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Jean BRUNETON

professeur des Universités

Pharmacognosie
Phytochimie
Plantes médicinales
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4 e édition
revue et augmentée

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Tee & Doc
Il, rue Lavoisier
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internationales
Allée de la Croix Bossée
75008 Paris _L.;;,A,;~ inter 94234 Cachan cedex
Chez le même éditeur
Botanique systématique et appliquée des plantes à fleurs
M. Botineau, 2009
Plantes à risques
D. Frohne, H.J. Pfandër, R. Anton, 2009
Actifs et additifs en cosmétologie
M.-C. Martini, M. Seiller, coord. 3e édition, 2006
Plantes toxiques - Végétaux dangereux pour l'Homme et les animaux
J. Bruneton, 3e édition, 2005
Toxicologie
A. Viala, 2e édition, 2005
Le préparateur en pharmacie: 8 dossiers inséparables
J.-M. Gzengel, A.-M. Orecchioni, coord., 2004
Plantes thérapeutiques
M. Wichtl, R. Anton, 2e édition, 2003
Botanique - Traité fondamental
U. Lüttge, M. Kluge, G. Bauer, 3e édition, 2002
L'assurance-qualité dans les laboratoires agroalimentaires et
pharmaceutiques
M. Feinberg, coord. 2e édition, 2001

DANGER
LE
PHOTOCOPILLAGE
TUE LE LIVRE

© LAVOISIER, 2009
ISBN: 978-2-7430-1188-8 (4e édition, 2009)
ISBN: 2-7430-0315-4 (3e édition, 1999)
ISBN: 2-85206-911-3 (2e édition, 1993)
ISBN: 2-85206-405-7 (l re édition, 1987)

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Pour Élise et Valentine,
qui rêvent d'un monde plein defleurs
Illustrations. Les illustrations de cet ouvrage ont été réalisées par Annie BRUNETON, d'après
les auteurs suivants:

BERG, D.C. et SCHMIDT, C.F. (1893-1902). Atlas der officinellen Pflallzen, 4 volumes, Verlag von Arthur Felix,
Leipzig: p.22,58,80,90, 104, 126, 150, 158,210,266,278,298,312,332,348,376,422,464,498,510,
516,532,554,568,582,598,616,630,642,658,678,702,706,720,730,736,762,804,828,856,876,884,
892,912,926,946,966,970,976,984,1006,1064,1082,1102, 1112, 1128,1136,1154,1164,1180,1190,
1194,1206,1214,1226.
CHAUMETON, F.P. (1814 ->1818). Flore médicale, 6 volumes, C.L.F. Panckoucke, Paris. (vol. 3 à 6 rédigés avec la
collaboration de Chamberet et Poiret; illustrations par E. Panckoucke et P.J.F. Turpin) : p. 10, 120, 168,224,
232,240,326,392,398,454,650,780,816,992,1016,1024,1076.
LAMARCK, J.B. de MONET, chevalier de (1791 -». Tableau encyclopédique et méthodique des trois règnes de la
nature, Panckoucke, Paris: p. 1108.

En couverture: Papaver somniferum L. (cultures, Marne [51], France, 2008 - photographie: Annie BRUNETON).
introduction

Dix années se sont écoulées depuis la parution de la 3" édition de « Pharmacognosie,


phytochimie, plantes médicinales », Dix années marquées par le foisonnement de
connaissances nouvelles - chimiques, analytiques, pharmacologiques, cliniques - sur les
plantes utilisées à des fins thérapeutiques, aussi bien que par l'évolution de la réglementation
ou encore des méthodes de contrôle, Dix années qui ont vu s'intensifier la recherche sur le
possible rôle des « micronutriments » végétaux dans la diminution du risque de survenue de
différentes pathologies,
Quelques substances d'origine naturelle sont apparues, d'autres ont vu leur usage se
développer - ou leurs applications s'élargir - d'autres enfin, prometteuses, sont en cours
d'évaluation. Certaines, aussi, ont vu leur intérêt remis en question, voire leur usage tomber
en désuétude. Plusieurs ont servi de modèle pour concevoir des analogues de synthèse aux
propriétés améliorées ou modifiées.
Dans le prolongement des efforts déployés depuis les années 1980 par les autorités de
régulation, en particulier allemandes etfrançaises, l'Union européenne a généralisé à tous
les États membres une procédure dite « enregistrement de l'usage traditionnel ». Un Comité
européen spécialisé a entamé la publication de rapports d'évaluation et l'élaboration de
monographies communautaires.
De plus en plus de professionnels de santé souhaitent, dans certaines situations ressenties
comme pathologiques par les patients, prescrire ou conseiller des plantes. Ils désirent le faire
sur la base de données factuelles leur permettant d'évaluer, au cas par cas, la balance
bénéfices-risques.
Aucun fléchissement de l'intérêt de nos contemporains pour les « plantes médicinales»
Il' a été observé au cours de la dernière décennie. Au contraire. De plus en plus nombreux, à
tort ou à raison, ils voient dans le « naturel» une réponse appropriée à un mal-être.
Périodiquement, sous l'influence des modes - et des firmes - diverses espèces sont
propulsées sur le devant de la scène médiatique. Certaines recèlent-elles des potentialités?
Seules des études rigoureuses peuvent l'établir. De plus, leur qualité doit être irréprochable:
quand celle-ci fait défaut, les conséquences - on l'a vu avec des plantes asiatiques -
peuvent être dramatiques.
Le développement fulgurant de l'information et de la vente en ligne submerge les
consommateurs d'informations dont la fiabilité n'est pas la caractéristique première, et les
incite à acquérir des produits au statut incertain, à l'identité douteuse, sans garantie de
qualité et sans que quiconque ait évalué les conséquences à long terme d'une utilisation
hasardeuse. Saisis des interrogations des consommateurs, les professionnels de santé ont, là
encore, unfort besoin de données validées. Pour ne pas être dupes. Et agir au mieux.
Ces constats m'ont donc incité à remettre « l'ouvrage» sur le métier ... Ayant recensé les
données les plus pertinentes de la bibliographie de la décennie,j'ai été conduit à développer
certaines parties, à en réduire voire à en éliminer d'autres. Et à amender la structuration
globale et la présentation d'ensemble.
Cette édition conserve le plan des précédentes, c'est-à-dire une organisation en parties et
en chapitres dictée par la logique biogénétique (ce qui n'empêche pas des ajustements, par
exemple des transferts entre chapitres, du fait de données nouvelles). La place accordée aux
plantes essentiellement toxiques a été réduite de façon drastique, un ouvrage leur ayant été
spécifiquement consacré en 2005 1.
Les précédentes éditions comprenaient, dans chaque partie et chapitre, des généralités
introductives, en particulier biosynthétiques. Après mûre réflexion, j'ai choisi, une nouvelle
fois, de les laisser pour l'essentiel inchangées, préférant développer l'évaluation clinique,
l'emploi ou encore l'impact sur la santé des métabolites végétaux de notre alimentation.
Si la compréhension des mécanismes biosynthétiques élémentaires demeure utile pour
appréhender la diversité moléculaire des métabolites secondaires et guider leur étude
structurale, qu'apporte au praticien de santé la connaissance fine des mécanismes de
biologie moléculaire impliqués dans leur genèse? Sans aucun doute très peu. Certains
regretteront ce choix: ils se reporteront aux ouvrages et périodiques spécialisés.

Le plan des monographies, légèrement remanié, a été systématisé. Toutefois, pour des
plantes mineures ou très peu étudiées, ce plan-type est adapté à la bibliographie (in)-
existante ... Il est également aménagé pour les plantes principalement uti Usées pour
l'extraction de substances définies, dont les propriétés et l'emploi sont décrits:

La plante, la partie utilisée. Bien évidemment, une description botanique ne change pas...
Par contre, les années récentes ont vu la Pharmacopée européenne s'enrichir d'un grand
nombre de monographies nouvelles (ou révisées). Toutes les monographies publiées et mises
en application au 1" avril 2009 ont été prises en compte (6" édition, 2008 et les quatre
premiers suppléments). La présentation de cette rubrique a été restructurée: définition;
description de la plante.; description de la partie utilisée; caractères microscopiques
principaux de la partie de plante utilisée et, remplaçant le paragraphe « essai» des
précédentes éditions, principe de la vérification de l'identité et du dosage;

Composition chimique - pharmacologie. Inchangées dans leur présentation, ces


rubriques ont simplement été enrichies des données fournies par la bibliographie des années
1999-2008;

Évaluation clinique. Évaluer en clinique des substances chimiquement définies issues du


règne végétal est une pratique relativement ancienne. Évaluer des « plantes médicinales »,
du moins avec un minimum de rigueur méthodologique, est une préoccupation plus récente
qui s'est amplifiée ces quinze dernières années. En 2002, un travail bibliographique centré
sur l'évaluation clinique en phytothérapie tentait, au travers d'exemples choisis de
pathologies du quotidien, de faire le point des connaissances objectives accumulées sur la
valeur clinique de ces « plantes médicinales» 2. C'est l'esprit de cette démarche que reprend
cette 4' édition en consacrant désormais à chaque plante - dans la mesure où les données
existent - un paragraphe relatif à cette évaluation clinique. Dans le cadre d'un ouvrage
général, cet aspect n'est que l'un de ceux, nombreux, qui doivent être abordés: on ne
s'étonnera donc pas que ne soient pas discutés en détail tous les essais cliniques et que soient
privilégiées, quand elles existent, synthèses méthodiques et méta-analyses.
Évaluer une plante (une partie de plante, un médicament à base de plante), c'est le tester,
chez l'humain, dans des conditions optimales de rigueur. C'est aussi apprécier la balance
bénéfices-risques, ce qui nécessite d'en connaître l'éventuelle toxicité à court et à long terme,
les effets indésirables et les interactions médicamenteuses. « Avoir l'esprit large et les idées
claires, en particulier sur la balance bénéfices-risques acceptable pour les patients 3 » est
indispensable à qui veut « bien utiliser les plantes pour soigner 3 » : si les essais cliniques
manquent souvent de robustesse, l'inexistence ou l'aspect négligeable des effets indésirables
d'une plante peut enfaire une option acceptable« face à des patients en demande d'aide, une
fois éliminée une pathologie grave relevant d'un traitement spécifique 3» .
C'est pour permettre aux professionnels de santé et aux utilisateurs de plantes d'évaluer
cette balance bénéfices-risques qu'un paragraphe spécifique est consacré à la toxicité, aux
effets indésirables et aux interactions médicamenteuses (quand des données significatives
sont disponibles). Ce paragraphe peut être subdivisé si la quantité de données le permet.

Emplois. Pour les plantes, les extraits de plantes, les substances définies extraites de
plantes, leurs dérivés et/ou leurs homologues hémisynthétiques ou synthétiques actuellement
commercialisés après avoir obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) standard,
les données utilisées (en particulier les posologies) sont celles de l'AMM.
Pour les autres plantes, la présentation des emplois continue - du moins pour celles qui
sont concernées - d'être fondée sur la dernière révision, dite« Note explicative 4 », de
1'« A vis aux fabricants concernant les demandes d'autorisation de mise sur le marché de
spécialités pharmaceutiques à base de plantes ». Rappelons ici que la procédure décrite par
cet Avis conduit à l'obtention d'AMM dites« allégées », délivrées sur la base d'un dossier de
demande « abrégé ». Si ce dossier est exempt de tout ou partie des essais pharmaco-toxico-
cliniques, il est, pour sa partie pharmaceutique, identique à celui de toutes les spécialités
pharmaceutiques. Pour le consommateur, ces AMM apportent des garanties de qualité et
d'innocuité.
Pour la présente édition, le choix a été jàit de préciser, pour chaque plante de la liste des
plantes d'usage bien établi annexée à la Note explicative, en plus du libellé des indications
thérapeutiques retenues, les contraintes toxicologiques éventuelles auxquelles doit satisfaire
le médicament à base de plante 5. Rappelons ici, c'est important, que la mention
« traditionnellement utilisé dans» précédant les indications thérapeutiques, témoigne dufait
que ces indications n' « ont pas été validées par des essais cliniques».
Comme dans la précédente édition, la rédaction du paragraphe « emplois» prend en
compte les données figurant dans les monographies publiées par la « Commission E » mise
en place dans les années 1980 par le ministère fédéral allemand de la santé (BfArM =
Bundesinstitut für Arzneimittel und Medizinprodukt) pour recenser et évaluer l'efficacité et
la sûreté des plantes communément disponibles 6. Pour cette 4" édition, la référence à ces
monographies a été systématisée et, surtout, étendue. On trouvera ici pour chaque plante
(quand elles existent) : les contre-indications, précautions d'emplois et posologies proposées
par ces monographies.
Depuis la parution de la 3' édition, une Directive européenne sur les médicaments à
base de plantes 7,8 a, en 2004, généralisé à tous les États membres de l'Union européenne
la mise en place d'une procédure simplifiée pour les spécialités dites traditionnelles à base
de plantes. Cet « enregistrement de l'usage traditionnel», proche de la procédure
française des AMM « allégées », a été transposé en droit français en 2007 9 • Dans ce
nouveau cadre, un médicament à base de plantes d'usage « traditionnel» correspond à
des indications qui ne doivent pas impliquer l'intervention d'un médecin,' son dosage et sa
posologie doivent être précisés .. il doit être utilisé par voie orale, par inhalation ou par
voie externe JO et son usage doit remonter à au moins 30 ans, dont au moins 15 ans dans la
Communauté européenne.
La Directive de 2004 a créé, au sein de l'EMEA (Agence européenne du médicament), un
Comité européen des médicaments à base de plantes (HMPC = HerbaI Medicinal Products
Committee). Ce Comité a, entre autres missions, celle d'élaborer une liste positive des
substances végétales (herbaI substances), préparations à base de plantes (herbaI
preparations) et associations (combinations) de plantes pouvant être utilisées dans des
spécialités faisant l'objet d'un« enregistrement de l'usage traditionnel ». Par ailleurs, il
0
établit des monographies communautaires pour: 1 les plantes médicinales d'usage bien
établi dont il évalue la balance bénéfices-risques dans le cadre des indications retenues; 2 0

les médicaments traditionnels à base de plantes. Ces monographies, comme la liste positive,
doivent faciliter l'obtention d'une AMM nationale « simplifiée» (ex. : enregistrement auprès
de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé [AfssapsJ). Au 5 avril 2009,
le Comité avait élaboré et publié 41 monographies. Quinze projets de monographie étaient en
voie d'adoption ou soumis à consultation publique. Environ 70 autres restaient à élaborer 11 •
Les principaux éléments des monographies communautaires publiées ont été pris en
compte dans l'élaboration du paragraphe « emploi» des plantes traitées dans cette 4"
édition. Il en a été de même pour les projets de monographies parus en 2008 : il appartiendra
au lecteur de vérifier en temps utile la concordance des données citées avec celles qui seront
définitivement adoptées à lafin des consultations en cours.

Convention de vocabulaire. Traditionnellement, les pharmaciens utilisent le mot« drogue»


pour désigner une « matière première naturelle servant à la fabrication des médicaments ».
Constatant que ce mot soulevait des « équivoques fâcheuses» et qu'il ne cessait de «perdre
de l'importance pratique en raison de l'évolution actuelle des officines pharmaceutiques»
Pierre DELA VEAU et la Commission XVll de l'Académie nationale de médecine ont demandé
que soit adoptée une définition du mot drogue centrée sur les effets psychotropes que procure
la substance et précisant que le mot ne devait en aucun cas « être utilisé au sens de
médicament ou de substance pharmacologiquement active» 12. Cette proposition, qui ne vise
pas les utilisations littéraires, voire historiques du mot, a soulevé des objections. Pour ma
part j'y souscris volontiers et me range sans réserve à la suggestion pragmatique de Pierre
DELA VEAU de substituer au mot « drogue» l'expression « partie de plante utilisée» (ou plante
quand il s'agit de la plante entière). Le mot « drogue 13 » ne figure donc plus dans cette 4"
édition, sauf lorsqu'il est utilisé dans son sens commun actuel 14. Par contre, prodrogue l5 ,
traduction de l'anglais prodrug, est conservé,jaute de mieux.

