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ECOLE SUPERIEURE DE MUSIQUE ET DE DANSE

ANNÉE ACADÉMIQUE : NIVEAU :


2020-2021 LICENCE PROFESSIONNELLE 2

COURS DE MUSICOLOGIE
SEMESTRE 1

Par
Dr. ATTOUNGBRE Félix
Enseignant à l’INSAAC

Avec la validation de l’U P Culture Musicale

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CONSIDERATIONS GENERALES

En Licence 1, le cours de musicologie a consisté à étudier des fondamentaux


de la musique en tant qu’apanage des peuples et de l’humanité toute entière. A ce
titre, beaucoup de notions ont été acquises sur les définitions et les origines de la
musique. De plus, le son musical en tant que phénomène social et ses relations avec
la danse ont été également étudiés. L’on a aussi mis la musique en relation avec la
science pour pouvoir déchiffrer les concepts de musicologie, d’ethnomusicologie et
d’organologie qui ont fourni à l’étudiant les bases théoriques et scientifiques de
l’étude musicale au niveau universitaire. Cela a permis à l’apprenant de prendre vite
conscience de ce qui l’attend dans la suite de son parcours à l’école supérieure de
musique et de danse.

En Licence 2, il est maintenant question pour l’étudiant d’appréhender à


nouveau le champ sémantique de l’art musical à partir de ses acquis en première
année. Il s’agit de s’approprier d’un vaste champ sémantique de la musique afin d’en
ressortir les problématiques sous-jacentes.

En effet, en analysant la musique sous plusieurs formes (savante,


traditionnelle, moderne, contemporaine, Européenne, Africaine, etc.), dans sa
conception et dans sa manifestation, l’on ne peut que s’édifier de cette évidence : les
frontières du domaine musical ne sont pas les mêmes partout et pour tout le monde.
Le champ définitionnel de la musique s’élargie au fur et à mesure que chacun ouvre
ses oreilles, son esprit aux cultures exogènes. En clair, plus on s’ouvre sur
l’extérieur, plus on se forge un concept moins restrictif de la musique, car on
améliore ainsi sa culture et ses désirs.

Cette affirmation montre réellement que la musique est à l’homme ce que les
couleurs et les formes sont à la peinture. L’évolution des sciences et des techniques
ainsi que l’élargissement du champ de connaissances dans les spécialités les plus
diverses ont entrainé l’élaboration de plusieurs théories issues des modifications
notables de l’environnement dans lequel l’homme est amené à se métamorphoser.
Ces théories développées pour le compte de la musique ont vu évoluer, au gré du
temps et des courants esthétiques, les fondements de la création artistique.

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Si cette affirmation est indiscutable, il est vrai que les nombreuses
manifestations de la musique dans les différentes contrées et les espaces du monde,
doivent constituer le corpus du travail qui attend les étudiants. De ce point de vue, la
musique africaine constituera l’essentiel du corpus à étudier. L’espace africain est
traversé par plusieurs formes d’expression musicale (folklorique et traditionnelle,
religieuse, profane, moderne, etc.) acquises depuis les périodes précoloniales,
coloniales, postcoloniales ou contemporaines. Chaque expression musicale, selon
l’espace, revêt une triple dimension thématique, socio esthétique et organologique
spécifique. Découvrons-les à présent.

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CHAPITRE I: LES FONDEMENTS HISTORIQUES ET
CULTURELS DE LA MUSIQUE DANS LES
SOCIETES AFRICAINES

Les données musicologiques montrent que la musique entretient des rapports


de type dialectique avec l’environnement socioculturel, et procède à des contraintes
économiques, esthétiques et idéologiques de son temps. Autrement dit, la musique
est dynamique et les facteurs de son dynamisme sont multiples et
multidimensionnels. Aussi, ces facteurs ne sont-ils pas uniquement endogènes (par
rapport à la musique et par rapport à la société), ils sont aussi exogènes. De ce point
de vue, la musique apparait comme un phénomène social. En d’autres termes, elle
est le produit des expériences d’une société à un moment donné de son histoire.

La musique est un instrument à qui chaque société ou chaque civilisation,


compte tenu de ses idéologies (religieuses, culturelles, politique, économique, etc.) a
assigné ou assigne des fonctions spécifiques.

I.1 : LA MUSIQUE UN PHENOMENE SOCIOCULTUREL

La musique est un phénomène social qui comporte deux dimensions. L’une


est objective et l’autre subjective.

I.1.1 : La dimension objective de la musique

La musique est le produit d’une combinaison de sons. Le son lui-même a des


propriétés physiques qui lui sont inhérentes. Ce sont par exemple le timbre, la durée,
la hauteur et l’énergie ou la vélocité. Ces propriétés s’imposent à tous ceux dont les
facultés auditives sont normales. Cette dimension acoustique ou objective du
phénomène sonore ne saurait perçue comme musique si elle ne reçoit la caution des
valeurs culturelles du récepteur.

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I.1.2 : La dimension subjective de la musique

Chaque société, selon son idéologie culturelle, distingue les phénomènes


sonores du phénomène musical et phénomène non musical. L’histoire de
l’ethnomusicologie en est une illustration éloquente. En effet, la musicologie à sa
naissance était considérée comme la science de la musique. Mais à la lecture des
comptes rendus des explorateurs et les missionnaires sur les réalités musicales des
sociétés non européennes et plus tard, à l’audition de ses réalités musicales à la
faveur des enregistrements des folkloristes, les musicologues européens dénient
toute musicalité à ces productions sonores qui créent par la suite l’ethnomusicologie
qui devrait étudier les sonorités bizarres à leurs oreilles, et qui pourtant bénéficiaient
du statut de musique pour les membres des sociétés qui les produisent.

