des pores des hydrates, ou nano-
pores, est de ce fait le nanomètre. Au cours du temps, la taille moyenne des pores
capillaires diminue et la nanoporosité augmente avec la formation de C-S-H. Ceci
est encore plus marqué avec des ajouts pouzzolaniques.
Il est bien évident que la diffusion de fluides (liquide ou gaz) à travers la matrice
cimentaire dépendra fortement du fait que la porosité capillaire est seulement con-
nectée par la nanoporosité. Cet aspect est détaillé dans le chapitre 3.

(a) (b)

Figure 2.14 : évolution au cours du temps de cure, de la connectivité de la structure


poreuse d’une pâte de ciment (assimilée à des cylindres connectés entre eux) générée
par simulation numérique.
(a) La pâte de ciment vient d’être gâchée, les pores capillaires sont très interconnectés. (b) La pâte
de ciment est âgée de 28 jours, les connexions entre pores capillaires sont beaucoup moins nombreu-
ses [SCR 05].

47
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

3.8. La caractérisation de la microstructure


La caractérisation de la pâte de ciment hydratée est toujours une tâche difficile par-
ce qu’elle doit être décrite sur plusieurs ordres de grandeur en passant du nanomètre
au millimètre, voire au mètre pour le béton. Ainsi, sa description requiert une asso-
ciation de plusieurs techniques qui permettent une description généralement bidi-
mensionnelle qui pourront permettre parfois un passage à la connaissance de la
microstructure tridimensonnelle. Comme la microstructure est évolutive, on doit
essayer de privilégier, quand ceci est possible, des techniques non destructives.

4. CONCLUSION
L’hydratation du ciment est une somme de processus chimiques qui conduisent à
la transformation de phases anhydres en différentes phases hydratées. Ces trans-
formations chimiques s’accompagnent d’un ensemble de processus physiques qui
participent à la construction de la microstructure de la pâte de ciment. Les lois qui
gouvernent l’hydratation du ciment, c’est-à-dire l’évolution des phases anhydres
au contact de l’eau en phases hydratées, gouvernent de la même manière l’évolu-
tion des phases hydratées si elles sont mises en contact avec un milieu dans lequel
des phases moins solubles sont susceptibles d’exister selon les lois thermodyna-
miques rappelées dans ce chapitre. Dans le premier cas, les réactions entre des
grains en suspension concentrée dans une phase aqueuse conduisent rapidement
à la transformation partielle du produit de départ en phases hydratées et à la for-
mation d’un solide à microstructure complexe. Dans le second cas, c’est-à-dire
l’évolution d’une pâte de ciment durcie soumise à un environnement extérieur,
c’est à travers la surface externe et interne, la surface développée par les pores ca-
pillaires et les nanopores, que les différentes phases hydratées qui constituent le
solide massif vont être en interaction avec le milieu extérieur ; cette interaction
sera donc d’autant plus limitée que la porosité capillaire sera fermée ce qui est une
caractéristique de la microstructure. La durabilité du matériau est donc fortement
liée à la manière avec laquelle il a été élaboré.

48
L’hydratation des ciments

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49
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

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LIN L., DELVILLE A., CAILLOL J.-M., Van DAMME, H. – “A (NTV) Monte-Carlo
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[POW 48] POWERS T.C., BROWNYARD T.L. – Studies of the physical properties of
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[YOU 87] YOUNG J.F., HANSEN W. – In Mater. Res. Soc. Symp. Proc., 1987, p. 313.

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50
CHAPITRE 3

La structure poreuse des bétons


et les propriétés de transfert

J.-P. OLLIVIER, J.-M. TORRENTI

Résumé
La structure poreuse des bétons est constituée de pores capillaires et de pores
d’hydrates. Les pores capillaires, les plus gros, influencent fortement les proprié-
tés de transfert des bétons surtout lorsqu’ils sont interconnectés. Pour diminuer
la porosité capillaire et son interconnexion, il faut réduire le rapport E/C et soigner
la cure. La peau du béton est, en outre, particulièrement sensible au séchage pré-
coce, ce qui peut conduire lorsque la cure est insuffisante à un arrêt de l’hydrata-
tion très préjudiciable à l’obtention d’un béton de qualité.
La perméation et la diffusion ionique des bétons sont étudiées et les grandeurs
associées (perméabilité et coefficient de diffusion effectif) sont définies. La mesu-
re de ces grandeurs est délicate, car le domaine de validité des lois qui les défi-
nissent est limité. Dans la pratique, cela conduit à utiliser des protocoles de
mesure bien précis.
La perméabilité et le coefficient de diffusion des espèces ioniques (chlorures par
exemple) sont nettement améliorés lorsque la cure du béton est soignée. La
structure poreuse et les propriétés de transfert du béton, perméabilité et diffusion
des espèces chimiques, peuvent être améliorées en utilisant des additions miné-
rales ou des ciments binaires ou ternaires. Lorsque des additions sont utilisées,
leur effet n’est bénéfique que dans la mesure où la cure est suffisamment longue.
Mots-clés
AURÉOLE DE TRANSITION, BÉTON DE PEAU, CAPILLAIRES, COEFFICIENT DE DIFFUSION,
CURE, DIFFUSION, PERMÉABILITÉ, POROSITÉ, SÉCHAGE.

51
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

1. INTRODUCTION
La durabilité du béton est en grande partie fonction de la difficulté qu’ont les
agents agressifs à pénétrer dans le réseau poreux du béton.
Dans ce chapitre nous présenterons en premier lieu la structure poreuse des bé-
tons. Deux grandeurs physiques permettent de caractériser l’aptitude des bétons à
résister à l’intrusion des agents agressifs : la perméabilité et la diffusion. Ces deux
grandeurs correspondent à deux mécanismes bien distincts de transport de matiè-
re : la perméabilité décrit un écoulement qui se produit sous gradient de pression
et la diffusion un transport à l’échelle moléculaire sous gradient de concentration.
Nous présenterons les lois qui relient ces deux grandeurs aux caractéristiques po-
reuses des matériaux. C’est grâce à elles que l’ingénieur peut trouver des moyens
d’action, moyens qui concernent le choix des composants, la formulation et les
conditions d’hydratation.
Parmi ces moyens, nous présenterons ceux offerts grâce à la diversité des ciments
en étudiant le rôle des additions minérales. Nous montrerons aussi l’importance
de la qualité de la cure.
Le transport de matière à travers le réseau poreux des bétons dépend aussi de l’état
d’humidité du matériau. Par exemple les espèces ioniques ne peuvent diffuser
dans le béton que par le liquide interstitiel contenu dans les pores alors que le
dioxyde de carbone diffuse beaucoup plus vite dans l’air que dans l’eau. Nous ter-
minerons donc ce chapitre par une présentation du séchage du béton.
Dans certaines dégradations, le transport de matière reste en grande partie interne
au béton (cas de gel-dégel par exemple) : même dans ce cas, les dégradations sus-
ceptibles d’affecter le béton sont surtout dépendantes des possibilités de transfert
interne. Nous montrerons au chapitre 10 qu’une bonne durabilité aux cycles de
gel dégel est assurée par la réalisation d’un réseau de bulles d’air approprié.

2. STRUCTURE POREUSE DES BÉTONS


Dans le chapitre 4 il est montré que les agressions chimiques résultent du désé-
quilibre entre la solution interstitielle contenue dans les vides de la structure po-
reuse du béton et son environnement. La durabilité du béton est ainsi intimement
liée à ses capacités d’échanges avec le milieu l’extérieur qui sont conditionnées
par la nature des phases en présence, mais aussi par les caractéristiques de sa
structure poreuse. La recherche d’une forte compacité sera toujours une condition
nécessaire pour une bonne durabilité. Le béton étant un matériau composite asso-
ciant une phase granulaire et une phase liante, sa structure poreuse dépend de l’ar-
rangement granulaire et de la structuration de la phase liante. Concevoir un béton
durable consistera donc à optimiser le squelette granulaire et à rechercher une

52
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

phase liante dense, ceci en conciliant les autres impératifs de fabrication, notam-
ment des propriétés à l’état frais compatibles avec les moyens de mise en œuvre.
2.1. Définitions et caractérisation de la structure poreuse des bétons
2.1.1. Description de la structure poreuse d’un matériau, définitions
Le béton est un matériau polyphasique. Il est composé d’une phase solide, d’une
phase liquide et d’une phase gazeuse. Le solide est constitué des granulats, des
hydrates et des parties du liant non hydratées. La phase liquide est la solution in-
terstitielle et la phase gazeuse est un mélange d’air et de vapeur d’eau.
Schématiquement, le béton, matériau poreux, peut être représenté selon la
figure 3.1.

Vides ouverts interconnectés

Vides ouverts non interconnectés

Solide

Vides fermés
Volume apparent
Figure 3.1 : description schématique d’un matériau poreux.

Pour décrire un solide poreux, on définit les grandeurs suivantes :


– Va, le volume apparent contenu dans l’enveloppe du matériau ;
– vs, le volume de la partie solide du matériau ;
– vo, le volume des pores « ouverts », c’est-à-dire communicant avec l’extérieur;
– vo,i, le volume des pores ouverts interconnectés à travers lesquels un fluide
peut traverser le matériau ;
– vo,ni, le volume des pores ouverts non interconnectés ;
– vf, le volume des pores fermés.
On peut écrire les relations suivantes entre ces volumes :
Va = vs + v
où v = vo + vf et vs = vo,i + vo,ni

53
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

On définit également des porosités en rapportant les volumes de vides au volume


apparent :
v o, i
– porosité ouverte interconnectée : p o, i = --------
-;
Va
v o, ni
– porosité ouverte non interconnectée : p o, ni = ----------- ;
Va
v
– porosité ouverte : p o = -----o- = p o, i + p o, ni ;
Va
v
– porosité fermée : p f = -----f- ;
Va
v- = p + p .
– porosité (totale) : p = -----
Va o f

À titre d’exemple, la porosité d’un béton courant est de l’ordre de 15 % à 28 jours,


celle d’un béton à hautes performances de 10 à 12 % et celle d’un béton à très hau-
tes performances peut varier entre 7 et 9 %.
Les différentes propriétés d’usage des bétons dépendent des porosités définies
ci-dessus. En particulier la durabilité est associée à la porosité ouverte et, plus
particulièrement, à la porosité ouverte interconnectée qui autorise la pénétra-
tion des agents agressifs extérieurs dans le béton.
L’état d’humidité du béton peut être caractérisé par deux grandeurs :
m
– la teneur en eau, w = -----e- , où me est la masse d’eau liquide contenue dans le
ms
béton et ms la masse du béton sec;
v
– le degré de saturation, s = ----e- , où ve est le volume d’eau contenu dans les
vo
vides ouverts.
Pour caractériser la géométrie d’un réseau poreux d’un matériau on utilise aussi
trois notions :
– la tortuosité T, définie par Carman [CAR 35] comme le carré du rapport entre
la longueur moyenne de l’écoulement dans le milieu poreux Le à la longueur du
matériau mesurée dans la direction macroscopique de l’écoulement L :
L 2
T = -----e- .
2
L

54
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

La tortuosité n’est pas mesurable, car il n’est pas possible de mesurer la longueur
Le mais elle peut être calculée dans certains cas simples (sphères empilées de
même diamètre). Dans un milieu poreux, elle est comprise entre 1 et 3 [DUL 79].
Dans les milieux homogènes isotropes, T est une fonction de la porosité ouverte
et peut être prise entre 1 et 3 . Pour la plupart des arrangements compacts, T est
proche de 1,15 [BRA 74] ;
– la constrictivité δ est un paramètre qui rend compte de façon qualitative de la
variation de section qu’offrent les pores à l’écoulement (δ < 1). Elle peut être
définie par le rapport entre la plus grande et la plus petite section efficace. Dans
des arrangements compacts de sphères identiques isotropes, δ est proche de 0,75
[BRA 74] ;
σ
– le facteur de formation F [DUL 79], défini selon la relation F = ------ où σ est
σe
la conductivité électrique de la solution interstitielle contenue dans le milieu
poreux et σe la conductivité électrique du même milieu poreux saturé par cette
solution. Le facteur de formation est relié à la porosité ouverte et à la tortuosité T
pδ- .
du réseau poreux par la relation : --1- = -----
F T
Les grandeurs que nous venons de définir permettent de caractériser globalement
(macroscopiquement) un matériau poreux. Les propriétés de transfert des maté-
riaux (perméabilité, diffusion des ions) dépendent de la porosité, mais elles sont
aussi influencées par la taille des pores et leur connexion.
La connexion des pores peut être décrite au moyen de la théorie de la percolation.
2.1.2. Théorie de la percolation : un outil pour décrire la connexion
des pores
Dans la théorie de la percolation, le milieu est modélisé par un réseau géométrique
régulier, par exemple une structure 2D carrée (figure 3.2). Les éléments de l’es-
pace (liens ou sites) sont occupés de façon aléatoire avec une probabilité p. Par
exemple sur la figure 3.2a, chaque lien, peut représenter un pore avec ici une pro-
babilité de présence de 0,2. Au-delà d’une certaine probabilité pc appelée seuil de
percolation, un amas continu de liens se forme dans le réseau. La proportion γp
des éléments appartenant à l’amas continu est donnée par la figure 3.2c.
En dessous du seuil de percolation, il n’existe pas d’amas continu de liens, le
transport de fluide à travers les pores du matériau n’est pas possible car le réseau
n’est pas interconnecté. Le seuil de percolation correspond au passage d’un réseau
« non conducteur » à un réseau macroscopiquement « conducteur ». Au-dessus

55
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

du seuil de percolation, la fraction des pores appartenant à l’amas continu varie


β
selon la relation : γ p = ( p – p c ) . La valeur du seuil de percolation dépend de la
géométrie du réseau des liens (plus il est interconnecté, plus le seuil est petit),
mais l’exposant β en est indépendant, il ne dépend que de la dimension de l’espa-
ce (0,41 en 3D par exemple).

0,6
0,5
0,4

Y(p)
0,3

0,2
Pc = 0,25
0,1

0
0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6
Percolation de liens Percolation de sites P

(a) (b) (c)

Figure 3.2 : illustration de la percolation de liens et de sites, variation de la fraction des


pores interconnectés en fonction de leur probabilité d’occurrence, d’après [DAÏ 93].
Le seuil de percolation dépend de la géométrie du réseau considéré. Il est égal à 0,25 avec le réseau
bidimensionnel de la figure. Si on considère un réseau tridimensionnel de sphères tangentes de deux
types (conductrices et isolantes par exemple), le seuil de percolation à travers un des deux types de
sphères (conductrices par exemple) dépend de la géométrie de l’empilement. Par contre, on peut
montrer que la densité critique représentant la fraction de l’espace occupée par ces sphères conduc-
trices est une constante indépendante de la géométrie de l’empilement. Elle est voisine de 15 %
[SCH 70].

2.1.3. L’eau libre dans les bétons, équilibre avec l’air humide
Dans l’air humide, les surfaces solides sont couvertes de molécules d’eau : c’est
le phénomène d’adsorption.
Dans tout milieu gazeux, les solides fixent temporairement des molécules gazeu-
ses selon deux types d’interactions :
– par des liaisons chimiques, c’est l’adsorption chimique ;
– par des liaisons intermoléculaires de Van der Waals, c’est l’adsorption physi-
que.
Lorsque l’espèce adsorbée se trouve en équilibre avec la phase gazeuse, sa con-
centration superficielle sur un solide dépend de la nature du gaz et du solide ainsi
que de la pression du gaz (ou de la pression partielle de la vapeur d’eau dans le
cas de l’air humide) et de la température. À température fixée, le nombre de cou-
ches de molécules de vapeur d’eau adsorbées sur la surface d’un solide dans l’air
humide est une fonction croissante de la pression partielle de l’eau, donc de l’hu-

56
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

midité relative. Les énergies de liaison (d’adsorption) de ces diverses couches


d’eau diminuent avec la distance au solide, ce qui limite la quantité d’eau fixée.
Le tracé des isothermes de sorption permet de décrire ce phénomène. Dans les po-
res des matériaux poreux, les résultats diffèrent de ceux obtenus sur solides lisses:
au-delà d’une certaine humidité, l’augmentation de l’épaisseur des couches d’eau
adsorbées conduit à une condensation de l’eau dans les pores, c’est la condensa-
tion capillaire. Si θ est l’angle de raccordement entre l’eau et le solide, la relation
entre l’humidité relative ψ et le rayon r des pores dans lesquels la vapeur d’eau se
condense est donnée par l’équation de Kelvin-Laplace :
– 2 σM cos θ
ln ψ = ---------------------------- (1)
rRTρ 1
où M est la masse molaire de l’eau, ρl sa masse volumique à l’état liquide, σ sa
tension superficielle, R la constante des gaz parfaits et T la température absolue.
La figure 3.3 illustre la relation entre le rayon des pores emplis d’eau liquide à
20 °C et l’humidité relative de l’air.

10–1

– 1,079 . 10–3
U —P § à 20 °C
Rayon de pores (μm)

ln <
10–2

10–3

10–4
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
Humidité relative de l'air < (%)
Figure 3.3 : rayon des pores emplis d’eau à 20 °C en fonction de l’humidité relative
de l’air, d’après [DAÏ 93].
Dans un béton à l’équilibre à la température de 20 °C avec de l’air à 60 % d’humidité relative les pores
de rayon inférieur à 2 nm sont saturés en eau.

La forme des isothermes de sorption est modifiée lorsque la condensation capil-


laire se produit. Comme le montre la figure 3.4, un phénomène d’hystérésis peut
être observé entre l’adsorption (à hygrométrie croissante) et la désorption (à
hygrométrie décroissante). L’hystérésis est fréquemment expliquée par la forme
géométrique des pores, des vides étant connectés à leurs voisins par des cols de
taille inférieure.

57
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

300

Teneur en eau (kg/m3)


200

100

0 20 40 60 80 100
H.R. (%)

Figure 3.4 : isotherme de sorption-désorption avec hystérésis, d’après [KAM 88].

Après la cure, le béton se met à l’équilibre avec l’air humide dans lequel il se trou-
ve. Le séchage du béton est présenté dans la dernière partie de ce chapitre 3. Il
entraîne des départs d’eau et la formation de ménisques de raccordement dans les
pores entre l’eau et l’air. Des tensions capillaires variables avec la taille des mé-
nisques sont créées et engendrent des contraintes responsables du retrait. Ces phé-
nomènes sont décrits dans le chapitre 5 et ses conséquences sur la fissuration dans
le chapitre 6.
L’eau contenue dans les pores du béton est aussi appelée « eau libre » pour la dis-
tinguer de l’eau liée chimiquement dans les hydrates. Il convient toutefois de no-
ter qu’il ne s’agit pas d’eau à proprement parler mais d’une solution interstitielle
contenant de nombreuses espèces ioniques (voir la figure 9.5).
La quantité d’eau liquide dans le béton dépend à la fois de la structure poreuse
du béton et de l’humidité relative de l’air dans lequel il se trouve. La présence
d’eau liquide dans les pores du béton joue un rôle important dans les possibilités
de transfert car elle favorise la pénétration des espèces ioniques alors qu’elle
s’oppose à la pénétration des gaz.
2.1.4. Les méthodes de caractérisation de la structure poreuse
des bétons
La structure poreuse des bétons est complexe et les méthodes de caractérisation
sont nombreuses. Les vides dans les bétons sont ouverts et interconnectés et on
peut donc confondre la porosité avec la porosité ouverte et la porosité ouverte in-
terconnectée. La méthode de mesure la plus utilisée est celle de la « porosité ac-
cessible à l’eau » qui consiste à saturer le matériau sous vide. Le volume apparent
est déterminé au moyen d’une pesée hydrostatique, et le volume des vides est ob-
tenu par différence entre la masse de l’échantillon saturé et celle mesurée après

58
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

séchage. La méthode fait l’objet d’une recommandation qui fixe en particulier la


taille minimale de l’échantillon et les modalités du séchage [AFR 97]. En prati-
que, il faut éviter de comptabiliser sous forme d’eau libre la partie de l’eau chimi-
quement liée qui correspond à la déshydratation partielle des hydrates tout en
n’imposant pas une durée de séchage excessive.
La détermination de la taille des pores est beaucoup plus complexe. L’espace po-
reux est continu, et il n’est pas évident de le décrire par un assemblage de pores
ayant des formes géométriques simples. En pratique, les méthodes de mesure font
appel à différents principes, et à chacune d’elles correspond une convention pour
la définition du pore et de sa taille. Trois méthodes sont principalement utilisées
pour caractériser la structure poreuse des bétons.
La première repose sur l’exploitation des isothermes de sorption d’eau. Elle sup-
pose qu’il y a coexistence d’eau liquide condensée dans les pores et d’eau adsor-
bée sur les parois des pores. La distribution de la taille des pores est obtenue à
partir de courbe de désorption en faisant l’hypothèse que les pores sont cylindri-
ques, que le rayon des pores emplis d’eau est donné par la relation de Kelvin-La-
place et que les pores sont recouverts d’une couche d’eau dont l’épaisseur varie
avec l’humidité relative. Cette méthode est particulièrement utilisée pour caracté-
riser les pores dont le rayon est de l’ordre de la dizaine de nm.
La deuxième méthode utilise l’analyse d’images. Des images numériques de sec-
tions polies de béton obtenues généralement en microscopie électronique à balaya-
ge (en mode d’électrons rétrodiffusés comme à la figure 3.10 par exemple) sont
analysées. Grâce à des traitements morphologiques et aux outils de la stéréologie,
des données tridimensionnelles sont obtenues à partir de l’observation des sections
en 2D. Toutes les mesures effectuées sur une section polie n’ont pas une correspon-
dance simple avec des grandeurs en 3D (il suffit pour s’en convaincre d’imaginer
une coupe traversant un matériau granulaire ; les dimensions de grains mesurées
dans le plan de coupe ne permettent pas simplement de connaître la dimension des
grains en 3D). La porosité est par contre une grandeur facile à connaître, puisqu’elle
est égale à la fraction surfacique des vides observée sur une coupe [UND 68]. De-
puis les travaux de Scrivener [SCR 88], cette méthode est aussi utilisée pour con-
naître les teneurs volumiques des différents hydrates et les degrés d’hydratation.
Par contre, la dimension des pores ne se mesure pas facilement en analyse d’ima-
ges. Il faudrait pour cela disposer d’images à fort grandissement, car les plus petits
pores des hydrates sont de l’ordre du nanomètre. En pratique, cette méthode est peu
adaptée à l’étude de la structure poreuse des bétons, car elle nécessite des quantités
d’images considérables pour disposer d’une représentation significative. En outre,
la taille des pores n’est pas uniforme dans le béton, car, comme cela sera discuté
plus loin, les granulats sont entourés d’une zone plus poreuse appelée « auréole de

59
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

transition ». L’analyse d’image peut toutefois fournir des informations utiles si on


limite l’investigation aux pores les plus gros.
La troisième méthode, la plus utilisée, est la porosimétrie au mercure. Un échan-
tillon préalablement séché est soumis à des pressions croissantes de mercure. Ce
liquide non mouillant pénètre progressivement dans le matériau. Si on suppose
que les pores sont des cylindres, la loi de Washburn exprime la relation entre la
pression d’injection P et le rayon des pores r emplis :
2σ Hg cos θ
P = ------------------------- (2)
r
σHg est la tension superficielle du mercure (environ 0,48 N/m) et θ son angle de
raccordement (environ 140 degrés).
Cette méthode nécessite un séchage préalable de l’échantillon qui risque de mo-
difier sa microstructure. La comparaison de données issues de protocoles diffé-
rents est donc délicate et pour faciliter les comparaisons, l’Association française
de génie civil a proposé une recommandation pour la préparation des échantillons
[AFG 07]. Comme pour les méthodes précédentes, il est nécessaire de disposer
d’un échantillon dont la taille est suffisante pour être représentative. Ce n’est pas
aisé avec les porosimètres disponibles dans le commerce, car les cellules de me-
sure sont très petites et ne permettent d’étudier que des échantillons de
quelques cm3. En plus de ces réserves, il faut mentionner plusieurs limitations à
cette méthode. La première concerne la taille minimale des pores accessibles. En
général, compte tenu des pressions maximales disponibles, le diamètre minimal
accessible est de 3 nm. La pression correspondante, de l’ordre de 490 MPa, en-
dommage vraisemblablement le matériau, et les volumes de pores mesurés sont
sujets à discussion. De plus, le modèle de description de la structure poreuse est
celui d’un ensemble de cylindres accessibles au mercure depuis la périphérie du
matériau. Il est évident que tous les plus gros pores ne communiquent pas avec
l’extérieur et ne sont accessibles au mercure que par des pores plus petits. Le vo-
lume des pores les plus gros est donc sous-évalué au bénéfice des plus petits po-
res. On peut considérer que le porosimètre à mercure donne une information sur
le diamètre d’accès aux pores. Des méthodes ont été développées pour mieux ren-
dre compte de la réalité de la structure poreuse. Elles consistent à exploiter la
courbe d’injection et la désaturation du mercure dans l’échantillon à pression dé-
croissante. Dans la pratique courante de la description de la structure poreuse des
bétons, ces méthodes ne sont que rarement utilisées.
La comparaison de données montre que les résultats varient beaucoup selon la
méthode utilisée. Par exemple, la figure 3.5 illustre les différences entre analyse
d’images et porosimétrie au mercure. La première méthode est limitée à des

60
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

tailles de pores de l’ordre du micromètre à cause des grandissements maximaux


utilisables en microscopie à balayage, mais on remarque bien que la porosimétrie
au mercure surévalue fortement le volume des petits pores. Dans ce qui suit, les
structures poreuses seront caractérisées au moyen du porosimètre à mercure, car
le domaine de taille des pores obtenu par cette méthode est le plus étendu, et les
données sont plus nombreuses dans la littérature scientifique. Il faut toutefois
conserver en mémoire que la représentation donnée par cette méthode comporte
de nombreux biais et qu’il convient de les analyser de façon comparative. Nous
montrerons dans la troisième partie de ce chapitre que la description de la struc-
ture poreuse par porosimétrie au mercure est pertinente pour la prédiction des
transferts dans le béton.
0,20
Volume des pores cumulé (cm3/g)

E/C = 0,40, 28 jours

0,15
Porosimétrie au mercure
Analyse d'images

0,10

0,05

0,00
– 0,01 – 0,1 –1 1 10 100 1 000
Diamètre (μm)

Figure 3.5 : structure poreuse d’une pâte de ciment Portland (E/C = 0,40, 28 jours).
Comparaison entre les données de porosimétrie au mercure et d’analyse d’images,
d’après [DIA 94].

Le porosimètre à mercure permet aussi d’évaluer la porosité ouverte, le volume


des vides ouverts étant calculé par le volume total de mercure injecté dans
l’échantillon à haute pression. Les valeurs obtenues ainsi sont systématiquement
inférieures à celles mesurés à l’eau [BAR 01, GAL 01]. Ce résultat est générale-
ment expliqué par le fait que le porosimètre à mercure ne comptabilise pas les très
petits pores car la pression maximale appliquée est limitée alors que tous les pores
sont en principe accessibles à l’eau.
2.2. Structure poreuse de la pâte de ciment
2.2.1. Le modèle de Powers
Le modèle de Powers [POW 46] décrit l’évolution des fractions volumiques des
hydrates, des anhydres, de l’eau et des pores au cours de l’hydratation. Ce modèle

61
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

a été développé pour les ciments de type CEM I. La microstructure poreuse d’une
pâte de ciment peut être classiquement décrite en distinguant deux familles de po-
res (distribution bi-modale) comme le montre la figure 3.6 :
– les pores capillaires (les plus gros). Ce sont les vestiges, à un moment donné
de l’hydratation, des espaces intergranulaires de la pâte initialement emplis
d’eau ;
– les pores des hydrates (les plus petits). Ils se forment à l’intérieur des hydrates.
40

Pores des hydrates


30
Pores capillaires
(%)

20
' log d
' po

E/C = 0,80

10

0
1 10 102 103
Diamètre des pores (en nm)

Figure 3.6 : mise en évidence, par porosimétrie mercure, des pores capillaires
et des pores des hydrates, d’après [VER 68].
Les pores de plus grande taille (ici environ 0,5 µm) sont les vestiges des espaces granulaires et les
pores les plus petits (ici environ 10 nm) constituent la microporosité des hydrates. Les courbes de fré-
quence porosimétrique permettent de visualiser la répartition en volume des pores d’un matériau po-
reux. La porosité ouverte po du matériau est mesurée par l’aire sous-tendue par la courbe. La porosité
correspondant à une famille de pores particulière est mesurée par l’aire sous-tendue par la courbe
entre les deux diamètres limites de la famille considérée.

Pendant l’hydratation, lorsqu’un volume de ciment vc réagit, il se forme un volu-


me d’hydrate vh plus important : vh = 2,13 vc. Les espaces compris entre les grains
de ciment, initialement emplis avec l’eau de gâchage, se comblent donc progres-
sivement et la porosité diminue.
L’avancement des réactions d’hydratation est décrit par le degré d’hydratation :
mc ( t ) mc( t )
α ( t ) = ------------
- = -----------
- (3)
mc( 0 ) C
où mc(0) la masse de ciment initiale et mc(t) est la masse de ciment anhydre à l’ins-
tant t.

62
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

Powers fait l’hypothèse que la porosité des hydrates est indépendante du degré
d’hydratation et du rapport E/C. Elle est constante et égale à 28 %. En outre, au
cours de l’hydratation le volume absolu des hydrates est inférieur à la somme des
volumes absolus du ciment et de l’eau qui se combinent pour les former :
volume des hydrates = 0,9 (volume ciment anhydre + volume d’eau).
Il en résulte une contraction qui a été mise en évidence par Le Chatelier [LEC 04]
au moyen de l’expérience décrite à la figure 3.7. Lorsque la contraction se produit
avant la prise, le volume apparent de la pâte diminue. Après prise, la pâte se struc-
ture et devient moins déformable. La contraction se manifeste par un autre effet :
les petits pores des hydrates néoformés drainent l’eau des capillaires où il se for-
me des espaces vides : il y a autodessiccation de la pâte. Une conséquence impor-
tante de ce phénomène est le retrait endogène qui est présenté au chapitre 5.

Niveau de la Avant Après


pâte de ciment
dans les flacons

'V = volume d'eau qui a


'V
pénétré dans la pâte

Avant Après
Figure 3.7 : mise en évidence de la contraction Le Chatelier et du gonflement,
d’après [AÏT 01].
Dans le flacon où la pâte de ciment hydraté n’est pas recouverte d’eau, la pâte de ciment s’est con-
tractée au bout de quelques jours et n’occupe plus la totalité de la base du vase. Le Chatelier en con-
clut que le volume apparent de la pâte de ciment diminue en durcissant sans qu’elle ne perde de
masse. Par contre, dans le flacon où la pâte de ciment est recouverte d’eau, une baisse progressive
du niveau de l’eau dans le col du flacon est constatée avant que le flacon n’éclate suite au gonflement
de la pâte de ciment. Le Chatelier en conclut qu’en s’hydratant le volume absolu diminue (baisse du
niveau de l’eau dans le col du flacon) mais que, simultanément, le volume apparent de la pâte de ci-
ment hydraté augmente jusqu’à provoquer l’éclatement du flacon. Il avoua très honnêtement être in-
capable d’expliquer les raisons de ce gonflement. Cent ans plus tard, on n’est guère beaucoup plus
avancé pour expliquer ce phénomène de gonflement.

63
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Le modèle de Powers considère enfin les conditions d’arrêt de l’hydratation d’une


pâte de ciment. Elle peut s’arrêter lorsque toute l’eau capillaire est consommée ou
lorsque tout le ciment est hydraté. À partir de ces hypothèses, il est possible de cal-
culer les fractions volumiques en présence en fonction du degré d’hydratation, du
rapport E/C de gâchage et pour deux types de conditions d’hydratation : en l’ab-
sence ou en présence d’eau extérieure [JEN 00]. Les résultats, illustrés à la
figure 3.8, mettent en évidence un seuil critique du rapport E/C. Pour un rapport
E/C égal à 0,42 théoriquement, le ciment peut s’hydrater complètement, et il ne
subsiste plus de porosité capillaire à hydratation complète. Pour des quantités
d’eau supérieure, la pâte complètement hydratée contient encore des pores capil-
laires alors que si le rapport E/C est inférieur à 0,42, le ciment ne peut pas s’hydra-
ter complètement. Si de l’eau extérieure est disponible lors de l’hydratation le seuil
est légèrement modifié, il est égal à 0,35 (voir la figure 3.9).
E/C = 0,60 E/C = 0,42 E/C = 0,30 Dessiccation de la pâte
1 Pores Autodes- 1 Autodes- de ciment hydratée
Pores 1
siccation siccation Pores
Eau des capillaires Eau des capillaires Eau des
capillaires Eau du "gel"
Eau du "gel"
Eau du "gel"

Vol. Vol. Vol. "Gel" solide


"Gel" solide
"Gel" solide

Ciment Ciment
Ciment

0 D 1 0 D 1 0 D DD 1

Figure 3.8 : évolution des quantités de produits en cours d’hydratation, cas où


l’hydratation se déroule sans apport d’eau extérieure, d’après [JEN00].
La formation d’hydrates en cours d’hydratation comble progressivement la porosité capillaire. En deçà
du rapport E/C = 0,42, la totalité du ciment ne peut pas s’hydrater par manque d’eau, par contre, avec
les bétons courant de rapport E/C > 0,42, tout le ciment peut s’hydrater et il subsiste de la porosité
capillaire en fin d’hydratation.
E/C = 0,35
Source d'eau extérieure

1
Eau des capillaires

Eau du "gel"

Vol.
"Gel" solide

Ciment

0 D 1

Figure 3.9 : évolution des quantités de produits en cours d’hydratation,


cas où l’hydratation se déroule avec apport d’eau extérieure, d’après [JEN 00].
Pour un rapport E/C de gâchage égal à 0,35, il ne subsiste que des hydrates à hydratation complète.
La porosité capillaire est nulle et la porosité totale est égale à 0,28, valeur de la porosité des hydrates.

64
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

Ces rapports « seuil » sont différents de la valeur stœchiométrique des réactions


d’hydratation qui est voisine de 0,25. Cette dernière ne tient compte que de l’eau
combinée chimiquement dans les hydrates. Elle est insuffisante pour hydrater le
ciment, puisque les hydrates sont poreux et que leurs pores emprisonnent de l’eau
qui n’est pas disponible pour l’hydratation.
Il faut garder à l’esprit que l’hydratation complète des grains de ciment les plus
gros peut prendre plusieurs dizaines d’années. Ainsi, même avec un rapport E/C
supérieur aux seuils, il est très difficile d’obtenir une hydratation complète du ci-
ment dans les bétons d’ouvrages (figure 3.10).

Figure 3.10 : microstructure du béton du pont de l’île de Ré à long terme


(E/C = 0,38, 14 ans), d’après [BAR 05].
Les parties du ciment non hydraté apparaissent en gris clair sur la vue en microscopie électronique
(mode d’électrons rétrodiffusés), les hydrates sont en gris moyen, les granulats en gris sombre et les
microfissures en noir. Malgré un rapport E/C supérieur au seuil de 0,35, le ciment au cœur de l’ouvra-
ge n’est pas complètement hydraté après 14 ans de vieillissement.

2.2.2. Description de la structure poreuse des pâtes de ciment Portland


(type CEM I), influence du rapport E/C et de l’âge
L’influence de la teneur en eau sur la structure porosimétrique est indiquée par les
courbes cumulées de la figure 3.11 : à l’âge de 28 jours, les pores capillaires de
dimension supérieure à 100 nm ne subsistent plus que dans les pâtes gâchées avec
des rapports E/C supérieurs à 0,50.
Les courbes cumulées de la figure 3.12 renseignent sur l’évolution de la structure
poreuse au cours du temps : diminution de la porosité interconnectée, existence
d’une porosité capillaire à long terme pour une teneur en eau de gâchage corres-
pondant à un rapport E/C de 0,70.

65
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Porosité capillaire Pores des hydrates


0,5

E/C
0,4
Volume empli (cm3/g)

0,3
0,4
0,5
0,3
0,6
0,7
0,8
0,2
0,9

0,1

0,0
0

0
0

40 0
0

5
5
0

10
0
0

30
40
80

50
60

20

7
15
60

20
00

50
80

15

4,
12
10
30
1

Diamètre des pores (nm)

Figure 3.11 : influence du rapport E/C sur l’évolution porosimétrique de pâtes


de ciment Portland âgées de 28 jours, d’après [MEH 80].
Les valeurs des volumes portés en ordonnées sont rapportées à l’unité de masse du solide des pâtes
de ciment et exprimées en cm3/g. Les masses volumiques apparentes des pâtes varient à 28 jours
en fonction du rapport E/C. Elles sont données ci-après :
Rapport E/C 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9
Masse volumique
1,89 1,65 1,50 1,26 1,18 1,09 0,91
apparente (g/cm3)
La répartition de taille des pores est représentée sous la forme d’une courbe cumulée indiquant en
ordonnées, pour un diamètre de pore donné en abscisses, le volume total des pores d’une dimension
supérieure ou égale à ce diamètre. Les courbes cumulées mettent en évidence :
– la diminution de la porosité ouverte avec le rapport E/C;
– la diminution de la taille maximale des pores avec le rapport E/C (aussi appelée diamètre critique et
donnée par l’abscisse à l’origine).

La figure 3.11 semble contredire les conclusions du modèle de Powers qui montre
que la porosité capillaire n’existe plus à hydratation complète que pour des rap-
ports E/C inférieurs à 0,42 (conditions des essais rapportés ici). Au-dessus de ce
seuil, pour un rapport E/C de 0,50, la figure ne montre néanmoins plus de porosité
capillaire à 28 jours, âge pour lequel l’hydratation est loin d’être achevée. En fait,
cette contradiction n’est qu’apparente et cette différence met en évidence un autre
phénomène important : la connectivité des pores capillaires. Comme indiqué au
paragraphe 2.1.3, les plus gros pores (les pores capillaires dans le cas d’un maté-
riau cimentaire) ne sont accessibles au mercure à la pression correspondant à leur
taille que s’ils sont interconnectés et s’ils communiquent avec l’extérieur. Dans le

66
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

cas de la pâte de rapport E/C = 0,50 âgée de 28 jours, les pores capillaires prédits
par le modèle de Powers ne sont plus interconnectés et ils sont emplis de mercure
à des pressions plus élevées qui correspondent au remplissage des pores d’hydra-
tes. Cette interprétation est confirmée par les résultats de la figure 3.5 obtenus par
analyse d’images et qui montrent la subsistance de pores capillaires au même âge
avec un rapport E/C plus faible.
0,5

E/C = 0,70
28 jours
Volume empli (cm3/g)

0,4
90 jours
1 an
0,3
Dc

0,2

0,1

0,0
0

0
0

0
0

5
5
0

10
0
0

30
40
80

50
60

20

7
15
60

20
00

50
80

15

4,
12
10
40
30
1

Diamètre des pores (nm)


Figure 3.12 : influence de la durée de l’hydratation sur l’évolution porosimétrique
d’une pâte de ciment Portland de rapport E/C = 0,7, d’après [MEH 80].
La masse volumique apparente de la pâte de ciment gâchée à E/C = 0,7 varie avec l’âge. Elle vaut
1,18 g/cm3 à 28 jours et 1,24 g/cm3 à 90 jours et 1 an.
Entre 90 jours et 1 an, la taille des pores évolue peu, et sa valeur maximale, représentée par le dia-
mètre critique Dc, reste élevée en raison de la forte valeur du rapport E/C.

L’interconnexion des pores capillaires est une caractéristique importante, car elle
influence les possibilités de transfert dans le béton. Selon que les pores capillaires
sont ou non interconnectés, la dimension des chemins de pénétration des espèces
agressives est fortement modifiée.
Powers avait déjà discuté ce point sur la base de mesures de perméabilités. Ses
résultats sont discutés au paragraphe 3. L’agencement des pores capillaires dans
les pâtes de ciment a été étudié au NIST [BEN 91] grâce au modèle d’hydratation
CEMHYD3D. La figure 3.13a montre la variation de fraction des capillaires in-
terconnectés en fonction du degré d’hydratation pour différents rapport E/C. En
transformant ces données en fonction de la porosité capillaire (figure 3.13b), une
courbe unique est obtenue. L’interconnexion des pores capillaires ne dépend que
de la porosité capillaire. En dessous d’une porosité capillaire de 18 % les pores
capillaires ne sont plus interconnectés. Cette valeur limite correspond à un seuil

67
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

de percolation et elle est voisine de la densité critique [SCH 70] (voir la discus-
sion, figure 3.2).
Fraction interconnectée

Fraction interconnectée
1,0 1,0

0,8

0,6 0,6
E/C = 0,35
E/C = 0,45 E/C = 0,35
0,4 E/C = 0,50 0,4 E/C = 0,45
E/C = 0,60 E/C = 0,50
E/C = 0,70 E/C = 0,60
0,2 0,2 E/C = 0,70

0 0
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0 0 0,2 0,4 0,6
Degré d'hydratation Porosité capillaire
(a) (b)
Figure 3.13 : interconnexion du réseau des pores capillaires [BEN 91].
La figure (a) montre que, pour des pâtes gâchées avec un rapport E/C supérieur au seuil critique de
0,42, les pores capillaires peuvent être segmentés pour des degrés d’hydratation inférieurs à 1. Ils ne
sont alors plus identifiés au porosimètre à mercure. Plus le rapport E/C augmente, plus le degré d’hy-
dratation conduisant à la segmentation des capillaires est élevé.
La figure (b) montre que la segmentation des capillaires est assurée dès que la porosité capillaire est
inférieure à 18 %. Cette valeur est voisine de la densité critique, 15 %, qui assure la percolation dans
le matériau (voir la figure 3.2).

La figure 3.14 illustre l’influence du rapport E/C et du degré d’hydratation sur


l’interconnexion des capillaires. Pour des rapports E/C supérieurs à 0,7, la poro-
sité capillaire est toujours interconnectée. Les transferts dans ces matériaux ont
donc toujours lieu à travers un système interconnecté de pores capillaires quel que
soit le degré d’hydratation donc quel que soit l’âge. La norme sur les bétons NF
EN 206-1 prévoit des valeurs limites du rapport E/C d’autant plus faibles que les
environnements sont plus sévères. La valeur limite la plus élevée, qui correspond
donc à l’environnement le moins agressif, est égale à 0,65. Dans ce cas on admet
donc que les transferts puissent se produire à travers la porosité capillaire mais dès
que l’agressivité des environnements augmente les valeurs limites diminuent. Par
exemple dans une exposition chimiquement très agressive (classe XA3 de la nor-
me NF EN 206-1), le rapport E/C1 limite est 0,45. La figure 3.14 montre que dans
ce cas la porosité capillaire n’est plus continue dès 60 % d’hydratation.

1. La norme NF EN 206-1 fixe des valeurs seuils sur le rapport E/liant équivalent. Dans la mesure
où ne traitons pas dans cette partie du rôle des additions minérales, nous assimilerons liant équiva-
lent et ciment et nous indiquerons des rapports E/C pour plus de clarté.

68
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

1,0

0,9

0,8
Porosité capillaire
segmentée
Degré d'hydratation 0,7

0,6

0,5

0,4

0,3

0,2
Porosité capillaire
0,1 interconnectée

0,0
0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7
Rapport E/C

Figure 3.14 : influence du rapport E/C et du degré d’hydratation sur la continuité


des pores capillaires, d’après [POW 59].
Lorsque le degré d’hydratation est supérieur à 0,7, les pores capillaires sont toujours reliés entre eux.
Lorsque le rapport E/C de gâchage diminue en dessous de cette valeur, la segmentation du réseau
capillaire s’obtient à des degrés d’hydratation plus faibles. Les bétons à faible rapport E/C peuvent
donc être exposés plus jeunes aux environnements agressifs sans dommage.

Le tableau 3.1 indique le temps d’hydratation nécessaire, en fonction du rapport


E/C, pour que le réseau des capillaires soit segmenté par les hydrates.
Tableau 3.1 : relation entre le rapport E/C de gâchage et le temps de segmentation
du réseau capillaire des pâtes de ciment Portland, d’après [POW 59].

Rapport E/C Durée de l’hydratation


0,40 3 jours
0,45 7 jours
0,50 14 jours
0,60 6 mois
0,70 1 an
> 0,70 Impossible

69
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

La structure poreuse du ciment hydraté est constituée de pores capillaires et de


pores d’hydrates. La dimension des pores capillaires étant beaucoup plus gran-
de, ils jouent un rôle prépondérant dans les transferts et la durabilité des bétons.
La porosité capillaire diminue avec le rapport E/C et avec le degré d’hydrata-
tion. Un autre facteur important est la connectivité des pores capillaires. Pour
une porosité capillaire inférieure à 18 %, les pores capillaires ne communiquent
plus entre eux.
2.2.3. Influence des conditions d’hydratation
L’humidité de l’environnement a une grande influence sur l’hydratation du ci-
ment et sur la microstructure qui se développe. Le tableau 3.1 indique le temps
d’hydratation nécessaire pour segmenter le réseau des pores capillaires. Il y a
donc lieu de protéger le béton frais (cure) d’un départ trop rapide de l’eau, pen-
dant une durée au moins égale aux temps indiqués dans ce tableau. En effet, la
dessiccation ralentit, puis arrête le processus d’hydratation au-dessous d’une hu-
midité relative d’environ 75 %. C’est ce que montre la figure 3.15 qui donne
l’évolution de la fraction hydratée des silicates de calcium exposés à une humidité
relative non saturante après deux jours d’hydratation. On constate que la dessic-
cation ralentit très rapidement l’hydratation, et donc le remplissage de la porosité
capillaire par les hydrates.

1,0
2
0,8
1
Degré d'hydratation

C 3S 4
0,6

0,4
3

0,2
C 2S

0,0
0 20 40 60 80 100
Humidité relative (%)

Figure 3.15 : degré d’hydratation du C3S et du C2S en fonction de l’humidité relative


de conservation, d’après [PAT 88].
En dessous de 75 % d’’humidité relative, l’hydratation du C3S n’évolue pratiquement plus entre
14 jours (courbe 1) et 90 jours (courbe 2). Les courbes 3 et 4 sont relatives au C2S à 14 et 90 jours.
L’hydratation en deçà de laquelle l’hydratation est bloquée est voisine de 65 %.

70
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

En laboratoire, on montre ainsi que la porosité d’un béton peut passer de 9 % à


20 % si, après 1 jour, il est démoulé et conservé à une hygrométrie de 80 % au lieu
d’une atmosphère saturée. Sur les ouvrages, heureusement, l’influence est moins
marquée en raison de l’importance des dimensions qui retardent la dessiccation à
cœur.
La protection de la surface du béton jeune est d’autant plus nécessaire que, par ef-
fet de paroi, la peau du béton est une zone plus riche en pâte de ciment que le
cœur.
2.2.4. Influence des additions minérales sur la structure poreuse
Les calcaires : à même résistance à la compression, même porosité et même ré-
partition de la dimension des pores.
La qualité du béton est la première condition d’une bonne durabilité. Puisque les
CEM II aux calcaires produisent à peu près les mêmes hydrates que les CEM I,
l’important pour la qualité d’un béton n’est pas la quantité de ciment en soi, mais
plutôt la quantité d’hydrates, la porosité et la taille des pores. Les travaux
[RAN 89], que nous présentons ci-après, montrent que ces caractéristiques sont
les mêmes, à classe de résistance identique, pour un CEM I et un CEM II aux cal-
caires. Les performances de ciments broyés en laboratoire avec ou sans calcaires,
de classe 52,5 et 42,5, ont été comparées. Notons que pour une même classe de
résistance, non seulement la finesse globale, mais aussi la finesse du clinker est
plus grande pour le CEM II que pour le CEM I. Des pâtes de ciment et des mor-
tiers (E/C = 0,50) préparés avec ces deux ciments ont été testés à 1, 2, 7 et
28 jours. À chaque échéance, la résistance à la compression, la quantité d’eau chi-
miquement combinée, la porosité totale et la distribution de la taille des pores ont
été mesurées.
Les corrélations entre porosité et degré d’hydratation, d’une part, et entre résis-
tance et porosité, d’autre part, sont les mêmes pour les deux types de ciment
CEM I et CEM II aux calcaires (figure 3.16). De plus, la distribution de la taille
des pores est approximativement la même (figure 3.17).

71
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

à même classe à même classe


CEM I
} CEM I
}
Résistance à la compression
60 de résistance de résistance
CEM II 42,5 MPa CEM II 42,5 MPa
40
des mortiers (MPa)

Porosité (%)
40

30

20

20

0
30 40 0,4 0,6 0,8 1,0
Porosité de la pâte (%) Degré d'hydratation

Figure 3.16 : les corrélations porosité/degré d’hydratation sur pâte pure


et résistance du mortier normal/porosité de la pâte sont analogues pour un CEM I
et un CEM II aux calcaires de même classe de résistance, d’après [RAN 89].

30 Pâte pure de ciment ; E/C = 0,50 30 Pâte pure de ciment ; E/C = 0,50
28 jours 28 jours

CEM II 42,5
Porosité (%)

Porosité (%)

20 20 CEM II 52,5
CEM I 42,5

10 10
CEM I 52,5

0 0
100 10 1 0,1 0,01 100 10 1 0,1 0,01
Diamètre des pores ( μm) Diamètre des pores ( μm)

Figure 3.17 : les distributions de la taille des pores d’un CEM I et d’un CEM II
aux calcaires de même classe de résistance sont analogues, d’après [RAN 89].

Cendres volantes et laitiers de haut-fourneau : la pouzzolanicité ou l’hydraulici-


té peuvent réduire la porosité à long terme si le béton est conservé humide.
Des résultats d’études effectuées sur pâtes montrent (figure 3.18) que les cendres
volantes et le laitier entraînent un accroissement de la porosité et de la taille des
pores aux premiers âges consécutif à une quantité d’hydrates plus faible (les com-
paraisons ne sont pas ici à même classe de résistance). La réactivité des cendres
volantes et des laitiers qui se développe après quelques semaines vient renforcer
les effets de l’hydratation du clinker et conduit à long terme à une porosité du
même ordre de grandeur et à une diminution de la taille des plus gros pores. Ces

72
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

résultats dépendent fortement de la réactivité des cendres volantes et du laitier, de


la durée de la cure et de la température.
50
CEM I s1 s2
40
1 jour
30
7 jours

20
28 jours
1 an
10

50
CEM I + cendres volantes
40
Porosité ouverte (%)

1 jour s1
30
7 jours s2
20 28 jours
1 an
10

50
CEM I + laitier
40
2 jours s1
s2
30
8 jours

20 28 jours
1 an
10

20 2 0,2 0,02 0,002


Diamètre des pores ( μm)

Figure 3.18 : influence de l’addition de laitier ou de cendres volantes sur l’évolution


de la structure porosimétrique des pâtes de ciment au cours du temps, d’après [FEL 83].
Toutes les pâtes sont gâchées avec un même rapport eau/solide = 0,45. La teneur en cendres volan-
tes est de 35 %, celle du laitier 70 %. Aux très jeunes âges, le seuil de pénétration (S1), représentant
la plus grande taille des pores, est augmenté en présence de cendres volantes ou de laitier. En outre
la porosité ouverte augment (50 % au lieu de 40 %). À plus longue échéance, l’utilisation de laitiers
ou de cendres volantes se traduit par une diminution de la taille des plus gros pores (S2), ce qui est
un élément favorable à la durabilité.

73
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

2.3. La structure poreuse du béton


2.3.1. Importance du squelette granulaire
À l’état frais, le béton est un mélange de grains et d’eau. Les grains ont des tailles
diverses, depuis les plus gros, le gravillon jusqu’aux plus fins, les grains de ciment
dans les bétons courants. Pour réduire la porosité des bétons il convient donc de
réduire le plus possible la porosité du mélange de grains, donc le dosage en eau,
tout en respectant les autres éléments du cahier des charges (mise en place aisée
compte tenu des moyens de mise en œuvre choisis, résistance à la compression à
28 jours…) et tout ceci au moindre coût. Si on limite le propos à la seule structure
poreuse du béton, il faut discuter des moyens de réduire la quantité d’eau. Caquot
[CAQ 37] a établi de façon empirique une loi qui permet de raisonner sur les
moyens d’action. Cette loi exprime la porosité minimale pmin d’un assemblage de
grains, comme une fonction de la dimension minimale, d, et maximale, D, des
grains :
d-
p min = p 0 5 --- (4)
D
Dans cette relation p0 est un coefficient de proportionnalité qui dépend de la ma-
niabilité du béton.
À maniabilité donnée, la loi de Caquot montre que pour diminuer la porosité mi-
nimale, il faut augmenter l’étendue granulaire {d-D}. Une fois d et D fixés, cette
loi ne renseigne pas sur la façon d’obtenir effectivement la porosité minimale.
Pour l’obtenir réellement, il faut optimiser les tailles intermédiaires et les quan-
tités de grains. En pratique, cette question est traitée par les méthodes de formu-
lation des bétons (courbe de référence de Dreux par exemple).
Dans les bétons courants, les grains de ciment sont les grains les plus fins et, sous
l’effet des forces d’interactions, ils sont floculés. D’un point de vue géométrique,
les amas ou flocs ainsi constitués ont une dimension apparente supérieure à la di-
mension des grains individuels qui les constituent. La dimension minimale d de
l’assemblage des grains peut être diminuée en défloculant les grains de ciment.
Ceci est assuré par les adjuvants plastifiants ou superplastifiants. Dans le cadre
envisagé ici où la maniabilité des mélanges est considérée comme constante, la
réduction de d entraîne une diminution de la porosité et l’adjuvant agit comme
« réducteur d’eau ». Ce mode d’action permet l’obtention des bétons à hautes
performances.
Les bétons à très hautes performances sont élaborés selon une démarche analo-
gue en complétant le squelette granulaire par des particules plus fines que les
grains de ciment, en général de la fumée de silice. Pour qu’elles remplissent leur

74
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

rôle de complément granulaire, ces particules doivent être défloculées, ce qui im-
pose l’utilisation de superplastifiant réducteur d’eau. À titre d’exemple, la figure
3.19 montre l’évolution de la porosité de mortiers dont la maniabilité est réglée à
une même valeur en ajustant la quantité de l’adjuvant réducteur d’eau.

0,30
Porosité à l'état frais

0,25

1
0,20
' = 0,03
2

0
0,4 0,8 1,2 1,6 2,0 2,4 2,8 3,2
Dosage en superplastifiant haut réducteur d'eau (%)

Figure 3.19 : influence d’un adjuvant haut réducteur d’eau et de l’addition


de fumée de silice sur la porosité à l’état frais, d’après [OLL 88].
Sans fumée de silice, la seule défloculation des grains de ciment permet de faire passer la porosité à
l’état frais de 27 % à 21 %. En ajoutant 10 % de fumée de silice, la porosité minimale obtenue n’est
plus que de 18 %. Les 10 % de fumée de silice (par rapport à la quantité de ciment) ajoutés dans cet
exemple ne correspondent pas à l’optimum (de l’ordre de 25 à 30 %) qui permettrait de minimiser la
porosité. Dans la pratique, on limite la teneur en fumée de silice pour des questions de coût et pour
éviter une trop forte réduction du pH préjudiciable à la pérennité des armatures (voir le chapitre 9).

2.3.2. La structuration de la pâte de ciment au voisinage des granulats


Dans la description présentée au paragraphe 2.2, l’arrangement des grains de ci-
ment dans la pâte à l’état frais n’est conditionné que par les forces d’interaction
entre grains et le rapport E/C. Dans un mortier ou dans un béton, l’arrangement
des grains de ciment est perturbé par les surfaces des grains de sable et de gra-
villon et par ailleurs la pâte est confinée dans des espaces réduits. Les espaces en-
tre les grains de ciment sont donc beaucoup plus variables que dans une pâte et,
si globalement le rapport E/C est défini de la même façon dans une pâte et dans
un béton, dans ce dernier, des variations locales de teneurs en eau peuvent exister.
La structure de la pâte n’est plus homogène dans le matériau et une zone plus po-
reuse, l’auréole de transition [OLL 95] est observée au voisinage des granulats.
La figure 3.20 montre que la porosité dans la pâte augmente au voisinage du gra-
nulat. La zone perturbée autour des granulats est de l’ordre de grandeur de la di-
mension des grains de ciment soit quelques dizaines de micromètres.

75
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

40
Béton de CEM I, 1 jour
Béton de CEM I, 180 jours
30 Béton avec fumée de silice, 1 jour

Porosité (%) 20

10

0
0 5 10 15 20 25 30 35 40
Distance à la surface du granulat (μm)

Figure 3.20 : évolution de la porosité au voisinage des granulats,


mise en évidence de l’auréole de transition, d’après [SCR 88].
Dans le cas des CEM I, la porosité, déterminée par analyse d’images, augmente au voisinage des
granulats. Au fur et à mesure du temps, la porosité diminue, mais reste plus élevée au voisinage du
granulat. L’auréole de transition a une épaisseur de 25 µm. Avec la fumée de silice, la porosité dimi-
nue fortement et notamment au voisinage des granulats : on n’observe plus d’auréole de transition
(ou alors son épaisseur est inférieure à 5 µm).

Lorsque les auréoles de transition entourant les granulats des mortiers sont inter-
connectées, une nouvelle famille de pores de dimension comparable à celle des
capillaires peut être mise en évidence au porosimètre à mercure (figure 3.21). Ce
résultat traduit la percolation des auréoles de transition qui est possible lorsque
leur épaisseur et leur nombre sont suffisants (figure 3.22).
0,06

0,05
pâte de ciment
Porosité incrémentale (%)

0,04

0,03

0,02
pâte du mortier
0,01

0
0,001 0,01 0,1 1 10 100 1 000
Diamètre des pores (μm)

Figure 3.21 : structure poreuse d’une pâte de ciment de type CEM I et de la pâte
d’un mortier confectionné avec le même ciment (E/C = 0,4, 3 mois) [BOU 95].
Le porosimètre à mercure met en évidence une nouvelle famille de pores de dimension comprise en-
tre 0,1 et 4 µm. Dans la pâte, les pores capillaires ne sont plus interconnectés, mais une famille de
pores interconnectés de taille comparable à celle des capillaires apparaît dans les mortiers, du fait
des auréoles de transition.

76
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

Fraction interconnectée
10 μm

0,8 15 μm
20 μm
25 μm
0,6
30 μm
40 μm
0,4

0,2

0
0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6
Fraction volumétrique de sable

Figure 3.22 : fraction interconnectée des auréoles de transition dans des mortiers
en fonction de la fraction volumique du sable et pour différentes épaisseurs des auréoles,
d’après [GAR 96].
Les résultats présentés sont obtenus par des simulations. Les grains de sable sont schématisés par
des sphères. La distribution des diamètres est celle des grains de sable et les sphères sont implantées
au hasard dans un élément de volume avec une fraction volumique v. Cet élément de volume est com-
plété par la pâte de ciment et les granulats sont entourés par une « coquille » représentant l’auréole
de transition. Des simulations sont effectuées pour différentes épaisseurs de l’auréole. Pour chaque
fraction volumique de grains et chaque épaisseur de l’auréole, la simulation permet de calculer la frac-
tion volumique des auréoles interconnectées. On voit par exemple que si l’épaisseur de l’auréole est
de 40 µm, en deçà de 25 % de sable en volume, les auréoles ne se recouvrent pas. Quelle que soit
l’épaisseur de l’auréole (entre 10 et 40 µm), les auréoles sont complètement interconnectées pour des
teneurs en sable supérieures à 60 %. Rappelons que dans les bétons il y a environ 2/3 du volume oc-
cupé par les granulats (soit > 60 %).

Dans les bétons âgés de 28 jours, la porosimétrie au mercure (figure 3.23) ne ré-
vèle pas de pores de grande dimension pour les bétons à hautes et très haute per-
formances malgré les auréoles de transition. Dans ce cas, on peut imaginer que la
défloculation des grains favorise la formation d’une structure dense au voisinage
des granulats. Cet effet bénéfique est renforcé par l’utilisation de fumée de silice.
80
dV/d log (r) (mm3 . Å–1 . g–1)

70 M25 CV porosité à
M50 Rc,28
60
M75 E/C l’eau (%)
(MPa)
50 M120 FS (28 j)
40
M25CV 0,84 15,7 23,5
30

20 M50 0,48 14,4 55,5


10
M75 0,32 11,5 75
0
10 100 1 000 10 000 10 00
M120FS 0,26 7,4 127,5
Rayon des pores (Å)

Figure 3.23 : structure poreuse des bétons à 28 jours : influence du rapport E/C,
d’après [BAR 05].

77
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Les bétons présentés dans cette étude sont identifiés par leur résistance moyenne à 28 jours. Seul le
béton préparé avec un rapport E/C de 0,84 présente une distribution poreuse bimodale. Le béton M25
CV contient 25 % de cendres volantes, le béton M120 FS contient 10 % de fumée de silice. La réduc-
tion de la teneur en eau grâce à l’’addition de fumée de silice permet d’’obtenir des bétons de très
faible porosité.

2.3.3. Influence de l’âge sur la structure poreuse des bétons


Dans les bétons présentant une distribution poreuse unimodale, la taille des pores dimi-
nue quand E/C décroît, puis se stabilise aux environs de 20 nm à partir de E/C = 0,35
(correspondant aux M75, figure 3.23). En plus d’une porosité plus faible, les bétons à
hautes et à très hautes performances présentent donc un réseau poreux nettement plus
fin (rpmoy. ≈ 20 nm) que les bétons ordinaires (rpmoy. ≈ 50 nm), conséquence de leur fai-
ble rapport E/C et d’un squelette granulaire optimisé, notamment dans le cas de l’incor-
poration de fumées de silice. En outre, les BHP se densifient avec l’âge, lorsqu’ils sont
conservés dans l’eau (figure 3.24).
50
dV/d log (r) (mm3 . Å–1 . g–1)

C70 FS - 28 jours
40 C70 FS - 90 jours

30

20

10

0
10 100 1 000 10 000 100 000

Rayon des pores (Å)


Figure 3.24 : évolution de la structure poreuse des bétons au cours du vieillissement,
d’après [BAR 05].
Dans le cas des bétons C 80 FS (E/C = 0,37) contenant de la fumée de silice, la taille moyenne des
pores diminue entre 28 et 90 jours et se stabilise vers 20nm (200 Å).

2.3.4. La microstructure du béton de peau


La structure des premiers centimètres de béton au voisinage des parois est modi-
fiée par plusieurs causes liées à la mise en place et à la cure du béton : effet de
coffrage, ségrégation, évaporation, fissuration excessive… Il en résulte l’appari-
tion de gradients, parfois importants dans les propriétés du béton lorsqu’on se dé-
place de la surface externe vers le cœur de l’ouvrage. La figure 3.25 montre que
le squelette granulaire du béton frais est décompacté au voisinage des coffrages
par un effet de paroi. Il en résulte une hétérogénéité du béton qui se caractérise

78
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

par un accroissement de la teneur en pâte de ciment et donc de la porosité dans la


partie externe des ouvrages.
Des essais au porosimètre à mercure montrent des pores de dimension plus impor-
tante dans la peau des bétons [BAR 05]. Ceci peut être dû à un rapport E/C locale-
ment plus élevé ou à des conditions d’hydratation moins favorables qu’à cœur.
La partie externe du béton, appelée aussi béton de peau, est la plus sensible, car
le séchage y est plus rapide et elle est plus poreuse que le cœur du béton. Pour
permettre à ce béton de peau de jouer un rôle de protection efficace, il faut éviter
soigneusement le séchage superficiel du béton au moins pendant les tous pre-
miers jours suivant la mise en place. La cure a une fonction de première impor-
tance pour assurer la durabilité des bétons.

(g/cm3)
Densité d

2,60
2,40
2,20 d

25 (%)
Absorption d'eau a

20
Porosité p

15
p

10 a

g/c
6
Rapport granulat/ciment g/c

4
Module de finesse m.f.

5
m.f.
4 2
3
2 0

0
0 1 2 3 4 5
Distance à la surface externe (mm)

Figure 3.25 : variation de la composition d’’un béton dans les premiers millimètres
proches d’une surface exposée, d’après [KRE 84].
Béton (325 kg/m3 de CEM I ; E/C = 0,54, granulat/ciment = 6,1) conservé 7 jours à l’air (21 °C, 65 % HR).
Ces résultats montrent qu’il se crée une peau poreuse, enrichie en pâte, apte à absorber rapidement
l’eau à son contact. La diminution du module de finesse du granulat au voisinage de la surface externe
traduit la plus forte concentration en grains fins dans cette zone.

79
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Dans le cas des produits préfabriqués en béton, on observe généralement des dif-
férences entre la microstructure du béton de peau et celle du béton au cœur des
pièces. Elles résultent des spécificités des procédés de fabrication des produits, et
en particulier du mode de mise en place du béton, de la vibration, de l’éventuel
application d’un traitement thermique, de la cure et pour certains produits du trai-
tement de surface.
On distingue souvent pour les produits en béton à démoulage différé deux types
de béton de peau :
– celui correspondant aux faces situées en fond de moule ; le béton est en contact
avec les parois du moule jusqu’au démoulage ;
– celui constituant les faces arasées, en contact immédiat avec l’atmosphère.
Ces effets de paroi peuvent être à l’origine de différences importantes de porosité
entre les zones surfaciques (faces arasées, faces en fond de moule) et le béton de
masse, à la fois en terme de porosité totale et sur la distribution de la taille des po-
res. Pour la plupart des produits en béton vibrés, les faces en fond de moule sont
significativement plus compactes, les pores sont de plus petites dimensions.
Les causes des différences observées au niveau de la microstructure du béton de
peau sont de plusieurs natures :
– l’énergie apportée par les dispositifs vibratoires est différente selon la distance
béton/paroi du moule ; comparativement aux faces arasées, les faces en fond de
moule subissent un compactage plus important du fait de la proximité avec le
moule qui génère la vibration ;
– les conditions de durcissement ne sont pas strictement identiques : présence
d’une paroi généralement métallique et donc imperméable pour les faces situées
en fond de moule (pas d’échange de matière), contact avec l’atmosphère pour les
faces arasées (les transferts hydriques entre le matériau et l’environnement sont
possibles).
Ces propriétés, spécifiques aux bétons dont la mise en œuvre nécessite une vibra-
tion, agissent sur leur comportement vis-à-vis de la carbonatation : les faces en
fond moule se carbonatent généralement plus lentement que le béton de masse et
les faces arasées [MIR 00].
Les caractéristiques et propriétés du béton de peau dépendent également de la fi-
nition apportée à la surface extérieure. Les traitements de surface peuvent être
réalisés par des procédés mécaniques (bouchardage, sablage, gommage, polissa-
ge, grésage…), chimiques (acidage, désactivation…) ou thermiques (flamma-
ge…).

80
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

Note sur la microfissuration des BHP

E/C = 0,33-75 MPa E/C = 0,33-100 MPa

Dans le cas des BHP, le faible rapport E/C entraîne une autodessiccation (voir titre
2.2.2). Cette autodessiccation peut être responsable d’une fissuration préjudiciable à
la durabilité dans la mesure où elle pourrait constituer un chemin d’accès privilégié
pour les agents agressifs. La caractérisation de la microfissuration des bétons n’est
pas aisée car les moyens d’observation peuvent eux-mêmes induire de la fissuration.
Qu’il s’agisse de méthodes en microscopie électronique utilisant des répliques de sur-
face [YSS 99] ou des observations en microscopie optique montrées ici [BAR 05], les
conclusions sont identiques. La quantification de la microfissuration est difficile car
les bétons sont peu fissurés en l’absence de chargement ; et il faut conduire de nom-
breuses observations. Les données obtenues dans le projet national BHP 2000 mon-
trent que les microfissures apparaissent préférentiellement aux interfaces pâte/
granulat et que les BHP ne sont pas plus microfissurés que les bétons courants, pro-
bablement à cause des résistances en traction plus élevées.

2.4. Influence des additions minérales


L’usage des additions minérales en substitution partielle au ciment s’est beaucoup
développé. Cette pratique est encadrée par la norme béton NF EN 206-1 et par les
normes sur les différentes additions. Les additions sont classées selon deux caté-
gories : les additions de type I quasiment inertes et les additions de type II à ca-
ractère pouzzolanique ou hydraulique latent.
La norme NF EN 206-1 indique que la prise en compte des additions de type II et
de certaines additions de type I dans la formulation des bétons se fait au moyen
du concept de liant équivalent :
– en remplaçant le terme « rapport eau/ciment » par celui de « rapport eau/
(ciment + k.addition) », l’eau étant définie pas l’eau efficace ;
– en remplaçant l’exigence relative au dosage minimal en ciment correspondant
à chaque classe d’exposition par la même exigence appliquée au liant équivalent.

81
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Pour tenir compte des apports respectifs des constituants vis-à-vis de la durabilité,
la quantité de liant équivalent est définie par la formule :
Liant équivalent = C + kA (5)
où :
C est la quantité de ciment (CEM I) exprimée en kg/m3 de béton ;
A est la quantité d’addition en kg/m3 de béton prise en compte dans le liant équi-
valent.
k est le coefficient de prise en compte de l’addition considérée, donnée par la
norme (tableau NA.3 de la norme NF EN 206-1).
La valeur maximale de A est définie pour les différentes classes d’exposition et
pour chaque addition par le rapport A/(A + C).
La norme indique que l’utilisation de la notion de liant équivalent permet de « te-
nir compte des apports respectifs des constituants vis-à-vis de la durabilité ». Les
résultats du tableau 3.2 appuient partiellement cette affirmation, puisque les po-
rosités accessibles à l’eau et les résistances à la compression sont très voisines.
Par contre la perméabilité et la profondeur de carbonatation sont légèrement dif-
férentes. Ces deux dernières propriétés, plus directement liées à la durabilité, se-
ront présentées plus loin dans ce chapitre.
Tableau 3.2 : comparaison des porosités de deux bétons préparés avec le même dosage
en liant équivalent, d’après [ROZ 07].

Perméabilité Profondeur
Rc,28 Porosité à l’eau
Liant Eeff/Leq au gaz de carbonatation
(MPa) (28 jours)
(10-17 m2) (mm)

Béton de
CEM I 0,58 52,1 14,2 6,5 6
référence

Béton avec CEM I + CV


addition
A 0,58 52,7 14,2 3,1 8
(cendres ( -------------- = 0, 3 )
A+C
volantes)

Les deux bétons sont fabriqués avec les mêmes granulats et 280 kg de liant équivalent par m3 de
béton. Ils sont testés après 28 jours de conservation dans l’eau. Les deux bétons de cet essai ont des
résistances et des porosités très voisines. Les perméabilités et les profondeurs de carbonatation sont
légèrement différentes. Ceci peut être dû à des tailles de pores et à des natures d’hydrates formés
différentes.

3. LA PERMÉABILITÉ DES BÉTONS


La perméabilité d’un matériau est définie comme son aptitude à se laisser traver-
ser par un fluide sous un gradient de pression. Il s’agit donc d’une propriété
macroscopique des matériaux poreux ayant une porosité ouverte interconnectée.
Les bétons durables sont, en général, des bétons de faible perméabilité dans la me-

82
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

sure où la faible perméabilité limite la pénétration des agents agressifs au sein du


béton. Cette condition n’est pas toujours suffisante, car les phases solides du bé-
ton peuvent être plus ou moins réactives vis-à-vis des agents agressifs. Si la per-
méabilité est une condition générale de durabilité, il conviendra de considérer les
conditions particulières spécifiques à chaque type d’agression. Ceci sera étudié
dans la deuxième partie du livre aux chapitres 9 à 12.
Il convient de noter d’emblée que les bétons sont en général très peu perméables, puis-
qu’on les utilise pour construire des barrages, des châteaux d’eau et des réservoirs.
Le débit qui traverse le béton résulte des écoulements dans les pores. La conception
d’un béton imperméable passe par la connaissance des relations entre perméabilité et
structure poreuse. Ce domaine fait l’objet de nombreuses recherches ayant pour ob-
jectif de prédire la perméabilité d’un matériau à partir de la description de sa structure
poreuse. Notre objectif est plus modeste, il se limite à fournir à l’ingénieur des outils
de raisonnement pour concevoir des bétons durables. Dans ce qui suit nous nous con-
tenterons donc de décrire la structure poreuse au moyen de pores cylindriques. Remar-
quons que cette description est aussi celle fournie par le porosimètre à mercure. Dans
ce qui suit nous allons tout d’abord définir la perméabilité des bétons et donner les
moyens de sa mesure. Nous étudierons ensuite le transfert à l’échelle des pores cylin-
driques pour établir une relation entre perméabilité et structure poreuse puis nous four-
nirons ensuite des données sur la perméabilité des bétons.
3.1. Définition et mesure de la perméabilité des bétons
La perméabilité k d’un matériau poreux est définie par la relation de Darcy qui
exprime le débit volumique Q d’un fluide de viscosité µ qui traverse une épaisseur
dx de matériau de section apparente A sous la différence de pression dp
(figure 3.26) :
k dp
Q = --- A ------ (6)
μ dx

Q : Débit volumique d'un fluide


de viscosité μ

Pression P + dP A

dx

Pression P

Figure 3.26 : définition de la perméabilité.

83
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Cette relation suppose que le régime d’écoulement est laminaire dans les pores
du matériau et que le fluide est inerte vis-à-vis du matériau. La perméabilité ainsi
définie est homogène à une aire et s’exprime en m2 dans le système international.
C’est une caractéristique du matériau, elle est donc indépendante de la nature du
fluide utilisé pour sa mesure ainsi que du gradient de pression dans la limite de
validité de la relation de Darcy.
Lorsque le fluide s’écoulant à travers le matériau est l’eau, l’usage a consacré
l’emploi d’une autre grandeur notée Kw et appelée « coefficient de perméabilité ».
Ce terme est défini, lui aussi, à partir de la relation de Darcy : on exprime la vi-
tesse apparente de l’eau ua , rapport entre le débit volumique et la section appa-
dh dp dhρ eau g
rente du matériau, et on introduit le gradient hydraulique : ------ ( ------ = --------------------
dx dx dx
où ρeau est la masse volumique de l’eau).
L’expression (6) peut alors s’écrire :
Q kρ eau g dh dh
u a = ---- = ----------------- ⋅ ------ = K w ------ (7)
A μ eau dx dx

kρ eau g
Kw est défini par la relation : K w = ----------------
- . Le coefficient de perméabilité Kw
μ eau
est homogène à une vitesse et s’exprime en m/s dans le système international. Ce
n’est plus une grandeur intrinsèque puisqu’elle dépend du matériau, mais aussi
des caractéristiques de l’eau.
D’après la définition de Kw, on peut montrer qu’une perméabilité de 1 m2, corres-
pond à un coefficient de perméabilité de 107 m/s à 20 °C.
Les perméabilités des bétons sont faibles et, pour faciliter la mesure, on utilise en
général des gaz car ce sont des fluides de faible viscosité. L’essai recommandé en
France par l’AFREM-AFPC [AFR 97] se fait avec le perméamètre Cembureau à
charge constante (figure 3.27).
Le gaz étant compressible, le débit volumique varie au sein de l’éprouvette et la
perméabilité est calculée par la relation :
2μQ s P s L
k = --------------------------
- (8)
2 2
A ( Pe – Ps )

84
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

où Pe et Ps sont les pressions à l’entrée et à la sortie de l’éprouvette, la viscosité


du gaz et Qs le débit volumique mesuré à la sortie de l’éprouvette, c’est-à-dire à
la pression Ps (égale à la pression atmosphérique).

Débimètres à bulle

Bouteille d'oxygène

Manomètre Échantillons

Cellules
Régulateur de pression

Figure 3.27 : perméamètre à gaz Cembureau.


L’éprouvette du béton à tester est un cylindre de 15 cm de diamètre et 5 cm de hauteur. Elle est em-
prisonnée dans une cellule (a) où une chambre à air permet d’assurer l’étanchéité latérale. Le gaz
(oxygène) traverse le béton sous une différence de pression de quelques centaines de kPa et son
débit volumique est mesuré à la sortie (pression atmosphérique) en régime permanent au moyen
d’’un débitmètre à bulle.
N.B. On rappelle que la pression atmosphérique est voisine de 100 kPa.

Le mode opératoire de l’AFREM-AFPC précise le mode de préconditionnement


de l’éprouvette. Cette étape vise à contrôler l’humidité du béton. Il s’agit en effet
d’un paramètre important de la mesure car la solution interstitielle contenue dans
les pores s’oppose au passage du gaz et le débit mesuré, donc la perméabilité cal-
culée dépend de l’état de saturation du béton (voir§ 5.4.1 de ce chapitre). La figu-
re 3.28 montre la forte variation de la perméabilité avec le degré de saturation et
combien il est donc important de préciser cette donnée pour comparer les maté-
riaux entre eux. Ce n’est malheureusement pas toujours le cas dans les données
de la littérature et cela complique l’analyse des résultats. Dans la méthode retenue
par l’AFREM-AFPC deux mesures sont effectuées à 7 et 28 jours après séchage
à 80 °C puis une dernière mesure est réalisée après séchage à 105 °C. Les trois
mesures sont rapportées en fonction du degré de saturation du béton.

85
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

10

Perméabilité au gaz (10–16 m2)


M25
M75 FS
1 M100 FS

0,1

0,01

0,001
0 20 40 60 80

Degré de saturation s (%)

Figure 3.28 : variation de la perméabilité de bétons avec leur degré de saturation,


d’après [AFR 97].
Les résultats présentés sont fournis selon le protocole de mesure AFREM-AFPC. La perméabilité est
mesurée après trois séchages, et les résultats sont portés en fonction du degré de saturation des bé-
tons. La figure rapporte les résultats pour trois bétons. La perméabilité varie de plus de deux ordres
de grandeur lorsque le degré de saturation d’un béton à très hautes performances (BTHP) varie entre
0 et 70 %. La perméabilité d’un béton courant (M25) est environ 100 fois plus forte que celle d’un
BTHP contenant de la fumée de silice (M100 FS).

La perméabilité au gaz varie avec l’état de saturation. Pour en rendre compte on


utilise parfois la notion de perméabilité relative au gaz kr,s, définie pour un degré
de saturation donné par la relation :
k( s )
k r, s = ----------------
-
k( s = 0 )
La perméabilité relative au gaz est égale à 1 à l’état sec et tend vers 0 dans les ma-
tériaux saturés.
L’expérience montre que la perméabilité calculée diminue lorsque la pression ap-
pliquée à l’entrée de l’échantillon augmente. En fait, la loi de Darcy ne s’applique
pas correctement aux matériaux cimentaires car les écoulements dans les pores ne
sont pas laminaires. L’écoulement laminaire suppose en effet qu’il n’y a pas de
chocs entre les molécules de gaz et les parois des pores. En fait, dans les essais de
perméabilité des bétons, le libre parcours moyen des molécules de gaz est de l’or-
dre de grandeur des diamètres des pores des hydrates. On calcule ce libre parcours
moyen λ au moyen de la relation :
μ πRT
λ = ------- ----------- (9)
P M 2M

86
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

où PM est la pression moyenne du gaz et M sa masse molaire. À titre d’exemple,


le libre parcours moyen des molécules d’air est de l’ordre de 70 nm à la pression
atmosphérique et à 20 °C. Dans les bétons, il existe un écoulement dit « molécu-
laire » dû aux nombreux chocs entre les molécules de gaz et les parois des pores.
L’approche de Klinkenberg appliquée aux mesures de perméabilité au gaz (figure
3.29) permet de calculer la perméabilité que l’on obtiendrait si les hypothèses de
l’équation de Darcy étaient vérifiées. Si le matériau est sec au moment de l’essai,
cette perméabilité est la perméabilité intrinsèque. Bien que la théorie basée sur la
loi de Darcy indique que la perméabilité d’un matériau est indépendante du fluide
utilisé pour la mesure, les données montrent que les résultats obtenus sur matériau
sec avec des gaz sont significativement inférieurs à ceux mesurés sur matériau sa-
turé avec de l’eau. Par contre, la mesure avec de l’éthanol [LOO 02], liquide iner-
te avec les hydrates, donne des résultats très voisins de ceux obtenus avec un gaz.
Dans le cas de l’eau, des phénomènes de dissolution/précipitation interviennent
et le débit diminue au cours du temps. On retrouve ce phénomène dans les bétons
fissurés et on l’interprète par une autocicatrisation des fissures [GRA 07].
Les perméabilités mesurées au laboratoire dépendent des conditions expérimen-
tales qu’il convient de fixer avec soin si l’on veut procéder à des comparaisons
entre différents bétons. La procédure AFREM-AFPC apporte une solution en
fixant une pression d’essai et trois étapes de préconditionnement.
Les données disponibles dans la littérature ne sont pas toutes obtenues selon ce
protocole, et les comparaisons sont difficiles. Dans ce qui suit, nous présentons
des résultats permettant d’analyser l’influence des paramètres de formulation ou
de conservation des bétons. Pour chaque paramètre, les données ont été obtenues
selon un même protocole, par nécessairement celui recommandé par l’AFREM-
AFPC. Afin de faciliter l’analyse des résultats, nous discutons tout d’abord des
relations entre la perméabilité et les caractéristiques de la structure poreuse.

87
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

6.10-16

5.10-16

ka (m²) 4.10-16

3.10-16

2.10-16

Kv = 5,6.10-17
1.10-16
Kv
0
0 1.10-6 2.10-6 3.10-6 4.10-6 5.10-6 6.10-6

1/PM (Pa-1)

Figure 3.29 : variation de la perméabilité mesurée ka en fonction de la pression moyenne


dans l’éprouvette, détermination de la perméabilité intrinsèque kv
d’un béton (CEM I - E/C = 0,58), d’après [ROZ 07].
Ces résultats qui contredisent la loi de Darcy sont expliqués par l’existence d’un écoulement molécu-
laire (ou « glissement de parois ») qui se superpose à l’écoulement laminaire de Darcy lorsque le libre
parcours moyen des molécules de gaz devient de l’ordre de grandeur de la dimension des pores. Pour
tenir compte de ce phénomène, Klinkenberg a proposé une approche empirique permettant de déter-
miner la perméabilité intrinsèque du matériau. La perméabilité intrinsèque kv est déterminée à partir
de la variation avec la pression de la perméabilité calculée par la relation :
ka
k v = -----------------
-
β
1 + -------
PM

où ka est la perméabilité mesurée à une pression d’entrée Pe, PM est la pression moyenne
Pe + Ps
- et β est un coefficient empirique déterminé expérimentalement à partir de la courbe
P M = ------------------
2
1
k a = f ⎛ -------⎞ . La perméabilité intrinsèque est obtenue en extrapolant la courbe expérimentale : l’inter-
⎝ P M⎠
section avec l’axe vertical correspond à une pression d’essai infinie pour laquelle il n’existe plus
d’écoulement moléculaire. On peut remarquer que si les pores du matériau étaient suffisamment gros
pour éviter les écoulements moléculaires, les résultats expérimentaux ne dépendraient plus de la
pression d’essai et la courbe serait une droite horizontale.

3.2. Relations entre la perméabilité et la structure poreuse


Les comparaisons entre les données expérimentales et les calculs prédictifs effec-
tués avec différents modèles sont assez décevantes [LOB 03]. Ces écarts peuvent
s’expliquer par les approximations qui sont faites sur la description de la micros-
tructure dans les modèles ainsi que sur les incertitudes quant à la détermination

88
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

de leurs grandeurs d’entrée. Nous présentons néanmoins ci-après deux modèles


qui, s’ils ne permettent par de prédire la perméabilité avec précision, ont néan-
moins l’avantage de donner des éléments de réflexion sur les moyens d’action
permettant de réduire la perméabilité des bétons.
3.2.1. Modèle basé sur la théorie de la percolation
Le modèle de Katz et Thompson [KAT 86] est basé sur la théorie de la percola-
tion. Les bétons peuvent avoir des distributions de taille de pores très étalées ce
qui complique l’analyse sur la base de la théorie de la percolation. Les auteurs de
cette théorie font l’hypothèse que la perméabilité et le facteur de formation sont
déterminés par le sous-réseau des pores les plus gros. Ce sous-réseau possède une
concentration voisine du seuil de percolation repérable en porosimétrie au mercu-
re par le diamètre critique dc. Cette approche permet l’estimation de la perméabi-
lité intrinsèque (k) des matériaux lorsque le diamètre de pores critique (dc) et le
facteur de formation (F) sont connus:
2
dc
k = ------------
- (10)
226F
Le diamètre critique des pores est généralement défini par le seuil de pénétration
du mercure dans l’essai de porosimétrie au mercure (voir la figure 3.11). On rap-
pelle que le facteur de formation est défini par le rapport entre la conductivité
électrique de la solution interstitielle et celle du béton saturé par cette même so-
σ
lution : F = ------ .
σe
Ce modèle met en évidence deux facteurs d’influence sur la perméabilité : la taille
maximale des pores via la valeur de dc et la structure poreuse (porosité et tortuo-
sité) via le facteur de formation.

3.2.2. Modèles capillaires simples


Dans ces modèles les vides des canaux de section rectangulaire simulent les fis-
sures et des cylindres représentent les pores (figure 3.30).

89
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

y
y H
x x
W L L
l
l pe2 pr2
Milieu fissuré : k = Milieu tubulaire : k =
12 8

y
H
x
L
l
pr2
Milieu tubulaire tortueux : k =
8T
Figure 3.30 : modélisation simplifiée de la microstructure pour la prédiction
de la perméabilité, d’après [DUL 79].
La structure poreuse des bétons peut être modélisée simplement par des tubes identiques dont le
rayon r est égal au rayon moyen des pores mesuré au porosimètre à mercure (donc connectés) dans
le cas d’une distribution unimodale. Ces tubes peuvent être considérés comme rectilignes ou présen-
ter une certaine tortuosité. Dans le cas des bétons fissurés, on peut modéliser la structure poreuse
par des failles rectilignes d’ouverture e. Les perméabilités calculées pour chacune des trois micros-
tructures sont indiquées sous chaque schéma, p étant la porosité ouverte des matériaux considérés.

La perméabilité est calculée en écrivant que le débit volumique traversant le ma-


tériau est égal à la somme des débits traversant les vides. Dans le cas d’un pore
cylindrique, le débit volumique est exprimé par la relation de Poiseuille :
4
πr dp
q = – -------- ⋅ ------ (11)
8μ dx
On en déduit la relation entre la perméabilité, la porosité ouverte et la dimension
des pores :
2
po r
k = ----------
- (12)
8
La relation montre que la perméabilité dépend de la porosité ouverte et de la taille
des pores. Comme dans le modèle de Katz et Thomson, la perméabilité est pro-
portionnelle au carré de la dimension des pores. Dans le cas d’une distribution bi-
modale de la dimension des pores (pores capillaires et pores des hydrates pour les
bétons), on peut exprimer la perméabilité selon la relation :

90
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

2 2
p cap r cap + p hyd r hyd
k = ------------------------------------------------
- (13)
8
Dans ce modèle, les grandeurs d’entrée sont déterminées par porosimétrie au mer-
cure : pcap et phyd sont les porosités capillaires et des hydrates mesurées, rcap et
rhyd sont les rayons moyens des pores capillaires et des hydrates. L’application de
ce modèle est illustrée à la figure 3.31.
Le modèle démontre le rôle prépondérant de la porosité capillaire interconnectée
dans la perméabilité.

50 50
Pcap connectée

Perméabilité (10-16m2)
40 Ptot 40
Porosité (%)

30 30

20 20

10 10

0 0
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1

E/C E/C
(a) (b)
Figure 3.31 : variation de la porosité totale et de la porosité capillaire interconnectée dans
les pâtes de ciment âgées de 28 jours en fonction du rapport E/C (a). Perméabilités
calculées au moyen du modèle capillaire selon la relation 13 (b).
Les porosités de la figure (a) sont déduites des données de porométrie au mercure présentées à la
figure 3.11. Les perméabilités sont calculées à partir du modèle capillaire. Dans la relation (13), le
rayon des pores des hydrates est choisi constant et égal à 10 nm. Le rayon des pores capillaires est
pris égal à la moyenne entre le rayon critique (rayon des plus gros capillaires) et le rayon des plus
petits capillaires (50 nm). Le modèle met en évidence le rôle prépondérant de l’’interconnexion des
capillaires sur la perméabilité.

3.3. Influence des paramètres de composition et de la cure


sur la perméabilité des bétons
3.3.1. Influence de la teneur en eau et de la durée de la cure
La figure 3.32 montre la variation de la perméabilité d’une pâte de ciment avec le
rapport E/C. Ces données sont obtenues sur des pâtes complètement hydratées (ou
tout au moins hydratées au maximum lorsque le rapport E/C est trop petit pour
permettre une hydratation complète). La forme de la courbe expérimentale est
proche de celle obtenue par le modèle capillaire (figure 3.31). Les valeurs mesu-
rées sont différentes de celles prévues par le modèle car les mesures de perméa-
bilité à l’eau (figure 3.32) sont délicates mais l’essentiel est que ces données

91
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

confirment bien le rôle de l’interconnexion des capillaires. Comme le montre la


figure 3.14, les capillaires sont toujours interconnectés pour des rapports E/C su-
périeurs à 0,7. Dans ce cas, la perméabilité augmente très vite avec la quantité
d’eau de gâchage. Au vu de ce résultat, on comprend que le rapport E/C n’atteigne
jamais cette valeur dans les bétons de structure.

(. 10–14)
Coefficient de perméabilité KW (m2 . s–1)

140

120

100

80

60

40

20

0
0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 08

Rapport E/C

Figure 3.32 : relation entre le coefficient de perméabilité à l’eau des pâtes de ciment
totalement hydraté et le rapport E/C, d’après [POW 54].
Au-dessus du rapport critique E/C = 0,70, le réseau capillaire reste toujours interconnecté : la perméa-
bilité de la pâte de ciment augmente rapidement avec le rapport E/C au voisinage de ce seuil.

En pratique, l’hydratation en peau des bétons exposés à l’air atmosphérique peut


s’interrompre en empêchant la segmentation de la porosité capillaire même si le
rapport E/C est faible. La figure 3.33 montre l’influence de la durée de cure sur la
perméabilité des bétons. Les temps pour parvenir à la segmentation des capillaires
étant plus importants pour les fortes teneurs en eau (voir tableau 3.1), la qualité et
la durée de la cure auront d’autant plus d’influence sur les propriétés de transfert,
donc sur la durabilité, que le rapport E/C sera élevé.

92
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

(. 10–17)
150

100
Perméabilité (m2)

Rapport E/C

0,70
0,62
50 0,55
0,47
0,40

0
1 4 7 28
Durée de cure (jours)

Figure 3.33 : influence de la durée de cure sur la perméabilité au gaz de bétons gâchés
à différentes teneurs en eau, d’après [DHI 89I].
Les perméabilités des bétons sont mesurées à la même échéance de 28 jours. L’augmentation de la
durée de cure initiale (effectuée ici dans l’eau) se traduit par une diminution de la perméabilité. L’in-
fluence de la durée de cure est bien plus importante pour les bétons préparés avec de fortes teneurs
en eau.

Différents produits de cure peuvent être utilisé pour diminuer les départs d’eau ;
le tableau 3.3 indique l’efficacité de certains d’entre eux. Une cure humide ou
l’utilisation d’une émulsion de cire peut réduire la porosité superficielle d’environ
15 % et diviser pas 2,5 le diamètre moyen des pores.
Tableau 3.3 : influence de différentes techniques de cure sur la porosité totale
et le diamètre moyen des pores de mortiers âgés de trois jours, d’après [GOW 90].
Porosité au mercure Diamètre moyen des pores
Méthode de cure
(%) (nm)
3 jours de cure humide 20,1 80
Émulsion acrylique 22,9 128
Émulsion de cire 20,9 90
Sans cure humide 24,1 228
Conditions de conservations : 35 °C, 45 % HR, vitesse du vent 3 m/s.
Composition : ciment/sable = 1/2,9 – E/C = 0,48.

93
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

La perméabilité des bétons dépend principalement de la porosité capillaire ainsi


que de la taille et de l’interconnexion des pores capillaires. Pour diminuer la per-
méabilité des bétons il convient donc de diminuer le rapport E/C et de soigner la
cure.
3.3.2. Influence des granulats sur la perméabilité
L’interface pâte/granulat, du fait de sa porosité plus élevée, doit favoriser les
écoulements de fluide. Mais les granulats introduisent d’autres effets qui ne vont
pas tous dans le même sens :
– si la porosité augmente au voisinage des granulats par effet de parois, la pâte
est plus dense dans la région extérieure aux auréoles de transition. Cet effet va
dans le sens d’une diminution de la perméabilité ;
– dans l’analyse des différences entre pâte et béton, il ne faut pas sous-estimer la
contribution apportée par la perméabilité des granulats. Si leur porosité est géné-
ralement très inférieure à celle de la pâte, leur perméabilité n’est pas aussi diffé-
rente qu’on pourrait le prévoir en première analyse (tableau 3.4) car la
distribution de la taille des pores (en général au-dessus de 10 µm) est tout à fait
différente de celle de la pâte. Les conclusions sont évidemment différentes avec
des granulats imperméables ; leur présence constitue alors des obstacles interpo-
sés sur le cheminement des fluides ce qui introduit une tortuosité supplémen-
taire.
Tableau 3.4 : comparaison de la perméabilité de différents types de roches
et de pâtes de ciment, d’après [POW 58].

Rapport E/C des pâtes à maturité


Type de roche Coefficient de perméabilité (m/s)
de même perméabilité

Trap dense 2,5.10–14 0,38


Diorite quartzique 8,2.10–14 0,42
Marbre 1 2,4.10–13 0,48
Marbre 2 5,8.10–12 0,66
Granite 1 5,3.10–11 0,70
Grès 1,2.10–10 0,71
Granite 2 1,6.10–10 0,71

Au bilan, le résultat global de ces différents effets est a priori incertain. Les don-
nées expérimentales, peu nombreuses, montrent que les perméabilités des bétons
et des mortiers préparés avec le même rapport E/C et des granulats peu poreux
sont du même ordre de grandeur [LOB 03]. Sur le plan pratique, le résultat prin-
cipal concerne l’influence de la taille maximale des granulats sur la perméabilité
des bétons. Pour un Dmax variant de 10 à 20 mm, il n’y a pas de variation signifi-
cative de perméabilité aussi bien pour des bétons courants que pour des bétons à
hautes performances (BHP) formulés en optimisant leur squelette granulaire.

94
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

3.3.3. Influence des additions minérales


Jusqu’à présent on s’est intéressé au béton sous la forme la plus simple lorsqu’il
est composé de ciment Portland, de sable de gravillons et d’eau. Mais, de plus en
plus, les bétons contiennent, outre ces ingrédients de base, des additions minéra-
les et des adjuvants. Les fillers calcaires, les laitiers de haut-fourneau et les cen-
dres volantes peuvent aussi se trouver dans les ciments composés.
Avant de présenter l’influence des produits d’addition sur la perméabilité, il faut
s’arrêter un instant sur les bases de comparaison possibles. Dans ce qui précède
nous avons considéré que le facteur de premier ordre de la durabilité était le rap-
port E/C et, lorsque nous avons cherché à montrer l’influence de la durée de la
cure (figure 3.33), nous avons comparé entre eux des bétons à même rapport E/C.
Le choix de ce même paramètre E/C comme base de comparaison devient nette-
ment moins pertinent lorsqu’on veut comparer un béton contenant des additions
minérales avec un béton témoin qui n’en contient pas ; en effet, dans le béton
d’étude, le ciment ne représente qu’une partie du liant, et le liant lui-même peut
avoir des propriétés variables selon la proportion d’addition. Dans ce cas, nous
pensons que les comparaisons entre bétons doivent se faire à résistance à la com-
pression constante. C’est, en fait, la seule base de comparaison possible lorsque
l’addition minérale est un composé du ciment.
Les quelques résultats qui prennent en compte la résistance des bétons dans les
études de perméabilité conduisent à la même conclusion : une relation approxi-
mative existe entre la perméabilité d’un béton contenant des cendres volantes ou
du laitier de haut-fourneau et sa résistance à la compression mesurée à la même
échéance (inférieure à 60 jours). Cette corrélation est seulement approximative,
et on obtient fréquemment des perméabilités un peu plus faibles pour une même
résistance dans les bétons utilisant des cendres volantes comme addition minérale
(voir le tableau 3.2 par exemple).
L’importance de la cure a été signalée pour les bétons confectionnés avec des
CEM I. L’allongement de la durée de cure est encore plus bénéfique avec les ci-
ments de type II, III, IV ou V. À 28 jours, si l’accroissement de la durée de cure
de 12 à 72 heures peut réduire la perméabilité d’un facteur 3 (cela dépend du béton
comme le montre la figure 3.33), la perméabilité est réduite d’un facteur 6 à 7 avec
un CEM II/B (avec 30 % de cendres volantes) ou un CEM III/A (avec 60 % de
laitier) [POM 87]. Ce résultat s’explique par la faible hydraulicité des laitiers de
haut-fourneau, comparée à celle du clinker, et par la relative lenteur de la réaction
pouzzolanique des cendres volantes.

95
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

3.3.4. Perméabilité des BHP


La figure 3.34 présente la variation de la perméabilité mesurée sur des bétons âgés
d’1 an en fonction de leur résistance à 28 jours.
10 000

1 000
Kair (10–18 m2)

100

10

1
0 20 40 60 80 100 120

fc28j (MPa)

Figure 3.34 : variation de la perméabilité du béton avec la résistance à 28 jours,


d’après [YSS95].
Les bétons testés ont été conservés 1 jour dans l’eau puis dans l’air à 50 % d’humidité et 20 °C jus-
qu’au moment de la mesure (1 an).

La perméabilité diminue logiquement avec la résistance mais on peut remarquer


que les perméabilités des BHP ne diminuent que faiblement avec la résistance. Ce
résultat peut être rapproché de celui de la figure 3.32 (à faible rapport E/C, la per-
méabilité reste faible et ne varie pas beaucoup) et du fait que les auréoles de tran-
sition n’existent quasiment pas dans les BHP avec ou sans fumée de silice. On
peut enfin noter que la microfissuration d’autodessiccation de ces bétons n’a pas
d’effet néfaste sur la perméabilité.

96
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

Les remontées capillaires. Test d’absorption d’eau


Les remontées capillaires dans les bétons permettent à des espèces agressives conte-
nues dans les sols d’envahir la structure poreuse. Ces remontées sont dues à un trans-
fert sous gradient de pression, comme la perméabilité qui est décrite ci-dessus, mais
la pression motrice est ici la pression capillaire.

Si on assimile les pores à des cylindres


verticaux, la loi de Jurin permet de cal-
I = 2r culer l’ascension maximale de l’eau (li-
quide mouillant) :
2σ cos θ
H = -------------------
rρg

H la hauteur maximale d’ascension


T capillaire;
H r est le rayon du cylindre;
θ l’angle de raccordement (voisin de 0
dans le cas de l’eau sur les matériaux
cimentaires);
σ la tension superficielle de l’eau
(0,075 N/m);
ρ la masse volumique de l’eau.
La hauteur d’ascension capillaire est inversement proportionnelle au rayon des pores.
À titre d’exemple, dans un pore d’1 µm de rayon, H est égal à 15 m ! Si on modélise
la structure poreuse d’un matériau par des tubes cylindriques verticaux de rayon égal
au rayon moyen des pores (donné par exemple par le porosimètre à mercure), la loi
de Jurin permet de calculer la hauteur maximale d’ascension de l’eau. En pratique, la
hauteur d’ascension est inférieure aux valeurs calculées, car l’eau qui imprègne le
matériau s’évapore par les faces latérales. Un équilibre s’établit à des hauteurs infé-
rieures à H. Lors de l’évaporation, les sels contenus dans l’eau précipitent en surface,
ce qui explique la présence de traces de précipités souvent observées à la limite at-
teinte par l’eau.
Pour caractériser la structure poreuse d’un béton, on peut utiliser un essai d’absorp-
tion d’eau. Il s’agit d’un essai simple qui consiste à suivre l’évolution de la masse
d’un échantillon cylindrique de béton préalablement séché et dont la base est placée
au contact d’une nappe d’eau.

97
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

La hauteur des éprouvettes, de l’ordre de la dizaine


de centimètres, est très inférieure à la hauteur d’as-
A
cension maximale H donnée par la loi de Jurin. On
peut alors montrer que la loi d’ascension de l’eau
L
au cours du temps est donnée par la relation :
h(t)
σr cos θ- t
h ( t ) ≈ ------------------

où r est le rayon moyen des pores et µ la viscosité
de l’eau.
La masse d’eau absorbée par unité de section A de
l’éprouvette est égale à :
M eau ( t ) σr cos θ
- =
---------------- ------------------- tp o ρ eau
A 2μ
où po est la porosité ouverte.
Cette masse absorbée varie théoriquement en raci-
Meau (t) ne carrée du temps jusqu’à la saturation (L = hau-
A courbe théorique teur de l’éprouvette).
p0LUeau
En pratique, les courbes expérimentales ont l’allu-
courbe expérimentale re donnée ci-contre sur la figure du bas. La pente à
l’origine est proportionnelle à la quantité p o r et,
si on connaît la porosité ouverte du béton, il est
¥W
possible de calculer r et d’estimer ainsi simplement
un ordre de grandeur de la dimension moyenne des
pores en mesurant la prise de masse de l’éprouvette
au cours du temps.

4. LA DIFFUSION DANS LES BÉTONS


4.1. Les lois de la diffusion
4.1.1. La diffusion moléculaire, relations entre les coefficients
de diffusion
La diffusion désigne le processus de transport d’un constituant dans un milieu
donné sous l’effet de son agitation aléatoire à l’échelle moléculaire. S’il existe
une différence de concentration entre deux points du milieu, ce phénomène en-
gendre un transport global du constituant considéré, orienté de la zone la plus con-
centrée vers la zone la moins concentrée jusqu’à ce qu’il y ait équilibre des
concentrations.
Les transports par diffusion peuvent intervenir sous deux formes : en phase liqui-
de ou en phase gazeuse.

98
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

Le premier mode concerne le transport d’espèces ioniques en solution dans la


phase aqueuse interstitielle ; il intervient par exemple lors de l’attaque du béton
par les sulfates de l’eau de mer ou par l’acide carbonique d’un sol riche en matiè-
res organiques.
Les transports de gaz dans les bétons ne se produisent généralement pas par écou-
lement (sous l’effet de différences de pression) mais plutôt par diffusion dans l’air
contenu dans les pores ou les fissures du matériau.
La diffusion en phase gazeuse concerne notamment la dessiccation d’un béton
déjà partiellement séché (transport de vapeur d’eau), ainsi que la pénétration de
gaz agressifs pour le béton ou pour ses armatures tels que le gaz carbonique ou
l’oxygène.
Pour décrire le transport diffusif, nous supposons dans un premier temps que les
particules sont à l’état atomique ou moléculaire. C’est bien le cas des gaz ; par
contre, en solution, les particules sont des ions et, en plus du moteur que constitue
la différence de concentration, des forces d’interactions électriques interviennent
dans le transport puisque chaque ion est entouré par d’autres espèces ioniques.
Dans ce cas, les lois que nous allons présenter dans cette première approche doi-
vent être modifiées.
• Diffusion en milieu infini
Le processus est caractérisé par un coefficient de diffusion D défini par la premiè-
re loi de Fick :
∂c
J x = – D -----
∂x
∂c
où Jx est le flux du constituant dans la direction x, et ----- est son gradient de con-
∂x
centration dans cette direction. Le coefficient de diffusion est caractéristique de
l’espèce diffusante, du milieu dans lequel elle diffuse et de la température.
• Diffusion dans un pore
Dans un pore, les parois perturbent le transport dans la direction du gradient de
concentration et le flux J *x s’exprime encore par la première loi de Fick mais le
coefficient de diffusion D*est plus petit que D :
∂c
J *x = – D∗ -----
∂x

99
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

• Diffusion dans un milieu poreux, coefficient de diffusion effectif


Dans un milieu poreux, on décrit le transport à l’aide du flux effectif Je,x qui re-
présente la quantité de constituant qui traverse le matériau par unité de temps et
par unité de surface du matériau dans la direction x. Ce flux reste proportionnel
au gradient de concentration de l’espèce dans la phase support où elle diffuse (la
solution interstitielle pour une espèce ionique ou l’air pour le CO2 atmosphérique
par exemple) et le coefficient de proportionnalité est donné par la première loi de
Fick appliquée au milieu poreux :
∂c
J e, x = – D e ----- (14)
∂x
De est appelé « coefficient de diffusion effectif » et dépend de l’espèce diffusante,
de la phase support, de la structure poreuse du matériau et de la température. Il
dépend aussi de l’état de saturation. Dans ce qui suit nous considérerons que le
milieu poreux est saturé par la phase support.
Les coefficients de diffusion s’expriment en m2/s.
Les modèles physiques relient le coefficient de diffusion effectif De d’un consti-
tuant donné au coefficient de diffusion D de ce même constituant dans la phase
qui remplit les pores. Une relation du type suivant est généralement utilisée, dans
laquelle est introduit le paramètre de constrictivité δ qui rend compte des effets
de la variation de section des pores :
δp o
D e = --------- D (15)
T
où po est la porosité ouverte et T la tortuosité. Cette relation est analogue à celle
σ D
qui définit le facteur de formation F. On retrouve F = ------ = ------ .
σe De
Ce modèle montre que, contrairement au cas de la perméabilité, la taille des pores
n’a pas d’influence sur les propriétés de transport par diffusion.
4.1.2. La diffusion ionique
La solution interstitielle des bétons est fortement concentrée en espèces ioniques:
c’est un électrolyte. Les ions étant eux-mêmes électriquement chargés, leur mou-
vement dans la solution interstitielle n’est pas seulement gouverné par le gradient
∂ψ
de concentration, mais aussi par le gradient de potentiel local ------- dû aux autres
∂x
ions et connu sous le nom de potentiel de membrane.

100
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

Le flux dû à ce potentiel de membrane s’exerçant sur un ion i est donné par la re-
lation :
∂ψ
J i, x = – u i c i ------- (16)
∂x
ci étant la concentration de l’espèce i au point considéré et ui sa mobilité ionique.
Le flux total est la somme de la contribution due au gradient de concentration,
donnée par la première loi de Fick, et de celle due au potentiel de membrane soit :
∂c i ∂ψ
J i, x = – D i ------- – u i c i ------- (17)
∂x ∂x
La mobilité ionique est reliée au coefficient de diffusion par l’équation de Nernst-
Einstein :
Di zi F
u i = -------------
- (18)
RT
En portant cette valeur dans la relation précédente on obtient l’équation de
Nernst-Planck :
∂c i z i F ∂ψ
J i, x = – D i ------- – ------- c i D i ------- (19)
∂x RT ∂x
où F est la constante de Faraday, R la constante des gaz parfait et T la température.
Si on considère cette fois la diffusion dans un matériau poreux, la relation donnant
le flux effectif s’établit de façon analogue et on peut écrire :
∂c i z i F ∂ψ
J e, i, x = – D e, i ------- – ------- c i D e, i ------- (20)
∂x RT ∂x
Dans la pratique, le flux d’un ion est généralement exprimé par la première équa-
tion de Fick. Remarquons qu’il s’agit là d’une simplification, puisqu’en procé-
dant ainsi on ne prend pas en compte les interactions électriques créées par les
autres ions de la solution interstitielle. Les erreurs commises en faisant cette sim-
plification ne sont pas très importantes, mais elles expliquent des résultats qui se-
raient inexplicables par la loi de Fick. Nous y reviendrons dans le
paragraphe 4.1.4 consacré à la mesure du coefficient de diffusion effectif. Dans
ce qui suit nous décrivons la diffusion ionique par la loi de Fick.
4.1.3. La cinétique de pénétration d’une espèce par diffusion,
deuxième loi de Fick
L’équation de continuité appliquée à un élément de volume de solution situé à
l’abscisse x et d’épaisseur dx s’écrit :

101
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

∂c ∂J
----- = – -------x- (21)
∂t ∂x

Je (x) Je (x + dx)

Si on exprime le flux par la première loi de Fick et si D est indépendant de x (mi-


lieu homogène), on obtient la deuxième loi de Fick :
2
∂c ∂ c
----- = D -------- (22)
∂t ∂x
2

Si l’élément de volume considéré est un volume de matériau saturé par la phase


support, l’équation de continuité s’écrit :
∂C ∂J e, x
------- = – ------------
- (23)
∂t ∂x
où C représente la concentration de l’espèce diffusante par unité de volume de
matériau. Ce dernier étant saturé, on peut relier la concentration C à la concentra-
tion c dans la phase support grâce à la relation C = poc si tout le constituant diffu-
sant est contenu dans cette phase support. Cette hypothèse correspond au cas où
le constituant considéré est inerte vis-à-vis de la phase solide. En exprimant le
flux effectif par la première loi de Fick, on obtient la deuxième loi de Fick appli-
quée au matériau poreux non réactif :
∂c De ∂2 c ∂ c
2
----- = ------ -------- = D a -------- (24)
∂t p o ∂x 2 ∂x
2

où Da est le coefficient de diffusion apparent du matériau.


L’intégration de l’équation précédente permet de déterminer le profil de pénétra-
tion c(x,t) de l’espèce considérée dans le matériau. Dans les cas simples (milieu
semi-infini, conditions initiales uniformes et conditions aux limites constantes),
on montre que la concentration c(x,t) s’exprime en fonction de la variable unique
x . La progression de la pénétration d’une espèce par diffusion se fait par
η = -----
t
une loi caractéristique en t.

102
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

Les espèces que l’on considère dans le domaine de la durabilité des bétons, réa-
gissent souvent avec le solide. Par exemple le béton se carbonate sous l’effet du
dioxyde de carbone. Il se forme aussi des chloroaluminates de calcium hydratés
lorsque les chlorures diffusent dans le béton. Ces réactions retardent la pénétra-
tion des espèces dans le béton et les lois précédentes doivent être modifiées en
conséquence.
L’équation (23) peut être réécrite en considérant que la concentration totale en es-
pèce diffusante C est la somme de deux termes Cl et Cf, respectivement les con-
centrations de l’espèce diffusante à l’état « libre » dans la phase support et à l’état
« fixé » par le solide.
Les concentrations sont généralement rapportées aux quantités qui les contiennent soit
en mole par m3 de solution pour les espèces libres (notation cl) ou en mole par kg de
solide pour les espèces fixées (notation cm,f). L’équation (24) s’écrit alors :
2 2
∂c l De ∂ c ∂ cl
------- = -------------------------------------------------------------- ----------l = D a ---------- (25)
∂t p o + ( 1 – p o )ρ s ∂c m, f ⁄ ∂c l 2 ∂x
2
∂x
Le coefficient de diffusion apparent Da des milieux poreux réactifs dépend du
coefficient de diffusion effectif, de la porosité ouverte po mais aussi des interac-
tions par le biais de la quantité ∂c m, f ⁄ ∂c l , appelée capacité de fixation et qui est
la pente de la courbe cm,f = f (cl) appelée isotherme d’interactions. Dans le cas des
chlorures, cette isotherme est déterminée en mesurant les quantités de chlorures
consommées par le béton dans des solutions à différentes concentrations
[AFG 07]. La figure 3.35 montre que cette isotherme n’est pas linéaire et, par con-
séquent, le coefficient de diffusion apparent Da dépend de la concentration.

103
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

16

Chlorures fixés (mg/g hydrates)


14

12

10

8
E/C = 0,4, pâte de CEM I
6 E/C = 0,6, pâte de CEM I
E/C = 0,8, pâte de CEM I
4 mortier C-S-E = 1-2-0,4
mortier C-S-E = 1-2-0,6
2 mortier C-S-E = 1-2-0,8

0
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1
Chlorures (mol/L de solution)

Figure 3.35 : isotherme d’interactions des chlorures, d’après [TAN 93].


Les essais ont été réalisés avec des pâtes de ciment ou de mortiers de CEM I. Trois rapports E/C ont
été choisis et les quantités de chlorures fixés (en ordonnées) sont rapportées à la quantité d’hydrates.
La courbe unique obtenue pour les 6 matériaux montre que les chlorures sont fixés par les hydrates.

4.1.4. Mesure des coefficients de diffusion


Le principe des méthodes habituelles de mesure consiste à établir un gradient de
concentration constant (ou de pression partielle dans le cas des gaz) de part et
d’autre d’une éprouvette d’épaisseur L et de mesurer les quantités d’espèce diffu-
sante sortant de l’échantillon. Les concentrations sont maintenues constantes de
chaque côté de l’échantillon en renouvelant régulièrement les solutions contenues
dans deux compartiments.
Le dispositif utilisé pour les espèces ioniques ou les radioéléments en solution est
présenté à la figure 3.36.
• Remarque sur l’essai de diffusion simple
Le calcul du coefficient de diffusion effectif se fait à partir du flux en régime per-
manent en appliquant la première loi de Fick (éq. 14). Il s’agit d’une simplifica-
tion puisque le flux doit s’exprimer en toute rigueur selon la loi de Nernst-Planck
(éq. 20). Pour utiliser l’équation de Nernst-Planck il faudrait connaître le champ
électrique local créé par les autres ions ce qui est compliqué en pratique. Les va-
leurs obtenues par application de la première loi de Fick dépendent de la concen-
tration dans le compartiment amont et, pour les espèces ioniques, de la nature du
contre ion associé. Il s’agit là d’une conséquence de l’approche simplifiée
[OLL 02].

104
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

La durée permettant d’obtenir le régime permanent est très longue (plus d’un an
pour un béton courant de 3cm d’épaisseur. Le temps de mesure n’est donc pas
compatible avec les exigences de contrôle de qualité ou de mise au point d’une
formule de béton. Dans la pratique et pour les espèces ioniques, on réalise des es-
sais accélérés en appliquant un champ électrique extérieur (figure 3.37).

9
8
7
QL/c0 (10–6 m2)

6
5
4
3
2
1
0
0 50 100 150 200

Durée (jours)

Figure 3.36 : principe de la mesure du coefficient de diffusion effectif.


Essai de diffusion simple.
Le flux est déterminé à partir des quantités d’espèces diffusantes mesurées dans le compartiment
aval à l’occasion de chaque renouvellement. En régime permanent le flux constant est donné par
ΔQ
J e, x = ---------- où ΔQ est la quantité diffusée pendant l’intervalle de temps Δt à travers la section S de
SΔt
l’éprouvette. Le coefficient de diffusion effectif est calculé en appliquant la première loi de Fick (14)
J e, x
selon la relation D e = --------- -L.
c0

105
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Valve de contrôle
des volumes 3,5

du côté anodique
Gain en Cl– (g)
Anode (+) Cathode (-)
2,5

2
Anions
1,5
Cations Valve d'évacuation
1
2OH– H2O + 1/2O2 + 2e– H2O + e– 1/2H2 + OH– 0,5

Compartiment anodique Compartiment cathodique 0


0 50 100 150 200 250 300 350
Joint en silicone
Échantillon de mortier Temps (h)

Figure 3.37 : principe de la mesure du coefficient de diffusion effectif.


Essai sous champ électrique.
L’éprouvette de béton est placée entre deux compartiments. Pour la mesure du coefficient de diffusion
des chlorures par exemple, la solution dans le compartiment de droite sur la figure contient du chlorure
de sodium (concentration c). Une différence de potentiel de l’ordre de 10 V accélère le transfert des
chlorures vers le compartiment de gauche. La courbe de droite est relative à un béton de hautes per-
formances (E/C = 0,32). Le régime permanent avec une éprouvette de 3 cm d’épaisseur est obtenu
en quelques jours. Le coefficient de diffusion effectif est calculé en régime permanent à partir de la loi
de Nernst-Planck. En négligeant le terme diffusif et en supposant que le terme de la relation de
Nernst-Planck n’est dû qu’à la différence de potentiel ΔV appliquée à l’éprouvette d’épaisseur L, le
J e, x RTL
coefficient de diffusion effectif est donné par D e = ----------------------
- le flux constant étant donné par
cF
ΔQ
J e, x = ---------- où ΔQ est la quantité traversant l’éprouvette pendant l’intervalle de temps Δt à travers sa
SΔt
section S.

Comme pour l’essai de diffusion simple, l’essai sous champ électrique présenté à
la figure 3.37 permet de mesurer le coefficient de diffusion effectif. Du fait de la
simplification adoptée dans le calcul, le résultat obtenu dépend des conditions aux
limites (concentration des solutions, différence de potentiel appliquée). D’autres
essais permettent de déterminer le coefficient de diffusion apparent. Ces essais
sont réalisés en régime non permanent. Les plus utilisés sont l’essai d’immersion
et l’essai de pénétration sous champ électrique et font l’objet d’une normalisation.
L’essai d’immersion (NT Build 443) est basé sur la deuxième loi de Fick. Les
échantillons à tester sont immergés 35 jours à 23 °C dans une solution à 165 g/L
de NaCl (figure 3.38).

106
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

Revêtement
étanche DIFFUSION Csa Profil des chlorures

en chlorures totaux
Concentration
Courbe ajustée
Points
expérimentaux
Béton
Ci

Distance à la surface exposée


[Cl–]

Figure 3.38 : schéma de l’essai d’immersion NT BUILD 443.


À la fin de l’immersion, le coefficient de diffusion apparent est calculé à partir du profil de chlorures
déterminé expérimentalement. Le coefficient Da est déduit du profil sur la base de la deuxième loi de
Fick. Si on suppose que les interactions entre les chlorures et le béton sont linéaires (cf = Kcl), l’équa-
tion (25) peut s’écrire :
2
∂c ∂ ( cl + cf ) ∂ c
-------t = ----------------------
- = D a ----------t (26)
∂t ∂t ∂x
2

L’équation du profil de chlorures totaux, solution de la relation (25), est :


x
ct = c t, initial + ( c t, s c t, initial )erfc ----------------- (27)
( x, t )
aD a t

Dans cette relation, t est le temps d’’immersion et les concentrations sont exprimées en mole/m3 de
liquide interstitiel. ct,s et ct,initial sont les concentrations de la solution d’immersion et de la solution in-
terstitielle du béton avant immersion (en général proche de zéro). La fonction erfc(y) est définie par
y
2
2

u du
erfc ( y ) = 1 – ------- e et tabulée dans les bases de données mathématiques classiques.
π
0

Les concentrations mesurées pour la détermination expérimentale du profil sont en général expri-
mées en mole ou kg de chlorure par kg de béton. La relation (27) peut s’écrire avec ces nouvelles
unités :
x
c m, t = c m, t, initial + ( c m, t, s c m, t, initial )erfc ----------------- (28)
( x, t )
aD a t

Le profil expérimental est calé avec la relation (28) et le coefficient de diffusion apparent est obtenu
en recherchant le meilleur calage possible.

Le calcul du coefficient de diffusion apparent selon cette méthode est basé sur un
grand nombre d’hypothèses (première loi de Fick applicable, interactions linéai-
res, matériau homogène dans la direction de pénétration des chlorures). Elle pré-
sente néanmoins l’avantage de fournir un coefficient dans les conditions
naturelles de diffusion et dans un délai raisonnable. Cette méthode est aussi à la
base de modèles de prédiction de la pénétration des chlorures, car elle permet de

107
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

prédire le profil à partir de la mesure de Da et de la concentration dans le milieu


d’immersion en utilisant la relation (27) ou (28).
Le deuxième essai, appelé CTH method et normalisé sous le numéro NT
BUILD 492 est une méthode de pénétration sous champ électrique (figure 3.39).
Elle présente l’avantage de fournir les résultats au bout de 24 heures.
+ Alimentation
en courant continu

a
b
c
f
d
g
e
h

a : cylindre de caoutchouc e : compartiment cathodique


b : compartiment anodique f : cathode
c : anode g : support
d : échantillon h : récipient en matière plastique

Figure 3.39 : schéma de principe de la méthode CTH NT BUILD 492, d’après [TAN 96].
La pénétration des chlorures dans l’éprouvette est accélérée par une différence de potentiel. À la fin
de l’essai, l’éprouvette est rompue par fendage, et la profondeur de pénétration est mesurée au
moyen d’un révélateur coloré : du nitrate d’argent. La différence de potentiel est choisie de telle sorte
qu’à la fin de l’essai, qui dure 24 heures, le front de pénétration des chlorures n’atteigne pas la face
de sortie de l’éprouvette. Le réglage de la tension est effectué sur la base de la mesure du courant
traversant l’échantillon au début de l’essai. Le coefficient de diffusion apparent est calculé au moyen
d’une formule empirique.

Au bilan, les méthodes de mesure des coefficients de diffusion sont nombreuses


et les calculs associés reposent sur des hypothèses simplificatrices. Il faut donc
bien préciser que les résultats obtenus dépendent des conditions expérimentales
et que les coefficients calculés ne permettent que des comparaisons entre maté-
riaux à condition bien sûr que les essais aient été conduits de la même façon.
Des efforts de normalisation sont en cours et ils n’ont pas encore abouti au mo-
ment de la rédaction de ce livre. Dans ce qui suit des données quantitatives seront
fournies pour illustrer l’influence de la composition des bétons. Il faudra se garder
de comparer les valeurs relevées dans des figures différentes car elles peuvent être
issues de diverses méthodes de mesure.

108
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

4.2. Relation entre la diffusion et la structure poreuse


Le coefficient de diffusion effectif d’une espèce donnée dans un matériau poreux
comme la pâte de ciment ou le béton peut être relié au coefficient de diffusion de
cette espèce dans la solution interstitielle, généralement assimilée à l’eau, au
1 pδ
moyen de la relation (15) --- = ------ . Des trois paramètres intervenant dans cette
F T
relation, seule la porosité ouverte peut être mesurée simplement. La constrictivité
et la tortuosité caractérisent globalement la géométrie des pores et la figure 3.40
montre qu’ils sont variables d’un matériau à l’autre. À porosité donnée, le terme
δ
--- est environ 10 fois plus petit pour les pâtes de ciment de type CEM V que pour
T
les CEM I.
Porosité à l'eau (%)

50 Pâtes CEM I
10–10 Pâtes CEM I
Pâtes CEM V
40 Pâtes CEM V
De(m2/s)

30 10–11

20
10–12
10
10–13
0 0,20 0,30 0,40 0,50 0,60 0,70 0,80
0,20 0,30 0,40 0,50 0,60
Rapport E/C Rapport E/C
(a) (b)
Figure 3.40 : variation de la porosité à l’eau et du coefficient de diffusion effectif de pâtes
de ciments CEM I et CEM V en fonction du rapport E/C, d’après [BEJ 06].
Les porosités à l’eau des pâtes de ciments de type CEM V sont un peu plus grandes que celles des
pâtes de CEM I de même rapport E/C (figure a). Les coefficients de diffusion portés sur la figure b
sont des coefficients de diffusion effectifs de l’eau tritiée mesurés sur des échantillons matures. Pour
un rapport E/C donné, le coefficient de diffusion des pâtes de CEM V est environ 10 fois plus petit que
celui des pâtes de CEM I malgré une porosité plus grande. La figure montre que la géométrie de la
structure poreuse joue un rôle important dans la diffusion.

Plusieurs relations empiriques ont été proposées pour rendre compte de la variation
du coefficient de diffusion des pâtes de ciment avec la porosité mais elles ne pré-
sentent pas de caractère général puisqu’elles dépendent des matériaux (voir la fi-
gure 3.40). S’il n’existe pas de modèles prédictifs satisfaisants pour les pâtes et
bétons, la figure 3.40 montre que le coefficient de diffusion effectif croît avec la
porosité et qu’il est influencé par la structure poreuse : à porosité égale, les pâtes
de ciment de type CEM V contiennent plus de pores de petites tailles. Ce résultat
semble contredire le fait que le coefficient de diffusion effectif est indépendant de
la taille des pores. En fait, c’est la plus grande tortuosité dans les pâtes de ciment
de type CEM V qui serait responsable de la diminution du coefficient de diffusion.

109
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

4.3. Influence des paramètres de composition des bétons


sur la diffusion
4.3.1. Influence du rapport E/C
Le coefficient de diffusion effectif des bétons diminue avec le rapport E/C
(figure 3.41) comme dans le cas des pâtes de ciment (figure 3.40). La perméabilité
présente une variation rapide à partir d’un rapport E/C de l’ordre de 0,5
(figure 3.32) ce qui correspond au seuil d’interconnexion de la porosité capillaire.
Cet effet ne se retrouve pas avec la diffusion mais on peut noter qu’entre des va-
leurs de 0,3 et 0,7 du rapport E/C, le coefficient de diffusion est multiplié par un
facteur 20.
40

35

30
De(10-12m2/s)

25

20

15

10

0
0,25 0,35 0,45 0,55 0,65 0,75 0,85
E/C
Figure 3.41 : influence du rapport E/C sur le coefficient de diffusion des bétons,
d’après [TAN 03].

4.3.2. Influence des granulats


L’influence de la nature des granulats a été peu étudiée, par contre celle de la te-
neur en granulats a fait l’objet de davantage d’études. On peut citer les résultats
obtenus par Lobet qui a mené une recherche assez complète sur ce sujet
[LOB 03]. L’influence de la fraction volumique des granulats peut être décrite
avec une assez bonne précision en considérant un effet de dilution : le coefficient
de diffusion effectif diminue de la même façon que le volume de pâte dans les mé-
langes. En première approximation on peut donc penser que l’augmentation du
coefficient de diffusion dans l’auréole de transition formée autour des granulats
[DEL 97] est compensée par l’augmentation de tortuosité occasionnée par les gra-
nulats. La figure 3.42 illustre l’influence de la dimension maximale des grains.
Dans le domaine des bétons, ce paramètre a peu d’influence.

110
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

3
Mortiers E/C=0,32 Mortiers E/C=0,55
2,5 Bétons E/C=0,32 Bétons E/C=0,55

2
De(10-12m2/s)
1,5

0,5

0
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22

Taille maximale du granulat (mm)

Figure 3.42 : influence de la taille maximale des grains


sur le coefficient de diffusion effectif, d’après [LOB 03].

4.3.3. Influence des additions minérales


Certains ciments composés permettent de réduire le coefficient de diffusion des
chlorures (figure 3.43).
Comme dans le cas des pâtes de CEM I et de CEM V (figure 3.40), les bétons con-
fectionnés avec des constituants réactifs (cendres volantes, laitiers ou fumée de
silice) ont des coefficients de diffusion plus faibles que les bétons de CEM I de
même porosité.

3,5

2,5 CEM I
De(10-12m2/s)

1,5

1
Bétons de ciments
0,5 composés

0
10 11 12 13 14 15 16 17

Porosité à l'eau (%)

Figure 3.43 : variation du coefficient de diffusion effectif de bétons


en fonction de leur porosité, d’après [CAR 05].
Les bétons de cette étude ont été confectionnés avec des ciments de type CEM I ou CEM II, III ou IV,
contenant des cendres volantes, de la fumée de silice ou du laitier de haut-fourneau (rapport E/C variant
entre 0,35 et 0,50). Les coefficients de diffusion effectifs ont été mesurés par un essai accéléré sous
champ électrique à l’âge de 6 mois. Malgré des porosités à l’eau relativement plus élevées, les bétons à
base de ciments composés ont des coefficients de diffusion plus faibles que les bétons à base de CEM I.

111
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Les matériaux pouzzolaniques tels que les cendres volantes ou la fumée de silice
peuvent aussi être utilisés comme addition minérale en substitution partielle au ci-
ment et leur effet est aussi bénéfique que lorsqu’ils sont incorporés dans le ciment
(figure 3.44). Il est intéressant de noter que l’utilisation conjointe de fumée de si-
lice et de cendres volantes peut réduire très fortement le coefficient de diffusion
des bétons.
40 10
CEM I CEM I
De (10-12m2/s)

De (10-12m2/s)
30 FS 8 FS
CV CV
6
20 CV + SF CV + SF
4
10
2
0 0
0,25 0,35 0,45 0,55 0,65 0,75 0,85 0,25 0,3 0,35 0,4 0,45
E/C E/L
Figure 3.44 : influence de l’addition de fumée de silice et de cendres volantes
sur le coefficient de diffusion effectif des chlorures dans le béton [TAN 03].
Les diagrammes sont présentés soit en fonction du rapport E/C soit en fonction du rapport E/L. Les
additions de cendres volantes et de fumée de silice entrainent une diminution du coefficient effectif
des chlorures. On peut noter le très faible coefficient de diffusion obtenu grâce à l’addition d’un mé-
lange de cendres volantes et de fumée de silice.

Au paragraphe 3.3.3, lorsque nous avons présenté l’influence des additions miné-
rales sur la perméabilité des bétons, nous avons indiqué qu’il valait mieux com-
parer des bétons confectionnés à même résistance plutôt que de faire les
comparaisons à même rapport eau/ciment ou eau/liant. Malheureusement, les
données ne sont pas nombreuses dans le cas de la diffusion. Figure 3.43, la com-
paraison peut être faite pour une porosité donnée. Les améliorations obtenues
avec les ciments composés s’expliquent par la segmentation du réseau poreux.
Les résultats sont comparables à ceux obtenus sur pâtes (voir la figure 3.40).
Quelques données permettent toutefois de conclure quant à l’effet bénéfique des
cendres volantes. À titre d’exemple, il a ainsi été montré dans le projet national
BHP 2000, que le coefficient de diffusion effectif d’un béton de résistance à
A
28 jours de 58 MPa préparé avec un taux de cendres volantes -------------- = 0 ,3 est
A+C
deux fois plus petit que celui d’un BHP de 75 MPa confectionné avec du CEM I
sans addition [BAR 05].
4.3.4. Diffusion dans les BHP
Le coefficient de diffusion effectif des bétons diminue lorsque la résistance aug-
mente comme l’illustre la figure 3.45.

112
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

Le coefficient de diffusion des BHP est inférieur à celui des bétons courants d’un
facteur de 100 à 1000. L’autodessiccation des BHP et la microfissuration qui
pourrait en résulter ne conduisent pas à une augmentation du coefficient de dif-
fusion.
Notons qu’au laboratoire les échantillons sont saturés sous vide avant les essais
alors qu’en service, du fait de leur autodessiccation, les BHP sont probablement
moins saturés et les possibilités de diffusion sont plus faibles. Ce point est discuté
au titre suivant.
100

10
De, cl-(10-12m2/s)

0,1

0,01

0,001
0 20 40 60 80 100 120 140

fc28j(MPa)

Figure 3.45 : variation du coefficient de diffusion effectif des bétons


en fonction de leur résistance en compression à 28 jours, d’après [YSS 95].
Les bétons de cette étude sont réalisés avec du ciment CEM I ou du ciment CEM II et peuvent contenir
de la fumée de silice. Après 24 heures de cure humide, ils sont conservés dans l’air à 20 °C et 50 %HR
jusqu’à 1 an, âge de l’essai. Le coefficient de diffusion est mesuré au moyen d’un essai accéléré sous
champ électrique sur des éprouvettes préalablement saturées sous vide. Comme pour la perméabilité
au gaz, on peut noter que le coefficient de diffusion effectif ne diminue plus pour des résistances su-
périeures à 85 MPa. La figure 3.34 montre qu’une voie d’amélioration peut consister à combiner plu-
sieurs additions minérales.

La structure poreuse des bétons fibrés ultraperformants (BFUP)


Les BFUP sont des matériaux très différents de ceux que l’on rencontre habituelle-
ment dans le génie civil. Outre des résistances mécaniques largement supérieures à
celles des bétons « classiques » (fc,28 de 200 à 800 MPa ; ft,28 de 20 à 150 MPa), ces
matériaux présentent des caractéristiques remarquables en terme de durabilité comme
le montrent les résultats expérimentaux dont on dispose à l’heure actuelle.
Comment obtient-on de telles propriétés ?
Les BFUP sont des matériaux très homogènes obtenus en supprimant les gros granu-
lats : le diamètre maximal utilisé est de l’ordre de quelques centaines de µm à quel-
ques mm. De plus, la compacité est améliorée, grâce à des rapports E/C inférieurs à
0,25 et grâce à l’utilisation de fumée de silice ou de silice de synthèse ultra-fine. Dans

113
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

certains cas, le matériau est comprimé après coulage. La ductilité est assurée grâce à
l’introduction de fibres métalliques très fines.
Avantage principal : la durabilité
La structure poreuse de ces matériaux se caractérise par une absence de porosité ca-
pillaire et une porosité à très petite échelle non interconnectée : ceci se traduit par des
propriétés de transfert très améliorées par rapport aux bétons courants comme le mon-
trent les résultats du tableau suivant. En outre, l’existence de clinker résiduel en gran-
de quantité peut permettre la « cicatrisation » du matériau.
Comparaison des principaux indicateurs de durabilité pour les différentes familles de
bétons
Béton d’usage courant (BC) ; béton à hautes performances (BHP) ; béton à très hautes
performances (BTHP) ; béton fibré ultraperformant (BFUP) :
Indicateur de durabilité Méthode utilisée BC BHP BTHP BFUP
Porosité à l’eau (%) AFREM-AFGC 14-20 10-13 6-9 1,5-5
Perméabilité
AFREM-AFGC 10– 16 10– 17 10– 18 < 10– 19
à l’oxygène (m2)
Coefficient de diffusion Régime permanent
2 . 10– 11 2 . 10– 12 2 . 10– 13 2 . 10– 14
du tritium (m2/s) – Diffusion libre

Référence : AFGC, Bétons fibrés à ultra hautes performances (BFUP) Recommandations provisoires, jan-
vier 2002.
Encadré rédigé par Myriam Carcassès.

4.4. Influence des conditions de service et de l’âge des ouvrages


sur la diffusion
Les coefficients de diffusion effectifs sont habituellement mesurés au laboratoire
à 20 °C, à l’état saturé et à l’âge de 28 jours. Ces valeurs sont ensuite utilisées dans
des modèles dont l’objectif est de prévoir la pénétration d’une espèce agressive,
notamment des chlorures. Ces ouvrages sont parfois exposés à des conditions cli-
matiques très différentes de celles du laboratoire, et nous nous proposons d’ap-
porter dans ce qui suit des données expérimentales permettant de prendre en
compte les conditions de service.
4.4.1. Influence de l’état de saturation sur la diffusion
Dans le cas des chlorures la diffusion a lieu en phase liquide. L’état de saturation
des bétons a donc une influence sur les transferts ioniques. Les mesures directes
de l’influence de l’état de saturation ne sont pas aisées mais on dispose d’une in-
formation indirecte à travers des mesures de conductivité électrique. Au paragra-
phe 4.1.1 la définition suivante du facteur de formation a été donnée :
σ D
F = ------ = ------ . Les grandeurs D et σ étant des caractéristiques de la solution in-
σe De

114
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

terstitielle, la mesure de la conductivité du béton dans un certain état de saturation


permet d’évaluer son coefficient de diffusion effectif dans le même état de satu-
ration. La figure 3.46 représente la variation de la conductivité en fonction du de-
gré de saturation [FRA 01]. Un seuil de percolation apparaît clairement: en deçà
de 60 % de saturation, la phase liquide n’est pas continue au sein du matériau et
la diffusion est impossible.

De(S)
De(S = 1)
1

0,75

0,5

0,25

0 S
0 0,25 0,5 0,75 1

Figure 3.46 : influence de l’état de saturation sur le coefficient de diffusion effectif


des ions, d’après [FRA 01].
Les données expérimentales ont été obtenues en mesurant la conductivité électrique de matériaux à
l’équilibre avec différentes humidités relatives. Les degrés de saturation ont été déduits des isother-
mes de sorption. Ces résultats mettent en évidence l’existence d’un seuil en deçà duquel la phase
liquide n’est plus continue dans le matériau ce qui empêche la pénétration des agents agressifs par
diffusion. Lorsque le béton n’est pas saturé les transferts ioniques peuvent se produire par absorption
capillaire.

Les transferts gazeux sont aussi influencés par l’état de saturation du matériau. Le
coefficient de diffusion des gaz dans l’air étant environ 10 000 fois plus élevé que
dans l’eau, si le séchage du béton permet l’existence d’un chemin continu empli
d’air au travers des pores, le coefficient de diffusion des gaz augmente fortement.
C’est ce que montre la figure 3.47.

115
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

10 –5

10 –7

Coefficient de diffusion (m²/s) 10 –9

CEM I - E/C 0,35


10 –11
CEM I - E/C 0,45

10 –13
0 20 40 60 80 100
Humidité relative (%)

Figure 3.47 : influence de l’état de saturation sur le coefficient de diffusion effectif


de l’hydrogène, d’après [SER 06].
En dessous de 60 % d’humidité relative, il existe un réseau interconnecté de pores emplis d’air dans
les pâtes de ciment testées et la diffusion gazeuse à travers ce réseau est importante. Entre 60 % et
80 % d’humidité relative le coefficient de diffusion gazeux diminue d’un facteur 100.

4.4.2. Influence de la température sur la diffusion


En introduction, nous avons indiqué que la diffusion résultait de l’agitation molé-
culaire qui dépend de la température. La diffusion est thermoactivée et la varia-
tion du coefficient de diffusion avec la température est donnée par la loi
d’Arrhénius :
E 1 1⎞
-----a ⎛ ----
- – ---
R ⎝ T 0 T⎠
D = D0 e
où D est le coefficient de diffusion à la température T, D0 le coefficient de diffu-
sion à la température T0 de référence, R la constante des gaz parfaits, T la tempé-
rature et Ea, l’énergie apparente d’activation.
Cette relation peut être étendue à la variation du coefficient de diffusion effectif
dans les matériaux cimentaires. Des valeurs sont fournies au tableau 3.5. Les va-
leurs trouvées sont différentes de celles des mêmes espèces en solution diluée (par
exemple 18 kJ/mole pour Cl–) [CHE 75]. Cette différence suggère qu’il y a fortes
interactions entre les ions et la surface des hydrates [GOT 81] et montre qu’il con-
vient de déterminer l’énergie d’activation pour chaque formule de béton pour
connaître l’influence de la température sur la diffusion.
L’énergie d’activation dépend aussi du ciment. Par exemple, Nguyen trouve
35,7 kJ/mole pour un mortier de CEM I et 32,3 kJ/mole avec un CEM V [NGU 06].

116
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

Tableau 3.5 : énergie d’activation utilisable pour calculer la variation


du coefficient de diffusion effectif avec la température.

Matériau Espèce diffusante Energie d’activation (kJ/mole) référence

Pâte de ciment E/C = 0,4 Cl– 40,2 [GOT 81]

Pâte de ciment E/C = 0,6 Cl– 32,0 ± 2,4 [PAG 81]

Pâte de ciment E/C = 0,5 Cl– 44,6 ± 4,3 [PAG 81]

Pâte de ciment E/C = 0,4 Cl– 41,8 ± 4,0 [PAG 81]

Béton Cl– 35 Life 365 Model

À titre d’exemple, en retenant la valeur de l’énergie d’activation donnée par le


modèle Life 365 donnée au tableau 3.5, le coefficient de diffusion effectif des
chlorures dans le béton est multiplié par 5 entre 5 °C et 40 °C. La diffusion est
fortement accélérée par la température.

4.4.3. Influence de l’âge et des conditions d’hydratation sur la diffusion


des chlorures
Les essais accélérés permettent d’évaluer l’effet du vieillissement des bétons sur
le coefficient de diffusion effectif. Aux jeunes âges, les variations sont rapides (fi-
gure 3.48).

0,55
Coefficient de diffusion effectif

0,55 PM
(10–12 m2/s)

4 7 11 14
Âge (jours)

Figure 3.48 : influence de l’âge d’un béton sur le coefficient de diffusion effectif
des chlorures [TRU 00].
Le béton de l’étude est un béton de CEM I ou de CEM I PM (E/C = 0,55). Le coefficient de diffusion,
mesuré au moyen d’une méthode accélérée sous champ électrique, diminue rapidement dans les pre-
miers jours.

117
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Les données montrent l’importance de la durée de la cure. La figure 3.39 donne


des informations sur l’évolution du coefficient de diffusion à plus long terme et
montre que plus le rapport E/C est élevé, plus le coefficient de diffusion effectif
peut diminuer en augmentant la durée de conservation dans l’eau. De ce point de
vue, les conditions sont favorables dans les ouvrages immergés. Si le vieillisse-
ment s’effectue dans l’air, la diminution du coefficient de diffusion est beaucoup
plus faible, notamment pour les bétons de faible résistance (figure 3.49).

80 80
28 jours 180 jours
Coefficient de diffusion (. 10–13 m2/s)

Coefficient de diffusion (. 10–13 m2/s)


60 60

Eau à 23 °C Eau à 23 °C
40 40
Air à 23 °C, 55 % HR Air à 23 °C, 55 % HR

20 20

2
2
1
1
0 0
20 30 40 50 60 70 20 30 40 50 60 70

Résistance à la compression à 28 jours (MPa) Résistance à la compression à 28 jours (MPa)

(a) (b)

Figure 3.49 : influence de la cure sur le coefficient de diffusion effectif des chlorures
dans le béton, d’après [DHI 93].
Les coefficients de diffusion sont mesurés au moyen d’une méthode accélérée sous champ électri-
que. Ils sont portés sur l’axe des ordonnées en fonction de la résistance à la compression de bétons
de ciment Portland mesurées à l’âge de 28 jours après conservation dans l’eau à 23 °C.
Deux modes de cure ont été retenus :
– dans l’eau à 23 °C jusqu’au moment de l’essai (courbes 1) ;
– dans l’air à 23 °C et 55 % HR après démoulage à 1 jour (courbes 2).
Les résultats à 28 jours (a) montrent que la cure dans l’eau réduit le coefficient de diffusion et ceci
d’autant plus que la résistance mécanique du béton est faible.
Après 6 mois (b), la valeur du coefficient de diffusion est devenue beaucoup plus petite pour les bé-
tons conservés sous eau, alors que, pour les bétons conservés à l’air sec, elle n’a pas évolué, con-
servant la valeur qu’elle avait à 28 jours.

118
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

5. LE SÉCHAGE NATUREL
5.1. Les processus physiques et leur modélisation
Lorsque l’on fabrique un béton ordinaire, la quantité d’eau utilisée est supérieure
à celle nécessaire à l’hydratation. Le béton contient donc dans sa porosité de l’eau
liquide et a une humidité interne très élevée. Lorsque l’humidité externe est plus
faible que celle du béton, le processus de séchage naturel a lieu.
Le séchage naturel du béton est un phénomène lent (une éprouvette de diamètre
16 cm mettra environ 10 ans pour être en équilibre avec l’atmosphère extérieu-
re) et qui joue un rôle important dans un grand nombre d’autres phénomènes
(carbonatation, retraits, fluage, alcali-réaction…).
Sa compréhension et sa modélisation revêtent donc une grande importance pour
les structures en béton. Mais c’est un phénomène complexe qui fait intervenir
beaucoup de mécanismes : diffusion, perméation, sorption et des couplages avec
d’autres phénomènes : hydratation, comportement mécanique…
Si nous considérons les trois phases présentes dans la porosité du béton, l’eau li-
quide, la vapeur d’eau et l’air sec, nous pouvons écrire [MAI 2001] :
– la conservation de la masse de chacun des constituants ;
– la loi de Darcy appliquée au transport de l’air humide et de l’eau liquide ;
– les équations d’état (l’air sec et la vapeur d’eau sont des gaz parfaits, l’eau
liquide est incompressible) ;
– la succion capillaire pc, différence entre la pression de gaz et celle du liquide,
en fonction de la saturation ;
– la loi de Clapeyron en condition isotherme qui donne une relation entre la pres-
sion de liquide et la pression de vapeur.
Si la pression totale de gaz est égale à la pression atmosphérique, la dernière re-
lation est alors la loi de Kelvin, qui permet de relier la succion capillaire à l’hu-
midité relative. Dans ce cas, on peut montrer que le séchage se réduit à (cf.
[BAZ 72, MEN 88, XI 94, DAI 88] par exemple) :
∂w
------- = div ( D ( w )gradw )
∂t
où w est la teneur en eau du béton. Chez certains auteurs cette relation est expri-
mée en fonction de l’humidité relative interne h du béton. Mais comme h et w peu-
vent être reliés par une relation de sorption (cf. § 2.1.3) les deux écritures sont
équivalentes. La diffusivité D (w) est une diffusivité apparente qui varie de ma-
nière très non linéaire avec la teneur en eau, devenant très faible lorsque w dimi-
nue (le séchage devient de plus en plus lent au cours du temps).

119
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Toutefois, Mainguy a montré que l’hypothèse selon laquelle la pression de gaz est
égale à la pression atmosphérique n’était pas la plus probable : compte tenu de la
faible perméabilité du béton, il semble que la pression totale de gaz devienne plus
forte que la pression atmosphérique [MAI 2001]. Dans ce cas, il a montré égale-
ment que l’essentiel du transport se faisait par l’eau liquide et dépendait donc, de
par la loi de Darcy, de la perméabilité (ce qui fait que le séchage peut être une mé-
thode inverse permettant d’estimer la perméabilité, cf. [BAR 99]). On a donc éva-
poration de l’eau liquide en zone superficielle du béton, ce qui entraîne un
gradient d’eau liquide entre la surface et le cœur ainsi qu’un flux d’eau vers l’ex-
térieur jusqu’à l’équilibre entre les états hydriques externe et interne.
Si l’on ne considère que le transport de l’eau liquide, on retrouve une équation du
type de celle présentée plus haut. La non-linéarité de la diffusivité apparente pro-
vient dans ce cas des relations saturation/pression capillaire, d’une part, et de la
relation saturation-perméabilité relative à l’eau, d’autre part.
Ceci explique pourquoi la plupart des modèles, bien que reposant sur des hypo-
thèses physiques assez différentes, permettent néanmoins de retrouver, dans la
plupart des cas par une approche phénoménologique de l’expression D (w), les
courbes de perte en masse et les profils de teneur en eau. On notera enfin que cette
équation implique un effet d’échelle dans le phénomène de séchage : si on double
l’épaisseur d’une structure, elle mettra quatre fois plus de temps à sécher. Ceci si-
gnifie aussi que, pour des structures très massives, l’état d’équilibre hydrique ne
sera jamais atteint pendant la durée de service de l’ouvrage considéré et que, seule
la peau du béton, aura séché.
5.2. La mesure de suivi du séchage
Le calage de la relation D (w) nécessite au moins la mesure d’une courbe de perte
de masse. Ceci ne présente pas de difficultés tant qu’il s’agit d’une éprouvette si
ce n’est la maîtrise des conditions aux limites. Pour une structure réalisée en la-
boratoire cela reste encore possible (voir par exemple [MUL 04]). Évidemment,
pour une structure réelle, cela devient irréalisable. De plus, cette mesure est glo-
bale et ne donne pas d’information sur l’allure des gradients de teneur en eau qui
se développent au cours du séchage.
Pour cela, on a besoin de mesures locales. On peut, bien sûr, implanter dans la
structure des sondes d’humidité relative ou des sondes capacitives. Les sondes
d’humidité relative sont des sondes placées dans des cavités à l’intérieur du béton
et qui mesurent donc l’humidité relative de l’air contenu dans la cavité [PAR 88,
AND 99, MUL 04]. Les sondes capacitives sont constituées de deux électrodes
cylindriques en acier inoxydable disposées avec un écartement donné (20 mm par
exemple, cf. [GOD 00]). La mesure de la permittivité électrique entre ces deux

120
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

électrodes permet, par un étalonnage préalable, d’en déduire la teneur en eau du


béton entre les électrodes, la permittivité relative de l’eau étant nettement plus
élevée que celle du béton ou de l’air. Ces deux techniques nécessitent la mise en
place de réservations (dans le cas des sondes capacitives on peut également forer
le béton pour les mettre en place). Ces sondes peuvent bien sûr perturber le phé-
nomène mesuré.
En laboratoire, il existe une autre technique, non intrusive : la gammadensimétrie
[ACK 88]. Cette technique consiste à faire traverser le béton par un rayonnement
γ dont on mesure le taux d’absorption. Le taux de photons traversant est donné par
la loi de Lambert :
C = C 0 exp ( – kμ'γx )
où C est le taux de photons transmis par le béton, C0 est le taux émis par la source
de rayonnement, k est un coefficient correcteur lié à la géométrie de l’appareil, µ’
est le coefficient d’absorption massique du béton, γ est la masse volumique et x
l’épaisseur de béton traversé. La mesure de C permet donc de connaître la masse
volumique du béton, qui dépend de sa teneur en eau. La figure 3.50 donne un
exemple de résultats obtenus pour un béton ordinaire et un béton hautes perfor-
mances [BAR 99]. On peut y constater qu’un an après le début du séchage, il exis-
te encore de forts gradients de teneur en eau, particulièrement pour le BHP.

Béton courant BHP


0,5 0,5
Variation de densité relative (%)
Variation de densité relative (%)

0,0 0,0

– 0,5 – 0,5

– 1,0 – 1,0

– 1,5 t=0 – 1,5 t=0


t = 7 jours t = 7 jours
– 2,0 – 2,0
t = 63 jours t = 62 jours
– 2,5 t = 128 jours – 2,5 t = 127 jours
t = 356 jours t = 359 jours
– 3,0 – 3,0
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
Hauteur (mm) Hauteur (mm)

Figure 3.50 : évolution de la teneur en eau, mesurée par gammadensimétrie.


Éprouvette de hauteur 10 cm, séchage radial à HR = 50 % et T = 20 °C [BAR 99].
La variation de masse volumique dans l’épaisseur des éprouvettes est suivie par gammadensimétrie.
Elle reflète le gradient d’humidité qui existe dans l’épaisseur à un instant donné. Après un an de sé-
chage à 50 % HR, le séchage est beaucoup plus important dans les éprouvettes de béton courant
(figure de gauche) que dans les BHP (figure de droite).

Notons enfin que la comparaison de l’intégration des mesures locales (sondes capaci-
tives ou gammadensimétrie) et des pesées montre un bon accord [BAR 94, GOD 00].

121
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

5.3. Couplage séchage/comportement mécanique


Nous ne traitons ici que de certains effets du séchage sur le comportement méca-
nique et son symétrique. Les effets majeurs comme la fissuration de peau, les re-
trait et fluage de dessiccation seront décrits au chapitre 5 et au chapitre 6.
5.3.1. Influence du comportement mécanique sur le séchage
L’application d’une contrainte de compression modérée n’affecte pas la cinétique
de séchage du béton. Maney a montré, en comparant les pertes de poids de cylin-
dres chargés à 1000 psi (soit 7 MPa environ) et non chargés, qu’il n’y avait aucune
différence significative [MAN 41]. Hansen [HAN 60] a obtenu des résultats simi-
laires. Plus récemment, Lassabatère et al. ont comparé la perte en poids d’éprou-
vettes de mortier soumises à une charge maintenue égale à 30 % de la résistance
avec celle d’éprouvettes non chargées et ont montré qu’il n’y avait pas de différen-
ce significative [LAS 97]. Il faut dire que la variation de porosité liée à l’applica-
tion d’une charge limitée à 30 % de la résistance reste très faible (de l’ordre de
0,3 %) et ne peut donc influer sur le séchage de manière significative [LAS 97].
Évidemment, si la contrainte est telle qu’une fissuration importante peut se mani-
fester cela peut affecter le séchage. Ainsi, Bazant et al. [BAZ 87] ont montré que,
sur des pièces fléchies, dès lors que les fissures dépassaient 100 µm d’ouverture
le séchage était plus rapide.
5.3.2. Influence du séchage sur le comportement mécanique
Bien sûr l’influence la plus notable du séchage sur le comportement mécanique
des bétons est l’effet sur les déformations différées (retrait et fluage de dessicca-
tion). Ceci sera développé au chapitre 5. Mais le séchage a également des effets
sur les caractéristiques élastiques et sur la résistance des bétons :
– le module d’Young du béton diminue lors du séchage à cause de la microfissu-
ration induite par celui-ci (figure 3.51) [BUR 05]. Cette microfissuration est due
au gradient de teneur en eau (cf. chapitre 5) et à l’incompatibilité des déforma-
tions entre les granulats et la pâte de ciment [BIS 01] ;
– la résistance en compression du béton a tendance à augmenter avec le séchage
(figure 3.52 [BUR 05]). En effet, l’endommagement évoqué ci-dessus et qui
affecte le module d’élasticité n’affecte pas ou peu la résistance (sauf conditions
expérimentales particulières : séchage très rapide à 100 °C par exemple). Par
contre, la diminution de la teneur en eau entraîne l’existence d’une pression
capillaire (cf. chapitre 5) qui précontraint le matériau et d’un champ de con-
trainte multiaxial qui « frette » le béton [ACK 88, BAR 93].

122
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

0,95

Module d'élasticité normalisé


0,9

0,85

0,8

0,75

0,7
0 1 2 3 4
Perte en masse (%)

Figure 3.51 : effet du séchage sur le module d’élasticité [BUR 05].


40

35
Résistance en compression (MPa)

30

25

20

15
0 1 2 3 4
Perte en masse (%)
Figure 3.52 : effet du séchage sur la résistance en compression [BUR 05].

Pour être complet et permettre une interprétation correcte de mesure de flèche


d’ouvrage en service, il convient de signaler que le coefficient de dilatation ther-
mique α dépend également fortement de la teneur en eau [DIR 93]. La variation
de α en fonction de l’humidité relative (figure 3.53) est une courbe en cloche. Cet-

123
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

te variation est due à une variation de la pression capillaire avec la température.


Lorsque le béton est sec ou saturé cet effet est minimal [NEV 00].

Coefficient de diffusion thermique - 10–6/°C


20

18

16

14

12

10

8
0 20 40 60 80 100
Humidité relative (%)
Figure 3.53 : relation entre le coefficient de dilatation thermique et l’humidité relative
d’une pâte de ciment [NEV 00].

5.4. Couplage séchage/propriétés de transferts


5.4.1. Influence sur la perméabilité
Comme cela a déjà été indiqué au paragraphe 3.1, la perméabilité aux gaz d’un
béton dépend fortement de son état de saturation. Ceci est dû au fait que les gaz
ne peuvent passer pratiquement que par les pores qui ne sont pas saturés. Les fi-
gures 3.54 et 3.55 montrent les fortes évolutions de la perméabilité intrinsèque en
fonction du taux de saturation, que ce soit pour un béton ordinaire ou hautes per-
formances [VIL 01]. Des résultats comparables ont été obtenus par Abbas [ABB
99]. Ils expliquent pourquoi il est nécessaire de connaître expérimentalement la
teneur en eau du béton lorsque l’on mesure sa perméabilité, et, du point de vue de
la modélisation, pourquoi il faut faire varier la perméabilité avec la teneur en eau
(par exemple avec une relation du type de celle proposée par Van Genuchten pour
les sols non saturés [GEN 80]).

124
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

1,E-16
Béton courant

Perméabilité intrinsèque (m²)


palier de HR
8,E-17
AFPC-AFREM
régression
logarithmique
6,E-17

4,E-17

2,E-17

0,E+00
0 20 40 60 80 100
Taux de saturation moyen (%)

Figure 3.54 : perméabilité intrinsèque en fonction du taux de saturation moyen


pour un béton courant [VIL 01].

3,E-17
BHP
Perméabilité intrinsèque (m²)

palier de HR
AFPC-AFREM
régression
2,E-17 logarithmique

1,E-17

0,E+00
0 20 40 60 80 100
Taux de saturation moyen (%)

Figure 3.55 : perméabilité intrinsèque en fonction du taux de saturation moyen


pour un béton hautes performances [VIL 01].

5.4.2. Influence sur la carbonatation


La teneur en eau du béton influence énormément la carbonatation. En effet, le
phénomène de carbonatation nécessite que le CO2 se dissolve dans l’eau pour réa-
gir avec la pâte de ciment durcie mais le transport de ce gaz à travers la porosité
du béton est plus facile lorsque le béton est sec (cf. chapitre 9). Il n’est donc pas
étonnant que la vitesse de carbonatation soit la plus rapide pour une humidité re-
lative interne du béton voisine de 60 % à 70 % (figure 3.56).

125
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

1,2

0,8

f (HR)
0,6

0,4

0,2

0
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2
HR

Figure 3.56 : influence de l’humidité relative interne sur la cinétique de carbonatation.


Exemple de fonction proposée par Petre-Lazar [PET 00].

5.4.3. Influence sur la pénétration des ions chlorure


La pénétration des ions chlorure dans le béton est fortement couplée aux mécanis-
mes de transport de l’eau dans le béton et à sa teneur en eau. Le séchage du béton
va ralentir la diffusion des chlorures, puisque celle-ci se fait en solution [CLI 02].
Cela se traduit dans les modèles utilisant directement la loi de Fick (cf. § 4.1) par
un facteur multiplicatif du coefficient de diffusion des chlorures (voir [MAR 01]
par exemple). Au contraire, par exemple dans le cas d’une structure en béton dont
une face est au contact de l’eau et l’autre de l’air, les effets de succion capillaire
vont créer des mouvements d’eau et favoriser la pénétration des chlorures
[VOL 97]. La prédiction du phénomène implique donc de modéliser les mouve-
ments d’eau et, à l’intérieur de la phase liquide, les mouvements des ions (voir un
exemple dans [SAM 05]).
5.4.4. Influence sur la cinétique de corrosion
La vitesse de corrosion des armatures (cf. chapitre 9) est également affectée par
la teneur en eau du béton (Tuutti cité par [PET 00]). Lorsque l’humidité interne
du béton baisse la réaction de corrosion est fortement ralentie. De même, si le bé-
ton est saturé, l’oxygène a du mal à diffuser jusqu’aux armatures et la réaction est,
là encore, ralentie. La figure 3.57 présente le facteur multiplicatif de la cinétique
de corrosion, proposé par Petre-Lazar [PET 00].

126
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert

1,2

0,8

f (HR)
0,6

0,4

0,2

0
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2
HR

Figure 3.57 : influence de l’humidité relative sur la cinétique de corrosion [PET 00].

6. CONCLUSION
Dans ce chapitre nous avons montré que la perméabilité et la diffusion dépendent
de l’interconnexion des pores capillaires. La porosité capillaire est principalement
liée au rapport E/C et à l’hydratation du ciment. Les effets de la cure sur la dura-
bilité des bétons sont très importants. À titre d’exemple, dans les bétons de
CEM I, la perméabilité à 28 jours peut ainsi être réduite d’un facteur 3 par l’allon-
gement de la durée de cure de 12 à 72 heures. La cure affecte principalement la
peau du béton. Cette partie extérieure est enrichie en ciment et du soin apporté à
ses conditions d’hydratation dépend la qualité du béton, en l’occurrence son apti-
tude à s’opposer à la pénétration des agents agressifs et à retarder la corrosion des
armatures.
La qualité du béton dépend aussi du granulat, et il convient en particulier de soi-
gner la courbe granulaire afin d’optimiser le squelette granulaire.
Le rapport E/C est le facteur principal de la durabilité mais en utilisant des ci-
ments de type CEM II, III, IV ou IV ou des additions minérales, il est possible
d’améliorer encore la structure poreuse en réduisant la dimension des plus gros
pores. Compte tenu de la faible réactivité des cendres volantes ou des laitiers de
haut-fourneau par comparaison à celle du clinker, les bétons préparés avec ces
produits sont encore plus sensibles aux conditions de cure que ceux préparés avec
du ciment de type CEM I : l’allongement de la durée de cure de 12 à 72 heures
réduit la perméabilité d’un facteur 7.
Dans ce chapitre nous avons défini la perméabilité et le coefficient de diffusion
effectif pour rendre compte des transferts. Les lois qui les définissent, loi de Dar-
cy et loi de Fick, ont un champ d’application limité. En pratique, cela complique
la mesure de ces grandeurs et l’élaboration de modèles prédictifs des transferts.

127
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Des méthodes de mesure ont été mises au point en France et il convient de s’y ré-
férer.
Réduire l’interconnexion des pores capillaires peut ne pas toujours réduire la per-
méabilité ou la diffusion autant qu’on l’attendrait : des microfissures apparaissent
qui peuvent court-circuiter le réseau capillaire. Cet effet n’est pas préjudiciable
aux transferts dans les BHP.
En service, le séchage du béton modifie les possibilités de transfert. La diffusion
ionique est ralentie alors que la diffusion gazeuse et la perméabilité au gaz sont
augmentées. Le séchage peut aussi être source de fissuration (voir chapitres 5 et
6) et faciliter la pénétration d’espèces agressives extérieures.
Porosité, perméabilité, coefficient de diffusion sont des critères physiques de du-
rabilité des bétons. Ils pourront être choisis dans une approche performantielle de
la durabilité (chapitre 8). La résistance au gel, comme on le verra au chapitre 10,
appelle un autre critère. Ces critères doivent être complétés en présence des réac-
tions chimiques (chapitres 4, 9, 11 et 12).

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133
CHAPITRE 4

La stabilité chimique des hydrates


et le transport réactif dans les bétons

D. DAMIDOT, P. LE BESCOP

Résumé
La stabilité chimique des hydrates est fonction des conditions dans lesquels ils se
trouvent. Elle peut être évaluée à partir d’une approche thermodynamique qui
permet de connaître les états d’équilibre à partir de l’analyse de la solubilité des
phases solides dans l’environnement considéré. L’aspect cinétique de la stabilité
ou de la transformation des hydrates dans le béton est principalement estimé à
travers une approche de transport réactif qui met en jeu les lois classiques de
transport de masse. Généralement, seul un gradient de concentration est pré-
sent, et donc les lois de Fick gouvernent la cinétique de la dégradation, et l’épais-
seur de béton dégradée évolue en fonction de la racine du temps. Les approches
thermodynamiques et les aspects cinétiques sont présentés dans deux cas : l’at-
taque par l’eau pure et l’attaque sulfatique externe. Ces exemples illustrent les
possibilités offertes par la modélisation pour décrire les dégradations du béton
par des attaques chimiques.
Mots-clés
STABILITÉ CHIMIQUE, SOLUBILITÉ, ÉQUILIBRE, DIFFUSION, LIXIVIATION, DIAGRAMMES DE
PHASES, TRANSPORT DE MASSE, LOIS DE FICK, CARBONATATION, EAU DE MER, ATTA-
QUE SULFATIQUE

135
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

1. INTRODUCTION
Les lois qui gouvernent l’hydratation du ciment, c’est-à-dire l’évolution des pha-
ses anhydres au contact de l’eau en phases hydratées, gouvernent de la même ma-
nière l’évolution des phases hydratées si elles sont mises en contact avec un
milieu dans lequel des phases moins solubles sont susceptibles d’exister. Dans le
premier cas, les réactions entre des grains en suspension dans une phase aqueuse
conduisent rapidement à la transformation partielle du produit de départ en phases
hydratées et à la formation d’un solide de microstructure complexe. Ces réactions
sont alors cinétiquement limitées par des phénomènes de diffusion. Dans le se-
cond cas, c’est-à-dire l’évolution d’une pâte de ciment durcie soumise à un envi-
ronnement extérieur, c’est à travers la surface externe, la surface développée par
les pores capillaires et les nanopores, que les différentes phases hydratées qui
constituent le solide massif vont être en interaction avec le milieu extérieur ; cette
interaction sera donc d’autant plus limitée que la porosité capillaire sera fermée.
Il convient en effet de rappeler qu’un matériau cimentaire a un pH très basique et
donc bien différent de son environnement qui sera le plus souvent de pH neutre
ou acide. L’exemple le plus simple concerne la carbonatation : le gaz carbonique
se dissout dans la solution interstitielle basique contenue dans les pores au contact
de l’atmosphère en donnant des ions carbonate. Ceux-ci précipitent avec les ions
calcium sous forme de calcite moins soluble que la portlandite qui se dissout tant
que le CO2 peut pénétrer dans les pores. Si la porosité de la pâte de ciment est suf-
fisamment faible, la précipitation de calcite tend alors à fermer celle-ci et empê-
che le CO2 de pénétrer la structure : c’est l’effet de peau bien connu. On met ainsi
en évidence les deux facteurs déterminant l’évolution de la pâte de ciment durcie
dans un environnement donné : le facteur thermodynamique qui contrôle la stabi-
lité des hydrates en fonction des conditions extérieures, et le facteur microstruc-
tural, en particulier la structure poreuse, qui contrôle l’accessibilité des agents
extérieurs aux phases hydratées à travers la solution interstitielle. Ces deux as-
pects sont successivement repris dans les deux parties de ce chapitre.

2. APPROCHE THERMODYNAMIQUE DE LA STABILITÉ DES


HYDRATES EN FONCTION DES CONDITIONS EXTÉRIEURES
Comme il a été décrit dans le chapitre 2, pour qu’une réaction soit possible, la con-
dition thermodynamique indispensable est que la variation d’enthalpie libre asso-
ciée soit négative ΔG < 0. La pâte de ciment durcie qui est la matrice cohésive du
béton est un milieu poreux dont les pores peuvent être, suivant leur taille et les
conditions hydriques, plus ou moins saturés de solution. Ce qui est vrai pour l’hy-
dratation, c’est-à-dire l’évolution vers les phases hydratées des phases anhydres
en contact avec l’eau, l’est bien sûr pour les phases hydratées.

136
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons

Si les hydrates sont en interaction avec une solution dans laquelle ils ne sont pas
en équilibre, cela conduit à leur dissolution et à la précipitation possible d’autres
phases moins solubles.
Une approche purement basée sur la thermodynamique, qui ne s’intéresse qu’à
l’état initial et à l’état final sans considération cinétique, peut déjà donner des in-
formations très utiles sur le devenir d’une matrice cimentaire exposée à un envi-
ronnement donné, puisqu’il est possible de savoir si les phases de la matrice
initiale sont stables dans le milieu considéré. Dans le cas contraire, il est aussi pos-
sible de déterminer les phases qui remplaceront les phases initiales. Ainsi, il de-
vient envisageable, par cette première approche, de tester différentes hypothèses
d’une formulation devant résister de façon optimale à un environnement donné.
Par ailleurs, la connaissance des diagrammes de phases qui découlent de l’appro-
che thermodynamique, permet bien souvent d’interpréter de nombreuses expé-
riences de durabilité rapportées dans la littérature qui semblent, a priori,
contradictoires car non réalisées dans les mêmes conditions ou pour les mêmes
compositions. Généralement, la composition de la phase aqueuse représentative
du milieu extérieur et la température seront les deux paramètres majeurs pour fai-
re évoluer les hydrates. Afin d’apporter quelques éléments de réflexion pour les
chapitres suivants, nous allons considérer, à titre d’exemple, ce que prévoit la
thermodynamique quant à l’évolution des phases hydratées de la pâte de ciment
en présence d’eau pure (cas de la lixiviation), d’eau contenant des carbonates (cas
de la carbonatation), puis d’eau contenant des sulfates (cas de l’attaque sulfati-
que). L’effet de la température sera illustré dans ce dernier cas. Dans cette appro-
che, les seules données à connaître sont les constantes d’équilibre
thermodynamiques à prendre en compte c’est-à-dire les produits de solubilité des
hydrates qui se dissolvent mais aussi des hydrates ou solides qui peuvent précipi-
ter à partir de la solution. Nous admettrons ici que la précipitation d’un solide dé-
bute dès que la solution devient sursaturée vis-à-vis de ce solide.
2.1. Simulation thermodynamique de la lixiviation par l’eau pure
Pour illustrer cette approche, nous allons considérer le devenir de C-S-H1 et CH
issus de l’hydratation complète de 10 g de C3S, soient 74,5 mmol de C-S-H (de
rapport C/S de 1,7 noté C-S-H(SII)) et 57 mmol de CH. Le calcul revient à faire
l’expérience suivante : les hydrates finement broyés et initialement placés dans un
litre d’eau pure sous agitation vont se dissoudre pour atteindre leur équilibre de
solubilité. Une fois cet équilibre atteint, la solution est renouvelée, et un nouvel
état d’équilibre est atteint, et ainsi de suite jusqu’à ce que l’ensemble des phases

1. La notation cimentière est rappelée au paragraphe 2 du chapitre 2.

137
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

soient dissoutes. À chaque étape, à partir de la composition de la solution, on cal-


cule l’indice de saturation β (voir encadré ci-après) par rapport aux différents so-
lides afin de définir les solides qui se dissolvent et ceux qui précipitent, puis la
quantité qui doit se dissoudre ou précipiter pour revenir à l’équilibre.

Indice de saturation et produit de solubilité


Considérons la dissolution d’un solide As avec l’équation suivante :
A s ⇔ mM + nN + …

La variation d’enthalpie libre s’écrit :


⎛ a m a n …⎞
0
ΔG r = ΔG r + RT ln ⎜ ---------------------⎟ or asolide = 1
M N
⎜ a ⎟
⎝ As ⎠

0 m n 0
d’où : ΔG r = ΔG r + RT ln ( a M a N … ) = ΔG r + RT ( IAP ) tel que IAP = produit
des activités des ions.
0
À l’équilibre on a ΔG r = – RT ln K avec K la constante de solubilité,

IAP
donc ΔG r = RT ln ⎛ ----------⎞ = RT ln β , tel que β est l’indice de saturation encore
⎝ K ⎠
noté SI.
La valeur de l’indice de saturation des solides permet de savoir si :
– la solution est sous-saturée par rapport au solide (SI < 0) ;
– la solution est en équilibre avec le solide (SI = 0) ;
– la solution est sursaturée par rapport au solide (SI > 0).

La figure 4.1a représente l’évolution des concentrations en calcium et silicate de


la solution en fonction du nombre de fois que la solution est renouvelée puis équi-
librée avec les solides restants. On constate que l’évolution de la concentration en
calcium n’est pas monotone, car il y a une succession de paliers et de chute de la
concentration. Un constat similaire peut être fait à partir de la concentration en si-
licate à une échelle plus petite : toutefois dans ce cas, on assiste aussi à des aug-
mentations de concentrations. Le pH suit la même évolution que la concentration
en calcium (figure 4.1b). Les plateaux correspondent à des points invariants du
système CaO-SiO2-H2O dont le diagramme de phases à 25 °C est donné en
figure 4.2. Sur ce diagramme, les courbes d’équilibre définissent trois intersec-
tions représentatives des trois points invariants (voir encadré « la règle des
phases ») : à un point invariant, deux solides sont donc en équilibre avec la phase
aqueuse notée « aq. » :

138
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons

• SH + C-S-H(SI) + aq.
• C-S-H(SI) + C-S-H(SII) + aq.
• C-S-H(SII) + CH + aq.
Les concentrations au niveau des trois plateaux de concentration en calcium cor-
respondent donc bien à celles des trois points invariants. Ainsi, en reprenant le
diagramme de phases à partir du point invariant de départ, C-S-H(SII) + CH + aq.,
puis en suivant le diagramme en allant vers des concentrations plus faibles en cal-
cium, on s’aperçoit qu’il va y avoir une succession de différentes phases en équi-
libre avec la solution. Les quantités des différentes phases peuvent être calculées
(figure 4.1c) permettant ainsi de bien mettre en évidence cette succession d’étapes
de dissolution/précipitation.
En présence d’eau pure, la stabilité des hydrates C-S-H, CH et SH est très diffé-
rente. La portlandite, qui est moyennement soluble, est complètement dissoute
après seulement trois renouvellements. De façon opposée, la silice amorphe reste
présente après avoir équilibré 60 fois le système avec de l’eau pure alors qu’il y
a dissolution complète du C-S-H. La silice amorphe est très peu soluble, ce qui
induit une concentration à l’équilibre proche de l’eau pure, et ainsi elle reste pré-
sente jusqu’à 5183 renouvellements.

0,025
Ca total
Si total
0,02
Concentration (mol/kg)

0,015

0,01

0,005

0
0 10 20 30 40 50 60
Renouvellement (litre)

(a) Évolution des concentrations ioniques avec le renouvellement de la solution.

139
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

13

12

11

10
pH
9

6
0 10 20 30 40 50 60
Renouvellement (litre)

(b) pH.

0,09

0,08 CH
C–S–H (SII)
0,07 C–S–H (SI)
Concentration (mol/kg)

SiO2 amorphe
0,06

0,05

0,04

0,03

0,02

0,01

0
0 10 20 30 40 50 60
Renouvellement (litre)

(c) évolution des phases solides en équilibre.


Figure 4.1 : simulation thermodynamique de la lixiviation d’une pâte de C3S
complètement hydratée par de l’eau pure : (a) évolution des concentrations de la phase
aqueuse, du pH (b) et des solides (c) en fonction du nombre de renouvellements
de la solution.
Un mélange initial de 74,5 mmol de C-S-H(SII) (C/S = 1,7) et 57 mmol de CH, représentant 10 g de
C3S complètement hydraté, est mis en équilibre d’un litre d’eau pure. Une fois le système à l’équilibre,
on calcule les concentrations ioniques, le pH et la quantité de chaque phase en présence et on rem-
place la solution par de l’eau pure. Le calcul est réitéré jusqu’à dissolution complète.

140
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons

[Si] (mmol/k)g
10
SH

C–S–H (SI)

0,1
C–S–H (SII)

CH
0,01
0 5 10 15 20 25
[Ca] (mmol/lkg)

Figure 4.2 : diagramme de phases stables du système CaO-SiO2-H2O à 25 °C


[DAM 95a].
Le diagramme est tracé en fonction des concentrations en calcium et silicate (l’eau est considérée en
excès donc non représentée), l’ensemble des conditions d’équilibre et donc la solubilité de chaque
hydrate, correspond à une courbe d’équilibre. Le diagramme contient 4 hydrates : SiO2aq amorphe
(SH), un C-S-H de bas C/S (C/S=1,1) noté C-S-H(SI), C-S-H(SII) avec un C/S plus élevé égal à 1,8
et la portlandite (CH).

La règle des phases


Considérons l’équation de Gibbs-Duheim : SdT – VdP + n1dµ1 + … + ncdµc = 0
À partir de cette équation, on constate qu’il y a C + 2 variables intensives (C poten-
tiels chimiques µ, T et P). Dans un système multiphasique, il existe des relations qui
relient les variables intensives au nombre de phases: une équation peut être définie
pour chaque phase. Ainsi avec X phases, le nombre de variables indépendantes à
l’équilibre devient C + 2 – X. Ce nombre de variables indépendantes définit le degré
de liberté f. La règle des phases s’écrit alors : f = C – X + 2.
Le degré de liberté (nombre de variables indépendantes à l’équilibre) diminue lorsque
le nombre de phases à l’équilibre (X) augmente. Par rapport aux systèmes solides-li-
quide étudiés dans ce manuel, la pression (P) et la température (T) sont fixées ainsi le
degré de liberté devient : f = C – X avec T et P constants.
Le système définira un équilibre invariant, lorsque le nombre de solides en équilibre
avec la phase aqueuse est égal au nombre de constituants : f = 0 ⇒ C = X.
Dans les systèmes en relation avec l’hydratation du ciment, des solides précipitent à
partir des ions accumulés en solution. Ainsi, dans un système ayant C constituants, il
faudra avoir C – 1 solides en équilibre avec la phase aqueuse pour définir un équilibre
invariant. Nous utiliserons la nomenclature suivante : la dimension du système est
égale au nombre de constituants et un équilibre invariant est appelé point invariant.

141
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

2.2. Simulation thermodynamique de la carbonatation


Si, maintenant, l’eau pure est remplacée par une eau contenant du CO2 en concen-
tration correspondant à l’équilibre avec pCO2 = 0,1 Atm, soit une concentration
en carbonate de 3,4 mmol.kg–1 pour un pH de 4,4, la démarche reste la même,
mais, cette fois-ci, le diagramme de phases à considérer est celui du système CaO-
SiO2-CO2-H2O (figure 4.3). Cette figure présente le diagramme du système CaO-
SiO2-H2O défini dans le cas précédent, auquel on ajoute un troisième axe pour te-
nir compte de la concentration en carbonate. On constate qu’un nouveau solide
apparaît, la calcite (CaCO3). Les conditions d’équilibre des phases correspondent
maintenant à des surfaces tandis que les courbes représentent des conditions
d’équilibres communes à deux solides. Les points invariants sont la résultante de
l’intersection de trois surfaces d’équilibre. Ainsi le diagramme comporte lui aussi
trois points invariants :
• CH + C-S-H(SII) + calcite + aq.
• C-S-H(SII) + C-S-H(SI) + calcite + aq.
• C-S-H(SI) + SH + calcite + aq.
Globalement, l’évolution des points invariants avec la concentration en ions cal-
cium est similaire à celle du diagramme de phases du système CaO-SiO2-H2O
avec la présence de calcite sauf aux très faibles concentrations. L’évolution des
phases avec les renouvellements d’eau reste donc proche de celle du cas précédent
(figure 4.4), à la différence près qu’il y a une consommation supplémentaire de
calcium pour former la calcite. Ceci conduit à faire disparaître plus rapidement
CH et les C-S-H et à former une plus grande quantité de SiO2 amorphe, car moins
de silice a été dissoute auparavant lors des équilibres avec C-S-H avant de former
SiO2 amorphe. Par contre, la calcite, plus soluble que SiO2 amorphe, disparaît
après 49 renouvellements. SiO2 amorphe est complètement dissoute après
6312 renouvellements ce qui est supérieur au cas de l’eau pure car la quantité de
silice amorphe formée est ici plus grande.

142
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons

[CO3] (mmol/kg)
0,1

calcite

SH
CH
100 C–S–H (SI)
10
[Ca] (mmol/kg)
C–S–H (SII) [Si] (mmol/kg)

Figure 4.3 : diagramme des phases stables du système CaO-SiO2-CO2-H2O à 25 °C


[DAM 95b]. L’eau est en excès et n’est donc pas représentée. La solubilité de chaque
hydrate correspond à une surface d’équilibre. Le diagramme contient 5 phases solides :
SiO2aq amorphe (SH), un C-S-H de bas C/S (C/S = 1,1) noté C-S-H(SI), un C-S-H(SII)
avec un C/S plus élevé égal à 1,8, la portlandite (CH) et la calcite.

0,09

0,08
Concentration (mol/kg)

0,07
CH
0,06 C–S–H (SII)
0,05 C–S–H (SI)
SiO2 amorphe
0,04 Calcite

0,03

0,02

0,01

0
0 10 20 30 40 50 60
Renouvellement (litre)

Figure 4.4 : simulation thermodynamique de la lixiviation d’une pâte de C3S


complètement hydratée par une eau contenant 3,4 mmol/kg d’ions carbonate :
le mélange initial contient 74,5 mmol de C-S-H(SII) (C/S = 1,7) et 57 mmol de CH
représentant 10 g de C3S complètement hydraté. Une fois le système à l’équilibre, on
calcule les concentrations ioniques, le pH et la quantité de chaque phase en présence
et on remplace la solution par de l’eau carbonatée. Le calcul est réitéré jusqu’à
dissolution complète. La figure représente l’évolution des phases solides en équilibre
après chaque renouvellement.

Ces deux exemples donnent un aperçu de l’utilisation des diagrammes de phases.


Toutefois, dès que le système contient plus de trois constituants dans la phase
aqueuse, il devient difficile de les représenter graphiquement. Cependant, on peut
fixer alors un ou plusieurs paramètres pour rester dans une dimension inférieure

143
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

ou égale à 3. D’une façon non exhaustive, le système chimique représentatif d’une


matrice cimentaire dans l’environnement contient un grand nombre d’éléments
chimiques, tels que Ca, Si, Al, Fe, H, O, Na, K, S, Cl, C, Mg…, ce qui rend aussi
quasiment impossible une exploration expérimentale de toutes les possibilités
d’assemblages de phases stables ou métastables dans des conditions données,
d’où l’importance du calcul des diagrammes de phases.
2.3. Simulation thermodynamique de l’attaque sulfatique
Pour continuer notre approche de la durabilité par la stabilité des phases à travers
l’utilisation des diagrammes de phases, nous allons utiliser ces derniers pour dé-
finir les conditions de formation de l’ettringite à partir de la concentration en ions
sulfate en faisant intervenir deux paramètres : le type de sels contenant les ions
sulfate (gypse, CaSO4,2H2O ou mirabilite, Na2SO4,10H2O) et la température.
Commençons par le système le plus simple qui correspond au cas du gypse, qui
revient à connaître l’évolution des phases en fonction de la concentration en sul-
fate de la solution. La connaissance du diagramme de phases du système CaO-
Al2O3-CaSO4-H2O est donc nécessaire. Comme ce dernier a trois constituants en
plus de l’eau, il peut être représenté dans un système cartésien avec trois axes cor-
respondant respectivement à la concentration totale en calcium, aluminate et sul-
fate en solution. Afin de faciliter la compréhension de l’évolution du système
avec la concentration en sulfate, cette dernière sera prise pour axe z du repère car-
tésien.
Le diagramme de phases du système CaO-Al2O3-CaSO4-H2O à 25 °C
(figure 4.5) contient 5 phases stables : le gypse, la portlandite, le gel d’alumine
sous sa forme gibbsite, l’hydrogrenat C3AH6 et l’ettringite. Il est immédiat de
comprendre que l’hydrogrenat ne peut pas être en équilibre avec de fortes con-
centrations en sulfate et a fortiori en présence de gypse puisque le domaine de
stabilité de l’ettringite sépare les domaines de stabilité du gypse et de l’hydrogre-
nat. La composition de la phase aqueuse aux quatre points invariants du système
(tableau 4.1) montre que l’ettringite a un très grand domaine de stabilité vis-à-
vis de la concentration en sulfate et qu’elle se contente de quelques micromoles
de sulfate pour se former.

144
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons

[SO4] (mmol/kg)
gypse
10

0,1

ettringite AH3 0,01

CH
0,01
0,1 1

100 C3AH6
[Al] (mmol/kg)
[Ca] (mmol/kg)

Figure 4.5 : diagramme de phases du système CaO-Al2O3-CaSO4-H2O à 25 °C


[DAM 93].
Tableau 4.1 : points invariants du diagramme de phases stables CaO-Al2O3-CaSO4-H2O
à 25 °C [DAM 93].

Points invariants Composition de la solution (mmol/kg)


calculés à 25°C [Ca] [Al] [SO4] pH

C3AH6 + AH3 + ettringite + aq. 5,61 3,47E-1 1.0E-2 11,97

C3AH6 + CH + ettringite + aq. 21,95 7,0E-3 7.0E-3 12,52

gypse + AH3 + ettringite + aq. 15,34 7,0E-3 15.22 10,25

gypse + CH + ettringite + aq. 33,89 1,0E-7 12.38 12,49

Considérons maintenant que les ions sulfate sont apportés par la mirabilite
(Na2SO4.10H2O) dont la solubilité est très grande (plusieurs mol/kg). Il convient
donc de connaître le diagramme de phases du système CaO-Al2O3-CaSO4-Na2O-
H2O à 25°C qui avec ses quatre constituants hormis l’eau est plus difficile à re-
présenter. Ainsi, pour comparer plus facilement les résultats au diagramme CaO-
Al2O3-CaSO4-H2O précédent, la concentration en NaOH est fixée à 500 mmol/
kg ce qui permet de rester avec une représentation cartésienne à trois axes ortho-
gonaux (figure 4.6).

145
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

[SO4] (mmol/kg)
NaOH = 500 mmol/l
500

gypse

ettringite

AH3

CH C3AH6

10 25

[Ca] (mmol/kg) [Al] (mmol/kg)

Figure 4.6 : diagramme de phases du système CaO-Al2O3-CaSO4-Na2O-H2O à 25 °C


calculé avec une concentration en NaOH fixée à 500 mmol/kg [DAM 93].

Comme la concentration en sodium utilisée pour le calcul est moyenne


(500 mmol/kg), les phases contenant du sodium sont sous-saturées et, donc, n’ap-
paraissent pas comme des phases stables. Les phases stables de la figure 4.6 sont
donc identiques à celles de la figure 4.5 sans sodium. Cependant, les concentra-
tions en sulfate pour stabiliser les phases sont très différentes comme on peut le
mettre facilement en évidence si les deux diagrammes sont tracés sur la même fi-
gure (figure 4.7). En présence de sodium, les concentrations en sulfate, aluminate
et hydroxyde augmentent, alors que celle en calcium diminue. Ainsi en présence
de 500 mmol/kg de sodium, ce ne sont plus quelques micromoles de sulfate qui
sont nécessaires pour stabiliser l’ettringite mais quelques dizaines de millimoles,
donc, une différence de plusieurs ordres de grandeur. L’évolution des bornes in-
férieures et supérieures des concentrations en sulfate nécessaires pour stabiliser
l’ettringite en fonction de la concentration en sodium peut être définie en traçant
l’évolution de la concentration en sulfate pour les points invariants AH3+
C3AH6+ ettringite + aq. et AH3 + gypse + ettringite + aq. en fonction de la con-
centration en NaOH (figure 4.8).
La température tout comme la pression est un paramètre important qui modifie les
équilibres. Dans les applications classiques des bétons, la pression ne varie géné-
ralement pas contrairement à la température. À titre d’exemple, nous avons con-
sidéré le diagramme de phases du système CaO-Al2O3-CaSO4-H2O à 85 °C
(figure 4.9) afin de comparer les domaines de stabilité de l’ettringite entre 20 °C
et 85 °C. La première différence notable est la présence d’une nouvelle phase sta-
ble à 85 °C, le monosulfoaluminate de calcium hydraté qui s’intercale entre les

146
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons

domaines de stabilité de l’ettringite de l’hydrogrenat : il y a donc 6 points inva-


riants au lieu de 4. En conséquence, les plus faibles concentrations en sulfate con-
duiront à stabiliser le monosulfoaluminate de calcium hydraté à la place de
l’ettringite : à 85 °C, la concentration en sulfate minimale pour stabiliser l’ettrin-
gite est environ 50 fois plus grande qu’à 25 °C (voir tableaux 4.1 et 4.2).
On constate qu’une élévation de la température, induit aussi une augmentation
de la concentration en ions sulfate pour stabiliser l’ettringite et cet effet couplé
à celui des alcalins, conduit à des concentrations en sulfate très élevées pour sta-
biliser l’ettringite.

Système dans [SO4] (mmol/kg)


500 mmol/l NaOH

Système dans l'eau

[Al] (mmol/kg)

[Ca] (mmol/kg)

Figure 4.7 : comparatif des diagrammes de phases du système CaO-Al2O3-CaSO4-H2O


en présence ou non de 500 mmol/kg de NaOH.

[SO4] (mM/kg)
300

250
AH3 + ett. + gypse

200

150

100
ettringite

50 AH3 + ett. + C3AH6

0
0 10 100 250 500
[Na] mM/kg

Figure 4.8 : évolution de la concentration en sulfate pour les points invariants


AH3 + C3AH6 + ettringite + aq. et AH3 + gypse + ettringite +aq.
en fonction de la concentration en NaOH.

147
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

[SO4] (mmol/kg)
gypse 10

ettringite
0,1

0,01 monosulfoaluminate
de calcium
CH
0,01
0,1
AH3
40 C3AH6
[Al] (mmol/kg)
[Ca] (mmol/kg)

Figure 4.9 : diagramme de phases stables du système CaO-Al2O3-CaSO4-H2O à 85 °C


[DAM 92].
Tableau 4.2 : composition de la solution aux points invariants du diagramme de phases
stables du système CaO-Al2O3-CaSO4-H2O à 85°C [DAM 92].

[Ca] [Al] [SO4]


Solides en équilibre avec la phase aqueuse pH
(mmol/kg) (mmol/kg) (mmol/kg)

AH3 + monosulfoaluminate de calcium


5,09 1,685 0,55 11,80
+ ettringite +aq.
CH + monosulfoaluminate de calcium
11,33 0,116 0,41 12,26
+ ettringite +aq.

C3AH6 + AH3 + monosulfoaluminate de calcium +


6,085 2,287 0,078 11,92
aq.

C3AH6 + CH + monosulfoaluminate de calcium +


10,65 0,308 0,06 12,23
aq.

Gypse + AH3 + ettringite +aq. 13,15 0,237 12,57 10,87

Gypse + CH + ettringite +aq. 20,51 0,0006 10,57 12,17

3. APPROCHE TEMPORELLE À TRAVERS LE TRANSPORT


RÉACTIF DE MATIÈRE DANS LA MICROSTRUCTURE
Dans l’approche purement thermodynamique, nous avons considéré que le systè-
me était finement dispersé et ainsi que toute la matière était immédiatement dis-
ponible pour réagir avec une vitesse infinie aussi bien pour la dissolution que pour
la précipitation. Ceci est bien évidemment différent des conditions réelles pour
lesquelles les échanges de matière seront gouvernés par la microstructure : poro-

148
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons

sité totale mais aussi connectivité et distribution des pores. Dans ce contexte, les
phénomènes mis en jeu sont :
– un transport de matière entre le matériau et le milieu aqueux externe, pouvant
s’opérer par diffusion ou/et par convection ;
– des réactions chimiques de dissolution/précipitation provoquées par les varia-
tions de concentration résultant du transport de matière.
3.1. Transports de matière
Si l’on considère dans un premier temps le transport non réactif en milieu saturé,
on peut évoquer la diffusion gouvernée par le gradient local de concentration du
soluté, processus détaillé au paragraphe 4 du chapitre 3, et la convection qui est
un entraînement des espèces en solution par le flux d’eau.
3.1.1. La diffusion moléculaire : les lois de Fick
La première loi de Fick relie le flux à travers une surface et le gradient de concen-
tration ; la seconde loi de Fick relie les variations spatiales et temporelles des con-
centrations.
Dans une direction (équations 1D), ces lois s’écrivent respectivement :
∂c
J e, x = – D e ----- (1)
∂x
∂c De ∂2 c
et ----- = ------ -------- (2)
∂t p ∂x 2
avec, Je le flux (en mol.m–2.s–1), De le coefficient de diffusion effectif de l’espèce
diffusante (en m2.s–1) dans le milieu de porosité p et c (x) la concentration à l’abs-
cisse x (en mol.m–3).
Ces équations peuvent être résolues analytiquement dans certains cas simplifiés
comme :
– la diffusion d’un traceur non réactif à travers une lame mince poreuse (voir la
figure 3.36). En portant la quantité cumulée relâchée en fonction du temps, on
obtient aux temps longs un comportement asymptotique linéaire dont la pente
permet de déterminer le coefficient de diffusion effectif De de l’espèce migrante
dans le matériau de porosité p ;
– la lixiviation d’un traceur non réactif. Aux premiers instants, tout se passe
comme si le milieu solide était semi-infini, puisque le relâchement ne concerne
que les premières couches du matériau. La quantité lixiviée varie initialement
comme la racine carrée du temps. En portant la quantité relâchée dans le lixiviat

149
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

en fonction de la racine carrée du temps, on obtient une estimation du coefficient


de diffusion apparent Da (De = pDa) du traceur dans le matériau considéré.
Ceci dit, les solutions analytiques n’existent pas en général. Dans le calcul com-
plet, l’équation la plus générale (équation 3D) est résolue numériquement.
3.1.2. La diffusion ionique : la relation de Nernst-Planck
En solution, le déplacement des ions sous l’effet d’un gradient de concentration
ne peut se faire que de manière concertée. En effet, ils sont soumis à des forces
électrostatiques provenant des autres ions et du solvant. Afin de conserver l’élec-
troneutralité dans la solution lors de la diffusion, les ions, qui n’ont pas tous la
même vitesse de déplacement en solution, subissent une accélération ou un ralen-
tissement sous l’action du champ électrique local. Pour une analyse détaillée de
ces phénomènes dans le contexte des matériaux cimentaires, le lecteur pourra se
reporter au chapitre 3, paragraphe 4 et aux références [MAR 98, BAR 00,
TRU 00].
Dans le cas de la diffusion ionique unidirectionnelle dans une solution, le flux J
d’ions i s’exprime par la relation :
∂c i z i F ∂ψ
J e, i, x = – D e, i ------- – c i D e, i ------- ------- (3)
∂x RT ∂x
Avec F la constante de Faraday, R la constante des gaz parfaits, T la température
absolue, ci la concentration de l’ion i, zi sa valence et ψ le potentiel électrique.
Cette relation dite de Nernst-Planck est l’expression généralisée du transport par
diffusion. Pour pouvoir résoudre cette équation, une approche numérique est né-
cessaire puisqu’il convient de traiter simultanément toutes les espèces présentes.
3.1.3. La convection : la loi de Darcy
À la diffusion peut se superposer un processus de convection, lorsque le liquide
dans lequel la diffusion s’effectue est animé d’un mouvement global de translation.
Pour les fluides incompressibles, le débit volumique du fluide de viscosité dyna-
mique µ et s’écoulant au travers du matériau d’épaisseur dx et de section A soumis
dP
à un gradient de pression ------- s’exprime par la relation de Darcy (chapitre 3 § 3) :
dx
k dP
Q = – --- A ------- (4)
μ dx
où k est la perméabilité (exprimé en m2).

150
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons

Q
Si ua est la vitesse de convection ( u a = ---- en m.s–1), le gradient temporel de con-
A
∂c ∂c
centration ----- de la seconde loi de Fick est alors à corriger du terme – u a ----- .
∂t ∂x
3.2. Transport réactif
Les évolutions physico-chimiques d’un béton en interaction avec son environne-
ment dépendent principalement des couplages chimie-porosité-transport. Les dis-
solutions/précipitations de minéraux notamment modifient la surface spécifique
du solide, le volume poreux et la distribution des tailles de pores. Or la porosité
(volume et taille) ainsi que son degré de saturation influent fortement sur les pro-
priétés de transport par convection-diffusion. Le nombre et la nature des sites de
sorption ou d’échanges ioniques peuvent également être modifiés. Les modèles
qui tentent de rendre compte de ces phénomènes couplés peuvent donc devenir
rapidement très complexes.
Dans le cas simplifié d’un transport diffusif unidirectionnel dans un béton saturé,
le bilan matière dans un volume élémentaire représentatif d’épaisseur 2dx peut
s’écrire sous la forme :
2
∂c i ∂ c i 1 ∂C i
------- = D a ---------- – --- -------- (5)
∂t 2 p ∂t
∂x
avec :
ci concentration en phase liquide du constituant i (en mole . m–3 de solution) ;
p porosité ;
Ci concentration en phase solide du constituant i (en mole . m–3 apparent de matériau).
A priori, la quantité de constituant i arrivant ou partant par réaction chimique suit
une cinétique de dissolution ou de précipitation. L’approximation de l’équilibre
local peut être formulée dès lors que ces cinétiques sont infiniment plus rapides
que les vitesses de transport d’espèces en solution. Dans le cas des pâtes de ci-
ment, cette hypothèse a été confirmée par Buil [BUI 90] ainsi que par les travaux
d’analyse dimensionnelle de Barbarulo [BAR 00].
Les moyens mathématiques et numériques permettant de résoudre les équations
de diffusion couplées à des réactions chimiques ont été exposés en particulier par
Lichtner [LIC 85, LIC 96]. Des outils permettant de réaliser ces calculs de trans-
port réactif ont été développés notamment pour des modélisations géochimiques
de systèmes hydrogéologiques [VAN 01]. Ce type de codes a été utilisé par exem-
ple pour simuler l’attaque sulfatique externe d’une pâte de ciment CEM I
[PLA 02, BAR 02].

151
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Les aspects cinétiques de la transformation des hydrates dans le béton peuvent


être décrits en appliquant les lois fondamentales de la diffusion et de la convec-
tion (ou perméation). Dans ces lois qui décrivent le transport réactif, les réac-
tions chimiques de dissolution/précipitation sont exprimées en considérant un
bilan de chaque espèce qui tient compte aussi bien des concentrations en solution
que des concentrations en phase solide.

3.3. Outils de simulations et exemples d’utilisation


Pour traiter spécifiquement de la dégradation des matériaux cimentaires, diffé-
rents modèles ont été élaborés sur la base des principes évoqués précédemment.
Les principales approches existantes sont celles de Adenot [ADE 92] et de Gérard
[GER 96] pour la décalcification de pâtes de ciment, puis celles de Marchand
[MAR 01], de Planel [PLA 02] et de Guillon [GUI 04] dont les domaines d’appli-
cation sont plus étendus (attaque sulfatique externe, eau de mer). Ce paragraphe
ne couvre pas de manière exhaustive les travaux de modélisation publiés, mais
présente plutôt quelques résultats sélectionnés pour illustrer la variété des confi-
gurations simulées et des outils développés.
3.3.1. Cas de la lixiviation par l’eau pure
Les travaux d’Adenot portant sur la modélisation de la lixiviation d’une surface
libre de pâte de ciment CEM I soumise à une eau pure de pH neutre, ont débouché
sur le développement du code DIFFUZON [ADE 92].
Ce modèle repose sur les hypothèses d’un transport par diffusion et d’équilibres
chimiques locaux. Le matériau dégradé est divisé en zones séparées par des fronts
de dissolution ou de précipitation (figure 4.10).

Zone1 Zonek – 1 Zonek

Milieu agressif Milieu infini


( ci = cte = ci, 0) ( ci = cte = ci, 1)

l0 l1 lk – 2 lk – 1

Figure 4.10 : schéma de principe du zonage unidirectionnel de la partie dégradée


de la pâte de ciment, constituée d’un assemblage de domaines multiminéraux
de minéralogie constante (zones), séparés par des frontières mobiles
(fronts de dissolution ou de précipitation).

Dans chaque zone, de composition minéralogique constante (nature des phases


solides fixée mais teneur variable), délimitée par des fronts mobiles de dissolution
ou de précipitation, un système d’équations composé de la combinaison des équa-

152
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons

tions de diffusion, d’équilibres chimiques et de bilans de matière est résolu numé-


riquement.
La porosité et le coefficient de diffusion de chaque zone sont supposés constants.
La porosité est déterminée à partir de la nature et des quantités moyennes de pha-
ses solides présentes (elles sont donc différentes d’une zone à l’autre). Le coeffi-
cient de diffusion peut être soit calculé à partir de la porosité et de la quantité de
C-S-H, soit imposé et pris égal à une valeur déterminée expérimentalement.
Les principaux phénomènes pris en compte dans cette modélisation sont donc la
diffusion des principales espèces chimiques du ciment hydraté, la dissolution ou
la précipitation des différentes phases minérales initialement présentes ainsi que
la décalcification progressive des C-S-H jusqu’à la formation d’un gel superficiel
très peu soluble.

8 0,5
5 4 3 2 1 5 4 3 2 1
Portlandite 0,4
6 Monosulfoaluminate
de calcium
mol/L

0,3
mol/L

4 C–S–H
0,2
2
0,1 Ettringite

0 0
0 0,4 0,8 1,2 1,6 0 0,4 0,8 1,2 1,6
Distance de la surface (mm) Distance de la surface (mm)
Profils minéralogiques modélisés pour 3 mois de lixiviation dans une solution à pH 8,5.

