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MORPHOLOGIE

Les adjectifs qualificatifs

La flexion des adjectifs en AF, comme en latin, est calquée sur celle des substantifs. Mais, à
nouveau, le système hérité du latin est très simplifié avec seulement les deux cas CS/CR. Comme
les substantifs aussi, les adjectifs peuvent se décliner sur une ou plusieurs bases et des accidents
phonétiques peuvent se produire lors de la mise en contact du radical avec le « -s » de flexion.

De plus, à la différence des substantifs, on remarque un maintien du genre neutre pour les adjectifs,
dans des emplois précis :
- attribut d’un sujet neutre : ce m’est bel (« cela m’est agréable »)
- emploi adverbial : mieuz veuill je morir
cil oisel chantent belement et soef (« doucement »).

En fait, on découpe le système en 2 grandes catégories, selon l’existence ou non d’une


discrimination en genre :
- les adjectifs variables en genre « biformes » (Ø/e)
- les adjectifs invariables en genre « épicènes » (e)
+ comme les substantifs : alternance de base.

I. Les adjectifs biformes (ou 1ère classe)

Classe la plus productive, c’est celle des adjectifs les plus nombreux et les plus courants. La base au
féminin ajoute un « e » à la forme masculine.

masculin féminin neutre


CSS Base + s
Base en « e » + Ø Base + Ø
CRS Base + Ø
CSP Base + Ø
Base en « e » + s X
CRP Base + s
Ils se déclinent donc comme les substantifs de type 1 de chaque genre (chevalier, dame).

En diachronie :

Ils sont issus des adjectifs latins en -us, -a, -um (bonus, bona, bonum)
Nom sg us a
um
Acc sg um am
Nom pl i ae > *as
X
Acc pl os as

 Les invariables au masculin


Certains de ces adjectifs se terminent déjà par une sifflante au masculin et ne marquent donc pas
la déclinaison masculine, mais attention, il y a donc une autre forme au féminin en « e » (ils sont
bien biformes et donc se déclinent en conséquence).

Exemple :
masculin féminin neutre
CSS bons
bone bon
CRS bon
CSP bon bones X
CRP bons X

Les participes passés se déclinent aussi sur ce modèle, avec une altération radicale en [ts] aux cas
masculins en –s, du fait de l’origine latine : -tus, -ta, -tum > affriquée -z.
masculin féminin neutre
CSS perduz
perdue perdu
CRS perdu
CSP perdu X
perdues
CRP perduz X

Il faut aussi noter la différence pour certains adjectifs entre la finale du masculin et du féminin,
la consonne ayant évoluée différemment selon si elle est finale ou non (mais le FM permet de
comprendre le phénomène) :

- sourde [f] > sonore [v] : chaitif > chaitive ; vif > vive ; sauf > sauve
- sourde [t] > sonore [d] : ront > ronde ; let > laide ; vuit > vuide
MAIS haut > haute, dolent > dolente
- sourde [k] > palatale : larc > large ; franc > franche ; blanc > blanche ; sec >
seche

Accidents phonétiques
Comme avec les substantifs, la rencontre du « -s » de flexion avec la terminaison du radical peut
entraîner des altérations, ou variantes combinatoires.

- labiales > effacement cop > cous/cos (« cocu »)


- labio-dentales > effacement chaitif > chaitis ; vif > vis
- palatales/vélaires > effacement franc > frans

- dentale > combinaison : affriquée gent > genz ; hauz


dolent > dolenz ; petit > petiz
- liquide > combinaison : vocalisation mal > maus ; bel/biau > biaus, biax
fol > fous ; vieil > vieuz

II. Les adjectifs épicènes, = invariables en genre (2nde classe)

On choisit de mettre ici l’ensemble des adjectifs qui ne marquent pas une différence morphologique
visible entre le masculin et le féminin, selon plusieurs raisons morphologiques et phonétiques.

Mais attention, même forme ne veut pas dire même déclinaison pour les deux genres.

A. Les adjectifs à masculin en –e

Comme il y a déjà un –e au masculin : la différenciation n’est pas donc marquée en genre, mais ils
se déclinent comme le modèle dominant (attention la base est la même mais la déclinaison est
différente selon le genre). Ce sont les mêmes qu’en FM.
masculin féminin neutre
CSS Base + s
Base + Ø Base + Ø
CRS Base + Ø
CSP Base + Ø
Base + s X
CRP Base + s
NB – Certaines grammaires (Raynaud de Lage-Hasenhor et Zink) placent ces adjectifs à masculin à
« e » dans la première classe des biformes. Possible et même schéma de déclinaison. Mais, ce qui
nous intéresse ici, n’est pas le classement mais la capacité à bien décliner les adjectifs donc
comprendre le type avant tout.

