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MANAGEMENT DU SPORT
RAPPORT D’ÉTAPE
Rendu le : 16/01/2022
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Introduction
Après avoir joué pendant trois saisons en Élite 1, au plus haut-niveau national de rugby féminin,
j’ai pu expérimenter les disparités d’un championnat à « deux vitesses ». L’hétérogénéité des
moyens entre des clubs de haut de tableau et de bas de tableau rendait la compétition parfois
inégale. Aujourd’hui en alternance dans un club, qui malgré sa relégation en 2ème division, a
entamé une restructuration et prétend à revenir parmi les meilleurs, je m’interroge d’autant plus sur
les perspectives futures du rugby féminin.
Ce mémoire s’insère dans le projet STRADEOS de M. Caballero qui s’intéresse aux stratégies de
développement du sport féminin dans les organisations sportives. Le projet cherche à analyser les
représentations du sport féminin, les défis que les femmes rencontrent dans le sport et leur impact
sur la prospective du sport féminin et le développement de ce dernier. En effet, dans un champ
construit historiquement sur l’exclusion, le sport féminin s’est institutionnalisé à partir de la
confrontation aux discours oscillant entre la prescription et la proscription de la mise en mouvement
du corps féminin. En ce sens, le management des organisations sportives évolue dans un contexte
spatio-temporel en transformation constante.
La professionnalisation du sport féminin est une thématique qui a gagné en importance dans les
recherches scientifiques des dernières années sur le sport féminin (Cuny, 2021). Cependant, la
littérature spécifique au rugby féminin reste peu étoffée voire quasi inexistante quand on s’intéresse
à la thématique de la professionnalisation. Alors que d’autres sports comme le football ont entamé
leur mue vers le statut professionnel, qu’en est-il du rugby féminin ? Alors que le nombre de
pratiquantes (Les licenciés en hausse de +4,73%, 2020) tout comme la médiatisation de ce sport ne
cessent de croître, des contrats avec la fédération ont vu le jour ces dernières années. En Angleterre,
le championnat de première division est maintenant professionnel. S’il veut rester compétitif, il
semble donc que le rugby féminin français doive suivre le mouvement en cours.
En résumé, alors qu’un championnat d’Élite 1 compétitif apparaît rencontrer des difficultés à se
mettre réellement en place, des joueuses ont commencé à obtenir des contrats professionnels ces
dernières années. C’est à partir de ces deux constats que j’ai choisi d’étudier la professionnalisation
du rugby féminin. Quels sont donc les enjeux de la professionnalisation du rugby féminin ? Peut-on
retrouver des problématiques communes avec le sport féminin en général ? La professionnalisation
du rugby féminin peut-elle suivre le modèle de la professionnalisation du rugby masculin ?
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Revue de littérature
I. La notion de professionnalisation
La professionnalisation est liée à des enjeux sociaux. Elle promeut le modèle de l’individu
autonome, acteur de sa vie et efficace (Wittorski, 2018) ce qui donne de la valeur à ce terme dans la
société actuelle (Wittorski, 2010 ; Bourdoncle, 2000). Trois espaces sont concernés par le processus
de professionnalisation : l’espace social, celui du travail et celui de la formation (Wittorski, 2008).
En effet, selon R.Wittorski (2018, 2010 et 2008), la professionnalisation prend trois sens :
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- « la professionnalisation comme « mise en mouvement » des individus dans les contextes de
travail flexibles » : en d’autres termes, l’acquisition permanente de nouvelles compétences pour
gagner en efficacité dans un travail en constante évolution (Wittorski, 2018, 2010 et 2008).
L’organisation recherche ces compétences individuelles et les mobilise. Ainsi, de nouvelles
exigences envers les salariés émergent régulièrement. Alors que le contrôle de l’organisation
s’accentue, cette dernière cherche à développer une culture d’organisation, et cela se fait au
détriment des identités professionnelles (Wittorski, 2008).
Néanmoins, un terrain d’entente peu être trouvé. La professionnalisation permet de lier le micro
et le macro, l’approche par les individus et l’approche par les organisations :
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d’être caractérisées vis-à-vis des tiers (Wittorski, 2018). On peut donc dire que selon R.Wittorski, la
notion de compétences est centrale pour les trois sujets et acteurs de la professionnalisation qu’il
identifie.