Nomenclature et classification botanique. Contrairement à une idée fausse assez


répandue, la classification des plantes est tout saufjïgée et le système est régulièrement
remanié: familles éclatées, genres déplacés, etc. Tout en conservant les principes de la
classification proposée par A. CRONQUlST, y compris pour les grandes subdivisions
(Monocotyledonae [= Liliopsida) et Dicotyledonae [MagnoliopsidaJ), j'ai malgré tout
introduit certaines propositions telles que l'éclatement de lafamille des Liliaceae ou, plus
récent, le classement des tilleuls dans les Malvaceae et des digitales dans les Planta-
ginaceae 16. Conscient que ce classement peut encore surprendre certains lecteurs, j'ai
indiqué (par le signe = ou la mention "ex") la position taxonomique antérieure. Les
dénominations binominales citées ici sont principalement fondées sur la base de données en
ligne de l'USDA Germplasm Resources Information Network - (GR1N), Beltsville, Maryland
(http://www.ars-grin.govl) et sur le dictionnaire de DJ. MABBERLEY (The plant-book, 2' éd.,
1997, Cambridge University Press).
Bibliographie. Comme dans les précédentes éditions, l'appel de référence et le
référencement systématique ont été écartés eu égard au caractère général de l'ouvrage. Le
principe d'une bibliographie « pour en savoir plus» a été maintenu. Réduite, sélectionnée,
récente, elle se veut représentative des principaux aspects abordés. Sauf exceptions, les
sources citées sont prioritairement des périodiques, le plus souvent accessibles en ligne (via
les serveurs des bibliothèques universitaires).

Je tiens à remercier vivement tous ceux qui, à des titres divers, m'ont permis de mener à
bien ce projet, en particulier Gilles BARDELAY, Gilbert FOURNIER, Michel LEBŒUF, Guy LEWIN,
et Erwan POUPON qui ont relu tout ou partie de ce travail et l'ont enrichi de leurs
suggestions. Merci aussi à Florence VANDEVELDE pour m'avoir éclairé sur les arcanes de la
réglementation et à Sébastien BAUD pour un fructueux échange sur l'ayahuasca. Merci enfin
aux éditions LAVOISIER qui ont su insister et trouver les mots pour me convaincre
d'entreprendre et de mener à bien cette entreprise.

NOTES ET RÉFÉRENCES

1. Bruneton, J. (2005). Plantes toxiques - Végétaux dangereux pour l'Homme et les animaux, 3" éd., Tee &
Doc, Paris.
2. Bruneton, J. (2002). Phytothérapie - Les données de l'évaluation, Tee & Doc, Paris.
3. Prescrire Rédaction (2007). Bien utiliser les plantes pour soigner, Rev. Prescrire, 27,563.
4. Cette note comporte 192 plantes. Élaborée en 1997, elle a été publiée en 1998 par l'Agence du
médicament, devenue en 1999l'Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé). En
2002, les annexes de la Note explicative ont été modifiées et complétées pour prendre en compte
l'indication traditionnelle du millepertuis par voie orale dans le traitement des manifestations dépressives
légères et transitoires [J.o. Rép. fr., 2 mars 2002, 4049-4051, texte na J01 J.
5. L'évaluation toxicologique n'est pas nécessaire pour les formes pharmaceutiques les plus proches de la
forme d'utilisation traditionnelle représentée par les tisanes. Dans les autres cas (par exemple celui des
poudres), une étude toxicologique « allégée» est demandée: toxicité aiguë et chronique après quatre
semaines d'utilisation chez le Rat. Des cas particuliers sont envisagés (ex.: tolérance locale et recherche
d'hypersensibilité retardée pour les formes à usage local .. cas des associations, etc.)
6. Traduction anglaise: Blümenthal, M. et al. (1998). The complete German Commission E Monographs -
Therapeutic guide to herbaI medicines, American Botanical Council, Austin.
7. Directive 2004/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 modifïant, en ce qui
concerne les médicaments traditionnels à base de plantes, la directive 200l/83/CE instituant un code
communautaire relatif aux médicaments à usage humain, J. O. Union Européenne, 30 avril 2004,
Ll36/85-Ll36/90.
8. Pour une analyse globale de cette Directive, voir: Prescrire Rédaction (2007). Spécialités
pharmaceutiques à base de plantes: début d'harmonisation en Europe, Rev. Prescrire, 27, 630-631.
9. Ordonnance na 2007-613 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le
domaine du médicament, J.O. Rép. fr., 27 avril 2007, 7515-7524, texte n 0 34.
JO. C'est-à-dire, se/on le Comité européen des médicaments à base de plantes (HMPC): application cutanée,
nasale ou buccale et éventuellement application vaginale, rectale, oculaire ou auriculaire quand l'usage
traditionnel y fait référence, à condition qu'un effet local y soit recherché et que ces voies ne présentent
pas de risques.
Il. HMPC (2009). Overview on HMPC assessment work - status January 2009. réf. EMEA/HMPC/
278067/2006, 18 février 2009, 4 pages. Disponible sur: http://www.emea.europa.eu/htms/human/hmpc
/hmpcmonographs .htm. Les monographies adoptées ainsi que les projets soumis à consultation publique
avant adoption sont téléchargeables sur le site de l'Agence européenne (http://www.emea.europa.eu).
12. Communiqué de l'Académie nationale de médecine, 6 décembre 2006, 2 pages. Téléchargeable à
l'adresse: 194.l17.215.124/1MG/pdf/avis_187Jichiedie.pdf
13. Selon le Trésor informatisé de la langue française, l'origine du mot est discutée: « parmi de nombreuses
hypothèses, les plus vraisemblables le font remonter soit au mot néerlandais droge vate " tonneaux secs"
d'où, par substantivation, droge étant pris pour la désignation du contenu, "produits séchés; drogues", soit
à l'arabe durawa "balle de blé", cette dernière proposition faiasant problème du point de vue phonétique
et sémantique. » [AT/LF-CNRS : http://atiif.atiiffr/}
14. Cette acception du mot doit toutefois être connue et explicitée, en particulier aux étudiants. On la trouve
en effet dans certains articles du Code de la santé publique et dans la Pharmacopée européenne. Cette
dernière utilise l'expression « drogue végétale» dans la description des méthodes générales de
pharmacognosie (chap. 2.8). Cette expression désigne:« des plantes, parties de plantes ou algues,
champignons, lichens, entiers, fragmentés ou coupés, utilisés en l'état, soit le plus souvent sous la forme
desséchée, soit à l'état frais. Certains exsudats n'ayant pas subi de traitements spécifiques sont également
considérés comme des drogues végétales [... j. » (Ph. eur., 6' éd., 01/2008:1433). L'expression« drogue
végétale» correspond à celle d' « herbaI drug » employée par l'édition anglaise de la Pharmacopée
européenne, expression que le Comité européen des médicaments à base de plante (HMPC) assimile à
celle de« herbal substance ». La Pharmacopée définit aussi les« préparations à base de dogues végétales»
(Ph. eur., 6" éd., 0112008:1434) alias «herbaI drug preparations» (ou pour l'HMPC, des« herbai
preparations» ). Ces préparations « sont obtenues en soumettant les drogues végétales à des traitements
tels que extraction, distillation, expression, fractionnement, purification, concentration ou fermentation. Ce
sont notamment des drogues végétales finement divisées ou pulvérisées, des teintures, des extraits, des
huiles essentielles, des jus d'expression et des exsudats ayant subi un traitement» [... j. »
15. Substance destinée à l'usage thérapeutique qui doit subir une biotransformation, après administration à
un organisme, pour que s'exerce une activité biologique.
16. Sur la classification phylogénétique, voir: (a) - APG (2003). An update of the Angiosperm Phylogeny
Group classification for the orders andfamilies offlowering plants: APG Il, Bot. J. Lin. Soc., 141, 399-
436 .. (b) - Stevens, P. F. (2001 onwards). Angiosperm Phylogeny Website. Version 9, June 2008 http://
www.mobot.org/MOBOT/research/APweb/ (dernière mise à jour disponible: 25 mars 2009) .. voir aussi:
(c) - Spichiger, R.-E., Savolainen, V.V., Figeat, M. et Jeanmonod, D. (2004). Botanique systématique des
plantes à fleurs. Une approche phylogénétique nouvelle des Angiospermes des régions tempérées et
tropicales, 3' édition, Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne .. (d) - Judd, W.S.,
Campbell, C.S., Kellogg, EA. et Stevens, PP. (2002). Botanique systématique - Uune perspective phylo-
génétique, De Boeck Université, Paris-Bruxelles.
Sommaire
Le sommaire détaillé figure en tête de chaque chapitre

Intoduction .......................................................................................................................................................vii
Sommaire .......................................................................................................................................................xiii
Abréviations, sigles et acronymes .................................................................................................................xiv
Partie 1 Composés du métabolisme primaire ................................................................................... .1
Glucides ............................................................................................................................................. .3
Introduction, 3 . oses simples, 7. oligosaccharides, 31 . polysaccharides, 39; des
bactéries et champignons, 43; des algues, 49; des végétaux supérieurs, 67 (homogènes,
67 et hétérogènes [gommes et mucilages], 99
Lipides ............................................................................................................................................. 111
généralités, 141. hui/es végétales, 155 . cires, 193 . acétyléniques, 197
Amino-acides, peptides et protéines .............................................................................................213
acides aminés non protéiques, 215 . hétérosides cyanogènes, 219 . glucosinolates, 229 .
autres composés soufrés, 239 . bétalaïnes, 247. protéines édulcorantes, 249. lectines,
251 . enzymes, 255
Partie 2 Composés phénoliques, shikimates, acétates ...................................................................259
Généralités, 261 - Shikimates ........................................................................................................267
Aromagenèse, 267 . phénols, acides phénols, 273. coumarines, 307 . tignanes,
néotignanes, 325 . dérivés d'extension du phénylpropane, 343 [diarylheptanoides,
stilbénoides, styrylpyrones] .flavonoides, 365 . isoflavonoïdes, 411 . néoflavonoides,
420. anthocyanosides, 423. tanins, 441
Polyacétates ................................................................................................................................... .487
quinones, 491 [anthracénosides, 502; naphtodianthrones, 523] . orcinols et
phloroglucinols, 533 [cannabis, 533]
Partie 3 Terpènes et stéroïdes ...........................................................................................................547
Introduction, 549 .. monoterpènes, 559 . huiles essentielles, 567 . oléorésines, 693 .
iridoides, 707. pyréthrines, 731 .. sesquiterpènes, 737, lactones sesquiterpéniques, 751
.. diterpènes, 771 .. triterpènes et stéroïdes, 799. saponosides, 809. cardiotoniques, 869
. autres stéroïdes et triterpènes, 897 .. caroténoïdes, 921
Partie 4 Alcaloïdes ..................................................................................................................................935
Généralités .........................................................................................................................................937
Alcaloïdes dérivés de l'omithine et de la lysine ..............................................................................955
Alcaloïdes tropaniques, 959 . pyrrolizidiniques, 985 . quinotizidiniques, 999,
indolizidiniques, 1007. pipéridiniques, 1011
Alcaloïdes dérivés de l'acide nicotinique ....................................................................................... 1017
Alcaloïdes dérivés de la phénylalanine et de la tyrosine ............................................................. .1 025
Phénéthylamines, 1029. isoquinoléines simples, 1037. benzyltétrahydroisoquinoléines,
1039 [benzylisoquinoléines, 1042; bisbenzylisoquinoléines, 1047; aporphinoïdes, 1057;
protoberbérines et dérivés, 1063; morphinanes, 1077] . phénéthylisoquinoléines, 1101 .
alcaloides des Amaryllidaceae, 1107. alcaloides isoquinoléino-monoterpéniques, 1113
Alcaloïdes dérivés du tryptophane ................................................................................................. 1117
Tryptamines, carbolines [hallucinogènes], 1119. éséré, 1127. ergotines, 1131 .
alcaloïdes indolomonoterpéniques, 1151 [Apocynaceae, 1167; quinquinas, 1178]
Alcaloïdes dérivés de l'acide anthranilique .................................................................................. .1187
Alcaloïdes dérivés de l'histidine (imidazoles) ............................................................................. .1191
Alcaloïdes dérivés du métabolisme terpénique ........................................................................... 1195
Alcaloïdes à structures diverses ..................................................................................................... 1211
Bases puriques ................................................................................................................................. 1215
Annexe. Glossaire des termes botaniques .................................................................................................... 1235
Table des illustrations ..................................................................................................................................... 1241
Index ................................................................................................................................................................ 1243
ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES

ADAS-Cog Alzheimer's disease assessment scale-cognitive


ADN acide désoxyribonucléique
ADP adénosine diphosphate
AFNOR Association française de normalisation
AFSSA Agence française de sécurité sanitaire des aliments
AFSSAPS Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé
AGCC acide gras à courte chaîne
AGE acide gras essentiel
AGPI acide gras polyinsaturé
AINS anti-inflammatoire non stéroïdien
AMM autorisation de mise sur le marché
ANAES Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (-> HAS)
ANDEM Agence nationale pour le développement de l'évaluation médicale (-> ANAES)
AOCS American Oil Chemist Society
ATP adénosine triphosphate
auct. auctorum (des auteurs)
BfArM Bundesinstitut für Arzneimittel und Medizinprodukt
BHT butyl-hydroxytoluène
CCM chromatographie sur couche mince
CLHP chromatographie liquide haute pression
CMI concentration minimale inhibitrice
CoA coenzyme A
CPG chromatographie phase gazeuse
CPG-SM chromatographie phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse
CSP code de la santé publique
cv. cultivar
DCI dénomination commune internationale
DGAT dénombrement des germes aérobies totaux
DJA dose journalière admissible
DL50 dose létale 50
DM degré de méthylation
DMAPP diméthylallyldiphosphate
DMLT dénombrement des moisissures et levures totales
DSM diagnostic and statistical manual
ÉCG électrocardiogramme
éd. (éds) édition; éditeur(s), au sens coordonnteur(s) d'ouvrage collectif
ÉEG électroencéphalogramme
ESCOP European Scientific Cooperative on Phytotherapy
etai. et aUi (et autres auteurs)
e.g. exempli gratia (par exemple)
EMEA European medicines agency
ex., p. ex. exemple, par exemple
FAO Food and Agriculture Organization
FAB-MS fast atom bombardment-mass spectrometry
FPP farnésyldiphosphate
FDA Food and Drug Administration
FSH follicle stimulating hormone
GABA gamma-aminobutyric acid
G6PD glucose-6 phosphate déshydrogénase
GPP géranyldiphosphate
GSH glutathion réduit
y-GT gamma glutamyltransférase
HAS Haute autorité de santé
HDL high density lipoproteins
HF(C)S highfructose (corn) syrup
HMPC Herbai medicinal products committee
5-HT 5-hydroxy-tryptamine
IC95 intervalle de confiance à 95 %
lM intramusculaire (voie)
IMAO inhibiteur des monoamine oxydases
in dans
INRA Institut national de la recherche agronomique
INSERM Institut national de la santé et de la recherche médicale
IP intrapéritonéale (voie)
IPSS International prostate symptom score
IPP isopentényldiphosphate
IR infra-rouge
ISO International Standardization Organization
I(S)RS inhibiteur (sélectif) de la recapture de la sérotonine
IV intraveineuse
LDL low density lipoproteins
LH luteinizing hormone
LPP linalyldiphosphate
LSD lysergic saüre diiithylamide
MAM méthylazoxyméthanol
MAO monoamine oxydase
MMD A 3-méthoxy-4,5-méthylènedioxyamphétamine
NADP(H) nicotinamide dinucléotidephosphate (réduit)
N.B. nota bene
NDA note de l'auteur
NF norme française
NIH National Institute ofHealth
NYHA New York Heart Association
OMS Organisation mondiale de la santé
OTC over the COlmter
PAF platelet activating factor
PEG polyéthylèneglycol
PEP phosphoénolpyruvate
Ph. euro Pharmacopée européenne
Ph. fse Pharmacopée française
PNNS Programme national nutrition santé
p(=ou< ... ) degré de signification (en statistiques)
p., pp. page, pages
pp. pro parte (en partie)
ppm partie par million
PSA prostate specifie antigen
RMN résonance magnétique nucléaire
RR risque relatif
SC sous-cutanée (voie)
SM spectrométrie de masse
SNA système nerveux autonome
SNC système nerveux central
s.I., s.s. sensu lato, sensu stricto
sp. species (une espèce du genre)
spp. species (diverses espèces du genre)
subsp. sub species (sous-espèce)
TNFa Ilanor necrosis factor alpha
UE Union européenne
UFC unité formant colonie
UV ultraviolet
var. varietas (variété)
VIH (HIV) virus de l'immunodéficience humaine
X dans la dénomination latine d'une espèce végétale: signifie qu'il s'agit d'un hybride
Partie 1

COMPOSÉS DU
MÉTABOLISME PRIMAIRE
GLUCIDES

Introduction

Les glucides sont des constituants universels des organismes vivants. Parfois appelés
hydrates de carbone l, ce sont, en première approximation, des composés organiques
carbonylés (aldéhydiques ou cétoniques) polyhydroxylés. On englobe dans le groupe
des glucides leurs dérivés d'oxydation ou de réduction (acides uroniques, polyols),
leurs esters et leurs éthers, leurs dérivés aminés (osamines).