5 4 3 2 1
C–S–H Portlandite
Solution C–S–H C–S–H
Gel C–S–H Ettringite
agressive Ettringite Monosulfoaluminate Ettringite 5 4 3 2 1
de cacium Monosulfoaluminate
de calcium

Distribution expérimentale des phases minérales après 3 mois de lixiviation dans une solution à pH 8,5.

Figure 4.11 : comparaison entre les résultats expérimentaux


et ceux issus d’une modélisation DIFFUZON dans le cas d’une pâte de ciment CEM I
lixiviée par une solution faiblement minéralisée de pH 8,5 d’après Adenot [ADE92].
En partie basse de la figure, on peut observer une coupe de pâte de CEM I lixiviée (partie droite). On
y distingue cinq zones dont la minéralogie est indiquée sur le schéma de principe (partie gauche). La
partie supérieure de la figure représente les variations de compositions minéralogiques obtenues par
simulation. Les simulations permettent de retrouver les phases mises en évidence par diffraction de
rayons X, en particulier la dissolution totale de la portlandite dans les zones 2, 3, 4 et 5 externes.

Différentes configurations de matériaux cimentaires lixiviés par des solutions fai-


blement minéralisées de pH compris entre 4,5 et 11,5 ont pu être ainsi simulées
[RIC 04]. Le modèle permet de déterminer :
– les quantités lixiviées (calcium, silicium, sulfate et hydroxyde) et leur évolu-
tion au cours du temps ;

153
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

– la profondeur du front de dissolution de la portlandite et sa vitesse de propaga-


tion ;
– la minéralogie dans chaque zone (figure 4.11).
Les résultats ainsi obtenus par la modélisation ont pu être validés par confronta-
tion avec les données expérimentales.
Ce modèle unidimensionnel a été simplifié pour étudier quelques problèmes plus
complexes comme l’influence de conditions aux limites variables ou le rôle joué
par les fissures. L’hypothèse simplificatrice consiste à considérer que la lixivia-
tion des matériaux cimentaires peut être décrite par la seule évolution du calcium
puisque tous les hydrates majeurs en contiennent [BUI 90, GER 96, MAI 00]. La
décalcification est décrite par une équation unique qui est l’équation du bilan mas-
se pour le calcium, que l’on peut écrire :
2
∂ ( pc Ca ) ∂ c Ca ∂C Ca
-------------------- = D e -------------- – ------------
- (6)
∂t ∂x
2 ∂t

Les termes CCa (concentration de calcium en phase solide), p (porosité) et De


(coefficient de diffusion effectif) sont exprimés sous la forme de fonctions de la
concentration du calcium en solution (figure 4.12). Les données de sortie sont
l’évolution de la quantité cumulée de calcium lixivié (figure 4.13) et de l’épais-
seur dégradée [RIC 04]. Ces données sont validées par l’expérience. Ce type d’ap-
proche implantée dans un code aux éléments finis a permis de coupler le
comportement mécanique des bétons avec une dégradation d’origine chimique
[GER 96, TOR 98].

Cca (mol/m3) Porosité p De (m2/s)


15 000 0,6 9,0e-11

0,5
10 000 6,0e-11
0,4
5 000 3,0e-11
0,3

0 0,2 0,0e-11
0 22 0 22 0 22
cca (mol/m3) cca (mol/m3) cca (mol/m3)

Figure 4.12 : fonctions employées dans le modèle simplifié Diffu-Ca


pour simuler la décalcification d’une pâte CEM I, d’après Mainguy et al. [MAI 00].
Les fonctions sont choisies sur la base de données expérimentales. La première est basée sur les
équilibres des C-S-H dans des solutions à concentrations variables en calcium, la deuxième est cal-
culée à partir des caractéristiques des solides formés et la troisième est déduite de mesures de coef-
ficients de diffusion de pâtes de ciment à porosité variable.

154
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons

10

mortier

Quantité cumulée de Ca relâché


pâte
8

(mol/dm2)
6 béton

2 } Résultats expérimentaux

} Modélisation Diffu-Ca

0
0 5 10 15
Racine carrée du temps (en jours)

Figure 4.13 : validation du modèle Diffu-Ca : comparaison des résultats expérimentaux


et de la modélisation pour des matériaux à base de CEM I [RIC 04].
Les quantités de calcium lixivié dans les pâtes, mortiers et bétons, suivent des lois en racine carrée
du temps, caractéristiques de phénomènes diffusifs. La modélisation permet de retrouver les lois ex-
périmentales. On peut montrer que les quantités de calcium relâchées dans les mortiers et bétons se
déduisent de la connaissance de celles relâchées par les pâtes pures de même rapport E/C : il suffirait
pour cela de multiplier la donnée sur pâte par la teneur volumique en pâte du mortier ou du béton
[BOU 94].

3.3.2. Cas de l’attaque sulfatique externe


La phénoménologie de l’attaque sulfatique externe des bétons est détaillée dans
le chapitre 12. La présence de sulfates solubles dans l’environnement des maté-
riaux à base de ciment Portland induit des transformations minéralogiques, prévi-
sibles par les approches purement thermodynamiques comme celle présentée au
paragraphe 2.3 de ce chapitre ou encore celle développée par Albert [ALB 02],
qui peuvent remettre en cause l’intégrité mécanique du matériau cimentaire ainsi
sollicité. Dans ce contexte il est donc essentiel de modéliser les mécanismes cou-
plés chimie-transport mis en jeu pour ensuite prévoir leur impact sur le compor-
tement mécanique du béton.
Pour étudier les effets du transport d’ions dans les pâtes de ciment totalement ou
partiellement saturées et les réactions de dissolution/précipitation associées, Mar-
chand et Samson [MAR 01] ont développé un modèle numérique de transport
réactif appelé STADIUM. La loi de transport considérée prend en compte les in-
teractions électriques des ions en solution (relation de Nernst-Planck) et les mou-
vements hydriques grâce à un terme convectif. Sa résolution numérique par
éléments finis permet de déterminer les profils de concentrations ioniques à cha-
que pas de temps. Ces nouveaux profils conduisent à un déséquilibre qui est en-

155
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

suite compensé par des dissolutions ou précipitations selon les produits de


solubilité des minéraux pris en compte.
Cet outil a été utilisé notamment pour analyser l’impact des solutions de sulfate
de sodium sur la durabilité des bétons. Plusieurs configurations, en terme de type
de ciment, de rapport eau/ciment, et de concentration en sulfate ont été simulées
[MAR 02]. Une réorganisation significative de la microstructure a été mise ainsi
théoriquement en évidence, avec la précipitation des minéraux incorporant des
sulfates, la dissolution de la portlandite et la décalcification des C-S-H
(figure 4.14).
80

70 portlandite
C-S-H
60 ettringite
Concentration (g/kg)

hydrogrenat
50 gypse

40

30

20

10

0
0 1 2 3 4 5 6

Position (cm)
Figure 4.14 : distribution des phases solides pour un béton de rapport eau/ciment de
0,65, exposé 20 ans à une solution de sulfate de sodium à 10 mmol/L [MAR 02].
La simulation permet de connaître les profils de concentration des différents hydrates dans le maté-
riau après une durée d’exposition donnée. Comme dans le cas d’une exposition dans l’eau pure, la
portlandite est totalement dissoute dans la partie externe du béton. Une zone riche en gypse est pré-
sente dans la zone externe et coexiste avec de l’ettringite.

Dans un contexte semblable, d’autres calculs destinés à résoudre le problème cou-


plé de diffusion/dissolution/précipitation, ont été menés par Planel [PLA 02] avec
le code de géochimie HYTEC [VAN 03]. La composition du ciment anhydre a été
utilisée pour déterminer les quantités initiales des quatre minéraux hydratés pris
en compte : portlandite, monosulfoaluminate de calcium hydraté, ettringite et
gypse. Les espèces ioniques Ca2+, SO42–, Na+, Al(OH)4– et OH– ont été consi-
dérées. Les calculs de diffusion (lois de Fick) ont été menés avec un coefficient
de diffusion et une porosité constante, quelle que soit la zone considérée. Les pro-
fils de concentrations en phases solides obtenus après douze semaines de dégra-
dation en présence de sulfates, sont représentés sur la figure 4.15. Parmi les points

156
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons

intéressants, on peut noter la similitude du profil obtenu avec la distribution mi-


néralogique simulée par STADIUM : un front associé à la dissolution de la port-
landite et un front associé à la précipitation d’ettringite ainsi qu’une zone de
néoformation de gypse. Par contre, dans cet exemple, la localisation par modéli-
sation de la zone de gypse n’est pas totalement conforme aux observations expé-
rimentales, probablement en raison de la difficulté à rendre compte des variations
du coefficient de diffusion dans la partie altérée du matériau.

portlandite
monosulfoaluminate
Coups/s

ettringite Profils DRX


gypse
Concentration

Simulation HYTEC

0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0 1,2 1,4 1,6 1,8 2,0
Épaisseur (mm)

Figure 4.15 : comparaison entre les profils minéralogiques expérimentaux et ceux issus
du calcul HYTEC pour une pâte de ciment CEM I immergée pendant 12 semaines dans
une solution contenant 15 mmol.L–1 de sulfate de sodium et maintenue à pH 7 [PLA 02].
Les courbes de la partie supérieure représentent l’évolution de l’intensité relative du pic principal de
diffraction des rayons X (DRX) de la portlandite, du gypse et de l’ettringite en fonction de la profondeur
dans le matériau. Elles font apparaître trois zones successives se recouvrant plus ou moins et pro-
gressant au cours du temps :
– une zone de dissolution totale de la portlandite limitée par un front de dissolution abrupt ;
– une zone assez large de précipitation de l’ettringite qui s’étend un peu au-delà du front de dissolution
de Ca(OH)2 ;
– une zone intermédiaire assez étroite de précipitation du gypse, limitée par le front de dissolution de
la portlandite et se superposant à la zone de précipitation de l’ettringite.
Les profils obtenus par simulation sont reportés sur la partie inférieure de la figure. Ils sont globale-
ment similaires aux données expérimentales même si la zone dans laquelle le gypse précipite n’est
pas tout à fait localisée au même endroit.

3.3.3. Cas de l’eau de mer


L’eau de mer constitue un milieu chimique modérément agressif vis-à-vis du bé-
ton. En raison du caractère multi-ionique de ce milieu aqueux, les mécanismes
physico-chimiques se déroulant dans le réseau poreux du béton sont complexes et
fortement couplés (chapitre 12). La simulation numérique est dans ce cas un outil

157
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

performant d’aide à l’identification et à la hiérarchisation des phénomènes domi-


nants.
L’évolution minéralogique d’un béton soumis à l’action de l’eau de mer a été si-
mulée par E. Guillon [GUI 04]. La composition du matériau sain hydraté est celle
déterminée par le code CEMHYD3D [BEN 97]. Les interactions avec l’eau de
mer ont été modélisées à l’aide d’un code de transport diffusif multi-espèces cou-
plé à un code d’équilibres chimiques (PHREEQC).
Cette simulation met en évidence la dissolution du monosulfoaluminate de cal-
cium initial au profit de la précipitation de chloroaluminate de calcium et d’ettrin-
gite (figure 4.16). Les précipitations de calcite, de brucite et de gypse au voisinage
de la surface exposée prédites par le calcul sont globalement en accord avec les
observations expérimentales à la microsonde [REG 77].

Porosité
portlandite
0,16

0,14

0,12
Proportion (%)

0,1

0,08

0,06

calcite ettringite
0,04
brucite
gypse
0,02
AFm
chloroaluminate

0
0,5 1 1,5 2
Profondeur (mm)
Figure 4.16 : évolutions après 4 jours simulés des proportions volumiques des espèces
solides en fonction de la profondeur dans le matériau, pour un ciment CEM I
soumis à de l’eau de mer [GUI 04].

D’autres systèmes multi-ioniques naturels ont été modélisés en vue de prédire les
interactions entre un milieu géologique et des structures souterraines en béton
[TRO 06]. Il reste cependant encore difficile de quantifier l’impact de ces réac-
tions chimiques sur les propriétés physiques des matériaux cimentaires.

158
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons

La modélisation des attaques chimiques permet de simuler correctement les évo-


lutions de la minéralogie des matériaux cimentaires au cours du temps. Il est ain-
si possible de prévoir la pénétration des fronts de dégradation.

3.4. Impact du transport réactif sur la microstructure


La simulation numérique permet également d’estimer l’évolution de la porosité
totale du matériau. La figure 4.17 montre par exemple que la porosité augmente
avec l’avancée de la lixiviation, conséquence d’une plus forte dissolution par rap-
port aux précipitations. Le coefficient de diffusion n’est donc pas constant et il
convient d’estimer la rétroaction de la chimie (impact des dissolutions/précipita-
tions) sur la microstructure et donc sur le transport de matière. L’approche sim-
plifiée estime l’influence de la variation de la porosité totale sur le coefficient de
diffusion par des lois empiriques [TOG 98, MAI 00, PEY 06]. Cette méthode, ba-
sée sur la porosité totale, sans description fine du réseau poreux, s’avère être suf-
fisante pour simuler l’augmentation de la diffusivité de la zone lixiviée d’une pâte
de ciment CEM I (figure 4.18).
0,5

0,45 C1,65SH2,45
C1,1SH1,9
0,4

0,35
Fraction volumique (%)

0,3

Porosité
0,25

0,2

0,15
CH
0,1

AFt
0,05

AFm
0
0 500 1 000 1 500 2 000 2 500
Temps (h)
Figure 4.17 : évolution de la composition minéralogique et de la porosité
d’une pâte de CEM I en fonction du temps à une profondeur donnée lors d’une lixiviation
par une eau pure [GUI 04].

159
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

3,0E-10

2,5E-10

2,0E-10
D (m2/s)

1,5E-10

1,0E-10

Coefficient de diffusion
5,0E-11

0,0E+00
0,000 0,002 0,004 0,006 0,008 0,010
Distance (m)

Figure 4.18 : évolution de coefficient de diffusion effectif dans les différentes zones
créées lors de la lixiviation de la pâte de ciment [KAM 05].
Les modifications de la structure poreuse consécutives à la lixiviation de la pâte de ciment se tradui-
sent par une augmentation du coefficient de diffusion effectif dans la zone dégradée. Les valeurs por-
tées sur cette courbe sont obtenues par calcul.

Toutefois, cette approche est généralement moins efficace dans le cas par exem-
ple de précipitation d’une couche protectrice qui diminue très peu la porosité glo-
bale totale mais très fortement les paramètres du transport [LAG 00]. Les
principaux moyens qui ont été élaborés pour mieux rendre compte des relations
entre la diffusivité des matériaux cimentaires et leur microstructure sont, d’une
part, des modèles d’homogénéisation qui, à partir des fractions volumiques et des
caractéristiques des constituants élémentaires retenus pour décrire le système hé-
térogène, permettent d’évaluer la diffusivité macroscopique [GAR 98, HAS 02,
CAR 03, PIV 04, BAR 06, STO 06], et, d’autre part, des outils numériques capa-
bles de générer des microstructures 3D [GAR 92, BEN 97, NAV 99, YE 03,
BEJ 06].
Si l’on souhaite avoir une approche la plus représentative possible, il convient de
coupler le code de transport réactif avec un code qui, d’une part, génère, puis,
d’autre part, fait évoluer, une microstructure numérique 3D à l’échelle micromé-
trique ou sub-micrométrique. Il est alors possible d’extraire la porosité ainsi que
la distribution des pores et leur connectivité afin de calculer les propriétés de
transport locales (coefficient de diffusion et perméabilité). Ce type d’approche
nécessite de disposer de puissants moyens de calcul, alors que les méthodes d’ho-
mogénéisation sont actuellement plus accessibles.

160
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons

La connaissance de l’évolution du matériau induite par le transport réactif permet


aussi de faire un couplage chimio-mécanique. Dans cet esprit, plusieurs travaux
ont porté sur la modélisation de l’évolution des propriétés mécanique de maté-
riaux cimentaires soumis à une décalcification [CAR 96, TOR 98, ULM 99, LEB
01, KAM 03, GUI 04, NGU 05, LAC 06] ou à une attaque sulfatique [SNY 95,
JU 99, PLA 06, LEB 06]. Les approches multi-échelles couplant le transport réac-
tif et le comportement mécanique sont inéluctablement appelés à se généraliser
pour une gestion durable des infrastructures de génie civil.
45

E/C 0,25 F-E


40
E/C 0,25 modèle
E/C 0,40 F-E
35
E/C 0,40 modèle
E/C 0,50 F-E
30
Module d'Young (GPa)

E/C 0,50 modèle

25

20

15

10

0
0 0,2 0,4 0,6 0,8
Porosité capillaire
Figure 4.19 : comparaison pour trois pâtes de ciment CEM I de E/C différents
et dégradées chimiquement, des modules d’élasticité prédits par une relation « modèle »
et par calcul 3D aux éléments finis en fonction de la porosité capillaire noté F-E
dans la figure [GUI 06].
Les conséquences mécaniques des dégradations chimiques ne peuvent être que
partiellement prédites au moment où ce livre est rédigé. Des progrès significatifs
semblent toutefois possibles au vu des travaux en cours.

4. CONCLUSION
Une approche thermodynamique utilisant les conditions d’équilibre permet de
bien comprendre les conditions de stabilité chimique des hydrates et donc de sa-
voir si des évolutions peuvent intervenir quand la composition de la phase inters-
titielle du béton évolue lors d’un échange de matière avec le milieu extérieur. Le

161
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

point crucial pour que l’approche thermodynamique soit pertinente est la qualité
de la base de données thermodynamiques qui est associée aux codes de calcul des
équilibres géochimiques. L’aspect cinétique relatif à la stabilité où la transforma-
tion des hydrates contenus dans la matrice poreuse du béton, dépendra de la vites-
se de transport de la matière dans le réseau poreux du béton qui peut être estimée
à travers les lois classiques de transport de masse en fonction des gradients appli-
qués. Le transport réactif permet de bien rendre compte de dégradations de façon
macroscopique, comme dans le cas de la lixiviation, en reproduisant la zonation
souvent observée.
L’utilisation d’une approche tridimensionnelle du transport réactif sur des mi-
crostructures numériques réalistes permettra d’aller plus loin dans l’étude de l’im-
pact de la stabilité ou de la transformation des hydrates sur la microstructure et
ses propriétés. Ainsi il deviendra possible d’obtenir une évolution espace-temps
de propriétés comme le module élastique et donc de relier dégradation chimique
et propriétés d’usage.

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166
CHAPITRE 5

Retrait et fluage
G. PONS, J.-M. TORRENTI

Résumé
Les déformations différées des bétons, qu’elles soient d’origine physico-chimique
comme le retrait d’hydratation et de dessiccation ou mécanique comme le fluage
sous contrainte peuvent mettre en cause la durabilité des ouvrages et ce pour plu-
sieurs raisons. Les déformations de retrait peuvent induire des risques de fissura-
tion et ainsi créer les conditions d’une propagation des éléments favorisant la
corrosion des armatures. Les déformations de fluage peuvent entraîner, dans le cas
des structures isostatiques, des déformations différées, notamment des flèches, in-
compatibles avec le bon fonctionnement en service des ouvrages. Dans le cas de
structures précontraintes ces déformations génèrent des chutes dans la tension des
câbles très importantes et difficiles à estimer précisément. Dans le cas des structu-
res hyperstatiques, particulièrement celles dont le phasage de construction est com-
plexe, le fluage va provoquer des redistributions d’efforts dont l’évaluation est
indispensable sous peine de mettre en péril la sécurité de l’ouvrage. Pour essayer
de cerner les paramètres gouvernant ces déformations différées nous avons, après
avoir précisé les différentes composantes de ces déformations, mis en évidence les
origines physico-chimiques de ces comportements différés. Nous avons ensuite re-
gardé plus en détail les déformations de retrait puis celles de fluage en les séparant
arbitrairement comme on a coutume de le faire pour les évaluer et ce bien qu’en tout
état de cause il existe un couplage indiscutable entre le retrait et le fluage. Nous
abordons ensuite l’aspect de l’évaluation expérimentale de ces déformations par les
essais de laboratoire. Pour terminer nous regardons la prise en compte de ces phé-
nomènes dans les calculs de structure au travers des aspects normatifs.
Mots-clés
DÉFORMATIONS DIFFÉRÉES, RETRAITS, FLUAGES, RELAXATION, DESSICCATION, AUTO-
DESSICCATION, EUROCODES, ESSAIS DE LABORATOIRE, BÉTONS, BÉTONS À HAUTES
PERFORMANCES.

167
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

1. INTRODUCTION : DÉCOMPOSITION DES DÉFORMATIONS


DIFFÉRÉES
Depuis le célèbre épisode du sauvetage du pont sur le Veurdre en 1912 par Freys-
sinet (voir encadré), nous savons que le béton est sujet à des déformations diffé-
rées1. L’acceptation de cette explication fût en réalité loin d’être immédiate.
Ainsi, la circulaire de 1906 (le premier règlement français) indiquait que « le mo-
dule élastique d’un béton est, comme celui de l’acier, pratiquement constant ».
Les normes actuelles prennent, bien sûr, en compte les déformations différées du
béton : de manière forfaitaire pour le béton armé où le coefficient d’équivalence
acier-béton (rapport des modules d’élasticité) est pris égal à 15, voire plus dans
l’Eurocode 2, ce qui ne correspond pas au rapport des modules instantanés (plus
proche de 5), et de manière plus élaborée pour le béton précontraint2.
L’épisode du pont du Veurdre
Le pont du Veurdre fut le premier de trois ponts en béton armé que Freyssinet cons-
truisit dans le département de l’Allier entre 1911 et 1912 et dont subsiste celui de
Boutiron, les deux autres ayant été détruits durant la Seconde Guerre mondiale. Le
pont du Veurdre était un pont en béton armé à trois travées (67, 72 et 67 mètres de
portées) chacune en arc très surbaissé (1/15) et à trois articulations dont une en clé.
Calculé suivant le règlement de 1906, le module d’élasticité du béton étant constant
(la notion de fluage du béton n’existant pas), le concept du pont, articulé en clé, s’ac-
cordait mal à des déformations différées. Très rapidement après sa mise en service,
Freyssinet s’aperçut que la flèche en clé augmentait de plus en plus vite, ce qui, à ter-
me, condamnait l’ouvrage.
Il testa alors des éprouvettes du béton qui avait servi à construire le pont et vit que la
qualité de celui-ci n’était pas en cause : le module d’Young était bien croissant dans
le temps. Il fallait donc que le béton ait des déformations différées de grande ampleur.
Or, les expériences réalisées au Laboratoire des ponts et chaussées par Mesnager n’en
montraient aucune. En allant questionner les techniciens du Laboratoire, Freyssinet
découvrit que ceux-ci démontaient les capteurs de déplacement de peur de les briser
quelques instants après que la charge eut été appliquée. Ils ne risquaient donc pas de
mesurer une quelconque déformation différée…
La suite est connue : de nuit, sans prévenir les autorités, Freyssinet, en remettant en
place les vérins en clé qui avaient permis le décintrement de l’ouvrage, alla compen-

1. Ce phénomène avait été découvert de manière indépendante par Hyatt aux USA en 1907. Il avait
montré qu’une poutre chargée voyait sa flèche évoluer de manière significative (elle doublait !)
après deux mois de chargement.
2. La prévision du fluage du béton précontraint par un modèle ne date cependant que de 1965 dans
la réglementation française.

168
Retrait et fluage

ser les déformations différées. Il supprima ensuite l’articulation en clé du pont du


Veurdre (les arcs du pont de Boutiron n’en auront pas).
À partir de cette expérience en vraie grandeur, Freyssinet acquit la certitude que le
béton était l’objet de déformations différées et étudia le phénomène pour ses réalisa-
tions ultérieures en béton armé (réglage des arcs du pont Albert-Louppe en 1926 par
exemple) et, bien sûr, en béton précontraint.

Pont de Boutiron (photo Alain Millard).

L’objet des paragraphes suivants est de présenter les bases physiques des phéno-
mènes à la source des déformations différées, de décrire les paramètres influen-
çant ces déformations différées et d’éclairer l’ingénieur sur le pourquoi des
formules réglementaires.
Nous ne traiterons pas dans cette partie des phénomènes observables avant la pri-
se du béton tels le ressuage et le retrait plastique car, s’ils ont une importance dans
l’aspect architectural et dans la durabilité, ils n’intéressent pas directement le cal-
culateur de structure. Ces aspects seront abordés dans le chapitre 6.
En général, même si, comme nous le verrons au paragraphe 2, la réalité est plus
complexe, on convient en général de séparer les déformations différées εdif en
deux grandes familles liées à l’existence ou non d’un chargement :

169
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

– le retrait, εr, qui est une déformation se produisant en l’absence de chargement


extérieur ;
– le fluage, εf, qui est la part supplémentaire de déformation différée résultant de
l’application d’un chargement1.
Conventionnellement on sépare les déformations différées en deux : celles indé-
pendantes de tout chargement, que l’on dénomme « retraits » et celles provo-
quées par un chargement que l’on qualifie de « fluages ». Ce découpage est
purement artificiel car, dans le processus physico-chimique réel, le couplage des
deux phénomènes ne saurait être leur addition pure et simple.
Comme le séchage du béton est un paramètre fondamental de son comportement
différé, on décompose retrait et fluage en considérant le fait que le béton échange
ou non de l’eau avec le milieu extérieur. Nous aurons alors, en suivant les défini-
tions couramment admises [NEV 83]:
• sans échange d’eau avec l’extérieur :
– le retrait endogène, εre, appelé aussi retrait d’autodessiccation ou retrait
d’hydratation (mais qui n’est pas la contraction Le Chatelier comme nous le
verrons plus loin) ;
– le retrait thermique ou contraction thermique, εth , qui est une conséquence
de l’hydratation et de la chaleur que cette réaction dégage ;
– le fluage propre, εfp, (basic creep) ; c’est la part supplémentaire de défor-
mation du béton sous charge lorsqu’il n’échange pas d’eau avec l’extérieur;
• avec possibilité d’échange d’eau avec l’extérieur :
– le retrait de dessiccation, εrd, parfois nommé retrait de séchage, qui n’existe
que lorsque le matériau sèche. Il est la part supplémentaire de retrait par
rapport aux retraits endogène et thermique ;
– le fluage de dessiccation (drying creep), εfd, qui n’existe que lorsque le maté-
riau sèche sous charge; c’est le complément par rapport au fluage propre de
la part de déformation due au chargement; il n’est pas accessible directement
par un essai unique. Il s’obtient par la relation εfd = εdif – εrd – εre où εdif est la
déformation différée totale.
La déformation totale du béton est donc (arbitrairement) découpée en :
εtot = εel + εr + εf = εel + εre + εth + εrd + εfp + εfd
où εel est la déformation instantanée. Dans cette définition, comme dans celle du
fluage propre, la déformation instantanée est constante, ce qui n’est pas le cas

1. Cette définition du fluage est une extension de la définition originelle du fluage pour laquelle la
charge est constante.

170
Retrait et fluage

dans la réalité car le matériau, en vieillissant, voit sa rigidité augmenter : ceci im-
plique que le fluage comprendra une partie de ce vieillissement.
Nous verrons au paragraphe 3 que, sur bien des aspects, cette décomposition sim-
plifie beaucoup trop la réalité et ne rend pas compte des couplages existants entre
les différents phénomènes.
La déformation totale d’un béton de structure est, à un instant donné et dans le
cas général, la somme de 6 déformations plus ou moins arbitrairement décou-
plées qui sont : la déformation élastique instantanée, celle de retrait thermique,
celle de retrait endogène, celle de retrait de dessiccation, celle de fluage endogène
(ou fluage propre) et celle de fluage de dessiccation.

2. ORIGINE PHYSICO-CHIMIQUE DES DÉFORMATIONS


DIFFÉRÉES
Dans un premier temps nous allons passer en revue les différents composants du
béton durci en mettant en avant leur susceptibilité d’évolution en fonction du
temps sous charge mécanique ou hydrique, dans un second temps nous tenterons
d’expliquer dans leur globalité les déformations différées de retrait et de fluage
tant endogènes que de dessiccation.
2.1. Les acteurs en présence
De manière simplifiée on retiendra deux phases solides, la matrice cimentaire et
les granulats, auxquelles il faut rajouter la phase liquide contenue dans les vides
(porosité ouverte).
Les déformations visqueuses sous l’effet des contraintes d’origine hydrique (re-
trait) et/ou d’origine mécanique (fluage) sont localisées dans la matrice cimen-
taire. Des expériences récentes de nano-indentation [ACK 04] ont permis de
mettre en évidence le rôle principal du fluage des feuillets de C-S-H dans les dé-
formations différées du béton durci.
Les granulats ont, pour leur part, un rôle passif : ils s’opposent aux déformations
visqueuses de la pâte. On peut donner quelques ordres de grandeur sur l’influence
des granulats introduits dans une pâte de ciment. Pickett estimait qu’un apport de
50 % de volume relatif de granulat par rapport à la pâte pure divisait le retrait par
trois. Neville [NEV 96] estime qu’un volume de 30 % de granulats réduit le re-
trait de la pâte de moitié. Divers auteurs, dont Leroy [LER 96], ont proposé des
modèles plus ou moins complexes permettant de déterminer l’influence de la
quantité et de la nature (module d’élasticité) des granulats sur l’intensité des dé-
formations de retrait. Le retour d’expérience sur les ouvrages d’art et le parc des
enceintes des centrales nucléaires montre toutefois que des granulats de mauvaise
qualité, de module d’élasticité faible, de porosité importante, de durabilité incer-

171
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

taine, peuvent entraîner des déformations différées beaucoup plus importantes


qu’attendues.
L’eau est présente dans la matrice cimentaire sous plusieurs formes. L’eau libre
qui n’est pas liée aux parois des capillaires car se situant hors du champ des forces
de Van der Waals (distance des parois > à 2 nm). Elle peut donc migrer aisément
lors des sollicitations hydriques ou mécaniques subies par le béton. L’eau adsor-
bée sur la surface des cristaux ou inter-lamellaire met en jeu les forces de Van der
Waals. L’eau inter-cristalline ou inter-feuillet qui est confinée dans les pores de
très petite taille. Ces deux dernières migreront plus difficilement. Enfin, l’eau in-
tra-cristalline ou chimiquement liée aux hydrates.
Le réseau poreux représente plus de 10 % en volume du béton. Cette porosité joue
un rôle très important sur le comportement différé des bétons. En effet, la porosité
ouverte régit les possibilités de transfert de l’eau libre ou faiblement liée vers l’ex-
térieur du béton. Le diamètre des pores est un paramètre très influent. Des diamè-
tres de pore importants (e.g. cas des bétons courants) facilitent la migration de
l’eau lors du séchage du béton et donc amplifient l’effet du séchage. A contrario
des pores de faible diamètre (e.g. cas des bétons à hautes performances, noté
BHP) ralentissent la migration de l’eau mais, dans le cas de l’autodessiccation
lors de l’hydratation, créent des tensions internes plus élevées qui augmentent les
déformations endogènes.
2.2. Les causes microstructurales des déformations différées
Comme indiqué en introduction les déformations différées des bétons sont con-
ventionnellement séparées en quatre déformations élémentaires d’origine phy-
sico-chimique : le retrait endogène (ou d’autodessiccation), le retrait de séchage
(ou de dessiccation), le fluage endogène (ou fluage propre) et le fluage de sécha-
ge ou (de dessiccation). On doit y rajouter dans le cas des pièces massives un re-
trait thermique. Nous allons passer en revue les causes de ces déformations
différées qui sont généralement couplées.
2.2.1. Les déformations de retrait
Le retrait est qualifié d’endogène en l’absence d’échange hydrique (sans perte de
masse) avec le milieu ambiant (c’est le cas du comportement au cœur d’une struc-
ture massive en béton), et il est dit de séchage lorsqu’il y a déséquilibre hydrique
entre l’intérieur du béton durci dont l’hygrométrie de départ est de l’ordre de 75 %
à 100 % selon le rapport eau sur ciment E/C et celle du milieu ambiant (il y a alors
perte de masse).
Le retrait endogène est la conséquence de la contraction de Le Chatelier due au
fait que le volume des hydrates formés lors de la prise du ciment est d’environ

172
Retrait et fluage

20 % plus faible que le volume du ciment anhydre et de l’eau de départ. Cette con-
traction d’origine chimique se prolonge tout au long de l’hydratation des grains
anhydres mais ralentit au fur et à mesure que la diffusion de l’eau devient plus dif-
ficile de par la densification croissante de la pâte due à la formation continue des
C-S-H. L’eau libre capillaire est ainsi consommée, l’humidité interne diminue ce
qui conduit à une tension interne de la pâte inversement proportionnelle au dia-
mètre des capillaires (loi de Kelvin-Laplace, cf. chapitre 3). Cette tension va pro-
voquer une variation de volume d’autant plus importante que le diamètre des
pores est faible. Ainsi le retrait endogène sera plus marqué pour les BHP que pour
les bétons courants dont les pores sont de plus grand diamètre. Ces tensions inter-
nes peuvent atteindre plusieurs MPa et, de par la présence des granulats, provo-
quer une microfissuration et une redistribution interne des contraintes.
Le retrait de dessiccation est lié à la différence d’hygrométrie entre le cœur du
béton et l’ambiance extérieure (figure 5.1a : répartition des pertes en eau dans une
éprouvette cylindrique). Il y a apparition d’un fort gradient hydrique qui tend à
créer des déformations de retrait différentielles incompatibles entre elles
(figure 5.1b). Dans le cas d’une structure élancée, les sections restent planes et ce
gradient hydrique entraîne donc un gradient de contraintes amenant, par auto-
équilibre, des tractions au voisinage de la surface et des compressions au cœur (fi-
gure 5.1c). Ces tractions en surface peuvent conduire à une fissuration en peau et
donc à une relaxation partielle des contraintes (figure 5.1d). La compression au
cœur amène un fluage de la pâte sous contrainte d’origine purement hydrique : le
retrait de dessiccation peut alors être modélisé en prenant en compte le fluage du
béton [SIC 96, BEN 05].
Le retrait est qualifié d’endogène ou d’autodessiccation en l’absence d’échange
hydrique (sans perte de masse) avec le milieu ambiant, et le retrait est dit de des-
siccation ou de séchage lorsqu’il y a déséquilibre hydrique entre l’intérieur du
béton durci dont l’hygrométrie de départ est de l’ordre de 75 à 100 % selon le
rapport E/C et celle du milieu ambiant.

173
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

0
1

2
3
4

%
(a) Répartition des pertes en eau (b) Raccourcissement virtuel

compression
compression
fissuration

traction traction
traction traction

(c) Répartition théorique des contraintes (d) Répartition des contraintes


après fissuration de peau

Figure 5.1 : autocontraintes de structure dues au retrait de séchage [PON 98].

D’un point de vue cinétique, le phénomène se traduit d’abord par une fissuration
de peau puis par une phase de déformation d’ensemble et enfin par une phase de
refermeture des fissures.
La figure 5.2 illustre l’évolution du retrait de dessiccation en fonction de la perte
de masse liée au départ de l’eau libre du béton.

174
Retrait et fluage

Retrait de dessiccation (μm/m)


500

400

300

200

100

0
0,00 0,50 1,00 1,50 2,00 2,50
Perte de masse (%)

Figure 5.2 : exemple d’évolution du retrait de dessiccation en fonction de la perte


de masse du béton [GRA 96].

Le retrait thermique est une déformation différée de durée relativement courte qui
vient se superposer aux déformations de retrait précédemment analysées mais qui
est due simplement à la contraction de la pâte de ciment et des granulats lors de
leur refroidissement après l’élévation de température lors de la prise exothermi-
que du ciment.
Celui-ci n’a que peu d’influence sur les éléments de faibles dimensions mais peut
devenir très sensible sur les pièces massives. Il faut alors faire intervenir les gra-
dients de température et les effets de structure comme pour le retrait de dessicca-
tion. Son intensité dépend du degré d’exothermie du ciment employé et du
coefficient de dilatation du béton qui peut varier en fonction de la nature des gra-
nulats employés [ACK 04], il varie aussi durant l’hydratation car il est fonction
de la teneur en eau de la pâte.
Le retrait thermique est une déformation différée de durée relativement courte
qui vient se superposer aux déformations de retrait précédemment analysées .
Elle est due simplement à la contraction de la pâte de ciment et des granulats lors
de leur refroidissement après l’élévation de température lors de la prise exother-
mique du ciment. Il doit être impérativement évalué dans le cas des structures
massives.

2.2.2. L’effet de l’application d’une charge stationnaire,


les déformations complémentaires de fluage
Au temps τc (figure 5.3) on applique une charge constante sur un béton durci. À
la déformation de retrait déjà effectuée εr(τc) va se superposer une déformation
instantanée εi(τc), puis une déformation différée complémentaire de celle du re-
trait εr(t) (que l’on suppose arbitrairement indépendante), déformation différée

175
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

appelée fluage εc(t). La réalité physique est plus complexe, car il y a une interac-
tion du chargement sur la valeur du retrait.
Déformation

Hi (Wd)
recouvrance instantanée
Hr (t – Wd)
retrait
Hrecd (t – Wd)
recouvrance différée
Hsc (t)
Hc (t) déformation
fluage sous charge

Hres (t)
déformation résiduelle

Hi (Wc)
Hi (Wc)

retrait
Temps
Wc t Wd

Figure 5.3 : séparation conventionnelle des déformations différées.


La courbe inférieure représente la déformation de retrait libre, c’est-à-dire celle qu’aurait eue le béton
en l’absence de tout chargement mécanique.
Au temps τc le béton est chargé, il subit une déformation instantanée εi(τc). En l’absence du fluage,
en superposant avec le retrait, on aurait l’évolution des déformations représentée en trait pointillé.
La déformation de fluage rajoute une déformation complémentaire εc(t) pour atteindre la déformation
sous charge totale εsc(t).
Si au temps τd on procède a un déchargement partiel on assiste à un retour de déformation instantané
(recouvrance instantanée ) εi(τd) et à un retour différé (recouvrance différée ).

Lorsque le béton est déchargé totalement ou partiellement après une période de


fluage sa déformation diminue instantanément : c’est la « recouvrance
instantanée ». Cette diminution de déformation continue à se poursuivre en se
ralentissant dans le temps, c’est la « recouvrance différée ».

2.2.2.1. Comportement différé sous charge stationnaire en mode


endogène, le fluage endogène ou fluage propre
À partir de l’application de la charge on a, dans un premier temps, une vitesse de
déformation différée importante. Celle-ci se ralentit peu à peu pour se stabiliser,
dans des conditions normales, au bout de quelques jours. On a pour habitude de
différencier les deux déformations de fluage correspondant à ces deux phases
d’évolution l’une étant qualifiée de fluage à court terme ou primaire et l’autre de
fluage à long terme ou secondaire. Cette différenciation repose également sur
deux hypothèses différentes du comportement de la microstructure.

176
Retrait et fluage

Le fluage à court terme serait la manifestation d’un mécanisme de redistribution


par diffusion de l’eau libre et physisorbée dans l’espace capillaire. Cette micro-
diffusion serait initiée au niveau des zones d’adsorption empêchées. Dans ces zo-
nes, l’eau participe à l’équilibre mécanique du matériau car elle est capable de
transmettre les contraintes. Sa pression est qualifiée de pression de disjonction et
elle s’oppose aux forces d’attraction entre les particules solides. L’action combi-
née des forces d’attraction et d’une contrainte macroscopique rompt cet équilibre
et l’eau en excès est expulsée, par diffusion dans les couches d’eau adsorbée, vers
les pores capillaires (où la pression est plus faible). Il en résulte une contraction
assimilée à un fluage mais qui est aussi appelée déformation initiale différée.
L’hydratation des composés encore anhydres modifie la cinétique du phénomène
en augmentant la longueur du chemin de diffusion (par remplissage des capillai-
res par des produits d’hydratation), ainsi que l’amplitude (augmentation du mo-
dule de déformation du squelette solide). C’est de cette part de déformation que
proviendrait la différence entre le fluage des bétons ordinaires et celui des bétons
à hautes performances car ces derniers présentent un espace capillaire plus réduit
[MEH 80].
Le fluage à plus long terme verrait la source de son mécanisme dans la structure
des hydrates. Acker [ACK 01] a montré par des expériences de nano-indentation
sur des bétons à très hautes performances (BTHP) que seuls les C-S-H pouvaient
être le siège de déformations visqueuses. Reste qu’à l’heure actuelle les avis sont
partagés sur ses causes : glissement des feuillets due à la microdiffusion de l’eau,
réarrangement solide, dissolution puis reformation des hydrates [BAZ 88, 01a,
01b].
Le fluage à court terme serait la manifestation d’un mécanisme de redistribution
par diffusion de l’eau libre et physisorbée dans l’espace capillaire. Le fluage à
plus long terme verrait la source de son mécanisme dans la structure des hydra-
tes mais l’influence du squelette granulaire et de sa nature est également primor-
diale.

2.2.2.2. Comportement différé en dessiccation, le fluage de séchage


ou de dessiccation
Il s’agit probablement de la part de déformation la plus délicate à modéliser dans
la mesure où elle résulte de plusieurs mécanismes difficiles à identifier entre les-
quels de nombreux couplages existent. On distingue néanmoins deux grands ty-
pes de phénomènes.
Le premier est un effet de structure. Comme nous l’avons montré lors de l’étude
du retrait de dessiccation, une éprouvette en contact avec un milieu d’hygrométrie

177
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

plus faible est le siège d’autocontraintes de dessiccation. Si nous reprenons l’état


de contrainte d’une éprouvette en dessiccation non fissurée (présenté sur la
figure 5.1c) et que nous y superposons une contrainte uniaxiale de compression
(due à la présence du chargement), nous obtenons l’état de contrainte illustré par
la figure 5.4. On peut constater que la présence du chargement implique, si sa va-
leur est suffisante, qu’il n’y ait plus de traction en surface de l’éprouvette. Le re-
lâchement des autocontraintes par fissuration, observé sur l’éprouvette non
chargée, n’est plus d’actualité et la totalité du retrait de dessiccation peut se déve-
lopper.
Ainsi, le fluage de dessiccation constitue la mobilisation d’un retrait de dessicca-
tion complémentaire par rapport à celui mesuré sur une éprouvette non chargée.

compression
compression
traction traction + =

État de contrainte résultant :


État de contrainte virtuel le chargement réduit les tractions,
dû aux déformations empêchées F donc les risques de fissuration
(éprouvette non fissurée). (éprouvette non fissurée).

Figure 5.4 : effet d’un chargement sur un béton en dessiccation [PON 98].

Néanmoins, la mobilisation d’une part complémentaire de retrait ne permet pas


d’expliquer la totalité du fluage de dessiccation [GRA 97].
Il y a en complément, un mécanisme de fluage de dessiccation intrinsèque, ana-
logue à celui du fluage propre, basé sur le fait que la diffusion, sous contrainte, de
l’humidité au sein de la structure, a pour effet d’arracher des particules de matière
solide qui iraient se recristalliser dans des zones de moindre contrainte [BAZ 88].

Le fluage de dessiccation consisterait, d’une part, en la mobilisation d’un retrait


de dessiccation complémentaire par rapport à celui mesuré sur une éprouvette
non chargée et, d’autre part, en un mécanisme intrinsèque, analogue à celui du
fluage propre, basé sur le fait que par diffusion sous la contrainte appliquée, des
particules de matière solide iraient se recristalliser dans des zones de moindre
contrainte.

178
Retrait et fluage

2.3. Les couplages entre les mécanismes à l’origine des différents


types de déformations différées
Comme nous l’avons vu dans la présentation des différentes causes de déforma-
tions différées, les processus mis en jeu sont fréquemment couplés. Le retrait en-
dogène ainsi que le retrait de dessiccation peuvent être interprétés, du moins
partiellement, comme des fluages sous contrainte hydrique.
Inversement, le fluage de dessiccation mobilise une part complémentaire de re-
trait de dessiccation.
Si nous revenons à la définition des déformations différées donnée dans l’intro-
duction à ce chapitre, leur obtention à partir des données expérimentales suppose
qu’un certain nombre d’hypothèses de découplage soient valides et nous avons
montré que tel n’est pas le cas. Ces hypothèses sont récapitulées dans le
tableau 5.1.
Tableau 5.1 : obtention des déformations différées
et hypothèses de découplage sous-jacentes.
Obtention à partir des données
Déformation Hypothèses de découplage
expérimentales
Retrait Le retrait endogène est indépendant
Retrait total, retrait endogène
de dessiccation du phénomène de dessiccation.
Déformation totale endogène, Le retrait d’une éprouvette chargée
Fluage propre déformation instantanée est le même que celui d’une éprouvette
au chargement, retrait endogène non chargée.
Déformation totale, déformation Hypothèse précédente et indépendance
Fluage
instantanée au chargement, du fluage propre par rapport
de dessiccation
retrait en dessiccation, fluage propre au phénomène de dessiccation.

Le retrait endogène ainsi que le retrait de dessiccation peuvent être interprétés,


du moins partiellement, comme des fluages sous contrainte hydrique.

3. DÉFORMATIONS DE RETRAIT
Ainsi que nous venons de le voir, en l’absence de chargement, la pâte de ciment,
et donc le béton, subissent des variations dimensionnelles. Celles-ci sont d’autant
plus évidentes aux yeux de l’ingénieur qu’elles provoquent souvent des fissura-
tions précoces qui peuvent mettre en péril la durabilité de l’ouvrage. Ces phéno-
mènes précoces seront développés dans le chapitre 6.
Elles peuvent aussi être la cause de fissuration plus tardive ainsi que d’effets
structuraux qu’il faut prendre en compte dans les calculs. Dans le paragraphe pré-
cédent nous nous sommes attachés à décrire les causes microstructurales des dé-
formations différées de retrait et de fluage.

179
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Dans ce paragraphe, pour les déformations de retrait, et dans le suivant, pour cel-
les de fluage, nous nous intéresserons aux différents paramètres influant sur ces
déformations différées afin de sensibiliser l’ingénieur aux conséquences du choix
des matériaux utilisés dans la composition du béton et de la nature du milieu am-
biant indépendamment de tout aspect de calcul réglementaire qui sera abordé au
paragraphe 6.
3.1. Les retraits à court et moyen termes
Dans un premier temps ces retraits sont principalement dus à l’hydratation du ci-
ment (retrait endogène ou d’autodessiccation) et au retrait thermique déjà décrits
au paragraphe 2.
Pour ce qui a trait au calcul des structures, le retrait qui nous intéresse est unique-
ment celui qui intervient après la prise de la pâte de ciment c’est-à-dire que l’on
fera abstraction du retrait plastique. Après la rigidification du squelette, on assiste
à un gonflement d’origine chimique dû à la formation et à la transformation de
gros cristaux (ettringite). Cette déformation différée endogène n’est généralement
pas considérée dans le cas de la modélisation du comportement différé du béton
d’une structure, ceci pour des raisons liées à la complexité de sa prise en compte
par rapport à son amplitude.
À partir du moment où le squelette de la pâte de ciment durcit, le retrait endogène
va être pris en compte par le mécanicien.
L’intensité de ce retrait dépend principalement du rapport E/C.
En effet, plus la quantité de ciment sera élevée plus l’hydratation fera appel à
l’eau libre des pores du béton et augmentera l’autodessiccation et, inversement,
plus la quantité d’eau libre sera grande moins l’autodessiccation se fera sentir car
les besoins en eau pour l’hydratation seront toujours immédiatement satisfaits et
ne créeront pas de dépression capillaire. Compte tenu de cela on peut déjà imagi-
ner que les bétons « courants » de résistance peu élevée (25-30 MPa) qui ont des
rapports E/C élevés, supérieurs à 0,5, auront des retraits d’autodessiccation qua-
siment négligeables alors que les bétons à hautes performances (BHP) de résis-
tance supérieure et de teneur en eau beaucoup plus faible (rapport E/C voisin de
0,3) auront des retraits d’autodessiccation significatifs. Ces retraits sont d’autant
plus accentués que ces bétons présentent des pores plus fins que ceux des bétons
ordinaires et permettent des développements plus importants des dépressions ca-
pillaires. La figure 5.5 montre l’évolution en fonction du temps de l’humidité re-
lative interne dans les bétons sans échange hydrique avec l’atmosphère pour
différents rapports E/C et met en évidence l’autodessiccation des bétons de rap-
port E/C < 0,5. La figure 5.6 montre l’évolution du diamètre des pores en fonction
du même rapport. La figure 5.7 illustre l’évolution la relation entre la déformation

180
Retrait et fluage

différée de retrait d’autodessiccation et l’humidité relative suivant que l’on a af-


faire à un béton courant ou un BHP.

100

95

90
n° 0 E/C = 0,75
HR (%)

n° 1 E/C = 0,59
85 n° 2 E/C = 0,44
n° 3 E/C = 0,39
n° 4 E/C = 0,39
80 n° 5 E/C = 0,33
n° 7 E/C = 0,27

75

70
0 50 100 150 200 250 300 350 400
Temps (j)

Figure 5.5 : évolution en fonction du temps de l’humidité relative interne des bétons
sans échange hydrique avec l’atmosphère pour différents E/C [YSS 95].
À l’équilibre, au bout de plus d’un an, les bétons de E/C > 0,5 (bétons courants) ont toujours une
hygrométrie maximale de 100 % alors que l’hygrométrie des BHP peut descendre aux alentours de
75 %.

Porosité capillaire Pores des hydrates


0,5

E/C
0,4
Volume empli (cm3/g)

0,3
0,4
0,5
0,3
0,6
0,7
0,8
0,2
0,9

0,1

0,0
0

0
0

40 0
0

5
5
0

10
0
0

30
40
80

50
60

20

7
15
60

20
00

50
80

15

4,
12
10
30
1

Diamètre des pores (nm)


Figure 5.6 : influence sur le diamètre des pores du rapport E/C [MEH 80].
Le diamètre des pores saturés diminue avec le rapport E/C et, à partir de E/C < 0,5, la porosité capil-
laire interconnectée devient négligeable.

181
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

100 100

99 95

Humidité relative (%)


Humidité relative (%)

98 Béton courant 90 BHP

97 85

96 80

95 75

94 70
50 60 70 80 90 100 110 120 130 140 100 120 140 160 180 200 220
Microdéformations Microdéformations

Figure 5.7 : relation entre la déformation différée de retrait d’autodessiccation


et l’humidité relative suivant que l’on a affaire a un béton ordinaire ou un BHP [BAR 94].
Dans le cas du béton courant, l’évolution est linéaire et est attribuée au mécanisme de variation des
dépressions capillaires. Pour les BHP, cette évolution est bilinéaire. La première partie (humidité re-
lative supérieure à 76 %) est la conséquence de la variation des dépressions capillaires. Au-delà l’eau
libre des pores capillaires serait entièrement consommée. Les déformations de retrait continuent alors
plus lentement, car l’eau consommée est adsorbée et non plus libre.

L’intensité du retrait endogène augmente inversement au rapport E/C (Eau/Ci-


ment ou Eau/Liant). Ainsi les bétons dits « courants » dont le rapport E/C dé-
passe 0,5 ont un retrait endogène très faible alors que les bétons à hautes
performances (BHP) ont un retrait endogène non négligeable. C’est pourquoi la
notion de retrait endogène est apparue avec le règlement BPEL 99 applicable
aux BHP alors que dans les règlements précédents on ne différenciait pas la cau-
se du retrait.

3.2. Le retrait à long terme


3.2.1. Le retrait de dessiccation
La cinétique du retrait de dessiccation est liée à celle du départ de l’eau et dépend
des conditions d’ambiance (figure 5.8). On peut relier l’accroissement du retrait
de dessiccation à la perte de masse des éléments.
La perte en eau en fonction du temps dans un béton en dessiccation vérifie une loi
en racine carrée du temps classique dans les phénomènes de diffusion (ici le sé-
chage, voir figure 5.9). Ainsi que nous l’avons décrit au paragraphe 2, ceci a pour
conséquence l’apparition à l’intérieur du béton de gradients hydriques qui restent
longtemps très forts et localisés au voisinage de la surface des pièces.

182
Retrait et fluage

Retrait (μm/m)

Hr50
600

Hrse

400

200

Hr98
0
0 200 400 600 d

– 200 Hreau

Figure 5.8 : évolutions comparées des déformations différées de retrait d’un BHP
dans différentes conditions d’ambiance : se, sans échange, 50, 98 degré hygrométrique
de l’ambiance, (eau) pour immergé [SIC 92].

Perte de masse volumique


(g/cm3)

4
D 11
3 D 16
D 21
2

0
1 4 9 16 25 30 49 64
—t
7j 14 j 28 j 56 j

Figure 5.9 : évolution de la perte en eau mesurée dans des éprouvettes de diamètre 11,
16 ou 21cm en fonction de la racine carrée de la durée de séchage [ACK 88].

On a donc, figure 5.10, pour les pièces soumises à la dessiccation, un effet


d’échelle très important. Ainsi on peut estimer que si un potelet, un hourdis d’une
dizaine de centimètres d’épaisseur sèchent à cœur en dix ans maximum, pour une
dalle de 25 centimètres il faudra quelques dizaines d’années et pour une pile, un
caisson de l’ordre de un mètre d’épaisseur l’état d’équilibre ne sera atteint qu’au
bout d’un siècle !

183
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

2
28 jours
Variation de masse (%)
1 3 mois
Référence t = 0 4 ans
0

–1

–2
BC
–3

–4
–8 –7 –6 –5 –4 –3 –2 –1 0 1 2 3 4 5 6 7 8
Rayon (cm)
2
28 jours
Variation de masse (%)

1
3 mois
Référence t = 0 4 ans
0

–1

–2 BTHP
–3

–4
–8 –7 –6 –5 –4 –3 –2 –1 0 1 2 3 4 5 6 7 8
Rayon (cm)

Figure 5.10 : variations relatives de masse dans un échantillon cylindrique de béton


courant (BC) et de béton à très hautes performances (BTHP), mis en dessiccation à 1 jour
[LAR 91].

On constate l’importance du gradient hydrique entre la surface et le cœur de la


pièce. Le gradient hydrique est plus fort pour les bétons à hautes performances (fi-
gure du bas), car leur porosité communicante est beaucoup plus faible que celle
des bétons ordinaires (figure du haut)
En conclusion de l’analyse phénoménologique des retraits des bétons amorcée au
paragraphe 2, on peut établir la liste des facteurs qui les gouvernent :
– les quantités d’eau et de ciment ;
– la présence d’ajouts minéraux, entre autres de fumée de silice qui produisent
un réseau poreux plus fin ;
– le volume de la pâte ;
– le module élastique des granulats ;
– la nature et la finesse du ciment ;
et, dans le cas de la dessiccation :
– les dimensions de la pièce, le rapport surface/volume ;
– l’hygrométrie de conservation.
Nous verrons au paragraphe 6 que certains de ces paramètres sont pris en compte
par les modèles réglementaires, et d’autres, seront négligés malgré leur influence.

184
Retrait et fluage

On peut citer, à titre d’exemple, l’influence de la nature des granulats


(figure 5.11).
L’influence du volume relatif des granulats est aussi très nette (figure 5.12).

1 600

grès
gravier
basalte
1 200
granite
calcaire
quartz
Retrait 10–6

800

400

0
10 28 90 1 2 5 10 20 30
Jours Années
Temps (échelle log)
Figure 5.11 : influence de la nature minéralogique du granulat
sur le retrait de dessiccation [NEV 96].

1,0

0,8
Retrait relatif

0,6

0,4

0,2

0 20 40 60 80 100 %
Volume relatif des granulats

Figure 5.12 : influence du volume relatif des granulats d’après Pickett cité dans [NEV 96].

L’influence de la nature des granulats (facteur mécanique ou minéralogique) est


extrêmement importante, de même que leur pourcentage volumique. Ce para-
mètre est malheureusement très difficile à intégrer dans les calculs, car il est ra-
rement connu au moment des études.

185
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

3.2.2. Une déformation spontanée particulière : le gonflement sous eau


Il faut distinguer le gonflement d’origine chimique, précédemment décrit, qui est
dû à la transformation de l’ettringite et qui apparaît entre le premier et le second
retrait et le gonflement qui est induit par la conservation d’une pâte de ciment ou
d’un béton sous eau. En effet seul ce dernier intéressera le mécanicien des struc-
tures.
Ce gonflement à long terme est lié à la structuration progressive de la pâte de ci-
ment lors de l’hydratation qui se fait, dans ce cas, avec une augmentation consi-
dérable des surfaces spécifiques.
Ce gonflement se poursuit très longtemps, pour une pâte de ciment il est encore
très sensible à 1000 jours et peut atteindre 0,2 %. Pour un béton il est de l’ordre
de 10–4.

4. DÉFORMATIONS DE FLUAGE
Dans le paragraphe 2 nous avons détaillé les causes microstructurales des défor-
mations de retrait et de fluage. Regardons maintenant à une échelle plus globale
les paramètres influant sur ces déformations de fluage qui peuvent être, comme
indiqué précédemment, divisées en fluage endogène ou « propre » et en fluage de
dessiccation.
4.1. Les facteurs d’influence
4.1.1. Le chargement
Quelle qu’en soit la cause microstructurale la déformation de fluage est liée à l’in-
tensité de la charge constante appliquée.
Si à l’instant t0, on applique un échelon de chargement en compression au béton,
le comportement rhéologique change et on a une accélération importante de la dé-
formation différée (figure 5.13).

186
Retrait et fluage

H (μm/m)

700

600
Hdiff
Déformation

500

400
Hfse
300
Hrse
200
j – t0
100

0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 220 240 jours

V (MPa)
Contrainte

40
V = 37 MPa
30
20
10

0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 220 240 jours


t0 = 51 j
Temps

Figure 5.13 : déformation totale différée (retrait et fluage) depuis le démoulage


d’un béton chargé après t0 jours de durcissement.

Le fait d’appliquer un échelon de contrainte σ entraîne une augmentation sensible de la vitesse de


déformation différée.

Sous des contraintes modérées la vitesse de la déformation différée diminue dans


le temps. Le comportement du béton est intermédiaire entre un comportement
élastique où le fluage serait nul et un comportement visqueux où il se ferait à vi-
tesse constante. On qualifie ce comportement de viscoélastique.
Une autre caractéristique du fluage du béton est mise en évidence par le charge-
ment à des âges différents d’éprouvettes de béton provenant d’une même gâchée
(figure 5.14).

187
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

V0

0 t

`
H

Retard

Déformation instantanée

0 t
8 28 60 91 120 Jours

Figure 5.14 : échelons de contrainte de même intensité appliqués sur un même béton
à des âges croissants.
Plus l’éprouvette est soumise tardivement au fluage moins la déformation différée est importante.

On constate que plus l’éprouvette est soumise tardivement à une charge moins la
déformation différée est importante. Cela est dû au comportement « vieillissant »
du béton, le « vieillissement » étant pris dans son sens le plus noble.
On dira ainsi que le comportement en fluage du béton est viscoélastique vieillis-
sant.
Sous contrainte permanente modérée (c’est le cas de la plupart des ouvrages) la
déformation différée de fluage du béton est proportionnelle à la contrainte per-
manente appliquée. Il peut donc être classifié comme matériau « viscoélastique
linéaire ». De plus, si l’âge du béton augmente sa réponse en déformation dimi-
nue, il est donc « viscoélastique linéaire vieillissant ».

Dans tout ce qui précède nous avons supposé implicitement que le chargement de
fluage était modéré, c’est à dire qu’il ne dépassait pas la moitié de la charge de
rupture sous chargement instantané σR. Si l’on applique des charges plus élevées
(au-delà de 0,7 σR par exemple) le comportement viscoélastique change de
nature: la vitesse de fluage qui était décroissante (fluage primaire) peut devenir
constante (fluage secondaire) et pourra amener à terme à la rupture après accélé-
ration de la vitesse de fluage (fluage tertiaire) (figure 5.15).

188
Retrait et fluage

fluage
rupture
tertiaire

Déformation de fluage 2
fluage
secondaire

fluage
primaire
1

fluage primaire

t
0
Durée de chargement

Figure 5.15 : évolution de la déformation de fluage en fonction du temps, sous charge


modérée (1) et sous charge intense (2) pouvant conduire à la rupture par fluage tertiaire.
Le passage du fluage primaire au fluage secondaire dépend, d’une part, de l’intensité de la charge
appliquée et, d’autre part, de la durée du chargement ou de la période d’observation.

Nous venons de voir que le comportement rhéologique des bétons sous charge
semblait être du type viscoélastique vieillissant. Nous verrons (§ 6.2.1) que le trai-
tement mathématique du caractère viscoélastique n’est aisé, pour le calcul des
structures soumises à des histoires de chargement complexes, que dans le cas de
la viscosité dite « linéaire ».
La linéarité suppose, d’une part, que la réponse en déformation à un échelon de
contrainte soit proportionnelle à l’intensité de cet échelon et d’autre part, que le
principe de superposition soit vérifié, i.e. si l’on superpose deux histoires de sol-
licitations, la réponse est la superposition des réponses.
Qu’en est-il de ces deux principes pour le béton ?
Acker et Barral [ACK 83] ont confirmé (figure 5.16) que la proportionnalité de la
déformation à la contrainte appliquée était respectée tant que la contrainte appli-
quée ne dépassait pas 40 % à 50 % de la charge de rupture. La valeur exacte de ce
seuil dépend de l’âge du béton au chargement et augmente avec celui-ci.

189
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Déformation
différée
totale
H(t)

h
0 Domaine
00
Domaine 00 de rupture
s5
de proportionnalité rè
ap
0h
0 00
rè s1
ap
h
00
10
ès
apr

Retrait pur
^ Contrainte appliquée
V0/Vrupture

0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8

Figure 5.16 : déformation différée totale en fonction de la contrainte permanente


appliquée à différentes échéances : la linéarité est admissible
jusqu’à environ 0,5 σ rupture [ACK 83].

Le domaine de linéarité des bétons à hautes performances paraît être plus impor-
tant que celui des bétons ordinaires. Cette linéarité se poursuivrait jusqu’à des
taux de contraintes voisins de 60 % à 70 % même pour des bétons chargés aux
jeunes âges.
On verra, ci-dessous lors de l’étude de la recouvrance, que ce principe de super-
position est caduque dans le cas de déchargements.
Tant que le chargement stationnaire est modéré, environ 50 % de la charge de
rupture en compression, la déformation de fluage est proportionnelle à la con-
trainte permanente appliquée. Pour l’Eurocode 2 la valeur limite est de 45 %.

4.1.2. Les conditions d’ambiance, d’environnement et d’effet d’échelle


Pour la partie endogène du fluage seule la température peut avoir une influence.
Dans des gammes de températures « normales » d’utilisation, 15 à 25 °C, l’effet
de la température ne sera pas prépondérant. Ce n’est que dans les cas extrêmes
de températures élevées (> 30 °C) qu’il faut prendre en compte l’effet
amplificateur de la température sur le fluage.
Pour le fluage total en dessiccation les conditions d’ambiance jouent à plein à
cause de la possibilité des échanges hydriques.

190
Retrait et fluage

Une expérience intéressante pour mettre en évidence l’influence des conditions


d’ambiance consiste à comparer les déformations différées totales en fluage de
deux éprouvettes, d’un même béton, dont l’une a été préalablement séchée afin
d’évacuer toute l’eau libre. On s’aperçoit alors que cette dernière présente un flua-
ge négligeable (10 µm/m) par rapport à l’éprouvette non prétraitée (300 µm/m).
Si la baisse du taux d’humidité relative a une grande influence sur la cinétique du
retrait elle est moins prépondérante dans le cas du fluage tout au moins dans des
cas courants de dessiccation (HR = 50 % et 75 %). L’humidification du béton
(HR = 99 % et 100 %) réduit, pour sa part, très fortement la cinétique de fluage.
Par contre, en ce qui concerne l’amplitude du fluage final, l’hygrométrie relative
a une influence très nette (figure 5.17).

1,8

1,6
Fluage HR/fluage 75 %

1,4

1,2

1,0

0,8

0,6

0,4

0,2

0 50 75 99
Humidité relative (HR)

Figure 5.17 : rapport entre le fluage sous hygrométrie HR variable et le fluage


sous une hygrométrie de 75 %, courante en France métropolitaine. On peut atteindre
un facteur 3 [CEB 90].

L’effet d’échelle traduit l’influence de la dimension de la structure par rapport à


ses possibilités d’échange avec le milieu extérieur.
Il est généralement caractérisé par le rapport de la section de béton A par le péri-
mètre de cette section u en contact avec l’ambiance.
D’après Hilsdorf [CEB 90] la déformation de fluage serait d’autant plus faible que
l’épaisseur est importante. Elle chuterait en moyenne de 25 % entre des pièces fi-
nes (A/u = 50 mm) et celles très épaisses (A/u = 500 mm).

191
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

L’âge au chargement n’a pas d’influence apparente sur la cinétique de fluage. Le


fluage final, par contre, sera grandement modifié. Ainsi, si l’on prend pour réfé-
rence un chargement à 14 jours, un chargement à 3 jours verra le fluage final mul-
tiplié par 1,3, un chargement à 90 jours par 0,8 et à 3 ans par 0,2 (ordre de
grandeur pour des éprouvette de A/u entre 20 et 50 mm, une humidité relative de
50 à 70 %).
Il y a un couplage des effets de température et d’hygrométrie relative [CEB 90].
En conclusion nous pouvons dire que ces conditions d’environnement ont, pour
la plupart, tant pour les retraits que les fluages une importance notable. Elles doi-
vent donc être prises en compte dans les lois du comportement différé proposées
par les codes.
Le tableau 5.2 récapitule de manière qualitative l’influence des divers paramètres.
Tableau 5.2 : influence de différents facteurs sur le retrait et le fluage

Retrait Fluage

Endogène Dessiccation Endogène Dessiccation

Cinétique Final Cinétique Final Cinétique Final Cinétique Final

Humidité relative 0 0 + ++ 0 0 + ++

Effet d’échelle 0 0 ++ + 0 0 ++ +

Âge au chargement 0 0 = = ++ ++ = ++

Température + + +(*) ++(*) +(*) +(*) ++(*) ++(*)

+ + Grande Influence, + Influence notable, = peu ou pas d’influence, 0 non concerné.


(*) Pour des températures très élevées

4.1.3. Les paramètres de composition des bétons courants


Ces paramètres de composition ne sont généralement pas pris en compte dans les
calculs des projets de structure car l’ingénieur ignore, lorsqu’il conçoit son ouvra-
ge, la composition du béton qui sera utilisée. Il se raccroche, sauf exception, à une
seule variable qui est la résistance caractéristique en compression à 28 jours (fc28).
Nous allons voir ci-après que ces facteurs de composition sont, néanmoins, in-
fluents et peuvent guider le projeteur, lorsqu’il a la maîtrise de la composition,
afin d’obtenir un meilleur béton vis-à-vis des déformations différées potentielles.
De telles approches ont été utilisées récemment, notamment dans le cas d’ouvra-
ges en bétons à hautes performances.

192
Retrait et fluage

Plus le volume relatif des granulats est grand, plus le fluage est faible (comme nous
l’avons illustré pour le retrait). Mais tout doit être relativisé car la marge de fluctua-
tion de la quantité de granulats dont l’ingénieur dispose pour réaliser un bon béton
de structure n’est pas très grande. On peut retenir comme ordre de grandeur que pas-
ser de 65 à 75 % de granulats en volume amène une diminution de fluage de 10 %.
De par la grande variété des granulats utilisés en génie civil, variété liée à leur na-
ture minéralogique et qui a des conséquences à la fois mécaniques (rigidité varia-
ble) et physiques (porosités différentes), il est, à l’heure actuelle, très difficile de
tirer des conclusions sur l’effet des granulats.
Toutefois, il faut signaler que l’influence de la nature des granulats est très nette, les
déformations de fluage peuvent être, pour des bétons de compositions semblables,
mais de granulats différents dans un rapport de 2, voire de 5 pour certains auteurs.
D’après Rusch cité par Neville [NEV 96] l’ordre de qualité décroissante pour les
granulats vis-à-vis du fluage du béton serait le basalte, le quartz, le marbre, le gra-
nit puis le grès (la figure 5.18 donne un exemple de ces variations). Mais cet ordre
n’est valable que pour la variété des matériaux qu’il a effectivement testée. En ef-
fet on peut trouver deux granulats de même nature minéralogique entraînant des
comportements totalement différents [CUB 96].
10–4

16
grès
basalte
gravier
Déformation de fluage

12
granit
quartz
calcaire

0
10 28 90 1 2 5 10 20 30
jours années
Durée de chargement

Figure 5.18 : déformation de fluage en fonction du temps pour divers types de granulats.
Ce diagramme montre toute l’importance du choix du granulat
pour optimiser le comportement, d’après [NEV 96].
La déformation finale de fluage serait 4 fois plus forte pour des bétons de granulats de grès que pour
ceux de calcaire. L’ordre décroissant de performance vis-à-vis du fluage étant, pour ces granulats tes-
tés, le grès, le basalte, les granulats roulés, le granit, le quartz et le calcaire.

193
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

La figure 5.19 (travaux de Hummel et al. cité par [CEB 90]) traduit nettement la
liaison entre la déformation totale de fluage, la cinétique et la résistance en com-
pression du béton. On peut imaginer de faire abstraction des autres paramètres de
composition des bétons (rapport E/C, nature du ciment, etc.) pour ne conserver
que ce paramètre traduisant le fluage de la composition utilisée.
Fonction fluage (10–4/MPa)

2
19 MPa

26,9 MPa

1 35,3 MPa
43,1 MPa

0 Jours
1 10 102 103 104

Durée de chargement
Figure 5.19 : valeur de la fonction fluage (ou fluage spécifique) en fonction de la durée
de chargement pour des bétons de résistance croissante, d’après [CEB 90].
La fonction fluage est le coefficient multiplicateur de la contrainte appliquée pour obtenir la déforma-
tion différée de fluage. On constate que ce coefficient décroît de manière importante avec la résistan-
ce du béton.

Nous avons vu lors de l’étude sur le retrait que le rapport E/C avait une grande
importance sur l’intensité de la déformation différée. Il en est de même pour le
fluage. Comme pour le retrait, les bétons fermes (de rapport E/C réduit) présen-
tent un fluage de dessiccation plus modéré.
La nature du ciment a une influence minime sur la valeur finale du fluage qui di-
minue très légèrement avec les ciments de type R. C’est donc un comportement in-
versé par rapport au retrait. Cependant, le type de ciment influe sur la valeur finale
du fluage à cause du degré d’hydratation au moment d’application de la charge.
L’influence de la nature du ciment est forte pour les bétons chargés jeunes alors
que pour les bétons chargés plus tard l’influence s’atténue.
En conclusion, on peut constater que les paramètres de composition influencent
la valeur finale du fluage. Toutefois, ils ne peuvent pas être pris en compte par le
calculateur qui n’en est pas maître (du moins c’est encore exceptionnel). C’est
pourquoi nous verrons que les codes font généralement l’impasse sur ces para-
mètres lors de l’établissement de leur modèle de retrait et de fluage. Toutefois, si
le nombre d’ouvrages pour lesquels le projeteur ou le concepteur pense à utiliser

194
Retrait et fluage

les potentialités des bétons et l’intègre à sa démarche est encore faible, celui-ci
croît très vite car il s’agit d’une voie de progrès de plus en plus utilisée.
Les paramètres de composition influencent grandement l’amplitude du fluage,
l’utilisation de certains granulats peut multiplier la déformation différée par 2
voire 3, la nature du ciment influe sur le comportement des bétons chargés jeunes.

ˆ Cas des bétons à hautes performances


Les bétons à hautes performances (BHP) sont une amélioration des bétons ordi-
naires obtenue par l’utilisation d’un superplastifiant couplée ou non avec celle de
fumée de silice (FS). Le but principal de ces ajouts est d’obtenir, in fine, un béton
moins poreux donc plus résistant.
L’utilisation des superplastifiants permet de réduire la quantité d’eau utilisée lors
du gâchage, le rapport E/C peut descendre de valeurs voisines de 0,5 à des valeurs
voisines de 0,35. On voit, dès lors, toutes les conséquences que cela pourra avoir
sur les phénomènes de retrait et de fluage tant ceux-ci sont intimement liés aux
migrations d’eau.
L’utilisation de fumée de silice, particules très fines de l’ordre du micromètre,
permet de diminuer encore la porosité du béton entraînant d’autres modifications
du comportement différé.
Nous passons en revue, ci-après, l’influence des principaux paramètres qui distin-
guent les bétons courants des BHP du point de vue du fluage.
Le fluage propre, en dehors du cas de chargement au très jeune âge, dépend prin-
cipalement de la résistance du béton au moment du chargement, la déformation
de fluage décroissant en fonction de cette résistance.
Cette observation montre que deux bétons de résistance finale différente de-
vraient présenter un même coefficient de fluage (qui est défini comme le rapport
entre la déformation différée et la déformation instantanée) si leur résistance au
moment du chargement est identique même si leur âge est différent.
La vitesse de développement du fluage propre est beaucoup plus grande pour les
BHP que pour les bétons ordinaires. La stabilisation est, dès lors, plus rapide.
Le coefficient de fluage est très élevé pour des bétons chargés dès les premiers
jours du durcissement Les BHP chargés très jeunes auront donc un fluage final
du même ordre de grandeur que celui d’un béton ordinaire.
Le fluage de dessiccation est, généralement atténué pour des bétons à hautes per-
formances. L’utilisation de fumée de silice augmente encore cette atténuation.
Comme nous avons vu au départ que le fluage propre diminuait comme la résis-
tance pour des bétons chargés à des âges supérieurs à 3 jours, comme la résistan-

195
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

ce, on peut donc affirmer que les BHP présentent en dessiccation des fluages
totaux beaucoup plus faibles que les bétons courants.
Cette diminution du fluage de dessiccation est intéressante pour des pièces mas-
sives, et surtout pour des ouvrages à zones d’épaisseurs différentes, car elle va at-
ténuer grandement l’effet d’échelle.
Pour les BHP, la vitesse de développement du fluage propre est beaucoup plus
grande que pour les bétons courants, la stabilisation étant, dès lors, plus rapide.
Le fluage de dessiccation est très atténué, l’utilisation de fumée de silice augmen-
te encore cette atténuation.
ˆ Cas des bétons autoplaçants (BAP)
Les résultats du projet national BAP ont montré que ces bétons n’avaient pas une
sensibilité particulière vis-à-vis des déformations différées. Ils se comportent
donc comme les autres bétons.
4.2. La recouvrance
Si l’on cesse l’application de la charge stationnaire (le programme de chargement
est dit alors en créneau) on constate que, d’une part, il y a diminution instantanée
de la déformation du matériau due à son élasticité et, d’autre part, cette diminution
peut se poursuivre dans le temps avec plus ou moins d’intensité. Ces déformations
correspondent à la recouvrance instantanée et différée (figure 5.20).

V H

1
V0
2

0 u0 u1 t 0 u0 u1 t
1 - Recouvrance instantanée
2 - Recouvrance différée
3 - Déformation résiduelle

Figure 5.20 : effet d’un « créneau » de contrainte, mise en évidence de la recouvrance.

La recouvrance, appelée aussi retour de fluage dépend principalement de la durée


d’application du créneau de contrainte, c’est un couplage de la viscoélacticité du
matériau et de son vieillissement. Ce n’est donc pas une donnée caractéristique.
Des expériences d’additivité permettent de déterminer la validité du principe de
superposition. Il s’agit, ainsi que l’a réalisé Drackey-Lawson [DRA 82], de com-
parer l’évolution rhéologique de plusieurs éprouvettes chargées à l’origine unifor-

196
Retrait et fluage

mément puis ensuite soumises à l’instant t1 à des échelons de contraintes


différents proportionnels entre eux, positifs ou négatifs.
Si la proportionnalité est vérifiée, la réponse en déformation doit être identique
pour tous les échelons de contrainte de même intensité qu’ils soient positifs ou né-
gatifs. Or il s’avère que si la proportionnalité est bien vérifiée pour des échelons
proportionnels positifs, il n’en est rien dans le cas d’échelons proportionnels né-
gatifs i.e. dans le cas d’une expérience de recouvrance partielle (figure 5.21).
Le comportement au déchargement d’un béton n’est donc pas symétrique de celui
qu’il aurait pour un chargement de même intensité. Le principe de superposition
est dans ce cas pris en défaut.

Contraintes Déformations (retrait réduit)


V (MPa) H (μ/m) E1

1 000
E2
E1 800
15
E2 600 E3
11,25 E4
E3 400
7,50
E4 E5
200
3,75
E5 0
0
72 272 472 672 872 1 072 1 272 Âge (heures)

Figure 5.21 : cinq bétons ont été soumis initialement à un palier de charge commun E3
ensuite de quoi 2 ont subi des échelons de contrainte positifs E2 et E1, et 2 négatifs E4
et E5, E5 amenant au déchargement complet. Les échelons de contraintes
étant tous égaux en valeur absolue.
Pour les échelons de contrainte positifs la réponse en déformation est proportionnelle. On constate,
a contrario, que les réponses en déformation pour les échelons négatifs ne suivent plus le principe de
proportionnalité.

Dans le cas d’histoires de chargement comprenant des chutes instantanées de con-


trainte d’amplitude significative, le principe de superposition – et, partant, le mo-
dèle viscoélastique linéaire (VEL) – est fortement mis en défaut. Dans le cas
contraire (faibles variations de la compression, variations continues toujours
croissantes), le principe et le modèle VEL conduisent à des erreurs limitées gé-
néralement acceptables.
Pour des échelons de contrainte négatifs (déchargements) la réponse en retour
de fluage n’est plus linéaire en fonction de l’échelon de contrainte.

197
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

4.3. Les comportements en traction, flexion, torsion


Il existe dans la littérature très peu de résultats concernant le fluage sous des char-
ges autres que la compression uniaxiale. Certains ordres de grandeur sont toute-
fois avancés sans qu’ils soient parfaitement étayés.
Ainsi le fluage en traction serait, à charge égale, plus élevé de 20 % à 30% que
celui en compression. Cet écart serait fonction de l’âge au chargement et de l’am-
biance de conservation. Le fluage initial serait plus faible en traction qu’en com-
pression (ainsi que les déformations instantanées), inversement la vitesse de
fluage est ensuite plus rapide et le fluage final est plus important qu’en compres-
sion [ATR 05].
En flexion, si certains essais ont été effectués, ils n’ont pu être interprétés de ma-
nière satisfaisante, compte tenu des effets de la fissuration de peau sur le méca-
nisme de déformation puis de rupture, rapide, des éprouvettes.
En torsion, Neville [NEV 96] cite les essais déjà anciens de Le Camus de 1945 et
ceux de Lambotte de 1962. D’après ces auteurs, les résultats obtenus en compres-
sion sur le coefficient de fluage et la cinétique du phénomène seraient transposa-
bles en torsion.
Sous sollicitations multiaxiales, on peut interpréter les déformations à l’aide d’un
coefficient de Poisson de fluage. Les résultats expérimentaux montrent toutefois
que ce coefficient de Poisson est différent du coefficient élastique et qu’il présente
une grande dispersion [BEN 02]. Et pourtant il joue un rôle important dans le
comportement de structures précontraintes biaxialement comme les enceintes de
centrales nucléaires [GRA 93].
4.4. Le couplage retrait-fluage
On peut se poser la question de la pertinence du découpage arbitraire de la défor-
mation totale différée sous charge en déformation de retrait, d’une part, et fluage
de l’autre. Déjà, en 1957, Lhermitte se posait la question de l’indépendance des
phénomènes de retrait et fluage. De nombreux travaux ont mis en évidence les re-
lations qui pouvaient exister entre ces deux déformations. Ainsi, si l’on reporte
les déformations totales d’un béton sous charge en fonction de la déformation de
retrait, on peut scinder le comportement différé en trois zones (figure 5.22) :
– la phase 1, de courte durée (quelques jours), proportionnelle à la déformation
élastique instantanée qui est en réalité, pour certains auteurs, une réponse élasti-
que différée ;
– la phase 2, de très longue durée et qui représente la plus grande partie de la
déformation différée dans laquelle il existe une linéarité entre les déformations
sous charge et les déformations de retrait ;

198
Retrait et fluage

– et, enfin, une phase 3 qui traduit le comportement à très long terme et qui n’est
visible que pour des taux de charge importants. Cette phase 3 n’est en aucun cas
un fluage tertiaire, elle signifie simplement que la déformation sous charge con-
tinue de progresser alors que celle de retrait s’arrête faute d’un potentiel interne
trop faible.
Cette décomposition est validée aussi bien pour les déformations totales que pour
le conditionnement sans échange hydrique.

3 500
Déformation sous charge (1.e-6)

3 000

2 500

2 000

1 500 B1
B2
1 000 B3
B4
B5
500 B6
Déformation de retrait (1.e-6)
0
0 100 200 300 400 500 600 700 800

Figure 5.22 : relation entre déformations sous charge et déformations de retrait


en mode séchage [PON 03].

La première phase de comportement sous charge présente une similitude avec les
déformations de recouvrance ce qui tend à indiquer son caractère réversible. Ces
déformations suggèrent un mécanisme diffusif de l’eau libre dans les espaces ca-
pillaires induit et amplifié par l’application de la contrainte due au chargement.
La seconde phase peut s’expliquer en assimilant le retrait à un fluage sous con-
trainte hydrique. Acker [ACK 01] a montré que le fluage, dans sa partie visqueu-
se, ne dépend que des C-S-H. La partie réversible est due à l’élasticité des autres
constituants. Il a introduit la notion de « potentiel de fluage ». Ce potentiel est une
donnée intrinsèque au matériau une fois que celui-ci est fabriqué. Il est fonction
des C-S-H. Mais, ce potentiel peut être consommé par le retrait qui est considéré
comme un fluage sous charge hydrique. C’est pour cette raison qu’à même taux
de chargement, l’âge de mise en charge influe : plus on repousse la date de char-
gement, moins les déformations de fluage seront importantes. En fait, cela traduit
le fait que le béton aura épuisé un peu de son « potentiel », puisque le retrait aura
été plus grand.

199
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Les déformations de retrait et celles de fluage ont, pour partie, la même origine
physique, c’est pour cela que certains modèles réglementaires (i.e. l’Eurocode 2
partie ponts [EC2 04-2]) proposent de déduire les unes des autres (fluage de des-
siccation exprimé en fonction du retrait de dessiccation).

5. MÉTHODOLOGIE DES ESSAIS DE FLUAGE ET DE RETRAIT


Les résultats expérimentaux sur le retrait et le fluage du béton que l’on peut trou-
ver dans la documentation sont souvent difficiles à analyser comparativement car
les protocoles expérimentaux sont très diversifiés. Les effets d’échelle, d’environ-
nement, etc. étant très importants, il convient d’essayer de normaliser ce type
d’essais si l’on veut pouvoir atteindre les caractéristiques intrinsèques. Nous dé-
taillons ci-après la méthode expérimentale recommandée par la Rilem [RIL 97].
Dans la recommandation de la Rilem on distingue, comme détaillé précédem-
ment, les déformations endogènes, sans échange hydrique avec le milieu ambiant,
et celles en dessiccation conventionnellement mesurées à une température de
20 °C ± 1 °C et à une humidité relative de 50 ± 5 % ou bien de 25 °C ± 1 °C et à
une humidité relative de 65 ± 3 %
L’appareillage doit être capable d’appliquer une compression centrée et de la
maintenir constante dans le temps. Le maintien de la charge doit se faire à ± 1 %
près.
Les mesures de retrait et de fluage doivent être effectuées avec le même appa-
reillage à mi-hauteur de l’échantillon et sur au moins trois génératrices. La distan-
ce entre les points de mesure et les extrémités de l’échantillon doit être supérieure
à 2 fois le diamètre de l’éprouvette.
Les éprouvettes doivent être cylindriques Les éprouvettes doivent avoir un élan-
cement (rapport de leur hauteur à leur diamètre) de 5 au minimum et être les mê-
mes pour les mesures de retrait ou de fluage. Elles doivent être coulées dans des
moules métalliques ou carottées. Leur diamètre doit être supérieur à 5 fois la di-
mension du plus gros granulat.
Les conditions de cure préconisées sont : maintien 24 à 48 h dans leur moule à
20 °C ± 1 °C (ou 25 °C) dans une chambre humide ou protégées par une envelop-
pe protectrice (polyane, aluminium autocollant etc.).
Les essais sont effectués, comme précédemment décrit, soit en « endogène », il est
nécessaire alors d’isoler les éprouvettes en les enduisant de résine ou en les enve-
loppant de papier d’aluminium autocollant dès le démoulage, soit en dessiccation,
les éprouvettes sont alors conservées 7 jours en chambre humide après démoulage
puis mises dans leur ambiance de dessiccation (HR = 50 % ± 5, T = 20 °C ± 1 °C).

200
Retrait et fluage

La mise en place des moyens de mesure doit être rapide pour éviter toute pertur-
bation de l’équilibre hygrothermique de l’éprouvette.
La première mesure de retrait sera généralement effectuée immédiatement après
le moulage.
On utilisera trois échantillons pour mesurer la résistance en compression au jour
de l’application de la contrainte de fluage. Si l’appareillage de fluage n’est pas
équipé pour mesurer les déformations instantanées ces trois éprouvettes serviront
aussi à déterminer le module d’élasticité du béton.
Les mesures après le chargement de fluage doivent être très rapprochées : durant
le début du chargement stationnaire, on pourra adopter une échelle de temps lo-
garithmique (par exemple 0,5 ; 1 ; 2 ; 4 min, puis 1, 2, 4, 2n jours).
On doit également effectuer des mesures de perte en eau pour les essais de retrait
et de fluage en dessiccation.
Les dimensions des éprouvettes recommandés sont : diamètre 7,5 ; 10 ; 15 ; 20 cm
et longueur 37,5 ; 50 ; 75 ; 100 cm.
L’âge d’exposition au séchage peut être de 1, 3, 7, ou 14 jours.
Les âges recommandés pour le chargement sont 1, 3, 7, 28, 90, jours et 1 an, la
contrainte de compression σ = k.σR, ou σR est la résistance en compression à l’âge
du chargement, avec k = 0,20 ; 0,40 ; 0,60. Les valeurs en italique sont les plus
usuelles. La durée des essais comparatifs est de 6 mois en endogène et n ans en
dessiccation avec n = (d/0,16)2, où d représente le diamètre en mètre. Pour une
extrapolation à long terme 1 an en endogène et 2n années en dessiccation. Les bâ-
tis d’essais peuvent être munis de ressorts, de systèmes oléopneumatiques ou de
systèmes hydrauliques.
Il est à noter que les mesures des déformations différées des bétons, retraits et
fluages, présentent généralement des dispersions importantes. La dispersion esti-
mée par rapport aux valeurs habituelles déterminées à partir des règlements est de
+/– 30 %. Sur un même béton les mesures présentent, malgré tous les soins ap-
portés à la réalisation des manipulations des variations de l’ordre de +/– 10 %.
Une méthode d’estimation statistique peut être utilisée [CLE 01].

201
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Figure 5.23 : batterie de bancs de fluage hydrauliques de 1 000 kN (LMDC).


Ces trente bancs de fluage alimentés séparément par des vérins hydrauliques permettent sur le
même bâti de superposer une éprouvette soumise à la dessiccation (elle est à l’ambiance de la pièce
régulée en humidité et en température) et une éprouvette en condition endogène car enveloppée
d’une double couche de papier aluminium l’isolant de tout échange. Les deux éprouvettes sont donc
soumises à une histoire de chargement strictement identique.

6. PRISE EN COMPTE DANS LE DIMENSIONNEMENT


DES STRUCTURES
6.1. Les conséquences du fluage (comportement des grands ouvrages
au fluage, pertes de précontrainte, redistribution des efforts)
Depuis le sauvetage par Freyssinet en 1912 du pont sur le Veurdre, nous savons
qu’une mauvaise estimation du fluage du béton peut conduire à de gros
problèmes: flèches importantes et pertes de précontraintes, nécessitant une sur-
veillance des ouvrages, des réparations, voire un remplacement. En effet, dans les
ouvrages hyperstatiques construits par encorbellement, il y a redistribution des ef-
forts de flexion dus aux déformations de fluage du béton. Si pour les poutres con-
tinues, ce phénomène est maintenant bien maîtrisé, sa prédiction reste plus
difficile pour le cas des poutres cantilever ou des ponts articulés [MAT 79,
KRE 98]. On citera l’exemple du pont de Savines, achevé en 1960, construit par
encorbellements successifs et articulé en clé : sa chaussée a due être reprofilée
compte tenu des flèches constatées (plus de 120 cm). Et ce problème peut se ren-
contrer sur des ponts récents comme le pont de Cheviré qui comprend une travée

202
Retrait et fluage

centrale en acier supportée par deux fléaux en béton précontraint et qui présentent
un fluage inhabituel [SET 04].
Un autre type de structure sensible au fluage est constitué par les enceintes de con-
finement des centrales nucléaires. En effet, l’enceinte interne de ces centrales est
constituée de béton précontraint biaxialement (figure 5.24). La précontrainte est
dimensionnée afin que, en cas d’accident et de montée en pression de l’enceinte,
le béton en zone courante reste comprimé et que le niveau d’étanchéité de l’en-
ceinte soit préservé. Cette propriété est mesurée régulièrement et est une condi-
tion sine qua non au redémarrage des centrales. On voit donc ici l’intérêt d’une
modélisation correcte du phénomène.

Figure 5.24 : schéma de principe de la précontrainte dans une enceinte


de centrale nucléaire [GRA 96].

Les déformations de fluage entraînent, dans le cas des structures isostatiques,


des déformations différées, notamment des flèches, particulièrement dans le cas
des consoles, qui peuvent être incompatibles avec le bon fonctionnement en ser-
vice des ouvrages. Dans le cas de structures précontraintes ces déformations gé-
nèrent des chutes dans la tension des câbles très importantes. Dans le cas des
structures hyperstatiques, surtout celles dont le phasage de construction est
complexe, le fluage va provoquer des redistributions d’efforts dont l’évaluation
est indispensable sous peine de mettre en péril la sécurité de l’ouvrage. Il faut
donc pouvoir proposer au calculateur des modèles reposant sur des hypothèses
de comportement différé du matériau aussi proche que possible de la réalité.

6.2. La modélisation
Nous avons vu aux paragraphes 4.1 et 4.2 que, si l’on fait abstraction du phéno-
mène de retour de fluage, le béton avait un comportement viscoélastique vieillis-
sant. Intéressons-nous au modèle correspondant.

203
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

6.2.1. Les modèles viscoélastiques linéaires sans et avec vieillissement


La loi de comportement d’un matériau exprime la relation entre l’histoire des con-
traintes et celle des déformations. Dans le cas d’une expérience de retard telle que
celle du fluage précédemment décrite pour le béton qui est un matériau héréditaire
dont la réponse est fonction de son histoire antérieure (principe de causalité),
l’évolution de la déformation ε(t) est une fonctionnelle de σ0, u0, et t.
Cette fonctionnelle est très difficile à caractériser dans le cas le plus général : elle
doit être vraie pour tous les types d’histoire de sollicitations possibles. Dans un
ouvrage d’art, par exemple, le phasage de la construction induit une histoire très
complexe. Il existe pourtant un cas où la complication est réduite c’est celui de la
fonctionnelle linéaire i.e. qui répond au principe de Boltzmann.
Cette fonctionnelle est linéaire, si et seulement si, lorsqu’on a deux histoires de
t t
chargement [ σ 1 ( u ) ] – ∞ et [ σ 2 ( u ) ] – ∞ auxquelles correspondent deux histoires de
t t
déformation [ ε 1 ( u ) ] –∞ et [ ε 2 ( u ) ] –∞ , à l’histoire de chargement
[ σ ( u ) ] = a [ σ 1 ( u ) ] + b [ σ 2 ( u ) ] correspond l’histoire de déformation
ε ( t ) = a [ ε 1 ( t ) ] + b [ ε 2 ( t ) ] = aF [ σ 1 ( u ) ] + bF [ σ 2 ( u ) ] . On peut noter que l’on
a aussi F [aσ1(u)] = aF [σ1(u)]. Par une généralisation on peut passer à une for-
mulation par intégrale. D’après le principe de superposition de Boltzmann nous
pouvons écrire :
t
ε(t) = ∫–∞ J ( t, u )dσ ( u ) + ∑ J ( t, u )Δσi
Ici J(t,u) est la « fonction retard » ou « fonction fluage », sa fonction duale, cor-
respondant au phénomène de relaxation est notée R(t,u).
On a ici affaire à une superposition d’échelons infinitésimaux dσ(u).H(t – u) et
d’échelons finis ΔσiH(t – ui). On peut aussi dans ce cas linéaire utiliser la transfor-
mation de Laplace-Carlson. En fait, le plus grand intérêt du modèle linéaire est qu’il
est entièrement défini par le noyau de la fonctionnelle que l’on nomme aussi « noyau
de fluage ». Ce noyau de fluage se réduit, dans le cas non vieillissant, à une simple
fonction Φ(t – u) et dans le cas vieillissant a une fonction de deux variables Φ(t,u).
Dans le cas non vieillissant, il suffit d’un seul essai de fluage pour caractériser en-
tièrement ce modèle; dans le cas vieillissant il est nécessaire de connaître les lois
de comportement pour différents âges au chargement u. On aura du point de vue
formulation :

204
Retrait et fluage

t t
ε(t) = ∫0 J ( t – u )dσ ( u ) et σ(t) = ∫0 R ( t – u )dε ( u )
en viscoélasticité linéaire sans vieillissement, et
t t
ε(t) = ∫0 J ( t, u )dσ ( u ) et σ(t) = ∫0 R ( t, u )dε ( u )
en viscoélasticité linéaire avec vieillissement.
Compte tenu du comportement expérimental du béton décrit précédemment, ce-
lui-ci est viscoélastique vieillissant, il ne pourrait être considéré comme non
vieillissant que dans le cas d’un chargement à un âge élevé. De plus, si nous avons
vu que l’hypothèse de linéarité entre la déformation différée et la contrainte ap-
pliquée pouvait être raisonnablement admise pour des bétons chargés à moins de
50 % de la charge de rupture, ce qui est souvent le cas, par contre elle n’était pas
vérifiée lors des déchargements.
L’application au béton du formalisme de la viscoélasticité linéaire avec ou sans
vieillissement donnera, sauf cas très particuliers, des résultats approchés du
comportement réel du béton. Toutefois, les modèles actuels les plus courants
sont, pour des raisons évidentes de simplification, du type linéaire.

6.2.2. Problèmes numériques liés aux chargements complexes


Le principe de superposition est extrêmement simple dans sa formulation et ne
présente pas de problème conceptuel. La difficulté réside plutôt dans son applica-
tion à des cas réels pour lesquels les contraintes varient en permanence et en tous
points, ne serait-ce qu’à cause du fluage lui-même. La figure 5.25 présente un de
ces cas : il s’agit des contraintes dans un pont en béton précontraint construit par
encorbellements successifs. On peut y constater des variations importantes des
contraintes en tous points. Pour calculer le fluage grâce au principe de superposi-
tion, il faudra garder en mémoire toute l’histoire des contraintes en tous points, ce
qui est très pénalisant. De plus des problèmes de convergence peuvent apparaître
[ACK 89].

205
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Contrainte de
B
compression (MPa)

10 A C

B D

D
5

A
0
4 10 20 40 100 200 400 1000 4 000
Âge du béton (j)

Figure 5.25 : exemple de l’histoire des contraintes dans un pont


construit par encorbellement [ACK 89].
Les courbes A, B, C et D représentent l’évolution de la contrainte de compression dans le béton aux
points indiqués sur le schéma de situation en fonction de l’âge du béton en ces points, les disconti-
nuités résultent de la cinématique de réalisation de l’ouvrage (mises en précontraintes successives,
clavages etc.).

Cette limitation peut être dépassée en décomposant la complaisance de fluage en


une série de Dirichlet (association en série d’éléments de Kelvin-Voigt, soit un
ressort en parallèle avec un amortisseur) :
n

J ( t, τ ) = J 1 + ∑ Js [ 1 – exp ( –λs ( t – τ ) ) ]
s=2
Cette méthode respecte le principe de superposition et ne nécessite pas de stocker
toute l’histoire des sollicitations, l’état de déformation de chaque élément étant
suffisant pour représenter cette histoire [BAZ 82, GRA 97, BEN 05].
6.2.3. Le modèle incrémental
L’application du principe de superposition lors d’un déchargement conduit à une
déformation de retour de fluage beaucoup trop importante par rapport aux obser-
vations expérimentales. Bien sûr, on pourrait imaginer avoir une fonction de com-
plaisance de déchargement différente de celle du chargement. Mais ceci violerait
le principe de superposition et l’application de cette méthode à une succession de
charges-décharges conduirait à des résultats erronés.

206
Retrait et fluage

C’est pourquoi a été développé la méthode du temps équivalent [ACK 89] ou mo-
dèle incrémental [ACK 92]. Supposons que nous ayons un chargement constitué
de deux paliers de contraintes σ1 appliquée à l’instant τ1 et σ2 à l’instant τ2. La
fl ϕ ( t, τ eq )
déformation de fluage, pour un instant t > τ2 sera ε ( t ) = --------------------- σ 2 où τeq est
E ( τ eq )

fl ϕ ( τ 2, τ eq ) ϕ ( τ 2, τ 1 )
le temps équivalent tel que ε ( t eq ) = ------------------------ σ 2 = ---------------------- σ 1 .
E ( τ eq ) E ( τ1 )
La déformation de fluage du béton est celle qu’elle aurait pu être si l’on avait char-
gé le béton directement avec la contrainte σ2 à un instant τeq. L’évolution de la
déformation de fluage ne dépend alors que de cette unique variable et de l’état de
contrainte et de déformation à l’instant τ2.
La méthode du temps équivalent présente bien sûr aussi des défauts. Lors d’une
décharge totale ou au moins importante, il peut ne pas y avoir de temps équivalent
solution. Dans ce cas là, la méthode initiale prévoyait un retour de fluage nul, ce
qui n’est pas la réalité non plus. Une amélioration de la méthode est possible en
utilisant des résultats d’essais de recouvrance pour compléter l’espace des solu-
tions [ACK 92].
La méthode du temps équivalent consiste à substituer à une histoire de charge-
ment complexe et non modélisable simplement un temps de chargement équiva-
lent tel que le béton aurait, à cet instant donné, la même déformation différée
que s’il avait été soumis à un chargement d’intensité constante égale au charge-
ment présent.

6.3. Les déformations différées dans l’Eurocode 2, EC2 [EC2 04-1],


norme NF EN 1992-1-1
6.3.1. Le retrait
Pour le retrait du béton durci, ce code distingue, à la différence des anciens règle-
ments pour les bétons ordinaires, le retrait endogène en l’absence d’échanges hy-
driques avec l’atmosphère (ou autodessiccation) εca(t) du retrait de dessiccation
(ou de séchage) εcd(t). Le retrait total εcs(t) sera, par hypothèse, la somme des
deux εcs (t) = εca (t) + εcd (t).
Nous avons vu au paragraphe 4 la variété des facteurs pouvant influencer le re-
trait. L’EC2, pour l’estimation du retrait d’autodessiccation prend en compte la
nature du ciment employé (s) et la résistance mécanique du béton à 28 jours (fcm):
ε ca ( t ) = ε ca ( ∞ )β as ( t )

207
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

–6 0 ,5
avec ε ca ( ∞ ) = 2 ,5 ( f ck – 10 ) ⋅ 10 et β as ( t ) = 1 – exp ( – 0 ,2t ).
Le retrait de séchage est, de plus, fonction de la géométrie de la pièce (h0) et de
l’humidité relative de l’environnement (RH) : ε cd ( t ) = ε cd, 0 β ds ( t – t s )k h .

⎛ f cm ⎞ –6
ε cd, 0 = 0 ,85 ( ( 220 + 110α ds1 )exp ) ⎜ – α ds2 ----------⎟ 10 β RH étant le retrait de
⎝ f cm0⎠
référence.
3
Avec β RH = – 1 ,55 ( 1 – ( RH ⁄ RH 0 ) ) ,

( t – ts )
la fonction β ds ( t, t s ) = ------------------------------------------- représente la cinétique et kh est
3
0 ,04 h 0 + ( t – t s )
fonction de h0, rayon moyen :
h0 kh

100 1,00
200 0,85
300 0,75
>500 0,70

Dans les formules précédentes:


fcm0 = 10 MPa,
αds1 et 2 coefficients dépendants de la nature du ciment: resp 3 (S) ; 4 (N) ; 6 (R);
et 0,13 ; 0,12 ; 0,11 ;
t âge du béton ,
ts âge de début de séchage ;
RH humidité relative (RH0 = 100 %) ;
h rayon moyen (mm) = 2Ac/u, avec Ac aire de la section droite et u périmètre en
contact avec l’atmosphère.
Simplification : on peut prendre dans le cas d’utilisation de ciments normaux les
valeurs de εcd,0 données dans le tableau 5.3.

208
Retrait et fluage

Tableau 5.3 : retrait de référence en 10–3).

fck/fck, cube Humidité relative (%)


(MPa) 20 40 60 80 90 100
20/25 0,62 0,58 0,49 0,30 0,17 0,00
40/50 0,48 0,46 0,38 0,24 0,13 0,00
60/75 0,38 0,36 0,30 0,19 0,10 0,00
80/95 0,30 0,28 0,24 0,15 0,08 0,00
90/105 0,27 0,25 0,21 0,13 0,07 0,00

On peut constater que l’amplitude du retrait de séchage décroît très fortement en fonction de la résis-
tance du béton (elle est divisée par plus de 2) et que, bien évidemment elle est grandement dépen-
dante de l’hygrométrie ambiante.

6.3.2. Le fluage
L’Eurocode 2 permet d’obtenir le coefficient de fluage φ(t – t0) = εcc(t, t0)/εci(t0),
rapport des déformations de fluage à l’instant t d’un béton chargé à t0 par rapport
à la déformation initiale élastique. La déformation initiale élastique εci(t0) est le
rapport entre la contrainte appliquée au béton σc et le module d’élasticité tangent
du béton Ec qui peut être pris égal à 1,05 Ecm. Si l’on ne recherche pas une préci-
sion extrême l’EC 2 propose un abaque pour déterminer le coefficient de fluage
(figure 5.26) Dans ce cas ne sont pris en compte que la résistance du béton,
l’hygrométrie de l’ambiance pour RH = 0 ou 80 %, l’âge au chargement et le
rayon moyen.
Ainsi la déformation de fluage pour t = ∞ sera donnée par εcc(∞, t0) = ϕ(∞, t0) (σc/Ec).

209
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

t0
1
R
2
N
3
S
5 C20/25
C25/30
C30/37
10 C35/45
C40/40
C45/55
20 C50/60 C55/67
C60/75
C70/85
30 C80/95
C90/105
50

100
7,0 6,0 5,0 4,0 3,0 2,0 1,0 0 100 300 500 700 900 1 100 1 300 1 500
M ’W0) h0 (mm)
(a) Environnement intérieur : RH = 50 %

Note :
1 – le point d'intersection des droites 4 et 5
4 peut également se situer au-dessus du point 1 ;
– pout t0 > 100, il est suffisamment précis
5 de supposer t0 = 100 (et d'utiliser la tangente).
3
2

t0
1
R
2
N
3
S
5 C20/25
C25/30
C30/37
10 C35/45
C40/40 C45/55
C50/60
20 C60/75 C55/67
C70/85
C80/95
30 C90/105

50

100
6,0 5,0 4,0 3,0 2,0 1,0 0 100 300 500 700 900 1 100 1 300 1 500
M ’W0) h0 (mm)
(b) Environnement extérieur : RH = 80 %

Figure 5.26 : abaque pour la détermination du coefficient de fluage, d’après [EC2 04-1].
Sur le diagramme de gauche, en partant de t0 âge du béton lors du chargement on trace l’horizontale
1 qui coupe la courbe caractéristique du ciment employé (S lent, N, normal, R rapide). On trace en-
suite la droite 2 reliant l’origine 0 à ce point d’intersection. On passe ensuite au diagramme de droite,
partant du rayon moyen h0 on remonte verticalement par la droite 3 qui coupe la courbe caractéristi-
que de la résistance du béton. À partir de ce point d’intersection on trace, vers le diagramme de gau-
che, l’horizontale 4 qui vient couper la droite 2 précédemment tracée. En redescendant verticalement
à partir de ce point d’intersection par la droite 5, on coupe l’axe des abscisses en un point qui donne
la valeur recherchée du coefficient de fluage ϕ(∞,t0).

Pour plus de précision, il convient de se reporter à l’annexe B de l’EC2.

210
Retrait et fluage

Dans ce cas des paramètres complémentaires sont pris en compte : l’humidité am-
biante est prise à sa valeur réelle estimée , on prend en compte la maturité du béton
au moment du chargement (β(t0)), les caractéristiques du ciment employé etc.
φ ( t, t 0 ) = φ 0 β c ( t, t 0 ) où φ 0 = φ RH β ( f cm )β ( t 0 ) est le coefficient de fluage à
⎛ 1 – RH ⁄ 100-⎞
long terme avec φ RH = ⎜ 1 + ----------------------------- ⎟ pour fcm ≤ 35 MPa et
⎝ 0 ,1 3 h ⎠ 0
⎛ 1 – RH ⁄ 100 ⎞
φ RH = ⎜ 1 + ------------------------------ α 1⎟ α 2 pour fcm > 35 MPa, β ( f cm ) = 16 ,8 ⁄ ( f cm )
⎝ 0 ,1 3 h ⎠
0
2A
tient compte de la résistance du béton, h 0 = --------c- est le rayon moyen de l’élément
u
en mm, avec Ac aire de la section droite et u périmètre en contact avec l’atmosphère.
0 ,2
β ( t 0 ) = 1 ⁄ ( 0 ,1 + t 0 ) tient compte de l’âge du béton au moment du chargement.
0 ,3
( t – t0 )
β ( t, t 0 ) = ------------------------------ donne l’évolution du fluage dans le temps. Il dé-
( βH + t – t0 )
pend de βH qui fait intervenir la résistance mécanique par le biais de α3 :
βH = 1,5(1 + (0,012RH)18) h0 + 250 ≤ 1500 pour fcm ≥ 35 MPa;
βH = 1,5(1 + (0,012RH)18) h0 + 250α3 ≤ 1500 α3 pour fcm ≤ 35 MPa.
Les différents coefficients α dépendent de la résistance moyenne en compression
35 0 ,7 35 0 ,2 35 0 ,5
du béton à 28 jours fcm : α 1 = ------- ; α 2 = ------- ; α 3 = -------
f cm f cm f cm
L’influence du type de ciment et des conditions de maturation sur le coefficient
de fluage peut être pris en compte en modifiant l’âge du chargement t0 par :
⎛ 9 ⎞α
t 0 = t 0, T ⎜ ------------------ + 1⎟ ≥ 0 ,5
⎝ 2 + t 1 ,2 ⎠
0, T
n
– ( 4000 ⁄ 273 + T ( Δt i ) ) – 13 ,65 )
avec, pour t ou t0, t T = ∑e ⋅ Δt i avec t0,T âge du bé-
i=1
ton « ajusté » en jours, α = – 1 ciments à prise lente (S), 0 normaux (N), 1 rapides

211
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

(R ) ; tT âge du béton « ajusté » à utiliser à la place de t dans toutes les relations


précédentes, T(Δti) température moyenne pendant l’intervalle de temps Δti.
Ces modèles de comportement différés des bétons sont bien évidemment calés sur
des comportements moyens de bétons standards. Même pour ces bétons, la four-
chette d’incertitude sur la précision est estimée à +/– 30 %. Pour des bétons par-
ticuliers avec, par exemple, des granulats sortant de l’ordinaire ou une grande
quantité de pâte, les variations peuvent être du simple au double voire au-delà.
Il existe également dans l’EC2 destiné à l’application aux ouvrages d’art [EC2
2004-2] [NF EN 1992-2] une annexe informative plus élaborée permettant d’éva-
luer les déformations différées (retrait et fluage) dans le cas des BHP, notamment
ceux utilisant des fumées de silice.
6.3.3. Prédiction des déformations différées à l’aide des règlements
Nous avons vu dans ce chapitre que les déformations différées des bétons dépen-
daient beaucoup de la formulation des bétons, de la qualité des granulats, etc. Or,
les règlements font essentiellement intervenir la résistance du béton dans l’esti-
mation des déformations différées. La figure 5.27 montre que, pour des bétons de
résistances équivalentes employés dans des structures de même type, les déforma-
tions différées de ces structures peuvent être assez différentes.

800
Déformations différées (μm/m)

700

600

500

400

300

200

100

0
0 5 10 15 20 25
Temps depuis la fin de mise en précontrainte (années)

Figure 5.27 : déformations différées de structures identiques et de bétons de résistances


voisines mais de rigidités différentes.
Tous ces bétons, destinés à un même type de structure, avaient des compositions semblables et une
résistance en compression à 28 jours voisine, leur différence principale portait sur la nature des gra-
nulats qui étaient locaux et donc tous différents. On peut constater des déformations différées totales
(retrait + fluage) mesurées in situ variant largement du simple au double. On peut aussi constater
qu’après plus de 20 ans l’évolution des déformations n’est pas terminée.

212
Retrait et fluage

L’analyse de ces bétons montre que ceux pour lesquels les déformations différées
sont les plus importantes ont un module d’élasticité faible, ceci provenant de gra-
nulats plus déformables. Il convient donc pour des structures dans lesquelles le
fluage sera un critère important vis-à-vis de leur durée de vie de réaliser des essais
de fluage sur éprouvette lors de l’étude de formulation des bétons.

7. CONCLUSION
Si les causes extérieures des déformations différées des bétons, les retraits et flua-
ges, sont maintenant bien connues, il s’agit principalement de la dessiccation et
du chargement permanent, les mécanismes microstructuraux dictant leur cinéti-
que et leur amplitude ne sont toujours pas parfaitement élucidés. Si les hypothèses
sur le comportement visqueux des C-S-H sont établies, les paramètres régissant
l’évolution de ce comportement sont encore inconnus puisque à même matrice ci-
mentaire de base on peut avoir une très grande variété de réponses différées.
Il en résulte une grande difficulté à proposer des modèles de comportement adap-
table à tous les bétons réalisables. En effet pour une résistance mécanique en com-
pression donnée à l’instant t (28 jours) il existe une variété quasi infinie de
comportements différés.
Les points permettant de penser que les modèles proposés par les différents règle-
ments, normes ou recommandations donneront des valeurs proches de celles du
béton utilisé (et encore à +/– 30 % comme on l’a mentionné) sont d’utiliser des
granulats de bonne compacité (porosité faible), de module élevé et d’avoir des
compositions de béton élaborées soigneusement. Dans le cas contraire, il faut,
dans les formules réglementaires, toujours utiliser le module de déformation ins-
tantanée mesuré expérimentalement sur le béton pour avoir une estimation un peu
plus précise des déformations différées. La quantité de pâte est aussi un facteur
d’amplification des déformations différées.
Dans le cas de doute, et sans recourir à de longs essais de fluage, des mesures de
retrait des bétons réalisés couplées avec des essais de fluages de durée réduite (1 à
3 mois) peuvent donner des indications précieuses sur le comportement futur du
béton.

213
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

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215
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

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216
CHAPITRE 6

La maîtrise de la fissuration
au jeune âge: condition de durabilité
des ouvrages en béton

P. ACKER, J.-M. TORRENTI, M. GUÉRINET

Résumé
Maîtriser la fissuration au jeune âge du béton est un problème industriel pour les
structures massives, celles pour lesquelles les déformations sont gênées, celles
qui présentent des variations importantes d'épaisseurs et celles à grandes surfa-
ces libres. Avant la prise, il convient de limiter le ressuage trop important et d'évi-
ter le retrait plastique. Après prise, les effets du retrait endogène et de la
température (gradients, retrait thermique) doivent être pris en compte. Compte
tenu du caractère exothermique et thermoactivé de la réaction d'hydratation du
ciment, les élévations de température peuvent en effet être très importantes. La
prédiction de ces élévations de température est possible si le problème industriel
le justifie.
Mots-clés
JEUNE ÂGE, FISSURATION, RETRAIT PLASTIQUE, RESSUAGE, AUTODESSICCATION,
CHALEUR D'HYDRATATION, RETRAIT ENDOGÈNE, RETRAIT THERMIQUE.

217
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

1. INTRODUCTION: LE PROBLÈME INDUSTRIEL


L’expérience acquise, depuis plus d’un siècle, et le retour d’expérience en matière
de construction en béton montrent que, chaque fois que les règles de l’art (les rè-
gles de formulation, de mise en œuvre et de dimensionnement) sont respectées,
les ouvrages en béton sont extrêmement durables et résistent aux agressions du
climat et de l’environnement. Dans ces conditions, en effet, les voies de pénétra-
tion et les transferts des agents agressifs sont limités, d’une part, parce que le bé-
ton est peu perméable et, d’autre part, parce que sa fissuration est contrôlée, plus
précisément parce que les fissures restent fines (leurs ouvertures restent limitées).
Deux phénomènes physiques, cependant, accompagnent systématiquement la pri-
se du ciment: un dégagement de chaleur et une dessiccation endogène qui peuvent
engendrer, au jeune âge, une fissuration spécifique. Ces deux processus, le plus
souvent, sont amplifiés par les échanges avec le milieu ambiant :
– des échanges de chaleur, que la température extérieure soit constante ou varia-
ble, et qu’elle varie de manière naturelle ou de manière contrôlée (cas du traite-
ment thermique);
– des échanges d’eau par la face non coffrée (ou du moins, lorsqu’il y a cure, dès
que celle-ci commence à perdre de son efficacité), ou dès le décoffrage, pour les
autres faces.
Ces échanges conduisent, dans les heures (ou les jours, si la pièce est épaisse) qui
suivent la prise, à des champs de température et d’humidité qui varient dans le
temps et dans l’espace, avec les plus forts gradients en surface. Ils engendrent des
déformations qui sont, selon la formulation du matériau et, surtout, selon les con-
ditions ambiantes, plus ou moins importantes, mais qui ne sont jamais, ni unifor-
mes, ni même linéaires (un solide homogène soumis à un champ de température
qui serait une fonction linéaire des coordonnées spatiales, se déformerait, selon
une courbure, mais ne subirait aucune contrainte). Chacun de ces deux champs,
le champ de température et le champ de teneur en eau, produit un champ de con-
traintes qui forme un système en équilibre statique (autocontraintes), dans lequel
les tractions sont le plus souvent maximales en surface. Ces deux sollicitations se
superposent.
Dans la plupart des applications, ces deux phénomènes sont sans conséquence ou,
du moins, leurs effets peuvent être facilement contrôlés: dès lors que les règles de
l’art (délai de décoffrage, cure…) sont respectées, les fissures restent trop fines
pour être visibles ou, du moins, leur ouverture reste inférieure à celle des fissures
de béton armé (0,2 à 0,3 mm). En effet, le fonctionnement mécanique en service
du béton armé génère des fissures dont l’ouverture ne dépasse pas ces valeurs.

218
La maîtrise de la fissuration au jeune âge: condition de durabilité des ouvrages en béton

Ces règles de l’art, cependant, sont anciennes, elles n’ont pas été fixées sur des
bases scientifiques (en tout cas, pas sur les connaissances dont on dispose
aujourd’hui), mais sur des bases empiriques, sur l’observation et sur l’expérience.
Pour les ouvrages courants, elles sont tout à fait efficaces. Mais l’ingénieur ne
construit pas seulement des ouvrages courants: de nouvelles applications appa-
raissent, la taille des constructions est toujours plus grande, la gamme des perfor-
mances et des formulations du matériau ne cesse de s’élargir, et on ne peut pas
toujours s’appuyer sur les seules règles de l’art. Il est alors essentiel de bien con-
naître leurs limites et, surtout, de savoir utiliser les connaissances scientifiques et
les outils de simulation qu’offre l’ingénierie moderne. Pour chaque nouvelle ap-
plication, l’ingénieur doit se poser la question de ces effets et, le cas échéant, en
refaire l’analyse quantitative.
Maîtriser la fissuration au jeune âge du béton est un problème industriel pour
les structures massives, celles dans lesquelles les déformations sont gênées, celles
qui présentent des variations importantes d’épaisseurs et celles à grandes surfa-
ces libres.
Quatre configurations sont particulièrement critiques, et sortent du domaine cou-
vert par les règles de l’art :
• celles des pièces massives, dans lesquelles la chaleur d’hydratation du ciment
conduit à des élévations de température qui peuvent atteindre, à cœur, 50 °C, ce
qui entraîne, en surface, des contraintes de traction qui vont largement dépasser
au cours du refroidissement la résistance en traction du matériau; c’est pourquoi,
quel que soit leur ferraillage, ces pièces sont toujours fissurées en surface;
• celles des pièces encastrées ou à déformation fortement gênée (chaussées et
dallages de grandes dimensions, glissière en béton armé, cf. figure 6.1, chapes
adhérentes, enduits, reprise de bétonnage sur un voile, sur une semelle continue,
sur un radier, sur des pieux bloqués par des chevêtres, dans une pile de pont, dans
un revêtement de tunnel, cf. figure 6.2…), dans laquelle la contrainte de traction
qui équilibre la somme des retraits s’ajoute aux autocontraintes de surface;
• celles des pièces ayant des parties d’épaisseurs très différentes (caissons à âme
épaisse, poutres à talon, à blochet… cf. figure 6.3) soit parce que ces différentes
parties montent à des températures différentes, soit, quand les pièces subissent
un traitement thermique, parce que les zones de moindre épaisseur refroidissent
plus vite que les autres et se trouvent alors dans la configuration des pièces
encastrées, décrite au point précédent;
• celles des pièces à grande surface libre (dalles flottantes, poutres à table de
compression, voussoirs…) dont la face supérieure n’est pas ou est insuffisam-
ment curée (dans ce cas, cependant, les fissures de dessiccation n’apparaissent
que par temps sec et vent frisant; on peut dire que, dans ces conditions, ne pas

219
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

faire de cure, c’est jouer aux dés avec la météo…) ; ces désordres sont spécifi-
ques aux bétons riches en fines, ce qui est systématiquement le cas des bétons à
hautes performances (BHP) et des bétons autonivelants (BAP) ; ces désordres ne
sont pas traités dans cet ouvrage, car la solution est bien connue, et elle est
simple: il s’agit de la cure (cf. figures 6.4 et 6.5).

Figure 6.1 : fissuration par retrait gêné d'une glissière en béton armé. La fissuration est
traversante et conduit souvent à une rupture des aciers (photo J.-M.Torrenti)

Figure 6.2 : fssuration des revêtements de tunnel en béton non armé par retrait gêné.
L'existence de cette fissuration est traversante et rend le revêtement non étanche,
ce qui conduit à la mise en place d'une étanchéité à l'intrados (photo J.-M.Torrenti).

220
La maîtrise de la fissuration au jeune âge: condition de durabilité des ouvrages en béton

Figure 6.3 : vue d'un voussoir. Les différences d'épaisseurs entraînent des retraits
thermiques différentiels et des variations locales des caractéristiques mécaniques qui
vont modifier la diffusion de la précontrainte (photo Eiffage).

Figure 6.4 : exemple de cure à l'eau du tablier d'un pont (photo Eiffage).

221
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Figure 6.5 : exemple de cure de piles. Une jupe, accrochée au coffrage grimpant, permet
de protéger du vent, du soleil et du froid le béton pendant 3 levées dans cet exemple, soit
ici 9 jours (photo Eiffage).

Les contraintes de traction qui se développent dans les trois premières configura-
tions peuvent dépasser, selon la géométrie du produit fini et, surtout, selon les
conditions d’encastrement, celles qui sont dues au chargement mécanique classi-
que (poids propre et charges de service). Si elles ne sont pas prises en compte et
traitées de manière correcte par l’ingénieur, elles conduisent alors toujours à une
fissuration du matériau.
Concernant la fissuration, le seul paramètre qui compte, à l’usage, c’est l’ouver-
ture des fissures, pour des raisons esthétiques parfois, mais surtout pour des rai-
sons de durabilité de l’ouvrage. On sait aujourd’hui que, sauf peut-être en cas
d’immersion permanente, la peau d’un béton est toujours fissurée, simplement
cette fissuration est le plus souvent invisible (lorsque son ouverture est inférieure
à 20 μm, pouvoir de résolution de l’œil humain, la fissure ne se voit pas). Mais on
sait aussi, à la fois par nos connaissances scientifiques sur la corrosion et par l’ex-

222
La maîtrise de la fissuration au jeune âge: condition de durabilité des ouvrages en béton

périence (un siècle de recul sur la pérennité des ouvrages en béton armé), qu’une
fissure de faible ouverture est sans conséquence sur la durabilité de l'ouvrage. En
effet, en dessous d’une certaine ouverture (de l’ordre de 0,3 mm) les forces de ten-
sion superficielle sont supérieures aux forces de gravitation et empêchent tout
mouvement d’eau en phase liquide, si bien que l’eau qui peut y pénétrer (soit par
absorption capillaire de l’eau qui peut ruisseler en surface, soit par condensation
de l’humidité de l’air ambiant), et qui va alors dissoudre certains ions, ne peut en
ressortir que par évaporation et, par conséquent, sans aucun départ d’ions (il y a
tout au plus un déplacement vers le cœur de la pièce, car l’évaporation s’accom-
pagne d’une augmentation locale de la concentration), et surtout aucun départ de
la chaux qui assure le maintien d’un pH élevé, clé de la protection des aciers con-
tre toute corrosion. C’est la raison pour laquelle les méthodes de calcul du béton
armé n’ont pas fondamentalement changé depuis l’édition des tout premiers rè-
glements, car les coefficients qui entrent dans les formules de calcul ont été fixés,
in fine, sur la base des observations expérimentales, et ces formules sont très pro-
ches des formules actuelles qui se fondent sur un critère d’ouverture maximale de
fissure. C’est aussi une des raisons de l’exceptionnel succès, d’une part, du maté-
riau de construction qu’est le béton armé, et, d’autre part, des principes qui sont à
la base de sa méthode de calcul, principes qui ont été élaborés au début du
XXe siècle et qui sont toujours valables.
Si le calcul d'une structure en béton armé est, fondamentalement, lié au contrôle
de l’ouverture des fissures par les armatures (par celles qui constituent le ferrailla-
ge passif), il faut bien comprendre, par contre, que la fissuration dont on parle
dans ce chapitre, la fissuration due aux gradients de température ou de séchage,
est du type « déformation empêchée », et que cette fissuration ne mobilise pas les
armatures de la même manière que les sollicitations dues au chargement extérieur,
pour lesquelles la structure a été dimensionnée, pour lesquelles son ferraillage a
été conçu, dessiné, calculé et vérifié. On peut dire que la fissuration par retrait em-
pêché mobilise les aciers du béton armé de manière indirecte, en tout cas avec un
rendement mécanique nettement plus faible.
Dans la fissuration par retrait empêché, notamment, les caractéristiques de la
liaison acier-béton ne constituent plus le paramètre premier qui contrôle le pas de
fissuration (i.e. la distance moyenne entre deux fissures consécutives). Ceux qui
contrôlent in fine l’ouverture des fissures sont la géométrie locale (l’épaisseur de
la zone, notamment) et le gradient local de retrait (via le gradient de température
ou le gradient de teneur en eau, gradients qui sont toujours maximaux en surface).
Heureusement, la compréhension de ces mécanismes est aujourd’hui très avan-
cée, elle va jusqu’à la possibilité de simuler numériquement les champs de défor-
mation et de contrainte, ce qui a permis d’améliorer l’efficacité des moyens de

223
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

prévention, d’en développer de nouveaux, de comparer leurs coûts et de faire, au


cas par cas, le meilleur choix.
Les remèdes à mettre en œuvre, de même que les désordres qu'on observe lorsque
ces remèdes sont omis, ou sont insuffisants, peuvent être très différents selon les
conditions de fabrication et la géométrie du produit fini. C’est pourquoi:
– les règles de l’art ne peuvent pas couvrir toutes les applications, tous les types
d’ouvrages, dont la diversification et l’extension ne cessent de progresser;
– ces règles finissent parfois par être oubliées, car il existe de larges segments
d’applications et de formulations dans lesquels les retraits n’ont aucun effet visi-
ble, ni nocif ;
– l’ingénieur doit comprendre la phénoménologie de manière à pouvoir, chaque
fois que c’est nécessaire, évaluer les risques quantitativement, au besoin en utili-
sant les calculs aux éléments finis.
Le but de ce chapitre est donc de décrire les processus thermiques et hydriques
qui génèrent des variations dimensionnelles dans les pièces en béton, de donner
les lois de comportement et les valeurs des paramètres qui entrent en jeu. Dans
l’analyse thermomécanique, un point particulier reste cependant encore assez
délicat: celui de la prévision des propriétés mécaniques au cours du temps, parce
que l’hydratation du ciment est un processus thermoactivé, que la cinétique de
durcissement dépend donc de tout l’historique de température, et que les résistan-
ces mécaniques ne sont pas directement une fonction du degré d’hydratation. Ce
point est donc traité ici de manière approfondie.

2. AVANT LA PRISE: RESSUAGE ET RETRAIT PLASTIQUE


2.1. Ressuage
Le ressuage correspond au tassement du squelette granulaire du béton et à l'ap-
parition d'une pellicule d'eau à la surface du béton. La formulation du béton doit
être telle que ce ressuage reste limité.
Avant la prise, le béton peut être le siège de mouvements relatifs de l'ensemble du
squelette granulaire (tassement vers le bas)1 et de l’eau (ressuage: apparition
d’une mince pellicule d’eau à la surface du béton). Ce phénomène dépend de la
perméabilité de l’empilement granulaire (voir un exemple de modélisation dans
[JOS 02]).

1. Ce phénomène ne doit pas être confondu avec la ségrégation, phénomène au cours duquel les
grains ont un mouvement relatif entre eux. Ce phénomène dépend de la granulométrie et des condi-
tions de mise en place du béton [NEV 2000].

224
La maîtrise de la fissuration au jeune âge: condition de durabilité des ouvrages en béton

Il a des conséquences positives:


– pour certains bétons de remblayage, dits aussi « essorables », on peut même
chercher à favoriser le ressuage de manière à permettre une mise en circulation
très rapide 1 ;
– l’apparition d’une couche d’eau en surface permet une cure naturelle du béton
et évite la dessiccation précoce et le retrait plastique. Nous reviendrons plus loin
sur ce phénomène.
Le ressuage a malheureusement aussi des conséquences négatives:
– le mouvement ascensionnel de l’eau peut être bloqué par des obstacles tels que
les granulats ou les armatures. Dans ce cas on pourra avoir une dégradation de
l’adhérence pâte-granulats se traduisant par une diminution de la résistance du
béton durci [LEC 01] ou une diminution de la qualité de l'interface acier-béton
conduisant à une adhérence des armatures dans le béton moins bonne et à un ris-
que de corrosion accru [GIA 86, SOY 05, SOY 06] ;
– le tassement du squelette granulaire est également gêné par les armatures. Il
peut alors se produire une fissuration dite « cassure de béton frais » au droit des
armatures. Cette fissuration peut également être due à un tassement différentiel
de deux zones de béton frais de hauteurs différentes ou à un effort parasite, par
exemple dû à un dévers [BAR 82];
– une réduction de la hauteur finale de l'ouvrage;
– des défauts de parement [CAL 04];
– d'éventuelles difficultés à pomper le béton [KAP 01].
2.1.1. Facteurs aggravants
La pesanteur et l’excès d’eau étant les moteurs du ressuage celui-ci va dépendre
de la formulation (dosage en eau, ciment, adjuvants…) et de paramètres techno-
logiques (hauteur du coffrage, vibration, température, humidité relative, vitesse
du vent…) [JOS 02, TOP 04]. Le béton se tassera d’autant plus rapidement et
d’autant plus en valeur absolue que:
• la durée de vibration est importante. La vibration du béton peut être génératrice
de fissures dans le cas de bétons contenant des armatures au voisinage de la sur-
face supérieure, notamment si les vibrations sont transmises aux armatures,
c’est-à-dire si les aiguilles vibrantes sont mises au contact des armatures. Ces
armatures constituent des points fixes qui gênent localement le tassement du
béton. Il y a alors désorganisation du squelette granulaire au voisinage de l’arma-
ture et génération de fissures qui peuvent pénétrer jusqu’à l’armature supérieure.
Le profil de fissuration reproduit alors le quadrillage de l’armature supérieure.

1. Voir à ce sujet la guide Remblayage des tranchées, édité par Cimbéton.

225
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

• la hauteur de béton frais est plus grande. La vitesse de tassement augmente


avec la hauteur de béton frais. Donc plus une levée est haute, plus le tassement
sera important. De même, si une pièce coulée en une seule fois est constituée de
zones d’épaisseurs différentes (cas des voussoirs, des poutres en T…), la vitesse
de tassement du béton sera plus importante sur la partie centrale de la pièce, où
l’épaisseur du béton est plus élevée, que sur les côtés. Il se créera un cisaillement
entre les zones d’épaisseurs différentes pouvant aller jusqu’à une décohésion sui-
vant des plans verticaux des différentes zones de la pièce.
• la durée avant prise est importante. Une température ambiante basse, un retar-
dateur de prise augmentent le temps de prise et ainsi la durée pendant laquelle le
tassement est possible.
• la suspension est instable. Ceci peut résulter:
– d’un manque d’éléments fins dans le sable ou d’un dosage en ciment insuf-
fisant,
– de grains plats dans les éléments fins du sable,
– d’un dosage en eau excessif,
– d’un excès de vibration,
– de la présence de certains électrolytes (une trop forte adjuvantation, par
exemple).
2.1.2. Moyens de prévention
La fissuration par tassement peut être facilement évitée. Pour ce faire, il est indis-
pensable que le béton soit correctement formulé, avec un dosage en ciment suffi-
sant et le cas échéant en fines inertes [LAR 02], et que l’eau de gâchage ne soit
pas en excès. Le diamètre maximal des granulats doit être compatible avec la di-
mension du coffrage et l’encombrement des armatures. Dans les cas qui nécessi-
tent un fort retard de prise, on pourra être amené à augmenter le dosage en fines.
2.2. Le retrait plastique
Le retrait plastique est dû à une dessiccation du béton avant prise. Il dépend des
conditions extérieures (humidité, température et vitesse du vent) et sera limité
principalement par une cure du béton.
Le retrait plastique est une déformation qui se produit avant durcissement sous
l’effet d’une dessiccation [WIT 76]. C’est un mécanisme identique à celui qui se
produit dans les sols fins ou argileux des zones de marnage lorsque l’eau se retire.
Il peut en résulter une fissuration superficielle de l’ouvrage, parfois très ouverte,
mais jamais très profonde. Ce retrait, d’origine exogène, se manifeste tant que le
béton est plastique, c’est-à-dire avant et/ou au tout début de la prise, et dès que la
surface de la structure n’est plus recouverte d’une pellicule d’eau, c’est-à-dire dès
qu’elle est en déséquilibre hydrodynamique avec le milieu ambiant.

226
La maîtrise de la fissuration au jeune âge: condition de durabilité des ouvrages en béton

Ce retrait est dû aux tensions capillaires, de même que le retrait d’autodessiccation (cf.
chapitre 5), à la différence près que, dans le cas présent, il ne s’agit plus d’une dessic-
cation au sein du matériau (autodessiccation), mais d’un séchage avec départ d’eau
vers l’extérieur. Le retrait plastique est donc principalement limité à la surface du bé-
ton (quelques centimètres sur un béton HP, 10 à 20 cm dans un béton ordinaire), con-
trairement au retrait d’autodessiccation qui se manifeste dans l’ensemble de la pièce.
Le retrait plastique dépend largement des conditions climatiques et notamment de
la vitesse de dessiccation au niveau des surfaces non coffrées de l’ouvrage. Ainsi,
par exemple, un béton mis en œuvre suivant des procédures adéquates, un jour où
la vitesse du vent est relativement faible, ne sera pas ou peu affecté par ce phéno-
mène. En revanche, la couche d’eau à la surface du béton s’évaporera rapidement
par vent fort, et la déformation pourra commencer à se manifester quelques minutes
après sa mise en place. Des abaques, établis par l’ACI [ACI 99] et basés sur des
données thermodynamiques et expérimentales, permettent d’estimer le taux d’éva-
poration de l’eau à la surface du béton en fonction de la température et de l’humidité
relative de l’air, de la vitesse du vent et de la température du béton (figure 6.6).

Humidité relative 100 % Température du béton


40°C
90
80
35
70
60
30
50
40 25
30 20
20 15
10 10
5
5 10 15 20 25 30 35 Vitesse du vent 40 km.h– 1
Température de l’air (°C)
35
Vitesse d’évaporation kg.m–2.h–1

4
30

3 25
20
2
15
10
1 5
0
0

Figure 6.6 : abaque permettant d'estimer la perte en eau du béton jeune sans protection
à partir des données climatiques ambiantes. Au-delà de 1 kg/m2/h la cure est
indispensable. En deçà elle reste conseillée [ACI 99].

227
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

2.2.1. Facteurs aggravants


Le retrait plastique est d’autant plus important que:
a) la dessiccation est forte. La dessiccation est favorisée par une hygrométrie sè-
che, un vent fort et une différence de température élevée entre le béton et le milieu
ambiant. Le risque de fissuration plastique peut en conséquence être aussi impor-
tant l’hiver que l’été, et même plus important l’hiver si le béton est chauffé. La
dessiccation se produit dès que l’eau de ressuage est entièrement évaporée. Pour
un béton ayant un bas E/C et donc un ressuage faible, ce risque est important (fi-
gure 6.7).

Figure 6.7 : retrait plastique d'un béton à bas E/C sur un tablier de pont
(photo J.-M.Torrenti).

La dessiccation peut parfois être aggravée par la succion de l’eau par le coffrage,
si celui-ci est poreux et absorbant, et s’il n’a pas été humidifié avant que le béton
soit coulé. Des coffrages non absorbants constituent une protection efficace con-
tre cet effet.
b) la pièce est fine. Ce type de retrait se manifeste essentiellement sur des pièces
qui présentent de grandes surfaces d’évaporation par rapport à leur volume (en-
duit, revêtement routier, dalle), donc des pièces fines, où il peut alors engendrer
une fissuration importante. Sur des surfaces horizontales larges, les fissures cons-
tituent en général un maillage, dont la maille varie de quelques centimètres à quel-
ques décimètres. À la surface des pièces verticales (voiles, poutres, longrines)
elles constituent un réseau de fissures transversales parallèles. Ces fissures n’ap-
paraissent que si les déformations sont empêchées soit par une partie de la pièce
(plus massive ou plus ancienne), soit par des conditions aux limites (cas des revê-
tements routiers ou des enduits de façade), ou si la géométrie de la pièce et sa taille
peuvent conduire à la localisation de l’endommagement en une ou plusieurs fis-

228
La maîtrise de la fissuration au jeune âge: condition de durabilité des ouvrages en béton

sures principales. Ces fissures n’apparaissent pas dans une chape désolidarisée,
par exemple.
Dans des pièces plus épaisses (radier, chevêtre, semelle épaisse, tête de pieu), la
profondeur de la zone affectée par la dessiccation, et donc par le retrait, est très
faible. Par conséquent, la fissuration est peu profonde. Elle est également peu
ouverte.
c) la prise est lente et la rétention de l’eau de gâchage est mauvaise. Une tempé-
rature ambiante basse, des constituants secondaires (laitiers, cendres volantes…),
un excès d’eau de gâchage, ou encore l’utilisation d’adjuvants ayant un effet re-
tardateur, allongent la période de prise et ainsi accentuent le retrait plastique.
2.2.2. Moyens de prévention
Ce type de fissuration peut être évité :
– en assurant une cure efficace, c’est-à-dire en humidifiant la surface du béton,
en projetant un produit de cure efficace ou, encore, en recouvrant la surface du
béton d’une feuille de polyane, et ce le plus tôt possible après la mise en place du
béton;
– en fermant les ouvertures si le béton est coulé en intérieur ;
– en érigeant temporairement des paravents et des pare-soleil pour réduire res-
pectivement la vitesse du vent et la température à la surface du béton frais;
– en humidifiant les coffrages ou en utilisant des coffrages non absorbants;
– en évitant les trop forts écarts entre la température du béton et la température
de l’air ambiant.
Une technique nouvelle pour maîtriser la fissuration par retrait plastique consiste
à utiliser des fibres de polypropylène. Ces fibres (résistance à la traction de
600 MPa, module d’Young de 3,5 GPa) sont utilisées pour cette application en
faible proportion (de l’ordre de 0,1 à 0,5 % en volume). Elles réduisent l’ouvra-
bilité des bétons, mais la mise en place sous vibration peut s'effectuer normale-
ment [ALT 88]. Ces fibres réduisent le retrait dans des proportions qui ne sont pas
très importantes, tout au plus 10 % [HAN 78], mais elles diminuent considérable-
ment la fissuration qui est associée au retrait plastique. Le mécanisme est encore
mal compris, mais de nombreux essais de retrait empêché ont montré que les fi-
bres de polypropylène à la fois retardent l’apparition des fissures, mais aussi di-
minuent (jusque dans un rapport 10) l’ouverture de ces fissures [GRZ 90],
[KRA 85]. Ce dernier point, qui permet un contrôle de l’ouverture des fissures,
est particulièrement intéressant en ce qui concerne la durabilité. Ainsi, dans des
conditions climatiques sévères (température de 40 à 46 °C en surface avec une vi-
tesse de vent de 16 à 24 km/h) des échantillons possédant 0,2 % de fibres n’ont
présenté aucune fissure visible, alors que les échantillons non armés présentaient,

229
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

au bout de 6 à 8 heures, des fissures qui pouvaient atteindre un millimètre


d’ouverture [ALT 88].
L'utilisation de fibres de polypropylène peut donc être envisagée dans le cas de
bétons particulièrement exposés aux risques de dessiccation rapide.

3. FISSURATION DUE AU RETRAIT D’AUTODESSICCATION


(OU RETRAIT ENDOGÈNE)
Le retrait endogène augmente lorsque le rapport E/C diminue et doit être pris
en compte notamment dans les structures dont les déformations sont gênées.
Le retrait d’autodessiccation est d’origine endogène. Toute éprouvette de béton, qui
n’est pas immergée sous eau, a tendance à se rétracter au cours du temps, même si
elle est isolée du milieu extérieur afin d’éviter sa dessiccation (cf. chapitre 5).
Ce retrait peut en général être considéré comme uniforme dans le volume corres-
pondant à une même opération de bétonnage, car les gradients d’humidité au sein
de la structure sont relativement faibles en raison de la faible perméabilité du béton.
L’évolution du retrait endogène au jeune âge suit de très près la cinétique d’hy-
dratation du ciment, sa vitesse est donc très rapide dans les premiers jours. Dans
les conditions d’une déformation totalement gênée (comme dans l’essai au banc
de fissuration qui est utilisé, par exemple, pour évaluer sur le plan des risques de
fissuration les bétons de chaussée), l’éprouvette finit en général par se casser, ceci
même en l’absence de toute dessiccation et de toute variation de température.
Ceci signifie que, malgré la relaxation des contraintes (phénomène pourtant par-
ticulièrement rapide au jeune âge), les contraintes générées par le seul retrait en-
dogène, lorsqu’il est totalement empêché, finissent par atteindre des valeurs
égales à celles de la résistance à la traction du matériau.
3.1. Facteurs aggravants
ˆ Une diminution du rapport eau/ciment (E/C)
Le retrait d’autodessiccation ne concerne que les bétons à hautes performances
(rapport E/C inférieur à 0,40) pour lesquels il ne peut être évité. Le retrait endo-
gène des bétons ordinaires est négligeable ou faible tant que le rapport E/C est su-
périeur à 0,40 (il est inférieur à 100 × 10–6 pour les bétons dont le rapport E/C est
supérieur à 0,45). En revanche, ce retrait augmente très vite avec la diminution du
rapport E/C quand ce rapport est inférieur à 0,40, et peut atteindre, pour certains
bétons HP, 300 × 10–6. Ce retrait se manifeste sur plusieurs jours (principalement
pendant les premiers jours, mais le béton peut continuer à se rétracter pendant plu-
sieurs mois, tant que le ciment s’hydrate).

230
La maîtrise de la fissuration au jeune âge: condition de durabilité des ouvrages en béton

Cumul des volumes de clinker + hydrates + eau


(rapporté au volume initial de clinker)

béton ordinaire
2,34
(E/C = 0,42) 2,16
béton à hautes performances

1,63 BFUP Fin de


(E/C = 0,20)
l'hydratation
Eau C–S–H + CH
y compris 28 %
1 de nanopores (saturés)

Clinker

0 Degré d'hydratation 1

Figure 6.8 : évolution des volumes relatifs (cumulés) du ciment, des hydrates, de l'eau
évaporable et de l'air au cours de l’hydratation, en fonction du taux de ciment consommé,
pour trois valeurs types du rapport E/C initial : en-dessous de 0,42, l'hydratation s'arrête
par épuisement de l'eau disponible, et les tensions dans la phase liquide génèrent un
retrait; dans un BFUP, l'hydratation et l’autodessiccation s'arrêtent très tôt.

ˆ Un blocage ou une gêne de la déformation de retrait


Ce retrait est, pour l'essentiel, uniforme dans le volume de la pièce et n’entraîne
donc aucun effet mécanique, aucun risque de fissuration, ni dans une pièce préfa-
briquée, ni dans une pièce coulée en place et libre de se déformer (coulée une seu-
le phase et bloquée ni par ses appuis ni par son coffrage).
Par contre, lorsque le retrait est empêché, ou même simplement gêné (support ri-
gide continu, appuis fixes, reprise de bétonnage…, tout cela agit dès le début de
la prise), il constitue souvent une composante non négligeable de la fissuration
précoce.
3.2. Moyens de prévention
Dans le cas d’un béton à hautes performances (rapport E/C inférieur à 0,40) dont
les déformations sont bloquées, il n’est pas toujours possible d’éviter la fissura-
tion par autodessiccation, mais il est tout à fait possible de limiter l’ouverture des
fissures, par différents moyens:
• en calculant les contraintes supplémentaires engendrées et en en tenant compte
dans la conception de l’ouvrage (ferraillage, précontrainte);

231
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

• en maintenant une humidité saturée, dès la fin de la mise en place, à la surface


du béton, par arrosage, brumisation, protection par une toile humide ou par un
film plastique qui stoppe toute évaporation;
• en utilisant des agents réducteurs de retrait [TAN 97, SHA 98, NMA 98] qui
peuvent être ajoutés au malaxage ou au produit de cure (ils seront alors impré-
gnés dans le béton). Il s’agit d’agents tensio-actifs, assez chers et modérément
efficaces, qui réduisent les tensions superficielles, donc la pression (qui est néga-
tive) dans la phase liquide;
• en soignant l’homogénéité et la régularité de la fabrication afin d’éviter des
retraits localement différés:
– régularité des approvisionnements en ciment, adjuvants et granulats,
– régularité de fabrication (dosages, introduction des adjuvants, durée de
malaxage), d’où l’intérêt de l’enregistrement des paramètres de fabrication,
– régularité du processus de mise en place et de l'énergie développée lors de
la vibration.

4. LA FISSURATION PAR GRADIENT THERMIQUE


ET/OU RETRAIT THERMIQUE
Dans les structures massives, la chaleur dégagée par la réaction d'hydratation
du ciment conduit à des élévations importantes de température. Ceci peut géné-
rer une fissuration à cause des gradients thermiques ou lorsque le retrait ther-
mique en phase de refroidissement est gêné.
Cette problématique est d’abord apparue en préfabrication [LAP 82]. De nos
jours, ce sont plutôt des impératifs de productivité (nécessité d’une résistance pré-
coce pour une mise en tension de la précontrainte, pour un poussage de l’ouvrage,
pour la rotation des coffrages...), ou des contraintes environnementales qui con-
duisent à des ponts de plus grandes portées, et donc à des projets exceptionnels
par la dimension des pièces (semelles du pont de Normandie, piles du pont de
l’Elorn, piles du viaduc de Millau…) qui rendent nécessaire la prise en compte du
comportement thermique des structures en béton au jeune âge.
Remarque. Bien qu’il ne s’agisse pas de fissuration, il convient de noter que, à long
terme, un béton qui a subi une élévation de température importante au jeune âge
aura une résistance finale plus faible que celle du même béton qui serait resté à tem-
pérature ambiante. Ceci est sans doute attribuable à la microstructure des hydrates
formés à température élevée [REG 80, TOR 92, CHA 96, DAL 04].

4.1. Cas des structures massives


Dans les pièces massives, la température s’élève à cœur en raison de l’exothermi-
cité des réactions mises en jeu au cours de l’hydratation des ciments. Ces réac-
tions apportent en effet de l’ordre de 500 J/g de ciment et, lorsque l’épaisseur est

232
La maîtrise de la fissuration au jeune âge: condition de durabilité des ouvrages en béton

supérieure à 1 mètre, le cœur est pratiquement dans des conditions adiabatiques


parce que le béton est peu conducteur de la chaleur (1,5 à 1,8 W/m/K), et la tem-
pérature peut monter jusqu’à 70 °C voire davantage. Un gradient de température
apparaît alors entre peau du béton (zone située en bordure des surfaces d’échange)
et le cœur de la structure. Ce gradient va se traduire par des retraits thermiques
différentiels. Au cours du refroidissement, la température de la peau diminue
beaucoup plus rapidement que celle au cœur de la structure, ce qui accentue les
gradients. La peau du béton est alors soumise à des contraintes de traction très im-
portantes (retrait gêné), alors que le cœur de la structure est en compression. Il en
résulte des gradients de contraintes et, potentiellement, une fissuration superfi-
cielle de l’ouvrage si les contraintes en traction au niveau de la peau du béton sont
supérieures à sa résistance en traction.
Au cours du refroidissement, l’écart de température dans la structure peut facile-
ment dépasser 30 °C, par exemple. La peau de l’échantillon sera alors mise en
traction et soumise à une contrainte de l’ordre de 10 MPa (si on considère le mo-
dule d’Young du béton de l’ordre de 30 GPa, et le coefficient de dilatation ther-
mique de l'ordre de 10 ×10–6 °C–1). Cette valeur est nettement supérieure à la
résistance en traction d’un béton, et la peau se fissurera toujours au cours du re-
froidissement.
Dans le cas de structures massives, le retrait thermique peut atteindre, selon le do-
sage et la nature du ciment, 400 à 500 × 10–6 dès que l’épaisseur dépasse 60 à
80 cm (40 à 50 cm pour un radier). Il débute avec la fin de la prise (la température
maximale est atteinte entre 20 et 40 h), et peut se manifester pendant plusieurs
jours, voire quelques semaines après la mise en œuvre du béton (la durée de re-
froidissement peut être estimée par d = 8 × e2, où d est en jours et e est l’épaisseur
en mètre).
Cette fissuration de peau peut être observée dans les massifs de fondation coulés en
continu, les chevêtres ou les voussoirs sur pile. Les fissures sont cependant rare-
ment très ouvertes, car la distance entre deux fissures principales consécutives est
du même ordre que la profondeur de la zone tendue, laquelle ne peut dépasser le
quart de l’épaisseur. L’espacement entre les fissures est donc un critère d’analyse:
quand cet espacement est inférieur au double de l’épaisseur d’un voile, elles sont
dues au gradient de surface (et elles ne sont généralement pas traversantes), lorsque
les fissures sont dues au retrait gêné au niveau de la reprise de bétonnage (fondation
ou levée précédente), cet espacement est plutôt compris entre une fois et deux fois
la hauteur du voile (et dans ce cas, elles sont toujours traversantes).
Dans le cas des chevêtres ou des voussoirs sur pile, les effets du retrait thermique
s’ajoutent à ceux du retrait endogène, notamment lorsque ces structures sont réali-
sées en béton de hautes performances qui sont généralement des bétons à forte cha-

233
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

leur d’hydratation et à fort retrait endogène. Il ne faut pas confondre cette cause de
fissuration avec le mécanisme de formation différée d’ettringite (cf. chapitre 11).
4.2. Cas des bétons traités thermiquement
Les traitements thermiques sont aujourd’hui soigneusement contrôlés, car ils pré-
sentent un risque particulier: lorsque l’apport de chaleur coïncide avec la fin de la
période dormante et que la montée en température est rapide, il y a un effet de cou-
plage entre l’apport extérieur d’énergie calorifique et la chaleur d’hydratation,
couplage qui peut conduire, au cœur de la pièce, à des élévations de température
largement supérieures à la température programmée. Contrairement au cas des
bétons de masse, c’est dans les ouvrages de faible épaisseur (plus petite dimen-
sion inférieure à 15 cm, ce qui est fréquent en préfabrication) que ce risque est le
plus élevé. Dans des petits éléments préfabriqués traités à la vapeur juste avant ou
au tout début de la prise, et chauffés en une heure à 80 °C par exemple, on a me-
suré des températures à cœur supérieures à 90 °C [ACK 86].
4.3. Facteurs aggravants
Dans le cas des bétons non traités thermiquement, les principaux facteurs aggra-
vants sont les suivants.
ˆ L’augmentation de la taille des pièces en béton
Inexistantes en deçà de 50 cm d’épaisseur dans le cas de bétons non traités ther-
miquement, les fissures d’origine thermique sont pratiquement inévitables lors-
que l’épaisseur du béton est supérieure à 80 cm. Elles peuvent même apparaître
dans des ouvrages d’épaisseur plus modeste (dès 20 cm) lorsqu’une face est isolée
thermiquement, si l’ouvrage est soumis à des conditions aux limites de déplace-
ment empêché. L’expérience acquise sur les chantiers montre clairement que, dès
qu’il existe une zone de béton dont la distance à la plus proche surface refroidie
dépasse 50 cm, la température du béton peut s’y élever de 30 à 50 °C. Il est alors
indispensable de traiter les coffrages si l’on veut éviter une fissuration intense et
ouverte au cours du refroidissement, par exemple avec un flocage ou une isolation
thermique dans les zones moins épaisses, pour diminuer les écarts de température
entre zones.
ˆ Un dosage élevé en ciment et l’utilisation de ciment réactif
Ceci est caractéristique des bétons de hautes performances qui montrent souvent
des chaleurs d’hydratation plus élevées, mais aussi et surtout des cinétiques d’hy-
dratation plus rapides que celles des bétons classiques. Des observations sur chan-
tiers où sont mis en œuvre ces types de béton montrent que l’on peut avoir, avec
des bétons HP, des effets thermiques non négligeables, même pour des épaisseurs
inférieures à 30 cm.

234
La maîtrise de la fissuration au jeune âge: condition de durabilité des ouvrages en béton

ˆ Les liaisons mécaniques


Ce type de fissuration est aggravé dans toutes les zones où le retrait est empêché
ou restreint, comme par exemple au niveau des reprises de bétonnage (voile épais
coulé par levées successives) ou d’encastrement (barrage, voile encastré sur un
massif de fondation ou sur une semelle filante, parapet, chaussée sur couche ou
sol rigide, revêtement de tunnel [AGG 94]. Dans certains cas, on peut avoir des
fissures localisées, beaucoup plus espacées. Sur un barrage, par exemple, on a ob-
servé entre les fissures des distances supérieures à 90 m, donc largement plus
ouvertes (plusieurs millimètres). L’espacement entre les fissures peut ainsi être
très variable (la plage des distances observées sur les ouvrages va de quelques
centimètres à quelques dizaines de mètres), et la grande étendue des ouvertures
de fissure observées est donc avant tout liée au rôle majeur des conditions aux li-
mites mécaniques de la structure, bien plus qu’aux paramètres thermiques et mé-
caniques du matériau.
Dans le cas des bétons traités thermiquement, les facteurs aggravants sont ceux
mentionnés précédemment auxquels on peut ajouter:
ˆ Une courte durée de précure
Un traitement thermique, qui débute avant que le béton ait atteint une certaine ri-
gidité, en d’autres termes avant la prise, favorise la création de fissures.
ˆ Une élévation rapide en température, et/ou surtout un refroidissement rapide
La contrainte générée est en effet d’autant plus élevée que le gradient (ΔT/Δx) de
température au sein d’une structure est élevé. Le refroidissement est davantage
susceptible d’endommager un échantillon de béton que le chauffage, pour les rai-
sons suivantes :
– au cours du refroidissement, la peau est en traction, ce qui tend à ouvrir des
microfissures en surface. À l’opposé, au cours du chauffage, la dilatation de la
peau est empêchée par celle, plus faible, du cœur. Dans ce dernier cas, la peau est
en compression et le cœur en traction ;
– lors du refroidissement, l’hydratation étant plus avancée qu’au cours du chauf-
fage, le module d’Young du béton est plus élevé. La contrainte générée lors du
refroidissement est par conséquent plus importante que lors du chauffage ;
– au cours de la montée en température, la pâte est moins rigide qu’au cours du
refroidissement, et les fissures qui auraient pu s’ouvrir alors se referment et peu-
vent se cicatriser plus facilement par hydratation ultérieure.
ˆ Une température élevée au cœur du béton
Le gradient de température susceptible d’être atteint dans une structure est
d’autant plus élevé que la température maximale atteinte au cœur de la structure
est élevée.

235
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

4.4. Moyens de prévention


Il est possible de prévoir les risques de fissuration d’origine thermique et de les
réduire:
• en choisissant, notamment dans le cas des ouvrages massifs, un ciment présen-
tant une faible vitesse de dégagement de chaleur plutôt qu’un dégagement brutal.
Avec un ciment de classe 52.5, le flux de chaleur maximal (calorimétrie adiabati-
que sur mortiers normalisés) dépasse souvent 40 J.g–1.h–1 (> 50 J.g–1.h–1 pour
un 52.5R) et il est obtenu très tôt (entre 7 et 9 heures après le gâchage) ; avec un
CEM II 32.5, ce même flux maximal ne dépasse que très rarement 30 J.g–1.h–1
vers 10 heures et, avec un CEMIII/B 42.5, on descend à 15 J.g–1.h–1 au bout de
15 heures environ. La norme EN 197-1/A1 spécifie les ciments pouvant être dits
à faible chaleur d’hydratation et qui sont désignés LH1 ;
• lorsque cela est possible, et c’est généralement le cas pour les bétons de masse
qui ne requièrent pas des résistances initiales importantes, l’utilisation de
ciments contenant des additions minérales (cendres volantes, laitier) en substitu-
tion d'une partie du clinker, permet de réduire le dégagement de chaleur initial.
Leur utilisation peut permettre de diviser par 2 l’augmentation de la température
dans des pièces d’une certaine épaisseur [BAM 84];
• en contrôlant le profil de température suivi par la pièce en béton. Des recom-
mandations européennes existent aujourd’hui pour limiter l’élévation trop bru-
tale ou trop élevée lors de la mise en œuvre, aussi bien pour les ouvrages massifs
[ENV13670] que pour des éléments préfabriqués traités thermiquement
[EN13369];
• en évitant, dans le cas des ouvrages massifs, l’utilisation de coffrages trop iso-
lants (par exemple les coffrages en bois) ou alors en ne les démontant que lors-
que la température à cœur a chuté, ce qui prend un temps parfois assez long, afin
de limiter les gradients thermiques;
• en protégeant la face non coffrée contre la dessiccation au jeune âge, celle-ci
étant accrue par une élévation de température de la masse du béton;
• en ajoutant des armatures complémentaires qui permettent de réduire les
ouvertures de fissures (les armatures ne peuvent pas empêcher la fissuration ther-
mique, car elles ont le même coefficient de dilatation thermique que le béton,
mais elles répartissent les fissures, donc diminuent d'autant leurs ouvertures);

1. Le fait que l’on utilise un ciment à faible chaleur d’hydratation ne garantit pas que l’élévation de
température dans le béton soit modérée, les autres facteurs comme le dosage en ciment étant évi-
demment aussi importants.

236
La maîtrise de la fissuration au jeune âge: condition de durabilité des ouvrages en béton

• en effectuant une modélisation numérique des effets mécaniques produits dans


les ouvrages en béton par l’hydratation du ciment. Cette analyse permet notam-
ment d’estimer les vitesses de montée en température et de refroidissement aux
différents points de la structure, et d’en déduire les contraintes générées, con-
naissant la conductivité thermique du béton, sa capacité calorifique, la taille et la
forme de la pièce, ainsi que les conditions thermiques imposées aux limites. Ce
genre de calcul est aujourd’hui opérationnel, largement validé par un grand nom-
bre d’applications qui ont permis de confirmer, par des mesures in situ, les
valeurs prédites [TOR 94]. Il est systématiquement utilisé pour les ouvrages
exceptionnels ou qui présentent des zones à risque de fissuration d’origine ther-
mique. Le paragraphe suivant présente quelques éléments de cette modélisation.
4.5. Modélisation du comportement au jeune âge
4.5.1. Comportement en température
L'évolution des températures dans les structures en béton au jeune âge peut être
modélisée. La prédiction des températures est donc possible chaque fois que le
problème industriel le justifie.
L’analyse des phénomènes physiques montre que l’on peut découpler l'effet ther-
mique des effets mécaniques1.
La modélisation des effets thermiques de la réaction d'hydratation se fait au
moyen de l'équation de la chaleur:
dT
ρ c ------ = – div ( – kgradT ) + Q· (1)
dt
où ρc désigne la capacité calorifique du béton (produit de la masse volumique par
la capacité thermique massique du béton), k le tenseur de conductivité de chaleur,
Q· le taux de chaleur généré par l’hydratation du ciment, T la température et t le
temps.
Examinons les données nécessaires pour résoudre ce problème.
ˆ La conductivité thermique k
La conductivité thermique d’un béton dépend de nombreux paramètres qui ne
sont pas toujours constants: la teneur en eau du béton, le type de granulats, la po-
rosité, la température, le degré d’avancement de l’hydratation [MOU 06]… Il
existe différentes formules pour tenir compte de ces paramètres (voir par exemple
[HAM 92]). Mais, d’une part, ce paramètre varie peu pendant l’hydratation et,

1. Un couplage existe: les dissipations mécaniques se font en partie sous forme thermique. Cet
apport est toutefois négligeable devant l’apport dû aux réactions chimiques.

237
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

d’autre part, des calculs sur structures montrent qu’en faisant varier ces paramè-
tres, cela n’entraîne que des différences marginales sur les températures calcu-
lées. On peut donc garder constante la valeur de la conductivité thermique (autour
de 2 W/m/K).
Il est cependant un paramètre à considérer dans le calcul de la conductivité ther-
mique, c’est le pourcentage d’armatures. En effet, l’acier est beaucoup plus con-
ducteur que le béton et, dans les structures très ferraillées, il importe d’en tenir
compte (k peut atteindre jusqu’à 3 W/m/K [ACK 90]).
ˆ La capacité calorifique ρc
Elle est égale au produit de la masse volumique par la capacité thermique massi-
que du béton. Elle dépend donc de la composition du béton et, notamment, du
type de granulats, mais aussi de la teneur en eau, du degré d’avancement de la
réaction d’hydratation, de la température [WAL 00].
Pour les besoins de la pratique, on peut la considérer constante, égale à 2,4 J/cm3/°C,
ou bien la calculer à partir de la composition du béton. Le tableau 6.1 rassemble les
capacités thermiques massiques de chaque composant, issues de différentes sources.
Tableau 6.1 : capacités thermiques massiques des composants du béton (J/°C/g)
[WAL 2000].

Ciment Eau Granulats


norme NF P 15-436 0,75 3,76 0,75
Smeplass et Maage 0,8 4,2 0,8
US Bureau of reclam. 0,8 4,18 0,7 à 0,9

ˆ La chaleur d'hydratation
Il faut ici s’intéresser à deux aspects du problème: la quantité finale Q(∞) de cha-
leur dégagée et Q· ( t ) qui donne la cinétique de dégagement de chaleur.
La quantité finale dépend de nombreux facteurs. Les principaux sont :
– la composition du clinker. Tous les constituants du ciment n’apportent pas la
même contribution en termes de dégagement de chaleur. On notera l’influence
du C3A et du C3S (tableau 6.2). En général, ce dernier étant prépondérant dans
les ciments, la chaleur d’hydratation en sera largement dépendante.

238
La maîtrise de la fissuration au jeune âge: condition de durabilité des ouvrages en béton

Tableau 6.2 : chaleurs d'hydratation des composants purs [NEV 2000].

Chaleur d'hydratation J/g


C3S 500
C2S 260
C3A 900
C4AF 420

– les ajouts. Lorsque l’on remplace une partie du clinker par des fillers inertes,
une cendre volante, des fumées de silice, etc., la chaleur finale en est modifiée.
La valeur de Q(∞) doit alors être estimée en tenant compte des différentes réac-
tions, qui de plus peuvent être couplées [SCH 92, WAL 00] ;
– la composition du béton, le dosage en ciment et le rapport E/C, notamment. La
chaleur dégagée dépend évidemment du dosage en ciment. Dans le cas des
bétons à faible E/C, l’hydratation peut être incomplète, ce qui réduira la quantité
de chaleur dégagée;
– le pourcentage d’armatures. Pour des pièces très ferraillées, la quantité de cha-
leur dégagée peut être réduite de manière significative.
La cinétique de réaction est, quant à elle, fonction :
– de la composition du clinker: tous les composants ne réagissent pas à la même
vitesse. On notera cependant que C3S et C3A qui réagissent le plus rapidement
sont également les hydrates dont la réaction dégage le plus de chaleur [COP 60];
– de la surface spécifique du ciment. Plus cette surface est importante plus le
ciment sera réactif;
– des ajouts. Les réactions pouzzolaniques sont plus lentes que l’hydratation du
ciment. On a donc une modification de la cinétique de dégagement de chaleur;
– des adjuvants. Sans parler des accélérateurs et retardateurs de prise, les fluidi-
fiants, par exemple, ont un effet d’écran vis-à-vis de l’hydratation du ciment
[BUI 84];
– de la quantité de chaleur déjà dégagée Q(t) et de la température absolue T(t).
Cette dépendance s’exprime au moyen de la loi d’Arrhénius qui traduit le carac-
tère thermoactivé de la réaction [REG 80, BYF 80]:
Ea ⎞
Q· ( t ) = f ( Q ( t ) ) exp ⎛ – -------------
- (2)
⎝ RT ( t )⎠
où Ea est l’énergie d'activation de la réaction et R la constante des gaz parfaits.
Cette loi est fondamentale dans la modélisation du béton au jeune âge. Elle a deux
conséquences. La première est que le paramètre Q ne peut pas être éliminé entre

239
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

l’équation de la chaleur et la loi d’Arrhénius. En d’autres termes, l’état thermique du


béton ne peut être décrit uniquement à l’aide de la température. On a besoin de con-
naître la quantité de chaleur dégagée Q(t) ou le degré d’hydratation1 ξ = Q(t)/Q(∞).
La loi d’Arrhénius est une véritable loi d’évolution de ce paramètre. Le degré d’hy-
dratation est calculé, au même titre que la température, par la résolution des équations
présentées.
La seconde conséquence est qu’il suffit d’effectuer un essai calorimétrique, qui
donne f(Q), pour prédire le taux de chaleur générée sous différentes conditions.
Il existe plusieurs méthodes expérimentales calorimétriques (comparées notam-
ment dans [WAI 92] et [LIV 91]) pour la détermination de l’évolution du déga-
gement de chaleur pendant l’hydratation. Les plus courantes pour le béton sont:
– la calorimétrie adiabatique; elle repose sur le fait que, en conditions parfaite-
ment adiabatiques (tout échange de chaleur est empêché vers le milieu extérieur,
dont la température est maintenue, par asservissement, égale à la température au
cœur de l’éprouvette), la quantité de chaleur dégagée est déductible de l’éléva-
tion de température par simple multiplication par la capacité thermique du béton
(en supposant celle-ci constante);
– les essais semi-adiabatiques; ces essais recourent à un matériel plus simple et
moins coûteux : on suit au long de l’hydratation la température d’une éprouvette
de béton, de diamètre 16 cm et de hauteur 32 cm, placée, dès sa fabrication, dans
une boîte calorifugée, dont on connaît les déperditions thermiques; il est dès lors
possible de revenir à une courbe adiabatique théorique en corrigeant la courbe
des températures mesurées des pertes du calorimètre et en traduisant la thermo-
activation à l’aide de la loi d’Arrhénius [ACK 88]. La comparaison d’essais au
calorimètre adiabatique et d’essais semi-adiabatiques montre cependant que,
même après correction, il existe une différence entre les résultats obtenus à partir
des deux appareils. Cela peut provenir de la réaction elle-même: les températu-
res atteintes ne sont pas les mêmes dans les deux appareils, et il est possible que
la quantité Q(∞) dépende de la température. La manière de corriger les résultats
de l’essai semi-adiabatique (qui suppose un régime permanent de pertes) peut
aussi être incriminée [SED 93]. Selon l’épaisseur des pièces à étudier, on pourra
donc utiliser ou pas l’essai semi-adiabatique. Pour les pièces très massives, on
lui préférera l’essai adiabatique.
La loi d’Arrhénius est également à la base du concept de temps équivalent. Le
temps équivalent te est celui qu'il aurait fallu à la réaction d’hydratation pour at-

1. On parle ici d’un degré d’hydratation alors qu’il y a en fait plusieurs réactions liées à chaque
espèce anhydre; l'expérience montre toutefois que cette simplification n'est pas outrancière, sauf
dans le cas des ciments avec ajouts pouzzolaniques.

240
La maîtrise de la fissuration au jeune âge: condition de durabilité des ouvrages en béton

teindre, à 20 °C, son état actuel (mesuré par exemple par le degré d’hydratation
ξ = Q(t)/Q(∞) ):
t Ea Ea
te = ∫ exp ⎛ – -------------- -⎞ dτ
- + ----------------------------- (3)
0
⎝ RT ( τ ) R ( 273 + 20 )⎠
Suivant ce concept, on peut, à partir d’une courbe maîtresse (relation résistance-
temps équivalent) prévoir les résistances au jeune âge du béton [BYF 80,
CAR 83, TOR 92, DAL 93]. C'est ce principe qui est utilisé sur chantier dans les
maturomètres pour prédire les résistances à court terme [CHA 96].
Dans la loi d’Arrhénius le paramètre fondamental est l’énergie d’activation Ea. Il
a été mis en évidence aussi bien expérimentalement que par modélisation et simu-
lations, que Ea dépend d'abord du ciment [BRE 82, DAL 02], puis de l’adjuvan-
tation, de la température, de l’avancement de la réaction d’hydratation [BRE 82,
DAL 93], de la durée de la période dormante (notamment si elle très longue)
[DAL 04].
Comme ce paramètre est absolument fondamental dans la prévision de la résistan-
ce, des efforts particuliers ont été faits pour sa détermination. Les travaux de
[DAL 04] ont permis de définir une méthode de détermination de Ea. Ce paramè-
tre peut être également déterminé sur MBE (mortier de béton équivalent) à l’aide
de calorimètres Langavant [DAL 98]. Enfin, une réflexion collective a également
abouti à des recommandations applicables aux chantiers utilisant la méthode
[DAL 04]. Ces recommandations portent sur: la régularité de la fabrication, le
choix des points de mesures de la température dans l’ouvrage, le choix de l’ins-
trumentation, l’étalonnage au laboratoire et sur chantier, et la mise en place de
contrôles de conformité. Plus récemment, des travaux ont été conduits afin d’étu-
dier l’influence de la maturité au décoffrage sur la qualité des parements en béton
et la durabilité du béton de peau [NAC 02].
Le problème thermique fait également intervenir des conditions aux limites. En
général, celles-ci s'expriment comme un flux de chaleur à travers les surfaces
d’échanges:
Q = – λ ( T s – T ext ) (4)
où Ts est la température de surface et Text la température du milieu ambiant. Le
coefficient λ modélise globalement le processus d'échange avec le milieu exté-
rieur, en caractérisant la plus ou moins grande isolation du béton en fonction du
type de coffrage choisi (bois, métal, bâche isolante, surface libre) et des données
climatiques (surface ventilée ou abritée) [LAP 82]. λ peut ainsi varier de 0,5 à
6 W/m2/K [ACK 88]. Pour des structures très élancées (comme les dalles de pont
par exemple), une estimation correcte de la valeur des coefficients d'échange est

241
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

primordiale et un calage de ces paramètres par rapport au chantier souvent néces-


saire1.
Lorsque tous les paramètres des équations (1), (2) et (4) sont bien maîtrisés, la si-
mulation des températures est en bon accord avec l’expérience (voir par exemple
[TOR 95]). Il est donc possible de prédire les élévations de température, de tester
l'effet de formulations différentes, de durée avant décoffrage, etc., dès lors que le
problème industriel le justifie.
4.5.2. Comportement mécanique
À partir des champs de température et de degré d’hydratation, et en supposant une
décomposition des déformations en parties élastique, inélastique, retrait, fluage et
thermique, on peut estimer les champs de contraintes. Les modèles utilisés sont
fondés sur des concepts variés et dépassent le cadre de cet ouvrage. On trouvera
des exemples de modélisations dans [BOU 92, TOR 95, ACK 96, SCH 02], [SCH
04] ou [ACK 04].

5. CONCLUSION
La fissuration la plus pénalisante pour la durabilité des ouvrages en béton est la
fissuration précoce. Elle donne, en effet, des fissurations ouvertes. Elle est, en
pratique, toujours évitable. Voici cinq précautions élémentaires pour prévenir
presque toutes les fissurations précoces (il faut noter que les quatre premières re-
lèvent des règles de l’art qui devraient être toujours appliquées):
– composer le béton de manière à ce que son dosage en éléments fins (ciment
compris) soit optimal (mélange à porosité minimale), et choisir la dimension du
plus gros granulat compatible avec la dimension du coffrage et l’encombrement
de l’armature. On réduit ainsi le risque de fissures par tassement du béton frais et
on assure une rétention correcte de l’eau de gâchage;
– appliquer une brumisation ou choisir un produit de cure efficace; l’appliquer
correctement et en temps voulu au dosage recommandé. On réduit et parfois
même on supprime ainsi le risque de fissuration plastique;
– veiller à la régularité des approvisionnements et de toutes les opérations de la
chaîne de mise en œuvre;
– prendre en compte, dès la conception de l’ouvrage, le risque de retrait thermi-
que après prise dans le cas des ouvrages de masse;
– s’affranchir du risque de retrait thermique dans le cas d’ouvrages traités ther-
miquement en soignant le procédé de préfabrication et, notamment, la durée de

1. Il peut exister un écart très important entre la valeur théorique d’un coefficient d’échange et sa
valeur réelle, notamment à cause de la mise en œuvre sur chantier: du polystyrène maintenu par
des poutres métalliques tous les 20 cm ne pourra pas être aussi isolant que prévu…

242
La maîtrise de la fissuration au jeune âge: condition de durabilité des ouvrages en béton

cure, la vitesse de montée en température et de refroidissement, et la température


maximale au cœur de la structure.
Revenons au cas des bétons traités thermiquement mis à profit surtout dans les
usines de préfabrication afin d’accélérer leurs acquisitions de résistances. En
1983, Marc Mamillan pouvait écrire: « le traitement thermique constitue le
moyen le plus efficace pour obtenir la résistance nécessaire au démoulage en
quelques heures ». Ceci n’est plus tout à fait exact aujourd’hui. Le développement
des bétons de hautes performances, avec l’usage d’adjuvants et d’ajouts minéraux
(et notamment des fumées de silice, qui font maintenant partie de certains ci-
ments) a montré qu’il était possible d’obtenir des résistances mécaniques très éle-
vées à des âges inférieurs à 24 heures, et ceci pour un coût global qui est du même
ordre.
Il faut ajouter à cela que les formulations modernes – celles des BHP notamment
– conduisent à une augmentation des résistances finales, en même temps qu’à une
amélioration de la plupart des caractéristiques qui contribuent à la durabilité du
matériau.

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246
CHAPITRE 7

La durabilité dans le contexte


normatif européen

P. ROUGEAU, P. GUIRAUD

Résumé
Les ouvrages en béton disposent aujourd’hui d’un nouveau support normatif très
complet, constitué de normes européennes et de référentiels français. Cet en-
semble de textes couvre le dimensionnement des ouvrages en béton (avec les
Eurocodes), les constituants du béton (dont la norme NF EN 197-1 pour les ci-
ments, les normes NF EN 12620 et XP P18-545 pour les granulats et la norme
NF EN 934-2 pour les adjuvants), le béton et en particulier sa durabilité (norme
NF EN 206-1, fascicule de documentation FD P18-011, recommandations sur
l’alcali-réaction, le gel-dégel, la réaction sulfatique interne), les produits en béton
(dont la norme NF EN 13369) et leur utilisation dans les ouvrages (Fascicule 65A,
DTU…). Ces normes et référentiels se complètent de manière cohérente et per-
mettent in fine de mieux appréhender et de mieux maîtriser la durabilité des struc-
tures en béton.
Mots-clés
CONTEXTE NORMATIF, NORMES, RECOMMANDATIONS, EUROCODES, NF EN 206-1,
NF EN 13369, FD P18-011, FASCICULE 65A, MARQUAGE CE

249
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Définitions
ˆ Directive
Une directive européenne ou directive communautaire est un texte législatif voté
par le parlement européen et qui rentre en vigueur après transposition obligatoire
dans la réglementation de chaque État membre de l’Union européenne.
ˆ Norme - Généralités
Une norme est un « document établi par consensus, qui fournit, pour des usages
communs et répétés, des règles, des lignes directrices ou des caractéristiques, pour
des activités ou leurs résultats, garantissant un niveau d’ordre optimal dans un
contexte donné. » (extrait du Guide ISO/CEI 2)
La norme propose des solutions à des questions techniques et commerciales con-
cernant les produits, les biens d’équipement et les services. Elle établit un com-
promis entre l’état de la technique et les contraintes économiques à un moment
donné. La norme peut ainsi s’entendre comme un document de référence sur un
sujet donné, dont elle reflète l’état de l’art, de la technique et du savoir-faire.
En règle générale, la norme est d’application volontaire. Elle peut être rendue
d’application obligatoire par les pouvoirs publics, notamment lorsqu’elle porte
sur des aspects liés à la sécurité et les conditions liées aux marchés publics.
C’est un document de référence utilisé notamment dans le cadre des marchés pu-
blics ou dans celui du commerce international et sur lequel s’appuie la plupart des
contrats commerciaux. Elle est utilisée comme la référence incontestable simpli-
fiant et clarifiant les relations contractuelles entre partenaires de la vie économi-
que. C’est un document pouvant être utilisé pour étudier la jurisprudence.
ˆ Norme harmonisée
Les spécifications techniques qui servent de référentiel pour mettre sur le marché
des produits satisfaisant aux exigences essentielles définies dans une directive
sont établies au travers de normes dites harmonisées. Une annexe nommée « ZA »
énumère les parties harmonisées (articles) de la norme volontaire. Cette annexe
est reprise dans les réglementations des États membres et permet par son respect
l’apposition du marquage CE sur les produits, les articles concernés par cette an-
nexe deviennent réglementaires tandis que le reste de la norme demeure volontai-
re. L’annexe ZA précise également, pour chaque caractéristique et usage du
produit, le rôle et les tâches respectives du fabricant et de l’organisme notifié
(lorsqu’il est prévu).
ˆ Norme française homologuée
Une norme française homologuée est un document à contenu normatif dont la va-
leur technique est suffisamment reconnue, et pour lequel une officialisation des
pouvoirs publics est nécessaire ou souhaitable en raison de sa destination (réfé-

250
La durabilité dans le contexte normatif européen

rence dans la réglementation, secteur des marchés publics, base pour l’attribution
de la marque NF, intérêt public…).
Un projet de norme non homologué peut être publié sous forme de norme expéri-
mentale lorsqu’il est nécessaire de le soumettre à une période de mise à l’épreuve
avant d’en conserver son contenu, tel quel ou révisé.
ˆ Fascicule de documentation
Un fascicule de documentation est un document de référence à caractère essen-
tiellement informatif. Il a pour but la diffusion des connaissances auprès des pro-
fessions.
ˆ Recommandation
Il existe des textes qui énoncent des dispositions relevant de l’état de l’art mais
qui ne sont ni réglementaires, ni normatifs. Ces textes sont publiés notamment par
l’AFNOR (fascicules de documentation), le LCPC et/ou le SETRA.

1. INTRODUCTION
Un ouvrage doit résister au cours du temps aux diverses agressions ou sollicita-
tions (physiques, mécaniques, chimiques…), c’est-à-dire aux charges auxquelles
il est soumis, ainsi qu’aux actions diverses telles que le vent, la pluie, le froid, la
chaleur, le milieu ambiant… tout en conservant son esthétique. Il doit satisfaire,
avec un niveau constant, les besoins des utilisateurs au cours du temps.
Il est possible désormais de définir des objectifs de durabilité et de choisir avec
précision les caractéristiques du béton en fonction de l’agressivité du milieu dans
lequel se trouve l’ouvrage et d’optimiser ses caractéristiques afin de les adapter à
la durée d’utilisation souhaitée. Les spécifications concernent la nature et le do-
sage minimal en ciment, la compacité minimale, la valeur maximale du rapport
Eau/Ciment, l’enrobage minimal des armatures et la teneur maximale en chloru-
res dans le béton.
Les connaissances actuelles sur les ciments et les bétons permettent d’optimiser
et d’adapter la composition et la formulation des bétons aux contraintes environ-
nementales auxquelles ils seront soumis, tout en respectant les critères de perfor-
mances mécaniques.
Un contexte normatif et réglementaire encadre désormais l’utilisation du matériau
béton. Les normes pour le béton, d’une part, et les normes pour les produits en
béton, d’autre part, ainsi que les recommandations constituent un ensemble cohé-
rent, homogène, logique et complet (voir figure 7.1) qui permet de prendre en
compte, dès la conception, tous les critères de durabilité.

251
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Cette évolution s’inscrit dans une logique de progrès visant à optimiser la qualité
des bétons et à maîtriser la durabilité des ouvrages.

STRUCTURE EN BÉTON

NORMES DE NORMES
DIMENSIONNEMENT D'EXÉCUTION

Normes Normes DTU


Norme béton NF pour les produits et fascicules
EN 206-1 préfabriqués pour la réalisation
en béton des ouvrages
avec des produits
préfabriqués

Normes Fascicules
sur les constituants de recommandations
du béton

Figure 7.1 : le dispositif normatif du béton.

2. LES SPÉCIFICATIONS RELATIVES À LA DURABILITÉ


DANS LES NORMES DE DIMENSIONNEMENT
2.1. Les normes de dimensionnement
2.1.1. Présentation générale
Les normes Eurocodes ont pour objet d’harmoniser les règles de conception et de
calcul au sein des différents états de la communauté européenne et de contribuer
ainsi à la création du marché unique de la construction.
Ces normes européennes forment un ensemble cohérent et homogène de règles
techniques harmonisées pour la conception et le calcul des structures de génie ci-
vil et des bâtiments.
Elles font appel à une approche semi-probabiliste de sécurité des constructions
(méthode des coefficients partiels) avec des méthodes de dimensionnement fon-
dées sur le concept des états limites (états limites de service et états limites ulti-
mes).
Elles fournissent une série de méthodes et de règles techniques communes à tous
les pays européens pour calculer la stabilité, la résistance mécanique et la sécurité
incendie des éléments ayant une fonction structurelle dans un ouvrage de cons-

252
La durabilité dans le contexte normatif européen

truction en conformité avec les exigences essentielles de la directive sur les pro-
duits de construction (DPC : CCE 89/106, directive du 21 décembre 1988).
Les Eurocodes constituent un ensemble de 58 normes regroupées en 10 docu-
ments (EN 1990 à EN 1999), parmi lesquelles on trouve :
• NF EN 1990 Eurocode 0 : Bases de calcul des structures ;
• NF EN 1991 Eurocode 1 : Actions sur les structures ;
• NF EN 1992 Eurocode 2 : Calcul des structures en béton ;
• NF EN 1996 Eurocode 6 : Ouvrages en maçonnerie ;
• NF EN 1997 Eurocode 7 : Calcul géotechnique ;
• NF EN 1998 Eurocode 8 : Calcul des structures pour leur résistance aux séismes.
Les normes françaises Eurocodes (NF EN 1990 par exemple) sont constituées de
la norme européenne (EN 1990), complétée par l’annexe nationale française. Cet-
te annexe précise en particulier les paramètres, les valeurs, les procédures et les
données climatiques à utiliser pour le calcul des structures en France (paramètres
déterminés au niveau national, NDP, laissés au libre choix de chaque pays).
Nota. En France, pour les ouvrages en béton, elles vont se substituer progressive-
ment aux règles actuelles de dimensionnement (règles BAEL et BPEL).

La directive sur les produits de construction


(CCE/89/106, directive du 21 décembre 1988)
La directive « Produits de construction » couvre tous les produits destinés à être in-
corporés durablement dans un bâtiment ou un ouvrage de génie civil, dès lors qu’ils
peuvent avoir une incidence sur la sécurité, la santé, l’environnement ou l’isolation.
Les produits de construction visés par cette directive doivent être conçus de telle sorte
que les ouvrages dans lesquels ils sont utilisés satisfassent aux exigences essentielles
suivantes :
1) la résistance mécanique et la stabilité ;
2) la sécurité en cas d’incendie ;
3) l’hygiène, la santé et l’environnement ;
4) la sécurité d’utilisation ;
5) la protection contre le bruit ;
6) l’économie d’énergie et l’isolation thermique.
Les produits concernés doivent porter le marquage CE symbolisant la conformité à
ces dispositions.
Les différents articles des normes Eurocodes se décomposent en deux principales
catégories, les principes et les règles d’application :
– les principes (P) sont des énoncés d’ordre général et des définitions ou des
prescriptions qui ne comportent pas d’alternative ;
– les règles d’application sont conformes aux principes. Il est possible d’utiliser
d’autres règles sous réserve de démontrer leur conformité aux principes.

253
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

2.1.2. L’Eurocode 0
L’Eurocode 0 (norme NF EN 1990 « Bases de calcul des structures ») décrit les
principes et les exigences pour la sécurité, l’aptitude au service et la durabilité des
structures. Il est appliqué conjointement avec les autres Eurocodes.
Le dimensionnement d’une structure est associé à la notion de durée d’utilisation
de projet (durée pendant laquelle la structure ou une de ses parties est censée pou-
voir être utilisée comme prévu en faisant l’objet de la maintenance escomptée,
mais sans qu’il soit nécessaire d’effectuer des réparations majeures) et de fiabilité
(capacité d’une structure ou d’un élément structural à satisfaire aux exigences
spécifiées, pour lesquelles il ou elle a été conçu(e)).
La fiabilité de la structure suppose un dimensionnement conforme aux normes
Eurocodes et la mise en œuvre de mesures appropriées en matière d’exécution et
de gestion de la qualité. Elle s’exprime en terme de probabilité.
La maintenance couvre l’ensemble des opérations effectuées pendant la durée
d’utilisation de la structure, afin de lui permettre de satisfaire aux exigences de
fiabilité.
L’Eurocode 0 pose comme exigences de base :
• Article 2.1.1 (P)
« Une structure doit être conçue et réalisée de sorte que, pendant la durée d’utili-
sation de projet (cf. tableau 7.1) escomptée, avec des niveaux de fiabilité appro-
priés et de façon économique :
– elle résiste à toutes les actions et influences susceptibles d’intervenir pendant
son exécution et son utilisation ;
– elle reste adaptée à l’usage pour lequel elle a été conçue. »
Tableau 7.1 : durée indicative d’utilisation de projet selon norme NF EN 1990
(Tableau 2.1 NF).

Durée indicative
Catégorie de durée
d’utilisation de projet Exemples
d’utilisation de projet
(années)

1 10 Structures provisoires

2 25 Éléments structuraux remplaçables

3 25 Structures agricoles et similaires

4 50 Bâtiments et autres structures courantes


Bâtiments monumentaux
5 100
Ponts et autres ouvrages de génie civil

254
La durabilité dans le contexte normatif européen

• Article 2.1.2 (P)


« Une structure doit être conçue et dimensionnée pour avoir une résistance struc-
turale, une aptitude au service et une durabilité de niveaux appropriés. »
Nota. La notion de durée d’utilisation de projet n’a pas de portée juridique liée à des
textes législatifs et réglementaires traitant de responsabilité ou de garantie. Les ter-
mes de « durée de vie » ou « durée de service » sont parfois utilisés pour désigner
la même notion. Dans ce livre, ces trois expressions recouvrent le même sens, celui
indiqué dans la norme NF EN 1990.
L’article 2.4 de l’Eurocode 0 définit la notion de durabilité de la structure.
• Article 2.4.1 (P)
« La structure doit être projetée de sorte que sa détérioration, pendant la durée
d’utilisation de projet, n’abaisse pas ses performances au dessous de celles es-
comptées, compte tenu de l’environnement et du niveau de maintenance
escompté. »
Les exigences de durabilité doivent être prises en compte en particulier dans :
– les conditions d’environnement ;
– la conception de la structure et le choix du système structural ;
– le choix des matériaux ;
– les dispositions constructives ;
– l’exécution et la maîtrise de la qualité de la mise en œuvre ;
– les mesures de protection spécifiques,
– la maintenance…
Pour atteindre la durée d’utilisation de projet requise pour la structure, des dispo-
sitions appropriées doivent être prises afin de protéger chaque élément structural
des actions environnementales et maîtriser leurs effets sur la durabilité.
2.1.3. L’Eurocode 1
L’Eurocode 1 (norme NF EN 1991) traite des actions pour le calcul des structures.
Il est composé de 10 normes qui définissent les actions pour la conception struc-
turale des bâtiments et des ouvrages de génie civil, en particulier :
– les poids volumiques des matériaux de construction et des matériaux stockés ;
– le poids propre des éléments de construction ;
– les charges d’exploitation à prendre en compte pour les bâtiments ;
– les charges de neige, du vent, dues au trafic.
Les annexes nationales précisent les actions à appliquer sur le territoire français
telles que par exemple les charges de neige et des charges spécifiques d’exploita-
tion.

255
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

2.1.4. L’Eurocode 2
La norme de base pour le calcul des structures en béton est l’Eurocode 2 (norme
NF EN 1992 « Calcul des structures en béton »).
L’Eurocode 2 comprend quatre normes :
• NF EN 1992-1-1 : Règles générales et règles pour les bâtiments ;
• NF EN 1992-1-2 : Règles générales - Calcul du comportement au feu ;
• NF EN 1992-2 : Ponts - Calcul et dispositions constructives ;
• NF EN 1992-3 : Silos et réservoirs.
Ces normes permettent le calcul des bâtiments et des ouvrages de génie civil en
béton non armé, en béton armé ou en béton précontraint. Elles s’appliquent aussi
pour le dimensionnement des produits préfabriqués en béton.
Elles traitent, en conformité avec l’Eurocode 0, des principes et des exigences
pour la sécurité, l’aptitude au service, la durabilité et la résistance au feu des struc-
tures en béton. Les autres exigences, telles que celles relatives aux isolations ther-
miques et acoustiques, par exemple, n’y sont pas traitées.
2.1.4.1. Eurocode 2 partie 1-1
La norme NF EN 1992-1-1 définit les principes généraux du calcul des structures
et les règles spécifiques pour les bâtiments.
Les principes relatifs à la durabilité font l’objet de la section 4 (durabilité et enro-
bage des armatures). Ces principes conformes à ceux de la section 2 de la norme
NF EN 1990 introduisent pour la conception vis-à-vis de la durabilité, la prise en
compte des actions environnementales et de la durée d’utilisation de projet.
Article 4.1 (1) (P): « Une structure durable doit satisfaire aux exigences d’aptitu-
de au service, de résistance et de stabilité pendant toute la durée d’utilisation de
projet, sans perte significative de fonctionnalité ni maintenance imprévue
excessive. »
L’article 4.2 reprend les classes d’exposition définies dans la norme NF EN 206-1.
Cette classification est fonction des actions environnementales auxquelles sont sou-
mis l’ouvrage ou les parties d’ouvrages.
Les exigences relatives à la durabilité (article 4.3) sont basées sur la mise en œu-
vre de dispositions appropriées afin de protéger chaque partie d’ouvrage des ac-
tions environnementales. Ces dispositions sont à prendre tout au long du cycle de
conception jusqu’à la réalisation de l’ouvrage, en passant par le choix des maté-
riaux, des dispositions constructives, des procédures de maîtrise de la qualité et
de contrôles d’inspection.

256
La durabilité dans le contexte normatif européen

La norme décrit (article 4.4) les règles de détermination de l’enrobage nominal du


béton.
L’article 7.3 (maîtrise de la fissuration) précise que la fissuration doit être limitée
pour ne pas porter atteinte à la durabilité de la structure. Des limites d’ouverture
des fissures en fonction du type de béton (béton armé, béton précontraint) et de la
classe d’exposition sont définies.
La section 8 prescrit les dispositions constructives relatives aux armatures de bé-
ton armé et de béton précontraint qui doivent être respectées pour satisfaire aux
exigences de durabilité.
L’annexe E prescrit des classes de résistance minimales en fonction de la classe
d’exposition pour assurer la durabilité de l’ouvrage.
2.1.4.2. Détermination de l’enrobage selon l’Eurocode 2
L’enrobage des armatures représente la distance entre la surface du béton et l’ar-
mature la plus proche (cadres, étriers, épingles, armatures de peau, etc.).
L’enrobage des armatures et les caractéristiques du béton d’enrobage sont des pa-
ramètres fondamentaux pour la maîtrise de la pérennité des ouvrages.
Les recommandations de l’Eurocode 2 en matière d’enrobage des bétons de struc-
tures sont novatrices. Elles visent, en conformité avec la norme NF EN 206-1 et
les normes des produits préfabriqués, à optimiser de manière pertinente la dura-
bilité des ouvrages. En effet, la détermination de la valeur de l’enrobage, qui doit
satisfaire en particulier aux exigences de bonnes transmissions des forces d’adhé-
rences et aux conditions d’environnement doit prendre en compte :
– la classe d’exposition dans laquelle se trouve l’ouvrage (ou la partie
d’ouvrage) ;
– la classe de résistance du béton ;
– le type de systèmes de contrôles qualité mis en œuvre pour assurer la régularité
des performances du béton et la maîtrise du positionnement des armatures ;
– le type d’armatures (précontraintes ou non) et leur nature (acier au carbone,
inox) et leur éventuelle protection contre la corrosion ;
– la maîtrise du positionnement des armatures.
La valeur de l’enrobage peut ainsi être réduite en particulier :
– si l’on choisit un béton présentant une classe de résistance à la compression
supérieure à la classe de référence (définie pour chaque classe d’exposition) ;
– s’il existe un système de contrôle de la qualité ;
– si l’on utilise des armatures inox.

257
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

L’Eurocode 2 permet aussi de dimensionner l’ouvrage pour une durée de service


supérieure en augmentant la valeur de l’enrobage (+ 10 mm pour passer de 50 à
100 ans).
Le LCPC a édité un guide technique intitulé Structures en béton conçues avec
l’Eurocode 2 - Note technique sur les dispositions relatives à l’enrobage pour
l’application en France. Les règles de calcul des enrobages de l’Eurocode 2 y
sont explicitées. Les spécificités nationales telles que la prise en compte des clas-
ses d’exposition liées aux environnements chimiquement agressifs sont présen-
tées.
2.1.4.3. Eurocode 2 partie 2
L’Eurocode 2 partie 2 (NF EN 1992-2) définit les principes, les règles de concep-
tion et les dispositions spécifiques pour les ponts en béton non armé, en béton
armé et en béton précontraint constitué de granulats de masse volumique tradi-
tionnelle ou légers.
Il précise (section 4 article 4.2) les exigences sur les conditions d’environnement,
en particulier, relatives aux classes d’exposition pour les surfaces de béton proté-
gées par une étanchéité ou exposées aux agressions des sels de déverglaçage. Ces
exigences ont été complétées dans l’Annexe nationale française :
– classe d’exposition pour surfaces protégées par une étanchéité, XC3 ;
– distances de l’effet des sels de déverglaçage par rapport à la chaussée (6 m
dans le sens horizontal et dans le sens vertical) ;
– classes d’exposition pour surfaces soumises directement aux sels de dévergla-
çage : XD3 et XF2 ou XF4.
La section 8 concerne les dispositions constructives relatives aux armatures de bé-
ton armé et de précontrainte.

3. LES SPÉCIFICATIONS RELATIVES À LA DURABILITÉ


DANS LES NORMES SUR LES CONSTITUANTS DES BÉTONS
Les constituants du béton (ciments, granulats, adjuvants…) font l’objet de normes
qui précisent en particulier les spécifications relatives à la durabilité du béton.
3.1. Les normes ciments
3.1.1. La norme NF EN 197-1
La norme NF EN 197-1 Ciment, partie 1 « Composition, spécifications et critères
de conformité des ciments courants » définit cinq types de ciments courants selon
leur composition :

258
La durabilité dans le contexte normatif européen

• CEM I Ciment Portland


• CEM II Ciment Portland composé
• CEM III Ciment de haut-fourneau
• CEM IV Ciment pouzzolanique
• CEM V Ciment composé
Elle est subdivisée en trois rubriques :
– la première partie est descriptive, elle définit les constituants du ciment (clin-
ker Portland, laitier granulé de haut-fourneau, pouzzolanes, cendres volantes sili-
cieuses ou calciques, schistes calcinés, calcaires, fumées de silice, sulfate de
calcium) et délimite les différents types de ciments courants ;
– la deuxième partie définit les classes de résistance (32,5 N/32,5 R/42,5 N/42,5
R/52,5 N/52,5 R) et les spécifications mécaniques et physico-chimiques ;
– la troisième partie est consacrée aux critères de conformité, aux fréquences
d’essais et aux valeurs limites.
Cette norme précise en particulier (article 7.4) quelques exigences de durabilité :
– le ciment a une influence sur la durabilité du béton notamment dans les condi-
tions environnementales sévères (gel, attaques chimiques) ;
– le choix du ciment adapté et en particulier le type et la classe de résistance est
fonction de son utilisation, de l’application et de la classe d’exposition. Il doit
tenir compte des normes et règlements en vigueur sur le lieu d’utilisation du
béton.
Les ciments courants font l’objet d’un marquage CE réglementaire et obligatoire.
Ce marquage atteste de leur conformité à la norme harmonisée EN 197-1 et per-
met à ces ciments de circuler librement au sein de l’espace économique européen.
Le marquage CE atteste que les ciments respectent les exigences essentielles de
la Directive sur les Produits de Construction (DPC) en matière de santé, sécurité
et respect de l’environnement.
La marque NF (démarche volontaire du fabricant), complémentaire du marquage
CE, atteste que les ciments offrent des garanties complémentaires sur leur com-
position, leurs performances et leurs contrôles et qu’ils sont conformes au niveau
de qualité requis par le marché français en fonction des conditions climatiques et
environnementales ainsi que des techniques de mise en œuvre.
3.1.2. Les autres normes sur les ciments
Les ciments courants répondent aux exigences des emplois usuels. Les ouvrages
soumis à des agressions spécifiques peuvent nécessiter le recours à des ciments
présentant une caractéristique particulière du fait de leur composition. En présen-
ce d’un facteur agressif pouvant entraîner la dissolution de la portlandite, on pré-
férera des ciments conduisant à une faible teneur en portlandite. Vis-à-vis des

259
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

agressions dues aux milieux marins ou aux eaux sulfatées, on utilisera respective-
ment des ciments prise mer (PM) ou résistant aux eaux sulfatées (ES).
Pour certaines classes d’exposition ou certains ouvrages particuliers, des exigen-
ces relatives aux caractéristiques des ciments peuvent être requises. Les ciments
possédant ces caractéristiques font l’objet de normes spécifiques.
• Ciments pour travaux à la mer (PM) NF P15-317
Ces ciments présentent des teneurs limitées en aluminate tricalcique (C3A) qui
leur permettent de conférer au béton une résistance accrue à l’agression des ions
sulfate en présence d’ions chlorure, au cours de la prise et ultérieurement.
• Les ciments pour travaux en eaux à haute teneur en sulfates (ES) NF P15-319
Ces ciments présentent des teneurs limitées en aluminate tricalcique (C3A).
• Les ciments à teneur en sulfures limitée (CP) NF P15-318
Ces ciments ont une teneur en sulfures limitée. La norme prévoit deux classes no-
tées CP1 et CP2 : cette limitation permet d’éviter un risque de réaction provo-
quant un dégagement d’hydrogène pouvant fragiliser l’acier sous contrainte.
• Les ciments de haut-fourneau à faible résistance à court terme NF EN 197-4.
Le processus d’hydratation de ces ciments est ralenti à court terme du fait de la
composition, la finesse ou la réactivité des constituants. Ces ciments sont en parti-
culier adaptés pour le bétonnage en période estivale ou la réalisation de pièces
massives car ils permettent de limiter la valeur de la température au cœur du béton.
3.2. Les normes granulats
3.2.1. La norme NF EN 12620 (granulats pour béton)
La norme NF EN 12620 définit les termes relatifs aux granulats pour béton rele-
vant de la Directive sur les Produits de Construction. Elle prescrit des catégories
de valeurs maximales pour chaque caractéristique physique ou mécanique, spéci-
fiant les granulats et les fillers utilisés dans la fabrication des bétons. Elle concer-
ne en particulier les bétons conformes à la norme NF EN 206-1, les granulats
entrant dans la composition des produits préfabriqués en béton et les bétons rou-
tiers. Elle précise les caractéristiques physiques et chimiques relatives à l’évalua-
tion de la conformité des granulats et au système de maîtrise de la production.
Elle spécifie des exigences relatives à la durabilité (article 5.7) concernant :
– la résistance des gravillons au gel-dégel ;
– la stabilité volumique et le retrait au séchage ;
– la réaction alcali-silice.

260
La durabilité dans le contexte normatif européen

3.2.2. La norme XP P18-545 (granulats, éléments de définition,


conformité et codification)
La norme XP P18-545 définit les règles générales permettant d’effectuer les con-
trôles des granulats. Elle regroupe en codes les catégories définies dans la norme
NF EN 12620 pour les divers usages possibles (granulats pour chaussées, pour bé-
ton de ciment, pour mortiers, etc.). Elle définit des critères de régularité et de con-
formité et les fiches techniques produit.
Elle précise article 10.7 (applications à certains usages) des spécifications sur les
granulats pour certaines classes d’exposition (XF3 et XF4) et certains types
d’ouvrages.
3.3. La norme adjuvants pour béton
La norme de référence pour les adjuvants est la norme NF EN 934-2. Elle fixe les
exigences sur les adjuvants et spécifie les caractéristiques et les critères de con-
formité.

