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D O S S I E R S P É C I A L L A N C E M E N T D U F E S P A M À L’ U N E S C O

200 FCFA N° 4515 - MAR D I 30 MAI 2023


www.adiac-congo.com

L’événement revient à Brazzaville


au rythme de la rumba congolaise
Après plusieurs années d’absence, le Festival panafricain de musique (Fespam) fait son grand retour en République du Congo. Placé sous le très haut patronage du président de la
République, Denis Sassou N’Guesso, et porté par la ministre de l’Industrie culturelle, touristique, artistique et des Loisirs, Lydie Pongault, le Fespam tiendra sa onzième édition du 15
au 22 juillet, à Brazzaville. Une édition haute en couleur dédiée à la rumba congolaise inscrite en 2021 au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco.

Le Premier ministre, Anatole Collinet Makosso, et les officiels sur la tribune lors du lancement du Fespam à Sibiti /Adiac
Pendant sept jours, des concerts, conférences sica, Wenge Musica, Tidiane Mario, Dadju, Fally Dans ce contexte, le Fespam, avec à travers Avec le Fespam, l’Union africaine et la Ré-
et expositions dans les lieux mythiques de Braz- Ipupa, ils ont fait et continuent de faire danser lui le Marché de la musique africaine, doit au- publique du Congo visent grand : séduire et
za la verte vont explorer les sonorités multiples et chanter la planète, contribuant au rayonne- jourd’hui entrer dans une nouvelle dimension. conquérir un public diversifié de plus en plus
des pionniers de la rumba congolaise des deux ment de l’Afrique et du Bassin du Congo. Ville siège du Fespam depuis 1996 et décré- exigeant et connecté, servir de tremplin à
rives du fleuve Congo et témoigner de l’étendue tée par l’unesco première ville créative dans l’innovation et de miroir au dynamisme de la
de ses influences à travers les continents. La musique en partage le domaine de la musique en Afrique, Braz- jeunesse africaine, monétiser enfin la musique
Hier Paul Kamba, Wendo Kolosoy, Franklin Partie intégrante du patrimoine mondial, élé- zaville entend faire du Festival panafricain de africaine pour faire vivre partout la scène mu-
Boukaka, Les Bantous de la capitale, Grand ment de langage universel, la musique est plus musique l’outil qui permettra au continent de sicale du continent. Rendez-vous le 15 juillet à
Kalle, Papa Wemba ou Pamelo Mounka. Au- que jamais un outil d’influence dans un envi- s’ancrer dans le monde de l’industrie musicale Brazzaville.
jourd’hui Roga Roga, Koffi Olomidé, Extra Mu- ronnement dématérialisé et sans frontières. mondiale. Julia Ndeko et Camille Delourme

Belles voix
ÉDITORIAL

À
la suite du rendez-vous de Sibiti, dans le culturelle portée par le son et le chant est l’une des Les belles voix qui monteront sur les scènes colorées
département de la Lekoumou, Paris ac- plus partagées. La rumba, rythme dont se sont ap- du Fespam à Brazza-la-verte dans quelques semaines
cueille ce 31 mai la cérémonie de promo- propriés les deux Congo jusqu’à son inscription au déclameront tous les rythmes identitaires anciens et
tion de la 11e édition du Festival panafricain de patrimoine culturel de l’humanité en est l’éloquent nouveaux pour nous rappeler que la musique est un
musique (Fespam). La fête des plus belles sonori- témoignage. ruisseau de variétés qui jamais ne tarit. A tous ceux
tés africaines et de ses fécondes diasporas dissé- Au moment où les experts et décideurs, les amou- qui, de près ou de loin, ont rendu possible la tenue de
minées à travers les cinq continents se déroulera reux de la bonne musique, les chercheurs et autres cette nouvelle édition d’en faire le tremplin à partir
au mois de juillet à Brazzaville, lieu emblématique partenaires séduits par ce secteur d’activités à l’in- duquel, de génération en génération, les options no-
de ce rendez-vous exceptionnel de la parole chan- clination humaine indéniable s’investissent pour la vatrices pérenniseront ce rassemblement de la jeu-
tée depuis un quart de siècle. réussite de cette fête conçue par l’Union africaine, nesse africaine.
Cette nouvelle édition consacre la relance du Fes- réjouissons-nous qu’ils aient une pensée pour les Comme le sport, comme le cinéma et la littérature,
pam après quelques années d’un passage à vide justi- créateurs partout où ils se trouvent. Le thème choisi la musique a droit à ses lettres de noblesse. Ecri-
fié par des contingences internes et externes. Sur la pour la commémoration de l’événement : « Envol de vons-les ensemble en écoutant des sonorités entraî-
place de Paris, c’est à l’Unesco que va s’écrire cette la base identitaire vers les vertices du patrimoine de nantes. En dansant !
nouvelle page de la longue histoire musicale qui fait l’humanité » est en soi une exigence de reconnais- Les Dépêches de Brazzaville
de l’Afrique l’un des coins de la planète où la richesse sance à leur endroit.
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CLIN D’OEIL

Rumba : ils sont tous là!


E
nvie de remonter soixante ans de la rumba et des sonorités voisines
en arrière, ou un peu plus, de : Clotaire Kimbolo, Mvuka Marcus,
replonger dans la belle aven- Jacques Loubélo, Théo Blaise Koun-
ture de la rumba congolaise ? Le Fes- kou, Boulhos Loupino, Rido Bayonne,
pam 2023 en offrira l’opportunité à Pembey Sheiro, Mamie Claudia, Bal-
Brazzaville. Et c’est à l’Unesco le 31 lou Canta, Rovias Adampot.
mai, que va s’écrire une nouvelle page Qu’en reste-il à Brazzaville ? Des émo-
de cette longue histoire musicale, fier- tions et une génération talentueuse
té des deux Congo, qui s’est répandue qui a pris le relais. En revanche, les
à travers le monde. bars dancing de la « belle » époque
Mais revenons sur les traces des pion- ont changé de physionomie, devenus
niers de Brazzaville. Figures d’hommes des boulangeries, des lieux de cultes
et de femmes de la rive droite de l’im- religieux, des échoppes pour com-
mense fleuve Congo qui portèrent et merce général ou des établissements
continuent de porter nos rythmes bancaires. C’est le cas de « Café-Coco
dansants. Et rendons-leur hommage. » à Ouenzé, dans le cinquième arron-
La génération d’avant les Bantous de dissement.
la capitale avec Paul Kamba, éclaireur Seuls poursuivent la course à l’âge le
devant l’Eternel, ou Antoine Moun- bar Macédo à Bacongo, auparavant
Les Bantous de la capitale
danda qui immortalisa ce dernier dans Lumi-Congo, et pour ne pas citer en vain
sa célèbre complainte « Mabélé ya Pôl- clarinette. Pourtant aussi de Michel Boyi- R.A. S Kébo, Super Tembessa, Moziki la l’espace « Chez Faignond » à Poto-Po-
hô » en 1953 au son de sa sanza irrem- band a et ses sociétaires de l’orchestre Juventus, Sinza Kotoko, Trio Ce.Pa.Kos, to, le coin emblématique où se produisit
plaçable. Souvenons-nous des Essous Les Trois-Frères Youlou Mabiala et Loko G.O Momékano. Et leurs ténors : Nkaya pour sa première sortie officielle l’or-
Jean-Serge, Nino Malapet, Edo Nganga, Massengo. Impossible de tous les citer ! Matos Mwana Mukamba, Auguste Fall, chestre Les Bantous de la capitale, le 15
Célestin Nkouka, et d’un certain Diaboua Sans compter les orchestres Super-Bobo- Ange Linaud Djendo, Fély Akouala ; des août 1959.
chez qui, assure-t-on, Essous hérita de sa to, Sakayonsa, Bilenge Sakana, Masano, individualités ayant fait le beau temps Gankama N’Siah