Chez les végétaux, on rencontre les glucides:


- comme éléments de soutien, participant à la structure de l'organisme (cellulose et
autres polysaccharides pariétaux) ;
- comme réserves énergétiques, sous forme de polymères (par exemple l'amidon)
qui stockent l'énergie solaire captée par le processus photosynthétique ;
- comme constituants de métabolites variés: acides nucléiques et coenzymes, mais
aussi hétérosides multiples dont le rôle n'est que rarement connu;
- comme précurseurs obligés de tous les autres métabolites : formés en premier au
cours de la photosynthèse à partir du dioxyde de carbone et de l'eau, ils sont à la base
de tous les composés organiques du monde vivant (cf. tableau page 4).

On distingue classiquement:

• Les oses simples, de formule générale C n (H 20)m' caractérisés par la présence


d'une fonction carbonylée aldéhydique (aldoses) ou cétonique (cétoses) et de (n-l)

1. Cette appellation découle de leur formule générale C n (HzÜ)m; elle s'est maintenue en langue
anglaise sous la forme carbohydrate (s).
4 GLUCIDES

I.e. 9iJ
. ,
hv 1
Qi2o.•··1 mono-,oligo-,
polyosides

HÉTÉROSIDES

phénols, quinones,
phOspho-énol
~-----I
pyruvate
polyines,
acides gras, lipides, ...

flavonoïdes,
anthocyanosides,
tanins, ...
1 POLYACÉTATES 1

SHIKIMATES

I-l------l~ 1 mévalonat.E31
,----,----,-:---,--,-,--,

................. ~
TERPÈNES ET
cinnamates,
STÉROïDES
lignanes, 1aminoacides 1
coumarines, .. ,

~
quinones
II huiles essentielles,
sesqui- et diterpènes,
1 ALCALOïDES 1 saponosides,
protéines, ... cardénolides,
carotènes, ...
OSES SIMPLES 5

fonctions alcool 2. Le nombre d'atomes de carbone, le plus souvent de cinq ou six


(pentoses, hexoses), varie de trois à neuf.

• Les osides, résultant de la combinaison, par l'intermédiaire de liaisons dites


osidiques, de plusieurs molécules d'oses (holosides), ou d'oses avec des composés non
glucidiques (hétérosides) :

- holosides: le composé résulte de la combinaison d'oses. Selon le nombre


d'unités constitutives, on distingue les oligosides ou oligosaccharides (moins de dix
unités) et les polysaccharides (= glycanes, à plus de dix unités);

- hétérosides : le composé résulte de l'établissement d'une liaison osidique


entre un sucre (ose ou oligoside) et une molécule non osidique : la génine ou aglycone.
Si la liaison implique un groupe azoté de la génine, on parle de N-hétéroside : c'est le
cas des nucléosides. Si cette liaison implique un hydroxyle alcoolique ou phénolique de
la génine, on parle de O-hétéroside : c'est le cas de la grande majorité des innombrables
hétérosides spécifiques du règne végétal (saponosides, flavonoïdes, glycoalcaloïdes,
etc.). Les C-hétérosides dans lesquels la liaison ose-génine se fait directement entre
deux atomes de carbone ne sont pas rares (cf., p. 518, aloïne de l'aloès et, p. 393, flavo-
noïdes de la passiflore). Les S-hétérosides, analogues soufrés des O-hétérosides connus
sous le nom de glucosinolates, sont caractéristiques de certaines espèces végétales, en
particulier chez les Brassicaceae et les Capparidaceae (cf. p. 229).

Très classiquement, les hétérosides ne seront pas étudiés ici en tant que tels, mais
dans divers chapitres de l'ouvrage, au titre de leurs génines, supports de l'activité
pharmacologique qui leur est attribuée.
Les oses simples, les oligosides et les plantes qui les contiennent ne seront
envisagés ici que très sommairement: leur importance dans le domaine pharmaceu-
tique, du moins en termes d'applications thérapeutiques, est en effet très limitée.
Par contre, la multiplicité des applications pharmaceutiques et industrielles des
polysaccharides conduira à leur accorder, ainsi qu'aux plantes qui les contiennent, une
place importante, même si c'est souvent leur fonction d'auxiliaire de fabrication et/ou
leur impact diététique et nutritionnel plus que leurs propriétés pharmacologiques qui
retiennent l'attention.

2. Il s'agit là d'une généralisation pratique mais inexacte: les 2-désoxy- et les 6-désoxy-oses
n'ont que n-2 fonctions alcool; on connaît aussi des 2,6-didésoxyhexoses (ex. : chez les digitales).
Oses simples

1. Les oses, structure et propriétés .......................................................................................7


2. Principaux oses simples végétaux ................................................................................ .12
3. Principaux oses simples utilisés en pharmacie .............................................................. 16
glucose, autres dérivés de l'amidonnerie ............................................................... 16
fructose .................................................................................................................. 17
4. Dérivés des oses simples utilisés en pharmacie ............................................................ 18
D-sorbitol .............................................................................................................. 18
D-mannitol (20), frêne à manne ............................................................................ 21
meso-xylitol ........................................................................................................... 21
dérivés des polyols ................................................................................................ 23
5. Dérivés des sucres: acide ascorbique et autres acides ................................................. .23
argousier ................................................................................................................ 25
églantier ............................................................ '" .................................................. 25
karkadé .................................................................................................................. 26
tamarin .................................................................................................................. 27
6. Cyclitols ......................................................................................................................... 28
7. Bibliographie ................................................................................................................ 29

1. LES OSES, STRUCTURE ET PROPRIÉTÉS

On supposera ici que le lecteur est familiarisé avec la structure et les propriétés
chimiques des oses, avec les méthodes d'étude propres à ce groupe aussi bien qu'avec
leur biosynthèse, leur catabolisme et leurs fonctions biologiques.
Le principe et la mise en œuvre des méthodes de caractérisation et de dosage des
oses et de leurs dérivés, y compris les techniques de chromatographie (en couche
mince, liquide, gazeuse), font l'objet d'un traitement approfondi dans les ouvrages de
biochimie et de chimie analytique: ils ne seront, de ce fait, pas envisagés ici
8 GLUCIDES

On rappellera simplement en introduction quelques données élémentaires de


terminologie et de nomenclature spécifiques de ce groupe.

Dénomination

La dénomination générale repose sur le nombre d'atomes de carbone de la molé-


cule: tétroses (4 carbones), pentoses (5 carbones), hexoses (6 carbones), heptoses
(7 carbones, etc.), et sur la nature de leur fonction carbonylée (ex. : le D-ribose et le
D-xylose sont des aldoses, le D-ribulose et le D-xylulose sont des cétoses). La
numérotation des atomes de carbone se fait en partant du carbone aldéhydique ou, chez
les cétoses, de telle façon que le carbone cétonique ait l'indice le plus bas.

Séries D et L

Si l'on considère le premier terme de la série des oses, le glycéraldéhyde (un aldo-
triose), il possède un carbone asymétrique et peut donc exister sous deux formes
énantiomères, (R) et (S). On définit arbitrairement et par convention le D-glycéral-
déhyde et le L-glycéraldéhyde selon que l'hydroxyle secondaire est orienté à droite ou à

CHO CHO
1 1
CHO CHO H-C-OH HO-C-H
1 1 1 1
H-C-OH HO-C-H HO-C-H HO-C-OH
1 1 1 1
CH 20H CH 20H H-C-OH H-C-OH
1 1
CH 20H CH20H

D-glycéraldéhyde L-glycéraldéhyde D-xylose D-arabinose

1
CHO CHO CH 20H CHO CHO
1 21 1 1 1
H-C-OH H-C-OH C=O H-C-OH H-C-OH
1 31 1 1 1
H-C-OH HO-C-H HO-C-H H-C-OH HO-C-H
1 41 1 1 1
H-C-OH H-C-OH H-C-OH HO-C-H HO-C-H
1 51 1 1 1
H-C-OH H-C-OH H-C-OH H-C-OH H-C-OH
1 61 1 1 1
CH 20H CH 20H CH 20H CH 20H CH 20H

D-allose D-glucose D-fructose D-gulose D-galactose

Représentation linéaire des oses: principaux oses de la série D

Les quatre autres hexoses, épi mères en C-2, ne sont pas représentés: D-altrose (épimère du D-allose) ; D-mannose
(épimère du D-glucose); D-idose (épimère du D-gulose) et D-tallose (épimère du D-galactose). Il en est de même
pour les deux autres pentoses, D-ribose et D-Iyxose.
OSES SIMPLES 9

HO" H
é
H-i=l
Forme cyclique des oses: HO-C-H 0
représentation selon Fischer
H-i- OH
H-C~
1

1
CH 20H

~- D-glucopyranose
a-D-glucopyranose

gauche de la molécule écrite selon la convention de Fischer (représentation verticale,


carbone aldéhydique en haut).
Toujours par convention et par référence au glycéraldéhyde, c'est l'orientation de
1'hydroxyle porté par le carbone le plus éloigné de la fonction carbonylée qui détermine
l'appartenance d'un ose à la série D ou à la série L. Cette règle étant arbitraire,
l'appartenance à une série ne préjuge pas du pouvoir rotatoire. La grande majorité
des oses naturels appartiennent à la série D (exceptions: L-rhamnose, L-arabinose,
L-fucose).

Structure cyclique des oses

Le comportement chimique particulier des oses (cf. ouvrages de biochimie


générale) a conduit à postuler qu'ils existent en réalité sous une forme cyclique
impliquant le carbonyle et un hydroxyle alcoolique. Conséquences:
- selon la nature du pont formé (1-4 ou 1-5) le cycle est furanique ou pyranique
(juranoses et pyranoses) ;
- les aldohexoses sont généralement sous la forme pyranique et les cétoses sous la
forme furanique ;
- la cyclisation conduit à deux formes hémiacétaliques isomères, ex et ~, appelées
anomères. La configuration du carbone anomérique est ex lorsque l'hydroxyle
hémiacétalique est situé dans la même orientation que l'hydroxyle secondaire déter-
minant la série, c'est-à-dire à droite de la chaîne pour la série D (en projection de
Fischer). Dans le cas contraire (à gauche dans la série D) la configuration est ~.

Représentation en perspective

Cette représentation (de Haworth) permet de mieux visualiser la forme cyclique des
oses. On suppose que le cycle est dans le plan horizontal et l'on place en dessous du
plan tous les substituants qui étaient à droite dans la représentation de Fischer et au-
dessus tous ceux qui étaient à gauche. Du fait de la cyclisation, l'hydroxyméthyle des
aldohexoses pyraniques est amené au-dessus du plan dans la série D, au-dessous dans la
série L.
Rosa canina L.
OSES SIMPLES 11

~
HH~20H
~
CH20~OH
OH H CHa OH H
HO HO H
H OH H OH
Cyclisation du D-glucose: ~-D-glucopyranose Projection selon Hawot1h

HOH2~0OH H~01H

~
HO
CH 2 0H
OH OH OH

D-mannose ~-D-fructofuranose a -L -rhamnose

Conformation des oses

Les carbones du cycle étant sp3, ce dernier ne peut être plan et adopte des con-
formations variables: chaise, bateau, demi-chaise, etc_ La conformation privilégiée est
toujours celle qui est la plus stable: dans le cas - de loin le plus fréquent - des
aldohexopyranoses, c'est la conformation chaise qui présente les interactions minimales
et, de ce fait, se trouve favorisée. L'hydroxyméthyle et les hydroxyles secondaires
exerçant entre eux des forces de répulsion mutuelle, c'est la configuration des carbones

OH
H O NOH
HO -
.;O~
(~O OH
H
'-0

OH
OH OH

conformations du ~-D-glucopyranose

porteurs de ces hydroxyles qui détermine la conformation la plus stable de telle façon
que le plus grand nombre de substituants soient en orientation équatoriale. Exemple:
dans le cas du D-glucopyranose, c'est l'anomère ~ qui prédomine dans les solutions de
glucose à l'équilibre et la conformation privilégiée est 4C l , conformation dans laquelle
tous les substituants sont équatoriaux (dans le cas de la conformation lC 4 tous les
substituants sont axiaux et les interactions plus fortes 3).

3. Une telle confonnation existe cependant lorsqu'elle est engagée dans des édifices complexes;
voir certains tanins ellagiques (p. 446 et suivantes) et les esters internes des polysaccharides des algues.
12 GLUCIDES

2. PRINCIPAUX OSES SIMPLES VÉGÉTAUX

Ce qui caractérise les oses végétaux, c'est leur grande diversité: pentoses, désoxy-
pentoses, hexoses, désoxy-hexoses, didésoxy-hexoses, acides uroniques, polyols,
esters, éthers. Plusieurs centaines de composés, certains universels, d'autres
étroitement spécifiques d'un groupe végétal, ont été décrits. Certains peuvent exister à
l'état libre, d'autres ne sont connus qu'engagés dans des combinaisons hétérosidiques;
très souvent ils sont inclus dans des polymères. Nous citerons, à titre d'exemple,
quelques oses et dérivés d'oses parmi les plus courants chez les végétaux supérieurs.

Tétroses. Il y a quatre isomères possibles pour ces oses formant deux paires
d'énantiomères: le D- et le L-thréose d'une part, le D- et le L-érythrose d'autre part.
Ils n'existent pas à l'état libre. Le D-érythrose-4-phosphate joue un rôle essentiel
dans l'aromagenèse (cf. composés phénoliques : shikimates, p. 267).

Pentoses. Le D-ribose est universel (nucléosides) et ses esters phosphoriques ont


une importance métabolique fondamentale. Il en est de même pour ceux du cétose
correspondant, le D-ribulose.
Le L-arabinose et le D-xylose sont des constituants habituels des polysaccharides
complexes: hémicelluloses (xyloglucanes, xylanes, glycuronoxylanes, arabinoxylanes,
glycuronoarabinoxylanes), mucilages, polysaccharides pectiques et polymères des
sécrétions végétales (gommes). On les rencontrera également dans divers hétérosides,
notamment phénoliques.

HO OH

HO~~\
HO~
OH
o
OH
HO~OH OH

a-L -arabinofuranose ~-D-xylopyranose ~-D-galactose

Hexoses. La plupart ont une distribution quasi universelle: c'est le cas du D-glucose
ou du D-mannose (épimère en C-2 du D-glucose), c'est aussi celui du D-galactose,
épimère en C-4 du D-glucose. Si le glucose est fréquent à l'état libre aussi bien que
combiné dans des structures polysaccharidiques (amidon, cellulose et autres glucanes),
ses épimères en C-2 et en C-4 ne sont presque exclusivement connus qu'à l'état de
polymères (ex. : mannanes, gluco- et galactomannanes des Fabaceae). Le D-galactose
est assez fréquent dans les structures hétérosidiques.
Le cétose correspondant au D-glucose et au D-mannose est le D-fructose. Abondant
à l'état libre dans les fruits, il est tout aussi fréquent à l'état de disaccharide
(saccharose). On le rencontre également dans des oligosaccharides, par exemple dans
les dérivés galactosylés du saccharose: raffinose, stachyose et leurs homologues
supérieurs. Ce cétose peut aussi constituer des polymères de réserve, les fructanes
(inulines, phléine).
OSES SIMPLES 13

Dans les structures oligomériques et polymériques, le D-fructose est sous la forme


de ~-D-fructofuranose alors qu'à l'état libre c'est la forme ~-D-fructopyranose, plus
stable, qui est favorisée. Les autres hexoses sont beaucoup plus rares chez les végétaux
supérieurs (D-allose, D-idose).