Faut-il donc conclure que les oreilles sont différentes ici et là, puisque les
mêmes musiques sont ressenties différemment ? Ces musiques ayant été perçues à
travers des circuits différents ont acquis des valeurs différentes. C’est pourquoi
Françoise ESCALE affirme que « Chaque culture construit et organise son
matériau musical, lequel devient naturel par acculturation, au point que ce qui
est étranger à son système, le sujet social ne le perçoit pas, ou bien s’il le
perçoit, le refuse »1.

I.1.3 : Culture et socialisation

Notons avec Emile DURKHEIM que toute éducation consiste dans un effort
continu à imposer à l’enfant des manières de voir, de penser, de sentir, d’agir
auxquelles il faut se plier. Apprises et partagées par les membres de la société, les
normes et les valeurs culturelles contribuent à former une communauté particulière
qu’il est possible et même aisé de reconnaitre voire de distinguer les autres
communautés.

Si tout le monde a besoin de la société pour apprécier ou évaluer son niveau


de socialisation, la société a également besoin de ses membres pour pérenniser sa
tradition. En effet, les membres d’une société peuvent par leurs actes aider l’édifice
social (la culture musicale par exemple) à se maintenir, ou l’occasion à favoriser sa
mutation, son évolution ou son anéantissement.

1 Françoise ESCALE, Introduction à la sémantique musicale : Essai de psychologie auditive,

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I.2 : AUX RACINES DES MUSIQUES TRADITIONNELLES

Comme toute civilisation de tradition orale, les peuples africains connaissent


une diversité de musiques, chacune relativement aux us et coutumes et au nombre
des ethnies. Les musiques traditionnelles sont donc les expressions musicales qui
prennent leurs racines dans le sol africain, qui appartiennent aux cultures
précoloniales, préislamiques, préchrétiennes, et venantes du fond des âges, mais qui
s’identifient en tant qu’unités culturelles aux divers groupes ethniques.

D’après les légendes d’Afrique noire, c’est en essayant de communiquer avec


Dieu et le cosmos que l’homme a inventé la parole et la musique. Ainsi, parole et
musique seraient nées des vibrations émanant du magnétisme du corps humain en
percussion avec les peaux d’animaux tendus sur des troncs d’arbres creux et des
calebasses vidées. Ce qui expliquerait l’importance du tambour dans la musique
africaine. La musique devient donc, non seulement une musique participative mais
aussi une musique collective. Malgré les kilomètres de distances et malgré la
diversité des langues et des ethnies, les africains pouvaient communiquer
intelligiblement et instantanément entre eux à l’aide du tambour.

Dans une Afrique précoloniale essentiellement agricole et pastorale, la


musique traditionnelle, à l’image de la société, reste profondément attachée à la terre
et à la collectivité. Véritable ciment social, elle accompagne la population dans toutes
les phases de la vie. C’est pourquoi, dans un contexte particulier de l’africain
traditionnel, on peut définir la musique comme étant l’organisation de son, matériau
brut, en systèmes structurés et codifiés qui parlent et plaisent à l’ensemble de la
société dans laquelle cette structuration a eu lieu ; systèmes qui concernent
directement et intimement l’image du monde et l’expérience vécue de cette société
considérée comme un ensemble homogène, et qui sont acceptés comme tels par
cette société.

Dans cette tradition musicale, ce n’est pas la syntaxe ou la forme ou l’aspect


des mots qui compte. C’est plutôt le contenu magique du son qu’il soit exprimé par la
parole ou par le chant. Par conséquent, si nous cherchons à découvrir les
fondements de la musique africaine traditionnelle, nous devrons tenir compte de
l’attirance des africains pour tout ce qui est ésotérique et occulte, dans la religion
comme dans la magie.

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Hier et aujourd’hui, on voit encore « une Afrique "authentique", une Afrique
profondément émotive, ancré dans les tréfonds de ses rites et mythes millénaires,
assujettie à une symbolique ancestrale qui revendique urbi et orbi sa légitime
intangibilité. Ici, est une Afrique qui, par la chanson et la danse, dit encore son moi
avec une ferveur qui lui vient d’un lointain passé. Bruits, contre chant, rythmes de
tambour fête, épopées, soliloque magique du devin ou du guérisseur, prédilection et
augure chuchotés de l’orale, incantations sacrées…, y partage un même espace de
résonnance acquis des ancêtres par héritage ».

Bien plus, les traditions, ici, tirent encore leur vitalité d’une oralité qui à
l’épreuve du temps a su garantir son souffle primordial. Et c’est à bon droit que
chants, danses, tambour ainsi que les autres arts du spectacle primitif sont toujours
intimement associés à chaque rituel et à toute réjouissance. Ils scandent les cycles
des saisons. Ils célèbrent les ancêtres et les forces de la nature, en somme, la vie,
dans une euphorie toujours partagée et renouvelée. D’autant qu’en Afrique
traditionnelle, le chant crée un spectacle et incarne le souffle vital, alors même la
danse elle, toujours présente et créative, assure l’organisation gestuelle dans un
climat plus spectaculaire. Ce, au moment où les percussions, plus bavards que
jamais, pulsent la vie dans les circonstances diverses de chaque rituel par un jeu qui
est à la fois rythmé et récité.

