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COURS DE MUSICOLOGIE
SEMESTRE 2
Par
Dr. ATTOUNGBRE Félix
Enseignant à l’INSAAC
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CONSIDERATIONS GENERALES
Cette affirmation montre réellement que la musique est à l’homme ce que les
couleurs et les formes sont à la peinture. L’évolution des sciences et des techniques
ainsi que l’élargissement du champ de connaissances dans les spécialités les plus
diverses ont entrainé l’élaboration de plusieurs théories issues des modifications
notables de l’environnement dans lequel l’homme est amené à se métamorphoser.
Ces théories développées pour le compte de la musique ont vu évoluer, au gré du
temps et des courants esthétiques, les fondements de la création artistique.
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Si cette affirmation est indiscutable, il est vrai que les nombreuses
manifestations de la musique dans les différentes contrées et les espaces du monde,
doivent constituer le corpus du travail qui attend les étudiants. De ce point de vue, la
musique africaine constituera l’essentiel du corpus à étudier. L’espace africain est
traversé par plusieurs formes d’expression musicale (folklorique et traditionnelle,
religieuse, profane, moderne, etc.) acquises depuis les périodes précoloniales,
coloniales, postcoloniales ou contemporaines. Chaque expression musicale, selon
l’espace, revêt une triple dimension thématique, socio esthétique et organologique
spécifique. Découvrons-les à présent.
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CHAPITRE III : LA COMPOSITION DES ESPACES
MUSICAUX EN AFRIQUE
Ce chapitre propose alors d’étudier les espaces culturelles clés sur lesquels
reposent les musiques. Une telle étude musicologique ne sera possible qu’avec le
concours des sciences géographique, historique, socio-anthropologique ou encore
cognitive. Les espaces que nous découvrirons sont nourris de différents champs
linguistiques, idéologiques et cosmogoniques.
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III.1 : L’ESPACE MUSICAL ARABO-MAGREBIN (NORD)
Située entre les civilisations arabes et celles d’Afrique, l’Afrique du nord croise
des esthétiques musicales qui, tout en s’interpénétrant, continuent pourtant à affirmer
la diversité de leurs origines multiples. L’on sait que les pays comme l’Algérie, le
Maroc, la Tunisie (côté Maghreb) et l’Egypte et la Libye (côté Machreq) ont subi eux-
mêmes des mélanges musicaux dès le 8ème siècle, par le contact avec l’Inde puis
avec l’Asie centrale. Leur musique a été aussi influencée par les sonorités iraniennes
ou afghanes et celles de l’Arabie.
En parcourant cette zone africaine, l’on croiserait à coup sûr, des expressions
musicales extrêmement complexes relevant des types Bantous, soudanais,
arabisés : d’où les pays comme l’Ethiopie, le Kenya, le Rwanda, l’Ouganda, la
Somalie et la Tanzanie. Dans cette partie de l’Afrique, la musique purement
ancestrale. En longeant la côte Est de l’Afrique, l’on a le loisir de traverser ces pays
aux multiples civilisations.
La mémoire des ancêtres suggère aussi aux meilleurs artistes de cette zone
africaine, l’usage des récits épiques qu’accompagne la lyre traditionnelle nommée
kraar (en Ethiopie) où l’expression vocale est un élément essentiel du patrimoine
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L’adjectif « andalouse » vient du mot Andalousie qui est une communauté autonome du sud de
l’Espagne dont la culture a beaucoup influencé celle de l’Afrique blanche.
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musical des peuples. Les Azmaris (attachés à la musique traditionnelle), continuent
de véhiculer la mémoire collective à travers les fêtes, les réunions publiques dans les
villages. Ils chantent les louanges, la joie et la tristesse en accompagnant en
accompagnant de la harpe à six cordes (le kraar), d’une lyre à une corde (le
Macinco) et parfois d’un accordéon. La danse (Eskeusta) se pratique et continue de
soutenir aussi bien les musiques traditionnelles que d’autres rythmes nouveaux.
