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FESPACO 2023 Le Magazine de la Fédération Africaine de la Critique N o.

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28 eme Edition Cinématographique FACC-www.africine.org Mars 2023

EDITORIAL
Mami Wata, de Fiery
Le réalisateur nigérian Fiery Obasi, prix de la critique
Obasi honoré par la critique au Fespaco 2023 P.2

L
e film Ashkal, un long-métrage fiction de Youssef
Chebbi (Tunisie) est sacré Etalon d’or de Yennenga
au Fespaco 2023, samedi 4 mars à Ouagadougou. La
plus grande distinction du Festival panafricain du cinéma et
de la télévision de Ouagadougou est décerné à ce film fort
tournée à Carthage, comme un clin d’œil aux prestigieuses
Journées cinématographiques de Carthage, l’aîné des
festivals de film du continent encore en activité, initié par
Tahar Cheriaa. Ashkal est un thriller qui accroche le
spectateur jusqu’au bout d’un drame matérialisé par
l’immolation, avec des images qui peuvent heurter les The Last Queen, de
sensibilités. Le pays de Tahar Cheriaa est aussi honoré par
le film long-métrage fiction Sous les figues, d’Erige Sehiri, Damien Ounouri et Adila
qui rafle les deux prix de la meilleure interprétation féminine
et masculine au 28e Fespaco. Bendimerad P.7
La veille, vendredi 3 mars, le jury de la Fédération africaine
de la critique cinématographique (Facc) a décerné le prix de
la critique au film Mami Wata, de Fiery Obasi (fiction,
drame, 107 minutes, Nigéria). Ce long-métrage est salué par
la critique, notamment pour l’originalité de son sujet et
l’option esthétique du noir et blanc, avec un maquillage et
un costume très symboliques des traditions et des cultures
africaines. Ce film a reçu également dans le palmarès officiel
du Fespaco les prix de la meilleure image et du meilleur
décor. Les Etalons d’argent et de bronze de Yennenga sont
respectivement décernés aux films long-métrage fiction Sira Carnets du Fespaco : P.8
d’Apolline Traoré (Burkina Faso) et Shimoni, d’Angela
Wamai (Kenya). Histoire d’une rencontre
Lors de cette 28e édition du Fespaco, la Fédération africaine
de la critique cinématographique (Facc) a renouvelé ses
instances en confiant à la critique guinéenne Faoumata
Sagnane les rênes de cette fédération qui compte plus de 450
critiques de cinéma en Afrique et dans la diaspora. Elle
succède ainsi à la critique sénégalaise, Fatou Kiné Sène, à la
tête de la Facc dont le magazine Africiné vous propose dans
cette parution, une série d’articles et de critiques de films.

Charles Ayetan (Togo)


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Mami Wata, de Fiery Obasi, prix de la critique au Fespaco 2023
Une légende dramatique rythmée par les vagues
de l’océan
Le film Mami Wata, du réalisateur nigérian Fiery Obasi remporte le Prix Paulin Soumanou Vieyra de la critique
cinématographique africaine lors du 28e Fespaco du 25 février au 5 mars 2023, au Burkina Faso.

V
endredi, 3 mars 2023, le
jury de la Fédération africaine
de la critique
cinématographique (Facc) a décerné
son prix hautement symbolique au film
Mami Wata (fiction, drame, 107
minutes, Nigéria) distingué parmi les
quinze films long métrage fiction en
compétition officielle au Fespaco qui se
déroule du 25 février au 4 mars. C’était
au cours de la cérémonie de remise des
prix spéciaux dans l’après-midi du 3
mars.
Selon le jury de la Facc présidé par la
critique sénégalaise, Bigué Bob, ce film
de Fiery Obasi a été primé pour
l’originalité de son sujet relatif à la avoir une finalité sociale, déesse de l’eau existe-t-elle réellement
légende de Mami Water, déesse de communautaire, serviront à acheter des ? A-t-elle encore son pouvoir présumé
l’eau, mais aussi pour « l’option armes à feu très sophistiquées lorsque sur ses disciples ou intermédiaires ?
esthétique du noir et blanc, avec un le pouvoir devient masculin. Les Joue-t-elle un rôle politique et social
maquillage et un costume très bénédictions s’évaporent alors dans les sociétés où elle est encore
symboliques », des traditions et des emportant ses grâces. présente ? Autant de questionnements
cultures africaines. Troisième long métrage fiction de Fiery qui remontent dans les pensées du
Bien qu’il puisse sembler commun, le Obasi, ce film est tourné au Bénin et est spectateur.
sujet de ce film est particulièrement réalisé en blanc et noir, rythmé par une Le film est à saluer pour son choix
intéressant en ce qu’il est appréhendé belle musique composée du son des esthétique de décors et costumes
de façon différente et originale. Cette vagues de l’océan. Par sa grande traditionnels, mais aussi des
œuvre aborde « une légende populaire présence et sa fréquence répétée, l’eau, maquillages sur les visages des
d’une manière différente avec en toile devient un personnage important lié de personnages, tous éléments de
de fond le traitement de questions façon intrinsèque à cette divinité. l’imaginaire des peuples africains sur le
politiques et sociétales », précise le jury Le film commence par le son des continent et ailleurs dans la diaspora
de la critique cinématographique vagues et, sans encore montrer l’eau, le qui connaissent des cultes religieux
africaine. générique de début se déroule vodous et autres assimilés.
Le scénario propose un récit dans lentement et dévoile la matière qui Le jury de la Facc au 28e Fespaco est
lequel, deux sœurs se battent pour fonde le mythe de la sirène, l’eau. D’où présidé par Bigué Bob (Sénégal) et
sauver leur famille, leur communauté et la place importante de l’eau qui devient composé de trois autres membres : le
rétablir la gloire de la déesse des eaux. un personnage principal dans ce film Togolais Charles Ayetan et les
A travers la légende de cette sirène très centré sur les femmes. Inspiré d’un rêve Burkinabè Harouna Simian et
populaire dans les pays d’Afrique de fait par l’auteur, l’écriture du scénario Mamadou Maboudou Gnanou. Le prix
l’ouest, l’auteur revisite les religions et a duré 5 ans, et l’histoire est montrée en de la critique africaine est constitué
spiritualités africaines et questionne les noir et blanc tout comme dans le rêve. d’un certificat, d’un trophée et d’un
mythes qui l’entourent en le plaçant au « Tu es une fille de l’eau », dit la mère buste en bronze aux effigies de Paulin
cœur d’ambitions commerciales, à sa fille qui décline de manière frontale Soumanou Vieyra, l’un des doyens des
politiques et sociales. Du pouvoir des sa mission d’intermédiaire de la déesse cinémas africains, qui fut aussi l’un des
femmes à celui des hommes, la en disant : « Je ne veux pas être une précurseurs de la critique
supercherie est portée par un discours intermédiaire ». Sans doute entrainée cinématographique africaine.
périodique : « faites des offrandes à par le modernisme qui semble remettre
Mami Water, amenez votre argent, vos en question les mystères et les Charles Ayetan (AJCC - Togo)
bijoux… ». Ces collectes qui devraient mysticismes liés à Mami Water. La