Le Bassin du Congo caisse de résonance de la rumba


Villes musicales et créatives, Brazzaville et Kinshasa sont le berceau historique de la
rumba élevée au rang de tradition et d’art de vivre.
Car c’est de Loango qu’est partie vers les Amériques et les Caraïbes, dans les cales des
bateaux négriers, la Nkumba - danse du nombril en kikongo -, pour devenir la rumba à
Cuba et finalement retourner dans les grands ports africains dans les années 1930 pour
devenir la rumba congolaise.
Compagne des indépendances, jumelle de la Sape, mère nourricière des musiques
contemporaines que sont le soukouss, le ndombolo, le tchatcho ou le coupé-décalé, la
rumba congolaise envoûte, séduit et continue de conquérir le monde, contribuant à
l’essor de la culture africaine.
Julia Ndeko et Camille Delourme

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Kinshasa, Les Dépêches du Bassin du Durly Emilia Gankama (cheffe de service)
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La campagne nationale lancée à Sibiti « La rumba dont le Congo en est le berceau histo-
rique est partie de Loango, vers les Amériques, dans
Le 13 mai dernier, le Premier ministre, Anatole Collinet Makosso, lançait les cales des bateaux
la campagne nationale de promotion de la onzième édition du Festival négriers.
panafricain de musique (Fespam) à Sibiti, chef-lieu du département de la
Autrefois Nkumba,
Lékoumou. Une soirée populaire haute en couleur et décibels.
danse du nombril en
La longue soirée de Sibiti aura kikongo, pour deve-
marqué bien des esprits, à com- nir la rumba à Cuba,
mencer par un public jeune et
enthousiaste venu de tout le dé- et autour des années
partement de la Lékoumou. Dé- 1930, la rumba congo-
marrée sur les discours d’usage, laise.
la partie officielle a vite cédé la Compagne des indé-
place aux interprétations talen- pendances, jumelle
tueuses des artistes et danseurs
de tous âges, rythmée par les de la Sape, mère nour-
feux d’artifice et les vivas enflam- ricière des musiques
més du public. contemporaines que
sont le soukouss,
Avec le Fespam, le Congo vise le ndombolo ou le
grand !
Des discours officiels, on retien- tchatcho, la rumba
dra de la ministre de l’Industrie Le Premier ministre et la ministre de l’Industrie culturelle, touristique, artistique et des Loisirs congolaise envoûte,
culturelle, touristique, artistique lors de la cérémonie du 13 mai, à Sibiti / Primature séduit et continue de conquérir le monde, contribuant
et des Loisirs, Lydie Pongault, de la Lékoumou qui avaient mo- Bantous de la capitale ont lancé ainsi à l’essor de la culture africaine. »
son message sur la portée univer- bilisé l’ensemble des cadres et la le grand bal, avant de poursuivre Extrait du discours de la ministre Lydie Pongault
selle de la musique. « Comme le population de ce département leur répertoire avec des chansons
sport, la musique est un outil qui pour rehausser de leur présence «Eve» et «Osala ngai nini» plus
participe, de façon significative, et de leur organisation l’éclat de connu par Maman Alphonsine. Le Fespam 2023 placé sur le thème de la rumba
Après les Bantous de la capitale, Quelques mois après l’inscription de la rumba congolaise sur la
le tour est revenu à la diva de la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’huma-
musique gospel au Congo, Belle nité, le Fespam renoue avec la terre congolaise et revient à Braz-
Agniélé, qui a chanté «Conver- zaville célébrer une musique qui a accompagné les résistances et
sion» et «Nzambe yo oza ma- les luttes politiques de
lamu». Puis le show s’est pour- l’Afrique centrale.
suivi avec Gypsie la tigresse. Sur le thème « La ru-
Véritable bête de scène, l’ama- mba congolaise : envol
zone de la musique congolaise, de la base identitaire
originaire de Sibiti, a électrisé le vers les vertices du
public avec deux chansons «5 patrimoine de l’huma-
gigas» et «Ndzobi», suivie de Die- nité », le Fespam 2023
sel Gucci avec la chanson «Yo na va offrir l’occasion
nani». d’en revisiter l’histoire
Différents artistes ont défilé sur le depuis sa création
podium, notamment les finalistes jusqu’à sa consécra-
de la danse « Mopacho », Maman tion mondiale et sera
colonel, Pape God dans «Mwana décliné en quatre
Makoumba», Zara Umporio dans axes : les assises iden-
«La titaires de la rumba congolaise ; le rayonnement de cette musique
technique du pied», Davy Kassa, et de cette danse en Afrique ainsi que dans le reste du monde ; la
pour lequel le public a accompa- relation entre la rumba congolaise, la littérature et les autres arts
Une artiste sur scène/ Fespam gné dans son refrain « Davy Kassa ; les stratégies à mettre en œuvre pour assurer la promotion et la
oleki bango » et le jeune Mixton, sauvegarde de ce genre musical.
à l’unité des peuples à travers cette cérémonie. « Je voudrais, avec «Complexe». C’est le sens de ce dossier spécial rumba congolaise.
le monde. C’est dans ce contexte en cette circonstance solennelle, Les shows se sont poursuivis avec
que s’inscrit le Fespam, en ce proclamer le lancement national les passages d’Impression des AS
qu’il fait la part belle au concert de la promotion du Fespam ici à de 100% Setho, Nouvel horizon Fespam 2023 : vaste programme
des nations africaines », a-t-elle Sibiti et souhaite que la fête soit avec la danse « Tia lokolo ». L’ac-
fait savoir. Elle a aussi souligné belle et les spectacles intéressants tuelle coqueluche de la jeunesse,
qu’avec le Fespam, «le Congo vise jusqu’au matin ! », a-t-il déclaré. Tidiane Mario, a cassé la baraque
grand : séduire et conquérir un au point où le public a envahi les
public diversifié, de plus en plus Un show électrique abords du podium, repoussant
exigeant, et connecté à l’ère du Le lancement de la campagne de les barrières de sécurité avec sa
numérique ; servir de tremplin à promotion de la onzième édition chanson «Pagaille» et « Coco na
imboto ». Même scénario avec
Roga-Roga qui a été à la hauteur
de l’événement. «Bokoko» et bien
d’autres animations à l’instar de
« Jésus sur la croix » ont mis les
mélomanes en extase.
L’ambiance festive s’est poursui-
vie avec Makhalba Malecheck en
duo avec MLG Mocristo, puis avec Pour cette onzième édition du Fespam, sont prévus des spec-
le groupe Patrouille des stars de tacles en plein air et en salle, un symposium, un marché de la
Kevin, avec la danse « Matakara musique africaine (Musaf), une exposition d’instruments tradi-
». Les groupes Dolisiana, Extra tionnels de musique africaine et une croisière sur le majestueux
musica international de Quentin fleuve Congo animée par des orchestres de renom.
La foule lors du spectacle de lancement du Fespam à Sibiti/Fespam Mouyasco ou les individualités Les différentes activités se dérouleront au stade Alphonse-Mas-
telles qu’Alexis de Bana Batéké, samba-Débat pour le show d’ouverture et de clôture tandis que
l’innovation et de miroir au dyna- du Fespam au niveau national a Grand Rebelle, Fanie Fayard, plusieurs autres spectacles sont prévus sur l’esplanade du CNR-
misme de la jeunesse africaine.» été agrémenté par des artistes Shéryl Gambo ont bouclé cette TV à Nkombo, le terrain Asecna de Mayanga à Madibou, l’espace
Après les interventions des auto- musiciens congolais dans leur di- soirée musicale qui restera dans situé au centre des logements sociaux de Kintélé, le Palais des
rités et du commissaire général versité. « Venez au Congo partici- les mémoires. congrès pour le symposium et les spectacles spéciaux, le musée
du Fespam, Hugues Ondaye, le per au Fespam. Venez au Congo, Bruno Okokana de l’histoire du Congo, à Mpila, pour l’exposition d’instruments
Premier ministre n’a pas manqué capitale de la musique ». C’est traditionnels de musique africaine et le Musaf.
de saluer les élus du département par ces belles mélopées que les
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Claude Blanchard Ngokoudi: « Le Fespam doit