4. LES RECOMMANDATIONS ET LES FASCICULES


DE DOCUMENTATION
En France, des documents spécifiques, recommandations et fascicules de docu-
mentation, synthétisent des principes de prévention pour des problématiques de
durabilité en complétant les normes européennes.
4.1. Les recommandations pour la prévention contre les phénomènes
d’alcali-réaction
Les recommandations relatives à la prévention contre les phénomènes d’alcali-
réaction font l’objet d’un fascicule édité par le LCPC en juin 1994 intitulé Recom-
mandations pour les préventions des désordres dus à l’alcali-réaction.
Le principe de la démarche préventive consiste à ne pas se retrouver dans une si-
tuation dans laquelle sont présentes simultanément les trois conditions nécessai-
res à l’amorçage de la réaction. Il convient donc d’éviter la conjonction des trois
facteurs : eau (condition d’humidité relative supérieure à 80-85 %)/quantité d’al-
calins dans le béton importante/silice réactive (présence de granulats réactifs).
La méthode de prévention se décline en deux étapes. Elle consiste en fonction de
l’environnement (classe 1 à 4, tableau 7.2) et du type d’ouvrage (type I à III, tableau
7.3) à déterminer le niveau de prévention à atteindre (A, B ou C, tableau 7.4), puis
vérifier que la formulation prévue pour le béton est satisfaisante.
Elle permet donc de mettre en œuvre des recommandations de prévention adap-
tées à l’importance de l’ouvrage et à son environnement (voir aussi chapitre 11).

261
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Tableau 7.2 : classe d’environnement vis-à-vis des phénomènes d’alcali-réaction.

Classe Environnement
1 Sec ou peu humide (hygrométrie inférieure à 80 %)
2 Hygrométrie supérieure à 80 % ou en contact avec l’eau
3 Hygrométrie supérieure à 80 % et avec gel et fondants
4 Marin

Tableau 7.3 : types d’ouvrage vis-à-vis des phénomènes d’alcali-réaction.


Types
Niveau de risque Exemples d’ouvrages
d’ouvrages
Éléments non porteurs
Risques d’apparition des désordres
I La plupart des produits préfabriqués
faibles ou acceptables
en béton
Risques d’apparition de désordres La plupart des ouvrages de génie
II
peu tolérables civil
Risques d’apparition de désordres
III Tunnels, barrages, ponts, viaducs
inacceptables

Tableau 7.4 : niveau de prévention vis-à-vis des phénomènes d’alcali-réaction.

Classe d’exposition
Types d’ouvrages
1 2 3 4
I A A A A
II A B B B
III C C C C

Les recommandations à appliquer sont fonction du niveau de prévention :


– niveau A : pas de spécification particulière ;
– niveau B : six possibilités d’acceptation de la formule béton ;
– niveau C : granulats non réactifs (granulats PRP1 sous conditions).
Pour valider une composition, il convient de répondre au moins une fois positive-
ment à l’une des six questions :
– l’étude du dossier granulats montre-t-elle que les granulats sont non réactifs ?
– la formulation satisfait-elle à un critère analytique (bilan des alcalins) ?
– la formulation satisfait-elle à un critère de performance ?

1. Granulat PRP : voir définition au paragraphe 2.8.3.1, chapitre 11.

262
La durabilité dans le contexte normatif européen

– la formulation présente-t-elle des références d’emplois suffisamment convain-


cantes ?
– le béton contient-il des additions minérales inhibitrices en proportions suffi-
santes ?
– les conditions particulières aux granulats PRP sont-elles satisfaisantes ?
La norme NF EN 206-1 donne des recommandations relatives à la réaction alcali-
silice (article NA 5.2.3.4) en précisant que le niveau de prévention à mettre en œu-
vre doit être adapté à l’importance stratégique de l’ouvrage, aux risques de désor-
dre et à leurs conséquences, en fonction en particulier du type d’ouvrage, du
niveau d’entretien (et des conditions d’accessibilité et d’intervention sur l’ouvra-
ge) et de la durée d’utilisation de projet souhaitée.
4.2. Les recommandations pour la durabilité des bétons durcis
soumis au gel
Les recommandations de niveau national relatives à la prévention contre les mé-
canismes développés par le gel font l’objet d’un guide technique édité par le
LCPC en décembre 2003 intitulé Recommandations pour la durabilité des bétons
durcis soumis au gel. Les recommandations concernent les bétons réalisés sur
chantier, en usines de préfabrication et en centrales de béton prêt à l’emploi pour
les ouvrages relevant du domaine du génie civil, et conçus pour une durée d’uti-
lisation de projet de 100 ans. Les produits préfabriqués disposant d’une certifica-
tion intégrant les risques liés au gel-dégel ne sont pas concernés par ces
recommandations.
Ce document précise les dispositions relatives à l’élaboration des bétons tradi-
tionnels, des bétons à hautes performances et des bétons à technologie spécifique:
béton à démoulage immédiat (bétons fabriqués en usine de préfabrication), bétons
moulés sur site avec une machine à coffrage glissant et bétons projetés.
Les principes de prévention s’appliquent aux ouvrages non protégés des intempé-
ries ou au contact avec l’eau ou les rejaillissements de saumure et soumis à deux
types d’exposition spécifiques : le gel pur ou le gel pur en présence de sels de dé-
verglaçage.
Les recommandations s’appuient pour les granulats sur les normes NF EN 12620
et XP P18-545 ainsi que sur la norme NF EN 1367-1 pour la sensibilité au gel.
Elles définissent les essais à mettre en œuvre ainsi que les caractéristiques à exi-
ger sur le béton durci (facteur d’espacement des bulles d’air). Les essais perfor-
mantiels sont basés sur des cycles de gel-dégel en présence ou non de sels de
déverglaçage.

263
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

La méthode consiste à définir le type de béton à mettre en œuvre en fonction des


niveaux de gel (gel sévère et gel modéré) – niveau précisé dans la carte des zones
de gel en France (cf. norme NF EN 206-1, fascicule de documentation P18-326
et figure 10.43 du chapitre 10) – et des niveaux de salage (salage peu fréquent,
salage fréquent, salage très fréquent) – niveau précisé dans le document SETRA
Aide à l’élaboration du dossier d’organisation, de la viabilité hivernale. Les zo-
nes de gel faible ne sont pas concernées par ces recommandations (voir aussi cha-
pitre 10).
Selon le niveau de gel auquel est soumis l’ouvrage et le niveau de salage, on dis-
tingue quatre types de bétons.
Tableau 7.5 : type de bétons définis selon les niveaux de gel et de salage.

Niveau de gel
Niveau de salage
Modéré Sévère
Peu fréquent Béton adapté* Béton G
Béton adapté* avec :
Fréquent teneur en air minimale = 4 % Béton G + S
ou essais de performance
Très fréquent Béton G + S Béton G + S

* Béton adapté : béton conforme aux normes en vigueur, (norme NF EN 206-1, normes de produit)
et possédant une bonne compacité.

Seuls les bétons G et G + S font l’objet de prescriptions particulières.


Les recommandations concernent la formulation, les spécifications sur les cons-
tituants (ciments, granulats, additions), les spécifications exigées sur le béton dur-
ci ainsi que la fabrication, la mise en œuvre et les dispositions constructives.
Le guide technique consacre aussi un chapitre spécifique aux modalités de réali-
sations des épreuves d’étude et de convenance, et donne des éléments pour la mise
en place d’un plan de contrôle de la qualité des bétons.
4.3. Le fascicule de documentation FD P18-011
Le fascicule de documentation FD P 18-011 « Béton - Définition et classification
des environnements chimiquement agressifs - Recommandations pour la formu-
lation des bétons » définit des environnements agressifs pour les bétons armés et
les bétons précontraints et les classes d’agressivités correspondantes. Il recom-
mande des mesures préventives pour la formulation des bétons résistants à ces en-
vironnements agressifs.

264
La durabilité dans le contexte normatif européen

La norme NF EN 206-1 spécifie, dans les tableaux NA.F.1 et NA.F.2, des exigen-
ces relatives aux bétons en fonction des classes d’exposition. Elle précise, pour
les classes d’exposition XA1, XA2 et XA3 qu’il convient de se référer au fasci-
cule P18-011 pour le choix du ciment.
Le fascicule de documentation FD P18-011 distingue trois types d’environne-
ments agressifs :
– les milieux gazeux : gaz, vapeurs ;
– les milieux liquides : eaux pures, eaux de mer, solutions de sels, d’acides ou de
bases, eaux résiduaires, liquides organiques (huiles, pétrole, solvants) ;
– les milieux solides : sols naturels ou remblais dont l’agressivité, conditionnée à
la présence d’eau, est fonction de la composition de la solution intergranulaire et
de sa circulation éventuelle.
Pour chaque niveau d’agressivité, le fascicule donne des recommandations sur le
choix du type de ciment pour les milieux contenant des sulfates, l’eau de mer et
les solutions acides (voir aussi chapitre 12).
4.4. Les recommandations pour la prévention des désordres
dus à la réaction sulfatique interne (ou formation différée d’ettringite)
Un document synthétisant les recommandations à mettre en œuvre pour éviter les
phénomènes de gonflement interne sulfatique a été publié en 2007 par le LCPC.
Il propose une démarche préventive en matière de protection contre des risques
de formation différée d’ettringite, adaptée de celle qui a été mise au point pour la
prévention des désordres dus à l’alcali-réaction.
La démarche se fait en deux temps :
– détermination du niveau de prévention à atteindre en fonction de la catégorie
d’ouvrage et de sa classe d’exposition ;
– orientation vers la (ou les) solution(s) possible(s) en fonction du niveau de pré-
vention retenue (voir chapitre 11).

5. LA NORME NF EN 206-1
5.1. Présentation générale
La résistance du béton aux diverses conditions environnementales auxquelles il
est soumis pendant la durée d’utilisation prévue de la structure est conditionnée
notamment par le respect de spécifications sur le béton.
Ces exigences concernent en particulier les bétons structuraux de bâtiments et
d’ouvrages de génie civil. Pour ces bétons, les spécifications sont définies dans la
norme NF EN 206-1 ou dans les normes de produit :

265
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

« Les bétons coulés en place qu’ils soient réalisés par un producteur de béton prêt
à l’emploi ou sur le chantier, destinés aux bâtiments et ouvrages de génie civil
sont gouvernés par la norme NF EN 206-1, dont l’édition française est parue en
avril 2004 et qui est d’application effective depuis le 1er janvier 2005, pour les
produits préfabriqués structuraux en béton, autres que les blocs, les normes euro-
péennes harmonisées s’appuient sur la norme NF EN 13369, laquelle précise et
complète, pour les aspects concernant les produits préfabriqués structuraux, la
norme NF EN 206-1. »
Pour les autres produits préfabriqués, dont les blocs, il existe des normes euro-
péennes harmonisées qui contiennent en elles-mêmes toutes les spécifications né-
cessaires. Les produits en béton sont conformes à leurs normes respectives.
La norme NF EN 206-1 (Béton, partie 1 « Spécifications, performances, produc-
tion et conformité ») définit pour les bétons de structures en plus des spécifica-
tions relatives au béton, les responsabilités du prescripteur (responsable de la
spécification du béton) et du producteur (responsable de la conformité et du con-
trôle de la production).
Elle fournit des règles précises concernant la spécification, la production, la li-
vraison et le contrôle de la conformité des bétons. Elle s’applique lorsque le lieu
d’utilisation du béton est la France.
Elle est composée de la norme européenne EN 206-1 et de l’Annexe nationale
française indispensable pour son utilisation en France, qui spécifie les disposi-
tions complémentaires à respecter en tenant compte des spécificités climatiques
et géographiques françaises.
Le respect de la norme NF EN 206-1 est exigé par les textes concernant l’exécu-
tion des ouvrages et des structures en béton, en particulier le fascicule 65 et le
DTU 21 (norme NF P18-201) mis à jour et adaptés pour en préciser les modalités
d’application. Pour les produits préfabriqués, le respect des normes européennes
harmonisées est exigé par les textes concernant l’exécution des ouvrages et des
structures en béton, en particulier les fascicules (29, 31, 62, 64, 65, 70) et les nor-
mes DTU. Le code des assurances précise que leur non-respect déchoit l’assuré
de ses droits.
Elle prend en compte la notion de durabilité en s’appuyant sur la notion de classe
d’exposition.
Elle impose au prescripteur de définir les risques d’agressions et d’attaques aux-
quels le béton de l’ouvrage ou de chaque partie d’ouvrage va être exposé pendant
la durée d’utilisation de la structure.
Elle permet, en combinant les classes d’exposition, de définir avec précision l’en-
vironnement de chaque partie d’ouvrage et donc de prescrire un béton parfaite-

266
La durabilité dans le contexte normatif européen

ment adapté. Elle spécifie, en termes de composition et de performance, des


formules de béton adaptées pour chaque classe d’exposition.
5.2. Les bétons concernés par la norme NF EN 206-1
La norme NF EN 206-1 couvre :
– les bétons dont l’air occlus (autre que l’air entraîné) est négligeable les bétons
de masse volumique normale (masse volumique comprise entre 2000 et
2600 kg/m3) ;
– les bétons lourds (masse volumique supérieure à 2 600 kg/m3) ;
– les bétons légers (masse volumique comprise entre 800 et 2 000 kg/m3).
Elle ne concerne pas les bétons non structuraux et les bétons particuliers tels que
les bétons de tranchée, de remplissage, de calage, de propreté, caverneux réalisés
avec des granulats non minéraux, aérés…
Des exigences complémentaires sont données dans d’autres normes européennes
spécifiques pour des applications particulières, tels que par exemple les bétons
destinés aux chaussées routières.
5.3. Les classes d’exposition des bétons
La norme NF EN 206-1 définit des classes d’exposition en fonction des actions
dues à l’environnement auxquelles les bétons de l’ouvrage ou de la partie de
l’ouvrage vont être soumis pendant leur durée de service.
Elle définit 18 classes d’exposition regroupées en 6 familles par risque de corro-
sion, d’attaques ou d’agressions dépendant des actions et conditions environne-
mentales auxquelles le béton de l’ouvrage, ou de la partie de l’ouvrage, est
soumis:
• Classe XO : aucun risque de corrosion ou d’attaque ;
• Classe XC : corrosion induite par carbonatation ;
• Classe XD : corrosion induite par les chlorures ayant une origine autre que
marine ;
• Classe XS : corrosion induite par les chlorures présents dans l’eau de mer ;
• Classe XF : attaque gel / dégel avec ou sans agent de déverglaçage ;
• Classe XA : attaques chimiques.
En France, l’Annexe nationale a adapté les classes d’exposition au contexte cli-
matique et géographique français.
La norme décrit, pour chaque classe d’exposition, l’environnement et le type de
béton concerné et donne des exemples d’ouvrages ou de partie d’ouvrage à titre
informatif.

267
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Les classes d’exposition prennent notamment en compte l’humidité relative du


milieu et les éventuels cycles d’humidification/séchage.
La prise en compte de l’environnement dans lequel va être situé l’ouvrage et les
risques d’agressions et d’attaques auxquels il va être exposé pendant sa durée de
service, va permettre d’optimiser les performances du béton et sa durabilité.
Une même partie d’ouvrage peut être exposée à des classes d’exposition différen-
tes.
La combinaison des classes d’exposition permet donc de définir avec précision
l’environnement de chaque partie d’ouvrage.
À chacune des classes correspondent des spécifications sur la composition du bé-
ton et la classe de résistance, sous forme de valeurs limites et d’exigences mini-
males. Le béton doit donc respecter toutes les exigences prévues pour chaque
classe d’exposition.
La précision par le prescripteur des paramètres permettant la détermination des
classes d’exposition est donc fondamentale pour chaque projet. Le choix des clas-
ses d’exposition est de sa responsabilité.
5.4. Les exigences liées aux classes d’exposition
La norme NF EN 206-1 spécifie les exigences applicables :
– aux constituants du béton ;
– aux propriétés du béton frais et durci et à leur vérification ;
– aux limitations imposées à la composition du béton ;
– à la spécification du béton ;
– à la livraison du béton frais ;
– aux procédures de contrôle de production ;
– aux critères de conformité et à l’évaluation de la conformité.
La résistance du béton aux diverses conditions environnementales auxquelles il
est soumis impose le respect d’exigences précises traduites sous forme de proprié-
té du béton et de valeurs limites de composition.
Ces exigences propres à chaque classe d’exposition doivent être spécifiées en ter-
mes de :
– type et classe de constituants permis ;
– rapport maximal eau/ciment ;
– dosage minimal en ciment (ou absorption d’eau maximale dans les cas des pro-
duits structuraux préfabriqués) ;
– résistance minimale à la compression du béton ;
et, dans certains cas :
– teneur minimale en air du béton ou résistance à des essais de gel-dégel.

268
La durabilité dans le contexte normatif européen

Les exigences de durabilité du béton doivent prendre en compte la durée de ser-


vice prévue des structures dans des conditions d’entretien optimales.
5.5. Les trois types de béton
La norme NF EN 206-1 décline trois types de béton prêts à l’emploi ou fabriqué
sur chantier.
ˆ Les bétons à composition prescrite (BCP)
Bétons pour lesquels la composition et les constituants à utiliser sont spécifiés par
le prescripteur au producteur. Le producteur est responsable de fournir un béton
respectant cette composition. La responsabilité du prescripteur est de réaliser une
étude de formulation et d’établir la composition détaillée du béton qu’il doit four-
nir au producteur.
ˆ Les bétons à propriétés spécifiées (BPS)
Bétons pour lesquels les propriétés requises et les caractéristiques supplémentai-
res sont spécifiées par le prescripteur au producteur. Le producteur est responsa-
ble de fournir un béton satisfaisant à ces exigences.
ˆ Les bétons à composition prescrite dans une norme
Bétons dont la composition est définie dans une norme applicable là où le béton
est utilisé (en France, l’un des exemples est la norme NF P18-201 - DTU 21 qui
spécifie (article 4.5.3) des compositions de béton pour des applications particuliè-
res (ouvrages de catégorie A). Le prescripteur a la responsabilité dans ce cas de
sélectionner, dans la norme, la composition appropriée à l’ouvrage.
5.6. Les tâches et responsabilité des acteurs
La norme NF EN 206-1 distingue les notions de prescripteur, de producteur du
béton et d’utilisateur. Elle définit et donc clarifie les tâches et les responsabilités
de chaque acteur.
Le prescripteur du béton doit prescrire toutes les exigences pertinentes nécessai-
res à l’obtention des propriétés du béton, à sa mise en place, ou à tout autre trai-
tement ultérieur ou pour obtenir un aspect architectonique. Il doit prendre en
compte en particulier : l’utilisation du béton frais et durci, les conditions de cure,
les agressions environnementales auxquelles la structure sera exposée, toutes les
exigences sur les granulats apparents ou la finition des surfaces, toutes les exigen-
ces liées aux enrobages.

269
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

5.7. La classification des bétons


5.7.1. Les classes de résistance des bétons
La résistance des bétons durcis à 28 jours peut être mesurée sur des éprouvettes
cylindriques ou cubiques, elle peut donc être définie par deux valeurs : fck-cyl et
fck-cube.
La norme NF EN 206-1 propose deux familles de classes de résistance en fonction
de la masse volumique du béton, qui correspondent à la résistance caractéristique
que doit atteindre le béton à 28 jours :
– la classe de résistance à la compression des bétons de masse volumique nor-
male et des bétons lourds est désignée par la lettre C suivie des valeurs fck-cyl et
fck-cube ;
– la classe de résistance des bétons légers est désignée par les lettres LC suivies
des valeurs fck-cyl et fck-cube.
Elle définit respectivement seize classes de résistance pour les bétons de masse
volumique normale et les bétons lourds de C 8/10 à C 100/115 et quatorze classes
pour les bétons légers de LC 8/9 à LC 80/88.
5.7.3. Les classes de teneurs en chlorures
La norme NF EN 206-1 définit les teneurs maximales en ions chlorure du béton
à respecter en fonction de son type d’utilisation. Elle définit quatre classes de te-
neur :
– Cl 0,20 pour les bétons contenant des armatures de précontrainte en acier ;
– Cl 0,40 pour les bétons contenant des armatures en acier ou des pièces métalli-
ques noyées ;
– Cl 0,65 pour les bétons contenant des armatures en acier ou des pièces métalli-
ques noyées et formulés avec des ciments de type CEM III ;
– Cl 1,0 pour les bétons ne contenant ni armature en acier, ni pièces métalliques
noyées.
Les classes de chlorures permettent d’adapter la composition du béton en fonction
des risques de corrosion des armatures.
La teneur maximale en ions chlorure est définie en pourcentage de la masse du
ciment. La teneur en chlorure du béton correspond à la somme des chlorures ap-
portés par tous les constituants.
5.7.4. Les valeurs limites pour le classement des attaques chimiques
La norme NF EN 206-1 définit les valeurs limites des paramètres correspondants
aux attaques chimiques. Ces seuils correspondent à des caractéristiques chimi-
ques des eaux de surfaces et souterraines ou des sols.

270
La durabilité dans le contexte normatif européen

Pour ce type d’environnement, l’Annexe nationale renvoie au fascicule de docu-


mentation FD P18-011 « Bétons - Définition et classification des environnements
chimiquement agressifs - Recommandations pour la formulation des bétons », no-
tamment pour le choix de ciments.
Nota. Le choix de la classe se fait par rapport à la caractéristique chimique condui-
sant à l’agression la plus élevée.

5.8. Les exigences sur les constituants


5.8.1. Le choix du ciment
Le choix du ciment doit prendre en considération :
– les contraintes d’exécution de l’ouvrage,
– l’utilisation finale du béton ;
– les conditions de cure ;
– les dimensions de la structure (développement de chaleur) ;
– les agressions environnementales auxquelles la structure est exposée ;
– la réactivité potentielle des granulats aux alcalins des constituants.
5.8.2. Le choix des granulats
Le type, la dimension et les catégories de granulats doivent être sélectionnés en
tenant compte :
– des contraintes d’exécution de l’ouvrage ;
– de l’utilisation finale du béton ;
– des conditions environnementales auxquelles sera soumis le béton ;
– de toutes les exigences liées aux traitements de surface appliqués au béton frais
ou durci.
5.9. Les valeurs limites spécifiées applicables à la composition
et aux propriétés des bétons
La norme NF EN 206-1 définit des valeurs limites spécifiées relatives à la com-
position et aux propriétés du béton en fonction de chaque classe d’exposition dans
deux tableaux (NA.F.1 et NA.F.2). Ces valeurs sont basées sur une durée d’utili-
sation de la structure de 50 ans. Dans le cas des produits de structure préfabriqués,
le préfabricant a la possibilité d’utiliser au choix les exigences de l’un ou l’autre
des deux tableaux. Pour chaque type de produit préfabriqué, une procédure docu-
mentée doit mentionner le tableau auquel il est fait référence.
Les exigences minimales en fonction des classes d’exposition ne sont pas les mê-
mes dans l’ensemble des pays couverts par l’EN 206-1 compte tenu des particu-
larités climatiques, géologiques et des techniques de construction spécifiques à
chaque pays.

271
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Les tableaux NA.F.1 et NA.F.2 précisent en fonction de chaque classe d’exposi-


tion :
– le rapport Eauefficace/liant équivalent maximal ;
– la classe de résistance minimale du béton ;
– la teneur minimale en air (le cas échéant).
Ils comportent d’autres exigences, en particulier sur les additions et la nature des
ciments à utiliser.
Le tableau NA.F.1 précise aussi la teneur minimale en liant équivalent.
Le tableau NA.F.2, relatif aux produits préfabriqués en béton en usine introduit l’ab-
sorption d’eau maximale du béton en tant qu’indicateur de la compacité du béton.
La quantité de liant équivalent (Liantéq) correspond à la qualité de ciment (C) ma-
jorée par la quantité d’addition (A) pondérée par un coefficient (k) fonction de
chaque type d’addition (Liantéq = C + k.A).
Les tableaux NA.F.1 et NA.F.2 précisent les quantités maximales autorisées pour
le calcul du Liantéq pour chaque addition (cendres volantes, fumées de silice, lai-
tier moulu, addition calcaire ou siliceuse).
La norme NF EN 206-1 constitue une évolution importante dans la manière de
prescrire, formuler, fabriquer et contrôler les bétons au service de la qualité et
de la performance des bétons.
Elle définit des exigences (de moyens) pour la durabilité des structures, prend en
compte avec précision la notion de classes d’exposition, introduit les classes de
résistance pour les bétons légers et de nouvelles classes de résistance du béton
(jusqu’à 100 MPa), impose des exigences sévères sur les contrôles de fabrication,
(volume de contrôle augmenté et critères de conformité renforcés) prend en
compte des additions dans la détermination du rapport eau /ciment, précise la
répartition des responsabilités entre le prescripteur, le producteur et l’utilisa-
teur et le rôle de chaque intervenant, définit des dispositions relatives aux essais
de conformité, à l’évaluation de la conformité, aux critères de conformité et aux
essais d’identification.
Elle permet d’augmenter les performances du béton, de renforcer la régularité
de ses caractéristiques, sa qualité et donc d’améliorer la durabilité des ouvrages.
Un béton conforme aux valeurs limites spécifiées, est capable de satisfaire les exi-
gences de durabilité par rapport à l’utilisation envisagée dans les conditions en-
vironnementales si :
– l’épaisseur de béton recouvrant l’armature est adaptée aux conditions envi-
ronnementales ;
– les classes d’exposition ont été correctement sélectionnées ;
– il est correctement mis en place, vibré et soumis à une cure adaptée ;
– la maintenance préventive est réalisée.

272
La durabilité dans le contexte normatif européen

6. LES NORMES POUR LES PRODUITS PRÉFABRIQUÉS


EN BÉTON
6.1. Les normes de produits européennes
Les normes de référence pour les produits préfabriqués en usine sont les normes
de produit. Ces normes définissent complètement les caractéristiques des produits
et leurs constituants.
La plupart des normes de produit dispose d’une partie harmonisée qui ouvre au
marquage CE (tableau 7.6). De nombreuses normes sont dites « autoportantes »,
car elles contiennent en elles-mêmes toutes les spécifications nécessaires. C’est
le cas pour les blocs par exemple.
En ce qui concerne les produits préfabriqués structuraux en béton, autres que les
blocs, les normes européennes harmonisées s’appuient sur la norme NF EN 13369.
La norme NF EN 13369 précise et complète, pour les aspects concernant les produits
préfabriqués structuraux, la norme NF EN 206-1. Les normes des produits structu-
raux renvoient, directement ou via la norme NF EN 13369, à l’édition nationale de
l’Eurocode 2. Les normes de produit complètent s’il y a lieu ces textes, leur avant-
propos national précise certaines pratiques nationales.
Les normes de produits, les normes sur les bétons et les constituants ainsi que les
Eurocodes, constituent pour les éléments préfabriqués de structure, un cadre co-
hérent au niveau européen.
Pour la satisfaction des exigences essentielles telles que la résistance mécanique,
la résistance au feu et la durabilité, les normes de produits font généralement ré-
férence à la norme NF EN 13369 ainsi qu’aux Eurocodes et à leurs annexes na-
tionales. Le cas échéant, l’avant propos national de la norme de produit stipule le
texte à appliquer. Les éventuelles dispositions informatives relatives à l’ouvrage
réalisé avec les produits peuvent être reprises dans la norme NF DTU qui traitera
de la conception de l’ouvrage et de la mise en œuvre des produits.

273
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Tableau 7.6 : les normes de produits harmonisés.

Les principales normes de produits Les principales normes (1, 2) de produits


harmonisées se référant aux règles com-
harmonisées « autoportantes » (1)
munes (NF EN 13369)

• Blocs en béton NF EN 771-3/4/5(2) • Cadres sous chaussées NF EN 14844


• Caniveaux hydrauliques NF EN 1433 • Caillebotis pour bétail NF EN 12737(3)
• Carreaux de mosaïque NF EN 13748-1/2 • Candélabres en béton NF EN 40-4
• Conduits de fumée NF EN 1857/58 et 12446 • Mobilier urbain et de jardin NF EN 13198(3)
• Éléments pour clôtures NF EN 12839 • Dalles alvéolées NF EN 1168
• Éléments de béton de granulats légers • Éléments de fondation prEN 14991
à structure ouverte NF EN 1520 • Éléments de mur et façade prEN 14992
• Éléments préfabriqués en béton cellulaire • Éléments linéaires de structure NF EN 13225
autoclavé armé prEN 12602 • Éléments spéciaux de toiture NF EN 13693
• Fosses septiques NF EN 12566-1 • Escaliers prEN 14843
• Linteaux NF EN 845-2 • Pieux de fondation NF EN 12794
• Produits de voirie NF EN 1338/39/40(2) • Éléments de ponts prEN 15050
• Séparateurs de liquides légers NF EN 858-1(2) • Éléments de planchers nervurés
NF EN 13224
• Séparateurs à graisse prEN 1825-1(2)
• Poutrelles et entrevous pour systèmes de
• Traverses de chemin de fer NF EN 13230-1/5
planchers prEN 15037-1/5
• Tuiles en béton NF EN 490
• Prédalles pour systèmes de planchers
• Tuyaux, regards, boîtes NF EN 1916/17(2) NF EN 13747
• Poteaux et mâts NF EN 12843

(1) Parues ou en cours.


(2) Des compléments nationaux d’application existent.
(3) Non harmonisée.

6.2. Le marquage CE
Les normes de produits comportent une partie harmonisée dont le respect, attesté par
le marquage obligatoire CE, permet la libre circulation du produit au sein de l’Union
européenne (l’annexe ZA de la norme définit les clauses harmonisées et les modali-
tés du marquage CE). Des annexes informatives fournissent des informations com-
plémentaires destinées généralement à la conception de l’ouvrage. Cette conformité
des produits est attestée par le marquage réglementaire CE, le cas échéant complété
par une certification volontaire. La certification volontaire complémentaire (NF par
exemple) attestera que le produit est conforme à la norme produit et apte à être mis
en œuvre selon la norme NF DTU ou le document d’application.
6.3. La norme NF EN 13369
La norme NF EN 13369 « Règles communes pour les produits préfabriqués en
béton » est la norme de base pour toutes les normes de produits structuraux. Elle
précise les exigences relatives aux constituants et au béton, ainsi que les condi-
tions générales d’application des Eurocodes pour le dimensionnement des pro-

274
La durabilité dans le contexte normatif européen

duits préfabriqués en béton. Les règles communes servent également de texte de


référence pour les produits non couverts par des normes ou des agréments techni-
ques européens (ATE).
La norme NF EN 13369 spécifie la terminologie, les prescriptions, les critères re-
latifs aux performances de base, les méthodes de vérification et d’évaluation de
la conformité pour la fabrication de produits préfabriqués en béton en usine. Elle
précise certaines spécifications de fabrication des produits.
6.3.1. Les principales exigences par rapport aux constituants
La norme NF EN 13369 spécifie que le béton est réalisé à partir de constituants
dont l’aptitude à l’emploi est établie. Cette aptitude est établie dès lors que le
constituant respecte l’un des textes ci-après définissant son utilisation dans le bé-
ton ou les produits en béton :
– une norme européenne ou internationale (ISO) spécifique au constituant ;
– ou une norme ou des prescriptions nationales en vigueur sur le lieu d’utilisa-
tion du produit en béton ;
– ou un agrément technique européen (ATE).
6.3.2. Les classes d’exposition
La nouvelle définition des classes d’exposition donnée dans la norme NF EN 206-
1, et utilisée tant par la norme NF EN 13369 que par l’Eurocode 2, constitue un
progrès important, car elle va faciliter la passation des marchés et permettre de
prescrire des produits structuraux parfaitement adaptés aux agressions auxquelles
ils seront soumis pendant la durée d’utilisation prévue de l’ouvrage.
La résistance du béton aux diverses conditions environnementales auxquelles il
est soumis pendant la durée de vie prévue de la structure est conditionnée, notam-
ment par le respect de spécifications sur le béton. Ces spécifications concernant
le béton doivent être adaptées aux conditions susceptibles d’être rencontrées dans
chaque pays européen. Il est donc nécessaire de se référer aux éditions nationales
des normes EN 206-1 et EN 13369 en vigueur dans le pays concerné.
Comme les normes spécifient complètement les exigences relatives au produit
fini prêt à être mis en œuvre, la seule référence à la norme du produit suffit pour
la passation des marchés. Si le marché fait référence à la norme NF EN 206-1, la
conformité des produits en béton aux normes européennes correspondantes (nor-
me de produits ou en l’absence, norme NF EN 13369) vaut donc satisfaction à la
norme NF EN 206-1.
Lorsque les produits en béton préfabriqués structuraux sont couverts par une nor-
me de produit fixant des exigences de durabilité spécifiques alors seules celles-ci
s’appliquent. Dans les autres cas, il est possible d’utiliser les spécifications rela-

275
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

tives à la composition et aux performances du béton définies dans la norme NF


EN 13369.
Celles-ci concernent notamment :
– le type et les classes de constituants ;
– le rapport maximal Eau efficace/liant équivalent ;
– le dosage minimal en liant équivalent ou l’absorption d’eau maximale ;
– la résistance minimale à la compression du béton.
Ces spécifications sont définies dans deux tableaux (NA.F.1 et NA.F.2) communs
aux normes NF EN 206-1 et NF EN 13369. Les spécifications du tableau N.A.F.2
reposent sur une approche performantielle de la durabilité qui permet de prendre
en compte l’ensemble des facteurs liés aux formules de béton et aux procédés de
fabrication.
Les principales différences du tableau NA.F.2 par rapport au tableau NA.F.1 con-
cernent :
– la prescription de valeurs d’absorption d’eau maximales en remplacement des
dosages minimaux en liant équivalent ;
– des limites sur les rapports Eau efficace/Liant équivalent plus contraignantes ;
– la possibilité pour les classes XF d’utiliser des essais de performance : XP P18-
420, XP P18-424 et XP P18-425 ;
– des classes de résistances minimales plus élevées pour les classes d’exposition
XC, XS, XD et XF.
6.3.3. Les autres prescriptions de la norme NF en 13369
pour la durabilité
6.3.3.1. Accélération de l’hydratation par traitement thermique
et protection contre la dessiccation (cure)
Les prescriptions relatives au traitement thermique, procédé largement employé
pour la fabrication des produits structuraux en béton, visent à garantir une bonne
durabilité des produits en assurant en particulier :
– l’obtention de la résistance mécanique requise ;
– la mise en œuvre de cycles de traitement (préchauffage, vitesse de montée en
température, température maximale, refroidissement) limitant les risques de
microfissures ou de porosité excessive ;
– que les conditions limites conduisant à des risques de fissuration par formation
différée d’ettringite soient évitées.
Les prescriptions relatives à la cure, permettent d’éviter que les surfaces des pro-
duits ne soient soumises à une dessiccation pouvant conduire à une fissuration du
béton ou à une altération de l’hydratation du liant. Des mesures de protection ap-

276
La durabilité dans le contexte normatif européen

propriées pour limiter la dessiccation (précisées dans le tableau 2 de la norme NF


EN 13369) doivent être prises jusqu’à obtention d’une résistance minimale (spé-
cifiée dans le tableau 1 de la norme NF EN 13369) du béton. Cette résistance mi-
nimale est adaptée aux futures conditions environnementales du produit dans
l’ouvrage.
6.3.3.2. Incidence des classes d’exposition sur l’enrobage minimal
des aciers
La norme NF EN 13369 indique les valeurs minimales d’enrobage des armatures
en référence à la norme EN 1992-1-1 (Eurocode 2). Pour chaque classe d’exposi-
tion (XO, XC, XD ou XS), l’enrobage minimal est spécifié en tenant compte de
la résistance du béton et du type d’armatures (précontraintes ou passive). Pour les
classes d’exposition XA et XF, l’exigence sur l’enrobage résulte de la classe d’ex-
position retenue vis-à-vis de la corrosion des armatures (XC ou XD). D’autres
conditions peuvent être données dans les normes de produits.
6.3.3.3. Concept de performance équivalente du béton
L’industriel a la possibilité de définir les spécifications relatives aux classes d’ex-
position en utilisant les méthodes de conception performantielles pour la durabi-
lité. Elles sont établies en termes de paramètres performantiels par les normes de
produits.

7. LES DOCUMENTS ET NORMES RELATIFS À L’EXÉCUTION


DES OUVRAGES
Quelles que soient les précautions prises pour adapter et optimiser la formulation
du béton, il ne pourra assurer sa fonction durablement que si les « règles de l’art »
ont été respectées lors de sa mise en œuvre (vibration correcte, cure adaptée, prise
en compte des conditions climatiques lors du bétonnage, retrait maîtrisé, respect
des valeurs d’enrobage des armatures, etc.). Pour obtenir la durabilité spécifiée, il
convient de respecter les recommandations ou les normes d’exécution des ouvra-
ges.
7.1. Norme NF P18-201 (DTU 21)
La norme NF P18-201 définit les conditions d’exécution des bâtiments en béton
et en béton armé. Elle fixe les contrôles techniques minimaux que l’entreprise doit
mettre en œuvre en particulier sur le béton, qui doit être conforme à la norme NF
EN 206-1.

277
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Elle définit, chapitre 4, les spécifications et caractéristiques minimales du béton,


qui sont fonction, en particulier, de l’importance de l’ouvrage à réaliser et de la
classe d’exposition.
Elle définit, chapitre 5.3, les spécifications relatives au béton, concernant la fabri-
cation, le transport, la mise en place, les reprises de bétonnage, les effets des con-
ditions ambiantes et le décoffrage.
Le chapitre 6.5 traite du contrôle de fabrication du béton.
7.2. Fascicule 65
Le fascicule 65 qui concerne l’exécution des ouvrages de génie civil en béton
armé ou précontraint est en cours de révision au moment de l’édition de cet ouvra-
ge pour être mis en adéquation avec l’ensemble du nouveau contexte normatif.
7.3. Norme NF EN 13670-1
La norme NF EN 13670-1 Exécution des ouvrages en béton définit les prescrip-
tions pour l’exécution des ouvrages en béton (béton armé, béton précontraint), en
conformité avec les normes Eurocode EN 1992-1 et EN 1994-1 respectivement
pour les structures en béton et les parties en béton des structures mixtes.
Elle couvre l’exécution des bétons coulés en place et la mise en place des produits
préfabriqués en béton pour la réalisation de béton et de structures de génie civil.
Elle complète certaines spécifications de la norme NF EN 206-1.
Elle permet de définir des exigences techniques pour l’exécution et le contrôle et
l’inspection des ouvrages.
Le chapitre 8 « Opérations de bétonnage » définit les recommandations relatives:
– à la livraison, à la réception et transport sur le chantier du béton frais ;
– aux opérations préliminaires de bétonnage ;
– à la mise en place et au compactage : ces opérations doivent « être effectuées
de manière à respecter les tolérances d’enrobage et à assurer un durcissement et
une durabilité satisfaisants du béton » ;
– à la cure et à la protection : le béton doit faire l’objet d’une cure « afin d’assu-
rer une durabilité convenable de la zone superficielle » ;
– aux opérations après bétonnage.
La durée minimale de la cure est fonction de la classe d’exposition.
Le tableau NA.3.E1 définit les délais de cure minimaux à respecter en fonction de
la température de la surface du béton et du développement de la résistance du béton.
Le chapitre 11 définit les inspections des matériaux, des produits et des phases
d’exécution (inspections visuelles, contrôles, mesures).

278
7.4. Autres référentiels pour la réalisation des ouvrages
avec des produits en bétons
Les autres référentiels utilisés pour la réalisation des ouvrages avec des produits
préfabriqués sont :
• pour la fondation
– DTU 13.12 Règles pour le calcul des fondations superficielles (P 11-711),
– DTU 13.11 Fondations superficielles (P 11-211),
– DTU 13.2 Fondations profondes (P 11-212-2) ;
• pour la maçonnerie
– DTU 20.1 Ouvrages en maçonnerie de petits éléments - Parois et murs (P
10-202),
– DTU 20.12 Gros œuvre en maçonnerie des toitures destinées à recevoir un
revêtement d’étanchéité (P 10-203),
– DTU 26.1 Enduits aux mortiers de ciment, de chaux… (P 15-201),
– Fascicule 64 ;
• pour les murs et façades
– DTU 21 Exécution des ouvrages en béton (P 18-201),
– DTU 22.1 Murs extérieurs en panneaux préfabriqués de grandes dimen-
sions (P 10-210) ;
• pour les éléments de structure
– DTU 23.2 Planchers à dalles alvéolées préfabriqués en béton (P 19-201),
– DTU 23.3 Ossatures en éléments industrialisés en béton,
– prDTU 23.5 Planchers à poutrelles et entrevous préfabriqués en béton,
– prDTU 23.4 Planchers à pédalles préfabriquées en béton,
– Fascicule 62 ;
• pour la fumisterie
– DTU 24.1 Travaux de fumisterie (P 51-201),
– DTU 24.2 Travaux d’âtrerie (P 51-202);
• pour la couverture
– DTU 40.24 Couvertures en tuiles en béton à glissement et à emboîtement
longitudinal (P 31-207-1),
– DTU 40.241 Couvertures en tuiles plates en béton à glissement et à emboî-
tement longitudinal (P 31-205),
– DTU 40.25 Couvertures en tuiles plates en béton (P 31-206) ;
• pour l’épuration
– DTU 64.1 Mise en œuvre des dispositifs d’assainissement autonomes -
Maison d’habitation (P 16-603),

279
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

– Norme XP P 16-442 Mise en œuvre des séparateurs de liquides légers et


débourbeurs,
– Norme NF EN 858-2 Séparateurs de liquides légers : installation, service et
entretien,
– Norme NF EN 1825-2 Séparateurs à graisse : installation, service et entre-
tien ;
• pour l’assainissement
– Fascicule 70,
– NF EN 1610 Mise en œuvre et essais des branchements et collecteurs,
– NF EN 1295 Calcul de la résistance mécanique des canalisations enterrées,
– NF EN 752 Réseaux d’évacuation et d’assainissement,
• pour la voirie et les revêtements de sol
– Norme NF P 98-335 Chaussées urbaines - Mise en œuvre des pavés et dal-
les en béton,
– Norme NF P 98-082 Dimensionnement des structures de chaussée,
– Fascicules 29 et 31,
– DTU 52.1 Revêtements de sol scellés (P 61-202).

8. CONCLUSION
Les ouvrages en béton disposent aujourd’hui d’un nouveau support normatif
complet constitué majoritairement de normes européennes complétées par des ré-
férentiels nationaux. S’appuyant sur le retour d’expérience et sur les travaux
d’études et de recherches menées durant ces dernières décennies, ce nouveau con-
texte normatif est une réelle avancée pour les utilisateurs. Cet ensemble de textes
couvre en effet les différents aspects liés à la construction des ouvrages, depuis le
dimensionnement des structures jusqu’au choix des constituants du béton, sa for-
mulation et sa mise en place.
Dans le domaine de la durabilité, les normes NF EN 206-1 et NF EN 13369, en
particulier, constituent une évolution importante dans la manière de prescrire, de
formuler et fabriquer les bétons et produits structuraux. Le fascicule de documen-
tation FD P18-011 et les recommandations du LCPC sont des documents de réfé-
rence incontournables pour appréhender la durabilité des bétons exposés aux
environnement chimiquement agressifs, au gel-dégel ou susceptibles de présenter
un risque vis-à-vis de l’alcali-réaction ou de la réactions sulfatique interne.
Bien entendu, ces normes et ces référentiels sont amenés à évoluer au cours des
prochaines années pour tenir compte, notamment, des nouvelles propriétés et per-
formances des bétons.

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280
CHAPITRE 8

L’approche performantielle
de la durabilité des bétons

V. BAROGHEL-BOUNY, F. CUSSIGH, P. ROUGEAU

Résumé
Parallèlement à l’approche prescriptive basée sur des obligations de moyens, de
nouvelles méthodes reposant sur une approche performantielle de la durabilité
sont développées aujourd’hui. L’approche performantielle est une démarche glo-
bale qui permet de prendre en compte tous les aspects technico-économiques
spécifiques à chaque ouvrage (importance de l’ouvrage, environnement, sollici-
tations physico-chimiques et mécaniques, risques induits, durée de vie deman-
dée). Ces approches reposent sur de nouveaux concepts (méthodologie
« comparative » ou « complète ») et outils (indicateurs de durabilité, essais de
performance et de caractérisation). Elles sont d’ores et déjà intégrées à des de-
grés variables dans les normes européennes et dans d’autres textes couramment
utilisés (« Recommandations pour la durabilité des bétons durcis soumis au
gel », « Recommandations pour la prévention des désordres liés à l’alcali-
réaction »). La constitution de bases de données et la définition de modèles phy-
sico-chimiques pertinents sont deux facteurs clé pour une plus grande utilisation
de l’approche performantielle.
Mots-clés
APPROCHE PERFORMANTIELLE, INDICATEURS, ESSAI DE PERFORMANCE, RECOMMAN-
DATIONS, MODÈLES.

281
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

1. INTRODUCTION
Les méthodologies mises en œuvre afin de maîtriser la durabilité des ouvrages en
béton peuvent revêtir quatre niveaux de complexité [AND 06] :
– le niveau 1 correspond à une approche prescriptive essentiellement basée sur
des obligations de moyens ;
– le niveau 2 repose sur l’utilisation d’indicateurs de durabilité ou d’essais de
performance ; à ce stade, la durée de vie1 n’est pas encore quantifiée ;
– le niveau 3 implique l’utilisation de modèles de durabilité déterministes ;
– le niveau 4 correspond à l’utilisation de modèles probabilistes2.
Ce classement relatif à la complexité de la méthodologie n’est valable que pour
un type de modèle donné (modèle empirique ou physico-chimique). Les modèles
empiriques probabilistes sont d’un niveau de complexité supérieur (niveau 4) aux
modèles empiriques déterministes (niveau 3). Ils ne sont pas nécessairement et
même rarement plus complexes que les modèles déterministes physico-chimiques
qui permettent d’appréhender plus finement les mécanismes.
La durabilité du béton a longtemps été appréhendée sur le plan normatif en adop-
tant une approche de niveau 1, c’est-à-dire en ne considérant principalement que
les paramètres liés à la formulation du béton et certaines propriétés mécaniques
telles que la résistance caractéristique à la compression. L’application de valeur
limite à des paramètres de formulation constitue des obligations de moyens. Cel-
les-ci portent le plus souvent sur le rapport Eau/Ciment (ou Eeff/Liantéq3 dans la
norme NF EN 206-14), le dosage en ciment ou Liantéq, la nature et la proportion
d’additions par rapport à la quantité de ciment. Les avantages de l’approche basée
sur des obligations de moyens sont de bénéficier d’un retour d’expérience consé-
quent et d’être utilisable facilement par les industriels. Les paramètres pour les-
quels des exigences sont requises sont compatibles avec le suivi effectué lors de
la fabrication des bétons tels que les pesées des constituants, l’acquisition des
données sur leur teneur en eau et les contrôles sur le béton durci.
Les limites de l’approche basée sur des obligations de moyens sont de ne pas lais-
ser suffisamment la porte ouverte à l’innovation et à des préoccupations émergen-
tes comme le développement durable. Contrairement à l’approche perfor-
mantielle, elle ne permet pas non plus de prendre en compte l’ensemble des fac-

1. Au sens de « durée d’utilisation de projet » tel que défini au chapitre 7, § 2.1.2.


2. Voir § 2.5.
3. Liantéq = C + kA, C = Ciment, A = Addition, k = coefficient dépendant du type d’addition.
4. Norme NF EN 206-1 Béton, partie 1 « Spécification, performances, production et conformité ».

282
L’approche performantielle de la durabilité des bétons

teurs liés aux formules de béton et aux procédés de fabrication. Enfin, le domaine
d’application de ce type d’approche concerne essentiellement les ouvrages tradi-
tionnels pour lesquels des durées de vie conventionnelles s’appliquent. Dans le
cas des ouvrages soumis à des sollicitations particulières ou lorsqu’une durée de
vie significativement plus importante est souhaitée par le maître d’ouvrage, il
peut être utile, voire nécessaire, de mettre en œuvre une démarche plus complète
s’appuyant sur une approche performantielle.
L’approche performantielle consiste à appréhender la durabilité des bétons en
considérant non pas les seules données liées à la formulation mais certaines ca-
ractéristiques ou propriétés du matériau dont on sait qu’elles présentent un intérêt
pour prévoir l’évolution de celui-ci lorsqu’il est exposé à des conditions environ-
nementales données. Différents concepts sont aujourd’hui développés afin de
pouvoir mettre en œuvre une approche performantielle de la durabilité. Les deux
principaux concepts correspondent, d’une part, à la méthode basée sur des indica-
teurs de durabilité et, d’autre part, au système reposant sur l’utilisation des essais
de performance. Notons que ces concepts ne sont pas opposés ni contradictoires,
mais bien au contraire très complémentaires. Certains textes couramment cités
dans les cahiers des charges des maîtres d’ouvrage, telles que les recommanda-
tions du LCPC pour la durabilité des bétons durcis soumis au gel [REC 03] et la
prévention des désordres liés à l’alcali-réaction [REC 94], utilisent de manière
conjointe ces deux concepts ainsi que certaines obligations de moyens (voir § 2.3
et 2.4), on parle alors d’approche mixte.
Le paragraphe 2 a pour objectif de présenter les outils (indicateurs de durabilité,
essais de performance, modèles de durabilité) déjà utilisés dans le cadre de l’ap-
proche performantielle. Le paragraphe 3 expose des exemples d’approches déve-
loppées en France et à l’étranger. Enfin, des cas d’ouvrages pour lesquels une
approche performantielle de la durabilité du béton a été utilisée sont exposés au
paragraphe 4.

2. LES OUTILS DE L’APPROCHE PERFORMANTIELLE


Différents outils existent aujourd’hui pour appréhender la durabilité du béton se-
lon une approche performantielle. L’objectif n’est pas ici de décrire dans le détail
les modes opératoires ou les modèles de durabilité. Il s’agit plutôt de préciser leur
finalité, comment on les utilise dans le cadre d’une approche performantielle,
leurs avantages et leurs limites.
2.1. Les indicateurs de durabilité
Les indicateurs de durabilité sont des paramètres qui apparaissent comme fonda-
mentaux dans l’évaluation et la prédiction de la durabilité du matériau et de la

283
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

structure vis-à-vis du processus de dégradation considéré [BAR 06]. Ces paramè-


tres doivent être aisément quantifiables à partir d’essais de laboratoire pratiqués
sur des éprouvettes ou sur des prélèvements, de façon reproductible et selon des
modes opératoires bien définis.
Deux catégories d’indicateurs de durabilité sont distingués dans le guide AFGC
Conception des bétons pour une durée de vie donnée des ouvrages [BAR 04a] :
– les indicateurs de durabilité généraux (valables pour la plupart des dégrada-
tions) ;
– et les indicateurs de durabilité spécifiques à un processus de dégradation donné
(par exemple l’alcali-réaction).
Les indicateurs de durabilité généraux sont des paramètres déterminants pour la
durabilité des bétons, utilisables aussi bien pour la prévention de la corrosion des
armatures, de l’alcali-réaction ou de toute autre dégradation. Les indicateurs gé-
néraux définis dans le guide AFGC sont les suivants :
– la porosité accessible à l’eau (mode opératoire AFPC-AFREM, 1997
[AFP97]);
– le coefficient de diffusion (apparent ou effectif) des ions chlorure (mode opéra-
toire RGCU Grandubé, 2007 [GRA 07]) ;
– la perméabilité aux gaz (mode opératoire AFPC-AFREM, 1997 [AFP 97]) ;
– la perméabilité à l’eau liquide ;
– la teneur en portlandite [Ca(OH)2] (mode opératoire RGCU Grandubé, 2007
[GRA 07]).
Selon le processus de dégradation considéré, il peut s’avérer nécessaire de com-
pléter le panel d’indicateurs généraux par des indicateurs spécifiques à ce proces-
sus. Dans le cas de la prévention des dégradations dues à l’alcali-réaction, les
indicateurs spécifiques retenus peuvent être classés en deux catégories :
– les indicateurs chimiques (relatifs aux constituants du béton) spécifiques à
l’alcali-réaction tels que la quantité de silice libérée par les granulats en fonction
du temps (cinétique) et la concentration en alcalins équivalents actifs de la solu-
tion interstitielle ;
– les indicateurs globaux et macroscopiques (relatif au béton durci) tel que les
variations dimensionnelles des éprouvettes de béton (essai de gonflement d’une
formule de béton vis-à-vis de l’alcali-réaction, faisant l’objet de la norme NF
P18-454).
Le guide AFGC introduit également la notion d’indicateurs de substitution. La
démarche proposée ayant pour vocation de rester très souple et modulable afin de
s’adapter aux besoins de chaque utilisateur, il peut être envisagé de remplacer la
détermination directe de certains des indicateurs de durabilité généraux proposés
par celle de paramètres de substitution. Ce pourra notamment être le cas pour des

284
L’approche performantielle de la durabilité des bétons

méthodes d’essai pratiquées plus couramment ou plus facilement dans certains la-
boratoires, pour des paramètres plus adaptés au problème posé ou aux modèles
mis en oeuvre, ou lorsque des méthodes fournissant des données plus complètes
sont requises. Les indicateurs de substitution pourront être utilisés directement
(notamment pour un simple classement de bétons, à condition bien entendu qu’un
système de classement soit disponible) ou permettre, via des méthodes indirectes,
d’accéder aux indicateurs de durabilité généraux.
On trouvera donc parmi les indicateurs de substitution :
– la porosité accessible au mercure (mode opératoire RGCU Grandubé, 2007
[GRA 07]) ;
– la résistivité électrique [AND 01] ; à noter que ce paramètre est considéré
comme un des indicateurs de base dans l’approche performantielle développée
par l’Institut des sciences de la construction Eduardo Torroja (voir § 8.2.5) ;
– la quantité d’électricité selon l’essai AASHTO (norme ASTM C1202) ;
– le coefficient de diffusion du CO2 [PAP91] (mode opératoire LPC, 2006) ;
– le coefficient de diffusion de l’eau tritiée ;
– le coefficient d’absorption capillaire (mode opératoire AFPC-AFREM, 1997
[AFP 97]).
2.2. Les essais de performance et de caractérisation
Les essais de performance permettent d’évaluer le comportement d’un béton sou-
mis à des sollicitations physico-chimiques du même type que celles auxquelles
l’ouvrage sera exposé, mais souvent amplifiées. Ces essais ont pour vocation pre-
mière de permettre un classement pertinent des bétons vis-à-vis de leur résistance
à une agression particulière.
Les essais sont conçus pour accroître l’intensité de la sollicitation, qu’elle soit
physique ou chimique. La difficulté dans la mise au point de ces essais est de ne
pas provoquer de phénomènes parasites du fait de la méthode d’accélération. Des
essais reposent sur la répétition de cycles pour lesquels les conditions varient de
manière importante: cycle de gel-dégel, cycles d’humidification/séchage…
D’autres consistent à disposer les échantillons de béton dans un milieu tel que la
quantité de béton qui réagit par unité de temps est importante : carbonatation ac-
célérée, essai de performance pour l’alcali-réaction, essai de lixiviation à pH
constant. Certains essais utilisent les deux principes. C’est le cas pour le mode
opératoire développé par le LCPC dont l’objectif est de caractériser le comporte-
ment d’un béton soumis à un échauffement vis-à-vis des risques liés à la réaction
sulfatiqus interne [LPC 07, PAV 03].

285
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

De nombreux essais de performance et de caractérisation existent donc déjà. Cer-


tains d’entre eux sont normalisés et utilisés dans des recommandations françaises
sur la durabilité des bétons (alcali-réaction, gel et sels de déverglaçage…).
Les principaux essais de performance et de caractérisation utilisés aujourd’hui
sont les suivants :
– les essais destinés à appréhender la durabilité du béton au gel ; ces essais font
l’objet de normes1 ; à ce jour, un débat est ouvert dans l’hexagone pour savoir
s’il convient de considérer ces modes opératoires comme des essais aptes à être
utilisés pour statuer sur la performance du béton in situ ou bien s’il s’agit plutôt
d’essais de caractérisation du béton dans des conditions de laboratoire ; une com-
paraison effectuée entre des résultats d’écaillage en laboratoire et des observa-
tions in situ avait en tout cas montré une bonne cohérence sur un ensemble de
quinze bétons étudiés dans le cadre du Projet national BHP 2000 [BAR 04b] ;
– le test de performance permettant de qualifier une formule de béton vis-à-vis
des risques liés à l’alcali-réaction2 ;
– l’essai de carbonatation accélérée (mode opératoire AFPC-AFREM, 1997
[AFP 97]).
Les essais suivants ont été développés plus récemment :
– le mode opératoire LPC n°66 « Réactivité d’une formule de béton vis-à-vis
d’une réaction sulfatique interne » destiné à qualifier l’adéquation entre un béton
et un échauffement (pièce massive coulé en place ou élément préfabriqué faisant
l’objet d’un traitement thermique) [LPC 07] ;
– l’essai de lixiviation à pH constant [FRA 07].
Il reste des agressions pour lesquelles des travaux sont en cours au moment de
l’édition de cet ouvrage, afin de disposer d’un essai de vieillissement accéléré per-
tinent :
– attaque sulfatique externe ;
– attaque par l’eau de mer ;
– action des sels de déverglaçage en cas de gel modéré.
Il va de soi que les essais de performance doivent être robustes. Les modes opé-
ratoires sont élaborés pour atteindre une répétabilité et une reproductibilité opti-
males. La représentativité et la sévérité des essais de performance sont deux
autres aspects importants. La représentativité d’un essai de performance dépend,

1. Normes NF P18-424 « Bétons - Essais de gel sur béton durci. Gel dans l’eau, dégel dans l’eau »,
NF P18-425 « Bétons - Essais de gel sur béton durci. Gel dans l’air, dégel dans l’eau » et XP P18-
420 « Bétons - Essais d’écaillage des surfaces de béton durci exposées au gel en présence d’une
solution saline ».
2. Norme FD P 18-456 « Réactivité d’une formule de béton vis-à-vis de l’alcali-réaction ».

286
L’approche performantielle de la durabilité des bétons

d’une part, de la fidélité avec laquelle les mécanismes qui opèrent in situ sont re-
produits et, d’autre part, des conditions aux limites retenues qui ne doivent pas
trop s’éloigner de la réalité. Les essais de performance pour le gel interne reposent
ainsi sur la réalisation d’une succession de cycles de gel-dégel à des températures
susceptibles d’être rencontrées plutôt que sur un nombre de phase de gel réduit
mais à une température excessivement basse. On retiendra toutefois que la repré-
sentativité des essais de performance basés sur un vieillissement « accéléré » vis-
à-vis des phénomènes en conditions réelles peut être discutée dans la mesure où
ces essais sont susceptibles d’induire une évolution de la microstructure et des
propriétés du matériau différente par rapport à un vieillissement naturel. Des mo-
difications microstructurales ont été observées sur des matériaux soumis à un es-
sai de carbonatation accéléré à forte teneur en CO2. Une gangue de CaCO3 se
forme autour des cristaux de Ca(OH)2 empêchant une carbonatation totale
[RAF02]. La sévérité d’un essai ne peut être évaluée qu’en étudiant la réponse de
l’essai de performance pour des formules de béton dont on connaît le comporte-
ment in situ avec suffisamment de recul (au moins 10 ans). Cela implique de met-
tre en oeuvre l’essai avant même de connaître son degré de sévérité, d’où
l’importance des études qui précèdent l’incorporation des essais de performance
dans les textes.
Qu’ils soient utilisés seuls ou en complément avec des obligations de moyens ou
des indicateurs de durabilité, les essais de performance peuvent s’insérer dans
deux types de méthodologie : une méthodologie qui peut être qualifiée de
« comparative » et une méthodologie « complète » au sens où elle intègre l’apport
des modèles de durabilité.
La méthodologie « comparative » consiste à tester deux formules de béton. L’une
est conforme aux obligations de moyens définies dans les normes actuelles.
L’autre, pour laquelle on cherche à statuer sur sa durabilité, déroge à une ou plu-
sieurs obligations de moyens. L’essai de performance permet de comparer les
comportements des deux bétons et de s’assurer que la nouvelle formule ne pré-
sente pas de risque de moindre durabilité plus important que celle répondant aux
exigences habituelles.
La méthode « complète » repose sur le fait de définir pour un essai de performan-
ce la valeur limite permettant de distinguer les bétons durables des bétons moins
durables. Cette méthode nécessite de disposer de données issues du terrain en
nombre suffisant pour pouvoir apprécier la sévérité de l’essai. Elle est utilisée ac-
tuellement pour la résistance des bétons au gel. Ainsi, les recommandations pour
la durabilité des bétons durcis soumis au gel précisent que le gonflement mesuré
lors des essais P18-424 ou P18-425 ne doit pas dépasser 400 µm/m lors des épreu-
ves d’étude et de convenance. En ce qui concerne la résistance du béton en pré-

287
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

sence de sels de déverglaçage (mode opératoire XP P18-420), les pertes de


matières mesurées à l’issue des 56 cycles doivent être inférieures à 600 g/m2.
Quelle que soit la méthode envisagée quant à la façon d’utiliser l’essai de perfor-
mance, il est nécessaire de considérer les incertitudes de mesure associées aux
modes opératoires. La fiabilité de l’approche performantielle en dépend, tout
comme l’approche basée sur les obligations de moyen nécessite de prendre en
compte les précisions des équipements pour les pesées lorsqu’elle s’appuie par
exemple sur les dosages minimaux en liantéq.

2.3. Intérêt des modèles de durabilité pour l’approche


performantielle de la durabilité
Il existe de nombreux modèles de durabilité développés pour prévoir la pénétra-
tion d’espèces chimiques à l’origine de la corrosion des armatures (dioxyde de
carbone, chlorures) et, le comportement des bétons vis-à-vis du gel, des attaques
chimiques ou des réactions internes telle que l’alcali-réaction. L’objectif n’est pas
ici de décrire ces modèles ou de présenter une liste exhaustive. Il s’agit plutôt de
préciser comment les modèles de durabilité peuvent être utilisés dans le cadre
d’une démarche performantielle. Les modèles de durabilité ne sont pas nécessai-
res au déroulement de l’approche performantielle « comparative ». La comparai-
son des valeurs des indicateurs de durabilité ou des résultats obtenus à l’issue des
essais de performance permet de vérifier que les nouvelles compositions sont po-
tentiellement aussi durables que celles répondant aux exigences de moyens des
normes actuelles. L’approche performantielle « complète » repose elle sur l’utili-
sation de modèles prédictifs. Il s’agit à l’aide de ces outils de définir pour chaque
classe d’exposition concernée des valeurs seuils associées à chaque indicateur de
durabilité ou essai de performance. Les modèles ne sont utilisés que pour valider
les seuils choisis. Une fois les seuils choisis, on procède ici aussi par comparaison.
Le guide AFGC Conception des bétons pour une durée de vie donnée des ouvra-
ges repose sur ce principe.

3. EXEMPLES D’APPROCHES PERFORMANTIELLES


ET D’APPROCHES MIXTES
3.1. Approche performantielle et prédictive basée sur les indicateurs
de durabilité et sur les témoins de durée de vie (guide AFGC)
Le guide AFGC Conception des bétons pour une durée de vie donnée des ouvra-
ges [AFP 97] a été élaboré sur la base des connaissances scientifiques et techni-
ques acquises en France et à l’étranger jusqu’à sa date de rédaction. Les
recommandations proposées viennent en complément des règles de l’art habituel-

288
L’approche performantielle de la durabilité des bétons

les qui permettent d’assurer la qualité du béton et contribuent à sa durabilité.


L’approche performantielle décrite permet de qualifier une formule de béton pour
la construction d’un ouvrage donné. Elle s’adresse en priorité aux ouvrages stra-
tégiques ou aux ouvrages dont la durée de vie escomptée est supérieure à la durée
de vie minimale de 50 ans. Si l’on peut considérer dans un premier temps que,
pour les ouvrages courants, les documents réglementaires et normatifs existants
suffisent, il paraît important toutefois de généraliser cette approche le plus rapi-
dement possible à tous les ouvrages, selon un niveau d’exigence ad hoc. En effet,
une telle approche offre la possibilité de prendre en compte non seulement des pa-
ramètres techniques pertinents ainsi que la durée de vie, mais également des pa-
ramètres socio-économiques (importance économique de l’ouvrage, impact sur
l’environnement, insertion dans le tissu urbain, risques d’agression divers, durée
de vie, esthétique…).
Les formules de béton considérées dans le guide AFGC sont celles des ouvrages
courants de bâtiment (C20/25, C25/30) et de génie civil (C30/37, C40/50), la
gamme étant toutefois étendue aux bétons à hautes performances (à partir des
C60/75) et aux bétons à très hautes performances. Les recommandations de
l’AFGC [AFG 02] sur les BFUP (bétons fibrés à ultrahautes performances) intè-
grent également les indicateurs du guide AFGC Conception des bétons pour une
durée de vie donnée des ouvrages.
Étant élaborée dans un cadre prénormatif, il est souhaitable que cette démarche
serve également de base à l’évolution de certains textes, tels que les « Recomman-
dations pour la prévention des désordres dus à l’alcali-réaction » ou les normes
relatives au matériau béton (NF EN 206-1 notamment). Par exemple, les exigen-
ces de moyens (dosage minimal, rapport E/C maximal…), prévalant à l’heure ac-
tuelle dans les textes, feraient place dans une certaine mesure à des critères
(performantiels) relatifs à des propriétés de durabilité. Ces critères seraient adap-
tés à la durée de vie requise pour l’ouvrage considéré.
Le guide AFGC a pour objet de proposer une méthodologie pour l’obtention d’un
béton apte à prémunir les ouvrages des dégradations liées à la corrosion des arma-
tures et à l’alcali-réaction. L’approche proposée est une démarche performantiel-
le, basée sur des propriétés relatives à la durabilité du matériau sain, plus
précisément sur la notion d’indicateurs de durabilité. La sélection d’un nombre ré-
duit d’indicateurs de durabilité et la spécification de critères d’acceptation (en ter-
mes de classes et/ou de valeurs limites) pour ces indicateurs, en fonction du type
d’environnement et de la durée de vie exigée, constituent les deux étapes majeu-
res dans l’élaboration de la démarche performantielle proposée.

289
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

La démarche proposée comprendra en général les étapes suivantes :


• étape 1 : définition de la catégorie de l’ouvrage (importance économique et
stratégique) et en particulier sélection de la durée de vie à exiger ; cette première
étape conditionne l’importance des moyens à mettre en œuvre pour atteindre
l’objectif de durabilité souhaité (application simple de la norme ou renforcement
par rapport aux spécifications de base, choix des matériaux, étendue du pro-
gramme d’essais, moyens de calcul à mettre en œuvre…) ;
• étape 2 : définition des conditions environnementales générales (ouvrage) et
particulières (parties d’ouvrage), incluant par exemple le type d’agressivité
(milieu marin…), les variations de l’humidité relative et de la température du
milieu environnant. Le type d’environnement correspondant sera alors défini
(choix des classes d’exposition) ;
• étape 3 : définition des risques de dégradation liés à la corrosion des armatures
et/ou l’alcali-réaction (par exemple, corrosion des armatures et/ou alcali-réac-
tion, dans le cas du guide AFGC) ;
• étape 4 : choix des indicateurs de durabilité pour le béton (des paramètres
complémentaires peuvent éventuellement être ajoutés), en fonction des caracté-
ristiques (mécaniques, physiques, chimiques et économiques) de l’ouvrage et de
son environnement et choix des dispositions constructives (enrobage…) ;
• étape 5 : sélection des spécifications relatives aux indicateurs de durabilité
(définis à l’étape 4) en fonction de l’importance de l’ouvrage et de la durée de
vie exigée (fixés à l’étape 1), du type d’environnement (défini à l’étape 2), des
risques de dégradation (identifiés à l’étape 3) et des dispositions constructives
(définies à l’étape 4) ;
• étape 6 : choix des formules des bétons devant satisfaire aux critères fixés (à
l’étape 5) ;
• étape 7 : qualification des formules de béton (choisies à l’étape 6) par des
essais réalisés en laboratoire sur des éprouvettes conservées dans les conditions
et pendant la durée (90 jours) préconisées dans le guide AFGC,
• étape 8 : choix d’un modèle prédictif de durée de vie, où les indicateurs sélec-
tionnés (ou au moins certains d’entre eux) apparaissent en temps que données
d’entrée ;
• étape 9 : selon le stade à partir duquel on met en œuvre la démarche :
– phase de conception (amont = avant la construction) : prédiction de la dura-
bilité (durée de vie probable), calibration et validation ultérieure des modè-
les par des contrôles a posteriori sur ouvrage et un suivi dans le temps de
l’ouvrage,
– phase d’expertise d’un ouvrage existant (dégradé ou non) : analyse de l’état
actuel (diagnostic) et prédiction de son évolution future en évaluant par
exemple sa capacité portante de service résiduelle (pronostic).

290
L’approche performantielle de la durabilité des bétons

Il est possible d’appliquer la démarche de façon itérative, afin d’optimiser la con-


ception et la rendre économique. Il est à noter que la durée de vie de la structure
ne pourra être atteinte que si l’ensemble de la conception, la réalisation et la main-
tenance prend en compte les exigences prédéfinies (citons notamment l’importan-
ce de la cure et le respect des valeurs d’enrobage).
Des valeurs limites ont pu être proposées en fonction du type d’environnement et
de la durée de vie exigée (tableau 8.1). Ces valeurs ont été validées en utilisant
des modèles de carbonatation et de pénétration des chlorures.
Tableau 8.1 : exemples de valeurs limites proposées
en fonction du type d’environnement et de la durée de vie exigée [BAR 04a].
> 120 ans de 100 de 50 de 30 < 30 ans Durée de vie exigée

d’environnement
à 120 ans à 100 ans à 50 ans

Ouvrages dits Grands Bâtiment Bâtiment Catégorie d’ouvrage

Type

exceptionnels ouvrages et ouvrages
de génie civil

Niveau 5 Niveau 4 Niveau 3 Niveau 2 Niveau 1 ← Niveau d’exigence


peau < 9 peau < 12 (6) Sec et très sec (HR<65%)
peau < 14 peau < 16 peau < 16 1
kgaz < 10 kgaz < 100 ou humide en permanence

carbonatation (e = 30 mm)
Corrosion induite par
peau < 9 peau < 12
peau < 14 (6) peau < 16 peau < 16 Humide (HR > 80 %) 2
kliq < 0,01 kgaz < 100
peau < 9
peau < 9 peau < 12 (7) Modérément humide
kgaz < 10 peau < 14 (5) peau < 15 3
kgaz < 10 (4) kgaz < 100 (8) (65<HR< 80 %)
kliq < 0,01
peau < 9
peau < 9
Da(mig) < 1 peau < 12 (7) Cycles fréquents
kgaz < 10 peau < 14 (6) peau < 16 4
kgaz < 10 kliq < 0,1 (9) d’humidification/séchage
kliq < 0,01
kliq < 0,01
peau < 9 peau < 12
5.1
Da(mig) < 10 Da(mig) < 20
[Cl−]
Corrosion induite par les chlorures
peau < 14 peau < 15 peau < 16
kgaz < 10
faible(1) Exposition
kliq < 0,01 kliq < 0,1 (3) aux sels marins
5
peau < 9 peau < 9 ou de dévergla-
peau < 11 5.2 çage
Da(mig) < 1 Da(mig) < 1
(e = 50 mm)

Da(mig) < 2 peau < 11 peau < 14 [Cl−]


kgaz < 10 kgaz < 10
kliq < 0,1 (3) forte(2)
kliq < 0,01 kliq < 0,01
peau < 9 peau < 12 peau < 13 Immersion dans l’eau
peau < 13 peau < 15 6
Da(mig) < 1 Da(mig) < 5 Da(mig) < 7 contenant des chlorures
peau < 9 peau < 10
peau < 11
Da(mig) < 1 Da(mig) < 2
Da(mig) < 3 peau < 11 peau < 14 Zone de marnage 7
kgaz < 10 kgaz < 100
kliq < 0,1 (3)
kliq < 0,01 kliq < 0,05

(1) Concentration en Cl libres à la surface Cs ≤ 10 g.L–1. (2) Concentration en Cl libres à la surface Cs ≥ 100 g.L–1.
(3) Alternative kgaz < 100·10–18 m2. (4) Alternative : kliq < 0,01·10-18 m2. (5) Alternative p < 15 % et [Ca(OH)2] ≥ 25 %.
(6) Alternative p < 16 % et [Ca(OH) 2] ≥ 25 %. (7) Alternative p < 14 % et [Ca(OH) 2] ≥ 25 %.
(8) Alternative kgaz < 300·10–18 m2 et [Ca(OH)2] ≥ 25 %.
(9) Alternatives a) kgaz < 100·10-18 m2; b) kgaz < 300·10-18 m2 et [Ca(OH) 2] ≥ 25 %.

291
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

On dispose aujourd’hui de données permettant de situer les performances des bétons.


C’est le cas notamment en ce qui concerne la diffusion des chlorures (figure 8.1). Les
coefficients de diffusion ont été mesurés par migration sous champ électrique en régi-
me stationnaire sur des échantillons de béton âgés de 90 jours par trois méthodes dif-
férentes. Le mode opératoire utilisé fait l’objet d’une méthode d’essai décrite dans
l’ouvrage de synthèse des travaux du projet RGCU « GranDuBé » [GRA 07].

10
Coefficient de diffusion effectif des chlorures

M
1
(10–12 m2 . s–1)

0,1

Ds(mig) titration amont


Ds(mig) conduc aval VH
Ds(mig) titration aval
0,01
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 110 120 130

Résistance mécanique à la compression moyenne (MPa) à 28 jours

L = Durabilité « potentielle » faible ; M = Durabilité « potentielle » moyenne ;


H = Durabilité « potentielle » élevée ; VH = Durabilité « potentielle » très élevée
Figure 8.1 : exemple de classes de durabilité « potentielle » de durabilité
appliquées au coefficient de diffusion effectif des chlorures [BAR 06].

3.2. L’approche performantielle dans les nouvelles normes


européennes
Même si les spécifications des bétons de structure pour atteindre une durée de vie
des structures de 50 ans sont exprimées principalement sous formes de contraintes
de formulation (prescriptions de moyens : tableaux NA.F.1 et NA.F.2), la norme
NF EN 206-1 Béton, partie 1 « Spécification, performances, production et
conformité » autorise l’emploi d’une approche performantielle. Celle-ci peut
prendre deux formes, la première est comparative et est intitulée « concept de per-
formance équivalente du béton », la seconde est plus générale et décrite sous les
termes « méthodes de conception performantielles ». Le contexte normatif fait
l’objet du chapitre 7 de ce livre.
Le concept de performance équivalente du béton est défini au paragraphe 5.2.5.3
de la norme NF EN 206-1. Celle-ci précise qu’« il doit être prouvé que le béton a

292
L’approche performantielle de la durabilité des bétons

une équivalence de performance avec celle d’un béton de référence, en particulier


pour ce qui concerne son comportement vis-à-vis des agressions de l’environne-
ment et sa durabilité, conformément aux exigences pour la classe d’exposition
concernée ». Pour démontrer l’équivalence de performance, il convient donc de
disposer, d’une part, d’essais approuvés et vérifiés s’inspirant des conditions réel-
les et, d’autre part, de justifier des choix pertinents pour les bétons de référence
(des indications sont données dans l’annexe E de la norme). Cette approche est
mentionnée en particulier pour l’incorporation d’additions en substitution du ci-
ment dans des formulations non conformes aux prescriptions des tableaux NA.F.1
et NA.F.2.
Les méthodes de conception performantielles sont décrites au paragraphe 5.3.3 de
la norme NF EN 206-1 : « Les exigences relatives aux classes d’exposition peu-
vent être établies en utilisant les méthodes de conception performantielles pour la
durabilité et elles peuvent être établies en termes de paramètres performantiels,
par exemple une mesure d’écaillage dans un essai de gel-dégel. L’annexe J (in-
formative) de la présente norme donne des conseils relatifs à l’utilisation d’une
autre méthode de conception en fonction des performances pour la durabilité ».
Cette annexe J explicite deux voies de justification de la durabilité :
– des méthodes basées sur des essais approuvés et vérifiés représentatifs des con-
ditions réelles, et contenant des critères de performance approuvés ;
– ou bien des méthodes basées sur des modèles analytiques étalonnés par rapport
à des résultats d’essais représentatifs des conditions réelles rencontrées dans la
pratique.
On retrouve ici l’approche performantielle et prédictive basée sur les indicateurs
de durabilité et sur les témoins de durée de vie introduite au chapitre précédent.
En ce qui concerne l’approche basée sur des essais de vieillissement accéléré, il
est possible de s’inspirer de la méthode comparative correspondant au concept de
performance équivalente du béton lorsque les critères de performance ne sont pas
encore bien établis.
Les normes destinées aux produits préfabriqués en béton, dont la norme
NF EN 133691, intègrent également le plus souvent une démarche performantiel-
le. De nombreux produits en béton préfabriqués sont en effet couverts par des nor-
mes ou d’autres textes qui traitent la durabilité en spécifiant des niveaux de
performances à atteindre. Ceci permet de prendre en compte l’ensemble des fac-
teurs liés aux formules de béton et aux procédés de fabrication. La différence es-
sentielle entre les tableaux NA.F.1 et NA.F.2 des normes NF EN 206-1 et

1. NF EN 13369 Règles communes pour les produits préfabriqués en béton.

293
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

NF EN 13369 réside ainsi dans le remplacement du dosage minimal en Liantéq


par un critère sur l’absorption d’eau maximale (voir chapitre 7 du présent ouvrage
sur les normes).
3.3. Recommandations pour la durabilité des bétons durcis
soumis au gel
L’approche sur laquelle s’appuie les « Recommandations pour la durabilité des
bétons durcis soumis au gel » [REC 03] peut être qualifiée de mixte dans la me-
sure où elle combine à plusieurs reprises et selon des formes différentes des obli-
gations de moyens et une approche performantielle. L’approche mixte prend trois
formes différentes dans les recommandations :
– utilisation simultanée de plusieurs obligations de moyens et d’un essai de per-
formance ;
– utilisation de l’approche performantielle comme une solution alternative à une
des obligations de moyens ;
– définition d’une valeur limite associée à une obligation de moyen à l’aide d’un
essai sur béton durci.
La première forme d’approche mixte est utilisée pour appréhender la durabilité
des bétons soumis à l’action du gel en présence des sels de déverglaçage. Le fac-
teur d’espacement entre les bulles d’air, nommé également Lbarre, est une donnée
essentielle pour la durabilité des bétons soumis à l’action du gel. Cette caractéris-
tique des bétons qui résulte essentiellement de l’ajout d’un entraîneur d’air de-
vient de ce fait une obligation de moyen quand une valeur limite est spécifiée.
Dans les recommandations, une exigence sur le facteur d’espacement est utilisée
tant pour la résistance au gel interne que pour la prévention des risques d’écaillage
liés à l’action du gel en présence des sels de déverglaçage. Pour ce dernier type
d’environnement, les recommandations fixent comme conditions d’acceptation
d’un béton une limite sur le facteur d’espacement, des critères sur les constituants
(notamment le ciment et les granulats) et l’obtention d’un résultat satisfaisant
après réalisation d’un essai de performance selon la norme XP P18-420.
La deuxième forme d’approche mixte est appliquée notamment pour les BHP
dont le rapport E/C est inférieur à 0,32. Compte tenu des caractéristiques de leur
réseau poreux, ces matériaux contiennent une quantité d’eau gelable naturelle-
ment faible. Aucune valeur limite sur le facteur d’espacement n’est requise pour
ces bétons, ce qui ne veut pas dire pour autant que ces bétons sont formulés sans
entraîneur d’air. La satisfaction de ces BHP à un essai de résistance au gel est con-
sidérée comme suffisante.
Le troisième type d’approche mixte concerne la définition de la valeur limite spé-
cifiée pour le facteur d’espacement. Pour la résistance du béton au gel interne, les

294
L’approche performantielle de la durabilité des bétons

recommandations prévoient que la valeur limite du facteur d’espacement puisse


être revue à la hausse après vérification du bon comportement du béton suite à
l’application d’un essai réalisé selon la norme P18-424 ou P18-425. La norme
P18-424 est appliquée dans le cas de gel sévère avec une forte saturation en eau
du béton. La norme P18-425 est adaptée au gel modéré (quel que soit le degré de
saturation en eau du béton) et au gel interne avec une saturation modérée. Le fac-
teur d’espacement critique est ainsi recherché. Il est défini comme étant la valeur
du facteur d’espacement correspondant à la valeur maximale admissible de l’al-
longement relatif à l’issue des 300 cycles de gel-dégel (figure 8.2).

3 000

2 750
Allongement (μm/m) après 300 cycles

2 500

2 250

2 000

1 750

1 500

1 250

1 000

750

500
400
250
Lcrit
0
0 200 400 600 800
Facteur d'espacement L (μm)

Figure 8.2 : détermination de la valeur du facteur d’espacement critique


à l’aide d’un essai de caractérisation de la tenue au gel du béton.

3.4. Recommandations pour la prévention des désordres


liés à l’alcali-réaction
Les « Recommandations pour la prévention des désordres liés à l’alcali-réaction »
[REC 94] utilisent également une approche mixte. Le schéma décisionnel destiné
à qualifier les granulats au regard de leur caractère potentiellement réactif (PR),
potentiellement réactif à effet de pessimum (PRP) ou non réactif (NR) est décrit
dans la norme FD P18-452. Il comprend à la fois des critères sur la composition
minéralogique des granulats qui s’apparentent à des obligations de moyen et sur
l’utilisation d’essais dits de performance.

295
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Dans la démarche de qualification des granulats, les essais de performance sont


utilisables lorsque l’étude pétrographique met en évidence que la quantité d’espè-
ces minérales réactives est supérieure à 4 %. La réalisation d’un essai dit
« crible »1 permet d’apporter des réponses quant au comportement d’un granulat
dans un environnement chimique et physique propice au développement de l’al-
cali-réaction. L’essai de référence correspond à l’essai accéléré à l’autoclave sur
mortier réalisé selon le mode opératoire de la norme XP P18-594.
L’acceptation ou non d’une formulation de béton repose également sur une dé-
marche qui autorise une analyse sur les constituants ou la satisfaction à un critère
de performance. Les recommandations distinguent trois niveaux de prévention
(A, B et C) qui dépendent de la catégorie d’ouvrage et de l’environnement. Pour
le niveau de prévention B, la formule est en effet considérée comme acceptable
lorsqu’une des conditions suivantes est remplie : les granulats sont non réactifs,
les conditions particulières aux granulats PRP sont satisfaites, il existe des réfé-
rences d’emploi convaincantes, le bilan des alcalins est favorable, des additions
minérales inhibitrices sont utilisées en quantité suffisante ou bien la formule sa-
tisfait à un critère de performance.
3.5. Les différentes méthodologies pour la durabilité des bétons selon
l’Institut des sciences de la construction Eduardo Torroja en Espagne
Bien qu’ouvrant la porte à l’approche performantielle, la norme NF EN 206-1 re-
lève majoritairement du niveau 1, défini par [AND 06], puisqu’elle comporte es-
sentiellement des exigences liées aux caractéristiques de la composition du béton:
dosages minimaux en liant équivalent (Liantéq), rapports Eauefficace/Liantéq maxi-
maux, classes de résistance à la compression minimales. Dans certains cas (atta-
ques chimiques notamment), la norme précise quelles doivent être les natures de
ciment à utiliser. Cette approche, reposant sur l’expérience acquise, est peu adap-
tée lorsque la durée de vie dépasse 50 ans.
Le niveau 2 comprend les approches basées sur des indicateurs de durabilité ou
sur l’utilisation d’essais de performance [AND 06]. Les indicateurs de durabilité
cités par l’auteur correspondent à la porosité, la perméabilité, la résistivité et la
diffusivité. La résistivité électrique est considérée par « l’école espagnole » com-
me un indicateur de durabilité pertinent car ce paramètre quantifie la connectivité
du réseau poreux du matériau. Il est de plus un paramètre majeur contrôlant la cor-
rosion des armatures, et la mesure, non destructive, peut être réalisée en labora-

1. Essai qui, selon le FD P18-452, met en œuvre une procédure fortement accélérée capable de dia-
gnostiquer, en moins d’une semaine, la réactivité aux alcalins d’un granulat en NR, PR ou PRP.

296
L’approche performantielle de la durabilité des bétons

toire ou sur ouvrages existants, afin de ré-évaluer par exemple la durée de vie
[SIL 06].
Le troisième niveau repose sur l’utilisation de modèles de carbonatation ou de pé-
nétration des chlorures. Le principe est de s’assurer que tout au long de la durée
de vie de l’ouvrage, la résistance (R) restera supérieure à la sollicitation (S). Il est
important de distinguer les modèles relevant d’une approche empirique des mo-
dèles plus complexes intégrant les mécanismes physico-chimiques. Les modèles
les plus simples sont basés sur les lois de Fick. Les profondeurs de carbonatation
ou concentration en chlorures sont donc fonction de la racine du temps. Le
niveau 3 est généralement utilisé aujourd’hui lorsque la durée de vie visée est par-
ticulièrement élevée, c’est-à-dire au-delà de 100 ans (exemple du pont sur le Ta-
ge). Les modèles de durabilité utilisent pour la plupart des paramètres de calage
permettant de prendre en compte des facteurs telles que la cure, l’évolution des
propriétés des bétons au cours du temps, des conditions environnementales diffi-
ciles à modéliser (cycles d’humidification/séchage par exemple). Des études sont
encore nécessaires aujourd’hui pour calibrer les modèles de durabilité.
La méthodologie mise en œuvre pour le niveau 4 est plus sophistiquée puisqu’elle
fait intervenir des modèles probabilistes. La démarche probabiliste, pour appré-
hender la durabilité des ouvrages en béton, commence à être utilisée dans le cadre
de la normalisation (exemple de l’Eurocode 2 « Enrobage des armatures »).
Contrairement à l’approche déterministe où des valeurs uniques (les moyennes)
sont attribuées aux paramètres d’entrée des modèles, l’approche probabiliste
prend en compte la variabilité des phénomènes en représentant certaines gran-
deurs par la loi de distribution de sa valeur (densité de probabilité de la variable
aléatoire). Selon l’approche probabiliste, un ouvrage est réputé sûr si sa probabi-
lité de défaillance, Pf, est inférieure à une valeur donnée à l’avance, la probabilité
cible Pfcible (risque de défaillance acceptable). La probabilité de défaillance de
l’élément est liée au dépassement de la résistance par la sollicitation selon la re-
lation :
Pf (t) = P (R(t) < S(t)) = P ( R(t) – S(t) < 0 )
Les fonctions R(t) et S(t) correspondent respectivement à l’évolution dans le
temps de la résistance de la structure et des sollicitations extérieures.
La valeur de la probabilité cible est conditionnée par de nombreux facteurs, va-
riant selon l’ouvrage, ses caractéristiques d’implantation et ses propriétés de ser-
vice, tels que :
– la durée de vie escomptée ;
– les risques de vieillissement ;
– les conséquences engendrées par la dégradation de l’ouvrage ;

297
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

– des critères économiques (valeur de remplacement, coût d’entretien,…).


Cela implique de définir une probabilité de défaillance acceptable à laquelle corres-
pond un indice de fiabilité (tableau 8.2). L’indice de fiabilité représente le nombre
d’écarts types entre la valeur moyenne de la marge de sécurité M (M = R – S) et la
défaillance Df (R = S) ; R et S représentant respectivement les facteurs résistants de
la structure et les actions sollicitantes.
Tableau 8.2 : indices de fiabilité et probabilité de défaillance correspondante [AND 06].

Indice de fiabilité
1,5 2,3 3,8 4,26 4,8
(β)
Probabilité de
défaillance (Pf)
0,067 10-2 7.10-5 10-5 10-6

3.6. Approche développée par les Pays-Bas pour les risques


de corrosion des armatures liés à la présence de chlorures
Les recommandations définies aux Pays-Bas pour maîtriser la durabilité des
ouvrages en béton concernés par les classes d’exposition XD (chlorures ayant une
origine autre que marine, sels de déverglaçage par exemple) et XS (chlorures pré-
sents dans l’eau de mer) s’appuient sur la méthodologie développée au sein du
projet européen Duracrete [POL06]. Une approche probabiliste est utilisée pour
optimiser l’enrobage, le coefficient de diffusion des chlorures dans le béton et la
nature du liant en fonction de la durée de vie visée. Le modèle retenu pour la dif-
fusion des chlorures est un modèle empirique. Il correspond à l’équation ci-des-
sous :
⎛ ⎞
x
C ( x, t ) = C s – ( C s – Ci )erf ⎜ -----------------------------------------⎟
⎜ n ⎟
⎝ 4kD 0 ( t 0 ⁄ t ) ⋅ t⎠
avec :
C(x,t), la concentration en chlorures au temps t et à la profondeur x ;
Cs, la concentration en chlorures à la surface ;
Ci, la concentration en chlorures initiale ;
k un coefficient de correction dépendant de la nature du liant, des conditions en-
vironnementales de l’ouvrage et de la cure du béton ;
D0, le coefficient de diffusion apparent des chlorures mesuré à 28 jours ;
n, un coefficient prenant en compte le taux d’hydratation du liant.
Cette approche permet soit de déterminer des valeurs de coefficient de diffusion
des chlorures à ne pas dépasser, en fonction de la nature du liant, de l’enrobage et

298
L’approche performantielle de la durabilité des bétons

de la durée de vie visée, ou bien de quantifier pour un béton donné et une durée
de vie fixée quelle doit être l’enrobage minimal. Ces valeurs sont calculées en ad-
mettant une probabilité de défaillance de 10 % ce qui correspond à un indice de
fiabilité (β) de 1,3. Notons que dans le cas d’une approche purement déterministe,
la probabilité de défaillance admise par défaut est égale à 50 %.
À titre d’exemple, l’application de cette approche à un ouvrage pour lequel une
durée de vie souhaitée est de 100 ans, relevant des classes d’exposition XS2 ou
XD2, constitué d’un béton à base de ciment CEM I et pour lequel l’enrobage est
inférieur ou égal à 50 mm conduit à un coefficient de diffusion apparent des chlo-
rures (D0) maximal de 6.10–12 m2.s–1.

4. EXEMPLES D’APPLICATION SUR DES OUVRAGES


4.1. Le pont sur le Tage et le viaduc de Millau
Le pont sur le Tage à Lisbonne (mis en service en 1998) a été un des premiers
ouvrages dont la durabilité ait été justifiée sur la base d’une approche performan-
tielle [HOR 97]. S’agissant d’un ouvrage en milieu marin, le risque principal est
la corrosion des armatures liée à la pénétration des chlorures. Pour le viaduc de
Millau (ouvert au trafic en 2004), qui a lui aussi un objectif de durée de vie de
120 ans, les conditions d’exposition sont à la fois plus diverses et moins sévères.
L’approche performantielle a été utilisée pour justifier la résistance au gel du bé-
ton des piles qui a été formulé sur la base d’un béton B60 sans fumée de silice
(ciment CEM I PM ES sans addition) et sans entraîneur d’air, suivant les disposi-
tions des recommandations du LCPC pour la durabilité des bétons durcis soumis
au gel [REC 03]. Les indicateurs de durabilité sélectionnés dans le guide AFGC
ont également été mesurés et comparés à des seuils préétablis, en particulier pour
le béton des piles (perméabilité à l’oxygène, coefficient de diffusion des ions
chlorure, porosité à l’eau).
4.2. Le pont de Rion-Antirion en Grèce
Comme pour le pont sur le Tage à Lisbonne, le pont de Rion-Antirion (ouvert au
trafic en 2004) est un ouvrage en milieu marin réalisé en béton à hautes perfor-
mances. La durée de vie escomptée est de 120 ans et cette valeur a été directement
comparée au temps nécessaire à l’obtention d’un seuil critique de concentration
en chlorures au niveau des premières nappes d’armatures, en fonction de l’expo-
sition des différentes parties d’ouvrage. Toutes les formules de béton utilisées ont
fait l’objet de l’essai dit RCPT selon la norme ASTM C1202 (mesure de la quan-
tité d’électricité ayant traversé l’échantillon) et les plus exposées ont donné lieu à
des mesures de coefficient de diffusion des chlorures à différentes échéances de

299
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

maturation du matériau permettant par modélisation un calcul prédictif de la ci-


nétique de pénétration des chlorures. Ainsi, dans la zone de marnage qui est la
plus critique, l’utilisation d’un béton de classe C45/55 composé de ciment à forte
teneur en laitier (62 %) et de granulats calcaires avec un rapport eau sur ciment
légèrement inférieur à 0,40 a permis de justifier une teneur en chlorures totaux in-
férieure à 0,4 % par rapport à la masse de ciment au bout de 120 ans pour un en-
robage minimal de 70 mm. Les caractéristiques de durabilité n’ont pas été
déterminées sur des éprouvettes de laboratoire mais ont été vérifiées sur ouvrage
(maquettes ou échelle 1) ainsi que leur homogénéité.
4.3. Le pont de la Confédération
Le pont de la Confédération au Canada (aussi appelé pont de l’île du Prince-
Édouard), inauguré en 1997, a été pour sa part dimensionné vis-à-vis des risques de
corrosion des armatures et des risques d’abrasion par action de la glace au niveau
de la base de ses appuis, pour une durée de vie de 100 ans. Pour ce qui est de l’abra-
sion, un béton à hautes performances de plus de 90 MPa de résistance en compres-
sion incorporant des granulats très résistants et de la fumée de silice a été mis en
œuvre. En parallèle, une approche performantielle a été employée pour maîtriser les
risques de corrosion des armatures. Un modèle a été utilisé pour calculer l’évolution
des profils de teneur en chlorures en fonction du temps. Au préalable, les coeffi-
cients de diffusion des chlorures ont été mesurés pour les différentes formules de
béton. Celles-ci correspondent à des BHP dont la résistance spécifiée était en géné-
ral de 55 MPa (formulations avec ciment Portland, fumée de silice, cendres volan-
tes et entraîneur d’air). Les calculs ont montré qu’une teneur critique en chlorures
totaux de 0,4 % par rapport à la masse de ciment ne serait pas atteinte avant 60 ans
pour un enrobage de 75 mm, et il a été pris en compte ensuite que la très forte ré-
sistivité électrique des bétons utilisés conduirait à un délai fortement prolongé entre
la période de dépassivation et l’apparition des premiers éclatements.

5. CONCLUSION
La démarche performantielle est une démarche globale qui permet de prendre en
compte tous les aspects technico-économiques spécifiques à chaque ouvrage (im-
portance de l’ouvrage, environnement, sollicitations physico-chimiques et méca-
niques, risques induits, durée de vie demandée).
Le fait que des durées de vie élevées soient requises pour de plus en plus d’ouvra-
ges, l’utilisation croissante de nouveaux bétons, la nécessité d’accroître la diver-
sité des réponses possibles pour les constructeurs de manière à répondre mieux
aux défis que pose le développement durable renforcent l’intérêt d’appréhender
la durabilité des bétons selon une approche davantage performantielle. Parallèle-

300
L’approche performantielle de la durabilité des bétons

ment, les travaux menés depuis une quinzaine d’années dans les laboratoires ont
permis de développer des méthodologies et des modes opératoires fiables adaptés
aux besoins des utilisateurs.
On le voit à travers les exemples de démarches proposées, il n’existe pas un type
d’approche performantielle mais plusieurs. Ces approches diffèrent par les outils
utilisés, les thématiques de durabilité traitées, par les durées de vie qu’elles se don-
nent comme objectif de maîtriser et bien entendu par leur domaine d’application.
L’approche performantielle est d’ores et déjà citée et utilisée dans des textes nor-
matifs couramment repris dans les cahiers des charges des ouvrages en béton. Il
est nécessaire cependant de préciser encore davantage, notamment dans des nor-
mes, comment les différentes méthodologies peuvent être mises en place. Des
modes opératoires fiables ont ainsi été élaborés et on dispose pour nombre d’entre
eux d’un retour d’expérience significatif. Les plus pertinents d’entre eux au re-
gard de leur intérêt pour l’approche performantielle feront prochainement l’objet
de normes européennes ou nationales.
La constitution de bases de données est un facteur clé pour l’utilisation de l’ap-
proche performantielle dans un contexte normatif. Cette étape est nécessaire pour
statuer sur la pertinence des valeurs seuils associés aux indicateurs de durabilité
ou aux essais de performance.
Une autre condition nécessaire réside dans le fait de disposer de modèles de du-
rabilité rendant compte des phénomènes intervenant in situ. Les modèles physico-
chimiques sophistiqués développés récemment, couplant plusieurs processus,
oeuvrent dans ce sens. Une description probabiliste contribuera de plus à une bon-
ne prise en compte de la variabilité des paramètres d’entrée des modèles in situ.

Bibliographie
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soires, janvier 2002.
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301
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

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302
CHAPITRE 9

La durabilité des armatures


et du béton d’enrobage

V. BAROGHEL-BOUNY, B. CAPRA, S. LAURENS

Résumé
Développé sans cesse depuis la fin du XIXe siècle, le béton armé est aujourd’hui
le matériau de construction le plus répandu dans le monde. Si le béton a la capa-
cité d’empêcher la corrosion des armatures, encore faut-il connaître à quelles
conditions.
La corrosion des armatures a lieu à la suite de la carbonatation du béton d’enro-
bage et/ou de la pénétration des chlorures. Le processus de corrosion est un phé-
nomène électrochimique qui se produit au sein du béton. La détérioration se
déroule en deux étapes, dans la première phase, dite d’amorçage, l’acier est pro-
tégé initialement par l’alcalinité élevée de la solution interstitielle régnant à l’inté-
rieur du béton : il se forme une couche passive mince d’oxydes protecteurs. La
carbonatation du béton en diminuant le pH et/ou une quantité suffisante de chlo-
rures peuvent détruire cette passivité et amorcer la deuxième étape, à savoir la
propagation de la corrosion. L’apport d’oxygène et surtout l’humidité ambiante rè-
glent alors la vitesse de corrosion. La propagation de la corrosion conduit pro-
gressivement à la formation de fissures et au décollement du béton d’enrobage.
Pour améliorer la durabilité des ouvrages en béton armé, il faut autant que pos-
sible allonger la période d’amorçage en utilisant des bétons compacts et peu per-

303
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

méables (en présence de chlorures, les ajouts de laitiers, de cendres volantes ou


de fumées de silice peuvent être bénéfiques). Il faut aussi, évidemment, que
l’épaisseur d’enrobage soit suffisante. Le respect de la réglementation actuelle
(normes européennes), ou d’approches de types performantielles, permettent de
viser une durée de vie donnée. Des modèles numériques permettent de pronos-
tiquer des durées de périodes d’amorçage ainsi que des vitesses de développe-
ment de la corrosion avec prise en compte des incertitudes.
Les méthodes de diagnostic des ouvrages permettent de quantifier, par croise-
ment de différentes techniques, l’état de dégradation dû à la corrosion. Selon l’état
d’avancement des dommages, des mesures préventives, de réhabilitation, voire
de remplacement, seront utilisées afin de garantir la sécurité de l’ouvrage ou, le
cas échéant, sa requalification dans le cadre d’un programme de maintenance.
Mots-clés
ACIER, ARMATURE, CARBONATATION, CHLORURE, CORROSION, ENROBAGE, FISSURA-
TION, HUMIDITÉ, MAINTENANCE, MODÈLES, PASSIVATION, PRÉDICTION, PRÉVENTION,
RÉPARATION, SOLUTION INTERSTITIELLE.

304
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

1. INTRODUCTION : ASPECT ÉCONOMIQUE


DE LA CORROSION
Le béton armé est largement utilisé depuis plus d’un siècle car c’est un matériau
de construction souple d’emploi, économique et durable. L’utilisation d’armatu-
res en acier dans les zones tendues, en raison de la faible résistance à la traction
du béton, permet de concevoir des structures aux emplois divers, le béton fournis-
sant à l’armature un environnement protecteur. Il existe pourtant des situations où
les ouvrages en béton armé se dégradent plus vite ou plus sévèrement que prévu
suite à des fautes de conception et de mise en œuvre ou à une mauvaise utilisation
des matériaux par rapport à l’agressivité de l’environnement. Généralement, les
dégradations observées résultent d’une combinaison de ces différents facteurs.
La corrosion des aciers au carbone dans le béton est l’une des principales patho-
logies des ouvrages de génie civil. Elle concerne de nombreux ouvrages tels que
ceux soumis à une atmosphère chargée en CO2, comme dans les milieux urbains
ou industriels (phénomène de carbonatation), ou des ouvrages soumis à l’exposi-
tion aux ions chlorure (environnement marin, sels de déverglaçage sur ouvrages
routiers).
La corrosion de l’acier dans le béton a reçu une attention croissante durant ces tren-
te dernières années à cause de sa fréquence et des coûts élevés des réparations. Une
étude au Japon montre que 90 % des bâtiments exposés à un environnement marin
présentent des épaisseurs d’enrobage insuffisantes et que le pourcentage de bâti-
ments âgés de 10 ans qui souffrent déjà de détériorations est important [MAS 02].
La corrosion reste la cause de détérioration la plus coûteuse en termes de mainte-
nance. Elle est à l’origine de nombreux défauts apparents qui, s’ils n’engendrent
pas de pertes de capacité portante de la structure, se révèlent nuisibles à l’exploi-
tation de l’ouvrage. En Amérique du Nord, l’investissement tardif dans le domai-
ne de la maintenance provoque actuellement des déficiences structurales
importantes.
Les États-Unis doivent surveiller un parc de près de 586 000 ponts autoroutiers
dont 15 % sont considérés comme structuralement déficients, essentiellement
pour des raisons de corrosion avancée [MAN 04, LAF 05]. La majeure partie du
patrimoine d’ouvrages d’art a été construite durant les années 1930, en réponse à
la crise économique, et durant les années 1950 à 1970 lors de la réalisation du ré-
seau d’autoroutes. Les premiers ouvrages ont atteint leur fin de vie tandis que les
seconds nécessitent des travaux de maintenance majeurs. Le renouvellement ou
le remplacement de ces ponts va coûter plus de 10 milliards de dollars par an
(≈ 8500 M€) au cours des dix prochaines années et ceci uniquement pour couvrir
les déficiences les plus graves [LAF 05, EST 03, FHA 97]. L’analyse du cycle de

305
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

vie estime les coûts indirects pour l’usager, dus aux retards et à la perte de pro-
ductivité, à plus de dix fois les coûts directs de maintenance, réparation et réhabi-
litation des ouvrages corrodés. Dans le cas cité, la corrosion est principalement
induite par les ions chlorure provenant des sels de déverglaçage et de l’exposition
marine.
Au Canada, environ 40 % des ponts autoroutiers ont plus de 40 ans de service. Un
grand nombre d’entre eux exigent un renouvellement ou un remplacement en rai-
son des dommages causés par la corrosion. Ces travaux sont estimés à 10 mil-
liards de dollars canadiens (≈ 6 500 M€) [LAF 05, CUS 04], dont 30 à 50 %
devraient être affectés à la remise en état des tabliers de ponts [LOU 03]. Au Qué-
bec, la majorité des 4000 ponts gérés par le ministère des Transports sont en béton
armé. Un grand nombre d’entre eux ont une durée de service supérieure à 50 ans
et se trouvent dans un état de détérioration avancé. En 1998, on estimait que 25 %
de ces ouvrages souffraient, à des degrés divers, de corrosion des armatures
[VEZ 98]. En Amérique du Nord, le coût total des dégradations de l’infrastructure
en béton liées à la corrosion par les sels de déverglaçage est estimé à 150 milliards
de dollars [BRO 00].
Au Royaume-Uni, le département des transports estime que le coût de réparations
des ponts routiers inventoriés et endommagés par la corrosion, soit environ 10 %,
s’élève à environ 617 millions de livres sterling (≈ 900 M€) [LAF 05, BRO 00].
Le réseau autoroutier suisse compte 1043 ponts routiers, 1096 passages supé-
rieurs et 1095 passages inférieurs (total de 3 234), dont 53 % sont en béton pré-
contraint, 45 % en béton armé et 2 % en acier [CON 00]. Les coûts d’entretien du
réseau autoroutier sont en augmentation durant ces dernières années mais les
montants exacts imputables aux dégâts issus de la corrosion ne sont pas connus.
En France, la direction des Routes du ministère de l’Équipement a conduit en
1997 des enquêtes d’image qualité des ouvrages d’art (enquête IQOA) qui sont
des évaluations précises du patrimoine national [DAL 99]. Il ressort de ces études
que les dégradations observées sur les ouvrages d’art en béton armé sont essen-
tiellement dues à la corrosion des armatures. Sur un échantillon de 315 ponts du
réseau national (hors ponts métalliques et en maçonnerie), la base IQOA indique
que 89 d’entre eux sont atteints de corrosion, soit 28 % de l’échantillon. De plus,
la plupart des désordres touchant les bâtiments est également liée à la corrosion
des aciers.
Les interventions de maintenance engendrent également des coûts indirects impu-
tables à l’utilisateur. Ces coûts comprennent les pertes dues aux ralentissements
et aux attentes, les surcoûts d’exploitation des véhicules et les coûts d’atteinte à

306
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

l’environnement. Ces coûts indirects sont estimés à plus de dix fois les coûts de
maintenance et de remplacement des ouvrages corrodés [YUN 06].
À l’heure actuelle, une période de restriction économique limite les budgets d’en-
tretien et les travaux de réparation accusent des retards. Cette constante pression
sur la disponibilité des budgets de maintenance favorise le développement de
nouvelles technologies de monitoring d’ouvrages, le développement de modèles
plus fiables et la mise en place de surveillances et d’auscultations permettant de
répertorier, de suivre et de prédire l’évolution des détériorations. L’analyse de
l’évolution des détériorations permet de mieux planifier la maintenance et de pro-
céder à un échelonnement optimal des interventions dans le temps et dans l’espa-
ce en maintenant une sécurité adéquate.
Les catastrophes majeures d’ouvrages engendrées par la corrosion sont heureuse-
ment relativement rares mais l’éventualité de telles défaillances ne doit pas être
sous-estimée. La figure 9.1 illustre un effondrement d’ouvrage provoqué par la
corrosion des aciers du béton à l’université Syracuse de New York (rupture d’une
dalle portante de parking en porte-à-faux). L’enquête a conclu que la capacité por-
tante des aciers supérieurs a été réduite par la corrosion provoquée par les sels de
déverglaçage apportés par les voitures en stationnement.

Figure 9.1 : rupture d’une dalle de parking due à la corrosion des aciers.

Le tableau 9.1 recense quelques exemples de défaillances avec les durées de ser-
vice associées. Bien que les évènements survenus sur ces ouvrages aient été en-
gendrés en partie par la corrosion, ils sont souvent dus à la conjonction d’une série
d’évènements critiques.

307
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Tableau 9.1 : défaillances survenues sur des structures par l’action de la corrosion
[CON 06].

Année Durée
Événements Lieu
d’occurrence de service

Effondrement du pont Silver Virginie (États-Unis) 1967 39 ans

Berlin Ouest
Effondrement de la halle de congrès de Berlin Ouest 1980 23 ans
(Allemagne)
Massachusetts
Effondrement du pont Mianus River 1983 26 ans
(États-Unis)

canton d’Uri
Démolition du pont autoroutier Elmenrüti 1984 14 ans
(Suisse)

canton de Zurich
Effondrement du plafond de la piscine d’Uster 1985 13 ans
(Suisse)

Effondrement d’un parking, université de Syracuse New-York (États-Unis) 1995

Harrisburg, Pennsylvanie
Effondrement du pont de Walnut Street 1996 96 ans
(États-Unis)
Effondrement d’une dalle de parking Minnesota (États-Unis)

Effondrement d’une dalle dans la cour d’un collège Yverdon (Suisse) 2005 30 ans

La corrosion des armatures est la première cause de désordre affectant le domaine


du bâtiment. Les manifestations sont des éclats de béton dus à des armatures très
proches de la surface, recouvertes de produits d’oxydation et pouvant générer des
coulures de rouille. Ces sinistres ne remettent généralement pas en cause la stabi-
lité du bâtiment mais engendrent une forte détérioration de l’aspect. La corrosion
des armatures est, dans ce cas, principalement due à la carbonatation du béton,
l’influence des chlorures ne concernant généralement que les ouvrages en milieu
marin ou exposés aux sels de déverglaçage. Les phénomènes de corrosion peu-
vent être relativement rapides en cas de porosité excessive du matériau et/ou d’in-
suffisance d’enrobage.
Dans la perspective d’un développement durable, les infrastructures doivent con-
server les performances requises sur le long terme. Une longévité insuffisante
conduit en effet à des dépenses accrues pour l’entretien. Afin de bâtir et exploiter
des structures fiables et durables, il est nécessaire d’évaluer les coûts du cycle de
vie au même titre que le coût d’investissement de la construction. Par ailleurs,
pour une structure déjà détériorée, un programme de maintenance et de réparation
rationnel doit être établi en rapport avec l’état de la structure. Il est donc important
de pouvoir identifier suffisamment tôt les risques de dégradations possibles et, le
cas échéant, de pouvoir prédire leur évolution afin de mettre en place les stratégies
de maintenance les mieux adaptées.

308
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

2. LES DEUX ÉTAPES DE LA CORROSION DES ACIERS :


INCUBATION ET PROPAGATION
Les manifestations visibles de la corrosion d’un ouvrage (tâches de rouilles, fis-
surations, armatures apparentes corrodées, éclatements de béton) sont les consé-
quences de réactions chimiques endogènes qui ont commencé bien avant que les
désordres ne soient apparents. On distingue schématiquement et successivement
deux phases dans le développement de la corrosion :
– une période d’amorçage, dite aussi période dormante, d’incubation ou d’initia-
tion, durant laquelle la stabilité du système constitué par l’armature métallique
noyée dans la matrice cimentaire du béton décroît progressivement et durant
laquelle se créent les conditions favorables au développement de la corrosion.
L’amorçage de la corrosion peut être provoqué soit par la carbonatation du béton
d’enrobage, soit par la pénétration d’ions chlorure ;
– une période de propagation durant laquelle on observe, en premier lieu, la for-
mation de produits issus de la corrosion de l’armature. Les phénomènes électro-
chimiques de corrosion, décrits plus loin au paragraphe 3, conduisent à la
formation d’oxydes et d’hydroxydes de volumes supérieurs à celui de l’acier sain
(figure 9.2). Ces produits entraînent des contraintes qui peuvent provoquer une
fissuration parallèle aux aciers qui diminue l’adhérence acier/béton, ainsi que
l’éclatement du béton d’enrobage (formation d’épaufrures). Les désordres créés
nuisent à l’aspect esthétique des ouvrages, mais contribuent aussi à affaiblir les
résistances mécaniques. La corrosion conduit aussi à une diminution de la sec-
tion des armatures, homogène dans le cas de la carbonatation, ou par piqûres
(profondes) dans le cas d’une attaque par les chlorures lorsque la concentration
en chlorures a dépassé un seuil « critique » de dépassivation [ALO 00]. On con-
sidère généralement que la capacité fonctionnelle de l’ouvrage est entamée dès la
destruction du béton d’enrobage, même si la réduction de la section des armatu-
res ne contribue pas encore à produire des défauts structurels.

Fe

Fe3O4

Fe(OH)2

Fe(OH)3

Fe(OH)3, 3H2O

0 1 2 3 4 5 6
Volume (cm3)

Figure 9.2 : augmentation de volume des produits d’oxydation du fer.

309
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

La figure 9.3 illustre les différentes phases précédentes selon le modèle de Tuutti
[TUU 82].

I II

Volume des produits de corrosion


Amorçage Propagation

Temps
Figure 9.3 : schéma de dégradation des armatures au cours du temps, d’après [TUU 82].
Après une période d’amorçage, ou d’incubation (zone I), la corrosion débute (point A). Elle se poursuit
dans une phase de propagation (zone II) et conduit à une dégradation progressive du béton qui s’ac-
célère après la destruction de l’enrobage (point D).

À la surface d’un ouvrage, les signes visibles de la corrosion apparaissent bien


après le début de la phase de propagation car la rouille aura dû migrer des aciers
jusqu’à la surface. De même, la fissuration ne sera visible qu’après l’existence
d’une quantité de rouille suffisante pour fissurer le béton d’enrobage.
La période d’amorçage est capitale dans la préservation des armatures puisqu’elle
va contrôler le début des phénomènes de corrosion. Si l’enrobage en béton est un
élément essentiel de protection, sa seule épaisseur n’est pas nécessairement syno-
nyme de durabilité. Ses caractéristiques de transfert (perméabilité, diffusivité)
sont essentielles car elles assurent la fonction de barrière vis-à-vis des agents
agressifs. L’environnement (température, humidité) joue également un rôle im-
portant sur la résistance de cette barrière.
La figure 9.4 donne des exemples de dégradations d’ouvrages dues à la corrosion
(fissuration, éclatement localisé, éclatement généralisé). L’apparition des fissures
à la surface est la conséquence des réactions qui ont démarré bien avant les mani-
festations visibles. L’état ultime correspond à un éclatement du béton, avec ris-
ques de chute des morceaux de béton dans le cas d’éléments verticaux. Les
fissurations sont souvent accompagnées, voire précédées dans certains cas, d’ex-
sudations (tâches de rouille).

310
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

Si l’éclatement du béton n’entraîne pas de conséquences structurelles directes


(dans les règlements de calcul le béton n’est pas pris en compte dans les zones ten-
dues), la perte de section d’acier influence fortement la capacité portante de
l’ouvrage. Une étude expérimentale réalisée au LMDC de Toulouse sur des pou-
tres en béton armé soumises pendant 14 ans à un environnement agressif à permis
d’aboutir aux conclusions suivantes [CAS 00a, CAS 00b] :
– à la rupture, seule intervient la réduction de section des armatures ; celle-ci
entraîne une diminution de la capacité portante de près de 20 % et une diminu-
tion de la ductilité de l’ordre de 70 % due en partie à la perte de ductilité des
aciers tendus ;
– le comportement mécanique résiduel en service des poutres corrodées est con-
trôlé à la fois par la réduction de la section d’acier mais également par la perte
d’adhérence acier-béton.
Ces manifestations, lorsqu’elles sont visibles, sont le signe d’une corrosion active
qui a entraîné des dommages. Dès lors, la mise en place d’actions de maintenance
plus ou moins lourdes afin de réparer l’ouvrage est nécessaire. Il est donc impor-
tant pour un maître d’ouvrage de ne pas attendre que les désordres se manifestent
pour intervenir (approche curative) mais de pouvoir anticiper ceux-ci (approche
préventive).

a) Fissuration b) Éclatement localisé c) Éclatement généralisé

Figure 9.4 : exemples de détériorations dues à la corrosion d’ouvrages en béton armé


(© OXAND).

311
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

3. LES MÉCANISMES DE CORROSION DES ACIERS


3.1. L’environnement basique de l’acier dans le béton sain
Lors du gâchage d’un béton à base de ciment Portland, les principaux anhydres
contenus dans le clinker (silicates C2S et C3S, aluminates C3A et C4AF) s’hydra-
tent au contact de l’eau (voir chapitre 2). Dès les premiers instants, on peut mesu-
rer un pH très basique de l’ordre de 13,5 à 14 dans le liquide interstitiel. De
manière schématique, l’hydratation de C2S et C3S conduit à la formation de sili-
cates de calcium hydratés (C-S-H), qui sont à l’origine de la résistance de la ma-
trice, et de portlandite Ca(OH)2 sous forme de cristaux légèrement solubles. La
portlandite réagit avec les sulfates alcalins, toujours présents en quantité mineure
dans le ciment, pour donner les hydroxydes correspondants :
Ca(OH)2 + K2SO4 → CaSO4 + 2 KOH
Ca(OH)2 + Na2SO4 → CaSO4 + 2 NaOH
Le pH élevé de la solution interstitielle est dû à la présence en grande quantité
d’ions OH– provenant des bases alcalines et de la chaux dont la solubilité dépend
précisément de la concentration en ions OH–. Après quelques heures, la solution
interstitielle s’enrichit progressivement en bases alcalines NaOH et surtout KOH,
alors que la concentration en chaux décroît et devient négligeable à long terme
comme l’indique la figure 9.5 [LON 73]. Ceci explique que le pH reste largement
supérieur à 13 alors qu’une solution saturée de chaux n’a qu’un pH de 12,5.

103
OH–

K2O

102
Teneur (mmol/kg)

Na2O

SO3
10

CaO
1
10 15 30 60 min 5h 2 7 28 90 j 6 mois 2 ans

Temps

Figure 9.5 : évolution de la composition de la solution interstitielle d’une pâte de ciment


au cours du temps, d’après [LON 73].

312
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

La phase aqueuse est extraite par compression de pâtes pures de rapport E/C = 0,5. Sa basicité croît
rapidement et devient alcaline, alors que la teneur en chaux décroît de façon significative.
Après environ 6 mois, l’évolution des différentes espèces devient faible et les valeurs atteintes sont
alors celles du milieu dans lequel baignent les armatures métalliques. Soumises à un environnement
basique formé par la phase aqueuse fortement chargée en ions (provenant de l’hydratation du ciment
ou ayant pénétré depuis l’extérieur dans le béton par l’intermédiaire du réseau poreux), ces armatures
vont être soumises à des réactions électrochimiques.

3.2. La corrosion : un phénomène électrochimique


La corrosion représente l’attaque destructive d’un métal par des réactions électro-
chimiques qui conduisent à un transfert d’ions et d’électrons à l’interface métal/
solution. À la surface du métal, deux types de réactions couplées correspondant
au processus de corrosion/oxydation, ont lieu :
• une réaction anodique, ou d’oxydation du métal, correspondant à la formation,
à partir de l’état métallique, d’ions passant en solution
Fe → Fen+ + ne–
La cinétique de cette réaction est régie par la capacité du milieu électrolytique à
accepter la présence d’ions ferreux Fe2+ ou ferriques Fe3+. La concentration de
ces ions dépend de la nature des anions présents en solution et de la valeur du pro-
duit de solubilité des anions et des ions ferreux ou ferriques ;
• une réaction cathodique correspondant à la réduction d’un oxydant présent
dans la solution par capture d’électrons fournis par la cathode. Selon la disponi-
bilité en oxygène de l’environnement, on obtient :
– en l’absence d’oxygène :
2H2O + 2e– → 2OH- + H2
2H3O+ + 2e– → 2H2O + H2
– en présence d’oxygène :
O2 + 2H2O +4e– → 4OH-ou O2 + 4H3O+ + 4e– → 6H2O
Ces réactions principales d’oxydoréduction sont suivies des réactions secondaires
de formation des produits de corrosion à la surface du métal:
Fen+ + nOH– → Fe(OH)n
2 Fe(OH)n ↔ FexOy + H2O
Elles sont illustrées schématiquement par la figure 9.6:

313
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Atmosphère
O2 H2O

Fe2 O3, H2O


Fe(OH)2 OH– Béton
d'enrobage Film passif
Fe2+

e– Armature en acier

Anode (–) Cathode (+)

Figure 9.6 : schéma de formation des produits de corrosion, d’après [DUV 92].
La création d’une pile électrochimique locale sur l’acier entre les zones cathodique et anodique en
présence d’eau et d’oxygène conduit à la dissolution du métal au niveau de l’anode et la précipitation
de différents oxydes ferreux.

Selon les études réalisées à l’Université de Nancy sur les différents types de
rouilles vertes [REF 93, GEN 96, GEN 98, GEN 01, LEG 01], la formation des
différents produits de corrosion comprend les étapes suivantes :
– dissolution du fer sous forme d’ions ferreux Fe2+ ;
– formation d’hydroxyde ferreux Fe(OH)2 ;
– formation de rouille verte stable en l’absence d’oxygène ([FeII3 FeIII (OH)8] +
[Cl.H2O]– en présence de chlorures ou [FeII4 FeIII2 (OH)12]2+ [CO3 2H2O]2–
dans un béton carbonaté) ;
– formation de ferrihydrite 5Fe2O3.9H2O;
– formation d’autres oxydes (goethite (α - FeOOH), lépidocrocite (γ - FeOOH),
akagénite (β - FeOOH), magnétite (Fe3 O4)) qui correspondent à la rouille rouge
et gonflante connue classiquement, ou stabilisation de la ferrihydrite.
Ces études ont également conduit à proposer, pour ces composés intermédiaires,
la formule générale :
[FeII(1-x) FeIIIx (OH)2]x+· [(x/n) An–·(m/n) H2O]x–
dans laquelle x est le rapport FeIII/Fetotal et An–, l’anion considéré (OH–, Cl–,
SO42– ou CO32–).

314
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

Le schéma réactionnel de la corrosion implique la présence simultanée de quatre


milieux où ont lieu les processus élémentaires :
– une zone anodique correspondant à l’oxydation du fer ;
– une zone cathodique correspondant à la réduction d’espèces chimiques en
solution (par exemple l’eau ou l’oxygène dissous) ;
– un milieu conducteur d’électrons (l’acier) ;
– un milieu électrolytique (le liquide interstitiel du béton).
Les réactions anodiques et cathodiques sont caractéristiques du couple métal/so-
lution. À l’échelle macroscopique, elles ont lieu simultanément et au même en-
droit. Localement, les surfaces des zones anodique et cathodique sont variables.
Lorsqu’un conducteur électronique (métal) est en contact avec un conducteur io-
nique (électrolyte), il constitue une électrode. L’interface entre les deux phases
correspond pour chacune d’elles à une très forte perturbation dans la distribution
locale des charges électriques, dont la densité moyenne locale est normalement
nulle. Il s’établit ainsi de part et d’autre de l’interface des charges d’espace non
nulles, électronique du côté du métal et ionique du côté de la solution. En premiè-
re approximation, ces charges électriques de signes opposés peuvent être consi-
dérées comme situées dans deux plans parallèles correspondant à un condensateur
électrique. Il existe ainsi entre les deux « plaques » de ce condensateur une diffé-
rence de potentiel appelée « potentiel d’électrode » ou « potentiel électro-
chimique » ou « potentiel du métal » (sous entendu par rapport à la solution) et
dans tout l’espace concerné, un très fort champ électrique. Lorsque le métal est
mis au contact de l’electrolyte ce potentiel s’établit spontanément, on parle ainsi
de potentiel « spontané » ou « libre ».
Ce champ électrique et le potentiel d’électrode associé influent naturellement sur
les transferts de charges électriques entre les deux phases métal et solution, c’est-
à-dire sur les réactions anodique et cathodique. En sens inverse, ces transferts mo-
difient les charges d’espace et donc la différence de potentiel du condensateur.
Même si les deux réactions sont indépendantes, elles engendrent et subissent tou-
tes les deux le même type d’interaction avec les grandeurs électriques potentiel et
courant. Elles sont donc mutuellement couplées par leurs effets électriques.
De même pour la relation entre potentiel et courant (interaction en boucle) : le po-
tentiel U influence le courant i, et le transfert de charges par le courant qui circule,
influence en retour la distribution de ces charges, et donc le potentiel. Aucune des
deux représentations i = f(U) ou U =f’(i) n’est totalement satisfaisante et il faut
toujours garder à l’esprit qu’il s’agit là de simplifications nécessaires à la quanti-
fication.

315
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Pour mesurer le potentiel d’une électrode, il est nécessaire d’introduire dans la so-
lution un second conducteur électronique qui constitue une deuxième électrode ;
c’est la différence des potentiels internes des deux conducteurs électroniques qui
représente le potentiel de l’électrode.
Le passage en solution des ions métalliques lors de la réaction anodique d’un mé-
tal M est soumis à un équilibre dynamique :
M ↔ Mn+ + ne–
Cet équilibre correspond à un potentiel E représentant la différence de potentiel
entre le métal M et la solution contenant les ions Mn+. E est le potentiel réversible
de la réaction d’électrode. Ce potentiel peut être calculé par la relation de Nernst :
n+
E = E 0 + RT-------- ln [ M ] (V)
nF
avec :
E0 potentiel standard de l’électrode de métal M (potentiel du métal en équilibre
avec une solution de ses ions de concentration égale à 1 mol/L) (V);
R constante des gaz parfaits (8,314 J/mol/K);
T température (K);
n valence du métal;
F nombre de Faraday (96500 coulomb);
[Mn+] : concentration en ions métalliques dans la solution (mol/L).
Une quantité telle que E n’est pas mesurable directement. Pourtant, la connaissan-
ce et la comparaison des potentiels d’équilibre de différentes réactions d’électro-
de s’avèrent nécessaires en électrochimie et en corrosion. Dans ce but, on mesure
les potentiels d’équilibre E par rapport à une autre électrode, désignée sous le nom
d’électrode de référence, à l’équilibre et en contact électrique avec la première
par l’intermédiaire de la solution.
L’électrode de référence arbitrairement choisie est l’électrode standard à l’hydro-
gène (ENH). Elle est constituée d’un métal inerte (platine) plongé dans une solu-
tion d’acide normale à 25 °C dans laquelle on effectue un barbotage d’hydrogène
sous une pression d’une atmosphère. La tension mesurée correspond donc à la dif-
férence de potentiel entre le métal et l’électrode standard à hydrogène. Par con-
vention, le potentiel EENH de cette électrode est arbitrairement pris comme égal à
zéro. On utilise également d’autres électrodes de référence telles que l’électrode
au calomel saturé (ECS, mélange Hg/Hg2Cl2 immergé dans du chlorure de potas-
sium saturé, à 20 °C, E Hg ⁄ H g Cl = EENH + 0,25 V) ou l’électrode cuivre/sulfate
2 2
de cuivre (Cu/CuSO4).

316
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

Dans le cas de la formation d’oxydes en milieu aqueux, les réactions d’électrodes


font intervenir les ions H3O+, donc le pH. Les différents équilibres en fonction du
pH peuvent être représentés dans un diagramme (figure 9.7) appelé diagramme
potentiel-pH ou diagramme de Pourbaix [POU 66].

1,4
pH = 13,5
1,2

Fe3+ (b)
0,8
Potentiel (V) EENH

0,4
Fe2O3
Fe2+
0
Immunité

– 0,4 (a) Passivation


Fe3O4
– 0,8 Corrosion

– 1,2
Fe

– 1,6
0 2 4 6 8 10 12 14

pH
Figure 9.7 : diagramme de Pourbaix du système Fe-H2O à 25 °C.

Dans un béton sain (pH de l’ordre de 13,5 et température de 25 °C), les armatures sont dans un état
électrochimique qui empêche la corrosion (immunité ou création d’un film passif qui empêche la cor-
rosion). Si le pH descend en dessous d’une valeur limite d’environ 9, la corrosion peut se déclencher
selon le potentiel de l’acier. Un béton sain est donc un milieu protecteur pour les armatures en acier,
toute baisse de pH significative va rendre possible une corrosion des aciers.

Pour une valeur du pH de l’ordre de 13,5 (liquide interstitiel du béton), le dia-


gramme montre que le fer est en équilibre avec Fe3O4 pour un potentiel d’environ
– 800 mV ; au-dessous de cette valeur, le fer ne se corrode pas (domaine d’immu-
nité) et pour des valeurs supérieures, les oxydes Fe3O4 et Fe2O3 forment un film
passif à la surface de l’acier en réduisant la vitesse de corrosion à un niveau né-
gligeable (domaine de passivation).
Le domaine compris entre les deux droites (a) et (b) correspond au domaine de
stabilité de l’eau. D’une manière générale, ces deux droites délimitent trois ré-
gions importantes :
– tous les métaux dont le potentiel d’équilibre est situé en dessous de la droite (a)
sont attaqués par l’eau avec dégagement d’hydrogène ;

317
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

– tous les métaux dont le potentiel d’équilibre est situé entre les droites (a) et (b)
ne sont attaqués qu’en présence d’oxygène ;
– tous les métaux dont le potentiel d’équilibre est situé au dessus de la droite (b)
sont thermodynamiquement stables.
Selon la disponibilité en oxygène, le potentiel de l’acier passivé peut varier sur
une plage relativement étendue. Expérimentalement, on peut mesurer le poten-
tiel d’une armature noyée dans le béton, c’est le potentiel de corrosion.
Pour des structures exposées à l’air dans des conditions normales, les mesures de
potentiel de corrosion donnent des valeurs variant entre – 200 mV et + 100 mV
s’inscrivant nettement dans la partie supérieure du domaine de passivité présenté
par le diagramme de Pourbaix. L’analyse de la couche passive montre que l’acier
dans le béton est effectivement recouvert d’une pellicule fine d’une solution soli-
de Fe3O4–Fe2O3 γ dont l’épaisseur varie entre 10–3 et 10–1 µm [SAG 90]. Lors-
que la couche passive se détruit et que la corrosion se développe, le potentiel
évolue vers des valeurs nettement négatives.
Bien que les diagrammes de Pourbaix ne fassent pas intervenir de considérations
cinétiques et qu’ils supposent que la composition du milieu électrolytique au voi-
sinage du métal est connue, ce qui est rarement le cas, on peut affirmer que la for-
mation d’une couche passive à la surface de l’acier dans un béton sain est la règle
générale et que le développement de l’hydratation qui se traduit par un enrichis-
sement en ions OH– au cours du temps, et donc par une augmentation du pH, ne
peut avoir que des effets bénéfiques sur la stabilité de cette couche.
3.3. Influence des additions minérales sur le pH du liquide interstitiel
L’utilisation d’additions minérales (laitiers de haut-fourneau, cendres volantes,
fumées de silice, fillers) modifie les équilibres chimiques au sein du béton et peut
avoir des conséquences sur le pH du liquide interstitiel et donc sur la stabilité de
la couche passive.
Les cendres volantes et le laitier de haut-fourneau conduisent à une teneur en port-
landite plus faible dans le béton. En effet, les cendres volantes réagissent avec la
portlandite (réaction pouzzolanique) pour former des C-S-H supplémentaires.
Quant aux laitiers de haut-fourneau, leur hydratation ne conduit pas à la formation
de portlandite. On peut donc s’attendre à une légère diminution du pH du liquide
interstitiel en sachant toutefois que ce sont les alcalis qui deviennent prépondé-
rants au bout de quelques heures.
Le pH de la phase liquide est déterminé par le taux initial d’alcalins présents dans
les cendres volantes utilisées qui peut atteindre 3 à 4 % suivant leur origine. Pour

318
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

un pourcentage moyen de cendres, le pH n’est que légèrement affecté, ne perdant


que quelques dixièmes de point par rapport à un ciment Portland [DIA 81].
Le laitier de haut-fourneau consomme davantage les alcalins, mais le pH est en-
core suffisant pour assurer la stabilité de la couche passive comme le montre le
tableau 9.2 [LON 73].
En revanche, l’introduction de fumées de silice, en substitution partielle du ci-
ment, réduit le pH de la solution bien plus que par un simple effet de dilution com-
me l’indique la figure 9.8 [PAG 83].
Tableau 9.2 : analyse de la phase aqueuse interstitielle de pâtes de ciment (E/C = 0,5)
conservées en sac étanche 6 mois à 25°C [LON 73].

% en masse Concentration en équivalent (g/L)


Nature du ciment pH
de Na2O, K2O
Na+ + K+ OH-

Na2O = 0,23
CEM I 0,69 0,65 13,9
K2O = 1,16

CEM III/B Na2O = 0,20


0,14 0,13 13,1
(80 % de laitier) K2O = 0,39

14
0%
pH de la solution interstitielle

10 %

13
20 %

12 30 %

11

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90
Temps de cure (jours)

Figure 9.8 : influence du pourcentage de fumées de silice sur le pH de liquides


interstitiels extraits de pâtes de CEM I, d’après [PAG 83].
Éprouvettes de rapport E/C+S = 0,5 conservées à 22 °C en récipients étanches. Le remplacement
partiel du CEM I par des pourcentages croissants de fumées de silice diminue sensiblement le pH du
liquide interstitiel.

319
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Le faible rapport C/S dans les C-S-H formés en présence de fumées de silice serait
responsable de l’épuisement en alcalis par adsorption de ceux-ci sur les silicates
hydratés [DIA 83]. Les fumées de silice diminuent le pH de la solution mais comp-
te tenu du fait que, pour d’autres impératifs, le taux de substitution ne dépasse pas
10 %, cette diminution ne doit pas altérer la passivité de l’acier dans le béton.
Quel que soit le type de ciment utilisé, il se forme une couche passive d’oxydes à
la surface de l’armature qui maintient le métal dans un état stable.

4. LES DEUX PHÉNOMÈNES INDUCTEURS


DE LA CORROSION DES ACIERS DANS LE BÉTON :
CARBONATATION ET PÉNÉTRATION DES CHLORURES
La corrosion des armatures dans les ouvrages en béton armé est induite par deux
phénomènes distincts :
– la carbonatation du béton par pénétration d’un front de CO2 de la surface vers
le cœur du béton
– la pénétration des ions chlorure pour les ouvrages en milieu marin (immergés,
en zone de marnage, soumis aux éclaboussures ou aux embruns…) ou exposés
aux sels de déverglaçage dans les environnements présentant des risques de gel
(contact direct, projections, ruissellement…).
La limite entre la phase d’amorçage de la corrosion des armatures et le début de
la phase de propagation (point A sur la figure 9.3) peut être quantifiée de la ma-
nière suivante, selon que la corrosion est initiée par la carbonatation ou la péné-
tration des chlorures [GUI 04] :
– environnement sans chlorures : temps nécessaire pour atteindre une profondeur
de carbonatation égale à l’épaisseur d’enrobage ;
– en présence de chlorures : temps nécessaire pour que la concentration en chlo-
rures dans le liquide interstitiel atteigne une valeur donnée (appelée aussi con-
centration critique) au niveau du premier lit d’armatures.
4.1. La carbonatation du béton
4.1.1. Mécanisme général
Le dioxyde de carbone (CO2) présent dans l’air pénètre sous forme gazeuse dans
le béton par le réseau poreux ou par les fissures. En présence d’eau (qui existe au
moins dans les pores les plus petits, voir le paragraphe 2.1.3 du chapitre 3), il pro-
voque une réaction chimique dite de carbonatation avec la pâte de ciment hydra-
tée. Cette réaction transforme les produits d’hydratation, notamment l’hydroxyde
de calcium (portlandite) Ca(OH)2, en carbonate de calcium CaCO3 [USD 82,
COW 91]. La carbonatation fait intervenir la chaîne de réactions suivantes :

320
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

• dissolution du CO2 dans l’eau :


CO 2 + H 2 O ↔ H 2 CO 3
– +
H 2 CO 3 + H 2 O ↔ HCO 3 + H 3 O
– 2– +
HCO 3 + H 2 O ↔ CO 3 + H 3 O
• réaction de l’acide carbonique avec la portlandite, après dissolution de la port-
landite :
H2CO3 + Ca(OH)2 → CaCO3 + 2H2O
L’une des conséquences de la consommation de la réserve basique que constitue
la portlandite est une baisse du pH de la solution interstitielle du béton, (initiale-
ment compris entre 12,5 et 13,5) par libération des ions H3O+, jusqu’à des valeurs
voisines de 9, d’où une dépassivation de l’acier d’armature (cf. le diagramme de
Pourbaix).
Il est à noter qu’en présence de bases alcalines (NaOH, KOH) la solubilité de la
chaux est relativement faible et que la réaction est ralentie. Cependant, les bases
alcalines peuvent, elles aussi, se carbonater :
H2CO3 + 2KOH → K2CO3 + 2H2O
H2CO3 + 2NaOH → Na2CO3 + 2H2O
La carbonatation des bases alcalines augmente la solubilité de la chaux qui peut
alors se carbonater en plus grande quantité :
K2CO3 + Ca(OH)2 → CaCO3 + 2KOH
Na2CO3 + Ca(OH)2 → CaCO3 + 2NaOH
La carbonatation altère également les hydrates de la pâte de ciment durcie (silica-
tes et aluminates). Dans le cas des C-S-H, ceux-ci peuvent évoluer jusqu’à aboutir
à un matériau amorphe de type gel de silice [DUN 89] :
H2CO3 + CaO . SiO2 . nH2O → CaCO3 + SiO2 . nH2O + H2O
La portlandite est le composé qui se carbonate le plus rapidement mais les autres
composés hydratés (aluminates et silicates de calcium) sont aussi sensibles à l’at-
taque par le CO2 et produisent également de la calcite.
La figure 9.9 représente de manière schématique la succession des réactions élé-
mentaires précédentes [THI 06a].

321
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Figure 9.9 : mécanisme de carbonatation de Ca(OH)2, d’après [THI 06a].


La présence du liquide interstitiel, en quantité suffisante dans la porosité du béton, permet au CO2
présent dans l’atmosphère sous forme gazeuse de se dissoudre pour former des ions CO32– en en-
traînant une diminution de pH du milieu. Ces ions carbonate se combinent ensuite aux ions Ca2+ pro-
venant de la dissolution de la portlandite pour former de la calcite CaCO3 et de l’eau.

4.1.2. Conséquences de la carbonatation sur la microstructure du béton


Après carbonatation accélérée, la porosité du béton diminue (figure 9.10 [THI 03,
THI 06a]). Ceci est du au fait que les volumes molaires des produits de la réaction
de carbonatation sont supérieurs à ceux des hydrates à partir desquels ils se for-
ment. Par exemple, le volume molaire de Ca(OH)2 est de 33,2 cm3/mol alors que
celui de CaCO3 est de 36,9 cm3/mol soit une augmentation de plus de 11 %. Le
volume molaire passe de 12 à 16 cm3/mol entre un C-S-H sain et un C-S-H car-
bonaté (plus de 30 % d’augmentation) [THI 06a]. Les carbonates formés occupent
donc une partie des vides capillaires initiaux.
La distribution des volumes poreux est également modifiée par la carbonatation
[PIH 68, BIE 87, NGA 97, MIR 99, THI 03, THI 06a]. Une diminution significative
de l’amplitude du mode poreux principal compris entre 30 et 60 nm (1 nm = 10–9 m)
est enregistrée après carbonatation. Ceci est à corréler avec la diminution globale de
porosité et de perméabilité observées après carbonatation.

322
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

17

16

15

Porosité (%) 14

13

12
M25 : porosité (Hg)
11 M25 : porosité (J)

10
0 20 40 60 80
h (mm)

Figure 9.10 : profils de porosité d’un béton déterminés par gammadensimétrie (γ)
et par intrusion de mercure (Hg) d’après [THI 06a].
Le béton étudié a une résistance moyenne de 25 MPa à 28 jours. Les porosités sont mesurées après
14 jours de carbonatation accélérée (à l’issue de 3 mois de conservation dans l’eau et d’1 mois d’étu-
vage à 45 °C), le transfert de CO2 à travers le béton se faisant de la gauche vers la droite, La préci-
pitation de la calcite au sein de la matrice cimentaire a pour conséquence une diminution de la
porosité. Ceci rend plus difficile la pénétration des espèces agressives dans le béton.

La carbonatation n’est pas, en soi, nocive pour le béton et, au contraire, il a sou-
vent été mentionné dans la littérature scientifique que la résistance mécanique
et le module d’élasticité augmentaient après carbonatation.
Cependant, il est à noter que les bétons fabriqués avec des ciments contenant des
laitiers de haut-fourneau voient leurs caractéristiques mécaniques se détériorer
après carbonatation en raison de l’augmentation de leur porosité dans ce cas par-
ticulier [DEC 93].
Par ailleurs, la réaction chimique de carbonatation de la portlandite libère l’eau
qui était liée chimiquement dans cet hydrate. Cette eau relarguée participe aux
transferts hydriques dans le matériau [THI 06a]. La progression de la carbonata-
tion diminue avec le temps, d’autant plus que la formation de carbonates de cal-
cium et le relargage d’eau libre remplissent partiellement les pores
(autoprotection par ralentissement de la diffusion du dioxyde de carbone) et ren-
dent les hydrates moins accessibles à la dissolution (formation d’une gangue de
carbonate de calcium à la surface de la portlandite, par exemple [GRO 90]).
4.1.3. Mesure de la profondeur de carbonatation
La carbonatation du béton s’accompagne d’une diminution progressive du pH comme
le montre schématiquement la figure 9.11. Il est utile de connaitre la profondeur à la-
quelle le pH atteint une valeur de l’ordre de 9 car une armature d’acier située à cette
profondeur est dans la zone de corrosion du diagramme de Pourbaix (figure 9.7). La

323
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

technique la plus simple à mettre en œuvre est le test à la phénolphtaléine qui consiste
à mesurer le changement de couleur de cet indicateur coloré en fonction du pH
(figure 9.12). Le virage de la phénolphtaléine est représentatif d’une zone de pH de
l’ordre de 9,5. La mesure de la profondeur de carbonatation s’effectue de manière
normalisée en faisant la moyenne des valeurs mesurées en différents points [CEN 03].

Couche Béton en cours Béton sain pH


totalement de carbonatation
carbonatée 13

12

11

10

Virage de la 9
phénolphtaléine
8

– 24 – 18 – 12 –6 0 6 12 18 24 30
Distance du front de neutralisation (mm)

Vers la surface du béton Vers l'intérieur du béton

Figure 9.11 : gradient de pH au niveau du front de carbonatation, d’après [KAS 84].


Échantillons de bétons confectionnés avec un rapport E/C=0,7. De part et d’autre du front de neutra-
lisation décelé par le virage de l’indicateur, le pH évolue progressivement sur une épaisseur de 20 mm
environ de 8,5 jusqu’à 11.

Figure 9.12 : mise en évidence de la profondeur carbonatée par la phénolphtaléine


dans un béton courant [ROZ 07].
La zone sombre (pourpre en réalité) à cœur représente un béton non carbonaté (non virage de la phé-
nolphtaléine, donc pH > 9,5). La zone plus claire représente le béton carbonaté selon cet indicateur
coloré. La variabilité de l’épaisseur du front est due à la présence des granulats et aux effets cinéti-
ques [THI 07]. La figure montre que la profondeur de carbonatation est plus grande dans le béton cou-
rant (photos du haut) que le BHP (photos du bas).

324
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

4.1.4. Influence de l’humidité relative sur la carbonatation


La vitesse de progression du front de carbonatation dépend des caractéristiques
du matériau (porosité, nature du ciment, etc.). L’humidité relative du milieu envi-
ronnant, qui détermine la teneur en eau du béton [DEC 93], est également un pa-
ramètre fondamental. Quand l’humidité relative augmente, la fraction de pores
remplie d’eau augmente également et gêne ainsi la diffusion du gaz CO2 qui est
environ 10000 fois plus faible en phase liquide qu’en phase gazeuse (de l’ordre
de 10–12 m2.s–1, contre 10–8 m2.s–1). En conséquence, la vitesse de pénétration
est réduite. De même, une faible humidité relative ralentit la dissolution du CO2
par manque d’humidité et donc le processus de carbonatation.
Pour que la carbonatation soit maximale, l’humidité relative doit être :
– suffisamment faible pour qu’une phase gazeuse connectée permettant la diffu-
sion du CO2 gazeux soit présente ;
– suffisamment importante pour que la réaction de carbonatation proprement dite
puisse avoir lieu en phase aqueuse. En effet, la carbonatation de la portlandite
passe inévitablement par la rencontre des cations Ca2+, provenant de la dissolu-
tion de la portlandite en phase aqueuse, et des anions CO32- provenant de la dis-
solution du CO2 dans l’eau.
La carbonatation est donc maximale lorsque l’humidité relative a une valeur mo-
dérée, c’est-à-dire lorsqu’elle est comprise entre 40 et 60 % [WIE 84], ou entre
40 et 80 % [VAN 94, SAE 95] voire entre 84 et 92 % [ROY 99], selon les auteurs
(figure 9.13).
La carbonatation ne se produit pratiquement pas dans un béton totalement sec
ou complètement saturé en eau. Elle est maximale pour des humidités relatives
de l’ordre de 65 %, valeurs courantes dans les climats tempérés.

325
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

30

Profondeur de carbonatation (mm)


(2)
20

(1)

10

0
30 40 50 60 70 80 90 100
Humidité relative (%)

Figure 9.13 : influence de l’humidité relative sur la profondeur de carbonatation.


Courbe 1, E/C=0,6 ; courbe 2, E/C=0,8 à 20°C, d’après [WIE 84].
Bétons confectionnés avec des rapports E/C de 0,6 (courbe 1) et 0,8 (courbe 2) et conservés 16 ans
à 20 °C. La profondeur de carbonatation passe par un maximum pour une humidité relative comprise
entre 40 et 80 % et diminue rapidement. Pour des valeurs inférieures, le CO2 ne peut se dissoudre
par manque d’eau ; pour des valeurs supérieures, sa diffusion en phase gazeuse est beaucoup plus
lente et diminue la carbonatation. Les rapports E/C des bétons testés sont supérieurs à ceux utilisés
en pratique ; ils ont été choisis pour mettre en évidence l’influence de l’humidité relative grâce à des
essais relativement rapides.

4.1.5. Cinétique de la carbonatation


La pénétration du CO2 et sa réaction avec les hydrates de la pâte divise le béton
en deux : une zone carbonatée et une zone non carbonatée. Malgré la complexité
des phénomènes, on admet généralement que l’épaisseur de la zone carbonatée
x(t), à un instant donné t de la vie d’un ouvrage, est donnée par la relation (1) :
x ( t ) = x0 + K t (1)
où :
x0 est l’épaisseur carbonatée initiale ;
K est une constante prenant en compte à la fois la composition du béton (rapport
E/C, dosage et nature du liant…) et les conditions d’environnement (humidité
relative, température, pression…).

326
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

La relation (1) est celle que l’on obtient théoriquement en faisant l’hypothèse que
les réactions chimiques liées à la carbonatation (passage en solution du CO2, dis-
solution de Ca(OH)2, précipitation de CaCO3…) sont infiniment plus rapides que
la diffusion du CO2 gazeux à travers la matrice cimentaire, qui est supposée ne
pas évoluer au cours du temps. La diffusion du CO2 devient alors l’étape limitante
et l’évolution de la carbonatation du matériau est régie par ce seul processus (dif-
fusion « pure ») [THI 07].
4.1.6. Influence de la composition et des conditions de mise en œuvre
sur la carbonatation du béton
ˆ Rapport E/C
Les courbes de la figure 9.14 illustrent l’influence du rapport E/C sur la profon-
deur de carbonatation.
15
3URIRQGHXUGHFDUERQDWDWLRQ PP

1
,80
10 =0
C
E/

,60 2
=0
E/C

,45
E/C = 0 3

0
0 1 2 3 4 6 10 15
¥W DQQpHV

Figure 9.14 : évolution de la profondeur carbonatée en fonction de la racine carrée


du temps, d’après [SCH 76].

La relation linéaire entre la profondeur de carbonatation et la racine carrée du


temps est observée expérimentalement confirmant ainsi que la diffusion est le
phénomène dominant dans le processus de carbonatation et ce dans une large
gamme de rapports E/C.
ˆ Dosage en ciment
La figure 9.15 montre l’influence du dosage en ciment sur la profondeur de car-
bonatation de bétons préparés avec du CEM I et conservés à 20 °C et 50 % HR
pendant 5 ans. On constate que la profondeur carbonatée est d’autant plus faible
que le dosage en ciment est important car la porosité du béton, et donc la diffu-
sion, sont réduites.

327
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

30 2

3
/m

Épaisseur carbonatée (mm)


kg
0
20
20 0
30

3
4
350
10 5
400
500

0
1 mois 3 6 mois 1 an 3 ans 5 ans

Figure 9.15 : relation entre épaisseur carbonatée et dosage en ciment, d’après [VEN 69].
Éprouvettes 7 × 7 × 28 cm de béton préparé avec du CEM I et des granulats 0/20 mm, de même ma-
niabilité, conservées à 20 °C et 50 % HR pendant 5 ans. Les courbes 1 à 5 correspondent à des do-
sages en ciment respectifs de 200, 300, 350, 400 et 500 kg/m3. Pour des bétons fabriqués à même
maniabilité, l’épaisseur carbonatée est d’autant plus faible que le dosage en ciment est plus élevé.

ˆ Conditions de cure
La figure 9.16 représente l’influence des conditions de cure sur la carbonatation.
De manière générale, la réduction du temps de cure accroît de façon significative
la profondeur de carbonatation.
Une cure inadaptée conduit à une hydratation insuffisante de la couche superficielle
de béton par manque d’eau ce qui augmente la porosité et, par conséquent, la sensi-
bilité à la carbonatation. La réduction du temps de cure peut donc avoir des consé-
quences néfastes à long terme alors qu’une cure humide prolongée limite la
profondeur de carbonatation. En pratique, l’effet de la cure est particulièrement sen-
sible dans les premiers jours. Ceci est illustré par la figure 9.17 relative à des éprou-
vettes de béton confectionnées avec un ciment Portland renfermant 12 % de C3A
(courbe 1) et un ciment contenant 70 % de laitier de haut-fourneau (courbe 2), con-
servées après une cure initiale dans l’eau, pendant un an à l’air à l’abri de la pluie.
Outre les caractéristiques « intrinsèques » du matériau, les conditions de mise en
œuvre influencent également la vitesse de carbonatation (coffrage, vibration, fi-
nition…). Miragliotta [MIR 00] a notamment étudié les effets de parois.

328
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

40
(1)

Epaisseur de carbonatation (mm)


30
(2)

20

10

0
0,4 0,6 0,8 1,0 1,2

Rapport E/C

Figure 9.16 : évolution de la carbonatation en fonction du rapport E/C


pour différentes conditions de cure, d’après [BAR 87].
La courbe 1 correspond à des éprouvettes de bétons préparés avec des ciments de type CEM I con-
servées 24 heures en moule puis 6 ans à l’air. Pour la courbe 2, les bétons ont subit une cure de
24 heures en moule suivie de 27 jours dans l’eau puis 6 ans dans l’air (20 °C, 50 % HR). La carbona-
tation est réduite lorsque le béton jeune est conservé suffisamment dans l’eau avant d’être exposé au
milieu ambiant.
10
Profondeureur de carbonatation (mm)

(2)

(1)

0
1 3 7 28 360
Temps de cure dans l'eau (jours)

Figure 9.17 : influence de la cure sur la profondeur carbonatée, d’après [MEY 68].
Éprouvettes de béton confectionnées avec un ciment Portland renfermant 12 % de C3A (courbe 1) et
un ciment contenant 70 % de laitier (courbe 2), conservées après une cure dans l’eau, pendant un an
à l’air, à l’abri de la pluie. Une cure humide prolongée limite la profondeur de carbonatation. L’effet est
particulièrement sensible pour les premiers jours de conservation.

ˆ Résistance à la compression
Dans la pratique des ingénieurs, la résistance à la compression est l’indicateur le
plus couramment utilisé pour caractériser un béton durci. La figure 9.18 représen-

329
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

te la relation entre résistance mécanique et profondeur de carbonatation pour dif-


férents bétons. Une relation quasi linéaire est observée. On constate également
qu’au-delà d’environ 50 MPa, la carbonatation devient négligeable du fait d’une
porosité de plus en plus faible.

Profondeur de carbonatation (mm)


(2)
10

(1)
6

0
20 30 40 50
Résistance à la compression (MPa)

Figure 9.18 : relation entre résistance à la compression à 28 jours


et profondeur carbonatée, d’après [TSU 80].
Les courbes présentées sont relatives à un béton de ciment de type CEM I ({U, courbe 1) et un béton
de ciment CEM II à 30 % de cendres volantes (zS, courbe 2), exposées 2 ans à l’extérieur (z{) ou
à l’intérieur (SU).

2
50
0,2 % CO2

40
Profondeur de carbonatation (mm)

30

1
20

Atmosphère normale
10

0
10 20 30 40 50 60
Résistance à la compression (MPa)

Figure 9.19 : influence de la concentration en CO2 et de la résistance à la compression


sur la profondeur carbonatée, d’après [NIS 86].
La courbe 1 correspond à des mesures effectuées dans une atmosphère à 0,03 % de dioxyde de car-
bone, tandis que la courbe 2 est relative à des endroits à forte concentration en dioxyde carbone, de
l’ordre de 0,2 % (garages, tunnels). L’influence de la teneur en CO2 est surtout sensible pour des ré-
sistances à la compression inférieures à 30 MPa.

330
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

Les variations de teneur en CO2 de l’air (figure 9.19), ont une influence sur les
bétons de résistance modérée (≤ 30 MPa environ). Au-delà, la teneur en CO2 n’a
plus d’influence sur la carbonatation et la relation linéaire entre résistance et car-
bonatation est de nouveau observée.
4.1.7. Influence des additions minérales sur la carbonatation
Les bétons contenant des additions minérales telles que les laitiers de haut-four-
neau et les cendres volantes montrent une sensibilité accrue à la carbonatation par
rapport aux bétons de ciment Portland [SKJ 86, MEY 68, FAT 86, HAM 68,
MAT 84, TSU 80, BIE 86, PAI 86, LIT 86]. Dans les bétons incorporant du laitier
de haut fourneau, la profondeur de carbonatation s’accroît avec le pourcentage de
laitier ajouté ; en moyenne, elle est une fois et demie plus élevée pour un béton
fabriqué avec un ciment contenant 50 % de laitier de haut-fourneau par rapport à
un béton de ciment Portland. Pour les cendres volantes, l’accroissement de la car-
bonatation n’est sensible que si le pourcentage de cendres dépasse 30 %. Certains
auteurs affirment même que les différences par rapport au ciment Portland sont
mineures lorsque l’on compare des bétons ayant de mêmes résistances. Il convient
de rappeler ici que la vitesse et le degré d’hydratation des bétons contenant du lai-
tier ou des cendres volantes sont davantage affectés par une cure insuffisante que
les bétons de ciment Portland.
Les ciments Portland composés aux fillers sont une spécificité française. Des étu-
des [RAN 89] montrent que l’ajout de fillers calcaires (15 et 20 % en masse par
rapport au ciment) et de fillers siliceux (10 et 25 %) à des clinkers conduit à des
épaisseurs de carbonatation du même ordre de grandeur que celles obtenues avec
des ciments Portland de même classe de résistance. Par contre, avec un CEM II à
15 % de laitier de haut-fourneau, les bétons se carbonatent plus qu’avec des CEM
II aux fillers calcaires ou siliceux de même classe.
Les fumées de silice ont une place particulière puisqu’elles permettent de confec-
tionner des bétons à hautes performances. Or, l’ajout de fumées de silice consom-
me la portlandite et ceci peut donc modifier la vitesse de carbonatation. On peut
retenir les éléments suivants :
– les bétons contenant des fumées de silice sont plus sensibles que les bétons de
ciment Portland aux effets d’une cure médiocre ;
– la présence de fumées de silice ne donne lieu à une carbonatation importante
que dans le cas des bétons de résistance à la compression moyenne ou médiocre.
L’influence des ajouts minéraux sur la carbonatation peut s’interpréter par leur
action sur la structure microporeuse du béton, sur la porosité globale et sur la po-
rosité de la couche carbonatée. La carbonatation de la portlandite donne essentiel-
lement du carbonate de calcium, dont il existe trois variétés : la calcite, la vatérite

331
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

et l’aragonite, la calcite étant la forme stable à long terme. La transformation port-


landite-calcite s’effectue avec une augmentation de volume de 12 %. Cependant,
la carbonatation ne se traduit pas par un gonflement du béton, mais, au contraire,
par un retrait. En effet, les phénomènes de dissolution qui se produisent dans la
pâte de ciment durcie lors de la réaction de carbonatation conduisent à un relâche-
ment des contraintes internes et, de ce fait, entraînent un retrait. La carbonatation
modifie la distribution de la taille des pores tout en réduisant la porosité moyenne
du ciment hydraté. Les mesures de porosité [BIER 86, LIT 86, DAI 71] montrent
que la réduction s’effectue en grande partie au niveau des pores de petites dimen-
sions (quelques dizaines de nanomètres). Cette réduction de porosité améliore la
résistance à la compression de la couche carbonatée [NIS 86]. La carbonatation
relativement plus importante des bétons contenant du laitier de haut fourneau cor-
respond selon Litvan et Meyer [LIT 86] à une modification de la distribution po-
reuse de la couche carbonatée qui se traduit par un accroissement des pores
capillaires (20-350 nm) aux dépens des pores de petites dimensions qui existent
dans le béton non carbonaté. Corrélativement, une diminution de la résistance à
la compression et un accroissement de la perméabilité sont observés dans ces bé-
tons carbonatés.
Porosité du béton et profondeur de carbonatation varient dans le même sens.
Cette analyse est confirmée par l’étude des bétons à hautes performances dont
la profondeur de carbonatation est très faible voire nulle.

4.2. La pénétration des ions chlorure dans le béton


4.2.1. Chlorures libres et chlorures totaux - Profils de concentration
La pénétration des ions chlorure dans le béton requiert la présence d’une phase
liquide. En milieu saturé, c’est-à-dire par exemple dans le cas de structures im-
mergées dans de l’eau de mer, les ions chlorure pénètrent dans le béton par diffu-
sion, sous gradient de concentration (entre la surface contenant des chlorures et le
cœur qui en est exempt). Lorsque la structure en béton est soumise à des cycles
d’humidification/séchage (zone de marnage, exposition aux embruns ou aux sels
de déverglaçage), les chlorures peuvent pénétrer dans le béton par absorption ca-
pillaire et migrer avec la phase liquide par convection au sein de la zone concer-
née par les cycles. Les chlorures migrent ensuite par diffusion dans les zones
saturées (ou dans les zones partiellement saturées là où le degré de connectivité
de la phase liquide le permet). Le phénomène de convection est d’autant plus im-
portant qu’il est rapide. L’humidification d’un matériau sec avec une solution sa-
line durant une journée peut faire pénétrer les chlorures plus profondément que ne
le feraient plusieurs mois de diffusion en milieu saturé [FRA 98]. La pénétration

332
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

des chlorures dépend donc des caractéristiques du matériau et des cycles d’humi-
dification/séchage qu’il subit (durée, conditions climatiques).
Les ions chlorure interagissent également avec la matrice cimentaire (voir le cha-
pitre 3) : ils peuvent s’adsorber sur les C-S-H ou réagir chimiquement avec cer-
tains composés pour donner de nouveaux produits (les chloroaluminates de
calcium, en particulier le monochloroaluminate de calcium hydraté, ou sel de
Friedel, C3A.CaCl2.10H2O). Ces chlorures sont appelés « chlorures fixés » ou
« chlorures liés ». Les interactions complexes ions-matrice sont souvent décrites
par une isotherme d’interactions non linéaire de type Freundlich [BIG 96,
FRA 98]. La fixation des ions chlorure dépend fortement de la nature du ciment
utilisé et principalement de sa teneur en C3A mais l’alumino-ferrrite de calcium
C4AF ainsi que les sulfates jouent également un rôle.
On peut alors définir :
– les chlorures libres qui se trouvent sous forme ionique dans la solution intersti-
tielle. Ils sont extractibles à l’eau et sont de ce fait appelés également « chlorures
solubles dans l’eau » ;
– les chlorures totaux, qui incluent, outre les précédents, ceux fortement adsor-
bés sur les C-S-H et ceux chimiquement liés dans la matrice cimentaire sous
forme de chloroaluminates de calcium.
On considère que seuls les chlorures libres peuvent diffuser et jouer un rôle actif
dans le processus de dépassivation et de corrosion des armatures. Ces constata-
tions expliquent le fait que les bétons à base de CEM I à teneur relativement éle-
vée en C3A soient plus résistants à la corrosion induite par les chlorures en
raison de leur capacité à fixer une quantité importante de chlorures qui ne se-
ront plus disponibles pour dépassiver les aciers.
Le profil de concentration en chlorures (libres ou totaux) dans un béton est une
courbe concentration-profondeur qui est strictement décroissante (« profil de
diffusion ») si le béton est saturé ou si les cycles d’humidification/séchage sont
négligeables. Dans le cas contraire, ce profil n’est décroissant qu’à partir de la
profondeur où les ions peuvent migrer dans un réseau constamment saturé d’eau
(zone de diffusion), c’est-à-dire au delà de la zone de convection (figure 9.20). Ce
phénomène peut être pris en compte de façon simplifiée en définissant, pour un
type d’environnement donné, une concentration en surface équivalente qui est
l’extrapolation par la solution de la deuxième loi de Fick, au niveau de la surface
de la structure, du profil obtenu au-delà de la zone de convection.
Par rapport au mécanisme induit par la carbonatation, le mécanisme de corrosion
électrochimique en présence de chlorures est différent dans le sens où la corrosion
n’est plus une corrosion généralisée mais une corrosion locale sous forme de pi-

333
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

qûres. Si l’on observe que la vitesse de corrosion est, en général, plus élevée en
présence d’ions chlorure, les mécanismes physico-chimiques sous-jacents ne sont
pas encore parfaitement expliqués. Toutefois, il apparaît qu’une conséquence de
la présence des ions chlorure est la dissolution locale de la couche passive et une
migration à travers celle-ci. De très faibles concentrations en chlorures (> 0,01 %)
modifieraient la morphologie de la couche passive en formant le composé
FeOOH [SAG 90], puis des ions complexes instables FeCl3- qui consomment les
ions hydroxyles présents selon les réactions :
Fe + 3 Cl– → FeCl3– + 2e–
FeCl3– + 2 OH–→ Fe(OH)2 + 3 Cl–
Les électrons libérés par la réaction d’oxydation se déplacent à travers le métal
jusqu’aux sites cathodiques. Selon les réactions ci-dessus, le processus conduit à
une diminution du pH et à un recyclage des ions chlorure (figure 9.21).

Figure 9.20 : illustration de la zone de convection dans une structure en béton armé
soumise à des transferts hydriques et de chlorures.
La création de piles électrochimiques sur l’armature conduit progressivement à la dissolution du métal
dans les zones anodiques.

334
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

O2 H2O Cl– Atmosphère

Béton d'enrobage
Fe(OH)2, Cl–, H+

OH– Film passif


OH– FeCl2, FeCl–3

Cathode (+) Cathode (+)

Anode (–) e–
e–
Armature en acier

Figure 9.21 : mécanisme de la corrosion électrochimique en présence de chlorures


[DUV 92].
L’attaque du métal est localisée en des points particuliers se matérialisant par des trous étroits : les
piqûres. A la surface du métal, on observe une distribution de micropiles, les piqûres sont les sites
anodiques et le film passif environnant constitue de larges surfaces cathodiques.

Les piqûres constituant les sites anodiques et le film passif les surfaces cathodi-
ques, on observe des micropiles dont le rapport des surfaces cathode/anode est
élevé. Cela conduit à des densités de courant de corrosion localement très gran-
des. Au niveau des aires cathodiques, la production des ions OH– relève le pH, ce
qui réduit les possibilités d’attaques ultérieures sur ces surfaces. Pour que les
réactions se poursuivent, il faut que les ions Cl– soient toujours disponibles au dé-
triment des ions OH– afin de maintenir le rapport Cl–/OH– au-dessus de la valeur
critique de dépassivation. Or, la formation des produits de corrosion intermédiai-
res contenant du chlore diminue temporairement la concentration en chlorures. En
outre l’apport d’ions OH– à partir de la réserve alcaline du liquide interstitiel tend
à repassiver les zones attaquées et limite la propagation de la corrosion. Si l’ap-
port en chlorures se maintient, la concentration de ces derniers augmente dans les
aires anodiques, puis se redistribue grâce aux courants de corrosion sur toute l’ar-
mature. Les variations d’humidité et les gradients de concentration en chlorures
créent de nouvelles anodes qui finissent par se rassembler en larges zones corro-
dées. La corrosion est d’autant plus élevée que la quantité de chlorures disponible
au niveau de l’armature est importante.
Il est difficile de connaître exactement la concentration en chlorures libres
« critique » (appelée encore « seuil ») susceptible de permettre l’amorçage de la
corrosion des armatures. En effet, cette concentration dépend de nombreux para-
mètres tels que, notamment, la microstructure au contact des armatures. De plus,

335
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

la concentration en chlorures de la solution interstitielle n’est pas identique (mê-


me au voisinage des armatures) à la concentration au niveau des sites de corrosion
(piqûres). En outre, l’amorçage de la corrosion dépend du potentiel électrochimi-
que de l’acier [ALO 00a, ALO 00b] Un critère d’amorçage de la corrosion sou-
vent retenu est celui proposé par Hausman [HAU 67, EN00]. Il prend en compte
le rapport entre la concentration en chlorures libres et en hydroxyles au droit des
armatures :

[ Cl ]
---------------- ≥ 0 ,6

[ OH ]
Plus ce rapport est élevé, plus la vitesse de corrosion est grande. Ce critère est
compatible avec une analyse thermodynamique de la stabilité de la couche de pas-
sivation en fonction du pH [RAH 98], et sa fiabilité a été démontrée expérimen-
talement [SAL 91]. On peut alors déduire de ce critère la valeur de la
concentration « critique » en chlorures, si l’on connaît le pH de la solution inters-
titielle.
Un rapport [Cl–]/[OH–] compris entre 0,6 et 1 conduit généralement à une con-
centration « critique » en ions chlorure de l’ordre de 0,4 % par rapport à la mas-
se de ciment, pour un béton non carbonaté (et donc à des concentrations
« critiques » comprises entre 0,04 et 0,1 % par rapport à la masse de béton, sui-
vant la formulation).
Précisons de plus que cette relation permet d’intégrer les interactions entre carbona-
tation (diminution de la concentration en OH–) et pénétration des chlorures (aug-
mentation de la concentration en chlorures libres) [KIS 96]. Rappelons ici que l’état
hydrique du béton est un paramètre déterminant vis-à-vis de la corrosion des arma-
tures, d’une part, pour le transport des espèces chimiques (nécessité d’une phase ga-
zeuse pour le transport du CO2 gazeux et d’une phase liquide pour les ions chlorure),
et, d’autre part, pour les réactions chimiques entre ces espèces et le béton.
4.2.2. Influence de la microstructure et des additions minérales
La diffusion des chlorures dans les bétons est décrite au chapitre 3 de ce livre. Les
informations rapportées dans ce qui suit ont principalement pour objectif de rap-
peler quelques points essentiels et de compléter les données sur l’influence des
additions minérales. La vitesse de pénétration des chlorures dépend de la porosité
de la pâte de ciment (phénomène diffusif) mais le coefficient de diffusion mesuré
n’est pas constant. Sa valeur dépend de la concentration en chlorures de la solu-
tion interstitielle mais également du cation associé (voir la discussion sur l’usage
de la première loi de Fick pour décrire la diffusion ionique au chapitre 3). Il sem-
ble que la diffusion des chlorures combinés aux cations divalents (par exemple

336
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

CaCl2) soit plus rapide que celle des cations monovalents comme NaCl [RAN 89,
ARY 90, ALH 90, SHO 82]. Par contre, les chloroaluminates se forment en quan-
tité plus importante à partir de CaCl2 et les chlorures libres sont moins abondants
[ARY 90]. Il apparaît aussi que la fixation des chlorures réduit la dimension des
pores les plus petits en modifiant la morphologie des fibres de C-S-H. Le chlorure
de calcium conduirait ainsi à une structure plus ouverte au niveau des pores capil-
laires que le chlorure de sodium, ce qui faciliterait la diffusion des espèces chimi-
ques libres [MID 84, REG 78, HAN 85]. Ainsi, les chlorures libres, mais aussi les
chlorures liés, en modifiant la géométrie des pores, influent sur le processus de
pénétration. Ces considérations montrent la complexité des interactions entre les
différents facteurs qui interviennent dans la diffusion des chlorures.
Concernant l’incorporation d’additions minérales dans les ciments, on peut rele-
ver trois conséquences relatives à la pénétration des chlorures :
– la capacité de fixation des chlorures est déterminée par la concentration en (C3A
+ C4AF) du liant. Or la teneur de ces composés diminue par effet de dilution en
présence de laitiers de haut-fourneau ou de cendres volantes puisque les alumina-
tes proviennent du clinker. La quantité de chloroaluminates formée étant réduite,
la teneur en chlorures libres devrait être plus élevée pour des ciments incorporant
des additions minérales. Or, certains auteurs [ARY 90, BYF 87] montrent qu’au
contraire, la quantité de chlorures liés est plus élevée dans les ciments composés
au laitier et aux cendres volantes que dans les ciments Portland. Ce résultat est
assez controversé car Nguyen [NGU 06] trouve que les isothermes d’interactions
sont très proches pour les mortiers à base de ciments de types CEM I et CEM V.
Par contre, la quantité de chlorures liés, mais aussi de chlorures libres, est moindre
dans un béton renfermant des fumées de silice. Selon les travaux de Short et Page
[SHO 82], la diminution de capacité de fixation proviendrait de l’accroissement de
la solubilité des chloroaluminates provoquée par l’abaissement du pH de la solu-
tion interstitielle en présence de fumées de silice ;
– les additions minérales réduisent le pH de la solution interstitielle (tableau 9.2
et figure 9.8), l’effet étant davantage marqué avec les fumées de silice. Cette
diminution conduit à admettre un seuil de concentration en chlorures au niveau
de l’armature plus faible si l’on considère le rapport caractéristique Cl–/OH– ;
– le coefficient de diffusion apparent des chlorures est dépendant des additions
minérales. À condition de respecter une cure humide adaptée, l’ajout de laitiers
de haut-fourneau, de cendres volantes ou de fumées de silice réduit dans des pro-
portions notables les coefficients de diffusion des chlorures dans le béton. Les
valeurs moyennes de ces coefficients sont reportées dans le tableau 9.3 [SHO 82,
BRO 82]. Des données supplémentaires sont fournies dans le chapitre 3 de ce
livre.

337
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Tableau 9.3 : Coefficient de diffusion apparent moyen, Da, de différentes pâtes de ciment
avec additions minérales.

Nature du ciment (E/C = 0,5-0,6) Coefficient de diffusion apparent Da (10–12 m2/s)

Ciment Portland 5
Ciment au laitier de haut-fourneau 0,5
Ciment aux cendres volantes 1,5

L’incorporation de fumées de silice conduit aussi à une diminution du coefficient


de diffusion du même ordre de grandeur que celle provoquée par le laitier de haut
fourneau lorsque la teneur en fumées de silice est inférieure à 20 %. Par ailleurs,
comme dans le cas de la carbonatation, les CEM II aux fillers calcaires se com-
portent comme les CEM I de même classe de résistance, en ce qui concerne la dif-
fusion des chlorures.
L’ajout de produits minéraux modifie la valeur critique du seuil de dépassiva-
tion, mais surtout réduit la vitesse de pénétration des chlorures, ce qui est déter-
minant dans le développement de la corrosion. On peut cependant affirmer
qu’en ce qui concerne la période d’amorçage, la qualité du béton (faible rapport
E/C et classe de résistance du ciment élevée) a une plus grande influence que le
choix du type de ciment utilisé et que les conditions d’exposition des ouvrages
jouent un rôle majeur sur la corrosion des armatures.

5. PRÉDICTION DE LA DURÉE DE VIE DES STRUCTURES


EN BÉTON ARMÉ RELATIVEMENT À LA CORROSION
DES ARMATURES
5.1. Période d’incubation seule
5.1.1. Modèles de carbonatation
Les principaux modèles de carbonatation reposent sur l’utilisation de la première
loi de Fick. Ils se différencient les uns des autres par les paramètres pris en comp-
te, les hypothèses simplificatrices sur les mécanismes physico-chimiques, et les
conditions initiales et aux limites.
Parmi les nombreux modèles existants, il est possible d’établir des catégories dont
la finalité, et la complexité, sont différentes [THI 06b].
ˆ Les modèles empiriques
La profondeur de carbonatation dépend du temps selon une relation de la forme :
B
X c = At
avec :

338
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

Xc profondeur de carbonatation ;
A, B paramètres de calages ;
t temps.
Ces modèles ne reposent pas sur des bases physiques et nécessitent des données
de calage afin de prédire le comportement futur. Ils ne prennent pas en compte les
cycles humidification/séchage qui ont une influence non négligeable sur le niveau
de carbonatation et ont donc un intérêt prédictif limité.
ˆ Les modèles analytiques et semi-analytiques
Ces modèles considèrent la diffusion comme le facteur limitant de la réaction de
carbonatation et prennent en compte de manière simplifiée la dépendance vis-à-
vis des matériaux et des facteurs environnementaux :
X c = A ( HR, T, Rc, [ CO 2 ]… ) t
avec :
Xc profondeur de carbonatation ;
A(HR, T, Rc,[CO2]…) : fonction prenant en compte la dépendance à des fac-
teurs physiques tels que l’humidité relative, la température, la résistance à la
compression, la teneur en CO2… par l’intermédiaire de lois simplifiées ;
t temps.
Ces modèles analytiques ou semi-analytiques intègrent comme données d’entrée,
de manière directe ou indirecte, des indicateurs performantiels de durabilité phy-
sico-chimique tels que la porosité, la perméabilité, l’état hydrique et la teneur en
matières carbonatables. Ils ont l’avantage de la simplicité et d’une bonne repré-
sentativité globale des phénomènes (modélisation de la pénétration de la carbona-
tation par un front raide) mais ne peuvent pas représenter de manière fine les
réactions. Ils sont bien adaptés à une utilisation de type ingénieur qui cherche à
obtenir l’ordre de grandeur de l’évolution de la dégradation avec le temps.
Dans cette famille, on peut citer, par exemple, les modèles de Papadakis
[PAP 91], Bakker [BAK 94], Duracrete [DUR 00], Petre-Lazar [PET 01].
ˆ Les modèles numériques
Ces modèles s’attachent à décrire finement la physique des phénomènes en pre-
nant en compte notamment les transferts en milieu poreux non saturé, les équili-
bres chimiques, les cinétiques des réactions et les modifications de porosité du
matériau. Leur degré de complexité nécessite une implantation numérique consé-
quente.
La prise en compte des phénomènes physico-chimiques de façon plus exhaustive
dans les modèles permet de décrire de mieux en mieux la carbonatation des bé-
tons. Le modèle de Bary et Sellier [BAR 03], prend notamment en compte le rôle

339
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

déterminant du transport (par diffusion et convection avec l’eau liquide) du cal-


cium dans le processus de colmatage de la zone carbonatée.
Le modèle physico-chimique numérique développé par Thiery et al. [THI 04, THI
06a] est basé sur les mêmes principes. Ce modèle est bien adapté à la nouvelle ap-
proche de la durabilité (les indicateurs de durabilité qui sont des grandeurs facile-
ment mesurables figurent parmi les données d’entrée) [THI 06b]. Ses spécificités
sont les suivantes :
– prise en compte de l’évolution de la porosité au cours de la carbonatation (due
à la dissolution des produits d’hydratation et à la formation de calcite) et du taux
de saturation en eau liquide (augmentation locale lors de la carbonatation des
produits d’hydratation) ;
– prise en compte des cinétiques chimiques responsables de l’adoucissement du
« front » de carbonatation ;
– intégration du séchage du matériau (transfert de l’eau liquide décrite par la loi
de Darcy et utilisation d’une relation donnant la pression capillaire en fonction
du taux de saturation calée sur l’isotherme de désorption de vapeur d’eau expéri-
mentale du matériau) avec possibilité de décrire des cycles d’humidification/
séchage ;
– prise en compte des transferts ioniques (en assurant l’électroneutralité) ;
– prédiction du pH de la solution interstitielle.
Ces modèles sont bien adaptés à la description fine des phénomènes. Ils peuvent
toutefois requérir de gros moyens de calcul.
Tous ces modèles doivent naturellement être validés non seulement à l’aide d’es-
sais de carbonatation accélérée (première phase de validation), mais également à
partir de données in situ, les essais accélérés pouvant présenter des différences par
rapport aux phénomènes observés en carbonatation naturelle [GUI 04, BAR 06].
Enfin, on peut citer une dernière catégorie de modèles, plus restreinte, et basée sur
des approches statistiques multi-facteurs comme par exemple le modèle de Vesi-
kari [VES 00]. Ce type de modèle est difficile à mettre en œuvre car les valeurs
expérimentales manquent pour les nombreuses grandeurs d’entrée requises.
Pour une liste exhaustive des principaux paramètres pris en compte dans les dif-
férents modèles de carbonatation présentés, et d’autres modèles non détaillés ici,
le lecteur pourra se référer au guide AFGC Conception des bétons pour une durée
de vie donnée des ouvrages, tableau 16, page 114 [GUI 04].
5.1.2. Modèles de pénétration des chlorures
La plupart des modèles relatifs à la pénétration des chlorures dans le béton utili-
sent, parmi les données d’entrée, un coefficient de diffusion des ions chlorure. Les
modélisations sont basées sur la résolution des lois de Fick. On rappelle ici les

340
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

principaux éléments permettant de décrire la pénétration des chlorures dans le bé-


ton. Pour plus de détails, le lecteur pourra consulter le chapitre 3.
ˆ Coefficient de diffusion effectif des ions chlorure – Première loi de Fick
Si l’on néglige les interactions électriques entre les chlorures et les autres ions
présents, le processus de diffusion est décrit par la première loi de Fick. Si les ions
se déplacent suivant une direction perpendiculaire à la surface d’entrée dans un
milieu homogène, le flux massique unidirectionnel Je (en kg.m–2.s–1), représen-
tant la quantité d’ions se déplaçant à travers une unité de surface de béton pendant
une seconde, est donné par :
dc l
J e = D e -------
dx
avec:
De coefficient de diffusion effectif des ions chlorure dans le matériau (m2.s–1) ;
cl concentration en chlorures libres de la solution interstitielle (kg.m–3) à la pro-
fondeur x, à l’instant t.
Cette loi permet de calculer le flux massique des ions chlorure, en régime perma-
nent, associé à un gradient de concentration. Le coefficient de diffusion effectif
est fonction non seulement du matériau (composition, âge, état de carbonatation,
fissuration…), mais également des conditions environnementales (concentration
en chlorures, température…). Des relations empiriques De = f (T, [Cl–]…) ont
d’ailleurs été proposées dans la littérature [TAN 01].
ˆ Coefficient de diffusion apparent des ions chlorure – Deuxième loi de Fick
En tenant compte de la loi de conservation de la masse, on obtient la seconde loi
de Fick, qui s’écrit, lorsque le coefficient de diffusion effectif ne dépend pas de la
concentration en ions, de la façon suivante :
2
∂c l ∂ cl
------- = D a ----------
∂t ∂x
2

avec:
Da coefficient de diffusion apparent des ions chlorure dans le matériau (m2.s–1).
Cette relation est généralement utilisée pour décrire la pénétration des chlorures
par diffusion dans le béton saturé en régime non stationnaire. Dans le cas ou l’on
considère des interactions électriques entre les ions, l’équation de Nernst-Planck
peut être alors utilisée.

341
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

ˆ Relation entre coefficients de diffusion effectif et apparent des ions


chlorure
Les deux coefficients de diffusion De et Da sont liés par une relation faisant inter-
venir la pente de l’isotherme d’interactions chlorures-matrice (cm, f = f (cl)) et la
porosité du matériau :
De
D a = --------------------------
∂c m, f
p + ρ -------------
∂c l
avec :
p porosité du matériau accessible aux chlorures ;
cm, f masse de chlorures fixés par unité de masse de solide sec (kg/kg) ;
cl concentration en chlorures libres de solution, interstitielle (kg/m3) ;
ρ masse volumique apparente du matériau à l’état sec (kg/m3) ;
∂c m, f
k d = ------------
- pente de l’isotherme d’interaction chlorures/matrice (ou capacité
∂c l
de fixation ou coefficient de partage).
Avec l’hypothèse d’une capacité de fixation constante, c’est-à-dire d’une isother-
me d’interactions linéaire, kd peut être évaluée de façon simple à partir des para-
mètres de formulation [DEL 96]. Dans le cas général, l’isotherme n’étant pas
linéaire, kd n’est pas constante. La capacité de fixation peut alors être obtenue ex-
périmentalement selon les méthodes proposées par exemple par [TAN 93,
FRA 01], ou encore par calcul à partir des paramètres de formulation (voir par
exemple [PAP 00, PAP 02], où le calcul est basé sur une isotherme de Langmuir).
D’autre part, il est nécessaire de noter que l’isotherme d’interactions, et par con-
séquent la capacité de fixation, dépendent de la température. On notera en parti-
culier qu’une partie des chlorures liés à basse température peut être solubilisée
(dans la solution interstitielle du béton) lorsque la température augmente [NIL 96,
LAR 97, WOW 00].
Pour une liste exhaustive des principaux paramètres pris en compte dans les dif-
férents modèles de pénétration des chlorures présentés, ainsi que d’autres modè-
les non détaillés ici, le lecteur pourra se référer au guide AFGC, tableau 17,
pages 116-117 [GUI 04].
5.2. Prise en compte de la phase de propagation
Les modèles présentés dans le titre précédent décrivent, de manière plus ou moins
complexe, la pénétration des agents agressifs susceptibles de dépassiver les aciers

342
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

dans le béton. Ces différents modèles permettent de calculer soit la position du


front de carbonatation soit le profil de concentration en ions chlorure.
Cependant, ils ne permettent pas de traiter ni le développement de la corrosion
lorsque l’acier est dépassivé ni la perte de section des armatures correspondante.
De plus, ils n’intègrent que des aspects matériaux et non les conséquences struc-
turales de la corrosion des aciers sur une structure en béton.
Il existe, à l’heure actuelle, moins de modèles décrivant la phase de propagation
de la corrosion que de modèles de carbonatation et de pénétration des chlorures.
Comme pour les modèles d’amorçage, on peut classer les modèles de développe-
ment de la corrosion en deux familles distinctes :
ˆ Les modèles empiriques
Les approches sont basées sur des modèles de carbonatation et de pénétration des
chlorures simplifiés qui permettent de calculer un courant de corrosion. La perte
de section des aciers est ensuite calculée par intégration du courant de corrosion
au cours du temps. L’un des paramètres essentiels dans ces approches est la rela-
tion entre la perte de section et le courant de corrosion. Le courant de corrosion
est très variable d’un ouvrage à l’autre mais également sur un ouvrage en fonction
des conditions électrochimiques et de l’environnement local. Des valeurs de l’or-
dre de 1 à 10 µA/cm2 sont fréquemment rencontrées avec des maxima pouvant
atteindre les 20 µA/cm2 [GON 95]. Typiquement, pour un courant de 1µA/cm2,
on considère des pertes de sections annuelles de l’ordre de 10 à 20 µm [JON 92,
ROD 97]. La perte de section d’acier est souvent considérée comme homogène
sur le périmètre mais, dans le cas des chlorures, la corrosion par piqure peut éga-
lement être prise en compte avec une attaque non uniforme et le calcul d’une sec-
tion résiduelle [ENR 98].
Ces modèles permettent d’estimer de manière rapide l’ordre de grandeur de l’évo-
lution de la perte de section d’acier au cours du temps et de calculer ensuite l’im-
pact structural sur l’ouvrage en termes de réduction de capacité portante.
L’approche analytique ou semi-analytique est également bien adaptée à des étu-
des fiabilistes.
On peut citer dans cette catégorie de modèles les travaux de Petre-Lazar [PET 00],
Enright [ENR 98], Vu [VU 00] et Duprat [DUP 04] notamment.
ˆ Les modèles numériques
Comme pour la modélisation de la carbonatation et de la pénétration des chloru-
res, des modèles décrivant les interactions entre les différentes espèces ioniques
ainsi que les principes physiques de conservation dans les milieux non saturés
commencent à se développer.

343
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

On peut citer dans cette catégorie les travaux de Dridi [DRI 06] qui prend en
compte la diffusion, la convection et les interactions ioniques entre les différents
constituants de la phase interstitielle. La corrosion à la surface du métal est con-
trôlée par l’oxydation du fer et la réduction de l’oxygène. Ces travaux tiennent
compte de la polarisation de l’acier et des transferts de masse dans la porosité.
Ces modélisations restent aujourd’hui cantonnées au niveau du matériau et néces-
sitent encore des développements pour être appliquées au niveau de la structure.
Néanmoins, des modélisations de l’impact structural de la corrosion sur des élé-
ments de structure réels existent. On peut citer par exemple le projet national du
« Benchmark des poutres de la Rance » qui, à partir de poutres en béton armé et
précontraint ayant séjournées 40 ans dans l’estuaire de la Rance, a permis de com-
parer différentes modélisations du comportement mécanique de poutres corro-
dées. Les résultats ont montré qu’il est possible de prévoir de manière réaliste le
comportement force/déplacement de poutres corrodées sollicitées en flexion et en
traction. Les différents modèles appliqués allaient de l’approche règlementaire
analytique à la simulation des poutres par éléments finis 3D. L’impact de l’adhé-
rence acier/béton, dégradée par la corrosion, a été pris en compte dans certaines
modélisations de même que la perte de ductilité des aciers [OUG 04].
La figure 9.22 illustre le champ d’endommagement d’une poutre en béton armé,
soumise à une flexion 4 points, obtenu par simulation numérique par éléments fi-
nis [CAP 06].

gris très foncé

Premières fissures dans la zone de moment fléchissant maximal.

gris très clair

Champ d’endommagement à la fin de l’essai.

Figure 9.22 : évolution du champ d’endommagement et de la déformée d’une poutre


en béton armé corrodée sollicitée en flexion 4 points, d’après [CAP 06].
Dans ces simulations, les zones endommagées sont représentatives d’une localisation des déforma-
tions et donc de l’apparition d’une fissuration. Pour un comportement ultime (capacité portante), la ré-
duction de section par corrosion des aciers joue un rôle majeur. Les déformations atteintes seront
influencées par l’adhérence acier corrodé / béton et la ductilité réduite des aciers.

344
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

Ces différentes modélisations permettent de juger de l’impact des processus de


corrosion sur la section résiduelle des aciers au cours du temps et permettent de
prendre les mesures de maintenance adéquates pour suivre, renforcer ou rempla-
cer des éléments ou parties d’ouvrages dégradés.
5.3. Limites de la modélisation
Les développements récents de modèles permettent de représenter plus finement
les mécanismes de dégradation des ouvrages grâce à une meilleure description
des phénomènes et principes physiques élémentaires. Toutefois, ces modèles re-
quièrent des temps de calcul qui peuvent être conséquents et surtout ils exigent la
connaissance de nombreuses grandeurs d’entrée dont toutes ne sont pas mesura-
bles ce qui nécessite de procéder à des calages sur la base d’essais expérimentaux
qu’il n’est pas toujours facile de réaliser. Ces modèles requièrent également une
expertise pour être utilisés correctement dans leur domaine d’application. Pour
l’instant, ces outils sont principalement utilisés dans le cadre d’expertise excep-
tionnelle ou de recherche.
À l’inverse, les modèles analytiques ou semi-analytiques permettent des applica-
tions pratiques rapides par des ingénieurs bien formés à leur domaine d’utilisa-
tion. Il est ainsi possible de calculer les ordres de grandeur des phénomènes, de
disposer d’éléments d’aide à la décision afin de prendre les mesures qui s’impo-
sent. Le développement des approches par les risques permet de coupler non seu-
lement l’évolution des dégradations par l’intermédiaire de probabilités de
défaillance mais également les conséquences d’une défaillance éventuelle. Le
maître d’ouvrage peut alors optimiser ses coûts de maintenance par rapport à un
niveau de risque donné.
Si les modèles sont un outil important dans la gestion des ouvrages, il est deux
points qui doivent encore être améliorés :
– la prise en compte de la variabilité des caractéristiques du béton qui est un
matériau hétérogène. L’approche probabiliste permet de prendre en compte cet
aléa. Le corollaire de toute analyse fiabiliste est de disposer de données statisti-
ques suffisantes pour des études réalistes ;
– les modèles sont généralement développés en considérant le matériau comme
non fissuré ce qui est rarement le cas (fissures de retrait au jeune âge ou de des-
siccation, fissuration fonctionnelle du béton armé dans les zones tendues,…). La
présence de cette fissuration va influencer les processus de transport des agents
agressifs de l’extérieur vers l’intérieur du béton avec des conséquences sur la
cinétique de transfert. Le diagramme de la figure 9.3 en deux phases (incubation,
propagation) peut alors se trouver modifié de façon conséquente suivant le cas
[FRA 94] (figure 9.23). Selon que la fissure est traversante ou non (figure 9.24),

345
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

la cinétique de dégradation peut être extrêmement rapide (fissures larges), ou


peu différente d’un béton fissuré si les fissures se colmatent. Il existe très peu
d’études permettant de quantifier l’impact de la fissuration et ceci d’autant moins
que les fissures sont traversantes.

Durées de vie
selon l'état de fissuration
Corrosion

de l'élément de structure

inacceptable
Niveau
nte

uré
rsa

iss
ve

nf
tra

no
on

ton
faç


de

rsante

non trave
su

de façon
fis

suré
Béton fis
ton

Temps

Amorçage Propagation

Incubation Phase dormante

Figure 9.23 : comparaison entre les processus de corrosion du béton armé fissuré
et non-fissuré [FRA 94].
La fissuration du béton modifie le schéma classique de la corrosion (phase d’incubation et de propa-
gation). Une fissure traversant un élément en béton armé permet un démarrage plus rapide des dé-
gradations alors qu’une fissure non traversante va se colmater (débris, produits de corrosion) avec le
temps et l’accélération des désordres est moindre que dans le cas d’une fissure traversante.

L’impact de la fissuration sur le développement des processus de corrosion est


encore mal connu mais d’une grande importance dans le développement des
phénomènes.
Selon le type de fissuration (fissuration partant de l’acier, éclatement, délamina-
tion) (figure 9.25). les propriétés de transfert et le développement de la corrosion
seront modifiées de manière différente.

346
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

Effets climatiques
Effets (température, Attaque chimique
Eau mécaniques humidité) et biologique
Surface du béton
Béton dégradé
par carbonatation
et chlorures

Corrosion Béton d'enrobage


Armature

Béton sain

Zone fissurée Béton non fissuré

Figure 9.24 : influence de la fissuration sur la dégradation du béton armé [LAU 99].
Une fissuration d’origine mécanique accélère la pénétration des agents agressifs au niveau de la fis-
sure mais également dans les zones avoisinantes (microfissuration). La période d’incubation diminue
donc par un développement plus rapide de la carbonatation et de la pénétration des chlorures.

FISSURATIONS

Armature en acier
ÉCLATEMENTS

Armature en acier
DÉLAMINATION

Armature en acier

Figure 9.25 : représentation schématique de différents types de fissuration [NEV 00].


Selon la résistance du béton, l’enrobage, le diamètre et l’espacement des armatures, différents faciès
de fissuration résultent de la corrosion des aciers du béton armé.

347
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

6. NOTION D’ÉTATS LIMITES ET DE DURÉE DE VIE


En général, lorsque l’on parle de durée de vie d’un ouvrage, on considère la pé-
riode durant laquelle la structure assure son niveau de service requis sous charge-
ment normal et avec une maintenance courante (on ne considère ici que les
éléments structuraux).
Nous avons vu au début de ce chapitre que la dégradation des ouvrages en béton
par la corrosion peut être décrite selon deux étapes : la période d’incubation puis
la période de propagation. Généralement, la durée de vie des ouvrages est définie
comme étant égale à la période d’incubation. C’est une approche sécuritaire (con-
servative) car lorsque la phase de propagation démarre avec les premiers sites cor-
rodés, la structure possède encore une marge de sécurité importante.
Cette durée de vie est donc à considérer comme la fin de vie « nominale » de
l’ouvrage sachant que celui-ci est calculé avec des marges de sécurité (approches
semi-probabilistes des règlements aux états limites modernes). Après la phase
d’incubation, on peut distinguer deux états limites de durabilité :
– états limites de service (ELS) de durabilité : les conséquences d’un dépasse-
ment de cet état limite sont en général uniquement économiques (perte financière
due à une interruption de service temporaire de la structure, coûts de remise en
fonctionnement) ;
– états limites ultimes (ELU) de durabilité : les conséquences d’un dépassement
de cet état limite peuvent être graves vis-à-vis de la sécurité (chutes de morceaux
de béton, perte de capacité portante qui peuvent mettre en danger les usagers de
l’ouvrage).
N.B. Contrairement aux états limites qui concernent le dimensionnement, les deux
états limites définis ici n’existent pas dans les textes normatifs.
Les variabilités intrinsèques aux matériaux, à l’environnement et aux sollicita-
tions ne permettent pas de définir de manière déterministe des durées de vie
exactes.
Les approches retenues sont basées sur la prise en compte de l’aléa par l’intermé-
diaire de différentes variables et elles permettent de définir ainsi une durée de vie
probable avec une sécurité donnée.
6.1. Témoins de durée de vie
La durée de vie probable est généralement estimée dans les études par rapport à
l’ELS de durabilité. Parmi les exemples figurant dans la littérature, on peut citer
l’approche du projet « Brite Duracrete » [SCH 97, GEH 99, DUR 00b, DUR 00c]
et celle de Vesikari [VES 00] à titre d’illustration.

348
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

Pour concevoir une structure durable avec ces approches probabilistes, il est né-
cessaire de définir :
– un modèle de conception qui prenne en compte les modèles de dégradation des
matériaux, pour décrire l’évolution dans le temps de la résistance de la structure
et de la sollicitation appliquée par l’environnement ;
– des états limites bien identifiés par des critères ;
– la probabilité de défaillance maximale acceptable, associée à l’état limite iden-
tifié précédemment et définie par le maître d’ouvrage ;
– la durée de vie minimale exigée par le maître d’ouvrage pour une probabilité
de défaillance donnée.
En ce qui concerne les structures en béton armé, il est possible de définir des états-
limites de durabilité pour chacun des désordres liés à la corrosion des armatures
(dépassivation, fissuration, éclatement…). Les états limites de service suivants
peuvent être considérés :
– ELS 1 : dépassivation des armatures due à une carbonatation du béton ou à une
pénétration des chlorures (frontière entre périodes d’incubation et de propaga-
tion) ;
– ELS 2 : apparition des premières fissures dues à la formation de produits de
corrosion ;
– ELS 3 : éclatement du béton en parement (si la chute de pièces en béton
n’induit pas la mise en danger de l’usager).
Habituellement, c’est l’ELS 1 qui est considéré comme état limite car la modéli-
sation de la fissuration du béton due à la corrosion est complexe à modéliser.
La durée de vie par rapport à la corrosion des aciers peut alors être définie comme
le temps nécessaire pour que l’ELS1 soit atteint :
– environnement sans chlorure : temps mis pour que la profondeur de carbonata-
tion soit égale à l’enrobage ;
– en présence de chlorures : temps mis pour que la concentration en chlorures
libres [Cl–libres] atteigne une concentration critique [Cl–libres]crit au niveau du
premier lit d’armatures.
Les témoins de durée de vie associés sont [BAR 04b, GUI 04] :
– environnement sans chlorure : profondeur de carbonatation (i.e. zone où pH 9)
et évolution en fonction du temps (cinétique), ou évolution du profil de teneur en
CaCO3 (ou en Ca(OH)2 résiduelle) en fonction du temps ;
– en présence de chlorures : profondeur de pénétration des chlorures (i.e. zone où
[Cllibres] ≥ [Cllibres]crit) et évolution en fonction du temps (cinétique), ou évolu-
tion du profil de [Cllibres] en fonction du temps.

349
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

6.2. Intérêt des approches probabilistes comme un outil


complémentaire
Contrairement à l’approche déterministe où les valeurs représentatives des varia-
bles sont modélisées par des valeurs uniques (les moyennes), l’approche probabi-
liste prend en compte la variabilité des phénomènes en représentant une variable
par la loi de distribution de ses valeurs possibles (densité de probabilité des varia-
bles aléatoires).
Dans le contexte probabiliste, un dimensionnement est acceptable si la probabilité
de ruine, ou de défaillance, Pf, par rapport à un critère d’état limite, est inférieure
à une valeur cible définissant le risque admissible (Pfcible). Si R et S représentent
respectivement la résistance et la sollicitation d’un élément de structure, la dé-
faillance de l’élément est liée au dépassement de la résistance par la sollicitation.
La probabilité Pf de l’événement (R ≤ S) et la quantification de la sécurité s’écri-
vent alors :
Pf = Prob (R ≤ S) ≤ Pfcible
La valeur de la probabilité cible (risque de défaillance acceptable) peut dépendre
de nombreux facteurs tels que :
– la durée de vie escomptée de l’ouvrage ;
– les conséquences engendrées par la ruine de l’ouvrage ;
– les risques liés au vieillissement ;
– les critères économiques (valeur de remplacement, coût d’entretien…).
Bien qu’étant plus riche qu’une approche globale, une approche probabiliste con-
duit à de nombreuses difficultés car il faut analyser toutes les sources possibles
d’incertitude qui peuvent être très diverses. Dans le cas des témoins de durée de
vie définis précédemment, l’approche probabiliste consiste à calculer, par exem-
ple :
– sans chlorures, la probabilité que le front de carbonatation Xc soit supérieur à
l’enrobage du béton d:
Pf = Prob (d ≤ Xc)
– avec chlorures, la probabilité que la concentration en chlorure libres au niveau
des aciers [Cllibres], soit supérieure à la concentration critique ([Cllibres]crit) :
Pf = Prob ([Cllibres]crit ≤ [Cllibres])
Une fonction d’état limite est une relation entre les différentes variables aléatoires
du problème et sur laquelle on peut définir un critère d’état limite, un seuil, par
rapport auquel on va calculer la probabilité de défaillance. La fonction d’état li-
mite, Z, la plus simple peut se définir de la manière suivante :
Z=R–S

350
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

La probabilité de défaillance s’écrit alors :


Pf = Prob (Z ≤ 0) ≤ Pfcible
Z étant une variable aléatoire qui dépend des densités de probabilités marginales
de R et S, on peut calculer sa moyenne µZ et son écart type σZ. Par définition, on
appelle indice de fiabilité β, le rapport entre µZ et σZ :
μ
β = -----z
σz
L’indice de fiabilité β est relié à la probabilité de défaillance Pf par la fonction de
répartition de la loi normale centrée réduite Φ :
Pf = Φ(– β)
Pf et β évoluent en sens inverse : plus la probabilité de défaillance est faible, plus
l’indice de sécurité est grand et réciproquement.
Un facteur important dans l’évaluation de la durée de vie d’une structure est alors
la définition de l’indice de fiabilité visé au bout du temps T (durée de vie exigée
par le maître d’ouvrage) : βELS,T. Dans les normes européennes, une valeur de 1,5
est proposée pour cet indice de fiabilité admissible sans préciser l’état limite de
service (ELS 1, ELS 2 ou ELS 3). Cet indice de fiabilité correspond à une proba-
bilité de défaillance de l’ordre de 0,07.
La figure 9.26 illustre le processus de calcul fiabiliste par rapport à une sécurité
donnée à un temps donné. Si l’on considère les valeurs moyennes, il y aura dé-
faillance au bout du temps tm (la sollicitation S devient alors supérieure à la résis-
tance R). Si l’on vise une durée de vie tk, avec une probabilité de défaillance
donnée (zone hachurée), la structure est défaillante au temps t2 et admissible au
temps t1.
Les approches probabilistes sont des outils puissants qui permettent de mieux ap-
préhender le comportement d’un ouvrage en prenant en compte les aléas inhérents
aux matériaux du génie civil et à l’environnement. Ces approches doivent être
couplées avec des données fiables pour alimenter les modèles de manière robuste.
En complément à ces méthodes, des techniques d’actualisation, basées sur les ré-
seaux bayésiens notamment, permettent d’actualiser les modèles en fonction de
la quantité et de la qualité des données disponibles au cours du temps [CAP 06].