- professionnalisation du groupe exerçant l’activité : cela passe notamment par la création d’une
association professionnelle nationale et par la rédaction et le respect d’un code d ‘éthique de la
profession. Ce processus permet au groupe d’avoir un meilleur statut social, plus d’autonomie et par
là même, d’augmenter ses revenus.
- professionnalisation des savoirs : plus spécifiques, efficaces et divers, ils sont aussi rationalisés
et exprimés en termes de compétences. Le savoir serait la connaissance pure. La compétence relie
cette connaissance à l’action requise par l’activité professionnelle.
- la professionnalisation des personnes exerçant l’activité : ces dernières acquièrent des savoirs et
des compétences. La dynamique de socialisation professionnelle fait que l’individu adopte les codes
de sa profession au cours de la construction de son identité professionnelle.
- les sportifs de haut niveau qui bénéficient de cette reconnaissance par le ministère des sports.
- les sportifs travailleurs amateurs, engagés dans des compétitions nationales mais sans
reconnaissance de cet investissement pour la performance. Cette dernière catégorie a tendance à
réduire voire à disparaître.
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S’y l’on s’attache à l’engagement du sportif pour ses performances, il est donc possible d’affirmer
qu’un sportif peut-être inscrit dans processus de professionnalisation avant même d’être rétribué.
De plus, il existe une diversité des situations et même des conditions d’emploi dans les associations
sportives (Fleuriel et Schotté, 2016). Des pratiques ont lieu hors du droit du travail et des
règlements sportifs. Ainsi, il existe ce que certains appellent l’« amateurisme marron » (Fleuriel et
Schotté, 2016). Le club n’est pas professionnel mais paie les sportifs sous couvert de défraiements.
« Plus le sport ou l’athlète est professionnalisé et plus son entourage est fourni. S’il en
est ainsi c’est que la production de la performance est de plus en plus exigeante. »
(Barbusse, 2006, p.110)
La place du management croît donc avec l’apparition d’exigences toujours plus fortes. Il existe
deux niveaux de management, interdépendants. Le macromanagement s’intéresse à l’organisation
dans son ensemble tandis que le micromanagement ou management de proximité se concentre sur
les ressources humaines (Barbusse, 2006).
En fait, la gestion d’un club de sport, comme une entreprise (Barbusse, 2006), nécessite de fixer
des objectifs et de se donner le moyens de les réaliser (Andreff et Nys, 2002). Ces objectifs sont
sportifs, humains (compétences) et financiers et sont interdépendants et se conditionnent les uns les
autres. La réalisation d’un objectif sportif implique des moyens humains et financiers, et
inversement le manque de moyens est un frein au succès d’un projet sportif. Ainsi, on observe des
corrélations entre budget et place dans le classement, la hiérarchie financière joue sur la hiérarchie
sportive (Andreff et Nys, 2002). Bénévoles, dirigeants, salariés, fournisseurs, spectateurs,
entraîneurs, sportifs, tous font partie donc de l’écosystème de la performance (Andreff et Nys,
2002).
Depuis 1984, en France, au-delà d’un seuil de revenus générés par des manifestations sportives
payantes mais aussi de rémunérations de sportifs, un club a l’obligation de constituer une société
commerciale (Andreff et Nys, 2002). La professionnalisation d’une structure n’est pas sans
conséquences. Le club professionnel est semblable à une entreprise. Il a des charges sociales, des
salaires à verser. Il a gère aussi les hébergements, les déplacements, la sécurité, les contrôle ou
encore la communication (Andreff et Nys, 2002). Le modèle du sport professionnel reste précaire
(Andreff et Nys, 2002). Ainsi, c’est par crainte des dérives du professionnalisme que le rugby est
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longtemps resté amateur (Fabre, 2007). Le rugby français a été professionnalisé en 1995 et ce n’est
qu’en 1998 que la Ligue nationale de rugby (LNR) a vu le jour. Une gestion saine et avisée, menée
par des dirigeants compétents s’avère indispensable (Andreff et Nys, 2002). Les Ligues
professionnelles gèrent de nombreux sports professionnels à l’échelle nationale (Barbusse, 2006).