Désoxy-oses. Si l'on met à part le 2-désoxyribose, universel puisque composant de


l'ADN, on constate que c'est surtout chez les végétaux que l'on rencontre des structures
osidiques dans lesquelles une ou deux fonctions alcool ont été éliminées par réduction.
On connaît des 6-désoxy-hexoses et des 2,6-didésoxy-hexoses.

• 6-Désoxy-hexoses. Encore appelés (improprement) 6-méthylpentoses, ils


sont parfois très répandus comme le L-rhamnose (= 6-désoxy-L-mannose) constituant
de polysaccharides hétérogènes et de très nombreux hétérosides ou, au contraire, de
distribution plus restreinte. Ainsi le L-fucose - c'est le 6-désoxy-L-galactose - est
caractéristique des polymères d'Algues Phaeophyceae et de certaines gommes (gomme
adragante). Le D-quinovose (ou 6-désoxy-D-glucose) est l'ose d'hétérosides à génine
triterpénique présents chez les quinquinas.
Certains 6-désoxy-hexoses existent à l'état d'éther méthylique: ils sont spécifiques
des hétérosides dits cardiotoniques: L-thévétose (= 6-désoxy-3-0-méthyl-L-glucose),
D-digitalose (= 6-désoxy-3-0-méthyl-D-galactose).

• 2,6-Didésoxy-hexoses. Ce sont, comme les précédents, des sucres souvent


méthylés et spécifiques des hétérosides cardiotoniques: D-digitoxose (= 2,6-didé-
soxy-D-allose), L-oléandrose (= 2,6-didésoxy-3-0-méthyl-L-mannose), D-cymarose
(= 2,6-didésoxy-3-0-méthyl-D-allose), etc.

OH
HOH3C~O-}
HO
~O\ H3C 0

~ HO~OH HO~OH
OH OH
HO
ex -L -rhamnose ~-D-fucose ~-D-digitoxose

o OH OH

~
H3C~O-----J H0 2C HO
O
HO~ Ho~--~---lU\ OH
CH 3 0 HO~
OH OH

I3-D-apiose a -L -oléandrose acide I3-D-mannuronique

Acides uroniques. Ce sont les produits d'oxydation des hexoses par des
déshydrogénases spécifiques. La fonction alcool primaire est oxydée en acide
carboxylique. Les acides D-glucuronique et D-galacturonique sont des constituants
14 GLUCIDES

habituels des polysaccharides pariétaux (en particulier de la pectine), des mucilages


acides et de la plupart des sécrétions polysaccharidiques (ex. : gomme de Sterculia).
D'autres acides, moins fréquents, sont également constitutifs de polymères: c'est le cas
de l'acide D-mannuronique et de l'acide L-guluronique à partir desquels s'élabore
l'acide alginique des Fucus.

Polyols. Ce sont les produits résultant de la réduction de la fonction carbonylée


des oses. Si le D-glucitol, le D-mannitol et le meso-galactitol sont assez répandus, les
autres ont une distribution sporadique: meso-érythritol des racines de la primevère,
D-glycéro-D-galacto-heptitol de l'avocatier. Ils s'accumulent parfois dans certains
fruits (D-sorbitol), dans des sécrétions ou chez quelques Algues (D-mannitol). (NB:
ne pas confondre ces « alditols » avec les cyclitols, polyols cycliques).
CH 2 0H CH 2 0H CH 20H
1 1 1
H-C-OH ?=O HO-?-H CH 20H
1 1
HO-C-H HO-C-H HO-C-H H-?-H
1 1 1

H-?-OH H-C-OH H-?-OH HO-?-H


1

H-C-OH H-C-OH H-C-OH H-C-OH


1 1 1 1

CH 2 0H CH 2 0H CH 20H CH 2 0H

D-sorbitol D-fructose D-mannitol meso-xylitol

Oses aminés. Constituants fondamentaux des polyosides bactériens, polymérisés


chez les Arthropodes et les Crustacés (chitine), éléments constitutifs des glyco-
protéines animales, ils sont présents chez certains Champignons, mais rares chez les
végétaux supérieurs (ex. : 2-acétamido-2-désoxy-D-glucose des glycoprotéines et
glycolipides).

Oses branchés. Fréquents chez les Champignons, exceptionnels chez les


végétaux supérieurs, les oses branchés ne sont pas connus à l'état libre, mais à l'état
d'ester (D-hamamélose = 2-C-[hydroxyméthyl]-D-ribose, cf. tanins), ou d'hétéroside
(D-apiose = 3-C-[hydroxyméthyl]-glycéroaldotétrose, cf. apioside, franguloside,
onjisaponines, etc.).

La diversité structurale des oses se comprend aisément si l'on considère les


nombreuses possibilités d'interconversion et d'isomérisation dans une série. Le tableau
ci-après résume les principales interconversions que peut subir le D-glucose. Les
interconversions dans une série font intervenir l'ose sous forme de nucléotide
diphospho-ose alors que l'épimérisation au niveau du carbone C-2 met enjeu les esters
phosphoriques d'oses.
OSES SIMPLES 15

D-galactose

li
D-glucose L-rhamnose UDP-D-galactose

li
1 D-glucose-6-P c: 1 ~===i..~ 1 1 ~
D-glucose-1-P ::!IIC:t::=::::::;.. UDP-D-glucose
1 1

li l
1 D-fructose-6-P 1
acideUDP- acideUDP-
D-g:llacturonique D-glucuronique

1
li
D-mannose-6-P 1
l
D-xylose .......E----IUDP-D-xylosel

li
1 D-mannose-1-P 1
l
L-arabinose .......E----I UDP-L-arabinose 1

11
GDP-D-mannosel
1

Interconversions possibles à partir du glucose

l Pour l'étude des mécanismes mis en jeu et de leurs impli-


cations conformationnelles, se reporter aux ouvrages de
1 GDP-L-fucose 1 biochimie générale.
16 GLUCIDES

3. PRINCIPAUX OSES SIMPLES UTILISÉS EN PHARMACIE

D -glucose

La 6" édition de la Pharmacopée européenne consacre quatre monographies aux


différentes formes du glucose: glucose anhydre [01/2008:0177], glucose monohydraté
[01/2008:0178], glucose liquide [6.2 - 07/2008:1330] et nébulisat de glucose liquide
[6.4 - 04/2009:1525].

Bien que présent en quantité notable dans beaucoup d'espèces végétales, le glucose
n'est pas extrait. Il est préparé par hydrolyse enzymatique de l'amidon. Les glucoses
anhydre et monohydraté doivent satisfaire à des essais rigoureux: solubilité, neutralité,
essai limite pour les sulfites, les chlorures, les sulfates, le baryum, l'arsenic, le
cadmium, le plomb, etc. S'ils sont destinés à la préparation de formes administrées en
volumes importants par voie parentérale sans autre procédé approprié d'élimination des
pyrogènes, il peut être exigé qu'ils satisfassent à l'essai des pyrogènes.
Le glucose liquide est une solution aqueuse contenant un mélange de glucose,
d'oligosides et de polyosides. Il contient au minimum 70 % de matières sèches. Son
degré d'hydrolyse, exprimé en équivalent dextrose (ED) n'est pas inférieur à 20 (voir
ci-dessous).
Le glucose s'administre par voie parentérale en solution aqueuse. Les indications
des solutions injectables (à 5 et 10 %) sont: la prévention des déshydratations intra- et
extracellulaires; la réhydratation habituelle lorsqu'il existe une perte d'eau supérieure à
la perte de chlorure de sodium et d'autres osmoles; la prophylaxie et le traitement de la
cétose dans les dénutritions. Moyens d'un apport calorique, ces solutés sont également
des véhicules pour l'apport thérapeutique en période pré-, per- ou postopératoire
immédiate. Les solutions injectables hypertoniques (à 15,20,30 et 50 %) sont destinées
à la nutrition parentérale (apport calorique) et au traitement des hypoglycémies.
L'administration de ces solutions est effectuée en perfusion lente sous surveillance
biologique (glycosurie, acétonurie, kaliémie) avec, le cas échéant, une supplémentation
en insuline et en potassium; ils sont contre-indiqués en cas d'inflation hydrique.

Autres dérivés de l'amidonnerie

Industriellement, on prépare également à partir de l'amidon des malto-dextrines, des


sirops de glucose, des sirops de fructose, du glucose liquide.
• Les malto-dextrines ont un ED < 20 : l'ED ou équivalent dextrose est le pourcen-
tage de sucres réducteurs exprimé en glucose (dextrose) et rapporté à la matière sèche.
La dextrine est un amidon de maïs, de pomme de terre ou de manioc, partiellement
hydrolysé, modifié par chauffage, en présence ou non d'acides, d'alcalis ou d'agents de
modification du pH (Ph. eur., 6" éd. - 6.4, [04/2009:1507]). C'est une poudre blanche qui
se dissout dans l'eau bouillante en formant une solution mucilagineuse. L'essai com-
prend, outre les déterminations habituelles (cendres, perte à la dessiccation), la recherche
des métaux lourds (essai limite C), le dosage des sucres réducteurs et celui des chlorures.
OSES SIMPLES 17

• La maltodextrine est un mélange de glucose, de diosides et de polyosides, obtenu


par hydrolyse partielle de l'amidon. Son degré d'hydrolyse, exprimé en équivalent
dextrose (ED), n'est pas supérieur à 20 (Ph. eur., 6' éd. - 6.4, [04/2009:1542]). Les
maltodextrines sont utilisées en diététique infantile, comme agent adhésif pour
pansements chirurgicaux et, en pharmacotechnie, pour la granulation ou bien encore
comme support d'atomisation.
• Les sirops de glucose sont caractérisés par leur ED et par le DP (degré de
polymérisation) des saccharides qui les composent. Les sirops à bas ED (20-30)
renferment encore de 40 à 50 % de saccharides de DP > 7. Les sirops les plus riches en
glucose ont un ED de 95 % et sont constitués de plus de 90 % de glucose (DP 1). Ils
sont surtout utilisés dans l'industrie agroalimentaire 4 .
• Les sirops de glucose enrichis en fructose (HF[C]S, highfructose [corn] syrups)
sont également appelés «isoglucoses ». Ils contiennent de 40 à 90 % de fructose et sont
préparés par conversion enzymatique de sirops de glucose suivie, pour les HFS 80-90,
d'une séparation du glucose par chromatographie sur résines. Les HFS, principalement
les HFS-42 et HFS-55, peuvent être utilisés comme édulcorants dans les préparations
liquides. Ils sont très utilisés par les industries agroalimentaires 4 (boissons carbonatées,
produits laitiers, produits de boulangerie, etc.).

D-fructose

Le fructose (lévulose) est le (-)-D-arabino-hex-2-ulopyranose (Ph. eur., 6' éd.,


[01/2008:0188] .

Présent dans pratiquement tous les fruits ainsi que dans le miel, le D-fructose peut
être obtenu industriellement: 1° par hydrolyse de l'inuline (polymère caractéristique de
certaines Asteraceae : topinambour, chicorée); 2° par séparation à partir du sucre
inverti 5; 3° à partir des HFCS.
Il peut être utilisé pour l'alimentation parentérale. C'est également un sucre
intéressant dans le régime des diabétiques et pour l'alimentation de l'effort: sa
résorption intestinale est lente et ne déclenche pas d'insulino-sécrétion ; son
métabolisme est hépatique. C'est aussi, dans le domaine alimentaire 4, un édulcorant:
son pouvoir sucrant est de 1,7 fois celui du saccharose.

4. La part des glucides simples ajoutés dans l'apport énergétique journalier est en moyenne, en
France, de 17 à 23 % chez les enfants et de 12 à 21 % chez les adultes. Même si le niveau de
preuves liant l'apport en glucides simples à diverses pathologies est faible pour des raisons
méthodologiques, l' Afssa a estimé, en 2004, que cette consommation excessive (notamment sous
forme de boissons) est bien en cause dans le développement du surpoids et de l'obésité des enfants.
Elle a recommandé que la réduction de la consommation de glucides simples de 25 % en 5 ans
prônée par le PNNS (Programme national nutrition santé) porte sur les glucides simples ajoutés, en
particulier hors des repas et sous forme de boissons.
5. Mélange de saccharose, de glucose et de fructose obtenu par divers procédés à partir du
saccharose (hydrolyse acide, hydrolyse enzymatique ou inversion par résines cationiques fortement
acides), et dont 50 % de la matière sèche sont constitués de glucose et de fructose.
18 GLUCIDES

4. DÉRIVÉS DES OSES SIMPLES UTILISÉS EN PHARMACIE

D-sorbito 1 (= D-glucitol, Ph. eur., 6' éd. - 6.4, (04/2009:0435).

Sorbitol liquide (c'est-à-dire à 70 %, cristallisable [0112008:0436] et non cristal-


lisable [0112008:0437]) et sorbitol liquide partiellement deshydraté (6.3 - 0112009:
2048). La pharmacopée précise que le sorbitol liquide est la solution aqueuse d'un
amidon partiellement hydrolysé puis hydrogéné.

liait d'amidon 1

hydrolyse hydrolyse
partielle poussée

1 malto-dextrines

sirops de glucose 1 glucose

sirops enrichis
en maltose
l
fructose
l l 1 1 sorbitol

maltitol ~
mannitol

principaux produits d'amidonnerie-glucoserie


OSES SIMPLES 19

Le sorbitol existe à l'état naturel dans le fruit de diverses Rosaceae, en particulier


dans celui du sorbier des oiseaux, Sorbus aucuparia L., ainsi que dans le thalle de
quelques algues. Industriellement, il est obtenu par hydrogénation catalytique sous
pression ou par réduction électrolytique du D-glucose.
Identifié par le point de fusion de son dérivé acétylé, par CCM et chromatographie
liquide, il doit satisfaire à de nombreux essais: conductivité de sa solution aqueuse,
essais limites (plomb, nickel), teneur en eau (pour le sorbitol anhydre, < 1,5 %), dosage
des sucres réducteurs, dosage des substances apparentées (chromatographie liquide),
estimation de la contamination microbienne et, s'il est destiné à la préparation de formes
pour la voie parentérale sans autre procédé d'élimination des endotoxines bactériennes,
une évaluation de celles-ci. Son dosage fait appel à la chromatographie liquide.

