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Présence Francophone: Revue internationale de langue et de

littérature

Volume 71 Article 5
Number 1 Ousmane Sembène, cinéaste

12-1-2008

Pugnacité et pouvoir: la représentation des femmes dans les fi


lms d’Ousmane Sembène
Sheila Petty
Université de Régina

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Petty, Sheila (2008) "Pugnacité et pouvoir: la représentation des femmes dans les fi lms d’Ousmane
Sembène," Présence Francophone: Revue internationale de langue et de littérature: Vol. 71 : No. 1 , Article
5.
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Petty: Pugnacité et pouvoir

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Sheila PETTY
Université de Régina

Pugnacité et pouvoir : la représentation des


femmes dans les films d’Ousmane Sembène1

Résumé : En tant que précurseur du cinéma africain, Ousmane Sembène s’est


acharné à montrer l’importance de la femme au sein des sociétés africaines. Du
personnage de Diouana dans La Noire de… (1966), créé au tout début de sa carrière,
symbole de la lutte contre la répression coloniale, à celui de Kiné se battant pour
l’avenir de ses enfants dans le Sénégal postcolonial exploré dans Faat Kiné (2000),
Sembène a toujours fait des femmes africaines des personnages courageux, des
instigatrices de changements sociaux. Cet article analyse une série de modes de
représentation des femmes à travers les films suivants de Sembène : La Noire
de… (1966) et Faat Kiné (2000). Une telle étude, menée par la décomposition de
la structure narrative et des particularités esthétiques des films, a l’avantage de
permettre une évaluation des personnages féminins par rapport aux préoccupations
les plus pressantes de leur époque.

Cinéma, femmes, Ousmane Sembène, postcolonialisme, structure narrative et


esthétique

D e temps à autre surgit un cinéaste dont le message porte par-


delà les générations, par-delà les nations. Ousmane Sembène
est de la trempe de ces cinéastes. L’âme solidement ancrée dans
le cinéma africain subsaharien des années 1960, le transportant
jusqu’au XXIe siècle, il répand une vision cinématographique qui va
déterminer le développement d’un style et d’une structure narrative
« à l’africaine » novateurs. Sembène fut un militant et un ardent
défenseur du droit des Africains à choisir leur propre destinée.
Avec le temps, ses œuvres continuèrent à évoluer, en réponse à
la situation sociale et politique, changeant ainsi radicalement la
perception qu’avait le public du monde africain, de ses peuples et
cultures.

En tant que précurseur du cinéma africain, Ousmane Sembène s’est


acharné à montrer l’importance de la femme au sein des sociétés
1
Texte original en anglais. Traduction de Francine Poirier. Note de l’auteure : je voudrais exprimer
toute ma gratitude à mon assistante de recherches D.L. McGregor. Ce travail n’aurait pu être rédigé
sans sa constante et bienveillante collaboration.

Présence Francophone, no 71, 2008

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Présence Francophone: Revue internationale de langue et de littérature, Vol. 71, No. 1 [2008], Art. 5

La représentation des femmes dans les films d’Ousmane Sembène 21

africaines. Du personnage de Diouana dans La Noire de… (1966),


créé au tout début de sa carrière, symbole de la lutte contre la
répression coloniale, à celui de Kiné se battant pour l’avenir de ses
enfants dans le Sénégal postcolonial exploré dans Faat Kiné (2000),
Sembène a toujours fait des femmes africaines des personnages
courageux, des instigatrices de changements sociaux. De fait, les
œuvres de Sembène deviennent une profonde source d’inspiration,
parallèlement à celles de cinéastes africaines notoires, chaque fois
qu’est abordée la problématique des préoccupations de la femme
dans le cinéma de l’Afrique subsaharienne2. Dans un contexte où
la parole de la femme était étouffée par une oppression à la fois
culturelle et politique, dès ses premiers films, Sembène réserva une
place de choix aux femmes dans sa vision d’une Afrique future. À
ce titre, son œuvre se mesure à celle de cinéastes pionnières telles
Safi Faye et Sarah Maldoror, partageant avec elles les mêmes
soucis, la même détermination à faire des femmes d’Afrique
subsaharienne des actrices de choix dans le développement de
leur culture et de leur nation3. Par ailleurs, sa façon de mettre en
scène des personnages féminins aux prises avec la pauvreté ou
l’injustice permet d’analyser la mutation progressive des concepts
d’africanité et de l’identité africaine chez Sembène. Partant de ce
schéma contextuel, la présente contribution se propose d’analyser
quelques modes de représentation des femmes à travers les films
suivants : La Noire de… (1966) et Faat Kiné (2000). Une telle étude,
réalisée en décomposant la structure narrative et les particularités
esthétiques des films, a l’avantage de permettre une évaluation
des personnages féminins par rapport aux préoccupations les plus
pressantes de leur époque.

La Noire de… ou comment repenser les femmes africaines

Pour comprendre l’art de Sembène, il est utile d’examiner l’impact


des origines du cinéaste sur sa création. En un sens, cet artiste
est un parfait produit de son temps. Forcé d’abandonner l’école

2
Bien que l’on puisse concevoir un féminisme propre à l’Afrique subsaharienne, le terme « féministe »
reste, pour beaucoup d’écrivains, théoriciens et penseurs africains, sujet de controverse à cause de
sa facture eurocentrique et des présupposés qu’il draine. Ce débat dépasse les cadres de notre travail
et pour cette raison, nous avons opté pour l’expression « préoccupations des femmes ». Pour de plus
amples détails, on pourra se reporter au travail de Oyèrónké Oyěwùmí, The Invention of Women : Making
an African Sense of Western Gender Discourses (1997 : 1-17).
3
Bien que très peu représentées dans un domaine dominé par les hommes, les femmes d’Afrique
subsaharienne telles Anne-Laure Folly (Togo), Tsitsi Dangarembga (Zimbabwe), Soraya Mire (Somalie)
et Fanta Régina Nacro (Burkina Faso) pour ne citer que celles-là sont en train de se faire une réputation
de cinéastes accomplies.