Les clubs sont des acteurs qui doivent savoir manager des statuts hétérogènes de sportifs et
sportives. On retrouve ici l’importance de la formation comme R.Wittorski et R.Bourdoncle l’ont
montré, de conserver des valeurs et d’instaurer de bonnes conditions grâce à un management intégré
et responsable. La formation des sportifs à leurs droits et devoirs et à l’importance de leur
reconversion s’avère aussi indispensable. C’est là que les syndicats prennent toute leur place dans
l’accompagnement des athlètes (Andreff et Ny, 2002 ; Bourdoncle, 2000).
Les sociétés ne sont pas les seules organisation sportives à requérir une bonne gestion. Les
associations font elles aussi face à de nouvelles exigences et à une complexification des tâches.
Ainsi, Denis Bernadeau (2018) affirme qu’un « bénévolat de compétences » a vu le jour. Dans un
contexte de baisse des aides publiques et de concurrence avec l’offre privée marchande, le milieu
associatif rechercher à augmenter et diversifier ses financements pour gagner en autonomie. La
rationalisation de la gestion interroge sur la place du projet associatif historique et de sont rôle
d’utilité sociale (Bernardeau, 2018). La simple motivation du bénévolat – du latin benevolus
« bonne volonté » – ne semble plus suffire. De réelles compétences cognitives, techniques et
sociales sont maintenant requises. Tandis que les amateurs laissent place aux spécialistes, l’activité
non rémunérée se rapproche de plus en plus du travail salarial (Bernardeau, 2018). Il est donc
possible de parler d’une tendance à la professionnalisation des associations (Bernardeau, 2018).
Comme l’expose Anne Saouter (2020), dans notre société le sportif est pris en exemple alors que
son corps est idéalisé. Le corps est vu comme un outil à maîtriser pour atteindre la meilleure
performance possible, mais aussi des objectifs de bien-être et de bonne santé et de jeunesse sinon
éternelle, au moins la plus longue possible. Cependant, historiquement, les restrictions pour les
femmes pour les femmes en matière d’effort physique sont bien plus fréquentes que la valorisation
de cet effort et du corps sportif. Ainsi, une censure des corps et la suprématie du masculin est
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instaurée : le sport féminin est vu comme « contre-nature » (Saouter, 2020, p.107). Le sport
confirme et renforce les normes présentes dans la société (Mennesson, 2007). Il consacre le pouvoir
et la domination masculine des hommes en opposition aux femmes. L’homme sportif, détenteur de
force et d’adresse, exprime une forme de violence physique ce qui participe de la construction de sa
virilité (Mennesson, 2007). La persistance de mythes sociaux sur les capacités des femmes a donc
rendu difficile leur accès au sport (O’Hanley, 1998). Selon des mythes sociaux bien instaurés,
l’activité sportive pratiquée de manière intensive pourrait :
- diminuer la féminité
Les femmes seraient aussi plus sujettes aux blessures en raison d’os plus fragiles (O’Hanley, 1998).
Pour toutes ces raisons, dès l’Antiquité, l’activité physique intense fût déconseillée aux femmes
(Saouter, 2020). Quand au milieu du XIXème siècle, le sport pour les femmes commença à se
développer timidement, c’était avec un objectif de santé, pour préparer une maternité future.
L’intensité des efforts physiques était là encore déconseillée. Les femmes furent donc longtemps
tenues éloignées des compétitions. Celles qui osaient enfreindre les règles sociales déterminées par
le masculin étaient marginalisées (Saouter, 2020).
Les frontières entre les sports traditionnellement féminins ou masculins sont aussi plus poreuses
(Saouter, 2020).
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« Quant à l’image publicitaire, ce n’est pas toujours le corps de la sportive qui est
valorisé, mais celui de la femme qu’elle a su rester. » (Saouter, 2020)
L’affaire Caster Semenya confirme la persistance de la domination masculine. Les performances qui
se rapprochent trop des performances des hommes sont jugées douteuses et remises en question
sous prétexte d’égalité de la compétition entre les femmes (Saouter, 2020).