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Nous Etudiants, de Rafiki Fariala
Quand la promiscuité et le monnayage des notes
minent la vie en milieu estudiantin
Le film documentaire s’inscrit de plus en plus dans l’agenda des jeunes cinéastes africains malgré certaines
réticences dues aux types de sujets traités. C’est le cas du film de ce jeune cinéaste centrafricain Rafiki Fariala
qui traite d’un sujet qui fâche mais qui est réel dans son pays.

L
a promiscuité en milieu
estudiantin et le monnayage
des notes qui passe par une
corruption aussi bien sentimentale
que pécuniaire. Dès la première
image d’exposition de ce film, on
aperçoit la tête d’un jeune étudiant en
gros plan et en mode mise au point
différentielle, c'est-à-dire un peu
flouté qui s’éclaircit progressivement
avec une chanson en fond sonore qui
demande à l’ancienne génération de
lâcher prise pour laisser la place aux
jeunes. Il s’agit de Nestor, Aaron et
Benjamin trois étudiants en
économie à l'Université de Bangui.
Ils se sont rencontrés en première sordides mais réelles qui minent le scènes au commissariat qui montrent
année, et ont étudié ensemble. Ils ont monde estudiantin. la souffrance d’une mère qui a porté
lutté ensemble et inventé ensemble Le réalisateur Rafiki Faralia ne plainte pour séquestration de sa fille
des moyens de survivre chaque jour s’arrête pas qu'à l’Université. Il mineure enceinte, ou alors le visage
tout en rêvant de leur avenir et ont montre aussi la vie de débauche des lointain des usagers, on n’est pas loin
monté des projets. étudiants qui, malgré leur situation de de constater que la société
Cependant, ils sont obligés de vivre vie difficile, s’adonnent aux activités centrafricaine peine à trouver ses
la dure réalité lorsque tout ne se passe sexuelles qui ne se passent pas marques.
pas comme prévu et ils se retrouvent toujours bien. Ceci est d'autant plus Ce film a été interdit de diffusion en
à la croisée des chemins. La vrai que, dans le film, l'un des république centrafricaine, car les
particularité de ce film documentaire protagonistes va se retrouver père des autorités estiment que, ce réalisateur
est la voix off du réalisateur qui joue jumeaux contre son gré et avec une a montré les failles d’un système et est
dans le film au même titre que ses mineure. Cette situation pose aussi le allé un peu trop loin. L’engagement de
trois camarades et les encourage à ne problème du vagabondage sexuel que ce jeune cinéaste vient mettre sur la
pas perdre espoir en ce sens qu’il l’on soit à l'université ou pas, c’est table le problème des films engagés.
défend la cause des minorités à tout le pays qui en souffre. Le Il faut bien que quelqu’un ait le cran
travers ce film qui est tourné à réalisateur ne manque pas de de le produire.
l’Université et qui montre la dure s’impliquer lui-même de manière C’est aussi par l’image que la
réalité et la souffrance des étudiants. intimiste en réconfortant ses amis et population parfois meurtrie peut
Des situations réelles de certains qui celui qui n’a pas eu sa licence, car il trouver un réconfort moral. Au-delà
se plaignent qu’ils n’ont pas de suites va reprendre deux matières à une du divertissement, le film
favorables concernant leurs notes autre session. documentaire nous renseigne sur les
malgré leurs requêtes. Plus loin, des Par ailleurs, la musique joue un rôle réelles facettes de notre vie et nous
plaintes des jeunes filles qui clament prépondérant dans ce film. Ce sont redonne espoir, car nul ne peut être sur
haut et fort qu’elles ont abandonné des musiques triées pour la un balcon et se voir passer dans la rue.
les études universitaires à cause des circonstance et qui dénoncent
avances des enseignants véreux. l’hégémonie des vieux sur la jeunesse. Pierre Patrick Touko (Cinepresse
C’est un méli-mélo des histoires Tout au long du film, que ce soit des - Cameroun)

Mars 2023 3 3
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Maputo Nakuzanda, d’Ariadine Zampaulo
Des aventures dramatiques dans une cité
du monde
Tourné en Portugais et sous-titré en Anglais, le film Maputo Nakuzanda, d’Ariadine Zampaulo (fiction,
62 minutes, Mozambique/Brésil), est un drame tourné dans la capitale Maputo. Un long métrage fiction
en compétition au Fespaco 2023.