Dans l’Afrique traditionnelle, la musique est l’affaire de tous, contrairement à


l’individualisme et de l’élitisme des sociétés occidentales. Tout le monde participe et
le rythme devient un moyen de communication et de rassemblement. Ainsi, la
musique nait des motivations réciproques dont les acteurs (musiciens, déclamateurs,
choristes ou danseurs) s’inspirent au milieu des spectateurs groupés en cercle.

La plupart des instruments sont à base de bois auquel on rajoute soit du cuir,
soit des calebasses, des cordes avec souvent quelques rares métaux. Les tambours,
les xylophones, les sanzas, les flûtes et les instruments à cordes (kora et autres
vièles et luth), sans oublier la voix et tout le corps humain, sont des instruments
qu’on retrouve dans toutes les régions d’Afrique. Le tout donne une musique du
village ou la campagne solidement ancrée dans le terroir, ouverte et accessible à
tous les membres de la communauté. La force de cette musique tient d’abord du fait
qu’elle n’est pas dissociée de la vie quotidienne des hommes et de leur

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environnement. C’est une musique fonctionnelle, généreuse, musique d’expression
et de partage.

I.3 : STRUCTURATION DES MUSIQUES TRADITIONNELLES AFRICAINES

En Afrique traditionnelle, il n’y a pas d’œuvre musicale conçue et fixée par


l’écriture, mais un ensemble formel complexe et défini selon les cas, à partir duquel
prend naissance l’œuvre proprement dite du moment où elle se joue. Chaque
musique est une œuvre potentielle dont la structure envisagée dans un cadre
temporel, abstrait est mémorisée. Elle prend corps véritablement lorsqu’elle se
réalise dans le temps concret, lorsqu’elle se joue. Cette réalisation fait appel à ce
qu’il est convenu d’appeler l’improvisation, c'est-à-dire la possibilité d’introduire des
éléments variables qui s’organisent cependant à partir d’un certain nombre de règles
précises, mais qui ne sont pas obtenues dans une œuvre potentielle stricto sensu.
L’improvisation permet ainsi de parfaire l’œuvre potentielle dans sa
manifestation temporelle, de l’ajuster à la complexité de la situation donnée (celle du
ou des musiciens, du public, le lieu, le moment, le contexte religieux ou social, la
danse, etc.) et d’obtenir ainsi l’accomplissement véritable de la musique. Le domaine
auquel s’appliquent l’improvisation et l’importance de son rôle sont très variables
selon le type de musique envisagé. Elle se manifeste au niveau mélodique
(ornementations) à celui du rythme dans l’accompagnement instrumental de la voix,
dans l’organisation des intensités et des timbres.

Comme d’autres éléments de structuration, on peut noter que la musique de


l’Afrique noire, fidèle à la tradition, s’oppose à celle du Maghreb par l’abondance de
ses répétitions des motifs et polyphonie, par la relative brièveté des phrases, par la
grande aptitude à la variation, par l’aisance à entrer dans une construction
polyphonique. Bien que les musiques d’Afrique noire soient variées, et parfois très
différentes les unes des autres, elles partagent néanmoins certains traits communs.
Le premier est l’emploi de la répétition comme principe d’organisation. On peut le
constater aisément dans toutes les aires culturelles d’Afrique du Sud du Sahara. Leur
seconde caractéristique commune importante est l’usage de la polyphonie, et la
polyrythmie, caractérisées par la juxtaposition de plusieurs parties distinctes. Par

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certains aspects, la musique africaine ressemble à une conversation, dans laquelle
se rependent les différentes voix et les parties instrumentales.

On peut encore noter que la quasi-totalité des pièces musicales issues de la tradition
africaine sub-saharienne se caractérisent par une structure cyclique qui engendre de
nombreuses variations improvisées, qui constituent l’un des grands principes
fondamentaux de toutes les musiques africaines.

I.4 : MUSIQUE AFRICAINE ET DYNAMIQUE SOCIO-HISTORIQUE

Plusieurs facteurs expliquent la similitude, la diversité et l’évolution des


traditions musicales. Sans prétendre les indiquer tous et énumérer toutes les
conditions qui ont exercé sur l’évolution des sociétés ainsi que les influences sur les
sociétés africaines, il convient cependant de signaler que toute société se construit
dans un environnement géographique, historique, culturel(religieux et artistique),
politique et économique.

Tous ces facteurs agissent à tout moment directement ou indirectement les


uns sur les autres et constituent des variables dans la dynamique sociohistorique et
culturelle de la société. Cette dynamique peut être endogène, exogène ou les deux à
la fois.

I.2.1 : Facteurs endogènes

L’anthropologie et l’ethnologie classiques avaient une conception immobiliste


de la culture des sociétés non européenne. Or l’histoire et la sociologie moderne
démontrent que la dynamique sociohistorique est un fait naturel et nécessaire à tout
système social. En effet, comme le souligne Raymond ARON, « Au fur et à mesure
de son hominisation, l’homme ne se contente pas de ce que la nature lui offre
d’elle-même. Il se fabrique des outils qui se substituent à la main et même au
cerveau »2.

Aussi, chaque société africaine s’est-elle exercée dans le commerce,


l’industrie légère (tissage, poterie) et la fabrication d’artéfacts3 en bois, or, fer ou
bronze qui désormais constituent l’héritage de l’Afrique moderne. Dans la pratique

2Raymond ARON, cité par Hyacinthe DJOTTOUAN, INSAAC, 2012


3Phénomène présentant des objets d’arts d’origine artificielle ou occidentale rencontré au cours d’une
observation ou d’une expérience.