Les sportives font face à la suprématie masculine dans le sport et intègrent les comportements
que les hommes prêtent au genre féminin. Elles font face à une contradiction entre les exigences de
leur sport et celles des normes sociales (Mennesson, 2007). Ainsi, pour les sportives de sport dits
masculins, il s’agit d’affirmer leur féminité par des comportements dits féminins, notamment en
termes d’apparence du corps. Cette demande de marque du genre féminin est faite par les
institutions elles-mêmes, largement dominées par les hommes (Mennesson, 2007). L’activité
professionnelle augmente la dépendance vis-à-vis des fédérations et aux politiques identitaires de
ces dernières (Mennesson, 2007). Il n’est donc pas évident pour les sportives professionnelles de se
détacher de l’image de genre. On retrouve les mêmes ambivalences chez les dirigeantes :
En effet, on prête aux femmes une trop grande sensibilité émotionnelle se qui les empêcherait
d’exercer des fonctions de direction. Elles sont pourtant reconnues pour leurs compétences, leur
humanité et leur pragmatisme. Le domaine d’action des femmes dirigeantes est donc délimité et
restreint tandis que le pouvoir est conservé par les hommes (Mennesson, 2007). Ainsi, alors que le
taux de pratique des femmes c’est rapproché de celui des hommes, peu de femmes exercent des
fonctions de direction dans les instances sportives. L’intériorisation des normes entraîne aussi une
auto-exclusion (Mennesson, 2007). Il s’agit de transformer les représentations des qualités et des
aptitudes des femmes et des hommes.
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Par ailleurs, les comparaisons avec les hommes sont inévitables. Les femmes qui pratiquent des
sports traditionnellement réservés aux hommes, comme le rugby sont vues comme masculine,
homosexuelles, manquant de féminité (O’Hanley, 1998). Ce sont en quelque sorte des femmes
incomplètes, inaccomplies. En effet, au travers du prisme de la représentation sexuée des sports, le
rugby est un sport masculin (Joncheray, Level et Richard, 2016). Il est tout particulièrement vu
comme viril du fait de l’affrontement physique présent. Les pratiquantes de ce sport, plus que les
autres sportives, font régulièrement face à une forme de marginalisation et à un manque de
reconnaissance. Elles sont aussi sujettes à des accusations d’homosexualité. Comme si une femme
qui pratiquait un sport masculin, ne pouvait pas être une femme normale telle que l’entend la
société, c’est-à-dire féminine et hétérosexuelle. Dans ce sport dit masculin où les règles sont les
mêmes pour les hommes comme pour les femmes, les contradictions sont fortes. Il s’agit pour les
pratiquantes d’à la fois répondre aux exigences sociales de féminité et d’être reconnues pour comme
athlètes de haut-niveau et pour leurs performances (Joncheray, Level et Richard, 2016). En soi, la
pratique d’une telle activité est transgressive (Joncheray, Level et Richard, 2016). Néanmoins, les
joueuses ne se positionnent pas en féministes, représentantes des luttes des femmes et de la
nécessité de renverser l’ordre de genre établi. Certaines revendiquent même leur féminité et
intériorisent les normes sociales de leur genre. D’autres considèrent que le genre peut être une
notion interne, ressentie par la personne qui ne nécessite pas une expression particulière. Toutes ont
été confrontées à des questionnements relatifs aux notions de genre (Joncheray, Level et Richard,
2016). Les transgressions des joueuses de rugby sont moins tolérées que pour les hommes et leur
légitimité sportive est plus facilement remise en question (Le Hénaff et Fuchs, 2014). Le crédit du
groupe est très important. On retrouve donc des pratiques d’autocontrôle et de contrôle du groupe
par le biais de conseils pour éviter tout scandale qui pourrait discréditer le groupe et donc ses
performance set sa légitimité (Le Hénaff et Fuchs, 2014). Ainsi, hors de « l’entre-soi »,
l’homosexualité est tue (Le Hénaff et Fuchs, 2014). De même, la sexualité avec d’autres rugbymens
est réservée aux relations sérieuses pour celles qui veulent éviter toute mauvaise réputation (Le
Hénaff et Fuchs, 2014).