L
e film commence un matin abstraction de couleur pour plus Elle a su aussi mixer à travers
dès l'aube, dans la capitale imprégner le cinéphile dans l'his- danse et musique de forts mo-
mozambicaine, et présente toire par le noir et blanc. ments d’expériences de vie soli-
des jeunes, bouteilles d'alcool en Pour la plupart, les plans sont fixes taire en lien avec la culture des
mains reviennent des boîtes de nui et laissent ainsi les acteurs dans personnages.
de Maputo, une femme endormie leur activité quotidienne naturelle. Cette grande solitude se remarque
revenant d’un voyage, et un jeune La mise en scène des acteurs cou- par la quasi-absence de discus-
empruntant un transport public. plée de ce choix technique fait du sions et d’interlocuteurs muets.
Chaque personnage plongé dans film un chef d'œuvre. Les témoignages radiophoniques
son destin vivant son drame, un La réalisatrice, dans son élan ne renforcent la réalité que vivent les
élément qu’ils ont en partage. Des s'arrête pas, mais propose avec habitants de la capitale montrée
histoires racontées non sans la synchronisation des images et des par l'image.
voix de Radio Maputo Nakun- sons qui rendent le film unique et La mise en scène est très philoso-
zanda qui n'a cessé d'illustrer la expérimental. L’on remarque toute phique et utilise la transparence et
journée d’informations diffusées, absence de bruitages et d’identité la neutralité de tout élément qui
toutes ou presque réconfortante. sonore particulière, mais la pré- amène le spectateur du réalisme
Le film dans son originalité mon- sence de la voix radiophonique de fictionnel à la fiction du réel. Mais
tre la vie solitaire des habitants de Maputo Nakuzandza. Au rythme alors, comment envisager ces
cette cité en quête d'une condition de la musique urbaine appropriée, aventures dramatiques quand le
de vie meilleure. La réalisatrice, Ariadine montre le sentiment émo- soleil se couche sur Maputo ?
dans une parfaite cohérence, fait tionnel de tristesse des habitants.
Cyrille Soncy (AJCC - Togo)

Mars 2023 4 4
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Le Galop, d’Eléonore Yaméogo
De l’état d’âme des cinéastes dans la course
à l’étalon
Le Galop réalisé par Eléonore Yaméogo (documentaire, 90 minutes, Burkina Faso) est l'un des films
sélectionnés au Fespaco 2023. Un long métrage qui traite de la vie des artistes.

F
avoriser la diffusion des œuvres
des cinémas africains, faciliter le
contact et les échanges entre
professionnels du cinéma et de
l'audiovisuel, contribuer à l'essor et à la
sauvegarde des cinémas africains en
tant que moyen d'expression et
d'éducation, sont entre autres les
objectifs du Festival panafricain du
cinéma et de la télévision de
Ouagadougou (Fespaco) dont la 8e
édition se déroule du 25 février au 4
mars. Le documentaire «Le Galop»
d’Eléonore Yaméogo participe de cette
dynamique du Fespaco.
C'est avec un plan d'ensemble d'une
femme à cheval, bien maquillée, que le
film commence, et déroule le récit de
Yennenga, une histoire qui porte cette
biennale panafricaine du cinéma. Dans
cette œuvre la réalisatrice fait savoir
aux cinéphiles ce qui est caché dans la
vie des réalisateurs dont le commun du
mortel ignorent avant la proclamation
des résultats si votre film est retenu en
compétition.
Un film intéressant qui, à travers quatre
capitale Ouagadougou, Niamey, Kigali,
Dakar, et quatre réalisateurs lors de cette compétition. long métrage, «Paris mon paradis»
respectivement Moumouni Sanou, Gaston Kaboré dira à l’un des (2011) dans lequel elle approchait trois
Aïcha Macky, Fama Reyane Sow et réalisateurs que « la part de la tortue ne émigrés africains en galère pour
Mutiganda Wa Nkunda, fait se trouve pas sur l'arbre », un proverbe dissiper les mirages de l'émigration.
comprendre la vie avant, pendant et qui trouve tout son sens dans notre vie Aussi peut-on citer également son film
après la compétition de tous les jours, une manière de dire «Le cimetière des éléphants» (2018) qui
Eléonore Yameogo a fait valoir la que quand une chose vous est destinée, interpelle ses concitoyens et les
langue de ses réalisateurs des pays que ce soit contre vents et marées, vous occidentaux sur la présence des
différents, en racontant ce l'obtiendrez. missionnaires en Afrique depuis la
documentaire. L'une des choses que ses quatre colonisation. «Le Galop» sera-t-il
Dans l'attente des palmarès du festival, réalisateurs ont en commun, c'est la lauréat à cette 28e édition du Fespaco ?
chacun de ses réalisateurs représentant participation à de prestigieux festivals Et quel est l’état d’âme de son auteur,
son pays avec une fierté nationale, en Afrique. la réalisatrice Eléonore Yaméogo ?
expérimente, des émotions fortes, Réalisatrice burkinabè, Eléonore
notamment le stress et le désir de Yaméogo traite dans ses films de sujets Assane Moumouni Zeynabou
remporter une ou plusieurs distinctions sensibles, tel que dans son tout premier (ANCCCC - Niger)

Mars 2023 5 5
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Shimoni, d’Angela Wamai
Le scénario du drame et de l’humour
L’image (d’ensemble) de Shimoni vacille entre un personnage principal lugubre – un enseignant laminé
psychologiquement par les affres d’un séjour carcéral – et de l’humour noir qui apaise (?). L’humour d’une
grand-mère ne s’embarrassant point de codes, au point de tancer cyniquement le prêtre du village lors d’un
différend. C’est le premier long-métrage fiction de la réalisatrice kenyane Angela Wamai (réalisé en 2022, d’une
durée de 1h37). Il ramène, comme un ressac, la souffrance sociale d’un ex-prisonnier éprouvé plus par le
jugement de l’infâme tribunal de sa conscience que par le remord de son propre acte qui lui a valu sept
précieuses années de sa jeunesse. Un prisonnier tyrannisé aussi par la haine d’un homme qui symbolise toute
sa déchéance personnelle et sentimentale.