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à l’âge de 14 ans, il travailla comme manœuvre dans le bâtiment,


à Dakar. Lorsqu’éclata la Seconde Guerre mondiale, il s’engagea
dans l’armée française. À la libération, il travailla comme docker
en France. Tout au long de ce parcours, Sembène ne cessa de
fréquenter les écoles du soir des syndicats « pour parfaire sa
formation » intellectuelle (Chréachàin, 1992 : 241). Ce processus
contribua non seulement à sa carrière littéraire, mais l’imprégna
aussi d’idées marxistes. En 1950, Sembène était un membre du
parti communiste doté d’une conscience révolutionnaire au sens
propre du terme, déterminé à révéler au grand jour l’hypocrisie et à
remettre en question toute autorité monolithique par le biais de la
littérature et du cinéma. Par exemple, son chef-d’œuvre, Les Bouts
de bois de Dieu (1960), porte sur des cheminots en grève durant la
période coloniale. Sembène s’est aussi rendu célèbre par sa critique
de la négritude senghorienne. Nombre de ses films focalisent sur
la lutte que mènent Africains et Africaines ordinaires pour la survie
dans un contexte culturel et économique instables. De plus, comme
l’affirme Jude Akudinobi : « Sembène’s creative intervention does
not depend on self conscious puttering with narrative forms but in
advocating an explicitly elucidative, provocative, activist cinema »
(2006 : 177)4. Ainsi, ayant été témoin du passage du Sénégal du
statut de nation colonisée à celui de nation indépendante, Sembène
a fait des films incitant au débat et à la création de sujets actants
au sein de son public.

Malgré un succès retentissant comme romancier, Sembène


s’inquiétait du fait que le faible taux d’alphabétisation combiné à
la langue de publication de ses romans (notamment le français)
ne restreigne l’accès de la population sénégalaise à ses œuvres.
Aussi accepta-t-il une bourse d’études aux studios Gorki à Moscou
sous la direction de Mark Donskoi et de Sergei Gerasimov
(Petty, 1996 : 3). Donskoi s’avéra l’enseignant idéal ; ses films
décrivaient méticuleusement la vie du commun des Russes et
exprimaient un type de réalisme soviétique qui, souvent, évitait
le didactisme politique. Par-dessus tout, la formation reçue aux
studios Gorki permit à Sembène de créer un mode de narration
et un style cinématographique parfaits pour la mise en image des
préoccupations d’un écrivain dont « the literary subjects were the
common people of Senegal struggling to cope with the oppression of
colonialism and the disruptive forces of social change brought about

4
L’entreprise créative de Sembène n’est pas tributaire d’une manipulation pompeuse des formes
narratives. C’est plutôt une entreprise qui milite pour un cinéma explicite, éclairant et provocateur.

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by modernization5 » (Mortimer, 1972 : 64). Par ailleurs, Donskoi et


Gerasimov ayant une longue expérience de l’adaptation des œuvres
littéraires aux exigences du septième art, Sembène se trouvait dans
un milieu propice à l’adaptation de ses propres écrits à l’écran.

Dans bien des films de Sembène, l’image de la femme par laquelle


se révèle l’hypocrisie des autres est un thème récurrent. Poussés
par la nécessité de protéger leurs enfants ou d’assurer la survie de
leur famille, ces personnages féminins trouvent souvent la force
requise pour s’opposer à des aléas qui paralysent ou polarisent
leurs compatriotes mâles. Ces battantes arrivent toujours à défier
les restrictions sociales qui freinent leur réussite, bien des fois à leur
corps défendant. La Noire de… nous en offre la preuve. Produit en
1966, le film décrit les expériences de Diouana, une jeune femme
sénégalaise employée comme domestique qui se suicide en France
dans les appartements de ses patrons français. Ce film est une
adaptation d’une nouvelle de Sembène publiée dans Voltaïque,
elle-même inspirée d’un fait divers que Sembène a lu dans la presse
française. Plusieurs prix lui furent décernés à des festivals en France
et en Tunisie, de même qu’au célèbre Festival des Arts nègres de
Dakar, ce qui propulsa Sembène sur la scène internationale. La
Noire de… exprime le désarroi de Sembène devant l’incapacité
du Sénégal à s’affranchir de la domination coloniale après l’octroi
de l’Indépendance. C’est un film qui s’élève contre le racisme et
dénonce la complicité de la « nouvelle bureaucratie africaine » dans
l’exploitation permanente des travailleurs africains par les anciens
colonisateurs.

Diouana représente un important personnage type que nous


retrouverons dans d’autres films de Sembène : citoyenne d’un
Sénégal postcolonial, Diouana veut améliorer sa vie matérielle et
fait de la France la terre promise de ses ambitions économiques.
Le film commence avec son débarquement en France, quand son
employeur vient la chercher au port. Une série de longs plans décrit
les premières impressions de Diouana pendant le trajet en voiture qui
la conduit à l’appartement de ses patrons. Dans le découpage de sa
perspective, les paysages et scènes urbaines qui défilent projettent
une occidentalité et dépeignent le mode de vie privilégié des
Français. Par exemple, dans un long plan, les bâtiments évoquant
une certaine opulence paraissent blottis au pied d’une colline ;
dans un autre plan, des personnages apparemment prospères se
5
… dont l’œuvre littéraire portait sur le commun des sénégalais confronté à l’oppression du colonialisme
et à l’effet perturbateur de forces sociales engendrée par la modernisation.

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promènent le long de la plage. À en juger par ces images, Diouana se


trouve au pays des merveilles. Elles cachent cependant une certaine
ironie tant grand est le fossé entre la réalité de la situation et la vision
de la liberté que ces images semblent promettre. Aussitôt après son
arrivée à la demeure de son employeur, un gros plan se referme sur
le visage de Diouana en pâmoison devant la tour d’habitation. Suit
un plan d’ensemble d’une façade impressionnante, mais cette image
est tout aussi ironique que la précédente : les garde-fous métalliques
des balcons, superposés les uns au-dessus des autres, les font
ressembler à des rangées de boîtes comparables à des cellules
de prison. L’ensemble des deux séries d’images annonce pour le
personnage une rupture causée par la découverte de la vanité des
rêves d’une vie prospère et paisible qu’elle associait à l’idée de la
France.

La Noire de… est aussi un film significatif de par son style. À


première vue, il semble se départir de ce qui deviendra le cachet
esthétique et narratif de Sembène, bien que, rétrospectivement, son
esthétique semble presque prophétique puisque Moolaadé, réalisé
par Sembène 38 ans après, en reprendra les traits principaux. En
effet, contrairement à nombre de ses productions plus récentes où
abondent les plans américains et plans généraux, La Noire de… fait
usage de plans moyens et généraux pour aider le public à s’identifier
à la situation de Diouana. Le film est aussi remarquable en ce qu’il
se fonde sur le monologue intérieur de Diouana, révélé par le biais
de la narration, pour décrire le personnage et effectuer une critique
sociale. Par exemple, un important objet visuel est introduit dans la
narration dès les premiers moments de la présence de Diouana dans
l’appartement de ses employeurs. En plan moyen, Diouana salue
Madame en lui serrant la main. En arrière plan, un masque africain
de couleur foncée accroché au mur fait contraste avec la blancheur
de ce dernier. C’est sans doute un souvenir des années passées
par les patrons en Afrique. Au moment où Diouana se tourne pour
regarder le masque, la caméra effectue un gros plan du masque sur
le mur. L’effet est immédiat : le masque apparaît comme un objet
avec lequel elle entretient un lien de parenté et le pan l’entourant,
vide, de couleur blanche, crée un sentiment d’isolement complet. Par
ailleurs, la durée du gros plan est assez longue pour permettre au
spectateur de réfléchir sur sa signification, de faire un lien entre le
masque et le sort de Diouana, lui octroyant une valeur idéologique.
L’image de ce masque reviendra à des moments clés du film pour
finalement devenir l’emblème de l’africanité de Diouana, en même

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temps que le symbole de la rupture existant entre elle et cette culture


française dont elle voudrait tant faire l’expérience.