Dès les années 1920, dans la lignée de l’émergence d’une gestion autonome du sport féminin
français par les femmes, un jeu de balle collectif proche du rugby apparaît : la barrette. Le
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mouvement, la course et les passes sont privilégiées en opposition à l’affrontement physique qui est
une caractéristique essentielle du rugby. « Ainsi, sans dénaturer les belles qualités féminines, le jeu
développe des qualités et des valeurs identiques. » (Vincent, 2020) Contrairement au rugby
masculin historiquement plus implanté le Sud de la France, la barrette voit la réussite d’une équipe
nordiste (Lille). Mais la pratique disparaît à la fin des années 1920 en raison des obstacles
rencontrés (risques pour la maternité, obligation esthétiques, caractère viril du rugby). Les femmes
sont alors reléguées dans les tribunes des matchs masculins (Vincent, 2020).
La pratique féminine fait son retour dans les années 1960. Cette fois, on retrouve les mêmes
règles que dans le rugby masculin fédéral. Toutefois, ces pratiques restent informelles, hors du cadre
fédéral. En 1969, l’Association Française de Rugby Féminin (AFRF) voit le jour mais les pouvoirs
publics loin de soutenir cette pratique la condamnent à leur tour. Néanmoins, les joueuses persistent
et le premier championnat est organisé lors de la saison 1971-1972. Progressivement, la pratique est
reconnue. En 1988, la FFR, en recherche de licenciés, intègre enfin définitivement la pratique dans
son institution (Vincent, 2020). Un fois encore, il est possible de relever les divergences de
représentations. La FFR a pour objectif d’augmenter le nombre de licenciés, pas nécessairement de
d’accompagner les pratiquantes afin qu’elles réalisent des performances. Et dans les faits, malgré
l’institutionnalisation de la pratique, la femme est plus souvent remarquée pour ses compétences de
bénévole, « maternelles » et de gestion, que pour son statut de joueuse (Vincent, 2020).
On observe une féminisation de la pratique dans un sport à traditions masculines (Vincent, 2020)
et une médiatisation « timide » (Le Hénaff et Fuchs, 2014). Les joueuses, contrairement à leurs
homologues masculins, sont souvent arrivées tardivement dans l’activité (Le Hénaff et Fuchs,
2014). Le rugby féminin est donc marqué par une hétérogénéité des pratiquantes et de leurs
socialisation sportive. Dans ce contexte, tout l’enjeu est de les former sur le long terme tout en
obtenant des résultats à court terme (Vincent, 2020). Dans cet objectif de performance, il apparaît
indispensable d’avoir une structure qui fédère des compétences administratives, sportives et
médicales pour accueillir et accompagner l’investissement et le développement des joueuses. Le
recrutement est aussi une problématique essentielle, dans des effectifs qui peuvent manquer de
joueuses avec l’expérience du niveau national voire international (Vincent, 2020).
Cependant, le joueuses de rugby ont du mal à être accompagnées dans leur projet sportif :
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« Dans le club que nous étudions, sections féminine et masculine se côtoient. Et si la
première dispose d’un meilleur niveau, relativement à la division dans laquelle elle
évolue, sa considération est moindre. Tout en notant une amélioration, ces joueuses
s’estiment traitées partialement par l’équipe dirigeante. Elles connaissent ainsi des
difficultés matérielles (jeu de maillots emprunté à l’équipe cadette), logistiques (non
organisation des déplacements et des festivités) ou bien encore d’encadrement (manque
d’entraîneur). Ces femmes sont en outre sous-représentées dans les instances
administratrices, et les rares postes qu’elles occupent sont généralement dédiés à
l’encadrement des plus jeunes. Cette tendance est d’ailleurs largement observable dans
la plupart des clubs où les hommes sont généralement investis de l’entraînement des
équipes de femmes, capitalisant sur leur supposée meilleure connaissance technico-
tactique mais également sur leur capacité à maîtriser un groupe que certaines joueuses
elles mêmes qualifient parfois de « difficile à gérer, ça part dans tous les sens les
équipes de filles, c’est pire que les ados » (Pauline, employée de mairie, 5 ans de rugby,
28 ans). » (Le Hénaff et Fuchs, 2014, p. 146).