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des activités commerciales, diplomatiques, militaires et religieuses par exemple, et
par la suite des mouvements de populations des membres de certaines sociétés tels
que les Malinké et les Akan, se rendirent dans les contrées relativement reculées de
leurs pays d’origine), il en résulte des interactions culturelles singulièrement dans le
domaine musical. On note par exemple la présence de type d’instrument identique
ou la diffusion d’idiomes musicaux sur les étendues territoriales relativement vastes.

Exemple : - La kora que l’on rencontre en Mauritanie, au Sénégal, en Guinée,


au Mali, en Côte d’Ivoire en sont une parfaite illustration.

- Les styles musicaux que l’on rencontre au Mali, en Guinée et au


Niger sont aussi des preuves évidentes.

I.2.2 : Facteurs exogènes

L’Afrique du nord est habitée par des sociétés dont les cultures sont très
proches du monde arabe, du proche orient, alors que la portion australe est peuplée
de populations sédentaires émigrées d’Europe. Les traditions musicales pratiquées
par ces sociétés sont non-africaines. Leurs idiomes4 sont si distincts de ceux du
reste de l’Afrique qu’on a tenté de les exclure de la culture musicale indigène. Mais
aujourd’hui, ces idiomes constituent une partie de patrimoine musical africain.

a) Héritage de l’Islam

L’histoire moderne de l’Afrique nous apprend qu’à l’époque précoloniale,


l’aurait entretenu des relations commerciales et diplomatique avec les pays de la
méditerranée, proche orient et aussi avec la chine. Les populations qui eurent des
contacts immédiats et intensifs avec ces pays se situent au Nord et l’Est de l’Afrique.
L’impact des cultures islamiques et arabes sur ces sociétés et celles des savanes est
considérable. La formation des Etats islamiques en est une conséquence. Des
autochtones de ces Etats qui dans certains cas sont des immigrés arabes (dans la
corne de l’Est de l’Afrique et en Mauritanie par exemple) et dans d’autres cas des
leaders africains ayant embrassé la religion musulmane ont cru nécessaire
d’engager des guerres saintes afin de soumettre les populations indigènes, à la
4 Les idiomes sont les instruments de communication linguistiques utilisés par une communauté
(langue, dialecte, patois, etc.).

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juridiction politique islamique (C’est le cas du Nigeria). Des notables de tels Etats
adoptèrent les tributs des sultanats et par conséquent des instruments de musique
arabes qui devinrent plus tard des signes caractéristiques de leur musique de cour.

Si la transplantation de cultures islamiques et arabes sur la culture des


sociétés africaines est considérable, il importe de souligner cependant que ses effets
ont été inégalement ressentis. En effet, alors que les musiques des populations du
Nord du Soudan et du littoral méditerranéen par exemple affichent des traits
musicaux arabes, certains qui se sont convertis à l’islam (les Malinké, les Yoruba...)
n’ont pas abandonné complètement leur musique traditionnelle. Au contraire, ils
continuèrent de la pratiquer avec des traits arabes relativement plus discrets.

b) Héritage de l’Europe

Le contact avec l’Europe instaura à travers le commerce, le christianisme et


l’administration coloniale d’autres formes et systèmes d’acculturation. Ce contact
favorisa l’introduction en Afrique des instruments de musique européens et d’autres
systèmes de valeurs notamment musicales par le biais des églises, des années, des
écoles, des maisons de commerce. L’adoption de certains instruments européens
(guitare, accordéon, trompette) dans nos musiques relève de cette tendance
générale. Toutes ces effervescences furent encouragées, soutenues et privilégiées
par les institutions coloniales telles que l’église, l’école et l’administration.

L’église par exemple adopta des attitudes hostiles envers les instruments de
musique africains, et la musique africaine prétextant qu’ils sont sources de forces
maléfiques, sataniques, démoniaques. En certains endroits, la conversion au
christianisme impliquait non seulement la renonciation à la pratique musicale mais
aussi à son audition. Ainsi, la participation active aux événements musicaux de la
communauté traditionnelle était-elle réprimandée. Au contraire, les missionnaires
s’employèrent à apprendre aux fidèles des cantiques et des hymnes européens.

L’école fut également la scène où la promotion de la culture européenne


singulièrement de musique se fit au détriment de la musique africaine. Les élèves de
l’époque apprenaient à chanter : Nos ancêtres les Gaulois, la Marseillaise, j’ai perdu le
dos de ma clarinette, sur le pont d’Avignon, etc.

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Quant à l’administration coloniale, il faut souligner que les commandants et les
gouverneurs offraient de façon périodique et à la faveur des fêtes légales (8 Mai, 14
Juillet, 11 Novembre) des réceptions comprenant des concerts ou des spectacles de
musiques européennes aux officiers de l’armée française, aux grands commerçants
et aux planteurs européens. Ces réceptions étaient animées par des orchestres, des
fanfares de la police, de la gendarmerie ou de l’armée au sein desquelles se
trouvaient des Noirs et des Africains formés pour ces activités. Avant les
indépendances et après, ce sont ces ensembles qui entretenaient les convives des
administrateurs coloniaux et la clientèle des clubs, des bars et des boites de nuit
fréquentés par les Européens. La transplantation de la musique dans des conditions
que nous venons d’exposer :

- développa des valeurs musicales et même des genres musicaux


syncrétiques inspirés de valeurs et de matériaux à la fois africains et européens

- suscita des créations musicales. Celles-ci apparaissent sous deux formes


au moins : d’une part, la musique des cafés, des bars, des night-clubs qui ont pour
noms la Kwella, la Rumba le Highlife, le Juju-music et d’autre part, la musique
composée (en langue européenne) pour les institutions religieuses, scolaires, etc.