révéler des talents, ça serait une belle signature»
Le producteur congolais, Claude Blanchard Ngokoudi, a récemment travaillé comme directeur artistique sur l’album «
L’immortel - The 60’s Rumba revolution in Congo » qui retrace le parcours musical de Franklin Boukaka. C’est en acteur avisé
qu’il aborde pour Les Dépêches de Brazzaville la rumba et le marché musical africain.
La sortie de l’album, un nariat public-privé
travail d’historien et de « Il y a un an et demi, j’ai
passionné sorti le coffret avec livret
« A l’origine je voulais retraçant tout le parcours
ressortir l’album «Le Bû- de Nganga Edo, au Negro
cheron» . J’ai effectué des Band, Ok Jazz, Les Bantous
recherches, assez longues, de la capitale, Cepakos et
auprès des maisons d’édi- les Nzoi. Ce travail d’archi-
tion et du Bureau congolais vage et de numérisation,
des droits d’auteurs pour que j’ai ensuite fait pour
pour rencontrer les ayants Boukaka, je l’ai fait seul,
droit afin d’avoir des au- sur fonds propres. Mais il
torisations juridiques de est vrai que ces démarches
réédition de l’œuvre. J’ai fini Le producteur Claude Blanchard Ngokoudi / CBN privées doivent être cou-
par établir le contact avec plées d’un soutien étatique,
klin Boukaka, basée à Braz-
la sœur de Franklin Bouka- dont celui, en l’occurrence,
zaville. Il fallait donc trouver
ka qui m’a présenté le fils du ministère de la Culture.
les supports.
et ayant droit de ce dernier, On doit agir pour préserver
Cela m’a pris plus de neuf
Malcom. Avec lui, nous avons ce patrimoine, ça ne se fera
ans et demi, dont huit ans
trouvé l’accord de la sortie pas tout seul »
avec la maison Frémeaux. Il
d’un coffret.
m’a fallu contacter les collec- La pochette du coffret Franklin Boukaka édité chez Frémeaux et associés / album CBN
Il n’avait malheureusement Fespam : révéler des ta-
tionneurs, acheter ou louer
pas le catalogue de son père. lents pour s’élever accompagnement complet engouement supplémentaire
des vinyles. Un vrai travail
Cela a été le début d’une « Jusqu’à ce jour, le Fespam jusqu’à la production, à auprès du public internatio-
de fourmi »
longue quête pour restituer n’a jamais révélé un artiste l’image du Prix découverte nal, des producteurs et des
la discographie de Franklin d’envergure. Pour cela, il de RFI. Je pense que ce se- tourneurs ».
La préservation du patri- Camille Delourme
Boukaka, avec l’aide de l’as- est nécessaire d’effectuer rait une belle signature pour
moine rumba, un parte-
sociation des amis de Fran- un travail de fond, avec un le Fespam, afin de créer un

Quand la jeune garde évoque la rumba congolaise...


En marge du Melting Crew, festival de musiques et danses urbaines qui se déroulait à Paris, le 22
mai, Adiac TV a tendu son micro aux acteurs culturels de la «scène africaine».
Koffi de Brazza revive après neuf années de pause forcée jeunes filles, demain, de s’y retrouver. » Afouz Olongo
grâce à la détermination mise par la mi- Président de l’association Kimia &
nistre de la Cultre, Lydie Pongault; par le Trecy la Cayenne Co et fondateur du Melting Crew « La
Premier ministre, Anatole Collinet-Makos- rumba, c’est à la fois notre patrimoine et
so, sous l’égide du chef de l’Etat, Denis Sas- notre enfance. Parmi tous les grands noms,
sou N’Guesso. Nous avons eu le privilège je retiens Franco Luambo Makiadi, l’un
de donner le coup d’envoi, avec de nom- des précurseurs; Madilu Système, le grand
breux artistes, à Sibiti, dans une chaude Ninja; Papa Wemba et Koffi. J’ai grandi ici
ambiance. » à Fontenay-sous-Bois avec un papa mélo-
mane qui écoutait aussi bien du Mozart que
Nestelia Forest de la rumba. Je faisais même mes devoirs
Chanteuse congolaise, lauréate du avec la rumba. C’est aussi pour ça que j’ai
fondé le Melting Crew ».

Youka, artiste sénégalo-capverdien


«Pour moi, la rumba, c’est la gaîté, la joie de
Chanteuse anglo-congolaise, « la ru- vivre et surtout la guitare. J’essaye de mé-
mba, c’est plein d’amour. Comme moi, je
«La rumba, c’est notre vie, on a grandi avec, chante l’amour. Je viens, d’ailleurs, de faire
elle nous a bercés depuis l’enfance. S’il ne un featuring avec Fabregas. J’aime la rum-
fallait en retenir qu’un, Koffi Olomidé.» ba. »

Roga Roga

prix de meilleure artiste féminine


2023 aux Melting Crew Awards
«Comme tous les Congolais, la rumba
fait partie de mon identité. Mais, en tant
que femme congolaise, je trouve que l’on langer la sonorité rumba avec la musique
manque de voix féminines dans lesquelles séngalaise dont je m’inspire également.
s’identifier. Je vais essayer, en plus de J’écoute beaucoup Fally Ipupa.»
l’afrobeat et du tradi-moderne, de faire de Propos et images recueillis par Maïté
« C’est une bonne chose que le Fespam la rumba, pour, peut-être permettre à des Kalambi et Vanessa Nguema
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INTERVIEW