A haut-niveau aussi, les joueuses de rugby ont rencontré des résistances pour être reconnues.
(Vincent et Liotard, 2007). En 1991, la première Coupe du monde féminine est organisée par la
Womens Rugby Football Union, indépendamment de l’International Rugby Board qui gère
traditionnellement l’organisation des compétitions internationales masculines. Les Françaises
obtiennent la troisième place au deux premières coupe du monde mais devront attendre la troisième
en 1998 pour qu’un réel projet sportif des joueuses vers le haut-niveau voit le jour (Vincent et
Liotard, s.d). En effet, dans la perspective de la Coupe du Monde 2002, on observe une
structuration du championnat national afin de garantir la meilleure préparation possible aux
joueuses de l’équipe de France. A la même période, lors de la saison 1997/1998, la Coupe du monde
de rugby féminin est reconnu par l’IRB et professionnalise son organisation. En France, l’équipe
nationale se structure aussi (Vincent et Liotard, 2007). En témoigne la nomination de Jacky Bonieu-
Devaluez en tant qu’entraîneur national chargé du développement du rugby féminin. En 2000,
quelques joueuses obtiennent le statut de haut-niveau donné par le Ministère de la Jeunesse et des
Sports. Enfin, le mondial 2006 est un nouveau tournant. Les joueuses obtiennent des primes mais
c’est aussi l’avènement des gros gabarits dans des nations comme l’Angleterre ou encore la
Nouvelle-Zélande (Vincent et Liotard, 2007). La nécessité de développer le rugby féminin et sa
filière haut-niveau s’impose alors. Une ambiguïté persiste cependant entre la recherche de
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performance, la nécessaire préparation physique et le refus de trop modifier les corps ce qui les
rendrait virils (Vincent et Liotard, 2007). En France, on cherche donc à développer d’autres qualités
que celles des joueuses de l’hémisphère sud ou des Anglaises. Il s’agit de préserver la féminité des
joueuses (Vincent et Liotard, 2007).
Aujourd’hui, l’enjeu principal du rugby féminin est d’avoir un vivier de pratiquantes suffisant et
de le conserver (Vincent et Liotard, 2007).En effet, un lien existe entre le haut-niveau et le taux de
pratiquants : « les clubs de haut niveau sont localisés dans les zones de forte implantation
rugbystique et inversement » (Ravenel, 2004, p.1). Cela s’explique notamment par la possibilité
d’avoir des confrontations plus proches de du club, quand ce dernier est situé dans une zone avec
des clubs du même niveau. La distance et les coûts des trajets en élite ont un impact sur la
pérennité financière d’un club (Ravenel, 2004). Plus question du pourcentage du budget alloué au
transport est faible, plus d’autres actions de développement peuvent être mises en place. Le système
scolaire ou encore la création de clubs de rugby exclusivement féminins sont des solutions pour
surmonter les obstacles à l’engagement des femmes (O’Hanley, 1998). Par ailleurs, l’accès des
femmes aux fonctions dirigeantes est un autre enjeu. Cela leur permettrait de faire valoir leur droit à
l’équité des ressources dans les clubs (O’Hanley, 1998).
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Problématique
Sur le plan théorique, le projet STRADEOS vise à comprendre les enjeux théoriques et
scientifiques pour un développement stratégique du sport féminin depuis une perspective
multidisciplinaire. Sur le plan pratique et stratégique, cette recherche vise donc à comprendre et
analyser les logiques de l’inégalité et les formes de vulnérabilité liées aux transformations actuelles
ou futures du sport féminin avec l’objectif d’impulser et développer des dynamiques inclusives,
susceptibles de modifier en profondeur la relation des sujets à leur environnement organisationnel,
social et sociétal. Pour ce faire notre travail de recherche est centré sur l'analyse des représentations
des acteurs influant le développement stratégique du sport féminin en mettant l’accent sur les
définitions du corps féminin, la pratique physique féminine et les enjeux organisationnels pour
l’avenir d’un sport égalitaire. Le défi est donc de comprendre les mécanismes qui pourront aider à
la mutation des institutions sportives vers une plus grande inclusion des femmes dans le sport. Le
genre sera utilisé comme catégorie d’analyse. L’identité de genre met en exergue le processus de
construction sociale alors que le sexe soutient le déterminisme biologique. Des rôles et attributs dits
féminins ou masculins résultent de représentations (Joncheray, Level et Richard, 2016).