Au Rwanda, le tambour royal des ancêtres des clans Tutsis, est encore
pratiqué par les spécialistes. Le répertoire des chants traditionnels codifiés et
formalisés par le Roi Yuki III Mazimpaka est encore joué de nos jours. Le clan
Abasindi possède un ensemble orchestral, hérité depuis l’aube des temps,
comprenant cinq ou six flutes en bois drapées d’une peau de coup de taureau.
En Somalie, Les Somalis2 chantent leur poésie en frappant sur des bidons
transformés en percussion de fortunes pour faire danser hommes et femmes. Dans
la société pastorale du nord, les femmes jouent du tambour à l’occasion du
Buraanbur.
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Les somalis sont un groupe ethnique de la Somalie. A ne pas les confondre avec les habitants de la
Somalie qui sont les somaliens.
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En Tanzanie, depuis les temps jadis, la société Haya joue de la cithare à sept
cordes (Enanga) pour accompagner les épopées historiques et chanter les louanges
des chefs. Des orchestres de trompes traversières en corne célèbrent le retour des
guerriers victorieux. Dans tous les groupes sociaux du pays, de nombreux musiciens
se produisent à l’occasion des fêtes rituelles ou de simples divertissements. Leurs
chants polyphoniques s’accompagnent de sonnailles, de hochets, de tambours et
autres instruments. Les peuples attachés à la musique traditionnelle sont entre
autre :
- Les Chaaga Menu : Ils peuvent regrouper 600 chanteurs (hommes et femmes)
pour accompagner les danses du terroir.
- Les Wagogo : Peuple d’élevage et de culture, ils réunissent souvent des centaines
de participants (musiciens- chanteur) pour animer les cérémonies agraires.
Sur une carte, cet espace indique les pays suivants : le Cameroun, la
Centrafrique, la Guinée-Equatoriale, le Burundi, le Gabon, le Congo Kinshasa, le
Congo Brazzaville et le Tchad. C’est au cœur de la grande forêt de l’Afrique
Centrale, où l’arbre musicien semble avoir fait pousser ses racines au plus profond
de l’humus. Entendant bruire les chants d’oiseaux et du vent entre les brindilles
d’arbres, les pygmées sont mêlés à la polyphonie audio génique de cette région.
Ici encore, les bantous possèdent une bonne partie des ressources
organologiques dues à leurs pratiques musicales qui paraissent très anciennes ce
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qui avec le temps, n’en a pas empêché la diversification des expressions musicales
tout en consolidant leur sensibilité dans la combinaison des valeurs de notes et des
durées, avec la forte présences des polyphonies vocales et instrumentales,
l’exécution homophonique accompagnée ou non de percussions, la mesure
additionnelle de divers accessoires sonores.
On peut donc déduire que c’est de tous ces traits esthétiques, vivifiées par le
brassage avec d’autres cultures lointaines que dérouleraient dans une phase ultime,
rumba, soukouss, makossa, ndombolo ainsi que les autres rythmes contemporains
urbains de l’Afrique centrale.
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poche d’air dans laquelle s’établie la résonance de la percussion dans la paume. Un
rythme de sons divers s’établie ainsi.
Dans les deux Congo (Brazza & Kin), la musique « bi-riveraine » s’exprime
dans des chœurs de piroguiers au son des tambours, ou dans les chants
accompagnés à la guitare, les pionniers du chemin fer en construction. La musique
congolaise (Brazza & Kin) a très vite adopté le rythme urbain : les rythmes agbaya et
maringa, variation du folklore ainsi que celui plus exotique ramené par le flux de
marins, des cheminots et les commerçants.
Chez les femmes, le répertoire des chants de mariage comprend pièces (le
Tudusa) qui correspondent aux sept jours de la semaine durant lesquelles la natte
rituelle doit abriter les nouveaux mariés.