U
n homme, Geoffrey, malgré que nous soyons émotifs.
le fait d’avoir eu le Un humour comme exutoire aussi
privilège de s’éloigner de la bien pour elle que pour ceux qui
prison, n’arrive pas à se passent devant la caméra…pour
reconstruire. Et pourtant, le lieu de affronter l’amour, la mort et le mal.
Re-naissance n’était autre que Des réalités d’une condition
l’église du père Jacob, espace de humaine rencontrées dans le
repentir et de rédemption pour les scénario pour marquer le drame né
âmes souillées et désespérées pour de la descente aux enfers d’un
s’ouvrir de nouveau à l’amour du personnage principal.
Seigneur. Mais l’exercice lui semble Angela Wamai a pourtant réussi à
un éternel chemin de croix ! Une allier le ressassement d’un mauvais
odyssée sans fin ! Ni l’empathie du destin à la beauté d’une nature dans
prêtre ni la teneur mystique des laquelle sont nichés les lieux de
passages de Bible lus sous la tournage. Le décor enchantant
lumière de la lampe tempête n’ont servirait de consolation à un
pu entamer son aigreur face au spectateur frappé ‘’d’un coup de
désespoir d’un destin lamentable. poing sur le crâne’’ par la fin avec
Geoffroy, de jour en jour s’éloigne Geoffrey malade de lui-même, face
cinéma un héros social, mais une
de l’espoir d’être cette âme attendue aux fausses tentations du bien…La
victime d’elle-même. Comme pour
dans le juste chemin. Il n’a pu haine n’a pu, lui donner la force de
grossir les traits d’une ignominie
prendre cette revanche sur le mal et se venger d’un homme qu’il juge
sociale qui cause des malheurs.
sur la société. porter la paternité de son malheur.
Shimoni, c’est une tentation au
Et pourtant, son généreux don de Sa main n’a pas été si forte pour
renoncement et un choix de filmer
répétiteur de la nièce de grand-mère attenter à la vie de ce dernier. Est-ce
sans cocher les cages
Martha laissait entrevoir que le un manque de courage ou le cours
conventionnelles jusque-là connues,
temps de guérison n’était pas si loin, incompréhensible d’un destin ?
même si, dans certaines scènes, on
que le repentir espéré de lui pouvait Les acteurs, loin d’être des habitués
sentait un mouvement vers celles-ci.
y contribuer ; aussi que cet amour de la scène, n’ont pourtant, au vu du
Outre Geoffrey, le rôle le plus
de Béatrice, la jeune fille du village jeu, aucune difficulté à se mettre
captivant dans ce film est celui de
qui s’était éprise de lui, seraient dans la peau de leurs personnages
grand-mère Martha, celle par qui
comme les charpentiers d’une respectifs. Une tendance de plus en
Angela fait passer l’humour,
nouvelle vie d’un homme en plus progressive dans les cinémas
comme pour atténuer la lourdeur du
marche vers le futur. Mais la jeune africains d’aller vers des amateurs,
mal d’une communauté aux
réalisatrice, Angela Wamai, a choisi parfois mieux à même d’incarner le
individualités éprouvées par les
de faire abdiquer cet élan rôle qui leur est attribué.
épreuves. On en poufferait de rire
d’humanité au renoncement. Un
tout comme on verserait
choix qui renseigne sur l’intention Bassirou Niang (ASCC -
secrètement des larmes, si tant est
de celle-ci de ne pas peindre au Sénégal)

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The Last Queen, de Damien Ounouri et Adila Bendimerad
Un film d’époque sur le pouvoir des femmes
C’est quelque chose d’assez rare pour mériter d’être souligné, sonnant comme un message aux cinéastes du
continent africain habitués aux thématiques contemporaines et, naturellement, non enclins à un retour au passé
pour la parturition d’un film d’époque. Même si la liste consignant ce genre cinématographique n’est pas encore
longue, une contribution nouvelle vient l’allonger encore un peu. The Last Queen (La Dernière Reine) en porte la
signature. Il dure 110 minutes. Co-réalisé en 2022 par les cinéastes algériens Damien Ounouri et Adila Bendimerad
(elle joue le rôle principal : la reine Zaphira), ce long-métrage raconte l’histoire de la Reine Zaphira dans l’Algérie
du XVIe siècle.