B. Les adjectifs à masculin en –RE (-TRE, -DRE, -PRE, -VRE)

On pourrait les comprendre dans la première catégorie mais en fait, ne se déclinent pas pareils au
masculin, puisqu’ils suivent la déclinaison des substantifs masculins en –re. Ils n’ont pas évolué en
FM.
masculin féminin neutre
CS S Base + Ø (s)
Base + Ø Base + Ø
CR S Base + Ø
CS P Base + Ø
Base + s X
CR P Base + s

C. Les adjectifs à féminin sans –e

Ces adjectifs dérivent de formes latines (2e classe) qui ne faisaient pas non plus de différences entre
le masculin et le féminin : les épicènes legalis, fortis, grandis, … => or, ce [i] final tombe (en gros,
toutes les voyelles finales chutent au 7e siècle, sauf le [a] qui s’affaiblit en « e central »).
Ils prennent donc un « -s » au CSS féminin. Les participes présents (-ant) se déclinent sur ce
modèle.

masculin féminin neutre


CSS Base + s Base + s
Base + Ø
CRS Base + Ø Base + Ø
CSP Base + Ø Base + s (!)
X
CRP Base + s Base + s

En diachronie :

Nom S is
e
Acc S em
Nom P *i es
X
Acc P es

Il est donc nécessaire pour reconnaître ces adjectifs de les apprendre et de connaître les principaux,
selon leur terminaison : dentale [d] ou [t], labio-dentale [f] ou liquide [l].

grant brief/briès leal, loial vil


vert grief/griès feal cruel
fort roial esperitel
preu/prod mortel charnel
vaillant gentil naturel
mesdisanz soutil

masculin féminin neutre


CSS granz granz
grant
CRS grant grant
CSP grant granz
X
CRP granz granz

CSS loiaus loiaus


loial
CRS loial loial
CSP loial loiaus
X
CRP loiaus loiaus

Dès les premiers textes au MA apparaissent des formes féminines avec -e analogique, qui est senti
comme justement marque du féminin (cf. les noms en -e très nombreux au féminin, qui sont en fait
l’évolution phonétique logique du -a final latin). On trouve donc grande, forte dans les textes, avec
un -e final ajouté par les locuteurs et les scribes. Le phénomène reste cependant limité pendant la
période médiévale. La généralisation des formes analogiques se produira au cours du XVIe siècle et
concernera aussi les formes en –ant. En FM, quelques mots sont restés figés avec la forme
invariable de l’adjectif : grand-rue, grand-place ou grand-mère.

III. Les adjectifs à alternance de base (ou 3ème classe)

Parfois considérés à l’intérieur de la 2e classe puisqu’épicènes. Ce sont les comparatifs latins


synthétiques à suffixe –ior/-iorem + quelques substantifs qui sont aussi adjectifs (fel/felon). Ils se
déclinent en fait comme les substantifs à 2 bases, et leur neutre est soit la B2 soit une B3.

masculin féminin neutre


CS S Base 1 + Ø (s) Base 1 + Ø
Base 3
CR S Base 2 + Ø Base 2 + Ø
CS P Base 2 + Ø Base 2 + s
X
CR P Base 2 + s Base 2 + s

Là aussi, il faut avoir en tête la liste des plus courants :


pire, peior, pis
mieudre, meillor, mieuz/mieus
maindre, menor, meins (« plus petit »),
maire, maior, maiori (« plus grand »),
graindre, greignor, greignor (« plus grand »),
joindre, joignor, joignor (« plus jeune »),
noaudre, noaillor, noauz (« plus mauvais »)
+ fel, felon qui est aussi un substantif

Il faut noter de nombreux phénomènes d’analogie concernant les adjectifs : adjectifs épicènes avec
des féminins refaits en « -e » comme grant, « -s » analogiques.

Exercice 1 – Déclinez les syntagmes en remplissant le tableau suivant.

CSS CRS CSP CRP


povre pucele povre pucele povres puceles povres puceles
pire traïtre peior traitor peior traitor peiors traitors
granz feme grant feme granz femes granz femes
sages valez sage valet sage valet sages valez
cortois amis cortois ami cortois ami cortois amis
granz huem grant home grant home granz homes
povre fel povre felon povre felon povres felons
leaus cuens leal comte leal comte leaus comtes
graindre chevaliers graignor chevalier graignor chevalier graignors chevaliers
griès chose grief chose griès choses griès choses
blanche none blanche nonain blanches nonains blanches nonains

Exercice 2 – Identifiez les syntagmes suivants (nature, cas, nombre, genre, fonction).

GN (adjectif + nom),
Ha ! dox filz, de chevalerie vos cuidoie je CSS, masculin singulier,
bien garder
Apostrophe dans le dialogue
GP (préposition + nom commun)
Es illes de mer n’ot lignaige meillor do CRS, féminin singulier
mien an mon aaige
CDN de illes
Nom commun
Chevaliers estre deüssiez, biaux filz. CSS, masculin singulier
Attribut du sujet de ESTRE
GN (possessif + nom commun)
Vostre peres, si nou savez, fu parmi les CSS, masculin singulier (avec « s »
anches navrez analogique)
Sujet du verbe ESTRE
3 participes passés coordonnées
Apovri et desserité et essillié furent a tort li CSP, masculin pluriel
gentil home aprés la mort
Attributs du sujet li gentil home

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