Les gros plans de Diouana remplissent une fonction similaire.


Dans une série de courtes séquences montrant Diouana au travail,
les gros plans offrent des moments de réflexion au spectateur. Une
séquence commence avec un plan de détail du profil de Diouana
en train de faire la vaisselle. Le noir de sa peau et de ses cheveux
mis en contraste sur les murs blancs rappelle l’esthétique du gros
plan précédent du masque, d’où la suggestion de l’emprisonnement
résultant du cadrage. Cependant, l’angle de vue étant direct, le plan
ne révèle pas les sentiments de Diouana. Cette fonction revient au
monologue intérieur par le biais de la narration, lorsqu’elle fait part
au spectateur de son insatisfaction par rapport au travail qu’elle doit
faire. Cette prise de vue qui montre Diouana, femme fière ayant le
sens de la retenue, mais mécontente, instaure une rupture entre le
visage qu’elle affiche dans le monde (son masque face au milieu
blanc) et le profond déplaisir qu’elle éprouve. L’ambiguïté d’une telle
rupture permet au spectateur de choisir l’aspect qui représente le
mieux Diouana et peut-être de réfléchir sur les conséquences d’une
vie écartelée. C’est ainsi que Sembène s’approprie ce qui pourrait
être décrit comme un artifice cinématographique occidental pour le
transformer en moyen d’expression idéologique.

Ainsi que le révèle l’histoire, Diouana débarque en France dans


l’espoir de travailler comme gouvernante et se découvre femme
exploitée, avec à sa charge non seulement les enfants mais aussi
tous les petits travaux domestiques de la maison. Une scène dans
la salle de séjour illustre bien le fossé qui s’est creusé entre ses
attentes et celles de la maîtresse de maison. Diouana, coquette,
porte une belle robe et de talons hauts pour passer une serpillière
sur les carreaux noirs et blancs du seuil de la porte. Madame entre
et, mécontente, se plaint en ces termes : « Diouana, tu ne vas pas
au bal. Cela fait trois semaines que tu es habillée de cette manière ».
Elle sort alors un tablier et annonce qu’elle l’a acheté pour Diouana.
Cet acte, décrit en plan moyen, illustre l’agression de Madame qui
oblige Diouana à se retourner et lui attache brusquement le tablier
autour de la taille comme s’il s’agissait d’un enfant récalcitrant ou
d’une poupée. C’est un acte qui présume que « la domestique »
« appartient » à Madame, le tablier étant l’objet par lequel Diouana
passe d’une fière Africaine au statut d’objet.

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Sembène oppose le quotidien désespéré de Diouana en


France avec sa vie démunie, mais autonome au Sénégal. Dans la
première séquence de flash-backs, Diouana part de chez elle à la
recherche d’un emploi de domestique. Au cours d’une journée peu
prometteuse, elle fait la rencontre d’un homme qui, en échange d’une
promesse de rendez-vous ultérieur, l’amène au coin d’une rue où se
réunissent des femmes en quête d’emplois du même type que ceux
recherchés par Diouana. Après quelques jours d’attente, Madame
arrive à la recherche d’une domestique. Un long plan montre son
entrée en scène, permettant ainsi au spectateur de la dévisager.
Arborant un tailleur, des talons hauts, des lunettes noires, le costume
de Madame, symbolisant le raffinement occidental, fait contraste
avec les habits locaux des femmes assises le long du trottoir en
contrebas, à ses pieds. Comme le dit Diouana, elle « passe les
femmes en revue », jetant sur elles des regards gênants, rappelant
le marché aux esclaves (Mortimer, 1972 : 65). Une dichotomie
s’installe dans la représentation de la scène : Diouana, en apparence
peu consciente de sa réification du fait de sa présence au coin de
la rue, laisse paraître une certaine admiration devant l’élégance de
Madame.

L’échec de Diouana à reconnaître son statut dans cet échange


se mesure à sa retenue alors que les autres femmes se ruent vers
Madame, l’implorant de les embaucher. Son commentaire, « La
dame s’écarta de toutes ces mains cherchant à l’atteindre », semble
impliquer que Diouana se conçoit comme appartenant à une classe
à part. À preuve, lorsque Madame s’éloigne des autres femmes et
se dirige vers elle qui ne démontrait nullement son désespoir de
travailler, c’est comme si se rencontraient deux personnages égaux.
Cependant, si la conscience de la véritable nature de l’échange fait
défaut à Diouana, le long plan décrivant la scène du recrutement
confère aux spectateurs la distance nécessaire pour juger que le
statut de femme blanche aisée de Madame lui assure le pouvoir
d’embaucher et en définitive de chosifier Diouana.

Sembène réitère cette dichotomie lorsque, plus tard, Diouana


arrive au domicile cossu de Madame et fait la connaissance de ses
domestiques. Elle remercie Madame de l’avoir choisie parmi les
autres femmes en lui offrant un masque acheté d’un jeune garçon,
le même d’ailleurs qu’elle retrouvera sur le mur de l’appartement
en France. Madame accepte le masque ; Diouana sort de la pièce
au même moment où entre Monsieur. Il prend le masque des

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mains de Madame, l’examine et le déclare authentique. Tous deux


alors se retournent, à la recherche d’un endroit pour accrocher le
masque. Pendant ce temps, le film passe à deux gros plans sur
d’autres masques déjà accrochés aux murs de la pièce, montrant
ainsi que Monsieur et Madame sont collectionneurs d’objets d’art
africains. Finalement, Monsieur installe le masque sur une étagère
au milieu de nombreux autres bibelots africains, acte qui revêt
une importance idéologique cruciale. En remettant le masque à
Monsieur et Madame, Diouana s’est, du même coup et à son insu,
soumise à eux. De plus, en le posant sur l’étagère, au milieu des
autres objets d’art, c’est Diouana que Monsieur et Madame déposent
symboliquement parmi les autres objets qu’ils ont collectionnés. À
partir de ce moment, Diouana fera partie de la collection tant qu’elle
se confinera à son statut d’objet. Elle sera rejetée dès qu’elle s’en
écartera.