Propriétés et emplois. En thérapeutique, on met à profit ses propriétés de laxatif


osmotique, rétenteur d'eau et des électrolytes, générateur d'acides stimulants du
péristaltisme. On lui prête également des propriétés cholécystokinétiques. Il est indiqué
dans le traitement symptomatique de la constipation et utilisé dans celui des troubles
dyspeptiques. Il est préférable de l'utiliser, comme les autres laxatifs osmotiques, en cas
d'échec ou d'effet indésirable d'un laxatif de lest. Il peut induire des ballonnements,et
est contre-indiqué en cas de colopathie inflammatoire, de syndrome occlusif, ou de
syndrome douloureux abdominal de cause indéterminée. La dose limite de tolérance
digestive a été fixée à 20 g par jour. Le sorbitol ne doit pas être associé au polystyrène
sulfonate de sodium (une résine fixant le potassium intestinal utilisée en cas
d'hyperkaliémie) .
En perfusion, les solutés à 5 et 10 % sont utilisés au même titre que ceux de glucose:
prévention des déshydratations; réhydratation habituelle lorsqu'il existe une perte d'eau
supérieure à la perte en chlorures et autres osmoles ; prophylaxie et traitement de la
cétose dans les dénutritions; appOlt calorique; véhicule pour apport thérapeutique en
période préopératoire et postopératoire immédiate. Les précautions d'emploi sont les
mêmes que dans le cas du glucose.
Le sorbitol est un agent édulcorant un peu moins calorique que le glucose. Il est
utilisable comme substitut du saccharose pour les diabétiques (il est en effet converti en
D-fructose, lequel est ultérieurement métabolisé en glycogène).
Fermentant très lentement, le sorbitol ne modifie pas le pH de la cavité buccale; il
est donc très peu cariogène. Du fait de cette propriété, il est utilisable, comme le xylitol,
dans la formulation de confiseries (gommes à mâcher, bonbons).
Très soluble, très hygroscopique, non susceptible de participer à des réactions de
Maillard, peu sensible à la dégradation microbienne, le sorbitol est particulièrement
intéressant pour son effet dépresseur sur l'activité de l'eau, pour son effet« plastifiant»
sur la texture et pour sa saveur sucrée « fraîche », conséquence d'une chaleur de
dissolution négative. C'est un auxiliaire couramment employé en pharmacotechnie :
régulateur du taux d'humidité dans les poudres, stabilisant de texture dans les formes
pâteuses, plastifiant pour gélatine, retardateur de la cristallisation des sucres, etc. C'est
aussi un auxiliaire de fabrication largement mis à contribution dans l'industrie agro-
alimentaire (E420 - 1 et E421-2 (sirop de».
20 GLUCIDES

Dérivés du sorbitol. Le sorbitol est également utilisé sous la forme d'esters de


sorbitan, c'est-à-dire d'esters principalement obtenus par estérification partielle du
sorbitol et de ses mono- et di-anhydrides par un acide gras: les laurate, oléate,
palmitate, stéarate, trioléate et sesquioléate de sorbitan sont décrits par la 6' éd. de la
Pharmacopée européenne (0112008:1040-1044 et 1916). Ces esters de sorbitan et
leurs dérivés polyoxyéthylénés (polysorbates 20,40,60,80 [Ph. eur., 6' éd., 01/2008:
0426-428 et 1914, corr. 6.3] sont des excipients très utilisés en pharmacotechnie.

D-mannitol

Le mannitol (Ph. eur, 6' éd. - 6.4, [04/2009:0559]) existe à l'état naturel dans la
manne 6 du frêne et en quantités importantes dans le thalle d'algues brunes (laminaires).
Il est préparé industriellement par épimérisation du D-glucose en milieu alcalin puis
réduction catalytique ou électrolytique. On peut aussi l'obtenir par hydrogénation du
D-fructose et cristallisation fractionnée des deux alditols formés.

Propriétés. Pratiquement non métabolisable, le D-mannitol est, par voie parentérale,


un diurétique osmotique. Il est en effet rapidement filtré au niveau glomérulaire et ne
subit pratiquement aucune réabsorption tubulaire. À fortes doses, il augmente
l'excrétion du sodium, du chlore et du potassium. Par voie orale, c'est un laxatif
osmotique également présenté comme cholécystokinétique.

Emplois. Le mannitol est proposé, par voie orale, dans le traitement symptomatique
des troubles dyspeptiques (ballonnements épigastriques, lenteur à la digestion, états
nauséeux) et en traitement d'appoint de la constipation (de préférence après échec ou
effets indésirables des laxatifs de lest). Posologie (adulte) : 10 g par jour, le soir.
Contre-indication: obstruction des voies biliaires. Il a également été employé pour la
préparation colique avant endoscopie en prenant en compte le risque accru de formation
de gaz coliques. Ce risque a conduit à lui préférer des produits comme le PEG 4000.
Une méta-analyse récente a semblé remettre en cause le bénéfice attendu de la
préparation colique avant chirurgie rectocolique.
En perfusion, on utilise des solutés hypertoniques dans les indications suivantes:
oligo-anuries d'étiologies diverses et d'installation récente (soluté à 10 %) ; réduction de
certains œdèmes cérébraux, hypertension intra-oculaire (soluté à 20 %). Contre-
indications : hyperosmolarité plasmatique préexistante, déshydratation à prédominance
intracellulaire. Par voie intra-veineuse, l'usage du mannitol est interdit chez les sportifs
(arrêté du 25 mars 2005, annexe 1; J.o. du 7 avril).
Très peu hygroscopique et peu cariogène, c'est un excipient pour la formulation de
diverses formes solides. Il est utilisable en alimentation humaine (E421) et comme
édulcorant chez le diabétique.

6. La dénomination de manne est appliquée à diverses exsudations sucrées. La manne des


Hébreux est vraisemblablement un petit lichen, très léger, transporté par le vent sur de très longues
distances (Lecanora esculenta OC.).
OSES SIMPLES 21

.FRÊNE À MANNE, Fraxinus ornus L., Oleaceae

Petit arbre à feuilles 5-9 foliolées, à fleurs blanchâtres, ce frêne est une espèce
méditerranéenne. Par incision de l'écorce en saison chaude et sèche on obtient un suc,
la manne. Cette manne 6, en « larmes» ou en « sortes», se présente en fragments
jaunâtres et inodores. Le D-mannitol, constituant majoritaire, est accompagné de D-
glucose, de D-fructose et d'oligosaccharides.
En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet qu'il est
possible de revendiquer, pour le suc épaissi du frêne à manne, l'indication thérapeu-
tique suivante (voie orale) : « traitement symptomatique de la constipation ». Aucune
évaluation toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un dossier « abrégé»
d'AMM (poudre, suc pour tisane, extrait aqueux et extrait hydro-alcoolique quel qu'en
soit le titre). Comme pour toutes les autres plantes de ce groupe 7, une information
précise du corps médical et du public doit être prévue (voir p. 119).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BJArM précise que
la manne est utilisée en cas de constipation et d'affections nécessitant l'élimination de
matières fécales molles (fissure anale, hémorroïdes, post-chirurgie ano-rectale).
Posologie: de 20 à 30 g par jour (adulte); de 2 à 16 g par jour (enfant). La manne est
contre indiquée en cas d'obstruction intestinale. Elle peut occasionner nausées et
Oatulences.

meso-xyl ito 1

Le xylitol (Ph. eur., 6' éd .• 63, [01/2009:1381]) est obtenu par hydrogénation ca-
talytique du D-xylose, lui-même issu de l'hydrolyse des xylanes présents dans les rafles
de maïs (il y en a aussi dans le bois de bouleau, la bagasse de canne à sucre, les sciures,
les pailles). Son pouvoir sucrant est proche de celui du saccharose et il procure une
sensation rafraîchissante. Utilisable par voie orale aussi bien que par voie intraveineuse,
substituant du saccharose, le xylitol est métabolisé par le cycle des pentoses après
déshydrogénation en D-xylulose.

Propriétés biologiques, évaluation. Le xylitol, peu acidogène, n'est pas cariogène.


Inhibiteur de la croissance des Streptococcus mutans, il en diminue le nombre dans la
salive et/ou dans la plaque dentaire, plaque dont il pourrait réduire l'adhérence. Cet
effet sur les germes peut contribuer à prévenir l'apparition de caries, mais cette action
préventive serait surtout liée à la stimulation du flux salivaire induite par la mastication
des gommes édulcorées au xylitol. Plusieurs essais cliniques randomisés montrent que
la consommation régulière de ces gommes diminue fortement la fréquence des caries

7. Sont également retenus dans ce cadre: le fruit du prunier «< pruneau », Prunus domestica L.,
Rosaceae), ceux du pommier (Malus spp.) et du figuier (p. 258), ceux de l'avoine (p. 71) et du seigle, la
pulpe du fruit du nerprun (p. 523), la pulpe du fruit de tamarin (p. 27) ainsi que le son de blé (p. 86),
diverses algues (p. 56 et suivantes), gommes (p. 100 et suivantes) et plantes à mucilages (p. 116-123,
133 et suivantes).
Tamarindus indiea L.
( lSES SIMPLES 23

dentaires dans les groupes traités par rapport aux groupes témoins consommant des
gommes classiques. Est-il plus efficace que le sorbitol? C'est possible, mais les essais
cliniques n'apportent pas de réponse claire à cette question.

Emplois. Le xylitol est utilisé dans la fabrication de confiseries à faible pouvoir


cariogène. Comme le D-sorbitol ou le D-glucose, il peut remplacer le saccharose dans
la formulation des sirops. Généralement, la formulation comprend alors un épaississant.
Ce polyol est un « édulcorant de charge» et, comme tel, son emploi est autorisé en
France (E967). Il en est de même pour d'autres polyols (D-mannitol [E421], D-sorbitol
1E420], maltitol [E965]), isomalt [E953], lactitol [E966]) et pour le polydextrose. La
présence de ces édulcorants dans les produits alimentaires doit être mentionnée sur
l'étiquette (édulcoré à ...). L'étiquetage doit mentionner:
- que le produit ne doit pas être donné aux enfants de moins de trois ans;
- que la consommation journalière excessive peut entraîner des troubles gastro-
intestinaux sans gravité: il est en effet connu que l'ingestion de fortes quantités peut
entraîner flatulences et dimThées.

Dérivés des polyols

Plusieurs dérivés synthétiques, esters nitrés de polyols, sont des vasodilatateurs


coronariens utilisés dans le traitement prophylactique de la crise d'angor (cf. ouvrages
de chimie thérapeutique). Plus généralement, les esters nitrés d'alditols sont instables et
employés dans l'industrie des explosifs: hexanitrate de meso-galactitol (nitrodulcitol),
hexanitrate de D-mannitol, sans oublier le trinitroglycérol.

5. DÉRIVÉS DES SUCRES


ACIDE ASCORBIQUE ET AUTRES ACIDES

Acide ascorbique, ascorbate sodique et palmitate d'ascorbyle sont inscrits à la 6'


édition de la Pharmacopée européenne [6.3,0112009:0253,1791; 6.0,0112008:0807].

La vitamine C est l'acide L-( + )-threo-ascorbique (= L-threo-hex-2-énono-1 ,4-


lactone). Biosynthétiquement, cet acide dérive directement - chez les végétaux - du
D-glucose avec conservation de la séquence de la chaîne carbonée (via le D-mannose,
le L-galactose et la L-galactono-l ,4-lactone). L'acidité de la molécule et son caractère
réducteur sont liés à sa structure d'ène-diol qui est aisément oxydée en une structure
bicyclique, l'acide déhydroascorbique. L'acide ascorbique est métabolisé en acide
oxalique, acide thréonique et acide tartrique; ce dernier peut être formé via l'acide
thréonique ou, chez certaines familles, directement (Vitaceae). Dans un certain nombre
d'espèces, les acides formés s'accumulent (ex. : acide L-(+)-tartrique du jus de raisin).

Propriétés biologiques. La vitamine C peut intervenir dans différents couples


d'oxydo-réduction au niveau cellulaire. Elle est indispensable à l'hydroxylation de la
24 GLUCIDES

proline, donc à l'élaboration et au maintien de l'intégrité du collagène chez les animaux


ainsi qu'à celle des extensines, protéines intervenant dans la formation de la paroi
cellulaire des végétaux. Sur la base d'expérimentations animales, on admet que cette
vitamine capte les radicaux nocifs et qu'elle inhibe la formation de nitrosamines.
La vitamine C n'est pas synthétisée par les primates et doit donc être apportée à
l'Homme par son alimentation (apport conseillé: 80 mg/j).

*~CH20~OH HO~O OH

~
Ox.
Ht-d~
OH + HO-C-H Réd.
HO
1 HO
CH 2 0H
OH

D-Glucose
*
acide ascorbique acide déhydroascorbique
hémiacétal bicyclique hydraté
de l'acide déhydroascorbique

* et +: marquages montrant l'origine biosynthétique

Évaluation clinique. La vitamine C peut-elle être un moyen de prévenir et de traiter


le rhume? L'analyse des nombreux essais cliniques contrôlés versus placebo montre
clairement que, dans la population générale, la supplémentation en vitamine C (200 mg
et plus par jour) ne réduit pas l'incidence du rhume et que cet usage prophylactique
n'est pas justifié en routine. L'usage prophylactique peut avoir un intérêt chez des
personnes soumises à de courtes périodes d'activité intense ou pour raccourcir (très
faiblement) la durée du rhume. En cas de rhume déclaré, aucun effet thérapeutique n'a
été noté, même avec des doses journalières de 4 g. Les données sur l'intérêt d'une
supplémentation en vitamine C au cours de la grossesse sont actuellement insuffisantes.
Si les études cas-témoins montrent l'existence d'une association entre la
consommation de fruits et légumes riches en acide ascorbique et un effet protecteur à
l'encontre des cancers digestifs, les études d'intervention n'ont mis en évidence aucun
effet préventif d'une supplémentation en vitamine C (ou d'un mélange de vitamines
antioxydantes) sur la survenue de cancer du côlon, pas plus que sur celle de cancer du
poumon ou de la prostate. L'hypothèse de l'incidence favorable de la prise régulière de
vitamine C sur la survenue d'une démence de type ALZHEIMER n'est pas démontrée.

Emplois. La vitamine C est indiquée à dose vitaminique (de 10 à 50 mg par jour) :


10 dans le traitement du scorbut; 2 0 en prophylaxie des états de carence pouvant
apparaître si l'alimentation est déséquilibrée ou insuffisante. À doses élevées, (0,5 g par
jour), elle est utilisée dans le traitement des asthénies au cours de coryzas, états
grippaux, convalescences. Même si les doses très élevées semblent bien tolérées
(observations isolées de troubles intestinaux), le Conseil supérieur d'hygiène publique
de France a proposé une dose-seuil de sécurité de 15 mglkg/j (soit 1 g par jour pour un
adulte). L'acide ascorbique (E300), ses sels (Na, E301, K, E302) et ses esters d'acides gras
(E304) constituent des additifs alimentaires autorisés (acidifiants, conservateurs,
antioxydants) .
OSES SIMPLES 25

Sources de vitamine C. L'acide ascorbique est présent en quantité notable dans di-
vers fruits: fruits de l'argousier, de l'églantier, de l'actinidie (= kiwi, Actinidia 'sinensis',
=A. deliciosa [A. Chev.] Liang & A.R. Ferg., A. arguta [Siebold & Zucc.] Miq.,
Actinidiaceae), du paprika (Capsicum annuum L., Solanaceae), du jaboticaba du Brésil
(Myrciaria cauliflora [e. Martius] O. Berg et autres espèces, Myrtaceae) et du cerisier
du Brésil (= cerise des Barbades ou des Antilles = acérola = Malpighia emarginata De.
=M. glabra fpunicifolia] L., Malpighiaceae) pour ne citer que les plus riches .

• ARGOUSIER, Hippophae rhamnoides L., Elaeagnaceae

L'argousier est une plante tolérante à la sécheresse et au froid, répandue dans toute
l'Eurasie où elle a été utilisée pour diverses propriétés médicinales. Elle fait l'objet
d'essais de culture au Canada. Son fruit est particulièrement riche en acide ascorbique
(de 0,5 g à plus de 5 g/kg). La fraction huileuse de la graine, caractérisée par sa teneur
élevée en acides gras insaturés en C 18 (linoléique, a-linolénique) est riche en carotènes
et en tocophérols. Le fruit renferme aussi de 1,5 à 2 g/kg de flavonoïdes (mono- et di-
glycosides de flavonols) et de 1,1 à 3 g/kg de proanthocyanidols. Ce fruit sert à la
préparation de jus, de confitures, d'extraits et de divers compléments alimentaires.
L'huile est utilisée dans la formulation de préparations pour la voie externe .

• ÉGLANTIER, Rosa canina L. et autres espèces, Rosaceae

Le cynorrhodon est constitué par le réceptacle floral et le reste des sépales, débar-
rassés des akènes, séchés, de R. canina L., R. pendulina L. et autres espèces de Rosa. Il
contient au minimum 0,3 % d'acide ascorbique (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:1510]).