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III.4 : L’ESPACE MUSICAL SOUDANO-SAHELIEN (OUEST)
C’est l’espace qui rassemble le plus grand nombre de pays dont la Côte
d’Ivoire. Les autres pays sont le Bénin, le Burkina Faso, la Gambie, le Ghana, la
Guinée Bissau, la Guinée Conakry, le Libéria, le Niger, le Nigéria, la Mauritanie, le
Mali, la Sierra Léone et le Togo. C’est en d’autres termes toute l’Afrique occidentale
qui est concernée par cet espace musical.
Le brassage des peuples fait donc éclore une riche production artistique. La
connaissance se distille dès les premiers temps de la vie au travers d’un
enseignement qui englobe diverses formes d’éducation traditionnelles et initiatiques,
récits généalogiques et contes mythiques à travers les chants, danses et musiques.
4 Le terme "balafola" signifie joueur de bala. Le bala lui-même est un xylophone malinké appelé de façon générique
"balabon".
5 Le terme "korafola" signifie joueur de kora. La kora est un harpe-luth (instrument de musique) privilégié dans l’aire culturelle
Mandingue.
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Autant qu’on puisse en avoir l’assurance, on peut dater les premières
expressions de la musique mandingue au 12è siècle sur les terres de l’empire du
Mali. La musique est alors l’affaire de la seule caste des griots, les maitres de la
parole. Ce sont des chanteurs et compositeurs dans les sociétés malienne,
gambienne, sénégalaise et guinéenne dont le rôle est de distraire leur auditoire, mais
surtout de participer à tous les moments importants de la vie de l’homme : naissance,
baptême, circoncision, mariage et mort.
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D’où viennent les chansons en usage dans les campagnes durant cette
période ? Il semble que les frontières entre musiques profanes et musiques sacrées
aient été poreuses. Les groupes ethniques furent source d’inspiration, de la divinité à
la nature. Chaque groupe ethnique représente également un foyer de ressources et
d’emprunt pour le chansonnier, et dont les textes et mélodies sont largement inspirés
d’un fond commun et fédérateur en provenance potentielle d’un périmètre ayant les
mêmes traits culturels et linguistiques.
Dans l’univers Gour, les Sénoufo possèdent les danses masquaires comme le
Wemblé, le Tchologo, le Poro et le Boloy (danses initialement sacrées). Le
xylophone Djéguélé devient le domaine propre à l’expression musicale. Les Sénoufo
considèrent le Djéguélé comme étant la découverte d’une facture instrumentale
beaucoup appréciable d’une part, et d’autre part comme étant un support de création
musicale « géante », « mobile », composé de divers éléments sonores dont les
harmonies et les mélodies constituent un répertoire ou un patrimoine musical qui a
une influence évidente dans la vie sociale.
Les Mandé vont puiser de la sève vivifiante dans les trésors de leurs traditions
musicales enfouies dans le fond des âges pour créer le Yagba et le Goumbé. Ces
deux genres musicaux teints de couleur mandingue (Djoula) ont envahi les petites
cités urbaines de l’époque. Djembé, balafon et kora produisent des rythmes et des
polyphonies envoutants. Les danses masquées comme le Flaly, le Zahouli et le
Zamblé ont une place prépondérante permettant de synthétiser et d’analyser les
multiples aspirations et valeurs de la société Mandé (Gouro).
Les Akan avaient aussi de multiples créations. Chez les Baoulé, naissaient des
expressions musicales comme le Kotou, l’Adjemlé et empruntent le Goly des Wan.
Les Agni créèrent l’Abodan le Grolot, le Kéniankpli et le Ndolo. Les Adjoukrou ont les
évènements musicaux comme le Low et ses variantes (Agbandji, Ebeb, Bédiakp. Le
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fokué des Tchaman (fête de génération) avec ses corolaires de chants populaires et
de danse guerrière créant parfois de véritables spectacles vivants. Chez les Akyé,
N’dé et Allegnin sont deux évènements musicaux populaires et collectifs.
La richesse culturelle du Burkina Faso est sans aucun doute liée à sa grande
diversité ethnique. Au nord sahélien, les instruments sont légers et évidemment
portatifs : flute, luth, vièle monocorde dont les Peuls, Bellas et Touaregs tirent des
mélodies élégantes et poétiques.