Sembène offre à ses spectateurs l’occasion de voir comment


Diouana participe à sa propre réification. Suivant le dépôt du masque
sur l’étagère, Diouana s’installe dans le beau jardin de Monsieur et
Madame. Filmée dans un gros plan, fréquemment interrompu par le
jet d’un arroseur sur les plantes du jardin, Diouana rayonne de joie
comme si elle avait enfin trouvé le milieu de ses rêves. Cette scène
suggère que soit elle dévalorise sa propre culture dans sa poursuite
d’un bien-être économique fondé sur des préceptes occidentaux,
soit elle n’en a pas conscience. Cette dévalorisation s’illustre de
manière encore plus explicite dans la scène filmée au mémorial de
guerre à Dakar. Diouana y rencontre l’homme qui lui a fait connaître
le coin des bonnes et avec qui elle est devenue intime. Ensemble,
ils s’installent au bas des escaliers. Elle l’informe de son départ
prochain pour la France, pour y travailler comme gouvernante des
enfants de Madame. Ensuite, dès que son ami lui tourne le dos, elle
se lève, prise de joie, et sautille sur les escaliers jusqu’au sommet
du monument. La séquence narrative du film révèle qu’elle croit
son ami en colère d’avoir accepté un travail qui n’est autre qu’une
forme d’esclavage domestique, mais toute joyeuse, elle est résolue à
partir. Horrifié de son manque de respect pour la symbolique de cet
ouvrage d’architecture, l’homme lui enjoint d’arrêter de danser et de
descendre du monument. Une autre scène plus intime entre Diouana
et l’homme, maintenant son petit ami, reprendra cet argument un
peu plus loin. Juste avant son départ pour la France, Diouana et son
ami se trouvent dans sa chambre à lui et, étalés sur le lit, feuillettent
un vieux numéro du magazine Elle aux pages remplies de photos

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luisantes de Blancs aisés et de biens de consommation. Extasiée,


Diouana éclate : « Imagine ! Je vais en France avec ma maîtresse ».
Son ami lui répond en lui demandant ce qu’elle y fera. Lorsqu’elle
répond « voir du pays », l’ami se fâche et sort du lit. Perplexe, elle
n’en reste pas moins enthousiaste à l’idée de partir. Ce triptyque
de scènes prouve que chez Diouana, fierté et orgueil mal placé se
mêlent. En effet, malgré son évidente vulnérabilité dans les épisodes
ultérieurs qui se dérouleront en France, elle a persisté dans son
projet, de manière égoïste disons-le, poussée par un désir démesuré
du matériel qui entraînera la renonciation à son identité africaine.

Par ailleurs, l’attitude de Diouana au monument de guerre, sa


danse sur la tête des Sénégalais morts au champ de bataille, dénote
une dévalorisation de sa propre culture. L’alternance entre son
statut de victime et ses actes de complicité à sa propre oppression
instaure une ambiguïté dans le personnage de Diouana qu’il revient
aux spectateurs de démêler. La question est de savoir si les rêves
d’égalité postcoloniaux et de promotion sociale de Diouana sont
raisonnables ou si, par son refus d’accepter que ses rêves ne sont
qu’illusions, elle se fait volontairement recoloniser.

Cette ambiguïté reste évidente dans la suite du film. En


apparence, Diouana semble complètement passive : elle s’arrête
de parler, se prive de sommeil, maigrit et délaisse ses tâches
domestiques. Cependant, à certains moments, elle se révolte
carrément. Par exemple, après une dispute avec Madame à propos
de son heure de réveil tardive, Diouana s’habille soigneusement,
comme à l’accoutumée, sans oublier de mettre ses talons hauts. La
réaction de Madame ne se fait pas attendre. Dès qu’elle aperçoit les
chaussures, elle lui ordonne de les enlever en lui précisant qu’elle
est une domestique. Diouana se ravise immédiatement, mais pour
défier sa patronne, se déchausse au milieu de la salle de séjour
et se dirige vers la cuisine pieds nus. Exaspérée, Madame se voit
obligée de ramasser les chaussures et de rejoindre Diouana dans la
cuisine en train de préparer son propre petit déjeuner. Lorsque, de
guerre lasse, elle demande à Diouana si elle est malade, et s’entend
rétorquer que non, elle éclate de colère et lui dit que si elle ne travaille
pas, elle ne mangera pas. Diouana ne répond pas à la remarque,
mais dans son monologue narratif, réplique violemment que si elle
ne mange pas, elle ne s’occupera pas des enfants, prouvant par là
que toutes ses actions ne sont pas le fait de son état de dépression,
mais bien de sa révolte. C’est là une différence importante, car sans

Published by CrossWorks, 2008 9


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le fossé entre les actes de Diouana et ses monologues narratifs, il


serait impossible de susciter le débat et le personnage de Diouana
serait réduit à une construction mélodramatique.

L’ambiguïté créée par le suicide de Diouana à la fin est comparable


à celle ayant prévalu tout au long du film, d’où la question de sa
signification : est-ce l’acte d’une femme à bout de nerfs dans un
moment de faiblesse, ou celui d’une femme forte qui, par défi, prend
en main sa propre destinée ? Lorsque Diouana reçoit une lettre
de sa famille, c’est Monsieur qui la lui lit. La mère de Diouana la
réprimande de n’avoir envoyé aucun argent à la famille, la traitant
d’égoïste. Puisqu’elle ne sait ni lire ni écrire, Monsieur entreprend de
répondre en son nom. Diouana refuse d’obtempérer à la proposition
de Monsieur qu’elle lui dicte le texte de la réponse. Aussi ce dernier
décide-t-il de composer lui-même la lettre. Prise de colère, Diouana
déchire la lettre de sa mère en petits morceaux, quitte le salon et
se réfugie dans la cuisine. Dans un très gros plan qui suggère à
quel point elle est prise au piège, elle commence à pleurer. Dans
son monologue narratif, elle reconnaît être prisonnière, ne pouvant
écrire sa propre lettre et n’ayant nul membre de sa famille à ses
côtés pour la protéger ou la guider. Une fois seule avec l’enfant à
sa charge après le départ de Monsieur et de Madame, Diouana
retire le masque du mur en déclarant : « Ce masque m’appartient.
Madame m’a trompée. Qu’elle s’occupe de son fils. Elle ne veut pas
me donner à manger, alors elle peut s’occuper de lui toute seule ».
Par ces mots, elle commence à reconquérir son statut d’actrice,
bien qu’au même moment, sa situation continue de se détériorer.
À leur retour, Monsieur et Madame trouvent Diouana au lit en train
de dormir, ses photos de souvenir de Dakar éparpillées sur le sol,
sa valise ouverte, posée sur le lit. Irritée que la vaisselle soit encore
dans l’évier et que personne ne se soit occupé de son fils, Madame
réveille Diouana à coups de gifles. C’est alors que Monsieur tente
de remettre à Diouana ses gages, mais au lieu du remerciement
auquel il s’attendait, Diouana prend l’argent et se recroqueville à ses
pieds, en pleurs. En fait, Diouana connaît un réveil brutal, car elle se
rend compte que cet argent, seule raison de son voyage en France,
n’arrivera jamais à compenser l’humiliation subie dans ce pays. Plus
tard, Madame, remarquant le vide laissé par le masque sur le mur,
retrouve cet objet dans la chambre de Diouana. Elle tente alors de
l’arracher des mains de Diouana dans une dispute où celle-ci doit
faire valoir sa force physique. Quand Diouana parvient à se saisir
du masque, Madame l’accuse violemment d’ingratitude, de manque