L
a scène d’ouverture, frappée féminine et politique) qui devra
d’une précision temporelle décider de la destinée du Royaume
(1516), renseigne largement de Casbah. Sa priorité : rechercher la
sur le projet des deux réalisateurs. vérité face au soupçon dirigé par la
Elle est une identité visuelle portant rumeur populaire vers Arouj (le frère
la marque d’une responsabilité du roi), l’homme à la main de fer
artistique assumée. Le combat sous forme de prothèse.
acharné contre les agresseurs L’Acte II fait échouer l’honnêteté
espagnols du peuple de Casbah d’un homme (le frère) dans les
montre toute la prouesse de la dédales de l’hypocrisie. Arouj s’est
réalisation. Le travail d’écriture juré de faire siens à la fois le
révèle toute sa puissance : le scénario royaume, le palais et la reine de son
a dû s’allier à l’archive salvatrice aîné. Les trois autres actes suivants
pour s’authentifier lui-même et, du ensoleillent l’intime douleur d’une
coup, donner une éclaircie aux informent sur les défis guerriers et reine qui refuse la déchéance, couve
possibilités de tournage du film. Le politiques, non sans en gommer son unique fils Yahia, repousse les
scénario est un puissant allié des l’esthétique d’image. Oui, de assauts d’un Arouj sans cœur. Ce
coréalisateurs dans ce film qui a mis l’esthétique, il faudra y arrêter notre dernier est obsédé par la volonté de
sept ans à s’offrir aux écrans. esprit, ou du moins le regard de celui puissance. La reine travaille avec
The Last Queen est certainement qui met le pied dans la salle de courage à l’instauration d’un ordre
inattendu ou inespéré, jusqu’à un projection. La beauté des lieux frappe juste mais que feront tanguer les
moment assez bref dans l’univers du – les décors sont enchantants - quand vents nocifs d’un conquérant sans
Septième Art apporte à la fois une bien même elle est pervertie par les éthique fort décidé.
réponse ludique et mémorielle à une angoisses de survie des personnages, Autant le révéler : The Last Queen
légende à laquelle l’on opposait, comme l’écume d’un moment de est une vitrine sur laquelle transparait
selon des croyances fondées ou non bouleversement d’un règne, d’un le pouvoir des femmes, précisément
fondées ou des ressentis corrompus, vécu lourdement rendu par le film. de femmes fortes ayant marqué le
une non-réalité historique. Peu The Last Queen, c’est aussi une destin collectif de leurs peuples
importe, les lieux de tournage, les expression filmique par Actes, respectifs. A l’image de la Reine
jeux d’acteurs sont là pour en imposer comme au théâtre. Sauf qu’ici, le Zaphira, leur donnant le privilège de
une acception, plutôt nécessairement souci de précision renvoie à la raconter, oui de raconter le passé
bienvenue dans un temps du monde chronologie qui fait écho à l’essence glorieux.
trouble en recherche de sens. du scénario. L’Acte I « Je t’aime Ce premier long métrage (aussi bien
La costumière a tenu son pari : la comme la mer » est comme un pour le coréalisateur que sa
recherche de costumes est narrateur brouilleur de pistes, coréalisatrice) crée une dialectique
certainement l’une des prouesses de concepteur d’illusions référentielles. entre le tragique des batailles
cette production. Cet aspect visible de En effet, parce qu’il mène – après une horribles pour la liberté – avec ses
l’être-personnage donne une lecture bataille héroïque du Roi Salim contre hécatombes épouvantables – et la
compréhensible, permettant de les ennemis et une intense intimité fierté teintée de gloire. La Reine
pénétrer dans ce flash-back du temps avec la Reine Zaphira au cœur enflé Zaphira sera le lumineux regard de
informatif, séduisant – peut-être ? – de fierté et d’amour brûlant pour son lucidité, la force de caractère, le
divertissant à certains égards. héros – vers une scène clé. symbole louable devant l’obligation
Lorsque les scènes de palais du roi Pour ne pas trop dévoiler le film, de la responsabilité.
Salim apparaissent, les positions de disons que des péripéties feront d’elle
caméra captent les émotions, la personnalité incontestée (à la fois Bassirou Niang (ASCC - Sénégal)

Mars 2023 7
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Carnets du Fespaco : Histoire d’une rencontre
Azzedine Mabrouki (Oran, Algérie) est un des pionniers africains en matière de critique
cinématographique. Il partage ici ses Carnets du FESPACO (Burkina), revenant sur l’édition 1985.

O
uaga a parcouru du
chemin aujourd’hui. Au
cours des premières
années du Fespaco, c’était une
ville très active, vivant au
rythme de son marché situé au
cœur d’un labyrinthe de ruelles
envahies par les motocyclettes
japonaises, étalant toutes les
merveilles de son artisanat de
tissus et de cuir, de sa production
de fruits merveilleux : papayes,
mangues, fraises… Les
innombrables étals rivalisaient
de couleurs de pagnes vives,
gaies, chatoyantes. On voyait
alors partout à Ouaga, fonçant à
toute allure sur leurs engins
Yamaha, des jeunes filles
élégantes et pleines de grâce que Mohamed Bouamari dirigeaient Passing Through et Clarence and
le souffle torride de l’harmattan les travaux. Angel. Tandis que le grand
[vent sec sahélien, NDLR] ne Tsaki était absent, occupé par un cinéaste éthiopien Hailé Gerima
semblait pas empêcher de autre projet, mais dés la première rassemblait une foule énorme
sourire… projection de son film la rumeur autour de son chef-d’œuvre :
C’était au cours du Fespaco s’était répandue que c’était « le Bush Mama, autre œuvre
1985 que le cinéma algérien a film à voir ». classique du cinéma africain.
connu la consécration avec le Cette année-là, il y avait sur les On remarquait surtout aussi le
triomphe du film de Brahim écrans du Fespaco, dirigé par film d’Idrissa Ouedraogo,
Tsaki : Histoire d’une Rencontre, Filippe Sawadogo, des œuvres cinéaste phare du Burkina, avec
Etalon de Yennega, meilleur film remarquables : Les Mers de Soif un court métrage fiction intitulé
long métrage fiction. Par de la réalisatrice Attiya Issa le Tisserand. Pour le
milliers, les spectateurs se Allabnoudi (Égypte), Nigéria, Ola Balogun avait fait
pressaient aux portes du Ciné L’Aventure ambigüe de Sidiki un long documentaire de trois
Burkina, aux projections le soir Bakaba et Jacques Champreux, heures sur la campagne des
en plein air, au Centre Méliès. une adaptation du roman élections et King Ampaw,
On était aussi conviés à des classique de Cheikh Hamidou cinéaste ghanéen, montrait un
concerts de musique africaine, à Kane. Trois grands acteurs long métrage Road to Accra sur
des défilés de mode. africains y partageaient l’écran : l’exode rural.
Les cinéastes étaient associés Bachir Touré, Douta Seck et La Biennale du Fespaco 85 a été
symboliquement à la Sidiki Bakaba lui-même. une réussite totale. Fêtes, films
construction du rail en direction De San Francisco, deux et rencontres joyeuses.
du Sahel. Une longue journée cinéastes Noirs Américains
était consacrée à la Bataille du (Larry Clark et Bob Gardner) Azzedine Mabrouki (Algérie)
Rail. Sembène Ousmane et avaient montré leurs films :

Mars 2023 8
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Au Cimetière de la pellicule, de Thierno Souleymane Diallo
Une réflexion sur le destin de cinéaste
et des cinémas africains
Au Cimetière de la pellicule de Thierno Souleymane Diallo a laissé une bonne impression, lors de sa Première
mondiale dans la section Panorama de la Berlinale (16-26 février 2023). D’abord son style (faisant parler
plutôt l’image que la parole) mélangé à un humour noir est particulièrement accrocheur. Ensuite et surtout,
son propos est d’une telle force qu’il impose la réflexion.