A la faveur des expériences musicales qu’a vécues et vit l’Afrique, des


observations contradictoires sont exprimées. Les unes apprécient et encouragent
ces nouvelles formes musicales qui sont qualifiées de musiques syncrétiques créées
par les communautés urbaines. Elles sont considérées comme une contribution
nouvelle de l’Afrique au patrimoine musical de l’humanité. Les autres les décrient
parce que les concevant comme les vestiges du passé colonial qui doivent être
abandonnés.

En tout état de cause, l’Afrique moderne est en quête d’une identité culturelle.
Aussi, ses églises ont-elles commencé à explorer les ressources de cette musique et
à envisager la possibilité de son utilisation de plus en plus intensive dans les offices
religieux. Il en est de même pour la musique populaire et les musiques d’art qui sont
en train de s’adapter au contexte nouveau des valeurs musicales des sociétés en
mutation.

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I.3 : LES FONCTIONS SOCIALES DE LA MUSIQUE DANS LES SOCIETES
AFRICAINES

La quasi-totalité des musiques traditionnelles africaines répondent avant tout à


des fonctions sociales. Inscrites dans le cycle de l’existence individuelle, familiales et
collective, elles sont une partie organique indispensable de la vie sociale et
religieuse de la communauté. Moyen de communication, intermédiaire indispensable
entre les hommes et les forces surnaturelles qui les entourent, la musique sert à
établir le contact avec les mannes des ancêtres et les génies.

En fait, la musique en Afrique, n’a d’existence que pour servir à autre chose
qu’à elle-même, à des fins particulièrement définies. C’est pourquoi elle est toujours
englobée dans une activité plus vaste, surtout une activité dont elle ne constitue
qu’une partie ; qu’il s’agisse de la célébration de culte, d’un travail exécuté, d’une
cérémonie solennelle, d’une danse de divertissement, d’un divertissement au claire
de lune ou plus simplement encore, de la mère qui calme son enfant en chantant.

A tous les évènements de quelque importance, et même à de nombreuses


circonstances quotidiennes, sont entachées de cérémonies et de manifestations où
la musique organiquement intégrée, tient une place prépondérante. Les
circonstances qui requièrent une action musicale, impliquent tantôt l’ensemble de la
communauté, tantôt seulement un petit groupe ou simplement un individu isolé. On
peut tenter de distinguer deux types de musique ou deux modes d’utilisation de la
musique en Afrique. Ce sont d’une part, les musiques rituelles, cérémonielles,
socialement institutionnalisées, et d’autre part, toutes celles qui (individuelles ou
collectives) ne le sont pas.

Par musique institutionnalisée, il faut entendre celles qui entrent dans une
activité institutionnelle et qui en font obligatoirement partie, sous peine de rendre
impossible l’accomplissement de cette activité, ou de lui faire perdre son efficacité.
Ce sont entre autres les manifestations socioreligieuses, qu’elles soient saisonnières
ou dues à des circonstances particulières. Ces circonstances englobent des thèmes
convergents ci- après.

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- Chansons sur la naissance
- Les berceuses
- Chanson de rondes enfantines
- Chansons de clair de lune
- Chansons de mariage
- Chansons de complaintes
- Chansons de célibat
- Chansons de divertissement
- Chansons sur le divorce
- Chansons funèbres
- Chansons épiques
- Chansons d’initiation
- Chansons d’éducation morale
- Chansons de travail
- Chansons proverbes
- Chansons rituelles
- Chansons pour introniser ou magnifier un roi, un chef ou une autorité politique

Farouchement combattue par la colonisation (au moyen de la religion, de


l’école, etc.), les musiques traditionnelles africaines ont survécu contre vents et
marées grâce à leur enracinement dans les traditions et cultures locales. Elles
continuent d’exister jusqu’à ce jour tout en subissant les affres de l’histoire. Des
observations faites à ce propos, laissent à voir qu’il s’agit d’une musique authentique,
tirée du folklore des différentes tribus de l’arrière-pays. On y garde encore la langue,
les mouvements chorégraphiques, le rituel et les instruments des villages
traditionnels. Ce folklore est utilisé dans les fêtes et les rencontres familiales,
sociopolitiques et culturelles. Cette musique est de rigueur pour l’accueil des
autorités administratives et étrangères. Elle demeure l’œuvre des groupes devenus
semi-professionnels et offrent leurs services selon les circonstances. Les danses
folkloriques, les aires et les rythmes traditionnels y gardent une relative pureté.

Les modes de création, d’exécution, de diffusion et de consommation de la musique


dans la société traditionnelle africaine participent d’une communication horizontale et
démocratique plutôt que verticale et dictatoriale entre l’artiste et son public.

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L’équipement de musique, dont le matériau était fourni par la nature ne pouvait pas
constituer le fondement d’une discrimination sociale qui, si elle avait droit de citer,
répondrait aux besoins et aux prescrits de l’organisation de la communauté acceptés
et intériorisés par tous. La création dans la tradition africaine procédait bien de la
compréhension, mais le caractère communautaire et spontané de l’art africain
s’adapte tout de même à certaines règles déjà prescrites par la société.

CONCLUSION

Nous sommes au terme de ce chapitre intitulé « les fondements historiques et


culturelles de la musique dans les sociétés africaines ». Que faut-il en retenir
essentiellement ? Retenons que la sociabilité de la musique relève de l’idéologie
culturelle du peuple qui l’a créée. Or l’idéologie culturelle évolue avec les
expériences sociales, économiques et historiques que vit une société. Aussi, ces
différences expériences transforment-elles la conduite et la conscience collective.
Notons que l’une des caractéristiques de la société c’est sa continuité.