351
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Valeurs moyennes
de R (t) et S (t)
Densités de probabilité
des fonctions R (t) et S (t)

R (t) fR (t1)

fR (t2)

S (t)
fs (t2)
fs (t1)
Densité de probabilité
conjointe fR,s (t)

t1 tk t2 tm Temps d'exposition
Durée de vie Durée de vie
visée moyenne

Figure 9.26 : évaluation probabiliste de la durée de vie d’un ouvrage.


La durée de vie moyenne d’un ouvrage tm est atteinte lorsque la sollicitation moyenne au cours du
temps S(t) est égale à la résistance moyenne R(t). Ces variables étant généralement aléatoires, on
calcule la probabilité P que S(t) soit supérieure à R(t), P(S(t) > R(t)). On calcule alors la durée de vie
visée de l’ouvrage, tk, en définissant une valeur acceptable de P.

6.3. Liens avec l’approche performantielle. Indicateurs de durabilité


Sur les ouvrages, les deux principaux facteurs conduisant à une dépassivation rapi-
de des armatures (induite par la carbonatation ou la pénétration des chlorures) sont
une porosité excessive du matériau en zone superficielle et/ou un enrobage insuffi-
sant. La porosité excessive du béton est liée à une mauvaise composition, à une te-
neur en eau de gâchage excédentaire, à une vibration incorrecte à la mise en œuvre,
ou encore à une dessiccation importante du béton après décoffrage trop rapide. La
forte porosité confère au matériau une perméabilité et une diffusivité élevées, favo-
risant la pénétration du gaz carbonique ou des ions chlorure. L’insuffisance de l’en-
robage est attribuable soit au non-respect des plans d’exécution, soit à un mauvais
calage des armatures à la mise en œuvre. La réduction de l’enrobage entraîne une
réduction du temps de dépassivation du premier lit d’armatures. Ainsi, les étapes de
conception (formulation, renforts) et de mise en œuvre (fabrication, vibration, cure,
conditions hygrothermiques au jeune âge, respect des enrobages) sont déterminan-
tes pour la durabilité de l’ouvrage vis-à-vis de la corrosion des armatures.
Ces différents paramètres sont, par nature, aléatoires et se prêtent donc à une ana-
lyse fiabiliste telle que décrite précédemment et qui est à la base des codes de
construction actuels. Toutefois, ces approches qui font encore l’objet de recher-
ches, nécessitent des compétences et des moyens de calcul qui ne sont pas tou-
jours disponibles pour la conception.

352
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

L’approche performantielle, [GUI 04, BAR 06], est une voie nouvelle par rapport à
l’approche classique de la durabilité des structures qui considère uniquement la ré-
sistance à la compression mécanique du béton comme indicateur de la durabilité.
Afin d’aider le concepteur, des spécifications-types pour le matériau béton peuvent
être proposées pour différents types d’environnement et différentes valeurs de durée
de vie visée. L’approche performantielle permet de définir des indicateurs perti-
nents, avec leurs valeurs limites, pour différents types d’environnement. À terme,
cette approche pourra être intégrée dans des approches de type probabiliste.
Les spécifications types proposées dans le guide AFGC [GUI 04] pour la durabi-
lité vis-à-vis de la corrosion des armatures induite par la carbonatation ou par les
chlorures sont basées sur les classes d’exposition proposées dans l’EN 206-1
[EN 00] (voir paragraphe 7) et l’Eurocode 2 et sur les enrobages minimaux impo-
sés par les règlements français et européen. Les différents types d’environnement
retenus sont définis comme suit à partir des classes d’expositions.
Type d’environnement
1 : X0 et X1 ; 2 : XC2 ; 3: XC3 ; 4 : XC4 ; 5 : XS1, XD1, XD3 ; 6 : XS2 et XD2 ;7 : XS3
X0 : aucun risque de corrosion, ni d’attaque ;
XC1 à XC4 : corrosion induite par carbonatation ;
XD1 à XD3 : corrosion induite par les chlorures ayant une origine autre que marine ;
XS1 à XS3 : corrosion induite par les chlorures présents dans l’eau de mer.
Différents niveaux d’exigence (1 à 5) sont définis en tenant compte de la durée de
vie exigée et de la catégorie de l’ouvrage. Enfin, des valeurs limites concernant
les quatre indicateurs pertinents pour la corrosion sont données :
– Peau porosité à l’eau du béton ;
– Dapp(mig) coefficient de diffusion apparent des ions chlorure par essai de
migration électrique ;
– kgaz perméabilité au gaz ;
– kliq perméabilité à l’eau.
Les spécifications ont été établies sur la base de données expérimentales et ont été
vérifiées par des simulations numériques effectuées à l’aide de modèles empiri-
ques (approche déterministe ou probabiliste) et physiques. Les spécifications cor-
respondent à des mesures réalisées selon les méthodes décrites dans le guide
AFGC [GUI 04] sur des éprouvettes conservées dans l’eau pendant 3 mois au plus
après le coulage. Les spécifications types proposées se présentent sous la forme
de tableau (carbonatation cf. tableau 9.4 et chlorures cf. tableau 9.5). Pour chaque
niveau d’exigence (par exemple, la durée de vie) et pour chaque type d’environ-
nement, une série d’indicateurs doit être quantifiée et des critères doivent être sa-
tisfaits [GUI 04, BAR 06]. Ces spécifications permettent de garantir des durées
de vie (par exemple 30, 50, 100, 120 ans ou plus) pour les ouvrages en béton, sur
la base de 1, 2, 3 ou 4 grandeurs physiques mesurées.

353
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Tableau 9.4 : indicateurs de durabilité et valeurs limites proposées en fonction du type


d’environnement et de la durée de vie exigée [GUI 04].
Cas de l’amorçage de la corrosion par carbonatation.
Peau est donnée en %, Da(mig) est donné en 10-12 m2.s–1,
kgaz (à s=0 et à Pentrée = 0,2 MPa) est donnée en 10-18 m2 et kliq est donnée en 10–18 m2

Corrosion induite par carbonatation (e = 30 mm)


Type d’environnement 1 2 3 4
Sec et très sec
Durée de vie exigée
(HR < 65 %) Humide Modérément humide Cycles fréquents
Catégorie d’ouvrage
ou humide en (HR > 80 %) (65 < HR < 80 %) d’humidification/séchage
Niveau d’exigence
permanence
< 30 ans
peau < 16 peau < 16 peau < 15 peau < 16
Niveau 1
De 30 à 50 ans
Bâtiment peau < 16 peau < 16 peau < 14 (5) peau < 14 (6)
Niveau 2
De 50 à 100 ans
Bâtiment et ouvrages peau < 12 (7) peau < 12 (7)
peau < 14 (6) peau < 14 (6)
de génie civil kgaz < 100 (8) kliq < 0,1 (9)
Niveau 3
De 100 à 120 ans peau < 12 peau < 12 peau < 9
peau < 9
Grands ouvrages kgaz < 10
Niveau 4 kgaz < 100 kgaz < 100 kgaz < 10 (4)
kliq < 0,01

> 120 ans peau < 9


peau < 9
Ouvrages dits peau < 9 peau < 9 Da(mig) < 1
kgaz < 10
exceptionnels kgaz < 10 kliq < 0,01 kgaz < 10
kliq < 0,01
Niveau 5 kliq < 0,01

Durabilité potentielle faible


Durabilité potentielle moyenne
Durabilité potentielle élevée
Durabilité potentielle très élevée

(1) concentration en chlorures libres à la surface ≤ 10 g.L–1


(2) Concentration en chlorures libres à la surface ≥ 100 g.L–1
(3) alternative : kgaz < 100.10–18 m2
(4) alternative : kliq < 0,01.10–18 m2
(5) alternative : p < 15 % et [Ca(OH)2] ≥ 25 %
(6) alternative : p < 16 % et [Ca(OH)2] ≥ 25 %
(7) alternative : p < 14 % et [Ca(OH)2] ≥ 25 %
(8) alternative : kgaz < 300.10–18m2 et [Ca(OH)2] ≥ 25 %
(9) alternatives : a) kgaz < 100.10–18m2 ; b) kgaz < 300.10–18 m2 et [Ca(OH)2] ≥ 25 %

354
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

Tableau 9.5 : indicateurs de durabilité et valeurs limites proposées en fonction du type


d’environnement et de la durée de vie exigée [GUI 04].
Cas de l’amorçage de la corrosion par les chlorures.
Peau est donnée en %, Da(mig) est donné en 10-12 m2.s–1,
kgaz (à s=0 et à Pentrée = 0,2 MPa) est donnée en 10-18 m2 et kliq est donnée en 10–18 m2
Corrosion induite par les chlorures (e = 50 mm)
Type d’environnement 5 6 7
Exposition aux sels marins
Durée de vie exigée ou de déverglaçage Immersion dans l’eau
Catégorie d’ouvrage Zone de marnage
5.1 5.2 contenant des chlorures
Niveau d’exigence
[Cl–] faible(1) [Cl–] forte(2)
< 30 ans
peau < 16 peau < 14 peau < 15 peau < 14
Niveau 1
De 30 à 50 ans
Bâtiment peau < 15 peau < 11 peau < 13 peau < 11
Niveau 2
De 50 à 100 ans peau < 11 peau < 11
Bâtiment et ouvrages Da(mig) < 2 peau < 13 Da(mig) < 3
peau < 14
de génie civil Da(mig) < 7
Niveau 3 kliq < 0,1 (3) kliq < 0,1 (3)
peau < 12 peau < 9 peau < 10
De 100 à 120 ans Da(mig) < 20 Da(mig) < 1 peau < 12 Da(mig) < 2
Grands ouvrages
kgaz < 10 Da(mig) < 5 kgaz < 100
Niveau 4
kliq < 0,1 (3) kliq < 0,1 kliq < 0,05

> 120 ans peau < 9 peau < 9 peau < 9


Ouvrages dits Da(mig) < 20 Da(mig) < 1 peau < 9 Da(mig) < 20
exceptionnels kgaz < 10 kgaz < 10 Da(mig) < 1 kgaz < 10
Niveau 5 kliq < 0,01 kliq < 0,01 kliq < 0,01

Durabilité potentielle faible


Durabilité potentielle moyenne
Durabilité potentielle élevée
Durabilité potentielle très élevée

(1) concentration en chlorures libres à la surface ≤ 10 g.L–1


(2) Concentration en chlorures libres à la surface ≥ 100 g.L–1
(3) alternative : kgaz < 100.10–1 8m2
(4) alternative : kliq < 0,01.10–18 m2
(5) alternative : p < 15 % et [Ca(OH)2] ≥ 25 %
(6) alternative : p < 16 % et [Ca(OH)2] ≥ 25 %
(7) alternative : p < 14 % et [Ca(OH)2] ≥ 25 %
(8) alternative : kgaz < 300.10–18 m2 et [Ca(OH)2] ≥ 25 %
(9) alternatives : a) kgaz < 100.10–1 8m2 ; b) kgaz < 300.10–18 m2 et [Ca(OH)2] ≥ 25 %

355
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

7. RECOMMANDATIONS ET ASPECTS NORMATIFS


OU RÉGLEMENTAIRES
7.1. Classes d’exposition selon la norme NF EN 206-1
La norme NF EN 206-1 Béton, partie 1 « Spécifications, performances, produc-
tion et conformité » définit des classes d’exposition des matériaux en fonction de
leur environnement [EN 00]. En ce qui concerne la corrosion des armatures, les
grandes classes suivantes sont définies :
X0 : aucun risque de corrosion, ni d’attaque,
XC1 à XC4 : corrosion induite par carbonatation, le risque étant croissant de 1
à4;
XS1 à XS3 : corrosion induite par les chlorures présents dans l’eau de mer ;
XD1 à XD3 : corrosion induite par les chlorures ayant une origine autre que ma-
rine ;
XF1 à XF4 : attaque gel-dégel avec ou sans agent de déverglaçage.
À chacune de ces classes correspondent des dispositions constructives dans
l’Eurocode 2 Design of concrete structures (par exemple, ouverture limite des fis-
sures selon la classe d’exposition), et des spécifications sur la composition du bé-
ton dans la norme NF EN 206-1 (tableau NA.F.1).
Par exemple, pour un béton soumis à un environnement de classe XS31, la norme
indique que :
– le rapport Eeff/liant équivalent doit être inférieur à 0,50 ;
– la classe du béton doit être au moins C35/45 ;
– la teneur minimale en liant équivalent est 350 kg/m3.
Un point important qu’il convient de souligner est que si, dans des cas simples,
la résistance mécanique du béton est un facteur favorable vis-à-vis de la durabi-
lité, ce n’est pas un facteur suffisant. Ainsi, deux bétons de résistance mécanique
équivalente pourront avoir une durabilité potentielle vis-à-vis de la corrosion
des armatures très différente [HOU 98, BAR 04a, BAR 06].
Le tableau NA.F.1 de la norme NF EN 206-1montre qu’il faut prendre en compte
l’aspect durabilité dès la formulation du béton. Ceci peut se faire en formulant un
béton qui respecte les données figurant dans le tableau. Cette première approche
prescriptive revient à imposer des moyens d’atteindre la durabilité vis-à-vis de la
corrosion des armatures dans un environnement donné. L’autre démarche consis-

1. La classe d'exposition XS3 correspond au cas des bétons contenant une armature ou des pièces
métalliques noyées, soumis au contact des chlorures présents dans l’eau de mer en zone de mar-
nage ou à l’action de l’air véhiculant du sel marin ou en zone soumise à des projections de sels.

356
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

te à définir explicitement dans le cahier des charges des critères de durabilité à


respecter, basés cette fois sur des indicateurs de durabilité [GUI 04, BAR 06].
Cette deuxième approche est détaillée au chapitre 8.
7.2. Épaisseur d’enrobage – Spécifications selon BAEL 99
et Eurocode 2
L’épaisseur de l’enrobage est un élément essentiel de la protection des aciers vis-
à-vis de la corrosion. Les règlements actuels, le BAEL 99 [BAE 99] et l’Eurocode
2 [EN1 04] appelé à le supplanter dans les années à venir, prescrivent des valeurs
minimales d’enrobage à respecter mais selon des philosophies très différentes.
7.2.1. BAEL 99
Le BAEL 99, article A.7.1, fixe les dispositions constructives relatives à la pro-
tection des armatures par l’enrobage du béton. Des valeurs minimales d’enrobage
sont prescrites selon trois classes de conditions d’exposition (voir tableau 9.6).
Tableau 9.6 : épaisseurs minimales d’enrobage des armatures à respecter
en fonction des conditions d’exposition selon le BAEL 99.

Épaisseur minimale d’enrobage des armatures


Conditions d’environnement
(en cm)

Environnement sec pour intérieur de locaux 1

Environnement humide et agressif pour ouvrages


3 ou 2, si la résistance caractéristique du
exposés aux intempéries, condensations
béton est supérieure à 40 MPa
et en contact avec les liquides

Environnement très agressif pour exposition à la


5 ou 3, si les armatures sont protégées
mer, aux embruns, brouillards salins, fondants
par un procédé efficace
et en atmosphère chimiquement agressive

Outre des valeurs minimales d’enrobage, le BAEL prescrit également, de manière


indirecte, une limitation de l’ouverture des fissures de fonctionnement dans les
zones tendues du béton armé qui peuvent augmenter la pénétration des agents
agressifs. Les études concernant la fissuration superficielle fonctionnelle du béton
armé n’ont pas révélé une aggravation déterminante de la corrosion lorsque la lar-
geur de fissure n’excède pas 0,4 mm en l’absence de chlorures (phénomène de
colmatage de la fissure). En revanche, dans le cas d’exposition au gel, aux sels de
déverglaçage et en atmosphère marine, l’ouverture des fissures doit être limitée.
Le BAEL 99 traite des « règles » d’ouverture de fissure par le biais de spécifica-
tions techniques de ferraillage, en fonction du niveau d’agressivité du milieu. Le
règlement distingue trois cas possibles de « nocivité » pour la pièce ferraillée :
– une fissuration peu nuisible ;

357
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

– une fissuration préjudiciable ;


– une fissuration très préjudiciable.
Dans le cas de la fissuration peu nuisible, toute liberté est laissée au concepteur
sur la valeur de la contrainte de travail de l’acier. Cependant, le règlement préco-
nise (article 4.5.31) de ne pas utiliser le taux de contrainte maximal de l’acier
autorisé par la valeur garantie de la limite d’élasticité. En outre, il attire l’attention
sur la présence d’armatures de peau, qui font souvent défaut afin, de concevoir
des éléments non fragiles.
Lorsque la fissuration est préjudiciable (article 4.5.33), la contrainte de travail de
l’acier dépend de sa limite d’élasticité caractéristique fe, de la résistance caracté-
ristique à la traction du béton ftj et d’un coefficient de fissuration η qui représente
une valeur caractéristique pour chaque type d’armature (η = 1,6 pour les armatu-
res haute adhérence et 1 pour les ronds lisses). La contrainte de traction des aciers
σs est alors limitée à la valeur ξ par l’expression :

⎧ 2
--- f e
⎪ 3

σ s ≤ ξ = min ⎨ 0 ,5f e avec ξ, fe et ftj en MPa
⎪ max ⎧
⎪ ⎨
⎩ ⎩ 110 ηf tj

Pour une fissuration très préjudiciable (article 4.5.34), les conditions de travail de
l’acier sont plus sévères :
σ s ≤ 0 ,8ξ
D’autres spécifications concernent également l’écartement maximal des fers pour
des éléments minces (dalles et voiles).
7.2.2. Eurocode 2
Dans le cadre de l’Eurocode 2, les classes d’exposition sont définies conformé-
ment à la classification de l’EN 206-1. Les valeurs minimales d’enrobage, don-
nées dans le tableau 9.7, sont liées aux classes d’exposition et à la classe
structurale de l’ouvrage (définie dans l’annexe nationale).
L’enrobage nominal Cnom est égal à un enrobage minimal Cmin additionné d’une
marge pour tolérances d’exécution ΔCdev :
Cnom = Cmin + ΔCdev

358
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

C min, b
C min = max C min, dur + ΔC dur, y – ΔC dur, st – ΔC dur, add
10 mm
avec :
ΔCdev marge pour tolérances d’exécution : valeur recommandée 10 mm. Cette
valeur peut être réduite si un contrôle qualité de l’enrobage est effectué ou dans
la cadre de la préfabrication ;
Cmin,b enrobage minimal vis-à-vis des exigences d’adhérence : diamètre de la
barre ; dans le cas d’une armature individuelle ou diamètre équivalent dans le
cas d’un paquet ;
Cmin,dur enrobage minimal vis-à-vis des conditions d’environnement ;
ΔCdur,y marge de sécurité : 0 mm en général ;
ΔCdur,st réduction d’enrobage dans le cas de l’acier inoxydable : 0 mm si pas de
précision supplémentaire ;
ΔCdur,add réduction d’enrobage dans le cas d’une protection supplémentaire :
0 mm si pas de précision supplémentaire ;
La valeur de Cmin,dur dépend de la classe structurale et de la classe d’exposition
de l’ouvrage :
Tableau 9.7 : valeurs de Cmin,dur requis vis-à-vis de la durabilité
dans le cas des armatures de béton armé.

Classe Classe d’exposition


structurale X0 XC1 XC2/XC3 XC4 XD1/XS1 XD2/XS2 XD3/XS3

S1 10 15 25 30 35 40

S2 15 25 30 35 40 45
S3 Sans 20 30 35 40 45 50

S4 objet 25 35 40 45 50 55

S5 30 40 45 50 55 60

S6 35 45 50 55 60 65

La classe structurale recommandée (durée d’utilisation de 50 ans) est la classe S4.


La classe structurale minimale est la classe S1. Le tableau 9.8 fournit des modu-
lations de classe structurale selon différents critères.

359
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Tableau 9.8 : Modulations de la classification structurale, annexe nationale à l’EC.

Classe d’exposition
Critère
X0 XC1 XC2/XC3 XC4 XD1/XS1 XD2/XS2 XD3 /XS3

Durée
d’utilisation 100 ans : majoration de 2 classes
de projet
de 100 ans 25 ans et moins : minoration d’1 classe

≥ C30/37 ≥ C35/45 ≥ C40/50 ≥ C45/55


minoration minoration minoration minoration
Classe de de 1 classe de 1 classe de 1 classe de 1 classe
résistance (1) ≥ C50/60 ≥ C55/67 ≥ C60/75 ≥ C60/75 ≥ C70/85
minoration minoration minoration minoration minoration
de 2 classes de 2 classes de 2 classes de 2 classes de 2 classes

≥ C35/45 à ≥ C35/45 à ≥ C40/50 à


base de CEM I base de CEM I base de CEM I
Nature sans cendres sans cendres sans cendres
du liant volantes : volantes : volantes :
minoration minoration minoration
de 1 classe de 1classe de 1classe

Enrobage minoration
compact (2) de 1 classe

(1) Par souci de simplicité, la classe de résistance joue ici le rôle d’un indicateur de durabilité. Il
peut être judicieux d’adopter, sur la base d’indicateurs de durabilité plus fondamentaux et des
valeurs de seuil associées, une justification spécifique de la classe structurale adoptée, en se réfé-
rant utilement au guide AFGC Conception des bétons pour une durée de vie donnée des ouvrages,
ou à des documents normatifs reposant sur les mêmes principes.
(2) Ce critère s’applique dans les éléments pour lesquels une bonne compacité des enrobages peut
être garantie :
– face coffrée des éléments plans (assimilables à des dalles, éventuellement nervurées), coulés
horizontalement sur coffrages industriels ;
– éléments préfabriqués industriellement : éléments extrudés ou filés, ou faces coffrées des élé-
ments coulés dans des coffrages métalliques ;
– sous face des dalles de pont, éventuellement nervurées, sous réserve de l’accessibilité du fond de
coffrage aux dispositifs de vibration.

Le plus grand changement entre le BAEL 99 et l’Eurocode 2 concerne la limita-


tion de la fissuration. De manière similaire, à l’état limite de service, la contrainte
limite de traction est limitée à une valeur maximale (0,8fe dans le cas général)
mais à cette valeur s’ajoutent des conditions spécifiques sur la limitation de la fis-
suration qui ne doit pas porter préjudice au bon fonctionnement, à la durabilité ou
à l’aspect de l’ouvrage. L’EC2 permet aussi d’optimiser la valeur de l’enrobage
en fonction de la classe de résistance du béton et de la durée de vie de l’ouvrage,

360
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

en considérant chaque partie d’ouvrage en fonction de la combinaison des classes


d’expositions auxquelles elles sont soumises.
L’Eurocode ne traite que de la fissuration fonctionnelle du béton armé due à des
sollicitations de flexion, de traction, d’effort tranchant, de torsion et pas de celle
consécutive à des retraits ou réactions chimiques expansives.
Une valeur limite d’ouverture de fissure wmax est admise selon la classe d’expo-
sition de l’ouvrage (tableau 9.9) :
Tableau 9.9 : valeurs recommandées de l’ouverture maximale de fissure du béton armé
wmax(1) (mm).

Éléments en béton armé et éléments


Éléments en béton précontraint
Classe d’exposition en béton précontraint sans armatures
avec armatures adhérentes
adhérentes

Combinaison quasi-permanente Combinaison fréquente


des charges des charges

X0, XC1 0,4 (2) 0,2 (2)

XC2, XC3, XC4 0,3 (3) 0,2

XD1, XD2, XD3,


0,2 Décompression
XS1,XS2, XS3

(1) L’attention est attirée sur le fait que wmax est une valeur conventionnelle servant pour le calcul.
(2) Sauf demande spécifique des Documents Particuliers du Marché, la maîtrise de la fissuration
est supposée assurée par les dispositions constructives, le calcul de wmax n’est alors pas requis.
(3) Dans le cas des bâtiments des catégories d’usage A à D (voir NF EN 1991-1-1), sauf demande
spécifique des documents particuliers du marché, la maîtrise de la fissuration est supposée assurée
par les dispositions constructives minimales, le calcul de wmax n’est alors pas requis.
En fonction de l’ouverture maximale de fissure recommandée, la norme
NF EN 1992-1-1 permet de déterminer le diamètre des barres qui correspond à
une contrainte donnée dans l’acier, et permet d’en déduire l’espacement maximal
des barres.

8. DIAGNOSTIC DE LA CORROSION
Le diagnostic de l’activité de corrosion des armatures dans le béton peut se dé-
composer en plusieurs niveaux d’objectifs [GUI 03] :
– déceler l’activité de corrosion et évaluer son intensité ;
– identifier l’origine de la corrosion : carbonatation, chlorures (internes ou exter-
nes) ;
– évaluer l’étendue spatiale des désordres observés ou mesurés ;
– prédire l’évolution probable dans le temps et dans l’espace ;

361
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

– estimer les risques sur la sécurité des ouvrages et des personnes ;


– définir des actions de maintenance adaptées.
De façon très générale, le risque et la cinétique de corrosion, le type de désordres,
leur étendue spatiale et leur intensité sont liés à des facteurs assez clairement iden-
tifiés :
– épaisseur du béton d’enrobage ;
– qualité du béton d’enrobage qui constitue l’électrolyte du système électrochi-
mique (propriétés de transfert, fissuration, état de carbonatation) ;
– environnement et exposition de la structure aux facteurs pathogènes : dioxyde
de carbone, chlorures, humidité, température.
Les techniques d’investigations permettant de déceler et caractériser l’activité de
corrosion des armatures sont diverses de par leurs principes physiques et les in-
formations qu’elles fournissent. Il convient tout d’abord de noter que l’inspection
visuelle constitue, pour des raisons évidentes, la technique la plus employée pour
déceler l’activité de corrosion. Elle trouve cependant très vite ses limites dans la
mesure où la pathologie doit être suffisamment avancée pour avoir généré des dé-
sordres observables à la surface de l’ouvrage (tâches de rouille, éclats, épaufru-
res). Dans certains cas, une délamination du béton d’enrobage, et donc une
atteinte au fonctionnement normal du béton armé peut cependant se produire sans
signes extérieurs visibles. La réalisation d’un diagnostic plus fin ou plus précoce
nécessite de mettre en œuvre des techniques plus aptes à caractériser les processus
électrochimiques mis en jeu ou à déceler un endommagement en profondeur.
On s’attachera ci-après à décrire les techniques du potentiel d’électrode, de la ré-
sistivité électrique et de la résistance de polarisation, qui font l’objet de recom-
mandations Rilem [ELS 03, POL 00, AND 04]. Des techniques et approches
d’investigations complémentaires seront également présentées. Les outils et dé-
marches de diagnostic en génie civil sont par ailleurs amplement détaillés dans
[GUI 05].
L’opportunité des investigations in situ est évaluée selon divers facteurs tels que
l’importance de la structure et son accessibilité ; la nature, la gravité et l’inten-
sité des phénomènes ; les délais et les coûts.

8.1. Mesures du potentiel d’électrode


Parmi les méthodes électrochimiques d’évaluation du risque de corrosion des ar-
matures dans le béton, les mesures de potentiel d’électrode sont les plus simples
et les plus utilisées de par leur caractère non destructif, leur coût et leur simplicité
de mise en œuvre in situ. La mesure du potentiel d’électrode à la surface d’un élé-
ment en béton armé fournit une information qualitative sur le risque de corrosion

362
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

associé à l’armature située à proximité de la sonde. La valeur du potentiel mesuré


par rapport à une électrode de référence permet en théorie de statuer sur l’état actif
ou passif de l’armature. Par définition, une zone anodique (dissolution du métal)
se caractérise par un potentiel plus faible qu’une zone cathodique (métal protégé).
Sur la figure 9.27 le potentiel mesuré correspond à la valeur de l’équipotentielle
qui intercepte la surface au niveau de l’électrode de référence. On note ainsi que,
selon la résistivité (fonction de l’état de saturation) et l’épaisseur du béton d’en-
robage, la valeur mesurée en surface peut être sensiblement différente de la valeur
du potentiel à l’interface entre l’acier et béton (effet de chute ohmique). Les va-
leurs de potentiel sont avant tout liées à l’électrode de référence utilisée qui doit
toujours être spécifiée. L’électrode cuivre/sulfate de cuivre (ESC) est très généra-
lement utilisée sur site du fait de sa robustesse. Le potentiel est également influen-
cé par les conditions de corrosion (localisée ou généralisée) et la disponibilité en
oxygène.
Voltmètre Ecorr
Électrode de référence
(Calomel (ECS)
ou Cu/CuSO4 (ESC))
V

Lignes Lignes
Éponge
de courant de potentiel

– 200 mV – 200 mV
– 300 mV
Béton

– 400

– 500

Armature Zone de corrosion locale :


passive – 700 mV (anode)

Figure 9.27 : mesure du potentiel d’électrode le long d’une armature, d’après [ELS 03].
La mesure du potentiel d’une armature nécessite de relier électriquement l’armature, un millivoltmètre
à haute impédance et l’électrode de référence. Il est aussi nécessaire de soigner le couplage électri-
que entre le béton et l’électrode au moyen d’une éponge humide. Les zones à fort risque de corrosion
sont matérialisées par les plus basses valeurs de potentiel (de l’ordre de – 300 mV dans le cas du
schéma ci-dessus).

Le tableau 9.10 donne quelques ordres de grandeur des valeurs rencontrées selon
l’environnement dans le cas de la corrosion uniforme [ELS 03] :

363
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Tableau 9.10 : variation du potentiel des armatures selon l’environnement,


d’après [ELS 03].

Valeurs typiques de potentiel des aciers dans du béton (V ESC)

Béton saturé sans oxygène – 0,9 … – 1,0 V

Béton humide en présence de chlorures – 0,4 … – 0,6 V

Béton humide sans chlorure (béton sain) + 0,1 … – 0,2 V

Béton humide carbonaté + 0,1 … – 0,4 V

Béton sec carbonaté + 0,2 … 0 V

Béton sec + 0,2 … 0 V

On note que, par rapport à un béton humide sain (+ 0,1 à – 0,2 V/ESC), la présence
de chlorures a tendance à diminuer fortement le potentiel (– 0,4 à – 0,6 V/ESC).
La carbonatation conduit également, mais dans une moindre mesure, à une dimi-
nution de la valeur du potentiel (+ 0,1 à – 0,4 V/ESC). L’état d’humidité du béton
d’enrobage influence aussi considérablement les valeurs de potentiel. Ainsi, les
cycles d’humidification/séchage résultant par exemple d’une exposition aux in-
tempéries peuvent rendre délicate l’interprétation d’un relevé de potentiel. Néan-
moins, si cette influence modifie la valeur du potentiel, les gradients ne sont pas
affectés. Ainsi, une recommandation récente préconise de représenter les gra-
dients et non les valeurs brutes du potentiel pour déterminer les zones à risque de
corrosion maximal (potentiels les plus électronégatifs) [ELS 03].
La norme américaine ASTM C876-91 quantifie la probabilité de corrosion (ta-
bleau 9.11) en fonction des niveaux de potentiel mesurés [AST 99]. Cependant, il
peut être hasardeux d’appliquer ces critères sans discernement, car les valeurs de
potentiels sont difficilement exploitables de manière absolue. C’est pourquoi il
est vivement conseillé de coupler les mesures de potentiel avec des essais supplé-
mentaires (teneur en ions chlorure, profondeur de carbonatation, relevés de zones
de délamination et d’humidité du béton…) afin de mieux cerner le contexte de
corrosion. La figure 9.28 présente les résultats d’une campagne expérimentale
réalisée sur un corpus de 6 ouvrages réels [ELS 03]. Dans cet exemple, les seuils
de potentiel relatifs aux 3 niveaux de risque définis par la norme américaine ont
été évalués expérimentalement sur chaque ouvrage. On peut noter une grande dis-
parité des seuils de potentiels d’un ouvrage à l’autre, montrant ainsi les limites de
l’interprétation du potentiel en termes de valeur absolue.

364
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

Tableau 9.11 : probabilité de corrosion en fonction du potentiel,


selon ASTM C876-91 [AST 99].

Probabilité de corrosion (%) Potentiel d’électrode ESC (V)


< 10 E > – 0,20
50 (incertaine) – 0,35 < E < – 0,20
> 90 E < – 0,35

0
Potentiel (volt vs Cu/CuSO )
4

– 0,1

– 0,2

– 0,3

– 0,4

– 0,5

– 0,6
1 2 3 4 5 6 7
Zone passive (Prob. > 95 %)
Zone intermédiaire
Zone corrodée (Prob. > 95 %)

Figure 9.28 : mise en évidence expérimentale sur différents ponts (1 à 6) des variations
de seuils de potentiel relatifs aux 3 niveaux de risque ASTM
et comparaison avec les seuils ASTM (7) [ELS 03].
Les seuils de potentiel établis par la norme ASTM C876-91, définissant les zones à probabilité faible
ou forte de corrosion ne sont qu’indicatifs et, même s’ils permettent de définir des tendances généra-
lement observées, ils ne permettent pas de garantir, sur la simple mesure de potentiel, une corrosion
avérée ou non.

8.2. Mesure de la résistivité électrique du béton


La mesure de la résistivité électrique du béton permet d’évaluer le contexte élec-
trolytique dans lequel est plongée l’armature. Un béton de faible résistivité électri-
que constitue un électrolyte favorable à la corrosion, alors qu’un béton très résistif
s’oppose à l’établissement des courants ioniques et limite ainsi la cinétique de la
corrosion. L’information véhiculée par la résistivité électrique est qualitative et ne
permet de statuer que sur un risque de corrosion (tableau 9.12). La mesure de la
résistivité électrique peut-être réalisée au moyen de divers dispositifs expérimen-
taux [POL 00]. Selon le dispositif, elle peut être sensible à la présence d’armatures
proches de la surface qui font chuter fortement la résistivité apparente. Dans ce cas,
il convient de réaliser la mesure le plus loin possible des armatures.

365
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Tableau 9.12 : valeurs indicatives de résistivité et des risques associés [AND 04].

Résistivité du béton (kΩ.cm) Risque de corrosion


> 100 Négligeable
50 - 100 Faible
10 - 50 Modéré
< 10 Fort

La résistivité électrique est influencée par la teneur en eau du béton mais égale-
ment par la porosité et la composition de la solution interstitielle (présence de
sels). Cette mesure devrait être mise en œuvre systématiquement en complément
des mesures de potentiel afin d’affiner le diagnostic de la corrosion. Le couplage
de ces deux techniques se révèle intéressant puisqu’il permet d’accéder à une in-
formation qualitative sur la cinétique de corrosion, de larges gradients de potentiel
associés à de faibles résistivités pouvant en effet être associés à de fortes vitesses
de corrosion.
8.3. Mesure de la résistance de polarisation
La technique de la résistance de polarisation vise à mesurer la densité de courant
de corrosion anodique et, par conséquent, la vitesse de corrosion de l’acier à un
instant donné de la vie de l’élément testé. Cette technique se positionne donc com-
me la seule à être en mesure de fournir une information quantitative sur la cinéti-
que du processus électrochimique. Cette méthode est basée sur la linéarité des
courbes intensité (I)/potentiel (E) au voisinage du potentiel « libre » (ou
« spontané »). La pente de la droite ΔE/ΔI exprime la résistance de polarisation
Rp (Ω.cm²) qui est reliée à la densité de courant de corrosion icorr selon la relation
de Stern-Geary [STE 57] :
B-
i corr = -----
Rp
où B est une constante (exprimée en mV).
Malgré certaines contraintes théoriques et expérimentales (polarisation, confine-
ment du champ électrique, humidité suffisante, contact électrique), en mesurant
Rp périodiquement, il est possible de contrôler l’évolution du processus de corro-
sion, d’identifier les zones de corrosion active et d’utiliser les résultats pour pré-
dire la durée de vie résiduelle de la structure.
Le benchmark des poutres de la Rance portant sur des corps d’épreuve de plus de
40 ans stockés en zone de marnage [POU 06] a cependant montré des disparités
importantes entre les dispositifs expérimentaux testés (de laboratoires ou com-
merciaux). De même, il faut garder à l’esprit que ces mesures traduisent un état

366
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

instantané d’activité qui évolue durant la vie de l’ouvrage. Lors du benchmark,


les zones les plus corrodées après dépose du béton ne correspondaient pas forcé-
ment aux zones de fort courant de corrosion. De même, il n’existe pas de lien di-
rect entre mesure de potentiel et courant de corrosion mais le croisement des
différentes techniques permet de mieux cibler les zones à risque.
Des recommandations récentes de la Rilem [AND 04] donnent des valeurs indi-
catives de courant de corrosion ainsi que les risques associés (tableau 9.13) :
Tableau 9.13 : valeurs indicatives de courant et vitesse de corrosion (icorr et Vcorr)
et des risques associés [AND 04].

icorr (µA/cm2) Vcorr (mm/an) Risque de corrosion

< 0,1 < 0,001 Négligeable


0,1-0,5 0,001-0,005 Faible
0,5-1 0,005-0,010 Modéré
>1 > 0,010 Fort

8.4. Analyses complémentaires


Afin d’appuyer ou d’orienter les techniques électrochimiques présentées plus
haut, il est systématiquement nécessaire de recourir à des analyses complémen-
taires visant à collecter des informations variées [GUI 05].
Les dispositifs de caractérisation géométrique des armatures (positionnement,
profondeur, diamètre) contribuent fortement à la démarche d’investigation. Il
s’agit habituellement d’appareils électromagnétiques (pachomètre, radar). Les
performances de ces outils varient en fonction notamment de la technique utilisée
et de la densité de ferraillage. Ces méthodes ne font pas l’objet d’une norme à
l’heure actuelle, mais un guide de bonne pratique est récemment paru [GUI 05].
La connaissance de la position des aciers permet par exemple de positionner cor-
rectement les sondes de mesures de résistivité (le plus loin possible des armatures)
ou les sondes de mesure de Rp (au droit des armatures). Par ailleurs, l’évaluation
de l’épaisseur d’enrobage (cartographie, moyenne) contribue également à cerner
le risque de corrosion. Enfin, du fait de sa sensibilité aux contrastes physiques
dans les structures en béton (humidité, chlorures), le radar peut révéler des zones
à risque de corrosion et ainsi orienter les techniques électrochimiques plus effica-
ces mais plus coûteuses en termes de temps de mise en œuvre in situ [GUI 05].
Un tel couplage de techniques permet ainsi d’accroître le rendement et d’envisa-
ger des investigations à l’échelle de la structure.
Il est également nécessaire de collecter des informations relatives à la qualité du
béton d’enrobage qui constitue la barrière physique aux agents agressifs. Ces in-

367
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

formations sont généralement issues de prélèvements analysés en laboratoire


[GUI 03] :
– analyse chimique globale : type et teneur en ciment ;
– dosage des chlorures libres et totaux ;
– dosage des sulfates ;
– caractérisation minéralogique : microscopie optique, diffraction des rayons X ;
– mesures de porosité à l’eau (ou éventuellement mercure) et perméabilité ;
– mesures de diffusivité des chlorures et d’absorption capillaire ;
– essais de résistance mécanique.
Les zones de prélèvement permettent de plus de mesurer la profondeur de béton
carbonaté à l’aide d’une solution de phénolphtaléïne. Enfin, il est possible d’éva-
luer les propriétés de transfert du béton in situ, et notamment sa perméabilité et sa
diffusivité qui influencent la période d’incubation de la corrosion. Une mesure de
perméabilité de surface permet de révéler des anomalies mais est difficile à réali-
ser sur site car fonction de l’humidité du béton. Comme il n’existe pas de norme
pour la mesure sur site à l’heure actuelle, ces mesures restent essentiellement in-
dicatives.

9. PRÉVENTION ET RÉHABILITATION
9.1. Prévention. Mesures constructives
Pour se prémunir des problèmes liés à la corrosion, il est possible d’utiliser des
armatures en acier inoxydable. Le coût d’investissement initial est plus élevé que
celui des armatures classiques, mais il faut considérer le coût global de la structure
en incluant les actions de maintenance sur toute la durée de vie. Dès lors, les dif-
férences sont moindres et le choix de l’inox peut s’avérer économique. Le déve-
loppement d’armatures en matériaux composites (fibres de verre) est également
en cours mais pas encore en phase opérationnelle à grande échelle.
La conception générale d’un ouvrage n’est pas non plus sans influence sur la du-
rabilité générale du béton. Un certain nombre de règles de l’art simples doivent
être respectées afin de réduire au maximum les effets de la corrosion [DUV 92].
• En premier lieu, l’ouvrage doit être dimensionné de telle sorte que les charges ne
donnent lieu au cours du temps qu’à des déformations acceptables de façon à éviter
l’apparition de fissures macroscopiques préjudiciables à sa durabilité. Il apparaît
ainsi que la carbonatation et la pénétration des chlorures sont plus importantes dans
les zones tendues des éléments de structure que dans les zones comprimées [FRA
88]. C’est pourquoi la répartition des armatures doit être étudiée de façon à minimi-
ser la formation éventuelle de fissures : tout ce qui contribue à réduire la concentra-
tion des contraintes a un impact favorable sur la pénétration des agents agressifs.

368
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

• Au niveau des aspects géométriques des ouvrages, les éléments aux formes
simples assorties de dimensions suffisantes permettent un positionnement et un
enrobage correct des armatures. On évitera les structures trop minces où la péné-
tration des agents agressifs s’effectue suivant deux directions opposées. Une
attention particulière est à porter aux angles dans la mesure où l’attaque suivant
deux directions perpendiculaires peut décoller prématurément le béton d’enro-
bage (figure 9.29).

Armatures

Figure 9.29 : effets de la corrosion au niveau des angles des constructions.


Pour éviter ce décollement du béton d’enrobage, on dispose des armatures transversales.
• Au niveau des détails des dispositions de construction, un grand soin doit être
apporté aux parties de l’ouvrage les plus exposées aux intempéries. Un principe
simple doit pouvoir s’appliquer : éviter la présence d’eau stagnante et le chemi-
nement préférentiel des eaux de ruissellement. Les surfaces horizontales en
béton sont particulièrement concernées et une simple pente suffit généralement à
résoudre les problèmes (figure 9.30).
Pl

eui
uie

Pl

Figure 9.30 : dispositions constructives permettant d’éviter la stagnation d’eau.

369
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Ainsi les ponts, les aires de stationnement, les routes, les balcons et terrasses doi-
vent être conçus de façon à d’éviter la stagnation d’eau. Cependant les zones les
plus exposées des surfaces horizontales soumises à une humidité fréquente, à des
éclaboussements répétés avec des sels en ambiance hivernale sont à traiter de fa-
çon spécifique et nécessitent souvent un revêtement imperméable.
9.2. Requalification des ouvrages en béton armé
Si, comme nous l’avons vu, les ruines d’ouvrages directement liées à la corrosion
sont rares, il faut garder à l’esprit que, selon le degré d’avancement des réactions,
la structure atteinte perd une partie de sa capacité portante. Il est donc essentiel de
garder à l’esprit le respect de la sécurité de l’ouvrage en service.
Si la perte de section des armatures est manifeste, il est nécessaire de réévaluer la
capacité portante de l’ouvrage par un calcul mécanique. L’estimation de la section
n’est toutefois pas toujours aisée car elle ne peut se faire que de manière discrète
par l’intermédiaire de sondages, et il est parfois difficile de remonter à des moyen-
nes statistiques.
Si la perte de section est supérieure à 10 %, il convient de renforcer les armatures
[GUI 03]. L’apport de nouvelles armatures peut se faire dans la masse, après dé-
molition des zones atteintes et reconstitution du béton, soit par un apport externe
enrobé dans un béton projeté connecté à la structure, soit par des armatures addi-
tionnelles collées sous forme de plaque de tôles ou de tissus de fibres de carbone.
La corrosion entraîne également une perte d’adhérence qui nécessite la dépose du
béton dégradé puis la reconstitution de l’enrobage. Il est à noter que cette opéra-
tion libère totalement les ancrages des barres. Il faut généralement étayer l’ouvra-
ge pour ce type d’opération car le risque de modification du comportement et de
mauvais fonctionnement des matériaux en tant que béton armé, peut alors être im-
portant.
Si les aciers sont la partie dégradée la plus naturelle quand on parle de corrosion,
il ne faut pas négliger la diminution de la section efficace de béton qui joue un rôle
dans le fonctionnement du béton armé notamment en compression. Comme pour
les problèmes d’adhérence, il faut s’assurer du bon fonctionnement des matériaux
acier et béton ce qui peut nécessiter un étayement. Les produits de réparation doi-
vent être compatibles avec les matériaux en place et assurer une adhérence suffi-
sante à défaut de quoi le comportement mécanique initial ne sera pas restauré.
9.3. Méthodes de réhabilitation
L’objectif de ce paragraphe n’est pas de recenser de manière exhaustive toutes les
techniques existantes mais plutôt de passer en revue les grandes familles de mé-
thodes. Des informations plus précises concernant le domaine d’action, la mise en

370
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

œuvre ou les limites et précautions d’emplois sont données dans les tableaux 9.14
à 9.21. Pour des informations plus détaillées, le lecteur pourra consulter le guide
AFGC Réhabilitation du béton armé dégradé par la corrosion [GUI 03].
Les différentes méthodes de réhabilitation des ouvrages en béton armé
concernent:
• la reconstitution de l’enrobage. Elle permet de réparer et d’arrêter la progres-
sion des dégradations d’un parement. Après élimination des zones dégradées,
remplacement des armatures trop corrodées et protection directe des armatures si
l’enrobage reconstitué est trop faible par rapport aux normes actuelles, un béton
de réfection est appliqué. Celui-ci devra montrer une bonne adhérence avec les
matériaux en place ;
• l’imprégnation. Les produits appliqués par imprégnation sont des consolidants
(consolidation locale et peu profonde d’une zone faiblement altérée) ou des
hydrofuges (constitution d’une barrière interne vis-à-vis de l’eau liquide mais
pas de la vapeur d’eau, ce n’est donc pas un imperméabilisant). Ces produits
n’ont pas d’action directe sur la corrosion mais sont des traitements complémen-
taires ;
• les inhibiteurs de corrosion, composés chimiques ajoutés en faible concentra-
tion au milieu cimentaire ralentissant, ou stoppant, le processus de corrosion.
Ces produits ont pour fonction de pénétrer l’enrobage du béton, d’abaisser la
vitesse de corrosion de l’acier sans altérer ce dernier. Ils doivent être stables et
compatibles avec le milieu cimentaire et ne pas être toxiques. On distingue les
inhibiteurs anodiques (diminution du courant sur la partie anodique du métal),
les inhibiteurs cathodiques (augmentation de la surtension cathodique) et les
inhibiteurs mixtes. Actuellement, l’efficacité de ces produits est de l’ordre d’une
dizaine d’années ;
• les revêtements de surface. La mise en peinture des ouvrages a pour objectif
d’améliorer l’esthétique, de contribuer à la protection du béton (l’amélioration
de l’imperméabilité du support ralentit la pénétration de l’humidité, de la vapeur
d’eau et des agents agresseurs) et à la correction des défauts de surface (porosité,
fissures). Les ouvrages concernés sont les bâtiments, les tunnels, les murs de
soutènement, les écrans acoustiques et certains ponts. Un critère important de
tenue dans le temps est la bonne adhérence au support ;
• le béton projeté, mélange de granulats, de ciment et d’eau, contenant parfois
des ajouts, projeté sous pression d’air comprimé sur une paroi. Il existe deux
techniques de projection : la voie sèche (eau introduite au niveau de la lance) et
la voie humide (eau introduite au malaxage du béton). Les ajouts peuvent être à
la fois :
– des adjuvants, qui confèrent des propriétés spécifiques à la mise en œuvre
(fluidité, résistance initiale),

371
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

– des fibres, qui selon leur type et dosage permettent une meilleure cohésion,
des effets de retrait réduits, une amélioration possible des caractéristiques
mécaniques,
– des fumées de silice qui améliorent l’aptitude à la projection (meilleure
accroche) ainsi que la durabilité (béton moins poreux) ;
• les traitements électrochimiques. Il en existe deux types :
– la ré-alcalinisation et l’extraction des chlorures. Ces traitements consistent
à polariser l’armature à l’aide d’une anode enrobée d’une pâte saturée d’un
électrolyte approprié et recouvrant le parement. Le courant de polarisation
circule de l’anode vers l’armature (cathode). Les armatures plus profondes
doivent être reliées électriquement à celle qui est directement polarisée. Ces
traitements durent environ de une à six semaines et sont temporaires. On
distingue la technique suivant laquelle un générateur électrique (technique
du courant imposé) est placé entre l’anode et l’armature et la technique sui-
vant laquelle l’anode, en alliage judicieusement choisi, est directement
reliée à l’armature (courant galvanique). L’objectif de ces méthodes est de
redonner au béton d’enrobage sa capacité à protéger les armatures. La ré-
alcalinisation permet d’augmenter le pH d’un béton qui a été carbonaté ; la
déchloruration permet d’extraire les ions chlorure qui ont pénétré l’enro-
bage,
– la protection cathodique. La protection cathodique des armatures permet de
ralentir, voire d’arrêter la corrosion. Elle consiste à abaisser le potentiel
électrochimique de l’armature jusqu’à une valeur seuil, dite potentiel de
protection, qui est telle que la vitesse de corrosion de l’acier devient négli-
geable. Le principe de la protection cathodique consiste à polariser l’arma-
ture dans le béton à l’aide d’une anode placée de façon permanente sur le
parement, ou parfois dans l’enrobage. Le courant de polarisation, qui cir-
cule de l’anode vers l’armature, se situe entre 2 et 50 mA/m2 de surface
d’armature. Il existe deux techniques de protection cathodique :
– par courant imposé : un générateur électrique est placé entre l’anode et
l’armature,
– par anode sacrificielle (courant galvanique) : l’anode, en alliage correcte-
ment sélectionné, est directement reliée à l’armature.
Une installation de protection cathodique est efficace tant que les éléments les
moins durables que sont les électrodes de références et l’anode, sont fonctionnels.
Ces éléments sont facilement remplaçables et, dans le cas d’une électrode de tita-
ne, la durée de vie peut atteindre 20 ans.
Ce survol rapide des différentes méthodes de réparation et de protection montre
qu’il existe aujourd’hui un large éventail de techniques permettant de prolonger

372
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

la durée de vie des ouvrages dégradés. Le choix de la technique repose sur des as-
pects technico-économiques liés à la structure et nécessite une étude au cas par
cas de manière à optimiser les coûts.
Tableau 9.14 : reconstitution de l’enrobage.
Domaine d’action Restauration de l’apparence du parement
Enlèvement béton dégradé, remplacement d’armatures
Mise en œuvre
de préférence par des armatures inox), protection éventuelle
Limites et précautions d’emploi Attention au risque de déséquilibre de la structure
Efficacité, contrôle, durée Contrôle des renforcements
Effets secondaires, Risque de récidive si la partie corrodée n’est pas parfaitement
incidences sur l’ouvrage enlevée. Effets cathodiques adjacents

Tableau 9.15 : béton projeté.


Domaine d’action Réparations, renforcements structurels
Mise en œuvre Projection sur la paroi par air comprimé (voie sèche ou humide)
Limites et précautions d’emploi Respect de la composition et des épaisseurs des couches
Efficacité, contrôle, durée Contrôle d’adhérence
Effets secondaires,
Surcharges de la structure
incidences sur l’ouvrage

Tableau 9.16 : hydrofuges de surface.


Domaine d’action Action hydrophobe sur le parement
Mise en œuvre Application par rouleau ou pulvérisateur
Emploi lors d’une altération due à l’eau liquide provenant de
Limites et précautions d’emploi
l’atmosphère (inadéquat pour les surfaces horizontales)
Efficacité, contrôle, durée Contrôle par l’essai perlant
Effets secondaires, Risque d’incompatibilité entre hydrofuges et produits
incidences sur l’ouvrage de traitement

Tableau 9.17 : inhibiteurs de corrosion.


Domaine d’action Ralentissement du processus de corrosion des armatures
Pulvérisation à la surface du béton ou application directe (gel)
Mise en œuvre
sur la surface ou l’acier
Incompatibilité avec hydrofuges et effets limités si teneur
Limites et précautions d’emploi
en chlorures trop élevée
Efficacité fonction du type et de la quantité de produit disponible
Efficacité, contrôle, durée
au niveau des aciers. Contrôle par mesure de potentiel
Effets secondaires,
Risque d’efflorescences par réactions avec le béton
incidences sur l’ouvrage

373
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Tableau 9.18 : peintures, lasures et autres revêtements.


Domaine d’action Action esthétique et protectrice du parement de béton
Mise en œuvre Application en plusieurs couches sur support de bonne qualité
Protection superficielle, non curative dépendant de l’état
Limites et précautions d’emploi
du support
Efficacité, contrôle, durée Efficacité liée à la qualité de l’adhérence support/revêtement
Effets secondaires, Incompatibilité avec certains traitements du béton.
incidences sur l’ouvrage Sensibilité aux UV

Tableau 9.19 : enduits pour le bâtiment.


Amélioration esthétique et correction des irrégularités (porosité,
Domaine d’action
fissures) de la surface de béton
Mise en œuvre Selon produit
Limites et précautions d’emploi Protection superficielle non curative
Efficacité fonction de l’adhérence support-revêtement.
Efficacité, contrôle, durée
Risque des cloquage, craquelage, écaillage
Effets secondaires,
Risque d’efflorescences par réactions avec le béton
incidences sur l’ouvrage

Tableau 9.20 : traitements électrochimiques : ré-alcalinisation, extraction chlorures.


Ré-alcalinisation des bétons carbonatés
Domaine d’action
Extraction des chlorures pour les bétons pollués par les chlorures
Polarisation des armatures par électrode placée sur le parement
Mise en œuvre et enrobée d’une pâte saturée d’un électrolyte
Durée : quelques semaines
Continuité électrique des armatures
Limites et précautions d’emploi Béton non susceptible à l’alcali-réaction
Incompatibilité avec les armatures revêtues et les revêtements
Vérification du pH (ré-alcalinisation) ou teneur en chlorures
Efficacité, contrôle, durée (déchloruration)
Traitement à renouveler à terme
Effets secondaires, Déséquilibre de la solution interstitielle du béton
incidences sur l’ouvrage Risque d’efflorescences

374
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

Tableau 9.21 : traitements électrochimiques : protection cathodique.


Protection des aciers par abaissement de leur potentiel
Domaine d’action
électrochimique
Polarisation des aciers à l’aide d’une électrode placée de façon
Mise en œuvre
permanente sur le parement ou dans l’enrobage
Continuité électrique des armatures
Réparation éventuelle de la surface
Limites et précautions d’emploi Béton non susceptible à l’alcali-réaction
Incompatibilité avec les armatures revêtues et les revêtements
imperméabilisants
Efficacité si potentiel de l’acier maintenu à la valeur exigée
Efficacité, contrôle, durée
Remplacement des électrodes de référence
Déséquilibre de la solution interstitielle du béton
Risque de fragilisation dans le cas des aciers de précontrainte
Effets secondaires,
Modification de l’apparence du parement
incidences sur l’ouvrage
Suivi électrique indispensable durant la durée de vie de
l’ouvrage

10. CONCLUSION
L’examen des ouvrages affectés par une détérioration du béton d’enrobage recou-
vrant les armatures révèle que les dommages résultent presque toujours d’une
épaisseur d’enrobage trop mince et/ou d’un béton défectueux, poreux et peu résis-
tant. La corrosion des armatures du béton armé est aujourd’hui la pathologie qui
coûte le plus cher à la collectivité. Les paramètres dégagés lors des observations et
des études montrent que la durabilité des armatures passe en premier lieu par la
réalisation d’un béton compact et d’une épaisseur d’enrobage adaptée. Les bétons
préparés avec des additions minérales (laitiers de haut-fourneau, cendres volantes,
fumées de silice, fillers) limitent en général la diffusion des ions chlorure.
Les approches modernes ne se basent plus uniquement sur la simple résistance à
la compression comme indicateur de durabilité mais sur des approches où les ca-
ractéristiques du matériau sont définies en fonction d’une durée de vie visée dans
un environnement donné (normes Eurocodes, approche performantielle).
Les progrès réalisés dans la modélisation numérique et la prise en compte des in-
certitudes, dans les approches fiabilistes notamment, permettent de calculer des
durées de vie par rapport à des états limites donnés (initiation de la corrosion, per-
te d’un pourcentage de section d’acier). La requalification mécanique de l’ouvra-
ge permet alors de définir la maintenance adéquate (réparation, confortement,
remplacement). Afin d’éviter des interventions lourdes, il est toujours préférable
d’identifier les désordres le plus tôt possible par des inspections ciblées.

375
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

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384
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage

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385
CHAPITRE 10

La durabilité des bétons


en ambiance hivernale rigoureuse

R. GAGNÉ, L. LINGER

Résumé
L’ambiance hivernale rigoureuse n’est pas spécifiquement définie dans les princi-
paux documents normatifs et techniques internationaux. Dans le cadre de cet
ouvrage, l’ambiance hivernale rigoureuse correspond à un environnement de gel
sévère où le béton est exposé à des conditions de saturation forte ou modérée
avec ou sans exposition aux sels de déverglaçage. La durabilité des bétons en
ambiance hivernale rigoureuse dépend des caractéristiques physico-chimiques
du matériau et de la sévérité de l’exposition au gel (température minimale, satura-
tion en eau, fréquence des épandages de sels fondants). L’action des cycles de
gel-dégel peut produire deux types de détérioration du béton : la fissuration interne
et l’écaillage des surfaces en présence de sels fondants. Ces deux types de dété-
rioration ont pour origine des processus différents et ne surviennent pas nécessai-
rement en même temps. La mise en relation des propriétés thermodynamiques de
la phase liquide, des propriétés de la structure poreuse de la pâte de ciment hy-
draté et des caractéristiques de l’exposition environnementale ont conduit au dé-
veloppement de modèles plus ou moins détaillés permettant d’expliquer, de
prévoir et de quantifier l’endommagement des bétons soumis aux cycles de gel-
dégel. Les résultats de très nombreuses expérimentations en laboratoire et d’étu-

387
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

des du comportement du béton in situ ont permis de comprendre l’influence des


paramètres de composition du béton sur sa durabilité au gel, dont notamment le
rôle clé des caractéristiques du réseau de bulles d’air entraîné. Toutes ces con-
naissances sont à la base du développement de méthodes d’essais, de recom-
mandations techniques et d’exigences normatives permettant de construire des
structures en béton durables en ambiance hivernale rigoureuse.
Mots-clés
BÉTON, GEL-DÉGEL, ÉCAILLAGE, FISSURATION INTERNE, SELS FONDANTS, BULLES
D’AIR, ADDITIONS MINÉRALES, AIR ENTRAÎNÉ, GLACE, PRESSION HYDRAULIQUE, PRES-
SION OSMOTIQUE, NORMES.

388
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

1. INTRODUCTION
Les gestionnaires d’ouvrages sont souvent confrontés aux conséquences, quel-
quefois très pénalisantes, des cycles gel-dégel sur la durabilité du béton. Les
structures construites dans des régions froides ou en altitude sont évidemment les
plus exposées, mais l’utilisation de plus en plus intensive et systématique de sels
de déverglaçage en préventif dans les réseaux structurants nécessite de prendre
des précautions adaptées pour les régions classées en gel modéré. Il est donc fon-
damental de définir le plus précisément possible cette agression climatique afin
de la prendre en compte dans le dimensionnement des ouvrages.
La sévérité de l’exposition au gel est fonction de certaines caractéristiques clima-
tiques et géographiques. De nombreux pays nordiques ont développé des docu-
ments normatifs et des guides techniques qui définissent la sévérité de
l’exposition au gel en fonction, notamment, du nombre de cycles de gel-dégel an-
nuel, de la température minimale atteinte, de l’altitude et de la fréquence de
l’épandage de sels de déverglaçage (norme française NF EN 206-1, norme cana-
dienne CSA A23.1). Par exemple, la norme NF EN 206-1 définit trois classes
d’environnement de gel (faible, modéré et sévère) sur la base des températures
moyennes annuelles (voir la carte de la zone de gel en France au paragraphe 5.2.1,
figure 10.43). Un environnement de gel faible ne comporte pas plus de deux jours
ayant atteint une température inférieure à – 5 °C. Un environnement de gel sévère
comporte plus de dix jours ayant atteint une température inférieure à – 10 °C.
L’environnement de gel modéré est une condition intermédiaire entre les niveaux
faible et sévère. En plus des températures minimales atteintes, la sévérité du gel
dépend aussi de la condition de saturation du béton et de la fréquence des épan-
dages de sels de déverglaçage [LCP 03]. Les conditions de forte saturation sont
plus agressives (surfaces horizontales de béton exposées à la pluie et au gel, sur-
faces verticales exposées au gel et directement exposées aux projections humi-
des), en comparaison avec les conditions de saturation modérées (surfaces
verticales de béton exposées à la pluie ou au gel). Le salage est considéré très fré-
quent lorsque le nombre n de jours de salage est supérieur ou égal à 30 ; il est mo-
déré lorsque n est compris entre 10 et 30; il est faible lorsque n est inférieur à 10.
L’ambiance hivernale rigoureuse n’est pas spécifiquement définie dans les prin-
cipaux documents normatifs et techniques internationaux. Dans le cadre de cet
ouvrage, l’ambiance hivernale rigoureuse correspond à un environnement de gel
sévère où le béton est exposé à des conditions de saturation forte ou modérée avec
ou sans exposition aux sels de déverglaçage.
Ce présent chapitre s’attache à dresser un état de l’art des connaissances actuelles
sur le sujet et proposer des recommandations pour la réalisation de bétons dura-
bles au gel. Les mécanismes fondamentaux responsables des dégradations asso-

389
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

ciées aux cycles de gel-dégel sont décrits en mettant en évidence l’influence des
différents paramètres impliqués dans la fissuration interne et l’écaillage de surfa-
ce, associée à l’utilisation des sels de déverglaçage. Une seconde partie s’attache
à analyser l’entraînement d’air dans les bétons qui reste globalement la meilleure
parade pour formuler des bétons résistants aux cycles de gel-dégel sévères et à
l’écaillage. L’aspect normatif est ensuite abordé en mettant l’accent sur les textes
européens et français, mais également canadiens.

2. LES DEUX PRINCIPAUX TYPES DE DÉGRADATIONS


ASSOCIÉS AUX CYCLES DE GEL-DÉGEL
L’action des cycles de gel-dégel peut produire deux types de détériorations du bé-
ton : 1) la fissuration interne et 2) l’écaillage des surfaces en présence de sels fon-
dants. Ces deux types de détérioration ont pour origine des processus différents et
ne surviennent pas nécessairement en même temps lorsque le béton est exposé
aux cycles de gel-dégel.
2.1. Fissuration interne
La fissuration interne peut se propager dans toute la masse d’un béton saturé, mal
conçu et exposé à de nombreux cycles de gel-dégel. Au niveau microscopique,
cette dégradation se manifeste par une intense microfissuration de la pâte de ci-
ment. La microfissuration contribue notamment à affaiblir et désolidariser les
liens pâte/granulat [VER 86]. Pigeon et Regourd [PIG 86] ont montré que les C-
S-H1 sont stables aux cycles de gel-dégel. Cependant, la portlandite et les sulfoa-
luminates sont partiellement dissous et recristallisent dans les vides emplis d’air
(voir § 3.1.2). À un stade très avancé, l’attaque par les cycles de gel-dégel engen-
dre la dissolution de la portlandite, la croissance d’hydrates secondaires fibreux
et l’augmentation de la porosité capillaire, ce qui contribue à affaiblir énormé-
ment la cohésion du matériau [VER 86].
À l’échelle macroscopique, la fissuration interne engendre d’abord des fissures à la
surface et au voisinage des arêtes des éléments de béton affectés. Les arêtes se dé-
sagrègent et s’arrondissent graduellement. La fissuration interne se manifeste en-
suite par une intense dégradation de toutes les surfaces exposées. La profondeur de
dégradation peut atteindre plusieurs centimètres. Les gros granulats sont facilement
déchaussés. Le béton sévèrement attaqué perd toute sa cohésion et s’érode rapide-
ment en libérant des fragments de pâte et tout son squelette granulaire (figure 10.1).
La fissuration interne engendre une diminution de la résistance à la compression
et une importante chute de la résistance à la traction et du module d’élasticité des

1. Hydrosilicate de calcium, C-S-H en notation cimentière (voir chapitre 2).

390
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

bétons [MAR 96, YAN 06]. Elle peut diminuer la performance du béton d’enro-
bage en augmentant sa perméabilité et en diminuant sa résistance à la pénétration
des agents externes potentiellement agressifs.
Parmi les deux principaux types d’attaque par le gel, la fissuration interne est re-
lativement peu fréquente en raison des mécanismes d’attaque particuliers qui ne
produisent des dommages significatifs que dans les bétons les plus sensibles aux
effets des cycles de gel-dégel.

Figure 10.1 : aspect visuel typique d’un élément de béton sévèrement


endommagé par la fissuration interne due à l’action des cycles de gel-dégel
(photo R. Gagné).

2.2. Écaillage
Comme son nom l’indique, l’écaillage des surfaces est un mode de dégradation
qui n’affecte que les surfaces de béton exposées à un environnement externe com-
portant des cycles de gel-dégel et des sels fondants. En l’absence de sels fondants,
l’écaillage du béton ne se produit pas.
L’écaillage se manifeste par le détachement progressif de petits fragments ou de pe-
tites écailles de pâte ou de mortier dont l’épaisseur ne dépasse pas quelques milli-
mètres. La surface d’un béton attaqué par l’écaillage n’est endommagée que sur
quelques millimètres de profondeur (figure 10.2). Par conséquent, la problématique
des surfaces de bétons qui s’écaillent est principalement d’ordre esthétique. Toute-
fois, dans les cas les plus sévères, les surfaces horizontales peuvent devenir raboteu-
ses et très inégales, ce qui peut engendrer un inconfort pour les piétons. Un écaillage
sévère peut aussi diminuer significativement l’épaisseur du béton d’enrobage
La dégradation de la pâte de ciment et du mortier de surface contribue à exposer
les gros granulats localisés tout juste sous la surface exposée aux sels fondants.
L’aspect visuel de ce type de dégradation peut, à tort, suggérer que l’écaillage est
essentiellement causé par l’utilisation de granulats de mauvaise qualité. Dans cer-

391
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

tains cas, les granulats peuvent effectivement jouer un rôle dans les mécanismes
d’écaillage. Cependant, l’écaillage peut aussi se produire en présence de granulats
d’excellente qualité. L’écaillage ne doit pas être confondu avec la délamination
de surface. La délamination est principalement associée à la corrosion des aciers
d’armature qui, en gonflant, forcent le détachement de gros fragments de béton
d’enrobage de plusieurs centimètres d’épaisseur.
Sous les climats nordiques rigoureux, l’écaillage se produit principalement à la
surface des structures de béton associées aux réseaux de transport routier (ponts
et viaducs, pavages en béton, trottoirs, etc.). En hiver, ces structures sont les plus
fréquemment atteintes car elles sont souvent exposées à de grandes quantités de
sels fondants utilisés pour le dégagement des voies de circulation. L’écaillage est
parfois très localisé dans des zones de quelques m2 alors que les surfaces de béton
avoisinantes sont en parfait état. Ce phénomène est généralement dû à la variabi-
lité, au niveau local, des caractéristiques de surface du béton (porosité, réseau de
bulles d’air, microfissuration) et des conditions d’exposition (saturation, niveau
de contamination par les ions chlorure).
L’écaillage des surfaces est le type de destruction par le gel le plus fréquent car
les mécanismes spécifiques d’attaque sont relativement sévères. Sous des condi-
tions d’exposition rigoureuses, l’écaillage peut endommager la surface de la plu-
part des bétons qui ne sont pas spécifiquement formulés et protégés contre ce type
d’attaque.

Figure 10.2 : aspect visuel typique d’un élément de béton attaqué par l’écaillage
en présence de sels fondants (photo R. Gagné).
L’écaillage des surfaces et la fissuration interne sont les deux principaux types
de dégradations associés aux cycles de gel-dégel. Ces deux types de dégradations
ne surviennent pas nécessairement en même temps lorsque le béton est exposé à
des cycles de gel-dégel.

392
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

3. MÉCANISMES FONDAMENTAUX ET ÉTUDES


DE LA DURABILITÉ AU GEL DES BÉTONS
Au cours des cinquante dernières années, de nombreuses recherches ont permis
de mieux comprendre les effets du gel et des cycles de gel-dégel sur les propriétés
des bétons. Parmi ces travaux de recherche, plusieurs avaient pour objectif
d’identifier les principaux phénomènes physico-chimiques, thermodynamiques et
les interactions chimiques se produisant dans la structure poreuse des bétons ex-
posés à des cycles de gel-dégel. La mise en relation des propriétés thermodyna-
miques de la phase liquide, des propriétés de la structure poreuse de la pâte de
ciment hydraté et des caractéristiques de l’exposition environnementale ont con-
duit au développement de modèles plus ou moins détaillés permettant d’expli-
quer, de prévoir et de quantifier l’endommagement des bétons soumis aux cycles
de gel-dégel. La connaissance de certains mécanismes fondamentaux à la base des
modèles d’endommagement permet de mieux comprendre les règles de formula-
tion et l’origine des exigences normatives applicables aux bétons exposés à une
ambiance hivernale rigoureuse.
3.1. Détérioration par fissuration interne
Même après de nombreuses années de recherche, on n’a pas encore développé de
théorie satisfaisante qui permette d’expliquer et de modéliser complètement le
comportement au gel du béton. Il existe néanmoins quelques modèles, plus ou
moins détaillés, qui permettent d’expliquer une partie du phénomène, dont no-
tamment le rôle protecteur des bulles d’air.
Avant de décrire ces modèles, il importe de rappeler quelques caractéristiques mi-
crostructurales et physico-chimiques de la pâte de ciment hydraté :
– le béton est un matériau multiphasique, où une pâte de ciment hydraté, poreuse
et vieillissante, lie les granulats. Le comportement au gel du matériau est donc
dépendant de chacune des phases constituantes, de leurs interactions et des
caractéristiques de leur surface de contact ;
– la pâte de ciment hydraté est un solide dont le spectre de porosité s’étend de
fissures centimétriques (accidentelles ou structurales) aux pores de quelques
dixièmes de nanomètre (porosité des C-S-H). De plus, la structure du réseau
poreux est variable avec le temps (volume total et distribution de la taille des
pores) ;
– le fluide qui remplit la porosité est complexe parce qu’il est multiphasique
(liquide, vapeur, solide en cas de gel) et parce que la phase liquide est elle-même
riche en ions dissous.
La progression d’un front de gel (ou de dégel) dans cette structure relativement
complexe engendre des déséquilibres thermodynamiques pouvant déclencher cer-

393
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

tains processus physico-chimiques dont les plus importants sont: transport par
diffusion et perméabilité, dissolution/précipitation dans la solution interstitielle,
nucléation, pressions osmotiques, abaissements cryoscopiques du point de congé-
lation et dessiccation de la pâte de ciment hydraté.
3.1.1. La gélivité de l’eau dans la pâte de ciment
C’est la phase liquide interstitielle contenue dans la porosité de la pâte de ciment
qui est principalement à l’origine des mécanismes d’attaque par les cycles de gel-
dégel. Par conséquent, la pâte de ciment sèche (ou faiblement saturée) n’est pra-
tiquement pas affectée par les cycles de gel-dégel [RAM 81].
3.1.1.1. Eau gelable
La progression du front de gel dans la pâte de ciment plus ou moins saturée engendre
la formation de glace dans le réseau poreux. La quantité et la localisation des sites de
nucléation est notamment fonction de l’état de l’eau dans la pâte de ciment hydraté.
L’eau libre contenue dans les pores capillaires (et sur les parois internes des bulles
d’air) est qualifiée de « gelable ». Cette eau se transforme en glace à une température
qui dépend, notamment, de la dimension du pore [KUB 32, DEF 66]. Plus le pore est
petit, plus la température de fusion de la glace est basse. Dans le cas de l’eau très
structurée contenue dans des pores de quelques nanomètres (pores des C-S-H), la
température de cristallisation sous forme de glace est de – 78 °C (figure 10.3). En pra-
tique, l’eau des pores de C-S-H est donc qualifiée de « non gelable ».

Pores C-S-H Pores capillaires Vides d'air

– 0,1
10– 7 10– 5 10– 3 1
Rayon (mm)
Température (°C)

–1

– 10

– 100

Figure 10.3 : température de fusion de la glace en fonction du rayon des pores,


d’après [KUB 32, DEF 66].
Cette courbe, calculée pour de l’eau pure, présente l’abaissement théorique du point de fusion d’un
bouchon de glace dans un pore cylindrique au contact d’eau pure en fonction du rayon du pore. Dans
les pores de C-S-H de quelques nanomètres de diamètre, la température de cristallisation sous forme
de glace est de – 78 °C.

394
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

La proportion d’eau gelable (eau gelable/eau évaporable) dans la pâte de ciment est
fonction de son rapport E/C (figure 10.4). L’eau évaporable est l’eau contenue dans
les pores capillaires et les pores du gel de C-S-H. À une température de – 55 °C, la
proportion d’eau gelable passe d’environ 80 %, pour un rapport E/C de 0,60, à en-
viron 60 % pour un rapport E/C de 0,35 [BAG 80]. Les pâtes ayant un faible rapport
E/C contiennent une plus faible proportion d’eau gelable, d’une part, parce que le
volume total du réseau poreux est plus faible et d’autre part, parce que le réseau po-
reux est constitué de pores plus petits [FAG 93]. Des mesures calorimétriques sur
des pâtes de ciment soumises à un refroidissement lent indiquent que la formation
de la glace est un processus graduel qui s’amorce à une température d’environ – 5
°C (figure 10.5). Les courbes de la figure 10.5 démontrent que la quantité totale de
glace formée à – 50 °C diminue très significativement lorsque le rapport E/C passe
de 0,45 à 0,25 [MAR 99]. Ce phénomène est confirmé par le fait que les bétons à
hautes performances peuvent avoir une bien meilleure résistance à la fissuration in-
terne que celle des bétons ordinaires (§ 3.1.6.5)
Le béton sans air entraîné, comme de nombreux matériaux poreux, augmente de
volume en gelant. Avant de décrire ce phénomène plus en détails, il est bon de
rappeler les quelques faits suivants :
– en gelant, le volume massique de l’eau augmente de 9 %. Cet effet n’est cepen-
dant pas la cause principale des gonflements observés ;
– la thermodynamique montre que, sous l’effet d’un gel suffisamment lent pour
que l’on soit à chaque instant proche de l’équilibre, la glace se forme à l’exté-
rieur du corps poreux. La conséquence est alors une contraction de ce corps
poreux, liée au départ d’eau (figure 10.6) ;
– le gonflement du béton n’est pas lié directement à la baisse de température
sous zéro degré, mais à la vitesse à laquelle cette baisse se produit ;
– la dilatation volumique apparente liée au refroidissement est utilisée comme
critère servant à apprécier la résistance au gel des bétons dans certains essais de
durabilité aux cycles de gel-dégel.

395
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

0,4

Eau en % du poids de pâte sèche


0,3 le
ota
ut
Ea

0,2

0,1 Eau non gelée (à – 55 °C)

0,0
0,35 0,40 0,45 0,50 0,60
Rapport E/C

Figure 10.4 : eau totale et eau non gelable dans une pâte de ciment hydraté,
traitée à la vapeur, d’après [BAG 80].
Une partie de l’eau d’une pâte, qui varie avec le rapport E/C mais qui est toujours importante, ne gèle
pas lorsque la température est abaissée jusqu’à – 55 °C. Le rapport (eau gelable/eau totale) passe
de 80 % pour un rapport E/C de 0,60 à environ 60 % pour un rapport E/C de 0,35. L’eau totale cor-
respond à l’eau évaporable (pores capillaires + pores du gel de C-S-H).
Capacité calorifique apparente (J . °K– 1 . gssd– 1)

3,0

2,5 La quantité de glace formée


est proportionnelle à la surface ombrée

2,0

E/C = 0,45
1,5

E/C = 0,35
1,0

E/C = 0,25
0,5

0
– 60 – 50 – 40 – 30 – 20 – 10 0 10
Température (°C)

Figure 10.5 : évolution de la capacité calorifique apparente de pâtes de ciment


soumises à un refroidissement lent, d’après [MAR 99].
Expériences menées sur des microbétons âgés de 6 mois refroidis à une vitesse de 3,3 °C/h. Toutes
les éprouvettes ont été soumises à un cycle de séchage/resaturation. Les pics de nucléation à – 5 °C
indiquent le début la formation de la glace. La formation de la glace se poursuit graduellement jusqu’à
une température minimale d’environ – 60 °C. Pour chaque rapport E/C, la quantité de glace formée
est proportionnelle à la surface délimitée entre la courbe et les profils de base.

396
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

Dilatation relative
(.10– 4)

Pâte normale
10

2
– 30 – 20 – 10

0
Température (°C)
–2

Contraction thermique –4
(calculée)
–6

Pâte avec air –8


entraîné
Contraction relative
(.10– 4)

Figure 10.6 : comportements dimensionnels des pâtes de ciment au cours du gel,


d’après [POW 53].
Les pâtes de ciment ont été gâchées avec un rapport E/C = 0,6 : la pâte normale a une teneur en eau
évaporable égale à 0,48 et la pâte renfermant de l’air entraîné a une teneur égale à 0,52. Les deux
échantillons ont subi une vitesse de refroidissement de 15 °C/h (gel très rapide).
On constate que la pâte de ciment se dilate considérablement, alors que le calcul montre qu’elle de-
vrait se contracter. L’incorporation d’air entraîné modifie radicalement ce comportement et provoque
une très forte contraction.

L’eau contenue dans la pâte de ciment ne se transforme pas en totalité en glace


dès que la température s’abaisse au-dessous de 0 °C. La formation de la glace
s’amorce dans les plus gros pores capillaires pour se propager dans les pores de
plus en plus petits à mesure que la température s’abaisse. Une baisse du rapport
E/C diminue la taille des pores, ce qui diminue la quantité de glace formée à une
température donnée.

3.1.1.2. Degré de saturation critique


Au cours du vieillissement normal d’une pâte de ciment, l’eau de gâchage est pro-
gressivement mobilisée dans les hydrates. Il en résulte un remplissage progressif
de la porosité par les hydrates. Comme ceux-ci occupent un volume plus petit que
la somme des volumes du ciment et de l’eau avant leur combinaison chimique, et,
dans la mesure où cette pâte est protégée de la pénétration d’eau d’origine externe,

397
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

une fraction des capillaires ne renferme qu’une phase gazeuse (autodessiccation).


Gagné et coll. ont mesuré des degrés de saturation de 87 % et 90 % respective-
ment dans des bétons gâchés avec des rapports E/C de 0,40 et 0,30 conservés pen-
dant six mois dans des sacs étanches [GAG 03]. Ces résultats confirment que le
réseau poreux des bétons conservés en milieu scellé n’est pas complètement satu-
ré (voir aussi la figure 5.5).
Les vides gazeux contenus dans la porosité capillaire constituent un volume tam-
pon dans lequel, si la vitesse de congélation de la pâte est suffisamment faible, la
glace peut se former sans exercer de contrainte sur les parois des pores. Cette ex-
plication, déjà avancée par Maso [MAS 67] dans sa définition d’un seuil de non
gélivité des mortiers, a été reprise par de nombreux auteurs. On admet très sou-
vent que la résistance au gel d’une pâte de ciment sera bonne si le rapport de la
quantité d’eau liquide au volume de la porosité est inférieur à 0,9. C’est le concept
de degré de saturation critique (figure 10.7).
Le rôle protecteur des vides gazeux dans la porosité capillaire des bétons a été dé-
montré par Gagné et al. [GAG 03]. Des bétons sans air entraîné, gâchés avec un
rapport E/C de 0,40, se sont révélés parfaitement durables après avoir été soumis
à des cycles de gel-dégel en système scellé (aucun échange d’humidité avec le mi-
lieu externe). Sous ces conditions particulières, les vides gazeux de la porosité ca-
pillaire ne peuvent être comblés par un apport d’eau externe. Le béton est alors
protégé contre les effets des cycles de gel-dégel.
Le degré de saturation en eau d’une pâte de ciment conditionne sa tenue au gel.
Une pâte non saturée contient des vides gazeux qui constituent un volume tam-
pon dans lequel la glace peut se former sans exercer de contrainte sur les parois
des pores.
Il est important de rappeler que l’apport d’eau externe est toujours possible, no-
tamment au niveau de la peau du béton. La protection offerte par le réseau poreux
disparaît lorsque le degré de saturation de la pâte dépasse le seuil critique d’envi-
ron 90 %. En pratique, la norme européenne EN 206-1 contient des exigences de
composition du béton qui varient notamment en fonction des conditions de satu-
ration du béton exposé au gel (§ 5.2.3).

398
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

(.10– 4)
100 %

Dilatation
98 %
2

Déformation relative 93 %

–2
Contraction

90 %
–4
–1 88 %
Vitesse du gel : 2,8 °C.h

–6
+ 20 + 10 0 – 10 – 20
Température (°C)

Figure 10.7 : influence du degré de saturation d’un mortier (rapport E/C = 0,6)
sur son comportement dimensionnel au cours du gel, d’après [RAM 81].
Les mortiers ayant un degré de saturation inférieur ou égal à 90 % subissent une contraction régulière
pendant tout le refroidissement. Par contre, les mortiers saturés à plus de 90 % se dilatent dès que
l’eau gèle dans les capillaires. Ceci indique qu’un mortier ou un béton, lorsqu’il est abrité des venues
d’eau extérieures, est naturellement résistant à un régime de gels lents.

3.1.2. Le rôle protecteur des bulles d’air


C’est au milieu des années 1930 que l’on découvre que l’entraînement d’air peut
protéger les bétons contre l’attaque par les cycles de gel-dégel. Les premiers tra-
vaux de recherche visant à expliquer le rôle protecteur des bulles d’air ont débuté
durant les années 1940.
L’entraînement d’air vise à stabiliser, lors du malaxage, une grande quantité de
bulles microscopiques très rapprochées les unes des autres (§ 4). La majorité des
bulles d’air entraîné ont un diamètre compris entre 10 µ et 100 µm. Leur espace-
ment est généralement de l’ordre de quelques centaines de µm (figure 10.8).
Lors du gel, des déséquilibres thermodynamiques engendrent des pressions inter-
nes dans la porosité capillaire. Ces pressions produisent des contraintes de trac-
tion dans la phase solide du réseau poreux. C’est la mise en traction de la phase
solide qui est principalement responsable des dommages dus au gel. L’endomma-
gement cumulatif de la pâte progresse en fonction du nombre de cycles de gel-
dégel. On verra, au paragraphe 3.1.3, que les pressions internes forcent la mise en
mouvement de la phase liquide au sein de la structure poreuse. L’intensité des
pressions est notamment fonction de la longueur du trajet que doit parcourir la
phase liquide pour parvenir à l’interface gazeuse la plus proche. Plus le trajet est
long, plus les contraintes internes sont importantes. Les bulles d’air entraîné of-

399
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

frent des interfaces gazeuses (vases d’expansion) permettant à la phase liquide en


mouvement de s’y accumuler ou d’y geler sans créer de dommage. De plus, l’air
entraîné augmente la connectivité du réseau poreux, ce qui contribue positive-
ment à la protection offerte par le réseau de bulles d’air [BAR 05]. La phase liqui-
de entraîne des ions qui peuvent cristalliser à l’intérieur des bulles (aiguilles
d’ettringite). Pour protéger la pâte, il faut que les bulles d’air soient suffisamment
rapprochées pour faire en sorte que les contraintes internes générées par le gel
soient inférieures à la capacité ultime de la pâte. On peut moduler l’espacement
des bulles d’air en variant le volume d’air entraîné dans le béton. Plus le volume
d’air augmente, meilleure est la protection contre les cycles de gel-dégel à condi-
tion que les bulles restent de petite dimension (figure 10.9).

Figure 10.8 : aspect visuel typique d’un réseau de bulles d’air entraîné dans un béton.
Cette photo a été obtenue à partir d’une plaque de béton polie observée à l’aide d’un microscope op-
tique sous un grossissement de 100 ×. Les bulles d’air de forme sphérique sont réparties dans le mor-
tier qui enrobe les grains de sable.

400
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

2 000

1 800

1 600

Nombre de cycles de gel-dégel


1 400

1 200

1 000

800

600

400

Avec air entraîné


200
Sans air entraîné

0
0 1 2 3 4 5 6
Teneur en air (%)

Figure 10.9 : influence du volume d’air entraîné sur la résistance du béton face aux
cycles de gel-dégel, d’après [KOS 04].
Ces résultats ont été obtenus avec des bétons fabriqués avec des ciments, des dosages en ciment
et des rapports E/C différents. La durabilité des bétons est exprimée par le nombre de cycles de gel-
dégel nécessaires pour produire une diminution de 50 % du module d’élasticité dynamique. Plus ce
nombre de cycles est élevé meilleure est la durabilité au gel du béton. Les résultats démontrent que
l’augmentation du volume d’air entraîné améliore la résistance au gel des bétons.

Les bulles d’air entraîné offrent des interfaces gazeuses (vases d’expansion) per-
mettant à la phase liquide en mouvement de s’y accumuler ou d’y geler sans
créer de dommage. Pour protéger la pâte, il faut que les bulles d’air soient suffi-
samment rapprochées pour faire en sorte que les contraintes internes générées
par le gel soient inférieures à la capacité ultime de la pâte. On peut moduler l’es-
pacement des bulles d’air en variant le volume d’air entraîné dans le béton.
3.1.3. Le modèle des pressions hydrauliques
Ce modèle a été proposé par Powers en 1949 [POW 49] alors que l’efficacité de
l’air entraîné comme moyen d’accroître la durabilité des bétons soumis à des cy-
cles répétés de gel-dégel était déjà reconnue.
Lorsque l’eau commence à geler dans un pore capillaire, son volume augmente de
9 %, de sorte que l’eau en excès est expulsée. Lors de l’abaissement de la tempé-
rature, la formation de la glace est graduelle à cause de la présence d’ions dissous
dans la solution interstitielle. La vitesse de refroidissement détermine la quantité
d’eau poussée à l’extérieur du pore sous l’effet de l’expansion de la glace. Il s’éta-
blit une pression hydraulique qui est fonction de la résistance à l’écoulement. Cette

401
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

dernière dépend de la longueur du trajet et de la perméabilité de la pâte située entre


le pore qui gèle et un vide qui peut accepter l’eau qui en est chassée.
Powers, en appliquant la loi de Darcy, a calculé la distance maximale que l’eau
peut parcourir sans que la pression générée ne dépasse la résistance à la traction
de la pâte (Lmax). Selon la configuration simple présentée à la figure 10.10, il a
conclu que Lmax devait être proportionnelle à :
Kσ t ⁄ UR
où :
R = vitesse de refroidissement ;
K = coefficient de perméabilité de la pâte de ciment ;
U = quantité d’eau gelable lorsque la température s’abaisse de 1 °C ;
σt = résistance à la traction de la pâte.
Cette formule montre que Lmax est d’autant plus petit que le refroidissement est
rapide (ce qui est vérifié par l’expérience). Par contre, elle n’est pas assez précise
pour comparer deux pâtes de textures différentes. En effet, une perméabilité plus
faible va souvent de pair avec une quantité moindre d’eau gelable et ces deux pa-
ramètres agissent sur Lmax en sens contraires.

rb Lmax 2L

a) Bulle de rayon rb recouverte d’une coquille b) Distance 2 L séparant deux bulles voisines.
de pâte d’épaisseur Lmax.

Figure 10.10 : modélisation simplifiée des bulles d’air dans la pâte de ciment.

Si la distance à parcourir par l’eau est supérieure à cette valeur Lmax, la pression
hydraulique surpasse la résistance à la traction de la pâte de ciment. La pâte se fis-
sure et on mesure alors une dilatation résiduelle. L’intensité de la dilatation rési-
duelle permet de déterminer le degré d’endommagement (figure 10.6).
Suite à ces travaux, la notion de facteur d’espacement des bulles d’air L a été
adoptée. Elle est définie par la norme nord-américaine ASTM C457 comme étant

402
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

la demi-distance moyenne qui sépare les parois de deux bulles d’air adjacentes ap-
partenant à un réseau supposé régulier (4.2).
L’intérêt majeur de cette théorie est d’avoir permis le calcul des dimensions à
donner à un réseau protecteur efficace d’air entraîné. Les valeurs calculées par
Powers sont tout à fait comparables à celles retenues par les normes les plus ré-
centes. L’inconvénient est que Powers accordait beaucoup d’importance à l’ex-
pulsion de l’eau hors des capillaires, alors que l’expérience a établi que la majorité
des transports d’eau se font des pores des C-S-H vers les pores capillaires, et que
le gel d’une pâte bien protégée s’accompagne d’un retrait (figure 10.6). Powers a
alors essayé de tenir compte de ces observations expérimentales et il a proposé,
en association avec Helmuth, le modèle des pressions osmotiques [POW 53].
3.1.4. Le modèle des pressions osmotiques
Comme on l’a vu précédemment, la solution interstitielle d’un pore gèle à des
températures d’autant plus basses que celui-ci est petit. Il en résulte que l’eau gèle
en premier dans les gros capillaires. La formation de glace dans un gros capillaire
engendre une augmentation de la concentration ionique de la solution non gelée
en équilibre avec le cristal de glace. La solution interstitielle des pores voisins,
lorsqu’ils sont plus petits (par exemple les pores des C-S-H), n’a pas encore gelé.
Par conséquent, la concentration ionique de la solution interstitielle des petits po-
res n’a pas augmenté et est alors largement inférieure à celle du gros pore. Ceci a
pour effet de créer un afflux d’eau des petits pores vers les plus gros suivant les
lois de l’osmose. Ces transferts, s’effectuant par des cheminements déjà saturés,
vont créer des pressions qualifiées d’osmotiques (figure. 10.11). De plus, à mesu-
re que l’eau arrive dans les gros pores, la concentration de la solution diminue, ce
qui entraîne la formation de glace supplémentaire.
Là aussi, lorsque ces pressions surpassent la résistance à la traction de la pâte elles
fissurent cette dernière. Le rôle des bulles, selon les auteurs, est d’entrer en compé-
tition avec les plus gros pores où la glace s’est formée. Les bulles d’air comportent
un peu de solution interstitielle adsorbée sur les parois internes. En raison de leur
grande taille, la glace s’y forme très tôt lorsque la température s’abaisse sous 0 °C.
La glace étant constituée d’eau pure, la solution non gelée sur la paroi des bulles
devient plus concentrée en ions et elle attire l’eau des pores plus petits. Si les bulles
sont suffisamment rapprochées, elles offrent une bonne protection contre le gel car
elles peuvent accueillir l’eau qui arrive sans créer de contraintes trop importantes.
Cette théorie est bien adaptée à la description des phénomènes de gel en milieu
enrichi en sels (cas de l’écaillage, sous l’action des sels fondants) et explique le
retrait observé lors du gel des pâtes bien protégées par des bulles d’air rappro-
chées.

403
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Grand pore capillaire contenant


Petits pores capillaires un cristal de glace et une solution saline

Bulle d’air Bulle d’air

Cristal de glace
et solution saline
Cristal de glace
et solution saline

Figure 10.11 : représentation schématique du modèle des pressions osmotiques,


d’après [PIG 95].
Les flèches indiquent la direction des mouvements d’eau des petits pores vers les plus grands. La
taille des pores capillaires est fortement exagérée par rapport à la taille des bulles d’air.

3.1.5. Le facteur d’espacement critique


Il est bien établi que, pour les bétons courants d’ouvrages ordinaires, une condi-
tion nécessaire de durabilité en ambiance hivernale rigoureuse est qu’ils renfer-
ment de l’air entraîné. C’est ce que fait apparaître la figure 10.9. Cependant, le
volume total d’air entraîné n’est pas la seule caractéristique du réseau de bulles
d’air qui gouverne la tenue au gel du béton. On peut par exemple imaginer deux
réseaux de bulles ayant le même volume total mais dont le premier est constitué
de grosses bulles alors que le second est constitué de bulles plus petites. Même si
le volume total des bulles est le même, la distance entre les bulles du réseau cons-
titué de grosses bulles est beaucoup plus grande que la distance entre les bulles du
réseau constitué de petites bulles (figure 10.36). Sachant que le degré de protec-
tion offert par le réseau de bulles d’air est d’autant plus grand que la distance sé-
parant deux bulles d’air voisines est faible, on réalise alors facilement
l’importance de la prise en compte de la dimension moyenne des bulles. Par con-
séquent, d’un point de vue pratique, il est toujours préférable de produire un ré-
seau constitué de bulles les plus petites possibles. On peut ainsi diminuer la
distance moyenne entre les bulles sans nécessairement augmenter le volume total
d’air entraîné.
Un réseau de bulles d’air entraîné peut être défini par trois caractéristiques géo-
métriques :
– le facteur d’espacement des bulles d’air L , qui correspond approximativement
à la demi-distance moyenne séparant les parois de deux bulles voisines du réseau
supposé régulier (voir § 3.1.3 et 4.2) ;

404
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

– le volume d’air, V, généralement exprimé en pourcentage du volume du béton ;


– la surface volumique, α, exprimée en mm2/mm3 (ou mm–1) qui indique la sur-
face spécifique des bulles d’air.
Parmi ces caractéristiques, le facteur d’espacement ( L ) permet de tenir compte à
la fois de l’influence du volume total et de la dimension des bulles d’air entraîné.
De nombreux travaux de recherche ont démontré qu’un béton est durable face aux
cycles de gel-dégel lorsque le facteur d’espacement est inférieur à une valeur cri-
tique ( L crit) qui dépend des caractéristiques du béton et des conditions d’exposi-
tion. Plusieurs dizaines d’années d’observations faites aussi bien sur chantier
qu’en laboratoire ont montré que le caractère protecteur d’un réseau d’air entraîné
ne s’affaiblit pas progressivement au fur et à mesure que L augmente, mais il
s’annule brutalement dès que le facteur d’espacement excède cette valeur criti-
que. C’est ce que montre la figure 10.12, tirée des travaux de Langlois [PIG 91a].
Toutes les normes et recommandations récentes en tiennent compte et prescrivent
des valeurs critiques comprises dans la fourchette 200-250 µm. Il est intéressant
de rappeler que Powers indiquait qu’un facteur d’espacement inférieur ou égal à
250 µm était souhaitable.
Le paramètre essentiel garantissant l’efficacité de la protection offerte par le ré-
seau de bulles d’air entraîné n’est pas le volume d’air entraîné, mais bien le fac-
teur d’espacement L : il doit être inférieur à une valeur critique qui dépend du
type de béton (caractéristiques de composition) et de la sévérité de l’exposition
aux cycles de gel-dégel.

La détermination du facteur d’espacement critique ( L crit) d’un béton repose sur


un travail expérimental relativement important car elle nécessite la fabrication de
plusieurs bétons ayant tous la même composition de base mais différentes carac-
téristiques du réseau de bulles d’air (facteur d’espacement variable). Chaque bé-
ton est ensuite soumis à un essai accéléré de gel-dégel en laboratoire. L’ensemble
des résultats permet de déterminer la relation entre le facteur d’espacement des
bulles d’air et la durabilité au gel d’une formulation spécifique de béton. Une re-
lation typique, permettant de déterminer le facteur d’espacement critique, est pré-
sentée à la figure 10.12.
Le facteur d’espacement critique d’un béton permet de quantifier sa durabilité re-
lative. Sous des conditions d’essai données, un béton possédant un facteur d’es-
pacement critique faible est moins durable qu’un béton ayant un facteur
d’espacement critique plus élevé. Un faible facteur d’espacement critique indique
une moins bonne durabilité car le béton requiert une meilleure protection (bulles
d’air plus rapprochées) pour pouvoir résister à la fissuration interne. On verra plus

405
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

en détails (§ 3.1.6.5) comment la comparaison des facteurs d’espacement critique


permet d’analyser l’effet du rapport E/C et des additions minérales sur la résistan-
ce à la fissuration interne des bétons.

Béton 10
gélif

Espacement critique (L crit)


Durabilité décroissante
'l/l (.10–3)

Pas de
Protection protection
efficace

Béton
non gélif 0
200 400 600 800
Facteur d'espacement des bulles L (μm)

Figure 10.12 : influence du facteur d’espacement des bulles d’air entraîné


sur la durabilité d’un béton, d’après [PIG 91a].
Deux types de bétons ont été testés : gâchés avec un rapport E/C = 0,50, avec superplastifiant (o),
ou sans superplastifiant ( ). Le critère indicatif de la durabilité du matériau est l’allongement relatif subi
après 300 cycles de gel-dégel dans l’eau (essai ASTM C666). Il est particulièrement clair que les bé-
tons étudiés sont durables pour toute valeur de L inférieure ou égale à 550-600 µm et vulnérables
dès que la valeur de L est supérieure à 600 µm. Par sécurité, L crit sera pris égal à 550 µm.

3.1.6. Principaux paramètres d’influence


3.1.6.1. Sévérité des cycles de gel-dégel
Les modèles des pressions hydrauliques et des pressions osmotiques suggèrent
que la durabilité d’un béton dépend notamment de la sévérité des cycles de gel-
dégel. Toujours selon ces modèles, deux caractéristiques des cycles de gel-dégel
sont particulièrement importantes :
– la vitesse de refroidissement lors de la phase de gel. Elle conditionne la quan-
tité de glace formée par unité de temps. Plus la formation de la glace est rapide
plus les pressions hydrauliques internes sont intenses ;
– la température minimale atteinte lors de la phase de gel. Elle conditionne la
taille des pores affectés par le déséquilibre thermodynamique. Plus la tempéra-
ture minimale est basse, plus la quantité d’eau gelable est importante car le gel
affectera des pores de plus en plus petits.

406
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

Les procédures d’essais de résistance aux cycles gel-dégel en laboratoire utilisent


généralement un taux de refroidissement de 6 à 10 °C/h. Dans les pays où le cli-
mat comporte des cycles de gel-dégel, le taux de refroidissement enregistré dans
les premiers centimètres sous la surface des bétons exposés dépasse rarement 2 à
3 °C/h [NOK 04]. Les essais de durabilité au gel en laboratoire simulent donc des
conditions d’exposition beaucoup plus sévères que celles que l’on retrouve en mi-
lieu naturel. En laboratoire, l’utilisation d’un taux de refroidissement très rapide
permet de diminuer la durée des essais. Ainsi, en trois ou quatre mois, on peut ob-
tenir une estimation de la durabilité d’un béton alors qu’il faudrait plusieurs an-
nées si le béton était exposé à des conditions de gel plus représentatives de
l’environnement naturel.
Pigeon et al. [PIG 85] ont étudié l’influence de la vitesse de refroidissement (taux
de gel) sur la résistance à la fissuration interne des bétons à partir d’une approche
expérimentale basée sur le facteur d’espacement critique. Le concept de facteur
d’espacement critique a permis d’expliquer des divergences parfois enregistrées
entre résultats d’essais de formulation effectués suivant plusieurs procédures ex-
périmentales pour un même béton. La figure 10.13, tirée de résultats de Powers et
complétée par Pigeon et al. [PIG 85], montre une décroissance importante de L crit
lorsque la vitesse de refroidissement passe de 2 à 11 °C/h. Cette série de résultats
démontre que les cycles de gel-dégel ayant une faible vitesse de refroidissement
(2 °C/h) sont beaucoup moins sévères que les cycles rapides effectués en labora-
toire.
Les cycles de gel-dégel ayant une faible vitesse de refroidissement (2 °C/h) sont
beaucoup moins sévères que les cycles rapides effectués pour évaluer la durabi-
lité des bétons en laboratoire (8-10 °C/h). En laboratoire, l’utilisation d’un taux
de refroidissement très rapide permet de diminuer la durée des essais. Ainsi, en
trois ou quatre mois, on peut obtenir une estimation de la durabilité d’un béton
alors qu’il faudrait plusieurs années si le béton était exposé à des conditions de
gel plus représentatives de l’environnement naturel.

407
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

1 000

Espacement critique (L crit)


800

600

400

200

0
2 4 6 8 10 12
Vitesse de refroidissement (°C / h)

Figure 10.13 : influence de la vitesse de refroidissement d’un béton sur la valeur


du facteur d’espacement critique, d’après [PIG 85].
Des mesures en laboratoire sur des compositions de béton similaires (rapport E/C = 0,50) conduisent
à des valeurs de L crit variant pratiquement du simple au triple en fonction de la vitesse de refroidis-
sement. Ceci montre la difficulté d’interpréter les données des essais de laboratoire en terme de pré-
vision de durabilité du béton in situ.

Il n’existe pas d’étude expérimentale de l’influence de la température minimale


du cycle de gel sur la dégradation par fissuration interne du béton. Selon les mo-
dèles présentés précédemment, plus la température minimale est basse plus les ef-
fets du gel sont sévères car la quantité d’eau gelable est plus importante
(figure 10.5). Les travaux de Stark ont montré que l’intensité de la dégradation
par les cycles de gel-dégel augmente avec la durée de la période de gel [STA 89].
Une période de gel prolongée (jusqu’à 7 jours) favorise la croissance des cristaux
de glace dans la porosité capillaire [NOK 04].
3.1.6.2. Le degré de saturation
Le degré de saturation de la porosité capillaire est un paramètre important gouver-
nant la résistance à la fissuration des bétons (§ 3.1.1.2). En pratique, le degré de
saturation est lié aux paramètres de composition du béton (qui ont fixé, entre
autres, la quantité d’eau initialement introduite dans le matériau). Il dépend aussi
des conditions de l’environnement (immersion intermittente), ainsi que de l’em-
placement dans l’ouvrage (les parties verticales où l’eau ne peut stagner sont les
moins dégradées) car ces facteurs agissent sur le bilan de l’eau susceptible d’im-
prégner le béton pendant sa durée de service.
Quelques études faites in situ confirment la grande influence du degré de satura-
tion sur la durabilité au gel des bétons en service. Les résultats montrent qu’un
béton n’est dégradé par le gel que s’il est entièrement saturé d’eau ou dans un état
voisin de la saturation (figure 10.14).

408
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

Ce sont les parties d’ouvrages dont le béton a le plus fort degré de saturation qui
se dégradent le plus : elles correspondent soit à des parties qui, fonctionnelle-
ment, sont au contact de l’eau, soit à des parties qui, par leur géométrie, retien-
nent préférentiellement les eaux de précipitation (surfaces horizontales).

100

Bétons résistants
Résistance au gel (%)

80

60

40
Bétons attaqués

20

0
60 70 80 90 100
Degré de saturation (%)

Figure 10.14 : influence du degré de saturation d’un béton sur sa résistance


au gel de bétons sans air entraîné, d’après [NEV 95].
Ici le degré de saturation critique (3.1.1.2) est voisin de 85 %. Un béton d’ouvrage, s’il est toujours en
dessous du degré de saturation critique, ne se détériore pas et n’a donc pas besoin d’air entraîné.

3.1.6.3. L’air entraîné


Il est bien établi que les bétons d’usage courant doivent contenir des bulles d’air
entraîné pour être durables en ambiance hivernale. Ce comportement est illustré
à la figure 10.15 qui présente une relation entre la tenue au gel de bétons soumis
à des cycles de gel-dégel en laboratoire, en fonction de la résistance à la compres-
sion, de la teneur en air, du rapport E/C et de la durée de la cure humide (14 ou
180 jours) [MAT 62].
Les résultats de la figure 10.15 montrent que les deux bétons sans air entraîné ne
résistent pas au gel quel que soit le rapport E/C, la résistance à la compression, ou
le niveau de maturité avant l’exposition aux premiers cycles de gel-dégel. Le fac-
teur de durabilité des bétons contenant 6% d’air entraîné est significativement
plus élevé, ce qui démontre la protection offerte par la présence d’un bon réseau
de bulles d’air.
Dans le cas des bétons à air entraîné, une augmentation de la résistance à la com-
pression, ou une diminution du rapport E/C, produit généralement une améliora-
tion très significative de la tenue au gel. Il faut cependant noter que malgré la
protection offerte par les bulles d’air, il n’est pas possible de produire un béton
suffisamment durable au gel (facteur de durabilité > 60 %) en utilisant un rapport

409
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

E/C aussi élevé que 0,80. Pour parvenir à un niveau de durabilité acceptable, il
faut abaisser le rapport E/C à des valeurs plus faibles, voisines de 0,50.

100

80 Bétons à air entraîné


Facteur de durabilité (%)

60

E/C = 0,5 - 14 jours de mûrissement


E/C = 0,5 - 180 jours de mûrissement
40
E/C = 0,8 - 14 jours de mûrissement
E/C = 0,8 - 180 jours de mûrissement

20

Bétons sans air entraîné

0
0 10 20 30 40 50 60

Résistance à la compression (MPa)

Figure 10.15 : effet de l’air entraîné, du rapport E/C, de la résistance à la compression


et du niveau de maturité sur la tenue au gel du béton, d’après [MAT 62].
La durabilité au gel est exprimée à l’aide du facteur de durabilité. Ce paramètre est basé sur la mesure
de la vitesse de propagation d’une onde sonore pour caractériser l’endommagement interne d’un béton
soumis à des cycles de gel-dégel. Un facteur de durabilité de 100 % indique que le béton est parfaite-
ment résistant à la fissuration interne. La durabilité est considérée non satisfaisante lorsque le facteur
de durabilité est inférieur à 60 %. Malgré la protection offerte par les bulles d’air, il n’est pas possible
de produire un béton durable au gel en utilisant un rapport E/C aussi élevé que 0,80. Pour parvenir à
un niveau de durabilité acceptable, il faut abaisser le rapport E/C à des valeurs voisines de 0,50.

Il faut noter que l’air entraîné n’est pas toujours justifié dans le cas des bétons en
ambiance hivernale non rigoureuse. Les caractéristiques d’un environnement de
gel non rigoureux (gel modéré) sont notamment définies dans le guide technique
Recommandations pour la durabilité des bétons durcis soumis au gel [LCP 03].
Pour ce type d’exposition, l’air entraîné peut inutilement pénaliser la résistance à
la compression tout en contribuant à augmenter les coûts de production et de con-
trôle de la qualité du béton.
En ambiance hivernale rigoureuse, la durabilité au gel des bétons ayant un rap-
port E/C relativement élevé (0,7-0,8) est inacceptable, même lorsqu’ils contien-
nent un réseau de bulles d’air entraîné. Pour parvenir à un niveau de durabilité
acceptable des bétons à air entraîné, il faut abaisser le rapport E/C à des valeurs
plus faibles, au moins inférieures à 0,50.
Le volume d’air requis pour protéger un béton contre les cycles de gel-dégel en am-
biance hivernale rigoureuse est aussi fonction de la proportion volumique de pâte
dans le mélange. Puisque le rôle des bulles d’air est de protéger la pâte de ciment

410
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

durci contre les effets du gel, les bétons contenant un plus grand volume de pâte re-
quièrent donc un volume d’air entraîné plus important. D’un point de vue pratique,
la proportion volumique de pâte dans un béton est surtout fonction de la dimension
maximale du gros granulat. En général, lorsque la dimension maximale augmente,
la fraction volumique de pâte diminue, tout comme le volume d’air nécessaire pour
protéger le béton contre le gel. La figure 10.16 présente des relations entre l’expan-
sion d’un béton après 300 cycles de gel-dégel et la dimension maximale du gros
granulat [KLE 52]. Chacune des courbes permet d’identifier un volume d’air opti-
mal. Pour un volume d’air inférieur à la valeur optimale, l’expansion après 300 cy-
cles évolue très rapidement vers des valeurs inacceptables (> 0,02 %) alors qu’un
volume d’air supérieur à la valeur optimale ne produit pas d’amélioration significa-
tive de la tenue au gel. Plus la dimension maximale est grande, plus le volume d’air
requis est faible. Puisqu’en pratique, il est assez rare que l’on fabrique des bétons
dont la dimension maximale du granulat soit inférieure à 10 mm, on constate que
les volumes d’air optimaux sont généralement compris entre 4 % et 9 %. Le para-
graphe 5 présentera plus en détails certaines exigences normatives (européennes et
canadiennes) concernant le volume d’air entraîné nécessaire pour assurer la protec-
tion des bétons contre les effets des cycles de gel-dégel.
0,20

0,18 Dimension maximale


du granulat (en mm)
Expansion après 300 cycles gel-dégel (%)

0,16

0,14

64 19 5
0,12

0,10
38 10
0,08

0,06

0,04

0,02

0
0 2 4 6 8 10 12 14 16
Teneur en air (%)

Figure 10.16 : relation entre l’expansion au gel, la teneur en air et la dimension maximale
du granulat, d’après [KLE 52].
Chacune des courbes permet d’identifier un volume d’air optimal. Pour un volume d’air inférieur à la
valeur optimale, l’expansion après 300 cycles évolue très rapidement vers des valeurs inacceptables
(> 0,02 %) alors qu’un volume d’air supérieur à la valeur optimale ne produit pas d’amélioration signi-
ficative de la tenue au gel. Plus la dimension maximale est grande, plus le volume d’air requis est faible.

411
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

3.1.6.4. Le rôle des granulats


Le béton et les granulats ont certaines caractéristiques communes dont notam-
ment une porosité capillaire qui peut être plus ou moins saturée. Cette similarité
de structure fait en sorte que certains processus de destruction par le gel du béton
s’appliquent aussi à certains granulats. Dans le cas de ces granulats, on ne peut
évidement pas contrôler la porosité ou produire un réseau de bulles d’air pour di-
minuer les effets des cycles de gel-dégel. Par conséquent, pour s’assurer d’obtenir
un béton durable, il faut identifier et éviter d’utiliser des granulats qui, de par leur
porosité, leur dimension, leur degré de saturation ou leur perméabilité sont sensi-
bles à l’action du gel. La performance antérieure d’un granulat dans les ouvrages
en service constitue l’indice le plus fiable de sa durabilité.
L’indice de saturation de la porosité capillaire d’une roche est le principal critère
de classement en matériau gélif ou non gélif [HIR 12]. Si le degré de saturation
est supérieur à environ 90 %, il n’y a pas assez d’espaces vides pour accommoder
l’augmentation de volume de l’eau qui gèle [TOU 82]. L’eau en excès devra être
expulsée à l’extérieur de la porosité. L’expulsion d’eau peut alors engendrer des
pressions hydrauliques qui peuvent causer la rupture de la particule. Comme dans
le modèle des pressions hydrauliques, l’intensité des pressions est contrôlée par
quatre facteurs principaux: le degré de saturation, la porosité, la perméabilité et la
dimension du granulat [PIG 95]. Pour une vitesse de refroidissement donnée et
pour une perméabilité de la roche donnée, correspond un trajet maximal que peut
parcourir l’eau sans que les pressions hydrauliques engendrées n’excèdent la ré-
sistance à la traction de la roche : c’est cela qui constitue la dimension critique du
granulat. Ceci concorde avec la constatation des praticiens du béton, à savoir
qu’un sable présente toujours moins de risques de gélivité qu’un gravier et, à plus
forte raison, qu’un caillou issu de la même roche.
Le volume poreux conditionne la quantité maximale d’eau que peut emmagasiner
un granulat et la vitesse à laquelle il peut l’absorber ou la restituer dépend essen-
tiellement de la dimension des pores (lois de la capillarité et de la perméabilité).
Verbeck et Landgren [VER 60] ont montré que le degré de saturation que peut at-
teindre un granulat placé dans un milieu d’humidité relative fixée est dicté par les
caractéristiques de sa porosité (figure 10.17). Les granulats contenant des pores
relativement fins (traprock) peuvent atteindre un degré de saturation élevé dans
un environnement possédant une humidité relative relativement faible. À l’inver-
se, les granulats contenant des pores grossiers atteignent des degrés de saturation
nettement plus faibles, même sous des humidités relatives ambiantes relativement
élevées.

412
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

100

k
Traproc

Degré de saturation du granulat (%)


80

60

ite
an
40 Gr

cke
wa
au
20 Gr
mie
Dolo
h.m

0
20 40 60 80 90 95 98 99

Humidité relative (%)


Figure 10.17 : saturation de granulats différents en fonction de l’humidité relative,
d’après [VER 60].
Placés dans une ambiance dont l’humidité relative est proche de celle d’un béton (h.m), des granulats
peuvent acquérir, suivant leurs propriétés texturales, des degrés de saturation qui varient de 10 à 90%.

Lorsqu’un granulat poreux et saturé gèle, il s’y développe des pressions hydrau-
liques internes qui peuvent le fissurer. Le gel des granulats dans un béton se ma-
nifeste avec plus d’intensité en surface : il se traduit par des éclatements locaux et
par la formation de petits cratères (popouts des Anglo-Saxons) (figure 10.18). La
présence de granulats gélifs peut aussi occasionner de la fissuration dans la masse
des bétons.

G G

1 2 3

G : granulat gélif Pressions dues Formation d'un "cratère"


au gel du granulat G par éclatement de G
et à sa dilatation et du mortier de recouvrement

Figure 10.18 : fissuration d’un granulat dans un béton soumis au gel.

Puisque le granulat fait partie intégrante d’un béton, la durabilité du composite


granulat/pâte de ciment peut aussi dépendre de certaines caractéristiques de la
matrice de pâte qui l’entoure. Par exemple, dans le cas d’un granulat saturé, une
pâte très imperméable peut avoir des effets défavorables car, lors du gel, l’eau
sera plus difficilement expulsée du granulat, ce qui engendrera des pressions hy-
drauliques plus importantes dans la particule et dans la pâte au voisinage de cette

413
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

particule. À l’inverse, une pâte de ciment plus perméable et à air entraîné a des
effets positifs sur la durabilité au gel du granulat. Ces deux exemples indiquent
que la plupart du temps, des interactions importantes entre les deux phases inter-
viennent dans le comportement global. On peut retenir trois cas de figure d’après
les granulats considérés.
ˆ Granulats à forte porosité et forte perméabilité (gros pores)
Ils peuvent inclure la famille des grès et des calcaires crayeux. Par eux-mêmes,
ils ne sont pas gélifs puisqu’ils expulsent rapidement l’eau absorbée. Par contre,
ils rendront le béton gélif, car la pâte sera envahie par un grand volume d’eau qui
ne pourra se déplacer que de quelques centaines de micromètres dans la pâte sans
créer de tensions néfastes.
ˆ Granulats à faible porosité et faible perméabilité (par exemple les granites)
Ils ne peuvent emmagasiner que de très faibles quantités d’eau. Ne se saturant pas,
ils ne rejetteront donc que très peu d’eau dans la pâte. Ils n’affectent généralement
pas la durabilité au gel des bétons. En général, les granulats possédant une poro-
sité totale inférieure à 0,015 cm3/g (absorption totale inférieure à 1,5 %) n’altèrent
pas la durabilité au gel des bétons [KAN 80].
ˆ Granulats à porosité et perméabilité intermédiaires
Ces roches ne sont généralement pas saturées si elles sont enrobées d’une pâte de
bonne qualité. Si elles sont saturées, les risques qu’elles feront courir à la pâte de
ciment dépendront de la granularité des granulats, les plus grossiers étant les plus
nocifs puisqu’ils amènent à l’interface pâte/granulat le plus grand volume d’eau
par unité de surface. De plus, si la pâte est de bonne qualité et très compacte, elle
ne pourra pas accueillir facilement l’eau provenant des granulats, même si elle
contient de l’air entraîné.
3.1.6.5. Influence du rapport E/C
Parmi tous les paramètres de formulation du béton, le rapport E/C est certaine-
ment un de ceux ayant la plus grande influence sur la résistance à la fissuration
interne du béton. L’influence du rapport E/C découle principalement de ses effets
sur la quantité d’eau gelable (§ 3.1.1.1) et sur la perméabilité de la pâte. La baisse
du rapport E/C engendre une diminution de la quantité d’eau gelable consécutive
à la diminution du volume poreux total et au raffinement de la taille des pores.
C’est cette plus faible quantité d’eau gelable qui tend à diminuer l’intensité des
pressions internes dans les bétons ayant un faible rapport E/C.
La baisse de la perméabilité consécutive à une diminution du rapport E/C s’oppo-
se, d’une part, aux transferts internes de l’eau dans le volume poreux et d’autre
part, à l’absorption d’eau externe lors des cycles de gel-dégel. Ces deux phéno-
mènes ont des effets opposés sur l’intensité des pressions internes engendrées par

414
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

les cycles de gel-dégel. Une pâte faiblement perméable peut contribuer à augmen-
ter l’intensité des pressions internes car les mouvements d’eau vers les bulles d’air
sont plus fortement empêchés. À l’inverse, cette même pâte faiblement perméable
peut contribuer à abaisser l’intensité des pressions internes en diminuant l’absorp-
tion d’eau externe et, par conséquent, le degré de saturation du réseau poreux.
Globalement, l’influence du rapport E/C sur la résistance à la fissuration interne
du béton est donc relativement complexe en raison des effets superposés de plu-
sieurs mécanismes physico-chimiques mis en jeux lors des cycles de gel-dégel.
L’analyse de l’influence du rapport E/C sur le facteur d’espacement critique per-
met de mieux comprendre son influence globale sur la résistance à la fissuration
des bétons. Le tableau 10.1 présente quelques valeurs du facteur d’espacement cri-
tique de différents bétons, avec et sans fumée de silice, soumis à des cycles accé-
lérés de gel-dégel dans l’eau [PIG 87]. Ces valeurs s’appliquent à des bétons
conservés 14 jours dans l’eau avant la première exposition aux cycles de gel-dégel.
Le rapport E/C est la caractéristique de composition ayant la plus grande in-
fluence sur la résistance à la fissuration interne du béton. D’une part, la baisse
du rapport E/C engendre une diminution de la quantité d’eau gelable consécu-
tive à la diminution du volume poreux total et au raffinement de la taille des po-
res. D’autre part, lorsque le rapport E/C diminue, les résistances mécaniques
augmentent, ce qui produit un béton plus résistant aux contraintes internes en-
gendrées lors du gel.

Tableau 10.1 : influence du rapport E/C et de la fumée de silice sur le facteur


d’espacement critique du béton [PIG 87]

Rapport Facteur d’espacement critique, L crit (µm)


E/C
Ciment Portland ordinaire Ciment Portland avec 8 % de fumée de silice
0,50 500 250
0,30 400 300
0,25 750 < 700

Les données du tableau 10.1 indiquent que le facteur d’espacement critique d’un
béton sans fumée de silice avec un rapport E/C de 0,5 est de 500 µm. Rappelons
que cette valeur indique que pour être durable, ce béton doit être protégé par un
réseau de bulles d’air dont le facteur d’espacement est au moins inférieur à
500 µm. Le facteur d’espacement critique du béton avec un rapport E/C de 0,30
est de 400 µm. Cette valeur plus faible montre que, dans ce cas, l’abaissement du
rapport E/C de 0,50 à 0,30 a provoqué une légère diminution de la durabilité au
gel. Selon Pigeon et al. [PIG 87] cette baisse de la résistance à la fissuration in-
terne est probablement due à la forte baisse de la perméabilité de la pâte. Dans ce

415
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

cas, les effets favorables de la baisse de la quantité d’eau gelable ont été proba-
blement partiellement ou complètement annulés par les effets défavorables de la
plus faible perméabilité de la pâte.
Considérons maintenant le cas du béton sans fumée de silice ayant un rapport E/C
de 0,25. Le facteur d’espacement critique de 750 µm indique que ce type de béton
possède une bien meilleure résistance à la fissuration interne que celle du béton de
rapport E/C de 0,50. La forte baisse du rapport E/C a probablement engendré une
très forte baisse de la quantité d’eau gelable. Dans ce cas, les mouvements d’eau
lors du gel sont très limités, si bien que les effets défavorables de la faible perméa-
bilité deviennent alors mineurs.
Les données du tableau 10.1 montrent que le facteur d’espacement critique des
bétons avec 8 % de fumée de silice est systématiquement inférieur à celui des bé-
tons sans fumée de silice. Par conséquent, l’utilisation de 8 % fumée de silice con-
tribue à diminuer la résistance à la fissuration interne du béton. Selon les auteurs,
cette plus faible durabilité est due au fait que la fumée de silice diminue relative-
ment peu le volume poreux total mais diminue fortement la perméabilité de la pâ-
te. Lors du gel, les mouvements d’eau vers les bulles d’air sont plus lents, ce qui
diminue la protection offerte par les bulles d’air et augmente l’intensité des pres-
sions internes.
Marchand et al. [MAR 96] ont réalisé une importante revue de la documentation
technique sur l’influence du rapport E/C sur la résistance à la fissuration interne
des bétons. Cette synthèse regroupe de nombreux résultats de durabilité obtenus
à partir de bétons avec ou sans fumée de silice fabriqués avec des rapports E/C
compris entre 0,25 et 0,55. La figure 10.19 présente l’ensemble des résultats qui
regroupent des bétons à air entraîné ayant des facteurs d’espacement inférieurs à
250 µm et des bétons sans air entraîné ayant des facteurs d’espacement supérieurs
à 500 µm. Globalement, les résultats peuvent être regroupés en deux grandes fa-
milles. Une première famille regroupe des bétons courants ayant un rapport E/C
supérieur à 0,40 (zone II). Les résultats démontrent que ce type de béton doit tou-
jours être protégé par un bon réseau de bulles d’air entraîné pour pouvoir déve-
lopper une bonne résistance à la fissuration interne.
La seconde famille regroupe les bétons ayant un rapport E/C de 0,40 ou moins
(zone I). Les résultats montrent que l’utilisation d’un rapport E/C faible (≤ 0,35)
tend à améliorer la résistance à la fissuration interne puisque certains bétons de
cette famille peuvent avoir une durabilité au gel acceptable malgré l’absence d’air
entraîné. Il faut cependant noter que la résistance à la fissuration interne des bé-
tons à faible rapport E/C sans air entraîné est très variable. Certains sont parfaite-
ment durables alors que d’autres ne le sont pas. Pour un même rapport E/C, la
durabilité au gel des bétons sans air entraîné peut varier fortement en fonction du

416
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

type et de la durée du mûrissement et en fonction du type et du dosage des addi-


tions minérales [MAR 96]. Des études en laboratoires tendent à montrer que les
bétons ayant une résistance à la compression à 28 jours supérieure à environ
90 MPa n’ont généralement pas besoin de la protection d’un réseau de bulles d’air
entraîné pour résister à la fissuration interne engendrée par les cycles de gel-dégel
(voir § 3.1.7.2) [GAG 90, PIG 91b].

Zone I Zone II
120

100
Facteur de durabilité (%)

80 L < 250 μm
L > 500 μm
60

40

20

0
0,20 0,25 0,30 0,35 0,40 0,45 0,50 0,55

Rapport E/C

Figure 10.19 : influence du rapport E/C sur la résistance à la fissuration interne du béton,
d’après [MAR 96].
La durabilité au gel est exprimée à l’aide du facteur de durabilité calculé après 300 cycles accélérés
de gel-dégel selon la procédure ASTM C666 (gel et dégel dans l’eau). La durabilité est considérée
non satisfaisante lorsque le facteur de durabilité est inférieur à 60 %.

3.1.6.6. Influence des additions minérales


Les additions minérales (fumées de silice, laitiers et cendres volantes) peuvent
modifier la résistance à la fissuration interne des bétons en raison de leurs effets
sur la maturité du béton et sur la structure de la porosité capillaire (porosité totale
et taille des pores). L’influence des additions minérales sur la tenue au gel est va-
riable en fonction du type d’addition et du taux de remplacement du ciment. De
nombreuses études tendent à démontrer qu’en général, les fumées de silices, les
cendres volantes et les laitiers n’améliorent pas significativement la résistance à
la fissuration interne du béton [PIG 87, GEB 96, SAR 03]. Les additions minéra-
les utilisées à des taux de remplacement très élevés peuvent parfois compromettre
la résistance à la fissuration interne du béton [BOU 03, TOU 04]. Cependant, dans
le cas des bétons de résistance normale, exposés au cycles de gel-dégel sans sels
fondants, on peut généralement profiter des nombreux avantages offerts par les

417
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

additions minérales en imposant une limite sur le taux de remplacement du ci-


ment, en s’assurant d’un niveau de maturité suffisant avant la première exposition
au gel et en prévoyant toujours un réseau de bulles d’air entraîné de bonne qualité
( L < 200 µm) [SAR 03, HOO 00, BOU 03].
Le remplacement d’une partie du ciment Portland par 8 % de fumée de silice en-
gendre une diminution du facteur d’espacement critique [PIG 87]. Ce facteur
d’espacement critique plus faible indique que la fumée de silice produit une dimi-
nution de la résistance à la fissuration interne. Comme expliqué au para-
graphe 3.1.6.5, cette perte de durabilité résulte du fait que la fumée de silice dimi-
nue peu le volume total de la porosité capillaire mais diminue très fortement la
perméabilité de la pâte. Néanmoins, plusieurs études en laboratoire ont permis de
démontrer que les bétons avec fumée de silice possèdent une bonne résistance à
la fissuration interne lorsque le taux de remplacement du ciment Portland est in-
férieur à 10 % et lorsque le béton est protégé par un réseau de bulles d’air entraîné
adéquat [PIG 87, GAG 90]. Les fumées de silice sont par ailleurs souvent utilisées
pour formuler des BHP avec de faibles rapports E/C (type C70/85) pouvant dans
certains cas avoir un comportement satisfaisant sans réseau de bulles d’air comme
évoqué au paragraphe 3.1.6.5.
De nombreuses études en laboratoire ont montré que le remplacement de moins
de 25 % du ciment Portland par des cendres volantes n’a pas ou peu d’effets dé-
favorables sur la résistance à la fissuration interne des bétons à air entraîné fabri-
qués avec un rapport eau/(ciment + addition) de 0,45 ou moins [GEB 96, WHI 87,
LAN 89]. Certains types de bétons à air entraîné fabriqués avec des liants conte-
nant plus de 40 % de cendres volantes (high-volume fly ash concretes) peuvent
aussi avoir une excellente résistance à la fissuration interne à condition d’utiliser
un rapport eau/(ciment+addition) relativement faible (< 0,35) [LAN 89, HAQ 84,
LAN 90]. Le suivi de la performance en service de trottoirs très sévèrement ex-
posés aux cycles de gel-dégel (ville de Montréal) indique que la résistance à la fis-
suration interne des bétons contenant 25 % et 35 % de cendres volantes est
excellente lorsque ces bétons sont protégés par un bon réseau de bulles d’air en-
traînée [BOU 05]. Au Canada, des ciments ternaires contenant environ 25 % de
cendres volantes et 3 % de fumée de silice sont commercialisés depuis la fin des
années quatre-vingt-dix. Les performances en service de ce type de liant indiquent
une excellente résistance à la fissuration interne des bétons à air entraîné protégés
par un bon réseau de bulles d’air [BOU 05]. Il faut noter que les cendres volantes
peuvent avoir des effets défavorables sur la résistance à l’écaillage. Ce point sera
discuté plus en détails au paragraphe 3.2.2.3.

418
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

En général, les fumées de silice, les cendres volantes et les laitiers n’améliorent
pas significativement la résistance à la fissuration interne du béton. Dans le cas
des bétons de résistance normale, exposés aux cycles de gel-dégel sans sels fon-
dants, on peut généralement profiter des nombreux avantages offerts par les ad-
ditions minérales en imposant une limite sur le taux de remplacement du ciment,
en s’assurant d’un niveau de maturité suffisant avant la première exposition au
gel et en prévoyant toujours un réseau de bulles d’air entraîné de bonne qualité.
L’influence des laitiers sur la résistance à la fissuration interne a fait l’objet d’un
relativement petit nombre d’études. Quelques études ont démontré que des bétons
à air entraîné fabriqués avec des liants composés uniquement de laitiers activés
par des silicates de sodium peuvent développer une bonne résistance à la fissura-
tion interne [DOU 92, GIF 96]. Ces performances satisfaisantes suggèrent que le
laitier est en mesure de produire des bétons durables lorsque adéquatement proté-
gés par un bon réseau de bulles d’air. Quelques études en laboratoire tendent à
monter que le remplacement du ciment Portland par des laitiers a relativement peu
d’effet sur la résistance à la fissuration interne des bétons à air entraîné. Saric-Co-
ric et Aïtcin ont étudié la résistance à la fissuration interne de bétons à hautes per-
formances à air entraîné fabriqués avec un rapport E/L de 0,35 et des liants
ternaires contenant tous 5 % de fumée de silice mais des teneurs variables en lai-
tier (20 %, 30 %, 50 % et 80 %) [SAR 03]. Tous ces bétons ont pu développer une
excellente résistance à la fissuration après 300 cycles de gel-dégel en laboratoire.
Au Canada, des ciments ternaires contenant environ 25 % de laitier et 3 % de fu-
mée de silice sont commercialisés depuis la fin des années quatre-vingt-dix. Les
performances en service de ce type de liant indiquent une excellente résistance à
la fissuration interne des bétons à air entraîné protégés par un bon réseau de bulles
d’air [BOU 05, HOO 00].
3.1.7. Résistance à la fissuration interne des bétons spéciaux
La résistance à la fissuration interne des bétons spéciaux (bétons autoplaçants et
bétons à hautes performances, etc.) est, tout comme celle des bétons courants,
gouvernée par les mêmes principaux paramètres de formulation soit : les caracté-
ristiques du réseau de bulles d’air, le rapport E/C et le type et le dosage des addi-
tions minérales. Les bétons spéciaux sont généralement fabriqués avec les mêmes
matériaux cimentaires que ceux qui peuvent être utilisés pour la fabrication des
bétons conventionnels : ciment Portland, cendres volantes, laitiers, fumées de si-
lice, etc. Cependant, leur formulation se distingue généralement de celle des bé-
tons conventionnels au niveau du dosage des matières cimentaires, du rapport Eau
/Liant (E/L) et des adjuvants. Les effets des matériaux cimentaires et du rapport
E/L sur la résistance à la fissuration interne des bétons spéciaux sont fondamen-
talement les mêmes que ceux qui ont déjà été présentés aux paragraphes 3.1.6.5

419
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

et 3.1.6.6. Quelques résultats spécifiques permettant de mieux comprendre la ré-


sistance à la fissuration interne des bétons autoplaçants et des bétons à hautes per-
formances sont présentés ci-après.
3.1.7.1. Bétons autoplaçants
Les bétons autoplaçants ont comme principale particularité d’avoir une propor-
tion volumique de pâte plus élevée et peuvent contenir des agents de viscosité per-
mettant de stabiliser la phase minérale en suspension dans la matrice de pâte.
Les travaux de Khayat ont montré que des agents de viscosité à base de cellulose
(HPMC) et à base de polysaccharides (Welan gum) n’ont pas d’effet significatif
sur la résistance à la fissuration interne de bétons autoplaçants à air entraîné fabri-
qués avec des rapports E/L de 0,45 et 0,49 [KHA 95]. Les résultats indiquent que
les deux types d’agents de viscosité testés n’ont pas modifié le facteur d’espace-
ment critique des bétons (figure 10.20). Le facteur d’espacement critique de tous
les bétons autoplaçants est d’environ 400-500 µm, une valeur très voisine de celle
des bétons conventionnels fabriqués avec le même rapport E/C (tableau 10.1).
Globalement, ces résultats démontrent que pour un rapport E/L donné, la résistan-
ce à la fissuration interne de ces bétons autoplaçants est principalement gouvernée
par les caractéristiques du réseau de bulles d’air et non pas par le type ou le dosage
de l’agent de viscosité.
Plusieurs études démontrent que les bétons autoplaçants sont en mesure de dé-
velopper une résistance à la fissuration interne similaire à celle des bétons cou-
rants ayant le même rapport Eau /Liant et les mêmes caractéristiques du réseau
de bulles d’air entraîné.

420
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

100

Coefficient de durabilité (%)


80

60
Valeur minimale acceptable

40 Sans agent de viscosité (E/C = 0,49)


Welan gum (E/C = 0,45)
HPMC (E/C = 0,45)

20
Facteur d’espacement

0
0 100 200 300 400 500 600 700 800

Facteur d’espacement (μm)

Figure 10.20 : influence de deux types d’agents de viscosité sur le facteur d’espacement
critique de bétons autoplaçants, d’après [KHA 95].
Deux types de bétons autoplaçants ont été fabriqués avec des agents de viscosité à base de polysac-
charides (Welan gum) et à base de cellulose (HPMC). La durabilité est considérée non satisfaisante
lorsque le facteur de durabilité est inférieur à 60 %.

Plusieurs types de bétons autoplaçants à air entraîné fabriqués avec des liants ter-
naires contenant des fumées de silice (3 %) et des cendres volantes (20 %) ou des
fumées de silice (3 %) et des laitiers (40 %) ont fait l’objet d’une étude très dé-
taillée comportant notamment la mesure de leur résistance à la fissuration interne
[KHA 00]. Les dosages en matières cimentaires et les rapports E/L étaient respec-
tivement compris entre 340 et 535 kg/m3 et 0,41 et 0,50. Les résultats montrent que
des teneurs en air comprises entre 4,0 % à 8,0 % ont permis de produire des fac-
teurs d’espacement inférieurs à 220 µm. Tous ces bétons autoplaçants à air entraî-
né ont pu développer une excellente résistance à la fissuration interne. D’une
manière plus générale, ces résultats suggèrent que les bétons autoplaçants sont en
mesure de développer une résistance à la fissuration interne similaire à celle d’un
béton conventionnel ayant le même rapport E/L et les mêmes caractéristiques du
réseau de bulles d’air entraîné. Ils montrent également qu’il est possible de stabi-
liser le réseau de bulles d’air malgré la grande fluidité des bétons autoplaçants
(§ 4.5.2).
3.1.7.2. Bétons à hautes performances
La résistance à la fissuration interne des bétons à hautes performances a fait l’ob-
jet d’un très grand nombre d’études. Une synthèse détaillée de Pigeon et Pleau

421
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

montre qu’une diminution du rapport E/L engendre généralement un accroisse-


ment du facteur d’espacement critique [PIG 95]. Par conséquent, plus le rapport
E/L est faible, meilleure est la résistance à la fissuration interne du béton. Cepen-
dant, les résultats présentés à la figure 10.19 ont clairement montré que l’augmen-
tation de la résistance à la fissuration interne n’est pas toujours suffisante pour
s’affranchir de la protection d’un bon réseau de bulles d’air entraîné.
La figure 10.21 présente une synthèse de nombreuses études portant sur la résis-
tance à la fissuration interne de bétons à hautes performances [MAR 96]. La ré-
sistance à la fissuration interne (facteur de durabilité) de bétons avec ou sans air
entraîné, avec ou sans fumée de silice et de rapport E/L variable, est exprimée en
fonction de la résistance à la compression à 28 jours. Globalement, les résultats
montrent que la résistance à la compression d’un béton à hautes performances
peut fournir un indice de sa résistance à la fissuration interne. Les bétons d’usage
courant possédant une résistance à la compression de 50 MPa ou moins (zone I)
doivent toujours être protégés par un bon réseau de bulles d’air pour résister à l’at-
taque des cycles rapides de gel-dégel. Les bétons à hautes performances ayant une
résistance à la compression comprise entre 50 et 90 MPa (zone II) doivent géné-
ralement être protégés par un bon réseau de bulles d’air. Cependant plusieurs ré-
sultats en laboratoire indiquent que certains de ces bétons n’ont pas toujours
besoin de cette protection. Seuls les bétons ayant une résistance à la compression
de plus de 90 MPa (zone 3) peuvent avoir une bonne résistance à la fissuration
interne sans la protection de l’air entraîné.
Les bétons à hautes performances, qui possèdent habituellement un rapport Eau
/Liant relativement faible (≤ 0,35), ont généralement une meilleure résistance à
la fissuration interne que celle des bétons courants. Cependant, de nombreuses
études en laboratoire ont montré que leur meilleure résistance à la fissuration
interne n’est pas toujours suffisante pour s’affranchir de la protection d’un bon
réseau de bulles d’air entraîné.
La durabilité au gel de plusieurs types de BHP utilisés pour la construction
d’ouvrages d’art en France a fait l’objet d’une étude approfondie par le groupe
« Durabilité BHP 2000 » [BAR 99, BAR 00]. Les résultats indiquent que, dans la
plupart des cas, les BHP ne nécessitent pas l’utilisation d’un entraîneur d’air pour
présenter un bon comportement vis-à-vis des cycles accélérés de gel et de dégel
dans l’eau. Cependant, certaines formulations de BHP sans air entraîné contenant
des cendres volantes ou des fumées de silice se sont avérées non durables lorsque
soumises à des cycles accélérés de gel et dégel dans l’eau (procédure d’essai XP
P18-424). Ces résultats tendent à confirmer le caractère non systématique de la
durabilité des BHP sans air entraîné soumis à des cycles sévères de gel et dégel
[BAR 05]. Le rapport du groupe « Durabilité BHP 2000 » ajoute que lorsque

422
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

qu’une procédure d’essai moins sévère est utilisée (gel dans l’air et dégel dans
l’eau selon la procédure P18-425), tous les BHP sans air entraîné sont alors en
mesure de résister à l’attaque de ce type de cycles de gel-dégel.
En pratique, avant d’autoriser la mise en place d’un béton sans air entraîné forte-
ment exposé aux cycles de gel-dégel, il convient de valider la durabilité au gel par
des essais de laboratoire. Dans le cas des bétons à hautes performances ayant un
très faible rapport E/L (0,25), il apparaît prudent de recommander un volume d’air
entraîné minimal (3 à 4 %) afin d’éviter d’obtenir un facteur d’espacement supé-
rieur à 600 ou 700 µm. Ce faible volume d’air entraîné aura peu d’effets défavo-
rable sur les propriétés mécaniques. Il procure cependant une garantie
supplémentaire contre l’attaque par les cycles de gel-dégel, tout en améliorant si-
gnificativement la maniabilité du béton frais.

Zone I Zone II Zone III


120
Facteur de durabilité (%)

100

80

60

L < 250 μm
40 L > 500 μm

20

0
20 30 40 50 60 70 80 90 100 110 120

Résistance à la compression (MPa)


Figure 10.21 : relation entre la résistance à la compression et la résistance
à la fissuration interne du béton, d’après [MAR 96].
La durabilité au gel est exprimée à l’aide du facteur de durabilité calculé après 300 cycles accélérés
de gel-dégel selon la procédure ASTM C666. La durabilité est considérée non satisfaisante lorsque
le facteur de durabilité est inférieur à 60 %. La résistance à la compression a été mesurée à partir
d’éprouvettes cylindriques âgées de 28 jours. Les bétons d’usage courant (zone I) doivent toujours
être protégés par un bon réseau de bulles d’air pour résister à l’attaque des cycles rapides de gel-
dégel. Certains bétons à hautes performances (zone II) doivent généralement être protégés par un
bon réseau de bulles d’air. Seuls les bétons ayant une résistance à la compression de plus de 90 MPa
(zone 3) peuvent avoir une bonne résistance à la fissuration interne sans la protection de l’air entraîné.

3.2. Détérioration par écaillage


L’emploi de sels fondants accroît les dégradations sur les ouvrages durant les pé-
riodes hivernales. Ces dégradations se manifestent préférentiellement sous forme

423
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

d’écaillage (figure 10.2). L’écaillage de surface est pratiquement inexistant lors-


que l’exposition au gel-dégel se fait en l’absence de sels fondants. Pourquoi la du-
rabilité des bétons est-elle affaiblie lorsqu’il y a combinaison des influences des
cycles de gel-dégel et des sels fondants ? Une réponse pleinement satisfaisante
n’est pas encore donnée actuellement : nous allons indiquer l’état actuel des con-
naissances.
Il n’existe pas encore de modèle unifié en mesure d’expliquer le mode de destruc-
tion des surfaces de béton soumises à l’action combinée du gel et des sels fon-
dants. Quelques chercheurs ont déjà proposé des mécanismes plus ou moins
détaillés, mais ce phénomène semble particulièrement difficile à modéliser en rai-
son du grand nombre de paramètres gouvernant les processus d’écaillage.
Les sels fondants sont en contact immédiat avec les couches externes du béton qui
ont une texture différente de celle du cœur du béton. Les caractéristiques de la
peau du béton, dont l’épaisseur atteint 2 à 3 cm, sont liées à la mise en place (spé-
cialement à la finition) et à la cure du béton. Les propriétés de la peau sont influen-
cées par les méthodes de coffrage, la ségrégation, l’évaporation, la fissuration
excessive, etc. Il en résulte l’apparition de gradients, parfois importants, dans les
principales propriétés du béton lorsque l’on se déplace de la surface externe vers
le cœur de l’ouvrage. La peau du béton est en général plus poreuse que le cœur du
béton et, de ce fait, accessible à l’eau. Par ailleurs, au cours de son vieillissement,
les cycles de mouillage/séchage auxquels elle est soumise ne font qu’accroître sa
porosité et son degré de fissuration [BAR 05].
Les conditions d’exposition de la peau du béton sont très variables. Par exemple,
le degré de saturation de la peau peut passer de pratiquement 0 %, durant la saison
sèche à presque 100 %, durant la saison froide et humide. La concentration de sel
fondant en contact avec les surfaces exposées peut varier fortement à l’intérieur
de plages temporelles de quelques heures. Les surfaces en contact avec l’atmos-
phère sont soumises à des cycles thermiques qui peuvent être plus étendus et plus
brusques comparativement au cœur de l’élément de béton où les conditions cli-
matiques sont généralement plus tempérées. Enfin, le type de sel fondant choisi
(chlorure de sodium, chlorure de calcium, etc.) peut varier d’une région ou d’un
gestionnaire d’ouvrage à l’autre et surtout de la température : en dessous de –
10 °C le chlorure de sodium est inefficace, il faut alors absolument avoir recours
au chlorure de calcium.
Plusieurs types de produits chimiques peuvent causer l’écaillage. Verbek et
Klieger ont montré qu’on pouvait endommager la surface d’un béton non seule-
ment avec des sels fondants courants (NaCl, CaCl2) mais aussi avec des produits
qui ne cristallisent pas tels l’urée, l’éthanol et l’alcool éthylique [VER 57]. Les
connaissances actuelles indiquent que l’action des sels fondants est principale-

424
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

ment associée à une attaque physique plutôt qu’à une attaque chimique [VER 57].
Cependant, certains sels fondants contenant des sulfates solubles peuvent chimi-
quement endommager les éléments en béton.
Les sels fondants (NaCl) sont hygroscopiques, car ils abaissent la pression de va-
peur saturante de la solution interstitielle. Par conséquent, en pénétrant dans la po-
rosité capillaire des bétons, ils contribuent à augmenter le degré de saturation du
réseau poreux, ce qui accroît l’intensité des mécanismes de destruction par
écaillage [PIG 95, MAC 79]. Les sels fondants en solution dans la solution inters-
titielle ont aussi pour effet de diminuer la température de formation de la glace
(figure 10.22). Les sels fondants peuvent donc produire des effets favorables et
défavorables en regard des principaux mécanismes de destruction par écaillage.

–5
Température (°C)

– 10

– 15

– 20
0 5 10 15 20 25
Concentration de la solution de NaCl (%)

Figure 10.22 : relation entre la température de formation de la glace et la concentration


de la solution de chlorure de sodium, d’après [PIG 95].

L’intensité de l’écaillage n’est pas proportionnelle à la concentration des sels fon-


dants. La figure 10.23 indique que les concentrations relativement faibles sont les
plus dommageables. On observe un effet pessimum entre 3 % et 6 % selon les pro-
duits utilisés [MAR 99, VER 57].

425
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

5
Chlorure de sodium

4
Béton sans air entraîné après 25 cycles

Sévérité de l'écaillage

3 Béton avec air entraîné après 200 cycles

1
Béton avec air entraîné
après 50 cycles

0
0 4 8 12 16
Concentration de la solution saline (% massique)

Figure 10.23 : influence de la concentration en NaCl sur l’écaillage, d’après [VER 57].
La sévérité de l’écaillage est exprimée à l’aide d’une cote visuelle. Une cote de 0 indique qu’il n’y a
aucun écaillage. Une cote de 5 indique un écaillage très sévère.

3.2.1. Mécanismes fondamentaux


Selon Browne et Cady, le modèle des pressions hydrauliques, proposé par
Powers, s’applique à certains mécanismes fondamentaux de la destruction par
écaillage [BRO 75]. Selon ce modèle, l’écaillage serait produit par des pressions
hydrauliques générées tout juste sous la surface exposée au gel-dégel. Près de la
surface, les pressions hydrauliques seraient plus intenses en raison d’un degré de
saturation très élevé qui favorise la formation d’une grande quantité de glace. Les
concentrations en sels fondants plus faibles sont les plus dommageables car elles
abaissent moins fortement la température de fusion de la glace.
En observant les débris en forme de minces flocons, Browne et Cady ont émis
l’hypothèse que les pressions hydrauliques maximales sont générées à une pro-
fondeur correspondant à peu près à l’épaisseur des « écailles ». De part et d’autre
de ce plan de rupture, les pressions sont plus faibles, car la concentration ionique
de la solution interstitielle au-dessus est plus grande ou parce que le degré de sa-
turation de la pâte au-dessous est moins élevé. Ce mécanisme de destruction n’ex-
plique pas complètement le processus de destruction par écaillage, car il ne

426
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

permet pas d’expliquer pourquoi le béton peut s’écailler même en présence de


produits qui n’augmentent pas de volume en gelant (alcool).
Selon Powers et Helmuth, le modèle des pressions osmotiques peut contribuer à
expliquer l’action néfaste des sels fondants [POW 53]. Les dommages sont prin-
cipalement engendrés près de la surface car les pressions osmotiques y sont plus
intenses en raison de la plus forte concentration en sels fondants. Selon Fagerlund,
l’écaillage pourrait être le résultat de l’action combinée de pressions hydrauliques
et osmotiques (figure 10.24) [FAG 75]. Cette approche permet notamment d’ex-
pliquer pourquoi les concentrations les plus agressives sont comprises entre 3 %
et 6 % : pour de faibles concentrations en sels fondants, les pressions internes se-
raient principalement d’origine hydraulique. La contribution des pressions osmo-
tiques serait nettement plus faible en raison de la faible concentration ionique de
la solution interstitielle. Lorsque la concentration en sels fondants augmente, les
pressions hydrauliques diminuent car la baisse de la température de fusion de la
glace diminue la quantité de glace formée. Inversement, l’augmentation de la con-
centration en sels fondants favorise l’augmentation des pressions osmotiques. La
somme des effets simultanés des pressions osmotiques et hydrauliques suggère
que des pressions internes maximales sont générées lorsque la concentration en
NaCl est approximativement de 2,5 % (figure 10.24).

Hydraulique + osmotique
Pression

Hydraulique

Osmotique

Concentration la plus agressive

0 2,5 5,0 7,5 10,0

Concentration de la solution de NaCl (%)

Figure 10.24 : courbes hypothétiques des pressions internes se développant


dans la porosité d’une pâte de ciment qui gèle, d’après [FAG 75].

Rösli et Harnik ont émis l’hypothèse que l’écaillage pourrait être engendré par un
mécanisme de choc thermique [RÖS 80]. Lorsque le sel est appliqué sur une surface
déjà glacée, il provoque une fusion brutale de la glace. C’est une réaction endother-

427
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

mique (335 kJ/kg) qui va puiser sa chaleur dans le matériau au contact, c’est-à-dire
dans la peau du béton. Celle-ci se refroidit brutalement et il apparaît un important
gradient thermique. En laboratoire, on a enregistré des chutes de température de 3,5
à 7,5 °C dans la peau de dalles de béton recouvertes de 1 à 4 mm de glace, et ceci
dans les cinq minutes suivant l’application du fondant (NaCl) [BER 71]. Des me-
sures effectuées in situ ont établi que ces chutes de température existent bien dans
les ouvrages mais que leur amplitude est plus faible. Dans la région de Zurich, les
chutes de température s’échelonnent de 0 à 4,3 °C [RÖS 77].
L’existence de ce gradient de température entraîne, puisque les raccourcissements
différentiels sont quasiment empêchés, l’apparition de contraintes internes répar-
ties suivant le schéma de la figure 10.25 [RÖS 80]. Dans ces conditions, des con-
traintes de traction atteignant 1,1 à 1,4 MPa peuvent s’établir en surface, et sont
susceptibles de créer des microfissures.
y
– 'T
y
Tension
Gradient thermique
Contraintes
internes
b=
1
Compression
Tension

Figure 10.25 : contraintes internes engendrées par un gradient thermique


à la surface du béton, d’après [RÖS 80].

Le mécanisme de destruction proposé par Rosli et Harnik montre comment peut


s’amorcer la fissuration de la surface du béton suite à l’action des sels fondants et
du gel. L’écaillage à proprement parler survient lorsque les microfissures sont for-
tement amplifiées par la formation de glace lors des cycles de gel-dégel subsé-
quents. Un des points faibles de ce modèle est qu’il ne permet pas d’expliquer
comment l’air entraîné peut contribuer à diminuer les dommages engendrés par
les sels fondants.
Des mesures sur des ouvrages régulièrement salés montrent que le profil de con-
centration des chlorures présente généralement un maximum à une profondeur
d’environ 1 cm sous la surface (figure 10.26) [RÖS 80]. La concentration maxi-
male n’est pas mesurée en surface, car les chlorures y sont lessivés par les préci-
pitations atmosphériques. Les gradients de concentration entraînent une variation
de la température de congélation de la solution interstitielle avec la profondeur.
En d’autres termes, pour une température de gel donnée, seule une couche serait
susceptible de geler [HAR 80]. Lorsque le gel survient, ce sont d’abord les cou-
ches contenant la moins grande teneur en ions qui gèlent en premier. Ces couches

428
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

sont situées, d’une part, tout près de la surface et, d’autre part, plus en profondeur.
Par conséquent, il existe une couche intermédiaire qui, à cause de sa forte teneur
en ions, gèle après les deux autres. Ce phénomène peut provoquer des tensions in-
ternes en raison de la dilatation différente des couches gelées et non gelées. De
plus, lorsque le gel parvient à la couche intermédiaire, une certaine quantité d’eau
ne peut être expulsée en raison de la faible perméabilité des deux couches voisines
qui sont déjà gelées.
Ce modèle du gel couche par couche n’explique pas tous les mécanismes associés
à l’écaillage. Il propose cependant une explication plausible qui fait intervenir la
présence prépondérante des ions en solution. Cependant, comme le modèle du
choc thermique, il ne parvient pas à expliquer le rôle protecteur des bulles d’air
entraîné.
0 Concentration en Cl–

§FP M

Profondeur

Figure 10.26 : concentration en ions chlorure à l’intérieur du béton


suite à plusieurs applications successives de sels fondants, d’après [RÖS 80].
Globalement, l’ensemble des modèles présentés suggère que la sévérité des dom-
mages résultant de l’action combinée des cycles de gel-dégel et des sels fondants
résulte principalement de la plus grande gélivité de la zone superficielle (porosité
élevée) et des conditions hivernales qui renforcent ses défauts en la maintenant
saturée, en la soumettant à des chocs thermiques et en créant des gradients de
concentration saline (osmose, gel par couche).

3.2.2. Principaux paramètres d’influence


3.2.2.1. Air entraîné et facteur d’espacement
Comme dans le cas de la fissuration interne, les caractéristiques du réseau de bul-
les d’air ont une grande influence sur la résistance à l’écaillage des bétons. Le ré-
seau de bulles d’air entraîné permet de diminuer l’intensité des pressions
hydrauliques et osmotiques engendrées par les cycles de gel-dégel en présence de

429
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

sels fondants. De nombreuses études en laboratoire ont montré que les bétons nor-
maux doivent toujours être protégés par un bon réseau de bulles d’air entraîné
pour pouvoir développer une bonne résistance à l’écaillage.
Les courbes de la figure 10.27 présentent des relations typiques entre le volume
d’air entraîné et la résistance à l’écaillage de bétons fabriqués avec un rapport E/C
compris entre 0,43 et 0,47. Ces données démontrent que la résistance à l’écaillage
du béton augmente avec le volume d’air entraîné. Un volume d’air entraîné compris
entre 4 % et 6 % est nécessaire pour pouvoir développer une résistance à l’écaillage
acceptable.

10

A
B Type d’agent
C entraîneur d’air
8
D
Écaillage après 56 cycles (kg/m2)

0
2 3 4 5 6 7

Teneur en air (%)


Figure 10.27 : influence du volume d’air entraîné et du type d’agent entraîneur d’air
sur la résistance à l’écaillage du béton, d’après [PET 93].
Ces résultats ont été obtenus en laboratoire avec des bétons fabriqués avec des rapports E/C compris
entre 0,43 et 0,47. Quatre types d’agents entraîneur d’air ont été utilisés pour produire le réseau de
bulles d’air entraîné. L’intensité de l’écaillage est exprimée en kg de débris par m2 de surface expo-
sée. L’écaillage maximum acceptable est de 1 kg de débris par m2.

Les courbes de la figure 10.27 indiquent que, pour un même volume d’air entraî-
né, la protection offerte par le réseau de bulles d’air peut varier en fonction du
type d’agent entraîneur d’air. Les agents entraîneur d’air les plus efficaces (types
A et B de la figure 10.27) produisent des bulles d’air plus petites. Le réseau de

430
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

bulles d’air offre alors une meilleure protection contre le gel, car les bulles d’air
sont plus nombreuses et plus rapprochées les unes des autres.
Le facteur d’espacement permet de prendre en compte la taille des bulles, car il ca-
ractérise la demi-distance moyenne séparant les bulles d’air. Comme dans le cas
de la fissuration interne, le facteur d’espacement est le meilleur indicateur du ni-
veau de protection du réseau de bulles d’air entraîné contre l’attaque par les sels
fondants. La figure 10.28 présente la résistance à l’écaillage des bétons de la figure
précédente en fonction du facteur d’espacement. On constate qu’il existe une rela-
tion beaucoup plus nette entre le facteur d’espacement des bulles d’air et la résis-
tance à l’écaillage : plus il est faible, meilleure est la résistance à l’écaillage.
Les données de la figure 10.28 montrent également que, dans le cas de l’écaillage,
il n’existe pas de facteur d’espacement critique en deçà duquel la destruction ne
se produit plus. On observe plutôt que l’efficacité de la protection augmente gra-
duellement à mesure que le facteur d’espacement diminue. Cependant, aussi fai-
ble soit-il (< 150 µm), l’écaillage n’est jamais nul.
7

6 1
Écaillage après 56 cycles (kg/m2)

2 Type d’agent
entraîneur d’air
5 3

0
0 50 100 150 200 250 300

Facteur d’espacement (μm)


Figure 10.28 : influence du facteur d’espacement des bulles d’air sur la résistance
à l’écaillage du béton, d’après [PET 93].

Pour des valeurs usuelles du rapport E/C (0,40-0,50), on trouve qu’un facteur
d’espacement inférieur à environ 200 µm offre généralement un niveau de protec-
tion suffisant pour prévenir la destruction par écaillage. En pratique, la validité de
cette limite de 200 µm a déjà été confirmée par de nombreux relevés de terrains
(figure 10.29).

431
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Détruit
5

4
Échelle de dégradation

12 Béton sain

Teneur en air entraîné (%)


3
Béton écaillé
10

2 8

4
1

0 0
Intact 200 400 600 800 200 400 600
Facteur d'espacement des bulles (μm) Facteur d'espacement des bulles (μm)

a) Trottoirs en béton en milieu urbain b) Ouvrages variés en béton


(Montréal), âgés de 4 à 8 ans. de la communauté urbaine de Québec.

Figure 10.29 : influence de la géométrie du réseau de bulles d’air entraîné


sur la vulnérabilité des bétons à l’écaillage, d’après [ATI 89] pour a et [FOU 87] pour b.
On n’observe pas, comme c’est le cas des dégradations internes par les cycles de gel-dégel, de fron-
tière nette entre bétons intacts et bétons dégradés qui soit liée à une valeur critique du facteur d’es-
pacement. Néanmoins, un facteur d’espacement inférieur à 200 micromètres permet de réduire
efficacement les dégradations.

Il faut noter que, dans le cas des bétons normaux (rapport E/C = 0,40-0,50), la pro-
tection contre l’écaillage requiert un facteur d’espacement inférieur à 200 µm
alors que la protection contre la fissuration interne requiert un facteur d’espace-
ment inférieur à 400 µm (tableau 10.1). Cette différence démontre, d’une part, la
plus grande sévérité des mécanismes d’attaque par écaillage et, d’autre part, que
la protection contre l’écaillage requiert généralement un réseau de bulles d’air de
meilleure qualité que celui requis pour la protection contre la fissuration interne.
Pour des valeurs usuelles du rapport E/C (0,40-0,50), un facteur d’espacement
inférieur à environ 200 µm offre généralement un niveau de protection suffisant
pour prévenir la destruction par écaillage. La plus grande sévérité des mécanis-
mes d’attaque par écaillage fait en sorte que la protection contre l’écaillage re-
quiert généralement un réseau de bulles d’air de meilleure qualité que celui
requis pour la protection contre la fissuration interne.

3.2.2.2. Influence du rapport E/C


Le rapport E/C est un des principaux paramètres conditionnant la structure de la
porosité capillaire. La baisse du rapport E/C diminue à la fois le volume total et
la dimension des pores capillaires. Par conséquent, elle contribue à améliorer la

432
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

résistance à l’écaillage en diminuant la quantité d’eau gelable, en augmentant la


résistance à la traction de la pâte et en diminuant la vitesse de pénétration des ions
chlorure.
La figure 10.30 résume l’influence du rapport E/C sur la résistance à l’écaillage
de bétons sans additions minérales [GAG 93]. Cette figure regroupe les résultats
de plusieurs études en laboratoire réalisées à partir de bétons avec et sans air en-
traîné. Les bétons avec air entraîné sont regroupés en deux familles : les bétons
protégés par un bon réseau de bulles d’air ( L < 250 µm) et ceux protégés par un
moins bon réseau de bulles d’air ( L > 250 µm).
Les données de la figure 10.30 confirment que pour des valeurs usuelles du rap-
port E/C (0,40-0,50), il est toujours nécessaire de prévoir un bon réseau de bulles
d’air entraîné ( L < 250 µm) pour protéger ces bétons contre l’attaque par les sels
fondants. On note aussi que l’utilisation d’un rapport E/C relativement élevé
(> 0,55) peut produire une durabilité à l’écaillage insuffisante même lorsque le
béton est protégé par un bon réseau de bulles d’air entraîné. Globalement, l’en-
semble des résultats montre que la baisse du rapport E/C augmente la résistance
à l’écaillage [MAR 99]. Dans le cas des bétons fabriqués avec un rapport E/C re-
lativement faible (≤ 0,40), l’air entraîné demeure généralement nécessaire pour
obtenir une résistance à l’écaillage acceptable. Cependant, certains bétons fabri-
qués avec un rapport E/C inférieur à 0,35 peuvent développer une bonne résistan-
ce à l’écaillage, même en présence d’un réseau de bulles d’air entraîné de moins
bonne qualité ( L > 250 µm). Il faut noter que seuls les bétons ayant un très faible
rapport E/C (0,25) sont en mesure de développer une bonne résistance en l’absen-
ce de toute protection d’un réseau de bulles d’air entraîné.
Pour un rapport E/L donné, le remplacement d’une partie du ciment par des addi-
tions minérales peut produire des effets favorables ou défavorables sur la résistan-
ce à l’écaillage. L’influence des additions minérales sur la résistance à l’écaillage
est présentée plus en détail au paragraphe 3.2.2.3.

433
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Masse des débris (kg/m2)


10 5
Béton avec air entraîné
8 4 L > 250 μm
> 10 kg/m2 L < 250 μm
6 3

4 2

2 Béton sans air entraîné 1

0 0
0,20 0,30 0,40 0,50 0,60 0,20 0,30 0,40 0,50 0,60

Rapport E/C

Figure 10.30 : influence du rapport E/C et de l’air entraîné sur la résistance à l’écaillage
du béton, d’après [GAG 93].
La résistance à l’écaillage des bétons sans additions minérales est exprimée par la masse des débris
après 50 cycles de gel-dégel en présence de sels fondants. La résistance à l’écaillage est considérée
acceptable lorsque la masse de débris est inférieure à 1 kg/m2. Les bétons à air entraîné sont regrou-
pés en deux familles définies selon la qualité du réseau de bulles d’air entraîné :
L < 250 µm : bon réseau de bulles d’air entraîné ;
L > 250 µm : moins bon réseau de bulles d’air entraîné.

3.2.2.3. Influence des additions minérales


Comme dans le cas de la fissuration interne, les additions minérales (fumées de
silice, laitiers et cendres volantes) peuvent modifier la durabilité à l’écaillage en
raison de leurs effets sur la maturité du béton et sur la structure de la porosité ca-
pillaire (porosité totale et taille des pores). L’influence des additions minérales est
variable en fonction du type d’addition et du taux de remplacement du ciment.
De nombreuses études en laboratoire ont montré que les bétons de résistances nor-
males, contenant moins de 10 % de fumée de silice en remplacement du ciment,
résistent très bien à l’écaillage lorsqu’ils sont protégés par un bon réseau de bulles
d’air entraîné [GAG 93]. Au Canada, des ciments binaires contenant environ 8%
de fumée de silice sont commercialisés depuis la fin des années quatre-vingt. Les
performances en service de ce type de liant indiquent une excellente résistance à
l’écaillage des bétons à air entraîné protégés par un bon réseau de bulles d’air.
Lorsqu’elle est utilisée à des taux de remplacement de 8 % et moins, la fumée de
silice a généralement pour effet d’améliorer la résistance à l’écaillage. La
figure 10.31 synthétise des résultats de plusieurs études portant sur la durabilité à
l’écaillage de bétons avec et sans air entraîné contenant tous de la fumée de silice
[GAG 93]. Les résultats démontrent que les bétons avec fumée de silice à air entraî-
né possèdent une excellente résistance à l’écaillage, quel que soit le rapport E/L.
L’influence favorable de la fumée de silice sur la résistance à l’écaillage est parti-
culièrement évidente dans le cas des bétons à faible rapport E/L sans air entraîné.
En effet plusieurs bétons avec fumée de silice ayant un rapport E/L compris entre

434
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

0,25 et 0,30 peuvent développer une bonne résistance à l’écaillage sans la protec-
tion d’un réseau de bulles d’air entraîné (figure 10.31) alors que ce n’est pas le cas
des bétons similaires mais ne contenant pas de fumée de silice (figure 10.30).

> 10 kg/m2
Masse des débris (kg/m2)

Béton avec air entraîné


3 Béton sans air entraîné

0
0,20 0,25 0,30 0,35 0,40 0,45

Rapport E/L

Figure 10.31 : influence du rapport E/L et de l’air entraîné sur la résistance à l’écaillage
de bétons, avec fumée de silice [GAG 93].
La résistance à l’écaillage des bétons avec 8% de fumée de silice est exprimée par la masse des dé-
bris après 100 cycles de gel-dégel en présence de sels fondants. La résistance à l’écaillage est con-
sidérée acceptable lorsque la masse de débris est inférieure à 1 kg/m2. Ces résultats expérimentaux
indiquent que plusieurs bétons avec fumée de silice ayant un rapport E/L compris entre 0,25 et 0,30
peuvent développer une bonne résistance à l’écaillage sans la protection d’un réseau de bulles d’air
entraîné alors que ce n’est pas le cas des bétons similaires mais ne contenant pas de fumée de silice
(figure 10.30).

De nombreuses études en laboratoire indiquent que les bétons avec cendres vo-
lantes (ASTM C618 Type F – obtenues de la combustion de l’anthracite ou du
charbon bitumineux ou ASTM C618 Type C – produites à partir de lignite ou de
charbon sub-bitumineux) ont une moins bonne durabilité à l’écaillage que les bé-
tons de référence ne contenant pas de cendres volantes [WHI 87, BIL 91,
KLE 87]. Une étude exhaustive de Bouzoubaâ et al. a montré que les taux de rem-
placement de 25 % et 35 % produisent une durabilité à l’écaillage inacceptable
(débris > 2,5 kg/m2) lorsque les bétons sont soumis à l’essai d’écaillage en labo-
ratoire selon la norme ASTM C672 (figure 10.32) [BOU 03]. Leurs résultats mon-
trent aussi que la méthode d’essai en laboratoire a une grande influence sur la
résistance à l’écaillage des bétons avec cendres volantes. Par exemple, la méthode
d’essai accélérée de la norme québécoise B NQ 2621-900 (§ 5.3.1) produit une
durabilité à l’écaillage satisfaisante, même pour des teneurs en cendres volantes
de 25 % et de 35 % du liant [BOU 03]. L’étude de Bouzoubaâ et al. a clairement

435
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

démontré que l’utilisation d’un produit de cure, appliqué à la surface du béton


frais, améliore très significativement la résistance à l’écaillage des bétons avec
cendres volantes soumis aux essais accélérés en laboratoire (figure 10.32).
4
Mûrissement humide de 14 jours

Produit de cure
Écaillage après 50 cycles (kg/m2)
3

2
Limite de 0,8 kg/m2
(Ontario, Canada)

0
Béton 25 % 35 % 25 % 35 %
de cendres cendres laitier laitier
référence volantes volantes

Figure 10.32 : influence des cendres volantes, du laitier et du type de mûrissement


sur la résistance à l’écaillage du béton, d’après [BOU 03].
La résistance à l’écaillage est mesurée à l’aide de la procédure normalisée ASTM C672. Pour chaque
type de bétons, une série d’éprouvettes ont été conservées dans l’eau pendant 14 jours puis séchées
pendant 14 jours dans une atmosphère à 50 % d’humidité relative. Une autre série d’éprouvettes ont
été mûries pendant 28 jours avec un produit de cure vaporisé sur la surface du béton frais. L’utilisation
d’un produit de cure améliore très significativement la résistance à l’écaillage des bétons avec cen-
dres volantes soumis aux essais accélérés en laboratoire.

Les causes de la moins bonne résistance à l’écaillage des bétons avec cendres vo-
lantes ne sont pas encore parfaitement comprises. Deux principales hypothèses
ont été proposées pour tenter d’expliquer cette moins bonne durabilité. Les essais
accélérés normalisés en laboratoire (ASTM C672) recommandent une durée de
mûrissement humide relativement courte (14 jours) ne permettant pas aux cendres
de participer à la densification de la pâte avant la première exposition au gel et
aux sels fondants. Par conséquent, au cœur du béton et particulièrement près de
la surface, seul le ciment Portland participe à l’hydratation durant les premiers
jours ou les premières semaines. Lorsque le taux de remplacement dépasse envi-
ron 25 %, il semble que l’hydratation du ciment Portland, à lui seul, ne permette
pas de produire une pâte de ciment en mesure de développer une bonne résistance
à l’écaillage, même en présence d’un bon réseau de bulles d’air. L’allongement
de la période de mûrissement (28 jours) avant la première exposition aux sels fon-
dants ne produit pas nécessairement une amélioration significative de la résistan-
ce à l’écaillage [BOU 03]. Cependant, un mûrissement humide de 180 jours

436
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

produit une amélioration très significative de la résistance à l’écaillage des bétons


avec cendres volantes [BOU 03]. Pigeon et al. [PIG 96] ont proposé une autre hy-
pothèse pour tenter d’expliquer l’effet défavorable des cendres volantes sur la ré-
sistance à l’écaillage. Leur étude microstructurale a montré que la pâte près de la
surface (1 à 2 mm) des bétons avec cendres volantes présente souvent une forte
porosité qui amplifie probablement les mécanismes de destruction par écaillage.
Cette plus forte porosité pourrait résulter du ressuage plus important des bétons
contenant des cendres volantes.
Contrairement aux conclusions obtenues en laboratoire, plusieurs études de la per-
formance en service de structures en béton contenant des cendres volantes indi-
quent que leur résistance à l’écaillage est généralement satisfaisante [BOU 05,
THO 97, LAN 98]. Au Québec, des bétons contenant 25 % et 35 % de cendres vo-
lantes ont été utilisés pour construire des trottoirs sévèrement exposés à des cycles
de gel-dégel en présence de sels fondants [BOU 03, BOU 05]. Après plus de 4 an-
nées de service, l’analyse de la performance en service indique que les bétons à air
entraîné avec cendres volantes (25 % et 35 %) ont une bonne résistance à l’écailla-
ge, quoique parfois légèrement inférieure à celle du béton de référence [BOU 05].
La performance en service confirme que l’utilisation d’un produit de cure filmo-
gène, appliqué à la surface du béton frais, permet d’éliminer presque totalement
l’écaillage des bétons avec cendres volantes. Globalement, la comparaison des du-
rabilités à l’écaillage en laboratoire et en service suggère que l’essai accéléré de la
norme ASTM C672 tend à sous estimer la résistance à l’écaillage alors que l’essai
d’écaillage de la norme B NQ 2621-900 semble nettement mieux en mesure de
prédire la performance réelle des bétons avec cendres volantes [BOU 03].
La résistance à l’écaillage des bétons avec laitiers a fait l’objet d’un nombre limité
d’études. Les travaux de Bouzoubaâ et al. ont montré que le remplacement de 25 %
et de 35 % du ciment par un laitier diminue très légèrement la résistance à l’écailla-
ge des bétons avec air entraîné [BOU 03]. Après 50 cycles de geldégel selon la nor-
me ASTM C672, les masses de débris sont comprises entre 0,9 et 1,4 kg/m2, ce qui
est tout juste au-dessus de la limite de 0,8 kg/m2 imposée par le ministère des Trans-
ports de la province canadienne de l’Ontario (figure10.32). Globalement, l’aug-
mentation de la teneur en laitier a diminué la résistance à l’écaillage [BOU 03].
L’influence défavorable du laitier sur la résistance à l’écaillage a également été dé-
montrée par les travaux de Saric-Coric et Aïtcin qui ont étudié la durabilité au gel
de bétons à hautes performances fabriqués avec un rapport E/L de 0,35 et des te-
neurs en laitiers comprises entre 0 % et 80 % [SAR 03]. Après 50 cycles de gel-
dégel selon la procédure ASTM C672, comportant 14 jours de mûrissement humi-
de, tous les bétons avec laitier ont produit des débris dont la masse totale était su-
périeure à la limite maximale de 0,5 kg/m2 du ministère des Transports de la

437
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

province de Québec. Les bétons contenant 20 % et 30 % de laitiers avaient une mas-


se de débris tout juste au-dessus de la limite (0,6-0,7 kg/m2) alors que ceux conte-
nant 50 % et 80 % de laitier avaient des masses de débris comprises entre 1,8 et
2,5 kg/m2. Les travaux de Saric-Coric et Aïtcin ont clairement démontré que la plus
faible résistance à l’écaillage des bétons avec laitier testés en laboratoire était es-
sentiellement due à la durée trop courte du mûrissement (14 jours) ne permettant
pas à la pâte en surface de développer tout son potentiel de durabilité. En effet, l’uti-
lisation d’un mûrissement humide de 28 jours, avant de soumettre les bétons à la
procédure normalisée ASTM C672, a permis de produire des bétons avec laitiers
(0-80 %) possédant tous une très bonne résistance à l’écaillage (débris < 0,5 kg/m2).
Contrairement au cas des cendres volantes, l’utilisation d’un produit de cure filmo-
gène n’améliore pas la résistance à l’écaillage des bétons avec laitier; ce type de
mûrissement a plutôt pour effet d’augmenter légèrement la masse des débris
(figure 10.32).
Comme pour le cas des bétons avec cendres volantes, la durabilité à l’écaillage
des bétons avec laitiers à air entraîné en service peut être tout à fait satisfaisante
malgré une performance inacceptable lors des essais normalisés d’écaillage en la-
boratoire [HOO 00, BOU 03]. Au Québec, des bétons contenant 25 % et 35 % de
laitiers ont été utilisés pour fabriquer des trottoirs sévèrement exposés à des cycles
de gel-dégel en présence de sels fondants [BOU 03]. Après plus de 4 années de
service, l’analyse de la performance indique que les bétons à air entraîné avec lai-
tier (25 % et 35 %) avaient une très bonne résistance à l’écaillage.
Contrairement aux conclusions obtenues en laboratoire, plusieurs études de la
performance en service de bétons contenant des cendres volantes ou des laitiers
indiquent que leur résistance à l’écaillage est généralement satisfaisante lors-
qu’ils sont adéquatement protégés par un bon réseau de bulles d’air entraîné.

3.2.2.4. Influence du mûrissement, des produits de cure et du séchage


L’allongement de la période de mûrissement a généralement des effets favorables
sur la résistance à l’écaillage en favorisant la formation d’une pâte de ciment plus
imperméable et moins poreuse. Cependant, dans le cas des bétons d’usage courant
ne contenant pas d’additions minérales, l’allongement de la période de mûrisse-
ment humide au-delà de 14 ou 28 jours, ne produit qu’une amélioration marginale
de la résistance à l’écaillage des bétons testés en laboratoire. Certains types de bé-
tons à hautes performances à air entraîné peuvent développer une excellente ré-
sistance à l’écaillage malgré une durée de mûrissement humide de seulement 3
jours [GAG 93, GAG 91].

438
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

L’influence des produits de cure sur la résistance à l’écaillage peut être très varia-
ble en fonction du type de produit et du type de bétons sur lequel ils sont appli-
qués. Les travaux de Bouzoubaâ et al. ont montré que dans le cas d’un béton
normal, l’utilisation d’un produit de cure engendre une masse des débris environ
deux fois plus importante que celle obtenue avec un mûrissement humide de
14 jours (figure 10.32). Comparativement au mûrissement humide, il diminue
également la durabilité à l’écaillage des bétons avec laitiers. À l’inverse, le pro-
duit de cure peut avoir des effets très favorables sur la résistance à l’écaillage des
bétons avec cendres volantes [BIL 98, KLE 87].
3.2.3. Résistance à l’écaillage des bétons spéciaux
La formulation des bétons spéciaux se distingue généralement de celle des bétons
conventionnels au niveau du dosage des matières cimentaires, du rapport E/L et
des adjuvants. Les effets des matériaux cimentaires et du rapport E/L sur la résis-
tance à l’écaillage des bétons spéciaux sont fondamentalement les mêmes que
ceux déjà été présentés aux paragraphes 3.2.2.1 à 3.2.2.3. Quelques résultats spé-
cifiques permettant de mieux comprendre la résistance à l’écaillage des bétons
autoplaçants et des bétons à hautes performances sont présentés ci-après.
3.2.3.1. Bétons autoplaçants
Comme nous l’avons déjà écrit au paragraphe 3.1.7.1, la formulation des bétons
autoplaçants a comme principale particularité de comporter une plus grande pro-
portion volumique de pâte. Cette caractéristique de formulation n’est pas un pa-
ramètre majeur des mécanismes fondamentaux de destruction par écaillage. Par
conséquent, la durabilité à l’écaillage des bétons autoplaçants n’est pas fonda-
mentalement différente de celle des bétons d’usage courant [PER 03, KHA 00].
Il faut cependant noter que certains agents de viscosité peuvent diminuer légère-
ment la résistance à l’écaillage de bétons autoplaçants fabriqués avec un ciment
Portland normal [KHA 95].
Des études en laboratoire ont confirmé que des bétons autoplaçants à air entraîné
fabriqués avec différent types de liants (ciment Portland normal, liant avec 3 %
de fumée de silice, liant avec 3 % de fumée de silice et 20 % de cendres volantes)
possèdent une excellente résistance à l’écaillage lorsque le rapport E/L est infé-
rieur à 0,41 [KHA 00, BEA 99]. Depuis 1997, le ministère des Transports du Qué-
bec a utilisé de nombreuses formulations de bétons autoplaçants pour la
construction d’ouvrages routiers en béton armé exposés aux cycles de gel-dégel
en présence de sels fondants [HOV 00]. Tous les bétons autoplaçants avaient une
résistance à la compression à 28 jours d’au moins 35 MPa et un volume d’air en-
traîné compris entre 5 % et 8 %. Le facteur d’espacement des bulles d’air était in-
férieur à 250 µm. Les rapports E/L étaient compris entre 0,35 et 0,40. Plusieurs

439
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

types de liants ont été utilisés dont notamment un ciment Portland normal, un liant
avec 8% de fumée de silice, un liant avec 5 % de fumée de silice et 30 % de laitier
et un liant avec 5 % de fumée de silice 20 % de cendres volantes. Tous les bétons
autoplaçants contenant de la fumée de silice ont développé une excellente résis-
tance à l’écaillage selon la procédure ASTM C672. Seul le béton autoplaçant fa-
briqué avec le ciment Portland normal s’est fortement écaillé en laboratoire
(débris = 1,8 kg/m2). En service, tous ces bétons ont développé une excellente du-
rabilité à l’écaillage [HOV 00].
3.2.3.2. Bétons à hautes performances
Les bétons à hautes performances ont un rapport E/L plus faible qui contribue à
produire une pâte de ciment peu poreuse et imperméable généralement en mesure
de développer une très bonne résistance à l’écaillage. La résistance à l’écaillage
des bétons à hautes performances à air entraîné (rapport E/L ≤ 0,35) est habituel-
lement excellente [GAG 93, GAG 91, BAR 05].
L’effet bénéfique de la baisse du rapport E/L sur la résistance à l’écaillage a déjà
été présenté au paragraphe 3.2.2.2. On a notamment montré qu’un facteur d’espa-
cement inférieur à 200 µm est généralement nécessaire pour protéger un béton
d’usage courant (rapport E/C = 0,45) contre l’écaillage. Pour un rapport E/L de
0,30, un facteur d’espacement de 500 µm peut être suffisant pour obtenir une du-
rabilité à l’écaillage acceptable (figure 10.33). Certains bétons à hautes perfor-
mances, notamment ceux contenant de la fumée de silice, sont même en mesure
de résister à l’écaillage malgré un facteur d’espacement supérieur à 750 µm
[GAG 96, GAG 90].
La durabilité à l’écaillage de plusieurs types de BHP utilisés pour la construction
d’ouvrages d’art en France a fait l’objet d’une étude approfondie par le groupe
« Durabilité BHP 2000 » [BAR 02, BAR 99]. Les résultats indiquent que, dans la
plupart des cas, les BHP ne nécessitent pas l’utilisation d’un entraîneur d’air pour
présenter un bon comportement vis-à-vis des cycles accélérés de gel en présence
de sels de déglaçage (procédure XP P18-420). Cependant, certaines formulations
de BHP sans air entraîné se sont avérées non durables. Ces résultats tendent à con-
firmer le caractère non systématique de la durabilité à l’écaillage des BHP sans air
entraîné [BAR 05]. La comparaison de la durabilité à l’écaillage de BHP sans air
entraîné en condition in situ avec celle obtenue par des essais normalisés en labo-
ratoire (XP P18-420) a montré que le comportement (classement) en laboratoire
correspond plutôt bien à celui observé après cinq ans en condition in situ
[BAR 00].

440
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

8
E/L = 0,30
7 E/C = 0,43-0,47 [Petersson, 1993]
Masse des débris (kg/m2)
6

0
0 250 500 750 1 000 1 250 1 500
Facteur d’espacement (μm)

En pratique, avant d’autoriser la mise en place d’un béton sans air entraîné forte-
ment exposé à des cycles de gel-dégel en présence de sels fondants, il convient de
toujours de valider la durabilité à l’écaillage par des essais de laboratoire.
Figure 10.33 : influence du rapport E/L et du facteur d’espacement sur la résistance
à l’écaillage de bétons avec sans fumée de silice [GAG 96].
Les bétons à hautes performances ont été fabriqués avec un rapport E/L de 0,30. Certains bétons à
hautes performances ont été fabriqués avec un ciment contenant 8% de fumée de silice. La résistance
à l’écaillage, mesurée selon la procédure ASTM C672, est considérée comme acceptable lorsque la
masse des débris après 50 cycles est inférieure à 1 kg/m2. Pour un rapport E/L de 0,30, un facteur
d’espacement de 500 µm est tout à fait suffisant pour obtenir une durabilité à l’écaillage acceptable.

4. L’ENTRAÎNEMENT D’AIR DANS LES BÉTONS


Tous les bétons contiennent un volume plus ou moins important de bulles d’air.
Ces bulles d’air sont essentiellement formées lors du malaxage du béton frais.
Dans le béton durci, elles forment un réseau macroporeux stabilisé par la solidi-
fication de la pâte de ciment. En l’absence d’adjuvant ou de contaminant entraî-
neur d’air, le volume total des bulles d’air est généralement compris entre 1 % et
3 % du volume du béton. Des adjuvants entraîneurs peuvent être utilisés pour aug-
menter le volume d’air du béton (4 % à 10 %). D’autres types d’adjuvants (super-
plastifiants, réducteurs d’eau) peuvent posséder une fonction secondaire
d’entraînement d’air. Dans les climats froids, l’utilisation d’agent entraîneur d’air
est recommandée dans presque tous les bétons, notamment dans ceux exposés à
des cycles de gel-dégel et à des sels fondants. En plus de protéger efficacement le
béton contre ces attaques, l’entraînement d’air peut influencer d’autres propriétés
du béton frais et durci.

441
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

4.1. Types et modes d’action des adjuvants entraîneurs d’air


Les pales des bétonnières, en malaxant la masse du béton frais, créent des vortex
qui introduisent des bulles d’air dans la pâte. Cependant, ces bulles fusionnent fa-
cilement en bulles plus grosses qui sont alors soumises à une poussée d’Archimè-
de importante, et viennent crever en surface. Par la suite, la vibration expulse la
majorité des bulles résiduelles. Il en résulte que dans un béton durci courant, fa-
briqué sans entraîneur d’air, on mesure de faibles volumes d’air (< 2 %). Les bul-
les d’air ainsi produites sont relativement grosses, car leur diamètre est
généralement compris entre quelques centaines de micromètres et quelques mil-
limètres. Il s’agit, la plupart du temps, d’un réseau impropre à assurer une protec-
tion efficace contre l’attaque du béton par les cycles de gel-dégel.
Les adjuvants entraîneurs d’air stabilisent les bulles engendrées lors du malaxage
du béton frais. En s’opposant à la coalescence des bulles, ils favorisent la forma-
tion de bulles à la fois plus nombreuses et plus petites. Les bulles d’air entraîné
ont généralement un diamètre compris entre 5 et 100 µm. En jouant sur la nature
et sur le dosage de l’entraîneur d’air, on dispose d’un outil puissant pour régler les
caractéristiques du réseau de bulles d’air entraîné dans le béton (figure 10.34).
50

E/C = 0,70
Volume d'air en % du volume total

40

30
E/C = 0,50

20

10 E/C = 0,40

0
0,2 0,4 0,6 0,8 1,0

Résine Vinsol en % du ciment


Figure 10.34 : influence du dosage en adjuvant entraîneur d’air et du rapport E/C
sur le volume d’air dans une pâte de ciment, d’après [POW 68].
Deux conclusions essentielles sont à retenir de l’examen de cette figure :
(i) en jouant sur le dosage en adjuvant, on peut ajuster le volume d’air entraîné V ;
(ii) le domaine de variation de V, pour des teneurs réalistes en adjuvant, est imposé par les caracté-
ristiques de la pâte de ciment, ici le rapport E/C.

442
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

Les adjuvants entraîneurs d’air sont des molécules organiques, de composition


chimique très variables, qui ont des propriétés surfactantes. Leurs molécules com-
portent une extrémité polaire hydrophile reliée à une chaîne hydrophobe. Les ad-
juvants entraîneurs d’air peuvent être de type anionique, cationique ou non ionique
selon la charge portée par l’extrémité hydrophile de leurs molécules. Les pôles hy-
drophobe et hydrophile des molécules font en sorte qu’elles peuvent s’adsorber
aux interfaces air/eau ou ciment/eau. Cette adsorption abaisse fortement la tension
superficielle air/eau dont la valeur peut passer de 0,072 N/m à 0,018 N/m. Plus la
concentration du surfactant augmente plus la tension de surface de la solution di-
minue. Le résultat pratique est que l’adjuvant entraîneur d’air favorise la stabilisa-
tion de bulles d’air plus petites car l’abaissement de la tension superficielle permet,
pour une énergie de malaxage donnée, de créer des interfaces plus étendues.
Deux principaux mécanismes ont été proposés pour expliquer la fonction stabili-
satrice des adjuvants entraîneurs d’air. La partie hydrophile (chargée électrique-
ment) de certaines molécules d’adjuvant entraîneur d’air peut se fixer solidement
sur les grains de ciment, qui dès le premier contact avec l’eau, se recouvrent d’une
fine couche d’hydrates portant une charge positive (figure 10.35). Les bulles d’air
sont alors maintenues éloignées les unes des autres en plus d’être ancrées à la pha-
se solide de la suspension. D’après Kreijger, c’est ce mécanisme qui s’oppose à
la coalescence des bulles et à leur ascension vers la surface [KRE 67].
Les adjuvants entraîneurs d’air stabilisent les bulles engendrées lors du malaxa-
ge du béton frais. En s’opposant à la coalescence des bulles, ils favorisent la for-
mation de bulles à la fois plus nombreuses et plus petites. En jouant sur la nature
et sur le dosage de l’entraîneur d’air, on dispose d’un outil puissant pour régler
les caractéristiques du réseau de bulles d’air entraîné dans le béton.

– – – –
– – + – –
+ +
–+ C –
+ Air
Air + + –
– – – –
– –
– – – – –
– ++ + + –
+ + – Air
– –+ C + –
C
– + +– – ++–
+ –
– –

Figure 10.35 : bulles d’air ancrées aux grains de ciment sous l’action des molécules
d’un adjuvant entraîneur d’air anionique, d’après [KRE 67].

443
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

L’autre mécanisme de stabilisation des bulles d’air se fonde sur le principe que
certains types d’adjuvants entraîneurs d’air produisent, au contact de la solution
interstitielle de la pâte de ciment, un précipité insoluble et hydrophobe, qui forme
une membrane à l’interface eau/air [MIE 58]. Les bulles d’air sont alors recouver-
tes d’un film suffisamment épais et solide pour engendrer un effet stérique qui fa-
vorise la dispersion et qui s’oppose à la coalescence des bulles.
La formation d’un film continu et plus ou moins imperméable à la surface des bul-
les pourrait également favoriser la formation des plus petites bulles d’air (5 à
10 µm de diamètre). Ces très petites bulles d’air sont thermodynamiquement plus
instables car leur petit diamètre engendre une forte pression capillaire qui favorise
la dissolution du gaz dans la solution interstitielle. Ramachandran a calculé que
les bulles d’air ayant un diamètre de moins de 4 µm ne peuvent exister car elles
sont complètement dissoutes dans la solution [RAM 95]. La formation d’un film
à la surface des bulles diminue la perméabilité et ralentit la diffusion du gaz au
travers de la paroi de la bulle. Les très petites bulles d’air sont alors thermodyna-
miquement plus stables. L’analyse microscopique du béton durci tend à confirmer
que les plus petites bulles d’air ont un diamètre de l’ordre de 5 µm.
4.2. Caractéristiques du réseau de bulles d’air
4.2.1. Principales caractéristiques du réseau de bulles d’air
Nous avons déjà vu que la qualité d’un réseau de bulles d’air entraîné peut être
évaluée à partir de trois paramètres principaux : le volume total, la surface volu-
mique moyenne et l’espacement des bulles d’air dans le réseau. La mesure du vo-
lume total des bulles (V), exprimé en pourcentage du volume total du béton,
permet d’apprécier la qualité générale du réseau de bulles d’air entraîné. Des mé-
thodes d’essais normalisées peuvent être utilisées pour déterminer le volume d’air
total à partir d’échantillons de béton frais ou durci (§ 4.2.2). Par exemple, avant
la mise en place du béton au chantier, l’utilisation d’un aéromètre permet de vé-
rifier rapidement si le volume d’air contenu dans le béton frais est conforme aux
exigences du devis. Le volume d’air contenu dans un béton sans air entraîné est
généralement inférieur 3 % du volume total. Celui des bétons à air entraîné est va-
riable en fonction des exigences spécifiques de durabilité. Il est généralement
compris entre 4 % et 10 %.
Le volume total d’air ne donne aucune mesure directe de la dimension et de l’es-
pacement des bulles d’air. Par exemple, un vide de 50 litres rempli d’air situé au
centre d’un cube de 1m de côté ne protège évidemment pas ce m3 de béton contre
les effets des cycles de gel et dégel. L’espacement des bulles d’air est un paramè-
tre très important gouvernant l’intensité des pressions internes engendrées par le
gel de la pâte de ciment (§ 3.1.5). La mesure du facteur d’espacement des bulles

444
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

d’air, L , permet de caractériser l’espacement moyen des bulles d’air à partir de


l’observation au microscope d’une surface de béton polie (§ 4.2.2). Le calcul de
L prend en compte à la fois le volume et la dimension des bulles d’air. Le facteur
d’espacement des bulles est le meilleur indicateur de la protection offerte par le
réseau de bulles d’air puisqu’il correspond approximativement à la demi-distance
séparant les parois de deux bulles voisines du réseau supposé régulier (figure
10.36). Le facteur d’espacement d’un béton sans air entraîné est généralement su-
périeur à 700 µm. Celui d’un béton bien protégé par un bon réseau de bulles d’air
entraîné est généralement compris entre 100 et 200 µm.

Bulle d'air


L
– –
L L –
L

Pâte de ciment

Figure 10.36 : représentation schématique du facteur d’espacement des bulles d’air.


Les deux réseaux de bulles occupent 30% du volume total de la pâte. Malgré un volume total identi-
que, la demi distance séparant deux bulles d’air voisines ( L ) est nettement plus faible lorsque l’air est
contenu dans des petites bulles. Pour un même volume total, le réseau constitué de petites bulles of-
fre donc une bien meilleure protection contre la destruction par les cycles de gel-dégel.

La surface volumique moyenne du réseau de bulles d’air, α, correspond au rapport


entre la surface et le volume d’une bulle d’air de dimension moyenne (le réseau de
bulles d’air est supposé régulier). Cette grandeur, exprimée en mm–1 est notamment
déterminée lors du calcul du facteur d’espacement des bulles d’air. Plus la dimen-
sion des bulles d’air diminue, plus la surface volumique augmente. Les agents en-
traîneur d’air, qui favorisent la formation de petites bulles, produisent des réseaux
de bulles d’air dont la surface volumique moyenne est généralement supérieure à
25 mm–1. La surface volumique moyenne des bulles d’air d’un béton ne contenant
pas d’agent entraîneur d’air est généralement inférieure à 20 mm–1. Dans la prati-
que, on recommande une valeur de α supérieure à 25 mm–1 [ATI 89]. La
figure 10.37 montre que le respect de cette exigence permet généralement de produi-
re des facteurs d’espacement inférieurs à 200 µm [SAU 91].

445
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

50

40
Surface volumique D (mm–1)

30


D•PP–1 L 200 μm

20

10

0
0 200 400 600 800

Facteur d’espacement des bulles d’air L (μm)

Figure 10.37 : relation entre le facteur d’espacement et la surface volumique


des bulles d’air, d’après [SAU 91].

Le facteur d’espacement d’un béton sans air entraîné est généralement supé-
rieur à 700 µm. Celui d’un béton bien protégé par un bon réseau de bulles d’air
entraîné est généralement compris entre 100 et 200 µm.

4.2.2. Méthodes d’essais


Les méthodes pressiométriques sont les plus couramment utilisées pour mesurer
rapidement le volume d’air. Les procédures normalisées EN 12350-7, ASTM
C231 et CSA A23.2-4C utilisent un aéromètre qui donne une mesure directe du
volume d’air contenu dans le béton frais. Ce type de mesure est basé sur le prin-
cipe qu’une pression appliquée à la surface d’un béton frais engendre la compres-
sion du volume gazeux contenu dans le réseau de bulles d’air (les phases liquides
et solides sont considérées incompressibles). Le volume d’air total peut être esti-
mé à partir de la chute de pression ou le changement de volume mesuré lors de
l’essai. Les différents types d’appareils de mesure du volume d’air dans le béton
frais comportent un manomètre ou une échelle graduée devant faire l’objet de pro-
cédures de calibrage spécifiques et régulières. Les méthodes pressiométriques
(aéromètre) ne doivent pas être utilisées pour mesurer le volume d’air des bétons
contenant des granulats légers ou très poreux. Pour ces types de bétons, les nor-
mes EN 206-1 et CSA A23.1 recommandent la procédure normalisée ASTM
C173. Cette procédure, plus longue et plus complexe, permet d’obtenir une me-

446
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

sure du volume d’air total qui exclut l’air pouvant être contenu dans la porosité
connectée des granulats. Elle est fréquemment utilisée pour mesurer le volume
d’air dans les mortiers.
Certaines caractéristiques du réseau de bulles d’air (surface volumique, facteur
d’espacement) ne peuvent être obtenues directement à partir d’un échantillon de
béton frais. On peut cependant les déterminer à partir d’observations au micros-
cope de sections polies taillées dans le béton durci (environ 100 × 100 × 20 mm).
En général, un béton âgé d’au moins trois jours permet de produire des surfaces
polies adéquates pour l’observation microscopique. La procédure normalisée
ASTM C457 décrit le mode opératoire et les méthodes de calcul du volume d’air
total (V), de la surface spécifique moyenne des bulles d’air et du facteur d’espa-
cement des bulles d’air ( L ). L’observation microscopique des sections polies doit
être effectuée par un opérateur confirmé. Celui-ci doit pouvoir identifier rapide-
ment, de manière objective et répétitive, les différentes phases du béton (pâte de
ciment, granulats et bulles d’air) apparaissant derrière un repère gravé dans un des
oculaires du microscope. La qualité du polissage a une importance majeure sur la
fiabilité des résultats. L’ouvrage de Pigeon et Pleau [PIG 95] présente en détail le
principe de la mesure, le mode opératoire, les procédures de calcul ainsi qu’une
discussion sur la variabilité et la reproductibilité des résultats.
Cette brève revue des méthodes d’essais montre que deux types d’approches peu-
vent être utilisés pour déterminer le volume d’air entraîné : les méthodes pressio-
métriques, à partir du béton frais, et la méthode microscopique à partir du béton
durci. Les travaux de Saucier et al. ont permis de comparer les volumes d’air me-
surés dans le béton frais et dans le béton durci [SAU 91]. Les données de leur étu-
de proviennent de plus de 80 formulations de bétons fabriqués en laboratoire et
en chantier (rapport E/C = 0,45). Les données de la figure 10.38 montrent qu’il
peut exister fréquemment des écarts de 2 % entre les valeurs mesurées dans le bé-
ton frais et dans le béton durci. L’écart tend à s’accroître lorsque le volume d’air
devient supérieur à environ 8 %.

447
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

16

lité
'éga
Volume d'air du béton frais (%)
ned
12 Lig

0 4 8 12 16

Volume d'air du béton durci (%)

Figure 10.38 : comparaison des volumes d’air entraîné mesurés sur le béton frais,
puis sur le béton durci, d’après [SAU 91].
La courbe moyenne (M), obtenue par la méthode des moindres carrés, coïncide assez bien avec la
ligne d’égalité dans le domaine le plus courant (5-7 %), mais peut s’en écarter notablement aux va-
leurs extrêmes.

4.3. Production du réseau de bulles d’air entraîné


La formulation d’un béton à air entraîné nécessite un travail préalable de mise au
point en laboratoire et sur le site de production. La démarche consiste à sélection-
ner et à doser l’adjuvant entraîneur d’air de manière à produire un réseau de bulles
d’air dont le volume total et le facteur d’espacement soient conformes aux exigen-
ces spécifiées. Il faut également vérifier la stabilité du réseau de bulles d’air pour
s’assurer qu’il ne sera pas significativement modifié lors du transport, du pompa-
ge et de la mise en place du béton frais (§ 4.4). Le paragraphe 5.2.3 résume les
caractéristiques du réseau de bulles d’air spécifiées en fonction du type et des con-
ditions d’exposition du béton.
Il n’existe pas de règles simples et précises permettant de choisir le type et le do-
sage de l’adjuvant entraîneur d’air. La grande diversité des produits actuellement
disponibles (résines de vinsol, sels sulfonés d’hydrocarbures, acides gras, déter-
gents synthétiques, etc.) et les très nombreux paramètres de formulation et de
mise en œuvre affectant la production du réseau de bulles d’air entraîné ne per-
mettent pas de suggérer des dosages précis pour produire les caractéristiques du
réseau de bulles d’air spécifiées. Le processus de formulation d’un béton à air en-
traîné doit débuter à partir des dosages recommandés dans la notice d’utilisation

448
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

de l`adjuvant entraîneur d’air. Le choix du dosage optimal dépend notamment des


matériaux utilisés (ciment, additions minérales, granulats, autres adjuvants), du
rapport E/C, de la méthode de malaxage et des conditions de mise en œuvre (tem-
pérature, vibration, etc.).
Des gâchées d’essais, en laboratoire ou sur le site de production, sont nécessaires
pour pouvoir déterminer le dosage optimal de l’agent entraîneur d’air. On admet
au départ que, toutes choses égales par ailleurs, l’augmentation du dosage de l’ad-
juvant entraîneur d’air engendre une augmentation du volume d’air. Il faut cepen-
dant prendre en compte que l’accroissement du volume d’air engendre une baisse
de la résistance à la compression et une augmentation de la maniabilité. Il peut
alors être nécessaire de diminuer le rapport E/C, ou d’ajuster le dosage en eau, pour
pouvoir satisfaire les spécifications de maniabilité et de résistance mécanique.
La production d’un volume d’air entraîné conforme aux spécifications ne garantit
pas la conformité du facteur d’espacement des bulles d’air. Cependant, les adju-
vants entraîneur d’air commerciaux sont soumis à des normes spécifiques qui exi-
gent notamment la confirmation de leur aptitude à produire un facteur
d’espacement inférieur à 200 µm sur béton de référence (EN 480-1) conformé-
ment au tableau 5 de la norme EN 934-2, ou à protéger efficacement le béton con-
tre les cycles de gel-dégel (ASTM C233, ASTM C260). Le volume d’air entraîné
qui permet d’obtenir un facteur d’espacement de 200 µm est variable en fonction
du type de produit, du type de béton et des équipements de production. La
figure 10.39 présente un ensemble de résultats expérimentaux qui illustrent la re-
lation entre le facteur d’espacement et le volume d’air [SAU 91]. Pour un volume
d’air donné, il n’existe pas qu’une seule valeur du facteur d’espacement. Cette va-
riabilité est due à la dimension moyenne des bulles d’air qui peut notamment
changer en fonction du type d’adjuvant entraîneur d’air et de la méthode de ma-
laxage. Les données de la figure 10.38 montrent que pour les plages usuelles de
spécification du volume d’air (de 4 % à 8 %), le facteur d’espacement peut varier
de 100 µm à 400 µm. C’est pour cette raison que la vérification expérimentale du
facteur d’espacement est généralement exigée dans le cas des bétons sévèrement
exposés aux cycles de gel-dégel.