L
e sujet principal du film est l'anéantissement, à l'instar de tous
la recherche d'un court- les films en pellicule que les
métrage guinéen dont il autorités ont décidé de détruire faute
n'existe aucune trace. Mouramani de moyens de les conserver.
est un film réalisé en 1953 par Le film évoque le mal du présent et
Mamadou Touré est introuvable. Il a se projette dans le futur. L'image du
été réalisé deux ans avant Afrique- réalisateur déambulant pieds nus qui
sur-Seine, du collectif composé de ponctuent le film, résume le drame
Jacques Mélo Kane, Mamadou Sarr, du cinéma africain. Elle dit aussi sa
Paulin Soumanou Vieyra. Celui-ci spécificité : un cinéma amputé de
serait donc le premier film de son histoire, sans moyens, et
l'Afrique francophone de l'ouest. La pourtant il existe et il avance malgré
recherche du film lui-même s'avère toutes les embûches. Les étudiants
vaine. de l'Institut Supérieur des Arts de
A l'Office National du Cinéma Guinée [ISAG, rebaptisé ISAMK -
Guinéen (ONACIG), la seule trace Institut Supérieur des Arts Mory
que le réalisateur a pu trouver est un Kanté, ndlr] manipulent une caméra
document où une fiche figurant dans en carton. Ils ne manquent pas
un répertoire de ce que fut la d'imagination. Une jeune étudiante
Cinémathèque guinéenne témoigne fait sourire les moutons qui broutent
de son existence. Une visite aux dans les environs de l'établissement.
Archives françaises (le film étant Mouramani n'est donc qu'un Un autre apprenti-cinéaste
Français, puisque produit du temps prétexte pour une réflexion sur le s'interroge sur la peur que les gens
de la colonisation), finit de faire drame du cinéma en Afrique de la rue manifestent lorsqu'ils sont
évanouir tout espoir. Toutes les francophone de l'Ouest. en face de la caméra.
personnes interviewées - L'enquête passe par les salles de De même, Thierno Souleymane
projectionnistes, dirigeants de salles cinéma qui disparaissent. Le Diallo, pur produit de la formation
de cinéma, fonctionnaires du réalisateur visite les laboratoires qui cinématographique en Afrique,
ministère de la culture de Guinée, et étaient l'un des fleurons de puisqu'il est formé en Guinée, au
critiques de cinéma - admettent l'industrie cinématographique Niger et au Sénégal, continue son
l'existence du film, mais avouent, africaine. Il est désormais réduit à bon petit chemin de réalisateur. Ce
toutefois, ne l'avoir jamais vu. des vestiges de machines d'un autre documentaire est une réflexion sur
Diallo, de son propre aveu, savait temps et des locaux habités par des son propre destin en tant que
que le film n'existait plus avant fantômes issus des histoires qui ont cinéaste et sur celui des cinémas
même de commencer le tournage de été racontées ou qui auraient pu africains dont la force reste non pas
son documentaire. C'est que son l'être. Partout le constat du gâchis dans les moyens techniques et
propos transcende la simple s'impose. Les structures qui auraient structurels, qui lui font de toute
anecdote d'un film perdu. Qui plus pu faire un cinéma africain façon défaut, mais dans quelque
est, ce film ne serait pas d'une autonome ne sont plus que des chose de beaucoup plus fondamental
importance particulière. Le fait qu'il ruines. Le pire, c'est l'absence de : l'imagination.
soit disparu dit le manque d'intérêt toute volonté et/ou de moyens pour
qu'il aurait eu, contrairement à les conserver comme un héritage Hassouna Mansouri
Afrique-sur-Seine au propos témoignant d'une époque où la (Hollande, Depuis le Sud,
pamphlétaire, estime Olivier Barlet, volonté de construction existait. association des critiques
critique d'Africultures. Le sort de Tous les efforts ont été condamnés à expatriés)

Mars 2023 9
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Le Sermon des prophètes, de Seydou Boundaoné
Quand le vrai visage du terrorisme est notre reflet
Le sermon des prophètes est le premier long métrage du réalisateur burkinabè Seydou Boundaoné. Il est en
sélection officielle Compétition Burkina au Fespaco 2023. Réalisée en 2022, cette fiction met en lumière le
terrorisme qui sévit au Burkina Faso depuis quelques années. L’endoctrinement des civils par les terroristes,
la corruption, les injustices sociales, la pauvreté et les meurtres sont entre autres les éléments abordés dans
ce film. Mais un espoir pour le retour de la paix dans le pays est-il possible ?