L’Afrique a depuis toujours pratiqué un ensemble d’expressions liées au


quotidien et à toutes les manifestations, sociales, sacrées, rituelles et cérémonielles
d’une vie en société. Musiques liées au travail, qui marquent les étapes de la vie, de
la naissance, aux funérailles en passant par les phases d’initiation, qui
accompagnent le calendrier saisonnier, ponctuant chasse et pêche. Chants qui font
office de livres d’histoire. Ces valeurs culturelles sont nées du fond des âges et
constituent les fondements historiques d’une musique authentiquement africaine.

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CHAPITRE II : LE MUSICIEN DANS LA SOCIETE
TRADITIONNELLE AFRICAINE

En société traditionnelle africaine, la musique hormis son caractère de


phénomène sonore, repose sur l’appartenance des individus à un même groupe
social, avec toutes les composantes socioculturelles qui la caractérisent. Du coup la
musique un moyen d’expression communautaire et épouse les traits des évènements
liés au cycle de chaque société. La musique est donc fonctionnelle et impose à ses
acteurs l’observation d’un certain nombre de principes pour participer effectivement à
la cohésion sociale que vise à renforcer la pratique musicale. Cette pratique musicale
est assurée par des acteurs et dont les plus significatifs demeurent les musiciens.

Qui est le musicien des sociétés traditionnelles ?


Pour connaitre le musicien africain, nous disons avec Francis Bebey que «le
musicien africain ne cherche pas seulement à combiner les sons de manière agréable à
l’oreille, mais plutôt à exprimer la vie et ses divers aspects au moyen des sons »5. Ceci
dénote donc de l’intérêt que représente l’artiste musicien dans la société
traditionnelle. Le musicien est non seulement le porte-voix de la communauté, mais
aussi celui qui, du fait de son talent, doit aider les membres de sa communauté à
mieux participer à la dynamique sociale. C’est pourquoi ne peut être musicien
traditionnel qui veut. Le respect de certaines étapes conduisant au savoir et à la
pratique musicale s’impose. Condition sine qua non ce facteur reste important dans
le processus de l’acquisition du savoir musical.

II.1 : L’ACQUISITION DU SAVOIR MUSICAL

Tout groupe social soucieux de pérenniser sa tradition ou sa culture met en


œuvre un système de transmission et de diffusion de ses pratiques dans le tissu
social. En Afrique, outre les quelques arrangements institutionnalisés ou formalisés
visant à former des spécialistes dans différents secteurs de la pratique de la
musique, le savoir musical s’acquiert généralement à travers quatre (4) modes. Ce
sont les modes informels, non formels, formels et mystiques.

5
Francis Bebey est cité par Adjitin ASSOUKPOU, INSAAC, 2017

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II.1.1 : Mode informel

Le mode informel d’acquisition de connaissance est une connaissance


acquise sur le tas ou dont la transmission n’est pas organisée et non soumise à des
règles strictes. Le processus étant que le sujet acquiert ses connaissances par
imprégnation ou par imitation.

a) Acquisition de la connaissance par imprégnation

La formation musicale de l’enfant dans nos sociétés dans nos sociétés


traditionnelles commence par des berceuses que la mère chante à son enfant ou par
le fait que la mère elle-même, prend part aux activités musicales publiques du
groupe social avec son enfant au dos. Ces procédés exposent l’enfant à des
connaissances qui s’impriment dans sa conscience sans effort de sa part.

Plus tard, l’enfant, en âge de se tenir debout ou de marcher, prend part lui-même
aux danses. Ensuite, il développe son sens musical en mettant à contribution ses
yeux, ses oreilles et sa mémoire. Lequel sens musical se transforme en expérience
musicale qu’il acquiert avec des compagnons de jeu, en imitant les adultes.

b) Acquisition de la connaissance par imitation

Jusqu’à ce que l’enfant devienne adolescent, il a le temps d’acquérir des qualités


de musiciens à travers les jeux. Ces jeux consistent par exemple, à s’adonner à des
percussions objets usagés sonores (coques de fruits, boites de lait, bidons...), ou à
accompagner par des chants, des camarades jouant le rôle de percussionniste ou
instrumentiste.

En effet, l’enfant, lorsqu’il est en âge de marcher, va de son propre chef ou


encouragé par ces parents, rejoindre ses camarades souvent de la même classe
d’âge, camarades avec lesquels il joue habituellement. Ses derniers et lui s’exercent
sur des jouets (instruments de musique faits de matériels de récupération ou
instrument de leur invention) en imitant les adultes.

Adolescent, le jeune homme ou la jeune fille qui s’est déjà fait repérer, grâce à ces
potentialités musicales, par un ou des adultes, devient l’un des remplaçants
potentiels de musiciens avec qui ils ont en commun la pratique d’un instrument

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spécifique. Dès lors, ce remplaçant potentiel est susceptible de bénéficier d’un
complément de formation non formelle.

II.1.2 : Mode non-formel

Le mode non formel d’acquisition de la connaissance est une connaissance


dont la transmission se fait de façon impromptue (improvisée, sans préparation) ou
circonstancielle.

Dans les sociétés africaines, l’adolescent qui a fait ou fait montre de


potentialités musicales est souvent requis pour remplacer en cas d’indisponibilité, le
titulaire d’une formation musicale avec qui il a en commun la pratique d’un
instrument. Dans ce cas, on confie à cet adolescent l’exécution de rythmes
relativement simples. S’il se trompe, on l’interrompt. Tandis que le morceau de la
musique se poursuit, un musicien l’aide à exécuter exactement sa partition par
exemple, en tapant sur les épaules, le rythme exact jusqu’à ce qu’il assimile. Après
quoi, il rejoint les autres exécutants afin de poursuivre la partie.