449
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

800

Facteur d'espacement des bulles, L (μm)


600

I II III

400

200

0
0 3 4,5 6 8,5 9 12

Volume d'air du béton frais (%)

Figure 10.39 : facteur d’espacement en fonction de la teneur en air du béton frais,


d’après [SAU 91].
Il existe trois régions bien marquées :
I : une valeur satisfaisante du facteur d’espacement (supposée fixée à 200 µm) n’est jamais atteinte,
II : zone d’incertitude où le facteur d’espacement peut varier entre 100 et 400 µm,
III : le facteur d’espacement est toujours inférieur à 200 µm.

Le type et le dosage de l’adjuvant entraîneur d’air ne sont pas les seuls paramè-
tres contrôlant la production du réseau de bulles d’air. Deux groupes de facteurs
ont une influence décisive : les paramètres de composition du béton et les condi-
tions de fabrication.

4.3.1. Influence des paramètres de formulation


4.3.1.1. Type d’adjuvant entraîneur d’air
Les caractéristiques physico-chimiques (composition moléculaire, concentration)
des adjuvants entraîneur d’air commerciaux peuvent être différentes d’un produit
à l’autre. Il est donc très important de consulter la fiche technique pour connaître
les plages de dosage recommandées pour obtenir le volume d’air souhaité. Les
travaux de Pigeon et al. [PIG 89], Plante et al. [PLA 89], et Saucier et al.
[SAU 91] ont montré que la nature chimique de l’adjuvant entraîneur d’air peut
avoir une grande influence sur la production et la stabilité du réseau de bulles
d’air entraîné. Globalement, leurs résultats indiquent que l’efficacité relative des
différents types de produits testés (résine de vinsol, hydrocarbures sulfonés, dé-
tergents synthétiques) est très variable en fonction du type du ciment, des addi-
tions minérales, des superplastifiants et de la température.

450
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

4.3.1.2. Ciment et rapport E/C


Plus un ciment est broyé finement, plus il faut une grande quantité d’adjuvant pour
produire un même volume de bulles. Pour une même quantité de ciment, une plus
grande finesse augmente la quantité d’adjuvant adsorbée sur les surfaces solides. Par
conséquent, il reste moins d’adjuvant entraîneur d’air disponible pour produire et sta-
biliser les bulles d’air [DU 05]. L’accroissement peut être de l’ordre de 75 % à 100 %
quand la surface spécifique du ciment passe de 300 à 500 m2/kg (Blaine) [KOS 04].
L’activité chimique du ciment semble se manifester surtout par ses alcalis mais
les résultats obtenus ne sont pas concordants. Smaoui et al. ont montré qu’une
augmentation de la teneur en alcalis du ciment (de 0,6 % à 1,25 % Na2Oeq.) en-
gendre une légère augmentation du volume d’air (+ 0,5 %) pour des bétons avec
et sans air entraîné [SMA 05]. Selon Plante et al. l’utilisation d’un ciment riche
en alcalis a peu d’effet sur la production de l’air entraîné mais il améliore la sta-
bilité du réseau de bulles des bétons à air entraîné [PLA 89].
Pour des bétons de résistance courante et pour un dosage constant de l’adjuvant
entraîneur d’air (exprimé par rapport à la masse de ciment), le volume d’air en-
traîné diminue quand le dosage en ciment augmente (figure 10.40). Par exemple,
pour maintenir une teneur en air constante, lorsque le dosage en ciment passe de
230 kg/m3 à 360 kg/m3, il peut être nécessaire de doubler le dosage de l’adjuvant
entraîneur d’air [KOS 04].

10

Ciment Portland normal


Affaissement : 50 à 80 mm
8
Volume d'air entraîné (%)

222 kg/m3
6

306 kg/m3
4

388 kg/m3
2

0
10 14 20 28 40 56
Diamètre maximal du gros granulat (mm)

Figure 10.40 : relation entre la dimension maximale du granulat, le dosage en ciment


et la teneur en air du béton, d’après [KOS 04].
Pour un dosage fixe de l’adjuvant entraîneur d’air, le volume d’air entraîné dépend du dosage en ci-
ment et du diamètre maximal du gros granulat. À maniabilité constante le volume d’air augmente
quand le dosage en ciment diminue.

451
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Pour certains auteurs, ce n’est pas le dosage en ciment qui importe, mais le rapport
E/C (figure 10.34). L’influence du rapport E/C est notamment reliée à la consis-
tance du béton. La baisse du rapport E/C provoque une augmentation du seuil de
cisaillement et de la viscosité de la pâte. Selon Du et Folliard, l’augmentation du
seuil de cisaillement et de la viscosité de la pâte engendre une « barrière énergique
» qui s’oppose à la formation des bulles d’air [DU 05].
4.3.1.3. Consistance et superplastifiant
Dans le cas des bétons sans superplastifiant, les variations de consistance sont es-
sentiellement dues aux modifications du rapport E/C. À quantité constante d’ad-
juvant entraîneur d’air, le volume d’air entraîné augmente lorsque l’affaissement
passe de 75 mm à 150 mm. Au-delà de 150 mm, il peut diminuer en raison de
l’instabilité croissante des grosses bulles d’air qui remontent vers la surface
[DOD 90].
Les superplastifiants peuvent augmenter ou diminuer le volume d’air entraîné en
fonction de la nature chimique de l’adjuvant et de l’affaissement du béton. Les su-
perplastifiants à base de naphtalène tendent à augmenter le volume d’air alors que
ceux à base de mélamine peuvent diminuer ou n’avoir pas d’effet sur le volume
d’air entraîné [KOS 04]. Des essais de chantier ont montré que certains superplas-
tifiants à base de polycarboxylates possèdent une fonction secondaire d’entraîne-
ment d’air. Ils peuvent augmenter très fortement le volume d’air entraîné
(> 10 %), notamment lors de l’agitation durant le transport [GAG 04].
Les superplastifiants tendent généralement à augmenter la dimension moyenne
des bulles d’air entraîné [PIG 89, PLA 89]. Par conséquent, pour un volume d’air
donné, l’ajout de superplastifiant tend à augmenter le facteur d’espacement du ré-
seau de bulles d’air. Pour certaines combinaisons ciment/adjuvant entraîneur
d’air, le facteur d’espacement peut passer de moins de 200 µm, avant l’ajout de
superplastifiant à près de 400 µm, après l’ajout de superplastifiant [PLA 89]. Cela
confirme bien que des études préalables en laboratoire ou des essais sur le site de
production en usine sont indispensables.
4.3.1.4. Addition minérales
L’influence des additions minérales sur la production du réseau de bulles d’air en-
traîné varie considérablement en fonction de la dimension des particules, de leur
réactivité, de leur composition chimique et de leur taux d’addition dans le béton.
La fumée de silice, lorsque utilisée à des dosages de 5 % et 10 % de la masse du
liant, a relativement peu d’effet sur la production du réseau de bulles d’air entraî-
né [PIG 89]. La fumée de silice peut provoquer une légèrement augmentation de
la surface volumique (bulles plus petites) et une légère augmentation du volume

452
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

d’air entraîné. L’augmentation du volume d’air ne se produit que lorsqu’un super-


plastifiant est utilisé pour compenser la plus grande demande en eau des liants
avec fumée de silice [PIG 89].
L’utilisation de cendres volantes diminue fortement l’efficacité des adjuvants en-
traîneur d’air. Les travaux de Zhang ont montré que les bétons avec cendres vo-
lantes peuvent nécessiter des dosages en adjuvant entraîneur d’air jusqu’à cinq
fois plus élevés que ceux qui sont normalement recommandés dans les bétons fa-
briqués avec un ciment Portland normal [ZHA 96]. Plusieurs caractéristiques
physico-chimiques particulières des cendres volantes sont souvent mises en cause
pour expliquer ce phénomène [DU 05]. Au niveau physique, la surface spécifique
des cendres volantes est généralement légèrement supérieure à celle du ciment
Portland. Une plus grande quantité d’adjuvant entraîneur d’air peut alors être ad-
sorbée à la surface des particules de cendres volantes. Les cendres volantes peu-
vent contenir des cénosphères et des plérosphères qui contribuent à augmenter
l’adsorption de l’adjuvant entraîneur d’air. Au niveau chimique, les cendres vo-
lantes contiennent du carbone fortement adsorbant qui neutralise partiellement
l’adjuvant entraîneur surtout s’il est sous forme de suie [DU 05]. La capacité d’ad-
sorption du carbone dépend notamment de la taille, de la chimie de surface et de
la forme des sites actifs [DU 05]. Malgré ces interactions, plus ou moins sévères
en fonction des caractéristiques physico-chimiques particulières des cendres vo-
lantes, il est généralement possible de produire un réseau de bulles d’air dont le
volume total et le facteur d’espacement respectent les exigences habituelles pour
la protection contre les cycles de gel-dégel [BOU 03, LAN 89, ZHA 96].
Les laitiers de haut-fourneau diminuent l’efficacité des adjuvants entraîneur d’air
[SAR 03, FER 90]. Pour un volume d’air entraîné donné, la demande en adjuvant
entraîneur d’air augmente avec le dosage en laitier. Les travaux de Saric-Coric et
Aïtcin ont montré que des bétons fabriqués avec des liants contenant 50 % et 80 %
de laitier requièrent des dosages en adjuvant entraîneurs d’air de 2 à 4 fois plus
élevés que ceux utilisés en l’absence de laitier [SAR 03]. Selon Saric-Coric et Aït-
cin, la plus grande demande en adjuvant entraîneur d’air des bétons avec laitier
découle de leur plus faible production d’ions Ca2+. Ces ions, qui forment des sels
insolubles avec les extrémités hydrophiles de l’adjuvant entraîneur d’air, inter-
viennent dans le mécanisme de stabilisation des bulles d’air.
4.3.1.5. Granulats
La forme, la texture des particules, la granulométrie et la proportion volumique du
squelette granulaire influencent les mécanismes de cisaillement et la formation de
vortex lors du malaxage du béton [DU 05]. À maniabilité constante et pour un do-
sage fixe de l’adjuvant entraîneur d’air, l’augmentation de la dimension maximale

453
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

du gros granulat engendre une diminution du volume d’air entraîné (figure 10.40).
Pour un dosage constant en ciment et en adjuvant entraîneur d’air, le volume d’air
entraîné augmente avec l’accroissement de la proportion de granulats fins dans le
béton. Les particules ayant un diamètre compris entre 160 µm et 630 µm ont un
effet favorable sur l’entraînement d’air. L’augmentation de la proportion de parti-
cules de moins de 160 µm diminue significativement le volume d’air entraîné
[DU 05]. Les granulats fins contaminés par des huiles ou des matières organiques
peuvent engendrer d’importantes variations du volume d’air entraîné (§ 4.3.1.6).
4.3.1.6. Eau de gâchage et contaminants
L’eau potable, utilisée comme eau de gâchage, n’a pas d’effet significatif sur l’en-
traînement d’air car elle contient relativement peu d’impuretés. En revanche, les
eaux de gâchage contenant certaines impuretés organiques ou inorganiques peu-
vent avoir des effets favorables ou défavorables sur l’entraînement d’air. Par
exemple, les eaux contenant des algues favorisent l’entraînement et la stabilisa-
tion des bulles d’air alors que les fortes teneurs en ions Ca2+ et Mg2+ que l’on re-
trouve dans les eaux de lavage des camions malaxeur et dans les eaux très dures
nuisent à l’entraînement d’air [DU 05].
Les réseaux de bulles d’air partiellement ou entièrement produits par des conta-
minants (dans l’eau de gâchage ou dans les granulats) offrent généralement une
mauvaise protection contre les cycles de gel-dégel. Malgré un volume d’air par-
fois acceptable (> 5 %), ces réseaux de bulles d’air sont constitués de grosses bul-
les d’air instables et dont le facteur d’espacement peut être très supérieur à la
valeur de 200 µm généralement recommandée pour la protection contre les effets
des cycles de gel-dégel. Dans un tel cas, il faut commencer par désentraîner ces
grosses bulles pour ensuite entraîner de petites bulles.
4.3.1.7. Autres adjuvants
Les adjuvants entraîneur d’air peuvent entrer en interaction physico-chimique
avec d’autres adjuvants du béton (réducteur d’eau, superplastifiant, retardateur et
accélérateur de prise). Les interactions sont souvent associées à l’apport d’élec-
trolytes inorganiques ou de molécules organiques polaires contenus dans les ad-
juvants pouvant être utilisés simultanément avec l’entraîneur d’air [DU 05]. Les
travaux de Pigeon et al. [PIG 89], Plante et al. [PLA 89] et Saucier et al. [SAU 91]
ont démontré que des incompatibilités chimiques peuvent diminuer très significa-
tivement l’efficacité de l’adjuvant entraîneur d’air, tant du point de vue de la pro-
duction que de la stabilité du réseau de bulles d’air. La grande complexité et la
diversité des structures moléculaires des adjuvants ne permettent pas de formuler
des recommandations spécifiques permettant d’éviter les combinaisons incompa-
tibles. Néanmoins, les fiches techniques des adjuvants peuvent indiquer des in-

454
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

compatibilités entre certains types de produits. En l’absence de données, la


compatibilité des adjuvants doit généralement être vérifiée expérimentalement.
4.3.1.8. Fibres
Les fibres peuvent avoir des effets défavorables sur la production et la stabilité du
réseau de bulles d’air [BAL 88]. Dans le béton frais, l’entrecroisement des fibres
et du squelette granulaire s’oppose à la formation de vortex et aux cisaillements
intergranulaires. Du point de vue de l’entraînement d’air, ce phénomène diminue
l’efficacité du malaxage. L’effet de l’ajout de fibres varie beaucoup en fonction
de la séquence d’introduction dans le malaxeur. L’incorporation des fibres, en
même temps que les autres ingrédients du béton, diminue fortement l’efficacité
de l’adjuvant entraîneur d’air. Un surdosage de plus de 50 % peut être nécessaire
pour compenser la perte d’efficacité du malaxage. Avec ce type de séquence de
malaxage, l’influence défavorable sur l’entraînement d’air s’accroît avec la lon-
gueur, la rigidité et le dosage des fibres. Les fibres ont généralement un effet
beaucoup moins défavorable lorsqu’elles sont ajoutées tardivement, en fin de ma-
laxage, et après la production d’un réseau de bulles d’air approprié. Les travaux
de Balaguru et Ramakrishnan ont démontré qu’il est possible de produire un ré-
seau de bulles d’air de bonne qualité ( L < 200 µm) dans des bétons contenant
44 kg/m3 de fibres d’acier à crochets de 50 mm de longueur [BAL 88].
Les réseaux de bulles d’air partiellement ou entièrement produits par des con-
taminants (dans l’eau de gâchage ou dans les granulats) offrent généralement
une mauvaise protection contre les cycles de gel-dégel. Malgré un volume d’air
parfois acceptable (> 5 %), ces réseaux de bulles d’air sont constitués de grosses
bulles d’air instables.

4.3.2. Influence des conditions de mise en œuvre


4.3.2.1. Mode de malaxage
Le type de malaxeur influence les mécanismes d’emprisonnement et de disper-
sion (fractionnement/coalescence) des bulles d’air dans le béton frais. Les para-
mètres de malaxage (durée, vitesse, couple, compression, tension, cisaillement,
pétrissage, etc.) gouvernent la vitesse de production et la dimension des bulles
d’air [DU 05]. L’efficacité du processus de malaxage est aussi fonction de la
quantité relative de béton dans le malaxeur. Des charges trop faibles ou trop im-
portantes peuvent diminuer très significativement l’intensité des processus de ci-
saillement ou la formation de vortex dans le béton frais. L’usure des pales du
malaxeur diminue la dispersion de l’air et allonge le temps de malaxage nécessai-
re pour produire un réseau de bulles d’air donné.

455
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

4.3.2.2. Température
L’augmentation de la température du béton engendre une diminution du volume
d’air entraîné. Pour pouvoir maintenir le volume d’air constant, il faut augmenter
le dosage de l’adjuvant entraîneur d’air. Le facteur d’espacement tend alors à di-
minuer. Par contre, si le dosage de l’adjuvant est diminué pour tenir compte d’une
diminution de température du béton, le facteur d’espacement risque d’augmenter.
Des mécanismes physico-chimiques relativement complexes ont été proposés
pour tenter d’expliquer la perte d’efficacité des adjuvants entraîneur d’air consé-
cutive à une augmentation de la température [DU 05]. Ce phénomène, encore mal
compris, fait l’objet d’explications parfois discordantes.
4.4. Stabilité du réseau de bulles d’air entraîné
La stabilité est une caractéristique importante du réseau de bulles d’air initiale-
ment entraîné lors du malaxage. L’agitation durant le transport du béton frais, les
ajouts d’eau et d’adjuvants sur chantier, le pompage et la vibration peuvent pro-
voquer l’échappement des bulles vers la surface et le fusionnement des petites
bulles pour en former de plus grosses. La perte d’air et la formation de grosses
bulles diminuent la protection offerte par le réseau de bulles d’air en augmentant
le facteur d’espacement des bulles. En pratique, pour pouvoir assurer une protec-
tion au gel adéquate du béton en place, il est important que les caractéristiques du
réseau de bulles d’air (volume total, surface volumique et facteur d’espacement)
soit stables, de la fin du malaxage jusqu’à la prise du béton.
4.4.1. Influence du transport du béton frais
L’agitation et les chocs imposés lors du transport du béton frais peuvent engen-
drer des variations du volume et du facteur d’espacement du réseau de bulles d’air
entraîné. Les agents entraîneur d’air commerciaux sont conçus pour pouvoir pro-
duire et stabiliser le réseau de bulles d’air durant les opérations normales de trans-
port et de mise en place du béton. Saucier et al. ont mesuré l’évolution des
caractéristiques du réseau de bulles d’air de bétons à air entraîné entre la fin du
malaxage à la centrale de béton prêt à l’emploi et la mise en place sur le chantier
[SAU 90]. Les caractéristiques du réseau de bulles d’air ont été mesurées dans le
béton durci après 15, 25, 70 et 90 minutes suivant le premier contact eau/ciment.
Les bétons ont été produits dans un malaxeur stationnaire ou dans des camions
malaxeurs. Deux types d’adjuvants entraîneur d’air, deux types de superplasti-
fiants et trois ciments ont été étudiés. Leurs résultats montrent qu’en l’absence de
superplastifiant, les deux types d’adjuvants entraîneur d’air ont produit des ré-
seaux de bulles d’air stables durant le transport (malaxage à vitesse lente) et la
mise en place. L’ajout de superplastifiant à l’usine peut parfois déstabiliser le ré-

456
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

seau d’air en provoquant une augmentation ou une diminution du volume d’air


entraîné et du facteur d’espacement. Les réseaux de bulles d’air les plus instables
sont obtenus avec les plus faibles dosages en adjuvant entraîneur d’air. Les résul-
tats démontrent qu’une augmentation du volume d’air durant le transport (ma-
laxage à vitesse lente) n’a pas toujours pour effet de diminuer le facteur
d’espacement des bulles. Dans certains cas, le volume d’air augmente mais la sur-
face volumique des bulles diminue (bulles plus grosses), ce qui a peu d’influence
sur le facteur d’espacement (figure 10.41). Globalement, les résultats indiquent
que les mesures du volume d’air entraîné ne permettent pas de prédire l’évolution
du facteur d’espacement. Il n’a pas été possible d’expliquer pourquoi certaines
combinaisons adjuvant entraîneur d’air/superplastifiants peuvent produire des ré-
seaux de bulles d’air instables. Les auteurs suggèrent de vérifier expérimentale-
ment la stabilité du réseau de bulles d’air après toutes modifications du type et du
dosage des adjuvants.

7 400 Superplastifiant A
Facteur d'espacement (μm)

Superplastifiant B
Volume d'air (%)

6 Sans superplastifiant

Superplastifiant A
5 300
Superplastifiant B

4
Sans superplastifiant

3 200
0 15 30 45 60 75 90 0 15 30 45 60 75 90
Temps d’échantillonage (min) Temps d’échantillonage (min)

Figure 10.41 : évolution, en fonction du temps, du volume d’air et du facteur


d’espacement de bétons avec et sans superplastifiant, d’après [SAU 90].
Les caractéristiques du réseau de bulles d’air du béton durci ont été mesurées à la fin du malaxage
et jusqu’à 90 minutes après le premier contact eau-ciment. Tous les bétons ont été dosés en usine
puis malaxés dans des camions à tambour malaxeur. Le béton sans superplastifiant et celui avec le
superplastifiant A ont des réseaux de bulles d’air instables. Les résultats indiquent notamment que les
variations du volume d’air entraîné ne permettent pas de prédire l’évolution du facteur d’espacement.

4.4.2. Influence de la vibration et du mode de mise en place


Hover et Phares ont étudié l’influence de différents modes de mise en place sur les
caractéristiques du réseau de bulles d’air de bétons contenant environ 8 % d’air
[HOV 96]. Des dalles sur sol ont été coulées en utilisant quatre méthodes de mise en
place : déversement à partir de la chute du camion malaxeur, pompage (deux confi-
gurations), déversement à l’aide d’une benne et déversement à l’extrémité d’un con-
voyeur. Dans tous les cas, une règle vibrante a été utilisée pour araser la surface des
dalles. Globalement les mesures des caractéristiques du réseau de bulles d’air dans

457
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

le béton frais et durci indiquent que les méthodes de mise en place ont relativement
peu d’effet sur le volume d’air. Les variations du volume d’air sont exprimées par
rapport au volume d’air mesuré dans le béton prélevé à la chute du camion malaxeur.
Le pompage à l’aide d’une configuration permettant la chute libre du béton dans la
dernière section verticale engendre une perte d’air comprise entre 0,5 % et 2 % (va-
leur absolue). L’utilisation d’un conduit souple, formant une demi-boucle à l’extré-
mité de la partie verticale du conduit de la pompe, permet de diminuer la perte d’air.
L’utilisation d’une benne engendre une perte d’air comprise entre 0,5 % et 1 %. La
perte d’air associée à l’utilisation d’un convoyeur est comprise entre 1 % à 1,5 %.
L’arasement de la surface à l’aide d’une règle vibrante ajoute une perte d’air d’en-
viron 0,5 %. Malgré ces pertes, dans tous les cas, le réseau de bulles d’air dans les
dalles de béton possédait un facteur d’espacement inférieur à 200 µm.
Lessard et al. ont montré qu’une configuration de pompage utilisant des tubes repo-
sant sur un sol horizontal n’affecte pas significativement le volume d’air et le facteur
d’espacement [LES 96]. L’utilisation de tronçons verticaux, permettant une chute li-
bre du béton dans le tube, engendre des pertes d’air relativement faibles (1 %) mais le
facteur d’espacement peut fortement augmenter en passant de 180 µm à plus de
300 µm. L’utilisation d’un étranglement à l’extrémité du dernier tronçon vertical em-
pêche la chute libre du béton dans le tube. Cette approche permet de diminuer consi-
dérablement l’accroissement du facteur d’espacement lors des opérations de
pompage. L’augmentation du facteur d’espacement mesuré avec les configurations
comportant des tronçons verticaux résulte principalement de la coalescence des bulles
et des forces d’impact générées lors de la décompression et de la chute libre du béton
dans la section verticale du tube de pompage. De plus, les fortes pressions de pompage
favorisent la dissolution des plus petites bulles d’air dans la solution interstitielle
[PLE 95].
Les bulles d’air entraîné d’un réseau stable sont en équilibre dans le béton frais.
Le pompage et les méthodes de mise en place peuvent créer des pressions, des
vibrations et des déformations qui modifient l’état d’équilibre des bulles d’air.
Des bulles peuvent alors fusionner ou s’échapper vers la surface, ce qui diminue
la protection offerte par le réseau de bulles d’air en contribuant à augmenter son
facteur d’espacement.
Le volume d’air entraîné diminue avec la durée de vibration interne
(figure 10.42). La perte d’air est plus importante dans les bétons ayant un plus
grand affaissement et un plus grand volume d’air initial. Une vibration bien utili-
sée engendre généralement une perte d’air relativement faible. Dans ce cas, l’air
perdu résulte de l’échappement de grosses bulles habituellement indésirables du
point de vue de la résistance mécanique et de la durabilité au gel-dégel. La perte

458
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

des grosses bulles a relativement peu d’effet sur le facteur d’espacement des bul-
les d’air.
9

7
Volume d'air entraîné (%) Affaissement 140 mm
6

5
95 mm
4

3
45 mm
2

1
0 10 20 30 40 50
Durée de la vibration (s)
Figure 10.42 : relation entre l’affaissement, la durée de vibration et la teneur en air
du béton, d’après [KOS 04].
Les bétons à air entraîné ont été consolidés à l’aide d’un vibrateur de 25 mm de diamètre. Ils ont tous
été fabriqués avec le même dosage d’adjuvant entraîneur d’air. Plus la durée de vibration est longue,
plus la perte d’air est importante. La perte d’air s’accroît avec l’affaissement.

4.4.3. Influence d’un ajout d’eau


Pigeon et al. ont étudié l’influence d’un ajout d’eau sur la stabilité du réseau de
bulles d’air entraîné de bétons produits en laboratoire et en usine [PIG 90]. Envi-
ron 45 minutes après le premier contact eau/ciment, un ajout d’eau d’environ
10 litres par m3 a été effectué de manière à faire passer l’affaissement de 50 mm
à environ 100 mm. Les résultats indiquent que l’ajout d’eau dans un béton à air
entraîné produit avec un dosage approprié d’un agent entraîneur d’air à base de
détergent synthétique ou d’hydrocarbures sulfonés, n’a pas d’effet significatif sur
le facteur d’espacement des bulles d’air. Cependant, l’ajout d’eau engendre sou-
vent une faible augmentation du volume d’air entraîné mais surtout une baisse de
résistance mécanique.
4.5. Entraînement d’air dans les bétons spéciaux
4.5.1. Bétons à hautes performances
Il est tout à fait possible de produire un réseau de bulles d’air entraîné stable dans
un béton à hautes performances. Il importe cependant que l’usine soit équipée de
systèmes de dosage (eau, ciment, adjuvants) précis et bien calibrés et d’un ma-
laxeur (en centrale ou en camion) puissant et bien entretenu. Des gâchées d’essais

459
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

sont nécessaires pour déterminer les dosages et vérifier la compatibilité des adju-
vants (entraîneur d’air, superplastifiant, retardateur de prise). Les dosages d’adju-
vants entraîneur d’air peuvent être de 2 à 3 fois plus élevés que ceux qui sont
normalement recommandés dans les bétons de résistance courante. L’agent entraî-
neur d’air doit être introduit en même temps que le sable et l’eau, au tout début de
la séquence de malaxage. L’ouvrage de Aïtcin contient de nombreuses recomman-
dations sur la production des bétons à hautes performances à air entraîné [AÏT 01].
Aïtcin et Lessard ont suivi la production de deux bétons à hautes performances à
air entraîné utilisés pour construire deux ponts au Québec [AÏT 94]. Les bétons
ont été dosés en usine puis malaxés dans des camions à toupie. Dans les deux cas,
la résistance caractéristique spécifiée était de 60 MPa. Les bétons ont été fabri-
qués avec un liant contenant 8 % de fumée de silice et avec un rapport E/L com-
pris entre 0,29 et 0,30. Les résistances moyennes à 28 jours sont comprises entre
75 et 81 MPa. Les spécifications incluaient notamment un volume d’air entraîné
de 5,5 ± 1,5 %, un facteur d’espacement moyen inférieur à 230 µm (aucune valeur
supérieure à 260 µm) et un affaissement de 180 ± 40 mm. L’analyse des résultats
porte sur 23 échantillonnages pour le premier pont et 43 pour le second. Pour les
deux projets, toutes les spécifications préconisées ont pu être respectées. Les fac-
teurs d’espacement moyens étaient de 190 µm et 185 µm avec des coefficients de
variation de 17 % et 19 % respectivement.
4.5.2. Bétons autoplaçants
De nombreuses études en laboratoire et plusieurs projets de construction ont dé-
montré qu’il est possible de produire des bétons autoplaçants à air entraîné com-
portant un réseau de bulles stable et pouvant offrir une protection adéquate contre
l’attaque par les cycles de gel-dégel [KHA 95, KHA 00, HOV 00]. Cependant,
certaines formulations de bétons autoplaçants peuvent produire un réseau de bul-
les d’air instable en raison de leur grande fluidité et d’une viscosité parfois trop
faible [KHA 02]. L’agitation (durant le transport) ou le pompage favorisent
l’échappement ou le fusionnement des bulles, ce qui peut produire un facteur
d’espacement supérieur aux spécifications habituelles.
Khayat et Assaad ont démontré qu’il est possible de stabiliser un réseau de bulles
d’air entraîné dans différents types de bétons autoplaçants produits avec ou sans
agents de viscosité [KHA 02]. La stabilité a notamment été évaluée durant une pé-
riode de 95 minutes suivant le premier contact eau ciment. L’utilisation d’un
agent de viscosité peut augmenter par un facteur de 2 à 4 la demande en adjuvant
entraîneur d’air nécessaire pour produire un facteur d’espacement stable et infé-
rieur à 200 µm. Les liants contenant des cendres volantes peuvent aussi contribuer
à augmenter la demande en adjuvant entraîneur d’air. Des réseaux de bulles d’air
instables ont été obtenus avec les bétons contenant un dosage en matières cimen-

460
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

taires relativement faible (360 kg/m3) et un fort dosage en superplastifiant ainsi


qu’avec ceux ayant un étalement relativement élevé (640 ± 10 mm) [KHA 02].
Au Canada, des bétons autoplaçants à air entraîné sont fréquemment utilisés, no-
tamment pour la réparation des structures en béton armé [KHA 00, HOV 00,
KHA 04]. Ces projets ont pu démontrer qu’il est tout à fait possible de produire
en usine, de transporter et de pomper des bétons autoplaçants possédant un réseau
de bulles d’air entraîné stable et offrant une bonne protection contre l’attaque par
les cycles de gel-dégel.
Des études en laboratoire et plusieurs projets de construction ont démontré qu’il
est possible de produire des bétons autoplaçants à air entraîné comportant un
réseau de bulles stable et pouvant offrir une protection adéquate contre l’atta-
que par les cycles de gel-dégel.

5. DISPOSITIONS NORMATIVES
De nombreux organismes internationaux et nationaux (CEN, Comité européen de
normalisation; CSA, Association canadienne de normalisation; ACI, American
Concrete Institute; ASTM, American society for testing and materials) établissent
des normes pour la construction des structures en béton encadrant la conception
structurale (EN 1992, CSA A23.3, ACI 318), la formulation, les spécifications et
le contrôle du béton (EN 206-1, CSA A23.1), l’exécution des structures en béton
(ENV 13670-1) et les matériaux et procédures d’essais (EN, CSA A23.2, ASTM).
Toutes ces normes contiennent notamment de nombreuses exigences et recom-
mandations spécifiques pour la conception et la construction des structures en bé-
ton exposées à une ambiance hivernale rigoureuse. L’ensemble des dispositions
normatives applicables à la durabilité au gel des structures en béton peut être re-
groupé en trois familles :
1) des normes de conception qui formulent des exigences et des recommandations
sur la géométrie des éléments structuraux dans le but de minimiser l’action de
l’environnement sur la structure ;
2) des normes matériaux qui comprennent des recommandations spécifiques sur
la formulation du béton, la spécification, la production et le contrôle de la qualité
des bétons exposés au gel ;
3) des normes d’essais permettant de vérifier certains critères clés de la perfor-
mance des bétons exposés à des cycles de gel-dégel (gélivité des granulats, volu-
me d’air entraîné, essais normalisés de durabilité, etc.).
5.1. Normes de conception, disposition constructives
Une structure en béton mal conçue peut avoir une durabilité déficiente malgré
l’utilisation de matériaux durables et de bonne qualité. La durabilité vis-à-vis du

461
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

gel d’une structure de béton peut être influencée par des paramètres de conception
liés à la géométrie des éléments structuraux. Par exemple le choix du type, du
nombre et du positionnement des joints de dilatation peut influencer la durabilité
au gel des éléments en béton de la sous-structure. Les joints de dilatation sont des
composantes relativement fragiles. Ils sont soumis à des sollicitations mécaniques
et environnementales importantes qui peuvent engendrer des pertes d’étanchéité.
Les joints de tablier qui fuient peuvent permettre à l’eau et aux sels de déglaçage
de saturer et de contaminer le béton des poutres chevêtres, des poutres caisson,
des piles et des murs de soutènement. Ces éléments en béton, fortement contami-
nés par les chlorures et maintenus dans un état de saturation plus élevé, sont plus
fortement attaqués par les cycles de gel-dégel (fissuration interne et écaillage). La
norme canadienne de conception des ponts (CSA S6) recommande de minimiser
le nombre de joints structuraux et de les concevoir en fonction de la durabilité de
la structure.
La conception des systèmes de drainage des eaux de fonte contaminées par les
chlorures peut aussi influencer la durabilité au gel des éléments de béton. Des dé-
pressions mal drainées à la surface des tabliers ou à la surface des ailes inférieures
des poutres caisson contribuent à maintenir le béton saturé et fortement contaminé
par les chlorures. Ces zones sont alors plus fréquemment dégradées par l’écaillage
de surface. Pour diminuer la saturation et la contamination des éléments de sous
structure, les conduits d’évacuation des eaux de ruissellement et de fonte doivent
se prolonger à une distance d’au moins 150 mm sous la surface du tablier (norme
CSA S6). Le positionnement des drains doit être conçu pour que les eaux éva-
cuées n’entrent pas en contact avec le béton.
5.2. Normes sur le matériau béton
La durabilité au gel du béton est fortement influencée par plusieurs de ses para-
mètres de composition et de mise en œuvre. Des normes nationales adaptées à
chaque contexte climatique national encadrent précisément le choix des consti-
tuants, la formulation, la mise en œuvre et le contrôle de la qualité des bétons ex-
posés à des cycles de gel-dégel. De nombreuses exigences normatives peuvent
s’appliquer au prescripteur, au producteur et à l’utilisateur du béton.
5.2.1. Norme NF EN 206-1
En ce qui concerne la production du béton, la norme européenne EN 206-1 indi-
que les tâches et responsabilités techniques respectives du prescripteur, du pro-
ducteur et de l’utilisateur, dans les différents types de spécifications qu’elle
prévoit. Le tableau 1 de la norme EN 206-1 définit ainsi quatre classes d’exposi-
tion concernant le gel (tableau 10.2).

462
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

Tableau 10.2 : classes d’exposition au gel-dégel avec ou sans sels fondants


(norme EN 206-1).

Désignation Exemples informatifs illustrant le choix des classes


Description de l’environnement
de la classe d’exposition

Saturation modérée en eau sans Surfaces verticales de bétons exposés à la pluie et


XF1
sels fondants au gel

Surfaces verticales de bétons des ouvrages rou-


Saturation modérée en eau avec
XF2 tiers exposés au gel et à l’air véhiculant des sels
sels fondants
fondants

Forte saturation en eau, sans sels Surfaces horizontales de bétons exposées à la


XF3
fondants pluie et au gel

Routes et tabliers de ponts exposés aux sels fon-


dants et surfaces de bétons verticales directement
Forte saturation en eau, avec sels
XF4 exposées aux projections de sels fondants et au
fondants ou eau de mer
gel. Zones des structures marines soumises aux
projections et exposées au gel

Chacun des États membres du CEN a la possibilité de compléter ces exigences au


niveau de l’Annexe nationale de la norme.
En France, la norme NF EN 206-1 précise que sauf spécifications particulières
notamment fondées sur l’état de saturation en eau du béton (par exemple surface
horizontale ou non), les classes d’exposition XF1 à XF4 sont définies géographi-
quement par département. La carte des zones de gel en France a été établie suivant
un classement en trois catégories (gel faible, gel modéré, gel sévère) à partir de
données statistiques de stations météorologiques couvrant le territoire national.
Ce classement, établi à partir de températures sous abri, ne prend pas en compte
les conditions d’exposition et les phénomènes microclimatiques.

463
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Gel faible ou modéré { XF1 (sans agent de déverglaçage)


XF2 (avec agent de déverglaçage)

Gel sévère { XF3 (sans agent de déverglaçage)


XF4 (avec agent de déverglaçage)

Gel modéré ou sévère suivant l'altitude

Station météorologique

Figure 10.43 : carte des zones de gel en France (norme NF EN 206-1, figure NA.2).

Pour chaque classe d’exposition, la norme NF EN 206-1 définit des limites appli-
cables à la composition et aux propriétés du béton. Cette approche impose, pour
chaque classe d’exposition, un rapport E/Léquivalent maximal (le terme « liant
équivalent » correspond à la masse de (ciment + k × additions minérales), une
classe de résistance minimale, une teneur minimale en liant équivalent et une te-
neur en air minimale. Ces paramètres, qui ont une influence directe sur la quantité
d’eau gelable, la perméabilité et le niveau de protection du réseau de bulles d’air,
permettent de moduler le potentiel de durabilité du béton en fonction de la sévé-
rité des conditions d’exposition au gel. Il faut noter que le facteur d’espacement
des bulles d’air ne fait l’objet d’aucune spécification dans la norme. Il est toute-
fois possible de déroger à certaines limites imposées (notamment le volume d’air
entraîné) si des essais de validation démontrent l’équivalence de performance.
Le tableau 10.3 résume les limites de composition de la norme française. Certai-
nes limites imposent notamment une proportion maximale d’additions minérales
dans le liant. Ces proportions sont variables en fonction du type d’addition et de
la sévérité des conditions d’exposition au gel. Des essais de validation de la dura-
bilité sont également recommandés dans le cas des expositions au gel les plus sé-
vères. Dans le cas des classes d’expositions XF3 et XF4, il est notamment suggéré
de mesurer le facteur d’espacement des bulles d’air entraîné.

464
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

Tableau 10.3 : valeurs limites applicables pour la composition et les propriétés du béton
soumis au gel-dégel en fonction de la classe d’exposition. D’après la norme NF EN 206-1.
NF EN 206-1 (valeurs limites applicables en NF EN 206-1 (valeurs limites applicables en
Norme applicable France pour les bétons coulés en place) France pour les produits de béton
selon tableau NA.F.1 préfabriqués en usine) selon tableau NA.F.2
Classe d’exposition
XF1 XF2 XF3 XF4 XF1 XF2 XF3 XF4
au gel-dégel
Rapport E/C maximal – – – – – – – –
Rapport Eeff/liant éq
0,60 0,55 0,55 0,45 0,50 0,50 0,45 0,40
maximal
Classe de résistance
C25/30 C25/30 C30/37 C30/37 C35/45
minimale
Teneur minimale en
– – – – – – – –
ciment (kg/m3)
Teneur minimale en
280 (2) 300 315 340 – – – –
liant éq (kg/m3)
Teneur minimale en
air (%)
– 4 (3) 4 (3) 4 (3) – 4 (8) 4 (8) 4 (8)

Essai(s) de perfor-
– – – – – – (1) (4) (1) (4) (5)
mances
Absorption d’eau
maximale (%)
– – – – 6 5 (7) 5 (7) 4 (7)

Cendres
0,15 (6) 0,15 (6)
Rapport maximal A/(A+C)

0,30 0,30 0,30 0,30 0,30 0,30


volantes
Fumées
0,10 0,10 0,10 0,10 0,10 0,10 0,10 0,10
de silice
Laitier moulu 0,30 0,30 0,30 0,15 0,30 0,30 0,30 0,15
Addition
0,25 0,25 0,25 0,05 0,25 0,25 0,25 0,05
calcaire
Addition
0,20 0,20 0,20 0,05 0,20 0,20 0,20 0,05
siliceuse
Nature du ciment – – – (5) – – – –

(1) Granulats non gélifs au sens de NF EN 12620.


(2) Pour un béton précontraint, la valeur est portée à 300 kg/m3.
(3) Le respect de cette valeur nécessite l’utilisation d’un agent entraîneur d’air. Il est possible de
déroger à la teneur minimale en air pour les bétons à hautes performances en appliquant les recom-
mandations pour la durabilité des bétons durcis soumis au gel.
(4) Dans le cas d’ouvrages importants, sensibles, ou particulièrement exposés, il est souhaitable
d’avoir recours à des essais complémentaires afin de s’assurer de l’adéquation du béton aux perfor-
mances attendues. Pour XF3 : XP P18-424 ou XP P18-425, ASTM C457. Pour XF4 : XP P18-424
ou XP P18-425, ASTM C457 et XP P18-420.
(5) Pour les bétons soumis à l’eau de mer, utiliser un ciment PM. En cas d’utilisation de sels fon-
dants dont la teneur en sulfates solubles est supérieure ou égale à 3%, utiliser un ciment PM ou un
ciment ES.
(6) L’utilisation de cendres volantes peut induire des difficultés à entraîner de l’air. Il est recom-
mandé de n’utiliser dans ce cas que des cendres de catégorie A selon NF EN 450-1 et de renforcer
le contrôle de la quantité d’air entraîné.

465
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

(7) L’exigence d’absorption maximale est retenue uniquement lorsque le béton doit respecter les
seuils associés aux essais de performance (XP P18-424, XP P18-425, XP P18-420) et qu’il est réa-
lisé sans agent entraîneur d’air. Lorsque le béton est réalisé avec un agent entraîneur d’air, il n’y a
pas d’exigence sur l’absorption d’eau maximale, compte tenu du fait qu’une teneur en air élevée
peut conduire à une absorption d’eau plus importante.
(8) Le respect de cette valeur nécessite l’utilisation d’un agent entraîneur d’air. Il est possible de
déroger à la teneur minimale en air en utilisant les essais de performance (XP P18-424, XP P18-
425, XP P18-420) et les seuils correspondants (allongement relatif, fréquence de résonance, perte
de matière) définis dans les recommandations pour la durabilité des bétons durcis soumis au gel.
N.B. Dans le cas des produits de structure préfabriqués, le préfabricant a la possibi-
lité d’utiliser au choix les exigences de l’un ou de l’autre des deux tableaux. Pour
chaque type de produit préfabriqué, une procédure documentée doit mentionner le
tableau auquel il est fait référence.
5.2.2. Fascicule 65A
En ce qui concerne la mise en œuvre du béton, le fascicule 65A applicable aux
ouvrages d’art, en cours de révision (au moment de la publication de cet ouvrage)
afin de le rendre cohérent avec l’ensemble du contexte normatif dont la norme NF
EN 206-1, précise des exigences complémentaires, notamment en ce qui concerne
les bétons soumis aux cycles de gel-dégel avec ou sans agents de déverglaçage,
en se référant notamment aux recommandations pour la durabilité des bétons sou-
mis au gel du LCPC de 2003 (qui stipulent des exigences en terme de respect du
réseau de microbulles d’air ou de performances vis-à-vis d’essais de gel-dégel)
[LCP 03].
5.2.3. Approche canadienne : la norme CSA A23.1-04
Certaines prescriptions de la norme CSA A23.1-04 Bétons : constituants et exé-
cution des travaux méritent d’être citées car elles concernent un pays où les con-
ditions climatiques font que les agressions hivernales, aussi bien par le nombre et
la sévérité des cycles de gel-dégel que par l’utilisation intensive de sels fondants
durant quatre ou cinq mois par an, sont beaucoup plus dommageables pour les
ouvrages qu’elles ne le sont en France. Cette norme, disponible en français, a fait
l’objet d’une modification majeure en 2004.
Depuis le début des années 1980, la norme CSA A23.1 prescrit une composition
de béton qui dépend du type et de la sévérité des conditions d’expositions. Tout
béton soumis à des cycles de gel-dégel et/ou à l’action des sels fondants ou des
ions chlorure doit :
– développer une résistance à la compression minimale à 28 ou 56 jours ;
– être caractérisé par un rapport E/L inférieur à une valeur imposée (les additions
minérales conformes à la norme CSA A3000 sont permises et prises en compte
dans le calcul du rapport E/L) ;

466
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

– contenir un réseau de bulles d’air entraîné dont les caractéristiques doivent


satisfaire des prescriptions spécifiques ;
– être soumis à une cure dont le type et la durée sont spécifiés ;
– peuvent devoir satisfaire des exigences portant sur leur capacité à résister à la
pénétration des ions chlorure.
Sept classes d’exposition sont définies en fonction du type d’élément en béton et
du type et de la sévérité de l’exposition au gel-dégel et aux ions chlorure :
C-XL béton armé exposé aux chlorures ou à d’autres milieux agressifs, soumis ou
non au gel-dégel, pour lequel les attentes en matière de durabilité sont plus
élevées que celles de la classe C-1.
C-1 béton armé exposé aux chlorures, soumis ou non au gel-dégel (tabliers de
ponts, planchers et rampes d’ouvrages de stationnement, parties d’ouvra-
ges maritimes situées à l’intérieur des zones de marnage et d’éclabousse-
ment, ouvrages en béton exposés aux éclaboussements d’eau de mer et
piscines d’eau salée).
C-2 béton non armé exposé aux chlorures et soumis au gel-dégel (planchers de
garage, porches, marches, chaussées, trottoirs, bordures et caniveaux).
C-3 béton constamment submergé, exposé aux chlorures mais non soumis au
gel-dégel (parties submergées d’ouvrages maritimes).
C-4 béton non armé exposé aux chlorures mais non soumis au gel-dégel (dalles
sur le sol dans les ouvrages de stationnements intérieurs).
F-1 béton soumis au gel-dégel, en condition saturée, mais non exposé aux chlo-
rures (bords de piscine, patios, courts de tennis, piscines d’eau douce et ins-
tallations de régulation des eaux douces).
F-2 béton soumis au gel-dégel, en condition non saturée, mais non exposé aux
chlorures (murs et poteaux extérieurs).
Le tableau 10.4 présente un extrait des principales exigences de composition et de
performance de la norme CSA A23.1-04 pour les bétons soumis à des cycles de
gel-dégel avec ou sans ions chlorure. Ces exigences normatives ont notamment
comme particularité d’imposer un facteur d’espacement maximal pour les classes
d’exposition les plus sévères. Le volume d’air entraîné spécifié varie pour tenir
compte de la dimension maximale du gros granulat (§ 3.1.6.3, figure 10.16). Les
bétons les plus sévèrement exposés aux gel-dégel et aux ions chlorure sont soumis
à un critère de pénétration des ions chlorure (nombre de coulomb mesuré selon la
norme ASTM C1202). La qualité minimale de la cure, qui influence fortement la
résistance à l’écaillage, est spécifiée en fonction de la classe d’exposition.

467
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Tableau 10.4 : extrait des principales exigences de composition et de performance


de la norme CSA A23.1-04 pour les bétons soumis à des cycles de gel-dégel
avec ou sans exposition aux ions chlorure.
Classes d’exposition

Caractéristiques du réseau de bulles d’air


Résistance à
Résistance selon la dimension maximale du gros granulat
la pénétration
Rapport minimale Type de
Air (%) des ions
E/L à la compres-
maximal sion à 28 jours L cure (b) chlorure
à 56 jours
(MPa) (µm) (a) 10 mm 14-20 mm 28-40 mm (coulomb)

C-XL 0,37 50 (56 jours) < 230 6-9 5-8 4-7 3 < 1000
C-1 0,40 35 < 230 6-9 5-8 4-7 2 < 1500

C-2 0,45 32 < 230 6-9 5-8 4-7 2 –

C-3 0,50 30 – 5-8 4-7 3-6 1 –


C-4 0,55 25 – 5-8 4-7 3-6 1 –

F-1 0,50 30 < 230 6-9 5-8 4-7 2 –

F-2 0,55 25 – 5-8 4-7 3-6 1 –

(a) Pour un rapport E/L supérieur à 0,36, le facteur d’espacement moyen doit être inférieur à
230 µm sans qu’aucune valeur n’excède 260 µm. Pour un rapport E/L égal ou inférieur à 0,36, le
facteur d’espacement moyen doit être inférieur à 250 µm sans qu’aucune valeur n’excède 300 µm.
(b) Type de cure 1 : 3 jours à une température 10 °C ou pendant le temps nécessaire pour atteindre
40 % de la résistance spécifiée.
Type de cure 2 : 7 jours à une température 10 °C et pendant le temps nécessaire pour atteindre
70 % de la résistance spécifiée. Lorsqu’on utilise du béton à la fumée de silice, on doit recourir à
des méthodes de cure additionnelles.
Type de cure 3 : Période de cure par voie humide de 7 jours. Les types de cure acceptables sont les
suivantes : nappe d’eau, arrosage continu, matériau absorbant ou toile maintenue continuellement
mouillée.

On dispose actuellement de normes et de guides de recommandations qui per-


mettent de concevoir et de fabriquer des bétons durables en ambiances hiverna-
les rigoureuses. Au niveau international, les prescriptions les plus récentes
convergent toutes vers les mêmes exigences : obtention d’un béton compact at-
teignant de bonnes résistances mécaniques et protégé par un bon réseau de bul-
les d’air entraîné (facteur d’espacement inférieur à une valeur limite, volume
d’air à l’intérieur d’une plage spécifiée). Toutes ces exigences de formulation
sont modulées en fonction de la sévérité de l’exposition aux cycles de gel-dégel
avec ou sans sels de déverglaçage.

468
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

5.3. Normes d’essais


Des organismes de normalisation (CEN, ASTM, CSA) ont développé des procé-
dures d’essais pour évaluer plusieurs propriétés importantes associées à la dura-
bilité au gel-dégel des bétons. Ces normes d’essais comprennent des essais de
performance pour évaluer la résistance du béton aux cycles de gel-dégel et à
l’écaillage. Elles comprennent aussi des essais de contrôle pour mesurer certaines
caractéristiques clés des bétons pouvant être exposés au gel.
5.3.1. Tests de performance au gel-dégel
ˆ Essais de gel interne – Normes NF P 8-424 (gel sévère),
NF P18-425 (gel modéré), ASTM C666
Les procédures d’essais NF P18-424 (gel sévère), NF P18-425 (gel modéré) re-
prennent, en partie, la procédure de l’essai ASTM C666. Les essais consistent à
soumettre des éprouvettes prismatiques soit à des cycles de gel dans l’eau et dégel
dans l’eau (gel sévère) soit à des cycles de gel dans l’air et dégel dans l’eau (gel
modéré). La résistance au gel est évaluée à partir de mesures d’allongement, de
mesures soniques et d’un examen visuel. Le tableau 10.5 présente les principales
caractéristiques de ces essais.
Tableau 10.5 : principales caractéristiques des méthodes d’essais NF P18-424,
NF P18-425 et ASTM C666.
Traitement Évaluation de la résis- Critère d’acceptation
Norme Éprouvettes Cycles de gel-dégel
préalable tance au gel-dégel (contrôle)
Durée de 4 à 6 heures.
Vitesse de refroidissement Mesure de gonflement
Δl/l < 500 µm/m
NF P18-425 de 6 ± 1 °C/h et de fréquence
Prismes F²/F0² > 60
Gel dans l’eau et dégel de résonance
suivant 28 jours dans l’air
NF P 18-404 dans l’eau
et à 20 ± 2 °C Durée de 4 à 6 heures.
Vitesse de refroidissement Mesure de gonflement
NF P 18-421 Δl/l < 500 µm/m
NF P18-424 de 6 ± 1 °C/h et de fréquence
F²/F0² > 60
Gel dans l’eau et dégel de résonance
dans l’eau
Après 300 cycles :
Le facteur de durabi-
lité doit être supé-
Procédure A rieur à 60 % (le
Gel dans l’eau (-18 °C) Mesures de l’allonge- module d’élasticité
Prismes de 14 jours et dégel dans l’eau (4 °C) ment et du module dynamique résiduel
ASTM C666 350 x 75 x 75 mm dans l’eau d’élasticité dynamique doit être supérieur à
(typique) à 23 °C Procédure B (qui permet de calculer 80 % du module ini-
Gel dans l’air (-18 °C) un facteur de durabilité) tial).
et dégel dans l’eau (4 °C)
L’allongement doit
être inférieur à 500-
1000 µm/m [PIG 95]

469
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

ˆ Essais d’écaillage – Norme NF P18-420, ASTM C672, NQ 2621-900


Ce type d’essai consiste à déterminer la masse des particules écaillées de la sur-
face de béton durci exposée aux cycles de gel-dégel en présence d’une solution
saline. L’essai NF P18-420 reprend, en partie, les essais ASTM C672 et
NQ 2621-900 (Québec). La résistance à l’écaillage est évaluée à partir d’un exa-
men visuel et de la masse des débris (écailles) exprimée en kg/m2 de surface ex-
posées au gel-dégel et aux sels fondants. Le tableau 10.6 présente les principales
caractéristiques de ces essais.
Tableau 10.6 : principales caractéristiques des méthodes d’essais NF P18-420,
ASTM C672 et NQ 2621-900.
Évaluation
Traitement Critère d’acceptation
Norme Éprouvettes Cycles de gel-dégel de la résistance
préalable (contrôle)
à l’écaillage
Prismes de 13 ± 1 jours
Durée de 4 à 6 heu-
15 × 15 × 7 cm. dans l’eau
res. Vitesse de refroi- Évaluation de la masse
La surface expo- à 20 ± 2 °C
dissement de 6 ± 1 des particules écaillées
NF P18-420 sée à la solution + < 750 g/m²
°C/h ramenée à la surface
saline doit être 14 ± 1 jours HR 65
Gel dans l’eau et exposée
comprise entre 180 ±5%
dégel dans l’air
et 250 cm² à 20 ± 2 °C

Tous les 5 cycles :


La norme ne comporte
pas de critère d’accep-
Cotation visuelle de
Prismes de 50 cycles de 24 heu- tation. Cependant, des
l’aspect de surface :
280 × 230 × 75 mm 14 jours res. organisations spéci-
à 100 % HR 0 sans dommage
(typique) fient une masse maxi-
ASTM C672 + 5 très endommagé
Gel : 16-18 h à –18 male de débris après
Surface d’un 14 jours 50 cycles. Cette limite
°C. Dégel : 6-8 h à 23 Mesure de la masse
à 50% HR maximale est généra-
prisme > 460 cm2 °C cumulative des débris
lement comprise entre
écaillés
0,8 et 1,0 kg/m2.
(kg/m2)

Tous les 7 cycles :


14 jours
Prismes de à 100 % HR 56 cycles de 24 heu- Cotation visuelle de
280 × 230 × 75 mm + res. l’aspect de surface :
(typique). Le béton 14 jours Après 56 cycles,
0 sans dommage
frais est coulé dans à 50% HR Gel : 16±1 h dont un la masse cumulative
NQ 2621-900 5 très endommagé
un moule dont le + minium 7 h et un maxi- des débris doit être
fond a des proprié- 7 jours mum 12 h Mesure de la masse inférieure à 0,5 kg/m2.
tés drainantes spé- de présaturation (5 à – 18 °C. cumulative des débris
cifiques mm Dégel : 8 ± 1 h à 23 °C écaillés
de saumure)
(kg/m2)

470
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

5.3.2. Tests de contrôle


ˆ Volume d’air entraîné - Norme EN 12350-7, ASTM C231
Cette mesure est pratiquée sur le béton frais pour mesurer, en laboratoire ou au
chantier, le volume d’air entraîné. Il s’agit d’une procédure relativement simple
et rapide. Elle est décrite plus en détails au titre 4.2.2 de ce chapitre.
ˆ Caractéristiques du réseau de bulles d’air - Norme ASTM C457
Cette procédure conduit à la définition complète du réseau de bulles d’air : volu-
me d’air entraîné, surface volumique moyenne et facteur d’espacement des bulles
d’air. Les titres 4.2.1 et 4.2.2 de ce chapitre définissent plus précisément le con-
cept de facteur d’espacement des bulles d’air et présentent les principales étapes
de la procédure expérimentale utilisée pour l’obtenir.

6. RÉALISATION D’OUVRAGES EN BÉTON DURABLES


AU GEL
La mise en œuvre d’une structure en béton durable au gel repose sur une démar-
che concertée qui peut inclure le maître d’ouvrage, le concepteur, le producteur,
le prescripteur, le laboratoire d’essai/contrôle et le constructeur de l’ouvrage. Par
exemple, le maître d’ouvrage doit concevoir un cahier des charges qui établit no-
tamment la durée de vie et la localisation géographique de l’ouvrage. Ces para-
mètres permettent de définir la classe d’exposition à laquelle va être soumise la
partie d’ouvrage. Le cahier des charges doit définir des règles de partage des res-
ponsabilités liées à la conception, le contrôle de la qualité, la construction et l’en-
tretien de la structure. C’est à partir de ces informations que le concepteur pourra,
d’une part, choisir un concept structural adapté aux conditions d’exposition au gel
(drainage, localisation des joints, protection environnementale, etc.) et d’autre
part, spécifier un ou des bétons dont la composition et les propriétés sont adaptées
à l’environnement et aux sollicitations mécaniques prévues. Dans le cas d’un bé-
ton à propriétés spécifiées, le producteur de béton doit déterminer une composi-
tion de béton en mesure de satisfaire les critères de la norme NF EN 206-1 vis-à-
vis du gel-dégel. Il doit disposer d’équipements de dosage, de malaxage et de
transport adaptés à la production de bétons ayant un réseau de bulles d’air entraîné
conforme et stable jusqu’à la fin de la mise en place finale. Le laboratoire de con-
trôle doit notamment maîtriser l’ensemble des règles normatives liées à la durabi-
lité au gel (fréquence d’échantillonnage, méthode d’essai pour le contrôle des
caractéristiques du réseau de bulles d’air, essais de qualification de la durabilité
au gel du béton et des granulats, etc.). Le constructeur doit choisir des méthodes
de mise en place (pompage, vibration, coffrage) permettant de maintenir la stabi-
lité du réseau de bulles d’air entraîné. La cure, la protection thermique du béton

471
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

frais et la vitesse de décoffrage doivent permettent au béton de développer tout le


potentiel de durabilité normalement associé à sa composition.
6.1. Évaluation du type et de la sévérité de l’exposition au gel
La première étape du processus de conception d’un béton durable au gel consiste
à évaluer le type et la sévérité de l’exposition environnementale. Il faut prendre
en compte la fréquence et les températures extrêmes des cycles de gel-dégel, l’état
de saturation du béton exposé au gel et la présence ou l’absence d’ions chlorure
(origine marine ou apportés par les sels fondants).
Le nombre de cycles peut varier considérablement : annuellement il est de 0 à
Biarritz, 1 au cercle polaire (!), une centaine en moyenne en Ontario, et jusqu’à
126 au nord du Japon. L’observation globale d’ouvrages âgés confirme que les
dégâts sont cumulatifs, cycle par cycle : les détériorations sont généralement plus
marquées lorsque la durée de service s’accroît mais il n’est pas possible d’établir
une corrélation directe entre le degré de détérioration et le nombre annuel de cy-
cles de gel-dégel [GEB 96] (figure 10.44). Ceci indique bien que, sur le terrain, le
pouvoir destructeur d’un cycle de gel-dégel n’a pas une valeur unique, mais qu’il
est lié aux autres composantes climatiques.
3
État de détérioration

2
Degré de détérioration

6 1

0 0
10 20 30 40 60 100 120
Âge de l'ouvrage (année) Nombre de cyles/an
(a) (b)
Figure 10.44 : relations entre l’âge d’un ouvrage et son degré de détérioration (a),
et entre le nombre de cycles de gel-dégel et l’état de détérioration (b), d’après [GEB 96].
On rapporte ici le résultat d’observations faites sur des ouvrages subissant tous les ans un hiver ri-
goureux. La détérioration augmente régulièrement avec l’âge de l’ouvrage (a), sans qu’il soit possible
de la corréler avec le nombre de cycles (b).

La vitesse de refroidissement est un paramètre important dans le développement


de pressions hydrauliques. Les vitesses mesurées sur le terrain sont généralement
bien inférieures à celles qui sont adoptées dans les essais de laboratoire, à l’excep-

472
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

tion de quelques cas spéciaux. La température minimale atteinte au cours de la


phase de gel influe évidemment sur le comportement du béton : un abaissement
de cette température accroît la quantité d’eau gelable et rend l’attaque plus sévère.
La durée de la phase de gel influe sur la croissance des cristaux de glace et, à ce
titre, est un facteur aggravant lorsque la variation de ce paramètre se fait à l’échel-
le des heures. La situation est bien différente lorsque l’on atteint un régime de
températures toujours inférieures à 0 °C pendant plusieurs mois (cas des régions
polaires). Dans ce cas, des observations de terrain ont révélé un comportement
sans problème majeur pour des bétons pourtant préparés avec des granulats de
qualité, sinon mauvaise, du moins douteuse [HOO 00]. Un cas particulier doit être
signalé : en raison d’un nombre de cycles de gel-dégel relativement faible, on a
constaté que les dalles des patinoires intérieures et des chambres froides lissées à
la truelle mécanique donnaient une performance satisfaisante sans air entraîné
(CSA A23.1-04).
L’importance des précipitations a des répercussions sur le degré de saturation du
matériau et, par là même, sur sa durabilité. C’est ainsi que Fujimara a proposé de
relier l’état de détérioration des ponts étudiés au produit du nombre de cycles de gel-
dégel par un paramètre indicateur des précipitations locales [GEB 96]
(figure 10.45). Ce sont toujours les parties d’ouvrages dont le béton a le plus fort de-
gré de saturation qui se dégradent le plus : elles correspondent soit à des parties qui,
fonctionnellement, sont en contact avec l’eau, soit à des parties qui, par leur géomé-
trie, retiennent préférentiellement les eaux de précipitations (surfaces horizontales).

3
État de détérioration

0
0 50 100
Produit : nombre de cycles x S

Figure 10.45 : relation entre le degré de détérioration d’un ouvrage, le nombre de cycles
de gel-dégel et le coefficient climatique de saturation, d’après [GEB 96].
Cette figure est la transformée de la figure 10.43b où l’on a porté en abscisse, non plus le nombre de
cycles de gel-dégel, mais son produit par un coefficient climatique de saturation, S (rapport de la hau-

473
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

teur des précipitations affectant l’ouvrage à la valeur moyenne de l’ensemble du district étudié). On
obtient une assez bonne corrélation.

Les différentes parties d’un ouvrage peuvent être exposées à des conditions de mi-
lieu variables par l’humidité (air, eau, aspersions) ou par la température (ombre,
soleil, orientation nord ou sud). Une illustration en est fournie par les résultats
d’une étude du comportement de bétons de barrages canadiens dont les durées de
service s’échelonnaient de 13 à 52 ans [BOU 03]. Les conclusions indiquent que
les surfaces verticales des ouvrages poids et des superstructures sont généralement
en excellente condition. Les surfaces horizontales des superstructures où l’eau
peut s’accumuler sont fréquemment détériorées (béton sans air entraîné et non ex-
posé aux sels fondants). La conduite plus uniforme des bétons à air entraîné, com-
parativement à celle des bétons sans air entraîné, est évidente. Les bétons exposés
à l’air montrent systématiquement un peu moins de dégâts que ceux au contact de
l’eau, ou les problèmes les plus sérieux sont un écaillage modéré. Les auteurs ci-
tent aussi, pour ces mêmes barrages, l’influence possible de l’orientation par rap-
port au soleil sur la gravité des dégradations. On peut effectivement supposer avec
d’autres auteurs, comme Hudec et al. [TOU 04], que les cycles de mouillage/sé-
chage sont plus marqués sur les faces exposées au soleil : ils y induisent une fissu-
ration superficielle plus dense qui favorise les attaques ultérieures par
accroissement du degré de saturation et affaiblissement de la pâte interstitielle.
Il n’est pas possible d’exprimer, à l’aide d’une seule cote, la sévérité d’une expo-
sition aux cycles de gel-dégel. L’évaluation de la sévérité de cycles de gel repose
donc sur une approche qualitative basée sur la comparaison avec des environne-
ments reconnus comme sévères ou modérés. Considérons les caractéristiques des
cycles de gel-dégel d’un environnement reconnu comme très sévère du point de
vue de la durabilité au gel. L’expérience pratique canadienne démontre que le cli-
mat des régions du sud est du Canada (Ontario, Québec et Provinces maritimes)
est très agressif du point de vue de la durabilité au gel. Pour êtres durables au gel,
les bétons exposés aux précipitations climatiques (environnement humide) doi-
vent clairement faire l’objet de règles de composition spécifiques dont notam-
ment comporter un réseau de bulles d’air entraîné de bonne qualité ( L < 230 µm).
Des mesures de températures in situ dans des poutres et des dalles exposées dans
la région de Kingston au Canada ont montré que les températures minimales
moyennes mensuelles (janvier) à 50 mm sous la surface du béton sont de – 24 °C
dans une poutre et de – 14 °C dans une dalle sur sol [NOK 04]. Le nombre de cy-
cles de gel-dégel annuel varie en fonction de la température minimale atteinte lors
d’un cycle, de la profondeur sous la surface du béton et du type d’exposition. Pour
fin de comparaison, le climat de la région de Kingston (Ontario) comporte en
moyenne 96 cycles annuels de gel-dégel (nombre de fois où la température de

474
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

l’air est passée sous 0 °C). Dans le cas d’une poutre dont toutes les faces sont ex-
posées à l’air, le nombre de cycles de gel-dégel annuel (température minimale des
cycles au moins inférieure à – 5 °C), varie de 30 à une profondeur de 50 mm à 8
à une profondeur de 300 mm. Dans le cas d’une dalle sur sol, le nombre de cycles
varie de 12 à une profondeur de 50 mm à 4 à une profondeur de 100 mm [NOK
04]. Les mesures de Cortez et Gerlach [COR 90] ont montré que le nombre de cy-
cles de gel mesuré immédiatement à la surface de pavages en béton est environ
deux fois plus élevé que le nombre de cycles mesuré à environ 50 mm de profon-
deur. Le taux de gel médian mesuré à 50 mm de profondeur dans des éléments en
béton de la région de Kingston varie de 0,88 °C/h (dans une poutre) à 0,34 °C/h
(dans une dalle sur sol). Des taux de gel supérieurs à 2 °C/h ont été mesurés dans
moins de 30 % du nombre total de cycles. D’autres études effectuées au Québec
[PIG 81] ont permis de dégager des conclusions similaires.
L’évaluation de la sévérité de l’exposition au gel doit prendre en compte la pré-
sence d’ions chlorure d’origine marine ou apportés par les sels fondants. Les ions
chlorure sont la principale cause de l’écaillage des surfaces de bétons exposées
aux cycles de gel-dégel. Dans le cas des structures routières, les eaux de fontes
contenant les sels fondants peuvent fortement contaminer les dalles, les tabliers,
les trottoirs et les parapets. Des éléments de la sous-structure (piles, poteaux, che-
vêtres, extrados des poutres et des dalles) peuvent aussi être contaminés par les
projections générées par le passage des véhicules. En milieu côtier, les surfaces
de bétons peuvent être soumises au contact des chlorures présents dans l’eau de
mer ou dans les embruns marins.
Il n’est pas possible d’exprimer, à l’aide d’une seule cote, la sévérité d’une expo-
sition aux cycles de gel-dégel. L’évaluation de la sévérité de cycles de gel repose
donc sur une approche qualitative basée sur la comparaison avec des environne-
ments reconnus comme sévères ou modérés.

6.2. Formulation du béton


La formulation d’un béton durable exposé à un environnement comportant des
cycles de gel-dégel peut être réalisée selon deux principales approches : 1) Les ca-
ractéristiques de composition du béton sont spécifiées dans une norme ; 2) Les ca-
ractéristiques de formulation sont déterminées à l’aide d’une approche basée sur
la performance.
Dans le premier cas, les caractéristiques de composition du béton sont prescrites
par une norme applicable là où le béton est utilisé. La composition prescrite varie
notamment en fonction de la sévérité des conditions de gel-dégel. Les paragra-
phes 5.2.1 et 5.2.2 résument les principales exigences de formulation des bétons
exposés au gel.

475
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

L’approche basée sur la performance consiste à déterminer les paramètres de


composition d’un béton exposé au gel de manière à obtenir une performance sa-
tisfaisante lorsqu’il est soumis à des essais spécifiques de durabilité au gel (fissu-
ration interne, écaillage, saturation, etc.). Le formulateur doit pouvoir disposer
d’une réelle compétence pour pouvoir définir des critères de performance au gel
qui permettent de garantir que le béton en service sera durable au gel (par exem-
ple, un certain niveau de performance lors d’essais normalisés de gel-dégel). Cet-
te méthode peut se baser sur une expérience satisfaisante avec des pratiques
locales dans des environnements locaux, sur des données recueillies à partir de
méthodes d’essais de performance établies pour les dégradations par fissuration
interne et écaillage. Cette approche peut notamment s’avérer appropriée lors-
qu’une durée de vie supérieure à 50 ans est requise; lorsque la structure est quali-
fiée de « particulière » ce qui implique une probabilité de défaillance plus faible
ou lorsque des groupes significatifs de structures ou d’éléments similaires doivent
être construits.
L’approche de formulation basée sur la performance s’applique plus facilement
lorsque le béton est exposé à une ambiance hivernale rigoureuse. Cela s’explique
par le fait que les essais normalisés d’évaluation de la durabilité en laboratoire,
utilisés comme indicateurs de la performance au gel (fissuration interne et écailla-
ge), sont tous considérés comme relativement sévères (taux de refroidissement
élevés, faibles températures minimales, béton saturé) (§ 5.3). Le groupe Durabi-
lité B.H.P.2000 a comparé la durabilité de plusieurs types de béton soumis à des
cycles accélérés d’écaillage en laboratoire (XP P18-420) et en condition réelle
d’exposition. L’étude a montré que le classement après quelques cycles d’essai
accéléré normalisé correspond plutôt bien à celui observé après environ cinq ans
in situ. Les auteurs concluent que l’essai accéléré normalisé semble donc bien
jouer son rôle : le classement qu’il fournit est pertinent et il permet de discriminer
rapidement les bétons [BAR 05, BAR 00].
Dans le cas d’une exposition à une ambiance hivernale rigoureuse, la formulation
du béton basée sur la performance au gel consiste principalement à choisir le rap-
port E/L, le type et le dosage en additions minérales et les caractéristiques du ré-
seau de bulles d’air qui permettent d’atteindre les niveaux de performance
spécifiés. Les performances au gel peuvent notamment être spécifiées en exigeant
une durabilité acceptable lorsque le béton est soumis à des essais accélérés de gel-
dégel en laboratoire (§ 5.3.1). Le paragraphe 3 présente de nombreuses relations
entre les paramètres de composition et la durabilité au gel des bétons soumis à des
essais normalisés de gel-dégel en laboratoire.
L’approche de formulation basée sur la performance peut être utile pour formuler
des bétons à haute résistance (C50/60, C60/70) exposés à des cycles de gel-dégel.

476
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

Dans le cas d’une exposition à un gel sévère, les formulations spécifiées dans les
normes imposent un volume d’air au moins supérieur à 4%. L’air entraîné diminue
la résistance à la compression. Pour obtenir la résistance spécifiée, tout en satisfai-
sant le volume d’air minimal, il peut être nécessaire de prévoir un rapport E/L re-
lativement faible (< 0,35), ce qui rend parfois le béton difficile à produire en
centrale. Par exemple, dans certaines régions, la production d’un béton C60/70
avec 5 % d’air entraîné relève d’un « pari impossible ». Dans ce cas, une approche
de formulation basée sur la performance pourrait démontrer qu’un volume d’air
entraîné plus faible (< 4 %) ou qu’un facteur d’espacement plus élevé (> 250 µm)
peuvent être adéquats pour assurer une bonne protection contre l’attaque par les
cycles de gel-dégel.
Dans le cas d’une exposition à un gel modéré, il est plus difficile d’utiliser l’ap-
proche de formulation basée sur la performance. Par exemple, un environnement
de gel modéré peut n’engendrer que très rarement des températures inférieures à
– 5 °C à quelques mm sous la surface exposée ; le béton n’est généralement pas
saturé lors du gel ; les sels fondants ne sont pas systématiquement utilisés à cha-
que saison froide. Dans le cas d’un gel modéré, les essais accélérés utilisés com-
me indicateurs de performance (§ 5.3.1) sont tous considérés comme très sévères
et peu représentatifs des conditions réelles d’exposition. Il est par conséquent dif-
ficile de les utiliser pour spécifier des niveaux de performance au gel-dégel. Des
travaux de recherche sont nécessaires pour pouvoir développer de nouveaux es-
sais de laboratoire mieux adaptés pour la spécification de critères de performance
au gel de bétons exposés à un environnement de gel modéré.
L’atteinte du niveau de performance spécifié vis-à-vis du gel d’une formulation
de béton est basée sur le choix du rapport E/L, du type et due dosage en additions
minérales et des caractéristiques du réseau de bulles d’air.

6.3. Mise en œuvre du béton


Plusieurs paramètres de mise en œuvre du béton peuvent influencer la durabilité
au gel des bétons exposés à une ambiance hivernale rigoureuse. Il est particuliè-
rement important d’adopter une méthodologie de mise en œuvre qui favorise le
développement de tout le potentiel de durabilité de la peau du béton car d’une
part, c’est la peau des éléments en béton (0-50 mm) qui est la plus fréquemment
et sévèrement exposée aux cycles de gel-dégel et d’autre part, les caractéristiques
de la peau sont étroitement dépendantes de nombreux paramètres de mise en œu-
vre du béton (vibration, mûrissement, finition de surface).
Le délai entre le début du malaxage du béton et la fin de mise en place doit être com-
patible avec le maintien de la stabilité de son réseau de bulles d’air. Un délai allon-
gé, soit parce que le transport est tributaire de conditions de circulation fluctuantes,

477
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

soit parce qu’une mauvaise organisation du chantier aboutit à une attente prolongée
du transporteur avant qu’il ne déverse le béton peut déstabiliser le réseau de bulles
et diminuer l’efficacité de la protection contre les cycles de gel-dégel.
Les bétons à air entraîné peuvent être mis en place par vibration. La vibration, si
elle est effectuée correctement, a l’avantage d’éliminer les grosses bulles d’air
(inefficaces pour la protection au gel et pénalisantes pour les résistances mécani-
ques). Il faut éviter un excès de vibration qui risque de déstabiliser le réseau de
bulles d’air, notamment au niveau de la peau du béton.
Une finition trop poussée des surfaces est à proscrire car, plus encore que ne le
fait une vibration prolongée, elle favorise le ressuage et crée une couche superfi-
cielle riche en eau, fissurable, qui résistera très mal à l’écaillage. Une finition trop
poussée risque aussi de détériorer le réseau de bulles en surface. Les truelles ou
les taloches métalliques sont à proscrire car elles ont un effet encore plus défavo-
rable sur le réseau de bulles à la surface du béton.
La cure est un paramètre clé de la durabilité des bétons exposés aux cycles de gel-
dégel. La méthode de cure doit notamment permettre à la peau du béton de déve-
lopper tout son potentiel de durabilité. Par temps normal ou chaud la cure doit
protéger les surfaces de béton contre une dessiccation excessive et trop rapide. Le
fascicule 65A contient plusieurs recommandations sur la méthodologie de cure
des bétons.
S’il y a des risques de gel, le béton doit en être protégé durant une période suffi-
sante. Le béton ne doit pas être exposé à des températures négatives avant d’avoir
atteint une résistance à la compression égale ou supérieure à 15 MPa. Une longue
période de maturation avant exposition aux conditions hivernales est souhaitable
pour que la résistance au gel du béton ait atteint son meilleur niveau (degré d’hy-
dratation élevé qui a rempli la porosité capillaire par des hydrates, diminué la per-
méabilité et accru la résistance à la traction).
La peau des éléments en béton (0-50 mm) est la plus fréquemment et sévèrement
exposée aux cycles de gel-dégel. Les caractéristiques de la peau sont étroitement
dépendantes de nombreux paramètres de mise en œuvre du béton (vibration,
mûrissement, finition de surface).
L’expérience pratique montre que la fissuration n’a pas ou peu d’effet sur la du-
rabilité au gel des éléments en béton exposés à des cycles de gel-dégel. Par exem-
ple, au Canada, de très nombreuses structures en béton à air entraîné présentant
des fissures (retraits empêchés) sont en bonne condition malgré plus de 20 années
d’exposition à de nombreux cycles de gel-dégel en présence de sels fondants.
Dans ce type d’environnement, la fissuration du béton d’enrobage a surtout des
effets défavorables sur la corrosion des aciers d’armature. Du point de vue de la

478
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse

durabilité au gel, les fissures ont pour effet d’augmenter localement le degré de
saturation et la profondeur de pénétration des ions chlorure. Un béton conçu pour
résister à une ambiance hivernale rigoureuse (air entraîné, matrice cimentaire
compacte) est normalement durable même lorsque la pâte est complètement satu-
rée. Dans le cas des bétons à air entraîné, les pressions engendrées par l’expansion
de la glace contre les parois internes des fissures ne semblent pas suffisantes pour
endommager localement le béton au voisinage de la fissure.

7. CONCLUSION
Il ne faut pas exagérer l’importance des agressions en ambiance hivernale, même
rigoureuses, sur les ouvrages en béton courant. On constate, en effet, que les sur-
faces verticales des ouvrages, lorsqu’elles ne sont pas au contact direct de l’eau,
ne présentent pas de détérioration particulière dans la mesure où le béton a été for-
mulé et mis en oeuvre suivant les règles de l’art. Pour les autres parties d’ouvra-
ges, notamment les surfaces horizontales ou à contact prolongé avec l’eau,
l’obtention d’une durabilité convenable demande que le béton renferme de l’air
entraîné. Pour des parties d’ouvrages peu sollicitées mécaniquement et/ou, sur-
tout, sans contact avec des sels fondants, une simple incorporation d’entraîneur
d’air, au dosage requis, dans la bétonnière, conduit à livrer un béton satisfaisant,
sans aucune complication de fabrication. Par contre, pour les situations les plus
sévères, celles des surfaces horizontales en contact avec des sels fondants, la pro-
tection par entraînement d’air dans le béton n’est assurée que si des conditions
supplémentaires de malaxage, de mise en place et de cure sont scrupuleusement
respectées.
L’obtention de bétons résistants aux cycles de gel-dégel éventuellement associés
à l’action des sels de déverglaçage nécessite l’implication de tous les acteurs in-
tervenant dans la construction des structures : prescripteur, producteur de béton et
entrepreneur. Outre une conception adéquate, il est primordial de définir des for-
mules de béton adaptées et validées par le biais d’essais, notamment en ce qui
concerne la quantité d’agent entraîneur d’air permettant de garantir l’obtention
d’un réseau de bulles d’air adéquat dans le béton durci, ou une valeur du rapport
Eau/Liant permettant une résistance aux cycles de gel-dégel pour les bétons ne
comportant pas nécessairement d’adjuvant entraîneur d’air (BHP).
Les mécanismes de dégradation des bétons ont été largement étudiés ces dernières
années, notamment au Canada, et ont conduit à la rédaction de normes et de re-
commandations pertinentes pour la définition de béton adaptés à des ambiances
hivernales rigoureuses.
En revanche, même si les normes et règlements en vigueur (telle que la NF EN
206-1 et le fascicule 65A) définissent des règles de formulation pour les bétons

479
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

soumis à des gels faibles ou modérés avec ou sans sels de déverglaçage, les essais
performantiels actuellement disponibles (gel-dégel et écaillage), par nature accé-
lérés, ne sont pas adaptés à la qualification de formules de béton destinées à des
ambiances hivernales peu rigoureuses et des besoins de recherches existent sur ce
sujet.

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485
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

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486
CHAPITRE 11

La durabilité des bétons


face aux réactions
de gonflement endogènes

A. CARLES-GIBERGUES, H. HORNAIN

Résumé
Deux types de réactions endogènes, c’est-à-dire des réactions d’origine interne
au béton, sans apport d’agents agressifs extérieurs, sont décrites : alcali-réac-
tion, d’une part, et formation différée d’ettringite, d’autre part.
Le terme d’alcali-réaction désigne un ensemble de réactions chimiques qui se
produisent entre la solution interstitielle du béton, hyperbasique et alcaline, et cer-
taines phases, réactives, des granulats. Mais pour que le processus se déclen-
che il faut que trois conditions soient simultanément remplies : granulats réactifs,
humidité relative supérieure à 80-85 % et concentration en alcalins excédant un
seuil critique.
L’alcali-réaction peut provoquer, à plus ou moins long terme (en général au bout
de plusieurs années), des désordres variés dans les ouvrages [1] : fissuration,
gonflement, exsudations, chute des performances mécaniques. Les retours d’ex-
périences en laboratoire associés aux observations in situ ont montré :
1) que la présence des armatures dans les ouvrages réduit la gravité des désor-
dres par rapport au niveau mesuré dans la matrice « béton seul »;
2) que l’incorporation d’additions minérales conduit à une diminution voire à une
élimination de ces désordres.

487
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

La compréhension des mécanismes réactionnels suivant lesquels l’alcali-réac-


tion nuit aux performances du béton a permis, notamment en s’appuyant sur l’em-
ploi d’additions minérales, de définir une démarche préventive, efficace, pour
fabriquer des bétons ne développant pas cette pathologie. En ce qui concerne la
gestion des ouvrages en service, la modélisation du phénomène et les calculs nu-
mériques associés apportent un concours précieux au pronostic des désordres
futurs à redouter.
En ce qui concerne la formation différée d’ettringite ou réaction sulfatique
interne : celle-ci se produit dans des conditions très spécifiques, et l’ettringite for-
mée doit être distinguée des autres formes d’ettringite qui résultent, soit de l’hy-
dratation normale des ciments, soit d’un apport de sulfates externes. La formation
différée d’ettringite dépend de nombreux paramètres, ce qui explique que les
ouvrages où ce phénomène a été rencontré sont rares. Les deux principaux pa-
ramètres, sans lesquels la réaction ne se produit pas, sont un échauffement du
béton à une température supérieure à environ 65 °C pendant une durée consé-
quente, et un environnement très humide. Les autres paramètres sont en relation
avec la composition chimique et minéralogique du ciment et du béton : teneurs
en SO3, Na2O équivalent, C3A, type de ciment et dosage, rapport E/C, nature des
granulats. Tous ces paramètres sont interdépendants, ce qui explique la difficulté
de leur fixer des seuils applicables dans tous les cas.
Le mécanisme de formation différée d’ettringite, complexe, comprend plusieurs
étapes : dissolution de l’ettringite aux températures supérieures à 65 °C, adsorption
des ions sulfates par les C-S-H et cristallisation de nanocristaux de monosulfoalu-
minate au sein des C-S-H; lors du retour à la température ordinaire et en présence
d’eau, recristallisation de microcristaux d’ettringite confinés dans les C-S-H, expan-
sion et fissuration de la pâte de ciment, puis déchaussement des granulats. Le phé-
nomène peut s’étaler sur plusieurs années au cours desquelles l’ettringite
microcristalline confinée recristallise librement dans les fissures et autour des gra-
nulats déchaussés.
Les Recommandations pour la prévention des désordres dus à la réaction sulfa-
tique interne, publiées en 2007 par le LCPC propose une démarche préventive
en matière de protection contre des risques de formation différée d’ettringite
adaptée de celle qui a été mise au point pour la prévention des désordres dus à
l’alcali-réaction.
Mots-clés
ADDITIONS MINÉRALES, ALCALINS, ALCALI-RÉACTION, BÉTON, C3A, DÉTÉRIORATION,
ESSAIS ACCÉLÉRÉS, ETTRINGITE, ETTRINGITE DE FORMATION DIFFÉRÉE, EXPANSION,
FISSURATION, GEL SILICO-ALCALIN, GRANULATS, INHIBITEURS CHIMIQUES, RÉACTIONS
ALCALI-CARBONATE, RÉACTIONS ALCALI-SILICE, RÉACTIONS COUPLÉES ALCALI-RÉAC-
TION/ETTRINGITE, STABILITÉ, SULFATES, TEMPÉRATURE.

488
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

1. INTRODUCTION
1.1. Définition des réactions endogènes
On appellera réactions endogènes1 des réactions chimiques « générées de
l’intérieur » pour lesquelles les composés nécessaires aux réactions sont présents
dans la formule initiale du béton. Ces réactions se produisent sans apport d’agents
agressifs extérieurs, dans des conditions données de température et d’humidité re-
lative.
1.2. Les deux principaux types de réactions endogènes
Les deux principaux types de réactions endogènes sont :
– l’alcali-réaction pour laquelle les produits nécessaires à la réaction préexistent
dans le béton : des granulats potentiellement réactifs et une source d’alcalins
(ciment, additions, granulats, adjuvants) ;
– la formation différée d’ettringite (Delayed Ettringite Formation ou DEF selon
la terminologie anglo-saxone). Cette réaction, également désignée par les termes
« réaction sulfatique interne » ou RSI selon la terminologie du LCPC [24], peut
se produire dans les bétons étuvés ou les bétons de masse à forte exothermie. La
réaction se manifeste dans des conditions très spécifiques de température (inten-
sité et durée déchauffement) et d’hygrométrie. Elle dépend également de la com-
position chimique du béton et du ciment (teneurs en alcalins, SO3, aluminates),
ainsi que de la formulation du béton (dosage en ciment, E/C).
Ces deux réactions sont traitées séparément respectivement dans les para-
graphes 2 et 3 du présent chapitre.

2. L’ALCALI-RÉACTION
2.1. Les différents types d’alcali-réaction
Il est admis que les alcali-réactions se présentent sous trois types : réaction alcali-
silice (les plus fréquentes), réaction alcali-silicate, réaction alcali-carbonate.
2.1.1. Réaction alcali-silice (RAS)
Certains granulats siliceux, lorsqu’ils sont constitués de silice amorphe, mal cris-
tallisée ou microcristalline (par exemple des verres, de l’opale, de la calcédoi-
ne…) sont attaqués par la solution interstitielle qui occupe les pores du béton. La
silice libérée réagit ensuite avec les alcalins Na+, K+ de cette solution interstitielle
et l’on observe finalement, l’apparition de gels silico-alcalins s’ils renferment Si,

1. Du grec endos qui signifie « dedans » et genos qui signifie « origine ».

489
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Na (et ou K) ou calco-silico-alcalins s’ils contiennent, en plus, du calcium. Ces


gels sont qualifiés de gonflants mais nous verrons plus loin, au paragraphe 2.4.1,
qu’il s’agit là d’une simplification abusive : en effet, l’on constate que des phéno-
mènes de gonflement se produisent dans le béton et qu’ils y provoquent des dé-
sordres, mais les mécanismes invoqués pour expliquer ces gonflements sont
encore controversés [MIC 97, GAR 06].
2.1.2. Réaction alcali-silicate
La différence essentielle avec la réaction alcali-silice réside dans le fait que les
granulats réactifs ne sont pas formés de silice libre mais sont des silicates variés
(phyllo-silicates, tecto-silicates, sains ou altérés). En ce qui concerne les produits
de la réaction, on admet qu’ils sont voisins de ceux apparus dans la réaction alcali-
silice ; des études plus anciennes [DUN 73] signalaient que l’on n’observe pas la
production de gels siliceux.
2.1.3. Réaction alcali-carbonate
On désigne par cette expression la réaction manifestée par des calcaires dolomi-
tiques qui renferment des impuretés phylliteuses [SWE 64]. Très peu de cas ayant
été recensés en France, il en résulte qu’il n’y a pratiquement pas eu d’études sur
ce sujet dans notre pays [19].
Sur le plan pratique, on retiendra que les expansions causées par cette réaction
sont moins importantes que celles dues aux réactions alcali-silice et alcali-silicate
sauf si le béton est soumis à des ambiances hivernales rigoureuses [20].
Il semblerait que les désordres observés dans les ouvrages soient liés à plusieurs
phénomènes : réaction de dédolomitisation de la fraction carbonatée, expansion
de la phase phylliteuse.
La dédolomitisation correspond à la réaction suivante :
(Ca, Mg) (CO3)2 + 2 NaOH (aq.) → Mg (OH)2 + CaCO3 + Na2CO3 (aq.) (1)
dolomite brucite calcite
La solution alcaline est régénérée en permanence :
Na2CO3 (aq.) + Ca(OH)2 → 2NaOH + CaCO3 (2)
portlandite calcite
De ce fait, la réaction de dédolomitisation est autoalimentée et peut donc, du
moins en théorie, se poursuivre jusqu’à épuisement de toute la dolomite.
Les observations dans les ouvrages atteints par la réaction alcali-carbonate met-
tent en évidence la formation d’auréoles foncées autour des granulats réactifs
dans lesquels apparaissent des fissures qui vont ultérieurement se propager dans

490
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

la pâte. Les auréoles sont essentiellement constituées de calcite ce qui s’accorde


bien avec la réaction (éq. 1).
Mais ce qui pose question réside dans le fait que ce film de calcite est également
observé autour des grains de dolomite dans des bétons sains non expansifs : on
peut dont penser que la réaction de dédolomitisation (éq. 1) n’est pas délétère et
ceci d’autant plus qu’elle se fait à volume constant. Cette argumentation est re-
poussée par [TAN 04] qui explique qu’au cours du processus topochimique (réac-
tion 1) apparaissent des pressions de cristallisation.
Les désordres seraient alors explicables par le comportement de la fraction phyl-
liteuse (argiles, micas) des granulats comme le suggèrent les observations de
chercheurs [ROG 86] montrant que la réaction alcali-carbonate était liée à la te-
neur en aluminium, élément associé dans ces roches à des minéraux argileux.
Toutefois il n’y a pas d’accord sur le mode d’action des phyllites [23], même si
l’on attribue toujours une part plus ou moins importante au gonflement de ces mi-
néraux consécutif à la fixation d’eau interfoliaire. [KAT 92] au terme d’une revue
bibliographique sur le sujet (68 références citées) émet une opinion catégorique :
« l’expansion délétère des carbonates est indépendante de la teneur en dolomite
et de la minéralogie des argiles : elle est seulement reliée à une valeur élevée du
résidu insoluble. On ne devrait pas utiliser le terme de réaction alcali-carbonate. »
Moyens de prévention : il n’existe pas de méthode connue pour supprimer les dé-
sordres de la réaction alcali-carbonate : en particulier les additions minérales
pouzzolaniques apparaissent sans effet [20] alors que leur efficacité à contrer les
réactions alcali-silice et alcali-silicate est reconnue. Le laitier granulé de haut-
fourneau aurait une légère action d’après [20], mais elle est niée par [THO 98].
D’après la recommandation du Comité ACI 221.1R-98 [20] on peut diminuer
l’importance des désordres en réduisant la taille des granulats, la teneur en alca-
lins du ciment < 0,4 % et l’exposition du béton aux eaux météoriques.
2.2. Les données de l’observation des ouvrages
Un béton atteint d’alcali-réaction peut ressembler extérieurement à un béton en-
dommagé par le gel, par l’attaque des sulfates ou encore par des fissurations de
retrait. De plus, même si le phénomène d’alcali-réaction est reconnu dans un
ouvrage, il n’est pas toujours aisé de déterminer sa part de responsabilité dans
les détériorations observées.
Shayan et Morris [SHA 04] citent le cas d’un pont construit en 1981, où sont ap-
parues des fissures très importantes. L’expertise a conclu à l’existence d’alcali-
réaction, de corrosion des armatures par des chlorures, et à la formation différée
d’ettringite. Katayama et al. [KAT 04] rapportent les conclusions d’une étude me-
née sur les ouvrages hydrauliques d’un réseau d’irrigation agricole dont plusieurs

491
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

étaient détériorés : existence d’alcali-réaction, formation tardive d’ettringite suite


à la fissuration causée par l’alcali-réaction, le tout aggravé par un apport continu
d’eau et de mauvaises dispositions des armatures. Sims et al. [SIM 04] décrivent
sept cas de bétons détériorés par des causes multiples : leurs conclusions attirent
l’attention sur le fait que « le degré de certitude d’existence de chaque mécanisme
ne correspond pas nécessairement à l’importance du phénomène comme cause de
détérioration ».
2.2.1. Signes visuels, macroscopiques
Plusieurs types de désordres peuvent être générés par l’alcali-réaction. Il s’agit
essentiellement de déformations et de mouvements différentiels, de fissurations
et de dégradation généralisée des parements. De plus, ces désordres sont presque
toujours limités aux composantes ou aux parties de composantes les plus sévère-
ment exposées.
2.2.2.1. Expansion du béton et désordres associés
L’expansion du béton est l’une des principales conséquences de l’alcali-réaction.
L’éclatement de joints de dilatation ou de construction, l’extrusion des scellants
de joints, le bris de cornières métalliques, la déformation du béton (déflexion, dis-
torsion, gonflement…), les mouvements différentiels entre éléments structuraux,
le blocage de machines (turbines, portes d’écluses…), voilà autant d’évidences de
cette expansion. De nombreux exemples sont cités dans la littérature. Mention-
nons également que d’autres phénomènes peuvent produire des déformations ou
des mouvements différentiels entre composantes de béton, comme les cycles de
gel-dégel, l’attaque des sulfates, les chargements, les variations d’humidité et de
température, les vibrations, le fluage, etc. Il s’agit donc de manifestations impor-
tantes de l’alcali-réaction, mais pas nécessairement limitées à ce phénomène. De
plus, précisons qu’elles n’altèrent que rarement le fonctionnement de l’ouvrage.
2.2.1.2. Fissuration superficielle
Un motif de fissuration est presque toujours observé à la surface des parties expo-
sées et atteintes par l’alcali-réaction. La plupart du temps, il consiste en un réseau
polygonal de fissures, plus grossier que ceux qui résultent de retrait de dessicca-
tion ou de l’action de cycles gel-dégel. Parfois, les contraintes imposées aux
ouvrages induisent une orientation préférentielle des fissures.
L’ouverture des fissures demeure le plus souvent inférieure à 10 mm. Elle pro-
gresse à un rythme variable qui peut dépasser 1 mm/an. Les fissures pénètrent ra-
rement de plus de 5 cm à l’intérieur du béton. Les bétons massifs de barrage, par
contre, peuvent être affectés par des fissures jusqu’à 45 cm de la surface
[Jensen 6].

492
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

2.2.1.3. Exsudations de gels siliceux


La présence d’exsudats est un indice caractéristique de réaction alcali-silice dans
la mesure où on ne les a pas confondus avec des concrétions de chaux carbonatée
: pour éviter la confusion on peut être conduit à des vérifications en laboratoire
(analyse chimique, MEB-EDS, DRX…).
2.2.1.4. Éclatements ponctuels (popouts)
Certains granulats en réagissant près de la surface peuvent produire des éclate-
ments ponctuels. Il s’agit toutefois d’un phénomène accessoire, plus générale-
ment associé à la présence de particules gélives.
2.2.1.5. Dégradation généralisée des parements
On en arrive à des parements pratiquement méconnaissables lorsque y coexistent
un motif de fissuration relativement dense, une coloration brunâtre des bords de
fissures, des exsudats, des éclatements locaux.
2.2.2. Performances mécaniques
Comme cela a été dit, les manifestations des désordres, notamment la fissuration
sont plutôt superficielles.
En ce qui concerne les performances mécaniques du béton de l’ouvrage – lors-
qu’il est armé ou précontraint – on observe très souvent une chute des caractéris-
tiques mesurées sur des carottes prélevées dans l’ouvrage, chute que l’on ne
retrouve pas, ou très affaiblie, lorsqu’on détermine les performances de l’ouvrage
en place, par exemple sa capacité portante. Il est logique de penser que ces écarts
de comportement sont dûs aux différences d’état du béton dans les deux cas de
figure, à savoir qu’il est libre dans les carottes, armé et chargé dans un ouvrage.
Nous allons donc examiner les trois points suivants :
– performances mécaniques du matériau béton atteint par l’alcali-réaction ;
– influence des armatures ;
– influence du chargement.
2.2.2.1. Performances mécaniques du béton atteint par l’alcali-réaction
Il s’agit ici de caractéristiques mesurées en laboratoire soit sur des carottes préle-
vées dans les ouvrages, soit sur des éprouvettes fabriquées en laboratoire, autre-
ment dit sur du béton non armé.
La première constatation est que l’alcali-réaction n’affecte pas les diverses pro-
priétés mécaniques du béton avec une même intensité : ceci est bien visible sur la
figure 11.1.

493
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

1 000

H
60
800 8

600
H (10– 6)

6 40
Rc
400 4

Rc, MPa
Rt, MPa
200
Rt 2

0 0
0 200 400 600
Temps (jours)

Figure 11.1 : expansion et performances mécaniques d’un béton fabriqué avec un gravier
réactif, conservé à 38 °C et 100 % H.R, d’après [BOY 00].
On note que les résistances mécaniques semblent avoir atteint une valeur plancher lorsque l’expan-
sion a atteint son maximum. On voit très nettement que la résistance à la traction (Rt) est beaucoup
plus affectée que la résistance à la compression (Rc).

Dans la majorité des cas, on note que les chutes de résistance à la traction sont
bien plus fortes que celles qui affectent la résistance à la compression : ce fait,
déjà signalé par [NIX 85] a été confirmé par de nombreux auteurs. Il peut être ex-
pliqué par la fermeture des fissures, engendrées par l’alcali-réaction, sous l’action
des contraintes de compression alors que, au contraire, les efforts de traction amè-
nent rapidement la propagation de ces fissures.
Le module d’élasticité est un indicateur très sensible du développement de l’alca-
li-réaction : il peut subir des chutes importantes avant l’apparition d’expansions
significatives et continuer à chuter avec le temps alors que la résistance à la com-
pression continue de croître. C’est ce que montre la figure 11.2, tirée de
[MON 00].

494
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

147 j
40

Contrainte (MPa)
30
28 j

20

10

0 2 000 4 000 6 000 8 000 10 000 12 000

Déformation (10– 6)

Figure 11.2 : comportement sous charge de bétons après 28 j et 147 j de conservation


dans une solution 1N de NaOH, à 38 °C. Les granulats alcali-réactifs sont des calcaires
de Spratt, d’après [MON 00].
On constate que le développement de l’alcali-réaction n’a pas annulé la croissance de la résistance
à la compression : par contre la déformabilité du matériau est fortement augmentée ainsi que sa dé-
formation à la rupture.

En outre, comme on peut également l’observer sur cette même figure, l’alcali-
réaction modifie le comportement sous charge du béton : on note une augmenta-
tion de la déformabilité (le module statique chutant de 20 GPa à 28 j à 6,45 GPa
à 147 j) et de la déformation ultime.
Par ailleurs, le caractère viscoplastique du béton endommagé est accru : les défor-
mations de fluage sont multipliées par 2,5 à 4 [BLI 81].
Concernant le comportement à la fatigue, la littérature fournit des résultats con-
troversés. Des essais de chargement oligo-cycliques sur carottes prélevées dans
des ouvrages atteints [WOO 89] ont montré que le béton se déforme plastique-
ment sous des niveaux de chargement faibles : c’est ce qui apparaît dans la
figure 11.3.

495
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

A B
5

Contrainte (MPa) 4

0
– 100 0 100 200 300 400 500

Déformation (μm/m)

Figure 11.3 : essais de fatigue sur des carottes de béton de même formulation mais
prélevées dans des éléments superficiellement fissurés (B) et non fissurés (A)
d’une même structure, d’après [WOO 04].
Le béton déjà fissuré par l’alcali-réaction (B) présente un module d’élasticité plus faible que celui qui
ne l’est pas encore (A), tout en accumulant des déformations plastiques.

Dans des essais poursuivis jusqu’à rupture les avis divergent. Pour [FUJ 87], l’al-
cali-réaction ne raccourcit pas la durée de vie alors que pour [AHM 99], le con-
traire est observé : la diminution du nombre de cycles entraînant la rupture varie
de 20 à 86 % suivant le mode de sollicitation.
2.2.2.2. Influence des armatures
La présence des armatures passives ou actives dans les bétons armés ou bétons
précontraints est bénéfique : elles ont un effet, anisotrope, de restriction des dé-
formations engendrées par l’alcali-réaction. Cette constatation, faite par de très
nombreux auteurs, est bien visible dans la figure 11.4 [ABE 89].

496
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

0,6

B
0,5

0,4
Expansion (%)
BA ŏ

0,3

0,2

0,1
BAII

0
100 200 300 400 500
Âge (jours)

Figure 11.4 : influence des armatures d’un béton sur l’expansion provoquée
par l’alcali-réaction, d’après [ABE 89].
Les expansions mesurées sur des carottes extraites de poutres en béton armé soit parallèlement (BA//)
soit perpendiculairement (BA⊥) à l’axe des poutres sont plus faibles que celles d’éprouvette de béton non
armé (B) conservées dans la même ambiance. Les armatures créent ainsi une forte anisotropie de l’ex-
pansion du béton armé.

En second lieu, on note une influence manifeste des armatures sur les performan-
ces mécaniques des bétons atteints par l’alcali-réaction et ceci aussi bien dans des
essais en laboratoire qu’à partir de mesures in situ. Les performances des élé-
ments en béton armé (résistance à la compression, résistance à la traction, module
d’élasticité) sont très peu affaiblies par l’alcali-réaction comparativement à celles
de carottes prélevées dans les mêmes unités ou d’éprouvettes fabriquées avec le
même béton [OKA 89b, INO 89].
Dans le cas d’éléments en béton précontraint, on arrive aux mêmes conclusions,
à savoir que le béton peut être fortement dégradé sur le plan mécanique, par l’al-
cali-réaction, alors que l’élément précontraint n’est pas affecté. On peut citer ici
les observations de [HAM 89] : après dix ans d’exposition en ambiance marine,
des poutres de bétons précontraints fabriqués avec des granulats réactifs ont vu
leur moment de flexion à la rupture accru de 2 à 8 % alors que la résistance à la
compression des cylindres de béton non armé, de même composition et conservés
dans la même ambiance, a chuté de 60 %.
2.2.2.3. Influence du chargement
Le maintien sous charge d’un élément de béton réduit son expansion ; ses perfor-
mances mécaniques sous chargement rapide sont améliorées. Par ailleurs,
[AHM 99] signalent que des éprouvettes maintenues sous charge depuis leur fa-

497
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

brication jusqu’au début d’essais de fatigue ont des durées de vie supérieures de
50 à 60 % à celles d’éprouvettes de mêmes compositions mais non chargées.
Si l’on fait une synthèse des nombreuses études consacrées au rôle joué par les
armatures et le niveau de chargement dans le comportement d’un ouvrage, en bé-
ton armé ou précontraint, endommagé par l’alcali-réaction, on peut retenir la con-
clusion suivante: l’affirmation « l’application d’une contrainte (armature, charge-
ment) à un béton atteint d’alcali-réaction minimise son expansion et sa perte de
résistance » est une affirmation triviale, certes pas erronée mais ambiguë dans sa
formulation. En effet, globalement parlant, l’état de contrainte appliqué à un tel
béton ne joue que très peu sur le gonflement volumique, par contre, la présence
d’un déviateur dans le champ de contraintes crée une anisotropie des déforma-
tions et des performances mécaniques du béton : il y a un report du gonflement
dans la direction la moins chargée.
2.2.3. Signes microscopiques, observables en laboratoire
2.2.3.1. Microfissuration du béton
L’alcali-réaction crée progressivement un réseau de microfissures dans le béton.
Ces microfissures résultent des pressions de gonflement engendrées au sein des
particules réactives, le long des plans de clivage ou de schistosité ; elles peuvent
également apparaître à la périphérie des grains. Avec le temps, ces microfissures
se propagent dans toutes les directions et peuvent alors recouper plusieurs granu-
lats ainsi que la pâte.
La microfissuration peut être étudiée soit sur des surfaces de fractures, soit sur des
sections polies, soit sur des lames minces ; les grossissements vont de quelques
fois ou dizaines de fois si l’on utilise un stéréomicroscope, à plusieurs centaines
pour les microscopes optiques et plusieurs milliers pour les observations au MEB.
On ne doit pas perdre de vue le fait que la détection d’une microfissuration n’est
effective que si la dimension des microstructures est accessible au pouvoir de ré-
solution de l’instrument d’observation : il en résulte que la quantification d’un ré-
seau microfissural (en termes de densité de fissuration ou de pourcentage de
grains fissurés) n’est exploitable que si on la rapporte à l’échelle d’observation.
La mise en évidence des microfissures est facilitée par des traitements préalables
tels que l’imprégnation par des résines colorées ou par des pigments fluorescents.
2.2.3.2. Gels et autres produits réactionnels
Il est établi depuis longtemps que les alcali-réactions de types alcali-silice ou al-
cali-silicates engendrent des produits amorphes (gels) ou microcristallins, de
composition silico-alcaline ou calco-silico-alcaline [6] et de faciès extrêmement
variables.

498
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

La figure 11.5 présente quelques aspects caractéristiques de ces produits, tels


qu’ils apparaissent au MEB : des gels à surface lisse, craquelés ou bien des struc-
tures alvéolaires montrant une tendance à la cristallisation, voire des amas de cris-
taux lamellaires ou aciculaires souvent en forme de rosettes.
2.2.3.3. Auréoles de réaction
Des zones foncées sont souvent observées dans les granulats réactifs suivant deux
types distincts :
– auréole au pourtour du granulat, coïncidant le plus souvent avec un affaiblisse-
ment de la liaison pâte-granulat, ce qui entraîne une décohésion à l’interface ;
– dépôts dans des microfissures préexistantes dans le granulat qui deviennent des
amorces de fracturation, l’interface gardant alors toute sa cohésion.
2.2.3.4. Rapports entre alcali-réaction et ettringite
Nous attirons ici l’attention du lecteur sur le fait que les observations microscopi-
ques de bétons endommagés ont pu y révéler la coexistence de produits d’alcali-
réaction et d’ettringite.
Ce point est étudié en détail dans le paragraphe 3.

(a) (b)

(c) (d)

499
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

(e) (f)
Figure 11.5 : quelques aspects caractéristiques (observables au MEB)
de produits d’alcali-réaction, d’après [CYR].
(a) L’observation à faible grossissement (ici x 25) de bétons atteints d’alcali-réaction montre souvent,
en premier lieu, de larges plages, lisses, de gel (les fissures sont surtout provoquées par le vide ré-
gnant dans le microscope).
(b) Lorsqu’on travaille à grossissement plus important, on perçoit l’existence de plusieurs faciès pour
les produits réactionnels : cette vue est particulièrement démonstrative.
(c) Le gel peut se présenter, même à fort grossissement, comme un dépôt, plus ou moins épais, à surface lisse.
(d) La surface du gel présente des protubérances isolées (en haut de la plage) ou jointives (bas de la
plage) : on parle alors de gel mameloné.
(e) Les produits réactionnels perdent une apparence amorphe et acquièrent des faciès plus ou moins
cristallisés : ici une microtexture alvéolaire qui n’est pas très éloignée de celle des C-S-H ordinaires.
(f) La texture cristallisée peut être très nette : ici des rosettes formées de cristaux lamellaires.

2.3. Les enseignements de ces observations


Les enseignements que l’on peut tirer des observations (rapportées au § 2.2) peu-
vent être classés sous trois rubriques :
a) conditions d’apparition de l’alcali-réaction dans un béton : conjonction obligée
des trois facteurs granulats réactifs, alcalins, humidité élevée ;
b) paramètres influents sur la gravité des désordres : ces derniers sont moins im-
portants dans les ouvrages que dans les éprouvette d’essais ;
c) prévention des désordres : des additions minérales et des inhibiteurs permettent
de minimiser ou de supprimer ces désordres.
2.3.1. Les désordres n’apparaissent que par la conjonction de trois facteurs.
Il est actuellement incontestable que l’alcali-réaction ne se développe dans un
béton que si trois conditions sont satisfaites : la présence d’un granulat poten-
tiellement réactif, une forte concentration en alcalins dans la solution interstitiel-
le (qui crée un pH élevé), un taux d’humidité suffisamment élevé. Ces facteurs
de premier ordre sont eux-mêmes sous la dépendance :
– de la formulation du béton ;
– du type et de la fonctionnalité de l’ouvrage où ce béton est mis en œuvre;
– des conditions environnementales.

500
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

Les relations entre ces deux groupes de paramètres sont, de fait, très nombreuses
et peuvent être représentées, pour l’essentiel par la figure 11.6.

Formulation Granulats
du béton réactifs

Ciments
Additions
Adjuvants
E/C

Type et fonction
de l'ouvrage Alcalins > seuil

Environnement Humidité > seuil

Figure 11.6 : facteurs intervenant sur l’apparition des 3 conditions nécessaires


au déclenchement de l’alcali-réaction.

2.3.1.1. Influence de la formulation du béton


ˆ Les granulats
Nous ne traiterons dans ce paragraphe que des granulats donnant lieu à des réac-
tions alcali-silice et(ou) alcali-silicate. En effet, les réactions alcali-carbonates, en
raison de leur faible occurrence, ont été traitées une fois pour toute au para-
graphe 2.1.3.
La sévérité des alcali-réactions provoquées par les granulats dépend bien sûr de
la réactivité de ces derniers mais aussi de leur dosage et de leur granularité.
Les phases réactives, siliceuses au sens large, peuvent exister dans de nombreux
types de roches, comme le montre le tableau 11.1.

501
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Tableau 11.1 : principales roches pouvant contenir des phases siliceuses sensibles
en milieu alcalin, d’après [18].

Roches Phases siliceuses sensibles en milieu alcalin

Granites Quartz à réseau déformé, présentant une extinction ondulante.


Granodiorites Minéraux feldspathiques et micacés altérés : joints de grains ouverts.
Quartz-diorites Verres siliceux ou basaltiques, plus ou moins dévitrifiés (microquartz) et
MAGMATIQUES

Rhyolites souvent microfissurés.


Dacites Tridymite, cristobalite.
Andésites Opale.
Trachy-andésites
Basaltes Verres riches en silices, plus ou moins dévitrifiés (micro-quartz) et sou-
Obsidiennes vent microfissurés.
Tufs volcaniques
Rétinites

Gneiss Quartz à extinction ondulante.


MÉTAMORPHIQUES

Micaschistes Microquartz de seconde génération.


Chloritoschistes Minéraux feldspathiques et micacés altérés, grains ouverts.
Ciment quartzeux ou opalin.
Quartzites Microquartz de seconde génération.
Cornéennes Phyllosilicates.
Quartz à extinction ondulante et/ou microfissuré.

Grès Ciment siliceux mal cristallisé ; joints de grains ouverts.


Orthoquartzites Ciment de quartz épitaxique.
SÉDIMENTAIRES

Grauwackes Minéraux phylliteux.


Siltites Opale.
Schistes quartzeux Quartz microcristallin.
Chailles Calcédoine.
Silex Opale.
Calcaires Opale, calcédoine.
Calcaires dolomitiques Silice cryptocristalline en nodules, micronodules ou veinules.
Dolomies Silice diffuse en réseau.

Des renseignements complémentaires sur la pétrographie des roches potentielle-


ment réactives existent dans la littérature, notamment dans les documents LCPC
[25] et RILEM [26].
Les différentes espèces réactives réagissent à des vitesses extrêmement variables
comme l’indique la figure 11. 7 qui montre des courbes d’expansion longitudinale
de bétons fabriqués avec différents granulats et conservés dans une ambiance ré-
gulée à 60 °C et 100 % HR [19].

502
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

1,6
1

Expansion (10– 3)
1,4

1,2
1,0
0,8 2
0,6
0,4
I I' 3
0,2

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24
Âge (mois)

Figure 11.7 : influence des granulats sur la cinétique d’expansion de bétons, dopés en
alcalins et conservés à 60 °C, d’après [19].
Courbe 1 : sable et gravier à cinétique rapide, réactifs ;
Courbe 2 : sable non réactif et gravier réactif à cinétique rapide ;
Courbe 3 : sable non réactif, gravier réactif à cinétique rapide et fumée de silice;
ll’ = limite de gonflement admissible.
On observe :
– que les courbes ont une forme en S ;
– qu’elles diffèrent considérablement par la valeur finale et par la vitesse maximale d’expansion ;
– qu’une addition minérale peut minorer le gonflement.

Ces courbes ne peuvent pas rendre compte de la complexité du comportement di-


mensionnel d’un ouvrage atteint d’alcali-réaction. On doit tenir compte des re-
marques suivantes :
a) in situ et en climat tempéré l’expansion débute à des âges de 5-10 ans ;
b) la courbe d’expansion en fonction du temps présente des irrégularités essentiel-
lement dues aux variations de température et d’humidité ;
c) la plupart du temps, cette courbe d’expansion tend vers une asymptote mais des
vitesses de déformation importantes peuvent être observées sur plus de 50 ans ;
d) l’expansion est typiquement anisotrope.
L’expansion dépend donc de la nature du granulat et aussi de son dosage dans
le béton ; mais on a constaté, dès les premières recherches sur l’alcali-réaction
[VIV 50], qu’elle ne varie pas nécessairement dans le même sens. C’est ce que
l’on a désigné par l’expression « effet pessimum » ; l’expansion croît avec le taux
de phase réactive puis décroît. Ce phénomène, très accentué dans le cas de gra-
nulats très réactifs, comme l’opale, a été, par la suite, signalé pour beaucoup de
granulats. La figure 11.8, adaptée de [22], montre que l’on peut rencontrer, se-
lon les granulats, tous les types de comportement intermédiaires depuis le pessi-
mum, très accentué, situé à des concentrations très faibles, jusqu’au
comportement de proportionnalité entre taux de minéral et taux d’expansion.

503
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

2,0

0,6 1 : mortier d'opale


1 2 : béton de silex
3 : béton d'andésite J
4 : mortier d'andésite NZ
0,5

2
0,4 3
Expansion (%)

0,3

0,2

0,1

0 20 40 60 80 100

Taux de minéral réactif (%)

Figure 11.8 : existence de pessima dans la concentration de certaines phases réactives,


d’après [22].
Ces mesures d’expansion, pratiquées sur mortiers ou sur béton, montrent que l’allure des courbes
avec pessimum varie beaucoup d’un granulat à l’autre, aussi bien par la position du pessimum, que
par le rayon de courbure. On passe continûment d’une courbe à optimum très net à une courbe à
croissance continue.

Plusieurs références indiquent que la position du pessimum semble, pour un béton


donné, varier avec l’âge.
Par ailleurs, il apparaît que la taille des granulats influe sur leur réactivité avec
également un effet de pessimum (figure 11.9).

504
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

1 2 3 4
100

Expansion normalisée (%)


80

60

40

1 : opale
20 2 : silice vitreuse
3 : chert
4 : mylonite

0,01 0,1 1 10

Dimension moyenne (mm)

Figure 11.9 : existence de pessima dans la granulométrie de certains granulats réactifs,


d’après [DIA 74, ZHA 90, FEN 02, LAG 92].
Mesures d’expansion réalisées sur des micromortiers, mortiers ou bétons : l’expansion est indiquée
en % de celle qui correspond au pessimum.
Les granulats source unique de la silice réactive, peuvent également libérer des
alcalins. Certains granulats enrichissent la solution interstitielle en alcalins : ce
peut être le cas de verres volcaniques, de sables marins non lavés, de feldspaths
altérés, de micas, de minéraux argileux [STA 86, GOG 96, HUN 96, BER 00]
C’est ainsi que dans le barrage français du Chambon, on estime [DEL 94] que
l’attaque des silicates des granulats réactifs par la solution interstitielle a réalisé
un apport d’alcalins dix fois plus grand que l’apport du ciment même.
ˆ Les alcalins
La dissolution des sulfates alcalins du clinker explique la présence d’ions K+ et
Na+ dans la solution interstitielle ; quant aux ions OH- on sait, au moins depuis les
travaux de [LON 73], qu’après quelques jours leur concentration équilibre prati-
quement celle des alcalins, car celle des Ca++ est devenue très faible. La teneur en
alcalins Na2O + K2O est ramenée en terme de Na2O équivalent ainsi calculé :
Na2O éq. = Na2O + 0,658 K2O. Elle est alors exprimée soit en kg de Na2O éq./m3
de béton, soit en pourcentage de la masse du ciment. De nombreux résultats ont
établi l’influence de cette teneur en alcalins sur le démarrage et la cinétique de l’al-
cali-réaction. On retiendra dans un premier temps (figure 11.10) que les alcalins
ne deviennent nocifs qu’au-dessus d’une valeur critique de concentration (4 kg/m3
dans le cas de la figure).

505
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

0,7

0,6

0,5
Expansion à 200 jours (10–3)

0,4

0,3

0,2
Réaction sans
macrofissuration

0,1
Fissures visibles

0,0
0 1 2 3 4 5 6 7
Na2O éq. (kg/m3)

Figure 11.10 : influence de la teneur en alcalins sur l’expansion de prismes de béton


contenant de l’opale et conservés à 100 % d’humidité relative et 20 °C, d’après [HOB 88].
Une teneur en alcalins de 4 kg/m3 ou moins semble une garantie suffisante pour réduire à un niveau
acceptable (< 0,05 %) les expansions à 200 jours de prismes de béton contenant des particules d’opa-
le d’une granularité 0,3-1,2 mm.

Cette figure, qui exploite des résultats obtenus avec un seul type de granulats, est
citée dans de multiples publications car elle a une véritable valeur pédagogique
en montrant l’existence d’un seuil extrêmement net. Mais si l’on veut rendre
compte des phénomènes tels qu’ils apparaissent sur des bétons, variables notam-
ment par la nature de leurs granulats, la figure 11.11 est plus riche de renseigne-
ments : Berra et al. [BER 05] ont mesuré l’influence de la teneur en alcalins et de
la nature des granulats sur l’expansion à 1 an de prismes de bétons testés suivant
une procédure Rilem AAR-3 modifiée [29]. Les expansions ainsi mesurées sont
comparées au comportement in situ des granulats.

506
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

2 O

1,5
O, C
Expansion à 1 an (10–3)

F toujours réactifs
in situ
C D
F, D
parfois réactifs

1
M, N, A, B
jamais réactifs
N
A

B
0,5

0 2 4 6 8 10
Na2O éq. (kg/m3)

Figure 11.11 : influence de la teneur en alcalins et de la nature des granulats


sur l’expansion à 1 an, de prismes de béton.
Le test juge comme ne présentant pas de risque les formulations de bétons dont l’expansion à 1 an
est ≤ 0,5.10–3. On constate :
– qu’on n’observe pas de seuil aussi abrupt que sur la figure 11.10 ;
– que les teneurs critiques varient avec la réactivité du granulat telle que le comportement in situ l’a
révélée ; d’environ 8 kg/m3 pour des granulats non réactifs, à 3 kg/m3 pour les granulats réactifs.

On constate que le comportement du béton dépend à la fois du taux d’alcalins et


de la nature du granulat. Ceci s’accorde avec le paragraphe 2.4 qui montre l’in-
fluence primordiale du rapport Na2O/SiO2 sur l’alcali-réaction : SiO2 étant appor-
té, en quantités variables, par les granulats, un même rapport Na2O/SiO2 sera
obtenu avec des teneurs variables en alcalins.
Les premières prescriptions de lutte contre l’alcali-réaction ne prenaient en comp-
te que le ciment comme source d’alcalins : elles recommandaient l’emploi d’un
ciment low-alkali renfermant au plus 0,6 % de Na2O éq. et un dosage en ciment
qui limite la quantité d’alcalins à 3 kg/m3.
Ces mesures se sont révélées défaillantes à maintes reprises, car elles ne tenaient
pas compte des autres sources d’alcalins (indiquées sur la figure 11.7). Actuelle-
ment on calcule la teneur en « alcalins actifs » du béton susceptibles d’être fournis
par tous les ingrédients du béton et par le milieu ambiant.

507
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Tous les alcalins ne participent pas à l’alcali-réaction car une partie peut rester
piégée dans le réseau cristallin : on appelle « alcalins actifs » ceux qui peuvent
passer en solution. Pour chaque constituant du béton, on calcule ainsi la teneur en
alcalins actifs A : A = ma où a = alcalins totaux et m un coefficient compris entre
0 et 1.
Le document [18] indique les valeurs à prendre pour m : laitiers m = 0,5 ; fines
calcaires m = 0,5 ; cendres volantes m = 0,17 ; pouzzolanes m = 0,17 ; clinker
m = 1 ; gypse m = 1. Pour les granulats m sera déterminé expérimentalement.
On recommande de rester sous une valeur plafond de 3 kg/m3. Mais, étant donné
que dans certains cas cette teneur limite s’est montrée trop élevée, on préconise
plutôt actuellement une approche performantielle basée sur des essais de gonfle-
ment.
ˆ Le ciment Portland
Une des sources principales, même si ce n’est pas la seule, des alcalins disponi-
bles dans un béton. Dans le clinker, les alcalins se trouvent surtout sous forme de
sulfates solubles ; ils peuvent aussi, en de plus faibles proportions, être intégrés
dans les réseaux des autres constituants. Leur teneur, dans un ciment, est situé
dans une plage 0,3-1,2 %. Elle dépend tout d’abord de la composition mais aussi
du process de fabrication (notamment du combustible).
Les autres caractéristiques du ciment comme sa composition minéralogique, sa fi-
nesse de broyage joueraient un rôle beaucoup plus modeste que celui de la teneur
en alcalins sur l’alcali-réaction. Assez peu de publications se rapportent à ces pa-
ramètres : Berra [BER 94] signale toutefois que la finesse du ciment joue sur les
résultats du test NBRI modifié Berra et Krell [KRE 87] indiquent que l’expansion
augmente avec la finesse.
ˆ Le ciment à base de laitier de haut-fourneau
Le laitier granulé de haut-fourneau, moulu, est doué de propriétés hydrauliques,
ce qui le différencie des additions minérales telles que les cendres volantes et les
fumées de silice, qui se comportent comme des pouzzolanes. C’est la raison pour
laquelle ce laitier granulé, dans certains pays, dont la France, peut entrer dans la
constitution de ciments normalisés à de très fortes teneurs. C’est le cas des
CEM III/C dans lesquels il représente de 66 à 95 % du produit.
Le laitier granulé moulu est reconnu depuis longtemps comme efficace dans la
prévention de l’alcali-réaction [HOG 83].

508
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

0,50

0,40
Expansion à 2 ans (%)

0,30

1 : calcaire siliceux
0,20 1 2 : grès
3 : grauwacke
2
4 : granite
3 5 : calcaire dolomitique
0,10 4 argileux

0,04

0,00
0 10 20 30 40 50 60 70
Pourcentage de laitier

Figure 11.12 : influence du laitier granulé de haut-fourneau sur l’expansion à 2 ans


de bétons, fabriqués avec des granulats expansifs et conservés à 38 °C,
d’après [THO 98].
On constate que les expansions dues à une réaction alcali-silice (granulats 1-4) sont abaissées en
dessous du seuil de 0,04 % à 2 ans qui, d’après le texte CSA A23.2.14A, indique l’absence de désor-
dres : pour cela le taux de laitier doit être ≥ 50 %.
On note que dans le cas de réaction alcali-carbonate (granulat 5) l’addition de laitier est inefficace (voir
§ 2.1.3).

La figure 11.12, d’après [THO 98], résume bien les conclusions de nombreuses
recherches, à savoir que les expansions sont pratiquement supprimées dès que le
dosage du liant en laitier granulé excède 50 %. L’emploi du ciment CEM III/C
peut donc être bénéfique si la composition du béton inclut des granulats potentiel-
lement réactifs : le choix de ce type de liant peut également s’appuyer sur sa bonne
tenue en milieu chimiquement agressif, mais doit prendre en compte la lenteur du
durcissement initial.
ˆ Le rapport E/C
Un faible rapport E/C accroît les performances mécaniques du béton et densifie
sa structure, ce qui le protège mieux contre les agressions exogènes. Concernant
l’influence de E/C sur le comportement du béton vis-à-vis de l’alcali-réaction on
peut noter qu’un abaissement de E/C :
a) accroît la concentration des alcalins dans la solution interstitielle (son volume
étant réduit) et donc l’agressivité de cette dernière ;
b) diminue la porosité, donc l’espace disponible pour l’expansion des gels ;
c) diminue la perméabilité, donc la vitesse de diffusion ionique et en conséquence
la vitesse d’alcali-réaction ;
d) accroît la résistance et la rigidité du béton qui est alors plus apte à s’opposer
aux efforts d’expansion.

509
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Les deux premiers facteurs, aggravants, s’opposent aux deux derniers. Au final le
résultat global peut pencher dans un sens ou dans l’autre : c’est ce qui semble res-
sortir de la littérature qui présente des résultats très variés, non concordants
[KRE 87, BER 92a, BER 92b, HOB 88].
ˆ Les adjuvants
L’utilisation d’entraîneurs d’air peut-elle réduire les expansions dues à l’alcali-
réaction en fournissant aux gels siliceux plus d’espace (bulles d’air) pour se
loger? Des expériences réalisées au Canada sur des granulats de calcaire siliceux
très réactifs des régions de Trois-Rivières (Québec) et d’Ottawa (Ontario) indi-
quent qu’un dosage en air entraîné de 6 à 9 % n’a pas d’effet significatif sur les
expansions obtenues. Mais dans ce type de granulats, les désordres se manifestent
principalement le long de microfissures préexistantes au sein des particules et il
semble que la présence d’un plus grand nombre de bulles d’air à proximité immé-
diate des particules réactives soit effectivement bénéfique dans le cas de granulats
dont l’attaque chimique se fait plutôt à l’interface pâte/granulats [VIV 47],
[JEN 84]. C’est d’ailleurs ce qui a été observé avec des grès de Potsdam et des
tufs rhyolitiques [BER 92a].
Somme toute, il y a peu de données disponibles sur l’influence des adjuvants face
à l’alcali-réaction. Mentionnons, toutefois, que des études suggèrent que certains
superplastifiants peuvent accroître la teneur en alcalins et le pH de la solution in-
terstitielle [ZEL 89, MAT 91].
Wang et Gillott [WAN 89] ont remarqué que des superplastifiants de type naph-
talène sulfoné ou mélamine sulfonée accroissent l’expansion de mortiers renfer-
mant de l’opale : l’adjuvant agirait et sur la réactivité du granulat et sur les
caractéristiques du gel expansif.
ˆ Les additions minérales
Compte tenu de l’importance et de la spécificité de leur rôle préventif de l’alcali-
réaction, elles sont examinées au paragraphe 2.3.3.
2.3.1.2. Type et fonctionnalité de l’ouvrage
Peu de cas d’alcali-réaction dans le domaine du bâtiment ; cet état de fait est at-
tribué [19] : à un assez faible dosage en ciment (donc en alcalins), à la protection
des murs extérieurs par des enduits, à la faible humidité des éléments intérieurs.
L’alcali-réaction se produit donc essentiellement dans les ouvrages d’art, mais
avec des fréquences variables suivant la catégorie.
Les bétons de masse, comme les barrages, semblent particulièrement vulnérables
[BER 00]; d’après [LAL 00] sur 127 barrages en béton exploités en France par
EDF, 37, soit 30 %, montreraient des signes d’alcali-réaction. Cette vulnérabilité

510
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

importante est explicable par diverses raisons. Certains barrages, comme celui de
Mactaquac (Canada) sont assez gravement affectés bien que l’apport d’alcalins à
partir du ciment n’excède pas 2 kg/m3 ; dans ce cas on peut envisager que les al-
calins proviennent d’autres sources, hypothèse vérifiée dans le barrage de Cham-
bon [DEL 94]. Un béton de masse ne dissipe que très lentement la chaleur
d’hydratation du ciment : la température demeure élevée pendant plusieurs semai-
nes ce qui peut accélérer le démarrage de l’alcali-réaction. Toute fissuration, due
par exemple à des gradients thermiques, peut favoriser la pénétration d’humidité
dans certaines zones et ce d’autant plus qu’un parement de l’ouvrage est au con-
tact permanent de l’eau. Dans ces conditions, les différentes parties présentent des
taux d’humidité très variables et l’on observe alors que les plus humides sont aus-
si celles ou l’alcali-réaction a les effets les plus marqués : ainsi à l’usine hydro-
électrique de Saunders G.S., Grattan-Bellew [GRA 95] a mesuré des damage in-
dex de 20 à 25 dans les parties sèches, et 95 à 140 dans les zones humides.
Des observations sur un autre type d’ouvrages bien particuliers, des tunnels fer-
roviaires, montrent un comportement qui n’est pas facile à expliquer. Leeman et
al. [LEE 05] ont examiné des carottes prélevées dans les revêtements de béton
projeté ou de béton coffré et ceci pour huit tunnels âgés de 19 à 44 ans. Bien que
certains granulats soient potentiellement réactifs et que la majorité des éprouvet-
tes montrent qu’une alcali-réaction s’est produite, il n’est apparu aucun dégât à
l’examen visuel. Les auteurs du rapport attribuent ceci aux faibles variations cli-
matiques ; ils concluent que « des granulats réactifs peuvent être employés dans
les bétons de tunnel sans causer de dommage consécutif à l’alcali-réaction ». Par
contre, un avis diamétralement opposé est formulé par Wood [WOO 04] : « cela
nécessite les plus rigoureuses spécifications d’emploi des granulats non réactifs
pour les tunnels ».
2.3.1.3. Conditions environnementales
ˆ Conditions d’humidité ; cycles de mouillage/séchage
L’humidité ambiante a un rôle fondamental sur le développement de l’alcali-
réaction : c’est pourquoi les essais accélérés de réactivité des granulats et (ou)
des bétons sont réalisés à 100 % H.R. ou en immersion. En fait, on considère
qu’une alcali-réaction ne pourra endommager un béton à température ordinaire
( 20 °C) que si l’humidité relative moyenne est au-dessus d’une valeur seuil égale
à 80-85 %.
Une revue bibliographique récente de Poyet [POY 03] nous permet de préciser
ces affirmations :
– le gonflement libre dû à une réaction alcali-silice augmente bien avec l’humi-
dité relative extérieure (figure 11.13a) ;

511
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

– un accroissement de la température abaisse, de façon significative semble-t-il,


la valeur du seuil critique d’humidité relative.
Pourcentage du gonflement maximal

100 90 %

N, L
80 80 % K
O

Seuil HR
60 70 %
O
40 60 % T

20 50 % T

0 40 %
50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 % 0 20 40 60
Humidité relative extérieure Température d'essai (°C)

Figure 11.13a : influence de l’humidité Figure 11.13b : influence de la température


sur le gonflement, d’après [POY 03] sur le seuil d’humidité relative,
pour les points O et [LI 02] . d’après [POY 03].

Les points expérimentaux de la figure 11.13b sont repris de publications dues à : N [NiL 83] ; L
[LUD 89] ; O [OLA 87] ; T [TOM 89] ; P [POY 03] ; K [KUR 89].

L’expression « humidité relative moyenne » ne doit pas masquer le fait que :


– toutes les parties superficielles d’un ouvrage ne sont pas exposées aux mêmes
conditions d’humidité (pluies battantes, accumulations d’eau) ou de température
(ombre, soleil, orientation) ;
– les parties aériennes sont soumises à des cycles de mouillage/séchage. Ainsi
apparaissent des gradients d’humidité dans les ouvrages. Ces cycles de
mouillage/séchage contribueraient au développement des fissures observées à la
surface des ouvrages atteints d’alcali-réaction, ce qui expliquerait plusieurs com-
portements observés in situ ou en laboratoire et illustrés sur la figure 11.14.
– les fissures s’amenuisent rapidement en profondeur ;
– les surfaces de béton constamment exposés à l’air, à des cycles d’émersion/
immersion ou à des cycles de mouillage/séchage sont généralement plus détério-
rées que les parties complètement immergées ou émergées même si des réactivi-
tés sont observées dans toute la masse ;
– les parements exposés à un plus fort ensoleillement sont souvent plus endom-
magés que les autres.

512
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

Coque mince
moins expansive
(souvent sèche,
alcalis lessivés par la pluie)
Soleil
Vent
Pluie
Humidification/séchage Fissuration plus sévère
Gel/dégel côté sud
Variations de température

Gonflement
volumique
Milieu humide

Milieu saturé

Fissuration moins sévère


dans des conditions
Masse interne d'enfouissement
en expansion ou d'immersion

Figure 11.14 : schéma illustrant l’influence des cycles de mouillage/séchage


et des variations conséquentes d’humidité sur le développement de la fissuration
à la surface du béton exposé et atteint d’alcali-réaction, d’après [31].
En période de séchage, les conditions d’humidité peuvent chuter en surface du béton sous le seuil
critique requis pour entretenir l’alcali-réaction (80-85 %) et ce, jusqu’à une certaine profondeur qui dé-
passe toutefois rarement quelques centimètres. De plus, en période de mouillage, ce béton subit sans
doute un certain lessivage de ses alcalins. Sous la poussée du béton interne en expansion, cette co-
que superficielle de béton où les conditions sont souvent propices à l’alcali-réaction sera alors en
quelque sorte sollicitée en flexion et se fissurera.
ˆ Température ; variations de température
Toutes les études de laboratoire indiquent qu’une élévation de température accé-
lère le démarrage et la vitesse initiale de l’expansion. Par contre, on ne peut pas
affirmer objectivement que le gonflement final est accru : on trouve autant de pu-
blications montrant que la hausse de température entraîne une augmentation du
gonflement final que d’autres ayant enregistré une diminution, sans compter cel-
les qui dénient toute influence de la température sur l’expansion finale.
Dans les ouvrages en service, certains sont soumis en permanence à des tempéra-
tures élevées (éléments de centrales nucléaires, incinérateurs…), d’autres à de
basses températures (chambres réfrigérées…).
D’une façon générale, tout ouvrage extérieur subit des variations de températures
imposées par le climat. Outre les variations saisonnières, il ne faut pas sous-esti-
mer l’influence des écarts diurnes de température, parfois énormes dans certaines

513
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

contrées. À répétition, de tels chocs thermiques peuvent provoquer dans le béton


un certain niveau de microfissuration, ce qui ne peut que le rendre encore plus
vulnérable face à d’autres agressions, dont l’alcali-réaction.
Enfin, une attention toute particulière est à apporter aux cycles de gel-dégel qui
peuvent, soit aggraver la détérioration d’un béton initialement fissuré par l’alcali-
réaction soit initier cette alcali-réaction en créant un réseau fissural qui favorisera
la pénétration d’humidité.
ˆ Les apports externes d’alcalins
L’eau de mer et les sels fondants peuvent fournir au béton les alcalins nécessaires
au démarrage et au développement des réactions, et en accélérer les effets. Par
réaction avec la portlandite et les aluminates de la pâte de ciment, les ions Cl- se
retrouvent rapidement au sein de chloroaluminates de calcium, étant remplacés en
solution par des ions OH– (dont la concentration régit le pH), alors que les ions
alcalins Na+ demeurent en solution. Des expériences en laboratoire ont claire-
ment démontré que le chlorure de sodium était au moins aussi dommageable que
la soude et les alcalins du ciment [KAW 00]. Ainsi, l’utilisation à titre préventif
d’un ciment à faible teneur en alcalins en présence d’un granulat réactif, peut
s’avérer inopérante si le béton reçoit des alcalins sous forme de sels fondants. La
même prudence est de rigueur dans les régions côtières (air salin, eau de mer…).
La figure 11.15 [KAW 96] montre bien l’influence combinée de la formulation
des bétons et des conditions environnementales sur la cinétique et l’amplitude du
gonflement libre de cubes de béton non armé, conservés à l’extérieur durant 6 ans.

514
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

8 8

Expansion (10– 3)
700
Expansion (10– 3) 6 6
a
4 4 c

2 2 d
400
b

0 3 5 6 0 1 2 3 4 5 6
1 2 4
Temps (années) Temps (années)

8 8

Expansion (10– 3)
Expansion (10– 3)

6 e 6
g
4 4
f h

2 2

0 1 2 3 4 5 6 0 1 2 3 4 5 6
Temps (années) Temps (années)

Figure 11.15 : influence des facteurs de formulation et d’exposition sur le gonflement


de prismes de béton entreposés à l’extérieur, d’après [KAW 96].
Des bétons refermant des dosages variables en ciment (300-400-500-600-700) kg/m3 ont été coulés
en cubes de 22 cm d’arête. Les cubes ont été placés à l’extérieur soit sur le toit d’un immeuble, soit
en bord de mer. Leurs faces sont recouvertes d’une membrane acrylique, sauf pour la moitié des
éprouvettes ou la face supérieure reste nue.
Les courbes a et b montrent l’influence importante du taux d’alcalins, lui-même proportionnel au do-
sage en ciment.
Les courbes c et d montrent la différence de comportement de la face supérieure directement arrosée
(d) et d’une face latérale où l’arrivée d’eau est différée (c) : l’eau arrivant sur la face supérieure crée
une cinétique plus rapide, mais le fait qu’elle ne s’évapore que difficilement de la face protégée expli-
que que le gonflement se poursuive plus longtemps.
Une réduction de l’apport d’eau : la courbe (f) enregistrée sur une face latérale avec face supérieure
recouverte montre une diminution du gonflement (courbe e) par rapport à une face latérale avec face
supérieure nue.
L’emplacement de stockage, en bord de mer (h) ou sur le toit (g), joue également d’une façon sensible
sur le gonflement.

ˆ Les champs magnétiques, les courants électriques et la protection cathodique


Certains chercheurs ont émis l’hypothèse que les courants électriques ou les
champs magnétiques, produits dans le béton par les lignes à haute tension ou bien
encore par la protection cathodique, pouvaient induire ou accélérer l’alcali-réac-
tion.

515
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

En Angleterre, les premières structures, où furent officiellement reconnus des si-


gnes d’alcali-réaction, étaient associées à des complexes électriques. Dans diver-
ses régions du Québec, plusieurs fondations soutenant des pylônes électriques ou
des tours d’éclairage montrent des signes de détérioration anormalement sévères
et associés à l’alcali-réaction.
Quant à la protection cathodique utilisée pour protéger de la corrosion les arma-
tures de béton armé, des études récentes [SHA 00, CAR 04] tendraient à montrer
que son action sur l’alcali-réaction dépend des granulats, du taux d’alcalins et de
l’intensité du courant. Pour des courants d’intensité voisine des cas réels, cette ac-
tion est peu marquée, même après cinq ans.
2.3.2. Les désordres dans les ouvrages sont moins prononcés
que dans le béton.
La dégradation physique apparente d’un ouvrage atteint par l’alcali-réaction
n’est pas toujours le reflet exact de la dégradation interne du béton. En effet, la
performance structurale et la capacité portante des composantes affectées de-
meurent la plupart du temps très acceptables, puisque la détérioration est sur-
tout concentrée à la surface de ces composantes et que les armatures, placées en
milieu alcalin, sont intactes.

Dans nombre d’études réalisées sur des bétons armés fabriqués aussi bien en la-
boratoire que sur chantier avec des granulats réactifs, on n’a observé que de fai-
bles chutes de capacité portante et de capacité de chargement statique, et ce,
malgré la présence d’un important motif de fissuration à la surface des éléments
en béton étudiés, et bien que des chutes importantes de résistance à la compres-
sion uniaxiale, au fendage, à la flexion ou du module d’élasticité aient été obser-
vées sur des carottes de béton prélevées dans ces éléments [BLI 81, FUJ 87,
HIM 87, KOY 87].
Par exemple, les modules de rigidité et d’élasticité calculés à partir des déflexions
observées lors d’essais de chargement sur les membrures des piliers en T suppor-
tant une importante autoroute du Japon sont peu affectés (chutes de moins de
15 %), et sont incompatibles avec les faibles valeurs du module d’élasticité (chute
de plus de 70 %) et de la résistance à la compression uniaxiale obtenus sur des
carottes de béton [ONO 89].
Les essais de chargement in situ (mesure des déflexions) sont, sans contredit, les
meilleurs tests pour déterminer la capacité portante de certains types de compo-
santes (dalles, piliers, colonnes, etc.). Dans tous les cas observés, l’évaluation du
béton par de tels essais a conduit à des conclusions nettement moins alarmistes
sur la performance mécanique (module d’Young, module de rigidité, capacité

516
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

portante) du béton atteint par l’alcali-réaction que celles issues d’essais en labo-
ratoire sur des carottes de béton prélevées dans ces mêmes composantes.
Pour conclure et afin de ne pas tirer de conclusion alarmiste au seul examen visuel
d’un ouvrage, citons les propos de B. Mather [MAT 99] « Tuscaloosa Lock, dans
l’Alabama, une des structures atteintes par la réaction alcali-silice la plus étudiée
par le corps des ingénieurs, fut déclarée après un premier examen “tellement fis-
surée que l’on a l’impression qu’elle est sur le point de s’effondrer” ; trente ans
plus tard, on l’a trouvée “d’une qualité généralement bonne” ».
2.3.3. Protection apportée par les additions minérales et les inhibiteurs
2.3.3.1. Les additions minérales
De nombreuses études ainsi que les observations portant sur les comportement
des ouvrages ont établi que l’introduction d’additions minérales dans les bétons,
soit en addition soit en remplacement partiel du ciment, réduit ou supprime l’ex-
pansion provoquée par l’alcali-réaction. Cet effet bénéfique exige que soient res-
pectées certaines conditions d’utilisation.
On remarquera que ces additions minérales, qu’elles entrent ou non dans un cadre
normatif, sont toutes des pouzzolanes. Les pouzzolanes artificielles résultent du
traitement thermique, suivi de broyage, de produits naturels ou de déchets indus-
triels ; les pouzzolanes naturelles sont des matériaux naturels ayant subi un simple
broyage.
ˆ Fumées de silice
Dès lors que ces matériaux (pouzzolanes artificielles) sont pauvres en alcalins
(moins de 1 % de Na2Oéq.) et que leur dosage est suffisant, leur emploi conduit
à de bons ou très bons résultats. Le dosage optimal est généralement compris entre
10 et 15 % mais cette fourchette peut être déplacée vers des valeurs plus faibles
ou plus fortes, essentiellement en fonction des granulats réactifs. C’est ainsi que
l’emploi de ciment renfermant 7,5 % de fumées de silice s’est révélé un moyen
bénéfique en Islande, depuis 1979, pour empêcher l’apparition de toute alcali-
réaction nocive dans les bétons de bâtiment alors que le clinker est riche en alca-
lins et que certains granulats sont réactifs [GUD 96]. La figure 11. 16 montre qu’à
ce même dosage de 7,5 % de fumée de silice, dans d’autres situations, la réduction
du gonflement est négligeable [CHE 90].
Toutefois, quelques réserves ont été formulées quant à l’efficacité des fumées de
silice pour contrer l’alcali-réaction dans des cas particuliers.

517
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

FS1
1,0

Expansion à 1 an (10– 3)
CHA

0,5

FS2
CBA

0 10 20 30
Fumée de silice (%)

Figure 11.16 : influence de deux fumées de silice sur l’expansion à 1 an de mortiers


renfermant un granulat siliceux réactif, d’après [CHE 90].
Les expansions de mortiers confectionnés avec un ciment à haute teneur en alcalis (CHA) additionné
de % variables de deux fumées de silice sont présentées en même temps que l’expansion d’un mor-
tier élaboré avec les mêmes granulats réactifs mais avec un ciment à basse teneur en alcalis (CBA).
On en tire plusieurs enseignements :
– les deux fumées de silice n’ont pas la même activité ;
– les deux courbes présentent un pessimum ;
– au pourcentage de 7,5 (qui était bénéfique en Islande), les deux fumées n’ont pas d’action
bénéfique;
– l’apport de 15 % de la fumée de silice la plus active compense à peine l’aggravation résultant du
remplacement du ciment (CBA) par (CHA).
Elles se révèlent inactives dans les réactions alcali-carbonate.
Elles peuvent se montrer inefficaces dès lors qu’elles n’ont pas été bien dispersées dans le béton.
Dans la mesure où se forment des agglomérats ceux-ci se comportent paradoxalement comme des
granulats réactifs engendrant du gel et de l’expansion [GUD 04].

ˆ Cendres volantes
Là aussi l’efficacité de ces matériaux (pouzzolanes artificielles) dépend de plu-
sieurs paramètres : dosage, finesse, composition chimique, teneur en alcalins mais
aussi nature du granulat réactif. On peut retenir deux cas de figure où les cendres
volantes sont inopérantes : la réaction alcali-carbonate et l’utilisation de certaines
variétés de cendres volantes très riches en alcalins qui peuvent augmenter l’ex-
pansion due à une réaction alcali-silice.
Ceci étant dit, on reconnaît généralement que les cendres volantes, surtout celles
de composition silico-alumineuse, dès lors qu’elles sont de bonne qualité, que
leur teneur en alcalins est inférieure à 2 ou 3 % en Na2Oéq. et que leur dosage est
d’au moins 30 %, constituent un bon moyen de prévention de l’alcali-réaction.

518
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

8 8
Cendre A 84 j Cendre B

6 6
Expansion (10– 3)

Expansion (10– 3)
84 j 4
4 7j

7j
2 2 3j
3j

0 10 20 30 0 10 20 30

Cendres (%) Cendres (%)

Figure 11.17 : Influence du taux de cendres volantes sur l’expansion de mortier.


On observe que les deux cendres A et B agissent suivant des modalités différentes ; l’efficacité de A
varie dans le même sens que son dosage, alors que B présente un pessimum vers 5 %.
La cendre volante A est plus efficace que B, l’expansion à 84 j étant 2 fois plus faible.

Des publications récentes indiquent que des cendres volantes silico-alumineuses


même si elles ne sont pas de « bonne qualité » sont efficaces [HOO 04, NOJ 04,
MAC 06]. Mais dans le même temps, le suivi des performances des bétons em-
ployés dans les tunnels suisses du Alptransit Gotthard et du Lötschberg amène
[THA 04] à conclure que les critères de qualité EN 450, concernant les cendres
volantes, ne sont pas suffisants.
ˆ Métakaolin
Cette pouzzolane artificielle est fabriquée à partir de minéraux argileux (kaolinite
essentiellement) portés à des températures de 650 °C à 800 °C. C’est un alumino-
silicate, de structure amorphe et dont de nombreuses études ont vérifié qu’il a des
propriétés pouzzolaniques très marquées.
Son aptitude à contrer les effets de l’alcali-réaction est également bien établie.
Niu et Feng [NIU 04], en travaillant sur des mortiers, ont mesuré une expansion
réduite de 85 % suite au remplacement de 30 % du ciment par du métakaolin.
Ramlochan et al. [RAM 00] ont mesuré les expansions de bétons, conservés du-
rant 2 ans à 38 °C et 100 % H.R., fabriqués avec deux types de granulats réactifs
(calcaire siliceux de Spratt, grauwacke de Sudbury), dosés à 420 kg/m3 de ciment
et du métakaolin (taux de remplacement : 5 à 20 % de la masse du ciment). Quel
que soit le granulat, il a suffi d’une substitution de 15 % de métakaolin au ciment

519
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

pour que l’expansion à 2 ans s’abaisse sous le seuil sécuritaire de 0,04 % proposé
par la norme CAN/CSA A23.2-14A (la réduction de gonflement apportée par le
métakaolin atteint 88 %).
ˆ Brique pilée
Bektas et al. [BEK 04] ont montré que ce matériau, déjà utilisé par les Romains
comme pouzzolane artificielle, est également apte à contrecarrer les effets de l’al-
cali-réaction : les remplacements de 35 % du ciment par de la brique broyée dans
des mortiers renfermant des sables réactifs ont provoqué des réductions de gon-
flement de 78 à 81 %.
ˆ Pouzzolanes naturelles
Les pouzzolanes naturelles proviennent de roches consolidées ou non, d’origine
volcanique pour la plupart, dont la composition est essentiellement silico-alumi-
neuses et la structure majoritairement amorphe. Il en existe une grande variété :
tufs, terre de Santorin, Trassrhénan, rhyotites, zéolite, etc.
Feng et Feng [FEN 02] ont montré que le remplacement de 15 % du ciment d’un
mortier par une zéolite finement broyée (d50 ≈ 12 µm), testé suivant la procédure
ASTM C1260, suffisait à ramener l’expansion au seuil sécuritaire de 0,1 %.
Niu et Feng [NIU 04] en modifiant une zéolithe naturelle par échange ionique
(choix d’une NH4-zéolite) ont accru son activité : cette addition (testée suivant
ASTM C441) au faible taux de substitution de 5 % réduit déjà le gonflement de
74 %.
ˆ Fines minérales obtenues par broyage des granulats réactifs
En partant de la constatation qu’un granulat réactif aux alcalins peut devenir une
pouzzolane très active lorsqu’il est finement broyé, des tentatives ont été faites
pour réduire ou supprimer le gonflement provoqué par un granulat réactif en ajou-
tant dans le béton des fines résultant d’un broyage poussé de ce même granulat.
Bian et al. [BIA 96] sur des mortiers, Guedon-Dubied et al. [GUE 00] sur des bé-
tons, Pedersen [PED 04]. Moisson, Moisson et al. [MOI 04, MOI 05] ont montré
que cette piste était probablement intéressante : sur des bétons confectionnés avec
cinq types de granulats (opale, quartzite, calcaire siliceux, gravier du Nouveau-
Mexique, verre à vitre), ils ont noté, consécutivement à l’introduction de fines de
broyage des granulats respectifs, des réductions importantes de l’expansion, com-
prises entre 30 et 100 %, pour 4 granulats avec un seul échec (Nouveau-Mexique).

520
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

2.3.3.2. Les inhibiteurs chimiques


Mac Coy et Caldwell, dès 1951, avaient étudié l’aptitude d’une centaine de com-
posés chimiques à contrer les effets de l’alcali-réaction dans les mortiers et
avaient conclu à l’intérêt particulier des sels de lithium.
À la différence des additions minérales qui ont uniquement un rôle préventif de l’al-
cali-réaction, les sels de lithium peuvent être employés à deux niveaux : prévention
dans des ouvrages neufs ou traitement d’ouvrages déjà construits et altérés.
Parmi les divers sels de lithium qui ont montré des propriétés intéressantes (LiCl,
Li2CO3, LiF, LiSO4, LiNO3, LiOH…), c’est le nitrate de lithium qui présente le
plus d’avantages [STO 97, MAL 02]. Il ne possède pas l’inconvénient, en cas de
sous dosage, d’augmenter l’expansion ce qui est par contre le cas de LiOH et
Li2CO3. À cause de son pH proche de la neutralité, il ne présente pas les dangers
de manipulation de l’hydroxyde LiOH et de ses solutions.
Pour un emploi préventif, d’après [MAL 02] un dosage de 4,6 l/kg Na2Oéq. est
efficace pour des granulats modérément réactifs, mais les conclusions de Trem-
blay et al. [TRE 04] ne corroborent pas entièrement cette prescription : ayant opé-
ré sur des bétons élaborés avec 12 granulats plus ou moins réactifs, ils ont montré
que seulement dans 6 cas sur 12 un dosage normal réussissait à abaisser l’expan-
sion sous le seuil critique du test ASTM C1293. Ils concluent que l’efficacité du
LiNO3 pour contrer l’alcali-réaction dépend plus de la nature pétrographique du
granulat que de son degré de réactivité.
Pour un emploi curatif, sur un ouvrage déjà endommagé, le traitement ne donnera
de bons résultats que si le produit pénètre assez profondément dans le béton. Des
essais en laboratoire ont montré que la pénétrabilité pouvait être accrue par diffé-
rents moyens : l’ajout d’un surfactant amènerait une amélioration de 50 %, l’ap-
plication d’un champ électrique serait bénéfique également [WHI 00].
Thomas et Stokes [THO 04] rapportent plusieurs exemples de chantiers où ce trai-
tement au LiNO3 a retardé la progression de l’endommagement. C’est le cas d’un
chantier routier où des portions endommagées du revêtement en béton ont reçu
entre 1998 et 2001 plusieurs applications de solutions à 30 % de LiNO3 dosées à
0,2144 l/m².
La figure 11. 18 donne les profils de concentration du lithium en fonction de la
profondeur, mesurés sur des carottes prélevées après traitement.

521
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

1,5

Taux de Li (10– 4)
1

0,5
2

0 1 2 3 4 5
Profondeur (cm)

Figure 11.18 : pénétration du lithium en fonction de la fissuration du béton


avant traitement : interprétation de la figure 11. 10 de [THO 04].
Les carottages effectués sur des sections initialement très fissurées (1), modérément fissurées (2) ou
peu fissurées (3) montrent bien que le produit pénètre d’autant plus profondément que le milieu est
fissuré.

2.4. Explication des mécanismes provoquant les gonflements


Les explications fondamentales permettant d’expliquer le phénomène de gonfle-
ment par le déroulement de l’alcali-réaction se sont longtemps placées sur un
plan chimique, essentiellement phénoménologique.
Ces explications sont divergentes suivant les auteurs ; elles sont actuellement, de-
puis les années quatre-vingt-dix, complétées par des méthodes numériques qui
aboutissent à l’établissement de modèles. Ceux-ci ont, d’une part, l’objectif de
rendre compte de l’amplitude des phénomènes observés sur un ouvrage à l’ins-
tant t, d’autre part, l’ambition de prédire le comportement futur de l’ouvrage.

C’est la réaction alcali-silice qui a été la plus étudiée. En ce qui concerne la réac-
tion alcali-silicate, on penserait que le gonflement n’est pas exclusivement provo-
qué par la formation d’un gel mais qu’il résulterait de possibles phénomènes
d’expansion et d’exfoliation liés à la présence de phases phylliteuses [JEH 96].
2.4.1. Réactions chimiques de la silice des granulats et de la solution
interstitielle
La raison première de la réactivité des minéraux du groupe de la silice est qu’ils
se retrouvent en déséquilibre thermodynamique par rapport à leurs conditions de
formation et de gisement lorsqu’ils sont introduits comme granulats dans un bé-
ton. Ce dernier est en effet un milieu hyperbasique puisque des pH supérieurs à
12,5 caractérisent la solution interstitielle. Dans ces conditions, on sait que pour

522
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

la silice amorphe – et il pourrait en aller de même pour les autres formes de silice
– la solubilité qui est pratiquement constante (100 à 150 mg/l) entre pH 1 et pH 8
s’accroît brutalement et dépasse déjà 1100 mg/l à pH 10,6 [KRA 56]. Depuis les
travaux de Dent-Glasser et Kataoka [DEN 81], même s’il subsiste quelques dé-
saccords sur des points de détail, on admet le schéma suivant pour les phases
initiales:
(i) une réaction acide-base entre les groupements acides silanols et les OH– de la
solution interstitielle crée une charge négative sur l’oxygène
Ñ Si – OH + OH– + →Ñ Si – O– + H2O
Cette charge va être équilibrée par un ion Na+ de la solution
Ñ Si – O– + Na+ → NaSiO (3)
En fait, la stoechiométrie de la réaction → Na0,38SiO2,19
(ii) les ponts siloxane de la silice sont à leur tour attaqués par les ions OH–
Ñ Si – O – Si Ò+ 2OH– →ÑSi – O– + O – Si Ò+ H2O
Cette réaction affaiblit encore plus la structure siliceuse qui devient de plus en
plus accessible aux molécules d’eau et aux ions Na+. A la limite, tout le réseau se
désintègre et la silice passe entièrement en solution, ce qui peut être ainsi
schématisé:
Na0,38SiO2,19 + 1,62 NaOH → 2Na+ + H2SiO4= (4)
De fait et en fonction de l’alcalinité de la solution interstitielle [DRO 97], il appa-
raît également des groupements H4SiO4 ou H3SiO4–.
Que se passe-t-il ensuite ? Les avis divergent suivant les auteurs : soit par des
réactions topochimiques, soit par des réactions transolution, il se forme un gel si-
lico-alcalin.
L’évolution du système SiO2 (granulats)/alcalins (solution interstitielle) ou, en
d’autres termes, la formation du gel, dépend fortement du rapport initial des concen-
trations en SiO2 et Na2O. Dent-Glasser [DEN 81] avait montré que la courbe de va-
riation de la concentration en silice dissoute dans une solution de soude en fonction
de la quantité initiale de silice n’est pas croissante/monotone mais présente un maxi-
mum. Ce maximum, qui expliquerait l’existence du pessimum observé sur certains
bétons atteints de réaction alcali-silice, rapporté au paragraphe 2.3.1, se situe, sui-
vant les conditions expérimentales à des valeurs de 3 ou 5 pour les rapports molaires
SiO2/Na2O. Wen [WEN 89] a confirmé ces résultats, avec un maximum pour le rap-
port molaire SiO2/Na2O = 5, rejoignant ainsi les conclusions de Hobbs [HOB 88].
Dans un béton la solution interstitielle, outre les alcalins et les ions OH–, renferme

523
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

également des ions calcium. Il ne fait plus de doute actuellement que le calcium joue
un rôle dans la formation du gel [DIA 89]; en effet, il est toujours trouvé, en plus ou
moins grande quantité dans les gels [BER 86]. On peut, par contre, penser que les
gels fraîchement formés, même s’ils sont déjà calciques, s’enrichissent par la suite
en calcium au contact de la pâte de ciment. Ils peuvent dans certains cas atteindre
des rapports Ca/Si du même ordre que ceux des C-S-H. C’est ce qui apparaît dans la
figure 11.19, tirée des travaux de [THO 00]. Elle montre, d’une part, que les gels for-
més dans les fissures des granulats renferment moins de calcium que ceux localisés
dans la pâte et, d’autre part, l’enrichissement en calcium, allant de pair avec l’appau-
vrissement en alcalin, dans les bétons âgés.

K/Si
0,3 Gels dans les granulats âge (7 ans)

Gels dans la pâte de ciment (7 ans)


0,2

Gels dans le béton (55 ans)


0,1
C–S–H

0 1 2
Ca/Si
Figure 11.19 : variations de la composition des gels de béton en fonction de l’âge
et de leur situation, d’après [THO 00].
Toutefois, concernant l’enrichissement des gels en calcium avec le vieillissement, il n’y a pas unani-
mité des chercheurs. Freyburg et Berninger [FRE 04] ayant analysé 110 gels prélevés dans des
ouvrages âgés de 6 à 60 ans, concluent que leurs compositions sont dans une même fourchette et
que les plus riches en calcium ne sont pas toujours liés aux bétons les plus anciens.

2.4.2. Origine du gonflement accompagnant la réaction alcali-silice


On explique l’expansion du béton atteint d’alcali réaction, ainsi que les désordres
associés, par la formation d’un gel qualifié de « gonflant ». Actuellement, plu-
sieurs théories tentent d’expliquer l’origine de ce caractère gonflant. Nous allons
exposer succinctement les plus populaires, en reprenant largement les termes de
l’analyse faite en [19].
2.4.2.1. Théorie de la pression osmotique
Initialement proposée par Dent-Glasser et Kataoka [DEN 81], puis par d’autres
auteurs dont Diamond [DIA 89]. La pâte de ciment joue le rôle de membrane
semi-perméable entre le gel et la solution interstitielle. Il apparaît ainsi une pres-
sion osmotique créant un mouvement d’eau vers le gel.

524
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

2.4.2.2. Théorie de la dissipation du gel


D’après Jones [JON 88], il se forme tout d’abord un gel qui, selon ses propres ca-
ractéristiques et celles du béton, pourra migrer ou non dans la porosité de la pâte
durcie. Ce n’est que si sa vitesse de migration est inférieure à sa vitesse de forma-
tion qu’il provoquera le gonflement effectif du béton.
2.4.2.3. Théorie de la double couche électrique
Pour Prezzi et al. [PRE 97] qui ont proposé cette explication, c’est l’existence
d’une double couche électrique autour des particules de gel, colloïdales, qui ex-
pliquerait l’apparition de forces de répulsion et, ainsi, l’accroissement de volume
du gel.
2.4.2.4. Approche thermodynamique
D’après Dron [DRO 97], deux domaines à potentiels chimiques différents sont à
considérer dans un béton siège d’une réaction alcali-silice : le granulat entouré par
une solution saturée en silice et la pâte de ciment contenant de la portlandite. La
rupture d’équilibre entre ces deux phases se fait avec une variation d’énergie libre
et se traduit par la coagulation d’un gel et la dissolution de la portlandite.
2.4.2.5. Théorie du gonflement des corps poreux
Couty [COU 99] applique aux gels, les théories de gonflement des solides à gran-
de surface spécifique qui, lorsqu’ils sont mis au contact de vapeur ou de liquide,
augmentent de volume ; ce gonflement est produit par diminution de l’énergie li-
bre de surface. Cette théorie expliquerait également la fissuration des granulats.
2.4.2.6. Une approche particulière : l’expansion des granulats
L’approche due à Bulteel [BUL 00] est particulière car elle ne prétend pas s’ap-
pliquer à tous les granulats et, surtout, elle expliquerait ou voudrait expliquer, au
moins en partie, le gonflement d’un béton sans faire appel au gel. En travaillant
sur un silex, l’auteur a établi que lors d’une réaction alcali-silice le réseau siliceux
est désorganisé ce qui entraîne immanquablement un accroissement du volume
spécifique du solide. Le phénomène est amplifié par la saturation de la solution
interstitielle en silice et par les ions Ca++ qui freinent la diffusion des silicium hors
du grain.
2.4.2.7. Vers une unification de ces théories
En définitive, dans l’état actuel (2007) de nos connaissances, il semble que les
conclusions formulées par Couty [COU 99] soient encore d’actualité. Il est rai-
sonnable de penser qu’un mécanisme unique ne peut pas rendre compte des phé-

525
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

nomènes observés1. C’est ainsi que Hornain a proposé le schéma suivant


[HOR 99] :
– diffusion des ions OH-, Na+ et K+ dans le réseau siliceux du granulat ;
– pseudomorphose du granulat par un gel très visqueux, poreux ;
– gonflement de cette région suivant un mécanisme de gonflement de corps
poreux et début de microfissuration ;
– dissolution de la silice et formation d’un sol silico-alcalin ;
– gélification de ce sol au contact des ions Ca++ apportés par la portlandite :
– dissipation du gel visqueux dans la pâte de ciment et propagation de microfis-
sures sous l’action des poussées engendrées par ce gel.

2.5. Explication des mécanismes de protection des fines minérales


Cette section va tenter d’expliquer les causes du rôle protecteur que ces fines mi-
nérales manifestent généralement vis-à-vis des désordres liés aux réactions alcali-
silice. Comme on l’a noté en 2.3.3, ces fines peuvent être soit des additions miné-
rales normalisées, soit des fines, d’origine naturelle ou artificielle, toutes ayant
des propriétés pouzzolaniques. Nous rappelons enfin que, dans certains cas, les
fines introduites dans le béton peuvent avoir été obtenues par broyage des granu-
lats réactifs (sable ou gravier) introduits dans ledit béton.
Les différents mécanismes proposés pour expliquer le rôle préventif des fines sont
presque tous les conséquences d’une observation faite depuis longtemps : l’acti-
vité préventive est concomitante d’une activité pouzzolanique. Taylor [21] écrit
même que « la chimie des réactions alcali-silice est essentiellement celle de la
réaction pouzzolanique, la différence des effets observables dans les bétons pro-
venant essentiellement des différences de taille des matériaux siliceux ».
Dans les publications récentes soulignant le parallélisme des deux réactions, on
citera l’article de Yamamoto et Kanaz [YAM 00] qui rapporte que des expérien-
ces menées sur 23 cendres volantes différentes ont établi une proportionnalité en-
tre, d’une part, la réduction du gonflement d’alcali-réaction et, d’autre part,
l’activité pouzzolanique quantifiée aussi bien en termes chimiques (consomma-
tion de chaux) qu’en termes de performances mécaniques (indice d’activité sur
mortier).

1. Le lecteur pourra prendre connaissance en annexe 1 d’un autre schéma synthétique, proposé par
Hou, Struble et Kirkpatrick.

526
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

C’est parce qu’elles sont des pouzzolanes que les fines minérales introduites
dans un béton modifient :
– la teneur en portlandite,
– le rapport Ca/Si des C-S-H, ce qui accroît la fixation d’alcalins ;
– la microstructure de la pâte durcie qui devient plus compacte, avec une double
conséquence sur sa perméabilité et sur ses performances mécaniques [MAS 98].
En outre, ces fines minérales, lorsqu’elles ont employées en remplacement par-
tiel du ciment, peuvent causer un effet de dilution des alcalins.

2.5.1. Réduction du taux de portlandite


Plusieurs auteurs considèrent que la consommation de portlandite, critère essen-
tiel d’activité pouzzolanique, joue un rôle majeur dans la réduction (ou la suppres-
sion) du gonflement [CHA 83a, CHA 83b, BLE 98]. Deux approches sont
proposées :
a) la consommation de portlandite abaisse le pH ce qui rendrait la solution inters-
titielle moins agressive pour les granulats siliceux. Des objections ont été faites,
qui soulignent le fait que le pH n’est que peu dépendant de la concentration en
portlandite ;
b) pour Chatterji, la consommation de portlandite aurait pour effet non pas
d’abaisser la quantité de gel formé mais de le rendre moins gonflant. Mais, là aus-
si, des auteurs contestent cette explication, notamment Duchesne et Bérubé
[DUC 94] pour qui la réduction de l’expansion n’est pas liée à la teneur en port-
landite mais à la réduction de la concentration en alcalins dans la solution inters-
titielle.
2.5.2. Piégeage des alcalins
L’introduction des pouzzolanes, et aussi du laitier granulé, dans la formulation
d’une pâte de ciment Portland abaisse le rapport Ca/Si des C-S-H : alors qu’on a
mesuré pour ce rapport des valeurs comprises entre 1,5 et 2, on a obtenu des va-
leurs ≈ 1 dans des pâtes âgées de 4 ans où 40 % du ciment Portland était remplacé
par de la cendre volante [UCH 86]. De nombreuses publications ont confirmé ces
résultats aussi bien pour des cendres volantes, des fumées de silice, des pouzzo-
lanes que des fines obtenues par broyage de granulats alcali-réactifs [LAR 90,
GLA 92, DUC 94, MOI 05].
Cet abaissement du rapport Ca/Si dans ces C-S-H, que l’on peut qualifier de
pouzzolaniques, entraîne un accroissement important de la quantité d’alcalins que
ces hydrates peuvent fixer dans leur réseau.
Ceci a été parfaitement démontré par Bhatty et Greening [BHA 87] qui ont étudié
la composition des pâtes de ciment, gâchées avec un ciment riche en alcalins, ren-
fermant en proportions variables (10 à 37 % de substitution) des additions d’opa-

527
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

le, de schiste calciné et de centres volantes, puis conservées pendant 14 ans à


23 °C et 100 % H.R.
La figure 11. 20 adaptée de leur publication montre que :
– les trois additions ont manifesté des propriétés pouzzolaniques (consommation
de Ca(OH2)) ;
– les C-S-H ont des rapports Ca/Si, largement inférieurs à celui du C-S-H résul-
tant de l’hydratation du ciment seul ;
– ces C-S-H ont fixé des quantités d’alcalins très supérieures à celles qu’a rete-
nues le C-S-H produit par le ciment seul.
30
100
gCa(OH)2/100 g de pâte calcinée

ciment LTS 14
ciment

Alcalins fixés par C–S–H


opale

(% des alcalins totaux)


80 schiste
schiste cendre volante
20

60

opale
40
10

cendre
volante 20

0 0
0 10 20 30 40 1,0 1,1 1,2 1,3 1,4 1,5 1,6

Remplacement du ciment par la pouzzolane (%) Rapport molaire Ca/Si dans les différents C–S–H
(a) (b)
Figure 11.20 : influence d’additions minérales sur la composition de pâtes de ciment,
après 14 ans d’hydratation, d’après [BHA 87].
Ces pâtes ont été fabriquées avec un ciment à 0,92 % de Na2Oéq., avec des remplacements partiels
d’opale, de schiste calciné et de cendres volantes. Après 14 ans de conservation à 23 °C et 100 %
HR, elles ont été analysées. La figure (a) montre qu’elles ont fixé d’importantes quantités de portlan-
dite par réaction pouzzolanique. La figue (b) indique, d’une part, l’abaissement du rapport Ca/Si dans
les C-S-H pouzzolaniques, d’autre part, l’augmentation des alcalis fixés dans leur réseau.

Hong et Glasser [HON 99] ont confirmé ces résultats en opérant sur des C-S-H de
synthèse qu’ils ont placés dans des solutions alcalines de concentrations compri-
ses entre 0,1 et 300 mM, sur des durées de 1 jour à 1 an. Ils ont défini un coeffi-
cient de partage RD = (alcalins fixés dans le C-S-H)/(alcalins restant en solution)
et montré que RD est multiplié par 4 lorsque Ca/Si passe de 1,8 à 1,2 et par 10
lorsque Ca/Si atteint la valeur de 0,85.
On peut donc retenir de ce qui vient d’être dit que les additions minérales forment
des C-S-H « pouzzolaniques » : ces derniers extraient des quantités accrues d’al-
calins de la solution interstitielle, abaissent donc son alcalinité et réduisent ainsi
son agressivité vis-à-vis des granulats réactifs.

528
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

2.5.3. Densification de la pâte durcie


Les additions minérales augmentent la quantité de C-S-H, notamment en fabri-
quant des C-S-H pouzzolaniques : ces derniers, d’après de nombreux auteurs,
auraient une porosité plus fine ce qui, au fur et à mesure que la pâte vieillit, ten-
drait à la densifier. Deux conséquences en découleraient pour cette dernière : ré-
duction de la perméabilité, accroissement des résistances mécaniques.
2.5.3.1. Réduction des coefficients de diffusion et de perméabilité
Bien que les résultats de la littérature ne correspondent pas entièrement sur ce
point, on observe une diminution des coefficients de diffusion et de perméabilité
des pâtes de ciment consécutivement à l’addition de fines minérales pouzzolani-
ques. En conséquence, il y aurait une réduction de la mobilité ionique, qui freine-
rait la migration des alcalins vers les granulats réactifs [UCH 86, TUR 86,
MON 97].
2.5.3.2. Accroissement des caractéristiques mécaniques
La réaction pouzzolanique due aux additions minérales introduites dans un béton,
entraîne un renforcement de la pâte. Cette dernière, en raison de sa rigidité aug-
mentée, réduirait donc les déformations par fluage imposées par la réaction alcali-
silice.
2.5.4. Dilution des alcalins
Selon certains auteurs, les additions minérales agiraient comme des diluants parce
qu’elles libèrent plus difficilement leurs alcalins que le ciment : la solution inters-
titielle, d’alcalinité réduite, est alors moins agressive.
Mais cette explication ne s’applique qu’aux cas où l’addition minérale est utilisée
en substitution partielle au ciment et où sa teneur en alcalins mobilisables est in-
férieure à celle du ciment. C’est pourquoi, il a été signalé des situations où ces ad-
ditions minérales, par exemple de cendres volantes contenant jusqu’à 8,5 %
d’alcalins [DUC 94], accroissaient l’expansion au lieu de la réduire. Signalons
toutefois que plusieurs auteurs, notamment Moisson [MOI 05], ont confirmé que
des fines obtenue par broyage de verres dont la teneur en alcalins, supérieure à
10 % excédait très largement celle du ciment, conduisaient cependant à une ré-
duction de l’expansion.
Ceci montre bien la difficulté d’expliquer le rôle du paramètre « dilution des
alcalins », lorsqu’on l’isole de l’ensemble du contexte chimique, en particulier
de la notion de pessimum (voir § 2.4.1).

529
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

2.5.5. Comportement in situ


Si la quasi-totalité des expérimentations en laboratoire confirme le rôle protecteur
des additions minérales, des réserves ont été émises par plusieurs auteurs [OBE 89,
BER 92c, FOU 00] quant à la réalité de la protection effective des ouvrages en site
réel : il existe, en particulier, la crainte que les tests accélérés ne soient pas pour-
suivis assez longtemps pour détecter des expansions susceptibles de démarrer très
tardivement in situ. Des travaux récents [BOK 04], menés sur des prismes de bé-
ton, certains traité à 40 °C et 100 % HR et d’autres conservés in situ, ont montré
des discordances de comportement entre les deux populations. Il est apparu que
des dosages en additions minérales (fumée de silice, métakaolin, cendre volante),
relativement faibles, étaient efficaces en essais accélérés et ne l’étaient pas in situ:
pour assurer une protection effective ils devaient être fortement accrus. C’est ce
que montre le schéma suivant.

2
Expansion

a1 a2

0
Addition minérale (%)

Efficacité d’une même addition minérale comme réducteur de l’expansion d’un béton atteint d’alcali-
réaction.
Courbe 1 : lorsqu’il est conservé à 40 °C et 100 % HR.
Courbe 2 : lorsqu’il est conservé in situ.
Pour obtenir la même réduction de l’expansion le béton conservé in situ exige un dosage en addition
minérale (a2) beaucoup plus important – quasiment le double – que le béton testé à 40 °C et 100 %
HR (a1).
(Schéma pédagogique avec des unités arbitraires)

2.5.6. Cas des laitiers granulés moulus


Alors que le nombre de publications rapportant les effets des laitiers de haut-four-
neau sur l’expansion des bétons est élevé, on en trouve très peu qui élucident les
mécanismes d’action de ces matériaux. D’après Bakker [BAK 81], ceux-ci se-
raient surtout d’ordre physique et résulteraient de la densification des pâtes de ci-
ment consécutive à l’addition de laitier. La première conséquence d’accrois-

530
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

sement de la compacité est une diminution considérable des coefficients de diffu-


sion de Na+ et K+ (divisés par 10) qui va réduire d’autant la vitesse de formation
du gel ; la deuxième conséquence est une importante réduction du coefficient de
perméabilité qui va dans le sens de freiner l’arrivée d’eau, ce qui constitue un fac-
teur supplémentaire de gêne par rapport à la formation du gel.
Les résultats ultérieurs de Uchikawa et al. [UCH 86] étayent ces conclusions. Ils
établissent que des pâtes gâchées à partir d’un mélange à 50 % de ciment Portland
et 50 % de laitier granulé ont des coefficients de diffusion de Na+ largement infé-
rieurs à ceux des pâtes de ciment ayant subi la même cure : l’écart s’accroît avec
l’âge et, à 91 jours, le coefficient du laitier est 7 fois plus petit que celui du ciment
Portland. Ces résultats, obtenus à 20 °C, se répètent identiquement avec les bétons.
2.6. Simulations numériques : modélisation, prédiction
Depuis les années 1985-1990 sont apparues des modélisations d’alcali-réaction.
Un modèle qui se voudrait d’emploi universel devrait, à la fois, décrire la cinéti-
que de formation et d’expansion du gel, puis déterminer la réponse du béton à cet-
te expansion. En pratique un tel modèle n’existe pas encore, essentiellement pour
une raison, comme cela a été vu aux paragraphes 2.4 et 2.5, le mécanisme expli-
quant l’apparition des désordres à partir de la réaction chimique entre silice réac-
tive et alcalins n’est pas unique, mais doit être considéré comme étant la résultante
de composantes de natures variées. Or, il n’y a pas encore eu d’accord sur l’im-
portance à donner à chacune de ces composantes et à leur interaction.
Il existe donc des modèles, nombreux, différents :
– par l’échelle à laquelle ils décrivent le matériau : microscopique, mésoscopi-
que ou macroscopique ;
– par l’objet auquel ils s’adressent : le matériau ou la structure ;
– par leur caractère déterministe ou probabiliste ;
– par leur vocation explicative exclusive ou bien explicative et prédictive.
Concernant l’échelle d’étude des modèles « matériau », quelques précisions sont
à donner. À l’échelle microscopique, le matériau béton est caractérisé par un élé-
ment microstructural de base qui lui est propre (matrice solide, porosité, solution
interstitielle) et dont on détermine la réponse à l’action d’un gel gonflant. À
l’échelle mésoscopique, on s’appuie sur des résultats d’expériences menées sur
des éprouvettes de laboratoire, donc à un ordre de dimension décimétrique, pour
rendre compte des relations entre formation du gel et expansion des échantillons.
Dans la modélisation macroscopique, l’objectif est de réaliser un calcul des effets
du gonflement dans une structure en partant d’une expérimentation sur éprouvet-
tes de laboratoire.

531
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

2.6.1. Exemple de modèles « matériau »


Le modèle de Furusawa [FUR 94] est basé sur l’hypothèse d’un mécanisme topo-
chimique, où la diffusion des ions Na+, K+ et OH- à l’intérieur des granulats est
le facteur déterminant de la réaction alcali-granulats et où l’on suppose que le gra-
nulat est entouré d’une zone poreuse qui doit d’abord être remplie par le gel avant
que l’expansion ne soit mesurable. Il tient compte de la nature du granulat et de
la température.
Ce modèle a été amélioré par Xi et al. [XI 99] qui ont suivi une démarche voisine,
mais où l’on considère que le volume final du gel formé est supérieur au volume
de la couche externe du granulat qui a réagi.
2.6.2. Modèles « structure »
On peut les classer en deux catégories correspondant à des approches très diffé-
rentes de la modélisation de l’ouvrage :
– modélisation par analogie thermique : on mène les calculs en imposant à
l’ouvrage une charge thermique, fictive, Δθ, telle qu’elle introduise une expan-
sion thermique εth égale à celle produite par l’alcali-réaction εr ;
– modélisations plus récentes : elles étendent aux structures la notion de pression
intra-poreuse d’abord appliquée à des modèles « matériau », notion issue de la
mécanique des milieux poreux.
2.6.2.1. Modélisations par analogie thermique
Les modèles de ce type sont apparus en premier et leurs limites se sont manifes-
tées assez rapidement : elles sont dues essentiellement au fait que le béton y est
traité comme un milieu continu, homogène, et qui subit donc un gonflement né-
cessairement isotrope, ce que dément l’observation des ouvrages.
Roelfstra [ROE 85] a probablement été un des premiers à appliquer une méthode
de calculs par éléments finis à deux barrages touchés par l’alcali-réaction. Par la
suite, d’autres ingénieurs, par exemple de Beauchamp et Goguel [BEA 92] ont
également utilisé l’analogie thermique dans leurs calculs de comportement de
barrage.
Le modèle de Léger et al. [LEG 95] est plus sophistiqué que les précédents, car il
essaie de relier le gonflement de l’ouvrage, εr, non plus à un seul paramètre mais
à quatre caractéristiques supposées représenter les conditions de fonctionnement.
L’expression donnant εr est de la forme :
εr = f(C, T, M, R)
dans laquelle C un facteur lié à la contrainte imposée ;
T un facteur de température ;

532
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

M un facteur dépendant de l’humidité ;


R un facteur de réactivité des granulats.
Ces paramètres ont été calculés à partir des mesures sur les ouvrages.
Ce modèle ne tient pas compte de la cinétique de la réaction, paramètre qui a été
intégré dans leur modèle par Huang et Pietruszczan [HUA 99].
2.6.2.2. Modélisations récentes
Ces modèles d’abord appliqués à l’échelle « matériau » ont été étendus aux struc-
tures : ils généralisent la notion de « pression intraporeuse » issue de la mécanique
des milieux poreux, développés par Coussy [COU 95].
Le béton atteint d’alcali-réaction est considéré comme une matrice poreuse, dé-
formable, dans laquelle se produit une réaction topochimique qui aboutit à la for-
mation d’un gel gonflant.
Dans les premières modélisations apparues, on peut noter celle de Larive, relative
aux aspects cinétiques chimiques et mécaniques de la réaction. Un de ses résul-
tats, à retenir par sa simplicité, est que l’avancement de la réaction chimique est
directement proportionnel à la déformation de l’échantillon. À partir de cette
constatation, Larive [LAR 98] en dépouillant les résultats expérimentaux d’un
grand nombre d’éprouvettes discerne deux périodes caractéristiques1 et montre
qu’on ajuste la plupart des courbes de gonflement libre à une courbe d’équation :
∞ 1 – exp ( – t ⁄ τ c )
ε t = ε -------------------------------------------------------
1 + exp ( τ L ⁄ τ c – t ⁄ τ c )
où :
ε∞ = expansion finale ;
τL = temps de latence ;
τc = temps caractéristique ;
εt = expansion au temps t (figure 11.21).

1. On doit noter que toutes les courbes d’expansion en fonction du temps, surtout lorsqu’il s’agit de
mesures in situ, ne présentent pas nécessairement cette forme en S : d’après Wood [WOO 04] « la
plupart des structures du Royaume-Uni atteintes par l’alcali-réaction montrent des élargissements
de fissures qui se font progressivement, d’une façon linéaire, après 30 à 75 ans. Le ralentissement
de la courbe en S trouvé en laboratoire n’est pas visible in situ au Royaume-Uni ».

533
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

B

Expansion
A

WL 2Wc Temps

Figure 11.21 : modélisation d’une courbe de gonflement libre, d’après [LAR 98].
Une courbe est caractérisée par les paramètres suivants :
ε∞ = expansion maximale ;
τL = temps de latence qui correspond à la phase d’initiation puis d’accélération du phénomène ;
2τc = temps caractéristique qui indique la décélération de l’expansion, en A.
On a pu remarquer à de nombreuses reprises dans la littérature que la partie finale de la courbe d’ex-
pansion est un pseudo- plateau, c’est-à-dire une droite à pente très faible, mais non nulle [CAR 02].

Un autre résultat des travaux de Larive est la mise en évidence du caractère ani-
sotrope du gonflement libre dû à l’alcali-réaction : le rapport (gonflement longi-
tudinal)/(gonflement transversal) avoisine 2 dans les expériences rapportées.
Par la suite, l’évolution des modélisations a obéi à deux impératifs :
1) tenir compte du caractère anisotrope de l’endommagement ;
2) s’approcher au mieux du comportement rhéologique du béton sous charge : ce
matériau a été successivement assimilé à un corps élastique, puis élastoplastique,
élastoplastique avec endommagement et, enfin, viscoélasto-plastique avec en-
dommagement [LAR 96, SEL 97, CAP 03, LIK 04]. En outre, certains modèles
ont pris en compte le fait que toutes les grandeurs caractéristiques du matériau
évolutif ne sont pas déterministes mais doivent relever d’une approche probabi-
liste [SEL 06].
À la date de la rédaction de ce chapitre, la littérature montre que plusieurs mo-
délisations rendent compte du caractère complexe des interactions entre l’alcali-
réaction, l’anisotropie des endommagements et le fluage du béton. À l’échelle
des temps, la pression engendrée par le gel se développe en une ou plusieurs dé-
cennies ; le béton manifeste dans son comportement rhéologique une composan-
te visqueuse importante, surtout lorsqu’il est très humide comme c’est le cas des
structures atteintes par l’alcali-réaction. Il en résulte que sur ces longues pério-
des les gonflements provoqués par l’alcali-réaction et les déformations de fluage
sont intimement liés : le béton étant endommagé par la réaction voit sa vitesse
de fluage augmenter. Les déformations de l’ouvrage peuvent alors se poursuivre
sous l’action concomitante des deux phénomènes.

534
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

La modélisation décrite par Grimal et al. [GRI 05] intègre ces données et a permis
de retrouver les fortes anisotropies, rapportées par plusieurs chercheurs, dont
Multon et al. [MUL 05] dans des expériences de chargement en laboratoire sur
cylindres ou sur poutres armées.
2.6.3. Validation des modèles
Il est évidemment nécessaire de s’assurer de la pertinence du modèle à décrire un
cas d’endommagement donné. Pour ce faire, chaque modélisation a utilisé une
méthodologie qui lui est propre. On peut, toutefois retrouver des points communs
dans les procédures de validation :
– la calibration du modèle se fait à partir de courbes de gonflement obtenues en
laboratoire en utilisant les paramètres caractéristiques ;
– la validation s’effectue le plus souvent en deux étapes :
– par comparaison de la courbe prédite et de celle qui est obtenue expérimen-
talement, soit par un test de gonflement (par exemple un essai de perfor-
mance béton NF P18-454) soit par un essai de mesure de gonflement
résiduel de carottes prélevées dans un ouvrage,
– par comparaison avec les mesures in situ. On essaie de reconstituer l’his-
toire hydrique, thermique, mécanique de la structure puis on effectue une
analyse inverse qui conduit aux valeurs les plus satisfaisantes des paramè-
tres caractéristiques.
2.7. Ouvrage en service atteint par l’alcali-réaction
Dans ce cas se pose le problème de bien évaluer le niveau de risque qu’il y a à
garder en service une structure atteinte par l’alcali-réaction. Même si l’affirma-
tion de la première édition de ce livre (§ 3.3.4) « aucun ouvrage ou partie d’ouvra-
ge ne s’est effondré jusqu’à maintenant (en 1991) par suite du seul phénomène de
d’alcali-réaction » est toujours vraie, il ne faut pas sous-estimer l’importance du
problème. En effet, au moins une dizaine de ponts et passerelles ont été démolis
en France [24], toutefois, Godart [GOD 93] fait remarquer que les structures abat-
tues présentaient d’autres défauts majeurs. Par ailleurs, même s’ils ne sont pas
gravement atteints, la même source [24] indique que 400 ouvrages environ sont
concernés par l’alcali-réaction, alors que, de son côté, Électricité de France dé-
nombre dans son parc de barrages en béton environ 30 % de barrage atteints.
Dès lors qu’on a constaté qu’un ouvrage est atteint par l’alcali-réaction, se pose
la question de déterminer le niveau de risque qu’il y a à garder la structure telle
quelle en service.
La réponse à cette question demande que :
– l’on évalue précisément l’état d’endommagement actuel ;

535
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

– l’on détermine le surcroît d’endommagement que l’on peut craindre et sa


vitesse d’apparition ;
– l’on détermine par le calcul la chute de capacité portante afin de savoir si la
sécurité des usagers sera toujours assurée ;
– l’on détermine la conduite à tenir : simple suivi, réparation ou démolition.
Depuis la première édition de ce livre, des stratégies de gestion des ouvrages at-
teints ont été définies : nous rappelons, en annexe, la stratégie ISE [DOR 89] et
citons la démarche du ministre hollandais des Transports [BAK 04]. De son côté,
le LCPC a édité un Guide technique pour la gestion des ouvrages atteints de réac-
tions de gonflement interne [24] qui a largement inspiré les paragraphes 2.7.1 et
2.7.2 : le logigramme décisionnel qui indique la marche à suivre est également re-
produit en annexe.
2.7.1. Évaluation des dégâts actuels
Plusieurs techniques peuvent être mises en œuvre : in situ tout d’abord, puis en
laboratoire sur des carottes prélevées dans l’ouvrage.
2.7.1.1. Suivi des déformations de l’ouvrage
Après avoir équipé l’ouvrage de bases de mesure, on suivra les déformations dans
le temps : la vitesse de déformation sera un paramètre nécessaire à la prévision du
comportement futur. Il est intéressant, à titre de référence, de faire également des
mesures dans les zones plus saines. Ces mesures se pratiquent avec des techniques
appropriées aux distances : distancemétrie par fil invar (1-20 m), distancemétrie
infrarouge (3-100 m), extensomètre et pied à coulisse de grande capacité (0-
1,5 m). La précision de mesure relative, rapportée à la base de mesure maxi pour
chaque instrument se situe entre 10–6 et 2.10–5.
2.7.1.2. Évaluation de la fissuration in situ
L’indice de fissuration (IF) ou cracking index, défini A D
en [24], « consiste à relever à l’aide d’un fissuromètre
ou d’une loupe, et de façon exhaustive, toutes les fis-
sures interceptant un repère constitué de 4 axes tracés
1m
dans une zone de un mètre carré sur la partie de pare-
ment à étudier… il est conseillé de mesurer la largeur
des fissures avec une précision de 0,05 mm… loupe
de grossissement × 10 ». C B
1m
L’indice de fissuration, IF, est la somme des ouver-
tures des fissures interceptées par les axes, rapportée à l’unité de longueur. Si la
fissuration est orientée, on prend la valeur obtenue sur l’axe perpendiculaire aux
fissures.

536
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

2.7.1.3. Mesures en laboratoire


D’une part, on dispose de toute une gamme d’essais, habituels dans les laboratoi-
res de matériaux, pour évaluer les performances mécaniques actuelles de carottes
prélevées dans la structure. On peut également, par microscopie, quantifier le ré-
seau de fissuration à fine échelle et préciser l’existence de produits réactionnels
caractéristiques (toutes les formes de gel). Leur détection peut être facilitée par
une pulvérisation préalable d’acétate d’uranyle : les gels rendus fluorescents sont
bien visibles en lumière ultraviolette. S’il existe une réticence à l’emploi de sels
d’uranium, on peut utiliser d’autres colorants [GUT 97].
D’autre part, il existe des tests spécifiques, dont la mise en œuvre se veut rapide
et aboutit à un calcul de coefficients caractérisant l’état de dégradation : trois
d’entre eux sont décrits ci-après.
Crack/index method [LIN 04], pratiqué sur une section plane, polie, de carotte.
Après imprégnation par une solution fluorescente on dénombre les fissures pour
préciser les trois critères suivants : (a) pourcentage de granulats > 4 mm fissurés;
(b) pourcentage de granulats dont les fissures continuent dans la pâte ; (c) nombre
de fissures dans la pâte, rapporté à une section de 100 cm2.
Damage Rating Index [GRA 95]. Cet indice est déterminé à partir du comptage
du nombre de défauts observés sur une surface plane, polie, de carotte, à un gros-
sissement × 16. On doit examiner un nombre de plages d’environ 1,5 × 1,5 cm,
tel que l’aire totale étudiée ≥ 180 cm². Le tableau 11.2 montre le calcul du damage
index, DI, rapporté à 100 cm².
Tableau 11.2 : mode de calcul du « damage index », DI, d’après [GRA 95].

Défaut observé Coefficient


Gros granulats avec fissures 0,25
Gros granulats avec fissures et gel 2
Gros granulats déchaussés 3
Auréoles de réaction autour des granulats 0,5
Pâte de ciment fissurée 2
Pâte de ciment avec fissures remplies de gel 4
Pores remplis de gel 0,5

Stiffness Damage Test [CHR 93]. Une carotte est soumise à 5 cycles de charge-
ment/déchargement entre 0 et 5,5 MPa. Les deux paramètres représentatifs du de-
gré d’endommagement sont (a) le module d’élasticité correspondant au premier
chargement, (b) l’énergie dissipée durant les quatre derniers cycles (on peut revoir
la figure 11.3).

537
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

2.7.2. Pronostic de l’évolution


Les causes de la pathologie ayant été identifiées et l’état de dégradation évalué, il
reste à établir un pronostic sur l’évolution de la réaction et sur les conséquences
qui en découleront, concernant l’état structurel de l’ouvrage.
Tout d’abord, on s’appuie sur les résultats des mesures de la fissuration et de la
déformation globale de l’ouvrage, complétées par des indications de la tempéra-
ture et de l’humidité interne. Ensuite, des carottes prélevées dans des zones carac-
téristiques sont soumises, en laboratoire, à un essai de gonflement accéléré. Ce
test indiquera s’il existe encore une capacité de gonflement résiduel à redouter
pour l’avenir.
En possession de ces renseignements, on peut alors se référer à un guide techni-
que, comme celui de l’ISE [DOR 89] qui, compte tenu du niveau d’expansion pré-
visible, de l’environnement, de la qualité de l’ouvrage et de sa fonction, définit la
conduite à tenir.
Une autre stratégie, plus sécuritaire, est envisageable : elle se base sur une modé-
lisation du phénomène d’expansion dû à l’alcali-réaction qui permet de recalculer
la résistance de l’ouvrage dans son état actuel de dégradation et, surtout, à son éta-
pe ultime d’évolution.
Selon la modélisation retenue, la séquence des opérations est variable. On peut
prendre, à titre d’exemple, la démarche proposée par le guide technique LCPC
[24] :
a) modélisation de l’évolution de l’expansion du béton avec le temps suivant une
courbe en S, telle que proposée par Larive [LAR 98] ;
b) calibrage de ce modèle pour le béton structurel à partir des mesures de suivi de
l’ouvrage ;
c) ce modèle calibré permet de calculer la résistance mécanique des éléments de
structure compte tenu de l’état d’avancement de l’alcali-réaction : à un instant
donné ce dernier varie d’une partie à l’autre et, en outre, une évolution se produira
avec le temps.
Les résultats de ce pronostic dicteront ainsi au gestionnaire la conduite à tenir
(voir le logigramme placé en annexe 4).
2.7.3. Traitements de protection et de réparation
Il n’existe pas, à l’heure actuelle, de traitement qui assure la réparation définiti-
ve d’un ouvrage atteint d’alcali-réaction : les procédés existants ne font que pro-
longer la durée de vie du service. Ces traitements interviennent à deux niveaux:
chimique et mécanique.

538
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

Au niveau chimique, partant du principe que le déroulement de l’alcali-réaction


exige simultanément {eau + alcalins + silice soluble}, on peut soit assécher le bé-
ton soit inhiber la réaction alcali-silice.
Au plan mécanique, on contrecarre l’effet des contraintes résultant de
l’expansion: on opère alors soit par libération de ces contraintes soit en s’y oppo-
sant par des renforcements variés.
2.7.3.1. Assèchement du béton
On dispose de plusieurs techniques pour réduire les venues d’eau dans le béton.
• Injection des fissures
Par injection d’un produit scellant, on peut obturer les fissures et réduire ainsi la
pénétration, à condition que ce produit soit suffisamment souple pour suivre
l’élargissement de la fissure avec le temps : on emploie souvent des résines
époxydiques. Ce genre de traitement n’a qu’une efficacité très réduite car il n’em-
pêche pas l’eau de pénétrer par les espaces interfissuraux et il ne freine pas le dé-
veloppement de la fissuration superficielle.
• Application de revêtements superficiels
Lorsqu’il s’agit d’une simple application de peinture, donc de faible épaisseur
(< 300 ou 400 µm), le film n’est pas totalement imperméable à l’eau et il est per-
méable à la vapeur d’eau : le résultat est donc médiocre.
Par contre, l’application d’un revêtement plus épais (quelques millimètres), géné-
ralement sous la forme d’une membrane en matière plastique, est une pratique qui
réduit considérablement la pénétration de l’eau dans le béton. L’efficacité du film
protecteur est évidemment abaissée lorsqu’il est déchiré, situation à envisager au
cours de son vieillissement. Cette technique a été fréquemment mise en œuvre et
a montré son aptitude à prolonger la durée de service des ouvrages.
• Imprégnation par des agents hydrophobes
Plusieurs expérimentations en laboratoire et des retours de mesures in situ mon-
treraient qu’on peut fortement diminuer l’humidité relative dans un béton et ra-
lentir le gonflement consécutif à l’alcali-réaction par imprégnation au moyen
d’une solution hydrophobe : produits essentiellement à base de silanes [JEN 04].
2.7.3.2. Imprégnation par des agents chimiques inhibiteurs
Nous avons vu précédemment (§ 2.3.3.2) que des sels de lithium pouvaient con-
trer les effets de l’alcali-réaction : LiNO3 est le plus sûr d’emploi. Néanmoins,
comme la pénétration du lithium dans le béton est faible (au mieux 5 cm), ce genre
de traitement présente essentiellement un intérêt pour des ouvrages tels que des
bétons de revêtement routier.

539
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Dès lors que le degré de fissuration du béton est le facteur essentiel qui commande
la profondeur de pénétration du lithium, il se pose la question suivante : à quel
moment faut-il traiter un ouvrage dont la fissuration progresse avec le temps?

trop bon trop


tôt moment tard

1 2

Âge
Figure 11.22 : schématisation des évolutions comparées de la dégradation (2)
et de la résistance à la pénétration de lithium (1), d’après [THO 04].
Si le traitement est appliqué trop tôt, il est inefficace car non pénétrant : trop tard implique que les dé-
gâts sont irréversibles donc incurables.

Thomas et Stokes résument la situation sur la figure 11.22 et suggèrent que l’op-
timum correspond à une expansion de l’ordre de 1.10–3.
2.7.3.3. Relâchement des contraintes
Un traitement propre aux barrages, consiste à relâcher les contraintes en réalisant
des saignées par sciage. Il a été appliqué, notamment, aux barrages de Beauhar-
nois et Mactaquac (au Canada), du Chambon (en France) : dans ce dernier cas,
trois campagnes de sciage (1995-1997) ont permis de réduire une contrainte de
compression parasite, évaluée à 5 MPa, en diminuant l’effet « voûte » exercé sur
les appuis et en redonnant à cet ouvrage son fonctionnement de barrage-poids
[DEL 00].
2.7.3.4. Renforcement par des armatures
Une structure endommagée par l’alcali-réaction peut être renforcée par la pose
d’armatures actives ou passives. Ces armatures constituent un réseau soit unidi-
rectionnel, soit bi ou tridirectionnel suivant l’effet recherché : une armature agit
en effet de façon anisotrope et ne s’oppose qu’au gonflement suivant sa direction.
Cette technique a été employée dans des ouvrages variés : appuis de pont [24], pi-
les du barrage du Temple-sur-Lot [DEL 00], massifs de fondation de pylônes de
lignes électriques [DUR 00]. Dans ces derniers cas, les massifs ont été épinglés
par des barres d’acier ∅ 25 mm et recouverts par une couche de nouveau béton ;
dans les deux ans suivant la réparation la vitesse moyenne d’expansion est passée

540
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

d’une valeur de 0,011 %/an (moyenne de 6 années précédant la réparation) à


0,002 % environ, soit cinq fois moins.
D’autres solutions innovantes de remplacement apparaissent : par exemple utili-
sation de plaques d’acier frettant l’élément endommagé [TOR 04], de feuilles de
polymères renforcés de fibres de carbone [WIG 04].
2.8. Ouvrage à construire : démarche préventive
Les dispositions prises pour la prévention dans les ouvrages en construction,
montrent leur efficacité puisque aucun nouveau cas n’a été signalé en France de-
puis 1991 [24].
2.8.1. Approche performantielle de la durabilité des bétons
et prévention de l’alcali-réaction
Dans les premières décennies ayant suivi la découverte de l’alcali-réaction ont été
édictées des mesures pour prévenir le phénomène : une des premières prescrip-
tions consistait à réduire le plus possibles le taux d’alcalins et ceci en préconisant
l’emploi de ciment low alkali. Par la suite, les recommandations qui sont apparues
comportaient un nombre croissant d’exigences dont certaines pouvaient se révéler
économiquement irréalistes : par exemple comment concilier une interdiction
d’emploi de granulats réactifs dans la fabrication de bétons et le fait qu’on soit
dans une région où toutes les roches sont potentiellement réactives ?
Actuellement, on assiste à une évolution des démarches mises en œuvre pour la
conception et la fabrication de bétons durables : on tend à s’éloigner d’une stra-
tégie où les moyens sont imposés pour tendre vers une approche performantielle
qui laisse une grande liberté de choix des formulations, c’est-à-dire des moyens,
et qui fixe des critères de performance à atteindre. Ces critères constituent des
indicateurs de durabilité du matériau.