La plante, le pseudo-fruit. L'églantier est un arbrisseau très buissonnant, à tiges


dressées garnies d'aiguillons très robustes, à feuilles composées pennées bleuâtres, à
stipules soudées au pétiole, à fleurs rose pâle. Le pseudo-fruit ou cynorrhodon, formé
par le réceptacle floral devenu charnu, renferme des akènes polyédriques très durs.
Les fragments du réceptacle floral, d'un rose pâle à orangé, ont une surface externe
luisante et ridée et une surface interne plus claire couverte de nombreux poils longs
(<< poil à gratter »). Examinée au microscope (hydrate de chloral), la poudre de cynor-
rhodon présente notamment de nombreux poils unicellulaires très longs (2 mm x 30-
45 /lm), rétrécis aux deux extrémités, à paroi fortement épaissie et cuticule cireuse
parfois fissurée en spirale.
L'acide ascorbique est mis en évidence dans le cynorrhodon par CCM (révélation
par le dichlorophénolindophénol). Son dosage nécessite une extraction par le méthanol
acidifié par l'acide oxalique, puis une mesure de l'absorbance après réaction avec la
dinitrophénylhydrazine en présence de thiourée et de dichlorophénolindophénol.

Composition chimique. Le cynorrhodon doit sa couleur orangée à des caroténoïdes.


Il contient des tanins, de la pectine, des sucres et, comme beaucoup d'autres fruits de
26 GLUCIDES

Rosaceae, du D-sorbitol. La vitamine C (jusqu'à 1,7 %) est accompagnée d'acide


malique et d'acide citrique. Des composants lipophiles, non identifiés, sont
responsables de l'activité anti-inflammatoire mise en évidence in vitro et chez l'animal.

Évaluation clinique. Des essais cliniques contrôlés versus placebo publiés depuis
2003 ont montré que la poudre de cynorrhodon (5 g par jour) pourrait apporter un
modeste soulagement aux patients souffrant d'arthrose de la hanche et/ou du genou
(douleur, qualité de vie). Toutefois le niveau de preuve de l'efficacité est faible ou
modéré selon l'indication (mal de dos, arthrose) et d'autres essais, indépendants et de
longue durée, sont nécessaires pour juger de l'intérêt clinique réel du cynorrhodon.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour le pseudo-fruit d'églantier, les indications théra-
peutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 10 dans les asthénies
fonctionnelles; 20 pour faciliter la prise de poids. Aucune évaluation toxicologique n'est
demandée pour la constitution d'un dossier « abrégé» d' AMM (poudre, cynorrhodon
pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la Commission E du BJArM a estimé que l'efficacité du pseudo-fruit
d'églantier est, selon les usages revendiqués, soit non démontrée, soit insuffisamment
démontrée et, qu'en conséquence, elle ne pouvait pas en recommander l'utilisation à
des fins thérapeutiques. Elle a en outre précisé que la rapide décroissance de la teneur
en acide ascorbique du cynorrhodon remet en question la possibilité d'utiliser celui-ci
en prophylaxie ou en traitement d'une éventuelle carence en vitamine C. Rien ne
s'oppose par contre à son utilisation pour renforcer le goût des tisanes composées ou
dans l'industrie des aliments .

• KARKADÉ, Hibiscus sabdariffa L., Malvaceae

Le karkadé est le « calice et calicule secs, entiers ou fragmentés, récoltés pendant


la période de fructification, d'H. sabdariffa. Teneur: au moins 13,5 % d'acides, expri-
més en acide citrique» (Ph. eur., 6' éd. - 6.1, [04/2008:1623]).

Le calice et le calicule. Calice et calicule sont charnus, secs, friables, de couleur


rouge vif à violet sombre. Le calice, concrescent à la base, compte 5 languettes
acuminées recourbées à nervure médiane légèrement proéminente et glande nectaritère
d'environ 1 mm de diamètre. Le calicule compte 8-12 folioles étroites, élargies à la
base, adhérentes à la base du calice.
La poudre de karkadé, examinée au microscope (hydrate de chloral), présente: des
fragments de parenchyme de couleur rouge avec de nombreuses macles d'oxalate de
calcium et quelques cavités remplies de mucilage; des fragments de vaisseaux; des
fibres sclérenchymateuses à large lumière; des fragments de poils tecteurs l-cellulaires
flexueux, etc. Le karkadé de doit pas renfermer plus de 2 % de fruits. Son pouvoir
colorant est déterminé par une mesure d'absorbance effectuée sur un décocté.
L'alcalimétrie directe permet d'évaluer la teneur en acides d'une macération.
OSES SIMPLES 27

Composition chimique. Le karkadé est caractérisé par une forte teneur en acides
organiques (15-30 %) : acides citrique, malique, tartrique, lactone de l'acide hydroxy-
citrique. Elle contient aussi des polysaccharides hétérogènes acides (un rhamno-
galacturonane de type pectique et un arabinogalactane neutre) et de nombreux
composés phénoliques : acide protocatéchique, flavonoïdes (O-glucosides de la
gossypétine), anthocyanosides (delphinidol-3-sambubioside, cyanidol-3-sambubioside
et autres glycosides de ces génines). On note aussi la présence de composés volatils
(notamment des hexénols et de l'a-terpinéol dans le calice et le calicule frais).

Pharmacologie, évaluation clinique. Des données limitées de pharmacologie


animale attribuent au karkadé des propriétés spasmolytiques (muscles lisses isolés),
hypotensives, antioxydantes et inhibitrices du développement de l'athérosclérose.
L'action hypotensive serait la conséquence d'une action diurétique et d'une inhibition de
l'enzyme de conversion de l'angiotensine. Les rapports d'essais publiés par des
cliniciens mexicains suggèrent que l'infusé et l'extrait sec d' Hibiscus sont aussi efficaces
que le captopril (50 mg par jour) ou le lisinopril (10 mg par jour) pour abaisser la pres-
sion artérielle. Toutefois, ce constat repose sur des essais méthodologiquement peu
satisfaisants (infusion versus comprimé [pas d'aveugle possible], pas de bras placebo,
rapport sommaire, etc.). Ces préparations ne semblent pas induire d'effets indésirables.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour le calice et le calicule de karkadé, les indications
thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 10 dans les asthénies
fonctionnelles; 2 0 pour faciliter la prise de poids. Aucune évaluation toxicologique
n'est demandée pour la constitution d'un dossier « abrégé» d'AMM (poudre, karkadé
pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la Commission E du BfArM a estimé que l'efficacité de lafleur de
karkadé dans les usages revendiqués n'était pas démontrée et, qu'en conséquence, elle
ne pouvait pas en recommander l'utilisation à des fins thérapeutiques .

• TAMARIN, Tamarindus indica L., Caesalpiniaceae


La pulpe de tamarin est la pulpe du fruit mûr de T. indica, débarrassé de l'épicarpe
(Ph. fse, 10' éd.). Elle contient au minimum 5 % d'acide tartrique.

La plante, la pulpe. Le tamarin est un grand arbre originaire d'Afrique, au bois dur,
cultivé dans diverses régions tropicales du globe (Inde, Antilles), au feuillage persistant
de feuilles paripennées et aux grappes de fleurs jaunâtres. Le fruit, une gousse
indéhiscente à mésocarpe charnu, peut atteindre 20 cm de longueur et renferme, dans
une pulpe charnue, de 4 à 12 graines irrégulières, dures, comprimées.
La pulpe a une couleur brun rougeâtre et une consistance pâteuse. Elle est souvent
entremêlée de fortes fibres et contient fréquemment des graines dures, luisantes (12 x 6
mm). L'odeur est aromatique, la saveur acidulée.
28 GLUCIDES

La pulpe ne renferme pas plus de 25 % de graines. L'acide tartrique est dosé par
chromatographie liquide après extraction par une solution diluée d'acide phosphorique.

Composition chimique. La graine renferme 15-20 % de protéines, 3-7 % de lipides


et de 65 à 70 % de polysaccharides non fibreux. On y trouve aussi 0,6 % de dérivés
phénoliques, essentiellement des proanthocyanidols. Ceux-ci, accompagnés de
flavonoïdes, sont également présents dans le péricarpe. La « gomme» commerciale est
obtenue par broyage de l'endosperme après élimination des téguments par traitement
thermique et concassage. Le polymère de réserve de cette graine est une molécule
complexe comprenant une ossature formée de D-glucoses liés ~-(1->4) et substituée
sur les positions 6 par des restes xylosyl, arabinosyl et galactoxylosyl.
La pulpe est riche en pectines et en sucres simples (20-40 %). Elle renferme
également 10-15 % d'acides organiques: acide tartrique, acide malique, acide citrique,
acide succinique, libres et salifiés (l'hydrogénotartrate de potassium est le composant
majoritaire). L'odeur est liée à la présence de composés monoterpéniques et aromatiques
(cinnamates), de dérivés furaniques artefactuels et à celle de thiazoles et de pyrazine.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour la pulpe de fruit de tamarin, l'indication
thérapeutique suivante (voie orale) : « traitement symptomatique de la constipation ».
Aucune évaluation toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un dossier
« abrégé» d'AMM (poudre). Comme pour toutes les autres plantes de ce groupe, une
information précise du corps médical et du public doit être prévue (voir p. 119).
Le tamarin ne fait pas l'objet d'une monographie de la Commission E du BfArM
allemand.
Recherchée localement comme condiment, la « gomme» de tamarin est employée
par diverses industries non alimentaires pour sa capacité à former des solutions
visqueuses à comportement pseudo-plastique. L'industrie des cosmétiques utilise des
fractions polysaccharidiques de la graine comme « stimulant de la réparation des peaux
agressées» .

Acide sorbique = acide 2,4-(E,E)-hexadiénoïque (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:


0592]). Il existe à l'état naturel dans les fruits du sorbier sous la forme, lactonique,
d'acide parasorbique. Il est préparé par synthèse. L'acide lui-même (E200) et ses sels
(Na, K, Ca, E201-203) sont des conservateurs autorisés, inhibiteurs du développement
des moisissures.

6. CYCLITOLS

Les cyc1itols sont des polyhydroxycyc1oalkanes. Le cyc1ohexanehexol ou inositol


joue un rôle biologique fondamental et a, de ce fait, suscité de nombreux travaux. Six
des neuf isomères possibles sont connus à l'état naturel. Les esters phosphoriques du
myo-inositol, notamment l'acide phytique, constituent la forme la plus abondante des
phosphates dans la nature.
OSES SIMPLES 29

Le sel de sodium de l'acide phytique (Del: acide fytique) précipite le calcium


intestinal sous forme de phytate insoluble et inabsorbable. Ses indications sont les sui-
vantes: hypercalciuries, lithiases calciques infectées, exploration du métabolisme
calcique. Lors du traitement des hypercalciuries, le régime alimentaire doit être pauvre
en calcium et la calciurie surveillée régulièrement. Le sel de calcium est associé à
divers composants (par exemple des vitamines, ou de la kola) dans des spécialités
utilisées dans le traitement symptomatique de l'asthénie fonctionnelle.

7. BIBLIOGRAPHIE
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Oligosaccharides

1. Introduction .................................................................................................................... 31
2. Disaccharides .................................................................................................................32
saccharose, plantes à saccharose .......................................................................... .32
betterave ............................................................................................. 33
canne à sucre ...................................................................................... 34
3. Dérivés des disaccharides, maltitol, isomalt.. ................................................................ 35
4. Oligosaccharides ............................................................................................................ 35
5. Cyc10dextrines ............................................................................................................... 37
6. Bibliographie ............................................................................................................... .37

1 . INTRODUCTION

Les oligosaccharides ou oligosides résultent de la condensation de deux à dix molécules


d'oses par établissement, entre chacune d'entre elles, d'une liaison osidique. Cette
liaison osidique est formée, in vivo, par transfert d'un radical osyle à partir d'un
nucléotide-ose sur une molécule acceptrice; elle implique 1'hydroxyle hémiacétalique
porté par le carbone anomérique d'un ose et l'un quelconque des hydroxyles: 10 d'une
autre molécule d'ose (formation d'un dioside) ou, 2 0 , d'une chaîne osidique plus ou
moins longue (formation d'oligosaccharides et de polysaccharides).
On rappellera ici:
- que la liaison osidique est facilement rompue par hydrolyse chimique et, avec une
étroite spécificité, par hydrolyse enzymatique;
- que la détermination de l'enchaînement et la connaissance du mode de liaison de
ces petites molécules sont maintenant largement facilitée par le progrès des techniques
spectroscopiques (RMN, SM), même si les méthodes classiques restent couramment
utilisées (voir les ouvrages de biochimie).
32 GLUCIDES

2. DISACCHARIDES

Selon le type de liaison osidique, on distingue les disaccharides non réducteurs (la
liaison se fait entre les fonctions réductrices de chaque ose) et les disaccharides
réducteurs (la liaison implique la fonction réductrice d'un seul ose).
Un seul disaccharide non réducteur a une importance industrielle: le saccharose. Le
tréhalose [= a-D-glucopyranosyl-( 1-> 1')-a-D-glucopyranoside], disaccharide non
réducteur caractéristique des Champignons et autres organismes non photo-
synthétiques n'est pas utilisé.
Si l'on peut détecter de nombreux disaccharides réducteurs dans les végétaux, c'est
toujours en très faible quantité : ce sont en fait des produits de dégradation
d'oligomères, de polymères ou d'hétérosides : le maltose [a-D-glucopyranosyl-(l->4)-
D-glucopyranoside] et le cellobiose [~-D-glucopyranosyl-(l->4)-D-glucopyranoside]
sont issus de la dégradation respective de l'amidon et de la cellulose.
Les autres disaccharides parfois caractérisés sont normalement des éléments
constitutifs de combinaisons hétérosidiques, en particulier celles construites autour
d'une génine phénolique (voir tableau ci-dessous, voir aussi: flavonoïdes).

structure dénomination courante

O-~-D-Glcp-(1->4)-D-Glcp cellobiose
O-a-D-Glcp-(l->4)-D-Glcp maltose
O-~-D-Glcp-(l-> 2)-D-Glcp sophorose
O-~-D-Glcp-(l->3)-D-Glcp laminaribiose
O-~-D-Glcp-(l->6)-D-Glcp gentiobiose
O-~-D-Galp-(l->4)-D-Glcp lactose
O-a-L-Rhap-(l- > 2)- D-Glcp néohespéridose
O-a-L-Rhap-(l->3)-D-Glcp rungiose
O-a-L-Rhap-(l->6)-D-Glcp rutinose
O-~-D-Glcp-(l-> 3)-a-L-Rhap scillabiose
O-~-D-Xylp-(l-> 2)-D-Glcp sambubiose
O-~-D-Xylp-(l-> 2)-D-Galp lathyrose
O-~-D-Xylp-(l->6)-D-Glcp primevérose

Saccharose, plantes à saccharose

Le saccharose [a-D-glucopyranosyl-(l-> 2)-~-D-fructofuranoside] est un


disaccharide non réducteur. Principale forme de transport et forme de réserve
temporaire de l'énergie chez les végétaux, il s'accumule dans certaines racines
charnues. On peut l'obtenir à partir de l'érable à sucre, Acer saccharum Marshall, arbre
de l'est du continent nord-américain. C'est aussi l'un des principaux constituants de la
datte, fruit du palmier dattier (Phœnix dactylifera L., Arecaceae [= Palmae]). Ses deux
principales sources industrielles sont la canne à sucre et la betterave. Il est produit
industriellement à partir de la betterave depuis le début du XIX' siècle. La production
OLIGOSACCHARIDES 33

mondiale est voisine de 150 millions de tonnes, un tiers environ provenant de la


betterave, deux tiers de la canne à sucre (Brésil, Inde, Chine, États-Unis d'Amérique,
Thaïlande, Mexique, Australie, France, Allemagne, etc.).
Le saccharose a été caractérisé dans la racine de betterave au milieu du XVIII' siècle
(MARKGRAF, 1745). Deux siècles plus tard, sa synthèse totale était publiée (1953) et son
étude conformationnelle achevée (RMN). Entre-temps, les plus grands noms de la
chimie se sont intéressés à sa structure, à ses propriétés chimiques et biologiques, à son
origine, à son devenir. À l'heure actuelle, le sujet ne semble pas épuisé: dans une revue
publiée en 1990, C. A vigad rapportait que de 1982 à 1986 le saccharose avait suscité
environ 10 000 articles scientifiques (répertoriés aux Chemical Abstracts).