Passi : « La rumba congolaise est l’une des musiques


les plus puissantes au monde »
Avec le collectif du Bisso na Bisso, Passi a été l’un des premiers artistes à dresser des passerelles
entre la « rumba des papas » et les sonorités modernes dites urbaines. Il en explique la démarche.
Les Dépêches de Braz-
zaville (L.D.B.) : Te sou-
viens-tu de ton premier
contact avec la rumba ?
Passi : Je suis né à Braz-
zaville, je suis né dans
la rumba. Je n’ai pas un
souvenir particulier car, j’ai
l’impression que toute mon
enfance a été bercée et
baignée dans la rumba.
A l’époque, les groupes
jouaient dans des bars,
avec des scènes ouvertes, il
y avait des fêtes à la mai-
son, donc la musique était
omniprésente et la rumba
était partout.
L.D.B. : Quelle est l’in-
fluence de la rumba
dans ta carrière musi-
cale ?
Passi : La réponse est mu-
sicale et tient en un nom : Bercé à la rumba, pionnier du rap en France et passerelle entre les générations avec le Bisso na Bisso, Passi a collaboré avec ses contemporains, comme Fally Ipupa et Ben J, avec les anciens...
le Bisso na Bisso. La rumba
a inspiré et rythmé tous nos pas recherché le juste milieu entre la tégré des instruments sur la base tions musicales avec les « Dis
durant cette magnifique épopée rumba et le hip-hop. hip-hop pour l’amener vers la l’heure »…
artistique. A partir de ce moment-là, l’in- rumba, comme la guitare sebene, Passi : Oui, Dis l’heure 2 Zouk,
fluence de la rumba est prégnante des lignes de basses, les congas. dis l’heure 2Afro, de belles expé-
Avec le Ministère A.M.E.R, nous
étions tournés vers la culture tant sur les mélodies que les su- L.D.B. : Après le Bisso na Bis- riences dans lesquelles j’ai mélan-
hip-hop. Puis, en évoluant, on a jets des chansons. On a aussi in- so, tu as continué les tribula- gé la rumba à toutes les sauces.
Aujourd’hui, on retrouve la
rumba partout, y compris dans la
chanson française, comme Vian-
ney, qui incorpore des guitares
style rumba.
L.D.B. : Pour toi, voir la ru-
mba à l’honneur du Fespam,
c’est une évidence ?
Passi : Bien sûr. La rumba congo-
laise est l’une des musiques les
plus puissantes au monde, avec
tellement de ramifications. C’était
bien que l’Unesco l’inscrive au
patrimoine immatériel et que le
Fespam lui fasse honneur, tant
elle fait danser et vibrer, depuis
des décennies, l’Afrique et le
monde.
Propos recueillis
par Camille Delourme

..Ici Manu Dibango (CD/Adiac)


8 | DERNIÈRE HEURE ..
D O S S I E R S P E C I A L L A N C E M E N T D U F E S PA M À L’ U N E S C O N°4515 - Mardi 30 mai 2023

Charles Bouetoum-Kiyindou parle Portrait de Ladis Arcade,


des mutations et permanences une nouvelle icône
de la rumba congolaise de la rumba moderne
L’auteur-compositeur-interprète Ladis
Les recherches de l’historien-musicographe, rapporteur adjoint du Comité scientifique de la rumba
congolaise, démontrent que de son émergence à ce jour, la rumba congolaise, genre musical et dansant Arcade, de son vrai nom Ladislas Arcade
spécifique, a connu une évolution remarquable, à travers des mutations formelles, en cascade, adossées à Mboungui Bokassa, est installé en France.
des permanences structurelles vivaces. De par ses productions, il reflète à ce jour
Cette démonstration ex- compter de la deuxième moi- l’image de la nouvelle musique congolaise.
plique que la rumba congo- tié des années 1940, la radio-
laise doit son éclosion, dès les diffusion, la prolifération des
années 1930, puis sa consoli- lieux de loisirs et la multipli-
dation stylistique, la décade cation des événements fes-
suivante, à la confluence de tifs accompagnent fortement
plusieurs expressions artis- la rumba congolaise dans sa
tiques, concurremment à visibilité et son assise popu-
Brazzaville et à Léopoldville, laire.
agglomérations coloniales bâ- Les maisons d’édition (Ngo-
ties, face à face, sur les bords ma, Opika, Loningisa, Cefa,
du fleuve Congo, à la hau- Esengo …) mettent spécia-
teur du Stanley Pool, au Pool lement en lumière les ar-
Malebo. Charles Bouetoum-Kiyindou /DR tistes-musiciens et surtout,
Pour Charles Bouetoum-Kiyin- notable provient de l’intru- les formations musicales des
dou, à la base, se trouve la sion de la rumba dite cubaine, années 1950 qui poussent
«Proto rumba», autrement dit de laquelle les pionniers de la à l’affirmation de l’identité
le brassage des cultures artis- musique congolaise moderne propre de la rumba congo-
tiques plurielles des commu- tirent, en outre, sa dénomina- laise. Ces orchestres mo-
nautés ethniques, issues des tion. Le vocable «Rumba» ainsi dernes ont pour noms, par
arrière-pays des deux Congo. adopté, s’impose à eux, en réa- exemple, Compagnons de
Des réalités d’élaboration exo- lité, par un mimétisme ambiant la joie, African-Jazz, Negro
gènes viennent s’y incruster doublé d’une démarche, plus Jazz, Beguen Band, Conga En 2010, Ladis Arcade enregistre un single intitulé « La terre
à la faveur du développement ou moins volontaire, d’appro- succès, Ok Jazz, Cercul Jazz, ma patrie » qui dénonce les méfaits de la guerre en incitant à la
des «Brazzaville noires», dé- priation culturelle à rebours, Rock-a-mambo, Negro Band, paix par la non-violence. Deux ans plus tard, il met sur le mar-
crites par Georges Balandier, compte tenu des marques his- Bantous, … ché l’album « Bidilu «, qui marque officiellement le début d’une
anthropologue français. toriques liées à la Traite né- Il en déduit qu’au total, malgré carrière musicale.
Parmi ces influences, une part grière transatlantique, durant ces coups de boutoir à la marge, D’une voix mélodieuse et charismatique, il propose, dans cet
les siècles antérieurs. les variations momentanées, album, neuf chansons aussi bien sentimentales que poignantes
dans la profondeur des textes.
De ce fait, affirme-t-il, la les déclinaisons récurrentes et
Cet album sera primé aux trophées de la musique congolaise
contexture mélodique et har- la diversité des inspirations, la « Tam-tam d’or 2013 », le Prix lui avait été remis à la Librairie
monique, d’un type nouveau, rumba congolaise s’est main- galerie Congo, à Paris.
se consolide avec la création tenue en tant que phénomène Devenu à ce jour l’As de la rumba congolaise, les mélomanes
des groupes de musique ap- artistique original. Cet héritage fredonnent ses chansons et dansent sur le son de son dernier
propriés, à l’instar de Congo dont les fondements ont résisté album À part çà, tout va bien!
Rumba de Jean Réal (1937), à l’adversité, parfois, à la multi- Marie Alfred Ngoma
Victoria Brazza de Paul Kam- plicité des approches, souvent,
ba (1941), Victoria Kin d’An- demeure donc intégralement
toine Wendo (1943) et tant
d’autres.
prégnant, au point de justifier
son rang actuel de patrimoine
Pierre Ngoula dit Dana,
Les éditions Ngoma, un nom qui compte dans La production discogra-
l’histoire de la rumba /DR phique, à Léopoldville, à
en partage, à travers le monde.
Marie Alfred Ngoma
artiste complet et homme-
orchestre
Michel Boyibanda «Vieux Bobo»,
un pionnier dans la tourmente
Au moment du lancement du Fespam dans
l’enceinte de l’Unesco, les mélomanes auront à
cœur une réelle pensée pour Michel Boyibanda,
l’un des artistes qui ont marqué la musique des
deux rives du Fleuve Congo.