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de reconnaissance pour toutes les faveurs qui lui ont été accordées.
Psychologiquement remontée par cette lutte, Diouana fait sa valise
avec un regain d’énergie. Elle fait état de toutes les humiliations
souffertes aux mains de Madame et déclare : « Jamais, je ne serai
une esclave ». Elle rend argent et tablier à Monsieur et Madame et
décide de se suicider en se tranchant les poignets dans la salle de
bains. Ce suicide, précédé d’une rébellion dans le monologue narratif
du personnage, n’est pas un acte de déprime. Bien au contraire,
en s’enlevant la vie, Diouana rejette les présupposés économiques
et postcoloniaux à la source de sa venue en France et reprend le
contrôle de sa destinée et de sa dignité.

Comme première représentation de la femme africaine, le


personnage de Diouana est significatif car il montre comment
Sembène suscite le débat en construisant son personnage autour
des dichotomies internes. Diouana n’est pas la femme africaine
idéale, de loin. Elle n’incarne ni la tradition pure, ni la modernité.
C’est un personnage d’une imperfection essentielle car c’est son
ambition matérielle démesurée qui va accélérer son drame. Cette
imperfection la rapproche de nombreux personnages, hommes
et femmes, dépeints par Sembène. En ce sens la construction
de Diouana dépasse les critères des différences sexuelles.
Cependant, en faisant de son suicide un acte de défi et non de
désespoir, Sembène décrit les femmes africaines comme des êtres
forts, capables d’accomplir des actes d’envergure et décisifs, qui
contribuent à véhiculer des images et identités culturelles positives
de l’Afrique.

Sujets de la mondialisation : les femmes abattent des frontières


dans Faat Kiné

Comme l’ont montré les premiers films de Sembène, les portraits


des femmes servaient à divers niveaux à présenter celles-ci
comme des membres d’une extrême importance de leurs sociétés,
dotées du courage nécessaire pour défier et protéger les traditions
africaines les plus intimes de leurs peuples. Par ailleurs, ces portraits
posaient des problématiques tout aussi vitales au développement
des concepts africains de la nation dans la période d’après les
indépendances. Cependant, dans les années 1990, de nouveaux
rapports de forces apparurent et commencèrent à remettre en cause
et exposer les promesses non tenues de la période postcoloniale.

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La représentation des femmes dans les films d’Ousmane Sembène 31

Ces remises en question se retrouvent dans les œuvres d’une


nouvelle génération de cinéastes africains qui exigèrent une nouvelle
donne de « l’imaginaire collectif africain » (Mbembe, 2002 : 239) qui
a soutenu le cinéma de l’Afrique subsaharienne depuis les années
1970.

Un tel changement d’attitude provient de la réponse apportée


par les cinéastes africains aux transformations survenues dans
l’environnement social, politique et culturel de l’Afrique résultant de
« ce qu’on a appelé les divers forces et processus de la mondialisation
avec ses composantes telles la libéralisation du commerce, les
technologies de l’information et de la communication en temps réel et
la privatisation de l’entreprise d’État » (Oloka-Onyango, 2005 : 1245).
Ainsi que le soutient Joseph Oloka-Onyango, la mondialisation est
« autant un processus qui rapproche pays et peuples du monde
qu’il les éloigne ». Selon lui, elle « entraîne diverses conséquences
(bénéfiques et hostiles à la fois) à la promotion et la protection du
droit à la culture dans une Afrique moderne » (ibid. : 1248, 1245).
La mondialisation a plongé un continent africain éprouvé par une
violence recrudescente, une santé publique désastreuse et des
troubles politiques et économiques de toutes sortes dans une
instabilité chronique, en même temps que « le monde continue de
subir une division brutale entre ses secteurs développés et sous-
développés » (Gikandi, 2001 : 629). Malgré ces conditions difficiles,
les cinéastes africains ont pu trouver de nouvelles manières et
de nouvelles ressources pour exprimer la pérennité et la nature
changeante de l’identité africaine, dès lors qu’ils participent à la
lutte. Les nouveaux modes d’expression artistiques ainsi créés
reprennent et défient à la fois les nouvelles exigences de la situation
postcoloniale.

Moins enclins au didactisme idéologique que ceux les précédant,


les films de cette période adoptent un langage cinématographique
plus conforme aux conventions occidentales, les préférant aux
artifices esthétiques caractérisés par la conception africaine du
temps et de l’espace social (Garritano, 2003 : 159). Il est en effet
notoire qu’une grammaire cinématographique usant de gros plans
et de plans d’ambiance (à la manière de ce que l’on pourrait
désigner sous le nom de « mélodrames esthétiques ») pour créer des
personnages sous forme d’entités psychologiques a récemment fait
irruption dans ce cinéma naissant. Si cette affirmation est vraie, les
dernières œuvres cinématographiques de Sembène, cinéaste dont

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Petty: Pugnacité et pouvoir

32 Sheila Petty

les premières œuvres symbolisent pour bon nombre l’essence même


du cinéma africain didactico-idéologique, prendraient le contre-pied
de l’évolution esthétique du cinéma postcolonial africain. Et pourtant,
Faat Kiné maintient et développe les ancrages idéologiques et
esthétiques des premières œuvres de Sembène, instituant de ce
fait des liens entre traditions filmiques divergentes.

Faat Kiné se voulait le premier film d’un « triptyque qui, selon


Sembène célébrait l’héroïsme au quotidien » (Akudinobi, 2006 : 177).
Comme le soutient Jude Akudinobi, en se concentrant sur les
femmes comme héroïnes du quotidien, Sembène voulait « inscrire
à l’écran les divers significations et aspects du changement social »
en « soumettant le monde culturel des femmes à des évaluations
critiques généralisées » afin de « mettre sur pied des paramètres de
transgression » (ibid. ). L’intérêt du film Faat Kiné réside, en termes
de représentation des femmes, dans le fait que le personnage
principal incarne un mode de résistance, étant une femme agissant
en dehors des normes culturelles africaines. Le film retrace la vie
quotidienne de Kiné, femme d’affaires célibataire dont le fils et la
fille viennent de réussir au baccalauréat et projettent tous deux de
poursuivre leurs études à l’étranger. Leur réussite rappelle à Kiné
les faits et les hommes qui ont influencé sa vie, comme son propre
père qui exerçait des sévices à son égard, les pères de ses deux
enfants qui l’ont abandonnée avec ses enfants, etc.