~
OH OHO

~
OHO
HO
HO
~oOH
HO 0
HO OH HO o
o HO OH
o
OH OH

a-maltose saccharose

Le saccharose officinal (Ph. eur., 6" éd. - 6.3, [01/2009:0204]) doit satisfaire à des
essais très proches de ceux prescrits pour le glucose. Il est utilisé comme excipient des
tablettes et autres formes pour la voie orale et pour la fabrication des sirops
(concentration minimale de 45 % m/m). L'industrie pharmaceutique emploie un
saccharose modifié physiquement avec ou sans adjonction de maltodextrines pour le
rendre directement compressible. Elle a également fréquemment recours au sirop
simple (Pharmacopée) obtenu par dissolution à chaud de 650 g de saccharose dans
1 litre d'eau purifiée et éventuellement additionnée d'agents antimicrobiens
(d = 1,31-1,33, indice de réfraction = 1,449-1,458).
Le saccharose est le constituant majoritaire (jusqu'à 92 %) des sphères de sucre
(Ph. eur., 6" éd. 6.3, [01/2009:1570]). Il permet de préparer, par transestérification sur
les esters méthyliques des acides stéarique et palmitique d'origine végétale, le stéarate
ct le monopalmitate et de saccharose (Ph. eur., 6" éd. - 6.1, [04/2008:2318-2319]) .

• BETTERAVE SUCRIÈRE, Beta vulgaris L., Chenopodiaceae

La plante, bisannuelle, est cultivée comme annuelle: le recours à des variétés à fort
besoin de vernalisation permet d'éviter la floraison et, de ce fait, la racine se développe
davantage. Cette racine contient environ 77 % d'eau et 16-17 % de saccharose. Pro-
duction mondiale (2006) : 256 millions de tonnes; cinq pays en produisaient cette
même année plus de 20 millions de tonnes chacun (France, Allemagne, États-Unis
d'Amérique, Russie, Ukraine), quatre plus de 10 millions de tonnes (Chine, Turquie,
Italie, Pologne) et trois plus de 5 millions (Royaume-Uni, Belgique, Pays-Bas).
34 GLUCIDES

Les racines, lavées, épierrées et épaillées, sont découpées en fines lanières


(cossettes) et le saccharose extrait par simple diffusion dans l'eau chaude. Le jus obtenu
est purifié par chaulage, puis traité par le dioxyde de carbone. Après filtration, le jus
clarifié est concentré sous vide. Le sirop laisse cristalliser plusieurs jets successifs de
saccharose, la phase résiduelle constituant la mélasse. Un essorage (turbinage) permet
de purifier le produit (sucre blanc cristallisé). Le rendement moyen est voisin de 130 kg
de saccharose et de 35-40 kg de mélasse à 48 % de saccharose par tonne de betterave.
L'industrie prépare également le sucre liquide, le sucre liquide inverti et le sirop de
sucre inverti.
Dans l'industrie agroalimentaire, le saccharose est depuis toujours employé comme
conservateur: lorsque la concentration est suffisante - la solubilité maximale à 20 oC
est de 204 g de saccharose pour 100 g d'eau - le développement des micro-
organismes est inhibé .

• CANNE À SUCRE, Saccharum officinarum L., Poaceae

s. officinarum lato sensu comprend au moins trois sous-espèces et de nombreuses


variétés. Comme le maïs, c'est une plante de type «C4 »donc à haut rendement. Grand
roseau vivace d'origine discutée (Inde, Mélanésie ?), elle possède une tige pleine entre
les entre-nœuds et terminée par une grande panicule de fleurs. Les tiges écrasées
fournissent un jus (le vesou) qui, débarrassé de ses protéines et neutralisé (chaulage),
filtré, décoloré et concentré, laisse cristalliser le saccharose brut (sucre cristallisé roux).
Ce sucre peut être « affiné» par brassage dans du sirop concentré, turbinage,
dissolution, concentration, cristallisation. La zone Caraïbes - Amérique centrale et du
Sud (Brésil, Mexique, Colombie, Argentine, etc.) et l'Asie (Inde, Chine, Thaïlande,
Pakistan, Philippines, Indonésie, etc.) sont les principales zones de production
Production mondiale: 1,56 milliards de tonnes en 2007 (1. Brésil, 2. Inde, 3. Chine).

3. DÉRIVÉS DES DISACCHARIDES

• esters du saccharose (Olestra ®). Le mélange des hexa-, hepta- et octaesters du


saccharose et d'acides gras issus des huiles alimentaires constitue un substitut des
matières grasses. Ces esters ne sont ni digérés, ni absorbés, et leur utilisation dans
certains aliments a été autorisée en 1996 aux États-Unis d'Amérique par la FDA. Une
possibilité de crampes abdominales et un éventuel suintement anal chez quelques
personnes et aux fortes doses semblent être les seuls inconvénients initialement
reconnus à ce produit. On a également noté qu'ils peuvent induire une baisse de la
concentration sérique en caroténoïdes et vitamines liposolubles (tocophérols), sans
conséquence apparente décrite à ce jour.

• maltitol (Ph. eur., 6" éd. -6.3, [0112009:1235]) et maltitolliquide [01/2008:1236].


Ce polyol n'existe pas à l'état naturel, il est produit par synthèse à partir des sirops de
glucose riches en maltose. C'est un édulcorant de charge autorisé (E965 1& 2).
OLIGOSACCHARIDES 35

• isomalt (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:1531]). C'est le produit d'hydrogénation


catalytique de l' isomaltulose qui est issu de la transformation enzymatique
(Protaminobacter rubrum) du saccharose. C'est un mélange de 6-0-a-D-gluco-
pyranosyl-D-sorbitol et de l-O-a-D-glucopyranosyl-D-mannitol (Palatinit®). C'est un
édulcorant de charge autorisé, (voir ci-dessus: meso-xylitol).

• On citera aussi un disaccharide de synthèse, le lactulose (= ~-D-galacto­


pyranosyl-[I->4]-D-fructofuranoside) qui est un laxatif osmotique, un hypoammonié-
miant, un stimulant du péristaltisme intestinal. L'abaissement du pH colique par les
acides issus de sa dégradation par la flore microbienne diminue l'absorption intestinale
de l'ammoniac et favorise sa diffusion sanguine et sa fixation/élimination (NH 4+).
Indications: constipation, encéphalopathies hépatiques. En cas de besoin (comas) le
produit est utilisable par sonde gastrique ou en lavement.

• Le lactitol monohydraté (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:1337]), produit d'hydrogé-


nation catalytique du lactose - ce n'est pas un sucre d'origine végétale -, revendique
les mêmes indications et les mêmes effets indésirables éventuels (flatulence, crampes
abdominales, diarrhées).

4. OLiGOSACCHARIDES

Les oligosaccharides supérieurs (de trois à dix oses) représentent des formes de
réserve spécifiques d'espèces ou de groupes végétaux restreints, ce qui explique leur
intérêt pour le chimiotaxonomiste. Certains sont également impliqués dans la formation
d'hétérosides (trisaccharides linéaires ou ramifiés des flavonoïdes, oligosaccharides des
saponosides, etc., voir, ci-dessous, l'exemple du gypsoside).

~1
0- a-L-Rha

~ 3~ _______

Exemple d'hétéroside complexe:


4
gypsoside A, O-hétéroside (en 3) et ester (en 28)
@ d'une génine triterpénique, la gypsogénine.
(source: Gypsophila paniculata L., Caryophyllaceae).

Les plus fréquents des oligosaccharides de réserve sont des dérivés galactosylés du
saccharose, non réducteurs. Comme d'autres formes de réserve, ils sont surtout stockés
dans des graines et dans des organes souterrains. S'ils sont parfois présents dans des
36 GLUCIDES

végétaux auxquels la tradition attribue des propriétés médicinales, ces oligosaccharides


ne semblent pas jouer un rôle déterminant dans l'activité de celles-ci (ombelliférose des
racines d' Apiaceae, plantéose des graines de divers plantains).
À titre d'exemple on citera ici la série la plus importante formée par l'addition, via
le galactinol (c'est-à-dire le I-L-I-O-a-D-galactopyranosyl-myo-inositol), de D-
galactose sur le saccharose par l'intermédiaire de liaisons (l->6)-a: raffinose,
stachyose, verbascose, ajugose. Les premiers termes de la série sont fréquents chez les
graines de Fabaceae : ils sont en partie à l'origine des flatulences observées après la
consommation de légumes secs (ex. : haricots, pois chiches). Le stachyose s'accumule
également dans les tubercules comestibles d'une Lamiaceae, le crosne du Japon,
Stachys tuberifera Nand.
Les fructo-oligosaccharides non réducteurs sont largement utilisés par l'industrie
agroalimentaire. Ces molécules, préparées par voie enzymatique (cf. p. 94) sont bifi-
dogènes, ce qui a conduit plusieurs pays à autoriser les firmes qui commercialisent des
produits en contenant à revendiquer des allégations du type « contribue au maintien
d'une bonne santé gastro-intestinale ».
Les oligosaccharides réducteurs connus sont essentiellement des produits
d'hydrolyse partielle de polysaccharides: c'est le cas des malto-dextrines issues de
l'hydrolyse partielle de l'amidon (voir ci-dessus).

isomélibiose

melibiose ( ---------~~--------\

o
H~:O~
HO saccharose
HO \~----O
HOH2~O0 HOH2~O0
HO HO
CH 2 0H CH 20H

OH OH
raffinose umbelliférose
a-D-Galp-(1->6)-a·D·GIcp-(1 <->2)-~·D·Fruf a-D-Galp-(1->2)-a-D-GIcp-(1 <->2)-~-D·Fruf
+ a·D-Galp-(1->6) : stachyose
+ a·D-Galp-(1->6) : verbascose
+ a-D-Galp-(1->6) : ajugose Exemples d'oligosaccharides
OLIGOSACCHARIDES 37

5. CYCLODEXTRINES

Les cyclodextrines sont des oligosaccharides cycliques produits par dégradation


enzymatique de l'amidon. L'enzyme, la cyc10dextrine glycosyl transférase, est produite
par différents bacilles (Bacillus macerans, B. circulans). Structuralement, les a-, ~- et
y-cyclodextrines comportent respectivement 6, 7 et 8 unités de glucose reliées par des
liaisons a-(l->4). Ces molécules, plutôt hydrosolubles et résistantes à l'hydrolyse,
ont une forme de tore. Elles présentent une cavité de 5 à 8 Â de diamètre moyen,
relativement hydrophobe (carbones du squelette et ponts éther) alors qu'elles sont très
hydrophiles à l'extérieur (alcools primaires sur la partie étroite du tore, alcools
secondaires sur la partie large). Leur intérêt majeur réside dans leur capacité à former
des composés d'inclusion non covalents avec de nombreuses molécules aux
dimensions compatibles et donc de permettre une « encapsulation moléculaire» pour
augmenter la stabilité (thermique, chimique), pour modifier la solubilité et la vitesse de
dissolution, pour améliorer la biodisponibilité, éviter les interactions, éviter les
dégradations gastriques ou oculaires, masquer le goût et l'odeur, etc. Les applications
possibles sont nombreuses: complexation de principes actifs, de pesticides, de
détergents, stabilisation des arômes et des colorants. Leur grande résistance à
l'hydrolyse enzymatique par l'a-amylase conduit à limiter la dose journalière à 3 % de
la ration alimentaire.
En thérapeutique, une y-cyc1odextrine modifiée a été récemment développée: sa
cavité, élargie par le greffage de chaînes latérales à extrémité chargée négativement, est
capable de complexer les curares stéroïdiques (rocuronium, vecuronium) et, ainsi, de
lever le bloc neuro-musculaire que ces molécules provoquent (Org 25969 = sugam-
madex).
Pour les chimistes, les cyclodextrines et leurs dérivés constituent une phase
stationnaire chromatographique très intéressante: ils permettent la séparation
stéréosélective (et la quantification) de molécules chirales (par exemple dans les huiles
essentielles) .
La ~-cyclodextrine (betadex) peut être utilisée dans l'industrie agroalimentaire
(E459), par exemple pour enrober les arômes destinés à la formulation de thés
aromatisés ou de boissons instantanées, pour prolonger le gôut de confiseries (gommes
il mâcher), etc. Sur les spécifications de ce produit, voir la Pharmacopée européenne W
éd., [01/2008:1070]). Voir aussi la monographie «hydroxypropylbetadex » W éd. - 6.2,
107/2008: 1804]).

6. BIBLIOGRAPHIE

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Polysaccharides

1. Structure des polysaccharides ....................................................................................... .40


2. Comportement des polysaccharides: gélification ........................................................ .40
3. Isolement et analyse structurale .................................................................................... .41
4. Monographies ............................................................................................................... .42
5. Bibliographie ................................................................................................................ .42

Il est hors de question, dans ce court chapitre introductif, de détailler la structure, les
propriétés, les fonctions ou les méthodes d'étude des polysaccharides: ce n'est pas
l'objet de la pharmacognosie. Il semble toutefois utile de souligner ici quelques
données de base que le lecteur complétera utilement en se reportant aux traités de
biochimie et aux ouvrages et publications spécialisés.
Les polysaccharides (ou polyosides, ou glycanes) sont arbitrairement définis
comme des polymères de haut poids moléculaire résultant de la condensation d'un
grand nombre de molécules d'oses. Chaque ose est lié à son voisin par l'intermédiaire
d'une liaison osidique formée par élimination d'une molécule d'eau entre l'hydroxyle
hémiacétalique en C-l d'un ose et l'un quelconque des hydroxyles de l'autre molécule
llsidique.
Molécules naturelles, les polysaccharides ont une distribution quasi universelle et ils
assurent, chez les êtres vivants, un grand nombre de fonctions vitales dont certaines
sont, au demeurant, fort mal connues. Responsables de la rigidité des parois cellulaires
des végétaux supérieurs (ou a contrario de la souplesse des thalles des Algues), forme
de stockage de l'énergie (amidon et autres polysaccharides des végétaux, mais aussi
glycogène des animaux), protecteurs des tissus contre la déshydratation du fait de leur
40 GLUCIDES

pouvoir hydrophile, ce sont parfois des substances élaborées par un organisme pour
assurer sa défense (ex. : paroi des micro-organismes).

1. STRUCTURE DES POLYSACCHARIDES

On distinguera les polysaccharides homogènes (homoglycanes) résultant de la


condensation d'un grand nombre de molécules d'un même ose et les polysaccharides
hétérogènes (hétéroglycanes) qui sont le résultat de la condensation de molécules
appartenant à divers types d'oses. Les constituants les plus divers peuvent participer à la
formation du polysaccharide, surtout chez les polymères hétérogènes: hexoses,
pentoses, anhydrohexoses, éthers d'oses, esters sulfuriques. Homogène ou hétérogène,
un polysaccharide peut être linéaire ou ramifié.

Répartition des oses dans le polymère. On distingue classiquement:

• les polysaccharides à séquence périodique (ex. : amylose, cellulose). Les oses


sont répartis le long de la chaîne selon un motif qui se répète régulièrement. La confor-
mation de ce type de polymère est principalement déterminée par la conformation de la
liaison osidique :
- la liaison est ~-(l->4), la forme est un ruban très étiré (ex. : cellulose),
- la liaison est a-(l->4), le polymère peut adopter une disposition hélicoïdale
(ex. : amylose),
- dans quelques cas la conformation est lâche, flexible, conséquence d'une
grande liberté de rotation, c'est le cas des structures à liaisons (1-> 6);

• les polysaccharides à séquence interrompue. Des zones à périodicité régulière


alternent avec des zones hétérogènes. Des possibilités d'interactions polymère-
polymère permettront la gélification;

• les polysaccharides complètement hétérogènes. Les interactions possibles seront


du type polymère-solvant.