Le document récent Conception des bétons pour une durée de vie donnée des
ouvrages, [19, p. 26] propose un déroulement d’une telle approche performantielle :
1) définition de la catégorie de l’ouvrage : fonction, durée de vie ;
2) définition des conditions environnementales ;
3) définition des risques de dégradation : par exemple alcali-réaction ;
4) choix des indicateurs de durabilité en fonction de 1, 2 et 3 ;
5) sélection des spécifications relatives à ces indicateurs de durabilité ;
6) formulation des bétons devant satisfaire à ces spécifications ;
7) qualification des formules par des essais en laboratoire ;
8) choix d’un modèle prédictif de durée de vie.

541
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Cette démarche prévue essentiellement pour la conception de l’ouvrage conduira


également, dès lors qu’un modèle prédictif a été calculé, à mieux expertiser
l’ouvrage en cas de dégradation, notamment pour prédire l’évolution de son en-
dommagement.
2.8.2. Démarche préventive du LCPC
Cette méthodologie proposée par le LCPC en 1994 [18] rentre parfaitement dans
le cadre performantiel qui vient d’être évoqué. En effet, elle :
1) définit la catégorie de l’ouvrage ;
2) définit les conditions environnementales ;
3) définit le risque de dégradation : alcali-réaction, et le niveau de prévention,
fonction de 1 et 2 ;
4) définit les indicateurs de durabilité (proposés par la normalisation
concernée);
5) définit les valeurs de ces indicateurs (proposées par la normalisation) ;
6) propose des critères d’acceptation, performantiels ou non, de formulation.
La seule différence avec un cheminement strictement performantiel réside dans
l’existence en 6 de critères d’acceptation d’une formule qui ne sont pas tous per-
formantiels.
2.8.2.1. Détermination du niveau de prévention
Ce niveau peut concerner soit la totalité, soit seulement une partie de l’ouvrage.
Sa détermination exige tout d’abord la définition de la catégorie de l’ouvrage (qui
dépend de sa destination). Trois catégories ont été distinguées :
– catégorie I. Ouvrages en béton de classe inférieure à B16, éléments non por-
teurs situés à l’intérieur de bâtiments, éléments aisément remplaçables, ouvrages
provisoires, la plupart des produits manufacturés en béton;
– catégorie II. La plupart des bâtiments et des ouvrages de génie civil;
– catégorie III. Bâtiments réacteurs des centrales nucléaires et réfrigérants, bar-
rages, tunnels, ponts ou viaducs exceptionnels, monuments ou bâtiments de pres-
tige.
La prise en compte des conditions d’environnement aboutit à la définition de :
classe d’exposition de l’ouvrage. Le classement tient compte des facteurs suscep-
tibles d’initier l’alcali-réaction : l’eau, l’humidité relative, l’apport d’alcalins (ta-
bleau 11.3).

542
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

Tableau 11.3 : classes d’exposition des ouvrages en béton


en fonction des conditions d’environnement, d’après [18].

Classes Types d’ouvrage ou de parties d’ouvrage

Classe 1 Intérieurs de bâtiments d’habitations ou de bureaux.


Environnement sec Ouvrages protégés contre les sources d’eau, les intempéries et les con-
ou peu humide densations, par une étanchéité régulièrement entretenue.
(hygrométrie Dallages sur terre-plein drainé.
inférieure à 80 %) Pièces d’épaisseur inférieure à 50 cm.

a) gel peu fréquent et peu intense


Intérieurs de bâtiments où l’humidité est élevée (laveries, réservoirs,
piscines…).
Parties extérieures exposées.
Classe 2
Parties en contact avec un sol non agressif et/ou de l’eau.
Environnement humide
b) avec gel
ou en contact avec l’eau
Parties extérieures exposées au gel.
Parties en contact avec un sol non agressif et/ou de l’eau et exposées
au gel.
Parties intérieures où l’humidité est élevée et exposées au gel.

Classe 3
Parties intérieures et extérieures exposées au gel et aux fondants
Environnement humide
salins.
avec gel et fondants

a) gel peu fréquent et peu intense


Éléments complètement ou partiellement immergés dans l’eau de mer
ou éclaboussés par celle-ci.
Classe 4 Éléments exposés à un air saturé en sel (zone côtière).
Environnement marin b) avec gel
Éléments complètement ou partiellement immergés dans l’eau de mer
ou éclaboussés par celle-ci et exposés au gel.
Éléments exposés à un air saturé en sel et au gel.

Le niveau de prévention est alors déterminable à partir de ces deux classements.


Il figure au tableau 11.4.
Tableau 11.4 : détermination du niveau de prévention, d’après [18].

Classe d’environnement
Catégorie d’ouvrage
1 2 3 4
I A A A A
II A B B B
III C C C C

Le niveau A, correspondant aux risques les plus faibles, ne demande pas de pré-
caution particulière pour contrer l’alcali-réaction : la mise en œuvre du béton doit
simplement respecter les règles de l’art pour bétons usuels.

543
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Le niveau B s’applique à la majorité des bâtiments et ouvrages de génie civil. Si


l’on dispose de granulats, dont la non-réactivité a déjà été établie, il suffit, là en-
core, de respecter les règles de l’art pour bétons usuels. Si ce n’est pas le cas, on
dispose de moyens d’action décrits à la section suivante.
Le niveau C correspond aux ouvrages exceptionnels pour lesquels on exclut toute
prise de risque. Donc emploi de granulats non réactifs : si l’approvisionnement en
est particulièrement difficile, un autre type de granulat ne sera utilisable qu’à la
condition expresse de vérification expérimentale de l’expansion de la formule de
béton proposée.
2.8.2.2. Choix d’une formulation, critères d’acceptation
La solution radicale face à l’alcali-réaction consisterait, certes, à utiliser exclusi-
vement des granulats non réactifs. Cependant, elle n’est pas toujours économi-
quement réalisable ou acceptable s’il faut, par exemple, faire venir de trop loin
ces granulats, en raison des coûts de transport. Nul ne saurait également contes-
ter l’importance économique et sociale des exploitations de granulats situées à
proximité immédiate des centres urbains. On n’a donc souvent pas d’autre choix
socio-économique (et ce le sera de plus en plus), que d’utiliser malgré tout des
granulats potentiellement réactifs, en prenant des précautions spécifiques.

La première étape consiste donc à savoir si un granulat est, ou non, potentielle-


ment réactif. Pour cela, il faut pratiquer un des essais prévus en 2.8.3.
L’emploi d’un granulat potentiellement réactif n’est pas toutefois un obstacle in-
surmontable dans la formulation d’un béton acceptable. Voici quelques cas de fi-
gure favorables :
– une étude régionale ou de bassin a démontré la bonne tenue d’ouvrages âgés
d’au moins 10 ans et utilisant la formule proposée (la difficulté consiste à prou-
ver que la composition du ciment n’a pas varié entre-temps) ;
– le fournisseur de béton peut prouver, sur la base d’études antérieures, l’adéqua-
tion de sa formule ;
– le critère analytique de la formulation est satisfaisant. La détermination de ce
critère demande de calculer, à partir de la composition chimique et du dosage de
chacun des constituants du béton, le taux d’alcalins actifs dans le béton. Ce taux
doit être inférieur à une valeur limite. Pour le calcul détaillé de ce taux, on se
reportera aux recommandations du LCPC [18].
Ceci étant, on dispose d’un auxiliaire de premier ordre pour neutraliser des gra-
nulats potentiellement réactifs : les additions minérales.
Elles peuvent contribuer à la prévention de l’alcali-réaction, sous certaines condi-
tions (déjà vues en 2.3.3). Elles peuvent être apportées dans le béton, soit par le

544
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

biais de ciments composés (CEM II, CEM III, CEM V), soit par introduction di-
recte dans le malaxeur à béton.
L’appréciation de leur efficacité dans la formulation proposée revient la plupart
du temps à déterminer la quantité à employer : elle se fait, soit par application
d’un critère analytique (démarche possible dans le cas de bétons dont le liant a une
composition de CEM II, CEM III, CEM V), soit par mesure d’expansion sur béton
(procédure recommandée, notamment pour les fumées de silice).
Tableau 11.5 : schéma méthodologique de prévention de l’alcali-réaction
pour un niveau de prévention donnée, d’après [18].

NIVEAU DE PRÉVENTION

A B C

Règles de l'art Formulation Emploi


pour béton usuels de béton spécifique de granulats non réactifs
ou étude expérimentale

Est-elle acceptable ?

L'étude La formulation La formulation La formulation La formulation


du dossier satisfait-elle satisfait-t-elle offre-t-elle prévoit-elle
des granulats à un critère à un critère des références des additions
montre-t-elle analytique de performance d'emploi minérales
que les granulats (bilan des (essais de suffisamment en proportions
sont non réactifs ? alcalins) ? gonflement) ? convaincantes ? suffisantes ?
OUI NON
À UNE À TOUTES
DES LES
QUESTIONS QUESTIONS

La formulation de béton La formulation de béton


est acceptée doit être modifiée

Une seule réponse positive aux cinq questions posées est nécessaire et suffisante
pour que la formulation soit satisfaisante.
Pour déborder du cadre français, on citera le projet d’édicter des spécifications in-
ternationales, confié à la Rilem. Cet organisme a publié un brouillon de ses pro-
positions [31] qui est reproduit en annexe 5. La démarche proposée s’apparente

545
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

beaucoup à celle du LCPC. Une légère différence apparaît dans la classification


des environnements : 3 au lieu de 4, ainsi que dans la formulation des précautions
à prendre (l’esprit est le même mais la forme diffère). Ce document propose quel-
ques indications quantitatives concernant :
– les taux d’alcalins admissibles dans les bétons, 3 à 3,5 kgNa2Oéq./m3 ou 2,5
selon que les granulats sont moyennement ou hautement réactifs ;
– le taux minimal (exprimé en % de la phase cimentaire totale) d’addition miné-
rale pour lutter efficacement contre les effets de l’alcali-réaction, 25 ou 40 % de
cendre volante, 40 ou 50 % de laitier, respectivement pour des granulats moyen-
nement ou hautement réactifs, 8 % de silice et 15 % de métakaolin.
Remarque. On gardera présent à l’esprit ce qui a été développé au para-
graphe 2.5.5, à savoir qu’une protection effective in situ peut réclamer un dosage en
addition minérale supérieur à celui qui est déterminé dans un test accéléré.

2.8.3. Tests, essais et prescriptions normatives


Une question importante pour le concepteur d’un ouvrage en béton est de savoir
sur quelles normes ou quels règlements il peut s’appuyer pour se prémunir contre
l’alcali-réaction.
Actuellement, il dispose des « Recommandations pour la préventions des désor-
dres dus à l’alcali-réaction » [18] qui sont reprises au paragraphe 5.2.3.4 « Résis-
tance à la réaction alcali-silice » dans la norme européenne NF EN 206-1 [32].
Par ailleurs, la Rilem propose un ensemble de spécifications pour minimiser les
risques d’endommagement des bétons par l’alcali-réaction [26, 27, 28, 29, 30].
Cet organisme propose comme moyen préventif l’addition de Li NO3 dans l’eau
de gâchage à des dosages supérieurs à 3,75 kg de solution 30 %/kg de Na2Oéq.
(granulats moyennement réactifs) ou 5,95 kg/kg Na2Oéq. (granulats hautement
réactifs).
Dans le cadre de la réglementation française actuelle la question de l’évaluation
de la réactivité des granulats est du ressort de la norme expérimentale XP P18-594
et du fascicule de documentation FD P18-542 ; la réactivité d’une formule de bé-
ton fait l’objet de la norme homologuée NF P18-454 et du fascicule de documen-
tation FD P18-546.
Avant de décrire le contenu de ces réglementations, il est intéressant de remarquer
qu’un double usage peut en être fait :
– en premier lieu, une lecture strictement réglementaire ;
– en second lieu, une exploitation dans une démarche performantielle : en effet
des test sont proposés et ils peuvent être pris comme des indicateurs de durabi-
lité, sachant que les fascicules de documentation fixent des seuils de sécurité,

546
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

chiffrés, pour ces indicateurs. En outre, les indications des tests peuvent traduire
la cinétique du phénomène de gonflement, et sont, de ce fait, utilisables dans les
modélisations prédictives mentionnées en 2.6.
2.8.3.1. Qualification des granulats vis-à-vis de l’alcali-réaction
Face aux alcalins dans un béton, un granulat peut manifester trois types de com-
portement, définis en ces termes par le fascicule FD P18-542 (ainsi que XP P18-
540) :
– granulats NR. Quelles que soient les conditions d’utilisation, ces granulats sont
non réactifs et ne conduiront pas à des désordres par alcali-réaction ;
– granulats PR. Dans certaines conditions, ces granulats sont potentiellement
réactifs et donc susceptibles de conduire à des désordres par alcali-réaction ;
– granulats PRP. Ces granulats sont potentiellement réactifs avec effet de pessi-
mum. Bien que riches en silice réactive, ils n’entraîneront pas de désordre si on
les utilise en tenant compte des conditions du document [18].
Il existe plusieurs groupes de méthodes pour classifier un granulat :
– méthodes pétrographiques couplant diagnose macroscopique, examen de
lames minces, analyse chimique ;
– essai de cinétique chimique, dans lequel on mesure l’évolution des concentra-
tions en SiO2 et Na2O d’une solution alcaline renfermant le granulat à tester ;
– essai de stabilité dimensionnelle. On mesure les variations dimensionnelles de
mortiers ou bétons renfermant les granulats à tester, conservés suivant des condi-
tions et des âges variables suivant l’essai.
Toute qualification de granulat doit obligatoirement débuter par son
identification : composition chimique, constitution minéralogique quantitative.
Dans certains cas, la classification du matériau est possible au terme de cette pre-
mière étape. Sinon, elle demande des essais supplémentaires à pratiquer suivant
le cheminement illustré par la figure 11.23 tirée du fascicule FD P18-542.

547
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

IDENTIFICATION

Roches OUI
carbonatées avec
SiO2 < 4 %

ÉTUDE PÉTROGRAPHIQUE

Espèces OUI
minérales réactives
<4%

OUI NON*
Silex > 70 %

PR

NR
ESSAI CRIBLE

Qualification

PRP
ESSAI À LONG TERME
PR

OUI
Expansion > Seuil

OUI NON
40 % < silex < 70 %

* Si la qualification PR est jugée satisfaisante, la démarche peut être arrêtée.

Figure 11.23 : conduite de qualification d’un granulat vis-à-vis de l’alcali-réaction,


d’après [14].

Plusieurs essais sont envisageables, qui n’ont pas la même valeur ni la même du-
rée. C’est ainsi qu’un essai crible est un essai fortement accéléré qui, en moins

548
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

d’une semaine, classifie un granulat NR, PR ou PRP, mais avec un certain degré
d’incertitude.
En cela, il diffère d’un essai à long terme, qui étant moins accéléré, se rapproche
plus des conditions réelles des ouvrages et qui, de ce fait en cas de désaccord avec
la qualification d’un essai crible, emporte la décision. Enfin dans les essais crible,
il existe un essai de référence, dont l’emploi doit être privilégié, à côté d’essais
alternatifs.
ˆ Essai accéléré à l’autoclave, sur mortier - Norme XP P18-594
C’est l’essai crible de référence. Il mesure les variations dimensionnelles d’éprou-
vettes 4 × 4 × 16 cm de mortiers, gâchés avec une eau renfermant NaOH pour ob-
tenir une teneur en Na2Oéq. égale à 4 % de la masse de ciment, et autoclavés
durant 5 h à 127 °C et 0,15 MPa.
La durée totale de l’essai est de 5 jours ; il permet l’étude de sables, de gravillons
(préalablement amenés par broyage à une granulométrie 0-5mm) ou de mélanges.
On confectionnera un seul ou trois mélanges de rapports ciment/granulat égaux à
0,5-1,25 et 2,5 (selon les résultats de l’analyse pétrographiques préalable).
Le critère de non-réactivité est une expansion moyenne inférieure à 0,15 %.
ˆ Essai long terme - Norme XP P18-594
C’est un essai de référence, sur béton. Il mesure les variations dimensionnelles
d’éprouvettes 7 × 7 × 28 cm de bétons, fabriqués avec une classe granulaire à tes-
ter couplée à une classe de granulat non réactive (soit sable à tester + gravillon
NR soit sable NR + gravillon à tester) ; le ciment CEM I, qui doit avoir une teneur
en Na2Oéq. comprise entre 0,6 et 1 %, est dosé à 410 kg/m3. Les éprouvettes sont
conservées dans des conteneurs placés dans un réacteur à 38 °C et 100 % HR. El-
les sont pesées et mesurées aux échéances de : 0, 1, 2, 3, 6 et 8 mois.
Le critère de non-réactivité est un allongement relatif moyen inférieur à 0,04 % à
8 mois.
ˆ Essais crible alternatif : essai accéléré « Microbar » - Norme XP P18-594
Cet essai mesure l’expansion d’éprouvettes 10 × 10 × 40 mm de mortiers confec-
tionnés avec le granulat amené à l’état de sable 0,16-0,63 mm, un ciment CEM I
renfermant de 0,6 à 1 % de Na2Oéq. Ce mortier est dopé en alcalins, par un ajout
de NaOH tel que la teneur en Na2Oéq. atteigne 1,5 % de la masse de ciment. Trois
mélanges sont préparés aux rapports ciment/granulat égaux à 2, 5 et 10. Après dé-
moulage, les éprouvettes subissent une cure à la vapeur d’eau durant 4 heures,
puis sont placées durant 6 heures dans une solution de KOH à 10 % à une tempé-
rature de 150 °C. Au terme de ce traitement, les éprouvettes sont mesurées :

549
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

– si au moins un rapport C/G entraîne une expansion supérieure à 0,11 %, le gra-


nulat est qualifié PR ;
– si l’expansion correspondant à la formulation C/G = 5 dépasse de plus de 10 %
celle qui correspond à C/G = 2, le granulat est qualifié PRP ;
– si l’allongement, quelle que soit la formulation, est inférieur à 0,11 %, le gra-
nulat est qualifié NR.
ˆ Autre essai crible alternatif : essai cinétique chimique -
Norme XP P18-594
Cet essai ne mesure pas de variation dimensionnelle. Il constitue une alternative
à l’essai crible de référence, mais sa vocation première est d’aider à la compré-
hension des mécanismes de dissolution de la silice réactive en milieu alcalin. Le
granulat à tester est broyé, puis la fraction 0-0,315 mm est placée dans une solu-
tion 1 N de soude à 80 °C : aux trois échéances de 24h, 48 h et 72 h, on mesure
les concentrations en silice et en soude des filtrats.
L’essai ne doit pas s’appliquer à des granulats renfermant plus de 5 % de Al2O3.
Si la teneur de l’échantillon en CaCO3 dépasse 15 %, on doit le décarbonater
avant l’essai.
La qualification du granulat dépend de la position des trois rapports SiO2/Na2O
dans le diagramme représenté sur la figure 11. 24 tirée du fascicule FP P18-542.

2,0
SiO2/Na2O (μmol/l)

1,5 PRP

1,0 PR

0,5

NR
0,0
0 24 48 72 96
Temps (heures)
Figure 11.24 : qualification des granulats suivant les valeurs du rapport SiO2/Na2O
déterminées par l’essai cinétique chimique XP18-594, d’après [14].

2.8.3.2. Qualification d’une formule de béton vis-à-vis de l’alcali-réaction :


norme NF P18-454 et fascicule de documentation FD P18-546
La réactivité de la formule de béton à tester est déduite des résultats d’un essai de
gonflement de trois éprouvettes 7 × 7 × 28,2 cm de béton, conservées dans un
réacteur maintenu à 60 °C et 100 % HR. Ce béton est confectionné avec les ingré-

550
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

dients et les dosages de la formulation prévus pour le béton d’ouvrage, avec deux
petites modifications éventuelles : les gravillons sont limités à 22,4 mm 1 et la te-
neur en alcalins pourra être légèrement augmentée, pour tenir compte de la varia-
bilité des teneurs en alcalins dans les différents lots de ciments (suivant des
formules citées dans la norme). Les mesures dimensionnelles et les pesées se font
aux échéances de 0, 4, 8, 10, 12 semaines, puis toutes les 4 semaines.
La durée de l’essai et les critères d’interprétation varient suivant la nature des gra-
nulats, la présence ou non d’additions minérales et le type de ciment. Ces critères
sont indiqués au titre 3 du fascicule FD P 18-456.
• 1er cas : bétons avec ciment CEM I et sans addition minérale
a) Les granulats sont soit des roches massives (calcaires, grès, quartzites) soit des
roches meubles (alluvions calcaires ou silico-calcaires, silex, chailles, cherts) :
l’expansion longitudinale moyenne doit être inférieure à 0,02 % à 3 mois et aucu-
ne valeur ne doit dépasser 0,025 %.
b) Autres granulats ou granulats mal identifiés : même seuil critique de 0,02 %
mais à 5 mois.
• 2e cas : autres formules de béton
a) Le gonflement est défini à la fois par sa valeur à 5 mois et par la pente de la
courbe. Les deux prescriptions suivantes doivent être respectées simultanément:
1. l’expansion longitudinale moyenne est inférieure à 0,02 % et aucune valeur
ne dépasse 0,025 % ;
2. les évolutions mensuelles des déformations longitudinales moyennes mesu-
rées au cours des 3e, 4e et 5e mois respectent les conditions suivantes :
– deux de ces trois valeurs sont inférieures à 0,0025 %,
– la somme de ces trois valeurs est inférieure à 0,01 %.
b) Une formulation qui ne respecterait pas ces critères à 5 mois peut être néan-
moins acceptée si la déformation longitudinale moyenne à 1 an est inférieure à
0,03 %, aucune valeur ne devant dépasser 0,035 %.
2.9. Conclusion
Trois conditions sont absolument nécessaires pour que l’alcali-réaction génère de
la microfissuration et de l’expansion dans un ouvrage en béton :
– le granulat est réactif ;
– la concentration en alcalins est élevée dans la solution interstitielle ;
– les conditions d’humidité relative excèdent 80-85 %.

1. Si D > 22,4 mm, on peut concasser la fraction > 22,4 mm et l’inclure dans le granulat.

551
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Si une seule de ces conditions n’est pas satisfaite, il ne sert alors à rien de s’alar-
mer.
L’analyse des données de l’observation des ouvrages et des expériences de labo-
ratoire associées à un examen des normes et règlements préexistants ont conduit
la France, comme d’autres pays, à se doter d’un ensemble cohérent de prescrip-
tions (allant des recommandations aux normes d’essai) qui permet de formuler
des bétons conciliant au mieux la durabilité et l’économie.
S’agissant d’un ouvrage à construire le concepteur est confronté à trois situations :
– pas de précaution autre que celle de suivre les règles de l’art pour les ouvrages
en environnement sec, les bétons de classe inférieure à B16, les ouvrages provi-
soires, les produits en béton manufacturé…
– nécessité d’employer des granulats non réactifs pour les ouvrages exception-
nels (centrales nucléaires, certains ouvrages d’art, monuments), sauf exception
justifiée par une étude expérimentale approfondie ;
– pour la majorité des bâtiments et des ouvrages de génie civil, et si l’on ne dis-
pose pas de granulats non réactifs, il existe des règles et des méthodes qui per-
mettent de composer les bétons pour éviter tout désordre.
S’agissant d’un ouvrage en service atteint par l’alcali-réaction le gestionnaire
d’un ouvrage en service atteint par l’alcali-réaction ne dispose pas à l’heure ac-
tuelle de méthode qui aboutisse à la suppression définitive du phénomène et de
ses effets. Il existe par contre des traitements qui permettent de prolonger la durée
de service de la structure malade. Ces traitements sont à choisir en fonction du
diagnostic des causes des désordres existants et du pronostic de l’évolution de
l’ouvrage, pronostic devenu fiable dans la décennie écoulée, grâce aux apports
couplés de la modélisation et du calcul numérique.
Ce n’est que rarement que l’on est contraint de démolir l’ouvrage.

3. FORMATION DIFFÉRÉE D’ETTRINGITE


3.1. Spécificité de l’ettringite de formation différée
Suivant les définitions adoptées par le groupe de travail AFGC-RGCU « Gran-
deurs associées à la durabilité du béton » [AFG 07a], on peut distinguer trois for-
mes principales d’ettringite.
La première forme correspond à l’ettringite de formation primaire qui résulte de
la réaction de l’aluminate tricalcique C3A avec le régulateur de prise au cours de
la prise du béton (gypse, hémihydrate, anhydrite) et qui est un produit normal de
l’hydratation des ciments.

552
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

La deuxième forme correspond à l’ettringite de formation secondaire résultant


soit de l’action directe de sulfates externes et pouvant générer de l’expansion, soit
de la dissolution et recristallisation d’ettringite primaire ou d’autres formes pré-
existantes. Il s’agit, dans ce dernier cas, d’ettringite pouvant accompagner des
phénomènes d’expansion, mais n’en étant pas à l’origine.
La troisième forme correspond à l’ettringite de formation différée : cette forme
d’ettringite dont les conditions de formation sont très spécifiques, doit être dis-
tinguée des deux précédentes.

Il s’agit d’une réaction sulfatique d’origine interne qui peut se produire dans le
béton durci, sans apport de sulfates extérieurs. Elle est consécutive à une élévation
initiale de température du béton supérieure à 65 °C environ, due soit à un traite-
ment thermique inadapté à la composition du béton (préfabrication), soit à l’exo-
thermie naturelle du matériau. Cette forme d’attaque sulfatique, dont les
conséquences ne se manifestent souvent qu’après plusieurs années lorsque le bé-
ton est soumis à un environnement humide, peut provoquer le gonflement et la fis-
suration du matériau.
Différents cas d’ouvrages dégradés par formation différée d’ettringite sont signa-
lés dans la littérature. Les premiers travaux sur le sujet sont ceux de Ghorab,
Heinz et Ludwig [GHO 81, HEI 86, HEI 89], confirmés par la suite par ceux de
Lawrence [LAW 95], Scrivener [SCR 93] et Johansen [JOH 93] qui ont montré
que l’ettringite primaire formée au cours de l’hydratation du ciment était détruite
par traitement thermique aux températures supérieures à 70 °C, et qu’à ces tem-
pératures sa formation était inhibée. Les cas de dégradation les plus connus sont
ceux de traverses de chemin de fer traitées par étuvage [SCRI 96]. En France, le
Laboratoire des ponts et chaussées a recensé assez récemment quelques ponts,
dont certains éléments (piles, chevêtres) étaient affectés par une réaction sulfati-
que interne [DIV 03, LCPC 07b].
Bien que les cas recensés restent rares, le risque de formation différée d’ettrin-
gite doit être pris en compte chaque fois que le béton subit une élévation de tem-
pérature supérieure à 65 °C et qu’il est placé en environnement saturé
d’humidité. Mais l’élévation de température n’est pas la seule cause de déclen-
chement du phénomène et les autres paramètres tenant au cycle thermique, à la
composition du ciment, à la formulation du béton et à l’environnement, sont à
prendre en considération. Les mesures permettant de limiter les risques de dé-
gradation par formation différée d’ettringite sont examinées au paragraphe 3.7.

553
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

3.2. Manifestation des désordres dus à la formation différée d’ettringite


À l’échelle de l’ouvrage, la formation différée d’ettringite dans les ouvrages se
manifeste par le développement d’un réseau de fissures multidirectionnelles, gé-
néralement localisé dans les parties massives de l’ouvrage situées dans des zones
d’humidité élevée. L’ouverture des fissures peut aller de quelques dixièmes de
millimètres à quelques millimètres. La figure 11.25 due à Divet et al. [DIV 03]
fournit l’exemple d’une pile de pont en contact avec l’eau, dégradée par formation
différée d’ettringite. Le type de fissuration présente une certaine analogie avec la
fissuration due à l’alcali-réaction avec laquelle elle ne doit pas être confondue. La
connaissance des données relatives à la formulation du béton, à l’historique de
l’ouvrage, ainsi que la mise en œuvre de méthodes appropriées d’analyse physico-
chimique (chimie, minéralogie) permettent d’assurer un diagnostic fiable. Néan-
moins, la possibilité de l’existence simultanée des deux types de réaction ne doit
pas être écartée (cf. § 4 plus loin).

Figure 11.25 : réseau de fissures dans une pile de pont en contact avec l’eau,
endommagée par formation différée d’ettringite (photo LCPC extraite de [DIV 03]).
Les désordres qui se manifestent par un réseau de fissures de maille pluridécimétrique, ne sont ap-
parus qu’au bout de 10 ans. Ils sont localisés dans les parties massives de l’ouvrage où des tempé-
ratures de l’ordre de 80 °C ont pu être atteintes. Le béton est en contact direct avec l’eau
indispensable à la formation différée d’ettringite.

À l’échelle microscopique la formation différée d’ettringite se traduit essentielle-


ment par :
– un enrichissement de la pâte de ciment en aluminium et en soufre mis en évi-
dence par analyse élémentaire au spectrométre X à dispersion d’énergie (EDS)
associée à la microscopie électronique à balayage (cf. figure 11.33a et 11.33b au
§ 3.5). Ces éléments, piégés par les C-S-H, proviennent de la décomposition de
l’ettringite, ou correspondent à la formation de nanocristaux de monosulfoalumi-
nate stables aux températures supérieures à 80 °C [SCRI 93, SCRI 97, TAY 01];

554
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

– la précipitation d’ettringite d’aspect massif, mal cristallisée, dans de petites


cavités de 5 à 25 µm de dimension moyenne, nommées grains de Hadley
[HAD 00] et provenant de la dissolution de grains de ciment (C3S et C2S) aux
premiers stades de l’hydratation. Ces cavités, particulièrement fréquentes dans
les produits étuvés, sont illustrées par la figure 11.26. Elles résulteraient d’un
décollement du noyau anhydre de son auréole de C-S-H selon un mécanisme non
complètement élucidé (précipitation d’ettringite primaire ou formation d’un gel à
l’interface anhydre-hydrate). Le noyau anhydre se dissout ensuite, et des C-S-H
précipitent à l’extérieur des limites fixées par la géométrie du grain initial, lais-
sant à la fin du processus, une coquille vide ou contenant des éléments anhydres
(C4AF en particulier) ou hydratés (aluminates). La paroi de la coquille est cons-
tituée de C-S-H beaucoup plus denses que les C-S-H externes. Selon les travaux
récents de Brunetaud [BRU 06], c’est dans les grains de Hadley que se manifes-
tent les premiers signes de la formation différée d’ettringite. Cette ettringite,
comprimée et mal cristallisée, se présente sous forme d’inclusions illustrées par
la figure 11.27.
– la présence d’ettringite secondaire sous forme de veines issues d’une recristal-
lisation dans les fissures ou sous forme de dépôts remplissant plus ou moins les
vides autour des granulats déchaussés sous l’effet du gonflement homogène de la
pâte de ciment. La recristallisation dans les fissures conduit à un aspect très par-
ticulier où les cristaux apparaissent souvent disposés parallèlement les uns par
rapport aux autres et orientés perpendiculairement aux lèvres des fissures. Cet
aspect, dit « palissadique », suivant le vocabulaire des pétrographes, semble être
assez caractéristique de la formation différée d’ettringite. Il est illustré par les
figures 11.28 et 11.29. Cette ettringite secondaire, ne provoque pas a priori de
gonflement ; elle n’est pas, en tout cas, la source première du gonflement.

555
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Figure 11.26 : grains de Hadley (H) Figure 11.27 : grains de Hadley comblés
dans un béton de ciment Portland. par l’ettringite (E) Section polie vue au
Fractographie au MEB [HOR 96]. MEB en électrons rétrodiffusés [BRU 05].
La forme primitive des grains de ciment est con- L’ettringite transitoire formée dans la porosité
servée. Les vacuoles sont vides ou contiennent fine des C-S-H recristallise dans les vacuoles
des monosulfoaluminates de calcium hydratés correspondant aux grains de Hadley sous for-
(M) et peuvent contenir également des résidus mes de « pelotes » massives, mal cristallisées.
anhydres (non visibles sur la photographie). Les Sur la photographie sont visibles également :
C-S-H constitutifs de la coquille résiduelle sont les grains de C3S en cours d’hydratation (C)
denses. La cristallisation au refroidissement de avec leur auréole de C-S-H ainsi que les pha-
nanocristaux d’ettringite y développe des pres- ses aluminates et aluminoferrites de calcium
sions très élevées. C3A et C4AF mélangées (F).

Figure 11.28 : veines d’ettringite secon- Figure 11.29 : veine d’ettringite secon-
daire « palissadique »(E). P = pâte de daire (E) dans une canalisation d’amiante
ciment ; G = granulat. Section polie. MEB. étuvée. Fractographie au MEB
Électrons secondaires (photo LERM). (photo LERM).
L’ettringite a recristallisé librement au cours du temps dans les fissures et au contact de granulats
déchaussés à partir de l’ettringite microcristalline expansive formée dans les C-S-H. La disposition
en cristaux plus ou moins parallèles, orientés perpendiculairement aux lèvres de la fissure, est fré-
quemment observée dans les cas de formation différée d’ettringite. Cette ettringite secondaire ne
provoque pas d’expansion.

556
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

En tout état de cause, l’identification d’une réaction de formation d’ettringite dif-


férée dans un béton reste délicate, et les seuls aspects microscopiques ne peuvent
suffire à établir un diagnostic fiable. La prise en compte de tous les paramètres
relatifs à l’ouvrage, à la formulation du béton et à son histoire thermique, à la
composition chimique et minéralogique du ciment, à l’environnement, est indis-
pensable. Différents documents, auxquels on pourra se reporter, proposent des
méthodologies générales d’approche des problèmes d’attaques sulfatiques
[AFP 97, AFG 07, LCP 06].
3.3. Les paramètres déterminants de la formation différée d’ettringite
dans les bétons
La formation différée d’ettringite ne peut avoir lieu que sous certaines conditions
spécifiques. Elle nécessite la réunion d’un grand nombre de paramètres, ce qui ex-
plique que les cas rencontrés restent assez rares. Les paramètres déterminants sont
les suivants [DIV 00, DIV 03] :
– paramètres liés à l’échauffement du béton (température et durée de l’échauffe-
ment) ;
– paramètres liés à la composition chimique du béton et du ciment ;
– paramètres liés à la formulation du béton ;
– paramètres liés à l’environnement de l’ouvrage.
3.3.1. Paramètres liés à l’échauffement du béton (température et durée)
Il est maintenant admis que la première des conditions nécessaires pour qu’un bé-
ton développe une expansion liée à la formation différée d’ettringite, est que ce-
lui-ci ait été porté à une température supérieure à 65 °C au cours de son
hydratation, température au-delà de laquelle la stabilité de l’ettringite n’est plus
assurée (cf. § 3.4.1.1) [ODL 95, FU 96, FAM 99, LAW 99, YAN 99]. Aucun cas
de formation différée d’ettringite n’a été jusqu’à présent observé ni en laboratoire,
ni sur ouvrage, dans des bétons hydratés à température ordinaire.
La durée du palier couplée à la température maximale est aussi un paramètre im-
portant. Les différents travaux de Famy [FAM 99], de Pavoine [PAV 03] et de
Brunetaud [BRU 05] ont révélé un effet pessimum du couple température/durée
de palier : pour une formule de béton donnée, le risque d’expansion diminuerait,
voire deviendrait nul, lorsque la durée de palier est très courte (cas des traitements
thermiques réalisés en préfabrication) ou très longue à température élevée (cf.
§ 3.4.1).
En ce qui concerne la température, il faut également prendre en compte :
– la durée d’attente entre la mise en œuvre du béton frais et le début de la montée
en température. L’effet de la température peut ne pas être le même suivant le

557
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

degré d’avancement des réactions d’hydratation ainsi que suivant le degré de


structuration et la composition de la pâte de ciment (quantités de C-S-H, ettrin-
gite primaire, monosulfoaluminate…) ;
– la vitesse de montée en température qui ne doit pas être trop rapide (cf. § 3.7);
– la température maximale atteinte : une température de cure plus élevée aug-
mente les expansions finales ;
– les gradients thermiques qui, s’ils sont trop importants, risquent de provoquer
la microfissuration du béton et accroître sa perméabilité.
3.3.2. Paramètres liés à la composition chimique du béton et du ciment
Bien qu’il soit encore difficile de définir des seuils de concentration pour les dif-
férents composants chimiques intervenant dans le développement d’une réaction
de formation différée d’ettringite, il est bien admis que la composition chimique
et minéralogique joue un rôle important. Il est possible de définir a priori trois
facteurs parmi les plus influents : la teneur en alcalins équivalents du béton, la te-
neur en sulfates et la teneur en alumine (C3A) du ciment, sans écarter pour autant
les autres facteurs tels que la teneur en C3S du ciment en particulier, qui détermine
la teneur potentielle en Ca(OH)2 ainsi que la composition et la quantité de C-S-H
dont on verra l’importance dans le mécanisme de formation différée d’ettringite
(cf. § 3.5).
• La teneur en alcalins du béton. Les alcalins du béton peuvent provenir de dif-
férentes sources qui sont essentiellement : le ciment, les additions minérales, les
adjuvants et, éventuellement, les granulats s’ils contiennent des feldspaths alca-
lins.
La teneur en alcalins, combinée à l’effet de la température, qui reste le facteur de
premier ordre de la réaction de formation différée d’ettringite, a une influence im-
portante sur la stabilité de l’ettringite, comme cela sera montré au para-
graphe 3.4.1.2 : les teneurs élevées favorisent le passage en solution du minéral et
l’enrichissement en SO3 de la solution interstitielle du béton. Les alcalins dans le
clinker de ciment Portland peuvent être présents, d’une part, sous forme de sulfa-
tes alcalins (langbeinite Ca2K2(SO4)3, arcanite K2SO4 ou aphtitalite
K3Na(SO4)2), d’autre part, sous forme de solutions solides dans le réseau des si-
licates et aluminates de calcium : principalement dans C3A pour K2O et Na2O,
principalement dans les silicates C3S et C2S pour SO3. Les premiers, localisés
dans la porosité du clinker sont rapidement mobilisables ; le passage en solution
des seconds dépend de l’avancement des réactions d’hydratation.
• La teneur en SO3 du ciment, par ailleurs limitée par la norme NF EN197-1 à
3,5 % et 4 % selon le type de ciment, est un paramètre important de la formation

558
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

différée d’ettringite. Les sulfates peuvent provenir du clinker lui-même mais sur-
tout des régulateurs de prise ajoutés au ciment (gypse, hémihydrate ou anhy-
drite). Les solubilités de toutes ces formes de sulfate sont différentes : les
sulfates alcalins sont plus rapidement mis en solution que le gypse et l’anhydrite;
les sulfates contenus en solutions solides dans les minéraux du clinker C3S et
C2S sont libérés plus lentement au cours de l’hydratation du ciment [TAY 98].
Bien que non évaluée aujourd’hui, une influence possible de ces différences de
solubilité sur le processus de formation différée d’ettringite, ne peut être écartée
a priori.
• La teneur en Al2O3 du ciment est souvent associée à la teneur en SO3 sous la
forme du rapport SO3/Al2O3. Certains auteurs [DAY 92] ont constaté que, dans
certaines conditions de traitement thermique et de conservation, des ciments
ayant un rapport SO3/Al2O3 > 0,7 pouvaient conduire à la formation différée
d’ettringite. D’autres auteurs [HEI 89] qualifient l’aptitude au gonflement par
formation différée d’ettringite à l’aide du rapport (SO3)2/Al2O3 où l’alumine est
celle qui est contenue dans C3A. Ils proposent pour ce rapport une valeur sécuri-
taire de 2 en dessous de laquelle il n’y aurait pas de gonflement. Au-delà de cette
valeur les gonflements augmenteraient fortement pour diminuer ensuite lorsque
le rapport atteindrait des valeurs très élevées. Il reste toutefois difficile de définir
un seuil critique fiable pour ces deux rapports, et on n’observe pas de véritable
corrélation entre la valeur de ces rapports et les gonflements comme l’ont montré
les travaux de Odler et al. [ODL 95]. La raison en est que l’alumine dans les
ciments anhydres ou hydratés peut être combinée de différentes manières. La
quantité disponible pour la formation d’ettringite peut être variable d’un ciment à
l’autre en fonction de sa composition chimique et minéralogique. Par exemple, la
formation différée d’ettringite est insignifiante avec les ciments PM ES à haute
résistance aux sulfates, mais elle peut se produire avec des ciments dont la teneur
est aussi basse que 7 % (cf. tableau 11.7). Tout au plus, peut-on constater que les
gonflements peuvent être plus élevés quand les teneurs en sulfates et en C3A
augmentent.
Comme on le voit, les paramètres liés à la composition chimique du béton et du
ciment sont nombreux et interactifs. Il n’est pas possible de les considérer sépa-
rément sachant que leur influence dépend également des autres paramètres liés
au cycle thermique subi par le béton, à la formulation de ce dernier ainsi qu’à
son environnement.
3.3.3. Paramètres liés à la formulation du béton
Le dosage en ciment intervient sur trois facteurs :
– l’exothermie du béton qui détermine la température atteinte par le matériau, les
forts dosages, pour un ciment donné, induisant les échauffements les plus élevés.

559
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

On verra au paragraphe 3.4.1.1 que la température peut atteindre près de 80 °C


au cœur des pièces massives et donc favoriser la formation différée d’ettringite
(cf. figure 11.31) ;
– la concentration en alcalins dans la solution interstitielle. Les dosages élevés
peuvent induire un accroissement de leur concentration et, corrélativement,
modifier les conditions de stabilité de l’ettringite ;
– la compacité du béton. Un dosage élevé en ciment conduit généralement à un
accroissement de compacité et, par conséquent, à une diminution des transferts
au sein du matériau. Toutefois suivant le mécanisme de gonflement proposé par
Taylor et al. [TAY 01] la densification de la microstructure de la pâte de ciment,
serait susceptible de favoriser son expansion (cf. § 3.5).
La classe de résistance du ciment : pour un même dosage, un ciment de classe
52,5 induira une plus forte exothermie qu’un ciment de classe 42,5 ou 32,5.
Le rapport eau/ciment (E/C) du béton (généralement lié au dosage en ciment) in-
tervient également sur la composition de la phase liquide interstitielle et sur les
propriétés de transfert : une diminution de ce rapport conduit à un accroissement
des concentrations ioniques de la solution et à un abaissement de la perméabilité
et de la diffusivité du matériau, propriétés régissant les échanges ioniques et les
transferts d’humidité nécessaires à la formation différée d’ettringite. Mais ici en-
core, la densification de la pâte de ciment durcie apportée par la diminution du
rapport E/C pourrait favoriser le gonflement, toutes choses égales par ailleurs.
La nature minéralogique des granulats : l’expérience tend à montrer que les ef-
fets de l’ettringite de formation différée sont plus marqués avec les granulats sili-
ceux (silex par exemple) qu’avec les granulats issus de roches calcaires [BRU 05,
KEL 04]. La différence de comportement est due à la liaison pâte/granulats sou-
vent plus faible avec les granulats siliceux. Les forces d’expansion générées dans
la pâte de ciment durcie par la reprécipitation des microcristaux d’ettringite lors
du refroidissement du béton, entraînent plus facilement le déchaussement de ce
type de granulats. C’est dans les vides laissés autour des granulats que viendra
précipiter l’ettringite secondaire, a priori non expansive, résultant du phénomène
de dissolution/reprécipitation de l’ettringite de formation différée à l’origine de
l’expansion. Il est possible également que, dans le cas de granulats calcaires, la
stabilité de l’ettringite puisse être modifiée par la présence des ions CO32- prove-
nant des fines particules de carbonate de calcium dont on sait qu’ils peuvent inte-
ragir avec les sulfates lors de la réaction avec le C3A ainsi qu’avec les phases AFt
et AFm [MOR 82, TAY 98].

560
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

3.3.4. Paramètres liés à l’environnement


La température à laquelle est mis en œuvre le béton frais, influe sur la cinétique
d’hydratation du ciment, sur les échanges thermiques entre le matériau et le mi-
lieu extérieur et, par conséquent sur la température maximale au cœur du béton.
L’humidité relative est un facteur déterminant. La présence d’eau qui assure les
transports ioniques et les échanges au sein du béton est indispensable à la forma-
tion différée d’ettringite. Les dégradations observées sur les ouvrages sont sys-
tématiquement en relation avec des apports d’eau extérieurs : humidité très
élevée, venues d’eau, zones de marnage, stagnation d’eau…

3.3.5. Interdépendance des différents paramètres


La revue, ci-dessus, des paramètres de la réaction de formation différée d’ettrin-
gite, montre que ceux-ci sont nombreux et interdépendants. Les travaux de thèse
de Brunetaud [BRU 05] qui font appel à la méthode des plans d’expérience,
avaient pour objectif de quantifier l’importance de chacun de ces paramètres
(température, durée de l’échauffement, SO3, alcalins, finesse Blaine, rapport E/C,
nature des granulats) ainsi que leurs interactions. Les principales conclusions de
ces travaux sont les suivantes :
– tous les effets séparés de chacun des paramètres sont significatifs, mais les
interactions entre paramètres peuvent être supérieures à l’effet séparé d’un para-
mètre ;
– ainsi l’interaction entre les paramètres « durée d’échauffement » et « tempéra-
ture », est plus forte que les effets, néanmoins très importants, de chacun de ces
deux paramètres pris séparément ;
– une interaction significative est observée entre les paramètres « durée
d’échauffement », « teneur en alcalins » et « température » ;
– en ce qui concerne les paramètres relatifs à la formulation du béton, l’impor-
tance de la nature des granulats, du rapport E/C et leurs interactions avec la durée
d’échauffement est bien mise en évidence ;
– en ce qui concerne le ciment, le paramètre « SO3 » est le plus influant, suivi du
paramètre « teneur en alcalins » et de leurs interactions. La finesse Blaine inter-
vient également.
3.4. Rappel sur les conditions de stabilité de l’ettringite
3.4.1. Influence de l’échauffement (température et durée)
Aux températures supérieures à 60/70 °C l’ettringite est instable et perd tout ou
partie de son eau. Ce comportement est dû à la structure particulière du minéral
schématisée par la figure 11.30, extraite d’un travail de [STA 86] et Bollman

561
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

[STA 00], qui montre que les cristaux d’ettringite sont formés de colonnes de ca-
tions {Ca3[Al(OH)6].12H2O} où les octaèdres Al(OH)63– sont reliés aux polyè-
dres CaO8, chaque ion aluminium étant lié aux ions Ca2+ avec lesquels il partage
les ions OH-. Les canaux entre les colonnes contiennent les tétraèdres SO42- ainsi
que les molécules d’eau faiblement liées.
Les travaux de Ghorab et al. [GHO 80] montrent qu’à pression et humidité nor-
males la déshydratation de l’ettringite s’effectue selon le schéma suivant :
– entre 45 °C et 50 °C, perte de 1,4 molécule d’eau ;
– entre 50 °C et 125 °C, perte de 22 molécules d’eau. Entre 110 et 146°C un
hydrate contenant 8 molécules d’eau est identifié ;
– entre 160 °C et 180 °C, perte de 2 molécules d’eau. Un hydrate contenant
6 molécules d’eau est identifié dans cet intervalle de température ;
– entre 180 °C et 900 °C, perte progressive de l’eau résiduelle.
D’autres études ont montré que la plus grande partie de l’eau était perdue à envi-
ron 70 °C où la teneur passe de 32 molécules à 10 molécules [DAE 77]. Entre
70 °C et 85 °C, l’ettringite perd les molécules d’eau disposées entre les colonnes
de cations {Ca3[Al(OH)6].12H2O} et devient amorphe [POE 89].

3–
Octaèdres Al (OH)6

2–
Tétraèdres SO4

Molécules H2O
Polyèdres CaO8

Figure 11.30 : structure de l’ettringite, d’après [STA 00].

Par ailleurs, l’étude du diagramme CaO-Al2O3-CaSO4-H2O à 85°C (cf.


chapitre 4) montre que la concentration minimale en sulfate nécessaire pour sta-
biliser l’ettringite est cinquante fois plus élevée qu’à 25 °C. Le diagramme montre
également la présence d’une nouvelle phase stable à 85 °C : le monosulfoalumi-
nate de calcium, dont le rôle est très important dans le processus de formation dif-
férée de l’ettringite.

562
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

De telles conditions de température peuvent être observées en préfabrication ainsi


que dans les parties massives d’ouvrages coulées in situ. Une illustration du cycle
thermique subi par un béton de masse, extraite des travaux de Divet et al.
[DIV 03], est fournie par la figure 11.31 relative à l’un des chevêtres d’un viaduc.
La figure montre que la température au cœur du béton peut atteindre 80°C, tem-
pérature à laquelle l’ettringite est instable.

90
80
Température (°C)

70
60
t1
50
t2
40
t3
30
20
10
0
0 50 100 150 200

Temps (heures)
Fig. 11.31 : échauffement d’une pièce massive de béton calculé en différents points
à l’aide du programme CESAR-LCPC au moment de l’échauffement maximal
t1 = cœur ; t3 = peau ; t2 = zone médiane (d’après [DIV 03]).
Des essais adiabatiques ont été réalisés avec des matériaux identiques à ceux utilisés au moment de
la construction en 1980. La pièce de béton d’un volume de 77 m3 a été coulée en une seule fois en
période estivale. Les mesures à l’aide de thermocouples indiquent que la température au cœur du
matériau est restée supérieure à 70°C pendant 5 jours, que le refroidissement de la pièce était très
lent et que le gradient maximal de température entre la peau et le cœur du béton était de 30 °C.

Cet élément du viaduc, soumis à des venues d’eau, a subi des dégradations par
formation différée d’ettringite suivant le mécanisme décrit au paragraphe 3.5.
Des travaux récents [BRU 05] montrent que la durée de l’échauffement est aussi
un paramètre important. Pour une même formule de béton, il n’a pas été observé
de gonflement pour un échauffement de 2 heures à 80 °C (correspondant à un trai-
tement thermique utilisé en préfabrication) ni pour un échauffement de 10 jours à
85 °C alors qu’une forte expansion par formation différée d’ettringite était obser-
vé pour un échauffement de 48 heures à 85 °C. Cet effet, d’une durée d’échauffe-
ment très courte ou très longue (effet pessimum), a aussi été mentionné dans les
travaux de thèse de Pavoine [PAV 03] et de Famy [FAM 99].
3.4.2. Influence des alcalins
L’étude du diagramme CaO-Al2O3-CaSO4-Na2O-H2O à 25°C (cf. chapitre 4)
montre que la solubilité de l’ettringite augmente considérablement avec la con-

563
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

centration en NaOH : en l’absence de NaOH, quelques micromoles de sulfate suf-


fisent à stabiliser l’ettringite. En présence de 500 mmoles de sodium, plusieurs
dizaines de millimoles sont nécessaires. Cet effet, couplé à celui de la températu-
re, nécessite des concentrations en sulfate très élevées pour stabiliser l’ettringite.
Les travaux de Brown [BRO 93], qui a étudié des mélanges C3A + gypse et C3A
+ C3S + gypse dans l’eau pure et dans des solutions de KOH à 25 °C, 45 °C et
65 °C, confirment l’effet retardateur ou inhibiteur des alcalins vis-à-vis de la for-
mation de l’ettringite ainsi que la formation de monosulfoaluminate de calcium.
Par ailleurs, le tableau 11.6, dû à Glasser [GLA 96], donne les solubilités calcu-
lées de l’ettringite en fonction de la température et de la concentration en Na2O
dans le système de phases AFt - Ca(OH)2 - C3AH6 ou AFm, supposées coexistan-
tes [DAM 93]. Ce tableau montre bien l’effet combiné de la température et de la
concentration en ions sodium sur la solubilité de l’ettringite et sur les quantités
d’ions sulfate dissous.
Tableau 11.6 : solubilités calculées de l’ettringite en fonction de la température
et de la teneur en sodium,selon Glasser [GLA 96].

SO42– Ca2+ Al3+


t° Phases coexistantes
(mg/L) (mg/L) (mg/L)

AFt-Ca(OH)2-C3AH6
[Na] =
0 0,015 22,0 0,010
25 °C
250 0,384 1,98 0,060
500 1,98 0,99 0,122
1000 11,22 0,44 0,189

AFt-Ca(OH)2-AFm
[Na] =
0 0,042 16,0 0,042
50 °C
250 17,94 1,35 0,103
500 66,93 0,841 0,155
1000 222 0,547 0,199

AFt-Ca(OH)2-AFm
[Na] =
0 0,41 11,33 0,016
85 °C
250 76,7 2,48 0,283
500 184 2,06 0,354
1000 421 1,70 0,377

Les concentrations de Ca et Al évoluent relativement peu comparativement aux


ions sulfate, et les rapports molaires SO4/Ca/Al indiquent que la dissolution est
incongruente. Lors du retour à la température ordinaire, la reprécipitation directe

564
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

de l’ettringite à partir de la phase liquide est limitée par la faible solubilité du cal-
cium et de l’aluminium. Néanmoins, celle-ci se produit nécessairement au contact
des phases solides du ciment qui contiennent Ca et Al.
3.5. Les mécanismes de gonflement liés à la formation différée
d’ettringite
Le processus d’expansion par formation d’ettringite différée n’est pas encore
complètement élucidé. Toutefois, le mécanisme proposé par Scrivener et al.
[SCR 93, SCR 97, TAY 01] semble assez bien correspondre à la réalité. Ce mé-
canisme, schématisé par la figure 11.32, est le suivant : l’échauffement du béton
(dû à la chaleur d’hydratation ou à l’étuvage) et son maintien pendant une durée
relativement longue à une température supérieure à 65 °C, dans des conditions
physico-chimiques données (teneurs en SO3, Na2O, C3A) inhibe la formation
d’ettringite ou entraîne sa décomposition. Les ions SO42– libérés au cours de cette
décomposition sont fixés dans la pâte de ciment en cours d’hydratation, et, plus
particulièrement, dans les C-S-H, sous forme d’ions physisorbés et, surtout, sous
forme de cristaux nanométriques de monosulfoaluminate de calcium. L’alumine
peut être également fixée sous forme d’hydrogrenats. Éventuellement, des phases
de type syngénite K2Ca(SO4)2.H2O peuvent aussi être présentes. Les monosul-
foaluminates, stables à température élevée, formés aux premiers stades de l’hy-
dratation au cours du cycle thermique subi par le matériau, sont intimement inclus
dans les C-S-H externes.
Lorsque le béton, en conditions humides, revient à la température ordinaire, la so-
lution interstitielle devient sursaturée par rapport à l’ettringite. Cette dernière peut
alors recristalliser sous forme de cristaux nanométriques à micrométriques disper-
sés dans la pâte de ciment et, en particulier, dans les C-S-H externes. Dans ces C-
S-H, qui se distinguent des C-S-H internes « pseudomorphiques » immédiate-
ment en contact avec le grain de C3S en cours d’hydratation, la fine porosité, le
confinement des cristaux ainsi que les conditions locales de sursaturation, favori-
sent le développement de pressions de cristallisation élevées lors de la formation
différée de l’ettringite. Ceci entraîne un gonflement homogène de la pâte de ci-
ment. Ce gonflement provoque la microfissuration de la pâte de ciment et le dé-
chaussement des granulats. Au cours du temps, du fait de la percolation de l’eau
à travers les microfissures, les microcristaux d’ettringite sont redissous et recris-
tallisent dans les espaces libres :
– d’abord dans les cavités correspondant aux grains de Hadley qui pourraient
constituer de petits vases d’expansion où les microcristaux d’ettringite formés
transitoirement dans la très fine porosité des C-S-H en développant des pressions

565
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

de cristallisation très élevées, de recristalliser plus librement suivant un proces-


sus de mûrissement d’Ostwald (cf. figures 11.26 et 11.27, § 3.2). La présence de
C4AF et de monosulfoaluminates dans une partie des grains de Hadley y favorise
la précipitation de l’ettringite ;
– la recristallisation se poursuit dans les fissures et au contact des granulats
déchaussés par le gonflement de la pâte de ciment. Ce gonflement, homogène,
est engendré par la formation des nanocristaux d’ettringite au sein des C-S-H
lors du retour à la température ordinaire, et, éventuellement, par leur recristalli-
sation dans les grains de Hadley. Dans les fissures et sur le pourtour des granu-
lats, le minéral apparaît fréquemment, en section, sous forme de veines
caractéristiques de cristaux « palissadiques », illustrés par les figures 11.28 et
11.29 (§ 3.2). Cette ettringite postérieure à l’apparition des fissures, ne serait, a
priori, pas expansive. Elle pourrait néanmoins modifier l’état de contrainte en
fond de fissures et favoriser les conditions de propagation de celles-ci.
1 2 3

Après échauffement

Pores AFm
AFt

Après cure dans l'eau


1 = noyau anhydre (C3S, C2S) à 20 °C
2 = C–S–H denses
3 = C–S–H microporeux
Porosité croissante Ÿ pressions de cristallisation décroissantes

Fig.11.32 : mécanisme d’expansion par formation différée d’ettringite,


d’après Taylor et al.[TAY 01].
Après échauffement les ions sulfate et aluminate issus de la décomposition de l’ettringite sont piégés
dans les C-S-H sous formes d’ions SO42– adsorbés et sous forme de cristaux nanométriques de mo-
nosulfoaluminate de calcium hydraté (AFm). La cure dans l’eau à la température ordinaire conduit à
la formation de nano et microcristaux d’ettringite (AFt). Les pressions de recristallisation de l’ettringite
sont maximales dans les C-S-H internes très denses au contact du noyau anhydre et diminuent lors-
que l’on s’éloigne du cœur anhydre.

Le mécanisme proposé par Scrivener et al. est confirmé par les analyses ponctuel-
les élémentaires par spectrométrie X à dispersion d’énergie associée à la micros-
copie électronique à balayage, de la pâte de ciment de deux mortiers A et B traités
thermiquement, l’un non expansif, l’autre expansif. Ces analyses, effectuées,
d’une part, juste après un traitement thermique à 90 °C et, d’autre part, après

566
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

200 jours de cure humide à température ordinaire, sont illustrées par les
figures 11.33a et 11.33b d’après Taylor et al. [TAY 01].
Glasser et al. [GLA 95] propose un mécanisme assez voisin de celui de Scrivener:
le gonflement du béton résulte d’une redistribution des sulfates. À haute tempé-
rature, la solution interstitielle concentre la majeure partie des alcalins qui, asso-
ciés à l’effet de la température, permettent la dissolution de la quasi-totalité des
sulfates initialement présents dans le ciment. Au refroidissement, la diffusion des
ions sulfate dans la porosité provoque la précipitation d’ettringite quand la solu-
tion vient en contact des solides contenant Ca et Al. Ils admettent également que
l’expansion est en relation avec la diffusion des ions sulfate et la précipitation
d’une ettringite de faible densité dans des régions relativement denses de la pâte
de ciment.
S/Ca 0,2 S/Ca
0,2 AFt
AFm
AFm

0,15 0,15

0,1 0,1

0,05 0,05
Phases exemptes Phases exemptes
de sulfates de sulfates

Al/Ca Al/Ca
0 0
0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25 0,3 0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25 0,3

Figure 11.33a : mortier A non expansif. Fig. 11.33b : mortier B expansif.

Microanalyse ponctuelle par spectrométrie X à dispersion d’énergie des C-S-H externes dans deux
mortiers après traitement thermique 12 heures à 90 °C, puis après cure humide de 200 jours à tem-
pérature ordinaire (d’aprèsTaylor et al. [TAY 01]).
AFm = monosulfoaluminate ; AFt = ettringite ; z = après traitement thermique ; ‘ = après 200 jours
de cure humide.
Dans le mortier A, immédiatement après traitement thermique (ronds grisés), les C-S-H contiennent
S et Al en proportions variables, soit seuls soit en mélange avec le monosulfoaluminate. Au terme de
la cure humide (losanges), le mortier A ne manifeste aucun gonflement, les C-S-H ont un rapport S /
Ca plus faible (remobilisation des ions sulfate dans la solution interstitielle) et quelques phases telles
que les monocarboaluminates ou des hydrogrenats contenant ou non des sulfates, sont observées.
Aucune tendance vers la formation d’ettringite n’est observée.
Dans le mortier B, immédiatement après traitement thermique (ronds grisés), le rapport S /Ca des C-S-H
(0,07) est significativement plus élevé que celui du mortier A (0,05). Au terme de la cure humide (losan-
ges), le mortier montre un gonflement important. Les rapports S /Ca plus élevés correspondent à la for-
mation d’ettringite intimement mélangée aux C-S-H. La partie basse de la figure 11.33b correspond aux
C-S-H seuls (rapport S/Ca ~ 0,02) ; la partie intermédiaire correspond aux mélanges C-S-H/ettringite où
la proportion d’ettringite peut parfois être élevée. Par ailleurs des dépôts d’ettringite sont observés dans
les fissures ou les pores.

567
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Bien que ces mécanismes correspondent probablement assez bien à la réalité, ils
sont vraisemblablement plus complexes dans le détail et un certain nombre de
questions qui pourraient expliquer le comportement particulier de certains bétons,
restent en suspens :
– la composition des phases AFt, AFm et C-S-H s’écarte généralement des com-
positions théoriques prises en compte et la substitution des ions sulfate par des
ions silicate, carbonate ou hydroxyle dans l’ettringite, peut modifier ses condi-
tions de stabilité. De même, dans les phases AFm, des substitutions d’ions sul-
fate par des ions OH– pourraient également se produire ;
– il est possible également que les phases AFm préexistantes ou formées lors de
la décomposition de l’ettringite soient altérées par le traitement thermique et que
leur restauration au refroidissement puisse être source d’expansion ;
– la possibilité de l’existence d’ettringite amorphisée ayant perdu son eau de
structure lors de l’échauffement du béton est également évoquée. La reprise
d’eau par le produit amorphe pourrait provoquer un gonflement suivant un pro-
cessus de répulsion électrostatique entre les particules colloïdales d’ettringite tel
que celui qui a été proposé par Mehta [MEH 73].
La figure 11.34 résume le mécanisme de dégradation par formation différée d’et-
tringite.

568
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

eFKDXIIHPHQWGXEpWRQ W•ƒ&
étuvage ou exothermie naturelle du béton

Dissolution de l'ettringite
Ɣ)RUPDWLRQGHQDQRFULVWDX[GHPRQRVXOIRDOXPLQDWH $)P
Ɣ$GVRUSWLRQGHVLRQVVXOIDWHHWDOXPLQDWHSDUOHV&±6±+

Retour à la température ordinaire

Milieu humide

3pULRGHGHODWHQFH GHSOXVLHXUVPRLVjSOXVLHXUVDQQpHV
SpQpWUDWLRQGHO HDXGLIIXVLRQLRQLTXH
Ɣ5HFULVWDOOLVDWLRQGHPLFURFULVWDX[G HWWULQJLWH
Ɣ3UHVVLRQVGHJRQIOHPHQWFRQWHQXHVSDUOHPDWpULDX

Période d'accélération
Ɣ*RQIOHPHQWKRPRJqQHHWPLFURILVVXUDWLRQGHODSkWHGHFLPHQW
Ɣ'pFKDXVVHPHQWGHVJUDQXODWV
Ɣ([SDQVLRQHWILVVXUDWLRQGXPDWpULDX

Période de stabilisation
ƔeSXLVHPHQWGHVUpDFWLIV
Ɣ5HFULVWDOOLVDWLRQG HWWULQJLWHVHFRQGDLUHGDQVOHVILVVXUHV
HWDX[LQWHUIDFHVSkWHJUDQXODWV

Figure 11.34 : les différents stades des réactions de dégradation


par formation différée d’ettringite.

3.6. Exemples d’ouvrages atteints en France


Un bilan d’expertise menée par le Laboratoire central des ponts et chaussées sur
des ponts endommagés par formation différée d’ettringite [DIV 03, LCP 07b] a
conduit aux résultats du tableau 11.7 qui regroupe pour chacun des ouvrages les
valeurs des paramètres principaux.
Les résultats de ce tableau tendent à confirmer les conditions de formation diffé-
rée d’ettringite décrites plus haut :
– les températures, calculées en conditions adiabatiques, peuvent atteindre 80 °C
au cœur des structures massives, compte tenu des températures extérieures ;
– dans tous les cas les zones atteintes étaient en contact avec l’eau.

569
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Tableau 11.7 : étude de ponts endommagés par formation différée d’ettringite.


Comparaison des paramètres principaux, d’après [LCP 07b].
Pont Pont Pont Pont Pont Pont Pont Pont
«A» «B» «C» «D» «E» «F» «G» «H»

Année de construction 1955 1967 1980 1988 1990 1982 1988 1989

Partie d’ouvrage Socle de


Chevêtre Pile Chevêtre Pile Pile Chevêtre Chevêtre
concernée pile

Paramètres liés
à la température
– T max (°C) > 80 > 80 > 80 > 75 > 80 > 70 > 75 > 75
– période août inconnue août-sept. juillet août juillet juillet juillet
de bétonnage août sept. août août août

Paramètres liés au
ciment :
– SO3 (% massique) 2,5 2,7 2,6 2,5 2,8 3,2 2,2 3,5
– C3A (% massique) 11,2 9,6 9,8 7,0 8,2 11 7,1 10,1

Paramètres liés
au béton :
– dosage en ciment
(kg/m3) 430 430 400 380 410 350 385 400
– rapport E/C 0,50 0,50 0,47 0,54 0,46 0,49 0,48 0,50
– nature des granulats siliceux siliceux silico- siliceux siliceux silico- siliceux silico-
– teneur en Na2O calcaire calcaire calcaire
équivalent (kg/m3) 2,0 4,3 4,0 4,1 2,3 3,0 3,9 4,6

Condensation
Paramètre lié Absence Soumis Soumis Absence
Problème Alternance Zone de Zone de
à l’environnement de aux aux de
étanchéité humidification/ marnage marnage
– humidité drainage intempéries intempéries drainage
séchage

Le LCPC a développé un essai qu’il utilise comme moyen de diagnostic et d’éva-


luation de l’évolution possible d’une réaction dans les ouvrages endommagés par
formation différée d’ettringite [LCP 08]. Le principe consiste à prélever des ca-
rottes (Φ = 100, L = 200 mm) dans différentes zones plus ou moins altérées de
l’ouvrage. La profondeur de carottage est de 60 cm. Les cylindres, équipés de
plots suivant trois génératrices, sont conservés en milieu humide. Les variations
dimensionnelles sont mesurées à échéances définies à l’aide d’un extensomètre à
bille.
Un exemple de suivi de l’expansion de carottes de bétons prélevées dans un via-
duc dégradé par formation différée d’ettringite est donné par la figure 11.35. Les
carottes A et B ont été prélevées dans des zones altérées mais peu fissurées. La
carotte C a été prélevée dans une zone altérée très fissurée. Le béton C a atteint
son palier de gonflement sur le site et ne montre plus d’expansion significative.

570
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

Les deux autres bétons montrent un gonflement important significatif d’un poten-
tiel de dégradation ultérieur.
Des mesures sont fréquemment effectuées sur l’ouvrage lui-même dont certaines
parties peuvent être équipées de plots scellés permettant de suivre les déforma-
tions en fonction du temps dans différentes directions. Les techniques utilisées
sont la distancemétrie par fil d’invar et par infrarouge ou l’extensométrie
[LCP 03].
0,4
0,368 %

0,3
Expansion (%)

0,278 %

0,2 A : peu endommagée


B : peu endommagée
C : très endommagée
0,1

0,025 %
0
0 50 100 150 200 250 350
Temps (jours)

Figure 11.35 : suivi de l’expansion longitudinale de carottes de béton prélevées


dans des parties d’ouvrage faiblement endommagées (A et B) et fortement endommagée
(C) par formation différée d’ettringite (extrait de [DIV 03]).

3.7. Réglementation et moyens de lutte


Les résultats exposés au paragraphe 3.3 font bien ressortir la complexité du pro-
blème de formation différée d’ettringite, la nécessité de prendre en compte l’en-
semble des paramètres de la réaction et leur interdépendance, ainsi que la
difficulté de leur fixer des seuils applicables dans tous les cas.

3.7.1. Réglementation
La norme NF EN 206-1 Béton, Partie 1 : « Spécification, performances, produc-
tion et conformité » qui définit, en fonction des classes d’exposition, les prescrip-
tions censées garantir la durabilité des structures ou des éléments de structure en
béton, ne prévoit aucune disposition spécifique en ce qui concerne les risques de
formation différée d’ettringite.
La norme NF EN 13230 Applications ferroviaires - Voie - Traverses et supports
en béton, Partie 1 : « Prescriptions générales » précise les modalités à respecter
en termes de traitement thermique pour éviter les risques de gonflement par for-

571
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

mation différée d’ettringite. Les prescriptions de cette norme sont rappelées suc-
cinctement dans le tableau 11.9 plus loin.
La norme NF EN 13369 Règles communes pour les produits préfabriqués en bé-
ton, relative au traitement thermique et à la cure des produits structuraux préfabri-
qués donne les recommandations suivantes :
« Dans le cas où un traitement thermique à pression atmosphérique est appliqué
au béton pendant sa fabrication afin d’accélérer son durcissement, il doit être dé-
montré par des essais initiaux que la résistance requise est obtenue pour chaque
famille de béton » ;
« Pour éviter la microfissuration et/ou une mauvaise durabilité, les conditions sui-
vantes doivent être remplies à moins qu’une expérience antérieure positive n’ait
montré que ces prescriptions ne sont pas nécessaires : une période de préchauffa-
ge adéquate doit être appliquée lorsque le traitement thermique implique une tem-
pérature maximale moyenne supérieure à 40 °C. Quand la température moyenne
maximale dépasse 40 °C, les différences de températures entre parties adjacentes
des éléments doivent être limitées à 20 °C pendant les périodes de montée en tem-
pérature et de refroidissement » ;
« La période de préchauffage et la vitesse de montée en température doivent être
documentées » ;
« Pendant le chauffage et le refroidissement la température maximale moyenne
ne doit pas dépasser les valeurs du tableau 11.8 ci-dessous. Toutefois, des tempé-
ratures supérieures peuvent être acceptées sous réserve que la durabilité du béton
sous les conditions environnementales prévues ait été démontrée par une expé-
rience positive à long terme. »
Tableau 11.8 : conditions à respecter lors d’une hydratation accélérée
suivant la norme NF EN 13369.

Environnement des produits Température maximale moyenne du béton T(a)

À prédominance sèche ou modérément humide T ≤ 85 °Cb

Humide ou alternance d’humidité et de séchage T ≤ 65 °C

(a) T est la température maximale moyenne dans le béton, les valeurs individuelles peuvent être su-
périeures de 5 °C.
(b) quand 70 °C < T ≤ 85 °C des essais initiaux doivent avoir démontré que la résistance requise est
respectée à 90 jours.
« Pour les environnements humide ou alternance d’humidité et de séchage, en l’ab-
sence d’expérience positive à long terme, la pertinence du traitement à plus haute
température doit être démontrée. Les limites suivantes peuvent servir de base pour
cette démonstration : pour le béton teneur en Na2O équivalent 3,5 kg/m3 ; pour le
ciment : teneur en SO3 3,5 % en masse. Dans ce cas, selon le matériau et les condi-

572
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

tions climatiques, des prescriptions plus sévères peuvent être appliquées au traite-
ment thermique des éléments destinés, dans certaines zones, à être placés à
l’extérieur. Les limites précédentes sur Na2O éq. et sur la teneur en SO3 peuvent
évoluer ou, des limites sur d’autres composants peuvent être instituées selon les ac-
quis de l’expérience scientifique ou technique. Il convient que les toutes dernières
connaissances soient prises en compte. »
Le tableau 11.9 publié par Divet [DIV 00] résume les recommandations profes-
sionnelles de différents pays en ce qui concerne le traitement thermique. Ces re-
commandations sont destinées à éviter les fissurations d’origine thermique ainsi
que celles qui pourraient être provoquées par la formation différée d’ettringite. Ces
règles, très restrictives, s’appliquent quel que soit le type de ciment et de béton.
Tableau 11.9 : recommandations de différents pays pour la réalisation
des traitements thermiques, d’après Divet [DIV 00].

Température et durée Vitesse de montée Température maximale


Références
de la période d’attente en température (°C/heure) critique (°C)

30 °C, 3 heures < 20 60 ENV 206

Environnements secs : Environnement sec :


30 °C, 3 heures 80 Comité allemand
< 20
Environnement humide: Environnement humide: pour le béton armé
40 °C, 4 heures 60

Département anglais
T° ambiante, 4 heures < 20 70 du Transport
[Law 90]

60 si SO3 ciment < 2 %


30 °C, 3 heures < 20 55 si SO3 ciment < 3 % EN 13230, 1999
50 si SO3 ciment < 4 %

38 °C 2heures < 14 66 État d’Iowa, [MER 62]

3.7.2. Les recommandations du LCPC


Les Recommandations pour la prévention des désordres dus à la réaction sulfa-
tique interne, publiées en 2007 par le LCPC [LCP 07b], propose une démarche
préventive en matière de protection contre des risques de formation différée d’et-
tringite adaptée de celle qui a été mise au point pour la prévention des désordres
dus à l’alcali-réaction [LCP 94]. Son objet est « de définir des précautions pour la
mise en œuvre et la formulation d’un béton vis-à-vis des risques de réaction sul-
fatique interne (RSI) susceptibles de se développer pendant la vie de l’ouvrage ».

573
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

La démarche se fait en deux temps :


– détermination du niveau de prévention à atteindre en fonction de la catégorie
de l’ouvrage et de sa classe d’exposition ;
– orientation vers la (ou les) solutions possibles en fonction du niveau de préven-
tion retenu.
3.7.2.1. Définition des catégories d’ouvrages
Il est défini trois catégories d’ouvrages qui sont indiquées dans le tableau 11.10
et dont le choix relève de la responsabilité du maître d’ouvrage.
Tableau 11.10 : exemples d’ouvrages ou d’éléments d’ouvrage classés par catégorie,
selon [LCP 07b].

Catégorie Exemples d’ouvrages ou d’éléments d’ouvrage

Ouvrages en béton de classe de résistances inférieures à C 16/20


Catégorie I Éléments non porteurs des bâtiments
(conséquences faibles Éléments aisément remplaçables
ou acceptables) Ouvrages provisoires
La plupart des produits préfabriqués non structurels

Les éléments porteurs de la plupart des bâtiments et les ouvrages de génie


Catégorie II
civil (dont les ponts courants)
(conséquences
La plupart des produits préfabriqués structurels (y compris les canalisations
peu tolérables)
sous pression)

Bâtiments réacteurs de centrales nucléaires et aéroréfrigérants


Catégorie III Barrages
(conséquences Tunnels
inacceptables Ponts et viaducs exceptionnels
ou quasi inacceptables) Monuments ou bâtiments de prestige
Traverses de chemin de fer

3.7.2.2. Définition des classes d’exposition


Trois classes d’exposition notées XH1, XH2 et XH3 définies selon les indications
du tableau 11.11 viennent en complément des classes d’exposition définies dans
la norme NF EN 206-1. Elles doivent être spécifiées au CCTP (Cahier des clauses
techniques particulières) pour chaque partie d’ouvrage.

574
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

Tableau 11.11 : classes d’exposition de la partie d’ouvrage vis-à-vis de la RSI,


selon [LCP 07b].

Classe Description Exemples informatifs illustrant le choix des classes d’expo-


d’exposition de l’environnement sition

Partie d’ouvrage en béton située à l’intérieur de bâtiments


où le taux d’humidité de l’air ambiant est faible ou moyen
XH1 Sec ou humidité modérée
Partie d’ouvrage en béton située à l’extérieur et abrité de la
pluie

Partie d’ouvrage en béton située à l’intérieur


de bâtiments ou le taux d’humidité de l’air ambiant est élevé
Partie d’ouvrage en béton non protégée par un revêtement
Alternance d’humidité et de
XH2 et soumis aux intempéries, sans stagnation d’eau
séchage, humidité élevée
à la surface
Partie d’ouvrage en béton non protégé par un revêtement
et soumise à des condensations fréquentes

Partie d’ouvrage en béton submergée en permanence


En contact durable avec l’eau : dans l’eau
immersion permanente, Éléments de structures marines
XH3
stagnation d’eau à la surface, Un grand nombre de fondations
zone de marnage Partie d’ouvrage en béton régulièrement exposée
à des projections d’eau

3.7.2.3. Définition du niveau de prévention


Le croisement entre la catégorie d’ouvrage définie en fonction du risque que l’on
est prêt à accepter et la classe d’environnement à laquelle est soumis l’ouvrage ou
la partie d’ouvrage, permet de définir un niveau de prévention qui détermine les
mesures de précaution à appliquer (tableau 11.12).
Tableau 11.12 : choix du niveau de prévention,selon [LCP 07b] :
croisement des tableaux 11.10 et 11.11.
Classe d’expositionde la partie d’ouvrage
Catégorie d’ouvrage
XH1 XH2 XH3
I As As As
II As Bs Cs
III As Cs Ds

Quatre niveaux de prévention As, Bs, Cs et Ds sont définis. Leur choix, de la res-
ponsabilité du maître d’ouvrage, peut se faire à l’aide du tableau 11.12. Chaque
niveau de prévention correspond à un type de précaution à appliquer, la plus im-
portante étant la limitation de la température maximale atteinte par le béton et
éventuellement sa durée de maintien. Le tableau 11.13 résume les précautions à
prendre pour chacun des niveaux de prévention.

575
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Tableau 11.13 : précautions à appliquer en fonction du niveau de prévention.


Niveau
Précautions
de prévention
• Température maximale (Tmax) au sein de l’ouvrage < 85°C
As • Dépassement jusqu’à 90 °C autorisé si traitement thermique maîtrisé(a)
et si durée de dépassement ≤ 4 heures
• Température maximale (Tmax) dans le béton < 75°C
•Si 75 °C ≤ Tmax < 85 °C, respect d’au moins une des six conditions suivantes :
1) traitement thermique maîtrisé*, durée de maintien à T > 75 °C inférieure
à 4 heures, alcalins équivalents actifs du béton < 3 kg/m3
2) utilisation d’un ciment conforme à NF P15-319 (ES) avec dans le cas des CEM I
et CEM II/A, alcalins équivalents actifs du béton < 3 kg/m3
3) Utilisation de ciments de type CEM II/B-V, CEM II/B-S, CEM II/B-Q, CEM II/B-M
Bs (S-V), CEM III/A ou CEM V avec teneur en SO3 ≤ 3 % et C3A du clinker ≤ 8 %
4) utilisation de CEM I (SO3 ≤ 3 % et C3A ≤ 8 %) + addition de cendres volantes,
laitier de haut-fourneau ou pouzzolanes naturelles calcinées en proportion supé-
rieure à 20 % et respectant les exigences de la norme NF EN 206-1
5) critères de l’essai de performance satisfaits
6) pour les éléments préfabriqués : couple béton/échauffement envisagé analogue
à un couple béton/échauffement disposant d’au moins 5 références d’emploi
(documentées et approuvées par un laboratoire expert indépendant) satisfaisantes
dans des lieux différents
•Température maximale (Tmax) dans le béton < 70 °C
• Si 70 °C ≤ Tmax < 80 °C, respect d’au moins une des six conditions suivantes :
Cs 1) traitement thermique maîtrisé*, durée de maintien à T > 70°C inférieure
à 4 heures, alcalins actifs du béton < 3 kg/m3
2), 3), 4), 5) et 6) idem Bs
• Température maximale (Tmax) dans le béton < 65 °C (précaution prioritaire)
• Si 65 °C ≤ Tmax < 75 °C, respect des deux conditions suivantes :
Ds 1) utilisation d’un ciment conforme à NF P15-319 (ES), avec dans le cas des CEM
I et CEM II/A alcalins équivalents actifs du béton < 3 kg/m3
2) validation de la formulation du béton par laboratoire expert indépendant

* Le traitement thermique maîtrisé peut être réalisé en usine de préfabrication ou dans des installa-
tions adéquates sur chantier.

3.7.2.4. Dispositions liées à la formulation et au dimensionnement


de l’ouvrage, à la formulation et à la fabrication du béton
ainsi qu’à sa mise en œuvre ( extraites de [LCP 07b])
Ces dispositions visent à :

576
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

– éviter les contacts prolongés avec l’eau de la pièce critique1 pendant la durée
d’utilisation de la structure ;
– limiter la température maximale atteinte au sein du béton des pièces critiques ;
– maîtriser le traitement thermique des éléments préfabriqués.
ˆ Dispositions liées à la conception et au dimensionnement des ouvrages
pour éviter les contacts prolongés avec l’eau
L’ouvrage doit être conçu de manière à éviter, dans la mesure du possible, de
créer des zones d’accumulations et de stagnations d’eau et des cheminements pré-
férentiels dus aux ruissellements, ce qui nécessite de prévoir des profils et des for-
mes de pente permettant une évacuation rapide des eaux.
Il est aussi possible de mettre en œuvre des dispositions pour éviter la pénétration
d’eau et d’humidité au sein des structures en béton :
– soit en assurant l’étanchéité de la pièce critique,
– soit en assurant l’étanchéité des éléments de structure abritant la pièce critique
et en prévoyant des dispositifs d’évacuation des eaux.
C’est notamment le cas avec les tabliers de ponts où il est exigé de mettre en œu-
vre une chape d’étanchéité2 et de prévoir des dispositifs d’évacuation des eaux
qui soient efficaces et entretenus régulièrement. L’application d’un système
d’étanchéité (chape) adapté peut permettre de classer l’ouvrage ou la partie
d’ouvrage en XH1, mais il faut bien considérer que la pérennité de ce système
d’étanchéité nécessite un remplacement régulier de celui-ci.
Parmi les autres revêtements susceptibles de limiter la pénétration d’humidité et/
ou d’eau, les plus utilisés sont les revêtements de protection : peintures, revête-
ments minces, imprégnation… (cf. Guide LCPC Protection des bétons [LCP 02]).
L’application d’une peinture est une solution qui n’a qu’une très faible efficacité
pour lutter contre les effets de la réaction sulfatique interne et n’est donc pas re-
commandée. L’application d’un revêtement de protection du béton d’épaisseur
plus importante (quelques millimètres) constitue une voie de protection, à condi-
tion de faire appel à des systèmes suffisamment étanches (y compris à la vapeur
d’eau). Cependant, ce type de revêtement garde son efficacité pendant une durée
de vie limitée (de l’ordre de la dizaine d’années…), ce qui nécessite plusieurs

1. Pièce critique : pièce en béton pour laquelle la chaleur dégagée n’est que très partiellement éva-
cuée vers l’extérieur et conduit à une élévation importante de la température du béton.
2. Pour les parties horizontales des tabliers des ponts supportant un trafic routier, le document de
référence est le fascicule 67 du CCTG , titre I qui est complété par la procédure d’avis technique du
SETRA. Sur les dispositions techniques à mettre en œuvre, le guide STER 81, publié par le
SETRA, et ses deux mises à jour sont les documents à utiliser.

577
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

remplacements de celui-ci pendant la durée d’utilisation d’un ouvrage et oriente


donc le choix vers les solutions de prévention présentées dans le tableau 11.13.
L’application d’un revêtement de protection du béton permet donc d’éviter la
réaction en minimisant la pénétration de l’eau dans la structure. C’est une solution
qui peut être employée pour accompagner une solution de prévention plus fiable,
mais pas pour assurer de façon définitive la prévention d’une RSI.
Enfin, dans le cadre de la surveillance des ouvrages, il est nécessaire d’inspecter
les parties jugées critiques de façon à détecter les fissures qui peuvent apparaître
et laisser pénétrer de l’eau au sein du béton. Il convient alors de traiter ces fissures
afin de les étancher ; diverses techniques existent telles que le pontage, l’injec-
tion…
Pour les autres parties, on pourra consulter le guide LCPC sur la protection du bé-
ton cité plus haut, et la note d’information du SETRA [SET] : « Ne pas confondre
étanchéité de surface du tablier et protection du béton ».
Dans le cas de pièce critique enterrée, les remblais périphériques doivent être
équipés de systèmes de drainage canalisant les eaux de ruissellements.
Note. L’application d’un bardage peut accompagner une solution de prévention
plus fiable, mais il ne constitue pas en lui-même un moyen de prévention suffisant.
ˆ Dispositions liées à la conception et au dimensionnement des ouvrages
pour réduire l’échauffement du béton
Il est recommandé d’éviter les pièces critiques en optimisant conjointement le ma-
tériau et la conception de l’élément. Ainsi l’utilisation de bétons à hautes perfor-
mances peut permettre la réalisation de structures élancées moins sensibles au
risque de RSI. Il est, de manière générale, recommandé de dimensionner des struc-
tures intégrant des pièces creuses ou, lorsque cela est possible, des pièces élégies.
À titre d’exemple, l’ordre de grandeur de l’impact potentiel de l’utilisation d’une
pièce creuse sur la température maximale atteinte est le suivant : l’ajout d’un cof-
frage intérieur à une pile (construction d’une pile creuse à la place d’une pile plei-
ne conduisant à une épaisseur apparente de 0,5 m au lieu de 3 m avec un béton
dosé à 350 kg/m3 de CEM I 52,5 N), se traduit par une diminution de la tempéra-
ture maximale de 15 °C environ.
ˆ Dispositions liées à la formulation du béton
Le choix du type de ciment et d’addition éventuelle par le prescripteur doit pren-
dre en compte leur influence sur l’échauffement du béton.
En effet, le liant sélectionné doit être le moins exothermique possible tout en res-
tant compatible avec les spécifications liées aux classes d’exposition et avec les
exigences de résistance au jeune âge du béton (il est souhaitable de définir les spé-

578
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

cifications de résistance au jeune âge les moins contraignantes possibles voire de


ne pas en définir pour les bétonnages qui peuvent poser problème, mais ceci doit
bien sûr être intégré dans le planning global). De même, le dosage en liant peut
être minimisé tout en permettant de répondre aux exigences d’ouvrabilité, de ré-
sistance et de durabilité. L’utilisation de ciments composés et/ou l’incorporation
d’additions sont des solutions adaptées pour minimiser l’exothermie du béton.
À titre d’exemple, le remplacement dans la formulation du béton d’un ciment
CEM I 52,5 N par un CEM III 42,5 N (sur une pièce ayant une épaisseur apparente
d’1 m) se traduit par une diminution de la température maximale de 15 °C environ.
ˆ Dispositions liées à la fabrication et au transport du béton
Avant d’examiner les dispositions qu’il est possible d’adopter pour limiter
l’échauffement du béton, il est utile de faire un rappel sur un paramètre important:
la capacité calorifique du béton.
La capacité calorifique du béton est définie comme la quantité de chaleur qu’il est
nécessaire d’apporter à une masse unitaire de béton pour élever sa température de
1 °C. Celle-ci dépend de la capacité calorifique de chacun des constituants du bé-
ton. Le tableau 11.14 fournit un ordre de grandeur des capacités calorifiques en
jeu lorsque l’on fabrique 1 m3 de béton.
Tableau 11.14 : capacité calorifique des constituants du béton..

Capacité calorifique massique Capacité calorifique


Masse
Constituants * des constituants
(kg) (kJ/kg.K) (kJ/K)
Gravillons calcaires
1050 0,84 882
(secs)

Sable silico-calcaire
750 0,80 600
(secs)

Ciment 400 0,75 300

Eau totale 200 4,18 836

Total 2 618

* D’après L. Divet, ERLPC OA 4.

Ce tableau montre qu’en raison de leur présence en grande quantité les granulats
(gravillons + sable) pèsent lourdement en terme de capacité calorifique dans le
mélange ; cela signifie qu’un changement de température des granulats provoque-
ra le changement de température le plus important au niveau du mélange. Ce ta-
bleau montre également que l’eau de gâchage a un poids important dans la chaleur
du mélange, et que sa substitution par de la glace peut entraîner un abaissement

579
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

significatif de la chaleur du mélange (il faut dans ce cas prendre en compte la cha-
leur de fusion de la glace qui est de 334 kJ/kg).
La température du béton à la mise en œuvre doit être tenue sous contrôle et peut
être abaissée par différentes méthodes :
– utilisation d’eau de gâchage froide ou réfrigérée ;
– refroidissement des granulats (pulvérisation d’eau sur les gravillons) ;
– protection des stocks de granulats vis-à-vis de l’ensoleillement ;
– substitution d’une partie de l’eau de gâchage par de la glace.
Les deux premières méthodes sont relativement simples à mettre en œuvre même
si elles nécessitent un matériel adapté qui n’est pas présent en général sur les cen-
trales de béton prêt à l’emploi. L’utilisation de glace est plus délicate et nécessite
des installations lourdes. Il faut en particulier recourir à un temps de malaxage
prolongé pour garantir une fusion complète.
La technique d’injection d’azote liquide dans le malaxeur à béton ou dans la tou-
pie peut être intéressante mais elle est très peu utilisée car très onéreuse et techni-
quement compliquée.
À titre d’exemple, les ordres de grandeur de l’impact potentiel des différents pa-
ramètres évoqués ci-dessus sur la température maximale atteinte sont :
– avec un gâchage à l’eau froide à 4 °C au lieu de 20 °C, le refroidissement est de
3 °C environ ;
– l’arrosage des gravillons avec de l’eau froide permettant d’abaisser leur tempé-
rature de 10 °C, conduit à un refroidissement de 3 °C environ.
Note. Il convient de tenir compte de la température du ciment lors de sa livraison.
En effet, un ciment qui vient d’être fabriqué en usine peut atteindre une température
élevée (à titre indicatif supérieure à 50 °C). À titre d’exemple, une augmentation de
10 °C du ciment élève de 1 °C la température du béton.

Il faut également tenir compte de l’impact du transport et du temps d’attente des


camions malaxeurs qui doit être minimisé. Il faut bien sûr s’efforcer de limiter le
stationnement en plein soleil des camions malaxeurs.
ˆ Dispositions liées à la mise en œuvre du béton
• Organisation du chantier
Les conditions de température ambiante sont difficilement maîtrisables. En parti-
culier, il n’est en général pas possible de choisir la saison du bétonnage étant don-
nées les contraintes de planning global du chantier. Toutefois, il peut être
préférable de choisir une période de la journée favorable pour minimiser la tem-
pérature du béton frais (fin de journée ou période nocturne).

580
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

À titre d’exemple, l’ordre de grandeur de l’impact potentiel de ce paramètre sur


la température maximale atteinte se traduit, pour un bétonnage nocturne (en pé-
riode estivale), par une diminution de la température maximale de 5 °C environ.
Il est fortement recommandé, sur des pièces de grande dimension, de ne pas faire
l’économie des coffrages intérieurs prescrits de façon à ne conserver que les sec-
tions effectivement nécessaires à la résistance de la structure (piles de pont par
exemple). Il convient aussi d’éviter de créer, pour des facilités d’exécution, des
pièces massives alors que les pièces étaient conçues creuses.
Pour les pièces de grandes dimensions, il est possible de prévoir un fractionne-
ment du bétonnage en plusieurs phases de telle sorte que les échanges thermiques
soient favorisés. Le fractionnement n’est efficace que si un délai conséquent (au
moins une semaine) est observé entre les coulages successifs. Il convient cepen-
dant de rester dans des limites acceptables permettant de conserver un comporte-
ment monolithique de la structure, de positionner les reprises de bétonnage dans
les zones adéquates d’un point de vue mécanique, et de respecter les règles de
bonne exécution des reprises de bétonnage.
• Refroidissement du béton
Il est également possible, comme moyen complémentaire, de refroidir le béton
après sa mise en œuvre en incorporant des serpentins dans le béton. Ils constituent
un circuit de refroidissement dans lequel on fait circuler de l’eau fraîche. Cette
méthode doit faire l’objet d’un dimensionnement du système de refroidissement
afin d’éviter l’apparition de gradients thermiques à l’intérieur de la masse de bé-
ton, notamment au voisinage des tubes, ces gradients pouvant générer des fissures
radiales ou tangentielles. En outre, elle n’est réellement efficace que lorsque le bé-
ton présente une exothermie modérée ou faible. Dans le cas d’une formule forte-
ment exothermique, non optimisée du point de vue des problèmes thermiques
propres à l’élément à bétonner, le dégagement de chaleur (qui est activé par la
température) est beaucoup plus rapide que l’évacuation des calories par le circuit
de refroidissement. Enfin, la mise en place du circuit de refroidissement se fait en
interférence avec les travaux de ferraillage et les délais d’exécution sont augmen-
tés. Le refroidissement dans la masse doit intervenir en dernier recours (notons
qu’il est par ailleurs nécessaire au final de reboucher les conduits avec un coulis
de ciment).
• Choix du coffrage
Pour des pièces de taille moyenne, des coffrages favorisant les échanges thermiques
peuvent permettre de limiter la température maximale atteinte au sein du béton.
À titre d’exemple, un voile de 40 cm bétonné en coffrage bois avec un béton de
classe C40/C50 dosé à 400 kg/m3 de CEM I 52, 5R pourra conduire à une éléva-

581
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

tion de température de 40 °C. Dans le cas d’utilisation de coffrage métallique, cet-


te élévation ne serait plus que de 35 °C.
ˆ Dispositions spécifiques à la préfabrication
La nécessité de réduire la durée d’immobilisation des moyens de production et
d’augmenter le nombre de fabrications journalières fait que l’on peut être conduit
à accélérer, au moyen d’un apport extérieur de chaleur, les différentes réactions
chimiques intervenant dans le processus de durcissement du béton.
Le durcissement du béton est accéléré pour procurer au béton des résistances mé-
caniques suffisantes pour, selon les cas, le démoulage, la manutention, le relâche-
ment des armatures de précontrainte ou encore les traitements d’aspect.
En règle générale, le traitement thermique et les moyens utilisés pour l’appliquer
doivent être déterminés en prenant en compte la géométrie et les dimensions des
éléments, la composition du béton, sa plasticité ainsi que les conditions de fabri-
cation de façon à ce que le démoulage, la mise en précontrainte, le levage ou le
transport des éléments puissent être effectués en fin de traitement. En outre, les
modalités de traitement doivent être étudiées en tenant compte des conditions
d’ambiance thermohygrométriques de la production et du stockage, de façon à
éviter tout choc thermique ainsi que l’apparition de fissures ou de défauts de sur-
face nuisibles à la durabilité du béton ou à l’aspect des éléments.
Dans sa forme la plus générale, un cycle thermique comporte quatre phases (figure
11.36), définies chacune par un couple durée/température ou bien par une vitesse :
– la phase de prétraitement ;
– la phase de montée en température ;
– la phase de maintien à la température du palier ;
– et la phase de refroidissement.
Des essais préalables sont réalisés pour optimiser chacune des phases.
T (°C) Cycle théorique
Cycle pratique

Tp

Gm Gr

To

t1 t2 t3 t4
Pré- Montée Phase de palier Refroidissement
traitement en
température

Figure 11.36 : forme générale d’un cycle.

582
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

• Phase de prétraitement
La phase de prétraitement est destinée à procurer au béton une cohésion suffisante
pour qu’il puisse absorber les efforts internes occasionnés par la dilatation ther-
mique de ses constituants, en particulier de l’eau et de l’air, au moment de l’élé-
vation en température. La période de prétraitement doit être d’autant plus longue
que la vitesse de montée en température de la phase qui va lui succéder est élevée
et que la prise du béton est lente (figure 11.37).
Durée du prétraitement (heure)

5h
°C
e 15
4h ag
lax
e ma
find Ciment CEM I 52,5 N
3h
en °C
e 20
ratur
C
2h mpé 30 °
Te
30 °C Ciment CEM I 52,5 R
1h

10 20 30 40
Vitesse de montée en température de la seconde phase (°C/h)
Figure 11.37 : influence du type de ciment et de la vitesse de montée en température
sur la durée de la phase de prétraitement.

• Phase de montée en température


La vitesse de montée en température doit être telle que les efforts dus à la dilata-
tion développés dans l’élément, soient absorbés à tout moment par le béton, qui
se rigidifie progressivement. La figure 11.38 donne, à titre indicatif, l’ordre de
grandeur de la vitesse maximale de montée en température Gm (en °C/h) en fonc-
tion du « rayon maximal d’étuvage » Remax (en cm) illustré par la figure 11.39.

583
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

40

30

Gm max (°C/h) 20

10

0
0 5 10 15 20 25 30 35 40
Re max (cm)

Figure 11.38 : valeurs du gradient thermique Gmmax


en fonction du rayon d’étuvage Remax.

Définition de Remax : considérant l’ensemble des distances les plus courtes qui séparent chaque point
du béton du parement chauffé, le Remax correspond à la plus grande de ces distances (figure 11.39).

Remax
a

Remax
10 cm
T 40
b

T
20

R (e)max = a (a > b)

Figure 11.39 : Exemples de définition du rayon maximal d’étuvage Remax.

• Phase de maintien à la température du palier


La durée et la température de cette phase au cours de laquelle le processus de dur-
cissement du béton (amorcé lors de la précédente période) se poursuit, dépendent:
– de la maturité acquise par le béton en fin de phase de montée en température ;
– du nombre de fabrications journalières ;
– de la résistance que l’on cherche à obtenir.
La durée du palier dépend de la température du palier. Elle est généralement com-
prise entre 1 et 3 heures pour 85 °C, 4 et 12 heures pour 65 °C. Sur le plan nor-

584
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

matif, la norme NF EN 13369 précise la température maximale du béton en


fonction de l’environnement dans lequel sera exposé l’élément préfabriqué.
Au cours de cette phase, il est nécessaire de veiller tout particulièrement aux pré-
cautions permettant d’éviter la dessiccation du béton de manière à ce que l’hydra-
tation s’effectue de façon aussi complète que possible.
Il faut aussi s’assurer que les températures entre les différents points des grands
éléments ou entre les différents produits soumis au même traitement, restent pro-
ches et homogènes pour obtenir des niveaux de résistance identiques et éviter les
conséquences néfastes des dilatations différentielles.
• Phase de refroidissement
Le refroidissement doit être également réalisé de façon homogène. Les désordres
sont en effet plus imputables aux différences de température qui existent entre les
différents points d’un produit qu’à la vitesse de refroidissement elle-même. La vi-
tesse de refroidissement de la surface est supérieure à celle au cœur. Des risques
de fissuration existent lorsque la différence de température entre le cœur du pro-
duit et sa surface est supérieure à 15 °C.
La figure 11.40 représente un exemple de cycle thermique appliqué à une formu-
lation de BAP. La température maximale atteinte au cœur du béton est pour le pre-
mier cycle de 68 °C. Les résistances mécaniques à la compression obtenues sur
des éprouvettes cylindriques 11 × 22 à 18 heures et 28 jours sont respectivement
égales à 39 et 59,5 MPa.
80

60
T (°C)

40
Consigne étuve
Cœur éprouvette
20

0
0 5 10 15
t (heures)
Figure 11.40 : exemple de cycle thermique.

3.7.3. Qualification d’une formule de béton vis-à-vis des risques


de dégradation par formation différée d’ettringite
En raison de la multiplicité des facteurs, l’approche analytique peut être avanta-
geusement complétée par un essai de performance des formules de béton envisa-
gées pour la construction des ouvrages.

585
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Cet essai de « réactivité potentielle d’une formule de béton vis-à-vis d’une réaction
sulfatique interne » proposé dans le cadre du travail de thèse d’A. Pavoine
[PAV 03], fait l’objet d’un mode opératoire réalisé par le Laboratoire central des
ponts et chaussées [LCP 07a]. Il a également donné lieu à des tests interlaboratoi-
res.
Pour un cycle thermique donné, la sensibilité d’une formule de béton vis-à-vis de
la réaction sulfatique interne est mesurée par un essai de gonflement. Cet essai
comporte quatre phases :
– fabrication des corps d’épreuve : soit des cylindres de dimensions Φ = 110 × L
= 220 mm, soit des prismes de dimensions 70 × 70 × 282 mm ;
– traitement thermique : simulation en laboratoire de l’échauffement auquel sera
soumis le béton dans la réalité (traitement thermique en préfabrication ou
échauffement lié à l’hydratation du ciment dans le cas des pièces massives) ;
– cycles de séchage (température = 38 ± 2 °C et d’humidité relative < 30 %) et
humidification (immersion dans de l’eau à 20 ± 2°C). Cette phase a pour but
d’accélérer les transferts de matières dans les éprouvettes et l’avancement des
réactions ;
– immersion définitive dans de l’eau à 20 ± 2 °C au cours de laquelle les mesures
de gonflement sont effectuées permettant d’évaluer le caractère potentiellement
réactif ou non du couple béton/échauffement.
Tableau 11.15 : composition Tableau 11.16 : formulation des bétons
des deux ciments utilises soumis aux tests interlaboratoires
dans les bétons soumis aux tests (en kg/m3).
interlaboratoires (% massiques).
Ciment A Ciment C Béton A Béton C

C3S 55 64 Gravillon 8 /12,5 mm 907 910


C2S 23 15,6 Gravillon 4/8 mm 195 196
C3A 6,1 3,9 Sable 2/4 mm 202 202
C4AF 10,2 5,6 Sable 1/4 mm 189 190
Na2O éq. 0,9 0,27 Sable 0,315/1 mm 180 181
SO3 3,22 2,35 Sable 0/0,315 mm 98 98
Finesse 3930 3450 Ciment A 424 0
en cm2/g Ciment B 0 425
Eau 201 197

Les premiers résultats des tests interlaboratoires réalisés sur deux bétons de for-
mule identique fabriqués avec deux ciments différents (tableaux 11.15 et 11.16)
ont montré que l’essai permettait de discriminer la formule où un risque de for-
mation différée d’ettringite existait, l’autre formule étant a priori non réactive.
Les résultats bruts de 13 laboratoires, présentés lors du colloque de clôture des tra-
vaux du groupe de travail AFGC-RGCU « GranDuBé » [AFG 07b] sont schéma-

586
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

tisés par la figure 11.41. Les deux bétons se distinguent essentiellement par leur
teneur en alcalins, en SO3 et en aluminates, beaucoup plus élevées dans le béton
potentiellement expansif.
0,6

0,5
Allongement (%)

0,4

0,3
Béton A

0,2

0,1
Béton B

0
0 600
Temps (jours)

Figure 11.41 enveloppe des variations dimensionnelles moyennes en % mesurées


sur les bétons A (potentiellement expansif) et B (non expansif), d’après [AFG 06b].
Essais interlaboratoires suivant la méthode LPC 66 [LCP 07a]. Échauffement des bétons à 80 °C pen-
dant 10 heures. Dans le cas présenté, le comportement des deux bétons est bien discriminé par l’es-
sai. On observe toutefois que le fuseau englobant l’ensemble des courbes obtenues dans le cas du
béton A est large. La forte dispersion est en relation, d’une part, avec les valeurs très élevées du gon-
flement mesurées après plus d’un an et de conservation dans l’eau à 20 °C, et, d’autre, part avec cer-
taines inhomogénéités dans les modes opératoires pratiqués à l’époque par les différents
laboratoires.

En résumé :
L’ettringite de formation différée ou réaction sulfatique interne (RSI) doit être
distinguée des autres formes d’ettringite (ettringite primaire et ettringites secon-
daires) en raison des conditions très spécifiques de sa formation : décomposition
thermique lors de la prise et du durcissement, recristallisation différée (échelon-
née sur plusieurs années) au sein des C-S-H avec expansion et fissuration de la
pâte de ciment.
Les paramètres dont dépend la formation différée d’ettringite sont nombreux et
interdépendants :
– environnement : présence d’eau ou humidité relative élevée, température ex-
térieure lors de la mise en œuvre du béton frais ;
– échauffement du béton : T > 65 °C et temps de maintien à la température maxi-
male significatif ;
– composition chimique et minéralogique du ciment et du béton : teneurs en SO3
et C3A du ciment, Na2O équivalent du béton ;
– formulation du béton qui détermine son exothermie : type de ciment, usage
éventuel d’additions, dosage en ciment.

587
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

4. RÉACTIONS COUPLÉES : ALCALI-RÉACTION


ET FORMATION D’ETTRINGITE
4.1. Les données de l’observation : coexistence de produits d’alcali-
réaction et d’ettringite1
L’analyse minéralogique des bétons endommagés par alcali-réaction révèle fré-
quemment la coexistence de gels silico-calco-alcalins et d’ettringite. Cette ettrin-
gite peut avoir différentes origines dont dépend son caractère expansif ou non :
– ettringite issue de la réaction normale du C3A avec le régulateur de prise
(gypse, hémi-hydrate, anhydrite) qui a pu subir au cours du temps un certain
nombre de cycles de dissolution/recristallisation favorisés par la percolation
d’eau à travers les fissures provoquées par les poussées des gels d’alcali-réac-
tion. Cette ettringite secondaire qui a précipité librement dans les vides et les fis-
sures préexistantes, ne génère pas d’expansion. Elle se présente en cristaux
aciculaires plus ou moins bien exprimés. La consommation des alcalins de la
solution interstitielle par les gels silico-alcalins et silico-calco-alcalins peut
réduire la solubilité de l’ettringite et favoriser sa précipitation ;
– ettringite de formation secondaire résultant d’une attaque sulfatique externe
associée à une alcali-réaction. Cette ettringite, en cristaux moins bien exprimés
et pouvant se présenter en amas massifs d’aspect plus ou moins amorphe, peut
générer de l’expansion. Les deux réactions, qui conduisent à la fissuration du
matériau, se renforcent mutuellement ;
– ettringite de formation différée associée à l’alcali-réaction dans les bétons
ayant subi une cure thermique ou dans les bétons de masse à forte exothermie. Il
est parfois difficile dans ce cas de faire la part des deux réactions. L’alcali-réac-
tion se produit dans les bétons renfermant une teneur en alcalins relativement
élevée. Les alcalins et l’élévation de température augmentent la solubilité de
l’ettringite : l’ettringite primaire de formation précoce est dissoute ou ne se
forme pas. Lors du retour à la température ordinaire, et suivant les mécanismes
décrits plus haut, l’ettringite, décomposée en ions sulfate adsorbés par les C-S-H
et en microcristaux de monosulfoaluminate, existe à l’état potentiel dans la pâte
de ciment durcie, les alcalins demeurant en majeure partie dans la solution
interstitielle du béton et donc disponibles pour l’alcali-réaction. En conditions
humides, nécessaires aux deux réactions, la précipitation différée d’ettringite
pourra se produire, de même que le processus d’alcali-réaction pourra s’amorcer.
La consommation des alcalins par les gels d’alcali-réaction, devrait en principe

1. Pour la reconnaissance des différents faciès de l’ettringite et des gels d’alcali-réaction on pourra
se reporter au document élaboré par le groupe de travail AFGC-RGCU « Dégradations du béton
liées à laction des sulfates et aux phénomènes d’alcali-réaction » [AFG 07a].

588
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

favoriser la précipitation différée de l’ettringite existant à l’état potentiel dans la


pâte de ciment durcie dont elle provoque la microfissuration. Il y lieu de rappeler
que, suivant le mécanisme proposé par Taylor et al. [TAY 01], l’ettringite secon-
daire visible autour des granulats déchaussés et dans les fissures, n’intervient pas
(ou très peu) dans le gonflement du matériau. En raison de sa taille nanométri-
que, l’ettringite responsable du gonflement de la pâte de ciment n’est pas visible
par les méthodes microscopiques traditionnelles ; elle est également difficile-
ment détectable par diffraction des rayons X.
Les cas de réactions couplées alcali-réaction/formation différée d’ettringite les
plus fréquemment cités sont ceux de bétons contenant des granulats potentielle-
ment réactifs et ayant subi un étuvage. Des fissurations importantes apparaissent
après plusieurs mois ou plusieurs années, et la question relative au rôle joué par
chacune des deux réactions reste controversée. Certains auteurs attribuent le rôle
majeur à la formation différée d’ettringite, l’alcali-réaction n’ayant qu’un rôle mi-
neur, et inversement.
Shayan et al. [SHA 91, SHA 96] ont testé des mortiers dans lesquels les deux
réactions pouvaient se produire soit séparément, soit simultanément. Des éprou-
vettes ont été conservées à 40 °C, d’autres étuvées à 75 °C pendant 8 heures puis
stockées à 40 °C et 100 % d’humidité relative. Les mesures d’allongement effec-
tuées tendent à montrer que l’alcali-réaction est la première cause des dommages
mais que dans certains cas la formation différée d’ettringite peut être une cause
supplémentaire. Cependant, en l’absence d’alcali-réaction, la formation différée
d’ettringite n’est pas observée et les auteurs concluent au rôle majeur de l’alcali-
réaction dans la fissuration du béton. La formation différée d’ettringite ne provo-
querait pas de dégradations dans le cas des traverses de chemin de fer qu’ils ont
étudiées ; seule l’alcali-réaction serait en cause.
L’absence d’ettringite de formation différée observée par Shayan et al. en l’ab-
sence d’alcali-réaction peut s’expliquer, au moins en partie, par la disponibilité
des ions alcalins qui, associée à l’effet de la température de conservation des mor-
tiers, favorise la solubilisation de l’ettringite.
Ceci tend à être confirmé par les études effectuées par Oberholster et al. [OBE 92]
sur des traverses de chemin de fer traitées thermiquement, confectionnées avec
des granulats réactifs (granite et quartzite) et non réactifs (dolérite) : des gels d’al-
cal-réaction et de l’ettringite, associés à des fissurations, sont observés dans les
bétons contenant les granulats réactifs. L’ettingite seule est observée dans les bé-
tons de dolérite non fissurés. Les auteurs concluent que la réaction de formation
différée d’ettringite est une cause du gonflement des bétons, mais que l’alcali-
réaction serait ici une condition préalable.

589
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Si l’on prend en considération tout ce qui a été dit précédemment, l’occurrence


d’une réaction alcali-silice, consommatrice d’alcalins, favorise la formation d’et-
tringite. En ce qui concerne la prédominance de l’une des réactions sur l’autre,
tout dépend probablement des paramètres relatifs à chacune des réactions (com-
position chimique du béton et du ciment, formulation du béton, humidité, cycle
thermique…) et, en particulier, de la cinétique de réaction plus ou moins rapide
ou lente des granulats considérés.
En tout état de cause, si les conditions nécessaires aux deux réactions sont satis-
faites, il est vraisemblable qu’elles pourront se produire toutes deux et se renfor-
cer mutuellement. La fissuration provoquée par l’ettringite favorisera la
pénétration de l’humidité nécessaire à l’alcali-réaction. L’alcali-réaction qui en-
gendre également des fissurations et qui, de plus, consomme des alcalins, favori-
sera l’accès de l’eau dans le matériau et la recristallisation différée d’ettringite
expansive au sein de la pâte de ciment, puis d’ettringite secondaire dans les fissu-
res du béton.
4.2. Conditions de stabilité de l’ettringite dans les solutions
silico-alcalines
La question relative à l’influence d’une réaction alcali-silice sur la formation dif-
férée d’ettringite n’est pas totalement résolue. Différents scenarii sont proposés :
– suivant Jones et Poole [JON 87] la nucléation de l’ettringite se ferait préféren-
tiellement sur les gels d’alcali-réaction qui constitueraient un milieu de crois-
sance privilégié ;
– suivant ce qui a été dit précédemment, la diminution de la concentration en
alcalins consommés par l’alcali-réaction devrait favoriser la formation de
l’ettringite dont la solubilité diminue avec la concentration en alcalins, toutes
choses égales par ailleurs. C’est ce qui est généralement constaté dans les études
effectuées sur ce sujet [BRO 93, SHI 04] ;
– la microfissuration due à l’alcali-réaction favorise l’accès de l’humidité dans le
matériau et la précipitation de l’ettringite.
Toutefois, les travaux de Michaux et al. [MIC 97] réalisés sur des mélanges syn-
thétiques d’ettringite, de C3A et de gypse au contact de solutions de silicate de
soude plus ou moins concentrées, considèrent les choses un peu différemment :
les résultats de ces travaux montrent que l’ettringite et plus généralement les sul-
foaluminates de calcium hydratés ne sont pas stables au contact des solutions de
silicate de concentration supérieure à quelques mmoles (35 mmoles/l dans leurs
essais). Pour les concentrations supérieures les mélanges C3A-gypse donnent
naissance à des produits amorphes silico-alumino-calciques voisins des gels d’al-
cali-réaction. La mise en contact directe d’ettringite avec les mêmes solutions

590
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

conduit à la formation des mêmes produits amorphes. Ils en concluent que dans
les bétons contenant des granulats potentiellement réactifs et ayant une teneur en
alcalins élevée (au moins 1 % de Na2O équivalent), les sulfoaluminates ne peu-
vent pas être stables au contact de la solution concentrée en ions silicate générée
par l’attaque de la silice réactive des granulats. Suivant ces mécanismes, les ions
sulfate restent libres dans la solution interstitielle et peuvent diffuser dans le ma-
tériau où ils sont susceptibles de donner lieu à formation d’ettringite, si locale-
ment la concentration en ions silicate est suffisamment basse et si des ions
calcium et aluminate sont disponibles.
Mais, dans les systèmes cimentaires réels les phénomènes d’échanges dynami-
ques entre phases solides et liquides sont importants et peuvent se produire dans
des conditions locales de concentration qui s’écartent plus ou moins des condi-
tions moyennes. On ne connaît pas non plus l’influence de la nature de l’ion sili-
cate dont les degrés d’ionisation et de polymérisation sont variables, sur la
dissolution de l’ettringite. Par ailleurs, la mise en contact d’une solution de silica-
te avec l’hydroxyde de calcium provoque instantanément la coagulation de la so-
lution et la formation d’un gel [WEN 89]. Dans un béton de ciment Portland où
la teneur en Ca(OH)2 est relativement élevée, cela entraîne la consommation ra-
pide des ions silicate. Sauf peut-être au contact direct du granulat, la concentration
en silice de la solution est alors vraisemblablement suffisamment faible pour per-
mettre à l’ettringite de cristalliser. C’est ce qui est observé dans les bétons endom-
magés où l’ettringite peut se trouver en contact et même prendre naissance sur les
gels d’alcali-réaction.
En résumé :
L’ettringite est presque toujours observée dans les bétons atteints d’alcali-réac-
tion. Suivant son origine, cette ettringite peut générer ou non de l’expansion :
– ettringite primaire non expansive provenant de la réaction du gypse avec le
C3A aux premiers stades de l’hydratation ;
– ettringite secondaire non expansive résultant de la recristallisation d’ettringite
primaire ou d’autres formes d’ettringite au cours de l’histoire du béton ;
– ettringite secondaire résultant d’une attaque sulfatique externe associée à l’al-
cali-réaction ;
– ettringite secondaire observée dans des bétons de masse ou dans les bétons
ayant subi une cure thermique : sa distribution autour des granulats déchaussés
par l’expansion de la pâte de ciment peut être un signe de reconnaissance des
réactions sulfatiques internes. Bien qu’associée à l’ettringite de formation diffé-
rée à l’origine du gonflement de la pâte de ciment , elle ne doit pas être confondue
avec cette dernière, difficilement détectable par les méthodes microscopiques
traditionnelles. Cette ettringite secondaire intervient peu sur l’expansion.

591
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

En cas de réactions simultanées ettringite de formation différée/alcali-réaction,


la distinction de l’importance relative de chacune des deux réactions est délicate.
Les deux réactions se renforcent mutuellement mais le résultat dépend vraisem-
blablement de leurs cinétiques relatives.
En tout état de cause, la consommation des alcalins lors de la formation des gels
d’alcali-réaction est de nature à réduire la solubilité de l’ettringite et donc à fa-
voriser sa précipitation.

5. CONCLUSION GÉNÉRALE
Les deux principaux types de réactions endogènes ont été présentés : alcali-réac-
tion, d’une part, et réaction de formation différée d’ettringite, d’autre part. Il s’agit
de réactions complexes mettant en jeu de nombreux paramètres interdépendants :
conditions d’échauffement, caractéristiques chimiques et minéralogiques du ci-
ment et du béton, formule du béton, environnement.
En ce qui concerne l’alcali-réaction et, en particulier, les réactions alcali-silice,
qui sont les plus fréquentes en France, les mécanismes commencent à être assez
bien connus ou, tout au moins, les normes et recommandations existantes permet-
tent-elles de concevoir des bétons durables de ce point de vue et de minimiser
autant que possible les risques potentiels.
Le problème le plus important reste certainement le traitement des ouvrages at-
teints pour lesquels se pose la question des moyens de traitement et de réparation.
Mais, là aussi, bien que cette question ne soit pas résolue, la mise en œuvre de so-
lutions simples de protection contre les venues d’eau permet, si ce n’est d’inhiber
la réaction, tout au moins de la ralentir.
De plus, le développement des méthodes de diagnostic associées à l’utilisation de
modèles mathématiques intégrant à la fois les paramètres physico-chimiques de
la réaction à l’échelle du matériau et leurs effets sur le comportement mécanique
de la structure, permettent des prédictions de plus en plus raisonnables et appor-
tent aux gestionnaires d’ouvrage la possibilité d’une gestion rationnelle et écono-
mique des problèmes qu’ils peuvent rencontrer.
En ce qui concerne la formation différée d’ettringite, malgré l’existence de nom-
breuses publications sur le sujet, les mécanismes mis en jeu ainsi que les valeurs
seuils à adopter pour les paramètres déterminants de cette réaction, font encore
l’objet de discussions. La difficulté est due à la grande complexité et à l’interac-
tivité des phénomènes qui interviennent.
Toutefois, des efforts importants ont été faits dans le domaine de la recherche et
du diagnostic qui ont abouti à la publication, en 2007, par le LCPC, de Recom-
mandations pour la prévention des désordres dus à la réaction sulfatique interne.

592
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

En ce qui concerne les réactions couplées alcali-réaction/formation différée d’ettrin-


gite, rencontrées principalement dans le cas de bétons étuvés contenant des granulats
potentiellement réactifs, ces deux réactions, qui conduisent toutes deux à des fissura-
tions, peuvent se renforcer mutuellement en favorisant les transferts dans le matériau.
L’ettringite au contact de gels d’alcali-réaction est également souvent observée
dans les bétons n’ayant pas subi d’échauffement important. Il s’agit dans ce cas
d’ettringite secondaire, pouvant générer de l’expansion ou non, selon qu’il y a ap-
port ou non de sulfates du milieu extérieur.

Bibliographie
Ouvrages, normes et recommandations
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606
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

ANNEXES
A.1. Séquence des réactions de formation d’un gel d’alcali-réaction,
d’après [HOU 04]
Hou et al. proposent la séquence ci-après :
– l’hydratation du ciment forme de la portlandite et un C-S-H riche en Ca dépo-
lymérisé (I) ;
– augmentation des alcalins et du pH, attaque du granulat réactif par les OH– ;
– épuisement de la silice relarguée par combinaison à la portlandite, ce qui
entraîne la formation de C-S-H jusqu’à ce qu’il ne reste plus localement de port-
landite ;
– consommation de la silice qui continue à être libérée, par réaction avec le C-S-H (I)
et formation conséquente d’un C-S-H riche en Si, polymérisé ;
– enfin, accroissement de la concentration de la solution interstitielle en silice et
gélification en un gel A-S-H (gel contenant des alcalins A).
En fait, jusqu’à la formation du gel silico-alcalin A-S-H, cette séquence est iden-
tique à celle de la réaction pouzzolanique.
A.2. Stratégie ISE de détermination du niveau de détérioration
structurale et des mesures à prendre, d’après [DOR 89]
Classe Niveau d’expansion due à l’alcali-réaction, en 10–3
Conditions
de I II III IV V
d’humidité
ferraillage < 0,6 0,6 à 0,9 0,9 à 1,5 1,5 à 2,5 > 2,5
1 A A A B B B C C D E
Sèches 2 A A A B B B C D E E
3 A A A B B C C D E E
1 A A A B B C C D E E
Intermédiaires 2 A A B B C C D E E E
3 A A B B C D D E E E
1 A A B C C D D E E E
Humides 2 A A C C D D E E E E
3 A B C C D D E E E E
Faible Sign. Faible Sign. Faible Sign. Faible Sign. Faible Sign.
Niveau de conséquence des détériorations

Le niveau de détérioration structurale (de A à E) et la conduite à tenir en consé-


quence sont fixés en fonction de quatre paramètres d’entrée.
• Conditions d’humidité : sèches, intermédiaires ou humides ;
• Classe de ferraillage :
– classe 1 : réseau tridimensionnel où les aciers d’armatures sont très bien ancrés,
– classe 2 : réseau tridimensionnel avec ancrage conventionnel des armatures,

607
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

– classe 3 : réseau uni- ou bidimensionnel ou réseau tridimensionnel avec


ancrage des armatures qui laisse à désirer;
• Niveau d’expansion : cumul de l’expansion actuelle et de l’expansion future
prévisible à partir d’essais de gonflement sur carottes;
• Niveau de conséquence des dégâts structuraux. Il sera qualifié de faible si
ceux-ci ne risquent pas d’entraîner de conséquences sérieuses ou s’ils sont locali-
sés à des endroits de l’ouvrage où aucune situation fâcheuse ne peut normale-
ment se produire, et de significatif s’il y a risque d’accidents ou de dommages
sérieux à la propriété d’autrui.
Le tableau indique alors le niveau de détérioration (A à E) et les mesures à
prendre:
A – faible : inspections de routine ;
B – modéré : inspections tous les trois ans, évolution de la fissuration, essais sur
carottes de béton ;
C – sérieux : inspections annuelles, évolution de la fissuration, essais sur carottes
de béton ;
D – sévère : inspections trimestrielles, instrumentations in situ, essais en labora-
toire sur carottes, renforcements structuraux et réduction des charges au besoin,
protection contre l’humidité ;
E – très sévère : intervention immédiate, études spécialisées et détaillées de stabi-
lité (essais de chargement in situ, par exemple).

608
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

A.3. Gestion des ponts atteints par l’alcali-réaction


(ministère des Transports hollandais), d’après [J. Bakker]

Expansions N Expansion N Pas


localisées ? globale du tablier d'action
de pont ?

O O

N
Cause connue ? RECHERCHE des causes

RESULTATS
O

Même
comportement N (incident)
d'autres
ponts ?

(problème
O structural)

Problème Problème
N N
possible de sécurité possible de sécurité
de l'ouvrage de l'ouvrage

Inspection détaillée
PAS D'ACTION O
des autres ponts

Possibilité RÉDUIRE le trafic N Possibilité


N
de renforcer ou de réhabiliter
la structure REMPLACER la structure la structure

O MESURE DE O
RÉHABILITATION

609
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

A.4. Logigramme décisionnel LCPC, d’après [24]

610
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

A.5. Démarche proposée par la spécification RILEM AAR-7


pour minimiser les risques de désordre, d’après [30]

DÉBUT

Décider du niveau de risque approprié à la structure 1

S1 S2 S3
Risque faible Risque normal Risque élevé

Caractériser l'environnement 2

E1 E2 E3 E3 E2 E1
Protégé Exposé Exposé+ Exposé+ Exposé Protégé

Déduire le niveau de protection 3

P2 P2 P3 P3 P2*
P1 Normal Normal Spécial Spécial Normal+

Pas de précaution Choix des mesures de précaution 4

une, au choix deux, au choix une, au choix

M4
Modifier les propriétés du gel

M3
Réduire l'accès d'humidité

M2
Eviter le taux critique
de silice réactive

M1
Restreindre les alcalins

Taux Ciment Additions


alcalins "low-alkali" minérales
du béton

Retour au sommaire Fermer 611


CHAPITRE 12

La durabilité des bétons


vis-a-vis des environnements
chimiquement agressifs

G. ESCADEILLAS, H. HORNAIN

Résumé
L’attaque chimique du béton résulte essentiellement des réactions de dissolution/
précipitation qui se produisent lorsque les éléments agressifs, par diffusion ioni-
que ou par perméation de la solution, viennent en contact avec les hydrates cal-
ciques du ciment : dissolution de l’hydroxyde de calcium ou lixiviation de la chaux
des C-S-H, précipitation de composés nouveaux nocifs ou non. Les paramètres
qui régissent ces phénomènes sont nombreux et complexes : chimie et minéra-
logie du béton, sa microstructure dont dépendent les propriétés de transfert (per-
méabilité, diffusivité), conditions environnementales.
Les principaux milieux agressifs ainsi que les mécanismes d’attaque qui leur sont
associés, sont passés en revue. Un développement relativement important est
consacré aux milieux les plus courants : eau pure, acides, sulfates, eau de mer
et eaux usées. Les autres milieux : nitrates, chlorures, substances organiques
sont également abordés.

613
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

L’approche phénoménologique qui montre que le béton fabriqué et mis en place


conformément aux règles de l’art est un matériau normalement durable si ses
qualités intrinsèques (compacité, perméabilité, diffusivité) sont adaptées au mi-
lieu auquel il est exposé pendant la durée d’utilisation de la structure, est complé-
tée par une approche normative traitant :
– des recommandations générales et spécifiques pour la conception, la fabrica-
tion et la mise en œuvre de bétons durables ;
– des essais qui permettent de qualifier les mortiers et les bétons vis-à-vis des
attaques chimiques ;
– des dispositions normatives relatives à la classification des environnements
agressifs et au choix des ciments en fonction du type d’attaque et de la classe
d’exposition selon le fascicule de documentation FD P18-011 et la norme NF EN
206-1.
L’esquisse d’une démarche diagnostic des dégradations d’origine chimique est
également proposée.
Mots-clés
ACIDES, AGRESSIONS CHIMIQUES, EAU DE MER, EAU PURE, EAUX USÉES, ETTRINGITE,
MÉCANISMES, NORMES, SULFATES, THAUMASITE.

614
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

1. INTRODUCTION
Ce chapitre concerne les bétons élaborés à partir des ciments courants au sens de
la norme NF EN 197-1 : ciments dont le constituant de base est le clinker Portland
associé à d’autres constituants minéraux naturels (pouzzolanes, calcaires) ou ar-
tificiels (cendres volantes, laitier, fumée de silice).
S’ils sont bien adaptés à leur usage et à leur environnement, et s’ils sont fabriqués
et mis en œuvre suivant les règles de l’art (norme NF EN 206-1, normes de pro-
duits préfabriqués et fascicule 65), ces bétons sont résistants chimiquement et du-
rables. Leur durée de vie1 présumée est d’au moins cinquante ans.
Dans le cas des durées de vie supérieures, de l’ordre de 100 à 120 ans, exigées
pour les grands ouvrages tels que le pont sur le Tage à Lisbonne mis en service en
1998 [HOR 98] ou le viaduc de Millau en France ouvert au trafic en 2004, l’ap-
plication de prescriptions plus sévères ainsi que la mise en œuvre d’une approche
performantielle (traitée au chapitre 8), permettent de concevoir des bétons dura-
bles avec un bon degré de fiabilité.
Du point de vue chimique, le matériau béton constitue un système très complexe
formé d’un squelette granulaire plus ou moins inerte, solidarisé par des hydrates
(C-S-H, hydroxyde de calcium, aluminates…) dont la porosité est irriguée par une
phase liquide interstitielle fortement basique, de pH de l’ordre de 13. La compo-
sition et la structure microporeuse du matériau sont illustrées par la figure 12.1.

20 µm

Figure 12.1 : illustration de la microstructure d’un béton (ciment de type CEM I, granulats
siliceux, E/C = 0,50). Fractographie au microscope électronique à balayage
(photo LERM).

1. Suivant la norme NF EN 206-1, la durée de vie est la période durant laquelle le comportement
du béton dans la structure demeurera à un niveau compatible avec les exigences de performance de
la structure si celle-ci est correctement entretenue.

615
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

1 : granulat siliceux de surface plus ou moins rugueuse ; 2 : portlandite Ca(OH)2 en cristaux massifs
précipités au contact du granulat (empilement de cristaux de structure hexagonale vus perpendiculai-
rement au plan principal) ; 3 : C-S-H microgranuleux, microporeux ; 4 : aiguilles d’ettringite non ex-
pansive dans un pore ; 5 : empreinte lisse d’un granulat déchaussé.
La porosité (nanoporosité des C-S-H et porosité capillaire (espaces intergranulaires, vides aux inter-
faces liant/granulats)) conditionne le transfert des agents agressifs dans le matériau par diffusion, per-
méation et capillarité.
Le lecteur se reportera avantageusement au chapitre 3 où sont traitées en détail les questions relati-
ves à la structure poreuse des bétons et à leurs propriétés de transfert.

Par définition, le béton est un matériau évolutif qui, tout au long de son existence,
est le siège de réactions physico-chimiques (présentées en détail dans le chapitre 2),
certes de plus en plus lentes : hydratation des composés anhydres résiduels, échan-
ges ioniques entre phases solides et liquides, phénomènes de dissolution et recris-
tallisation, migration d’ions… En conditions normales de température et
d’humidité, ces transformations n’ont aucun caractère nocif et contribuent plutôt à
la pérennité du matériau.
Toutefois, les équilibres chimiques plus ou moins établis à long terme peuvent
être perturbés sous l’influence du milieu extérieur, en particulier par l’action
d’agents agressifs externes dont il sera principalement question ici. Face à ces
agents agressifs plus acides (eaux pures, sels, acides…), le béton, matériau forte-
ment basique (pH de l’ordre de 13), se trouve en déséquilibre thermodynamique.
À leur contact, des réactions susceptibles de conduire à des dégradations plus ou
moins importantes peuvent se produire.
Dans toutes les réactions de dégradation, l’eau joue un rôle primordial. Indépen-
damment de l’eau normalement contenue dans le béton (solution interstitielle en
équilibre chimique avec les hydrates), un apport d’eau extérieur est nécessaire
(eau liquide ou humidité atmosphérique). D’une part, l’eau est le vecteur des ions
agressifs ; d’autre part, elle est à l’origine du renouvellement de la solution inters-
titielle qui permet aux phénomènes de dissolution/précipitation de se produire.
Par ailleurs, on sait que l’agressivité des gaz dépend de l’humidité relative du mi-
lieu ambiant et que celle des sols est directement en relation avec la percolation
d’eau qui permet d’en dissoudre les éléments nocifs (sols gypseux, par exemple).
Le transport des ions agressifs se fait principalement par perméation des gaz et
des liquides et par diffusion ionique à travers la veine liquide.
Le transport des ions agressifs dans les bétons se fait suivant deux processus prin-
cipaux, superposés, présentés en détail dans le chapitre 3 :
– processus de diffusion sous gradient de concentration, régi par les lois de Fick
(diffusion sans interactions entre les ions diffusant) complétées par la relation de
Nernst-Planck qui prend en compte les interactions entre ions ;

616
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

– processus de perméation correspondant au déplacement du fluide sous gradient


de pression. Ce processus est régi par la loi de Darcy qui permet de quantifier le
débit du fluide à travers le béton en fonction de la perméabilité du matériau.
C’est la raison pour laquelle perméabilité et diffusivité, qui dépendent de la com-
pacité du béton, sont deux indicateurs essentiels de la durabilité des bétons.
Le transport des ions dans le béton est un transport réactif : les échanges ioniques
entre les espèces diffusantes, la solution interstitielle et les hydrates provoquent
des perturbations du système chimique qui se traduisent par des phénomènes de
dissolution et de précipitation. La description et la simulation numérique de ces
phénomènes sont présentées au chapitre 4.
Le béton est un système chimique fortement basique, évolutif, plus ou moins
réactif au contact du milieu extérieur souvent plus « acide » (atmosphère, eaux,
solutions salines, acides).
Toutefois, pour les durées de vie prévues par les normes, le matériau est durable
s’il est fabriqué et mis en place conformément aux règles de l’art.
Le vecteur commun à tous les agents agressifs est l’eau qui dissout les composés
gazeux ou solides.
Le transport des substances agressives se fait essentiellement par perméation et
par diffusion, indicateurs majeurs de durabilité dépendant de la compacité du
béton.

2. MÉCANISME GÉNÉRAL DES ATTAQUES CHIMIQUES


2.1. Deux processus majeurs associés : dissolution et précipitation
Deux processus majeurs sont mis en jeu lors des attaques chimiques du béton :
– dissolution et hydrolyse des composés hydratés ;
– précipitation de composés pouvant avoir un caractère nocif ou non.
L’attaque du béton au contact d’une eau pure ou d’une solution plus moins char-
gée en ions agressifs se produit généralement selon ces mécanismes de dissolu-
tion/précipitation régis par des équilibres thermodynamiques.
Dans un solvant polaire tel que l’eau, les interactions fortes entre les dipôles du
solvant et les ions d’un composé ionique entraîne la dissolution et la dissociation
plus ou moins complète de ce dernier suivant un processus de solvatation des ions.
La dissociation est quasi-totale pour un sel tel que le chlorure de sodium en solu-
tion aqueuse (aq) :
NaClsolide → Na+ (aq) + Cl– (aq)
La dissociation n’est que partielle par exemple pour un acide faible tel que l’acide
acétique, dont une partie passera en solution sous forme moléculaire CH3CO2H

617
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

et une partie sous forme d’ions CH3CO2– et H+ (ou plus précisément H3O+). La
dissociation sera totale pour un acide fort tel que HCl.
Pour un sel AxBy ↔ xA+(aq)+ yB–(aq) l’équilibre de solubilité (ou la constante
de dissociation) est défini par :
Ks = [A+]x . [B–]y / [AxBy] ou encore par pKs = – log Ks
où [A+] et [B–] représentent les activités1 des ions en solution (assimilables, en
première approximation, à leurs concentrations dans le cas des solutions diluées).
[A+]x . [B–]y représente le produit de solubilité du composé AxBy à l’équilibre, à
la température et à la pression considérées (les pK sont généralement donnés pour
25 °C (298 °K) dans les tables). Si le produit [A+]x . [B–]y est supérieur au produit
de solubilité, la solution est sur-saturée et il y a précipitation de AxBy ; s’il est
inférieur, la solution est sous-saturée et AxBy se dissout.
Par exemple, pour la portlandite Ca(OH)2, base forte dont la dissociation dans
l’eau est complète, la réaction à l’équilibre s’écrit (en négligeant les ions CaOH–
résultant de la complexation du calcium par les ions OH–) :
Ca(OH)2 ↔ Ca2+ + 2OH–
et pKs = – log [Ca2+] [OH–]2 = 5,25 [ADE 96]
soit Ks = 10–5,25 = 5,6.10–6
Les conditions de dissolution et de précipitation d’un composé dépendent égale-
ment des autres espèces ioniques présentes. Par exemple, en présence d’alcalins,
l’apport d’ions OH– modifie l’équilibre ci-dessus et entraîne le précipitation de
Ca(OH)2, ce qui explique la très faible concentration en ions calcium de la solu-
tion interstitielle des bétons, qui contient généralement des hydroxydes alcalins.
La dissolution d’un composé dans l’eau peut être accompagnée du phénomène
d’hydrolyse qui est une réaction particulière qui se produit lors de la dissolution
dans l’eau d’un sel d’acide fort et de base faible (chlorure d’ammonium NH4Cl
par exemple) ou d’un sel de base forte et d’acide faible (C-S-H par exemple) : cet-
te réaction conduit à la décomposition chimique du sel par l’eau et à la dissocia-
tion de l’eau elle-même. Schématiquement, dans le cas d’un sel AB de base forte
et d’acide faible on peut écrire :
AB + H2O ↔ B(OH) + AH

1. L’activité d’un ion est égale à sa concentration molaire affectée d’un coefficient d’activité qui
dépend des interactions ion/solvant.

618
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

Dans ce cas, la dissociation de l’eau (H2O ↔ H+ + OH–) n’est pas négligeable par
rapport à celle de l’acide faible AH et, lors de la dissolution du sel AB, on ne pour-
ra éviter la coexistence de AH et OH-, ces derniers primant sur l’acide faible peu
ionisé. La solution résultante aura un caractère basique.
Ainsi, en présence d’eau, les C-S-H se décomposent en Ca(OH)2, base forte, et en
acide silicique H4SiO4, avec dissociation de l’eau : la base forte est complètement
dissociée en Ca2+ et OH–, l’acide silicique est faiblement dissocié en H2SiO42– et
H+ (ou H3O+). Du fait de la dissociation de l’eau, la concentration des ions H+ est
inférieure à celle des ions OH–, ce qui confère un pH basique à la solution. On
peut schématiser le processus de la manière suivante : l’équilibre entre un C-S-H
de rapport CaO/SiO2 = 1,5 et les ions de la solution peut s’écrire par exemple
[FUJ 81] :
1,5CaO.SiO2.2,3H2O ↔ 1,5Ca2+ + H2SiO42– + OH– + 0,8H2O
L’acide silicique étant un acide faible, les ions H2SiO42– déplacent l’équilibre io-
nique de l’eau suivant la réaction :
H2SiO42– + H2O ↔ H3SiO4– + OH– la solution est basique.
En ce qui concerne le béton on parle plus généralement de lixiviation qui, dans sa
définition première, est une opération qui consiste à faire passer lentement un sol-
vant à travers un matériau en couche épaisse afin d’en extraire un ou plusieurs
constituants solubles. C’est le terme souvent employé pour décrire le phénomène
d’extraction progressive des ions calcium (dissolution de Ca(OH)2 et décalcifica-
tion des C-S-H) lors de la percolation des solutions agressives dans le béton. La
lixiviation peut être décrite comme une dissolution progressive résultant d’une
succession d’états d’équilibre entre les hydrates et la solution : au fur et à mesure
que les ions agressifs arrivent au contact des hydrates, l’équilibre entre ces hydra-
tes et la solution interstitielle est rompu ; mais il est aussitôt rétabli par une nou-
velle dissolution des hydrates et/ou par la précipitation d’un nouveau composé
selon que la solution est sous-saturée ou sursaturée par rapport à ce composé. Le
terme de « lessivage » parfois employé, a un sens analogue.
Les composés précipités peuvent être nocifs ou non vis-à-vis de la durabilité du
béton.
À titre d’exemple, la précipitation du carbonate de calcium CaCO3, due à l’action
de l’acide carbonique sur les composés calciques du béton Ca(OH)2 et C-S-H, ré-
duit la porosité de la peau du béton et peut constituer une barrière plus ou moins
protectrice vis-à-vis de la pénétration des substances agressives dans le matériau
[REG 76].

619
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

En revanche, comme on le verra plus loin, la précipitation tardive d’ettringite dans


certaines conditions spécifiques traitées au paragraphe 3.3, peut s’avérer nocive
par le gonflement qu’elle entraîne. La précipitation de cette même ettringite for-
mée aux premiers stades de l’hydratation par la réaction du sulfate de calcium, ré-
gulateur de prise, avec l’aluminate tricalcique du ciment, est parfaitement
inoffensive.
2.2. Conséquences générales
La dissolution des hydrates, accompagnée ou non de la précipitation de composés
nouveaux, a deux effets majeurs :
– d’une part, un accroissement de la porosité du béton qui a pour conséquence
une augmentation de sa perméabilité et de sa diffusivité. L’augmentation de
porosité se traduit également par une dégradation plus ou moins importante des
caractéristiques mécaniques : module d’Young, résistances [KAM 03a] ;
– d’autre part, selon la nature, la solubilité et les conditions de précipitation des
composés néoformés, un gonflement et une fissuration plus ou moins importants
du matériau : ce peut être le cas, par exemple, de l’ettringite due à une agression
par des sulfates d’origine externe.
Dans certains cas, la solubilité du composé néoformé est telle que seul le phéno-
mène de dissolution est à prendre en compte : la réaction de certains acides forts
du type HCl avec Ca(OH)2 qui conduit ici à la formation de CaCl2, sel très soluble
sans effet intrinsèque sur le béton (excepté bien entendu les effets de l’ion Cl- sur
la corrosion des aciers), en est une illustration. Toutefois, à la faveur des cycles
climatiques d’humidification et séchage subis par le béton, certains sels très solu-
bles, tels que NaCl en milieu marin ou industriel, peuvent cristalliser dans les pre-
miers millimètres et entraîner la desquamation du matériau.
Dans d’autres cas, au contraire, le sel précipité, très peu soluble, peut participer
plus ou moins à la protection du béton : c’est le cas du carbonate de calcium déjà
cité ou encore de certains sels tels que les oxalates ou les phosphates qui forment
avec la chaux des composés insolubles.
La dissolution des hydrates et la précipitation de produits nocifs peuvent conduire
à des dégradations du béton dont les conséquences peuvent être uniquement es-
thétiques mais qui peuvent parfois mettre en péril la stabilité mécanique de
l’ouvrage. Les actions chimiques sont couplées aux actions environnementales
ainsi qu’aux contraintes mécaniques liées au fonctionnement de l’ouvrage L’ap-
proche « holistique », schématisée par la figure 12.2, a été proposée par P.K. Meh-
ta [MEH 94, MEH 06] pour prendre en compte tous les aspects de la durabilité.

620
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

Béton armé avec fissures discontinues, Actions environnementales


microfissures et pores
Stade 1
Ɣ*UDGLHQWVG KXPLGLWp
et de température
Augmentation de la perméabilité Ɣ&KDUJHPHQWVF\FOLTXHV
par interconnexion des fissures, HWFKRFV
des microfissures et des pores

Actions environnementales
1. Expansion du béton par formation Stade 2
de composés gonflants en relation avec :
Ɣ3pQpWUDWLRQGHO HDX
±O DWWDTXHSDUOHVVXOIDWHV
Ɣ3pQpWUDWLRQGHVJD]
±O DOFDOLUpDFWLRQ
Ɣ3pQpWUDWLRQGHVLRQVDJUHVVLIV
±OHVF\FOHVGHJHOGpJHO 2–
&O–, SO4 )
– la corrosion des aciers
2. Perte de raideur et de résistance
du béton

Fissuration, fragmentation,
perte de masse

Figure 12.2 : modèle holistique1 de Mehta (d’après [MEH 94]).


Couplage environnement/contraintes mécaniques/actions physico-chimiques.
Au stade 1, la perméabilité du béton, naturellement plus ou moins poreux et microfissuré, augmente
sous l’action des contraintes environnementales et de service. Au stade 2, la pénétration des agents
agressifs peut provoquer diverses réactions qui conduisent à une dégradation du matériau et de ses
caractéristiques mécaniques

2.3. Paramètres de la durabilité chimique


L’examen d’un problème de durabilité nécessite donc de prendre en compte l’en-
semble des paramètres, généralement interactifs, qui déterminent le comporte-
ment du béton vis-à-vis des différents agresseurs chimiques. Ces paramètres sont
décrits ci-après.
2.3.1. Paramètres liés au matériau
ˆ Composition chimique et minéralogique du ciment :
– teneur potentielle en portlandite Ca(OH)2. Vis-à-vis des attaques chimiques
(eaux pures, acides, sulfates…) ce composé est le plus facilement solubilisable.
C’est pourquoi, dans ces cas, des bétons élaborés avec des ciments composés ou

1. Holistique : du grec holos qui signifie « tout ». Approche globale proposée par P.K. Mehta
[MEH 94].

621
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

contenant des additions consommatrices de chaux (laitier, cendres volantes,


fumées de silice…), sont souvent préconisés. La teneur potentielle en hydroxyde
de calcium Ca(OH)2 est considérée comme un indicateur majeur de durabilité :
toutes choses égales par ailleurs, plus la teneur en chaux est faible, plus la résis-
tance chimique est bonne. Toutefois ce qui est valable pour les attaques chimi-
ques mentionnées ne l’est pas forcément pour certaines réactions telles que celles
qui induisent la corrosion des aciers où le rôle protecteur de la chaux, qui main-
tient un pH alcalin, est connu. Mais si le béton est bien conçu et bien mis en
œuvre, le pH de la solution interstitielle des ciments composés est en principe
suffisant pour assurer la protection des aciers comme l’a montré P. Longuet
[LON 73] à propos de ciments au laitier (pH > 12-13) ;
– teneurs en aluminate tricalcique C3A et en silicate tricalcique C3S. Au contact
de l’eau de mer et dans les milieux fortement chargés en sulfates, le C3A anhydre
résiduel qui n’a pas réagi avec le gypse régulateur de prise peut se transformer en
ettringite expansive. Dans ces cas, sa teneur, de même que celle de C3S pour les
ciments à la mer, est limitée ;
– teneurs en additions minérales. Les laitiers de haut-fourneau, cendres volantes,
pouzzolanes, fumées de silice en tant que constituants des ciments ou en tant
qu’additions dans les bétons sont généralement favorables à la résistance chimi-
que du béton, d’une part, parce qu’ils réduisent la basicité globale du matériau en
consommant la chaux libérée par l’hydratation des silicates C3S et C2S, d’autre
part, par leur effet positif sur la microstructure du béton [BAR 99a] (cf.
chapitre 3) ;
– nature minéralogique des granulats. Si l’on excepte le cas particulier de
l’alcali-réaction traitée par ailleurs, et sauf dans le cas des bétons à base de
roches calcaires soumis à un environnement acide, les granulats interviennent
peu en tant que tels dans la résistance chimique des bétons. Mais il faut néan-
moins signaler l’importance de l’auréole de transition plus ou moins poreuse et
de la structure particulière qui existe entre les granulats et le liant proprement dit
[INS 87] : celle-ci dépend de la nature minéralogique des granulats et de la for-
mulation du béton ; elle peut jouer un rôle plus ou moins important dans les pro-
cessus de transfert des ions agressifs dans le béton [BOU 94].
ˆ Formulation et propriétés de transfert du béton
Les propriétés de transfert dont dépend la capacité du béton à résister à la péné-
tration des agents agressifs liquides ou gazeux, sont déterminantes pour la dura-
bilité. Elles sont représentées essentiellement par les deux indicateurs majeurs de
durabilité que sont la diffusivité et la perméabilité, toutes deux en relation avec la
compacité. La compacité est elle-même assurée par une formulation optimisée du
squelette granulaire du béton. Dans le cas des bétons à hautes performances, la

622
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

compacité maximale est obtenue par une large étendue granulaire associée à l’uti-
lisation de fines (calcaires, laitiers, cendres volantes, fumées de silice) venant en
complément ou en substitution du ciment [BAR 99a].
2.3.2. Paramètres liés à l’environnement
Les principaux paramètres à prendre en compte sont les suivants :
• la nature physique de l’agent agressif qui peut être liquide, gazeux ou solide, le
vecteur des composés agressifs pour ces deux derniers étant toujours l’eau apportée
par le milieu extérieur, sans laquelle il n’y a pas de dégradation notable possible.
Les milieux liquides sont essentiellement les eaux pures ou plus ou moins chargées
et des solutions d’acides, de bases et de sels d’origine naturelle ou artificielle.
Les milieux gazeux sont d’origine naturelle, industrielle ou domestique. Il s’agit
par exemple de CO, CO2, SO2, NOx, H2S dans les ouvrages d’assainissement ou
encore le chlore dégagé lors d’incendies. Ces gaz s’oxydent en présence d’humi-
dité. Par condensation dans des conditions données de température et d’humidité,
des solutions agressives peuvent se former lorsqu’on descend en dessous du point
de rosée. Selon le fascicule de documentation FD P18-011, l’agressivité des gaz
est généralement faible dans les environnements d’humidité relative inférieure à
65 %. D’un autre point de vue, il faut rappeler que la diffusion des gaz est faible
dans les bétons saturés. Le cas du CO2 à l’origine de la carbonatation, faible lors-
que l’humidité relative du béton est élevée et maximale lorsque le taux d’humidité
est de l’ordre de 65 %, en est une illustration (voir le chapitre 9).
Les milieux solides sont les sols ou les remblais contenant des substances nocives.
Ici encore, c’est la présence d’eau plus ou moins en mouvement dans le sol qui
permet le passage en solution de l’agent agressif et son transfert dans le béton ;
• la nature chimique de l’agent agressif, sa concentration, son mode d’action
(dissolution/hydrolyse/lixiviation, dissolution/précipitation de composés néofor-
més expansifs ou non) ;
• les conditions climatiques naturelles ou artificielles, générales et locales :
exposition atmosphérique, immersion totale, semi-immersion, zone de marnage
ou encore enfouissement ;
• l’humidité relative du milieu, les atmosphères « sèches » (humidité relative
< 65 % suivant le fascicule de documentation FD P18-011) étant peu favorables
au développement des réactions ;
• la température qui est généralement un facteur d’accélération des réactions1 ;

1. On peut rappeler toutefois que la solubilité de la portlandite Ca (OH)2 diminue quand la tempé-
rature augmente (cf. tableau 12.2).

623
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

• les cycles climatiques. Les cycles humidification/séchage accélèrent considé-


rablement les dégradations du béton. À titre d’exemple, la zone de marnage en
milieu marin, où ces cycles sont très importants, est une zone où le risque de
dommage est maximal.
• la mobilité du milieu agressif (liquides et gaz) qui accélère les échanges chi-
miques et qui peut éventuellement induire un effet mécanique supplémentaire
(érosion, chocs), est un facteur aggravant.
2.3.4. Paramètres liés à la structure
L’approche « holistique » des problèmes de durabilité (cf. figure 12.2) nécessite
que soient pris en compte les effets des contraintes mécaniques liées au fonction-
nement de l’ouvrage : chargements, fatigue, dilatations et retraits différentiels…
Ces contraintes peuvent engendrer des fissurations qu’il convient de bien diffé-
rencier de celles qui sont produites sous l’effet d’un agent agressif. Ces fissura-
tions sont susceptibles d’accélérer et d’aggraver d’éventuelles attaques chimiques
qui sont susceptibles elles-mêmes d’affaiblir la structure.
2.3.4. Paramètres économiques
Les contraintes économiques locales imposent parfois le choix de matériaux (gra-
nulats, ciment) non optimisés vis-à-vis de la durabilité. Si l’importance de
l’ouvrage le justifie, il peut être envisagé de mettre en œuvre une approche per-
formantielle basée sur l’équivalence de performance d’une formule donnée de bé-
ton par rapport à un béton de référence conforme aux exigences de la norme NF
EN 206-1 pour l’environnement considéré, la démonstration de l’équivalence de-
vant être faite.
L’attaque chimique des bétons met en jeu deux mécanismes couplés : dissolu-
tion/hydrolyse des hydrates et précipitation de sels, nocifs ou non.
Les conséquences générales sont un accroissement de la porosité et de la fissura-
tion, une augmentation de la perméabilité et de la diffusivité, des pertes de rai-
deur et de résistances mécaniques.
Les différents paramètres de la durabilité chimique sont :
– les paramètres liés au matériau : chimie et minéralogie du ciment (type de
constituants, Ca(OH)2 potentiel, C3A, C3S…), formulation et propriétés de
transfert du béton (compacité) ;
– les paramètres liés à l’environnement : nature physique (solide, liquide, gaz) et
chimique (acide, base, sel) de l’agent agressif, conditions climatiques générales
et locales (immersion, semi-immersion, marnage, aérien, humidité relative, tem-
pérature, cycles, mobilité) ; les paramètres liés à la structure : contraintes de
fonctionnement (charges, fatigue), fissuration.

624
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

3. REVUE DES PRINCIPAUX MILIEUX AGRESSIFS


ET MÉCANISMES D’ATTAQUE ASSOCIÉS
3.1. Eaux naturelles
3.1.1. Paramètres d’agressivité
L’agressivité d’une eau naturelle dépend de trois paramètres interdépendants qui
sont le pH, la dureté et la teneur en dioxyde de carbone agressif.
ˆ Le pH
Le pH d’une eau traduit son caractère acide ou basique. Elle sera acide (pH < 7)
si elle contient du dioxyde de carbone libre, des acides minéraux ou organiques
(acides humiques), ou encore des sels d’acides forts et de base faible (NH4NO3
par exemple) dont l’hydrolyse génère des protons H+ (ou H3O+) responsables de
l’acidité. Elle sera basique si elle contient des carbonates, des bicarbonates ou des
ions hydroxyles OH–.
Une eau en contact avec l’atmosphère va dissoudre du gaz carbonique de l’air.
Elle contiendra donc toujours une certaine concentration d’ions hydrogénocarbo-
nate (HCO3–) et d’ions carbonate (CO32–). La pression partielle du CO2 atmos-
phérique, pCO2, en augmentation régulière, atteint à l’heure actuelle une valeur
proche de 36 Pa. Pour une eau de surface, l’équilibre entre la phase gazeuse et la
phase aqueuse s’écrit :
CO2 (gaz) ' H2O + CO2 (aq.)
La constante relative à cet équilibre est :
[ CO 2 ( aq. ) ] [ CO 2 ( aq. ) ]
K = ----------------------------
- = ---------------------------
-
[ CO 2 ( gaz ) ] pCO 2

À 25 °C, cette constante vaut 10–1,47, soit [CO2]aq. = 1,22 × 10–5 mol/kg, où
[CO2]aq représente le CO2 moléculaire dissous et le CO2 hydraté (molécule
H2CO3).
Les autres équilibres mis en jeu peuvent s’écrire :
H2O + CO2(aq.) ' HCO3– + H+ pKa1 = 6,345
H2O + HCO3– ' CO32– + H+ pKa2 = 10,33
Ces différentes relations permettent de calculer le pH d’une eau ultra pure en
équilibre avec l’air : pH = 5,63.

625
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Les autres couples acide/base actifs qui peuvent contribuer à la fixation du pH


dans les milieux aquatiques naturels sont principalement H4SiO4/H3SiO4– pour
les eaux de rivière et thermales et H3BO3/H2BO3– pour l’eau de mer.
ˆ La dureté
La dureté peut être définie par le titre ou degré hydrotimétrique TH qui corres-
pond à la somme des concentrations en cations métalliques, à l’exception de ceux
de l’hydrogène et des métaux alcalins :
TH = [Ca2+] + [Mg2+] + [autres cations métalliques Fe, Al, Mn, Sr]
Le degré hydrotimétrique français (°F) vaut 10 mg de CaCO3, 4 mg de Ca et
2,43 mg de Mg.
La dureté peut être définie également par le titre alcalimétrique complet (TAC)
qui indique la teneur en hydroxydes libres (OH-), carbonates (CO32–) et bicarbo-
nates (HCO3-) alcalins ou alcalino-terreux.
TAC = [OH–] + [CO32–] + [HCO3–]
C’est à ce dernier que le fascicule de documentation FD P18-011, auquel renvoie
la norme NF EN 206-1, fait référence. Il s’exprime en milliéquivalent1 par litre
(me.L–1)
ˆ Le dioxyde de carbone
Le dioxyde de carbone agressif représente une partie du dioxyde de carbone dis-
sous dans toute eau naturelle. Le schéma suivant l’explique :

CO2 total

CO2 libre CO2 lié

CO2 agressif CO2 équilibrant CO2 des bicarbonates CO2 des carbonates

Le dioxyde de carbone équilibrant représente la quantité de dioxyde de carbone


libre nécessaire pour maintenir les bicarbonates en solution, selon la réaction :
H2O + CO2 + CaCO3 ' (HCO3)2Ca

1. Le milliéquivalent est la masse d’une millimole divisée par la valence : pour CaO par exemple le
milliéquivalent est égal à 56 (masse molaire de CaO) divisé par 2 (valence du calcium) = 28. Le
milliéquivalent correspond à 5 ° hydrotimétrique français.

626
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

Le dioxyde de carbone agressif représente l’éventuel surplus de dioxyde de car-


bone libre par rapport au dioxyde de carbone équilibrant. La loi de Le Chatelier
indique que l’équilibre est alors déplacé vers la gauche : il y a dissolution du car-
bonate, d’où le nom de dioxyde de carbone agressif. Une telle eau est corrosive.
Au contraire, si la teneur en dioxyde de carbone libre est inférieure à celle du
dioxyde de carbone équilibrant, l’équilibre se déplace vers la droite : il y a préci-
pitation de carbonate. Une telle eau n’est pas corrosive, mais au contraire, incrus-
tante.
L’utilisation d’abaques, par exemple celui de Tillmans (figure 12.3), permet de
classer une eau suivant son activité dissolvante ou incrustante.

Eau agressive
pH 6,1 6,3 6,5
10

Courbe d'équilibre
CO2 (mmol/l)

8
de la calcite à 15 °C

Eau incrustante
6 A 6,6

4 6,9

2 7,2
B

0 10 20 30 40 50
TAC (°F)

Figure 12.3 : diagramme de Tillmans.


Le diagramme donne la courbe d’équilibre calco-carbonique des eaux à la température de 15 °C. On
porte en ordonnées la concentration en CO2 libre total et en abscisses le TAC en degrés français. Le
TAC représente la concentration globale en anions CO32–, HCO3– et OH–.
La courbe d’équilibre partage le diagramme en deux zones : les eaux, situées à gauche de la courbe,
sont agressives, alors que celles situées à droite sont incrustantes. Pour une eau de TAC = 30 °F, le
point A représente une eau agressive de pH = 6,5. Cette eau peut dissoudre la calcite et déplacer son
point figuratif jusqu’à ce que l’équilibre calco-carbonique soit atteint. Pour la même valeur du TAC, le
point B correspond à une eau incrustante de pH = 7,2. Le CO2 libre total est inférieur au CO2 équili-
brant et les bicarbonates se transforment en carbonates qui précipitent jusqu’à obtention d’un nouvel
état d’équilibre.

3.1.2. Attaques par les eaux pures et les eaux douces :


dissolution essentiellement
À condition d’être compacts les bétons sont en général peu sensibles à ce type de
milieux. Dans la pratique, les attaques se réduisent le plus souvent à une érosion

627
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

superficielle millimétrique. Elles peuvent également se manifester sous formes


d’efflorescences inesthétiques sur les parements.
En tout état de cause, l’action dissolvante de l’eau ne peut être complètement né-
gligée [KON 91].
Par exemple, les eaux très peu minéralisées, de titre alcalimétrique inférieur à
0,1 mé./L sont classées dans la catégorie des environnements à forte agressivité chi-
mique (classe d’exposition XA3) dans le fascicule de documentation FD P18-011.
Les travaux d’Adenot et al. [ADE 92, ADE 96], réalisés dans le cadre d’une re-
cherche sur le comportement à très long terme des bétons destinés au stockage des
déchets radioactifs, décrivent bien le processus d’attaque d’une pâte de ciment
soumise à la lixiviation par une eau déionisée de pH 7 : l’attaque consiste princi-
palement en une dissolution progressive des différents hydrates suivant des fronts
successifs dépendant de la solubilité des hydrates dont les constantes à l’équilibre
sont données dans le tableau 12.1 : la portlandite est l’hydrate le plus soluble. Sa
solubilité, qui diminue quand la température augmente, est donnée dans le
tableau 12.2. Viennent ensuite, dans l’ordre décroissant des solubilités, les C-S-H,
le monosulfoaluminate puis l’ettringite.
Tableau 12.1 : produits de solubilité des hydrates du ciment.

Hydrates pK = – log (Keq)

Portlandite 5,2

pK = 5,84(C/S) + 2,02 [FUJ 81]


C-S-H pK = 14,75(C/S) + 0,083 [GLA 87]
C/S = rapport molaire du C-S-H

Monosulfoaluminate 29,25

Ettringite 43,9

Tableau 12.2 : solubilité de la portlandite en fonction de la température.

Température (°C) 0 15 20 30 40 50 60
Solubilité (g/L) 1,31 1,29 1,23 1,13 1,04 0,96 0,86

Le processus de lixiviation est schématisé par la figure 12.4 : le passage en solu-


tion de la portlandite, la décalcification progressive des C-S-H, accompagnés de
la solubilisation des phases sulfoaluminates AFm et AFt, conduisent à la forma-
tion en surface du matériau d’un gel de silice sans cohésion. La modélisation de
ce processus de dégradation est présentée en détail dans le chapitre 4.

628
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

Dans les bétons, le processus d’attaque reste globalement le même que celui décrit
par la figure 12.4. Il dépend beaucoup des propriétés de transfert du matériau mais
aussi de la mobilité du milieu agressif et de son taux de renouvellement. Les silica-
tes et les aluminates, moins solubles, sont attaqués plus tardivement lorsqu’une
grande partie de Ca(OH)2 a déjà été dissoute et que la composition de la solution
interstitielle du béton n’est plus déterminée par l’équilibre avec la portlandite, mais
par l’équilibre avec les autres composés hydratés. La dissolution sélective du cal-
cium de ces derniers provoque un accroissement de la microporosité, en même
temps que le rapport molaire CaO/SiO2 des C-S-H décroît. Les ions alcalins Na+ et
K+, particulièrement mobiles, sont également rapidement lixiviés [KON 91].
Fronts de dissolution

1 2 3 4 5

Milieu gel C–S–H C–S–H C–S–H C–S–H


agressif SiO2 décalcifiés décalcifiés décalcifiés portlandite
AFt AFt AFt
AFm AFm

Matériau dégradé Matériau sain

Figure 12.4 : représentation schématique de la dégradation d’une pâte de ciment


soumise à la lixiviation par une eau pure déionisée stabilisée à pH 7,
d’après Adenot [ADE 92, ADE 96].
Zone 1 : solubilisation totale des hydrates Ca(OH)2, mono et trisulfoaluminates ; lixiviation totale du calcium
des C-S-H et formation d’un gel résiduel de silice hydratée très peu soluble ; zones 2, 3 et 4: solubilisation
totale de Ca(OH)2, décalcification progressive des C-S-H et solubilisation des phases AFm (monosulfoalu-
minates) d’abord, puis des phases AFt (trisulfoaluminates) ; Zone 5 = matériau non dégradé.

La dégradation éventuelle peut être due, soit à une érosion superficielle provo-
quée par la circulation d’eau à la surface du béton, soit à une percolation du liqui-
de sous gradient de pression hydraulique à travers le matériau (cas des tunnels,
par exemple). Elle peut conduire à des pertes de masse et d’alcalinité dues en par-
ticulier à la lixiviation du calcium des hydrates, qui induit une augmentation de la
porosité et de la perméabilité. La dégradation peut se traduire également par une
diminution des résistances mécaniques. Le lessivage des ions calcium se manifes-
te souvent visuellement, par la formation de concrétions, de stalactites, de coulu-
res ou d’efflorescences blanchâtres. Ces formations sont dues à la précipitation, à
la surface du béton, de carbonate de calcium à partir de la solution percolante ri-
che en calcium venue au contact du CO2 atmosphérique.

629
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Lorsque l’eau est chargée en dioxyde de carbone agressif le processus de dégra-


dation se déroule selon un mécanisme de dissolution/précipitation [BIC 72] :
l’eau amenée à percoler à travers le béton se sature progressivement en bicarbo-
nates en raison de la dissolution de la portlandite et, à un degré moindre, des C-S-
H. Les bicarbonates solubles entraînés par le flux d’eau correspondent à une zone
de dégradation du béton. Lorsque la solution de bicarbonates vient en contact
avec d’autres cristaux de portlandite, le carbonate de calcium, très peu soluble,
précipite, ce qui accroît momentanément la compacité du béton en diminuant la
section de percolation :
Ca(HCO3)2 + Ca(OH)2 → 2CaCO3 + 2H2O
La précipitation de carbonate de calcium permet à nouveau la formation de bicar-
bonate et le cycle lixiviation de la chaux, formation de bicarbonates, précipitation
de carbonates se répète, théoriquement jusqu’à épuisement de la chaux :
CaCO3 + CO2 + H2O → Ca(HCO3)2
Ainsi, les ciments sont d’autant plus résistants à l’attaque par les eaux douces
qu’ils sont moins riches en chaux. C’est le cas des ciments contenant des consti-
tuants minéraux tels que les laitiers, les cendres silico-alumineuses, les pouzzola-
nes naturelles, les fumées de silice, dont l’hydratation libère peu de portlandite et
produit des C-S-H abondants de rapports molaires CaO/SiO2 plus faibles.
La relation entre le type de ciment et l’intensité de l’attaque est illustrée par la fi-
gure 12.5 dans le cas d’un ciment de type CEM I, CEM III/A et d’un ciment alu-
mineux fondu [SOU 85].
Ciment alumineux CEM III/A CEM I

12
Perte de masse (%)

0
0 3 6 14
Temps (années)

Figure 12.5 : pertes relatives de masse de différents ciments en fonction du temps,


d’après Soukatchoff [SOU 85].
Éprouvettes 4 × 4 ×16 cm de mortier (ciment/sable = 1/3 ; E/C = 0,5) confectionnées à partir de ciment
de type CEM I, CEM III/A et de ciment alumineux fondu, conservées dans une eau douce de pH 5 à
5,5 et contenant 15 mg/L de dioxyde de carbone agressif. Les variations de masse sont relatives à
celles de mortiers témoins, de même composition, conservés en eau douce non agressive. Le ciment
alumineux constitué essentiellement d’aluminates hydratés relativement peu solubles, est très résis-

630
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

tant. Le ciment au laitier de haut-fourneau CEM III/A qui donne peu de portlandite et produit des C-S-
H abondants, denses et de rapport molaire C/S relativement faible est plus résistant que le ciment de
type CEM I qui donne beaucoup de portlandite et des C-S-H de rapport C/S plus élevé ( 1,5) plus sen-
sibles au phénomène de lixiviation.

L’agressivité des eaux naturelles dépend :


– du pH (compris entre 4 et 6,5 suivant les cas) ;
– de la teneur en dioxyde de carbone agressif ;
– de la dureté ou titre hydrotimétrique (principalement [Ca2+] + [Mg2+]) ;
– de la mobilité du milieu agressif.
Le processus d’altération correspond essentiellement à la lixiviation des ions
Ca2+ de la portlandite Ca(OH)2 et des silicates de calcium hydratés C-S-H (ac-
compagnée de la dissolution plus tardive des phases AFm et AFt). Il conduit à
une augmentation de la porosité et, dans les cas les plus graves, à la dégradation
des propriétés mécaniques du matériau.
Les critères de résistance à l’agression par les eaux naturelles sont :
– la compacité du béton (perméabilité et diffusivité réduites) ;
– l’incorporation, aux ciments ou aux bétons, d’additions minérales (laitiers de
haut-fourneau, cendres silico-alumineuses, fumées de silice, pouzzolanes) qui
abaissent la teneur en chaux et sont favorables à l’accroissement de compacité
du matériau.

3.2. Milieux acides : dissolution ou dissolution/précipitation


Le béton, matériau basique par excellence, est très sensible aux milieux acides
avec lesquels il réagit suivant la réaction bien connue :
Base + Acide → Sel + Eau
La nocivité d’un acide dépend de la solubilité du sel qu’il forme lors de la réaction
avec les hydrates du ciment.
Les attaques acides se font principalement suivant un mécanisme de dissolution.
Suivant le cas, le phénomène de dissolution peut être accompagné de la précipi-
tation du sel formé lors de la réaction base + acide si le sel est peu soluble. Ce sel
peut avoir un effet colmatant et ralentir les réactions de dissolution.
Le produit final de dégradation par un acide peut-être un gel de silice résultant de
la décalcification totale des C-S-H qui, selon Grube et al. [GRU 89], peut avoir
un rôle protecteur à la surface du béton et ralentir les réactions. Ces auteurs insis-
tent également sur le fait que les conditions de transport de l’agent agressif sont
plus importantes que sa concentration.
ˆ En ce qui concerne les pluies acides, cas extrême des eaux douces
Les pluies dites « propres » ont généralement un pH compris entre 5,6 et 7. Elles
n’ont pas d’effets nocifs sur le béton réalisé suivant les règles de l’art. Par contre,

631
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

les pluies dites « acides », dont le pH peut descendre jusqu’à 4 et parfois moins,
sont agressives. L’occurrence de ce type de pluies est en relation principalement
avec la pollution par les oxydes de soufre SOx d’origine industrielle ou domesti-
que (combustion des charbons, fiouls, carburants) qui représentent environ un
tiers de tous les oxydes de soufre de l’atmosphère. Le résultat est la formation
d’acide sulfurique très hygroscopique qui se condense rapidement en gouttelettes
susceptibles de contenir des métaux lourds (mercure, plomb, argent, cadmium) et
des sulfates (d’ammonium, de sodium). Les oxydes d’azote NOx également pré-
sents se transforment en acide nitrique. La composition et le pH des pluies peu-
vent varier en fonction de la saison et des conditions locales. Le tableau 12.3
emprunté à Kreijger [KRE 81] donne quelques exemples de compositions d’eaux
de pluie, relevées en Europe.
Les pluies acides peuvent provoquer des dégradations superficielles suivant des
processus plus ou moins complexes faisant entrer en jeu des phénomènes de dis-
solution dus aux acides (sulfurique, nitrique, carbonique) et d’expansion dus à la
cristallisation de sels, tels que le gypse (salissures des façades) ou l’ettringite.
ˆ En ce qui concerne les acides minéraux
Les acides chlorhydrique et nitrique, acides minéraux forts qui par réaction avec
la chaux du ciment donnent naissance respectivement, au chlorure de calcium
CaCl2 et au nitrate de calcium (NO3)2Ca, sels très solubles, sont très agressifs vis-
à-vis des ciments Portland [ZIV 01, ZIV 02].
L’acide sulfurique H2SO4, formé, par exemple, lors de l’oxydation de l’hydrogè-
ne sulfuré produit dans les réseaux d’assainissement [DUG 73] ou par condensa-
tion à partir du SO2 atmosphérique, est doublement agressif par son acidité et par
l’anion SO42– qui peut conduire à la formation de sels expansifs tels que le gypse
et l’ettringite (cf. § 3.5).
L’acide phosphorique H3PO4, qui entraîne la précipitation de phosphates de cal-
cium très peu solubles, est modérément agressif, mais provoque une désintégra-
tion lente du béton.

632
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

Tableau 12.3 : compositions d’eaux de pluie en mg/L, d’après Kreijger [KRE 81].

Composés Kiruna Plönnige Ukkel Francfort De Bilt


ioniques (Suède Nord) (Suède Sud) (Belgique) (Allemagne) (Pays-Bas)

SO42– 2,0 4,9 6,0 16,3 7,4


Cl– 0,4 3,5 2,0 3,9 2,8
NO3– 0,3 2,0 2,3 2,8 2,7
NH4+ 0,1 0,9 0,5 3,2 0,7
Na+ 0,3 2,0 1,0 1,1 2,1
K+ 0,2 0,3 0,2 - 0,2
Mg2+ 0,1 0,4 0,4 - 0,4
Ca2+ 0,6 0,8 1,3 1,9 1,0

Total 4,0 14,8 13,7 29,2 17,3

Nombre
180 180 189 138 83
d’échantillons
Période 1955-1969 1955-1969 1956-1969 1960-1961 1956-1962

ˆ En ce qui concerne les acides organiques


On les rencontre fréquemment dans les effluents rejetés par les industries chimi-
ques (fabriques d’engrais, papeteries, teintureries, tanneries…) et agroalimen-
taires (vinaigreries, laiteries, fromageries, distilleries, conserveries, élevages…).
Ils sont généralement moins agressifs que les acides minéraux. Ils peuvent dans
certains cas avoir un effet colmatant sur le béton : c’est le cas par exemple, de
l’acide tartrique (cuves à vin) ou de l’acide oxalique.
Les acides organiques tels que les acides acétique, lactique, butyrique, formique,
contenus dans certaines eaux usées, attaquent les constituants calciques du ci-
ment. Ces acides faibles, peu dissociés1, sont généralement modérément agressifs
et provoquent des dégradations lentes. Toutefois leur neutralisation par les ions
alcalins (Na+, K+) et alcalino-terreux (Ca2+) entraîne la permanence de la disso-
ciation de l’acide et corrélativement une augmentation de son agressivité par pro-
duction cumulée d’ions H+.
Des dégradations importantes du béton ont pu être observées en milieu agricole
dans des silos ou cuves destinés à contenir les fourrages, fumiers, purins et sur des
dallages d’étables (érosion, déchaussement des granulats, pertes de masses, mise
à nu des aciers…). Ainsi, les études réalisées sur la dégradation de dalles en béton

1. Les acides forts tels que HCl sont complètement dissociés en ions H+ et Cl–. Les acides faibles
tels que l’acide acétique CH3COOH sont faiblement dissociés en ions CH3COO– et H+ et leur
solution renferme le composé sous forme moléculaire.

633
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

dans des porcheries [DEB 97] ont montré que le matériau était fortement attaqué
par l’acide lactique et l’acide acétique provenant des aliments fermentés. Selon
Bertron et al. [BER 04b, BER 05c, BER 07] le processus d’attaque est de même
nature que celui qui est observé avec les acides forts : essentiellement dissolution
des composés calciques avec production de sels de calcium solubles, l’anion
n’ayant aucun effet spécifique. Il faut ajouter qu’aux dégradations d’origine chi-
mique peuvent s’ajouter des phénomènes d’abrasion dus à la circulation des ani-
maux.
Les déjections animales (purins, fumiers) contiennent également les acides acéti-
que, propionique, butyrique, iso-butyrique, tous agressifs [BER 05a]. Bertron et
al. signalent également la présence d’acides gras volatiles très agressifs vis-à-vis
du béton dans les cuves à purins ou à lisiers [BER 04b].
Dans les tourbières et les marécages, les acides humiques sont susceptibles d’at-
teindre des concentrations élevées. Ils peuvent échanger leurs ions H+ avec des
cations de sels neutres et former des acides libres minéraux. Le pH peut s’abaisser
jusqu’à 4.
Indépendamment des moyens supplémentaires de protection qu’il peut être néces-
saire de mettre en œuvre (résines, bitumes et autres revêtements), les mesures à
prendre pour réduire les risques d’attaque par les acides, sont les suivantes :
– bien identifier les risques : nature de(s) (l’)acide(s), concentrations, mode
d’action (mobilité, renouvellement, température…), actions extérieures (piétine-
ment, abrasion…) ;
– utiliser des ciments à faible teneur en chaux, en particulier des ciments avec
ajouts minéraux consommateurs de chaux (laitiers, cendres volantes silico-alu-
mineuses, pouzzolanes réactives, fumées de silice).
Les travaux de Mehta [MEH 85] effectués sur des bétons de faible rapport E/C
contenant soit des fumées de silice soit un ajout de latex styrène-butadiène et sou-
mis à des solutions d’acides chlorhydrique (1 %), sulfurique (1 %), lactique (1 %)
et acétique (5 %), concluent à la meilleure tenue générale des bétons avec fumées
de silice. L’effet du latex se traduirait par un enrobage des hydrates qui les protè-
gerait des agressions chimiques.
Les expériences de Bertron et al. [BER 04a] sur des pâtes de ciments (deux
CEM I dont l’un à faible teneur en C3A, et un ciment au laitier de haut-fourneau)
soumises à un mélange d’acides organiques à pH 4 simulant l’agression accélérée
d’un lisier, montrent l’effet bénéfique du laitier sur les pertes de masse des échan-
tillons et confirment la nécessité de réduire la quantité de chaux et d’augmenter
celle de la silice (figure 12.6). D’autres tests ont été effectués par les mêmes
auteurs sur un ciment au laitier de haut-fourneau et trois ciments Portland ordinai-

634
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

res, le premier sans ajout, le deuxième avec ajout de fumée de silice, le troisième
avec ajout de cendres volantes : l’analyse du comportement des éléments chimi-
ques Ca, Si, Al, Fe et Mg dans chacune des pâtes de ciments, montre l’influence
favorable des éléments Si, Al et Fe sur la résistance chimique des liants vis-à-vis
des acides organiques acétique, propionique, butyrique, iso-butyrique et lactique,
ce dernier étant le plus agressif [BER 05a].

0,35

0,30

1,6
Perte relative de masse

0,25 1
Expansion (10– 3)

1,4

0,20 1,2
1,0
0,15 0,8 2
0,6
0,10 0,4
I I' 3 CEM I
0,2
0,05 CEM I PM/ES
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 CEM
22 III/B
24
0,00 Âge (mois)
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20
Durée d'immersion (semaines)

Figure 12.6 : perte relative de masse de pâtes de ciment (E/C = 0,27)


en fonction de la durée d’immersion dans une solution d’acides organiques
(maintenue à pH 4) simulant un lisier de porc, d’après [BER 04b].
Les éprouvettes cylindriques (hauteur 75 mm, diamètre 25 mm) de pâtes de ciment ont été plongées
après 28 jours de cure humide dans une solution d’acides organiques composée d’acides acétique
(12,8 g/L), propionique (2,8 g/L), butyrique (1,6 g/L), iso-butyrique (0,6 g/L) et valérique (0,3 g/L) ra-
menée à pH 4 par une solution de soude à 2g/L et maintenue à ce pH par renouvellement de la solu-
tion. Le rapport volumique solide / liquide était de 0,059. Les courbes montrent que le ciment au laitier
de type CEM III/B est celui qui présente la plus faible perte relative de masse alors que les deux ci-
ments sans ajouts de type CEM I conduisent à des plus fortes pertes de masse, indépendamment de
leur teneur en C3A (faible teneur pour le CEM I PM/ES (3,4 %), teneur élevée pour le CEM I (10,5 %)).

Des conclusions semblables ont été avancées par De Bélie et al. [DEB 96,
DEB 97], qui classent la résistance des ciments aux attaques par les acides lacti-
que et acétique dans l’ordre suivant, du plus résistant au moins résistant : ciment
au laitier de haut-fourneau, ciment aux cendres volantes, ciment Portland ordinai-
re et ciment Portland sans C3A.
Cependant, il convient de faire attention au choix des critères de durabilité utilisés
pour qualifier un matériau ou un liant (profondeur dégradée, perte relative de

635
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

masse, taux de dissolution des éléments chimiques…) car cela peut conduire à des
classements différents en terme de performances [BER05a, BER06].
Par ailleurs, les études réalisées par Monteny et al. [MON 01] ont montré l’effet
bénéfique de l’addition d’un polymère de type ester styrène-acrylique sur la tenue
des bétons soumis à l’acide sulfurique d’origine biogénique.
La mise en œuvre de béton de haute compacité, susceptible de ralentir de manière
importante le transport des acides au sein du béton, constitue également une bon-
ne mesure de protection.
Toutefois, en cas de risque d’attaque très sévère, il peut être nécessaire d’appli-
quer une protection supplémentaire, les phénomènes de dissolution et d’érosion
superficielle ne pouvant être évités.
3.3. Milieux sulfatiques : dissolution/précipitation/risques d’expansion
3.3.1. Considérations générales
L’action des sulfates sur le béton fait intervenir un certain nombre de phénomènes
physico-chimiques complexes, dépendant de nombreux paramètres (type de sul-
fate, type de ciment, formule du béton, classe d’exposition…). Les réactions chi-
miques auxquelles elle conduit ainsi que leurs conséquences physiques
(augmentation de la porosité, expansion…), peuvent provoquer des dégradations
plus ou moins importantes. Bien que les cas réels d’ouvrages atteints soient rela-
tivement restreints [NEV 04], l’action des sulfates est généralement considérée
comme un risque sérieux. Elle a été l’objet des préoccupations de nombreux cher-
cheurs depuis Vicat, Le Chatelier [LEC 1887], Candlot [CAN 1898], Lafuma
[LAF 29], Thorvaldson [THO 68] et tous ceux qui ont suivi ces pionniers.
Si l’application stricte des normes et des recommandations en la matière (norme
NF EN 206-1, normes des produits préfabriqués et fascicule de documentation FD
P18-011) permet de maîtriser les risques dans la plupart des cas, des questions re-
latives aux différentes réactions mises en jeu, à leur couplage ainsi qu’aux méca-
nismes d’expansion induits, restent posées. Ces questions restent cruciales dans
le contexte actuel où les contraintes écologiques conduisent à utiliser des formu-
les de béton plus complexes incorporant de plus en plus d’additions minérales de
toutes natures. Par ailleurs les exigences de durée de vie de plus en plus longues
demandent une connaissance plus approfondie de tous les mécanismes physico-
chimiques mis en jeu, connaissance qui permettra de fiabiliser les modèles indis-
pensables à la prédiction du comportement des ouvrages à très long terme. Parmi
les modèles en cours de développement on peut citer à titre d’exemple le modèle
déterministe de Marchand et al. [MAR 02, MAL 04]. Par ailleurs le besoin de
connaissances est particulièrement évident dans l’élaboration des barrières ouvra-

636
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

gées destinées à empêcher le relargage des radioéléments issus des déchets ra-
dioactifs [LEB 06].
3.3.2. Origine des sulfates
Les sulfates peuvent avoir différentes origines:
• ils peuvent d’abord provenir du régulateur de prise ajouté au ciment (gypse,
hémi-hydrate, anhydrite) auquel s’ajoutent, en proportions variables, les sulfates
contenus dans le clinker lui-même : sulfates alcalins (arcanite K2SO4, aphtitalite
K3Na(SO4)2, langbeinite Ca2K2(SO4)3) et solutions solides dans les silicates de
calcium [TAY 96]. La teneur en SO3 des ciments est limitée par la norme NF EN
197-1 à 3,3 % ou 4 % selon la classe de résistance du ciment. Sauf dans le cas,
très spécifique, de formation différée d’ettringite traitée au chapitre 11, les sulfa-
tes contenus dans le ciment n’ont pas d’effet nocif ;
• ils peuvent également provenir de l’utilisation de granulats pollués par des sul-
fates d’origine naturelle ou artificielle (gypse, plâtre, anhydrite ou encore pyri-
tes). La norme NF XP P18-545 limite la teneur en soufre total et la teneur en
sulfates solubles dans l’acide des granulats naturels pour béton : les valeurs spé-
cifiées supérieures (vss), fonction de la classe de béton et des autres caractéristi-
ques des granulats. Pour les bétons d’ouvrages d’art et de bâtiment cette valeur
est de 0,4 % exprimée en soufre ou 0,8 % exprimée en SO3 ;
• ils peuvent venir du milieu extérieur où ils se trouvent sous forme solide (sols
gypseux), liquide (eaux naturelles percolant à travers les sols et solutions plus ou
moins concentrées d’origine diverses), ou gazeuse (pollution atmosphérique par
le SO2):
– dans les sols où ils constituent un élément nutritif des plantes, leur concen-
tration moyenne est comprise entre 0,01 % et 0,05 % en masse de sol sec.
Des concentrations beaucoup plus importantes (> 5 %) peuvent se rencon-
trer dans les sols contenant du gypse CaSO4.2H2O ou de l’anhydrite
CaSO4. C’est le cas du bassin parisien par exemple. La décomposition bio-
logique aérobie des matières organiques et l’utilisation d’engrais sont éga-
lement une source possible de sulfates. Le sulfate d’ammonium
SO4(NH4)2, provenant des engrais, est particulièrement agressif. Les sols
peuvent parfois contenir des sulfures de fer (pyrites) qui, par oxydation,
peuvent donner naissance à l’acide sulfurique H2SO4, puis au gypse s’ils
sont en contact de carbonate de calcium ou de chaux. Certains granulats
peuvent également renfermer des inclusions de pyrite susceptibles de con-
duire à la formation de «pustules» inesthétiques sur les parements de béton.
La fiche technique du producteur doit signaler la présence de ces pyrites ou

637
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

autres sulfures lorsqu’ils sont sous forme de grains de dimensions supérieu-


res à 2 mm,
– les eaux d’infiltration peuvent se charger en ions SO42– au contact des sols
ou des remblais contenant des sulfates. Le tableau 12.4 donne, à titre indi-
catif, la solubilité de différents sulfates dans l’eau à 20°C. Dans les environ-
nements industriels, en raison de la pollution des sols, les eaux d’infiltration
peuvent avoir des concentrations en sulfates correspondant à des niveaux
très élevés d’agressivité,
Tableau 12.4 : solubilité de différents sulfates dans l’eau à 20 °C.

Type de sulfate Solubilité en g/L


K2SO4 111
Na2SO4 58
Na2SO4.10H2O 194
MgSO4.6H2O 440
FeSO4.7H2O 260
CaSO4 2,1
CaSO4.2H2O 1,2

– dans les environnements industriels et urbains, l’atmosphère peut contenir


de l’anhydride sulfureux SO2 provenant des gaz de combustion (charbon,
carburants divers). En présence d’humidité ces gaz sont susceptibles de
s’oxyder pour donner de l’acide sulfurique très agressif. Leurs effets nocifs
se manifestent tout particulièrement sous forme de salissures sur les façades
et les parements où la réaction de l’acide sulfurique avec la chaux ou les
carbonates de calcium conduit à la formation d’incrustations de gypse
englobant les poussières en suspension dans l’air.
– les fermentations anaérobies qui se produisent dans les ouvrages d’assainis-
sement conduisent également à la formation d’acide sulfurique à partir de
l’hydrogène sulfuré dégagé. Ce point particulier est traité au paragraphe 3.5.

638
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

3.3.3. Mécanismes généraux de dégradation par les sulfates


Deux mécanismes principaux, indissociables, sont mis en jeu.
Le premier mécanisme correspond au passage en solution (lixiviation) des ions
calcium de l’hydroxyde de calcium, Ca(OH)2, et des C-S-H. Il constitue un aspect
majeur, parfois sous-estimé, du processus de dégradation dont la conséquence est
un accroissement de la porosité du matériau. L’accroissement de porosité se tra-
duit par une augmentation de la perméabilité et de la diffusivité qui accélère le
transfert des ions agressifs dans le matériau. Ce premier mécanisme peut être
schématisé par les réactions qui se produisent avec le sulfate de sodium :
Ca(OH)2 + Na2SO4 + 2H2O→ CaSO4.2H2O + 2NaOH (1)
3CaO.2SiO2.3H2O + 3Na2SO4 + 9H2O → 3CaSO4.2H2O
+ 6NaOH + 2SiO2.3H2O (2)
Les deux réactions conduisent à la libération des ions Ca2+ et à la formation de
gypse CaSO4.2H2O qui précipite si le produit des ions [Ca2+] . [SO42–] excède le
produit de solubilité du composé.
La portlandite est dissociée suivant la réaction : Ca(OH)2 ↔ Ca2+ + 2OH–.
Les ions calcium des C-S-H, dont le rapport C/S diminue, passent progressive-
ment en solution, le terme ultime de la réaction étant un gel de silice hydraté.
Le second mécanisme, en relation avec le premier, correspond à la formation de
sels tels que l’ettringite, trisulfoaluminate de calcium hydraté de formule chimi-
que 3CaO.Al2O3.3CaSO4.32H2O. La précipitation de ce sel dans des conditions
spécifiques décrites plus loin, peut conduire à des gonflements et des fissurations
plus ou moins importantes du béton. Elle résulte de la réaction du gypse plus ou
moins dissocié en ions SO42– et Ca2+, issus des réactions (1) et (2), avec les alu-
minates de calcium du liant : aluminates anhydres, essentiellement l’aluminate
tricalcique C3A et, à un degré moindre, l’alumino-ferrite tétracalcique C4AF1,
aluminates hydratés de type C4AH13 et monosulfoaluminate de calcium
3CaO.Al2O3.CaSO4.12H2O. Les réactions avec le C3A et avec le monosulfoalu-
minate peuvent s’écrire schématiquement :
3CaO.Al2O3 + 3CaSO4.2H2O + 26H2O → 3CaO.Al2O3.3CaSO4.32H2O (3)
3CaO.Al2O3.CaSO4.12H2O + 2CaSO4.2H2O + 16H2O →
3CaO.Al2O3.3CaSO4.32H2O (4)

1. C4AF est un terme de la série de solutions solides entre C2F et C6A2F. Les termes proches de
C6A2F qui peuvent être présents dans certains clinkers, sont plus sensibles aux solutions sulfati-
ques.

639
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

La figure 12.7, établie à partir des travaux de Le Bescop et al. [LEB 06] réalisés
sur des pâtes de ciment au contact de solutions très faiblement concentrées en sul-
fate, schématise assez bien le processus de dégradation et confirme bien les deux
mécanismes fondamentaux de dissolution de la chaux et de précipitation de gypse
et d’ettringite.
Toutes ces réactions, qui se produisent à l’échelle microscopique, se traduisent
sur l’ouvrage par l’endommagement du béton, la formation de fissures plus ou
moins importantes et des pertes de raideur et de résistances mécaniques. L’ac-
croissement de la perméabilité dû à la fissuration du matériau peut accélérer les
dégradations.
100
Portlandite
Gypse
80
Ettringite

60
Intensité

40

20

0
0 0,3 0,5 0,8 1,1 1,3 1,5 1,7 1,9 2,5

Profondeur (mm)
Figure 12.7 : distribution de la portlandite, du gypse et de l’ettringite
en fonction de la profondeur dans une pâte de CEM I contenant 10 % de C3A,
au contact d’une solution à 10.10–3 mol/L de Na2SO4, d’après Le Bescop et al. [LEB 06].
Les courbes qui représentent l’évolution de l’intensité relative du pic principal de diffraction des rayons
X (DRX) de la portlandite, du gypse et de l’ettringite en fonction de la profondeur dans le matériau,
font apparaître trois zones successives se recouvrant plus ou moins et progressant au cours du
temps:
– une zone de dissolution totale de la portlandite limitée par un front de dissolution abrupt ;
– une zone assez large de précipitation de l’ettringite qui s’étend un peu au-delà du front de dissolution
de Ca(OH)2 ;
– une zone intermédiaire assez étroite de précipitation du gypse, limitée par le front de dissolution de
la portlandite et se superposant à la zone de précipitation de l’ettringite.

La couche superficielle entre 0 et 0,5 mm est constituée d’un gel de silice hydratée
amorphe qui se traduit par un halo en DRX.
Dans les bétons d’ouvrages qui ont été en contact avec des solutions plus concen-
trées en sulfate, les différents fronts de dégradation peuvent ne pas être aussi bien
différenciés, mais le mécanisme reste globalement le même.

640
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

La possibilité d’une expansion provoquée directement par la précipitation du gyp-


se a été évoquée en particulier dans les travaux de Tian et al. [TIA 00] qui ont
montré que des pâtes de C3S (en l’absence de C3A) mises en contact avec des so-
lutions de Na2SO4 et (NH4)2SO4 manifestaient des gonflements importants en re-
lation avec la formation de gypse. La question reste controversée mais ces essais
confirment bien la sensibilité des C-S-H vis-à-vis des solutions sulfatiques. Il faut
noter que ces mêmes essais ont également montré que les gonflements étaient an-
nihilés par l’addition de fumée de silice, vraisemblablement en raison du rapport
CaO/SiO2 plus faible des C-S-H ainsi formés.
3.3.4. Les différentes catégories d’ettringite
Selon les conditions de sa formation, l’ettringite peut être expansive ou non ex-
pansive et il y a lieu d’insister fortement sur le fait que la présence de ce composé,
même en quantité importante, n’est pas le signe automatique d’une agression par
les sulfates. Différentes catégories d’ettringite doivent être distinguées dont la no-
menclature, adoptée par le groupe de travail AFGC-RGCU GranDuBé Mesure
des grandeurs associées à la durabilité des bétons [AFG 07], est la suivante :
– ettringite de formation primaire qui est un produit normal de l’hydratation des
ciments dû à la réaction du C3A avec le régulateur de prise (gypse, hémi-hydrate,
anhydrite auxquels il faut ajouter les sulfates contenus dans le clinker propre-
ment dit). Cette ettringite n’a aucun effet délétère. Il s’agit de celle, également,
qui est à l’origine du durcissement des ciments spéciaux de type sursulfaté ou
sulfoalumineux ;
– ettringite de formation secondaire pouvant générer des gonflements, en rela-
tion avec un apport de sulfates externes dans les bétons formulés avec des
ciments non résistants aux sulfates (ciments à teneur élevée en C3A et en C3S) ;
– ettringite de formation secondaire ne provoquant pas d’expansion résultant de
phénomènes de dissolution/recristallisation dus à la percolation d’eau dans le
matériau poreux ou fissuré. Cette ettringite n’a pas de caractère expansif en elle-
même mais peut accompagner des phénomènes d’expansion. C’est aussi celle
qui est observée dans les fissures provoquées par l’ettringite de formation diffé-
rée dans les bétons ayant subi un échauffement. Ce dernier aspect est traité dans
le chapitre 11 du présent ouvrage.
3.3.5. Mécanismes d’expansion de l’ettringite
Différentes théories ont été proposées pour expliquer le mécanisme suivant lequel
l’ettringite provoque l’expansion du béton.

641
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

• Théorie des pressions de cristallisation qui suggère que la pression engendrée


par la précipitation d’un sel quelconque est reliée au taux de sursaturation C/Cs
de la solution par la relation :
p = (RT / Vs) . [log (C/Cs)] (5)
où : Vs = volume molaire du sel, C = concentration du sel dans la solution, Cs = con-
centration du sel à la saturation, R = constante des gaz parfaits et T = température
absolue.
À titre d’exemple, la pression de cristallisation du gypse pour un taux de sursatu-
ration de 2 est de 28 MPa. Elle est de 160 MPa lorsque le taux de sursaturation est
de 50.
• Théorie de la double couche électrique de Mehta [MEH 73] où les forces
d’expansion sont dues à la répulsion électrostatique entre les particules d’ettrin-
gite « colloïdale » chargées négativement, accompagnée d’une forte absorption
des molécules d’eau polaires.
• Gonflement par effet stérique étudié par Cottin [COT 79] et Li [LI 98] basé sur
le fait que le volume des hydrates étant toujours supérieur au volume des anhy-
dres dont ils sont issus, le composé néoformé, s’il ne dispose pas de l’espace
nécessaire à sa formation, créera cet espace par augmentation du volume appa-
rent du système.
Mais, tout bien considéré, les trois théories sont moins différentes les unes des
autres qu’il n’y paraît et elles peuvent être synthétisées de la manière suivante,
conformément aux travaux de Scherer [SCH 99a] cités par Taylor [TAY 01] :
– l’intensité de la force développée par la croissance d’un cristal dépend du
degré de sursaturation de la solution, comme indiqué par l’équation 5 ci-dessus ;
– le cristal ne croîtra pas là où il doit exercer une pression pour se développer s’il
a la possibilité de croître dans des espaces libres (pores, fissures) ;
– pour un cristal se développant dans un pore, dans certaines conditions d’équili-
bre, des pressions peuvent s’exercer sur les parois du pore si son rayon est infé-
rieur à une certaine dimension (environ 100 nm). Les contraintes générées
localement s’exercent sur des domaines de plusieurs dizaines à plusieurs centai-
nes de micromètres, c’est-à-dire dans des espaces relativement restreints et con-
finés.
De l’ensemble de ces considérations il ressort que les pressions de gonflement
sont régies par deux paramètres majeurs : le degré de sursaturation local et le con-
finement dans des régions microporeuses de la pâte de ciment durcie, le confine-
ment impliquant un degré de sursaturation élevé.
Dans les ciments hydratés, des conditions extrêmes de sursaturation peuvent exis-
ter au niveau des sites réactifs (aluminates et silicates anhydres et hydratés) où, au

642
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

contact des sulfates venus du milieu extérieur, l’ettringite précipite instantané-


ment in situ, suivant un processus dynamique d’échange entre la phase liquide in-
terstitielle et les phases solides. Le professeur Lafuma [LAF 29], [LAF 52] avait
déjà pressenti ce mécanisme en parlant de formation d’ettringite « à l’état solide
» pour la distinguer de l’ettringite résultant d’une précipitation à partir de la solu-
tion. Les conditions nécessaires au gonflement sont particulièrement favorables
dans les liants riches en hydroxyde de calcium où les ions Ca2+ libérés par la dis-
solution de Ca(OH)2 et des C-S-H peuvent réduire considérablement la solubilité
de l’ettringite ainsi que le montre le tableau 12.5.
Tableau 12.5 : solubilité de l’ettringite à 25 °C en fonction de la teneur en CaO
de la solution.

CaO (g/L) 0,056 0,112 0,168 0,224 0,607 1,080


Ettringite (g/L) 0,255 0,165 0,115 0,080 0,030 0,002

Bien que réalisés sur des systèmes chimiques s’éloignant de ceux des ciments
Portland, les travaux de Nikitina et al. [NIK 80], illustrés par les figures 12.8a et
12.8b, montrent bien l’influence de la chaux sur le caractère expansif ou non de
l’ettringite : des mélanges aluminate monocalcique + gypse avec et sans addition
de chaux, ont été testés. En présence de chaux la formation d’ettringite provoque
un gonflement important ; en l’absence de chaux et pour une même quantité d’et-
tringite formée, aucun gonflement n’est observé.

sans CaO avec CaO sans CaO avec CaO

60 8
7
Gonflement (%)

50
Ettringite (%)

6
40
5
30 4
3
20
2
10 1
0 0
0 0,04 0,25 1 2 3 7 28 0 0,04 0,25 1 2 3 7 28
Temps (jours) Temps (jours)

Figure 12.8b : gonflement des éprouvet-


Figure 12.8a : quantité d’ettringite formée
tes de la figure 12.8a en fonction du
en fonction du temps. Avec et sans addi-
temps. Le gonflement est important en
tion de CaO les quantités formées sont les
présence de CaO, d’après Nikitina et al.
mêmes, d’après Nikitina et al. [NIK 80].
[NIK 80].

Les essais ont été réalisés sur deux mélanges : 70 % d’un ciment alumineux + 30% de gypse, d’une
part, et 65 % de ciment alumineux + 30 % gypse + 5 % CaO, d’autre part. La mesure des déformations
linéaires des éprouvettes et des quantités d’ettringite formée, montre que pour des quantités égales

643
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

d’ettringite formée, le gonflement du premier mélange sans addition de chaux est extrêmement faible
alors que le gonflement du second mélange est très élevé. La différence de comportement réside
dans le mode de cristallisation de l’ettringite : précipitation dans les espaces libres du liant dans le
premier cas, réaction topochimique au contact des grains d’aluminate, en milieu confiné dans le se-
cond cas. La solubilité de l’ettringite est fortement diminuée par la présence de chaux (cf. tableau
12.5) qui permet l’établissement des conditions particulières de sursaturation locales à l’origine de la
formation de l’ettringite à caractère expansif.