Comme personnage, Kiné incarne la matérialiste postcoloniale


par excellence. Gérante d’une station d’essence, occupation
certes inhabituelle pour une femme africaine, Kiné est en mesure
d’offrir un niveau de vie confortable à sa mère et à ses enfants.
En ce sens, elle s’apparente à Diouana avec qui elle partage un
droit de regard sur sa propre vie et une autonomie ancrée dans la
croyance occidentale voulant que l’épanouissement de soi ne peut
résulter que de l’acquisition de la richesse matérielle. Assurément,
comme le remarque Carmela Garritano, une telle attitude ajoute
une tension à la structure idéologique du film. Le film considère
avec une « extrême ambivalence » le fait que « Kiné, née en 1960,
se présente comme un personnage historique dont la libération
n’est qu’un des nombreux indices d’un Sénégal en évolution »
(Garritano, 2003 : 163). C’est là une ambivalence voulue, mise en
place pour ébranler ce que d’aucuns pourraient percevoir comme un
panégyrique des avantages de la modernisation, car si Kiné suscite
l’admiration des spectateurs pour son succès de femme africaine

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La représentation des femmes dans les films d’Ousmane Sembène 33

seule à subvenir à ses besoins et ceux de sa famille, il n’en est pas


moins vrai que ce personnage se pose des questions sur le prix
des sacrifices personnels consentis pour un tel succès.

Kiné paraît d’abord à l’écran au volant d’une voiture modeste


mais apparemment neuve, avec à son bord ses enfants, Aby et
Djib, en route vers l’école. Comme le remarque Garritano, la voiture
prend valeur de mobilité sociale et ses déplacements d’affaires à
travers la ville symbolisent « sa liberté de mouvement et celle des
autres qu’elle facilite du fait de sa fonction de gérante de la station
d’essence Total » (ibid.). Cependant, il existe un autre aspect de
cette liberté de mouvement : la station d’essence établit une fine
filiation avec le commerce international et fait de Kiné, un sujet
africain, une participante de plein droit au système des échanges
commerciaux internationaux. S’installe alors une ironie subtile, car
malgré une autonomie affichée au grand jour, Kiné est un simple
intermédiaire contrôlé par une hiérarchie économique qui règne
au-delà de son pays et de ses capacités. Par ailleurs, tout comme
Diouana, elle se soucie peu de sa propre complicité avec les forces
postcoloniales en présence au Sénégal et dans ses agissements
avec les moins nantis (hormis sa famille), elle applique les mêmes
méthodes autoritaires. Par exemple, dans une scène au début du
film, Kiné, assise dans son bureau immaculé de la station d’essence,
reçoit la visite de Pathé, qui est handicapé des membres inférieurs.
La grammaire filmique qui rend compte de la scène illustre encore
une fois le mariage de l’esthétique bien connue de Sembène avec
un style cinématographique occidental. Kiné est dépeinte en plan
moyen, en contre-plongée, posant son regard sur le corps atrophié
de Pathé. À son tour, Pathé est cadré en plan moyen de plongée,
à contrechamp, lors même qu’il lève le regard vers elle. Kiné lui
demande où se trouve la chaise roulante qu’elle lui avait procurée
en rassemblant des fonds avec d’autres personnes. Pathé répond
qu’elle lui a été volée de même que toutes ses affaires par une
femme infirme accompagnée de son partenaire. Peu convaincue
de cette explication, Kiné l’accuse d’avoir utilisé le don charitable
qu’elle lui a fait par pure compassion pour sa pauvreté dans le but
de satisfaire les caprices d’une « concubine » et probablement ses
propres désirs sexuels. En fait, bien qu’en apparence le contenu
narratif de la scène soutienne la générosité de Kiné, il en est tout
autre de l’esthétique de la scène. Ici, des cadrages de plongée et de
contre-plongée s’opposent pour souligner le sentiment de supériorité
de Kiné et l’infériorité de Pathé. La scène se poursuit par un plan

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Petty: Pugnacité et pouvoir

34 Sheila Petty

moyen en contre-plongée de Kiné agitant le doigt en direction de


Pathé et affirmant : « Tu vois, je pense que c’est Dieu qui te punit
de cette manière ». La prise de vue souligne sa condescendance et
montre à quel point il est devenu impossible à Kiné d’éprouver de
la sympathie pour un pauvre homme dépossédé de ses biens, tant
elle tient à lui signifier son irresponsabilité. Devant la virulence d’une
telle attaque, l’embarras de Pathé se traduit par un plan moyen, en
plongée. Exaspéré, il lui répond : « Dieu n’a rien à faire avec ceci » et
menace de tuer ceux qui l’ont dépouillé de ses avoirs. L’esthétique
de la prise de vue montre un Pathé coincé dans le pas de la porte
et semble décrire à quel point ce personnage vit dans le piège de
son infirmité et de sa condition économique.

L’usage combiné de plans moyens et de prises de vue subjectives


rappelle les premiers choix esthétiques de La Noire de…. Dans
ce cas-ci, Sembène encourage une identification des émotions
du spectateur avec ceux des personnages, tout en instituant une
distance idéologique entre eux. De cet amalgame, il s’éloigne d’une
esthétique purement didactique pour créer un cadre plus subjectif,
susceptible d’engager le public, mais aussi capable de les inciter
à réfléchir sur la teneur émotive des dialogues. Par ailleurs, la
présentation visuelle de la scène véhicule des nuances idéologiques
qui vont au-delà de la simple signification des paroles. Une telle
stratégie rapproche Sembène d’un langage filmique postcolonial,
refaçonnant des éléments de l’Occident pour exprimer des exigences
idéologiques propres au continent africain.