U
n gros plan sur des ordures, une exemple, Zakaria voit passer à la
main les manie avec dextérité et télévision un musulman dont le sermon
fais le tri des bouteilles vides. appelle à la tolérance, à l’amour du
Nous sommes dans une décharge. Déjà, prochain et au respect de la vie d’autrui.
dès les premières minutes du film le Un discours qui diffère totalement de
réalisateur nous met dans une ceux auxquels il a été confronté dans la
atmosphère désagréable. Nul doute que maison de Cheick Djamal.
c’est l’esprit du film, car tout dérange. De plus, les chaînes de télévisions qui
En effet, cette œuvre met mal à l’aise condamnent les peuls perdent en force
parce qu’elle expose sans retenue, sans grâce aux interventions d’un jeune et
voile, l’horrible et véritable vissage du d’un vieux. Effectivement, ils essaient,
terrorisme au Burkina-Faso. Mais avant au péril de leurs vies, de dévier le chef
de rentrer dans les détails, quelle est des terroristes de son chemin obscur qui
l’histoire ? dégrade, davantage, l’image de leur
Zakaria (Tako Abdoulaye Nombré) est ethnie dans la société. Il est clair que le
un jeune garçon brillant contraint de se réalisateur veut nous faire comprendre
réfugier en ville avec sa mère (Isabelle que le problème du terroriste va au-delà
Zombré) suite à l’attaque de son village de ces considérations.
par les terroristes. N’ayant pas les parce que nous ne savons qui est notre Toute chose n’étant pas parfaite, le film
moyens de poursuivre ses études, il est ennemi, les signes visibles étant présente, à notre sens, quelques
obligé de vider les poubelles pour gagner indétectables. Mais Comment le piège se faiblesses. Nous avons trouvé qu’il y
sa pitance. Mais sa vie prend une autre referme-t-il sur nous ? avait trop de discours dans le film. Bien
tournure lorsque sa mère le confie au que le titre soit le sermon, nous déplorons
Cheick Djamal. En effet, sous ses airs de Un pur talent de psychologue beaucoup de répétitions lors des
bienfaiteur, le vieil homme cache un La manipulation des consciences ! La interventions des terroristes. Il y a trop de
visage sombre et cruel. manipulation des consciences ! La dialogues et de discours souvent inutiles.
Après ce bref aperçu de l’histoire, une manipulation des consciences ! … Cette Il y a, également, des écarts de langages.
question se dégage de cette épaisse phrase résonne dans nos têtes pendant Notamment lorsqu’un villageois
fumée du terrorisme qu’il serait que nous nous perdons dans le lent défilé convainc les autres d’accepter tout ce que
nécessaire d’éclaircir. C’est quoi le du générique final. Effectivement, les terroristes diront de faire afin de rester
terrorisme ? lorsque nous entendons le mot « dans le village. En effet, son dialogue
terrorisme », nous renvoyons cela à la était soutenu, et il débitait les mots
Le terrorisme, c’est nous violence. Mais il n’en est rien de tout ça. comme le font les comédiens du théâtre.
Ce qui marque dans cette fiction c’est le En réalité, ‘‘ces prophètes’’ se servent de Cette partie était lourde et peu réaliste.
regard accusateur que le réalisateur porte la ruse et non la force pour appâter leurs En sus, il est à noter une faiblesse du jeu
sur chacun de nous. En effet, nous victimes. Comme de bons psychologues, des acteurs. Celui-ci n’est pas constant,
sommes tous indexés par cette triste ils cernent facilement la mentalité des sa qualité se renforçant ou diminuant
réalité. Le terrorisme n’a pas d’ethnie, ni personnes et adaptent leur discours. Par d’une scène à une autre.
de statut social ni de sexe. Nous nous exemple, le gain facile et rapide est mis Nonobstant ces points faibles, le film «
remettons en question si bien que nous en exergue pour séduire ce jeune avide Le sermon des prophètes » est une fiction
plongeons dans une psychose ne sachant d’argent. Quant à Zakaria, c’est la qui fait ressortir les aspects du terrorisme.
pas qui est réellement terroriste. Ainsi, réussite, ainsi qu’un avenir meilleur pour Mais nous ressortons de ces 98 minutes
que ce soit le Cheick Djamal bienfaiteur lui et sa mère qui lui sont miroités. tiraillés par de nombreuses questions : y
de la mosquée et fervent croyant Ce film tire une grande partie de sa force a-t-il un espoir pour le pays ? Quelle
d’apparence ; son bras droit qui apporte dans le scénario. En réalité, les questions solution miracle pour éradiquer, une
l’argent dans un tam-tam aux terroristes ethniques, religieuses, de mal bonne fois pour toute, ce mal qui ronge
; ou encore un fournisseur d’essence et gouvernance sont passées au peigne fin. tant le pays des hommes intègres ?
d’unités. Les exemples sont légion dans La présence des contrepoints vient
cette œuvre pour tirer la sonnette enlever tous préjugés qui incriminent la Anaïs Kéré (ASCRIC-B,
d’alarme pour plus de prudence. Ce, religion musulmane et l’ethnie Peul. Par Burkina Faso)

Mars 2023 10
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Le taxi, le cinéma et moi, de Salam Zampaligré
Entre hommage poétique et peinture
du cinéma africain.
Le réalisateur burkinabè Salam Zampaligré dresse, dans ce documentaire long métrage de 69 mn, le portrait d'un
cinéaste autodidacte burkinabè, Drissa Touré. Le taxi, le cinéma et moi, de Salam Zampaligréest est sélectionné
au 28e Fespaco dans la section Panorama.