Dans les processus de formation d’ettringite, il y a lieu également de tenir compte


des alcalins présents dans la solution interstitielle du béton qui peuvent avoir une
influence notable sur les conditions de stabilité du minéral en favorisant son pas-
sage en solution.
Ce qui précède conduit à distinguer deux faciès principaux d’ettringite selon
qu’elle résulte d’une précipitation en milieu non confiné dans les espaces libres
du matériau, ou d’une réaction localisée sur un site réactif (aluminate), en milieu
confiné. Le premier faciès correspond à celui de l’ettringite primaire, dite «bien
cristallisée», ne provoquant pas d’expansion et se présentant sous forme
d’aiguilles (figure 12.9) ; le second est caractéristique de l’ettringite secondaire,
dite «mal cristallisée», pouvant provoquer de l’expansion, d’aspect plus ou moins
amorphe et sans forme cristalline nettement exprimée (figure 12.10). Le faciès de
cette dernière suggère bien les conditions de confinement dans lesquelles elle
s’est formée ainsi que son mode de formation topochimique.
Les deux faciès décrits ci-dessus peuvent coexister : la percolation d’eau dans le
béton attaqué par les sulfates entraîne la dissolution et la recristallisation de l’et-
tringite d’origine topochimique qui reprécipite sous une forme bien cristallisée
dans les microfissures et les pores résultant de l’attaque. Il s’agit dans ce cas d’et-
tringite secondaire non expansive.
Entre les deux faciès principaux il existe de nombreux faciès intermédiaires ob-
servables dans tous les bétons, dégradés ou non, et le seul faciès tel qu’observé au
MEB ne suffit pas au diagnostic d’une attaque sulfatique. La mise en œuvre des
autres techniques d’analyse physico-chimique est indispensable [AFG 07].

644
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

2
1

Figure 12.9 : ettringite primaire bien Figure 12.10 : 1 = ettringite massive dite
cristallisée ne provoquant pas d’expansion : «mal cristallisée» formée en milieu confiné;
précipitation dans les espaces vides à partir 2 = ettringite secondaire recristallisée à
de la solution (photo LERM). partir de 1 (photo LERM).
Ettringite précoce résultant de la réaction entre le Formation au contact d’un site réactif en milieu
gypse et le C3A. Précipitation en milieu normale- confiné fortement sursaturé. Pression de cristalli-
ment saturé et croissance libre dans la porosité du sation élevée, développement de contraintes loca-
béton. Pression de cristallisation faible. lisées, fissuration du matériau par « effet de coin ».

3.3.6. Influence du cation associé au sulfate


L’agressivité des sulfates est plus ou moins forte en fonction du cation associé à
l’anion SO42– :
– les sulfates de calcium, présents dans les sols sous forme de gypse et d’anhy-
drite ou dans les eaux souterraines, sont agressifs vis-à-vis du béton malgré leur
faible solubilité (cf. tableau 12.4) suivant un processus plus lent que celui qui est
observé avec les sulfates de magnésium et d’ammonium ;
– les sulfates de sodium ou de potassium beaucoup plus solubles entraînent des
dégradations plus rapides par formation de gypse et d’ettringite ainsi que par
lixiviation de la chaux de la portlandite et des C-S-H ;
– le sulfate de magnésium très soluble et extrêmement agressif, conduit à des
réactions plus complexes faisant intervenir des échanges Ca2+ → Mg2+ avec for-
mation de brucite Mg(OH)2. Les différentes réactions peuvent être schématisées
comme suit :
Ca(OH)2 + MgSO4 + 2H2O → CaSO4.2H2O + Mg(OH)2 (6)
3CaO.Al2O3 + 3CaSO4.2H2O + 26H2O → 3CaO.Al2O3.3CaSO4.32H2O (7)
C-S-H + MgSO4 + aq. → CaSO4.2H2O + Mg(OH)2 + (C,M)-S-H (8)
La portlandite réagit avec MgSO4 pour donner du gypse et de la brucite ; le gypse
réagit avec le C3A ou les aluminates hydratés du liant pour former de l’ettringite;

645
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

les C-S-H sont progressivement dégradés par formation de gypse, de brucite et


d’un silicate hydraté calco-magnésien de type (C,M)-S-H dans lequel le calcium
est remplacé plus ou moins complètement par le magnésium. Le produit résultant
final peut être un mélange de brucite et d’un gel de silice.
La formation de ces phases consomme des ions OH–, et la diminution du pH qui
en résulte provoque la dissolution de la plupart des hydrates de la matrice cimen-
taire. Le calcium libéré réagit avec les sulfates pour former du gypse.
Selon les travaux de Ganjian et al. [GAN 05] et de Lee et al. [LEE 05] la présence
de portlandite serait bénéfique car elle retarderait l’action des ions magnésium
dont elle permettrait le piégeage sous forme de brucite. La quantité résiduelle de
magnésium susceptible d’attaquer les C-S-H serait inversement proportionnelle à
la quantité de portlandite initialement présente dans la matrice cimentaire. Cela
expliquerait pourquoi des bétons à base d’additions pouzzolaniques, telles que les
métakaolins ou les fumées de silice, peuvent s’avérer moins résistants que des bé-
tons sans pouzzolanes lorsqu’ils sont immergés dans une solution de sulfate de
magnésium [GAN 05, LEE 05]. En revanche, selon Sabir et al. [SAB 01], la pré-
sence de métakaolins améliore le comportement des bétons au contact d’une so-
lution de sulfate de sodium ;
– le sulfate d’ammonium, présent dans les engrais est probablement le plus
agressif de tous les sulfates vis-à-vis du ciment Portland. La réaction de base
peut s’écrire :
Ca(OH)2 + SO4(NH4)2 + 2H2O → CaSO4.2H2O + 2NH4OH
La réaction est accompagnée d’un dégagement d’ammoniac qui tend à déplacer
la réaction vers la droite.
L’agressivité particulière de ce sel est en relation avec l’accroissement de solubi-
lité du sulfate de calcium dans les solutions de sulfate d’ammonium : la chaux est
rapidement lixiviée et la concentration en ions SO42– est plus élevée. La possibi-
lité de formation d’un sel double de la forme CaSO4.(NH4)2SO4.2H2O a été évo-
quée par Mohr [MOH 25].
3.3.7. Paramètres conditionnant la résistance des bétons
aux environnements sulfatiques
Ces paramètres sont les suivants :
– paramètres environnementaux. Une analyse approfondie des conditions envi-
ronnementales générales et locales est indispensable afin de définir la classe
d’exposition de la structure ou des éléments de structure selon la norme NF EN
206-1 et le fascicule de documentation FD P 18-011. Cette analyse permet

646
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

d’adapter au mieux la formulation du béton en tenant compte, par ailleurs, des


contraintes économiques et des exigences de durée de vie ;
– paramètres physiques liés au matériau. Il s’agit essentiellement de la compa-
cité qui détermine les capacités de transfert du béton vis-à-vis de l’eau et des
ions agressifs et qui est bien représentée par la perméabilité et la diffusivité. Ces
propriétés dépendent du dosage en ciment, du rapport E/C, mais aussi de l’éten-
due granulaire en relation avec un dosage optimal en fines [BAR 96a].
L’influence du rapport E/C, auquel est reliée la compacité du béton, est illustrée
par la figure 12.11 ;
– paramètres chimiques liés à la composition du ciment qui conditionnent les
réactions susceptibles de se produire compte tenu de l’environnement :
La teneur en C3A est un paramètre dont l’importance est illustrée par la
figure 12.12 relative à quatre mortiers A, B, C et D de teneurs croissantes en C3A,
conservés dans une solution mixte de sulfates de magnésium et de sodium.
La norme NF P15-317 Ciments pour travaux à la mer, applicable également aux
milieux sulfatiques moyennement agressifs, fixe les teneurs limites en C3A et en
SO3 en fonction du type de ciment. Les travaux de Paillère [PAI 85] ont montré
que le rapport C3A/SO3 avait une certaine importance vis-à-vis de la tenue des ci-
ments. Un rapport inférieur à 3 serait favorable.
Pour tenir compte également de la vulnérabilité des constituants riches en chaux
Ca(OH)2 et C-S-H (dont le comportement dépend du rapport CaO/SiO2), la nor-
me NF P15-317 prévoit une limitation de la teneur en C3S des ciments de type
CEM I et CEM II/A sous forme d’un indice (dit « indice de Sadran ») dont le cal-
cul fait intervenir les teneurs en C3A et en C3S du ciment ou du clinker, selon le
type de ciment. Cet indice est égal à : %C3A + 0,27 % C3S.
L’ensemble des prescriptions de la norme NF P15-317 est résumé dans le
tableau 12.6.
Les prescriptions de la norme NF P15-319 Ciments pour travaux en eaux à haute
teneur en sulfates sont résumées dans le tableau 12.7. Aucune spécification chi-
mique particulière n’est prévue pour les ciments de haut-fourneau de type
CEM III/A, B ou C en ce qui concerne les teneurs en C3A et en sulfates. Toute-
fois, la teneur en laitier granulé de haut-fourneau des CEM III/A doit être supé-
rieure ou égale à 60 %. Dans les CEM V, la teneur en CaO totale du ciment est
limitée à 50 %.

647
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

0,4 D 12 %
E/C = 0,80 0,5

0,4
0,3

Expansion (%)
Expansion (%)

E/C = 0,60 0,3


C9%
0,2
0,2
B7%
0,1
0,1
E/C = 0,45 A4%

0 3 0
1 2 4 2 4 6 8 10
Âge (mois) Âge (mois)

Figure 12.11 : relation entre le rapport E/C Figure 12.12 : relation entre la teneur
d’un mortier et l’expansion en milieu en C3A du ciment et l’expansion
sulfatique, d’après Ouyang [OUY 88]. de mortiers, d’après Ouyang [OUY 88].
Les essais sont réalisés conformément à la norme ASTM C1012 : mortiers contenant 20 % de ciment
et 80 % de sable, immergés dans une solution à 4,3 % de MgSO4 + 2,5 % de Na2SO4. Sur la
figure 12.12 les mortiers ne diffèrent que par leur rapport E/C. Sur la figure 12.13, les mortiers diffèrent
par la teneur en C3A du ciment.
Un rapport E/C élevé entraîne une porosité élevée qui facilite la lixiviation de la chaux et le transfert des
ions sulfates dans le matériau dont le degré d’attaque et le gonflement sont également plus élevés. Le
gonflement du mortier de E/C = 0,80 est environ trois fois plus élevé que celui du mortier de E/C = 0,45.
Plus la teneur en C3A du ciment est élevée plus le gonflement est important. S’agissant ici d’un milieu
très fortement agressif (classe d’exposition XA3 de la norme NF EN 206), seul le ciment à 4% de C3A
donne un gonflement faible.
Bien que le comportement de mortiers ne puisse être extrapolé à celui de bétons, ces essais montrent
bien l’influence des deux paramètres : rapport E/C, dont dépend la compacité du béton, et teneur en
C3A du ciment, dont dépend la formation d’ettringite. Dans un environnement tel que celui qui a été
utilisé ici, la norme NF EN 206-1 prescrirait un béton de rapport E/C 0,45 dosé au moins à 360 kg/m3
d’un ciment résistant aux sulfates selon la norme NF P15-319.

648
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

Tableau 12.6 : critères de composition de la norme NF P15-317 pour les ciments


destinés aux travaux à la mer et en milieux sulfatiques moyennement agressifs.

Ciment Ajout C3A SO3 % C3A + 0,27 % C3S


≤ 3 % si C3A ≤ 8 %
CEM I ≤ 10 % ≤ 2,5% si 23,5%/ciment
8 % ≤ C3A ≤ 10 %

CEM II/A-S(a) ≤ 13 % ≤ 11,5 %/clinker


CEM II/A-V ≤ 3 %/ciment –
≤ 13 % ≤ 10 %/ciment
CEM II/A-D
≤ 26 %/clinker si P ≥ 10 %
CEM II/A-P ≤ 20 % ≤ 10 %/clinker ≤ 3 %/ciment
≤ 23,5 %/clinker si P ≤ 10 %
≤ 3 % si C3A clinker ≤ 8 %
CEM II/A-L ≤ 20 % ≤ 10 %/clinker ≤ 2,5 % si ≤ 23,5 %/ciment
8 ≤ C3A clinker ≤ 10 %
CEM III/A
CEM III/B Limitation des ions sulfure S2– ≤ 2%/ciment
CEM III/C
CEM V/A Limitation des ions sulfure S2– ≤ 2%/ciment
CEM V/B CaO ≤ 50% /ciment

(a) S = laitier ; V = cendres volantes ; D = fumées de silice ; P = pouzzolanes ; L = calcaire.

Tableau 12.7 : critères de composition de la norme NF P15-319 pour les ciments


destinés aux travaux en eaux à haute teneur en sulfates.

Ciment C3A C3A + 2C4AF SO3


≤ 3 % si C3A ≤ 3 %
CEM I ≤ 5% ≤ 20 %
≤ 2,5 % si 3 % ≤ C3A ≤ 5 %
CEM II/A et B ≤ 5% ≤ 20 % ≤ 4%

CEM III/A La teneur en laitier du CEM III/A doit être ≥ 60 %


CEM III/B et C Pas de spécifications chimiques particulières

CEM V/A et B CaO ≤ 50 %/ciment

La teneur du béton en additions minérales. Les laitiers granulés de haut-fourneau,


les cendres volantes silico-alumineuses, les pouzzolanes naturelles ou artificiel-
les, les fumées de silices, utilisés soit en tant que constituants principaux des ci-
ments (norme NF EN 197-1), soit en tant qu’additions dans les bétons1,

1. Normes NF EN 15167-1 et 15167-2 pour les laitiers de haut-fourneau ; norme NF EN 450 pour
les cendres volantes ; normes NF EN 12263-1 et 12263-2 pour les fumées de silice ; norme NF
P18-508 pour les additions calcaires ; norme NF P18-509 pour les additions siliceuses.

649
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

améliorent généralement la résistance des bétons aux agressions sulfatiques. Ces


produits minéraux peuvent avoir plusieurs effets :
– dilution de la partie clinker du ciment avec réduction concomitante de la teneur
en aluminates et silicates de calcium du ciment ;
– consommation de la chaux issue de l’hydratation du clinker. Il en résulte une
réduction de la teneur en portlandite, composé vulnérable vis-à-vis des solutions
sulfatiques, la production d’une plus grande quantité de C-S-H de rapport CaO/
SiO2 plus faible et de structure plus dense [RIC 04], tous facteurs favorables à la
résistance chimique du béton ;
– modification de la microstructure de la pâte de ciment dans le sens d’un
accroissement de compacité ;
– accroissement de la compacité du béton par optimisation de l’étendue granu-
laire du mélange avec réduction corrélative de la perméabilité et de la diffusivité,
indicateurs majeurs de durabilité.
En ce qui concerne les laitiers de haut-fourneau, les ciments contenant au moins
60 % de laitier granulé vitreux sont réputés pour leur bonne résistance à l’action
des sulfates. Ce comportement est dû aux effets de dilution, de réduction de la te-
neur en chaux et de modification de la microstructure de la pâte de ciment dont la
densification très importante au cours du temps (figure 12.13) réduit notablement
la capacité de transfert des ions agressifs dans le béton.

Figure 12.13 : exemple de microstructure très compacte d’un liant à base de laitier.
1 = laitier anhydre ; 2 = C-S-H denses au contact du grain de laitier.
Fractographie au MEB (Photo LERM).
Au terme de plusieurs dizaines d’années, le béton à base de ciment de type CEM III possède une
compacité très élevée. La surface de rupture de l’échantillon, obtenue par choc à l’aide d’un burin, est
franche et relativement lisse. Le grain de laitier central non complètement hydraté est pseudomorpho-
sé par des C-S-H très denses. La porosité capillaire est extrêmement faible et explique les faibles
coefficients de diffusion des chlorures tels qu’illustrés par la figure 12.14.

650
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

Cette propriété est bien illustrée par la figure 12.14 due à Smolczyck [SMO 80]
qui montre que le coefficient de diffusion de l’ion Cl– diminue lorsque la teneur
en laitier augmente.
Laitier/clinker = 0/100 Laitier/clinker = 40/60 Laitier/clinker = 70/30

4
0,7 0,6
Cl– % pondéral

3 0,5

1 0,6
0,7
0,5

0
0 0,5 1 2
Temps (année)
Figure 12.14 : pénétration des chlorures dans des bétons en fonction de la teneur
en laitier du ciment et du rapport E/C, d’après Smolczyck [SMO 80].
Les essais ont été réalisés sur des prismes de béton 100 × 100 × 500 mm conservés dans une solution
de NaCl à 3 mol/L pendant deux ans. Chaque béton est gâché à trois rapports E/C, respectivement
0,70, 0,60 et 0,50. Les mesures de la concentration en ions chlore ont été effectuées dans la tranche
de béton comprise entre 20 et 30 mm. Les quantités de chlorures les plus élevées sont mesurées dans
les bétons sans laitier. Ces quantités sont d’autant plus importantes que le rapport E/C est plus élevé.
À partir de 40 % de laitier la pénétration des chlorures est très fortement réduite et l’influence du rapport
E/C devient faible. Pour 70 % de laitier la pénétration est extrêmement faible, quel que soit le rapport
E/C. Ce comportement est dû au développement d’une microstructure très compacte.

En ce qui concerne les cendres volantes silico-alumineuses, des teneurs de l’ordre


de 20 à 30 % ont généralement un effet bénéfique sur la tenue des bétons vis-à-vis
des attaques sulfatiques1. Ceci est dû, d’une part, à un effet chimique : consomma-
tion de la chaux et réduction du rapport CaO/SiO2 des C-S-H et, d’autre part, à un
effet physique en relation avec les modifications de microstructure du liant
hydraté: diminution de la perméabilité et de la diffusivité. La figure 12.15, extraite
de [BAR 99b] et établie d’après les travaux de Dhir et Byars [DHI 93], montre l’in-
fluence bénéfique des cendres sur le coefficient de diffusion des ions chlorure dans

1. Le tableau NA.F.1 de la norme NF EN 206-1 autorise des additions de cendres volantes jusqu’à
30 % dans les bétons soumis aux classes d’environnement XA1 et XA2. Elle ne les autorise pas
pour les environnements de classe XA3. Toutefois la norme NF P18-319 relative aux ciments pour
travaux en milieu à haute teneur en sulfate autorise l’emploi des ciments CEM II/A et II/B pouvant
contenir respectivement jusqu’à 20 % et 35 % de cendres volantes.

651
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

le béton. Il y a lieu de rappeler que les cendres volantes ont une cinétique d’hydra-
tation lente et que leurs effets ne se manifestent pas avant au moins 28 jours d’hy-
dratation mais qu’à long terme elles peuvent avoir des performances très élevées
tant du point de vue des propriétés de transfert que du point de vue des résistances
mécaniques. L’exemple du pont Vasco de Gama construit sur l’estuaire du Tage à
Lisbonne constitue un bon exemple : les bétons dosés à 430 kg/m3 d’un ciment
contenant 22 % de cendres silico-alumineuses peuvent atteindre des coefficients
de diffusion proches de 10–13m2.s–1 et des perméabilités à l’oxygène inférieures à
10–18m2 [LIN 05], valeurs correspondant à des bétons de durabilité élevée selon le
guide AFGC pour la mise en œuvre d’une approche performantielle sur la base
d’indicateurs de durabilité [AFG 04].
En ce qui concerne les fumées de silice, leur emploi a également un impact favo-
rable sur la tenue des bétons vis-à-vis des attaques sulfatiques. La figure 12.16,
établie à partir des travaux de Tang et al. [TAN 92], montre une diminution im-
portante du coefficient de diffusion des ions chlorure en fonction de la teneur en
fumées de silice. Comme dans le cas du laitier de haut-fourneau et des cendres vo-
lantes, l’action bénéfique de cette addition est due à la consommation rapide de la
chaux libérée par l’hydratation du ciment et à la formation concomitante de C-S-
H de rapport CaO/SiO2 plus faible, d’une part, et à l’accroissement important de
compacité du matériau, d’autre part. Cet accroissement est en relation avec l’éten-
due granulaire très large des formulations incorporant des particules aussi fines
que les fumées de silice ( 0,1 µm en moyenne), pourvu bien entendu que la teneur
en fines soit optimisée [BAR 99a].

652
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

100
25 MPa
35 MPa
50 MPa
60 MPa
70 MPa

100
10
Log D (.10–13 m2/s)

Coefficient de diffusion (.10-13 m2/s)


30
1
10

2
1 3
Fumées de silice 3

1 1 0%
2 6%
3 12 % 4
0,3
4 24 %

0,1 0,1
0 10 20 30 40 50 1 2 5 10 20 50 100 200
Teneur en cendres volantes (%) Âge (jours)
Figure 12.15 : coefficient de diffusion à Figure 12.16 : évolution du coefficient
28 jours des ions chlorure en fonction de diffusion des ions chlorure en fonction
de la teneur en cendres, de différentes du temps dans des BHP contenant des
classes de béton, dosages croissants en fumées de silice,
d’après Dhir et al. [DHI 93]. d’après Tang et al. [TAN 92].
Les coefficients de diffusion sont mesurés par un essai accéléré de migration sous champ électrique.
Quelle que soit la classe de béton, l’addition de cendres volantes réduit de façon notable le coefficient
de diffusion bien que la mesure à l’échéance de 28 jours soit peu favorable aux cendres qui ne libèrent
leur potentiel hydrauliques que tardivement ( 90 jours). La réduction est de près de deux ordres de
grandeur dans le cas du BHP (70 MPa) à 30 % de cendres. Elle est également importante pour les
bétons courants ( 35 MPa). Les fumées de silice réduisent également fortement le coefficient de dif-
fusion des ions chlorure : par exemple, dans le cas présenté, l’addition de 12 % de fumées de silice
réduit le coefficient de diffusion à 28 jours d’un ordre de grandeur ; l’addition de 24 % de fumées de
silice réduit le coefficient de diffusion à 200 jours de deux ordres de grandeur.

En ce qui concerne les pouzzolanes naturelles, pourvu que leur


« pouzzolanicité », ait été contrôlée, leurs effets sont voisins de ceux décrits pour
les autres additions : effet chimique de consommation de la chaux et de produc-
tion de C-S-H moins basiques, effet physique d’accroissement de compacité. Ce
type de matériau, peu utilisé en France mais très répandu en Italie a été bien étudié
par Massazza [MAS 93].
Les métakaolins, obtenus par activation d’argiles kaoliniques à des températures
comprises entre 700 °C et 800 °C, constituent des pouzzolanes efficaces vis-à-vis
de la durabilité des bétons et de l’attaque sulfatique [SIN 06]. Leur incorporation
au ciment dans des proportions comprises entre 10 et 20% en masse, entraîne un
déplacement de la porosité de la pâte de ciment vers les pores les plus fins, un ac-

653
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

croissement de la teneur en C-S-H, une diminution de la teneur en Ca(OH)2


[AMB 94].
À propos de la résistance des ciments à base d’argiles naturelles calcinées et de
fumées de silice, il convient de rappeler les travaux de Ganjian et al. [GAN 05] et
de Lee et al. [LEE 05] déjà cités, qui mettent en doute l’efficacité de ces additions
vis-à-vis de la résistance aux solutions de sulfates de magnésium.
En ce qui concerne les calcaires, qui réagissent très peu avec les hydrates du ci-
ment [MOR 82], et indépendamment de l’effet de dilution, l’effet peut être essen-
tiellement un « effet filler », c’est-à-dire un accroissement de compacité si la
quantité ajoutée au béton est optimisée [BAR 99a]. Par ailleurs, il y a lieu de rap-
peler la possibilité de formation de thaumasite (une forme d’attaque sulfatique
présentée au paragraphe 3.4) si le béton se trouve dans des conditions environne-
mentales favorables à cette réaction (température < 15 °C, humidité élevée…).
Les dégradations par les sulfates ont lieu selon deux processus principaux inter-
dépendants :
– lixiviation des constituants calciques Ca(OH)2 et C-S-H du liant ;
– précipitation de sels pouvant provoquer de l’expansion : gypse et surtout et-
tringite.
L’ettringite existe sous différentes formes dans le béton et sa présence n’est pas
le signe automatique d’une attaque sulfatique. Son caractère expansif ou non dé-
pend des conditions physico-chimiques de sa formation en relation avec la com-
position chimique et minéralogique du ciment (teneurs en C3A, C3S, SO3…), la
formule du béton (dosage en ciment, E/C, teneur en fines…) et les conditions en-
vironnementales (nature du sulfate, température, hygrométrie…).
Le mécanisme d’expansion, non complètement élucidé, est en relation avec les
pressions de cristallisation élevées développées, au niveau des sites réactifs (alu-
minates anhydres ou hydratés), dans des espaces microporeux et confinés de la
pâte de ciment où règnent des conditions de sursaturation vraisemblablement
très élevées.
L’utilisation d’additions minérales (laitier de haut-fourneau, cendres silico-alu-
mineuses, fumées de silice, pouzzolanes) consommatrices de chaux, productrices
de C-S-H abondants de rapport CaO/SiO2 plus faibles et pouvant contribuer à
l’accroissement de la compacité du béton, permet de réduire les risques de dé-
gradation.

3.4. La formation de thaumasite : un cas particulier d’attaque sulfatique


La thaumasite est un sulfo-silico-carbonate de calcium de formule générale
CaSiO3.CaSO4.CaCO3.15H2O. C’est un minéral rare à l’état naturel que l’on peut
trouver dans certaines roches métamorphiques ayant subi des transformations

654
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

d’origine hydrothermale. La formation de ce composé, qui a pu être observé dans


des mortiers (maçonneries anciennes) et des bétons (fondations, pieux, tunnels…),
peut engendrer des dégradations importantes. Toutefois la présence de thaumasite
n’est pas toujours associée à des dégradations, ce qui a conduit, en Grande Breta-
gne, à distinguer une forme nocive et une forme non nocive [CRA 02].
La formation de thaumasite nécessite :
– une source d’ions calcium : portlandite ou silicates de calcium (C-S-H) ;
– une source d’ions sulfate : sulfates d’origine interne ou externe ;
– une source de silice : C-S-H ou autre forme de silice réactive ;
– une source d’ions carbonate : CaCO3 (calcite), CO2 atmosphérique, CO2 dis-
sout ;
– de l’eau en quantité suffisante pour assurer le transport des espèces réactives ;
– une température inférieure à 15 °C.
Par ailleurs, la présence d’alumine (provenant en particulier du C3A du ciment),
non nécessaire intrinsèquement, accélère sa formation.
Bien que les deux minéraux soient souvent associés (et confondus !), les mécanis-
mes de formation de la thaumasite et de l’ettringite ainsi que les dégradations
qu’elles provoquent sont tout à fait différents.
On rappelle (cf. § 3.3.3 à 3.3.5) que l’ettringite se forme par réaction avec les alu-
minates anhydres ou hydratés du liant pour donner le composé
3CaO.Al2O3.3CaSO4.32H2O qui, lorsqu’il précipite en milieu confiné, peut pro-
voquer des contraintes localisées, des gonflements et des fissurations. Dans ce
processus, les aluminates jouent un rôle prépondérant.
Dans le cas de la thaumasite, les composés subissant les transformations les plus
importantes sont les C-S-H, qui sont consommés dans les réactions avec les sul-
fates et les carbonates décrites ci-dessous. Le résultat observé est un composé ri-
che en silice, en carbonate et en sulfate mais ne contenant pas (ou très peu)
d’alumine. Par ailleurs la désagrégation du béton se traduit par la formation d’un
produit sans cohésion, de consistance molle, résultant essentiellement de la dégra-
dation des C-S-H. Un exemple de béton dégradé par formation de thaumasite est
donné par la figure 12.17.
Selon Bensted [BEN 99, BEN 03], la thaumasite peut se former selon deux voies
différentes : formation directe à partir des C-S-H qui réagissent avec les ions
SO42-, CO32–, Ca2+ et un excès d’eau ; ou formation à partir de woodfordite, so-
lution solide résultant de la réaction de l’ettringite avec les C-S-H, les ions carbo-
nate et les ions Ca2+.

655
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

La réaction chimique directe à partir des C-S-H peut s’écrire :


Ca3Si2O7.3H2O + 2(CaSO4.2H2O) + CaCO3 + CO2 + 23H2O →
Ca6[Si(OH)6]2(CO3)2(SO4)2.24H2O
ou encore :
Ca3Si2O7.3H2O + 2(CaSO4.2H2O) + 2CaCO3 + 24H2O →
Ca6[Si(OH)6]2(CO3)2(SO4)2.24H2O + Ca(OH)2
La formation à partir de la woodfordite peut s’écrire :
Ca6[Al(OH)6]2.(SO4)3.26H2O + Ca3Si2O7.3H2O + CaCO3 + CO2 + xH2O →
Ca6[Si(OH)6]2(CO3)2(SO4)2.24H2O + CaSO4.2H2O + Al2O3.xH2O + 3Ca(OH)2
et :
Ca(OH)2 + CO2 → CaCO3 + H2O
Köhler et al. [KÖH 06] ont également montré la possibilité de formation de la
thaumasite à partir de l’ettringite suivant un processus de nucléation de la thau-
masite sur la surface de l’ettringite favorisé par les similitudes de structure cris-
talline des deux composés. C’est la raison pour laquelle la teneur en C3A joue un
rôle important dans les processus de dégradation en favorisant plus ou moins la
cristallisation transitoire d’ettringite et par conséquent la formation de thaumasite
[TRÄ 03].
La formation de thaumasite à partir de l’ettringite a été observée en particulier
dans des ouvrages anciens où elle constituait le stade ultime des dégradations
[REG 78].
La structure cristallographique et la morphologie de la thaumasite présentent de
très grandes analogies avec celles de l’ettringite avec laquelle elle peut être con-
fondue. Leurs formules respectives peuvent s’écrire :
Ca6[Si(OH)6]2.(CO3)2.(SO4)2.24H2O pour la thaumasite
Ca6[Al(OH)6]2.(SO4)3.26H2O pour l’ettringite
L’analyse par diffraction des rayons X permet de les distinguer par les raies prin-
cipales relativement proches, données dans le tableau 12.8. Le faciès cristallin de
la thaumasite est illustré par la figure 12.18.

656
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

Figure 12.18 : thaumasite observée au


Figure 12.17 : béton dégradé par
microscope électronique à balayage
formation de thaumasite. Perte totale
(MEB). Formation en baguettes trapues
de cohésion. Mise à nu de l’armature.
(photo LERM).
Exemple de dégradation du béton constitutif des fondations d’un bâtiment par formation de thauma-
site. Le béton est de classe C 30/35, formulé avec des granulats calcaires et un ciment de type CEM
II/A-L avec fillers calcaires : la présence de sulfates associée à un environnement très humide où pou-
vait régner des températures largement inférieures à 15 °C, a entraîné la dégradation rapide du béton
par formation du produit «boueux» sans cohésion, caractéristique de ce type d’attaque sulfatique,
mettant en danger la stabilité du bâtiment (figure 12.17). Le produit boueux est formé de cristaux de
thaumasite auxquels peuvent être associés de l’ettringite, et des C-S-H dégradés.

Tableau 12.8 : principales raies de diffraction de rayons X de la thaumasite


et de l’ettringite [COL 99].

Thaumasite Ettringite
2θ Cu kα Intensité relative 2θ Cu kα Intensité relative

9,15 100 9,08 100


16,00 45 15,75 80
32,98 35 32,25 40

Bien que les cas de dégradation recensés en France jusqu’à présent soient très ra-
res, le risque « thaumasite » est à prendre en considération dans des situations bien
précises.
La formation de thaumasite a été constatée dans des maçonneries anciennes où,
lors de réparations, ont été utilisés des liants à base de chaux et de pouzzolanes ou
des ciments Portland : l’hydratation de ces liants et leur carbonatation donne lieu
à formation de C-S-H, d’aluminates hydratés et de CaCO3. En présence d’eau et
de sulfates, ces composés peuvent conduire à la formation d’ettringite et/ou de
thaumasite [COL 99].
La thaumasite a été identifiée également dans les piles de béton d’un bâtiment
scientifique construit dans l’Arctique [BIC 99] : l’environnement sulfatique et la

657
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

température proche de 0 °C en été, lors de la fonte du permagel1, a permis la for-


mation de thaumasite qui s’est traduite par la transformation partielle du béton en
un produit « boueux » sans résistance mécanique.
En Grande-Bretagne, plus de 60 cas de dégradation par formation de thaumasite
ont été recensés [CRA 02] dans des ouvrages aussi différents que des maçonne-
ries, des fondations, des dalles exposées à des sols sulfatiques, des couches de
base routières, des conduites d’eaux usées, des revêtements de tunnels ainsi que
des fondations de ponts d’une autoroute. Les constructions concernées couvrent
une période de 30 années. Le groupe d’experts missionné par le gouvernement
britannique pour étudier cette forme d’attaque sulfatique a conclu à l’importance
du phénomène et préconisé un certain nombre de recommandations relatives au
diagnostic ainsi qu’aux mesures de traitement et de prévention [TEG 02]. Ces re-
commandations ont été reprises dans un document publié par la British Cement
Association [BCA 05].
Les sources de carbonate nécessaires à la formation de thaumasite peuvent être le
CO2 atmosphérique ou le CO2 dissout dans les eaux d’infiltration. Mais assez fré-
quemment les désordres observés sont en relation avec la présence dans les bétons
de fines calcaires provenant soit du ciment (type CEM II/A-L ou LL), soit d’ad-
ditions, soit encore des granulats. Ceci est attesté par de nombreuses études, parmi
lesquelles celles de Justnes [JUS 03], de Trägärdh [TRA 03], Kakali et al.
[KAK 03], Bensted [BEN 99].
Les travaux importants de N.J. Crammond en particulier [CRA 97, CRA 06] ont
montré le rôle joué par les fines calcaires présentes dans le béton dans la forma-
tion de thaumasite. Ces fines peuvent provenir soit des additions, soit de l’utilisa-
tion de granulats calcaires plus ou moins durs. Les tests en laboratoire [CRA 97]
sur des mortiers 1/3, de rapport E/C = 0,6 fabriqués à partir de ciments Portland
contenant des quantités croissantes de C3A (0, 5, 9, 10 et 13 %) et de filler calcaire
(0, 5, 20, 25 et 35 %), conservés dans des solutions de sulfates (MgSO4, CaSO4,
Na2SO4 et eau de mer artificielle) de concentrations variables et à différentes tem-
pératures (5, 10, 15 et 20 °C) ont donné les résultats suivants :
– les dégradations sont plus importantes à 5, 10 et 15 °C qu’à 20 °C dans toutes
les solutions, à des degrés divers ;
– les mortiers à base de ciment à 13 % de C3A se dégradent rapidement quelles
que soient les proportions de filler. Les composés formés sont le gypse et l’ettrin-
gite ;

1. Permagel : sol des régions froides gelé en permanence à une certaine profondeur.

658
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

– la dégradation des mortiers à base de ciment à 9 et 10 % de C3A est corrélée à


la teneur en filler. Les composés formés sont la thaumasite, l’ettringite et le
gypse ;
– la dégradation des mortiers à base de ciment à 5 % de C3A est plus lente. Elle
est également corrélée à la teneur en filler. Le composé formé est principalement
la thaumasite surtout dans les mortiers à fortes teneurs en filler ;
– la dégradation des mortiers à base de ciment résistant aux sulfates (0 % de
C3A) est également plus lente. Elle n’est observée que dans le mortier ayant la
teneur la plus élevée en filler (35 %) où les composés formés sont essentielle-
ment la thaumasite et le gypse.
Des essais ont également été effectués sur des bétons à base de granulats calcaires
de différentes origines (jurassique, carbonifère et calcaire dolomitique) et d’un
granulat siliceux pris comme référence. Les bétons, formulés pour être résistants
aux sulfates suivant les recommandations du Building Research Establishment
[BRE 05], ont été préparés à partir des ciments suivants : ciment résistant aux sul-
fates (0 % C3A), ciment aux cendres (CEM I à 6,4 % de C3A + 25 % et 40 % de
cendres), ciment au laitier (CEM I à 6,4 % de C3A + 70 % et 90 % de laitier de
haut-fourneau). Différents dosages en ciment ont été testés : 330 et 370 kg/m3
pour le ciment résistant aux sulfates ; 300, 340 et 380 kg/m3 pour les ciments avec
ajouts. Les bétons ont été conservés dans des solutions de MgSO4 et Na2SO4 de
faible et forte concentration (1,8 % et 0,42 % de SO4) à 5 °C et 20 °C. Les résultats
obtenus sont les suivants :
– après un an d’immersion à 5 °C dans les différentes solutions sulfatiques, les
bétons à base de ciment résistant aux sulfates et de ciments aux cendres sont déjà
significativement dégradés. Pour ces deux types de ciments, l’augmentation du
dosage en ciment a un effet favorable. Le composé formé est surtout la thauma-
site. Après 3 ans d’immersion, les dégradations se sont fortement accentuées en
particulier dans le cas du calcaire dolomitique. Aux mêmes échéances, les bétons
de granulats siliceux sont sains ;
– tous les bétons à base de ciments au laitier de haut-fourneau ont un très bon
comportement. Aucune formation de thaumasite n’y est observée ;
– à 20 °C, tous les bétons, quels que soient les ciments et les granulats, restent
exempts de dommages, confirmant l’importance de la température dans le pro-
cessus de dégradation.
Les conclusions générales de ces essais sont les suivantes :
– dans les environnements sulfatiques, en présence d’eau, et à basse température
(< 15 °C), les mortiers et les bétons contenant des fines calcaires provenant

659
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

d’additions minérales ou des granulats peuvent se dégrader par formation de


thaumasite ;
– ce type de dégradation peut se produire avec des ciments Portland pauvres en
C3A ou des ciments à base de cendres volantes ;
– par contre, les ciments à forte teneur en laitier de haut-fourneau sont résistants ;
– le dosage en ciment joue un rôle important : un dosage élevé, qui se traduit par
un accroissement de la compacité du béton, ralentit les réactions.
Ces résultats ont conduit le Building Research Establishment en Grande-Bretagne
[BRE 05] à restreindre l’utilisation des ciments contenant des fillers calcaires aux
environnements sulfatiques de faible agressivité. En France, indépendamment de
toute référence au risque de formation de thaumasite, la norme NF P15-317 relati-
ve aux ciments pour travaux à la mer ou en environnements sulfatiques faiblement
ou modérément agressifs, limite à 10 % la quantité de filler calcaire dans les ci-
ments CEM II/A. Par ailleurs, le tableau NA.F1 de la norme NF EN 206 limite le
rapport A/(A+C) où A représente la quantité d’addition calcaire et C la quantité de
ciment (exclusivement CEM I 42,5 ou 52,5), à 5 % dans les bétons immergés en
eau de mer. Par ailleurs, les additions calcaires ne sont pas autorisées dans les bé-
tons destinés aux environnements chimiquement agressifs (XA1, XA2 et XA3).
En tout état de cause, bien que l’attaque sulfatique par formation de thaumasite
ait été peu souvent signalée en France jusqu’à présent, le risque est à prendre en
compte chaque fois que les conditions requises pour la formation de ce minéral
sont réunies : source de sulfates, source de carbonates (en particulier fines calcai-
res), présence d’eau, basses températures (< 15 °C). Le risque est le plus élevé
pour les bétons enterrés dans des sols contenant des sulfates (fondations, pieux,
piles de pont…), ou en contact avec un encaissant où circulent des eaux chargées
en sulfates (tunnels).
Les principales mesures préventives sont :
– la confection de bétons compacts ;
– éviter dans la mesure du possible la présence de fines calcaires dans le béton ;
– choisir un ciment adapté, sachant que les CEM I ES à faible teneur en C3A ne
permettent pas d’éviter le risque thaumasite ; les ciments de type CEM III à forte
teneur en laitier de haut-fourneau sont résistants à ce type d’attaque ;
– éviter autant que possible les infiltrations d’eau.
La formation de thaumasite, CaSiO3.CaSO4.CaCO3.15H2O, est une forme par-
ticulière d’attaque sulfatique. Elle peut provoquer la dégradation des bétons
dans les conditions suivantes : température inférieure à 15 °C, présence d’eau,
existence de sources de sulfates, de carbonates (fines calcaires ou CO2 atmosphé-
rique ou dissout), de silice réactive (C-S-H). Le mécanisme de dégradation est es-

660
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

sentiellement une destruction des C-S-H entraînant leur transformation en un


produit sans cohésion ayant la consistance d’une boue. La thaumasite est sou-
vent accompagnée d’ettringite avec laquelle elle présente de grandes analogies
de structure et de faciès cristallin et à partir de laquelle elle peut se former.
Les principales mesures préventives vis-à-vis de ce type d’attaque sont la formu-
lation d’un béton compact, le choix d’une formule de béton évitant autant que
possible la présence de fines calcaires, l’utilisation de ciments à forte teneur en
laitier de haut-fourneau et une protection de l’ouvrage contre les venues d’eau.

3.5. Attaques d’origine biochimique


3.5.1. Cas des eaux usées
Dans les réseaux d’assainissement la présence d’hydrogène sulfuré H2S, suscep-
tible de s’oxyder en acide sulfurique H2SO4, peut être à l’origine de dégradations
du béton. L’origine de H2S gazeux, non agressif en tant que tel, se trouve dans les
eaux résiduaires qui contiennent de nombreux composés soufrés sous forme or-
ganique (protéines animales ou végétales) ou inorganique (sulfates et sulfonates
apportés par les détergents). Ces eaux transportent des quantités importantes de
bactéries, en particulier des bactéries sulfato-réductrices à l’origine de la forma-
tion de sulfures solubles par réduction des composés soufrés. Dans un milieu pau-
vre en oxygène, cela entraîne le dégagement d’hydrogène sulfuré.
Sur la paroi interne de l’élément concerné se forme une masse gélatineuse adhé-
rente : c’est le biofilm d’une épaisseur de 1 à 3 mm environ, dont la composition
dépend de la quantité d’oxygène dissout dans l’effluent, qui détermine elle-même
l’importance du dégagement d’H2S.
Lorsque le milieu est suffisamment oxygéné ([O2] > 0,1 mg/L), les sulfures géné-
rés par les bactéries sulfato-réductrices sont oxydés et maintenus en solution, sans
dégagement d’hydrogène sulfuré.
Lorsque le milieu est pauvre en oxygène ([O2] < 0,1 mg/L), les sulfures provenant
de la réduction des composés soufrés par les bactéries sulfato-réductrices ne sont
pas tous oxydés. L’accroissement de la concentration en sulfures solubles conduit
au dégagement d’hydrogène sulfuré gazeux. Le phénomène est décrit par la
figure 12.19.
Dans le processus d’attaque du béton interviennent principalement les sulfo-bac-
téries de type «thiobacillus thiooxydans» (ou «concretivorus») dont la particula-
rité est d’utiliser l’hydrogène sulfuré dans leur métabolisme et de le rejeter sous
forme d’acide sulfurique H2SO4, très agressif vis-à-vis du béton suivant un dou-
ble mécanisme d’attaque acide et d’attaque sulfatique schématisé ci-après :

661
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Ca(OH)2 + H2SO4 → CaSO4 + 2H2O


et
3CaO.Al2O3 + CaSO4 + 32H2O → 3CaO.Al2O3.3CaSO4.32H2O
L’attaque acide conduit à la dissolution de la chaux de l’hydroxyde de calcium et
des C-S-H. L’attaque sulfatique conduit à la formation d’ettringite pouvant être
expansive. Dans certains cas, la présence de soufre élémentaire, associé au gypse
et à l’ettringite, peut être observée. En outre, la présence d’acide peut provoquer
la dépassivation des aciers d’armatures et leur corrosion.

Condensation
de l'acide
Transfert H2S sur les parois
Oxydation en H2SO4

AIR
H2S diffusant dans l'air

Biofilm

Zone d'écoulement laminaire


Paroi

Zone de production de sulfures


du tuyau
OXYGÈNE DIFFUSANT DANS L'EAU
EAUX USÉES
Oxygène dissous inférieur à 0,1 mg/L
Présence de sulfures dissous, HS, H2S
Zone anaérobie inactive

Épuisement de l'oxygène dans la zone laminaire

Diffusion de sulfates et de nutriments, production de sulfures

Diffusion des sulfures dans l'effluent

Figure 12.19 : mécanisme des attaques biochimiques.


Effluent pauvre en oxygène dissout, d’après [COL 87].
En présence d’une concentration suffisante en oxygène, le biofilm formé sur la paroi de la canalisation
est constitué de trois zones : zone aérobie dans la zone d’écoulement laminaire, zone anaérobie où
les sulfates venant de l’effluent sont réduits par les bactéries sulfato-réductrices, zone anaérobie inac-
tive au contact de la paroi. Lorsque la teneur en oxygène dissout est trop faible, la partie du biofilm
contenant les bactéries aérobies disparaît. Les sulfures provenant de la réduction des composés sou-
frés par les bactéries sulfato-réductrices ne sont plus oxydés. L’augmentation de la concentration en
sulfures solubles conduit à la formation d’H2S consommé dans le métabolisme des sulfo-bactéries qui
le rejettent sous forme d’acide sulfurique.

662
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

Les remèdes sont la fabrication de bétons compacts peu perméables, de diffusivité


faible, le choix de ciments adaptés (ciments au laitier de haut-fourneau, aux cen-
dres volantes…) et de granulats résistants aux acides. L’emploi de bétons ou re-
vêtements à base de ciment alumineux fondu peut également constituer une bonne
solution (cf. chapitre 14).
Par ailleurs, pour réduire la production de sulfures dans les effluents, il existe des
techniques éprouvées qui passent par le traitement de l’effluent lui-même : l’ap-
port d’eau oxygénée ou de sulfate ferreux est le plus pratiqué.
3.5.2. Cas des effluents agricoles et agro-alimentaires
Les effluents agricoles et agroalimentaires (lisiers, jus d’ensilage, lactosérum…)
sont des produits constitués initialement de matières organiques complexes, qui,
sous l’action de bactéries identifiées, aérobies ou anaérobies, sont transformés en
acides organiques [BER 04a].
Dans les lisiers, les bactéries identifiées sont principalement les clostridium sul-
fitoréducteurs, les entérobacters (coliformes dont Escherichia coli), et les strepto-
coques fécaux. Les processus biologiques liés aux activités bactériennes
produisent notamment des acides gras volatils (acides acétique et propionique
principalement), du dioxyde de carbone et du dihydrogène. Au cours d’un stoc-
kage de longue durée du lisier, les acides gras volatils sont progressivement dé-
gradés en CH4 (méthane) et CO2. Bien que fluctuante en fonction de
l’alimentation des animaux, du temps de stockage ou du taux de dilution des li-
siers, la concentration totale en acides est de l’ordre de la dizaine de grammes par
litre. De fait, le pH des lisiers varie entre 5 et 8, ce qui en fait un produit agressif.
Pour l’ensilage, les principales bactéries concernées sont les bactéries homéofer-
mentaires telles que lactobacilles ou streptocoques, les lactobacilles représentant
40 à 70 % des bactéries de l’ensilage. Ces bactéries transforment en conditions
anaérobies les sucres solubles du fourrage vert en acide lactique principalement, et
en acide acétique. Ces réactions de transformation s’accompagnent donc d’une
acidification, se manifestant par la chute du pH du milieu en dessous de 4 (le faible
niveau de pH des jus d’ensilage est un des critères de qualité de la fermentation).
Le lactosérum est la phase aqueuse qui se sépare de la phase solide (le caillé) lors
de la fabrication des fromages. Il renferme des ferments lactiques, qui sont géné-
ralement des Streptococcus, des Lactobacillus ou des Leuconostocs. Comme pour
les jus d’ensilage, l’activité bactérienne conduit à une acidification, le lactosérum
voyant son pH descendre en dessous de 4.

663
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Compte tenu des différences de pH finaux des jus obtenus, les attaques acides vis-
à-vis des matériaux cimentaires vont conduire à des résultats sensiblement diffé-
rents [BER 05b] :
– dans le cas du lisier, l’altération se traduit par la combinaison de deux phéno-
mènes : une progressive dissolution des phases initiales de la pâte de ciment avec
une décalcification partielle liée à l’exposition de la matrice à la solution de pH
6-8, et une carbonatation intense de la matrice liée à la respiration des bactéries.
La carbonatation des échantillons, rendue possible par les niveaux de pH, permet
de limiter les cinétiques de dégradation et l’intensité de la décalcification de la
matrice ;
– pour les lactosérums, ou les jus d’ensilage, pour lesquels le pH est de 4, les
mécanismes d’altération se traduisent par une décalcification quasi-totale de la
matrice (figure 12.20) et sont très similaires à ceux obtenus au cours de l’agres-
sion par les acides organiques à pH 4. La zone dégradée des échantillons est
constituée d’oxydes de silicium, aluminium et fer et sa structure est quasi amor-
phe. Ainsi, l’action des acides organiques est prépondérante et les bactéries ne
semblent pas d’avoir d’effet spécifique majeur.
Pour ces environnements, la portlandite étant le premier hydrate attaqué, il con-
vient d’en limiter la teneur en privilégiant les ciments à forte teneur en C2S et les
additions à caractère hydraulique latent (laitier) ou pouzzolanique (cendres volan-
tes, fumées de silice…). Par ailleurs, il convient de fabriquer des bétons compacts
peu perméables, de diffusivité faible, incorporant des granulats résistants aux aci-
des (voir § 3.2 « acides organiques »).

664
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

Échantillon
90 Échantillon immergé 35
témoin
Zone dégradée Zone saine
80
30

70
% Oxydes Tot, CaO, SiO2

% Oxydes Al2O3, Fe2O3, SO3


25
60
Zone 3 Z. 2 Zone 1

50 20

% Tot
40 % CaO 15
% SiO2
30 % Al2O3
% Fe2O3 10
% SO3
20

5
10

0 0
0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000 3 500 4 000
Distance à la surface (micromètres)

Figure 12.20 : composition chimique en CaO, SiO2, Al2O3, Fe2O3, SO3 et oxydes totaux,
d’une pâte de CEM I immergée dans le lactosérum (pH 4) pendant 4 semaines
en fonction de la distance par rapport à la surface, et de l’échantillon témoin,
d’après [BER 05b].
Les échantillons cylindriques (φ = 25 mm, h = 75 mm) de pâtes de ciment (E/C = 0,27), ont été con-
servés dans l’eau pendant 27 jours après le démoulage. Ils ont ensuite été immergés dans du lacto-
sérum prélevé en laiterie (rapport massique solide/liquide = 1/30, T° = 20 °C). Les analyses chimiques
ont été effectuées par microsonde électronique sur une section polie. Les diagrammes ont été corri-
gés par rapport à un témoin (titane).
La limite entre les zones 2 et 3 est caractérisée par une chute brutale de la teneur en calcium et de la
somme des teneurs en oxydes. La zone dégradée est constituée quasi exclusivement d’oxydes de
silicium, d’aluminium et de fer. Les teneurs absolues en aluminium et fer sont comparables à celles
du cœur dans la partie interne de la zone dégradée puis deviennent nulles dans la partie externe.
L’échantillon est alors constitué presque exclusivement de silice dans cette zone.

3.6. Autres milieux


Il n’est pas possible dans le cadre de ce chapitre de passer en revue toutes les si-
tuations possibles d’agression chimique. Seuls quelques milieux correspondants
à des cas rencontrés plus ou moins fréquemment seront évoqués ici. On se repor-
tera pour les autres cas à différents documents donnant des listes plus complètes
([BIC 72, KLE 60, PCA 01]
Pour l’ensemble de ces milieux, les règles générales qui permettent de réduire les
risques d’attaque chimique restent les mêmes que celles qui ont déjà été évoquées
précédemment : formulation de bétons compacts limitant le transfert des substan-

665
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

ces agressives (diffusivité, perméabilité et porosité réduites), choix de ciments


adaptés (réduction de la teneur potentielle en hydroxyde de calcium, utilisation
d’additions : laitier, cendres volantes…), mise en œuvre soignée accompagnée
d’une cure et d’un durcissement suffisants…
• Les nitrates. Sauf dans le cas des nitrates d’ammonium et d’aluminium, ces
sels sont peu agressifs. Ils agissent principalement par échange de base suivant la
réaction schématique :
Ca(OH)2 + 2XNO3 → Ca(NO3)2 + 2XOH
où X est le cation associé à l’ion nitrate. La formation d’un sel de calcium soluble
au détriment de la chaux des C-S-H et de la portlandite, entraîne une dégradation
plus ou moins importante de ces hydrates.
• Les sels d’ammonium, nitrate, chlorure, acétate, phosphate et sulfate, sont très
agressifs et réagissent suivant un mécanisme d’échange de base 2NH4+ → Ca++
illustré par la réaction suivante relative au nitrate d’ammonium présent dans les
engrais :
Ca(OH)2 + 2NO3NH4 → Ca(NO3)2 + 2H2O + NH3gaz
La réaction conduit à la formation de nitrate de calcium très soluble et à un déga-
gement gazeux d’ammoniac. La réduction de basicité due au dégagement d’am-
moniac empêche la réaction d’atteindre l’équilibre. La conséquence est un
lessivage progressif de la chaux de la portlandite et des C-S-H qui peut conduire
à une dégradation des propriétés mécaniques du béton. La réaction avec les alu-
minates conduit à la formation d’un nitro-aluminate de calcium
3CaO.Al2O3.Ca(NO3)2.10H2O [UKR 78].
Le chlorure d’ammonium ClNH4, qui donne lieu à la formation de chlorure de
calcium très soluble, est déjà agressif aux concentrations de 15 à 30 mg/L. Son
mécanisme d’action est voisin de celui du nitrate d’ammonium. La formation de
chloroaluminates de calcium 3CaO.Al2O3.CaCl2.10H2O est également possible.
Le sulfate d’ammonium, agressif par l’ion ammonium et par l’ion sulfate, donne
naissance au gypse CaSO4.2H2O qui, par réaction avec les aluminates peut con-
duire à la formation d’ettringite délétère.
• Les chlorures. Indépendamment de leur effet bien connu sur la corrosion des
aciers, et excepté le chlorure d’ammonium très agressif, ils peuvent être légère-
ment agressifs vis-à-vis du béton s’ils sont en forte concentration. Les travaux de
Smolczyk [SMO 68] ont montré que des bétons de ciment Portland immergés
dans des solutions concentrées de MgCl2 et de CaCl2 pouvaient être détruits par
formation d’oxychlorures (par exemple, oxychlorure de magnésium
3MgO.MgCl2.11H2O), les bétons à base de ciment de laitier étant résistants dans

666
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

les mêmes conditions. Les mêmes bétons conservés dans des solutions de chlo-
rure de potassium demeurent intacts.
Les différences de comportement entre chlorures dépendent du coefficient de dif-
fusion des ions Cl–, lui-même en relation avec le type de cation auquel ils sont
liés. Elles dépendent également du coefficient de diffusion des cations solvatés.
Ces coefficients de diffusion D se classent de la manière suivante [CAL 80] :
– en ce qui concerne les ions Cl– : DCl (MgCl2) > DCl (CaCl2) > DCl (LiCl) > DCl
(KCl) > DCl (NaCl) ;
– en ce qui concerne les cations : D (Mg2+) < D (Ca2+) < D (Na+) < D (K+).
Les mécanismes de dégradation mis en jeu sont essentiellement les suivants :
– dans le cas des chlorures de sodium et potassium : lixiviation du calcium de la
portlandite et des C-S-H et formation de monochloroaluminate de calcium ;
– dans le cas des chlorures de calcium et de magnésium : lixiviation du calcium
de la portlandite et des C-S-H et formation d’oxychlorures expansifs [SMO 68]
accompagnés de brucite Mg(OH)2 et de monochloroaluminate de calcium dans
le cas de MgCl2.
À la dégradation d’origine chimique peut s’ajouter une dégradation d’origine
physique due à la recristallisation des sels lorsque le béton est soumis à des cycles
de séchage/humidification, ou aux pressions osmotiques engendrées par les diffé-
rences de concentrations ioniques au sein du béton. Ce dernier mécanisme, obser-
vé dans les bétons en contact avec des sels de déverglaçage [PIG 95] et
accompagnant le phénomène d’écaillage est traité dans le chapitre 10 consacré au
béton en ambiance hivernale rigoureuse.
• Les phosphates, hormis les phosphates d’ammonium, forment avec la chaux
des sels insolubles et sont peu ou pas agressifs.
• Les oxalates, qui forment également des sels insolubles, n’attaquent pas le
béton.
• Les hydroxydes alcalins. Les solutions à 10 % d’hydroxyde de potassium, de
sodium ou d’ammoniac ne sont pas agressives vis-à-vis du béton de ciment Port-
land. Toutefois, l’accumulation par évaporation de sels sur la face opposée à la
face en contact avec la solution peut provoquer des dégradations par écaillage ou
desquamation. Le risque est faible pour les bétons compacts imperméables.
• Divers. Le tableau 12.9 résume l’action de quelques milieux peu courants.

667
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Tableau 12.9 : agressivité de quelques substances rencontrées


plus ou moins fréquemment.
Substance Agressivité Remarques
Béton compact, imperméable
Essence, kérosène, huiles légères Néant recommandé + éventuellement
traitement de surface
Huiles minérales Néant Sauf si présence d’acides gras
Huiles végétales : olive, cacahuète, lin,
Modérée Dégradation lente possible
margarine…
Huiles végétales : cacao, noix de coco, Dégradation en particulier si exposition
Modérée à forte
ricin, moutarde… à l’air
Graisses animales Modérée
Dégradation due à la présence d’acides
Déchets d’abattoir Modérée à forte
organiques
Solvants : alcools ethylique et méthyli- Béton imperméable recommandé
que, éther, acétone, trichloroéthylène… Néant et traitement de surface éventuel
Sulfure de carbone Modérée Dégradation lente possible
Glycérine Modérée Dégradation lente possible
Ammoniac liquide Néant Sauf si présence de sels d’ammonium
Dégradation lente possible en milieu
Ammoniac vapeur Modérée
humide + corrosion des aciers
Lait Néant Sauf ranci (acide lactique)
Présence possible d’acides organiques
Bière Modérée dus aux produits de fermentation
(lactique, acétique…)
Dégradation lente possible (acides
Cidre Modérée
organiques)
Dégradation lente possible (porcheries,
Fumier, purin… Modérée
étables…)
Vin Néant Traitement de surface par acide tartrique
Sucre sec Néant Traitement de surface
Solution Modérée Dégradation lente
Urée, Néant
Développement de substances acides
Urine Modérée au cours du vieillissement (porcheries,
étables…)
Dégradation lente due aux acides
Fourrage Modérée de fermentation : acétique, lactique,
butyrique …
Due à la formation d’acides carbonique,
Gaz d’échappement automobile Modérée nitrique et sulfureux en présence
d’humidité
Formation d’HCl en milieu humide,
Chlore gazeux Modérée à forte
attaque acide + corrosion des armatures

668
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

4. CAS DES BÉTONS EXPOSÉS AU MILIEU MARIN.


INTERACTIONS COUPLÉES
4.1. Importance du problème et multiplicité des facteurs agressifs
La durabilité du béton en milieu marin est une préoccupation importante : la Fran-
ce comporte plusieurs milliers de kilomètres de côtes et le nombre d’ouvrages
(bâtiments, zones portuaires, digues…) construits en bordure de mer ou dans la
bande littorale exposée à l’atmosphère marine représente un enjeu économique
notable.
Il s’agit également d’un problème complexe en raison du nombre de facteurs pou-
vant intervenir lors d’une attaque par l’eau de mer :
– complexité des conditions environnementales (immersion totale, marnage,
aspersion, embruns) ;
– complexité des réactions chimiques susceptibles de se produire en relation
avec la diversité des ions présents dans l’eau de mer (action simultanée des chlo-
rures, des sulfates, des carbonates), certaines réactions pouvant avoir un effet
atténuateur (carbonatation, précipitation de brucite Mg(OH)2) ;
– couplage avec des agressions physiques et mécaniques (cycles d’humidifica-
tion /séchage, gel, actions mécaniques des vagues, érosion…) ;
– par ailleurs, aux attaques physico-chimiques subies intrinsèquement par le
matériau béton, il y a lieu d’ajouter les dégradations possibles du béton dues à la
corrosion des aciers. Le phénomène de corrosion, traité en détail au chapitre 9,
est souvent la cause principale des dommages constatés sur les ouvrages en
milieu marin.
La figure 12.21 établie d’après P.K. Mehta [MEH 80] schématise assez bien les
différentes actions auxquelles peut être soumis un béton exposé à l’eau de mer.
Dans les zones immergées en permanence (XS2), l’agressivité chimique de l’eau
de mer vis-à-vis des bétons fabriqués suivant les règles de l’art est modérée et,
sauf conditions exceptionnelles (gel par exemple) les dégradations restent super-
ficielles. Dans ces zones, où le béton est constamment saturé, les risques de cor-
rosion des aciers sont également limités du fait du très faible coefficient de
diffusion de l’oxygène dans l’eau.
Les zones de marnage, les zones soumises à des projections ou des embruns
(XS3) sont les plus exposées en raison des actions physiques qui viennent se su-
perposer aux processus chimiques : effets mécaniques des vagues et érosion par
les sables et graviers, cycles d’humidification/séchage, variations de température
journalières et saisonnières, dissolution/recristallisation de sels (chlorure de so-
dium)… Les risques de corrosion des aciers sont également les plus importants
dans ces zones (classe d’exposition XS3 de la norme NF EN 206-1).

669
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Dans les zones aériennes (XS1), le béton est exposé à l’air véhiculant du sel marin
mais n’est pas en contact avec l’eau de mer.
Béton

Fissuration Zone aérienne


due à la corrosion
des aciers

Fissuration due au gel-dégel Marée haute


et aux gradients thermiques
et d'humidité

Abrasion due à l'action


des vagues, des sables,
des graviers et de la glace

Réaction alcali-granulat
et décomposition chimique
des hydrates Marée basse

Armature

Attaques chimiques :
– attaque par le CO2 Zone immergée
– attaque par les ions Mg
– attaque par les sulfates

Figure 12.21 : représentation schématique des différents processus d’attaque du béton


par l’eau de mer, d’après Mehta [MEH 80].

Le fascicule de documentation FD P18-011 précise que les dispositions à appli-


quer pour la formulation des bétons exposés à l’eau de mer visent à éviter à la fois
l’attaque chimique du matériau béton et la corrosion des armatures. Pour des rai-
sons pratiques elles sont données aux tableaux NA.F.1 et NA.F.2 de la norme NF
EN 206-1 dans les colonnes correspondant aux classes d’exposition XS1, XS2 et
XS3, bien qu’elles s’appliquent également au béton non armé. Le critère retenu
pour la choix de la classe d’exposition est donc le même que pour le cas de la cor-
rosion induite par les chlorures : exposition à l’air véhiculant du sel marin pour
XS1, en immersion permanente pour XS2 et dans la zone de marnage de projec-
tions ou d’embruns pour XS3. Ce choix implique une salinité implicite de l’eau
de mer, c’est celle rencontrée sur les côtes de la France métropolitaine.
4.2. Les données de l’observation et de l’expérience
L’eau de mer peut être considérée comme un électrolyte dont la concentration en
espèces dissoutes est élevée et dont la salinité varie largement d’une région à
l’autre. Le tableau 12.10 qui reprend les données de l’ARBEM [ARB 86], donne
l’étendue des variations de la salinité totale des mers, des océans et des grands
lacs.

670
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

Les principaux sels qui composent l’eau de mer sont les suivants :
– le chlorure de sodium (NaCl) qui est prépondérant ;
– le chlorure de magnésium (MgCl2) ;
– le sulfate de magnésium (MgSO4) ;
– le sulfate de calcium (CaSO4) ;
– le chlorure de calcium (CaCl2) ;
– le carbonate acide de potassium (KHCO3).
Tableau 12.10 : salinité des différentes eaux de mer.
Origine Salinité en g/L
Mer Baltique 3à8
Mer Noire 18,3 à 22,2
Mer Blanche 26,0 à 29,7
Océan Atlantique 33,5 à 37,4
Océan Pacifique 34,5 à 36,9
Océan Indien 35,5 à 36,7
Mer Méditerranée 38,4 à 41,2
Mer Rouge 50,8 à 58,5
Lac Ontario 72
Mer Caspienne 126,7 à 185
Mer Morte 192,2 à 260
Lac Elton 265

Le tableau 12.11 indique la concentration de ces différentes espèces pour l’océan At-
lantique et la mer Méditerranée où le pH, légèrement basique, est compris entre 8 et 9.
Les observations sur le comportement des ouvrages à la mer sont extrêmement nom-
breuses : elles concernent aussi bien des éprouvettes immergées en eau de mer, dans
diverses stations expérimentales (La Rochelle [REG 75], Treat Island (USA) [MAL
87]) que des constructions en bordure de mer ou en pleine mer (plates-formes pétro-
lières). Voici les conclusions essentielles que l’on peut retenir des synthèses et des
rapports généraux établis lors de récents colloques [MEH 89, MEH 91].
Tableau 12.11 : composition des eaux de l’Atlantique, de la Méditerranée
et d’une eau de mer standard [WIL 75].
Atlantique Méditerranée Eau de mer standard
Espèce ionique
(g/L) (g/L) (g/L)
Cl– 17,8 21,4 20,06
Br– 0,2 0,07
SO42– 2,5 3,06 2,81
CO32– 0,14
Na+ 10 11,6 11,16
K+ 0,3 0,4 0,41
Ca2+ 0,4 0,47 0,42
Mg2+ 1,5 1,8 1,34

671
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

La durée de vie des constructions en béton soumises à un environnement marin


peut être très longue : beaucoup d’ouvrages sont encore en service après cinquan-
te à soixante-dix ans de service. Des longévités encore plus importantes sont
même observées: c’est le cas d’un quai long de deux mille cinq cents mètres situé
à Zeebrugge (Belgique), construit entre 1895 et 1907. Malgré un dosage assez fai-
ble en ciment (240 à 270 kg/m3) et le fait qu’il ait été bombardé pendant les guer-
res de 1914-1918 et de 1939-1945, il a été jugé apte à poursuivre son service, au
prix de quelques réparations mineures.
L’expérience européenne montre le rôle bénéfique que jouent les ciments au lai-
tier dans la résistance du béton au milieu marin.
Le paramètre essentiel de bonne tenue des bétons est leur compacité et leur struc-
ture poreuse. C’est probablement à ces deux facteurs qu’il faut attribuer la bonne
résistance, après soixante-six ans d’immersion, des blocs de béton des stations ex-
périmentales de La Rochelle et de Los Angeles, fortement dosés en ciment Port-
land (600 kg/m3), bien qu’il s’agisse de ciments riches en C3A (respectivement
14,9 % et 14 %). Dans le même temps, les blocs de béton peu dosés, donc moins
compacts, ont été soit détruits, soit fortement endommagés.
Une grande partie des dégradations détectées sur des ouvrages portuaires de pays
nordiques (Danemark, Norvège) est expliquée par l’absence d’air entraîné dans
les bétons conduisant à une fissuration par des cycles de gel-dégel et facilitant ain-
si l’amorçage de la corrosion.
Toutes ces observations convergent vers une même conclusion : les structures
marines construites en béton sont durables, à condition d’avoir choisi un ciment
adapté (NF P15-317), suffisamment dosé, d’avoir adopté un rapport E/C pas trop
élevé (0,55 et 0,50 respectivement pour les classes d’exposition XS2 et XS3 selon
la norme NF EN 206-1), d’avoir bien vibré le béton et de lui avoir assuré une cure
suffisante. Pour le béton armé, le respect des épaisseurs d’enrobage fixées par
l’Eurocode en fonction de la classe d’exposition est impératif afin d’éviter la cor-
rosion des armatures.
4.3. Les mécanismes d’attaques par les eaux de mer
L’attaque des ciments par l’eau de mer résulte de plusieurs mécanismes physico-
chimiques plus ou moins simultanés et interdépendants résumés par la
figure 12.22.

672
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

ACTION DES CHLORURES

NaCl MgCl2

Ca(OH)2 + 2NaCl lCaCl2 + 2NaOH Ca(OH)2 + MgCl2 oCaCl2 + Mg(OH)2


C-S-H + 2NaCl oCaCl2 + 2NaOH + silice C-S-H + MgCl2 oCaCl2 + C-M-S-H

Formation de CaCl2 sel soluble Échange Mg2+ œ Ca2+


Ÿ Lixiviation de la chaux de Ca(OH)2 et des C–S–H Ÿ Précipitation de brucite
Ÿ Accroissement de porosité (perméabilité, diffusivité) Mg(OH)2 insoluble
Formation de monochloroaluminates Colmatage partiel de la porosité
CaCl2 + C3A + 10H2O o C3A . CaCl2 . 10H2O Effet atténuateur
Transformation possible en ettringite au contact des sulfates Ÿ Formation de C-M-S-H
Ÿ gonflement sans propriétés liantes
Corrosion des aciers Corrosion des aciers

ACTION DES SULFATES

Ca(OH)2 + MgSO4 oCaSO4 + Mg(OH)2


C–S–H + MgSO4 oCaSO4 + C–M–S–H

Échange Mg2+ œ Ca2+ Formation de gypse secondaire


CaSO4 . 2H2O
Ÿ Lixiviation de la chaux de Ca(OH)2 et des C–S–H
Réaction avec les aluminates
Ÿ Accroissement de porosité
(aluminates anhydres et hydratés,
Ÿ Précipitation de brucite Mg(OH)2 insoluble
monosulfates, chloroaluminates)
Colmatage partiel de la porosité C3A + 3CaSO4 + 32H2O
et effet atténuateur de Mg(OH)2
o C3A . 3CaSO4 . 32H2O
Ÿ Formation de C-M-S-H non liants Ÿ Précipitation d'ettringite
Gonflement, fissuration

ACTION DU DIOXYDE DE CARBONE

2Ca(OH)2 + 2CO2 lCaCO3 + 2H2O

Formation de calcite et d'aragonite Formation de thaumasite


CaCO3 CaSO4 . CaSiO3 . CaCO3 . 15H2O
2Ca(OH)2 + 2CO2 lCaCO3 + 2H2O – en présence de CO2, de sulfates
Colmatage partiel de la porosité et de silice issue de la dégradation des C-S-H
Effet protecteur – par transformation d'ettringite

Figure 12.22 : les différentes actions de l’eau de mer sur le béton.

673
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

L’effet global n’est ni la somme des effets individuels, ni proportionnel à une ac-
tion isolée donnée.
Par exemple l’eau de mer est moins agressive qu’une solution de même concen-
tration en sulfate de magnésium en raison de la plus grande solubilité de l’ettrin-
gite et du gypse dans les solutions chlorurées ainsi qu’en raison de la formation
de chloroaluminates de calcium qui consomme une partie de l’alumine (du C3A
et des aluminates hydratés) et de la chaux nécessaires à la formation d’ettringite.
Les principaux mécanismes mis en jeu, fortement imbriqués, sont les suivants :
– dissolution et lixiviation du calcium des composés calciques du béton Ca(OH)2
et C-S-H ou redissolution de composés néoformés à différents niveaux du front
de dégradation (chloro-aluminates, sulfo-aluminates, gypse…). Ces réactions
provoquent un accroissement de la porosité du béton ;
– précipitation de produits pouvant être expansifs (ettringite), de composés inso-
lubles plus ou moins protecteurs (CaCO3, Mg(OH)2) ;
– échange de bases Ca++ ↔ Mg++ avec formation de brucite Mg(OH)2 insolu-
ble, et transformation des C-S-H initiaux en C-M-S-H plus ou moins riches en
magnésium.
L’action des différents sels considérés individuellement est schématisée ci-après.
ˆ Action du chlorure de sodium
Ce sel constitue 75 % à 85 % de la salinité respectivement pour l’océan Atlantique
et la mer Méditerranée. Son action est double :
– consommation des ions calcium de la portlandite et des C-S-H, par formation
de chlorure de calcium soluble complètement ionisé, schématisée par la réaction:
Ca(OH)2 + 2NaCl ↔ CaCl2 + 2NaOH
La dissolution de la chaux et la déstructuration des C-S-H provoquent un accrois-
sement de la porosité du matériau ;
– formation de monochloroaluminate de calcium C3A.CaCl2.10H2O, par réac-
tion des chlorures avec l’aluminate tricalcique C3A et les aluminates hydratés,
schématisée comme suit :
C3A + CaCl2 + 10H2O ↔ C3A.CaCl2.10H2O
La formation de monochloroaluminates, illustrée par la figure 12.23, n’est pas no-
cive en elle-même. Elle peut même jouer un double rôle atténuateur des réactions
de dégradation dans le béton : d’une part elle consomme une partie du C3A et des
aluminates hydratés qui ne sont alors plus disponibles pour la formation d’ettrin-
gite, composé pouvant être à l’origine du gonflement et de la fissuration du maté-
riau ; d’autre part, cette réaction également consommatrice de chlorures, permet
de réduire la concentration de cet ion au niveau des aciers et de diminuer ainsi les

674
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

risques de corrosion. Toutefois, la protection partielle apportée par le monochlo-


roaluminate peut n’être que temporaire en raison de sa transformation possible en
ettringite au contact des sulfates.

Figure 12.23 : plaquettes hexagonales de monochloroaluminate de calcium hydraté


formées par réaction entre C3A et le chlorure de sodium (photo CERILH).

La cristallisation du monochloroaluminate n’est pas nocive en elle-même mais traduit la dégradation


du matériau par la consommation d’ions calcium (issus de la portlandite et des C-S-H) qu’elle induit.
En présence des sulfates ces cristaux peuvent être redissouts et transformés en ettringite.

Indépendamment de ses actions purement chimiques (lixiviation de la chaux et


formation de monochloroaluminate), le chlorure de sodium peut avoir une action
physique : dans les zones de marnage et d’aspersion, les cycles d’ensoleillement
et d’humidification peuvent provoquer des séquences de recristallisation et disso-
lution du sel susceptibles d’être accompagnées de phénomènes d’écaillage.
ˆ Action du chlorure de magnésium
Indépendamment de son action dissolvante sur la chaux de la portlandite et des C-
S-H, la solution de ce sel dans l’eau de mer, conduit à la formation de brucite,
Mg(OH)2, par échange d’ions, suivant la réaction :
Ca(OH)2 + MgCl2 ↔ CaCl2 + Mg(OH)2
Mg(OH)2 est un composé insoluble qui précipite à la surface du béton et qui peut
ralentir plus ou moins la pénétration des ions agressifs dans le béton.
Par ailleurs, la réaction des chlorures avec les aluminates conduit également à la
formation de monochloroaluminate de calcium.
ˆ Action du sulfate de magnésium
Ce sel en solution dans l’eau de mer, est très agressif et donne lieu à différentes
réactions :
– réactions de dissolution et d’échange des ions Ca++ de la portlandite et des C-
S-H avec les ions Mg++ de l’eau de mer. Ces réactions conduisent à la précipita-

675
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

tion de brucite Mg(OH)2, à la transformation progressive des C-S-H en compo-


sés peu structurés ou mélanges de type C-M-S-H et M-S-H sans propriétés
liantes, ainsi qu’à la formation de gypse CaSO4.2H2O. La réaction de base avec
Ca(OH)2 peut s’écrire :
Ca(OH)2 + MgSO4 + 2H2O ↔ CaSO4.2H2O + Mg(OH)2
– réactions de précipitation d’ettringite pouvant être expansive, par réaction du
sulfate avec les aluminates du liant (C3A, aluminates hydratés) :
C3A + 3CaSO4.2H2O + 26H2O ↔ C3A.3CaSO4.32H2O
ˆ Action du dioxyde de carbone
Ce composé contenu dans l’eau de mer, sous forme en particulier de carbonate
acide de potassium, ou issu de l’atmosphère, agit sur les composés calciques du
béton (Ca(OH)2 et C-S-H). Il est à l’origine de la formation de carbonates de cal-
cium CaCO3 sous forme de calcite ou d’aragonite, composés peu solubles, pou-
vant avoir un effet atténuateur des réactions de dégradation.
Ca(OH)2 + CO2 + H2O ↔ CaCO3 + 2H2O
ˆ Formation de thaumasite
La thaumasite, CaSO4.CaSiO3.CaCO3.15H2O, composé pouvant être à l’origine
de gonflements, peut être présente dans les bétons dégradés par l’eau de mer. Elle
peut se former à partir des sulfates de l’eau de mer ou néoformés, de la silice li-
bérée par la dégradation des C-S-H, et du CO2 d’origine interne (granulats, fines
calcaires) ou externe (eau de mer, atmosphère). Elle peut également résulter d’une
transformation progressive de l’ettringite à laquelle elle peut se substituer au
cours du temps [REG 78]. Toutefois, les travaux de Yamada et al. [YAM 06] ont
montré que les chlorures de l’eau de mer pouvaient avoir un effet atténuateur sur
la formation de la thaumasite. Les conditions de formation de ce composé ont été
traitées précédemment (§ 3.4).
4.4. Les paramètres qui conditionnent la durabilité des bétons
en milieu marin
4.4.1. Paramètres environnementaux
• Composition de l’eau de mer : teneur en sels, sachant que cette teneur peut
varier largement non seulement d’un océan ou d’une mer à l’autre, mais égale-
ment selon la zone géographique considérée (zone côtière, pleine mer) en fonc-
tion de conditions climatiques locales (ensoleillement…).

676
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

• Conditions climatiques générales : cycles annuels et saisonniers (gel, enso-


leillement…), température (une élévation de température étant généralement un
facteur d’accélération des réactions chimiques).
• Zone d’exposition : immersion totale, semi-immersion, zone de marnage et
d’aspersion, zone d’embruns, choc des vagues, érosion par le sable…
4.4.2. Paramètres géométriques
• Nature et dimensions des éléments exposés : digues, piles, tabliers d’apponte-
ment, poutres…
• Épaisseur des éléments, arêtes, particulièrement sensibles aux attaques…
4.4.3. Paramètres en relation avec la formulation du béton
• La compacité est l’indicateur majeur de résistance aux agressions par l’eau de
mer. Elle est en relation avec la classe de résistance du béton. Elle est représentée
essentiellement par la porosité, la perméabilité et la diffusivité qui déterminent la
résistance à la pénétration des substances agressives dans le matériau.
• Le type de ciment. La norme NF P15-317 définit les critères d’aptitude des
ciments destinés aux travaux à la mer. Ces critères, valables également pour les
travaux en milieux sulfatiques moyennement agressifs, ont été présentés dans le
tableau 12.6. Outre la limitation des teneurs en C3A et en SO3, ce tableau fait
apparaître une limitation de la teneur en C3S, principale source de portlandite,
minéral vulnérable dans l’eau de mer.
C’est pourquoi les ciments composés à base de cendres volantes, de pouzzolanes
[MAS 93], de fumées de silice ou plus particulièrement de laitier granulé de haut
fourneau [GEI 00, REG 77], qui conduisent à des bétons moins riches en portlan-
dite, sont généralement bien adaptés aux travaux à la mer. On admet ainsi que les
ciments contenant au moins 60 % de laitier (CEM III/A, III/B et III/C) sont résis-
tants à l’eau de mer. Les prescriptions valables pour les ciments de teneurs en lai-
tier inférieures, ainsi que pour les autres ciments composés, sont rassemblées dans
le tableau 12.6 du paragraphe 3.3.7. Un exemple d’utilisation de ciment aux cen-
dres dans un ouvrage maritime est donné par la figure 12.24.

677
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Figure 12.24 : pont sur le Tage à Lisbonne. Béton à base de cendres volantes en milieu
marin. Fractographie au MEB. Liant compact : C-S-H denses, grain sphérique de cendre
(V) recouvert d’hydrates (C-S-H) et cristaux de portlandite lamellaires (P) (photo LERM).
Le pont construit sur l’estuaire du Tage à Lisbonne constitue un bon exemple d’utilisation de ciment
aux cendres volantes en environnement marin [LIN 05]. Pour cet ouvrage, dont la durée de vie prévue
est de 120 ans, un béton confectionné avec des granulats calcaires, dosé à 430 kg/m3 de ciment de
type CEM IV/A 32,5 prise mer contenant 22 % de cendres et de rapport E/C = 0,33 a été mis en œuvre
dans toutes les zones exposées (zones immergées, zones de marnage, zones d’embruns). Le suivi
de l’ouvrage depuis sa mise en service en 1998, montre que, sauf dans quelques zones d’importance
limitée par rapport à la dimension de l’ouvrage, le béton ne présente aucune dégradation chimique
significative. Les résistances mécaniques après 1 an dépassent fréquemment 60 MPa. La porosité à
l’eau est de l’ordre de 9 à 13%, la perméabilité à l’oxygène peut atteindre des valeurs aussi basses
que 10–19 m2 et le coefficient de diffusion des chlorures est de 0,5.10–12 après 36 mois.

En tout état de cause, l’indicateur majeur de durabilité du béton vis-à-vis de l’eau


de mer reste sa compacité telle que définie plus haut. C’est ainsi que des bétons
compacts fabriqués avec un ciment Portland sont toujours en bon état après un sé-
jour de soixante-dix ans dans l’océan Pacifique [MEH 86]. De même des bétons
de faible rapport E/C, dosés à 400 kg/m3 de ciments Portland de teneurs en C3A
comprises entre 5,9 % et 14,9 % sont toujours en bon état après vingt-six ans
d’immersion totale en mer Méditerranée. Seul un ciment dont la teneur en alumi-
nate tricalcique était de 15,4% a montré une diminution de résistances mécani-
ques au bout de 15 ans. Les résultats de cette étude, rapportés par Salomon
[SAL 87], sont donnés dans le tableau 12.12.
Bien entendu, ces résultats ne sont pas extrapolables aux conditions d’exposition
plus sévères (marnage, aspersion…) où le paramètre «compacité» reste néan-
moins primordial.

678
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

Tableau 12.12 : résistances mécaniques d’éprouvettes 7 × 7 × 28 cm de bétons


de rapport E/C = 0,425, dosés à 400 kg/m3, en immersion totale dans l’eau de mer
Méditerranée pendant 26 ans, d’après [SAL 87].

Teneurs en C3A du ciment Résistances en flexion Résistances en compression


(%) (MPa) (MPa)

5,9 8,1 44,4


6,2 6,0 35,5
13,9 8,6 46,4
14,9 7,0 38,3
15,4 3,2 28,2

L’eau de mer est intrinsèquement un milieu modérément agressif chimique-


ment.
Toutefois, dans les zones de marnage et d’aspersion, soumises aux cycles d’hu-
midification/séchage ainsi qu’aux effets mécaniques des vagues, le milieu doit
être considéré comme fortement agressif.
En raison de la multiplicité des ions en présence, les mécanismes d’attaque sont
complexes et très imbriqués :
– dissolution de la portlandite et lixiviation de la chaux des C-S-H ;
échanges Ca2+→ Mg2+ avec précipitation de brucite Mg(OH)2, insoluble, et
transformation progressive des C-S-H en C-M-S-H, sans propriétés liantes ;
– formation de monochloroaluminates de calcium C3A.CaCl2.10H2O. Précipita-
tion de gypse secondaire CaSO4.2H2O ;
– formation d’ettringiteC3A.3CaSO4.32H2O expansive par réaction des sulfates
avec les aluminates du ciment et par transformation des chloroaluminates ;
cristallisation de calcite ou d’aragonite CaCO3 ;
– formation de thaumasite CaCO3.CaSO4.CaSiO3.15H2O.
L’ensemble de ces réactions se traduit par un accroissement de la porosité du bé-
ton, par des gonflements et des fissurations, fortement aggravés par les cycles cli-
matiques, les effets mécaniques des vagues et éventuellement par la corrosion
des armatures.
La formation de brucite et de calcite à la surface du béton peut avoir un effet
atténuateur.
Les indicateurs majeurs de la durabilité en milieu marin sont :
– la compacité du béton qui conditionne sa perméabilité et sa diffusivité ;
– la teneur en C3A du ciment, limitée par la norme NF P15-317 ;
– la teneur potentielle en Ca(OH)2, les ciments avec constituants réduisant la te-
neur potentielle en portlandite (cendres volantes, pouzzolanes, laitier de haut-
fourneau…) étant favorables de ce point de vue.

679
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

5. SIMULATIONS NUMÉRIQUES DES PRINCIPAUX


MÉCANISMES D’ATTAQUE
Cette question est traitée dans le chapitre 4 du présent ouvrage, et ne sont donnés
ici que les principes généraux:
– le béton est un matériau poreux formé de phases solides réactives en équilibre
chimique avec la solution interstitielle qui remplit plus ou moins la porosité ;
– l’attaque chimique correspond à la rupture de l’équilibre chimique provoquée
par la mise en contact des ions agressifs avec les phases solides qui se traduit par
une succession de phénomènes de dissolution ou lixiviation des hydrates et de
précipitation de composés délétères ou non ;
– les phénomènes mis en jeu nécessitent le couplage des réactions chimiques
(dissolution/précipitation) et des mécanismes de transport des substances agres-
sives. C’est le transport réactif ;
– transport par diffusion sous l’effet des gradients de concentration : diffusion
moléculaire régie par les lois de Fick et diffusion ionique décrite par la rela-
tion de Nernst-Plank ;
– transport par convection (ou perméation) sous gradient de pression hydrau-
lique, régi par la loi de Darcy ;
– la modélisation des réactions chimiques s’appuie essentiellement sur la loi
d’action de masse qui peut être exprimée sous la forme : [S] = K [C1]α1 [C2]α2
(K = constante de formation de l’espèce S ; α1 et α2 = coefficients stoechiomé-
triques de la réaction chimique) ;
– la modélisation nécessite la résolution des équations de diffusion couplées aux
réactions chimiques. Dans le cas d’un transport diffusif, le bilan de matière dans
un volume élémentaire représentatif s’écrit pour une section unitaire :
2
∂c ∂ c i 1 ∂C i
-------i = D a, i ---------- – --- --------
∂t 2 p ∂t
∂x
avec : p porosité, ci concentration en phase liquide du constituant i ; Ci sa concen-
tration en phase solide et Da son coefficient de diffusion apparent dans le béton.
La quantité de constituant i résultant de la réaction chimique suit une cinétique de
dissolution ou de précipitation. Les cinétiques de réaction étant infiniment plus
rapides que les cinétiques de transport, l’approximation de l’équilibre chimique
local est pertinent.
Différents modèles ont été proposés parmi lesquels on peut citer :
– le modèle DIFFUZON d’Adenot [ADE 92] qui permet de suivre le comporte-
ment d’une pâte de ciment soumise à la lixiviation par une eau déminéralisée de
pH stabilisé à 7 (cf. § 3.1) ;

680
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

– le modèle STADIUM de Marchand [MAR 02] et Maltais et al. [MAL 04] qui
permet de rendre compte des attaques sulfatiques externes ;
– le modèle CHEMHYD3D [BEN 00] utilisé par Guillon [GUI 04], qui est un
modèle de transport multi-espèces qui génère les microstructures et permet
d’accéder au réseau poreux de la pâte de ciment. Il a été appliqué aux cas de
l’eau déminéralisée et minéralisée ainsi qu’à l’attaque par l’eau de mer.
L’ensemble de ces modèles permet une approche prédictive des phénomènes
d’attaque chimique et trouvent leur utilité dans la conception, le suivi et la gestion
des ouvrages à durée de vie longue.

6. CONCEPTION DES BÉTONS RÉSISTANT AUX AGRESSIONS


CHIMIQUES
Dans les paragraphes précédents, les principaux milieux chimiquement agressifs,
les mécanismes de dégradation qu’ils mettent en jeu ainsi que les paramètres dé-
terminant la résistance chimique du béton ont été passés en revue. Cette approche
phénoménologique a montré que le béton fabriqué conformément aux règles de
l’art est un matériau normalement durable si ses qualités intrinsèques (compacité,
perméabilité, diffusivité) sont adaptées au milieu auquel il est exposé. Ces qualités
intrinsèques sont en relation avec la composition du béton (type, classe et dosage
du ciment, teneur en éléments fins, rapport eau/ciment, qualité de l’eau de gâcha-
ge, nature minéralogique des granulats, adjuvants…) et avec sa mise en œuvre (vi-
bration, cure, respect de l’enrobage des armatures…). En tout état de cause, au
contact de substances agressives, des précautions particulières supplémentaires
sont nécessaires si l’on veut obtenir des bétons résistant aux agressions chimiques.
Dans les paragraphes qui suivent, l’approche phénoménologique est complétée
par une approche normative traitant :
– des recommandations générales et spécifiques pour la conception, la fabrica-
tion et la mise en œuvre de bétons durables, avec une référence succincte à
l’approche performantielle ;
– des essais qui permettent de qualifier les mortiers et les bétons vis-à-vis des
attaques chimiques ;
– des dispositions normatives relatives à la classification des environnements
agressifs et au choix des ciments en fonction du type d’attaque et de la classe
d’exposition selon le fascicule de documentation FD P18-011 et la norme NF EN
206-1.
6.1. Recommandations générales
Certains ouvrages sont destinés à être au contact de milieux chimiquement agres-
sifs plus ou moins sévères :

681
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

– digues, ports, piles de ponts, au contact de l’eau de mer ;


– bâtiments industriels de fabrication de produits chimiques, au contact des liqui-
des ou des vapeurs des produits fabriqués ;
– ouvrages de stockages au contact de produits organiques susceptibles d’évo-
luer en présence d’activité bactérienne ;
– bacs de rétention sous des cuves de produits chimiques tels que les acides con-
centrés ;
– etc.
Pour chacun de ces ouvrages, le maître d’ouvrage est en droit d’attendre la dura-
bilité souhaitée qui peut aller de quelques jours (cas des bacs de rétention qui ne
fonctionnent qu’en cas de rupture accidentelle des cuves supérieures) à plusieurs
dizaines d’années (bâtiments industriels…) ou 100 ans et plus pour les ouvrages
d’art. Pour cela, il attend de la maîtrise d’œuvre des conseils avisés sur la concep-
tion de l’ouvrage et la qualité des matériaux à utiliser, et de l’entreprise une mise
en œuvre soignée.
ˆ Conception des ouvrages
La conception des ouvrages situés dans des milieux chimiquement agressifs doit
faire l’objet d’une réflexion approfondie associant le maître d’ouvrage, le maître
d’œuvre et des spécialistes des dégradations des matériaux de construction.
Le premier problème est de définir clairement les attaques environnementales
liées à l’agressivité des ambiances et, comme on l’a vu dans ce chapitre, à la pré-
sence d’eau. Pour cela, le maître d’ouvrage peut s’appuyer sur les normes définis-
sant les classes d’exposition en fonction de valeurs limites de concentration en
certains éléments (cf. § 6). Cependant, ces normes seront parfois insuffisantes
pour classer son ouvrage par rapport à une classe d’exposition. Il faut alors nor-
malement faire appel au retour d’expérience des intervenants et, souvent, recher-
cher dans des revues spécialisées des données scientifiques plus spécifiques.
Or, du fait que la norme béton NF EN 206-1 indique que les propriétés requises
des bétons sont spécifiées par le prescripteur au producteur, la tendance actuelle
pour celui-ci est de surévaluer les risques pour se prémunir d’éventuelles dégra-
dations futures. Ainsi, il est souvent difficile pour le producteur de béton de con-
naître la raison essentielle qui a conduit au classement de l’ouvrage dans la classe
d’exposition retenue. Or, ce point est fondamental pour le choix du liant.
Le deuxième problème est lié à la conception même de l’ouvrage. Il convient
d’éviter autant que possible les zones singulières dans lesquelles les dégradations
apparaissent généralement en premier du fait d’une pénétration plus facile des so-
lutions agressives. Ainsi, les formes simples, évitant la stagnation des agents li-
quides agressifs, seront recherchées. Les reprises de bétonnage et les différents

682
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

joints constructifs seront aussi particulièrement étudiés. Les solutions réparatrices


visant à solutionner des problèmes potentiels de mise en œuvre (nid de cailloux)
ou de vieillissement (fissuration) peuvent être proposées par l’entreprise dès la ré-
ponse à l’appel d’offres.
ˆ Conception des bétons
La conception des bétons résistant aux agents chimiques dépend directement du
degré d’agressivité de l’environnement. Il convient donc de connaître le mieux
possible cette agressivité de manière à optimiser la formulation du béton en fonc-
tion de sa destination.
Par ailleurs, on a vu précédemment que la résistance d’un ouvrage aux agressions
chimiques était fonction de paramètres physiques (perméabilité, diffusivité) et
chimiques (composition) du béton. Du point de vue physique, il faut concevoir un
béton compact, peu perméable, qui puisse limiter l’accessibilité des agents agres-
sifs. La diminution du rapport eau/liant équivalent, l’optimisation du squelette
granulaire, l’introduction de fines et ultrafines et l’utilisation de superplastifiants,
sont des solutions à privilégier.
Du point de vue chimique, il convient d’adapter le choix des matériaux aux agents
agressifs (cf. § 6.4). Cependant, en général, comme on l’a vu précédemment, les
liants qui conduisent à une teneur en portlandite limitée dans le béton durci (liants
pouzzolaniques ou contenant des laitiers de haut-fourneau) sont ceux qui résistent
le mieux à la plupart des agressions chimiques.
ˆ Fabrication et mise en œuvre
La qualité des matériaux, la compatibilité entre matériaux et méthodes de cons-
truction, la qualité de l’exécution, les niveaux de contrôle et d’assurance qualité
sont des paramètres fondamentaux vis-à-vis de la durabilité des ouvrages dans
tous les cas et en particulier en ambiances chimiques agressives.
Il est utile de rappeler ici que, comme pour tous les bétons, la fabrication des bé-
tons résistant aux agressions chimiques doit respecter les rapports eau/liant équi-
valent préconisés. Pour cela, la teneur en eau de l’ensemble des granulats doit être
prise en compte et on veillera à éviter les approvisionnements en matériau durant
les phases de coulage (ce qui entraîne souvent de brusques variations de teneur en
eau). Il est bien évident aussi qu’aucun ajout d’eau n’est autorisé.
Lors de la mise en œuvre, et avant la mise au contact du béton avec le milieu
agressif, il conviendra d’éviter tout ce qui peut contribuer à diminuer ses caracté-
ristiques intrinsèques (fuite de laitance, mauvaise vibration, cure insuffisante, fis-
sures de retrait, défauts structurels…). Il faudra ainsi penser à adapter la plasticité
du béton à la densité de ferraillage de la pièce considérée et aux moyens de vibra-
tions disponibles sur le chantier.

683
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Enfin, dans la mesure du possible, on veillera à retarder au maximum le contact


entre agents agressifs et béton, surtout en présence de liants pouzzolaniques à ci-
nétique de durcissement lente.
ˆ Entretien des ouvrages
La dégradation rapide des ouvrages en ambiance chimique sévère est souvent liée
à un manque d’entretien, surtout lorsqu’une protection supplémentaire est exigée.
On constate souvent dans des bâtiments industriels une perte de l’imperméabilité
de surface (fissuration de l’enduit protecteur, abrasion des joints anti-acide entre
carreaux de carrelage…) qui permet le passage de l’agent agressif et conduit ra-
pidement à une perte des propriétés mécaniques de la structure sous-jacente.
Il est donc indispensable de surveiller l’état de la protection et d’en effectuer fré-
quemment l’entretien pour éviter des désordres qui sont souvent sans aucune me-
sure avec le coût de maintenance.
De la même manière, pour des attaques chimiques particulièrement sévères, il
faut mettre en place des systèmes de protection du béton voire, dans certains cas,
accepter le fait qu’une partie du béton – la partie superficielle – soit considérée
comme « consommable ». Il faut dans ce cas prévoir régulièrement une réfection
de surface après avoir purgé la partie contaminée par l’agent agressif.
6.2. Recommandations spécifiques
Les recommandations spécifiques sont liées aux différentes attaques présentées
dans ce chapitre. Elles concernent principalement les liants et, dans une moindre
mesure, les granulats.
Du point de vue des ciments, comme il est indiqué au paragraphe 7 « Dispositions
normatives », les ciments préconisés en présence de sulfates sont en France les ci-
ments PM et les ciments ES conformes respectivement aux normes NF P15-317
(ciments pour travaux à la mer) et NF P15-319 (ciments pour travaux en eaux à
haute teneur en sulfates). Ces normes donnent des spécifications particulières, en
particulier sur la composition chimique des ciments (teneurs en MgO, SO3,
C3A…).
Dans le cas des autres agressions chimiques, il convient de se référer au fascicule
de recommandation FD P18-011 (cf. § 7) qui indique pour les principales agres-
sions chimiques, les ciments à utiliser. Pour ces agressions, il est aussi possible,
en France, d’utiliser un liant équivalent composé d’un CEM I et d’additions mi-
nérales à caractère pouzzolanique ou hydraulique potentiel : cendres volantes et
laitier de haut-fourneau, pour les classes d’exposition chimique faible à modérée
(XA1 et XA2 selon la norme NF EN 206-1), et fumée de silice pour toutes les
classes d’exposition chimique (XA1 à XA3).

684
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

En ce qui concerne le choix des granulats, il conviendra de ne pas utiliser de gra-


nulats calcaires ou dolomitiques en environnement acide, ni de granulats dolomi-
tiques en présence d’eau de mer.
6.3. Esquisse d’une approche performantielle
Compte tenu de la diversité des attaques chimiques, l’approche performantielle
est particulièrement adaptée pour optimiser la formulation du béton à retenir. Ce-
pendant, la difficulté majeure est de définir les conditions d’essai de comporte-
ment en ambiance chimiquement agressive de manière à rester au plus près de la
réalité tout en ayant une réponse rapide.
Il est évident que la performance mécanique seule n’est pas un critère suffisant
pour choisir un béton durable (même si elle y contribue). Ainsi, compte tenu du
mode de pénétration des agents agressifs, il est préférable de rechercher le béton
le plus compact et le plus imperméable possible. Des essais de qualification basés
sur les indicateurs classiques de durabilité (perméabilité et diffusivité) sont donc
recommandés.
Par ailleurs, et dans des ambiances agressives peu courantes, il semble indispen-
sable de pratiquer en laboratoire des essais, accélérés ou non, de tenue du maté-
riau dans le milieu agressif considéré. Il est important de veiller à ce que les essais
pratiqués reproduisent au mieux les conditions d’exploitation pendant toute la du-
rée d’utilisation envisagée de la structure et en particulier les cycles séchage/im-
mersion, la concentration en agents agressifs et la température, l’ensemble de ces
paramètres ayant une influence déterminante sur la cinétique de dégradation. La
caractérisation de la tenue du matériau peut se faire par voies mécaniques (suivi
des résistances), physiques (suivi des propriétés de transfert) ou chimiques (suivi
des pertes d’alcalinité ou des ions passés en solutions).
6.4. Essais
6.4.1. Essais de lixiviation/hydrolyse
Plusieurs essais de lixiviation/hydrolyse sont utilisés en laboratoire pour quanti-
fier la décalcification de la pâte de ciment et alimenter les modèles de prédiction.
Les résultats sont généralement utilisés pour des applications spécifiques comme
le stockage profond des déchets radioactifs ou la tenue des bétons en ambiance
agricole.
Dans tous les essais, la dégradation est quantifiée de plusieurs manières :
– par le suivi de la profondeur de dégradation : c’est l’essai le plus simple et le
plus rapide qui consiste à mesurer l’épaisseur dégradée mise en évidence par pul-
vérisation d’une solution alcoolisée de phénolphtaléïne (la partie dégradée ne
change pas de couleur) ;

685
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

– par le suivi dans la solution agressive de la quantité de Ca2+ lixiviés. Ce résul-


tat permet de renseigner la plupart des modèles de prédiction actuellement déve-
loppés ;
– par la mesure de la teneur résiduelle en calcium solide dans le matériau. Cette
analyse est faite généralement à la microsonde et permet de tracer des profils en
éléments chimiques (Ca, Si, Al, Fe…), ce qui donne une meilleure compréhen-
sion des déplacements chimiques.
ˆ Essais de lixiviation sous eau peu chargée
En absence de normes ou de recommandations, plusieurs essais de lixiviation/hy-
drolyse avec des eaux pures ou peu chargées sont pratiqués sur pâte, mortier ou
béton [ADE 92, BOU 94, TOG 98, KAM 03b].
Ces essais ont comme point commun le maintien d’un pH constant, la plupart du
temps égal à 7, par addition d’acide, passage sur une résine échangeuse d’ions, ou
renouvellement de la solution agressive, mais sont différents par les rapports sur-
face d’échantillon / volume de solution agressive utilisés. Généralement, ils se font
à 20 °C, voire à des températures supérieures, durent plusieurs mois et conduisent
à des épaisseurs dégradées relativement faibles (de l’ordre de 3 mm en un an).
ˆ Essais de lixiviation au nitrate d’ammonium
Les essais de lixiviation sous eau pure étant relativement lents, des essais accélé-
rés utilisant une solution agressive à base de nitrate d’ammonium ont été dévelop-
pés [ESC 93, CAR 96]. Ces essais, basés aussi sur le déplacement des équilibres
chimiques solide / liquide, sont effectués aussi bien sur pâtes, que sur mortiers et
bétons.
En absence de recommandations, les conditions d’essais sont assez variables, sur-
tout en ce qui concerne le rapport surface d’échantillon/volume de solution agres-
sive [CAR 96, HEU 01, LEB 01, SCH 99, PER 05]. Cependant, en général, la
concentration en nitrate d’ammonium est de 6 mol/L, la solution étant renouvelée
tous les mois environ. Un maintien de pH peut aussi être effectué, ce qui accélère
encore la cinétique de dégradation.
Les profondeurs dégradées peuvent atteindre les 3 mm en deux à trois jours (soit
un facteur d’accélération de 100 au moins par rapport à l’eau pure) et dépasser les
15 mm en 3 mois.
Il faut souligner que l’utilisation du nitrate d’ammonium exige des précautions
particulières que ce soit au niveau du stockage (produit à caractère explosif), de
l’essai (dégagement d’ammoniac) et de l’évacuation des solutions après essai.

686
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

ˆ Essais de lixiviation aux acides organiques


Des essais spécifiques ont été développés pour étudier le comportement des maté-
riaux cimentaires au contact d’acides organiques présents dans les milieux agrico-
les (jus d’ensilage, lisiers) ou agroalimentaires (laiterie, fromagerie…) [BER 04a].
Ils consistent généralement à plonger des échantillons de pâte ou de mortier dans
des acides organiques en maintenant le pH à 4 (ou 6) et à suivre l’évolution de la
profondeur dégradée (microanalyse par sonde électronique). Les acides utilisés
sont généralement l’acide acétique et l’acide lactique, la valeur initiale du pH
étant obtenue par addition de soude. Bertron et al. [BER 05a] ont ainsi montré que
les recommandations actuelles sur le choix du ciment en ambiance agricole méri-
teraient d’être reconsidérées.
6.4.2. Essais de tenue aux sulfates
Vis-à-vis des attaques sulfatiques externes, il existe des essais normalisés destinés
à qualifier les ciments et les mortiers, mais il n’en existe pas pour évaluer la tenue
des bétons.
ˆ Essais sur pâte de ciment
Dans l’essai Anstett [ANS 23], effectué sur une pâte pure de ciment mélangée
avec du gypse (rapport 50/50), le critère de tenue aux sulfates est un critère di-
mensionnel (variation du diamètre des éprouvettes aux échéances de 28 et/ou
90 jours). Un accroissement de plus de 1,25 % classe le ciment comme non résis-
tant aux sulfates. Cet essai, simple et rapide, mais extrêmement sévère a été sou-
vent très critiqué.
Dans l’essai proposé par Mehta [MEH 75, MEH 80], les éprouvettes de pâte pure
sont immergées dans une solution à 4 % de Na2SO4. Le critère de tenue est le
maintien de la résistance mécanique (un matériau est non résistant aux sulfates si
une perte de résistance mécanique supérieure à 25 % par rapport à la résistance
du témoin est constatée). Cet essai est rapide mais donne des résultats variables,
le mode opératoire n’étant pas optimisé.
ˆ Essais sur mortier
Plusieurs essais sont normalisés :
– norme ASTM C1012-95a, applicable à tous les ciments. Les prismes de mor-
tier sont immergés dans une solution à 50g/L de Na2SO4 à 23 °C et un suivi de
l’allongement des éprouvettes est effectué durant au moins 15 semaines ;
– norme ASTM C452-95, applicable exclusivement aux ciments sans additions.
Du gypse est ajouté lors du gâchage (teneur en SO3 au moins de 7 % en masse
par rapport au mortier), les éprouvettes étant ensuite immergées dans de l’eau à

687
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

20 °C. Des mesures de l’allongement des prismes sont effectuées au cours de


l’essai ;
– norme NF P 18-837 [16] « Produits de calage et/ou de scellement à base de
liants hydrauliques – Essai de tenue à l’eau de mer et/ou à l’eau à haute teneur en
sulfates ». Des mesures d’allongement sont réalisées tous les mois sur des pris-
mes 2 × 2 × 16 cm de mortier normal immergés dans une solution de
MgSO4.7H2O à 50g/L, et comparées aux mesures effectuées sur une série de
prismes conservés dans l’eau distillée.
D’autres procédures par immersion d’éprouvettes de mortiers dans différentes so-
lutions de sulfate de concentrations variables (sulfates de sodium, de magnésium,
de calcium) sont souvent utilisées dans les laboratoires. En tout état de cause, les
résultats montrent que les essais sur mortier ne sont représentatifs que du compor-
tement du ciment (dont ils permettent, dans les meilleurs cas, d’effectuer un clas-
sement) mais qu’ils ne sauraient en aucun cas représenter le comportement futur
du béton.
ˆ Essais sur bétons
On trouve dans la littérature des résultats d’essais de résistance aux sulfates réa-
lisés sur béton, généralement plus représentatifs du comportement d’un béton
d’ouvrage que ne le sont les mortiers. Toutefois, ces essais se révèlent générale-
ment très longs et incompatibles avec les exigences des chantiers.
Khatri [KHA 97], qui a comparé le comportement de prismes de mortiers et de
bétons fabriqués avec les mêmes ciments (CEM I et ciments avec ajouts de laitier
ou fumées de silice), montre que le comportement des mortiers ne suit pas le com-
portement des bétons en raison des différences de perméabilité des matériaux.
6.4.3. Essais de tenue à l’eau de mer
En France la norme NF P 18-837 propose un essai de tenue à l’eau de mer pour
les produits de calage et/ou de scellement à base de liants hydrauliques. Cet essai,
qui a souvent été transposé aux mortiers normaux, permet un classement des ci-
ments. Bien que de nombreux essais sur bétons aient été effectués soit en labora-
toire, soit en milieu naturel dans des stations expérimentales (Boulogne-sur-Mer,
La Rochelle [REG 77], Treat Island aux USA), il n’existe pas de mode opératoire
recommandé ou normalisé.
6.4.4. Essais de tenue aux attaques biologiques
Il n’existe pas d’essai normalisé pour ce type d’attaque.

688
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

ˆ Essais de vieillissement aux algues et champignons


Ces essais sont souvent pratiqués pour appréhender les modifications esthétiques
des produits de construction lors de leur colonisation par des algues ou des cham-
pignons [DUB 97]. Ces essais consistent à étudier l’évolution de l’aspect du ma-
tériau lorsqu’il est soumis à des cycles d’écoulement/séchage ou à des remontées
capillaires en présence d’algues [ESC 06].
ˆ Essai de vieillissement bactérien
Différents essais ont été proposés, parmi lesquels celui de Sand et al. [SAN 87]
qui ont conçu un dispositif contrôlé en température, pH, humidité relative et te-
neur en hydrogène sulfuré, permettant de tester des bétons ensemencés avec des
souches bactériennes. La dégradation des bétons est exprimée en termes de perte
de poids.
Par ailleurs, Monteny et al. [MON 00] font mention d’essais comparatifs entre
deux tests : un test chimique d’attaque directe par l’acide sulfurique et un test si-
mulant une attaque microbiologique. Les conclusions de ces auteurs indiquent
que des différences sont observées entre les deux types d’attaque, comme cela a
été aussi mis en évidence par Bertron et al. [BER 05b], (voir § 3.6).
Le béton fabriqué et mis en place selon les règles de l’art est un matériau norma-
lement durable si ses qualités sont adaptées au milieu auquel il est exposé.
Cependant, dans les milieux chimiquement agressifs, et compte tenu des diver-
sités et des sévérités des attaques de la matrice cimentaire, il convient de retenir
suffisamment en amont de l’exécution du chantier une approche méthodologi-
que particulière si l’on veut garantir cette durabilité, approche que l’on peut ré-
sumer de la manière suivante :
– à partir des recommandations générales et spécifiques, réflexions sur la con-
ception, la formulation, la fabrication, la mise en œuvre et l’entretien (mainte-
nance) des bétons dans la structure ;
– recherche d’une formulation de béton basée sur une approche performantielle
et qualifiée par les indicateurs de durabilité pertinents de l’attaque considérée ;
– validation de l’approche retenue par des essais, accélérés ou non, représenta-
tifs de l’attaque considérée.

689
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

7. DISPOSITIONS NORMATIVES
Du point de vue normatif, les principales dispositions à prendre vis-à-vis des eaux
agressives sont édictées dans la norme béton NF EN 206-1 pour les bétons de
structure, dans les normes des produits préfabriqués et dans le fascicule de docu-
mentation FD P18-011 spécifique des environnements chimiquement agressifs1.
La norme européenne NF EN 206-1 définit des classes d’exposition en fonction
des actions dues à l’environnement et donne des règles d’utilisation des consti-
tuants dans ces environnements préalablement définis.
En ce qui concerne les environnements chimiquement agressifs, la plupart des ca-
hiers des charges pour la construction des ouvrages y compris la norme béton NF
EN 206-1 renvoient au fascicule de documentation FD P18-011.
ˆ Norme NF EN 206-1
Cette norme s’applique aux bétons de structure qu’ils soient coulés en place ou
préfabriqués. Les exigences normatives sont basées sur une durée de vie présu-
mée d’au moins 50 ans dans des conditions d’entretien anticipées. Pour des durées
de vie inférieures ou supérieures, des valeurs limites moins sévères ou plus sévè-
res peuvent être nécessaires.
ˆ Fascicule de documentation FD P 18-011
Ce fascicule a pour but :
– de compléter la définition des environnements chimiquement agressifs les plus
courants pour les bétons non armés, armés et précontraints ;
– de fournir des recommandations pour la fabrication des bétons destinés à des
structures soumises à ces environnements chimiquement agressifs, en particulier
pour le choix des ciments.
7.1. Classification des environnements agressifs
ˆ Norme NF EN 206-1
Cette norme définit 18 classes d’exposition en fonction des actions dues à l’envi-
ronnement dont certaines classes particulières correspondant à des expositions
spécifiques telles que l’eau de mer ou les milieux chimiquement agressifs. Cepen-
dant cette classification n’exclut pas la prise en compte de conditions particulières
ni l’application de mesures de protection supplémentaires (revêtements protec-
teurs par exemple).

1. Au moment de la rédaction de ce livre, le fascicule de documentation FD P 18-011 est en cours


de révision. La version provisoire à laquelle nous faisons référence (03/05/2007) peut encore être
modifiée dans la version définitive du texte.

690
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

La norme NF EN 206-1 permet, en combinant les classes d’exposition, de définir


avec précision l’environnement de chaque partie d’ouvrage et donc de prescrire
un béton parfaitement adapté.
Les milieux chimiquement agressifs, correspondent aux attaques chimiques se
produisant dans les sols naturels, les eaux de surface et les eaux souterraines. Ils
sont définis dans trois classes d’exposition en fonction de valeurs limites :
– XA1 : environnement à faible agressivité chimique ;
– XA2 : environnement d’agressivité chimique moyenne ;
– XA3 : environnement à forte agressivité chimique.
Les valeurs limites pour les classes d’exposition correspondant aux attaques chi-
miques des sols naturels et eaux souterraines sont données dans le tableau 12.13.
Le choix de la classe se fait par rapport à la caractéristique chimique conduisant
à l’agression la plus élevée. Lorsqu’au moins deux caractéristiques agressives
conduisent à la même classe, l’environnement retenu doit être normalement celui
correspondant à la classe immédiatement supérieure.
Tableau 12.13 : valeurs limites pour les classes d’exposition correspondant aux attaques
chimiques des sols naturels et eaux souterraines selon la norme NF EN 206-1, tableau 2.

Caractéristique chimique XA1 XA2 XA3


Eaux de surface et souterraines

SO42– en mg/L ≥ 200 et ≤ 600 > 600 et ≤ 3000 > 3 000 et ≤ 6 000

pH ≤ 6,5 et ≥ 5,5 < 5,5 et ≥ 4,5 < 4,5 et ≥ 4,0

CO2 agressif en mg/L ≥ 15 et ≤ 40 > 40 et ≤ 100 > 100

NH4+ en mg/L ≥ 15 et ≤ 30 > 30 et ≤ 60 > 60 et ≤ 100

Mg2+ en mg/L ≥ 300 et ≤ 1000 > 1000 et ≤ 3000 > 3000

Sols

SO42– en mg/kg ≥ 2000 et ≤ 3000 > 3000 et ≤ 12000 > 12000 et ≤ 24000

Acidité en ml/kg > 200 Baumann Gully N’est pas rencontré dans la pratique

Il est à noter que ces valeurs sont relatives à des sols et eaux à une température
eau/sol comprise entre 5 °C et 25 °C et où la vitesse d’écoulement de l’eau est suf-
fisamment faible pour être assimilée à des conditions statiques. De même, les va-
leurs limites peuvent être différentes pour certains sols argileux et en cas de risque
d’accumulation d’ions sulfate dans le béton.
Par ailleurs, dans un certain nombre de cas, une étude spécifique est nécessaire
pour préciser l’agressivité de l’environnement du béton :

691
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

– cas des environnements agressifs dans les milieux industriels ;


– cas des sols ou eaux pollués chimiquement ;
– cas d’autres substances chimiques agressives non citées dans le tableau 12.13.
ˆ Fascicule de documentation FD P18-011
Ce document présente le mode d’action des environnements chimiquement agres-
sifs et précise la règle du tableau 2 de la norme NF EN 206-1 relative au classe-
ment des environnements contenant plusieurs agents agressifs. Ainsi, lorsque
plusieurs agents agressifs sont présents avec des concentrations conduisant à un
classement en XA3, la classe d’exposition reste XA3. En outre, lorsqu’au moins
un des agents agressifs présente une concentration dépassant la limite de la classe
XA3, il convient de prévoir une protection externe (enduit, peinture) ou interne
(imprégnation).
Comme nous l’avons indiqué au paragraphe 4.2, le fascicule de documentation
précise que dans le cas de l’eau de mer, le critère retenu pour le choix de la classe
d’exposition est le même que pour le cas de la corrosion induite par les chlorures
: exposition à l’air véhiculant du sel marin pour XS1, en immersion permanente
pour XS2 et dans la zone de marnage, de projections ou d’embruns pour XS3.
ˆ Comparaison entre norme NF EN 206-1 et FD P18-011
Le fascicule de documentation FD P18-011 complète la liste des valeurs limites
pour les classes d’exposition XA1, XA2 et XA3 donnée par la norme NF EN 206-
1 dans le cas de l’agressivité des gaz en milieu humide en donnant des seuils sur
les teneurs en SO2 et en H2S et dans le cas de l’agressivité des eaux en donnant
les valeurs limites du TAC.
7.2. Recommandations générales
ˆ Norme NF EN 206-1
La norme précise que la composition du béton et les constituants des bétons (ci-
ment, granulats, additions, …) doivent être choisis de manière à satisfaire aux exi-
gences de leur classe d’exposition spécifiées pour le béton frais et durci. Ces
exigences sont souvent données en termes de valeurs limites pour la composition
du béton et de propriétés définies du béton. Il est toutefois possible d’adopter des
méthodes de conception performantielles qui prennent en compte la durée de vie
prévue de la structure (voir le chapitre 8).
Il est rappelé aussi dans la norme que si le béton est conforme aux valeurs limites
spécifiées, pour qu’il satisfasse aux exigences de durabilité dans les conditions
environnementales spécifiques, il faut aussi :
– que la classe d’exposition ait été correctement sélectionnée ;
– qu’il soit correctement mis en place et soumis à une cure efficace ;

692
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

– que l’épaisseur d’enrobage des armatures soit respectée ;


– que la maintenance préventive soit réalisée.
Les valeurs limites pour la composition des bétons données par les tableaux
NA.F.1 et NA.F.2 de la norme respectent la logique de composition vis-à-vis de
la durabilité qui veut que lorsque l’environnement devient plus sévère, il convient
en premier lieu de diminuer le rapport Eau/Liant équivalent et d’augmenter le do-
sage en liant équivalent (ce qui a pour premier effet d’augmenter la classe de ré-
sistance du béton).
La norme renvoi au fascicule de documentation pour le choix du ciment.
Pour les classes d’exposition XA1 et XA2 (également XA3 mais seulement pour
la fumée de silice), on peut noter la spécificité de la prise en compte dans le liant
équivalent des additions normalisées à caractère pouzzolanique ou hydraulique
latent (cendres volantes, laitier de haut-fourneau et fumées de silice) particulière-
ment efficaces dans ces conditions. Pourtant, on peut noter l’interdiction d’utiliser
(ou du moins de prendre en compte) le laitier de haut-fourneau comme addition
lorsque l’environnement chimique est le plus sévère (XA3) alors que de nombreu-
ses études ont montré que les bétons aux laitiers étaient les plus résistants chimi-
quement [BER 04a].
ˆ Fascicule de documentation FD P18-011
Ce document indique simplement que le béton fabriqué conformément aux règles
de l’art est un matériau durable si ses qualités intrinsèques (compacité, perméabi-
lité) sont adaptées au milieu auquel il est exposé et si la fissuration reste limitée.
ˆ Comparaison NF EN 206-1 et FD P18-011
La norme NF EN 206-1 précise les moyens de respecter les indications générales
fournies en introduction du fascicule de documentation.
7.3. Dispositions spécifiques aux différents milieux
ˆ Norme NF EN 206-1
La norme EN 206.1 générale ne donne des dispositions spécifiques selon les mi-
lieux que pour les environnements sulfatiques pour lesquels il est demandé de
choisir un ciment résistant aux sulfates. Par contre, dans la norme NF EN 206.1
et son annexe nationale, le choix du ciment adapté aux environnements chimique-
ment agressifs est fait par renvoi au fascicule de documentation FD P 18 011.
ˆ Fascicule de documentation FD P18-011
Les recommandations particulières concernant le choix du ciment sont données
dans le tableau 12.14.

693
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Tableau 12.14 : recommandations pour le choix des ciments,


d’après le tableau 2 du FD P 18-011.

Choix du ciment en fonction du milieu

XA1 pas de recommandations particulières


Milieu contenant
des sulfates (au-dessous de 1500 mg/l) XA2 ciments conformes à la norme NF P15-317 (PM)
(solutions) XA2 ou NF P15-319 (ES)
à l’exclusion (au-dessus de 1500 mg/l) ciments conformes à la norme NF P15-319 (ES)
de l’eau de mer
XA3 ciments conformes à la norme NF P15-319 (ES)

XA1 pas de recommandations particulières


Milieu contenant
des sulfates XA2 ciments conformes à la norme NF P15-317 (PM) ou NF P15-319 (ES)
(sols)
XA3 ciments conformes à la norme NF P15-319 (ES)

CEM II/B-S, CEM II/B-V, CEM II/B-P, CEM II/B-Q, CEM II/B-M (S-V), CEM III/A
conformes à la norme NF EN 197-1, CEM III/A conforme à la norme NF EN 197-4,
XA1
ciments conformes à la norme NF P15-317 (PM) ou NF P15-319 (ES), et CEM IV/A
et B conformes à la norme NF EN 197-1

CEM II/B-S, CEM II/B-V, CEM II/B-P, CEM II/B-Q, CEM II/B-M (S-V), CEM III/A
Milieux acides conformes à la norme NF EN 197-1, CEM III/A conforme à la norme NF EN 197-4
XA2
ciments conformes à la norme NF P15-319 (ES) et CEM IV/Aet B conformes à la
norme NF EN 197-1

CEM III/A, B et C, CEM V/A et B conformes à la norme NF P15-319, ciments


XA3 d’aluminates de calcium conformes à la norme NF EN 14647, CEM IV/B conformes
à la norme NF EN 197-1

XA1 CEM III/A, B et C, CEM V/A et B conformes à la norme NF P15-319

Eaux pures XA2 ciments d’aluminates de calcium conformes à la norme NF EN 14647

XA3 CEM IV/B conformes à la norme NF EN 197-1

Ainsi, comme il a été écrit précédemment, le choix du ciment en ambiance chimi-


que agressive vise à éviter à la fois la dissolution des phases solubles (la présence
de pouzzolanes permet de remplacer la portlandite, de forte solubilité, par des si-
licates et aluminates de calcium hydratés, moins solubles) et la formation de pha-
ses pathologiques (limitation de la teneur en C3A du clinker pour éviter la
formation ultérieure d’ettringite en présence de sulfates).
7.4. Approche performantielle
L’annexe informative de la norme NF EN 206-1 (annexe J) propose une
« méthode de formulation basée sur les performances pour le respect de la
durabilité ». Cette méthode passe par la définition préalable des facteurs impor-
tants (type et forme de la structure, conditions environnementales locales, niveau
d’exécution et durée de vie requise) et s’appuie soit sur le retour d’expérience à

694
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

long terme des pratiques et des matériaux, soit sur des résultats d’essais approuvés
représentatifs des conditions réelles, soit sur des méthodes basées sur des modèles
analytiques étalonnés par rapport à des résultats d’essais représentatifs des condi-
tions réelles.
Ce concept, présenté de façon générale au chapitre 8, peut être appliqué aux am-
biances agressives chimiques sévères mais la difficulté essentielle est de définir
les essais permettant de qualifier de manière univoque les bétons équivalents et
les bétons témoins vis-à-vis des différentes ambiances agressives. En effet, il con-
vient de faire attention aux impacts de certains facteurs d’accélération (concentra-
tion en agents agressifs, humidité, température) et aux erreurs possibles dans
l’interprétation des résultats obtenus. Il est évident que la modélisation numérique
de l’agression est un outil important dans la prévision du comportement des bé-
tons à long terme.
Du point de vue normatif et pour les bétons de structure, la classification des en-
vironnements agressifs (ou classes d’exposition) et les dispositions associées sont
présentées dans la norme béton européenne NF EN 206-1 (2004), et son annexe
nationale, et dans le fascicule de documentation FD P18-011 :
– la norme NF EN 206-1 permet de définir une classe d’exposition pour chaque
partie d’ouvrage et fournit principalement des recommandations générales (do-
sage minimum en liant, rapport maximum eau efficace sur liant équivalent, clas-
se de résistances pour chaque classe d’exposition) ;
– le fascicule FD P18-011 apporte des dispositions spécifiques comme le choix du
ciment.
Ces dispositions permettent d’assurer normalement une durée de vie minimale
de 50 ans1 à l’ouvrage, sous réserve que les classes d’expositions aient été bien
définies par le maître d’ouvrage. Pour des durées de vie supérieures, il convient
de retenir des approches performantielles basées sur des indicateurs de durabi-
lité généraux ou spécifiques de l’agression considérée.

8. ÉLÉMENTS DE BASE POUR UNE DÉMARCHE DIAGNOSTIC


DES DÉGRADATIONS D’ORIGINE CHIMIQUE
La démarche se doit d’être globale (holistique), c’est-à-dire qu’elle doit prendre
en compte tous les éléments historiques, techniques, environnementaux et écono-
miques du problème. Elle comporte quatre grandes phases résumées ci-après et

1. La norme NF EN 206-1 précise que les prescriptions sont fondées sur l’hypothèse d’une durée
de vie de la structure de 50 ans (annexe F). L’Eurocode 0 indique que cette durée de vie de 50 ans
concerne les structures de bâtiment et autres structures courantes. Dans le cas des ouvrages d’art
par exemple, l’Eurocode permet de dimensionner des ouvrages avec des durées de vie de 100 ans
en association avec des bétons simplement conformes à la norme NF EN 206-1.

695
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

détaillées dans le document AFGC-RGCU GranDuBé Mesure des grandeurs as-


sociées à la durabilité du béton [AFG 07] :
• formulation du problème. Type d’ouvrage, pathologies observées, évolution,
conséquences (esthétiques, structurales…), questions posées (identification des
pathologies ? État d’avancement ? Évolution possible ? Gestion à long terme ?)
• informations générales sur la construction, consultation des documents existants :
– catégorie d’ouvrage, importance économique, prestige…
– date de construction, durée, différentes étapes…
– déroulement du chantier : conditions particulières, incidents divers…
• informations sur les matériaux et leur approvisionnement :
– formulation du béton : classe de consistance, classe de résistance,
– type(s) de ciment(s), dosage(s), additions minérales,
– eau de gâchage : dosage, composition,
– granulats : origine (roulés, concassés), nature pétrographique, composition
minéralogique, granulométrie…
• localisation de l’ouvrage et caractéristiques environnementales régionales
(plaine, montagne, milieu marin, environnement industriel, urbain), variations
saisonnières, conditions locales particulières pour certaines parties de l’ouvrage :
parties enterrées, aériennes, immergées, semi-immergées, en zone de marnage,
infiltrations, écoulements, remontées capillaires, embruns, gaz d’origine indus-
trielle ou domestique…
• visite de l’ouvrage et inventaire des désordres apparents : distinction des dom-
mages au matériau résultant d’une attaque chimique et des dommages résultant
d’effets mécaniques, couplages éventuels ;
• détermination d’un programme d’essais adapté à l’importance économique et
au prestige de l’ouvrage pouvant comporter :
– des essais sur site : relevé des fissures, efflorescences, exsudations, déforma-
tions, mesure de l’indice de fissuration, instrumentation (suivi des déformations,
températures, humidité relative), auscultation dynamique, dosages chimiques in
situ (chlorures, sulfates…). Prélèvements d’échantillons représentatifs dans des
zones dégradées et non dégradées (carottages, éclats, produits de réaction…) ;
– des essais en laboratoire :
– essais généraux (mesure des résistances mécaniques sur carottes, porosité à
l’eau et masse volumique, analyse chimique globale, identification du
ciment par microscopie ou par chimie, dosage en ciment, mesure de l’eau
libre, de l’eau liée, de Ca(OH)2 par ATG/ATD, examens MEB de la
microstructure et identification des produits de réactions et de l’origine des
dégradations, analyse par DRX…),
– essais spécifiques en relation avec le type d’attaque identifié ou supposé.

696
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

Compte tenu des multiplicités des types d’agressions chimiques d’une part, et
des similitudes des dégradations constatées d’autre part, il est souvent très diffi-
cile d’établir un diagnostic simple et univoque. De plus, dans la plupart des cas,
les dégradations observées ne sont pas la conséquence d’une seule agression mais
la somme d’agressions multiples, chimiques, physiques et mécaniques.
L’approche holistique, réalisée par des spécialistes du diagnostic, représente une
méthode sûre et efficace pour analyser et comprendre la genèse des dégradations
observées, phases indispensables pour proposer ensuite des solutions réparatri-
ces durables.

9. CONCLUSION
Le béton est un système chimique fortement basique, évolutif, plus ou moins réac-
tif au contact du milieu extérieur souvent plus « acide » (atmosphère, eaux, solu-
tions salines, acides) mais qui, pour les durées de vie prévues par les normes, est
durable s’il est fabriqué conformément aux règles de l’art.
Pour les milieux chimiquement agressifs, le vecteur commun à tous les agents
agressifs est l’eau qui dissout les composés gazeux ou solides. Le transport des
substances agressives se fait essentiellement par perméation et par diffusion, in-
dicateurs majeurs de durabilité dépendant de la compacité du béton.
D’une manière générale, les attaques chimiques des bétons mettent en jeu deux
mécanismes couplés que sont la dissolution des hydrates (essentiellement la lixi-
viation des ions Ca2+ de la portlandite Ca(OH)2 et des silicates de calcium hydra-
tés C-S-H) et la précipitation de sels, nocifs ou non. Les conséquences générales
sont un accroissement de la porosité et de la fissuration, une augmentation de la
perméabilité et de la diffusivité, des pertes de raideur et de résistances mécani-
ques.
De manière synoptique, les différents paramètres de la durabilité chimique sont :
– les paramètres liés au matériau : chimie et minéralogie du ciment (type de
constituants, Ca(OH)2 potentiel, C3A, C3S…), formulation et propriétés de
transfert du béton (compacité) ;
– les paramètres liés à l’environnement : nature physique (solide, liquide, gaz) et
chimique (acide, base, sel) de l’agent agressif, conditions climatiques générales
et locales (immersion, semi-immersion, marnage, aérien, H.R., t°, cycles, mobi-
lité) ;
– les paramètres liés à la structure : contraintes de fonctionnement (charges, fati-
gue), fissuration.
Pour la plupart des agressions chimiques, l’utilisation d’additions minérales con-
sommatrices de chaux (laitier, cendres silico-alumineuses, fumées de silice,

697
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

pouzzolanes), et productrices de C-S-H de rapport CaO/SiO2 plus faibles, contri-


bue à améliorer la tenue des bétons. Toutefois, il convient d’adapter la formula-
tion au cas pas cas et par partie d’ouvrage pour prendre en compte la spécificité
de l’agression.

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705
Chapitre 13

La durabilité des bétons


face aux incendies
F. ROBERT, H. COLINA, G. DEBICKI

Résumé
La tenue au feu d’un béton dépend de certaines de ses caractéristiques comme
la nature des composants utilisés pour sa formulation, la perméabilité, la teneur
en eau, la résistance mécanique. Elle dépend aussi des caractéristiques du feu :
vitesse de montée en température, température maximale atteinte, durée d’expo-
sition à une température élevée.
L’action d’un incendie sur une structure en béton peut conduire à la perte graduel-
le de la résistance mécanique et dans certains cas à l’écaillage des surfaces les
plus exposées au feu. Ces détériorations varient aussi selon le type de béton con-
sidéré : un béton à hautes performances par exemple sera plus sensible au phé-
nomène d’écaillage qu’un béton courant si des précautions ne sont pas prises lors
de sa formulation. La considération des processus physiques, chimiques et méca-
niques qui ont lieu à l’intérieur du matériau béton du fait des hautes températures
permet de comprendre les phénomènes en jeu. De récents essais ont permis
d’appréhender le rôle des paramètres les plus importants de la composition du bé-
ton dans son comportement lors d’une sollicitation au feu, ainsi que l’efficacité des
fibres de polypropylène pour la prévention de l’écaillage. L’ensemble des résultats
présentés permet de mieux maîtriser les facteurs permettant de construire des
structures en béton offrant une résistance accrue en cas d’incendie.
Mots-clés
BÉTONS, INCENDIE, RÉSISTANCE MÉCANIQUE, ÉCAILLAGE, GRANULATS, ADDITIONS, AD-
JUVANTS, FIBRES DE POLYPROPYLÈNE, RECOMMANDATIONS, NORMES.

707
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

1. INTRODUCTION
Le bon comportement des bétons face aux hautes températures constitue leur
atout majeur pour la réalisation de structures porteuses stables vis-à-vis des incen-
dies, avec des effets mineurs sur les éléments principaux, permettant des répara-
tions susceptibles de prolonger convenablement la durée de vie des ouvrages.
L’incendie du tunnel sous la Manche a soulevé la question du comportement des
bétons à hautes performances vis-à-vis du feu, notamment sur les aspects écailla-
ge/éclatement et d’évolution des résistances. Suite à cet événement, d’importants
programmes de recherche ont permis de préciser les paramètres clés influençant
le comportement au feu des bétons. Aujourd’hui, il est possible, dans la plupart
des cas, de connaître le comportement de différents types de bétons face au feu.
Les bétons évoluent, les recherches sur leur comportement en température se
poursuivent parallèlement. Ce chapitre fait un point après une période riche en
évolutions. Il pose le lien entre la formulation de béton et son comportement face
à de hautes températures.
Dans un premier temps, sont présentés deux types de dégradations associées à
l’action du feu sur le béton : la perte de résistance mécanique et le détachement
de matière. Dans un deuxième temps, sont rapportées les connaissances de base
qui permettent de comprendre le comportement du béton face aux hautes tempé-
ratures. Dans un troisième temps, sont détaillés les effets sur la tenue au feu des
différents paramètres de formulation des bétons. Cette partie est construite à partir
d’une expérience française dont les résultats sont confrontés aux données de la bi-
bliographie. Enfin, sont données les références aux normes et recommandations.

2. DÉGRADATIONS ASSOCIÉES À L’ACTION DU FEU


SUR LE BÉTON
L’action du feu sur le béton est principalement associée à deux types de dégrada-
tion : la perte de résistance mécanique et le détachement de matière, appelé
« écaillage du béton ». Or, bien que la première se produise, à des degrés diffé-
rents, pour tous les bétons exposés à des incendies, il n’en est pas de même pour
l’écaillage pour lequel le type de béton joue un rôle important.
Enfin, d’autres effets collatéraux sont aussi parfois relevés : des changements de
couleur et de la fissuration superficielle (faïençage de la surface exposée, avec des
fissures relativement ouvertes). Ceux-ci n’ayant pas d’effet sur la stabilité de
l’élément structurel, nous ne les considérerons pas dans ce chapitre.
Il est important de noter que la faible profondeur de la zone de l’élément structurel
affectée par le feu (fonction de sa durée et de son intensité et qui atteint quelques

708
La durabilité des bétons face aux incendies

millimètres voire centimètres) ainsi que la capacité de réhydratation des C-S-H


après refroidissement [ALO 04] permettent dans la plupart des cas d’envisager la
réutilisation de la structure en béton après incendie [CIB 90].
2.1. Perte de résistance mécanique
L’action des hautes températures sur un élément structurel en béton provoque une
diminution graduelle des résistances à la compression et à la traction, qu’elles
soient mesurées à chaud ou après refroidissement (résistance résiduelle). Les per-
tes de résistances varient selon la température atteinte, la vitesse de montée en
température et le type de béton.
Les normes de dimensionnement traduisent ce phénomène par des courbes d’évo-
lution de la résistance du béton en fonction de la température. La figure 13.1 mon-
tre ces courbes tirées du DTU FB (Feu-Béton) [DTU 93] et son amendement A1
[DTU 00], et de l’Eurocode 2, partie 1-2 [EC2 05].
1,2
1 2 4

1
Résistance relative

0,8

3 6 5 2
0,6

0,4

0,2

0
0 200 400 600 800 1 000 1 200
Température (°C)
Figure 13.1 : résistance relative du béton à la compression en fonction de la température.
Courbe 1 : résistance à la compression, DTU FB (norme P 92-701) ;
Courbes 2 : courbes extrêmes pour marquer la dispersion, ces courbes représentant déjà des moyen-
nes d’après leurs auteurs, DTU FB (norme P92-701) ;
Courbe 3 : résistance à la compression pour les bétons de résistance caractéristique supérieure à
60 MPa et inférieure ou égale à 80 MPa, DTU FB (norme P92-701 et amendement XP P 92-701/A1) ;
Courbe 4 : courbe donnant les valeurs de réduction de la résistance caractéristique à la compression
du béton, pour un béton de densité normale réalisé avec des granulats calcaires, norme NF EN 1992-
1-2, Eurocode 2 partie comportement au feu ;
Courbe 5 : courbe donnant les valeurs de réduction de la résistance caractéristique à la compression
du béton, pour un béton de densité normale réalisé avec des granulats siliceux, norme NF EN 1992-
1-2, Eurocode 2 partie comportement au feu ;
Courbe 6 : courbe donnant les valeurs de réduction de la résistance caractéristique à la compression
du béton, pour un béton appartenant à la classe 2 (béton C 70/85 et C 80/95), norme NF EN 1992-1-
2, Eurocode 2 partie comportement au feu.

709
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Les observations expérimentales montrent que l’évolution de ces pertes de résis-


tance diffère d’un béton à l’autre. Le DTU FB [DTU 93, DTU 00] ne se contente
pas de donner les rapports de la résistance en température sur la résistance carac-
téristique à 20 °C, il fait figurer deux courbes limites pour marquer la dispersion
des résultats expérimentaux relevés dans la littérature. Bien que les méthodolo-
gies d’essais aient évolué (voir recommandations Rilem [RIL 95 à RIL 07]), on
constate beaucoup de dispersions sur les résultats publiés. Cependant, il apparaît
des tendances dans les normes : 1) les bétons de densité normale réalisés avec des
granulats siliceux perdent plus rapidement leur résistance lors de l’élévation de
température que les bétons analogues réalisés avec des granulats calcaires : 2) les
bétons à hautes ou très hautes résistances ont leur résistance relative qui chute
plus vite que celle du béton courant, notamment aux températures inférieures à
400 °C. Si la référence à la résistance est commode pour les calculateurs, elle reste
très simplificatrice. Pour dépasser cette vision, l’influence des paramètres de
composition du béton sur le comportement en température est détaillée au para-
graphe 4 de ce chapitre. Cette démarche répond à la nécessité d’adapter la formu-
lation du béton au type de scénario d’incendie considéré.
2.2. Détachement de matière. Écaillage
L’écaillage (ou éclatement), quand il a lieu, est un phénomène qui se produit au
droit des surfaces directement exposées au feu. Son intensité est fonction d’un
certain nombre de paramètres intrinsèques au béton, mais également de la vitesse
de montée en température de l’incendie. Des courbes dites « conventionnelles »
ont été définies pour représenter l’incendie auquel une structure peut être soumise
(voir figure 13.2) [EC2 05]. Les ouvrages sont en général dimensionnés selon la
courbe ISO 834 (courbe normalisée feu ISO) mais les tunnels par exemple peu-
vent faire l’objet d’un dimensionnement spécifique selon la courbe hydrocarbure
majorée, plus critique vis-à-vis de l’écaillage.

1 400

1 200
Température (°C)

1 000

800 courbe normalisée "feu ISO"


600 courbe hydrocarbure
courbe hydrocarbure majorée
400
exemple de feu "naturel"
200

0
0 30 60 90 120 150 180 210

Temps (min)
Figure 13.2 : exemples de courbes « conventionnelles » de montée en température.

710
La durabilité des bétons face aux incendies

La courbe normalisée « feu ISO » (ISO 834) est considérée plus particulièrement
pour le dimensionnement des bâtiments, la courbe hydrocarbure est utilisée pour
des cas particuliers d’élévation rapide de la température, les tunnels sont dimen-
sionnés avec la courbe hydrocarbure majorée. L’Eurocode 1 partie 1.2 introduit
les courbes de feux naturels (l’Eurocode 2 partie 1.2 autorise la prise en compte
de ces courbes mais les conditions d’emploi des différents modèles de calculs,
que ce soit pour la quantification de l’action thermique ou pour la réponse méca-
nique des structures, sont encadrées par un arrêté émanant du ministère de l’Inté-
rieur (voir partie 5 de ce présent chapitre)).
L’écaillage ne se produit pas pour tous les bétons. Néanmoins lorsqu’il apparaît,
il peut influencer directement la tenue au feu des éléments structurels car les ar-
matures en acier peuvent atteindre plus rapidement leur température critique puis-
que dans ce cas, elles perdent totalement ou partiellement le bénéfice de la
protection thermique apportée par le béton d’enrobage.
De manière plus détaillée on distingue trois types de désordre :
– des éclatements locaux du béton sur des points singuliers comme les bords ou
les angles, ou sur certaines parties de la surface. Ces éclatements peuvent déta-
cher des morceaux de béton de tailles différentes et parfois être explosifs dans le
cas d’éclatements localisés qui se produisent en surface [NOU 95]) ;
– un écaillage régulier qui consiste en un détachement progressif et continu de
petits morceaux de béton qui sont expulsés avec force du parement exposé au
feu;
– un écaillage dû aux granulats qui ne sont pas thermiquement stables aux tem-
pératures atteintes et présentant un fort coefficient de dilatation thermique, tel le
silex par exemple.
Schématiquement, les éclatements apparaissent durant les trente premières minu-
tes d’exposition au feu, alors que l’écaillage régulier qui démarre au même mo-
ment se poursuit sous l’effet de la température [FIB 07, KAL 01, PHA 05]. Bien
que l’éclatement puisse présenter un aspect plus impressionnant que l’écaillage
(les morceaux détachés par éclatement peuvent avoir des dimensions de quelques
centimètres), ce dernier peut devenir plus dangereux pour la structure du fait que,
lors d’un incendie de longue durée, sa progression risque de mettre à nu les arma-
tures de l’élément structurel.
Les règles de dimensionnement intègrent implicitement ces comportements pour
les bétons courants. Mais les essais et retours sur sinistres montrent que certains
bétons à hautes et très hautes performances sont plus sensibles à l’écaillage régu-
lier que les bétons courants. Il semble que ce phénomène soit lié à la capacité de
transfert de l’eau et de la vapeur sous gradient de température au sein du béton.
Ainsi la structure poreuse (volume poreux et connectivité) du matériau et son état

711
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

hydrique jouent un rôle important. Le paragraphe 3.2 décrit les phénomènes phy-
siques qui interagissent lors du chauffage. Ils permettent d’expliquer pourquoi la
plupart des cas d’écaillage observés correspondent à des bétons à très hautes per-
formances et que certains cas ont pu être observés pour des bétons ayant une ré-
sistance comprise entre 60 et 80 MPa. L’approfondissement des connaissances
sur ce phénomène et les études réalisées dans le sens de sa prévention ont permis
de disposer de solutions très efficaces, telles que l’utilisation de fibres de polypro-
pylène.
Globalement, il est établi que les détachements de matière des bétons portés à
hautes température sont à relier à l’humidité interne contenue dans le matériau, à
la vitesse de chauffage, aux contraintes de compression dues aux charges exté-
rieures, à l’épaisseur de l’élément, au renforcement, au type de granulats, aux
constituants et enfin à la présence ou pas de fibres de polypropylène, qui permet-
tent d’éviter éclatement et écaillage dans la plupart des cas. L’influence des para-
mètres de composition du béton sur l’écaillage est étudiée en détail au paragraphe
4 du présent chapitre.
Après l’incendie, les éléments où des morceaux de béton ont été expulsés par
éclatement sont, en général, facilement réparables si la stabilité structurelle n’a
pas été amoindrie. Dans le cas d’un écaillage généralisé, la réparation dépend
principalement de la mise à découvert ou non des armatures et le cas échéant de
leur possible endommagement.
Les observations, relevées sur des éléments en béton exposés à une sollicitation
thermique de type incendie, peuvent être classées en deux grandes familles :
– éclatements ponctuels (bords, angles…)
– écaillage continu observable pour les bétons à hautes performances et très hau-
tes performances.

3. PHÉNOMÈNES À L’ORIGINE DES DÉGRADATIONS


DU BÉTON EN SITUATION D’INCENDIE
Au sein d’un béton qui s’échauffe, différents processus physiques et réactions ap-
paraissent qui sont intimement liés aux constituants du matériau béton, mais aussi
aux conditions environnementales et au niveau des contraintes mécaniques.
L’élévation de température génère un gradient de température, une migration de
l’eau et des variations locales d’humidité dans les éléments structuraux. Ce sont
donc des phénomènes de déshydratation et de transformations cristallines qui in-
duisent des modifications structurales et dimensionnelles du béton aux niveaux
micro et macroscopique.

712
La durabilité des bétons face aux incendies

3.1. Phénomènes affectant les propriétés mécaniques


Ce paragraphe explique les principales observations aux niveaux chimique, phy-
sique et mécanique que l’on peut faire sur un béton soumis à des températures éle-
vées.
3.1.1. Processus physico-chimiques provoqués par la montée
en température à l’intérieur du béton
Lorsqu’un béton, réalisé avec du ciment courant, est soumis à une élévation de
température même modérée, de nombreuses transformations et réactions de natu-
re très variée apparaissent. Ces réactions apparaissent plus particulièrement dans
la pâte de ciment, mais aussi dans les granulats. À faible température, il s’agit
principalement de déshydratation et de réactions liées à l’expulsion de l’eau. À
haute température, la décarbonatation des carbonates joue un rôle prédominant si
les granulats du béton contiennent du calcaire. Au-dessus de 1200 °C et jusqu’à
1300 °C les composés silicatés du béton commencent à fondre. Durant cette
transformation, quelques granulats (issus des roches éruptives comme le basalte)
présentent des phénomènes d’expansion accompagnés d’un dégagement des gaz
prisonniers de la roche depuis sa formation. Les réactions de dégradations condui-
sent progressivement à de la fissuration au sein de la structure interne du béton.
Les réactions initiées durant le chauffage du béton peuvent être étudiées à l’aide
de l’analyse thermique différentielle (ATD), qui détecte les changements de pha-
ses au cours de l’évolution d’un système chimique sous variation de températu-
re. Cette analyse révèle, en fonction de la température, les réactions suivantes
[SCH 02] :
– désorption d’eau et évaporation à environ 100 °C. On peut d’ailleurs noter que
certaines phases telles que l’ettringite et les C-S-H commencent à se déshydrater
en dessous de 100 °C ;
– décomposition de la portlandite vers 500 °C ;
– transformation du quartz à 570°C ;
– décomposition des phases de C-S-H au-delà de 600 °C ;
– décarbonatation du calcaire au-delà de 800 °C ;
– début d’une phase de fusion pâteuse à partir de 1150 °C à 1200 °C.
Il est possible d’étudier ces réactions quantitativement à l’aide de l’analyse ther-
mogravimétrique (ATG). À titre d’exemple la figure 13.3 présente la perte en
masse (en ordonnée, référencée par rapport à la masse initiale de l’échantillon
analysé) de trois bétons, réalisés avec du ciment Portland associé avec des granu-
lats issus respectivement de roches quartziques, basaltiques ou calcaires), en
fonction de la température.

713
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

La figure montre qu’à des températures inférieures à 100 °C la perte de masse est
sensible dans le béton, elle est due principalement au départ de l’eau occupant les
pores les plus gros. Au-delà de 100 °C, le départ de l’eau capillaire, de l’eau des
pores les plus fins, de l’eau retenue par adsorption et de l’eau faiblement liée dans
des hydrates se poursuit. Les quantités d’eau évacuées jusqu’à 500 °C sont de 2 à
4 % en masse (soit environ 50 à 100 litres d’eau par m3 de béton). Entre 500 °C
et 700 °C approximativement, la perte de masse s’accélère, ceci n’est pas seule-
ment dû à la décomposition de la portlandite (Ca [OH]2 → CaO + H2O) entre
450 °C et 500 °C, mais aussi à la suite de la décomposition des C-S-H qui précède
la formation de α-C2S et β-C2S. Ces deux réactions s’accompagnent d’une perte
en eau de 3 % en masse (environ 75 litres d’eau par m3 de béton). Le béton réalisé
avec des granulats calcaires présente une perte en masse additionnelle à partir de
600 °C due à la décomposition du carbonate de calcium (CaCO3 → CaO + CO2),
au cours de laquelle 44 % en masse du CaCO3 est relâché en CO2. La perte en
masse du béton à base de calcaire testé est de 34 %, avec seulement 5 à 6 % attri-
buable au départ de l’eau. Entre 900 °C et la phase de fusion pâteuse à environ
1150 °C ou 1200 °C, il n’apparaît pas de perte en masse notable.
Les éléments rapportés ici donnent des informations générales qui peuvent être
complétées par des éléments complémentaires disponibles auprès des références
suivantes : [JAN 05, GEO 05, KHO 02, PEN 06, ROS 80, PIA 84, VER 72].
Les évolutions de la microstructure de la pâte de ciment en fonction de la tempé-
rature ne sont pas toujours faciles à suivre, et ce d’autant plus si les analyses se
font sur des échantillons refroidis.
La température fait évoluer la porosité totale et la distribution porale du béton, et
ceci de manière plus marquée sur les pâtes de ciment des bétons à hautes perfor-
mances [YE 07]. Schématiquement, X. Liu et al. [LIU 06] soulignent les points
suivants :
– la macro-porosité (> 1,3 mm) reste pratiquement stable jusqu’à 400 °C et aug-
mente ensuite ;
– la porosité capillaire (0,02-0,3 mm) augmente lentement jusqu’à 400 °C et pré-
sente une sévère augmentation à 500 °C ;
– la microporosité (< 0,02 mm) augmente avant 400 °C puis diminue ensuite à
500 °C.
La variation de la masse volumique selon la température est influencée par cette
variation de porosité et par la perte en eau. Elle correspond à une perte d’environ
10 % à 1 000 °C (NF EN 1992-1-2, Eurocode 2 partie comportement au feu).

714
La durabilité des bétons face aux incendies

16 40

3HUWHGHPDVVHǻP 7 P ƒ& HQ

3HUWHGHPDVVHǻP 7 P ƒ& HQ


avec granulats de basalte et de quartz
14 35

béton à granulats calcaires


Basalte
12 30
Quartz

10 Calcaire 25
échelle
8 20

6 15
échelle
4 10

2 5

0 0
10 200 300 400 500 600 700 800 820 900 1 000 1 100 1 200
Température en °C

Figure 13.3 : thermogrammes de bétons courants réalisés avec du ciment Portland, sur
des éprouvettes cylindriques (Ø = 12 mm, L = 40 mm), cure à 20 °C et 65 % d’humidité
relative pendant 100 jours avant l’essai, la vitesse de chauffage étant de 5 °C par minute.

3.1.2. Effets thermiques liés à la montée en température


L’évolution des distributions de température au sein des structures est gouvernée
par les propriétés thermiques du matériau, en particulier par la capacité, la con-
ductivité et la diffusivité thermiques. Dans le cas du béton, il est difficile de dé-
terminer ces propriétés avec précision à tous les niveaux de température en raison
des nombreux phénomènes qui se produisent simultanément au sein de la micros-
tructure du béton et qui ne peuvent être isolés facilement. Ces effets incluent, en
particulier, la consommation de chaleurs latentes engendrées par certaines réac-
tions chimiques. Dans la mesure où ces réactions physiques et chimiques se pro-
duisent avec une certaine vitesse, les variations de propriétés thermiques
dépendent également de la vitesse et de l’historique du chauffage. Il en résulte que
les variations des propriétés thermiques du béton avec la température ne peuvent
pas être décrites en toute rigueur par des relations uniques valables en toute situa-
tion [HAR 70, HAR 73].
La conductivité thermique mesure l’aptitude d’un matériau à conduire la chaleur.
L’analyse des résultats de mesures réalisées par de nombreux auteurs, [HAR 73,
BLU 76, HAR 72, SCH 81, SCH 82] permet de considérer que les variations de
cette propriété avec la température sont relativement bien connues à l’heure ac-
tuelle. Pour les bétons courants, la conductivité thermique à 20 °C est comprise
entre 1,3 et 2 W/m°K. La conductivité thermique dépend essentiellement de la te-
neur en eau, du type de granulat utilisé et de la proportion de granulats dans la
composition du béton [SCH 88]. Pour un béton donné, le degré de saturation est

715
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

le principal facteur influençant la conductivité du béton. Ceci s’explique par le


fait que la conductivité de l’eau est beaucoup plus importante que celle de l’air.
La majorité des auteurs s’accordent ainsi sur le fait que la conductivité thermique
du béton varie quasi linéairement avec la teneur en eau. Certains résultats rappor-
tés dans la littérature indiquent que la conductivité thermique augmente légère-
ment jusqu’à 80 °C voire 100 °C, puis diminue significativement jusqu’à environ
180 °C et enfin diminue de façon régulière par la suite [MAR 72, BAZ 96]. Par
ailleurs, la diminution de la conductivité thermique avec la température est assez
significative pour un béton de granulats silico-calcaires, faible pour un béton de
granulats calcaires, et peu significative pour un béton léger [COL 77].
Pour obtenir des valeurs de conductivité thermique λ T évoluant avec les transferts de
masse, il est possible d’utiliser une loi des mélanges, par exemple la relation suivante:
T T T T
λ = ( 1 – p )λ s + sλ lq + ( 1 – s )λ as (1)
avec :
p, porosité ;
s, degré de saturation en eau liquide ;
T
λs : coefficient de conductivité thermique de la phase solide, fonction de la tempéra-
ture. C’est une fonction de la nature du matériau ;
T
λ lq : coefficient de conductivité thermique du liquide, fonction de la température ;
T
λ as : coefficient de conductivité thermique de l’air sec, fonction de la température.

La chaleur spécifique mesure la quantité d’énergie nécessaire pour faire monter


de 1 °C la température d’un kg de matériau. Pour un béton courant, la valeur de
la chaleur spécifique est comprise entre 0,8 et 1,1 kJ/kg°K à température ambiante
[NEV 90]. Celle-ci augmente légèrement sous l’effet de la chaleur, parfois jus-
qu’à 1,3 ou 1,6 kJ/kg°K.
Dans le cas du béton, les réactions apportant leur contribution à la chaleur spéci-
fique apparente sont essentiellement : la vaporisation de l’eau libre, les réactions
de déshydratation des constituants de la matrice cimentaire à la même températu-
re (lors de la vaporisation de l’eau libre, autour de 105 °C, le béton peut présenter
une chaleur spécifique apparente 2 à 3 fois supérieure à la valeur initiale ou à celle
d’un béton préalablement étuvé), et la transformation du quartz-α en quartz-β
dans le cas de granulats quartziques et la décarbonatation du calcaire dans le cas
de granulats calcaires [FRA 87, SCH 88].
La diffusivité thermique représente la vitesse à laquelle la chaleur se propage à
l’intérieur d’un matériau. Elle est directement proportionnelle à la conductivité
thermique et inversement proportionnelle à la chaleur spécifique et à la masse vo-
lumique.

716
La durabilité des bétons face aux incendies

Dans la mesure où de nombreuses situations d’incendies nous amènent à considé-


rer la phase de refroidissement des structures étudiées, il paraît important de men-
tionner que les modifications de l’ensemble des propriétés thermiques présentées
ci-dessus sont fortement irréversibles [SCH 88].
Il est enfin à noter que la forte sensibilité des valeurs des propriétés thermiques
listées ci-dessus à la teneur en eau du béton pose le problème de la validité des
valeurs obtenues par des essais sur des échantillons de laboratoire. Celles-ci peu-
vent être différentes des valeurs réelles correspondant aux conditions hydriques
dans lesquelles se trouve chaque partie de la structure étudiée. Ce problème, se
pose déjà à température ambiante compte tenu de l’historique hygro-thermique
auquel a été soumis le béton durant sa maturation et son vieillissement et de façon
encore plus aiguë dans le cas de sollicitations accidentelles impliquant de hautes
températures.
3.1.3. Effets hydriques liés à la montée en température
Dès qu’un chauffage intervient à la surface d’un élément de béton, les différents
mécanismes de transferts de masse (écoulement de la phase condensée, diffusion
gazeuse) vont être plus ou moins accentués par l’existence de gradients de tempé-
rature au sein du matériau qui entraînent des gradients de pression de gaz (pres-
sion partielle de vapeur d’eau et/ou pression partielle d’air sec). L’influence de
ces gradients sur les transferts de masses est d’autant plus importante que la tem-
pérature est supérieure à 100 °C. En effet, pour des températures inférieures, les
phénomènes de diffusion restent prépondérants [LIE 95]. La migration d’humidi-
té dans un béton chauffé non uniformément est un phénomène complexe qui dé-
pend de plusieurs paramètres (porosité, perméabilité apparente et état hydrique du
matériau d’une part et gradient de température d’autre part) et de leurs interac-
tions.
Dans le cas d’une paroi chauffée sur l’une de ses faces, on observe une migration
et un largage de vapeur aux limites de la structure, d’une part, et une migration
de l’eau à contre sens vers les zones froides de la paroi, d’autre part.
Au début, la vapeur formée s’évacue facilement vers l’extérieur, car elle n’a
qu’une petite distance à franchir et de plus, cette zone étant séchée, elle possède
une perméabilité relative au gaz importante. Dans cette zone sèche, le milieu est
surchauffé avec toutefois des petits taux de dégagement de vapeur provenant d’un
mécanisme de déshydratation (relargage d’eau initialement fortement liée). À une
certaine profondeur, on rencontre de très hauts taux de vaporisation et de la va-
peur saturée. C’est là que la pression sera maximale pour ce type de sollicitation.
Celle-ci va pousser la vapeur formée et l’eau liquide surfacique qui vont notam-
ment migrer vers l’intérieur du béton. La vapeur, traversant des couches plus froi-

717
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

des, va se condenser. Ainsi en amont de ce pic de pression, le degré de saturation


augmente localement [CON 97]. Au cours du temps, cette zone, recevant conden-
sats et eau liquide surfacique, va tendre à saturer les pores du béton (on parle
même parfois de « bouchon » d’eau liquide lorsque la saturation est atteinte). Ce
dernier va migrer (perméabilité de l’eau en milieu saturé) vers les zones froides
sous l’effet du gradient de pression. On imagine bien que toutes les fissures qui
font un lien entre une surface et cette zone vont agir comme des cheminées pour
évacuer l’eau sous forme de vapeur à partir de ce « bouchon ». Le milieu saturé
du « bouchon » est imperméable au gaz.
3.1.4. Variations dimensionnelles en fonction de la température
Comme la majorité des matériaux, lorsqu’il est soumis à un changement de tem-
pérature, le béton subit une déformation thermique [HEI 98, GAW 04]. Cette dé-
formation joue bien sûr un rôle très important dans le comportement des
structures en béton soumises à de hautes températures. En raison des gradients
thermiques se développant durant les phases transitoires de propagation de la cha-
leur, les déformations thermiques ne sont pas uniformes au sein des structures en
béton armé soumises à des sollicitations de ce type. Cette non-uniformité engen-
dre des contraintes internes qui peuvent elles mêmes occasionner un endomma-
gement en initiant de la fissuration.
Schématiquement, le béton a deux principaux constituants (la pâte de ciment et
les granulats) qui sont soumis à de profondes modifications physico-chimiques
lors du chauffage à hautes températures. Les modifications que subissent ses com-
posants lui confèrent un comportement de déformation thermique complexe qui
ne peut pas être décrit de façon précise suivant l’approche classique de propor-
tionnalité à la température.
3.1.4.1. Déformation thermique libre du béton
De nombreux auteurs ont rapporté des résultats de mesures de déformation ther-
mique libre en s’intéressant aux effets du comportement des composants indivi-
duels du béton (pâte et granulats) sur sa déformation thermique globale. Il a été
observé que sous l’effet de la température, la pâte de ciment subit dans un premier
temps une dilatation jusqu’à 150 °C puis une contraction importante jusqu’au-
delà de 800 °C due essentiellement au départ de l’eau libre puis de l’eau liée chi-
miquement [PHIL 58, HAR 72, LAN 70]. Ces déformations de retrait sont irré-
versibles.
Les granulats subissent durant le chauffage une importante expansion volumique
non proportionnelle à la température et fortement influencée par leur nature chi-
mique. On observe une augmentation significative de l’expansion de la plupart
des granulats au-delà de 550 °C qui s’explique par les modifications chimiques et

718
La durabilité des bétons face aux incendies

cristallines qu’ils subissent. Après 700 °C, la majorité des granulats ne présentent
plus qu’une faible expansion thermique.
Les déformations thermiques différentielles entre la pâte et les granulats engen-
drent au-delà de 150 °C une microfissuration au sein du béton [BLU 76].
La déformation totale d’une éprouvette en béton non chargée soumise à une élé-
vation de température très lente est due aux effets composés suivants :
– expansion thermique des granulats ;
– retrait de la matrice cimentaire ;
– microfissurations et contraintes engendrées par l’incompatibilité entre ces
deux premiers effets ;
– transformations et décompositions chimiques des constituants du béton s’ac-
compagnant de variations dimensionnelles.
Il est à noter que la vitesse de montée en température peut modifier les observa-
tions relevées et que les déformations thermiques d’un béton pré-séché restent
inférieures à la déformation thermique du matériau de référence.

3.1.4.2. Effets d’un état de contraintes appliqué pendant le chauffage


La déformation thermique du béton est fortement influencée par la présence
d’une charge lors du premier chauffage. La déformation supplémentaire engen-
drée par la température en régime transitoire est appelée « fluage thermique
transitoire ». Les déformations engendrées sont largement supérieures à celles
d’origine élastique et au fluage propre même si ce dernier est activé aux tempé-
ratures élevées. En pratique au-delà de 100 °C, on considère le fluage thermique
transitoire indépendant du temps et uniquement fonction de la température.
Le fluage thermique transitoire s’obtient en enlevant à la déformation totale obte-
nue d’une part la déformation thermique libre (sans charge) et d’autre part la dé-
formation élastique apportée par la charge.
La figure 13.4 présente la déformation totale des bétons chargés en compression
à différents niveaux, ( représente le niveau de chargement défini par le rapport de
la contrainte appliquée sur la résistance initiale en compression uni-axiale du bé-
ton à 20 °C), puis chauffés sous charge constante. Les résultats de ce type d’essai
indiquent une forte contraction de la déformation thermique totale sous l’effet de
la charge présente pendant le chauffage.
Selon Schneider [SCH 88], ce phénomène s’explique par l’activation du processus
de fluage du béton par la température. Certains auteurs attribuent également une
partie de cet effet à la microfissuration se développant au sein du béton durant le
chauffage [HAN 66, PAR 79]. Les observations expérimentales montrent la sensi-
bilité à l’état hydrique initial du matériau, un échantillon séché présente un fluage
thermique transitoire bien plus faible que celui observé sur un échantillon conservé

719
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

dans l’eau avant d’être porté en température [GAW 04]. Enfin, d’autres auteurs
[COL 04, SAB 06] considèrent que le phénomène est dû à l’ensemble de processus
physico-chimiques irréversibles qui ne sont mis en route que par l’augmentation
de la température pendant le régime transitoire; lors d’un nouveau chauffage d’un
élément déjà chauffé, le fluage thermique transitoire ne se reproduit plus sauf dé-
passement de la dernière température maximale déjà atteinte.

İ Å
Béton courant
16 JUDQXODWGHTXDUW]LWH
D = 0,0
%pWRQOpJHU
DUJLOHH[SDQVpH
12

D = 0,10
8

D = 0,0

4
D = 0,30

0 ș ƒ&
200 400 600 800 1 000

–4
D = 0,60
D = 0,15
D = 0,70
–8

Figure 13.4 : déformation totale de différents bétons chauffés


sous charge de compression constante mise avant chauffage [SCH 88].
Sur cette figure, α représente le niveau de chargement défini par le rapport de la contrainte appliquée
sur la résistance initiale en compression uniaxiale du béton à 20 °C.

La déformation thermique transitoire dépend fortement de la charge appliquée


durant l’échauffement. Ceci amène parfois à considérer la déformation thermique
transitoire normalisée par rapport au taux de chargement appliqué (rapport de la
déformation thermique transitoire sur le taux de chargement). Gaweska [GAW
04] trouve que jusqu’à 300 °C la déformation thermique transitoire augmente pro-
portionnellement avec le taux de chargement, au-delà de cette température l’in-
fluence du type des granulats se manifeste.

720
La durabilité des bétons face aux incendies

3.1.4.3. Influence des chemins de sollicitations


En analyse classique des contraintes thermiques, la déformation thermique est ha-
bituellement considérée comme une dilatation volumique fonction de la tempéra-
ture seule. Elle est simplement ajoutée à celle due aux actions mécaniques. Dans
le cas du béton, la réponse aux actions thermiques et mécaniques combinées est,
comme nous l’avons vu, plus complexe. D’un point de vue macroscopique, la dé-
formation thermique de ce matériau dépend fortement du chemin parcouru dans
l’espace contraintes-température. Les manifestations de cette dépendance ont été
observées par de nombreux expérimentateurs : Anderberg et Thelandersson
[AND 76] Khoury et al. [KHO 85], Schneider [SCH 88]. La figure 13.6 montre
comment des conditions d’essais peuvent influencer les résultats.
De manière générale, les résistances déterminées à froid sont le plus souvent in-
férieures à celles déterminées à chaud, à cause des endommagements induits lors
du refroidissement par des phénomènes non totalement réversibles. D’autres
paramètres comme la présence ou non d’une précharge lors du chauffage, la vi-
tesse de montée en température ou la possibilité ou non d’un séchage de l’éprou-
vette, durant le chauffage, sont à prendre en compte pour l’analyse des résultats.

450

400

350
Température (°C)

300

250
Régime Régime
200 transitoire permanent
150

100

50

0
0 1 2 3 4 5 6 7

Temps (h)

Figure 13.5 : température au centre d’éprouvettes en béton


en fonction du temps de chauffage.

721
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Cas n° 1 : éprouvette n° 1 Application de la charge


5.E-03 chauffée, puis chargée. à l'éprouvette n° 1

4.E-03

Déformation axiale
3.E-03
A
2.E-03

1.E-03

0.E-03
0 1 2 3 4 5 6 7
– 1.E-03 Temps (h)
B
– 2.E-03 Cas n° 2 : éprouvette n° 1
Application de la charge chauffée, puis chargée
à l'éprouvette n° 2 sous charge constante

Figure 13.6 : influence de l’histoire du chargement sur la déformation totale


mesurée sur des éprouvettes en béton chauffées.
Dans ces essais [AND 76], deux éprouvettes en béton sont exposées au chargement thermique dont
l’évolution est donnée à la figure 13.5. La figure 13.6 présente les déformations uniaxiales mesurées
sur ces éprouvettes durant l’essai. Dans le premier cas (cas n° 1 sur la figure 13.6), une contrainte de
compression uniaxiale est appliquée à l’éprouvette une fois que le régime est permanent (tempéra-
ture constante au sein des éprouvettes). Dans le second cas (cas n° 2 sur la figure 13.6), la même
contrainte est appliquée dès le début du chauffage et est maintenue constante pendant toute la durée
de l’essai. La contrainte mécanique appliquée aux éprouvettes est de 0,45 f’c(20 °C).

Les points A et B repérés sur les courbes de déformation correspondent à la même


combinaison de contrainte et de température appliquée aux deux éprouvettes. Cel-
les-ci présentent toutefois une déformation complètement différente, de signe op-
posé. Dans le cas n° 2, la dilatation thermique axiale de l’éprouvette est fortement
réduite par la présence de la contrainte mécanique durant la phase de chauffage
(il apparaît que le fluage thermique transitoire est bien plus important que le flua-
ge apparaissant sous charge appliquée à température constante). Ceci peut être in-
terprété comme une dépendance de la déformation thermique vis-à-vis du chemin
emprunté dans l’espace contraintes-température. Outre cette dépendance à l’his-
torique des deux chargements combinés, ce phénomène engendre également une
anisotropie de la déformation thermique. Le concept d’interaction thermo-méca-
nique a été alors introduit par Thelandersson [THE 87] pour modéliser ce phéno-
mène. Suivant cette approche, la déformation thermique n’est plus considérée
comme une simple fonction de la température mais dépend également de l’état de
contrainte appliquée pendant le chauffage.

722
La durabilité des bétons face aux incendies

3.2. Phénomènes conduisant à l’écaillage.


Hypothèses thermomécanique, hydromécanique et couplée
Les phénomènes d’éclatement et d’écaillage sont constatés à des températures
comprises entre 190 °C et 350 °C, [KAL 01, NOU 95, PHA 05, CAS 90. La
figure 13.7 met en parallèle les phénomènes physiques qui se manifestent dans
une paroi en béton dont l’une de ses faces est portée à température élevée.
• Un champ de températures variables se développe au sein de la paroi, les gra-
dients sont d’autant plus forts que la vitesse de montée en température sur la sur-
face est grande.
• Le champ d’humidité interne du matériau est fortement perturbé. Schémati-
quement, quatre zones sont mises en évidence, comme l’indique la figure 13.7
(b). Près de la surface une zone sèche (1), puis une zone humide chaude (2) voit
se développer en son sein des pressions gazeuses qui repoussent la vapeur et la
phase d’eau liquide vers la surface extérieure chauffée et vers le cœur du maté-
riau. Progressivement sous l’effet des mouvements de masse, se forme une zone
(3) qui s’humidifie, alimentée par les mouvements d’eau liquide et la condensa-
tion de la vapeur dans cette zone plus froide. À l’intérieur de la paroi, une zone
(4) voit peu varier son humidité. Notons que la mobilité de l’eau depuis une zone
saturée est liée à la perméabilité à l’eau du matériau, et l’expérience montre
qu’elle est très faible pour des bétons à hautes performances.
• Un champ de contraintes induit par les dilatations du matériau : mise en com-
pression bi-axiale de la surface chauffée et en traction de la face opposée.
• Un champ de pression de la phase gazeuse, lié à l’augmentation de la tempéra-
ture dans une zone confinée de l’air et de l’eau libre qui se vaporise (dans ce
schéma, il est possible d’atteindre au maximum la pression de vapeur saturante
au sein du béton).
Pour expliquer les éclatements, deux hypothèses principales sont avancées :
– la première [HAR 65, AND 97] suggère un éclatement hydraulique causé par
des pressions internes venant des fluides (vapeur et eau liquide). Le pic de pres-
sion intégrerait la pression de vapeur plus la pression induite par la dilatation de
la phase liquide saturant une zone (la dilatation propre de l’eau au-dessus de
160°C est assez importante). Cette hypothèse met particulièrement en jeu la per-
méabilité du béton, sa teneur en eau initiale ainsi que la vitesse de montée en
température. Elle est donc cohérente avec les observations expérimentales qui
tendent à démontrer que les bétons à hautes performances moins perméables sont
plus sensibles au phénomène d’écaillage et que par ailleurs des bétons ayant subi
un pré-séchage sont moins disposés à éclater. Jusqu’à maintenant la mesure de ce
pic de pression n’a pas pu être effectuée de façon convaincante car les valeurs

723
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

des pressions sont assez faibles [KAL 00, PHA 05] (difficultés à localiser les pri-
ses de pression, et système de mesure peu fiable) ;
– la deuxième hypothèse propose des éclatements dus aux dilatations thermiques
empêchées. Celles-ci génèrent des contraintes thermiques très élevées (contrain-
tes de compression parallèles à la surface chauffée). Selon les auteurs
[ULM 99b], ces contraintes de compression sont relâchées par une rupture fra-
gile du béton, la pression dans les pores ne jouant qu’un rôle secondaire initia-
teur de l’instabilité. La fissuration empêcherait une mise en pression critique
dans le matériau. Garwin et al. [GAW 06], après avoir mené une analyse quanti-
tative, affirment que l’énergie élastique accumulée par ces contraintes de com-
pression est suffisante pour développer un réseau de fissures et donner une
énergie cinétique aux éléments de béton éclatés. Pour mener ces approches fine-
ment, l’effet du fluage thermique transitoire devrait être pris en compte mais il
reste mal connu.
Pour conclure, il semble que l’éclatement soit en fait le résultat de la combinaison
de la pression des fluides dans les pores, des contraintes de compression au niveau
de la surface exposée, mais aussi de la fissuration interne qui provient des dilata-
tions différentielles entre la pâte et les granulats (au-delà de 140 °C, la pâte de ci-
ment se rétracte du fait de la déshydratation alors que les granulats se dilatent).
Msaad [MSA 05] a étudié numériquement dans sa thèse la contribution de l’effet
mécanique et de l’effet hydraulique dans le phénomène d’éclatement. Il conclut
que les deux effets sont du même ordre de grandeur sur ses indicateurs d’endom-
magement. Gawin et al. [GAW 06] recherchent la possibilité de caractériser le ris-
que d’éclatement à l’aide d’indices obtenus par calcul. Cette démarche peut faire
avancer les modélisations. D’autres, comme Hertz et Sorensen [HER 05], es-
sayent de mettre au point des appareillages simples permettant une bonne carac-
térisation du risque d’éclatement d’un béton donné.
Les causes de l’éclatement du béton ne sont pas encore aujourd’hui parfaite-
ment comprises. Cependant la recherche a permis de mettre en avant des fac-
teurs favorisant ce phénomène (HER 03) :
– la densification de la matrice cimentaire ;
– la faible perméabilité ;
– les contraintes thermiques ;
– le chauffage asymétrique ;
– la montée rapide en température ;
– la présence d’eau libre et d’humidité dans le béton ;
– les déformations thermiques empêchées.

724
La durabilité des bétons face aux incendies

T T
température
x x

contrainte P
ı pression
x Champ d'humidité :
x

±ı (1) Zone sèche

(2) Zone de
vaporisation

(3) Zone qui


±ı s'humidifie

(4) Zone sans


variation hydrique
(a) (b)

Figure 13.7 : principales raisons d’apparition de l’écaillage :


a) dilatation thermique empêchée d’après [BAZ 97] ; b) pressions internes [AND 97].

4. EFFET DES DIFFÉRENTS COMPOSANTS INTERVENANT


DANS LES FORMULATIONS DES BÉTONS SUR LEUR TENUE
AU FEU
Les innovations de ces deux dernières décennies permettent de parler aujourd’hui
non plus du béton mais des bétons : du béton courant (BO), en passant par les bé-
tons à hautes performances (BHP), jusqu’aux bétons fibrés à ultra-performances
(BFUP) sans oublier les bétons autoplaçants (BAP) qui peuvent couvrir presque
toutes les autres catégories. Ces innovations ont été conduites dans l’objectif
d’améliorer les performances du matériau en situation courante, des gains consi-
dérables ont notamment été obtenus vis-à-vis de la durabilité. Les incendies de
tunnels survenus ces dernières années, plus particulièrement celui du tunnel sous
la Manche, ont mis l’accent sur le besoin de parfaire les connaissances sur le com-
portement des BHP face aux hautes températures. Ces incendies ont mis en évi-
dence des différences de comportement selon le type de béton utilisé et donc la
nécessité d’étudier l’influence des différents paramètres de formulation d’un bé-
ton. Plusieurs programmes expérimentaux ont été réalisés sur ce thème [PIM 05,
HIT 99, NIS 07, FEU 06]. Nous présentons ici principalement les résultats d’une
récente étude française sur le comportement du matériau béton face au feu
[FEU 06], appelée dans la suite « étude Feu-Béton », avec l’analyse détaillée de
l’influence des principaux paramètres qui peuvent jouer un rôle dans ce compor-
tement, intégrant une validation de l’efficacité des fibres de polypropylène dans
la prévention de l’écaillage.

725
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

4.1. Influence des paramètres intervenant dans la composition


des bétons
Outre les pâtes de ciment dont le comportement à hautes températures a fait l’ob-
jet de plusieurs études [PAR 79, SAW 81, PIA 84, DIA 90, ALA 03, ALA 05,
PAS 04], les paramètres intervenant dans la formulation des différents types de
béton peuvent avoir un rôle important dans la tenue au feu du matériau, notam-
ment lorsque le béton répond à des scénarios spécifiques (montée en température
suivant la courbe hydrocarbure majorée utilisée dans les tunnels). C’est la raison
pour laquelle l’impact des granulats, des additions ainsi que des adjuvants a été
étudié. Dans un souci de comparaison, la majorité des bétons étudiés dans l’étude
Feu-Béton ont été formulés sur la base commune d’un béton M60, c’est-à-dire
ayant une résistance à la compression moyenne de 60 MPa à 28 jours. Quelques
bétons de résistance moyenne à la compression 30 MPa, dénommés M30, ont été
aussi testés pour permettre la comparaison avec un béton courant. L’étude Feu-
Béton s’est attachée à analyser l’influence des paramètres de composition des bé-
tons sur les caractéristiques thermo-mécaniques et vis-à-vis de la propension à
l’écaillage (exposition à une courbe conventionnelle de montée en température).
4.1.1. Influence des granulats
La possibilité d’une variation du comportement des bétons face au feu selon le
type de granulat utilisé a été déjà signalée dans la littérature [KHO 92]. L’Euro-
code 2 partie feu [EC2 05], propose d’ailleurs une différenciation entre granulats
calcaires et siliceux pour les courbes de résistance en fonction de la température.
Cette variabilité du comportement des bétons en fonction du type de granulat a
été corrélée avec la stabilité thermique de ces derniers. L’étude Feu-Béton avait
donc pour objectif de vérifier et de quantifier cette influence.
L’étude de la stabilité thermique des granulats représentatifs de la production
française [CER 02] a notamment permis de dégager les résultats suivants :
– il n’y a que pour des faibles valeurs de température (inférieures à 350 °C) que
l’on peut parler d’un comportement linéaire pour le coefficient de dilatation ther-
mique α. Dans ce cas la tendance à une dilatation un peu plus forte pour les gra-
nulats siliceux est remarquée, mais il n’en est pas de même pour les températures
plus élevées où des différences notables pour les valeurs de α peuvent apparaître
au sein d’une même famille géologique ;
– les pertes au feu sont plus importantes pour les granulats calcaires et elles sont
en relation directe avec la teneur en CaCO3 de ce type de granulat. Le pic endo-
thermique dû à la décarbonatation est situé entre 800 °C et 900 °C ;
– la porosité ouverte varie de façon sensible parmi les différents types de granu-
lats et aussi au sein d’une même famille géologique.

726
La durabilité des bétons face aux incendies

Enfin des essais de résistances mécaniques et d’écaillage ont été réalisés afin
d’identifier l’impact de la nature du granulat. Aucune corrélation probante n’a pu
être établie entre les résultats et la stabilité thermique des granulats (caractérisée
par les pertes en masse, les réactions endo- et exothermiques, la dilatation). Au vu
de ces résultats on peut conclure qu’il est difficile d’établir a priori l’influence de
la stabilité thermique des granulats sur le comportement au feu des bétons. Pour
une même famille géologique, il est délicat d’établir une prédiction des compor-
tements.
4.1.1.1. Influence des granulats sur les résistances mécaniques
Dans l’étude Feu-Béton, cinq formules de bétons M60 avec cinq types de granu-
lats différents ont été réalisées : siliceux Garonne et éruptif cornéenne, silico-cal-
caire Basse Seine et calcaires Jurassique Bathonien et Beauce. Des éprouvettes
cylindriques de 10 cm de diamètre et 30 cm de hauteur pour les tests à la compres-
sion et des diabolos de 8 cm de diamètre au centre pour les tests de traction directe
ont été confectionnées. Les recommandations de la Rilem [RIL 95, RIL 00c] ont
été suivies pour la réalisation de ces tests de résistance à la compression et à la
traction directe à chaud. Les dimensions des éprouvettes sont conformes à ces re-
commandations. En particulier l’élancement des éprouvettes de compression doit
être compris entre 3 et 4 pour permettre une rupture dans une zone homogène en
température (les extrémités de l’éprouvette sont plus froides car elles sont en con-
tact avec les éléments d’interface pour le chargement). Les figures 13.8 et 13.9
montrent les dispositifs d’essai spécifiquement conçus pour ces tests.

Figure 13.8 : dispositif d’essai en compression à hautes températures [FEU 06].

727
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Figure 13.9 : dispositif d’essai en traction directe à hautes températures [FEU 06].

La figure 13.10 indique les résistances à la compression obtenues en valeurs rela-


tives (rapport entre les résistances à chaud et à 20 °C) en fonction de la tempéra-
ture pour les cinq bétons M60 testés. Les éprouvettes ont été chargées à 20 % de
leur résistance à la rupture à 20 °C dès le début de l’essai et jusqu’au test de résis-
tance proprement dit (température stabilisée, augmentation de la charge jusqu’à
rupture). Les courbes de l’Eurocode 2, partie 1-2 [EC2 05], et celles du DTU Feu-
Béton [DTU 93] sont insérées dans le graphe afin de pouvoir comparer les résul-
tats avec les valeurs normatives.

1,1
M60 Garonne
1,0

0,9 M 60 Cornéenne
Résistance (20 °C)

0,8 M60 Basse Seine

0,7 M60 Bathonien


0,6
M 60 Beauce
0,5
EC2-1.2 : granulats
0,4
EC2-1.2 : granulats
0,3
DTU FB
0,2

0,1 courbes extrêmes DTU

0,0
0 100 200 300 400 500 600 700 800

Température en °C

Figure 13.10 : influence des granulats. Résistance à la compression à chaud


(en valeurs relatives à la valeur à 20 °C) en fonction de la température [FEU 06].

728
La durabilité des bétons face aux incendies

Une première analyse montre qu’une diminution de résistance de l’ordre de 30 %


a lieu autour de 150 °C suivie d’une reprise substantielle à 450 °C (des études
complémentaires réalisées au CERIB indiquent en fait que cette baisse apparaît
dès 80 °C et la reprise quant à elle se situerait dès 200 °C). Cette évolution de la
résistance est notée à plusieurs reprises dans la littérature. Le rôle de l’eau est à
ce jour présenté comme un des facteurs les plus influents permettant d’expliquer
la baisse puis la reprise de résistance. Cependant, l’interprétation des phénomènes
liés à l’eau peut varier entre les auteurs. Si la dilatation de l’eau entre les couches
de C-S-H puis le rapprochement de leurs feuillets du fait du départ de l’eau sont
unanimement reconnus pour expliquer dans une certaine mesure la perte puis la
reprise de résistance, l’impact des transformations chimiques est, quant à lui, con-
troversé.
Les normes (Eurocode 2 partie 1.2 et DTU-FB) font apparaître une décroissance
continue de résistance (sans baisse accentuée à 150 °C suivie d’une reprise de ré-
sistance). Peut se poser alors la question du dimensionnement de l’ouvrage au feu
compte tenu des observations expérimentales du phénomène autour de 150 °C. Il
peut être constaté que les dimensionnements suivant l’Eurocode 2 partie 1.2 sont
sécuritaires vis-à-vis de la résistance au feu expérimentale des éléments de struc-
tures (essai sur poutre, poteau…). On peut donc penser qu’une compensation
existe entre des zones dont la température atteint 150 °C (et dont la résistance se-
rait a priori plus faible que celle donnée dans la norme) avec des zones dont la
température atteint entre 250 °C et 450 °C (et dont la résistance serait a priori plus
élevée que celle donnée dans la norme). Il faut, en effet, avoir à l’esprit que lors-
qu’une structure est soumise à l’incendie, la section de béton, du fait des transferts
thermiques, n’est pas à une température homogène mais voit au contraire un gra-
dient de température. Les zones comprises entre les armatures et la peau du béton
sont à des températures pouvant aller de 200 à 900 °C, alors que le cœur de la sec-
tion atteint des températures comprises entre 20 °C et 200 °C en fonction du
temps d’exposition.
Enfin, mis à part les valeurs autour de 150 °C, on observe sur la figure 13.10 que
tous les résultats des formules testées, réalisées avec différents granulats, se si-
tuent entre les courbes extrêmes du DTU Feu-Béton et sont voisins des courbes
de l’Eurocode 2, 1-2. On peut néanmoins noter que, contrairement aux données
de l’Eurocode 2, 1-2, les bétons de cette étude réalisés avec des granulats siliceux
sont plutôt plus résistants que ceux confectionnés avec des granulats calcaires.
Les expériences faites par Abrams en 1971 [ABR 71] (figure 13.11) ont présenté
des différences de comportement entre matériaux siliceux et calcaires, tout com-
me les essais réalisés dans le cadre du projet national BHP 2000 (figure 13.12) qui
confirment les tendances proposées dans l’Eurocode 2, 1-2. Cependant l’attention

729
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

doit être attirée sur le fait que les dispersions des résultats sont telles que la géné-
ralisation à des familles distinctes calcaires/siliceux n’est peut-être pas appropriée
(figures 13.13 et 13.14).
Pour une même classe de résistance des bétons, la nature des granulats n’a pas
d’influence significative sur l’évolution des résistances à la compression avec la
température (la variabilité des résultats au sein d’une même famille géologique
peut être plus importante qu’entre deux familles distinctes).

21C 200C 400C 600C 800C


25 140
M30C M75C
Béton calcaire
(en % de la résistance initiale)

M75SC M100C
Résistance en compression

120
DTU
00 Fuseau
100

Mortier léger V
75

fcT/fc20°C (%)
80
Béton siliceux III
60
50

40
Chargé à 0,4 f'c
25
20
Résistance initiale = f'c
Moy f'c = 3 99 psi (275 kg/cm2)
0
0
0 200 400 600 800
70F 400F 800F 1 200F 1 60
Température (°C)
Température
Figure 13.11 : Influence du type de granu- Figure 13.12 : Influence du type de granu-
lat sur la résistance à la compression en lat sur la résistance à la compression en
fonction de la température selon Abrams fonction de la température – essais réali-
[ABR 71]. sés dans le cadre du projet national
BHP 2000 [PIM 05].
C = granulat calcaire, SC = granulat silico-
calcaire

ıș
Ratio de résistance en compression (%)

ı20
1
125
Bétons ı20 Béton ordinaire
0,9 Porphyre..................................420 bars
Limite
Quartzite..................................350
100 supérieure
Roulés siliceux (Loire)..............470
0,8 Roulés silico-calcaire (Seine)...420
Argile expansée........................320

0,7 75

0,6 Granulats
50 Granulat siliceux
Grès Limite
0,5 inférieure
Calcaire
25 Gravier calcaire
0,4 Dolérite
Schiste amphibole
0,3 0
20 100 200 300 400 500
0,2 Température (°C)
100 200 300 400 600
Température (°C)

Figure 13.13 : Influence du type de granu- Figure 13.14 : Influence du type de granu-
lat sur la résistance à la compression en lat sur la résistance à la compression en
fonction de la température selon Maréchal fonction de la température selon Bazant
[MAR 70]. [BAZ 96].

730
La durabilité des bétons face aux incendies

Pour la résistance à la traction, une tendance similaire a été observée: une dimi-
nution autour de 150 °C, suivie d’une reprise, laquelle dépasse les valeurs des nor-
mes. La figure 13.15 montre ces résultats pour les deux formules testées, l’une
avec un granulat siliceux (Garonne) et l’autre avec un granulat calcaire (Batho-
nien). Dans ce cas, la comparaison a été faite entre béton vibré et béton autopla-
çant, dont une analyse plus détaillée est faite en 4.1.3.1.

1,1
1,0 M60 BAP Bathonien
M60 Garonne
0,9 EC2-1.2 et DTU
0,8
Résistance (20 °C)

0,7

0,6
0,5

0,4
0,3
0,2

0,1
0,0
0 100 200 300 400 500 600 700 800
Température en °C

Figure 13.15 : influence des granulats. Résistance à la traction


(en valeurs relatives à la valeur à 20°C) en fonction de la température [FEU 06].

4.1.1.2. Influence des granulats sur l’écaillage


Dans le cadre de l’étude Feu-Béton, des bétons M60 formulés avec huit types de
granulats (trois d’origine alluvionnaire, trois calcaires et deux éruptifs) ont été uti-
lisés pour réaliser des éprouvettes prismatiques en béton armé (4 HA12 pour les
armatures longitudinales et 1 HA8 tous les 130 mm pour les armatures transver-
sales) de dimensions 30 cm × 30 cm × 75 cm, pour évaluer leur propension à
l’écaillage. Les tests ont été réalisés dans un four (figure 13.16) selon la montée
en température de la courbe ISO 834, courbe standard de montée en température
pour le dimensionnement des ouvrages notamment les bâtiments d’habitation ou
de bureau (figure 13.2). Les éprouvettes, âgées d’au moins 90 jours, ont été sou-
mises à cette sollicitation pendant 90 minutes. C’est donc une température de l’or-
dre de 1000 °C qui a été atteinte à la surface des prismes. L’évolution de la masse
des prismes a été enregistrée en continu. Le four était refroidi naturellement avant
de sortir les éprouvettes.

731
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Figure 13.16 : four pour essais d’écaillage [FEU 06].

Les figures 13.17 à 13.19 permettent de visualiser l’état des éprouvettes à la sortie
du four. Pour l’essai d’étude de l’influence des granulats sur l’écaillage, l’enroba-
ge des armatures transversales était de 1,5 cm.

(a) granulats de Basse Seine (b) granulats Garonne siliceux. (c) granulats Rhône calcaires.
silico-calcaires.

Figure 13.17 : influence des granulats. État des prismes après 90 minutes d’essai
et refroidissement du four. Granulats alluvionnaires [FEU 06].

732
La durabilité des bétons face aux incendies

(a) (b) (c) (d)


Figure 13.18 : influence des granulats. État des prismes après 90 minutes d’essai
et refroidissement du four. Granulats calcaires [FEU 06].
Trois différents types de granulats calcaires ont été testés, provenant de différentes localisations géo-
logiques : (a) Beauce, (b) Jurassique Bathonien et (c) Jurassique grenu ; une quatrième éprouvette a
été réalisée avec du Jurassique grenu et du sable de Basse Seine (d).

(a) (b)
Figure 13.19 : influence des granulats. État des prismes après 90 minutes d’essai
et refroidissement du four. Granulats éruptifs [FEU 06].
Les granulats éruptifs utilisés sont : (a) éruptif cornéenne et (b) éruptif andésite.

733
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

De façon générale, on remarque qu’il n’y a pas d’écaillage significatif quel que
soit le granulat utilisé. Les pertes de masse mesurées lors des essais ont fluctué en
moyenne entre 6 % pour les bétons avec granulats siliceux à 8 % pour ceux avec
granulats calcaires. En tenant compte d’une teneur en eau initiale d’environ 4 %,
les pertes de masse durant le chauffage, non liées au départ de l’eau libre, ont été
comprises entre 2 % et 4 %. Elles correspondent au départ de l’eau physiquement
et chimiquement liée ainsi qu’au CO2 produit lors de la décarbonatation et, le cas
échéant, aux éclats. Les pertes de masse globales ne sont donc pas directement des
estimations de la propension à l’écaillage/éclatement.
Pour les différents granulats considérés dans cette étude, représentatifs de la
production française, aucune corrélation n’a pu être établie entre leur stabilité
thermique et le comportement à l’écaillage du béton correspondant.
Khoury [FIB 07] a quant à lui proposé d’établir un lien entre comportement au
feu et stabilité thermique (meilleure est cette dernière, meilleur sera le comporte-
ment au feu) en indiquant cependant que la combinaison de facteurs tels que les
faibles valeurs du coefficient de dilatation thermique ou les surfaces rugueuses
des granulats peuvent renforcer la résistance des bétons à l’écaillage.
Nous pouvons conclure que des bétons d’usage courant jusqu’aux M60 considé-
rés ici, pour une sollicitation du type Feu ISO (figure 13.2) ne présentent pas
d’écaillage significatif et que l’influence du type de granulat est très modérée.
Enfin, l’état final de la majorité des éléments testés montre que la possibilité de
réparation des ouvrages en béton après un incendie est très grande, ce qui est un
atout pour la durabilité de ces ouvrages.
L’expérience a montré que ce bon comportement face à l’écaillage est également
observé dans les bétons courants, de type M30. En revanche, du fait de la diminu-
tion de la perméabilité, comme indiqué en 3.2, les bétons à hautes et très hautes
performances ont plus tendance à s’écailler de manière plus ou moins marquée
quel que soit le granulat. Cependant, des solutions très efficaces pour la préven-
tion de l’écaillage dans ce type de bétons ont été développées, ce qui est considéré
en détail en 4.2.
4.1.2. Influence des additions
L’influence des additions sur le comportement des bétons face aux hautes tempé-
ratures a déjà été étudiée par Khoury [FIB 07], Hertz et al. [HER 05], Féron et al.
[FER 06], Poon et al. [POO 01]. Pour compléter les recherches sur le rôle des ad-
ditions vis-à-vis de l’écaillage, l’étude Feu-Béton a comparé des performances de
bétons de même résistance, confectionnés avec diverses additions minérales uti-
lisées en substitution du ciment. Un béton M60 avec granulat alluvionnaire Ga-
ronne (siliceux), a été retenu comme formulation de référence et quatre types

734
La durabilité des bétons face aux incendies

d’additions ont été sélectionnés : cendres volantes, laitier moulu, fillers calcaires
et fumée de silice. Un béton de résistance identique à celle du béton de référence
M60 a été aussi réalisé avec du ciment CEM II/A-S contenant 11 % de laitier, te-
neur identique à celle du laitier utilisé comme addition minérale (en substitution
du ciment) dans cette même étude.
Dans la suite, nous présentons les résultats relevés dans la bibliographie et ceux
de l’étude Feu-Béton.
4.1.2.1. Influence des additions sur les résistances mécaniques
L’influence des additions minérales sur l’évolution des résistances mécaniques à
hautes températures est controversée. Les travaux de Sarshar et Khoury [SAR 93]
effectués sur des pâtes de ciment indiquent un impact important du type de ci-
ment. Les résultats de Poon et al. [POO 01] indiquent que le comportement des
bétons est peu influencé par la nature des additions en dessous de 600 °C aussi
bien pour les bétons courants (figure 13.20) que pour les BHP (figure 13.21). En-
tre 600 °C et 800 °C, les résistances des bétons avec additions diminuent un peu
plus que celles des bétons de référence.
Il faut noter que les bétons utilisés dans les travaux de Poon et al. [POO 01] ont
des résistances initiales comprises entre 40 et 65 MPa pour les bétons courants et
entre 90 et 125 MPa pour les BHP.

160
Résistance à la compression

BO
140
BO-CV30
120
résiduelle (MPa)

BO-CV40
100
BO-LHF30
80
BO-LHF40
60

40

20

0
0 100 200 300 400 500 600 700 800 900
Température d'exposition (°C)

Figure 13.20 : influence des additions sur la résistance à la compression résiduelle


en fonction de la température pour des bétons courants, d’après Poon et al. [POO 01].
BC : béton courant de référence, CV : cendres volantes, LHF : laitier de haut-fourneau.
Les nombres donnent la teneur en addition.

735
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

BHP
160 BHP-FS5

Résistance à la compression
BHP-FS10
140
BHP-CV20
BHP-CV30
120

résiduelle (MPa)
BHP-CV40
BHP-FS+CV
100
BHP-LHF30
BHP-LHF40
80

60

40

20

0
0 100 200 300 400 500 600 700 800 900
Température d'exposition (°C)
Figure 13.21 : influence des additions sur la résistance à la compression résiduelle
en fonction de la température pour des bétons à hautes performances,
d’après Poon et al. [POO 01]
BHP : béton à hautes performances de référence, FS : fumée de silice, CV : cendres volantes,
LHF : laitier de haut-fourneau
Les nombres donnent la teneur en addition.

4.1.2.2. Influence des additions sur l’écaillage


Dans l’étude Feu-Béton, des éprouvettes prismatiques en béton armé de dimen-
sions 30 cm × 30 cm × 75 cm ont été réalisées. Les éprouvettes ont été soumises
au type d’essai décrit en 4.1.1.2 mais cette fois avec un enrobage des armatures
transversales de 3 cm, plus défavorable pour l’écaillage (l’augmentation d’enro-
bage peut conduire dans certains cas à l’apparition d’éclats localisés). La masse
des prismes pendant l’essai et la masse des éclats en fin de chauffage ont été dé-
terminées. Le tableau 13.1 donne les caractéristiques des éclats qui ont eu lieu se-
lon le type d’addition utilisé et la figure 13.22 montre l’état final des éprouvettes
après sortie du four et refroidissement.
Tableau 13.1 : caractéristiques des éclats après essai d’écaillage, selon le type d’addition
[FEU 06].

Perte de masse
Type d’addition Épaisseur maximale des éclats (cm)
par éclats (%)
Aucune 1,0 e < 2 cm (éclats d’angle)
Cendres volantes (11 %) 1,0 e < 2 cm (éclats d’angle)
Filler calcaire (11 %) 0,0 –
Laitier moulu (11 %) 2,0 e < 2 cm (éclats d’angle)
Fumée de silice 2,5 e < 2 cm (éclats distribués dans la surface)
CEM II à 11 % de laitier 1,5 e < 3 cm (éclats d’angle)

736
La durabilité des bétons face aux incendies

(a) (b) (c)

(d) (e) (f)

Figure 13.22 : influence des additions. État final des éprouvettes après essai d’écaillage
et refroidissement [FEU 06].
(a) béton de référence sans addition ; (b) avec 11 % de cendres volantes ; (c) avec 11 % de filler cal-
caire ; (d) avec ciment CEM II à 11 % de laitier ; (e) avec 11 % de laitier moulu et (f) avec 8 % de
fumée de silice.

L’analyse de ces résultats conduit à conclure que, dans les proportions utilisées,
les additions calcaires tendent à améliorer le comportement du béton face à
l’écaillage (aucun éclat n’a été observé) tandis que la fumée de silice semble pro-
voquer une dégradation plus prononcée que celle du béton de référence, avec des
résultats intermédiaires pour les autres additions.

737
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Dans aucun cas, les éclats n’ont mis à nu les armatures. Lorsqu’il y a eu écaillage,
la dimension des éclats est restée inférieure à l’épaisseur de l’enrobage des arma-
tures transversales. La plupart des éclats observés étaient des éclats d’angles.
Une étude finlandaise a mis en doute l’utilisation des fillers calcaires dans des
proportions supérieures à 25 %, qui conduirait à un écaillage systématique. Cette
tendance n’a pas été observée dans l’étude française [FEU 06]. En effet, des tests
avec des teneurs supérieures (allant jusqu’à 43 %) ont été réalisés : des dégrada-
tions plus importantes qu’avec la teneur de 11 % ont été observées mais elles res-
tent dans des proportions identiques à celles observées avec les autres additions
dosées à 11 %, sans mettre à nu les armatures. L’utilisation de filler calcaire dans
les proportions habituelles n’est donc pas contre-indiquée vis-à-vis du comporte-
ment au feu ; elle tendrait même à améliorer ce dernier.
En ce qui concerne l’utilisation de fumée de silice, Hertz [HER 05] a testé un bé-
ton à hautes performances avec différentes teneurs en cette addition (0 %, 5 %,
10 % et 15 %) et avec différentes teneurs en eau. Il arrive à la conclusion que les
bétons avec fumées de silice et avec des teneurs en eau élevées ont une tendance
à l’écaillage plus prononcée et il propose une limite supérieure de 10 % de fumée
de silice par rapport à la masse de ciment pour éviter l’écaillage. Sarshar et Khou-
ry [SAR 93] ont trouvé que la substitution du ciment Portland par 10 % de fumée
de silice ne modifie pas le comportement du béton face aux hautes températures.
Felicetti et Gambarova [FEL 98] sont arrivés à des conclusions similaires avec
des teneurs en fumée de silice de 6,7 % et 9,7 %. Feron et al. [FER 06] signalent
que l’effet des fumées de silice peut être défavorable à cause d’une augmentation
de la compacité mais qu’il existe des cas où l’effet peut être favorable.
De manière générale, il convient de limiter à 10 % la teneur en fumée de silice
pour limiter l’écaillage du béton à hautes températures lorsqu’aucune précau-
tion n’est prise par ailleurs (par exemple ajout de fibres de polypropylène).

4.1.3. Influence des adjuvants


Peu de travaux sur le rôle spécifique des adjuvants sont disponibles dans la litté-
rature. En général les études se limitent à une comparaison entre bétons vibrés
sans adjuvant et bétons autoplaçants [BOS 03, CAR 05, FER 06].
Dans le cadre de l’étude Feu-Béton, plusieurs types de formules ont été testées :
soit pour évaluer l’impact de différents adjuvants incorporés à une même formule
de base (ce qui peut conduire à l’obtention de résistances sensiblement différen-
tes), soit pour évaluer l’impact de l’utilisation d’adjuvants pour des bétons de
même classe de résistance (ce qui peut conduire à modifier les quantités de cha-
que constituant, leur nature restant par ailleurs identique).