Pour ce mémoire, il s’agira de comprendre les transformations en cours dans le rugby féminin et
d’identifier les enjeux organisationnels d’une professionnalisation de ce sport. Il faudra aussi
analyser les défis et stratégies propres au sport féminin notamment en raison de la persistance de
représentations sur le sport féminin et le rugby féminin. L’objectif sera de répondre à la
problématique suivante : Quel est donc l’impact des représentations des acteurs du rugby féminin
sur la professionnalisation de ce sport ?
- Des stéréotypes persistent : « on n’aime pas voir des femmes jouer au rugby »
- Le rugby féminin en Élite n’est pas encore considéré comme un sport de haut-niveau
Hypothèse 2 : La place secondaire donnée au rugby féminin par rapport au rugby masculin
freine la pleine exploitation du vivier de joueuses potentielles
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- L’institution fédérale ne s’engage pas pleinement dans le développement du rugby féminin sur
le territoire .
- Les clubs doivent mettre en place des stratégies de coopération pour le développement de la
pratique
- Il faut promouvoir des stratégies d’accompagnement des joueuses dans leur double projet pour
les maintenir dans la pratique.
Hypothèse 3 : La diversité des visions des dirigeants est à l’origine de différentes dynamiques de
professionnalisation du rugby féminin
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Méthode
. Population cible
L'année dernière, le groupe STRADEOS a travaillé autour des représentations des dirigeant-e-s
sportifs-ves. Cette année, ce sujet sera approfondi avec le développement de l’échantillonnage
(population élargie aux sportifs-ves et/ou autres). Plus particulièrement, je m’intéresserais aux
acteurs des Ligues régionales de rugby et des clubs de rugby féminin français d’Elite 1 et d’Elite 2
(sportives, encadrants et dirigeants).
. Instruments prévus
Il s’agira d’utiliser la méthodologie quantitative via un questionnaire avec des échelles. Ce
questionnaire pourra être complété par quelques entretiens. Il sera aussi envisageable de lire et
d’analyser les articles de presse, afin de compléter la revue de littérature qui ne comprend pas de
littérature scientifique propre à la professionnalisation du rugby féminin.
Le questionnaire pourra être diffusé via les réseaux sociaux, les mails de clubs et des Ligues, le
média Rugby au féminin ou encore le syndicat des joueurs et joueuses de rugby, Provale.
. Analyses prévues
Il s’agira d’analyser les représentations des acteurs du monde du rugby féminin. Plus
particulièrement, je m’intéresserai à comparer la Normandie (club normand en Élite 2, qui peut
viser la montée en Élite 1 la saison prochaine), les Hauts de France (seule région du « Nord » qui
possède encore un club en Élite 1, mais qui risque de descendre en Élite 2 la saison prochaine) et les
autres régions notamment Ile de France et celles situées au Sud de la Loire, historiquement et
culturellement plus imprégnées de rugby (Ravenel, 2004).
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Chronogramme
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Bibliographie
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Le collectif qui s’engage pour l’égalité des femmes et des hommes dans le sport. - Sur les traces
d’Alice Milliat. (2019, 3 avril). Egal Sport. http://www.egalsport.com/l-œil-d-egal-sport/l-œil-d-
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Ledru, P.-A. (2018, 14 décembre). Le sport féminin peut-il devenir professionnel ? SPORTMAG.
https://www.sportmag.fr/le-sport-feminin-peut-il-devenir-professionnel%e2%80%89/,
https://www.sportmag.fr/le-sport-feminin-peut-il-devenir-professionnel /
Les chiffres clés du sport 2020 - INJEP - Collectif. (2020). INJEP. https://injep.fr/publication/les-
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