Victime d’un accident vasculo-cérébral, en 2015,


Vieux Bobo avait été contraint de quitter définitive-
ment la scène. Alors que l’état de santé de l’artiste
se dégrade, sa famille demande l’assistance morale
et financière des autorités. Agé de 83 ans, il serait
actuellement hospitalisé au Centre hospitalier et
universitaire de Brazzaville.
Michel Boyibanda a débuté sa carrière aux côtés de Auteur, compositeur, chanteur, danseur et multi-instrumentiste
Franklin Boukaka, dans l’orchestre Negro Band, en (percussions, batterie, guitare, basse), Dana est devenu l’artiste
1958. Plus tard, il a fait la pluie et le beau temps des congolais, animateur des Semaines africaines de l’Unesco.
orchestres Les Bantous de la capitale et Les Trois Ouvert à plusieurs courants musicaux : afro-cubain, blues, jazz,
frères (avec Youlou Mabiala et Loko Massengo), à gospel, acapella, bossa, funk, pop , diverses musiques africaines
Brazzaville, puis de l’Ok Jazz, à Kinshasa. Il est l’au- et surtout la rumba congolaise, Dana reprend à la guitare tous
teur des chansons «Masuwa e nani» et «Essous a les grands classiques africains.
yambi ngaï». En dehors de ses prestations à l’Unesco, il anime les rencontres
Marie Alfred Ngoma en référence à la rumba congolaise.
et Camille Delourme Vieux Bobo, à la rédaction des «Dépêches de Brazzaville», en 2019, avec M.A.N.
ses intervieweurs, Valentin Oko et Emile Gankama /Adiac
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INTERVIEW

David-Pierre Fila : « La rumba congolaise a montré


à quel point l’Afrique peut être inspirante »
Enfant des indépendances, élevé au rythme de la rumba, le réalisateur David-Pierre Fila a rendu hommage à cet art
de vivre dans son film « Sur les chemins de la rumba ». Un voyage dans le temps et dans le monde. Entretien.
va faire la fête, on dit « Allons faire la d’autres danses et musiques dans le
rumba ». Il y a des groupes qui s’ap- monde.
pellent rumbaya. A Porto-Rico, le pays
de la salsa, lorsqu’on a présenté le film, L.D.B. : Vous avez participé à
il y avait 1500 jeunes dans l’amphi- plusieurs reprises au Fespaco, la
théâtre. C’était impressionnant de voir référence continentale du ciné-
l’engouement autour de cette mu- ma. A votre avis, que faut-il au
sique, de sentir à quel point l’Afrique Fespam pour devenir son pendant
manque à cette partie du monde, trop musical ?
souvent oubliée. D-P.F. : Je crois que les deux piliers
L.D.B. : Venue de la nuit des sont la régularité et le choix des
temps et passée par l’une des pé- hommes. On doit savoir choisir des
riodes les plus tragiques de l’His- personnes qui ont l’habitude de gérer
toire, la traite négrière, la rumba des événements de dimension inter-
n’est-elle pas devenue l’une des nationale, même si elles ne sont pas
plus belles réussites du mélange congolaises. De la même manière, le
de l’humanité ? Fespam devra peut-être aller chercher
d’autres partenaires, en complément
D-P.F.: Bien sûr, parce que c’est ça le de l’Etat congolais qui ne peut suppor-
métissage. On peut, d’ailleurs, dire la ter seul le poids d’un tel événement. Il
même chose de la capoeira, qui vient faut que des grands opérateurs privés
du royaume Kongo. Il y a eu un film jouent le jeu pour aider au rayonne-
magnifique du réalisateur angolais, ment de la musique africaine.
Dom Pedro, et du pianiste argentin,
Juan Carlos Caceres, «Tango Ne- Avec le Fespaco, les Burkinabés
gro», qui retrace le même chemin, de n’ont pas oublié le sens panafricain,
l’Afrique vers l’Argentine. Il démontre la dimension africaine. Je crois que
également à quel point la culture afri- nous devons nous en inspirer pour le
David-Pierre Fila, le réalisateur du film «Sur les chemins de la rumba» /DPF caine a conquis le monde. Fespam, retrouver cette vision initiale-
ment donnée par l’Union africaine lors
Les Dépêches de Brazzaville film, vous êtes allé dans les Ca-
Par exemple, dans le film « Sur les de la création du Fespam.
(L.D.B.) : On imagine que le réa- raïbes et Amérique du Sud : avez-
traces de la rumba », on entend ré-
lisateur du film « Sur les chemins vous senti une totale reconnais- Par ailleurs, je pense qu’il faut utiliser
gulièrement le mot « quilombo », qui
de la rumba » est enchanté de voir sance de la rumba congolaise ? tous les atouts de notre pays, décen-
vient du kimbundu « kilombo ». Dans
la rumba consacrée à l’occasion traliser l’événement en utilisant le
D-P.F : La rumba congolaise est tota- toute l’Amérique du Sud, il a existé
du prochain Festival panafricain train et le fleuve.
lement reconnue comme telle. Le mot ces lieux de résistance où des esclaves
de musique (Fespam).
Il me semble aussi que le Fes-
David-Pierre Fila (D.P.F.) pam doit être une vision à long
: Evidemment. Le film « Sur terme en créant une industrie
les chemins de la rumba » a congolaise et africaine forte.
fait le tour du monde, il a été Créons une sonothèque du
présenté à Cuba, à Porto Rico, Fespam, créons une radio du
au Japon, en Colombie, à New Fespam pour que l’événement
York, à Esmeraldas en Equa- ne s’arrête pas le dernier jour,
teur. C’est important que la qu’il se poursuive entre deux
rumba, qui est reconnue dans éditions.
le monde entier, soit entrée au
patrimoine. Car plus qu’une Cela doit être davantage que
danse et qu’une musique, la des musiciens qui viennent
rumba est une façon d’être, jouer pendant dix jours tous les
une façon de vivre. Nous, qui deux ans. Il faut des collabora-
sommes nés avant les indé- tions, des enregistrements et
pendances, avons grandi avec des échanges avec les jeunes
des mélodies, des textes et congolais et africains. On doit
surtout des grands groupes qui montrer à nos artistes que le
nous ont portés. Cette danse paradis n’est pas ailleurs.
a conquis l’Afrique, puis le
Cela passe peut-être par un
monde entier.
travail de fond dans l’éducation
Des décennies plus tard, c’est musicale à l’école, un bacca-
rumba est le mot espagnol qui vient
presque inexplicable que cette danse, lauréat musical. Il faut changer de pa-
de nkumba, le frottement de deux évadés et des Indiens ont créé des
venue de la nuit des temps, bien avant radigme, il faut voir grand, avec deux
nombrils. Au départ, c’est simplement républiques. Dans ces lieux d’auto-
la colonisation, soit toujours là, dans pays voisins, liés par la culture, au sein
un rituel de fécondité. Je resitue le gestion, la rumba, comme musique
notre environnement. La rumba a une d’un continent riche et dynamique.
rythme qui est au départ un rite. C’est et comme danse, a été un vecteur de
place importante dans nos vies, c’est La rumba a montré à quel point l’Afrique
une danse que faisait la femme pour partage et de résistance.
louable que le Fespam lui fasse cet peut être inspirante. Comme elle, le Fes-
remercier les fétiches de l’avoir aidée
honneur. Bien plus tard, cette même rumba pam doit parler au monde entier.
à procréer. C’est devenu une symbo-
a inspiré le coupé-décalé ivoirien, le Propos recueillis
L.D.B. : Pour la réalisation du lique que les Africains ont emportée
zouk et la biguine antillaises, et tant par Camille Delourme
outre-Atlantique. A Cuba, lorsque l’on
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PATRIMOINE CULTUREL DE L’HUMANITÉ