Bien des films de Sembène révèlent des détails de la vie quotidienne


africaine qui, souvent, s’imprègnent de faits « remarquablement
terre-à-terre » (Akudinobi, 2006 : 180) mais pleins d’évocations aussi
inspirantes que fascinantes. Avec Faat Kiné, cette tendance atteint
des proportions plus marquées que dans les films précédents. Kiné,
contrairement à sa « prédéces-sœur » dans La Noire de…, ne subit
ni changement radical, ni crise grave dans le film. Ses moments
difficiles appartiennent à un passé qui ressurgit au fur et à mesure
de la diégèse du film en réponse à des faits divers quotidiens.
Comme le déclare Akudinobi, pour elle, le quotidien devient « le site
de possibilités adverses étant donné les éléments individuels qui
le composent et les contre-courants qui, paradoxalement, le font
avancer » (ibid. : 180-181). Ce qui en apparence fait figure de simple
épisode de la vie quotidienne sénégalaise se transforme en cadre
d’évaluation de forces contradictoires et complexes régissant une

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La représentation des femmes dans les films d’Ousmane Sembène 35

société forgée par des impulsions divergentes. De ce fait, le film


porte moins sur la direction que Kiné donne à sa vie que sur l’état
actuel de sa vie et le chemin parcouru pour y arriver.

Le passé de Kiné est marqué par des trahisons (trois) que le


cinéaste nous révèle à travers des flash-backs. La première est
exposée lorsque le père absent d’Aby se présente à la station
d’essence pour s’informer des résultats de sa fille à l’examen du
baccalauréat. Visiblement hostile, Kiné lui demande d’un ton moqueur
de retourner auprès de ses femmes. Un gros plan de plongée de
Kiné marque la fin de cet échange, soulignant l’indignation de Kiné
tout en offrant au spectateur un temps de répit pour réfléchir sur
les motifs de l’hostilité d’une femme qui, jusqu’à présent, avait su
maîtriser ses états d’âme. Suit ensuite un plan en flash-back sur
le passé de Kiné, sans aucun artifice de transition tel un fondu-
enchaîné, octroyant ainsi une certaine urgence au souvenir comme
s’il surgissait presque à fleur de peau. La prise de vue débute par
l’image d’un bâtiment. Avec le balayage de la caméra sur la façade,
il se transforme en plan de demi-ensemble. Une Kiné adolescente
habillée en lycéenne paraît à la porte. Une voix d’homme hors-
champ lui crie : « Sors ! ». Kiné pleure. Dans la prise de vue suivante,
un autre plan de demi-ensemble, la caméra se déplace avec Kiné
entourée de deux camarades de classe qui la consolent et lui
demandent ce qui se passe. Intervient un gros plan de Kiné en
pleurs alors qu’elle apprend à ses camarades qu’elle vient d’être
exclue de l’école à deux mois des examens. La caméra fait alors
un panoramique sur la gauche vers l’une des amies qui s’enquiert
du professeur Gaye, l’homme qui l’a mise enceinte. Lorsque Kiné
ne répond pas, la caméra fait un second panoramique vers la
gauche et se fixe sur l’autre amie qui déclare que le professeur
Gaye est un salaud. Les plans mobiles de la caméra introduisent
une nouveauté dans l’esthétique cinématographique de Sembène
qui, dans ses premiers films, utilisait essentiellement une caméra
stable. Ici, les plans montrant Kiné et ses amies, en particulier le
gros plan, instaurent une impression de mobilité sociale reliée à
la protagoniste tout au long du film. Par ailleurs, cette séquence
explique l’hostilité de Kiné : le père d’Aby a abusé de la confiance
de Kiné, l’a abandonnée et empêchée de terminer des études qui
lui tenaient à cœur, études qu’elle offrira à ses enfants au prix de
grands sacrifices.

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Petty: Pugnacité et pouvoir

36 Sheila Petty

La seconde trahison se dévoile lors d’une conversation entre


Kiné et sa mère, qui apprend la réussite des enfants à leur examen.
Durant cet entretien, Kiné se remémore la réaction de son père à la
nouvelle qu’elle était tombée enceinte hors des liens du mariage.
Particulièrement brutale, la scène se déroule dans la concession
familiale. Alors que la mère prie le père de pardonner la faute de sa
fille, celui-ci rétorque : « Aucun bâtard ne naîtra dans ma maison.
Jamais ! ». Il tente alors de mettre le feu sur Kiné avec un bois retiré
du feu. La mère s’interpose entre le père et la fille pour la protéger
en faisant barrière de son corps. C’est alors qu’elle reçoit la punition
du père à sa place. Deux gros plans suggestifs marquent la fin de
la scène. Dans le premier, le père regarde brûler sa femme. Pris
en contre-plongée extrême, le plan projette du père de Kiné l’image
d’un homme à la fois brutal et menaçant. Le second plan débute
avec l’image d’un incendie violent avant de panoramiquer vers
la droite pour dévoiler en gros plan le dos calciné de la mère de
Kiné. Accompagnée des pleurs d’un enfant, la caméra fait un zoom
arrière vers un plan moyen lointain montrant la maman en train de
bercer un bébé, selon toute vraisemblance Aby. L’importance de
ces deux gros plans n’est pas à sous-estimer car ils établissent le
lien direct entre patriarcat oppressif et violence contre les femmes.
La longueur de la deuxième prise de vue en particulier permet aux
spectateurs de réfléchir sur les conséquences de cette violence
au niveau individuel et social. Par ailleurs, à la scène suivante, le
flash-back de la mère de Kiné parle de la honte et des difficultés
auxquelles elles ont eu à faire face par la suite : déshéritée par son
père, Kiné se voit obligée de renoncer à son rêve de poursuivre une
carrière d’avocate et de travailler pour élever son enfant et subvenir
aux besoins de sa mère que son père répudie. La mère souhaite
d’abord mourir avec sa fille plutôt que d’endurer la honte qui s’est
abattue sur elles, mais finit par faire l’éloge de cette dernière pour
son ressort et le confort qu’elle a su créer pour ses enfants et leur
grand-mère. Par son courage, Kiné regagne l’estime de sa mère : à
ses yeux, elle est devenue une héroïne au quotidien.

Le troisième flash-back intervient à un moment où Kiné fait ses


courses. Ayant trouvé son véhicule bloqué par un automobiliste
qui s’est garé en double file, elle décide d’attendre le retour de la
personne assise dans sa voiture. Aussitôt, Boubacar, le père de Djib,
devenu à présent un vieil homme déguenillé, l’interpelle de loin. Il lui
parle de son fils, « un crac » selon lui, et se souvient de ses propres
excellents résultats à ces mêmes examens. La caméra effectue

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La représentation des femmes dans les films d’Ousmane Sembène 37

alors un flash-back montrant un jeune Boubacar en compagnie de


Kiné sur un chantier. Visiblement, Kiné est enceinte et, tandis que
le couple fait le tour de la maison inachevée que Boubacar s’est
engagé à acheter, le maître d’œuvre s’approche d’eux. Il leur réclame
davantage d’argent pour finir le projet. Boubacar hésite, alléguant
qu’il s’est déjà acquitté du prix fixé par le contrat de vente. Le maître
d’œuvre convainc Kiné qu’ils font une bonne affaire et qu’ils devraient
emprunter la somme demandée pour finir les travaux. À son départ,
Kiné propose d’y contribuer. Boubacar commence par refuser, mais
finit par accepter le chèque que lui tend Kiné. Dans la scène suivant
le flash-back, Kiné confronte Boubacar à la situation, l’accusant de
l’avoir trompée, d’avoir volé son argent et de l’avoir abandonnée
alors qu’elle était enceinte. Quand Boubacar lui reproche d’avoir
proféré des insanités durant leur dispute, elle lui lance : « Je ne suis
pas la jeune mère qui s’est fait engrosser et ravir ses économies »,
réponse qui établit le lien entre la franchise et l’agressivité de Kiné
et les nombreuses trahisons dont elle fut victime à cause d’hommes
ayant failli à leurs responsabilités. Qui plus est, cette réponse laisse
entendre que sa survie et sa réussite matérielle ont été rendues
possibles par un renoncement à la compassion et au pardon.