N
atif de Bobo-Dioulasso, le un hymne épique au cinéma. D’ailleurs,
réalisateur Drissa Touré est l’originalité de ce film repose sur cette
auteur de plusieurs films à note de poésie à travers le slam de
succès dont « Laada » (sélectionné au Doueslik qui joue le rôle de transition
festival de Cannes 1991 et Prix Ercidan aux moments clés de l’histoire. Ces
au Fespaco 1991) et « Haramuya » notes musicales introduisent et clôturent
(sélectionné à Un Certain regard au le film. Elles exposent, apaisent et
festival de Cannes en 1995). Mais coup interpellent les consciences avec la
de théâtre, Drissa Touré, couronné délicatesse dont seule dispose la poésie.
maintes fois, vend du bois, de nos jours, Ce sont des moments de détente qui
pour gagner sa pitance. permettent au spectateur de respirer
Simple chauffeur de taxi, Drissa Touré pour mieux assimiler les séquences
tombe éperdument amoureux du cinéma suivantes du film.
grâce à sa proximité avec des cinéastes
dont Sembène Ousmane en particulier. La renaissance
Cette passion le pousse à se former au qui rend l’angle de traitement du film Au-delà de soulever des questions
métier de réalisateur qui lui réussit et le très intéressant. Il aborde la question cruciales comme la carrière du cinéaste,
hisse sur les plus grands podiums du sous un aspect plus humain avec une le financement des productions, les
cinéma dont le Fespaco, le festival de fenêtre ouverte sur les difficultés du infrastructures, ce documentaire a le
Cannes, le New-York African Film cinéma burkinabè, notamment la mérite de mettre en lumière la
Festival. Mais la rupture avec sa femme fermeture de nombreuses salles de renaissance de Drissa Touré, ce cinéaste
le fragilise et sa carrière prend un projection. de 71 ans qui a encore la tête et la
énorme coup. Le film s’ouvre, d’ailleurs, avec un sacoche pleines de projets de films.
panoramique sur l’acteur principal assis Salam Zampaligré donne ainsi une
Drissa Touré, le miroir d’une dans les ruines de Cinéafrique, le regard seconde vie à ce passionné du cinéma
cinématographie en décadence ? perdu dans le vide. Une scène qui en le faisant voyager et raconter sa
A travers ce documentaire, Salam illustre parfaitement l’état d’âme du passion. Malgré la précarité qui tenaille
Zampaligré pose la problématique de la personnage mais aussi du cinéma Drissa Touré, sa voix et son visage
carrière du cinéaste dans un contexte burkinabè. Le Burkina Faso, capitale du rayonnent de bonheur quand il raconte
africain. Au-delà du cinéaste Drissa cinéma africain, jadis envié pour la son métier. Le jeune cinéaste a su, à
Touré, c’est ‘‘le destin’’ de bien des qualité de ses productions travers ses belles images, capter ces
artistes africains de diverses disciplines cinématographiques est, aujourd’hui, à moments où l’on s’attache au
(musique, littérature, sport…) qui, au la traîne et parvient à se faire une place personnage.
soir de leur vie, se perdent et touchent honorable dans les plus grands rendez- « Le taxi, le cinéma et moi » est une
le fond après s’être hissé au sommet. Le vous du cinéma. Pour le réalisateur sorte de thérapie pour le personnage
célèbre réalisateur Drissa Touré connaît, Zampaligré, il s’agit d’abord de principal, un miroir pour les jeunes
à ce jour, des conditions de vie travailler à la réouverture des salles de cinéastes et une interpellation pour tous
difficiles. « Je suis tombé presque dans cinéma afin que “nos propres images les acteurs du 7e art et les décideurs et
la précarité… », confie-t-il en évoquant, passent dans nos télés et nos salles “ politiques.
au passage, la vente de bois de chauffe, comme le préconise le personnage Sorti en 2022, « Le taxi, le cinéma et
son actuel source de subsistance. Cela Drissa Touré. moi » fait déjà parler de lui. Il a
peut paraître effrayant pour de jeunes remporté, le 9 février 2023, le Prix du
réalisateurs comme Salam Zampaligré, Quand le quatrième et le cinquième meilleur documentaire au 12e Festival
Emmanuel Rotoubam Mbaidé, art se mettent au service du septième du Film Africain de Louxor en Egypte.
Simplice Ganou. Ils se verraient dans ce Malgré la tristesse que devrait procurer
‘‘miroir’’. La question touche également le sort de son personnage principal, « Le Eugénie Billa, Aboubakar Sanfo
les autres métiers du cinéma. C’est ce taxi, le cinéma et moi » sonne comme (ASCRIC-B, Burkina Faso)

Mars 2023 11
AfriCiné www.africine.org
La critique de cinéma Fatoumata Sagnane (Guinée Conakry) élue nouvelle présidente
de la Fédération Africaine de la Critique Cinématographique

O
uagadougou (Burkina Faso), 5 mars 2023 : La
Fédération Africaine de la Critique
Cinématographique (FACC) a un nouveau
Bureau Exécutif élu lors de son Assemblée Générale de
tenue le jeudi 2 mars 2023 de 9h à 13h à Ouagadougou,
au Burkina Faso.
Elu pour un mandat de trois (03) ans, le nouveau Bureau
de la Fédération Africaine de la Critique
Cinématographique (FACC) est composé comme suit :
1. Présidente : Fatoumata Sagnane (Guinée Conakry)
2. 1e Vice-président : Dr Hector Victor Kabré (Burkina
Faso)
3. 2e Vice-président : Pierre Patrick Touko (Cameroun)
4. Secrétaire général : Sidney Cadot-Sambossi (France) Quelques membres du bureau exécutif
5. Secrétaire général Adjoint : Dr Youssoufa Halidou présidente de la Fédération, la guinéenne Fatoumata
Harouna (Niger) Sagnane, a remercié l’Assemblée Générale et tous les
6. Trésorière : Bigué Bob (Sénégal) membres de la FACC pour la confiance en elle placée
7. Chargé de communication : Yacouba Sangaré (Côte et s’est engagée à servir cette fédération avec
d’Ivoire) dévouement.

La présidente sortante, Fatou Kiné Sène (Sénégal) a La Fédération Africaine de la


félicité les membres du nouveau bureau élu. La nouvelle Critique Cinématographique

Directrice de publication
Fatou Kiné Sène
Rédacteurs en chef
Thierno Ibrahima Dia
Charles Ayetan
Comité de rédaction
Abraham N. Bayili (Burkina Faso)
Pierre Patrick Touko (Cameroun)
Pélagie NG’Onana (Cameroun)
Cyrille Soncy (Togo)
Mamadou Kamara (Sénégal)
Zeynabou Assane Moumouni (Niger)
Ajouter les nouveaux rédacteurs
Remerciements des partenaires : Bassirou Niang (Sénégal)
La Fédération Africaine de la Critique Azzedine Mabrouki (Algérie)
Hassouna Mansouri (Hollande)
Cinématographique (FACC) remercie tous Anaïs Kéré (Burkina Faso)
ses partenaires. Eugénie Billa (Burkina Faso)
Aboubakar Sanfo (Burkina Faso)
Ministères en charge de la culture et
Mise en page
départements dédiés au cinéma : Burkina Korotimi SEREME
Faso, Cameroun, Niger, Sénégal, Togo. (226) 64111240

Mars 2023 12

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