Une autre pratique en vigueur dans les sociétés africaines est d’enseigner la
formule rythmique par un système mnémotechnique6, généralement des phrases ou
des syllabes sans signification qui traduisent le rythme.

II.1.3 : Mode formel

L’acquisition de la connaissance ou de la pratique musicale par mode formel est


une connaissance dont la transmission institutionnalisée se fait par un maitre auprès
d’un maitre. IL existe en Afrique des arrangements qui permettent aux membres du
corps social d’acquérir des connaissances ou des expériences musicales ou à des
musiciens spécifiques d’approfondir celles-ci.

Dans le premier cas, lorsqu’une communauté désire apprendre une danse


pratiquée par un village voisin, elle en exprime la demande aux responsables dudit
village. De façon générale une réponse bienveillante lui est réservée par ce que c’est

6
La mnémotechnique est un système dans lequel la mémoire est sollicitée dans ses aspects visuels,
auditifs, auditifs, tactiles, etc. Par conséquent, il faut toutes les facultés pour à la fois écouter,
observer, assimiler, s’imprégner, mémoriser dans le but de reproduire la même chose. C’est à dire
imiter le model. La mémorisation est ainsi l’un des points forts de l’Africain.

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une fierté pour le village de savoir que sa danse est appréciée ailleurs. Dans le cas
de renforcement de capacité, un musicien peut être envoyé auprès d’un illustre
maitre deb vaste réputation ou de grande notoriété dans toute la région.

II.1.3 : Mode mystique

Il faut comprendre acquisition de la connaissance ou de la pratique par mode


mystique, l’ensemble des connaissances et des pratiques supposées être acquises
par une communication intime ou immédiate de l’homme avec un être surnaturel :
mânes, génies, divinités, etc. Il y a des légendes largement pratiqué qui relatent la
façon dont les musiciens célèbres, dans leur localité ont été initiés à leur art :

- en rêve, par un ancêtre ou par un parent déjà décédé ;

- par un génie (par exemple un Bidi-Kobéi des Bété, un Kakatika des baoulé, un
Mandébélé des Sénoufo ou un Assanmangbin des Allandjan) ;

- de façon impromptue : surpris eux-mêmes de savoir jouer d’un instrument


subitement, alors que jamais ils ne l’ont appris.

En dehors de ces quatre modes, d’autres possibilités s’offrent aux impétrants.


On devient musicien par :

- Désignation par les notables : Exemple, dans certaines communautés Akan,


l’orchestre Attoungblan (composé de tambours Klin kpli et Aboma) fait partie du
patrimoine royal ; alors c’est le Roi et ses notables qui désignent les instrumentistes.
C’est aussi l’exemple de l’exécution de six tambours sacrés, emblèmes de la royauté
Tutsi (Rwanda) qui sont exclusivement réservés à des hommes choisis par le Roi.

- Appartenance à un corps de métier : L’appartenance à une catégorie


professionnelle entraine souvent la pratique d’une musique typique dont les acteurs
sont eux-mêmes membres de ce métier. C’est l’exemple des orchestres de
forgerons, de cultivateurs…)

- Appartenance à la famille des musiciens professionnels : Dans ce cas, on a affaire


à des musiciens vivant uniquement de leur art. Ils sont alors membres de familles ou
de castes au sein desquelles l’art musical assez ésotérique se transmet de
génération en génération. Ces musiciens sont communément appelés griots.

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II.2 : LE STATUT DU MUSICIEN

En Afrique, en l’absence de l’écrit, tous les échanges passent par le son. Il est
donc logique que la musique et ceux qui la produisent y aient un rôle
particulièrement important. Dans chaque culture africaine, le statut du musicien est
donc déterminé par l’échelle des valeurs de l’ensemble de la société par les attitudes
à l’égard de la musique. En effet, coexistent deux courants musicaux
complémentaires, soumis à des impératifs stricts concernant les personnes qui
peuvent, doivent ou se voient interdire de pratiquer l’un ou l’autre répertoire vocal ou
instrumental.

La position du musicien valorisé/dévalorisé en fonction des divers critères, est


en général une ambiguïté. Le clivage le plus rependu distingue ceux qui pratiquent la
musique comme « art d’agrément » et ceux qui se font rémunérer pour cela. Dans
les sociétés traditionnelles africaines, cette distinction concerne, non seulement, la
personne même du musicien, mais surtout, le type de musique exécutée, les
circonstances et les lieux où elle est, soit interdite, soit autorisée.

Le musicien, comme tout membre des sociétés africaines, se définit


socialement par le milieu dont il est issu, par son sexe et par son âge. A ce titre, il
peut être :

- musicien occasionnel (amateur peut-on dire)

- musicien semi-professionnel (dans le jargon des ethnomusicologues) : Est ainsi


qualifié, le musicien qui a quelques compétences techniques nécessaires à la
maitrise de certains répertoires. Il est sollicité dans certaines circonstances quoi qu’il
soit fondamentalement cultivateur ou pêcheur ou encore d’autres activités de
solidarité villageoise. C’est une situation largement rependue et que l’on trouve sous
divers climats du Nord et du Sud du continent.