Les incontournables du calendrier de la rumba à instituer


Un bon chapelet d’événements est progressivement mis en œuvre par le ministère de la Culture, Arts et Patrimoine (CAP) de
la République démocratique du Congo (RDC), en connivence avec des artistes de tous bords.
Devançant le calendrier qui a notamment à l’architecture, la ra, en plus des biens personnels spécifiant qu’il est tenu pour
consacré les mois de mai et juin sculpture, la peinture, le théâtre, de la défunte star, « des objets, « le mois de la rumba au
2023 à la célébration de « la le cinéma, la mode, les médias, biens précieux et rares de la conservatoire ». Le concept
rumba dans les onze arts », le la littérature, la bande dessinée, rumba ». Il y sera également qui englobe les études me-
Collectif RDC Terre d’artistes etc., de s’exprimer sur cette mu- construit un studio d’enregistre- nées jusqu’ici sur la pratique
avait tenu, du 24 juin au 15 juil- sique qui a la magie de bercer les ment audiovisuel. L’événement de la rumba, notamment
let 2022, l’exposition « Rumb’art Congolais depuis leur venue au déjà calé pour le 30 juin est tenu l’élaboration des partitions
», à Wallonie-Bruxelles. L’évé- monde. pour « le jour de la rumba cha des tubes qui faisaient dé-
nement prolongé d’un mois à la Néanmoins, il est un événement cha ». Le ministère le tiendra sur faut, un premier pas pour
demande du public avait offert mémorable à considérer, l’ou- le thème « La rumba comme outil la transcription progressive
à cinquante-neuf artistes plas- verture du « Musée de la rumba de la diplomatie, de la cohésion des morceaux anciens ap-
ticiens l’occasion de magnifier » réeffectuée le 24 avril dernier. et de la paix ». Autour de cette préciés de par le monde.
la rumba de diverses manières. En effet, l’ancienne résidence date célébrant l’indépendance, Originellement consacré au
C’était là un bon prélude à la pen- de feu Papa Wemba, désormais ayant du reste inspiré l’hymne Festival rumba parade et au
sée du ministère de la CAP évo- rattachée à l’Institut des musées des indépendances africaines, le Festival international de la Crédit photo /Adiac
quée ci-haut, donnant l’occasion nationaux du Congo, expose- fameux Indépendance cha cha, rumba et de la sape, octobre se ba, le «papa» précédant son nom
se tiendra le Festival internatio- focalisera sur les activités liées au faisantt référence à pape plutôt
nal de la rumba et de la sape, du mois précédent. Enfin, « le mois qu’à un père, la date de son décès

Top 5 des classiques 29 juin au 2 juillet. Une grande


représentation de la pièce Viva
de novembre sera celui de la
rencontre des ambassadeurs
inopiné, le 24 avril, sera réser-
vée à « la rumba un jour, rumba

de la rumba congolaise rumba est aussi prévue. de la rumba congolaise et de la toujours pour célébrer le mode
Le 2 juillet, aura lieu « La rumba rumba cubaine ». ». Joignant ici la sape, mode ves-
étude et découverte organisée Rumba un jour, rumba toujours timentaire, à la « mode, style de
Genre incontournable de la musique dans les
dans les musées où sont conser- Notons qu’à dater de l’année pro- vie des Congolais ».
deux Congo, la rumba en perpétuelle mutation
rythme la vie des habitants des deux rives et vés les sons les plus anciens de chaine, le 24 janvier « sera consa- Jusqu’alors, la pérennisation de
demeure la source de multiples pépites musi- nos civilisations », annonce le cré à la rumba dans la culture la rumba passe encore par sa
cales fredonnées dans toutes les circonstances calendrier. Journée suivie, au africaine et des Afro-descen- vulgarisation au travers d’événe-
à travers les générations. mois d’août, par la « consécra- dants ». Le 11 février deviendra ments festifs dont certains de-
Cette playlist est non-exhaustive et forcément tion de quatre week-ends aux « la journée de la rumba mokili meurent spécifiques à l’instar de
subjective. Néanmoins, de l’avis des membres
mots et expressions codées » de mobimba », en référence au tube Rumba parade. Le festival s’em-
du Comité scientifique de la rumba, ces chan-
sons de la rumba sont devenues des classiques la rumba dans le but d’honorer du Grand Kallé Jeff et sera de fait ploie notamment à effectuer un
Marie-Louise d’Antoine Wendo ; 1948/ les paroliers de notre musique consacré à sa mémoire. Le 30 retour aux sources proposant les
Ngoma. dont les textes ont constitué en mars fera un point d’honneur au tubes des « pères de la rumba »
Para Fifi de Joseph Kabasele, 1953/ grande partie sa substance. Sep- caractère intemporel de la rumba marquant les premières années
Opika tembre, quant à lui, « sera dé- au travers de « la journée de l’in- de sa pratique. Mais de plus en
Aimé wa Bolingo d’Edo Ganga, 1956
dié aux nouveaux rois de la temporalité ». Et, en souvenir du plus, sont pensées diverses ini-
Masuwa de Pamelo Mounka, 1968,
Makambo mibale de Mountouari rumba moderne », dit-on, en « Pape de la sape », Papa Wem- tiatives visant à la diffuser par
Kosmos Crédit photo /Claude Blanchard Ngokoudi l’usage de contenus symboliques,
incluant notamment livres, ciné-
« Aimé wa Bolingo » constitue, sans nul doute, l’un des plus importants suc- ma, contenus audiovisuels, jeux
cès de Nganga Edo. Ce titre a accompagné l’artiste le long de sa carrière. De- vidéo, œuvres d’art diverses et
puis l’annonce de son décès, cette chanson se fait de plus en plus entendre
tourisme de masse. En arts plas-
sur les médias tant nationaux qu’internationaux.
Joué en Do, le tube « Aimé wa Bolingo » est chanté par Edo et Viky Longomba. tiques, les sculptures monumen-
Le début de la chanson est marqué par une mélodie ponctuée par le saxo de tales en bouteilles de plastiques,
Nino Malapet, la guitare de Luambo et la percussion de Desoin. « Aimé wa bo- telles le Joueur de maracas et la
lingo kobosana ngai té ata to zali mingui, louka ya yo ya séko. Kasi ngai chérie, Kumba du sculpteur écologique
boutou moyi na kolala té kolia malamu té, na zali kobanza sé yo », « Mon amour Jean-Alain Masela exposées à
ne m’oublie pas même si nous sommes nombreux, cherche avec qui tu vivras
« Rumb’art » sont des modèles
éternellement. De mon côté chérie, nuit et jour je ne dors pas, je ne mange pas
bien à force de penser à toi ». uniques de la démarche d’une
Les ballades de l’instrument versatile de Luambo introduisent la deuxième par- diffusion plus large de la rumba
tie de la chanson où on retrouve le duo qui chante : « O di Aimé wa bolingo ya et pas uniquement centrés sur
ngai na yo suka té ». La chanson fit sensation auprès du public dès sa sortie en les deux Congo.
1956 et Edo Nganga confirma son talent de chanteur de charme au sein de l’Ok Un extrait de «Viva rumba», pièce de la troupe de l’Institut national des arts /Adiac Nioni Masela
jazz. A cette période, Franco est concentré à la guitare solo, la guitare basse est
assurée par Delalune, Kouka célio est maracassiste chanteur.
(Extrait de l’article de Fréderic Mafina dans Les Dépêches de Brazzaville du 18 juin 2020)
ARRÊT SUR IMAGE