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« Il y a à la fois des musiques de femmes chantant en chœur et aussi celles
des hommes grondant comme le tonnerre même, avec leur voix de baryton souvent
associées à un jeux scénique allié à des formes de danses tribales très viriles d’un
attrait irrésistible. Il s’agit d’un tissu vocale privilégiant, ainsi que l’indique
Luigi ELONGUI, une structure harmonieuse en cinq parties plutôt qu’en quatre, cette
dernière étant typique des styles américains et dans laquelle la ligne de chant du
ténor soliste alterne avec la section aigüe et le grave7 ».
A voir les choses, les musiques de l’Afrique du Sud, ont influencé sensiblement
tous les voisins par leurs constructions rythmiques emballantes et même par l’usage,
depuis les années 1960, de la flûte du Marabi8 à partir du succès dans les années
1920 du répertoire des groupes comme zulu boy. Les traces des musiques
américaines comme la techno et autres…, font aujourd’hui une part belle aux
musiques d’Afrique australe.
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(Dikanzas). D’autres ryhmes traditionnels comme le Kazukuta et le Kena-mbika
inspirent encore de nombreux artistes.
La musique africaine des iles a été le théâtre des brassages divers dans les
océans atlantique et indien. Dans la plupart de ces îles, l’histoire de l’homme s’est
écrite avec le sang des esclaves noirs venant de tous les horizons.
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Sur l’ile de la Réunion. Le Maloya (musique des noirs ayant subi une influence
européenne) garde encore ses racines et ses rites. Dans les caraïbes, la musique
née de la rencontre de deux mondes a servi de trait d’union à des populations et à
des civilisations. La musique et la danse sont un métissage de sons et de rythmes :
valse et polka (européens), Bou-doum et Badamoum (africains) ainsi qu’un fond de
percussions venant de l’Asie. Le Zouk, âme des Antillais réunit la richesse des
caribes avec des influences du jazz, le rock et de funk.
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gauche joue une basse obstinée de huit notes par mesure. La main droite étant
totalement indépendante, brode des riffs et des phrases mélodiques employant tous
les procédés du blues au piano.
La Soul Music est la résultante du pont entre noir et blancs. Il prend forme
avec la voix superbe de Sam Cooke vers 1935.
Les chants de travail, les work songs rythment et soutiennent les esclaves.
Sous forme d’appel- réponse, le soliste chante à tue-tête de courtes phrases
musicales auxquelles la collectivité répond des shouts (cris). Il semble que les
meilleurs musiciens noirs d’avant la guerre de sécession aient été les hommes qui
travaillaient sur les fleuves (Mississipi et Missouri).
Les minstrel fait son entrée. C’est une parodie des chants et danses nègres
par les blancs. Les spectacles se font à New York et James Bland (1854-1911) est
reconnu pour être le plus grand minstrel du monde.
Ainsi nait une musique religieuse afro- américaine. Les négros spirituals
s’imposent alors très tôt dans la communauté noire par le biais de la religion. Le
gospel11 apparait quelques temps plus tard et devient incontestablement une révolte
musicale contre une Amérique raciste.
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CONCLUSION
Après avoir parcouru cette carte musicale africaine, il bon de retenir que toute
l’Afrique chante, prie, danse et bruit de plaisir à travers les tambours, les battements
de mains, rires, pleures et complaintes, partout dans le désert, les villages, les
savanes et forêts. Cette musique africaine n’est pas homogène car elle secouée par
une hybridation d’éléments musicaux d’origines ethniques différentes : d’où la
composition de plusieurs espaces musicaux.
Sept (7) grands espaces apparaissent de façon visible sur une carte cumulant
les avantages d’un vivier multiculturel. En parcourant tous ces espaces musicaux, un
accent a été mis sur les pionniers des différents mouvements qui ont contribué à
l’élargissement du champ d’exploration et d’interprétation des musiques
traditionnelles, source d’inspiration pour bon nombre des musiques modernes.
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RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE
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