Il ne fait aucun doute que Kiné est une rebelle imparfaite. De fait,
il n’y a pas de scène plus révélatrice de son manque de compassion
que celle où l’aborde dans la rue la femme de Massamba Wade,
l’homme avec qui elle entretient une liaison. Lorsque cette femme
se présente à elle et lui enjoint de cesser tout contact avec son mari,
Kiné se moque d’elle. Furieuse, Madame Wade lui lance : « Les
gens comme vous qui ne se marient pas, détruisent le mariage
des autres ». Après l’avoir traitée de « salope », Madame Wade
menace de la brutaliser si jamais elle continuait ses rapports illicites
avec son mari. À son départ, Kiné reste assise dans sa voiture
quelques moments, plonge la main dans un sac et en sort une
cannette de gaz poivre. Elle sort ensuite de sa voiture, court après
Madame Wade et lui demande de répéter ce qu’elle vient de dire.
Quand Madame Wade s’exécute en ajoutant que cette fois elle ne
manquerait pas de lui donner un coup de pied au derrière et de le
« truffer de piment », Kiné lui lance le gaz poivre au visage. Prise de
douleur, Madame Wade crie et tombe au sol. La réaction de Kiné
face à cette scène se voit dans un gros plan en contre-plongée qui
souligne son pouvoir sur la femme blessée gisant au sol. Elle lance
alors ces derniers mots : « Quand j’ai besoin d’un homme, je le paye
pour ses services », réduisant ainsi les rapports qu’elle entretient

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Petty: Pugnacité et pouvoir

38 Sheila Petty

avec son mari à une affaire de commerce. Deux éléments font que
cette scène pèse lourd, idéologiquement parlant, dans la structure
du film. D’abord, il est évident que Kiné aurait pu laisser simplement
Madame Wade s’éloigner et la dispute se tasser, d’autant plus qu’elle
était coupable des faits qui lui étaient reprochés. Elle fait le choix de
poursuivre Madame Wade, mais qui plus est, décide délibérément
d’utiliser une arme contre elle. Elle choisit d’user de violence contre
une femme, pour la seule raison qu’elle a le pouvoir de le faire. De
fait, elle est devenue l’image de son propre père et, tout comme
lui, est coupable de perpétuer la violence contre les femmes. Kiné,
héroïne au quotidien de sa propre famille, semble avoir fait sienne
les pulsions négatives qui voulaient la réprimer.

Il n’empêche que le personnage de Kiné symbolise les


changements qui soufflent sur l’Afrique à l’ère de la mondialisation.
L’ambiguïté au cœur de ses actions offre une panoplie de lectures
possibles au centre desquelles se loge une certaine nostalgie
pour les idéaux d’indépendance que semble avoir marginalisé la
période postcoloniale. À la fin du film, lors d’une fête à l’occasion
des diplômes de fin d’études, Djib confronte les pères Gaye et
Boubacar sur la manière dont ils ont traité Kiné. Au paroxysme
de cette confrontation, Djib est appelé à se remémorer le respect
légendaire dû aux pères en Afrique et son devoir de se conformer
aux valeurs africaines. L’un d’eux lui ordonne de se mettre à genoux
et de demander pardon. Djib refuse et immédiatement après
dénonce l’hypocrisie de Gaye et de Boubacar en leur rappelant
qu’ils sont « l’image crachée de notre indépendance. Il ne s’agit
pas simplement de dire, il faut agir… Nos pères se sont montrés
incapables de donner naissance à une nouvelle Afrique ». Il est
clair que cette déclaration rend les générations passées coupables
de la persistance des inégalités après l’indépendance du pays et
dénonce leur incapacité à instituer tout changement. Par ailleurs,
cette déclaration implique que le statut d’héroïne imparfaite de
Kiné n’existe qu’en raison de ce qu’il lui a fallu affronter dans cette
société faite d’hommes corrompus et hypocrites, au même titre que
ces luttes ont fait de son fils un leader potentiel. Dans ce sens, les
excès de Kiné illustrent la période transitoire dans laquelle se trouve
le continent et Sembène laisse entrevoir la possibilité que l’Afrique
rêvée lors des indépendances se réalise dans l’avenir.

Comme constructions filmiques, les personnages féminins


de Sembène se révèlent souvent complexes, contradictoires et

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La représentation des femmes dans les films d’Ousmane Sembène 39

controversés. Et dans ces complexités, ils incarnent les multiples


facettes des voix des femmes africaines à l’intérieur et en dehors
de leurs cultures. Dans une interview accordée en 1972, Sembène
déclarait : « Le fait est que la culture africaine a été préservée par
les femmes, et c’est grâce à elles que nous avons pu sauver ce
que nous avons pu sauver » (Weaver, 1972 : 59). Les personnages
de Diouana et Kiné montrent que l’engagement de Sembène à
représenter dans son travail le rôle crucial des femmes au sein de
la société africaine n’a jamais failli, tout au long de sa longue et
fructueuse carrière. Ainsi, il a réussi à altérer l’image des femmes
africaines aussi bien à l’intérieur de l’Afrique qu’à travers le globe.

Sheila Petty est professeure d’études cinématographiques et doyenne de la Faculté


des beaux-arts à l’Université de Régina. Ses plus récentes recherches portent sur
l’identité, l’ethnicité et le rôle de la narrativité et de l’esthétique visuelle au sein des
médias numériques africains (incluant ceux de la diaspora). Auteure de nombreux
articles sur le cinéma africain, elle a aussi co-dirigé Canadian Cultural Poesis : Essays
on Canadian Culture (2006) et un numéro spécial d’Atlantis : a Women’s Studies
Journal, intitulé « Digital Feminisms » (2008, vol 32.2). Elle a édité un collectif, A
Call to Action : the Films of Ousmane Sembène (1996) et vient de publier Contact
Zones : Memory, Origin and Discourses in Black Diasporic Cinema (2008).

Références

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