Makambo mibale figure parmi les standards de la musique congolaise. Ce titre L’ÉQUIPE DE LA DÉLÉGATION PERMANENTE DU CONGO AUPRÈS DE L’UNESCO
impérissable de Kosmos Mountouari, composé avec les Bantous de la capitale,
continue de faire sensation auprès de la nouvelle génération. Dans les coulisses de l’admission de la rumba sur sa liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco,
A travers cette belle œuvre musicale, Kosmos montre la cause des conflits qui minent des hommes et femmes ont travaillé sur ce dossier sous l’égide de l’ambassadeur Henri Ossebi. Les voici.
l’humanité. Pour lui, deux affaires majeures sont à l’origine de la destruction du monde
entier. La première est l’argent et la seconde la femme. « Makambo mibale ebomi mokili
mobimba ah » ! S’écrie l’artiste au début de cette mélopée. Autrement dit, « Deux af-
faires ont détruit le monde entier » ! Après avoir fait ce constat, l’artiste exhorte à la
vigilance : « Baninga mibali o, to keba la vie est un combat oye », entendez « Mes frères
faisons attention, la vie est un combat ».
Dans cette aubade, les percussions sont assurées par Saturnin Pandy, la guitare basse
par Alphonse Ntaloulou, la guitare rythmique par Samba Mascot, la guitare mi solo par
Mpassy Mermans, la guitare solo par Gerry Gérard et le saxophone par Nino Malapet. Ici,
les voix de Kosmos et Pamelo s’accordent en polyphonie dans deux lignes mélodiques
parallèles : la première et la seconde voix. Notons que Kosmos et Pamelo ont formé l’un
des meilleurs duos de la musique congolaise. Leurs voix de charme ont fait le bonheur
des mélomanes.
Alors que Makambo mibale atteint les cimes du succès, Franco Luambo Makiadi, qui
dans toute sa riche discographie n’a jamais exploré ce thème, viendra courtiser Kosmos
afin qu’il fasse partie de l’attaque chant de l’Ok Jazz. La réponse de Kosmos fut négative.
Une attitude que les jeunes artistes d’aujourd’hui n’arrivent pas à adopter.
(Extrait de l’article de Frédéric Mafina dans Les Dépêches de Brazzaville du
14 avril 2022)
Marie Alfred Ngoma et Camille Delourme
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PATRIMOINE

L’ex-maison de Papa Wemba devenue musée de la rumba


Situé dans l’ex-villa de la regrettée star de la rumba, de Papa Wemba, le musée de la rumba congolaise a
ouvert ses portes au public le 24 avril 2022, six ans après le décès de cet artiste sur scène, le 24 avril 2016, à
Abidjan, lors de la neuvième édition du Festival des musiques urbaines d’Anoumabo (Femua).
Depuis le 18 mai, le musée de la notre Nation », avait déclaré la mi-
rumba a un nouveau directeur na- nistre de la Culture.
tional, en la personne de l’anthro- A l’heure actuelle, ce sont les ef-
pologue-musicologue, Franklin fets personnels de Papa Wemba
Mubwabu, de l’Institut des Musées qui y sont exposés, notamment des
nationaux du Congo. Après la mort images de la star, sept chapeaux de
de Papa Wemba, le gouvernement cette icône de la musique congolaise
congolais avait acheté sa résidence ainsi que la sculpture dorée d’un
principale, située à Ma Campagne, ange qui trône à côté d’un portrait
quartier huppé de Kinshasa, pour en noir et blanc de celui que l’on sur-
un montant avoisinant 750 000 dol- nommait « Bokul ».
lars américains, selon plusieurs mé-
dias. Une mesure de sauvegarde
L’objectif était de transformer cette Le musée de la rumba congolaise
résidence en musée de la rumba, avait été inauguré quelques mois
un projet à plusieurs avantages sur seulement après l’inscription par
le plan économique et touristique. l’Unesco, le 14 décembre 2021, de
En effet, lors de la 35e réunion du la rumba congolaise sur la liste re-
Conseil des ministres tenue le 12 présentative du patrimoine culturel
juin 2020, le président de la Ré- immatériel de l’humanité.
publique, Félix Tshisekedi, avait En effet, dans le point 3b du docu-
instruit le ministre de la Culture et ment d’inscription, consacré aux
des Arts de l’époque à examiner, Transformer cette résidence en musée de la rumba, un projet à plusieurs avantages sur le plan économique et touristique/DR mesures de sauvegarde proposées, il
Dans un bref délai, la possibilité de sence notamment d’A’Salpho, leader ront conservées, afin de les protéger tout pour venir apprendre à la est indiqué que la République démo-
racheter la maison de Papa Wemba du groupe ivoirien Magic System et et de les montrer aux visiteurs. Le source les instruments par les- cratique du Congo et la République
afin d’en ériger un musée où devait fondateur du Femua. Le 24 avril de musée va également organiser des quels les notes de la rumba ont du Congo ont notamment décidé de
être installé, entre autres, un studio chaque année est également la jour- expositions, des conférences et des été produites. Là même, dans ce créer, à Brazzaville et à Kinshasa, un
d’enregistrement. « C’est ici que va née de la musique africaine. ventes aux enchères. musée, le gouvernement compte musée de la rumba congolaise avec
désormais se raconter la Rum- Lors de son ouverture, la ministre placer un studio moderne d’en- l’appui de la communauté des prati-
ba congolaise par la parole, par Activités du musée de la Culture avait déclaré que le registrement audio et vidéo, un ciens; avec les ministères en charge
les photos, par les vidéos, par la Le musée de la rumba va abriter gouvernement compte y créer le complexe de la mode et du style du Tourisme des deux pays, élabo-
musique, par la sculpture, par la les collections des objets rares et plus grand studio d’enregistrement de vie, creuset de la Sape. La rer des offres touristiques intégrant
danse, par les textes poétiques, précieux de toute l’histoire de cette audio et vidéo de la musique en Ré- culture, c’est aussi cette conserva- la production de la rumba congo-
des recherches et des archives musique. Les collections scienti- publique démocratique du Congo tion de la mémoire pour que les laise avec un code éthique visant
», avait déclaré la ministre de la fiques, techniques, artistiques qui ainsi qu’un complexe de la mode et générations futures ne puissent les touristes et les praticiens de cet
Culture, Catherine Kathungu, lors ont fait parler de Papa Wemba et du style de vie, creuset de la Sape. pas perdre les repères de ceux et élément.
de l’inauguration du musée, en pré- de tous les autres musiciens y se- « Les touristes viendront de par- celles qui ont forgé la grandeur de Dani Ndungidi