- musicien professionnel : Cela signifie que le musicien n’a aucune autre activité que
la musique pour laquelle il reçoit une rémunération qui est son seul moyen
d’existence. De tels musiciens sont bien itinérants7, comme ceux qui proposent de
chanter des épopées qui peuvent chanter plusieurs nuits. Le professionnalisme à

7
Un musicien itinérant est celui qui se déplace dans l’exercice de ses fonctions.

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part entière atteint son niveau maximal dans les sociétés qui fonctionnent avec un
système de castes8. Pour l’essentiel, nous pouvons étudier quelques castes
spécialisés dans la musique.

 Les griots

En Afrique, l’exemple le plus notaire concernant les musiciens castés est celui
des griots situé dans la société Manding en Afrique de l’ouest. Les griots musiciens
appelés encore Djéli font partie d’un système social très élaboré dans lequel ils
jouent un rôle important de médiateurs. Les griots sont des musiciens professionnels,
détenteurs d’une compétence technique qu’ils se transmettent de génération en
génération et qui concerne aussi bien la facture des instruments et leur technique de
jeu que les techniques vocales.

Certaines familles de griots sont célèbres dans une région englobant plusieurs
Etats (Mali, Guinée, Sénégal…) et sont même connues de manière internationale
grâce à des enregistrements commercialisés. C’est le cas notamment de la famille
Kouyaté.

 Les forgerons musiciens

Les forgerons musiciens qu’on trouve à au Niger, au Soudan, etc., ont un statut
moins complexe, mais cependant comparable à des castes qui ont l’apanage des
instruments spécifiques tels que les tambours en bandoulière. Il y a aussi des
joueurs de clarinette qui sont rémunérés pour service rendu.

Dans le sahel, il en va de même pour des femmes chargées de chanter lors des
rituels de mariage au lendemain de la nuit de noces dans la maison conjugale.

8 Une caste est un groupe social qui se distingue par des privilèges et le rejet de toute personne
n’appartenant pas à son milieu. Héréditaire et endogame, la caste est composée d’individus
partageant un même statut hiérarchique, exerçant généralement une activité professionnelle
commune.

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 LE MUSICIEN SELON L’AGE ET LE SEXE

En Afrique subsaharienne, la répartition des actes de musique, tout en étant


moins tranchée, réserve fréquemment une priorité aux femmes pour les chants,
tandis que les hommes disposent d’un accès plus ou moins ouvert au jeu des
instruments. D’ailleurs sur l’ensemble du continent africain, on peut observer que la
répartition des actes de musique ainsi que l’usage des instruments est d’une rigidité
extrême.

En ce qui concerne la répartition en fonction de l’âge des musiciens, la diversité


est grande. Dans de nombreuses sociétés, les interdits qui frappent les enfants
quant aux possibilités d’utiliser les instruments réservés aux adultes, sont
fréquemment levés à l’occasion des rites de passages. Ces passages sont souvent
marqués par des rituels publics plus socialisés pour les garçons que pour les filles.
Ainsi, il n’est pas rare que de jeunes filles participent aux danses en chantant et en
frappant les mains avec leurs ainées (femmes adultes), alors que les garçons
(adolescents) se voient interdits du jeu de certains instruments tant qu’ils n’ont pas
subi rituellement le cérémonial qui leur donne accès aux activités des adultes.

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CONCLUSION

En examinant tous les aspects de la vie musicale dans les sociétés


traditionnelles africaines, on arrive à une déduction évidente : s’il est vrai qu’en
Afrique chacun peut prétendre être musicien, parce que baignant dans un
environnement musical depuis le berceau et, s’il est vrai que n’importe qui peut
prétendre et pratiquer la musique, il n’est pas aussi faux d’affirmer que dans nos
sociétés, n’est pas musicien qui veut.

La musique est l’expression de la vie dans ses multiples facettes et sa


pratique sa pratique suppose l’observation d’un certain nombre de principes sans
lesquels aucun musicien ne peut être digne de foi. C’est pourquoi le savoir musical
requiert des canaux spécifiques de transmission basés sur des modes d’acquisition.

Le musicien lui-même, son statut se mesure à sa capacité de faire siennes


toutes les vertus nécessaires à la réalisation de la cohésion sociale. D’une part, cette
capacité est intrinsèque parce que le musicien acquis le savoir par simple
prédisposition naturelle mais à partir des imprégnations et des imitations. D’autre
part, cette capacité est extrinsèque parce que le musicien acquis le savoir non
seulement par la formation (désignation ou appartenant à une famille de musiciens),
mais aussi dans le cas d’un système de société à caste ou encore selon l’âge le
sexe.

L’environnement social dans lequel vit l’Afrique depuis la colonisation est en


constante évolution. C’est pourquoi ces canaux traditionnels de transmission du
savoir sont devenus obsolètes relativement aux exigences de l’époque
contemporaine, aux conditions et aux modes des sociétés actuelles.

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RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE

1- ASSOUKPOU Adjitin, la musique, la danse et l’art : Dieu en parle, Abidjan,


éditions CEP, 2007, 112 P.
2- DAGRI Paul, Comprendre la musique africaine, Abidjan, NEI/CEDA, 2014, 178
pages.

3- GREEN Anne-Marie, De la musique en sociologie, Paris, Harmattan, 2009, 255P.

4- KOFFI Gbaklia, l’éducation musicale en Côte d’Ivoire, Paris, Harmattan, 2008,


202 P.

5- PREVOST Liliane et de COURTILLES Isabelle, Les racines des musiques noires,


Paris, l’Harmattan, 2008, 306 pages.
6- WONDJI Christophe (sous la direction de) la chanson populaire en CI, présence
Africaine, Paris, 1986, 342 p.
7-TCHEBWA Manda Antoine, l’Afrique en musique, tome 4 : contexte urbain, Paris,
l’Harmattan, 344 pages.

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