738
La durabilité des bétons face aux incendies

Nous présentons ici les résultats de l’étude Feu-Béton dans laquelle les types
d’adjuvants suivants ont été testés :
– un superplastifiant polycarboxylate ;
– un entraîneur d’air minéral ;
– un entraîneur d’air organique ;
– un agent de viscosité.
Pour une formule de base M60, deux types de béton ont été considérés : avec gra-
nulat siliceux Garonne et avec granulat calcaire Bathonien (plus sensible à
l’écaillage, voir § 4.1.1).
Pour le béton M60 Garonne, sont comparés :
– un béton vibré, avec superplastifiant ;
– un BAP, avec un fort dosage en filler calcaire et superplastifiant ;
– un BAP, avec un faible dosage en filler calcaire, superplastifiant et agent de
viscosité.
Pour le béton M60 Bathonien, sont comparés :
– un béton vibré, avec superplastifiant ;
– un béton vibré, avec superplastifiant et entraîneur d’air minéral ;
– un béton vibré, avec superplastifiant et entraîneur d’air organique ;
– un BAP, avec un faible dosage en filler calcaire, superplastifiant et agent de
viscosité.
4.1.3.1. Influence des adjuvants sur les résistances mécaniques
Pour cette partie de l’étude Feu-Béton le même dispositif expérimental et le même
type d’éprouvettes décrits en 4.1.1.1 ont été utilisés. Les éprouvettes pour les tests
de résistances mécaniques ont été réalisées avec les formules correspondant aux
bétons vibrés avec superplastifiant et celles des BAP avec un faible dosage en ad-
ditions calcaires, superplastifiant et agent de viscosité. Les autres formules n’ont
été testées qu’à l’écaillage.
La figure 13.23 présente les variations de la résistance à la compression en fonc-
tion de la température pour les bétons M60 vibrés et BAP testés. Les éprouvettes
ont été chargées à 20 % de leur résistance à 20 °C dès le début de l’essai et jus-
qu’au test de résistance proprement dit (température stabilisée, augmentation de
la charge jusqu’à rupture). Les valeurs extrêmes obtenues pour chaque point sont
indiquées dans le but d’évaluer la dispersion des résultats.
La figure 13.24, correspond aux résultats des tests de résistance à la traction à
chaud obtenus avec le dispositif illustré à la figure 13.8. Dans ce cas, les éprou-
vettes n’ont été confectionnées qu’avec le béton vibré Garonne et le BAP Batho-
nien avec agent de viscosité. L’analyse de ces résultats par rapport aux courbes de
référence de l’Eurocode 2, 1-2 et DTU Feu-Béton, a été déjà réalisée en 4.1.1.1.

739
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

65
60
55
50

Résistance (MPa)
45
40
35
30
M 60 Bathonien
25
20 M 60 BAP Bathonien
15 M 60 Garonne
10
M 60 BAP Garonne
5
0
0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500 550 600 650 700 750 800

Température (°C)

Figure 13.23 : influence des adjuvants - Résistance à la compression


en fonction de la température [FEU 06].

5,5
5,0
M 60 BAP Bathonien
4,5
M 60 Garonne
Résistance (MPa)

4,0
3,5
3,0
2,5
2,0
1,5
1,0
0,5
0,0
0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500 550 600 650 700 750 800

Température (°C)

Figure 13.24 : influence des adjuvants - Résistance à la traction


en fonction de la température [FEU 06]

Les évolutions avec la température des résistances à la compression et à la trac-


tion des bétons vibrés et des bétons autoplaçants adjuvantés de même résistance
initiale sont identiques.
En faisant abstraction des faibles différences dans la composition des deux types
de bétons (fondamentalement dans la teneur en fines) on peut conclure que les ad-
juvants utilisés dans cette étude pour obtenir des BAP n’ont donc pas d’influence
sur les performances mécaniques des bétons.
Bamonte et al. [BAM 07] ont trouvé la même tendance lors de l’étude de trois bé-
tons autoplaçants : un de résistance normal (NSC) et deux à hautes performances,
que l’auteur distingue entre béton à hautes performances (HPC) et à haute résis-
tance (HSC). La figure 13.25 présente les résultats trouvés dans cette étude pour
la résistance résiduelle des bétons autoplaçants (mesurée à froid après chauffe).
Les auteurs signalent que les bétons vibrés ont des comportements similaires.

740
La durabilité des bétons face aux incendies

100
NSC, Fc20 = 51 MPa
HPC, fc20 = 82 MPa
75
HSC, fc20 = 90 MPa

fcT (MPa)
50

25

0
0 200 400 600 800

Température (°C)

Figure 13.25 : valeurs résiduelles de la résistance à la compression en fonction de la


température pour bétons autoplaçants d’après Bamonte et al. [BAM 07]
Les bétons testés sont : un béton de résistance normale (NSC), un béton de hautes performances
(HPC) et un béton de haute résistance (HSC).

Dans la même étude [BAM 07], la résistance à la traction résiduelle a été égale-
ment déterminée à partir de l’essai de flexion. Les valeurs pour le béton autopla-
çant de résistance courante (NSC) ont été de 3,6 MPa à 20 °C, de 3,4 MPa à
200 °C, de 2,5 MPa à 400 °C et de 1 MPa à 600 °C, proches de celles trouvées
dans l’étude Feu-Béton.
4.1.3.2. Influence des adjuvants sur l’écaillage
Nous abordons en premier lieu l’influence des entraîneurs d’air à partir des résul-
tats obtenus [FEU 06] sur des bétons M60 avec des granulats calcaires Batho-
niens. Ces granulats ont été choisis car ils étaient plus sensibles à l’écaillage que
les autres granulats testés (voir § 4.1.1). Deux types d’entraîneurs d’air ont été uti-
lisés : l’un minéral et l’autre organique. Le même dispositif expérimental et le
même type d’éprouvettes (à la différence près d’un enrobage d’armatures de
3 cm) qui ont été décrits en 4.1.1.2 ont été utilisés pour réaliser les tests.
Le tableau 13.2 donne les caractéristiques des éclats selon le type d’entraîneur
d’air utilisé, comparées à celles des éclats d’une éprouvette sans aucun entraîneur,
et la figure 13.26 permet de visualiser l’état final des éprouvettes.
Tableau 13.2 : caractéristiques des éclats après essai d’écaillage,
selon le type d’entraîneur d’air [FEU 06].
Type d’entraîneur d’air Perte de masse par éclats (%) Épaisseur maximale des éclats (cm)
e < 5 cm (éclats d’angle)
Aucun 7,5
et e < 2 cm (éclats de surface)
1,0
Minéral e < 2 cm (éclats d’angle)
1,5

0,0
Organique e < 2 cm (éclats d’angle)
2,0
et e < 1 cm (éclats de surface)

741
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

(a) (b) (c)


Figure 13.26 : influence de l’entraîneur d’air. État final des éprouvettes
après essai d’écaillage et refroidissement [FEU 06].
L’éprouvette (a) n’a pas d’entraîneur d’air, tandis que la (b) a un entraîneur d’air minéral et la (c) un
entraîneur d’air organique.

L’utilisation d’un entraîneur d’air a une influence positive par rapport à


l’écaillage.

Dans le cas d’un béton M60, réalisé avec un granulat plus sensible à l’écaillage
(calcaire Bathonien, voir § 4.1.1) et avec un enrobage des armatures transversales
de 3 cm (facteur aussi défavorable par rapport à l’écaillage [FEU 06]), qui présen-
te des éclats localisés, l’amélioration est notable pour les deux types d’entraîneur
d’air utilisés.
Feron et al. [FER 06] mentionnent aussi que les entraîneurs d’air sont favorables
pour la prévention de l’écaillage. Des résultats similaires pour les bétons à hautes
performances ont été déjà signalés lors du programme européen HITECO
[HIT 99].
Dans ce qui suit, nous présentons l’influence sur l’écaillage des agents de visco-
sité ajoutés en plus du superplastifiant et du filler calcaire pour obtenir des bétons
autoplaçants [FEU 06]. Les tests ont été menés sur le même type d’éprouvettes et
le même dispositif expérimental que pour l’étude de l’effet des entraîneurs d’air.
Des bétons M60 avec des granulats siliceux Garonne et avec des granulats calcai-
res bathoniens ayant les caractéristiques signalées au début du paragraphe 4.1.3
ont été utilisés. La figure 13.27 présente les résultats obtenus pour les deux for-
mulations testées.

742
La durabilité des bétons face aux incendies

(a) (a2) (a3) (b1) (b2)

Figure 13.27 : influence de l’agent de viscosité. État final des éprouvettes après essai
d’écaillage et refroidissement [FEU 06].
Les bétons testés sont : un béton M 60 siliceux Garonne (a1) béton vibré, (a2) BAP à forte teneur en
filler calcaire, (a3) BAP à faible teneur en filler calcaire avec agent de viscosité ; un béton M60 calcaire
Bathonien (b1) béton vibré, (b2) BAP à faible teneur en filler calcaire avec agent de viscosité.

Au vu de ces résultats, on peut conclure que l’utilisation d’agent de viscosité peut


avoir une influence négative dans le développement de l’écaillage des bétons
quand le type de granulat est plus sensible à l’éclatement (cas du calcaire Batho-
nien).
En revanche, le comportement est pratiquement identique entre béton vibré et
autoplaçant quand ce dernier est obtenu par ajout d’une quantité importante de
filler calcaire (cas du siliceux Garonne dans la figure 13.28). On peut alors con-
clure que la tenue au feu des bétons autoplaçants dépend de la formulation utilisée
et qu’elle peut aller de « très bonne » à « défavorable » (cas (b2) de la
figure 13.27).
Nous n’avons pas trouvé d’études similaires concernant l’utilisation d’agent de
viscosité dans la littérature. En revanche, il résulte des différents travaux réalisés
en vue de l’étude du comportement des bétons autoplaçants face aux incendies
[CAR 05, FER 06, BOS 03, BAM 07, PER 04] que l’utilisation d’une formulation
adaptée conduit à un bon comportement qui peut être similaire voire meilleur que
celui du béton vibré le plus proche de sa composition.

743
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

4.2. Efficacité des fibres de polypropylène dans la prévention


de l’écaillage
Au milieu des années quatre-vingt une nouvelle catégorie de bétons s’est déve-
loppée, les bétons « à hautes performances » (BHP), appelés ainsi pour les distin-
guer des bétons « courants » (BO) utilisés jusque-là [BRA 05]. Depuis leur
développement a connu un essor qui se poursuit encore de nos jours, donnant lieu
à des nouvelles catégories : bétons à très hautes performances (BTHP), à ultra-
hautes performances (BUHP) ou encore bétons fibrés à ultra-hautes performances
(BFUP), dont la résistance à la compression est de l’ordre de 200 MPa et dont la
résistance à la traction dépasse largement les 10 MPa. Ceci a rendu possible la
réalisation de structures plus élancées, a favorisé des économies en temps d’exé-
cution et en main-d’œuvre, ce qui a provoqué leur utilisation croissante pour la
construction de bâtiments et de certains ouvrages de génie civil. Leur faible per-
méabilité les a imposés dans des ouvrages où l’étanchéité est requise. Or, cette
faible perméabilité, qui est un critère de choix pour de nombreuses applications,
peut être aussi leur talon d’Achille quand ils sont soumis au feu. On a vu au para-
graphe 3.2 qu’un des facteurs favorisant le phénomène d’éclatement ou d’écailla-
ge du béton est sa perméabilité : plus elle est faible, plus la pression de vapeur est
forte et proche de la surface chauffée.
L’incendie du tunnel sous la Manche a attiré l’attention sur la sensibilité au feu
des bétons à hautes performances tels qu’ils étaient formulés à l’époque. Des ex-
pertises réalisées [ULM 98] ont permis d’étudier les mécanismes qui ont conduit
à l’écaillage et à l’éclatement observés après incendie. Ceci a donné lieu à de
nombreux programmes de recherche nationaux et internationaux [PIM 05,
HIT 99] et à différentes études au niveau de laboratoires de recherche ou de par-
tenariats entre institutions concernées par le sujet [FEU 06] qui ont permis
d’aboutir à des formulations capables de présenter une bonne tenue au feu. Parmi
les différentes solutions proposées, la plus efficace pour les bétons sensibles à
l’écaillage est l’incorporation de fibres de polypropylène. C’est ainsi que l’Euro-
code 2, dans sa partie 1-2 (feu) [EC2 05], recommande pour les BHP l’utilisation
d’une teneur supérieure à 2 kg/m3 de fibres de polypropylène monofilaments, de
longueur supérieure au diamètre maximal des granulats (cette dernière recom-
mandation est proposée par l’annexe nationale française).
Nous présentons dans ce qui suit les résultats de l’étude Feu-Béton sur l’incorpo-
ration de fibres de polypropylène dans des bétons BTHP (M100), en les compa-
rant avec ceux d’autres travaux réalisés sur la même thématique. Dans cette étude
une première partie a été consacrée à analyser l’influence du type de fibres (mo-
nofilaments, fibrillées, fortement fibrillées), de leur géométrie (longueur, diamè-
tre) et de leur dosage. La pertinence de la recommandation des fibres

744
La durabilité des bétons face aux incendies

monofilaments de la norme européenne a été validée et il a en outre été proposé


de retenir une longueur supérieure au diamètre maximal des granulats. Sont pré-
sentés dans cette partie, les résultats obtenus avec des fibres de polypropylène
monofilaments de 18 mm de longueur et 18 µm de diamètre (Mf – L18∅18) qui
correspondent à ces dernières recommandations (formules M 100 avec granulats
de Dmax égal à 10 ou 14 mm).
4.2.1. Influence des fibres de polypropylène sur les résistances
mécaniques
Une des questions qui se posent lorsque des fibres sont incorporées à un béton est
celle de leur influence sur les résistances mécaniques du matériau. Divers auteurs
[KRE 87, BAY 02, SOF 06] ont montré que les résistances mécaniques des bétons
avec et sans fibres ne variaient pas significativement pour des dosages courants
(≤ 3 kg/m3) et pour des températures ne dépassant pas les 100 °C. Clayton et Len-
non [CLA 00], en revanche, concluent qu’il y aurait une diminution de la résis-
tance à la compression du fait de l’incorporation de 2 kg/m3 de fibres mais ils
n’ont testé que des bétons contenant 3 kg/m3 et 6 kg/m3 de fibres de polypropy-
lène.
Dans l’étude Feu-Béton, avec des dosages en fibres inférieurs ou égaux à 2 kg/m3,
les résistances à la compression à 20°C n’ont présenté aucune variation significative
par rapport à celles du béton témoin sans fibres. En outre, l’évolution de la résistance
à la compression obtenue à chaud (figure 13.28), pour un béton M100 avec des gra-
nulats siliceux Garonne et une teneur en fibres de polypropylène monofilaments (Mf
– L18∅18) de 1,2 kg/m3 se situe au-delà des valeurs indiquées dans l’Eurocode 2,1-
2 classe 3 (correspondant à C90). Notamment à 750 °C, la résistance du béton vaux
encore 50 % de sa résistance à froid, alors que la norme indique une valeur de 18 %.
Sur la figure, apparaît également la valeur résiduelle de la résistance à la compres-
sion obtenue à 450 °C, qui est supérieure à celle déterminée à chaud. Ce résultat
doit cependant être confirmé sur d’autres formules, car les données publiées jus-
qu’alors indiquent que les résistances résiduelles des bétons à hautes performan-
ces sont inférieures à celles déterminées à chaud du fait des effets du
refroidissement sur la microstructure [FIB 07]. Carré et Noumowé [CAR 05] ont
trouvé, pour des bétons vibrés ou autoplaçants à hautes performances (fc28 entre
75 et 80 MPa) avec 2 kg/m3 de fibres de polypropylène soumis à une température
de 400 °C, des valeurs de résistance à la compression résiduelle comprises entre
50 et 60 % de leur résistance à froid.

745
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Pimienta [PIM 05], lors des études réalisées pour le Projet national BHP 2000,
évoque de très bonnes performances mécaniques à chaud des BHP avec des fibres
de polypropylène. Il a testé deux BTHP M100, l’un avec 0,9 kg/m3 et l’autre avec
1,75 kg/m3 de fibres de polypropylène et les a comparé avec des bétons M100,
M75 et M30 non fibrés. La figure 13.29 illustre les résultats trouvés.

1,1
M100 Garonne fibré à 1,2 kg/m3
1,0
EC2 classe 3 - C90 MPa
0,9 M100 Garonne 1,2 kg/m3 - résistance résiduelle
0,8
0,7
fcT/fc20°C (%)

0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0,0
0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1000

Température (°C)

Figure 13.28 : influence des fibres de polypropylène sur la résistance à la compression


[FEU 06].
Résistances à la compression (valeurs relatives à la valeur à 20 °C) en fonction de la température
pour un béton M100 Garonne avec 1,2 kg/m3 de fibres de polypropylène Mf – L18 ∅18. Les données
de l’EC2 sont fournies pour comparaison.

100

M100C f = 0,9 kg/m3


75
fcT/fc20°C (%)

M100C f = 1,75 kg/m3

M30C
50
M75C

25 M75SC

M100C

0
0 100 200 300 400 500 600
Température (°C)

Figure 13.29 : influence des fibres de polypropylène sur la résistance à la compression,


d’après Pimienta [PIM 05].
Résistance à la compression (en valeurs relatives à la valeur à 20°C) en fonction de la température
pour deux bétons M100 C (calcaire) avec 0,9 et 1,75 kg/m3 de fibres de polypropylène, comparés à
des bétons M100C (calcaire), M75C (calcaire) et M75SC (silico-calcaire) et M30C (calcaire) sans fi-
bres.

746
La durabilité des bétons face aux incendies

L’incorporation de fibres de polypropylène ne dégrade pas les résistances rela-


tives en compression des BTHP à haute température. Au contraire, il apparaît
qu’à 250°C, les valeurs obtenues sont supérieures à celles de tous les bétons sans
fibres testés et à tous les bétons à hautes performances au-delà. L’utilisation de
fibres de polypropylène dans des quantités inférieures à 2 kg/m3 ne provoque
pas de diminution de résistance par rapport aux bétons sans fibres et n’influence
donc pas leur performance mécanique dans des sollicitations courantes ou sous
l’action des hautes températures.

4.2.2. Influence des fibres de polypropylène sur l’écaillage


De nombreux travaux démontrent l’efficacité des fibres de polypropylène pour la
prévention de l’écaillage à hautes températures des bétons et plus particulière-
ment des bétons à hautes performances [EC2 05]. Dorénavant les travaux de re-
cherche s’orientent plutôt vers les explications des raisons de l’action positive des
fibres de polypropylène pour éviter l’éclatement et l’écaillage des bétons
[KHO 06]. La base de l’amélioration du comportement des bétons à hautes per-
formances face aux incendies est le fait que ce type de fibres fondent à environ
170 °C et se vaporisent à environ 340 °C, ce qui provoque une augmentation de
la perméabilité du matériau permettant la réduction de la pression au sein des po-
res et diminuant ainsi le risque d’éclatement et d’écaillage (cf. § 3.1.3).
Nous présentons dans ce qui suit les résultats d’essais d’écaillage réalisés sur deux
types de béton à très hautes performances lors de l’étude [FEU 06] : un béton
M100 avec granulats siliceux Garonne et un béton M100 avec granulats calcaires
Bathoniens, avec différents dosages de fibres de polypropylène monofilaments
Mf – L18∅18. Les dosages ont été choisis inférieurs ou égaux à 2 kg/m3, dosage
minimum recommandé par l’Eurocode 2, 1-2 [EC2 05], de façon à vérifier si des
valeurs inférieures restent aussi efficaces. Pour le béton M100 Bathonien, trois
dosages de fibres de polypropylène ont été testés, dont l’un correspond à la limite
proposée dans la norme européenne : 1,2 kg/m3, 1,5 kg/m3 et 2 kg/m3, et pour la
formulation avec granulat Garonne la quantité de fibres a été de 0,9 kg/m3 et
1,2 kg/m3. La figure 13.30 présente les résultats obtenus après refroidissement.

747
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

(a1) (a2) (a3) (b1) (b2)


Figure 13.30 : efficacité des fibres de polypropylène - État final des éprouvettes
après essai d’écaillage et refroidissement [FEU 06].
Tests effectués sur des éprouvettes armées (enrobage de 3 cm des armatures transversales, voir pa-
ragraphe 4.1.1.2 pour les caractéristiques des éprouvettes) réalisées avec les bétons suivants :
– béton M100 Bathonien avec : (a1) 1,2 kg/m3, (a2) 1,5 kg/m3, (a3) 2 kg/m3 de fibres de polypropylène
Mf – L18ý18 ;
– béton M100 Garonne avec : (b1) 0,9 kg/m3, (b2) 1,2 kg/m3 de fibres de polypropylène Mf – L18ý18.
Les éclats d’angle des prismes (a) et (b), réalisés avec M100 Bathonien laissant apparaître des zones
gris foncé, ne sont apparus qu’au refroidissement.

Nous pouvons observer que, même pour la formulation plus sensible à l’écaillage
(béton M100 Bathonien), l’action des fibres de polypropylène est remarquable.
Dans le cas du M100 Garonne, dès l’addition de 0,9 kg/m3 le résultat est excellent
(ce qui est très en deçà de la limite proposée de l’Eurocode 2, 1-2 de 2 kg/m3).
L’utilisation de fibres de polypropylène monofilaments permet d’obtenir un ex-
cellent comportement vis-à-vis de l’écaillage des bétons à hautes performances.
Dans certains cas, ce résultat peut être aussi obtenu avec des dosages plus faibles
que la limite inférieure spécifiée par la norme Eurocode béton. La stabilité au
feu des ouvrages réalisés avec un béton à hautes ou très hautes performances est
donc assurée avec l’incorporation de fibres de polypropylène monofilaments
dans les dosages préconisés par l’Eurocode 2, 1-2.

Les essais réalisés dans le cadre de BHP 2000 [PIM 05] ont également indiqué
une efficacité des fibres dès de très faibles dosages comme indiqué sur la
figure 13.31. À dosage en fibres croissant, on observe une nette diminution de la
pression maximale mesurée au sein des bétons.

748
La durabilité des bétons face aux incendies

Pression maximale (MPa) 3

0
0 1 2 3

Dosage en fibres (kg/m )3

Figure 13.31 : impact du dosage en fibres polypropylène sur la pression maximale


mesurée au sein du béton [PIM 05].

Park et al. [PAR 07] ont déterminé que le volume optimal de fibres pour éviter
l’écaillage est de 0,1 % pour des BHP ayant un rapport E/L1 de 0,30 et de 0,2 %
pour des BHP avec rapport E/L de 0,25, ce qui les amène à conclure que le volume
nécessaire de fibres doit augmenter avec la résistance du béton. Des études con-
duites sur des BFUP [DEC 07, MIN 07], ayant des résistances à la compression
de l’ordre de 150 MPa, confirment d’une certaine façon cette hypothèse car la te-
neur idéale de fibres pour ces bétons est de 3 kg/m3 (environ 0,15 % en volume)
et non de 2 kg/m3 (moins de 0,1 % en volume) ou moins comme estimée dans
l’étude Feu-Béton pour des bétons moins résistants.
Les résultats obtenus par Phan [PHA 07] concernant les pressions dans les pores
en fonction de la température montrent clairement l’effet positif des fibres de po-
lypropylène monofilaments (figure 13.32). La pression dans les pores, laquelle
provoque l’écaillage explosif dans le cas du béton sans fibres (à la température de
250 °C au point de mesure), est très supérieure à celle mesurée dans le béton fibré
qui n’a pas présenté d’écaillage.

1. E/L représente ici le rapport des masses d’eau et de liant (ciment + fumée de silice).

749
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

2,5

Point d'écaillage explosif


2,0
Pression dans les pores (MPa)
Sans fibres
1,5 1,5 kg/m3 de fibres

1,0
3,0 kg/m3 de fibres

0,5

0
0 100 200 300 400 500
Température à 25 mm de la surface chauffée
Figure 13.32 : efficacité des fibres de polypropylène pour des bétons conservés dans
l’eau. Pression de vapeur en fonction de la température à 25 mm de la surface chauffée,
pour des BHP(fck 75 MPa) sans fibre, avec 1,5 kg/m3 et 3,0 kg/m3 de fibres de
polypropylène monofilaments, d’après Phan [PHA 07].
Les éprouvettes testées sont prismatiques (100 mm × 200 mm × 200 mm).

Les résultats que nous venons de présenter permettent d’assurer qu’un béton à
hautes ou très hautes performances, formulé avec des teneurs adéquates en fibres
de polypropylène monofilaments, répond parfaitement aux objectifs du dimen-
sionnement vis-à-vis de l’incendie.

5. RECOMMANDATIONS ET NORMES
La tenue au feu des structures en béton fait l’objet de recommandations et de nor-
mes spécifiques qui sont élaborées par différents organismes internationaux et na-
tionaux. Au niveau international, les normes issues des groupes de travail de
l’ISO (International Organization for Standardization) et du CEN (Comité euro-
péen de normalisation) sont la référence en ce qui concerne la conception des
structures, les essais de structure, la formulation et les spécifications des bétons,
tandis que pour les procédures d’essai « matériau », les recommandations de la
Rilem (Réunion internationale des laboratoires et experts des matériaux, systèmes
de construction et ouvrages) sont les plus répandues. En France, des commissions
de normalisation et groupes de travail sous la coordination de l’Afnor (Associa-
tion française de normalisation) rédigent des normes qui sont d’application uni-
quement sur le territoire français : annexes nationales des Eurocodes, NF DTU

750
La durabilité des bétons face aux incendies

(norme française, document technique unifié), NF ISO (norme française d’appli-


cation d’une norme ISO).
Nous présentons dans cette partie une brève revue des principales normes et re-
commandations existantes qui sont applicables aux structures béton pour assurer
leur tenue au feu et celles qui concernent la réalisation des essais pour évaluer les
propriétés des bétons face aux hautes températures.
5.1. Recommandations et normes applicables au dimensionnement
des structures en béton
Le béton est un matériau non combustible mais le dimensionnement des structu-
res en béton armé vis-à-vis du feu doit prendre en compte l’affaiblissement de sa
résistance et de celle des armatures du fait de l’échauffement des sections pendant
une sollicitation de type incendie.
Au niveau français, l’approche de sécurité incendie entre dans le cadre de la nor-
malisation dans ce domaine [EC1 07]. Ainsi les conditions d’emploi des diffé-
rents modèles de calculs, que ce soit pour la quantification de l’action thermique
ou pour la réponse mécanique des structures, sont encadrées par un arrêté éma-
nant du ministère de l’intérieur (à la date de parution de ce document, l’arrêté en
vigueur est celui de 22 mars 2004 relatif à la résistance au feu des produits, élé-
ments de construction et d’ouvrage). Dans ce contexte normatif, on distingue :
– deux niveaux d’approche possibles pour les actions thermiques :
– les incendies nominaux, qui sont définis a priori et qui forment le fonde-
ment des exigences descriptives définies par les normes propres à chaque
famille de bâtiments ou d’ouvrages,
– les scénarios d’incendie réel qui doivent être estimés en fonction de l’acti-
vité spécifique exercée dans un bâtiment ou un ouvrage particulier ;
– trois niveaux d’approche possibles pour les modèles de vérification du com-
portement au feu des structures :
– les valeurs tabulées pour lesquelles la durée de résistance au feu d’un élé-
ment structural est donnée en fonction de ses dimensions géométriques,
pour différents niveaux de chargement,
– les méthodes de calcul simplifiées faisant appel à des formules analytiques
de résolution aisée,
– les méthodes de calcul dites avancées, permettant, par exemple, de prendre
en compte l’interaction des éléments avec l’ensemble de la structure.
Les normes de références indiquées dans l’arrêté de résistance au feu sont, pour
les structures béton, le DTU Feu Béton « Méthode de prévision par le calcul du
comportement au feu de structures en béton », applicable aux bâtiments) et les
Eurocodes EN 1991-1.2 (actions) et EN 1992-1.2 (dimensionnement au feu des

751
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

structures béton). Les Eurocodes doivent être utilisés avec leur annexe nationale
dans lesquelles figurent en préambule les niveaux d’approches possibles indiqués
ci-avant.
À l’heure actuelle, les développements en terme de dimensionnement des ouvra-
ges tendent à utiliser des approches d’ingénierie de la sécurité incendie incluant
des analyses de risques, la détermination de scénarios incendie, l’étude de la pro-
pagation de la chaleur et des effluents et la détermination du comportement global
des structures (non pas un élément de structure de manière isolée mais un élément
de structure en interaction avec la structure froide environnante). Les travaux de
l’ISO TC 92 « sécurité au feu », SC4 « ingénierie de la sécurité incendie », WG 12
« structures en feu » évoluent vers des recommandations sur les performances
globales des structures en cas d’incendie (ISO/WD 24679), mais ces travaux en
cours d’élaboration ne rentrent pas à ce jour dans le cadre normatif.
5.1.1.DTU Feu-Béton
La version 1987, complétée en 1993, de la NF P 92-701 [DTU 93] correspond au
DTU FB considéré pour les bétons courants avec résistance à la compression ca-
ractéristique inférieure à 60 MPa. En 2000, le DTU FB a été amendé [DTU 00]
pour tenir compte des bétons à hautes performances avec des résistances nomina-
les comprises entre 60 et 80 MPa.
Ce DTU permet la vérification de la sécurité à partir d’un certain nombre de cal-
culs conventionnels, qui prennent en compte, notamment, une courbe convention-
nelle de montée en température (courbe ISO 834) et une baisse forfaitaire des
résistances mécaniques de l’acier d’armature et du béton en fonction des tempé-
ratures atteintes (voir courbes DTU FB des figures 13.11 et 13.14 pour les bétons
courants et 13.29 pour les BHP). Les courbes relatives au béton sont à l’intérieur
d’un fuseau de valeurs extrêmes correspondant à la dispersion des résultats de la-
boratoire qui ont servi pour leur détermination.
Outre les caractéristiques de la variation des résistances avec la température, le
DTU FB prend en compte trois critères permettant de déterminer le degré de ré-
sistance au feu des éléments de construction :
1°) la résistance mécanique du béton ;
2°) l’étanchéité aux flammes et aux gaz chauds ou inflammables ;
3°) l’isolation thermique dans le cas d’éléments séparatifs : limitation de l’échauf-
fement de la face non exposée au feu à 140 °C en moyenne ou 180 °C en un point.
Les éléments résistants au feu sont alors classés en trois catégories :
– SF (stable au feu) : le critère 1 est le seul requis ;
– PF (pare-flammes) : les critères 1 et 2 sont requis ;
– CF (coupe-feu) : les critères 1, 2 et 3 sont requis.

752
La durabilité des bétons face aux incendies

Par exemple, un élément structural PF 3h correspond à un élément qui aura la ré-


sistance et l’étanchéité nécessaires pour résister au feu conventionnel durant
3 heures.
Enfin, le DTU FB donne des règles constructives générales pour satisfaire les cri-
tères d’exigence de durée de résistance au feu des structures, ainsi que des règles
spécifiques pour chaque type d’ouvrage. Son application reste en vigueur jusqu’à
son remplacement définitif par la norme nationale transposant l’Eurocode 2, par-
tie feu (à partir de 2010).
5.1.2. Eurocode 2, partie 1-2
Parmi les 10 Eurocodes, l’EN 1992, Eurocode 2, correspond au calcul des struc-
tures en béton et sa partie 1-2 au calcul du comportement au feu. Cet Eurocode a
déjà le statut de norme nationale (NF EN 1992–1-2) et est utlisé avec son annexe
nationale.
Cette norme traite du calcul des structures en béton en situation accidentelle d’ex-
position au feu en identifiant les différences, ou les éléments supplémentaires, par
rapport au calcul à froid. De façon analogue au DTU FB, elle donne les exigences
requises pour les structures en béton pour remplir certaines fonctions lorsqu’elles
sont exposées au feu, à savoir :
– R, fonction porteuse : éviter une ruine prématurée de la structure (résistance
mécanique) ;
– E: limiter l’extension du feu, c’est-à-dire les flammes, gaz chauds et chaleur
excessive (étanchéité) ;
– I: fonction séparative, empêcher la propagation du feu en dehors des zones
concernées (isolation).
Ces exigences sont équivalentes aux critères 1,2 et 3 du DTU FB (voir § 5.1.1).
Un élément structural est directement classé par les initiales correspondant aux
exigences qui sont requises pendant une durée donnée en heures. Par exemple une
paroi porteuse doit être REI pendant une durée prédéterminée selon la destination
des locaux. L’EN 1992-1-2 donne des principes et règles d’application pour le
calcul des structures en vue de satisfaire ces exigences. Pour ce calcul, cette nor-
me considère la possibilité d’utiliser trois méthodes :
– les méthodes tabulées basées sur des données empiriques et applicables à une
analyse par élément ;
– les méthodes de calcul simplifiées basées sur des équations d’équilibre et
applicables à une analyse par élément et à une analyse d’une partie de la struc-
ture ;
– les méthodes de calcul avancées basées sur les équations de la physique et
applicables à une analyse de la structure dans son ensemble.

753
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

En ce qui concerne l’évolution des résistances mécaniques du béton avec la tem-


pérature, la partie 1-2 de l’Eurocode 2 donne aussi une courbe pour la diminution
de la résistance à la compression mais en distinguant les bétons réalisés avec des
granulats calcaires de ceux avec granulats siliceux (voir commentaires sur ce sujet
en 4.1.1.1) pour les classes de résistance inférieures ou égales à C50/60 (voir fi-
gure 13.11). Pour ces mêmes classes de résistance, la courbe unique de résistance
à la traction correspond avec celle du DTU FB (voir figure 13.14).
Pour les bétons de classes de résistance supérieures à C50/60 et jusqu’à C90/105
l’Eurocode 2 a un chapitre spécifique (section 6). Concernant l’évolution des ré-
sistances avec la température, cette norme semble plutôt conservatrice au vu des
différents résultats exposés dans la littérature, notamment lorsque les bétons sont
additionnés de fibres de polypropylène (voir figure 13.28). Enfin, pour la prévi-
sion de l’écaillage, plusieurs possibilités sont données parmi lesquelles est cité
l’ajout de fibres de polypropylène (monofilament de longueur supérieure au dia-
mètre maximal des granulats comme proposé par l’annexe nationale française de
l’EC 2 partie 1.2).
5.2. Recommandations et normes concernant les essais
Pour pouvoir évaluer les propriétés des bétons liées à leur tenue au feu, divers or-
ganismes, internationaux ont élaboré des recommandations ou des normes pour
la réalisation des essais correspondants. Les recommandations de la Rilem sont
les plus utilisées et référencées dans les divers travaux sur le sujet du comporte-
ment des bétons aux hautes températures. Elles sont suivies, au niveau européen,
par celles issues du CEN TC 127. Enfin, parmi les nombreux travaux effectués
par les groupes de travail de l’ISO, nous ne citerons ici que les normes d’essais
pouvant apporter un éclairage différent de celles élaborées au niveau européen,
l’orientation actuelle étant de privilégier l’adoption au niveau français de normes
issues du CEN.
5.2.1. Recommandations de la Rilem
La Rilem recommande la mesure de différentes propriétés du béton à hautes tem-
pératures et des procédures de mesure. Les propriétés retenues sont les suivantes
: relation contrainte-déformation, résistance en compression, résistance en trac-
tion, module d’élasticité, déformation thermique, fluage transitoire, fluage sous
température maintenue, retrait sous température maintenue, contrainte sous dé-
formation imposée et relaxation [RIL 95 à 07c].
Les résultats des essais à hautes températures dépendent plus particulièrement des
conditions d’essais suivantes :
– - le régime de chauffage. Le tableau 13.3 présente les essais qui doivent être
réalisés à température constante et ceux qui doivent l’être en régime transitoire ;

754
La durabilité des bétons face aux incendies

– l’ordre dans lequel sont appliquées la charge et la température. Par exemple, le


fluage sous température constante est différent s’il provient de spécimens chauf-
fés avant chargement ou de spécimens chargés avant le chauffage. Le
tableau 13.3 présente les conditions à respecter pour la mesure de certaines
caractéristiques sensibles au chargement mécanique ;
– certaines propriétés sont déterminées à chaud ou à température ambiante après
chauffage et refroidissement (ces derniers sont désignés comme propriétés rési-
duelles). Dans les deux cas les résultats ne sont pas identiques ;
– les variations d’humidité durant l’essai influencent le comportement du maté-
riau. Les recommandations Rilem ont sélectionné deux conditions aux limites
représentant les cas extrêmes rencontrés dans les structures : béton libre de
sécher et béton confiné par une barrière étanche (cas des parois très épaisses).
Pour obtenir des résultats reproductibles, il est conseillé de bien contrôler la cure
du béton et l’état d’humidité initial.
Tableau 13.3 : procédures d’essais recommandées et régime thermique correspondant
selon les recommandations de la Rilem.
Régimes de chauffage
Commentaires
Température constante Régime transitoire
Relation contrainte-
– –
déformation
Résistance
– –
en compression

Résistance en traction – –

Module d’élasticité – –

Retrait thermique Déformation thermique Variation de déformation sans charge externe

Fluage Fluage transitoire Variation de déformation, sous contrainte constante

Contrainte à Variation de contrainte, sous déformation


Relaxation
déformation maintenue maintenue constante

5.2.2. Recommandations du CEN TC 127


Le CEN TC 127 est un comité technique horizontal dont le travail consiste à déve-
lopper des méthodes générales d’essais relatives au feu qui sont ensuite référen-
cées par d’autres comités techniques du CEN responsables de la normalisation de
produits de construction qui requièrent des performances particulières vis-à-vis du
feu. Outre les essais spécifiques à des éléments du type poutres, planchers, murs…
le CEN TC 127 a également été chargé d’établir des recommandations générales
sur les essais de résistance au feu mais aussi sur les fours d’essais eux-mêmes.

755
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

La liste suivante récapitule de façon non exhaustive des recommandations et nor-


mes réalisées au sein de ce groupe et touchant plus particulièrement les structures
en béton.
CEN/TS 13381-1 (2005) – Test methods for determining the contribution to the
fire resistance of structural members. Part 1: “Horizontal protective membranes
n° 89/106/EEC”.
CEN/TS 1511 (2005) – Guidance on direct and extended application.
EN 13501-(2007) – Fire classification of construction products and building
elements. Part 2: Classification using data from fire resistance tests, excluding
ventilation services.
EN 13501-5 (2005) – Fire classification of construction products and building
elements. Part 5: “Classification using data from external fire exposure to roofs
tests N° 89/106/EEC”.
EN 1363-1 (1999) – Fire resistance tests. Part 1: “General requirements n° 89/
106/EEC”.
EN 1363-2 (1999) – Fire resistance tests. Part 2: “Alternative and additional
procedures n° 89/106/EE”.
EN 1364-1 (1999) – Fire resistance tests for non-loadbearing elements. Part 1:
“Walls n° 89/106/EEC”.
EN 1364-2 (1999) – Fire resistance tests for non-loadbearing elements. Part 2:
“Ceilings n° 89/106/EEC”.
EN 1365-1 (1999) – Fire resistance tests for loadbearing elements. Part 1:
“Walls n° 89/106/EEC”.
EN 1365-2 (1999) – Fire resistance tests for loadbearing elements. Part 2:
“Floors and roofs n° 89/106/EEC”.
EN 1365-3 (1999) – Fire resistance tests for loadbearing elements. Part 3:
“Beams n° 89/106/EEC”.
EN 1365-4 (1999) – Fire resistance tests for loadbearing elements. Part 4: “Co-
lumns n° 89/106/EEC”.
EN 1365-5 (2004) – Fire resistance tests for loadbearing elements. Part 5:
“Balconies and walkways n° 89/106/EEC”.
EN 1365-6 (2004) – Fire resistance tests for loadbearing elements. Part 6:
“Stairs n° 89/106/EEC”.
ENV 13381-3 (2002) – Test methods for determining the contribution to the fire
resistance of structural members. Part 3: “Applied protection to concrete mem-
bers n° 89/106/EEC”.
ENV 1363-3 (1998) – Fire resistance tests. Part 3: “Verification of furnace per-
formance”.

756
La durabilité des bétons face aux incendies

Les projets de normes suivants sont en cours d’élaboration au moment de l’édition


de ce livre (début 2008) :
prEN 15080-8 – Extended application of results from fire resistance tests.
Part 8: “Beams n° 89/106/EEC”. Under Approval 2008-04.
prEN 15254-2 – Extended application of results from fire resistance tests - Non-
loadbearing walls. Part 2: “Masonry and Gypsum Blocks n° 89/106/EEC”.
Under Approval 2008-06.
prEN 15080-12 – Extended application of results from fire resistance tests.
Part 12: “Loadbearing Masonry Walls n° 89/106/EEC”. Under Approval 2009-
04.
prEN 15080-13 – Extended application of results from fire resistance tests.
Part 13: “Load bearing columns n° 89/106/EEC”. Under Development 2010-
01.
prEN 15725 – Extended application reports on the fire performance of cons-
truction products and building elements. Under Approval 2009-10.
5.2.3. Normes ISO
Les normes d’essais sont notamment élaborées au sein du sous-comité 2 Fire con-
tainment du comité technique 92 Fire Safety.Une liste non exhaustive des normes
pouvant être utilisées dans le cadre d’ouvrages béton est donnée ci-après :
ISO 834-1 (1999) – Essai de résistance au feu - Éléments de construction.
Partie 1 : « Exigences générales ».
ISO 834-4 (2000) – Essais de résistance au feu - Éléments de construction. Par-
tie 4 : « Exigences spécifiques relatives aux éléments porteurs verticaux de
séparation » ; Partie 6 : « Exigences spécifiques relatives aux poutres » ;
Partie 7 : « Exigences spécifiques relatives aux poteaux ».
ISO/TR 10158 (1991) – Principes et analyse servant de base aux méthodes de
calcul portant sur la résistance au feu des éléments structuraux.
ISO/TR 12470 (1998) – Essais de résistance au feu - Recommandations pour
l’application et l’extrapolation des résultats.
ISO/TR 15655 (2003) – Résistance au feu - Essais des propriétés thermophysi-
ques et mécaniques des matériaux aux températures élevées pour la conception
de l’ingénierie contre l’incendie.
ISO/CD TR 15658 – Essais de résistance au feu - Guide pour la conception et
la conduite d’essais et de simulations à large échelle non basés sur les fours.
ISO/TR 22898 (2006) – Examen des résultats des essais d’endiguement du feu
pour les bâtiments, dans le contexte de l’ingénierie de sécurité.

757
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

6. CONCLUSION
La très longue durée de vie des ouvrages en béton impose de ne pas négliger l’oc-
currence d’un incendie.
La longue antériorité historique du matériau béton témoigne de son très bon com-
portement face à des incendies. Toutefois, certains incidents récents, conjugués
au caractère de plus en plus protéiforme des types de béton justifient la validation
scientifique de la tenue au feu des bétons.
L’utilisation de formulations nouvelles de bétons dans les structures a nécessité
une analyse plus détaillée des performances des bétons face aux incendies. Le
présent chapitre illustre tout d’abord la nature des dégradations constatées sur le
béton en présence d’incendie, ainsi que les phénomènes qui sont à l’origine de ces
dégradations.
Ces phénomènes, la plupart du temps irréversibles, sont d’autant plus complexes
qu’ils se déroulent progressivement et mettent en jeux différentes transformations
physico-chimiques.
Les recherches permettent de mieux comprendre l’influence des différents cons-
tituants du béton. Notamment, une étude française de référence, intitulée « étude
feu-béton » menée en partenariat avec l’ensemble des intervenants concernés a
conduit aux principales conclusions suivantes :
– sur les résistances, il apparaît que toutes les formules testées sont bien en cohé-
rence avec les valeurs retenues dans la norme NF EN 1992-1-2 et que l’évolution
des performances mécaniques avec la température est similaire pour tous les gra-
nulats utilisés et pour tous les types de béton étudiés. De plus, les résistances à la
compression des bétons à très hautes performances contenant des fibres de poly-
propylène sont supérieures à celles données par la norme NF EN 1992-1-2 pour
la classe 3 ;
– sur l’écaillage, les effets bénéfiques des entraîneurs d’air et encore plus des
fibres de polypropylène (à un dosage de 2 kg/m3) ont été mis en évidence.
Concepteurs et constructeurs disposent d’une palette de solutions techniques leur
permettant d’optimiser leurs structures en conformité avec les normes et règle-
ments en vigueur.

758
La durabilité des bétons face aux incendies

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Retour au sommaire Fermer 765


CHAPITRE 14

La durabilité des bétons


d’aluminates de calcium
H. FRYDA, F. SAUCIER, S. LAMBERET, K. SCRIVENER, D. GUINOT

Résumé
Les ciments d’aluminates de calcium offrent de bonnes solutions pour réaliser
des bétons résistant à des conditions extrêmes. C’est le cas des abrasions fortes,
des corrosions acides, bactériennes ou par l’eau de mer, des températures éle-
vées et cycles thermiques et hydriques importants, de l’action du gel-dégel, ou
encore de combinaisons de ces agressions. La bonne résistance de ces ciments
aux agressions chimiques est surtout liée à leur faible basicité, leur hydratation
ne libérant pas de portlandite, ainsi qu’à la formation d’alumine hydratée stable
jusqu’à des pH relativement acides (3 à 4). Ces ciments permettent aussi une
mise en service extrêmement rapide des ouvrages, grâce à une hydratation par-
ticulière dont le mécanisme est aujourd’hui bien compris et bien documenté. Le
mode d’emploi de ces ciments est très proche de celui des ciments Portland et,
moyennant quelques précautions particulières, permet de résoudre de nombreux
problèmes spécifiques de durabilité. La principale précaution est de prendre en
compte le phénomène de conversion en modérant le dosage en eau (usuelle-
ment E/C ≤ 0,40) tout en vérifiant que les propriétés du matériau après conversion
(notamment la résistance mécanique) satisfont les exigences de durabilité de
l’ouvrage. La norme européenne EN 14647 couvre les ciments d’aluminates de
calcium destinés à la fabrication de bétons pour la construction.
Mots-clés
ABRASION, ACIDE, ADJUVANT, ALUMINATE DE CALCIUM, ALUMINEUX, BASE, CIMENT, CONVER-
SION, CORROSION, CYCLE THERMIQUE, EAU DE MER, EAU PURE, ÉROSION, GRANULAT, SEL.

767
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

1. INTRODUCTION
1.1. L’apport des ciments d’aluminates de calcium,
compléments du ciment Portland
Aujourd’hui, les principales applications des ciments d’aluminates de calcium
(CAC) sont les bétons réfractaires, la formulation de mortiers prêts à l’emploi ain-
si que l’accélération du ciment Portland pour les petits travaux de scellement.
En parallèle, les bétons à base de ciment d’aluminates de calcium continuent à
être utilisés dans une large gamme d’applications spéciales où leur rapidité de
durcissement et de séchage ainsi que leur durabilité sont jugées supérieures à cel-
les du béton de ciment Portland. À titre d’exemple, on mentionnera les réparations
rapides, les sols péri-réfractaires et d’industries chimiques, la protection des ré-
seaux d’égouts, ou encore le renforcement des zones soumises à des abrasions in-
tenses dans les ouvrages hydrauliques ou les mines.
L’étude de la durabilité de ces bétons nécessite :
– d’une part, de bien connaître les spécificités de la chimie des ciments alumi-
neux afin de comprendre leur comportement face aux différents environnements
agressifs ;
– d’autre part, parce qu’on utilise souvent ces bétons comme protection dans des
environnements sévères, voire extrêmes, de faire appel à des méthodes spéciales
pour la caractérisation de leur durabilité.
1.2. Un ciment inventé pour améliorer la résistance aux sulfates
L’invention des ciments alumineux, au début du XXe siècle, s’explique par la vo-
lonté d’améliorer la durabilité des ouvrages exposés aux sols chargés en sulfates.
Il était, en effet, déjà établi que la faible résistance des mortiers et bétons de ci-
ment Portland aux milieux agressifs acides s’expliquait en grande partie par le ca-
ractère très basique de ce ciment et de ses hydrates (voir chapitres 2 et 12).
On peut considérer que les ciments résultent en général de la combinaison d’une
base, la chaux, et d’oxydes acides ou amphotères comme la silice, l’alumine ou
les oxydes de fer. Il est ainsi possible d’évaluer le caractère basique d’un ciment
par le rapport pondéral oxydes acides/oxydes basiques, ou [(SiO2)+ (AI2O3) +
(Fe2O3)]/[(CaO) + (MgO)].
Ce rapport est nettement inférieur à 1 dans les ciments Portland dont l’hydratation
conduit à la libération d’un excès de chaux hydratée Ca(OH)2 ou portlandite, sus-
ceptible d’être directement attaquée par les acides. En 1847, Vicat émet l’idée
qu’un ciment dans lequel le rapport « oxydes acides »/« oxydes basiques » serait
supérieur à 1, résisterait à l’action des sulfates. Au début du XXe siècle, Bied, di-

768
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

recteur du laboratoire de la Société Pavin de Lafarge, reprend cette idée et aboutit


en 1908 à un premier ciment alumineux obtenu par fusion d’un mélange de bau-
xite et de calcaire, commercialisé sous le nom Ciment Fondu®1.
Ce ciment possède ainsi une basicité plus faible que le ciment Portland. Le cons-
tituant principal, l’aluminate monocalcique CaO.Al2O3 (CA en notation cimen-
tière) ayant un rapport pondéral oxydes acides/oxydes basiques supérieur à 1,
l’hydratation ne conduit pas à la libération de portlandite. L’utilisation du ciment
alumineux a bien confirmé sa bonne résistance aux sulfates, ainsi qu’aux solu-
tions acides. De plus, ce ciment possède :
– une grande vitesse d’acquisition des résistances mécaniques ;
– une bonne aptitude au bétonnage par temps froid ;
– un caractère réfractaire jusqu’à 1100 °C environ ;
– une bonne résistance à l’abrasion.
Le constituant principal des CAC est l’aluminate monocalcique CaO.Al2O3 (CA
en notation cimentière). Ces ciments ayant un rapport pondéral oxydes acides/
oxydes basiques supérieur à 1, l’hydratation ne conduit pas à la libération de
portlandite.
On découvrit par la suite que l’augmentation de la teneur en alumine, jusqu’à
80 %, permet d’augmenter sensiblement le caractère réfractaire. Il est ainsi possi-
ble de réaliser des bétons résistant jusqu’à 2000 °C en utilisant des granulats
d’alumine tabulaires.
1.3. Deux procédés industriels pour couvrir une très large plage
de compositions
Le premier ciment alumineux, qui contenait environ 40 % d’alumine, était produit
par fusion complète des matières premières, d’où le dépôt de l’appellation
« Ciment Fondu ». Pour améliorer le caractère réfractaire, on augmente la teneur
en alumine mais au-delà d’environ 55 % d’alumine il devient nécessaire d’utiliser
une cuisson par frittage dans un four rotatif, où la fusion n’est plus que partielle.
Le procédé de fusion se fait généralement dans un four réverbère. La bauxite et le
calcaire sont alimentés sous forme de blocs dans la section verticale du four et
descendent graduellement vers le « laboratoire » où la fusion complète, autour de
1400 °C, permet un très bon mélange des espèces minérales. Ce « bain » homo-
gène est extrait et refroidi pour obtenir le clinker, qui sera ensuite broyé pour ob-
tenir le ciment. La minéralogie du ciment découle directement de la composition

1. Ciment Fondu® est une marque déposée de Kerneos.

769
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

chimique globale des matières premières. La fusion peut aussi se faire dans un
four électrique à arc mais le rendement thermique est moindre.
Le procédé de frittage est pratiquement identique à celui utilisé pour le ciment
Portland, si ce n’est la taille réduite du four rotatif. Les matières premières, alu-
mine et calcaire, sont broyées et homogénéisées avant d’être introduites et chauf-
fées dans le four. La température requise pour la fusion partielle augmente avec
la teneur en alumine, jusqu’à 1600 °C pour un ciment à 70 % d’alumine. A la sor-
tie du four, le ciment est refroidi puis broyé.
Il est d’usage aujourd’hui de distinguer les ciments d’aluminates de calcium par
leur teneur en alumine et cette terminologie sera utilisée par la suite. Il est cepen-
dant important de noter que cette terminologie ne présume pas du rôle du pour-
centage d’alumine sur les propriétés. C’est plutôt la minéralogie et la finesse qui
sont les caractéristiques déterminantes pour l’hydratation et la durabilité.
Le tableau 14.1 et la figure 14.1 illustrent la vaste plage de compositions chimique
et minéralogique couverte par les différents ciments d’aluminates de calcium
commercialisés aujourd’hui. Une plage de composition pour les ciments Portland
est également donnée en référence pour illustrer les principales différences. Pour
la confection des bétons utilisés dans le monde de la construction, on utilise es-
sentiellement du ciment alumineux à 40 % d’alumine, comme par exemple
« Ciment Fondu ».
Tableau 14.1 : exemple de composition chimique.

Al2O3 CaO SiO2 Fe2O3 SO3

Exemples de ciments alumineux

40 % 38 % 3% 16 % < 0,5 %

50 % 38 % 3% 2% < 0,5 %
70 % 29 % 0,30 % 0,20 % < 0,5 %

80 % 19 % <0,3 % <0,2 % < 0,5 %

Plage de composition pour les ciments Portland

4à6% 62 à 67 % 20 à 23 % 3% 2à4%

770
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

SiO2 Fe2O3
Pléochroïte Spinel
(fibre)
C 2S
Gehlenite
Ferrite
(C2AS)
(C4AF)

CaO C12A7 CA CA2 CA6 Al2O3

Figure 14.1 : phases minéralogiques pouvant être présentes dans les ciments
d’aluminates de calcium.
La phase majoritaire est toujours la phase CA (CaO.Al2O3), mais selon les teneurs des autres miné-
raux, on observera une ou plusieurs des autres phases illustrées.

1.4. Un premier siècle d’histoire


L’invention du ciment alumineux en 1908 était motivée par l’amélioration de la
résistance aux sols contenant des sulfates, mais son durcissement rapide apparut
très tôt comme une propriété très utile. Dès les années 20, Lafarge commerciali-
sait son « Ciment Fondu » comme un ciment rapide permettant de gagner du
temps et il fut largement utilisé pour la construction d’ouvrages de génie civil.
Pendant la 2e guerre mondiale, il servit à la construction ou à la réparation urgente
d’affûts d’artillerie, de bunkers et autres ouvrages militaires.
Dans les années soixante, les applications réfractaires se développent et les
« bétons réfractaires monolithiques » commencent à remplacer graduellement les
briques réfractaires. Le ciment alumineux est aussi utilisé couramment pour la
préfabrication de poutres et poteaux car il permet des cycles journaliers sans étu-
vage, ce qui n’est pas possible avec les ciments Portland de l’époque. Cependant
les mécanismes d’hydratation et le phénomène de conversion des hydrates, spé-
cifiques aux aluminates de calcium, ne sont pas bien compris. Ainsi, lorsqu’une
poutre d’un toit s’écroule en Angleterre en 1973, suivi par deux autres incidents
similaires, on constate que les résistances mécaniques des éléments en service
peuvent être bien inférieures aux valeurs mesurées lors de la fabrication. Cet épi-
sode conduira d’abord à une interdiction des ciments alumineux pour la construc-
tion dans plusieurs pays puis à une progression des connaissances, des règles
d’usage et des normes. De cette époque, il demeure toujours en service en Angle-
terre plus de 50 000 bâtiments en béton d’aluminates de calcium jugés sûrs par les
autorités compétentes [BRE 94].
Depuis les années quatre-vingt, les gammes de mortiers prêts-à-l’emploi et autres
produits cimentaires formulés (autolissants, colles carrelage, etc.) ne cessent de

771
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

s’étoffer et sont devenus incontournables dans le second oeuvre. Les aluminates


de calcium sont largement utilisés comme réactif dans de nombreuses formula-
tions pour obtenir différentes propriétés (compensation de retrait, durcissement
rapide, résistance à la corrosion, etc.).
Aujourd’hui, les bétons de ciment d’aluminates de calcium continuent à être uti-
lisés dans le monde de la construction car ils apportent des propriétés difficiles
à atteindre autrement. Les progrès réalisés dans la compréhension du mécanis-
me de conversion ainsi que le respect des règles de bon usage décrites dans les
normes (dont la récente norme européenne EN 14647) permettent une utilisation
sûre et durable de ces produits dans les bétons.
Dans ce chapitre consacré aux bétons de ciments alumineux, sont présentées tout
d’abord les spécificités de l’hydratation du ciment alumineux qui expliquent en
grande partie le bon comportement de ces bétons vis-à-vis de la durabilité (§ 2).
Les changements volumétriques précoces sont ensuite abordés car leur bonne
gestion est nécessaire au contrôle de la fissuration (§ 3). Le paragraphe 4 traite
successivement des différents types de durabilité correspondant aux domaines
d’utilisation où le ciment alumineux est particulièrement performant : durabilité
en milieu chimiquement agressif, notamment en milieu acide et dans les ouvrages
d’assainissement, durabilité face aux agressions thermiques et résistance à l’abra-
sion mécanique. Les questions de durabilité face aux conditions usuelles d’expo-
sition (carbonatation, corrosion des armatures, eau de mer) sont également
abordées dans cette partie. Enfin, le contexte normatif et les règles de mise en œu-
vre spécifiques de ces ciments et des bétons sont traités dans le paragraphe 5.
Pour les autres questions techniques sortant du cadre de la durabilité, thème cen-
tral de cet ouvrage, on se reportera à d’autres références [SCR 98, CON 97].

2. HYDRATATION DES CIMENTS ALUMINEUX


ET PROPRIÉTÉS LIÉES À LA DURABILITÉ
2.2. Une hydratation rapide dès les premières heures
Les ciments d’aluminates de calcium (« CAC » dans la suite du texte) ne sont pas
des ciments à prise rapide, mais à durcissement rapide. La figure 14.2 présente
l’évolution des concentrations ioniques lors de l’hydratation de l’aluminate mo-
nocalcique CA, principale phase des ciments alumineux. La première étape est la
dissolution conduisant à l’augmentation des concentrations en chaux et en alumi-
ne de la solution. Suit une période d’induction durant laquelle le processus de nu-
cléation se déroule, les concentrations restant stables. Cette période se termine par
la précipitation massive des hydrates accompagnée d’une chute des concentra-
tions, qui conduit à la prise puis au développement de la résistance mécanique.

772
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

25
CaO
20

Concentration (mmol/l)
Al2O3
15

10

0
0 360 720 1 080 1 440

Temps (minutes)

Figure 14.2 : évolution des concentrations en chaux et en alumine lors de l’hydratation


de la phase CA en suspension à eau / solide = 10.
Après une première étape de dissolution de la chaux et de l’alumine, il y a une période dite
« dormante » durant laquelle les concentrations sont stables et qui correspond à la période de nucléa-
tion. La durée de cette période dépend de la minéralogie du CAC et de la présence de fines (filler cal-
caire par exemple) ou d’adjuvants qui peuvent aider à la nucléation. Une fois l’étape de nucléation
passée la précipitation massive est très rapide et entraîne une chute des concentrations en solution.

Contrairement au ciment Portland, pour lequel la précipitation des C-S-H se fait


préférentiellement autour des particules de ciment, la nucléation des hydrates de
CAC se produit uniformément au sein de la solution interstitielle, ce qui conduit
à une répartition homogène des hydrates dans l’espace intergranulaire. Cette dif-
férence fondamentale entre les deux types de ciment se retrouve dans la compo-
sition des solutions interstitielles. La dissolution du ciment Portland conduit à un
enrichissement initial de la solution essentiellement en chaux, la concentration en
silice restant très basse, ce qui induit la précipitation des silicates de calcium hy-
dratés C-S-H au voisinage des grains de ciment. Dans le cas des CAC, il y a dis-
solution congruente de la chaux et de l’alumine dont les niveaux de concentration
sont similaires. Contrairement aux ions silicate, les ions aluminate diffusent à lon-
gue distance dans la solution interstitielle, ce qui permet la précipitation des hy-
drates partout dans la porosité. Les particules de ciment alumineux ne sont donc
pas enrobées d’une barrière diffusionnelle qui ralentit l’hydratation : c’est la rai-
son principale de l’hydratation rapide des CAC (figure 14.3).

773
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

CAC

Résistance mécanique
Portland

heures jours

Photo en microscopie d’une suspension de


L’absence de barrière diffusionnelle autour des
ciment alumineux [LAM 01]. La précipitation
particules de CAC permet une hydratation très
massive des hydrates de CAC se fait de façon
rapide par comparaison au ciment Portland.
homogène au sein de la solution.

Figure 14.3 : l’hydratation rapide des CAC est due à l’absence de barrière diffusionnelle

Contrairement au ciment Portland pour lequel la précipitation des C-S-H se fait


préférentiellement autour des particules de ciment, la nucléation des hydrates de
CAC se produit uniformément au sein de la solution interstitielle, ce qui conduit
à une répartition homogène des hydrates dans l’espace intergranulaire. Les par-
ticules de ciment alumineux ne sont donc pas enrobées d’une barrière diffusion-
nelle qui ralentit l’hydratation : c’est la raison principale de l’hydratation
rapide des CAC (figure 14.3).
À partir de la prise, l’hydratation se poursuit très rapidement durant les 2 à 4 pre-
mières heures : pour un rapport E/C de l’ordre de 0,40, la résistance mécanique
croît d’environ 15 MPa par heure durant les deux premières heures, puis ralentit
en raison de la densification du matériau et du manque d’eau libre. Pour une pâte
à rapport E/C = 0,40, le degré d’hydratation de la phase CA peut facilement at-
teindre 80 % dès le premier jour. L’hydratation rapide conduit également à une
dessiccation endogène rapide due à l’intégration des molécules d’eau dans les ré-
seaux cristallins des hydrates. Avec un rapport E/C = 0,40 et à 80 % d’hydrata-
tion, les calculs stœchiométriques indiquent qu’il reste moins de 4 % d’eau libre
dans la pâte de ciment soit moins de 1 % dans le béton. Ceci est confirmé par des
mesures de l’eau libre par la méthode de la bombe à carbure (ou évaporation à
110 °C). Cette hydratation rapide entraîne également une forte exothermie, la
chaleur d’hydratation étant dégagée en quelques heures.

774
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

2.2. Les différents hydrates d’aluminates de calcium : le phénomène


de conversion
L’hydratation de l’aluminate monocalcique CA, qui est la phase principale des
CAC, peut conduire à quatre hydrates différents : CAH10, C2AH8, C3AH6, AH3.
Le schéma de la figure 14.4 donne les différents assemblages d’hydrates possibles
en fonction de la température, le rapport E/C stoechiométrique correspondant à
une hydratation complète de l’anhydre CA en chacun des hydrates considérés,
ainsi que le volume occupé par les hydrates pour chaque réaction.
Le tableau 14.2 donne les densités et les masses molaires. On considère en général
que l’alumine hydratée est présente sous la forme cristallisée gibbsite. En réalité
l’alumine hydratée est difficilement détectée par diffraction des rayons X au jeune
âge et apparaît au microscope comme un produit amorphe dont la densité est pro-
bablement plus faible que celle de la gibbsite.
D’un point de vue thermodynamique, le seul assemblage stable d’hydrates est
[C3AH6 + AH3]. Cependant, les hydrates métastables CAH10 et C2AH8 se for-
ment précocement car leur nucléation est plus facile, mais ils se transformeront
inévitablement pour conduire à l’assemblage stable [C3AH6+AH3]. Cette trans-
formation est connue sous le nom de « conversion ».
Les hydrates métastables sont également souvent nommés « aluminates
hexagonaux » et les hydrates stables « aluminates cubiques », en référence à leur
réseau cristallin.
Bien que les premiers hydrates formés soit les aluminates hexagonaux, le proces-
sus de nucléation de l’aluminate cubique se poursuit. Lorsque ce dernier commen-
ce à précipiter, les concentrations interstitielles en chaux et en alumine diminuent,
ce qui entraîne la dissolution progressive des aluminates hexagonaux. Ce proces-
sus se poursuit jusqu’à disparition totale des aluminates hexagonaux, à la suite de
quoi, le matériau est dans son état stable à long terme.
La densité des hydrates stables étant plus élevée que celle des hydrates métasta-
bles (tableau 14.2), le volume qu’ils occupent est plus faible : la conversion s’ac-
compagne donc d’une modification de la microstructure et d’une augmentation de
la porosité. L’eau libérée par la dissolution des aluminates hexagonaux n’est que
partiellement combinée lors de la formation des aluminates cubiques. Il reste donc
de l’eau libre disponible pour poursuivre l’hydratation des anhydres.

775
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

CAH10
Température durant l'hydratation Ti ~ < 30 °C
Froid
+ 10 H
197 cm3
E/C* = 0,80
Hydrates
[0,5C2AH8 + 0,5AH3] métastables
Ti ~ > 30 °C
+ 5,5 H
E/C*= 0,44 124 cm3
C2AH8
CA
CA Conversion

[0,33C3AH6 + 0,66AH3] C3AH6


Ti ~ > 70 °C
Chaud

+4H
E/C* = 0,32 93 cm 3

Hydrates
stables

[0,5C2ASH8 + 0,5AH3]
+ SiO2 + 5,7 H
E/C* = 0,45 140 cm3

Réactions de conversion
3CAH10 C3AH6 + 2AH3 + 18H L'eau libérée lors de la conversion
3C2AH8 2C3AH6 + AH3 + 9H est consommée par l'anhydre résiduel.

Figure 14.4 : les différents assemblages d’hydrates et le phénomène de conversion.


La conversion entraîne une réduction du volume occupé par les hydrates. E/C* = rapport eau / ciment
pour une hydratation totale en considérant un ciment alumineux contenant 70 % de la phase CA (le
reste étant considéré comme inerte). Les volumes indiqués sont ceux occupés par les hydrates issus
des réactions considérées.

Tableau 14.2 : densité et masse molaire des aluminates de calcium.

CA CAH10 C2AH8 C3AH6 AH3* C2ASH8 H

Masse molaire (g/mol) 158 338 358 378 65 418 18


3 53 197 183 150 156 216 18
Volume molaire (cm /mol)

Densité 2,98 1,72 1,95 2,52 2,4 1,94 1

* Il s’agit ici des valeurs correspondant à la forme cristallisée gibbsite.

La principale conséquence pratique de ces transformations est une réduction de la


résistance mécanique lors de la conversion. C’est pourquoi, seule la résistance
mécanique après conversion doit être prise en compte lors de la conception des
ouvrages.
La chute de résistance mécanique est due à l’augmentation de la porosité du ma-
tériau et non à la différence de résistance intrinsèque des hydrates eux-mêmes. En
effet, à porosité égale, la résistance mécanique est supérieure avec les hydrates
stables. Le niveau de résistance mécanique obtenu avec les ciments alumineux dé-

776
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

pend donc, comme pour le ciment Portland, du rapport E/C, mais également de
l’état de conversion du système (figure 14.5).
La principale conséquence pratique de la conversion est une réduction de la ré-
sistance mécanique due à l’augmentation de la porosité du matériau et non à la
différence de résistance intrinsèque des hydrates eux-mêmes. Seule la résistance
mécanique après conversion doit être prise en compte lors de la conception des
ouvrages.

100
[GEO 90] - Avant conversion
90 [GEO 90] - Après conversion
Résistance à la compression sur cubes (MPa)

[NEV 81] - Avant conversion


80 [NEV 81] - Après conversion
[ROB 82] - Avant conversion
70 [ROB 82] - Après conversion
[COL 88] - Avant conversion
60 [COL 88] - Après conversion

50

40

30

20

10

0
0,25 0,35 0,45 0,55 0,65 0,75 0,85
Eau totale/ciment

Figure 14.5 : résistance mécanique en compression d’un béton de ciment alumineux


en fonction du rapport E/C [GEO 90, NEV 81, ROB 62, COL 85].
Comme pour tout liant hydraulique, la résistance diminue lorsque le rapport E/C augmente. Dans le cas
des CAC, les résistances avant et après conversion n’évoluent pas de la même façon avec le rapport
E/C. Seule la résistance mécanique après conversion doit être retenue pour le calcul des ouvrages.

D’un point de vue cinétique, la vitesse de conversion dépend essentiellement de


la température et de l’humidité. La conversion peut avoir lieu durant les premières
heures de durcissement pour un béton dont l’auto-échauffement conduit à une
température interne suffisamment élevée (voir exemples sur la figure 14.18),
comme elle peut prendre plusieurs années pour un béton à faible échauffement qui
restera dans une ambiance tempérée et sèche. Il est donc difficile de prévoir a
priori l’échéance de conversion. Le praticien retiendra donc que la conception
d’un ouvrage utilisant un béton de CAC doit prendre en compte une valeur de ré-
sistance après conversion. La détermination de cette résistance est possible au la-
boratoire en quelques jours en accélérant la conversion par immersion du béton
dans de l’eau chaude (40 à 50 °C).

777
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

La figure 14.6 présentant l’évolution des résistances mécaniques en fonction de


l’âge du béton pour différentes températures de cure, illustre ces propos.

Résistance à la compression sur cube (MPa)


100

90
30 °C
80

70

60 38 °C
50 50 °C

40

30 80 °C 30 °C
38 °C
20
50 °C
10 80 °C
0
0,001 0,01 0,1 1 10 100 1 000
Âge (jours)

Figure 14.6 : évolution de la résistance en compression d’un béton de Ciment Fondu


à rapport E/C = 0,40 selon la température de cure (cure isotherme sous eau,
immersion avant la prise).
Ces données, obtenues en condition isotherme, montrent que la conversion est d’autant plus rapide
que la température de cure est élevée. C’est cette accélération du phénomène par la température qui
est utilisée pour évaluer en laboratoire la résistance mécanique après conversion. Le même effet de
la température existe dans les ouvrages par le biais de l’autoéchauffement : selon l’histoire thermique
le degré de conversion sera plus ou moins avancé. Par exemple dans un ouvrage où la température
d’autoéchauffement dépasse les 70 °C la conversion sera pratiquement achevée à la mise en service.

La conversion n’est pas associée à un retrait macroscopique du matériau : elle


n’engendre ni contrainte interne ni fissuration. Certes, le bilan volumique global
de la transformation des hydrates correspond bien à une réduction du volume
occupé par les hydrates. Mais cette transformation opère en réalité suivant un
processus de dissolution/précipitation avec reconstruction de la microstructure
au niveau local. En réalité, la conversion conduit plutôt à une réduction du re-
trait par augmentation de la taille des pores et libération d’eau libre.

De façon à conserver un niveau de résistance correct après conversion, il a été his-


toriquement recommandé de limiter le rapport E/C à 0,40 pour la confection des
bétons de CAC. Cette limite permet de conserver une réserve de ciment anhydre
puisque le rapport E/C au dessus duquel il ne reste plus d’anhydre avant conver-
sion se situe vers 0,44 (figure 14.4, hydratation en C2AH8 + AH3). Les hydrates
stables contenant moins d’eau que les hydrates métastables, la conversion entraî-
ne la libération d’eau. Cette eau permet une hydratation de la réserve d’anhydres,
compensant ainsi la création de porosité liée à la conversion et réduisant l’impact
de celle-ci. Une fois la conversion entamée, les anhydres réagissant avec l’eau li-

778
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

bérée forment directement les hydrates cubiques puisqu’il s’agit de la forme ther-
modynamiquement stable et que l’étape de nucléation a désormais été franchie.
2.3. Un bilan volumique plus favorable en présence de silice réactive
En présence de silice soluble, un autre hydrate stable est susceptible de se former:
la géhlénite hydratée ou strätlingite C2ASH8. Tout comme C3AH6, la nucléation
de ce composé est relativement difficile, si bien que les premiers hydrates qui se
forment sont toujours les hydrates métastables. En revanche, sa densité étant plus
faible que celle de C3AH6, sa formation réduit considérablement l’impact de la
conversion sur la porosité. Les ciments alumineux contiennent assez peu de silice
(~ 5 %), mais l’ajout de laitier, de fumée de silice ou d’autres sources de silice
réactive est susceptible de conduire à la formation de cette phase.
2.4. De nombreuses interactions possibles
Les aluminates de calcium peuvent conduire à différents types d’hydrates par in-
teraction avec d’autres composants.
Il existe une famille d’hydrates souvent nommée famille des phases AFm dans le
langage de la chimie des ciments. Il s’agit de phases dont le réseau cristallin est
caractérisé par l’empilement de feuillets composés de calcium et d’aluminium, et
d’espaces interfeuillets pouvant accueillir un grand nombre d’anions minéraux
tels que les sulfates, les phosphates, les nitrates, les chlorures, les carbonates, mais
aussi des molécules organiques. Par exemple, dans le cas des sulfates, il s’agit de
la phase monosulfoaluminate de calcium: 3CaO.Al2O3.CaSO4.12H2O. Dans le
cas spécifique des sulfates, il peut également se former des phases AFt telle que
l’ettringite 3CaO.Al2O3.3CaSO4.32H2O dont la structure cristalline est différente
de celle de la famille des AFm (voir le chapitre 2).
Ces interactions sont très souvent exploitées dans le domaine des mortiers prêts à
l’emploi où l’hydratation combinée des ciments alumineux avec d’autres liants
tels le ciment Portland ou le plâtre permet l’obtention de propriétés spécifiques
telles qu’une prise, un durcissement et un séchage rapides, ou encore la compen-
sation du retrait.
Une autre exploitation possible de ces interactions est le traitement de déchets où
ces mélanges de liants permettent un piégeage chimique des composés nocifs par
les phases AFt ou AFm [AUE 95].
Un autre type d’interaction possible est la réaction du ciment alumineux avec des
silices réactives qui peut, sous certaines conditions, conduire à la formation de
phases de type zéolite. Ces phases se caractérisent par un squelette aluminosilica-
te en trois dimensions avec l’existence de canaux pouvant accueillir différents ca-

779
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

tions. Ainsi, il a été montré que ce type de phase pouvait piéger très efficacement
le césium [FRY 95, BAG 98] aussi bien à froid qu’après un traitement thermique
de céramisation, alors que cet élément est réputé non piégeable par les hydrates
de ciment Portland.
D’autres propriétés comme la résistance aux acides ou la capacité à durcir en pré-
sence de certains déchets font du ciment alumineux une alternative envisageable
pour l’industrie de traitements des déchets.
2.5. Structure poreuse des ciments d’aluminates de calcium hydratés
Comme pour tout liant hydraulique, la porosité d’une pâte de CAC dépend du rap-
port eau/ciment. Mais dans le cas des CAC, elle dépend également fortement de
l’assemblage des hydrates en présence.
La figure 14.7 illustre la relation entre porosité et rapport E/C, selon le type de
cure et d’hydrates formés. Elle montre l’accroissement de porosité entre l’état
« non converti » et l’état « converti », accroissement responsable de la diminution
de résistance mécanique.
On voit bien sur cette figure qu’il n’est pas possible de prévoir les propriétés du
matériau converti uniquement à partir de celles du matériau non converti, et ce
pour deux raisons :
– l’accroissement de porosité dépend du rapport E/C. Par exemple, lors de la
transformation de CAH10 en [C3AH6 + AH3], la porosité passe de 10 % à 20 %
pour le rapport E/C = 0,30, soit un doublement ; elle passe de 11 % à 30 % pour
le rapport E/C = 0,40, soit un triplement. Les accroissements différents de poro-
sité en fonction du rapport E/C sont dus aux différences de rapport E/C critiques
entre ces deux assemblages d’hydrates ;
– il existe deux états non convertis : CAH10 ou [C2AH8 + AH3] dont les porosi-
tés sont respectivement de 15 % et de 23 % à rapport E/C = 0,50, alors que la
porosité est d’environ 40 % à l’état converti.
On ne peut donc appliquer un facteur correctif unique qui permettrait de prévoir
l’état après conversion en partant de l’état avant conversion. Finalement, comme
on le voit à la figure 14.7, la relation porosité-rapport E/C d’un CAC encadre celle
d’un ciment Portland selon l’état d’hydratation ; à même rapport E/C, la porosité
d’un CAC est plus faible avant conversion et plus élevée après.

780
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

Calcul théorique hydratation en C3AH6 + AH3


7 j 70 °C [COT 70]
7 j 70 °C [CAP 94]
Calcul théorique hydratation en C2AH8 + AH3
50 %
( )

Calcul théorique hydratation en CAH10


45 % 7 j 10 °C [COT 70]
7 j 10 °C [CAP 94]
40 %
Ciment Portland [TAY 91]
35 %
30 %
p

25 %
20 %
15 %
10 %
5%
0,2 0,25 0,3 0,35 0,4 0,45 0,5 0,55 0,6 0,65
Eau/ciment
Figure 14.7 : porosité mesurée sur pâte de ciment [COT 70, CAP 94, TAY 91].
Les courbes correspondent à un calcul théorique (données du tableau 14.2) en considérant que le
ciment contienne 70 % de phase CA estimée être la seule phase réactive. Lorsque le rapport E/C est
inférieur au rapport E/C critique, le degré d’hydratation de la phase CA est arrêté à la valeur qui cor-
respond à la consommation totale de l’eau libre ; au-dessus il est égal à 100 % (suffisamment d’eau
pour hydrater tout le CA). 7j à 10 °C → hydratation en CAH10 / 7j à 70 °C → hydratation en
C3AH6+AH3.

La figure 14.8 illustre l’effet de la conversion sur la taille des pores pour un rap-
port E/C = 0,40. Une hydratation à 20 °C conduit à la formation de CAH10. Avec
un rapport E/C = 0,40, bien inférieur au rapport E/C critique pour cet hydrate,
l’essentiel des vides a été comblé par les hydrates, et la porosité capillaire corres-
pondant aux pores entre 100 et 1000 nm (0,1 à 1 µm), est très faible. Une cure à
50 °C conduit à la formation de C3AH6 + AH3. Le rapport E/C de 0,4 étant supé-
rieur au rapport E/C critique de ces hydrates, il y a création d’une porosité capil-
laire. Celle-ci devient majoritaire car la porosité intrinsèque des hydrates de CAC
convertis est très faible (hydrates très denses).

781
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

0,12
Converti
24 h 50 °C
0,1
Non converti
24 h 20 °C
0,08

Volume (cm3/g)
0,06

0,04

0,02

0
1 10 100 1 000 10 000
Taille des pores (nm)

Figure 14.8 : répartition de la taille des pores d’une pâte de Ciment Fondu gâchée
avec un rapport E/C = 0,40.
Mesures au porosimètre à mercure. La conversion entraîne non seulement une augmentation de la
porosité, mais également une augmentation importante de la taille des pores.

Indépendamment de la porosité, la perméabilité est évidemment une grandeur clé


vis-à-vis de la durabilité. Le tableau 14.3 présente des valeurs de perméabilité à
l’oxygène de bétons de CAC. Pour les deux premières références, les données ont
été obtenues à partir d’éprouvettes de bétons réalisées en laboratoire. Dans les autres
cas, elles sont issues de mesures effectuées sur des carottes prélevées sur des ouvra-
ges anciens, de 28 à 70 ans d’âge, ce qui explique les rapports E/C relativement éle-
vés utilisés à l’époque. La perméabilité est très variable, de 1 à 3000.10–18 m2,
reflétant la large plage des rapports E/C (de 0,32 à 0,70).
Les observations réalisées sur ces ouvrages ont permis de mettre en évidence sur
la plupart de ceux-ci, l’existence d’un gradient de perméabilité entre le cœur et la
peau (les 50 premiers mm), cette dernière étant moins perméable. Deux explica-
tions sont proposées:
• il était d’usage à l’époque d’arroser les surfaces des bétons de CAC en guise de
cure. L’autoéchauffement des bétons de CAC étant important du fait de l’hydra-
tation rapide, le cœur d’un ouvrage relativement massif (épaisseur > 50 cm) peut
atteindre 70 à 80 °C durant les premières 24 heures, l’hydratation conduisant
alors directement à une conversion totale. Le refroidissement de la surface con-
serve une peau non convertie ou partiellement convertie, avec une porosité et
une perméabilité plus faible qu’au cœur du matériau. Ce gradient d’hydratation a
été observé par analyse microstructurale de certaines carottes. C’est probable-
ment cet effet que l’on peut constater en comparant les résultats du cas 7 de
l’étude BRE 1998 : l’aspersion par de l’eau froide de la surface du béton conduit

782
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

à un gradient de perméabilité d’un facteur 10 entre le cœur et la peau, ce qui


n’est pas le cas en l’absence de refroidissement;
• le gradient de perméabilité est beaucoup plus fort dans certains bétons conser-
vés en environnement marin : une différence d’un facteur 100 est par exemple
observée pour les cas 4 et 5 de l’étude [BRE 98]. Une analyse microstructurale
de ces bétons a montré que la peau contenait des ions chlorure avec formation de
monochloroaluminate 3CaO.Al2O3.CaCl2.10H2O (sel de Friedel), et de sulfates,
mais que le cœur en était pratiquement exempt. A l’instar du comblement de la
porosité par carbonatation, il est possible que la formation de cette phase résul-
tant de l’interaction entre les ions chlorure de l’eau de mer et les aluminates de
calcium hydratés conduise à une réduction de la porosité rendant la peau du
béton pratiquement étanche.
Tableau 14.3 : quelques données de perméabilité.
Résistance Perméabilité O2
Origine de l’échantillon
Source Âge Eau/CAC en compression
de béton (10–18 m2)
(MPa)
Béton Alag®(a), conversion 1 56 (cylindres
[LER 04] complète en laboratoire 0,36 84 converti
semaine élancement 2)
par immersion à 70 °C 24h
Béton de Ciment Fondu 16 non converti
[DUN 05] 0,37
coulé au laboratoire 47 converti
Carottes sur pilier
1 en surface
[BRE 98], cas 1 de fondation 40 ans ~ 0,55 17 à 39
10 à coeur
de château d’eau
Carottes sur pilier 10 en surface
[BRE 98], cas 4 60 ans 0,65
dans la Tamise 3000 à cœur

60 en surface
[BRE 98], cas 5 Carottes dans quai Halifax 65 ans 0,7 29
2600 à cœur
Carottes sur pont
[BRE 98], cas 6 de Frangey, 30 ans 0,32 54 1à3
béton précontraint
70 à 140
Carottes sur poutres
[BRE 98], cas 7 28 ans 0,46 41 (sur cube) pas de différence sur-
avec démoulage à 24 h
face / cœur
Carottes sur poutres
de l’usine LCA, projection 30 en surface
[BRE 98], cas 7 28 ans 0,56 19 (sur cube)
d’eau froide en surface 250 à cœur
dès 5 h
24 à 28 (sur cube)
Carottes pile de pont 3 en surface (0-50 mm)
[BRE 05] 70 ans ~ 0,50 (60 à 70 lors de la
Montrose bridge 46 à cœur (300-350 mm)
construction)

(a) Alag® est une marque déposée de Kerneos.

783
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

2.6. Des hydrates plus résistants aux acides


La durabilité des ciments alumineux dans les milieux de pH acide est, d’une ma-
nière générale, supérieure à celle des ciments Portland. Cela s’explique par la sta-
bilité de l’alumine hydratée AH3 jusqu’à des pH de 3,5 environ (figure 14.9) :
cette phase n’est dissoute que lorsque le pH interne du ciment descend en dessous
de cette valeur. Cette propriété confère au ciment alumineux un bon comporte-
ment dans des environnements agressifs tels que ceux rencontrés dans les domai-
nes de l’assainissement ou des effluents industriels [ROB 62, MAT 87, DUM 89].
La résistance aux acides a cependant ses limites puisqu’il y a dissolution aux pH
inférieurs à 3,5. Il s’agit surtout ici de préciser dans quelles conditions cette résis-
tance se manifeste de manière significative ou non. Des études de laboratoire ont
permis de préciser ces conditions et de définir un modèle explicatif de la corrosion
acide [BAY 90].
Les hydrates de CAC contenant du calcium se dissolvent dès que le pH descend en
dessous de 11. Mais l’alumine issue de cette dissolution peut précipiter tant que le
pH interne reste supérieur à 3,5, obstruer la porosité et ainsi ralentir l’attaque de
l’acide (figure 14.11). Bien que l’alumine hydratée soit clairement observée par mi-
croscopie électronique, cette phase est souvent non détectée par diffraction des
rayons X ce qui suggère une organisation sous forme de gel ou de micro cristallites.
Concentration Al (mol/l)

7 . 10– 3

Précipitation
Al(OH)3

10– 3

4 8 10 pH

Figure 14.9 : courbe de solubilité de l’alumine hydratée AH3 en fonction du pH.

C’est la stabilité de l’hydrate AH3 jusqu’à pH 3 à 4 qui explique principalement la capacité du ciment
d’aluminates de calcium à résister aux attaques acides.

La durabilité des ciments alumineux dans les milieux de pH acide est, d’une ma-
nière générale, supérieure à celle des ciments Portland. Cela s’explique par la
stabilité de l’alumine hydratée AH3 jusqu’à des pH de 3 à 4. Cette propriété con-
fère au ciment alumineux un bon comportement dans des environnements
agressifs tels que ceux rencontrés dans les domaines de l’assainissement ou des
effluents industriels.

784
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

Leur capacité de neutralisation est un autre facteur important de la résistance des


CAC en milieu acide. Cette capacité est représentée par la quantité d’acide néces-
saire pour dissoudre une quantité donnée de ciment. Le calcul se fait à partir de la
composition chimique du matériau cimentaire : 2 moles d’ions H+ sont nécessai-
res pour neutraliser chaque mole de calcium et 3 pour l’alumine. La silice ne con-
tribue pas à la capacité de neutralisation. De plus amples détails sur le calcul sont
présentés dans [ESP 96].
Contrairement au ciment Portland, la neutralisation par le CAC se fait en deux
étapes (figure 14.10) :
– la première à pH > 3,5, où les hydrates alumino-calciques sont dissous et où
AH3 précipite ;
– la seconde à pH < 3,5, où le gel d’alumine est attaqué et participe à la capacité
de neutralisation du matériau.

14
Ciment Portland
12

10

8
pH

6
Ciment alumineux
4

0
0 10 20 30 40 50
Capacité de neutralisation (mg/g)

Figure 14.10 : évolution du pH lors de la neutralisation d’une pâte de ciment Portland


ou de ciment alumineux par un acide.
La chute du pH est due à la dissolution des hydrates par l’acide. La courbe du CAC rend compte d’une
dissolution en deux temps. Dans un premier temps il y a dissolution des aluminates de calcium hydra-
tés. Mais la stabilité de l’alumine hydratée AH3 à pH > 3,5 impose un palier de pH jusqu’à dissolution
complète de cet hydrate.

785
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Pâte de ciment Zone poreuse Pâte de ciment Zone de précipitation


Acide Acide
Portland décalcifiée alumineux du gel d'alumine

13 12

Ca Ca

3,5
~ 3,5

Al
Acide

Gel d'alumine

Acide
Acide

pH pH
pH

Figure 14.11 : illustration de l’attaque par un acide, cas du ciment Portland


comparé au ciment alumineux.
Cas du ciment Portland : la pénétration de Cas du ciment alumineux : la différence provient
l’acide entraîne la dissolution de la chaux hydra- du fait que l’alumine hydratée reste stable
tée et des C-S-H. La lixiviation du calcium con- jusqu’à pH 3,5. La formation d’un gel d’alumine
duit à un gradient de pH entre la surface et le permet une stabilisation du pH à 3,5 et un bou-
cœur du matériau. chage de la porosité, ce qui ralentit l’attaque de
l’acide.

Lorsque le pH est inférieur à 3, tous les hydrates se dissolvent. Des expériences


ont montré que la conversion conduit à une plus grande résistance aux acides.
Ceci a été mis en évidence par les expériences suivantes : les pertes de masse ont
été mesurées sur des prismes de pâte pure de ciment alumineux gâchés avec un
rapport E/C = 0,235, puis immergées dans des solutions acides à pH < 3 renouve-
lées deux fois par jour. Les résultats montrent que la résistance du ciment alumi-
neux s’améliore généralement s’il est préalablement converti en hydrates stables
par un traitement thermique à 50 °C, bien que cette transformation s’accompagne
d’une augmentation de la porosité, qui passe de 2 % à 15 % environ. Ce résultat
est clairement dû à la haute stabilité thermodynamique de C3AH6.
Des expériences ont montré que la conversion conduit à une plus grande résis-
tance aux acides. La résistance s’améliore généralement s’il est préalablement
converti en hydrates stables par un traitement thermique à 50 °C, bien que cette
transformation s’accompagne d’une augmentation de la porosité, qui passe de
2 % à 15 % environ. Ce résultat est clairement dû à la haute stabilité thermody-
namique de C3AH6.

786
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

La valeur du pH, facile à mesurer, est très souvent utilisée pour caractériser la
concentration d’une solution acide. Sur un plan pratique, il serait donc intéressant
de définir les limites de pH acceptables sans attaque exagérée. Mais, en réalité,
c’est la concentration de l’acide qui est le paramètre prépondérant. Or, il n’y a pas
de relation universelle entre la concentration de l’acide et le pH, la relation entre
ces deux paramètres dépendant de la force de l’acide.
La force de l’acide peut être caractérisée par son pKa (tableau 14.4) : plus le pKa
est faible et plus l’acide est fort. La figure 14.12, relative à des pâtes de ciment
alumineux hydratées à 20 °C et converties à 50 °C, montre clairement qu’on ne
peut définir de limites de pH dans l’absolu, mais que celles-ci sont seulement va-
lables pour un acide donné : les limites de pH sont plus basses pour les acides forts
(comme les acides chlorhydrique et nitrique) que pour les acides faibles (comme
les acides lactique et acétique) parce que, à pH égal, les solutions d’acides faibles
ont une concentration plus élevée que les solutions d’acides forts. Par exemple,
l’acide acétique 0,1 N a un pH de 2,9 alors que l’acide chlorhydrique, à la même
concentration, a un pH de 1.

Acides

3
chlorhydrique maléique lactique

orthophosphorique
Perte de masse (%)

citrique
acétique
pyrophosphorique
2
nitrique

succinique
1
sulfurique

0
oxalique

–1
0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5
pH
Figure 14.12 : perte de masse d’une pâte de Ciment Fondu hydratée à 20 °C,
et convertie à 50 °C, en fonction du pH et de différents acides.
La force de l’acide est un paramètre important pour définir les limites acceptables. Le pH est facile à
mesurer, mais c’est plutôt la concentration de l’acide qui permet de prévoir l’intensité de l’attaque: très
faible à 0,01 N, celle-ci devient sensible à 0,1 N et forte à 1 N. C’est pourquoi pour un pH donné l’at-
taque est plus sévère avec un acide faible qu’avec un acide fort.

Une autre notion importante à considérer est la solubilité des sels issus de l’atta-
que acide (tableau 14.4). D’une manière générale, les sels formés en surface à la

787
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

suite des réactions d’attaque chimique peuvent, selon leurs produits de solubilité
respectifs, précipiter et former une couche protectrice sur la surface d’attaque ou,
au contraire, se dissoudre et renouveler le front d’attaque.
À titre d’exemple, dans le cas de l’acide sulfurique, on estime que la mise en con-
tact brutale d’une pâte de ciment et d’une solution de pH inférieur à 1,8 suffit à
former en surface une couche de sulfate de calcium qui bloquera la pénétration de
la solution. C’est pourquoi les acides sulfurique et phosphorique, qui sont pour-
tant des acides forts, sont souvent moins agressifs qu’on pourrait le penser. Par
contre l’acide chlorhydrique et l’acide nitrique, qui sont tous deux également des
acides forts, sont très agressifs pour les ciments alumineux car la solubilité de
leurs sels est très élevée.
Ce mécanisme de couche protectrice dû à la précipitation de sels est particulière-
ment important en système fermé non évolutif. Dans le cas de milieux régulière-
ment renouvelés ou agités, les phénomènes de dilution et d’érosion mécanique
modifient le comportement du système.
Tableau 14.4 : pK des acides étudiés et solubilités des sels de calcium et d’aluminium.

Valeur des pK Solubilité (g/kg)

pK1 pK2 pK3 Ca Al

Acétique 4,75 – – 3.74 t.p.s


Lactique 3,86 – – 31 t.s

Maléique 1,83 6,07 – 29 –

Oxalique 1,23 4,19 – 0,007 i


Succinique 4,16 5,61 – 1,9 –

Chlorhydrique 0 – – 745 699

Nitrique 0 – – 1211 637

Ortho-phosphorique 2,12 7.21 12,67 – –

Pyrophosphorique 0,85 1,49 5,77 p.s. –

Sulfurique 0 1,92 – 2,4 313


p.s. = peu soluble, t.p.s = très peu soluble, t.s. = très soluble, i = insoluble.
Les solubilités des sels formés permettent d’expliquer la faible agressivité des acides oxalique, suc-
cinique, phosphoriques et même sulfurique, comparativement aux acides lactique, chlorhydrique et
nitrique très dissolvants. La solubilité des sels formés durant l’attaque acide apparaît comme un
paramètre prépondérant dans le déroulement du processus et qui permet de prévoir l’agressivité
d’un acide sur les bétons, particulièrement en ce qui concerne les acides forts. La solubilité du sel
de calcium est la plus importante, puisqu’il s’agit du premier sel formé par la réaction des hydrates
avec l’acide. Le sel d’aluminium se forme uniquement dans une deuxième étape si le pH résiduel
est inférieur à 3,5.

788
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

D’une manière générale, l’élévation de la température accroît la vitesse des réac-


tions chimiques. On doit donc s’attendre à une accélération de l’attaque acide.
C’est effectivement ce qui est expérimentalement constaté, mais dans certains cas
seulement. L’attaque de l’acide sulfurique d’un mortier ISO (1 partie de ciment
pour 2 parties de sable en masse) est plus rapide à 40 °C qu’à 20 °C ; en revanche,
pour l’acide acétique (mais aussi pour l’acide lactique) l’influence de la tempéra-
ture apparaît négligeable, sans qu’une explication claire ne soit encore fournie.
2.7. Optimisation de la durabilité par les granulats
Le caractère neutralisant des granulats est un facteur important lorsque la quantité
d’acide est limitée, c’est-à-dire en système fermé : des essais ont montré que la
perte de masse enregistrée en milieu sulfurique concentré est, dans ce cas, moins
élevée avec des granulats calcaires qu’avec des granulats siliceux.
En système ouvert, avec renouvellement de la solution, l’action des phases qui
contribuent à la neutralisation de l’acide est peu perceptible. En revanche, il est
important, pour le bon comportement de l’ensemble, que les granulats et la pâte
de ciment offrent une résistance comparable vis-à-vis de l’acide. En effet, l’atta-
que de la pâte de ciment, si elle est plus importante que celle des granulats, con-
duit au déchaussement de ces derniers, ce qui accélère le processus de
dégradation. Cet effet est accentué par une éventuelle abrasion mécanique. Le ci-
ment alumineux, même s’il offre dans la plupart des cas une bonne résistance à la
corrosion, peut trouver avantage en cas d’agression très sévère, à être utilisé avec
des granulats particuliers [STU 54, HUG 78]. Alag®, un granulat synthétique de
même composition que Ciment Fondu, a les mêmes caractéristiques chimiques et
minéralogiques que le ciment alumineux et développe de ce fait une liaison ho-
mogène avec la pâte de ciment, ce qui présente un intérêt particulier dans certains
contextes [GEO 83]. La surface du béton offre dans ce cas, une meilleure résis-
tance : l’attaque progresse uniformément suivant un front de corrosion bien régu-
lier et s’en trouve ralentie.
La figure 14.13 illustre la résistance relative de divers mortiers soumis à des cy-
cles d’immersion dans l’acide sulfurique à pH 2. Les photographies (figure 14.14)
présentent les éprouvettes corrodées.

789
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

12
Portland - Sable siliceux

10 Ciment fondu - Sable siliceux

Perte de masse (%)


Ciment fondu - Granulats Alag
8

0
0 10 20 30 40
Nombre d'immersions

Figure 14.13 : résistance relative de divers mortiers soumis à des cycles d’immersion
dans l’acide sulfurique à pH = 2.
À chaque immersion, les prismes 2 × 2 × 10 cm sont plongés dans 250 ml de solution. L’expérience
montre que le béton de Ciment Fondu résiste bien dans plusieurs milieux de forte corrosion acide.
Cette résistance peut être encore renforcée par le choix de granulats alumineux Alag [ESP 96].

Figure 14.14 : éprouvettes après quarante immersions dans l’acide sulfurique.


Les conditions expérimentales sont celles de la figure 14.13. Toutes les éprouvettes, de dimensions
2 × 2 × 16 cm, sont en Ciment Fondu, mais diffèrent par la nature du sable utilisé : sable siliceux pour
le groupe 1, sable Alag pour le groupe 2. Dans chaque groupe, l’éprouvette la plus à gauche qui sert
de témoin a été conservée dans l’eau, les deux autres ont été soumises à quarante immersions dans
une solution d’acide sulfurique de pH égal à 2. Les éprouvettes de Ciment Fondu + sable siliceux sont
peu dégradées compte tenu de la sévérité de l’attaque. Quant aux éprouvettes de Ciment Fondu +
sable alumineux, elles sont presque intactes.

790
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

La porosité est toujours un paramètre essentiel de durabilité. Ce paramètre a été


étudié sur des mortiers ISO de ciment alumineux, hydratés pendant 6 jours à
50 °C, dont on a fait varier le rapport ET/C (ET = eau totale)
Les pertes de masse mesurées après immersion dans une solution d’acide lactique
0,1 N confirment l’influence négative d’une porosité élevée. Ceci, par contre,
n’est plus vrai dans le cas de l’acide sulfurique. La raison en est que les sels de
l’acide sulfurique sont beaucoup moins solubles que ceux de l’acide lactique et
obturent la porosité. Dans ce cas, et en admettant que l’on reste dans une plage de
rapports ET/C courants, la dégradation est pratiquement indépendante de la poro-
sité initiale.
En conclusion préliminaire, l’utilisateur confronté à un problème d’environne-
ment acide peut prévoir le comportement d’un mortier ou d’un béton par l’exa-
men des paramètres décrits précédemment. En l’absence d’informations précises
sur la composition du milieu acide, on peut considérer qu’un béton de ciment alu-
mineux compact, ayant un rapport ET/C inférieur ou égal à 0,35, résistera à une
solution de pH supérieur ou égal à 3,5. Dans ces conditions, l’acide réagit avec les
hydrates avec précipitation d’aluminates de calcium complexes. À ce niveau de
pH, l’alumine hydratée peut être considérée comme inerte.
La connaissance de la concentration de la solution permet d’affiner l’évaluation.
Généralement, la dissolution est très faible, voire inexistante, pour une concentra-
tion de 0,01 N, correspondant par exemple à un pH égal à 2 dans le cas d’un acide
fort. Dans les zones de concentration ou de pH correspondant à une attaque po-
tentielle, c’est la solubilité des sels susceptibles de se former qui déterminera l’in-
tensité de la dégradation à redouter.
Dans la pratique, ces notions sont à nuancer selon que le système est ouvert ou
fermé (solution renouvelée ou non), et selon que les contraintes sont d’ordre chi-
mique uniquement ou combinent plusieurs types d’agression (érosion mécanique,
contraintes thermiques, etc.).

3. RETRAIT, FLUAGE ET MAÎTRISE DE LA FISSURATION


PRÉCOCE DES BÉTONS DE CAC
3.1. Impact de l’hydratation rapide sur le risque de fissuration
Par comparaison avec le ciment Portland, l’hydratation beaucoup plus rapide du
ciment alumineux affecte la cinétique des changements volumiques et le dévelop-
pement des contraintes associées, d’au moins trois façons différentes :
1) par comblement rapide de la porosité et une diminution de l’humidité résiduelle
en raison de la fixation de l’eau par les hydrates ; cela a pour effet une diminution

791
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

rapide du rayon de courbure des ménisques avec augmentation des dépressions


capillaires ;
2) par échauffement plus important du béton favorisant la formation de gradients
thermiques ;
3) par une cinétique de durcissement globalement plus rapide donnant moins de
temps pour la relaxation d’une partie des contraintes par fluage.
En raison de ces cinétiques accélérées, bien que le retrait total du béton de ciment
alumineux soit du même ordre de grandeur que celui observé sur le béton de ci-
ment Portland, l’expérience montre qu’il est préférable d’utiliser des joints de
fractionnement plus rapprochés afin de contrôler efficacement le risque de fissu-
ration.
La cinétique rapide d’hydratation rend également plus délicate la quantification
des changements volumétriques. La figure 14.15 compare les changements volu-
métriques mesurés sur deux séries de prismes d’un même béton, démoulés respec-
tivement 3 heures et 24 heures après la mise en œuvre. Sur les prismes démoulés
à 3 heures, on mesure un gonflement dû à l’échauffement (modéré) du matériau,
puis un retrait d’environ 300 µm durant les premières 24 heures. Toutefois, après
10 mois, la différence entre les deux séries de mesures n’est plus que d’environ
100 µm.

Changement volumétrique mesuré


en fonction du début des mesures
Mesure sur prisme de béton - Conservation à 20 °C - 50 % h.r.
100
Début des mesures 3 h après
0 contact eau-ciment
– 100 Début des mesures 24 h
Retrait (millionième)

après contact eau-ciment


– 200

– 300

– 400

– 500

– 600

– 700

– 800

– 900
0,1 1 10 100 1 000

Temps (jours)
Figure 14.15 : retrait de prismes béton 75 × 100 × 200 mm démoulés 3 h ou 24 h
après gâchage.
Bien que les changements volumétriques soient importants pendant les 24 premières heures, en rai-
son de la progression rapide de l’hydratation, on constate que le retrait à 28 jours est du même ordre
de grandeur pour les deux séries de mesures (entre 500 et 650 µm/m).

792
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

3.2. Impact de la conversion : pas de retrait mais plus de fluage


Lorsque la conversion se produit, les hydrates métastables, moins denses, se dis-
solvent avant de re-précipiter en hydrates stables plus denses. Le phénomène de
conversion implique une réorganisation importante de la matière solide avec aug-
mentation à la fois de la porosité et de l’eau libre (excédentaire lors de la recris-
tallisation du C3AH6). Cette transformation ne s’accompagne pas d’un retrait
mais plutôt d’un gonflement mesurable sur prismes de béton confiné non res-
treints. On ne sait pas si ce gonflement s’explique par une relaxation des contrain-
tes internes ou par une réduction des contraintes dues à l’augmentation de la taille
des pores. Des mesures d’émissions acoustiques pendant la conversion ont mon-
tré qu’il ne se forme pas de microfissure, confirmant l’hypothèse d’une redistri-
bution des contraintes pendant que la matière se réorganise.
Le fluage des bétons de CAC a été peu étudié et on applique généralement les rè-
gles du béton de ciment Portland. Cependant, il semble qu’au moment de la con-
version, une relaxation accrue des contraintes soit possible. La figure 14.16
illustre une série d’essais de fluage où la conversion était provoquée volontaire-
ment par une cure continue à 40 °C. On met en évidence un taux de déformation
fortement accéléré pendant la conversion qui pourrait s’expliquer par l’augmen-
tation du taux de charge effectif, puisque la résistance mécanique diminue. On
peut aussi penser que la dissolution/reprécipitation des hydrates, qui s’accompa-
gne de libération d’eau, permette une redistribution des contraintes du matériau
sous charge. Dans le cas où l’autoéchauffement initial est suffisamment important
(~ 70 °C, cas des sections épaisses), la conversion peut se produire dès les premiè-
res heures d’hydratation. Cela pourrait expliquer qu’en dépit des contraintes
d’origine thermique parfois élevées, le béton de ciment alumineux ne semble pas
particulièrement sensible à la fissuration d’origine thermique.

793
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Rc = 65 MPa après
4,50 90 jours de fluage
Rc = 50 MPa après
21 jours de fluage
4,00 Taux de charge
50 % / 30 MPa

3,50

Taux de charge
3,00 40 % / 24 MPa
Fluage (‰)

2,50 Rc = 60 MPa
à la mise Taux de charge
sous contrainte 30 % / 18 MPa
2,00

1,50
Taux de charge
20 % / 12 MPa
1,00

0,50

0,00
0,1 1 5 8 14 28 56 100 1 000
Durée (jours)

Figure 14.16 : impact de la conversion sur le taux de fluage d’éprouvettes de béton


soumises à 4 taux de charge différents.
Fluage sous charge en compression sur ces cylindres de bétons de CAC à rapport E/C = 0,40. Le
gâchage est effectué à 20 °C. Les cylindres sont confinés dès la conception puis conservés sous char-
ge à 40 °C ce qui conduit à la conversion entre une et deux semaines. On constate une accélération
de la vitesse de déformation durant la conversion.

3.3. Un retrait variable selon la minéralogie du ciment alumineux


Parce que la minéralogie des CAC couvre une large plage de compositions, la na-
ture et la quantité de phases hydrauliques varient. Cela influence le retrait sans
qu’une règle générale n’ait été proposée à ce jour. La figure 14.17 compare le re-
trait au jeune âge de bétons identiques si ce n’est qu’ils ont été gâchés avec deux
ciments d’aluminates de calcium différents contenant respectivement 40 % et
50 % d’alumine. Le retrait est plus faible dans le cas du ciment à 50 % d’alumine,
bien qu’il soit plus riche en CA, la principale phase hydraulique. Ainsi, en plus
des autres paramètres de formulation pouvant influencer l’amplitude du retrait
(rapport E/C, taille de pores, cure, etc.), il convient de prendre aussi en compte la
classe du ciment alumineux utilisé.

794
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

0
Ciment à 40 % d'alumine
– 0,01 Ciment à 50 % d'alumine

– 0,02

Retrait (%) – 0,03

– 0,04

– 0,05

– 0,06

– 0,07
0 20 40 60 80 100
Temps de séchage (jours)

Figure 14.17 : mesure de retrait sur prismes bétons démoulés 3 heures


après le début du durcissement.
De façon générale, le retrait des bétons de CAC est du même ordre de grandeur que celui des bétons
de ciment Portland mais il se manifeste beaucoup plus rapidement ; environ 60 % du retrait long terme
est atteint dès 48 heures.
Bétons dosés à 400 kg/m3, E/C = 0,38, granulats siliceux. La première mesure est faite 2 heures après
le début du durcissement, puis les prismes sont enveloppés dans un film étanche jusqu’à l’échéance
de 24h, puis conservés à 20 °C / 50 % H.R. Dans la même étude, le retrait mesuré sur des primes
compagnons démoulés à 24 heures est environ moitié moindre.

3.4. Cinétique de retrait des bétons de CAC : importance


de la composante thermique dans les dalles et murs épais
La chaleur d’hydratation totale du ciment alumineux est du même ordre de gran-
deur que celle du ciment Portland (∼ 500 kJ/kg) mais l’hydratation étant plus ra-
pide, cette chaleur est dégagée plus rapidement. Ce comportement favorise
l’élévation de température par autoéchauffement dans les éléments de section im-
portante. La figure 14.18 indique les températures enregistrées sur des ouvrages
réels : une dalle sur sol de 80 mm d’épaisseur, une dalle de 200 mm d’épaisseur
et un massif d’appui de section supérieure à 1,2 m. Étant donné l’importance de
la composante thermique pour les sections épaisses, une bonne gestion du risque
de fissuration doit en tenir compte. La modélisation de l’autoéchauffement néces-
site de prendre en considération la modification des hydrates avec la température
[FRY 01].

795
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

100
1,2 m
90

80 Massif 120 cm 1,8 m


Température (°C)
70
7m
60
5m
50
5m
40 Dalle 20 cm
20 cm
30
5m
20 Dalle 8 cm
5m
10 8 cm

0
0 4 8 12 16 20 24

Temps (heures)

Figure 14.18 : exemple du régime thermique en fonction du temps pour des éléments
en béton de ciment alumineux de différentes épaisseurs (mesures in situ).
Bien que la chaleur d’hydratation du CAC soit similaire à celle d’un ciment Portland, son dégagement
est plus précoce en raison de l’hydratation plus rapide, et l’élévation de température en fonction de
l’épaisseur est plus importante. Sur la courbe enregistrée dans le massif de 1,2 m d’épaisseur, le dé-
crochement observé entre 5 et 6 heures indique que la conversion des hydrates a débuté : le ralen-
tissement du flux chaleur est dû à un manque d’eau pour réagir avec l’anhydre, puis le flux accélère
à nouveau car la conversion, induite par la température élevée, libère de l’eau qui permet de repren-
dre l’hydratation de l’anhydre restant, et donc sa dissolution, principale source de chaleur.

4. DURABILITÉ SPÉCIFIQUE DES BÉTONS DE CAC


4.1. Dégradation du béton d’enrobage et corrosion des armatures
4.1.1. Passivation des armatures dans un béton de CAC
La valeur de pH = 11,5 est souvent citée dans la littérature pour la solution inters-
titielle d’un béton de CAC, à comparer à 12,5 pour le ciment Portland. Il s’agit ici
du pH d’équilibre des phases pures. Les valeurs réelles mesurées sur des solutions
extraites de pâtes ou de bétons sont en général supérieures d’un ordre de
grandeur: pH = 12,5 pour le ciment alumineux et pH = 13,5 pour le ciment Port-
land (tableau 14.5).
Bien que plus faible que dans le cas du ciment Portland, le pH du ciment alumi-
neux est cependant suffisant pour assurer la passivation des armatures, ce qui a pu
être montré par des mesures de potentiel de corrosion. Même s’il contient relati-
vement peu d’alcalins (moins de 0,4 %), cela suffit à assurer une réserve alcaline
efficace, dans la mesure où ces alcalins ne sont pas adsorbés par les hydrates de
CAC comme ils peuvent l’être par les C-S-H du ciment Portland.

796
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

Tableau 14.5 : composition et pH de la solution interstitielle de pâtes de Ciment Fondu,


d’après les travaux de Hanson [HAN 05] et Macias [MAC 96].

Concentration en mmol/l
pH
Na K Ca Al Si Cl S

Ciment Portland 13,4 121,4 286,4 2,0 0,6 1,2 10,4 6,3

CAC converti 12,8 42,2 46,3 0,1 26,3 0,0 6,2 0,0

CAC converti 12,7 39,1 62,5 0,1 27,3 0,0

CAC non converti 12,7 53,9 94,5 0,2 89,1 0,7 6,0 0,0

CAC non converti 12,6 41,3 75,6 0,2 47,4 0,0

4.1.2. Carbonatation et corrosion


Comme avec le ciment Portland, les hydrates d’aluminates de calcium sont sus-
ceptibles de se carbonater. Mais contrairement au ciment Portland, la carbonata-
tion ne conduit pas systématiquement à une réduction de porosité. Cela dépend en
fait du type d’aluminate de départ (tableau 14.6).
Tableau 14.6 : bilan volumique de la carbonatation des hydrates de CAC.

Carbonatation de CAH10 (non converti) Carbonatation de C3AH6 (converti)

CAH10 + CO2 → CaCO3 + AH3 + 7H 1/3 C3AH6 + CO2 → CaCO3 + 1/3 AH3 + H
Masse (g) 338 100 156 Masse (g) 126 100 52
Volume (cm3) 196 37 22 Volume (cm3) 50 37 22

→ Réduction du volume solide de 48 % → Augmentation du volume solide de 17 %

Une étude menée sur dix ans [DUN 00, DUN 05] a montré que la cinétique de
carbonatation et la corrosion induite des armatures au sein d’un béton de CAC
sont globalement les mêmes que celles qui se produisent dans un béton de ciment
Portland, à rapport E/C identique. Les résultats suivants ont pu être obtenus à par-
tir de cette étude.
Carbonatation : la vitesse de carbonatation d’un béton de CAC est davantage dé-
pendante de l’état de conversion que du rapport E/C (figure 14.19). La carbona-
tation est moins rapide dans un béton de CAC converti que dans un béton non
converti hydraté en CAH10, ceci malgré la porosité et la perméabilité supérieures
du béton converti. Deux éléments permettent de mieux comprendre ce résultat :
d’une part la carbonatation des hydrates non convertis conduit à une augmenta-
tion de porosité du béton, alors que le contraire est observé dans le cas des hydra-
tes convertis (tableau 14.6). Par ailleurs, la plus grande stabilité thermo-

797
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

dynamique des hydrates convertis se traduit par une plus faible solubilité et une
moindre disponibilité en ions calcium pour alimenter la formation de calcite.
Corrosion des armatures induite par la carbonatation : une fois le béton carbo-
naté jusqu’à l’armature, la relation entre vitesse de corrosion et humidité relative
est sensiblement la même dans un béton de CAC et un béton de ciment Portland
(figure 14.20). On note, toutefois, que la vitesse de corrosion est plus importante
dans un béton converti par rapport à un béton non converti.
Profondeur de carbonatation (mm)

50

45 Ciment fondu E/C = 0,37 C

40
Carbonatation totale Ciment fondu E/C = 0,55 C
(cube 100 mm)
35 Ciment fondu E/C = 0,37 NC
30
Ciment fondu E/C = 0,55 NC
25
Ciment fondu E/C = 0,8 NC
20
Ciment Portland E/C = 0,49
15

10 Ciment Portland E/C = 0,57

5 Ciment Portland E/C = 0,68


0
0 52 104 156 208 260 312 364 416 468 520
Temps (semaines)

a) Cinétique de carbonatation avec Ciment Fondu non converti (extension « NC », CAH10) et converti
(extension « C », C3AH6+AH3) à différents rapports E/C. Comparaison avec un ciment Portland.
Profondeur de carbonatation à 10 ans (mm)

50
45
40 Carbonatation totale
(cube 100 mm)
35
30
25
20
CAC non converti
15
CAC converti
10
Portland
5
0
0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8
E/C
b) Profondeur de carbonatation à 10 ans en fonction du rapport E/C.
Figure 14.19 : mesure du front de carbonatation dans des cubes de 100 mm conservés
à l’air ambiant à 20 °C et 65 % d’humidité relative pendant 10 ans [DUN 05].
Ces données montrent que la vitesse de carbonatation des bétons de CAC est similaire à celle d’un
béton de ciment Portland.

798
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

1 000
Cure à l'eau, 1 % CO2 Cure à l'eau, 4 % CO2 Cure à l'eau, 10 % CO2
Cure à l'air, 1 % CO2 Cure à l'air, 4 % CO2 Cure à l'air, 10 % CO2

Béton de ciment Portland


100
Vitesse de corrosion (μm/an)

10

Limite de corrosion
1

0,1

0,01
40 50 60 70 80 90 100
Humidité relative (%)

Figure 14.20 : vitesse de corrosion des armatures au sein de bétons de Ciment Fondu
et de ciment Portland complètement carbonatés artificiellement en atmosphère
à 1 %, 4 % et 10 % CO2.
Dosage 400 kg/m3 de Ciment Fondu, rapport E/C = 0,40. Cure Ciment Fondu : « à l’air » = 100 % HR
24 h puis 65 % H.R. 20 °C avant carbonatation/« à l’eau » = 100 % H.R. 24 h puis sous eau à 38 °C
28 jours puis 65 % H.R., 20 °C avant carbonatation [DUN 05]. La vitesse de corrosion d’un béton de
CAC complètement carbonaté est similaire à celle d’un béton de Portland.

Les aluminates de calcium peuvent réagir avec les ions chlorure et conduire à la
formation de monochloroaluminate de calcium 3CaO.Al2O3.CaCl2.10H2O.
Certaines études montrent que l’interaction entre une matrice de CAC hydratée et
une solution contenant des chlorures, conduit à la formation d’une peau très dense
et imperméable. Cette peau est principalement formée de monochloroaluminate
et de gel d’alumine. Les conditions de sa formation ne sont pas complètement élu-
cidées. Elle pourrait être due à un comblement de la porosité par le chloroalumi-
nate et le gel d’alumine résultant du processus de dissolution des aluminates...
Une telle observation a déjà été faite par Kurdowsky [KUR 90, KUR 03] sur des
échantillons de pâte pure en contact avec des solutions concentrées de chlorures,
et par Dunster [DUN 97] sur des bétons de structures en contact avec de l’eau de
mer.

799
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Des profils de concentration en chlorure dans des ouvrages maritimes anciens


sont donnés par la figure 14.21 du paragraphe 4.3 traitant de la durabilité à l’eau
de mer.
Les aluminates de calcium ayant la capacité de se combiner chimiquement avec
les ions chlorure en formant du monochloroaluminate, il est probable qu’une
même teneur en chlorures totaux se traduise par un taux de chlorures libres (seuls
responsables de la corrosion) plus faible avec les aluminates de calcium par rap-
port au ciment Portland. Mais il n’a pas été possible de trouver, dans la littérature,
de données suffisamment précises confirmant ou infirmant cette hypothèse.
Une étude récente de Hansson [HAN 05] sur la corrosion d’armatures métalliques
au contact de solutions interstitielles reconstituées a montré que des ajouts incré-
mentaux de chlorures libres dans une solution d’aluminates de calcium conduit à
une augmentation progressive de la vitesse de corrosion dans des proportions si-
milaires à ce qui peut être observé avec une solution interstitielle de ciment Port-
land. Par contre, l’analyse des produits de corrosion [HAN 06] montre quelques
différences quant à leur nature et à leur localisation selon qu’il s’agit de CAC ou
de ciment Portland. Des expériences de corrosion induite par courant anodique
dans des mortiers contenant des chlorures ont montré que les fissures n’apparais-
sent, dans la matrice de CAC, que pour un taux de corrosion plus poussé que dans
une matrice de ciment Portland [AND 01a, AND 01b]. Ceci pourrait être dû à la
formation de produits de corrosion différents. Sachant que la résistance mécani-
que du liant n’était pas supérieure.
4.1.3. Corrosion constatée dans des ouvrages anciens
Les données existantes concernent deux types d’ouvrages : des ouvrages mariti-
mes en contact avec l’eau de mer et des poutres précontraintes dans des immeu-
bles.
Pour les ouvrages maritimes, l’enrobage des armatures était en général supérieur
à 90 mm. Ces armatures ont été jugées en bon état après 70 ans. Les taux de chlo-
rure au niveau des aciers se situaient aux alentours de 0,5 % par rapport au ciment,
sans que l’on connaisse la fraction libre et celle fixée sous forme chloroaluminate.
Concernant les poutres précontraintes, les enrobages utilisés étaient assez faibles,
de l’ordre de 15 mm, et les bétons étaient de mauvaise qualité, avec des rapports
E/C compris entre 0,6 et 0,8. Une étude de Crammond [CRA 93] de 109 poutres
âgées de 20 à 35 ans et réalisée sur 14 ouvrages, a montré que 90 % des poutres
étaient carbonatées jusqu’à l’armature et que 23 % des poutres carbonatées mon-
traient des signes de corrosion des armatures.

800
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

4.2. Durabilité en présence de sulfates


La motivation initiale qui a conduit à l’invention du ciment alumineux en 1908
était la nécessité de disposer d’un ciment résistant mieux que le ciment Portland
aux sulfates. Entre 1916 et 1923, plus de 7000 tonnes de Ciment Fondu ont été
utilisées avec succès sur certains segments de la ligne de chemin de fer Paris-
Lyon-Marseille où les sols sont riches en gypse et en anhydrite. Des essais d’im-
mersion dans des solutions saturées en sulfate de calcium par Touché en 1926
[TOU 26] et par Miller en 1933 [MIL 33] avaient démontré l’intérêt d’utiliser des
CAC pour des ouvrages en contact avec des sulfates.
Des études plus récentes ont montré que le type de sulfate était un paramètre im-
portant dans l’interaction avec les CAC. D’une manière générale on peut classer
l’agressivité des sulfates vis-à-vis des CAC dans l’ordre croissant suivant :
Sulfate de calcium < Sulfate de magnésium < Sulfate de sodium
non agressif faiblement agressif le plus agressif
Avec le ciment Portland, le sulfate de magnésium est plus agressif que le sulfate
de sodium, ce qui suggère des mécanismes de dégradation différents.
Sur le fond, la raison pour laquelle les CAC résisteraient mieux que les ciments
Portland aux sulfates n’est pas claire. Tous les mécanismes précis de détérioration
des ciments Portland par attaques sulfatiques n’ont pas nécessairement été bien
décrits. On sait cependant que la dégradation intervient en général par fissuration
due à l’expansion causée principalement par l’ettringite qui se forme par réaction
des sulfates d’origine interne ou externe avec la matrice cimentaire. De telles
réactions sont possibles avec les CAC dans des conditions particulières, et ont
déjà été observées.
Indépendamment des causes inhérentes à leur composition chimique particulière
(faible basicité et absence de chaux libérée par l’hydratation), la bonne résistance
aux sulfates des CAC est en relation avec la formation d’une couche protectrice à
la surface des bétons comme l’ont montré les études de Crammond [CRA 90] et
de Dunster [DUN 01].
Ces auteurs ont mis en évidence l’existence d’une peau dense contentant des sul-
fates qui semble agir comme une barrière empêchant la pénétration de ces ions.
Les conditions de formation de cette peau que l’on observe également dans le cas
des chlorures, ne sont pas encore bien comprises.
Si la formation d’ettringite et de gypse est possible avec le CAC comme avec le
ciment Portland, les conditions de formation de ces phases peuvent être différen-
tes. Dans le cas des CAC, la formation de ces composés s’accompagne nécessai-

801
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

rement d’une précipitation d’alumine hydratée AH3 qui pourrait combler la


porosité et densifier le béton au fur et à mesure de la pénétration des sulfates :
2C2AH8 + 3SO4 + 19H → C3A.3CaSO4.32H2O + AH3
2C2AH8 + SO4 → 4(CaSO4.2H2O) + 2AH3 + 2H

4.3. Durabilité à l’eau de mer


Une revue extensive de la littérature [LEA 70, BRO 75] conclut à une meilleure
tenue systématique des CAC à l’eau de mer comparativement aux ciments Port-
land avec ou sans ajouts. D’autres études [DUN 97, BRE 98] ; concernant des
ouvrages construits en béton de CAC en contact avec l’eau de mer ont montré une
très bonne durabilité après plus de 70 ans, et ce malgré les rapports E/C relative-
ment élevés de l’époque (> 0,6).
L’ensemble des études sur la durabilité des ouvrages en bétons de CAC exposés
à l’eau de mer pendant plusieurs décennies a mis en évidence l’existence systé-
matique d’une peau très dense et imperméable de 10 à 50 mm d’épaisseur en
surface du béton.
Cette peau possède des teneurs en chlorures et en sulfates assez élevées, teneurs
qui diminuent en allant vers le cœur de l’ouvrage (figure 14.21). Elle est compo-
sée de phases en feuillets de type AFm, monosulfoaluminate ou monochloroalu-
minate, de gel d’alumine et de CAH10. Le même type de peau est observé lors des
études sur l’interaction des CAC avec les sulfates ou les chlorures.

3,5
% Cl– en masse/masse de ciment

Cl– Halifax
3
Cl– Dagenham

2,5 Cl– Montrose

1,5

0,5

0
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180
Profondeur dans l'ouvrage (mm)

a) Profil pour le dosage des chlorures.

802
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

2,5

% SO3 en masse/masse de ciment


SO3 Halifax

2 SO3 Dagenham

SO3 Montrose
1,5

0,5

0
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180
Profondeur dans l'ouvrage (mm)

b) Profil pour le dosage des sulfates.


Figure 14.21 : profils de concentration en chlorures et en sulfates au sein de structures
maritimes âgées de plus de 70 ans [DUN 97].
On constate l’existence systématique d’une peau très dense et imperméable de 10 à 50 mm d’épais-
seur en surface du béton avec des teneurs en chlorures et en sulfates assez élevées, teneurs qui di-
minuent en allant vers le cœur de l’ouvrage. Cette peau est composée de phases de type AFm,
monosulfoaluminate ou monochloroaluminate, de gel d’alumine et de CAH10.

4.4.Durabilité face à la corrosion d’origine bactérienne


4.4.1. Mécanisme de corrosion dans les réseaux d’assainissement :
attaque acide d’origine bactérienne
Les réseaux d’assainissement (transport des eaux usées) sont parfois soumis à des
conditions d’exposition très agressives pour le béton. L’effluent n’est pas en lui-
même particulièrement agressif pour le béton excepté par érosion, possible lors-
que les débits sont importants et les eaux chargées en sédiments solides. Par con-
tre, la flore bactérienne qui s’y développe crée un écosystème pouvant être très
agressif pour le béton dans les parties émergées. La figure 14.22 décrit cet éco-
système.
Depuis la découverte de la formation d’acide sulfurique d’origine bactérienne
dans les réseaux d’assainissement par Parker [PAR 45], les recherches sur ce thè-
me ont été nombreuses [THO 78, ROG 93, SCH 87, SCR 99, MON 00]. Il est ain-
si clairement établi que les bactéries sont le moteur de la production d’acide
sulfurique qui reste locale, au voisinage du matériau. Une fois l’acide sulfurique
généré par les bactéries, une attaque acide classique des hydrates d’aluminates de
calcium a lieu telle que décrite dans le paragraphe 2.6.

803
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

PAROIS BÉTON
Bactérie
EFFLUENT TROU D'HOMME aérobique S H
(Thiobacillus) S H2SO
2SO
0
4
4
O2O2
H2SHS
SULFATES
2
DANS EFFLUENT
Bactérie anaréobiques
sulfato-réductrices
H2S
H2S EFFLUENT
H2S DÉGAGEMENT
H2 S
Bactérie aréobiques
Thiobacillus
Ɣ7HPSVGHUpWHQWLRQORQJ GÉNÉRATION
H
H2SS
2 Ɣ7HPSpUDWXUHVpOHYpHV H2SO4
Les turbulences favorisent Ɣ(IIOXHQWULFKHHQVXOIDWHV
le dégagement de H2S Ɣ9HQWLODWLRQIDLEOH
SO4
2– 2- Ɣ7XUEXOHQFH
H SO
HS S 2 ATTAQUE ACIDE
HS 4
-2–
SS2- S MATRICE CIMENTAIRE
CC
Bactérie sulfato-réductrice

Figure 14.22 : mécanisme de génération d’acide sulfurique par les bactéries


dans les réseaux d’assainissement.
L’environnement généré par les bactéries dans les égouts est très agressif pour les bétons. C’est la
partie émergée qui est la plus attaquée avec une corrosion par l’acide sulfurique. Cet acide est généré
in-situ par les bactéries avec un mécanisme en deux temps : (i) dégagement de sulfure d’hydrogène
(H2S) par réduction des sulfates de l’effluent, source d’énergie des bactéries anaérobiques y vivant
(ii) formation d’acide sulfurique (H2SO4) sur les parois émergées par oxydation du H2S par les bacté-
ries aérobiques Thiobacillus.

4.4.2. Tenue des bétons de CAC soumis à la corrosion d’origine


bactérienne : données de laboratoire et études d’ouvrages réels
La chimie de la corrosion bactérienne telle qu’elle se produit dans le contexte des
réseaux d’assainissement est gouvernée par des paramètres qui ne sont pas tou-
jours pris en compte dans les études classiques de laboratoires qui ne font inter-
venir que des acides minéraux. Ces paramètres sont d’ordre biologique, comme
l’interaction bactéries/substrat, et chimique (les réactions en égout se passent dans
des conditions d’humidité et de concentration d’ions qui sont très éloignées de la
chimie des solutions aqueuses). Il convient de prendre en compte l’évolution du
comportement du béton et de la propagation de la corrosion bactérienne lors de
l’abaissement du pH par la flore bactérienne.
Une série d’études de laboratoire a été menée à l’université de Hambourg en utilisant
une chambre permettant de recréer des conditions proches de la réalité du terrain
[SAN 84, EHR 96]. Ces essais permettent de prendre en compte et de quantifier le
rôle important de l’activité bactérienne et de son développement. Les études compa-
ratives menées sur différents matériaux ont mis en évidence des lois de corrosion
différentes pour les ciments Portland et les ciments alumineux (figure 14.23) :
– diminution du pH de surface jusqu’à pH = 1 dans le cas des ciments Portland
usuels ou résistants aux sulfates ;

804
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

– stabilisation du pH à environ 3 dans le cas du matériau à base de ciment alumi-


neux, confirmant une interaction réelle entre le substrat cimentaire et l’activité
des bactéries.
7
Ciment Portland
6 Ciment Portland résistant sulfate
Ciment alumineux
5

4
pH

0
0 100 200 300 400
Temps (jours)

Figure 14.23 : évolution du pH en surface des éprouvettes de mortier


lors d’un test de corrosion biogénique [EHR 99].
Sur un écosystème recréé en laboratoire, on observe que le pH se stabilise aux alentours de 3 pour
les mortiers de ciment alumineux alors qu’il descend jusqu’à 1 avec les mortiers de ciment Portland.

Des observations réalisées sur le terrain dans des ouvrages en services depuis de
nombreuses années viennent confirmer ces données. Par ailleurs l’étude, en con-
ditions réelles de service, d’un mortier combinant ciment alumineux et granulat
alumineux (Alag) a abouti au même résultat, à savoir, une stabilisation du pH à
une valeur voisine de 3 (figure 14.24).

12

10

8
pH

0
0 2 4 6 8 10
Temps de service (année)

Figure 14.24 : évolution du pH mesuré en surface d’un mortier de CAC + Alag


en service en Floride.
Dans ce réseau d’égout de Floride, le pH en surface d’un mortier d’aluminates de calcium a été suivi
au cours des années. On constate que le pH se stabilise aux alentours de 3, alors qu’il peut descen-
dre aussi bas que pH=1 sur des surfaces adjacentes en béton de ciment Portland.

805
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Les observations et les mesures réalisées dans un trou d’homme en service depuis
10 ans, et présentant la particularité d’être protégé pour partie par un revêtement
époxy, et pour l’autre partie par un mortier de ciment alumineux + granulats Alag,
ont confirmé des différences de pH en surface du matériau de protection selon de
la nature de celui-ci. Un pH = 4 a été mesuré sur la surface du mortier alumineux,
comparativement au pH = 1 mesuré sur la surface du matériau époxy (fi-
gure 14.25). Ceci vient confirmer l’existence d’une interaction entre le matériau
fait de 100 % de ciment alumineux et l’effluent, conduisant à réduire la chute de
pH en surface de ce matériau.

Mortier ciment alumineux


Époxy
+ granulat Alag
pH = 1 en surface
pH = 4 en surface
de l’epoxy
du Sewpercoat

Figure 14.25 : mesure de pH de surface sur de l’époxy et du mortier alumineux


dans un trou d’homme en service depuis 10 ans.
Le pH en surface des parois de CAC est de 4 alors qu’il est de 1 quelques dizaines de centimètres à
côté au contact d’une paroi recouverte d’époxy. Cette limitation de la baisse du pH dans une plage de
stabilité de l’alumine hydratée (AH3) explique la bonne durabilité des bétons de CAC.

Un site expérimental construit en Afrique du Sud dans les années 90 a permis de


comparer en conditions réelles le comportement de différents types de bétons sou-
mis à des conditions particulièrement agressives [ALE 01, GOY 01]. Ce site avait
été choisi en raison des conditions propices à la corrosion d’origine bactérienne :
effluent chargé, température élevée, faible pente impliquant un temps de rétention
élevé. La dernière inspection après 12 années de service a clairement démontré la
supériorité du ciment alumineux : les parois des conduites en béton de CAC pré-
sentent une corrosion minime tandis que les conduites en béton de ciment Port-
land étaient parfois corrodées sur toute leur épaisseur.
Des observations de terrain ont également été menées, notamment en Australie, en
Malaisie, en Afrique du Sud et en Égypte [DUM 90, BAK 96] sur des réseaux mis
en place respectivement dans les années 1950 et dans les années 1980. Ces mis-
sions d’expertise ont pu mettre en évidence la bonne résistance de structures réali-
sées avec des ciments alumineux, même dans des zones parfois très agressives.

806
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

Bien que ce phénomène ne soit pas totalement expliqué, il a été constaté à maintes
reprises dans différents réseaux d’assainissement à travers le monde, et ce depuis
de nombreuses années.
En raison de leur résistance à la corrosion d’origine bactérienne, les aluminates
de calcium ont été employés dans le domaine de l’assainissement depuis le début
de leur commercialisation, soit en tant que revêtements protecteurs de tuyaux mé-
talliques soit dans des travaux de réhabilitation.
La raison de la bonne durabilité des bétons de ciment alumineux vis-à-vis de la
corrosion d’origine bactérienne réside principalement dans leur capacité à limi-
ter l’abaissement du pH, celui-ci se stabilisant aux alentours de pH = 3 à 4, plage
de stabilité de l’alumine hydratée AH3.

4.5. Durabilité aux alcalins


Le béton de ciment Portland est peu affecté par des solutions d’hydroxyde de so-
dium ou de potassium, sauf en cas d’alcali-réaction, où les alcalins sont répartis
dans la masse du béton. Aucun cas d’alcali-réaction dans des bétons de CAC n’a
été rapporté à ce jour. Il est d’ailleurs probable que cette pathologie ne puisse se
développer dans les bétons de CAC du fait de la faible teneur en alcalin de ces
ciments et surtout de l’absence de Ca(OH)2 nécessaire à la réaction de gonfle-
ment.
Par contre, ces bases fortes diminuent en général la résistance mécanique des
mortiers et bétons de ciment alumineux, même s’il n’y a pas de dégradation exté-
rieure visible [ROB 62]. Les carbonates de sodium et potassium ont un effet sem-
blable, croissant avec la concentration. Cependant, des expérimentations ont
montré que cette dégradation reste très faible lorsque le mortier de ciment alumi-
neux est entièrement immergé dans la solution basique.
L’hydrolyse alcaline est une pathologie spécifique des ciments alumineux. Elle
n’a que très rarement été observée dans le cas de bétons de génie civil produits
selon les règles de l’art. Elle se caractérise par un effritement, voire un ramollis-
sement du béton avec formation de tâches brunâtres. Elle a été observée dans des
bétons à forte teneur en alcalin, à rapport E/C très élevé (> 0,70) et complètement
carbonatés.
Le même terme d’hydrolyse alcaline est également utilisé pour désigner un désor-
dre bien connu dans les bétons réfractaires isolants. Il s’agit dans ce cas d’un pe-
lage de surface qui semble être lié à la carbonatation. Les bétons dans lesquels
cette dégradation se manifeste sont extrêmement poreux (rapport E/C > 1) et très
riches en alcalins.

807
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Les mécanismes précis mis en jeu n’ont pas à ce jour été clairement identifiés.
Une hypothèse de mécanisme avancé jusqu’à présent est une carbonatation en
présence d’alcalins. Si ce mécanisme est probable dans le cas des bétons réfrac-
taires isolants, il ne semble pas être approprié au cas précédent conduisant à un
ramollissement. En effet, des expériences récentes menées par les auteurs ont
montré qu’il peut y avoir carbonatation en présence d’alcalin sans ramollisse-
ment. De même, il peut y avoir ramollissement sans carbonatation. Le fait que la
carbonatation se soit systématiquement développée dans les pathologies de ter-
rain est probablement une conséquence de la forte porosité des bétons sans qu’il
n’y ait nécessairement un rapport direct avec la pathologie. Quelques résultats ré-
cents suggèrent un rôle possible de certains types de sables. Ce point est actuelle-
ment en cours d’étude.
4.6. Durabilité en ambiance hivernale
D’une façon générale, le béton de ciment alumineux montre une bonne durabilité
au gel autant dans les tests de laboratoire que sur des ouvrages réels.
Le tableau 14.7 présente des résultats de tenue au gel de bétons de ciment d’alu-
minates de calcium soumis en laboratoire aux essais de gel-dégel rapide (ASTM
C666) et de résistance à l’écaillage en présence de sels fondants (ASTM C672).
L’ensemble des résultats est satisfaisant, les modules d’élasticité dynamiques re-
latifs demeurant tous supérieurs à 100 % après 300 cycles de gel-dégel. Les bé-
tons ayant été testés « avant » et « après » conversion (la conversion a été
accélérée par un traitement thermique), il est possible de conclure que la tenue au
gel n’est pas dégradée par l’évolution des hydrates.
Tableau 14.7 : exemple de résultats d’essais de cycles de gel-dégel et d’écaillage
en présence de sels de déverglaçage.

Teneur ASTM C666 ASTM C672


Liant E/L en air Conversion Module d’élasticité dynamique Cote visuelle d’écaillage
(%) relatif (%) après 300 cycles après 50 cycles

Avant 104,6 % 0
2,7 %
Après 101,6 % 2
100 % CAC 0,40
Avant 117,2 % 0
4,5 %
Après 104,8 % 0

808
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

Avant 104,1 % 1
2,5 %
Après 104,6 % 3
70 % CAC
0,40
30 % Laitier
Avant 104,9 % 1
6,0 %
Après 122,0 % 1

Interprétation des résultats :


– le module d’élasticité dynamique relatif correspond au rapport entre la valeur initiale et la valeur
après 300 cycles. Le test est stoppé si la valeur mesurée devient inférieure à 60 % ;
– la cote visuelle d’écaillage exprime la sévérité de l’écaillage ; elle varie entre 0 « pas d’écail-
lage » et 5 « écaillage sévère ».

La figure 14.26 montre l’évolution de la masse de débris d’écaillage pour un bé-


ton de ciment d’aluminates de calcium dosé à 400 kg/m3, de rapport E/C = 0,40,
avant et après conversion, et exposé à 4 sels fondants différents selon la procédure
ASTM C672. L’utilisation de glycol et d’urée visait à évaluer la tenue potentielle
des bétons rapides utilisés pour la réparation des dalles d’aéroport où l’utilisation
de chlorure est interdite. Selon les maîtres d’ouvrage, le critère d’acceptation va-
rie entre 0,50 et 1,00 kg de particules écaillées par mètre carré de surface, après
50 cycles ; la figure 14-26 montre que les valeurs mesurées sont toutes inférieures
à ces seuils.

0,5
NaCl avant conversion NaCl après conversion
Masse des débris d'écaillage (kg/m2)

CaCl avant conversion CaCl après conversion


0,4
Urée avant conversion Urée après conversion
Glycol avant conversion Glycol après conversion
0,3

0,2

0,1

0
0 10 20 30 40 50 60
Nombre de cycle gel-dégel

Figure 14.26 : masse des débris d’écaillage en fonction du nombre de cycle de gel-dégel
pour un béton de ciment alumineux exposé à 4 sels fondants différents
(procédure ASTM C672).
Bétons dosés à 400 kg/m3 de Ciment Fondu ; E/C = 0,40. Sachant que le critère d’acceptation varie
entre 0,50 et 1 kg/m2 après 50 cycles de gel-dégel, les 8 séries d’éprouvettes illustrées ici montrent
un écaillage très limité. Les bétons convertis ne montrent pas plus d’écaillage que les bétons non-
convertis.

809
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Dans le port d’Halifax, au Canada, certains quais ont été construits en Ciment
Fondu dans les années trente. Ces segments de quai sont exposés à l’eau de mer,
à l’action des marées et à environ 100 cycles de gel-dégel par année. Un diagnos-
tic fait en 1992, après environ de 60 ans d’exposition, a conclu à une bonne dura-
bilité [DUN 97].
Les essais de laboratoire, indiquent une bonne tenue à l’action du gel malgré des
facteurs d’espacement des bulles d’air aussi élevés que 600 µm, alors que dans le
cas des bétons de ciment Portland l’espacement moyen recommandé pour une
bonne résistance à l’écaillage est de l’ordre de 250 µm.
Des recherches complémentaires seraient nécessaires pour déterminer si la distri-
bution spécifique de la porosité de la pâte de ciment alumineux réduit les con-
traintes développées lors du gel, ou encore si la fixation des chlorures dans la
phase chloroaluminate participe à cette bonne tenue. En l’absence de réponses
claires à ces questions, il est recommandé d’utiliser un adjuvant entraîneur d’air
pour les bétons devant être exposés à des conditions de gel sévère.
4.7. Durabilité face aux agressions thermiques
Les bétons de ciments alumineux sont particulièrement adaptés aux industries où
l’on est confronté à des températures élevées, de cycles thermiques répétés et/ou
à de chocs thermiques violents. La bonne tenue aux cycles thermiques et hydri-
ques s’explique en particulier par l’absence de portlandite Ca(OH)2, présente
dans la pâte hydratée de ciment Portland.
Suivant leur nature, les hydrates des bétons de CAC (CAH10, C2AH8, C3AH6) et
de ciments Portland (essentiellement C-S-H et Ca(OH)2) se décomposent et per-
dent leur eau de cristallisation à des températures comprises entre 200 °C et
500 °C. Dans le cas d’un feu violent, la pression de vapeur ainsi générée peut
d’ailleurs conduire à l’éclatement du béton. Après refroidissement, la reprise
d’humidité par le béton, peut permettre la réhydratation des composés déshydra-
tés. Dans le cas des ciments Portland, la décomposition de la portlandite Ca(OH)2
vers 450 °C, conduit à la formation de chaux CaO. La réhydratation de la chaux
conduit à la cristallisation de chaux hydratée accompagnée d’un gonflement qui
peut provoquer l’éclatement de la pâte de ciment. Ainsi, les bétons de ciment
Portland peuvent offrir une bonne tenue au feu, mais en raison de la présence de
portlandite, ils ne supportent pas les cycles thermiques et hydriques répétés. La
bonne tenue aux cycles thermiques des bétons de ciment alumineux est illustrée
par la figure 14.27 qui compare l’évolution de la résistance à la compression de
cylindres de différents bétons soumis à des cycles thermiques entre 25 °C/90 %
d’humidité relative et 500 °C.

810
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

60
Ciment fondu + granulats Alag

Résistance à la compression (MPa)


Ciment fondu + Traprock
50 OPC + Traprock

OPC + sable + gravier


40

30

20

10

0
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9
Nombre de cycles thermiques (25 °C-500 °C)

Figure 14.27 – évolution de la résistance à la compression de bétons


exposés à des cycles thermiques et hydriques.
Après mûrissement, les bétons sont séchés à 110 °C, puis chauffés jusqu’à 500 °C et ensuite refroidis
lentement jusqu’à 20 °C – 90 % H.R. L’absence de portlandite dans les bétons de CAC explique qu’ils
résistent à de nombreux cycles thermiques, pour autant que les granulats soient également capables
de résister à ces changements.

La nature des granulats détermine la température maximale supportable par un


béton de ciment alumineux. Le quartz subit un changement de phase accompagné
d’un gonflement de 0,85 % et de l’éclatement du matériau à 574 °C ; les granulats
calcaires se décarbonatent autour de 800 °C alors que certains granulats de roches
métamorphiques acceptent des températures supérieures. Le granulat synthétique
Alag est souvent utilisé en combinaison avec le ciment alumineux dans le cas de
températures élevées pouvant aller jusqu’à 1100 °C. Parce qu’il est obtenu en
concassant du clinker d’aluminates de calcium, le granulat Alag a une grande af-
finité pour la pâte de ciment alumineux, notamment en termes de coefficient de
dilatation thermique, spécialement après déshydratation. Cette compatibilité par-
ticipe à la bonne durabilité observée en conditions industrielles comme dans le
cas, par exemple, des dallages de verrerie, des aires de dépotage de crasses de fon-
derie, des planchers autour de hauts fourneaux, des quais à coke sur lesquels le
coke est déchargé directement du four et repris par chargeuse. Les aires destinées
à l’entraînement des pompiers, qui sont également soumises à des chocs thermi-
ques répétés, bénéficient de la bonne durabilité du béton de ciment alumineux ex-
posé aux conditions des incendies.
Les chocs cryogéniques sont une autre forme d’agression thermique. L’expérien-
ce montre que les bétons combinant ciment alumineux et granulats Alag résistent
bien aux chocs thermiques résultant du déversement de gaz liquides (– 180 °C).

811
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

4.8. Durabilité face aux agressions mécaniques :


choc, abrasion, érosion
Certaines zones d’ouvrages sont fortement mises à l’épreuve par des passages ré-
pétés d’engins ou par l’écoulement d’eau chargée en particules abrasives. C’est
pourquoi, il est courant d’utiliser des bétons de ciment alumineux dans les sols in-
dustriels sollicités, tels que les aires de manœuvre d’engins de levage, de camions
ou d’avions, car l’expérience montre que ces bétons possèdent une résistance à
l’abrasion supérieure à celle des bétons de ciment Portland :
– d’une part, en raison de la dureté nettement plus élevée du ciment alumineux
comparée à celle du ciment Portland, dureté qui se traduit par une résistance à
l’usure nettement supérieure, à granulats identiques ;
– d’autre part, en raison de l’excellente affinité chimique pâte-granulat dans les
bétons où le ciment alumineux est combiné aux granulats synthétiques Alag,
affinité qui se traduit par une résistance nettement améliorée, notamment la
résistance aux chocs.
Le tableau 14.8 compare la résistance à l’abrasion mécanique de bétons de CAC
et de ciment Portland (ASTM C779, meule rotative) et à l’usure par érosion (essai
type CNR, jet d’eau sous 10 MPa de pression chargée de sable siliceux). Le test
à la meule rotative est normalement contrôlé par la dureté des granulats. Les mê-
mes granulats naturels ayant été utilisés dans les formules 1 et 2, la différence ob-
servée entre les deux types de béton s’explique par la plus grande dureté de la pâte
de ciment alumineux. Le test d’érosion donne une autre vision du matériau puis-
que c’est la phase la plus faible qui est attaquée par le fluide turbulent. On constate
également ici que le liant alumineux améliore la résistance à l’usure.
Tableau 14.8 : comparaison de la résistance à l’abrasion de trois bétons
par deux méthodes différentes*.

ASTM C779 Érosion type CNR


Formules bétons comparées Temps requis pour profondeur Index cm3 érodés Index
d’usure de 6,35 mm (min) relatif par 100 cm2 de surface relatif

Béton OPC + granulats naturels 4,8 100 % 11,0 100 %


Béton CAC + granulats naturels 9,3 196 % 7,3 150 %
Béton CAC + granulats Alag 16,3 342 % 4,8 231 %

* Les trois formules ont été testées au cours du même programme d’essai avec le même appa-
reillage.

Dans les conditions d’usure les plus sévères, l’utilisation de granulats Alag permet
d’obtenir des résistances à l’usure fortement majorées. Avec un béton de Ciment
Fondu + Alag, l’essai AFNOR P 61-302 d’usure au sable a donné un indice de ré-

812
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

sistance de 34,2 après 200 tours (au lieu de 75 tours dans la norme). L’essai ASTM
C704 donne de même une abrasion de 5,4 cm3, résultat considéré comme excellent.
Les bétons de ciment alumineux sont aussi utilisés dans les ouvrages hydrauliques
tels que les déversoirs, les vannes de purge, les égouts, dans lesquels l’effluent est
chargé en matière solide. L’utilisation de béton de Ciment Fondu + Alag pour la
réalisation en 1989 d’un radier anti-usure sur le barrage EDF de Saint-Egrève,
constitue un bon exemple : les sables et les cailloux charriés par le fleuve arrivent
sur cet ouvrage à une vitesse de un à quatre mètres par seconde. Une étude d’éro-
sion réalisée par la Compagnie nationale du Rhône a donné un indice de 0,5 pour
le béton de Ciment Fondu + Alag à comparer aux valeurs de 4 à 8 mesurées sur
béton courant (indice de référence = 1 pour le verre). Un essai de résistance à la
cavitation réalisé au CERG de Grenoble en 1999 avait mis également en évidence
la meilleure tenue du béton combinant Ciment Fondu et Alag. Un inventaire fait
en 2001 montrait plus d’une centaine d’ouvrages hydrauliques, en France et à
l’étranger, étaient revêtus de ce type de béton dans les zones où l’usure est la plus
intense.
La résistance aux chocs est une autre propriété spécifique où les bétons de CAC.
On utilise cette propriété, par exemple, dans les ouvrages torrentiels en montagne,
souvent soumis à d’importants charriages de graviers et de blocs rocheux. Les
puits de chute de minerai dans les mines sont un autre exemple d’application : les
blocs de minerai sont déversés dans des boyaux à forte pente que l’on doit recou-
vrir de béton pour en éviter l’usure prématurée. Ce béton de protection est soumis
continuellement aux impacts des blocs et à l’usure par abrasion.
Au-delà des différents tests de laboratoire, ce sont les nombreuses applications
en conditions réelles qui démontrent le mieux la très grande de résistance à
l’abrasion, à l’érosion et aux chocs des bétons de CAC. Afin d’éviter des répara-
tions répétées, on les utilise pour protéger des infrastructures industrielles, des
ouvrages hydrauliques, des puits de chute de minerai, des aires de brûlage, etc.
Afin de comparer les performances relatives de différentes formules de béton
dans ces conditions extrêmes, une version modifiée du test SABS 541 a été déve-
loppée en Afrique du Sud [VAN 04]. Quatre plaques de béton de 300 mm de coté
sont fixées sur les ouvertures d’une boite rotative chargée avec des boulets d’acier
de 40 mm de diamètre. L’appareil est mis en rotation (60 tr/min). La perte de vo-
lume des plaques après 24 et 48 heures est mesurée. La figure 14.28 illustre les
résultats obtenus dans le cadre d’un important programme comparatif réalisé en
2002. Sur les 41 formules testées, 13 ont résisté 48 heures : les 6 formules à base
de ciment alumineux ont montré une usure moindre que 7 formules à base de bé-
ton de ciment Portland. Les résultats détaillés de cette étude mettent en évidence
qu’à résistance en compression égale, la résistance au choc des bétons de CAC,

813
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

mesurée par ce test sur une plage de résistances comprise entre 60 et 110 MPa, est
supérieure. Les retours d’expérience montrent la bonne tenue des bétons d’alumi-
nates utilisés pour protéger les puits de chute de minerais, à l’exemple du puits
n° 5 de la mine Free State Gedult (Welkom, Afrique du Sud) qui était toujours en
service après avoir conduit 25 millions de tonnes de minerai.

1332
1319
1 400

1268
Formules

1203
comparables
Volume perdu par abrasion (cm3)

1 200

1049
1039
950
1 000

838

796
770
753
740

724
800
709

700
653
647

631
546

600
469

441
436
413
370
339

400
236

CAC OPC
200
CAC OPC
0
24 h 48 h
Figure 14.28 : volume de béton érodé après 24 et 48 heures d’abrasion
pour 13 formules de bétons.
Version modifiée du test SABS 541 : des plaques de bétons sont fixés sur les 4 côtés d’une « boîte
rotative » contenant des boulets d’acier ; le volume perdu par abrasion est mesuré après 24 h et 48 h
de rotation à 60 tr/min. Étant donné la sévérité du test, les plaques sont parfois détruites en cours d’es-
sai.
Pour cette étude, 41 formules ont été testées en variant notamment le type de liant (CAC vs OPC), le
type de granulats, le rapport E/C, le type et la quantité de fibres. Seulement 13 séries d’éprouvettes
ont résisté à 48 heures d’abrasion avec la méthode utilisée. Les six formules à base de ciment alumi-
neux ont montré une usure moindre que 7 formules à base de béton de ciment Portland.

5. CONCEPTION DE BÉTONS ALUMINEUX DURABLES


5.1. Contexte normatif européen : norme EN 14647
La norme EN 14647, ratifiée en octobre 2005, concerne les ciments d’aluminates
de calcium contenant entre 35 % et 58 % d’alumine et utilisés pour la confection
de bétons ou de mortiers pour la construction. Lors de son entrée en vigueur dé-
finitive, en juillet 2007, cette norme européenne a remplacé les normes française
NF P-315 et britannique BS 915 Partie 2 (qui couvraient uniquement le ciment
alumineux à 40 % d’alumine).

814
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

Les CAC destinés aux produits formulés en usine (mortiers prêts à l’emploi) ne
sont pas couverts par la norme EN 14647, de même que les ciments à haute teneur
en alumine destinés aux applications réfractaires, chacun de ces domaines possé-
dant ses propres référentiels normatifs.
Le tableau 14.9 résume les exigences de la norme EN 14647 pour les ciments alu-
mineux.
Tableau 14.9 : exigences physiques et chimiques de la norme EN 14647.

Propriétés Méthode normalisée Exigence

Paramètres physiques

Temps de prise EN-196-1 ≥ 90 minutes

Résistance à la compression à 6 heures EN-196-1 ≥ 18,0 MPa

Résistance à la compression à 24 heures EN-196-1 ≥ 40,0 MPa

Paramètres chimiques

Teneur en alumine (Al2O3) EN 196-2 35 % ≤ Al2O3 ≤ 58 %

Teneur en sulfure (S2–) EN 196-2 ≤ 0,10 %

Teneur en chlorures EN 196-2 ≤ 0,10 %

Teneur en alcalins EN 196-2 ≤ 0,4 %

Teneur en sulfates (SO3) EN 196-2 ≤ 0,5 %

Comme il s’agit d’un ciment spécial, un guide d’utilisation du ciment alumineux


dans les mortiers et bétons a été adjoint à la norme sous la forme d’une annexe
informative (annexe A). Cette annexe rappelle les spécificités du ciment d’alumi-
nates de calcium, dont notamment le phénomène de conversion, et passe en revue
les différentes applications pouvant en bénéficier : résistance aux attaques chimi-
ques, résistance à l’usure, durcissement rapide, bétonnage par temps froid, etc.
À propos de la durabilité des bétons d’aluminates de calcium, l’annexe A de la
norme européenne rappelle l’importance de vérifier l’adéquation à l’usage (fit
for purpose). Ainsi, au-delà des règles de formulation recommandées (teneur en
ciment minimale de 400 kg/m3, rapport eau totale/ciment ≤ 0,4), la performance
observée en conditions réelles d’utilisation demeure une source d’information
incontournable pour le concepteur.

815
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

5.2. Des règles d’utilisation proches de celles des bétons de ciment


Portland
Bien évidemment, la résistance chimique élevée des ciments alumineux permettra
d’édifier des ouvrages durables dans un environnement chimiquement agressif si
les bétons sont réalisés selon les règles de l’art et avec des granulats appropriés.
D’une manière générale, les techniques habituellement utilisées pour la mise en
œuvre des bétons de ciment Portland sont applicables aux bétons de ciment alu-
mineux. On ne citera donc, ci-après, que des règles spécifiques à respecter tout
particulièrement.
La propreté est un facteur primordial pendant la mise en œuvre : tout contact avec
des traces de béton d’autre nature ou de chaux doit être soigneusement évité, sous
risque de prise accélérée. Les matériels seront donc propres et débarrassés de tou-
te trace de béton frais ou durci. Le silo de ciment sera complètement vidé et net-
toyé avant introduction du ciment alumineux.
Depuis la fin des années soixante-dix, un dosage en ciment minimal de 400 kg/m3
a été recommandé pour permettre d’obtenir une ouvrabilité suffisante avec un rap-
port Etotale/C maximal de 0,4, mais aussi pour assurer une résistance mécanique –
après conversion – suffisante dans la majorité des applications. Toutefois,
l’annexe A de la norme européenne EN 14647 rappelle que la formulation du béton
doit être établie en fonction des exigences de résistance mécanique et de durabilité
de l’ouvrage à construire ; une formulation unique ne saurait répondre aux exigen-
ces de tous les cas de figure.
Les différentes études de durabilité à long terme menées dans les années soixante,
soixante-dix et quatre-vingt expriment les formulations en Eau totale plutôt qu’en
Eau efficace. Ainsi, la recommandation historique d’une valeur maximale de Eto-
tale/Ciment de 0,4 correspond, selon la porosité des granulats utilisés, à des rap-
ports Eefficace/Ciment de l’ordre de 0,33 à 0,38.
Le dosage optimal en ciment alumineux dépend de la nature des granulats, de leur
granulométrie et de leur dimension maximale, du rapport ET/C et de l’ouvrabilité
recherchée. Des valeurs entre 400 et 550 kg/m3 sont courantes avec les bétons de
ciment alumineux.
La maniabilité ne doit être améliorée qu’en augmentant le dosage en ciment, ou à
l’aide d’adjuvants plastifiants ou superplastifiants – en respectant le rapport ET/C
– mais en aucun cas en ajoutant de l’eau seulement.
L’eau de gâchage doit être propre et conforme à la norme en vigueur applicable
au gâchage des bétons. L’eau recyclée des centrales à béton ne doit pas être utili-
sée car sa forte teneur en chaux pourrait provoquer la prise en quelques minutes.

816
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

L’eau de mer provoque des retards de prise et ne doit pas être utilisée pour les bé-
tons de structure.
5.3. Un choix de granulats mettant en valeur les propriétés
des ciments alumineux
Le choix des granulats est évidemment important. D’une manière générale, on
proscrira les granulats susceptibles de libérer des alcalins comme, par exemple,
les granites altérés, les roches contenant des éléments schisteux, micacés, felds-
pathiques et les granulats de laitier.
La nature des granulats sera choisie en fonction des propriétés finales recherchées
pour le béton ou le mortier. Ainsi, les granulats calcaires durs seront les plus ap-
propriés pour répondre à des critères de résistance mécanique traditionnelle. Ce-
pendant, on utilisera plutôt des granulats de dureté supérieure tels que le basalte
ou, mieux, Alag ou le corindon pour garantir une bonne durabilité des bétons dans
des conditions d’abrasion exceptionnelles. Dans le cas d’environnements déve-
loppant des contraintes différentielles importantes (chocs thermiques, impacts,
poinçonnement, etc.), on privilégiera Alag, car il permet une meilleure liaison
chimique pâte/granulat et confère au béton une grande homogénéité de compor-
tement mécanique, thermique et chimique.
La courbe granulaire optimale des granulats utilisés dépend essentiellement du
mode de mise en place utilisé. D’une manière générale, la présence de fines infé-
rieures à 0,160 mm est très préjudiciable aux résistances mécaniques; on utilisera
par conséquent des sables lavés pour les bétons de structure
5.4. Une mise en œuvre usuelle prenant en compte les flux thermiques
Les règles de mise en œuvre sont celles des bétons conventionnels. Comme pour
tous les bétons, il est essentiel d’assurer pour les bétons de ciment alumineux une
bonne compacité. Etant donné l’ouvrabilité modérée et le caractère thixotropique
des bétons de ciment alumineux en l’absence de superplastifiant, il est nécessaire
d’utiliser les moyens de serrage mécaniques (aiguilles vibrantes ou coffrage vi-
brant).
La cure demande une attention particulière en raison de l’autoéchauffement plus
important du béton de CAC, spécialement pour les sections supérieures à
100 mm. D’une part, on doit utiliser des moyens appropriés pour éviter la dessic-
cation précoce du béton en surface. D’autre part, on ne doit pas favoriser le diffé-
rentiel thermique entre la peau et le cœur du béton, ce qui augmente le risque de
fissuration d’origine thermique. Une méthode de cure contraignante utilisée dans
le passé consistait à retirer les coffrages non porteurs dès l’échauffement du béton
(environ quatre heures après le bétonnage) et d’arroser en permanence pendant au

817
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

moins vingt-quatre heures. Cet arrosage ne visait pas tant à refroidir l’ouvrage
dans sa masse qu’à maintenir une humidité permanente en surface. L’utilisation
de produit de cure (pour autant qu’il demeure efficace malgré l’auto-échauffe-
ment) ou la couverture avec des bâches plastique étanches élimine avantageuse-
ment les contraintes liées à la cure par arrosage.
Pour le bétonnage par temps froid, les ciments alumineux, en raison de leur exo-
thermicité précoce et rapide, offrent des possibilités de bétonnage supérieures à
celles des ciments Portland. Il est possible, en effet, de les mettre en œuvre jus-
qu’à – 10 °C. Toutefois, pour garantir au béton une qualité indispensable à sa bon-
ne durabilité, il est important de ne pas utiliser de granulats gelés, de gâcher à
l’eau tiède (voire chaude), et de protéger le béton pour qu’il ne gèle pas durant les
quatre à cinq premières heures qui suivent la fin de la mise en place, le temps que
l’hydratation débute.
Pour le bétonnage par temps chaud, on doit éviter une température élevée du bé-
ton plastique non seulement pour maintenir une ouvrabilité et une durée pratique
d’utilisation correctes, mais aussi pour minimiser les impacts d’un autoéchauffe-
ment trop important. On appliquera les précautions nécessaires pour réduire la
température du béton : ne pas stocker au soleil les constituants du béton, arroser
les granulats, utiliser une eau de gâchage la plus froide possible, etc. L’utilisation
d’un retardateur est toujours souhaitable (voir titre suivant). L’anomalie de temps
de prise, phénomène spécifique des ciments alumineux observé entre 26° et 30°,
induit à la fois une perte d’ouvrabilité du béton plastique et un retard de prise de
quelques heures. Cette anomalie ne doit jamais être corrigée par un ajout d’eau
mais plutôt en prenant des mesures assurant une température du béton frais infé-
rieure à 25 °C (eau froide ou ajout de glace, granulats à l’abri du soleil, etc.)
5.5. Une adjuvantation simple… mais spécifique
Le choix des adjuvants doit permettre de répondre aux contraintes de mise en pla-
ce en termes de délais, de fluidité, etc., et de garantir, malgré ces contraintes, l’ob-
tention d’un produit final de bonne qualité en termes de structure et de résistances
mécaniques et chimiques. En première approche, on retiendra que les adjuvants
usuels du ciment Portland sont peu ou pas efficaces avec le ciment alumineux.
Les plastifiants les plus efficaces des ciments alumineux sont aussi des retardateurs;
il s’agit essentiellement de produits en poudre utilisés par les manufacturiers de mor-
tiers en sac : les acides, les citrates, les tartrates, les complexants tels que les sels
d’EDTA, les tripolyphosphates, l’hexamétaphosphate de sodium, le carbonate et le
bicarbonate de sodium. Ces produits agissent principalement comme complexants du
calcium, leurs effets respectifs sur la rhéologie des bétons sont légèrement différents,
mais très efficaces et peuvent être optimisés par mélange.

818
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

Les superplastifiants des ciments Portland de type lignosulphonate, mélamine ou


naphtalène sont peu efficaces avec le ciment alumineux. Par contre, les molécules
récentes de type polycarboxylates ont un puissant effet de fluidification, rendant
possible la production de bétons très maniables, voire fluides. La durée de cet ef-
fet fluidifiant varie – selon le ciment alumineux utilisé – entre 15 et 90 minutes.
Les retardateurs simples apportent parfois aussi un faible effet fluidifiant : il
s’agit des sucres (glucose, saccharose), des polysaccharides (amidon, cellulose).
L’accélérateur le plus fréquemment utilisé est le carbonate de lithium, avec le-
quel il est possible d’obtenir un réglage très précis de la prise et du durcissement,
pour autant qu’il soit uniformément dispersé dans la masse du béton.
Il n’y a pas de contre-indication à l’usage des entraîneurs d’air avec le ciment alu-
mineux. Mais il est recommandé de vérifier si le produit utilisé n’entraîne pas une
modification des vitesses de prise et de durcissement incompatible avec l’appli-
cation considérée.

6. CONCLUSION
Le ciment alumineux a été conçu depuis son origine pour présenter une excellente
résistance aux agressions extérieures. L’usage a montré qu’il accroît la durabilité
des bétons et mortiers dans des environnements réputés difficiles tels que les sols
chargés en sulfates, les milieux marins, les réseaux d’assainissement ou les sites
industriels.
Ces milieux présentent rarement un seul facteur agressif, chimique ou mécanique,
et rassemblent un ensemble de contraintes aussi diverses que corrosion chimique,
érosion, poinçonnements et impacts, compression et flexion, chocs thermiques
d’intensité variable dans le temps et souvent mal déterminées, ce qui les rend
complexes à étudier. De nombreuses études de laboratoire ont permis d’appréhen-
der les mécanismes mis en jeu lors de ces agressions et, par là même, de mieux
répondre pour chaque cas aux attentes de durabilité, par un choix approprié des
granulats et par une attention particulière portée aux conditions de mise en place.
Le phénomène de conversion doit en particulier être pris en compte dès la con-
ception des ouvrages en vérifiant que les propriétés du béton après conversion
sont en adéquation avec les propriétés attendues.
Le ciment alumineux est un ciment spécial dont les propriétés de durabilité spé-
cifiques peuvent être avantageusement valorisées dans certaines applications
exigeantes. Cette bonne durabilité en milieux agressifs est confirmée depuis de
nombreuses années par l’expérience pratique.
Souvent, le ciment alumineux, sans être nécessairement la solution la mieux adap-
tée pour un type d’environnement ou de contrainte considéré individuellement,

819
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

constitue une solution durable parce qu’il présente une grande résistance vis-à-vis
de la plupart des agressions mécaniques et physico-chimiques qui sont souvent
présentes simultanément dans les environnements agressifs. Cette résistance par-
ticulière est confirmée depuis de nombreuses années par l’expérience pratique.
Le développement durable devient aujourd’hui une approche incontournable
d’évaluation des choix des méthodes et des matériaux de construction. La capaci-
té des bétons d’aluminates de calcium à protéger les ouvrages et à en augmenter
la longévité est une option à la disposition des concepteurs pour améliorer le bilan
global de la construction à réaliser. Ainsi, une plus longue tenue à l’usure, une
bien meilleure résistance à la corrosion bactériogénique ou encore le piégeage ef-
ficace d’ions toxiques autrement libérés dans l’environnement sont autant de
moyens d’augmenter la durabilité des ouvrages.

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823
CHAPITRE 15

La durabilité des bétons de ciment


prompt naturel

D. SOMMAIN

Résumé
Le ciment prompt naturel d’une composition chimique proche des ciments Port-
land se distingue de ceux-ci de par une composition minéralogique spécifique.
Cette dernière formée à une température comprise entre 800 et 1200 °C procure
à ce ciment naturel une prise rapide de l’ordre de quelques minutes. La prise est
suivie immédiatement d’une montée en résistance qui s’effectue en deux temps:
rapide de la fin de prise à quelques heures puis continue dans le temps pendant
de nombreux mois. Cette composition minéralogique spécifique avec une quasi
absence de portlandite confère une bonne tenue aux eaux agressives et à la pol-
lution urbaine prouvée sur plus de 150 ans.
Mots-clés
ATTAQUE SULFATIQUE, BÉLITE, CHAUX ROMAINE, CIMENT NATUREL, CIMENT ROMAIN,
CUISSON BASSE TEMPÉRATURE, EAUX AGRESSIVES, HYDRATATION RAPIDE, MAYÉNITE,
POLLUTION URBAINE.

825
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

1. INTRODUCTION
Le ciment prompt naturel (CNP) ne se distingue pas des ciments Portland par sa
composition chimique mais par sa composition minéralogique spécifique lui con-
férant un temps de début de prise très rapide (2 minutes) suivi une minute après, dès
la fin de prise, par un durcissement immédiat, rapide et progressif dans le temps.
Les applications qui découlent de ces propriétés de rapidité sont celles qui récla-
ment une remise en service tout aussi rapide, telles que : des mortiers de scellement,
de réparation et de maçonnerie rapide, d’étanchéité, d’arrêt de venue d’eau…
Ces propriétés ont donné satisfaction aux utilisateurs au cours du temps. Ce ci-
ment est fabriqué depuis plus de 150 ans; de nombreux ouvrages anciens à base
de ce liant sont encore en service et visitables à l’heure actuelle. À une époque où
il est souvent exigé une durée de service de 100 à 120 ans, le ciment prompt na-
turel est une solution originale de durabilité.
Dans ce chapitre, il sera abordé la composition minéralogique assurant les pro-
priétés de rapidité et de durabilité du CNP. Un exemple de comportement sur plus
de 120 ans face aux agressions urbaines sera explicité. La tenue aux eaux agres-
sives sera développée. Nous verrons que pour une application de qualité durable
des dosages spécifiques doivent être utilisés.

Histoire des ciments naturels


Au début du XIXe siècle, dans toute l’Europe, une émulation se créa pour remplacer
les fameux mélanges chaux et pouzzolanes datant de l’époque romaine. La pouzzola-
ne, importée d’Italie, était chère et de qualité très inégale. Dans l’esprit du siècle des
lumières, pour des raisons économiques, d’indépendance nationale et de recherche de
technicité pour aller vers plus d’hydraulicité de nombreux chaufourniers se mirent à
cuire des calcaires moins purs de manière empirique avec plus ou moins de bonheur.
En 1818, Louis Vicat [VIC 18] développe, devant l’Académie des sciences qui l’ap-
prouva, pour la première fois la théorie de l’hydraulicité (propriété des liants de durcir
sous l’eau) en démontrant scientifiquement le rôle de la teneur en argiles dans les cal-
caires de l’époque. En utilisant le rapport argile/chaux, il définit « l’indice d’hydrauli-
cité » ce qui lui permit de classer les chaux et ciments naturels de l’époque
(figure 15.1) et d’inventer les ciments artificiels en reconstituant des mélanges de
chaux et d’argile.
C’est avec cette même clairvoyance que L. Vicat conseilla la première fabrication in-
dustrielle de Ciment Prompt Naturel en 1842 à Grenoble [VIC 40, DUM 60] sur les lieux
même d’une exploitation de chaux où affleure un calcaire argileux qu’il trouva [VIC 27,
VIC 26] en 1827. Son fils Joseph continua la fabrication de ce ciment naturel en Char-
treuse sur le site de « la Pérelle » où il est toujours fabriqué. Du fait des qualités intrin-
sèques de sa matière première, le ciment prompt naturel Vicat traversa les siècles pour
être aujourd’hui le seul ciment naturel produit en quantité industrielle dans le monde.

826
La durabilité des bétons de ciment prompt naturel

Indice d'hydraulicité ((silice + alumine)/chaux)

0,1 0,31 0,5 0,65


1 700
ciment Portland artificiel
Température de cuisson (°C)

1 500
ciment
chaux faiblement prompt
1 300 ciment Portland
hydraulique naturel
naturel

1 100
ciment naturel
chaux chaux chaux
900 grasse moyennement
hydraulique

700
chaux éminemment chaux limite
hydraulique
500
0 5 10 15 20 25 30 35
Argile (%)

Figure 15.1 : classification de L. Vicat.


Il s’agit de la première classification vraiment scientifique des liants hydrauliques. Elle résulte des
premiers travaux de L. Vicat qui a reproduit artificiellement un liant hydraulique en réalisant la
cuisson d’un mélange de calcaire et d’argile. Cette classification est basée sur la proportion d’ar-
gile et sur l’indice d’hydraulicité qui se calcule en faisant le rapport (silice + alumine)/chaux. En
fonction de la température de cuisson des différents liants, il est possible de situer les premiers
liants chaux et ciment naturel par rapport aux ciments modernes.
À cette époque, partout ailleurs, des ciments naturels aussi appelés « ciments
romains » ou « chaux romaines » ou tout simplement chaux hydrauliques sont fabri-
qués à partir de calcaire ayant une teneur en argile plus importante que les ciments
Portland actuels [ECK 28]. De fait la composition chimique de ces liants naturels
[MER 06] est très variée et s’étend des clinkers Portland actuels aux laitiers
(figure 15.2) Le procédé de cuisson de l’époque, cuisson en four droit à température
inférieure à 1200 °C, n’était pas adapté pour combiner totalement la chaux avec la
silice. Pour garder le maximum d’hydraulicité, l’extinction de cette chaux vive, com-
me il se fait actuellement pour les chaux hydrauliques naturelles, n’était pas souhai-
tée. C’est la raison pour laquelle la teneur en chaux devait être plus basse donc une
matière première riche en argile. Cette absence de chaux vive explique la différence
d’appellation entre ciment naturel et chaux hydraulique naturelle alors qu’ils ont en
commun les mêmes minéraux mais en proportion différente.

827
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

2. CARACTÉRISTIQUES DU CIMENT PROMPT NATUREL


2.1. Composition chimique et minéralogique : un liant bélitique activé
par des aluminates très réactifs
Le ciment prompt naturel (CNP) résulte de la cuisson de matériaux issus d’un seul
et même banc de marnes situé à la base du crétacé du massif de la Chartreuse en
Isère. Ce banc présente une composition chimique très constante avec un titre en
carbonate (teneur en carbonate de calcium et de magnésium exprimé en CaCO3)
de 72 pour 78 avec les clinkers Portland. Il est donc proche d’un cru de clinker
Portland classique mais avec toutefois des singularités qui en font un matériau
unique. Cette marne, extrêmement fine et homogène associe dans un même ma-
tériau calcaire et argiles, le tout très intimement mêlé. Aucun correcteur de com-
position n’est ajouté d’où son appellation de ciment naturel. Les pierres extraites
de la carrière souterraine sont concassées et cuites en blocs de 2 à 20 cm de dia-
mètres dans des fours droits.
0 100

10 90

20 80 Pouzzolanes
30 70
O
Ca

60
SiO

40 Ciments haut-fourneau CEM III


Laitiers
50 50
Ciments naturels Ciments alumineux
2

(d'après [MER 06]) 60 40


Ciments sulfo-alumineux
Clinkers Portland 70 30
Ciment prompt naturel
80 20
90 10
Chaux hydraulique
100 0
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

Al2O2

Figure 15.2 : localisation du ciment prompt naturel dans le triangle CaO-SiO2-Al2O3,


d’après [MER 06].

Le ciment prompt naturel comme les clinkers Portland se positionne globalement


entre les domaines des chaux hydrauliques et des ciments naturels.
L’originalité du CNP ne provient pas d’une composition chimique particulière
(tableau 15.1 et figure 15.2), elle est très voisine de celle d’un clinker Portland,
mais plutôt d’une cuisson à température basse et à large spectre thermique de
600 à 1200 °C.
Il en résulte la formation à l’état solide avec peu de phases fondues d’une vaste
gamme de minéraux :
– une partie de la pierre n’est pas suffisamment chauffée ; elle est simplement
déshydratée d’où la perte au feu élevée et la présence de résidu insoluble ;

828
La durabilité des bétons de ciment prompt naturel

– à température plus élevée, toute une famille d’aluminates plutôt pauvres en


chaux se forment : C4AF, C3A, C12A7, C4A3 S et C2AS. Des traces de monoalu-
minate de calcium sont présentes. Malgré leur variété, la somme de tous les alu-
minates hydrauliques présents dans le CNP ne dépasse guère 20 % du total des
phases, cette valeur reste dans la fourchette des ciments artificiels qui renferment
couramment entre 16 et 21 % d’aluminates ;
– la bélite (C2S) est très largement majoritaire, représentant près de la moitié du
liant ce qui fait du CNP un liant bélitique. L’alite (C3S), principal constituant des
ciments artificiels, n’est ici présente qu’en très faibles quantités car s’il y a réac-
tion, elle est locale et très partielle. La combinaison silice-chaux est assez équili-
brée puisque la formation de chaux vive (CaO) est minime (de l’ordre de
quelques %).
Le CNP renferme également en faibles quantités d’autres phases telles que le pé-
riclase, des sulfates alcalins, des sulfates de calcium et calco-alcalins qui jouent
un rôle très important lors de l’hydratation du liant.
Tableau 15.1 : composition chimique et minéralogique type du CNP.

PF 975 °C SiO2 Al2O3 Fe2O3 CaO MgO SO3 K2O Na2O

9% 18 % 7,5 % 3,5 % 53 % 4% 3,5 % 1% 0,5 %

Chaux Autres dont


C3S C2S C3A C4AF C12A7 C4A3 S Périclase Calcite Sulfates
libre phases amorphes

5-15 % 40-60 % 6 ± 2 % 9 ± 2 % 3 ± 1 % 3 ± 1 % 4 ± 1 % 2 ± 2 % 10-15 % 3 ± 1 % 10-15 %

La cuisson à basse température donne naissance à des minéraux de très petite


taille dont certains mal cristallisés sont plus réactifs que dans un clinker de ciment
artificiel. Contrairement à ce dernier, le CNP ne reçoit aucun ajout de gypse ou
d’anhydrite pour réguler sa prise. La seule source de soufre provient donc des dif-
férents sulfates présents naturellement dans le ciment.
L’autre particularité de cette cuisson à une température moins élevée qu’un ci-
ment Portland est un bilan thermique faible de l’ordre de 65 % de celui d’un
CEM I. À cette contribution au développement durable s’ajoute le fait que les
émissions de CO2 de décarbonatation du CNP représentent 80 % de celui des
CEM I.

829
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

2.2. Hydratation du CNP : deux phases d’hydratation originales


Les réactions d’hydratation se font en deux phases distinctes : la première très
rapide grâce aux aluminates très réactifs et la seconde grâce à la réaction à
moyen et long terme de la bélite.
Les premiers hydrates commencent à se former juste après le gâchage. L’hydra-
tation très rapide d’une partie du C12A7 et du C3A en présence de soufre prove-
nant des divers sulfates alcalins, et de chaux hydratée donne naissance à des
hydrates d’aluminium sulfocalciques de type monosulfoaluminate de calcium
(réactions 1 et 2). L’hydratation du C4AF (réaction 3) en présence toujours des
sulfates de la solution interstitielle poursuit cette formation. Le C4A3 S , qui s’hy-
drate plus tardivement (quelques heures), apporte une nouvelle quantité de mono-
sulfoaluminate qui se rajoute à la précédente (réaction 4). En général, au bout de
48 heures une bonne partie des aluminates est hydratée ainsi que le peu de C3S
alors que l’hydratation de la bélite n’a pas encore commencé (réaction 5), celle-
ci ne débute qu’au bout de quelques jours. Entre les deux les résistances mécani-
ques évoluent peu, elles reprennent entre 5 et 7 jours avec l’hydratation progres-
sive de la bélite.
C12A7 + 7Ca2+ + 7 SO42– + 9 Ca(OH)2 + 75 H2O → 7 C3A.CaSO4.12H2O (1)

C3A + Ca2+ + SO42– + 12 H2O → C3A.CaSO4.12H2O (2)


C4AF + SO42– + 13 H2O → C3(A,F)CaSO4.12H2O + 2OH– (3)

C4A3 S + 8 Ca2+ + 2 SO42– + 36 H2O + 12OH– → 3C3A.CaSO4.12H2O + 6H2O (4)


C2S + 2 H2O → C-S-H + Ca(OH)2 (5)
Contrairement à l’alite, que l’on trouve en abondance dans les ciments artifi-
ciels, l’hydratation de la bélite ne donne naissance qu’à une faible quantité de
portlandite (hydroxyde de calcium). Au bout de quelques semaines d’hydrata-
tion, une pâte ou un mortier de CNP renferme donc une bonne part d’hydrates
stables (monosulfoaluminate de calcium, C-S-H). Ces minéraux sont beaucoup
moins sensibles aux altérations que la portlandite ou les aluminates de calcium.
L’observation au microscope électronique à balayage de pâtes et mortiers de CNP
âgés de plus d’un mois révèle une texture souvent compacte (figures 15.3 et 15.4),
fermée, peu poreuse. La plupart des hydrates formés (monosulfoaluminates et C-
S-H) sont de très petites tailles et très imbriqués les uns dans les autres. Les auréo-
les de transitions entre la pâte et les granulats, qui sont souvent des zones privilé-
giées pour la circulation des solutions d’altération, sont ici fines, pauvres en
portlandite, peu poreuses, d’où une durabilité accrue du matériau.

830
La durabilité des bétons de ciment prompt naturel

Figure 15.3 : aspect de la pâte de CNP dans un mortier,


rapport sable/ciment = 1/3 E/C = 0,5 à 56 jours
(image au microscope électronique à balayage).

Figure 15.4 : aspect de l’auréole de transition pâte/granulat dans un mortier


rapport sable/ciment = 1/3 à 56 jours (image au microscope électronique à balayage).

2.3. Normalisation et agrément technique européen


La norme NF P15-314 définit les spécifications des caractéristiques chimiques et
mécaniques du ciment prompt naturel. Le Laboratoire d’essais des matériaux de
la Ville de Paris, dans le cadre de l’attribution de la marque NF vérifie la confor-
mité de cette norme.
La norme NF P15-317 Ciments pour travaux à la mer le reconnaît apte pour les
travaux à la mer.

831
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Un agrément technique européen (ETA-07/0019) atteste la conformité du produit


aux spécifications techniques harmonisées (annexe ZA) de la norme à laquelle il
se réfère (NF EN 197-1). Cette procédure permet d’obtenir le marquage régle-
mentaire CE.

3. DURABILITÉ DES MORTIERS ET BÉTONS DE CIMENT


PROMPT NATUREL
3.1. Une solution rapide et durable, une montée en résistance
sur plusieurs années
Les deux caractéristiques principales du ciment prompt naturel (CNP) en ce qui
concerne l’évolution des résistances dans le temps sont :
– une montée très rapide des résistances dès la fin de prise ;
– une progression continue sur plusieurs années.
Le tableau 15.2 montre cette évolution des résistances. L’hydratation des miné-
raux alumineux (C12A7, C4AF et C3A) et dans une moindre mesure sulfoalumi-
neux (C4A3 S ) est responsable de cette montée rapide en résistance de la prise
jusqu’à quelques jours.
Bien que la teneur en alumine soit relativement faible (7,5 %), les interactions
positives entre les différents minéraux alumineux lors de l’hydratation en font
un système très réactif en terme de prise et de durcissement ce qui facilite la mise
en service rapide des travaux.

Tableau 15.2 : montée en résistance à court et long terme


(mortier de rapport sable/ciment =1/1, E/C=0,38).

Échéances 15 min 1 heure 3 heures 1 jour 7 jours 28 jours

Valeurs (MPa) moyennes 5,5 7 9 15 23 32

Spécifications NF P15-314 >4 >6 >8 > 10 >14 > 19

Échéances 3 mois 6 mois 1 an 2 ans 5 ans 10 ans

Valeurs (MPa) moyennes 40 46 52 60 63 67

L’hydratation lente de la bélite (C2S) assure ensuite la montée en résistance sur


plusieurs années. Ce silicate dicalcique apporte donc un potentiel d’hydratation
dans le temps et une possibilité « d’autocicatrisation » d’éventuels dommages
tels qu’une microfissuration au jeune âge. Il s’agit donc d’une propriété de du-
rabilité importante.

832
La durabilité des bétons de ciment prompt naturel

3.2. Durabilité face aux agressions de la pollution urbaine


Le fait que le ciment prompt naturel soit fabriqué avec pratiquement le même pro-
cédé (four droit) depuis les années 1850 jusqu’à maintenant et que de nombreux édi-
fices construits il y a plus d’une centaine d’année soient encore fonctionnels, nous
donne un recul unique pour caractériser la durabilité dans le temps de ce ciment.
La ville de Grenoble a un patrimoine du XIXe siècle riche en constructions à base
de ce ciment naturel. Le Cercle des partenaires du patrimoine [CAI 05a, CAI 05b]
a mené un programme de recherche concernant les ciments naturels Isérois et leurs
altérations. Une enquête de terrain a tout d’abord permis de recenser une soixan-
taine d’édifices sur l’Isère utilisant des ciments naturels. Un bon état de conserva-
tion de ces bétons anciens a été constaté. Deux principales altérations de surface
ont, toutefois, été observées : un phénomène d’érosion laissant apparaître les gra-
nulats (figures 15.5 et 15.6) et un phénomène d’écaillage de surface associé à des
croûtes noires (figure 15.7). Le phénomène d’érosion a été observé sur la quasi-
totalité des bâtiments alors que l’écaillage ne concernait que quelques édifices.
Des analyses physico-chimiques ont ensuite été menées sur des échantillons pré-
levés sur cinq sites représentatifs. Elles ont permis d’identifier des microstructu-
res se rapprochant de celles du ciment prompt actuel, confirmant des données
historiques concernant les matériaux de construction des édifices. Elles ont éga-
lement conduit à caractériser les mécanismes d’altération.

Figure 15.5 : exemple d’altération Figure 15.6 : exemple d’altération


par érosion sur un moellon en ciment par érosion sur un décor de façade
naturel, église Saint-Bruno de Grenoble à Grenoble [CAI 05a]
[CAI 05a] (photo Cercle du patrimoine). (photo Cercle du patrimoine).

833
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Figure 15.7 : phénomène d’écaillage associé au développement de croûtes noires sur le


lycée Champollion de Grenoble [CAI 05a] (photo Cercle du patrimoine).

3.2.1. Les phénomènes d’écaillages


(exemple des piliers du lycée Champollion datant de 1882)
Des observations au microscope électronique à balayage (figure 15.8) ont révélé
de nombreuses cristallisations de gypse en surface et en subsurface des zones
écaillées.

Zone 4 Zone 3 Zone 2 Zone 1


Surface Pâte de ciment
externe carbonatée

Cristaux
de gypse

Béton carbonaté Veines Croûte noire


Gypse cristallisé
dans les microporosités de cristaux
de la pâte de gypse

Figure 15.8 : cartographie EDS montrant la répartition du soufre (cristallisations de


gypse) dans la subsurface des échantillons prélevés dans la zone écaillée
du lycée Champollion [CAI 05a].

Des cartographies élémentaires, réalisées par spectrométrie à dispersion d’énergie


(EDS), ont montré plusieurs formes de cristallisation du gypse localisées dans
quatre principales zones présentant des microstructures différentes en fonction de
la profondeur :
• zone 1 : zone d’environ 200 µm d’épaisseur, localisée en surface et principale-
ment, composée de gypse. Elle correspond à la croûte noire observée en surface

834
La durabilité des bétons de ciment prompt naturel

qui provient certainement d’un apport de soufre externe probablement causé par
la pollution urbaine ;
• zone 2: zone très microfissurée d’environ 500 µm d’épaisseur localisée en sub-
surface, les cristallisations de gypse sont localisées dans des microfissures paral-
lèles à la surface. Ce gypse est de type palissadique avec une croissance perpen-
diculaire à la surface ;
• zone 3: zone plus compacte d’environ 2,5 mm d’épaisseur, de nombreuses
cristallisations de gypse ont été observées dans les microporosités de la pâte ;
• zone 4: elle correspond au béton carbonaté. Sa morphologie est représentative
des zones non écaillées. Les cristallisations de gypse ne sont plus détectées sauf
dans le cas de fissures se propageant depuis la surface.
Ces formes cristallines du gypse ainsi que leurs localisations présentent de nom-
breuses similitudes avec les mécanismes d’altération des pierres liés à la présence
de croûte noire [BRO 96]. Cette dernière correspond à un dépôt de surface cons-
titué de gypse cimentant d’autres particules apportées par l’environnement exté-
rieur telles que les cendres volantes, des suies. Les cristallisations internes de
remplissage de type palissadique constatées dans les microfissures et les porosités
des pierres altérées sont du même type que celles observées dans la zone 2.
3.2.2. Les phénomènes d’érosion
(exemple de l’église Saint-Bruno datant de 1874)
Bien qu’un faible enrichissement en soufre ait été constaté sur les 5 premiers mil-
limètres, sans doute lié à un apport externe causé par la pollution urbaine, le phé-
nomène d’érosion semble principalement lié à une dissolution associée à l’eau de
pluie.
3.2.3. Carbonatation
Les différentes mesures ont montré une profondeur de carbonatation variant de 15
à 30 mm seulement.
Sur une soixantaine d’édifices recensés (en béton âgé de plus d’une centaine
d’années), quelques-uns présentent une altération conséquence d’une attaque
sulfatique due à la pollution urbaine. Ces altérations, qui n’affectent le béton
que sur quelques millimètres, sont tout à fait comparables à celles observées sur
les pierres d’après [BRO 96]. Étant donné l’âge plus que centenaire des bétons
étudiés, leur faible profondeur de carbonatation confirme leur bonne tenue dans
le temps.

835
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

3.3. Résistance aux eaux agressives


La réponse du CNP aux agressions extérieures est dictée par sa composition mi-
néralogique spécifique ainsi que par sa porosité.
• La portlandite est très peu présente dans le ciment hydraté, de ce fait, sa disso-
lution par une attaque acide a peu d’effet et la formation de gypse secondaire par
substitution avec les sulfates lors d’une attaque sulfatique est peu importante. La
réaction entre ce gypse secondaire avec des reliquats de C3A anhydre ou le
monosulfoaluminate de calcium pour la formation d’ettringite secondaire est
donc réduite. Cette ettringite secondaire se formant dans un milieu pauvre en
chaux ne provoque pas d’expansion [BAR 92]. La figure 15.9 montre un com-
portement similaire à un ciment de qualité PM ES en présence d’eau sulfatée.
• L’hydratation lente du C2S donne un potentiel d’hydrate se développant dans
le temps permettant la formation d’une faible perméabilité (figure 15.10).
• Les résultats des essais de longue durée (50 ans) effectués sur des cubes de
bétons de CNP immergés dans la zone de marnage dans le port de La Rochelle,
ayant permis au CNP d’obtenir la norme NF P15-317, confirment la bonne tenue
du ciment prompt naturel à l’eau de mer.

1 000
Expansion (μm/m)

800

600

400

200

0
0 50 100 150 200 250 300 350
Jours
n° 1 n° 2 n° 3 n° 4

Figure 15.9 : comportement en présence d’eau sulfatée.


Des éprouvettes (2,5 × 2,5 × 28cm) de mortier de CNP (courbes 1 et 2) de rapport sable/ciment = 1/2
et de E/C = 0,40 et de mortier de CEM I 52,5 N PM ES (courbes 3 et 4) de rapport sable/ciment = 1/3
et de E/C = 0,50 ont été conservées en immersion totale (courbe continue) ou en cycle mouillage sé-
chage journalier (courbe pointillée) 16 heures d’immersion et 8 heures de séchage dans une solution
de sulfate de magnésium concentrée à 50 g/L d’eau pendant un an.

836
La durabilité des bétons de ciment prompt naturel

Perméabilité

1,E-10

1,E-11
Coefficient 1,E-12
de perméabilité
(m/s) 1,E-13

1,E-14

1,E-15
CEM II 42.5 1/3 CNP 1/1
Composition
28 jours 3 mois 6 mois 12 mois

Figure 15.10 : évolution du cœfficient de perméabilité d’un mortier de CNP.


Mortier de CNP (rapport ciment/sable = 1/1, E/C = 0,38) et d’un mortier de CEM II 42,5 (rapport ci-
ment/sable = 1/3, E/C = 0,5) Les dosages testés sont différents car ils correspondent à ceux habituel-
lement utilisés sur chantier.

4. LES RÈGLES D’UTILISATION POUR UNE BONNE


DURABILITÉ
Le temps de prise rapide et les dosages doivent être maîtrisés pour une bonne
qualité d’application et surtout pour avoir une bonne garantie de durabilité. Il
faut veiller à ne pas se faire surprendre par la prise rapide car cela entraîne une
perte de maniabilité irréversible. Remalaxer le mortier ou le béton après le dé-
but de prise ainsi qu’effectuer un rajout d’eau ne fait qu’altérer la précipitation
et la cristallisation des minéraux en augmentant la porosité.

Le ciment prompt naturel est utilisé dans les mortiers et bétons. Le maximum de
compacité pour une bonne durabilité est obtenu comme avec les autres liants en
optimisant le squelette granulaire des granulats (voir le chapitre 3).
4.1. Un dosage spécifique et compatibilité de l’adjuvantation
Afin que les résistances aux jeunes âges se développent de manière optimale et
que la durabilité soit maximum, il est conseillé d’utiliser un rapport eau/ciment
inférieur à 0,5, idéalement à 0,4. Afin d’avoir une maniabilité acceptable par les
utilisateurs, cela implique des dosages recommandés [VIC 03, BAR 96] plus éle-
vés que ceux des ciments Portland, de l’ordre de 600 à 900 kg/m3 pour les mor-
tiers et de 400 à 600 kg/m3 pour les bétons.

Même à ces dosages élevés, le retrait du ciment prompt naturel n’est pas supérieur
à ceux des ciments Portland à leur dosage usuel. Il est possible d’utiliser le ciment
prompt naturel à des dosages inférieurs et des E/C supérieurs à ceux recomman-

837
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

dés pour des usages peu sollicités mécaniquement et ne nécessitant pas une dura-
bilité maximum.
L’emploi d’adjuvant réducteur d’eau peut permettre de baisser ces dosages re-
commandés en respectant le rapport eau/ciment optimum. Les familles de plasti-
fiant et superplastifiant adaptées sont par ordre d’efficacité : les polycarboxylates
spécifiques aux liants rapides, les lignosulfonates, les polynaphtalènes sulfonates
et les polymélamines sulfonées. Pour les autres adjuvants, leur compatibilité avec
le ciment prompt naturel doit être vérifiée par des essais préalables.
4.2. Maîtrise du temps de prise, emploi
La prise rapide du ciment prompt naturel ne laisse du temps disponible que
pour mettre en œuvre de faibles quantités (de l’ordre de quelques litres). L’em-
ploi de retardateur devient donc évident pour gâcher de grands volumes de bé-
tons.

Le retardateur le plus efficace est l’acide citrique. Comme autre facteur influant
sur le temps de prise, la température est à prendre en considération (tableau 15.3).
Tableau 15.3 : facteurs modifiant le temps de prise (pâte pure, E/C = 0,36).

Température (°C) 5 10 20 30

Temps de prise en fonction Début de prise (min) 5 3 1,5 1


de la température Fin de prise (min) 6 4 2 1,5

Acide citrique (%) 0 0,3 0,6 0,8

Temps de prise réglable Début de prise (min) 1,5 5 15 21


par l’ajout d’acide citrique à 20 °C Fin de prise (min) 2 6 16 24

5. CONCLUSION
Fabriqué depuis plus d’un siècle et demi, le ciment prompt naturel offre des réfé-
rences sur toute cette période. Son comportement vis-à-vis des agressions indus-
trielles et urbaines a été étudié. L’attaque sulfatique due aux ambiances urbaines
n’affecte que la peau du béton sur quelques millimètres. En profondeur le béton
reste sain. Cela explique que de nombreux ouvrages et édifices soient encore en
service à l’heure actuelle.
Bien qu’ayant une composition chimique proche des clinkers de ciment Portland,
il en diffère au niveau de sa composition minéralogique du fait de sa cuisson à une

838
La durabilité des bétons de ciment prompt naturel

température moins élevée. Cette composition minéralogique originale et inhabi-


tuelle donne lieu à une hydratation ingénieuse en deux phases :
– les aluminates apportent la rapidité, la prise se produit quelques minutes après
hydratation ;
– les silicates composés essentiellement de bélite donnent une montée en résis-
tance sur plusieurs années.
Il en résulte des propriétés de durabilité, comme une bonne résistance aux eaux
agressives, essentiellement dues à la quasi-absence de portlandite et à une faible
porosité.
Ce ciment présente une solution originale de durabilité qui a fait ses preuves sur
plus de 150 ans.

Bibliographie
[BAR 92] BARON J., OLLIVIER J.-P. – La durabilité des bétons, Presses des Ponts et
Chaussée, 1992, chapitre 9, 370 p.
[BAR 96] BARON J., OLLIVIER J.-P. – Les bétons, bases et données pour leur formu-
lation, Eyrolles, 1996, chapitre 1C.
[BRO 96] BROMBLET P., VERGES-BELMIN V. – « L’élimination des sulfates sur la
statuaire calcaire de plein air: une habitude discutable ». Journées d’études de la
SFIIC, Poitiers, 1996, p. 55-63.
[CAI 05a] CAILLEUX E, MARIE-VICTOIRE E., SOMMAIN D., BROUARD E. – “Mi-
crostructure and weathering mechanisms of natural cement used in the 19th century in
the French Rhône-Alpes region”. Rilem workshop on repair mortars for historic ma-
sonry, DELF (Netherlands), 26-28 january, 2005, 12 p.
[CAI 05b] CAILLEUX E. – « Compatibilité de mortiers de réparation avec les bétons an-
ciens de la région Rhône-Alpes, rapport de recherche », Cercle des partenaires du pa-
trimoine, laboratoire de recherche des Monuments historiques, 2005.
[DUM 60] DUMOLARD F., VIALLET C. – Ciment grenoblois exploité et fabriqué à la
Porte de France Grenoble, Imp. Allier, 1860.
[ECK 28] ECKEL E. C. – “Cements, Limes and Plaster ”, in Donhead, 1928, 174 p.
[MER 06] MERTENS et al. – www.kuleuven.ac.be/geology/Mineralogie/Hydrau-
lic%20binders.pdf.2006.
[VIC 1817] VICAT L. – « Mémoire sur la fabrication sur la fabrication artificielle des
chaux hydrauliques ». Annales de Chimie, Paris, 1817.
[VIC 1818] VICAT L. – « Recherches expérimentales sur les chaux de construction, les
bétons et les mortiers ordinaires ». Annales des Ponts et Chaussées, Paris, 1818.
[VIC 1826] VICAT L. – Note sur une nouvelle chaux hydraulique formée par le calcaire
marneux de la Porte de France, Grenoble, Barratier C-P., 1826, 2 p.
[VIC 1827] VICAT, L. – Note sur la fabrication et l’emploi du mortier de chaux hydrau-
lique fournie par le calcaire marneux de la carrière de la Porte de France, Grenoble,
Imp. Barnel J-L., 1827, 8 p.

839
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

[VIC 1840] VICAT L. – Recherches sur les propriétés diverses que peuvent acquérir les
pierres à ciments et à chaux hydrauliques par effet d’une complète cuisson précédées
d’observations sur les chaux anormales qui forment le passage des chaux éminem-
ment hydrauliques au ciment, Paris, Carilian-Goeury, vers 1840, 34 p.
[VIC 03] VICAT, Liants spéciaux, CD-Rom, 2003.

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Sommaire
Avant-propos
J.-P. OLLIVIER, A. VICHOT
Chapitre 1. Béton et développement durable
A. CAPMAS
Les bases scientifiques pour la formulation de bétons durables
Chapitre 2. L’hydratation des ciments
A. NONAT
Chapitre 3. La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
J.-P. OLLIVIER, J.-M. TORRENTI
Chapitre 4. La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif
dans les bétons
D. DAMIDOT, P. LE BESCOP
Chapitre 5. Le retrait et le fluage
G. PONS, J.-M. TORRENTI
Chapitre 6. La maîtrise de la fissuration au jeune âge :
condition de durabilité des ouvrages en béton
P. ACKER, J.-M. TORRENTI, M. GUÉRINET
La durabilité des bétons dans leur environnement
Chapitre 7. La durabilité dans le contexte normatif européen
P. ROUGEAU, P. GUIRAUD
Chapitre 8. Approche performantielle de la durabilité des bétons
V. BAROGHEL-BOUNY, F. CUSSIGH, P. ROUGEAU
Chapitre 9. La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
V. BAROGHEL-BOUNY, B. CAPRA, S. LAURENS
Chapitre 10. La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
R. GAGNÉ, L. LINGER
Chapitre 11. La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement
endogènes
A. CARLES-GIBERGUES, H. HORNAIN
Chapitre 12. La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements
chimiquement agressifs
G. ESCADEILLAS, H. HORNAIN
Chapitre 13. La durabilité des bétons face aux incendies
H. COLINA, F. ROBERT, G. DEBICKI
Chapitre 14. La durabilité des bétons d’aluminates de calcium
H. FRYDA, F. SAUCIER, S. LAMBERET, K. SCRIVENER, D. GUINOT
Chapitre 15. La durabilité des bétons de ciment prompt naturel
D. SOMMAIN

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