INTERVIEW

Prince Bafouolo: « L’art revêt


une importance capitale»
Prince Bafouolo est journaliste fondateur d’hémicycles d’Afrique,
chroniqueur chez Radio France internationale. Dans cette interview
accordée aux Dépêches de Brazzaville, il estime que les artistes devraient
jouer leur partition dans l’avènement d’une Afrique nouvelle, en servant
des produits de qualité au public.
Les Dépêches de Brazzaville bilité sociétale qui est la leur. Cette du slam et du rap béninois comme
( L.D.B.) : Pensez-vous que la prise de conscience passe notam- Sergent Marcus et Gopal dont les
musique peut changer les para- ment par la qualité de leurs textes. textes convoquent souvent notre
digmes en Afrique ? L.D.B. : Quel est le bilan histoire et nous interpellent pour
Prince Bafouolo (P.B.) : J’aime- d’étape de l’Afrique musicale- construire un monde plus juste ? Je
rais, à l’occasion, faire remarquer ment parlant ? n’oublie pas certains artistes moins
que le panafricanisme culturel est engagés, mais dont les chansons
P.B. : L’Afrique est à la croisée
déjà effectif, là où le panafrica- font honneur à nos rythmes ances-
des chemins. Sur notre continent,
nisme politique végète. Le Festival traux, valorisent nos cultures et
beaucoup de choses restent à faire.
panafricain de musique (Fespam), perpétuent nos traditions.
Pour le construire significative-
qui va réunir toute l’Afrique à ment, l’émergence d’une génération Le titre «Bokoko» de l’artiste Roga
Brazzaville courant juillet 2023, en consciente s’impose. Roga, qui a fait le tour du monde,
est l’exemple. battant les records de vues sur
Musicalement, elle est déjà là. Je
Oui, nos artistes réussissent le pari Youtube, reste le plus marquant en
pense aux Congolais (RD Congo)
alors que nos hommes politiques ce moment. Sur ce registre, difficile
Alesh, Prix Découverte RFI 2021,
peinent à aller de l’avant. Nos ar- de ne pas penser au jeune Sidiki
et au groupe MPR. Sans agressivité,
tistes parviennent à faire passer des Diabaté qui met en valeur la Kora,
leur manière de peindre la société pour la sauvegarde de nos traditions de qualité qui parlent à notre âme
messages tandis que les hommes cet instrument de musique tant
et d’inviter à plus de responsabilité que dans l’éveil des consciences et et nous construisent.
politiques deviennent de plus en chéri par nos aïeux.
force mon admiration. la conscientisation des masses. Que Les dirigeants devraient faire la
plus inaudibles, face à une jeunesse L.D.B. : Comment définir le rôle ceux qui ne l’ont pas encore compris
Je pense à la Brazzavilloise Marius- leur : promouvoir la culture et
en quête de changement. des musiciens africains ? se mettent au pas.
ca La slameuse, dont un texte a été accompagner nos musiciens. Parce
C’est dire combien l’art revêt une repris par la secrétaire générale de P.B. : Dans le chantier pour la Les artistes devraient jouer leur que la musique peut changer les
importance capitale. C’est dire la francophonie, Louise Mushikiwa- construction de notre Afrique, les partition dans l’avènement d’une paradigmes.
aussi combien nos artistes doivent bo, lors d’un discours officiel. musiciens ont un rôle prépondérant Afrique nouvelle. Ils doivent faire Propos recueillis
prendre conscience de la responsa- à jouer. Aussi bien dans le combat leur part : nous servir des produits par Marie Alfred Ngoma
Comment ne pas citer les figures
12 | CULTURE D O S S I E R S P E C I A L L A N C E M E N T D U F E S PA M À L’ U N E S C O N°4515 - Mardi 30 mai 2023

Henri Ossebi :« La rumba est désormais


un bien public mondial »
Ambassadeur et délégué permanent du Congo auprès de l’Unesco, Henri Ossebi et son équipe,
en étroite collaboration avec les comités scientifiques des deux Congo, ont conduit la campagne
de promotion et un lobbying diplomatique actif. Cette stratégie a débouché, le 14 décembre 2021
après son triomphe à la « Semaine africaine de l’Unesco », sur l’inscription de la rumba sur la liste
du patrimoine culturel de l’humanité. Interview.
Les Dépêches de Brazzaville est à la fois judicieux et
(L.D.B.) : Comment accueil- symboliquement très
lez-vous le lancement du Festival fort.
panafricain de musique (Fespam)
L.D.B. : La relance
à Paris ?
du Fespam va-t-elle
Henri Ossebi (H.O.) : Avec surprise dans le sens de vos
d’abord, avec honneur et plaisir sur- attentes en ce qui
tout. Parce que la relance du cycle des concerne la visibilité
célébrations du Fespam était forte- de la rumba ?
ment souhaitée et attendue. Elle vient
H.O. : Le problème n’est
d’être impulsée par la volonté du pré-
pas celui de la visibilité.
sident de la République, Denis Sassou
Mes attentes non plus. La
N’Guesso lui-même. Pour des raisons
rumba est désormais un
tant professionnelles que personnelles
« bien public mondial ».
et scientifiques, je m’en réjouis. Cette
Les comités scientifiques
célébration va raviver le souvenir des
des deux rives du fleuve
éditions antérieures et surtout conso-
Congo, qui ont admira-
lider le statut de Brazzaville reconnue
blement préparé le dos-
« Ville créative de l’Unesco ». Enfin,
sier de candidature, ont
parce que, à cause notamment de la
déposé leur rapport de
parenthèse covid-19, le succès inter- Henri Ossebi, ambassadeur du Congo auprès de l’Unesco et la directrice générale de l’Unesco,
fin de mission, en prenant
national de l’inscription de la rumba à la Semaine africaine 2019 / Bedel Photo Bango
soin d’élaborer et de re-
n’avait pas eu au Congo un écho mé- nouvel intitulé même du ministère en la rumba, tout pourrait partir d’une
mettre aux autorités un document de
diatique et festif à la hauteur de cette charge de ce dossier. Lequel ministère candidature officielle, portée par un ou
« Stratégie de promotion et de sauve-
victoire. Beaucoup l’ont déploré. Au- est dépositaire de cette stratégie natio- plusieurs pays, mais répondant aux cri-
garde de la rumba » pour la suite. Ce
jourd’hui, la démarche volontariste du nale de gouvernance de ce bien public tères d’éligibilité prescrits par le Comi-
qui appelle évidemment un autre type
chef de l’État assumée par la ministre mondial. En pérennisant la rumba, té intergouvernemental de l’Unesco en
d’expertise et doit mobiliser autant les
Lydie Pongault vient à point nommé le Congo lui garantira naturellement, charge de cette matière. Sous réserve
moyens de l’État que l’appui des par-
combler ce vide. J’ajoute que le choix grâce aux effets collatéraux ainsi in- d’être porté par un dossier scientifique-
tenaires divers pour sa mise en œuvre.
du siège de l’Unesco où, en novembre duits, son rayonnement et sa visibilité. ment solide, de portée internationale,
Autrement dit, il faut passer d’une lo-
2006, Jean-Serge Essous avait été hissé conçu sans précipitation, pour franchir
gique de la célébration à une stratégie L.D.B. : Après la rumba, comp-
à la dignité d’ambassadeur de l’Unesco les différentes étapes concurrentielles
de pérennisation. Celle-ci doit faire tez-vous obtenir une autre inscrip-
pour la paix, devant le président de la de sa sélection. Le Congo a donc un
partie intégrante d’une politique sec- tion au référentiel de l’Unesco ?
République du Congo et en présence vaste champ à sa disposition.
torielle lucide, pertinente et inclusive. H.O. : Les éléments à proposer ne
de Manu Dibango, Papa Noël Nedule, manquent pas. Ce n’est cependant Propos recueillis
C’est ce que sans doute le président
Pierre Moutouari, ce choix, disais-je, pas à moi d’en décider. Comme pour par Marie Alfred Ngoma
de la République envisage, de par le

ARRÊT SUR IMAGE

Le jour où Jean-Serge
Essous devenait
ambassadeur de l’Unesco
Le 11 octobre 2006, Jean-Serge Esssou,
membre fondateur des Bantous de la
capitale, était consacré «Artiste pour
la paix» par l’Unesco. Une distinction
remise des mains du directeur général
de l’époque, Koishiro Matsuura, en
présence du président de la République
du Congo, Denis Sassou N’Guesso.
Parmi les nombreux artistes présents
figuraient Manu Dibango et Nedule
Papa Noël.
Camille Delourme

Crédit photo /Unesco

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