2. COMPORTEMENT DES POLYSACCHARIDES: GÉLIFICATION

Beaucoup de polysaccharides sont caractérisés par leur aptitude à former des gels,
c'est-à-dire des réseaux macromoléculaires tridimensionnels solides retenant entre leurs
mailles la phase liquide. La gélification c'est, en quelque sorte, le passage du désordre
(une solution vraie) à un certain ordre créé par l'association partielle de chaînes ou de
segments de chaînes entre eux. Plus les chaînes ou segments de chaînes s'associent,
plus la rigidité du gel augmente: la synérèse partielle (rétractation du gel) peut se
produire. Si l'organisation devient trop importante la structure est proche de celle d'un
précipité. La réversibilité de la gélification implique que les liaisons inter-polymères
soient faibles (liaisons hydrogène, liaisons de coordinence); le corollaire de cette
POLYSACCHARIDES 41

faiblesse des liaisons est qu'il est nécessaire qu'elles puissent s'établir en nombre
suffisant, d'où l'influence déterminante de la structure du polymère sur l'aptitude à la
gélification:
- les homopolymères réguliers forment des zones de jonctions très étendues,
l'organisation de la structure est importante, on peut plutôt parler de précipitation;
- les polymères hétérogènes et dépourvus de séquences régulières sont
dispersés dans le solvant, ils forment des solutions visqueuses;
- les polymères à séquences régulières interrompues par des motifs irréguliers
peuvent former des zones de jonction ponctuelles et conduire à des gels élastiques.
Les zones de jonction peuvent mettre en jeu des structures hélicoïdales (ex. :
agarose, carraghénanes) ou des entassements de chaînes (ex. : pectines, alginates,
voir ci-dessous).

gélification: formation de zones de jonction ponctuelles.

3. ISOLEMENT ET ANALYSE STRUCTURALE

Isolement. La solubilisation des polysaccharides fait intervenir de l'eau,


éventuellement additionnée d'acides minéraux (extraction des pectines) ou de divers
sels (carbonates dans le cas de l'algine). Au laboratoire on peut aussi utiliser des
solvants aprotiques dipolaires. L'élimination des sels et des molécules de faible masse
moléculaire peut être réalisée par dialyse, par utilisation de résines échangeuses d'ions,
par filtration moléculaire sur gel ou par extraction (ex. : élimination des
oligosaccharides et des pigments par l'éthanol ou l'acétone).
Le fractionnement des polysaccharides est délicat: il impose le recours à des
techniques de précipitation (par des solvants non miscibles, par addition de sels, par
variation de pH). Les techniques chromatographiques sont largement mises à profit:
sur charbon, sur gels de polyglucosanes réticulés natifs ou greffés, sur échangeurs
d'ions. Les particularités structurales du polysaccharide à isoler permettent parfois
l'utilisation de techniques spécifiques: formation de complexes boriques, formation de
dérivés d'inclusion, utilisation d'ammoniums quaternaires. Dans tous les cas la
42 GLUCIDES

purification est suivie par des déterminations physiques et chimiques: activité optique,
masse moléculaire, composition élémentaire, électrophorèse, etc.

Analyse structurale. Elle est particulièrement complexe et impose l'utilisation


conjointe des méthodes physiques (techniques spectrales) et des méthodes chimiques
(hydrolyse, méthanolyse, hydrolyse partielle, formations de dérivés, dégradations
contrôlées du polymère et de dérivés de celui-ci, etc.). L'exposé des méthodes utilisées
dépasse le cadre fixé au présent ouvrage: se reporter aux ouvrages et publications
spécialisés pour une présentation des techniques permettant la détermination de la
composition élémentaire en oses, celle de leurs modes de liaison, l'établissement de la
configuration des liaisons, la mesure de la masse moléculaire, l'estimation de la
longueur des chaînes, la reconnaissance et la localisation des branchements, etc.

4. MONOGRAPHIES

Toute tentative de classification est peu ou prou arbitraire. La diversité des


structures et des emplois des polysaccharides et des organismes qui les élaborent nous
conduit à adopter ici une classification fondée sur l'origine botanique:
- polysaccharides élaborés par les micro-organismes et les Champignons;
- polysaccharides des Algues;
- polysaccharides des végétaux supérieurs: homogènes et hétérogènes.

5. BIBLIOGRAPHIE

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polysaccharidesji-om Procaryotes; vol. 6 : Polysaccharides Il, polysaccharidesfrom Eucaryotes, Wiley,
Weinheim.
polysaccharides
des végétaux inférieurs

Polysaccharides
des Bactéries et des
Champignons

À. ce jour, les polymères osidiques utilisés par l'Homme sont, en majorité, issus de
végétaux supérieurs ou hémisynthétisés à partir de polymères naturels; pour nombre
d'entre eux, ils sont connus et employés depuis plusieurs siècles. Leur origine végétale
Il' est pas sans inconvénients : irrégularité de l'approvisionnement en cas de conditions
climatiques inhabituelles et donc fluctuation des prix, qualité inégale et, parfois,
manque de reproductibilité des propriétés physiques consécutif à la variabilité inhérente
au matériau vivant.
Les polymères élaborés par un procédé biotechnologique peuvent pallier ces
inconvénients: ils sont produits dans des conditions contrôlées, avec une constance de
qualité et de propriétés remarquable.
Si, dans l'immédiat, le nombre de polysaccharides produits par des micro-
organismes et autorisés à la vente est restreint, il pourrait, si l'on en juge par le nombre
de produits publiés et en cours d'étude, croître dans l'avenir.

.DEXTRANES, dextrans (Del)

Les dextranes sont des polymères du glucose, des glucanes formés de résidus a,-D-
glucopyranosylliés 1-> 6. Molécules plus ou moins ramifiées et de masse moléculaire
importante (40-50 x 106), les dextranes sont élaborés par une enzyme exocellulaire de
44 GLUCIDES

différentes bactéries appartenant aux genres Leuconostoc, Lactobacillus et


Streptococcus : l'enzyme - la dextrane-sucrase - réalise la polymérisation de restes
a-glucopyranosyles par transfert de glucose à partir du saccharose.
Le terme, très général, de dextrane s'applique en fait à l'ensemble des polymères
exocellulaires excrétés par les différentes souches de ces espèces. Chaque polymère est
spécifique de la souche qui l'élabore. Il peut comporter des liaisons 1->2,1->3 ou
1-> 4, mais les liaisons 1-> 6 sont toujours majoritaires. Le taux de branchement
varie de 5 à 33 % et, dans la majorité des cas, les chaînes latérales sont très courtes (une
ou deux molécules de glucose) et liées à la chaîne principale par une liaison 1->3 ou
1->2.
Dans le cas des produits - dextran 1, dextrans 40, 60 et 70 pour préparations
injectables - qui font l'objet d'une monographie à la Pharmacopée européenne (6'
éd.), il est précisé qu'ils sont obtenus «par hydrolyse et fractionnement de dextrans
produits par fermentation du saccharose au moyen de la souche Leuconostoc
mesenteroides NRRL-B-512 = CIP 78.59 ou de ses sous-souches, par exemple L.
mesenteroides B-512F = NCTC 10817» [63 - 0112009:1506 et 0999-1001].
Le dextran 1 consiste en un mélange d'isomalto-oligosaccharides; sa masse
moléculaire relative moyenne est d'environ 1000. Les dextrans 40, 60 et 70 sont des
mélanges de polyosides de masses moléculaires relatives moyennes respectives de
40000,60000 et 70 000.

Production. Le dextran commercial est un polymère qui contient environ 95 % de


liaisons a-D-(l->6) et 5 % de liaisons a-D-(1->3) impliquées exclusivement dans
les branchements latéraux. Sa production fait intervenir des souches sélectionnées de
Leuconostoc mesenteroides, cultivées sur des milieux riches en saccharose. Quand la
culture est terminée, le polymère est précipité par addition d'éthanol. La masse
moléculaire étant toujours très élevée, on procède à une hydrolyse partielle qui permet
de disposer de polymères ayant les masses moléculaires moyennes requises (de 40000
à 70000). Cette dépolymérisation partielle peut être obtenue en milieu acide, par
l'utilisation d'enzymes fongiques ou à l'aide d'ultrasons. Après désionisation,
précipitation acétonique et recristallisation, on obtient le « dextran médicinal ». L'essai
des produits officinaux, strict, vise, entre autres, à évaluer solvants résiduels (CPG),
métaux lourds, contamination microbienne et endotoxines bactériennes. Il comporte
aussi l'étude de la distribution de la masse moléculaire par chromatographie d'exclusion
(Ph. eur., 2.2.39 [0112008:20239]).

Emplois. Le dextran de masse moléculaire moyenne 60 000 en solution à 6 %


s'administre par voie intraveineuse (perfusion). La viscosité et l' osmolarité de ses
solutions sont proches de celles du plasma. Non toxique, sérologiquement neutre,
d'action prolongée et totalement éliminé, le dextran est un succédané du plasma utilisé
avec les indications suivantes: expansion volémique dans les états de choc
hémorragique, traumatique, toxi-infectieux; hémodilution normovolémique
préopératoire. Compte tenu des interférences avec l'hémostase, la posologie maximale
est fixée à 1,5 g/kg/j de dextran, soit 20 ml/kg. Le dextran 40 000 possède des
indications voisines; il est également indiqué au cours des déshydratations et des
1'( >1" YSACCHARIDES DES CHAMPIGNONS 45

brûlures étendues et, associé au sorbitol, proposé contre l'œdème initial des infarctus
cérébraux graves. Des réactions assez rares d'hypersensibilité étant toujours possibles,
la perfusion sera très lente au début. Il est préférable, pour prévenir ou atténuer
l'éventuelle réaction anaphylactique déclenchée par le dextran de masse moléculaire
élevée, d'injecter préalablement (par voie IV) un dextran de très faible masse
Illoléculaire (dextran 1000) qui bloque les sites des anticorps, empêchant ainsi la
formation de complexes immuns et la réaction anaphylactique. Le dextran est
également utilisé pour la formulation de collyres indiqués dans le traitement
symptomatique de l'insuffisance lacrymale et pour améliorer le confort des porteurs de
lentilles cornéennes en maintenant un film lubrifiant sur la cornée.
Le sulfate de dextran entre dans la formulation d'associations anti-inflammatoires
proposées, entre autres, en traumatologie (entorses, luxations, contusions), phlébologie
(phlébites superficielles) et rhumatologie (tendinites, arthropathies des petites
articulations) .
Le dextranomère (DCI) est utilisé pour la détersion mécanique des plaies par
absorption des exsudats et des débris tissulaires: plaies suintantes surinfectées ou non,
notamment ulcères de jambe d'origine veineuse, escarres de décubitus.

Autres emplois des dextranes. Le traitement du polymère par de l'épichlorhydrine


permet de le réticuler et d'obtenir ainsi des supports pour la chromatographie
d'exclusion sur gel. La distance entre les ponts détermine des pores de taille variable
qui pourront exclure ou laisser passer, en fonction de leur masse moléculaire, les
Illolécules que l'on se propose de séparer. Les applications de cette technique sont
nombreuses aussi bien en biochimie avec des phases aqueuses qu'en chimie organique
ct en phytochimie, certains gels pouvant être utilisés en milieu non aqueux .

• GOMME XANTHANE

La gomme xanthane est un polyoside anionique de masse moléculaire élevée


produit par fermentation de glucides par Xanthomonas campestris. [... ] (elle) a une
masse moléculaire voisine de 1 x 10 6 • Elle contient au minimum 1,5 % de groupes
pyruvoyle [ ... ] (elle) existe sous la forme de sel sodique, potassique ou calcique (Ph.
eur., 6' éd. - 6.4, [04/2009:1277]).

Origine et obtention. Xanthomonas campes tris est une bactérie aérobie qui se
développe habituellement sur certaines espèces de Brassicaceae où, en utilisant le
substrat végétal, elle élabore un exsudat gommeux (un exopolysaccharide) : la gomme
xanthane.
Industriellement, on produit cette « gomme» en cultivant la bactérie sur des milieux
correctement tamponnés, aérés, agités et contenant des sucres (amidons, mélasses, etc.),
une source d'azote (hydrolysat de caséine, de levures, de protéines de soja) ainsi que
des sels minéraux. Quand la fermentation est terminée, le polymère est précipité par
addition d'isopropanol, filtré, séché et broyé. L'essai du produit officinal vise, entre
autres, à contrôler l'absence de solvants résiduels (CPG), celle d'autres polyosides

..
46 GLUCIDES

(CCM d'un hydrolysat) et celle d'une contamination microbienne. Il comporte aussi le


dosage spectrophotométrique de l'acide pyruvique (dinitrophénylhydrazine) et la
mesure de la viscosité d'une solution de gomme dans du chlorure de potassium à 12 g/l.

Structure. Sur une ossature analogue à celle de la cellulose (D-glucopyranoses liés


~-[1->4]) sont branchés, en position 3 des glucoses, des triosides constitués chacun
d'une molécule d'acide D-glucuronique salifiée et de deux molécules de D-mannose
dont l'une - celle qui assure le branchement sur la chaîne principale - est acétylée en
6 et l'autre, terminale, est éventuellement combinée à une molécule d'acide pyruvique
via un acétal impliquant ses hydroxyles en C-4 et C-6. La moitié environ de ces
mannoses terminaux forment un cétal cyclique avec l'acide pyruvique (4,6-0-[I-carbo-
xyéthylidène]-D-mannose), mais leur distribution dans le polymère n'est pas connue.
Les branchements déterminent une conformation particulière qui explique la grande
résistance aux enzymes et les propriétés physiques spécifiques de cette gomme .

... ->H-D-Glcp-(1->4)-p-D-Glcp-( 1->4)-p-D-Glcp-( 1-.> ...


1 -+>3
(X- D-Manp-6-0-Ac
1 +>2
~-D-Glcp-A
1 +>4
~-D-~np
4( )6
H3C-C-COOH

Propriétés. Solubilisée à chaud et à froid, la gomme xanthane forme des solutions


aqueuses dont la viscosité est pratiquement inchangée aussi bien par les variations de la
température que par celles du pH. Le comportement de ces solutions est de type
pseudo-plastique: diminution de la viscosité proportionnelle au cisaillement et
récupération instantanée de la viscosité initiale dès cessation de celui-ci 1 • Les incom-
patibilités sont rares (borates, hypochlorites, peroxydes, générateurs de radicaux libres).
La gomme est compatible avec la plupart des sels, avec des concentrations modérées de
surfactifs, avec la majorité des conservateurs; on peut lui incorporer jusqu'à 50 %
d'alcools. Compatible avec la plupart des hydrocolloïdes végétaux, elle ne gélifie pas
par elle-même, mais forme des gels thermoréversibles en présence de galactomannanes
de Fabales (caroube). Elle est dépourvue de goût et de toxicité.

Emplois. Stabilisant de premier choix pour la formulation de suspensions et


d'émulsions, la gomme xanthane est très recherchée pour la pseudoplasticité de ses
solutions 1 et sa relative insensibilité aux variations de température, de pH et de

1. D'où de nombreuses applications (extra pharmaceutiques) : émulsion qui s'écoule du flacon


mais qui tient sur la salade, produit nettoyant fluide à l'application mais qui adhère aux parois sans
couler, peintures pour plafonds, etc.
1I()L YSACCHARIDES DES CHAMPIGNONS 47

concentation en électrolytes. Elle peut être utilisée pour la formulation de salive


artificielle destinée à traiter la xérostomie (c'est-à-dire la sécheresse buccale). Son
marché mondial est en croissance rapide (10-20 000 tian). L'industrie agroalimentaire
l'utilise largement: elle est en effet autorisée (E41S) à des concentrations variant de
(),I % (ex. : potages déshydratés) à 0,5 % (ex. : crèmes desserts). Stabilisant, gélifiant,
c'est un constituant fréquent des sauces (sauces salades, condimentaires, chaudes, etc.
elles représentent 50 % de son marché), soupes, gelées, desserts lactés et gélifiés,
conserves, préparations à base de fruits (associée à la pectine, elle évite la synérèse),
boulangerie (pains de mie [USA]), etc. Ses applications industrielles sont multiples:
peintures, détergents, produits d'entretien, cirages, explosifs, pesticides, photographie,
imprimerie, textile, etc .

• LENTINANE

Le lentinane est un polymère homogène isolé d'un Champignon, Lentinus edodes


(Herk.) Sing. Ce champignon (le shiitake), comme le champignon de couche (=
champignon de Paris, Agaricus bisporus) est un aliment très consommé dans le monde.
Structuralement, le lentinane est un glucane à chaîne principale à liaisons ~-(l->3),
substituée par des glucoses liés (1->6), de masse moléculaire supérieure à 500 000.
l,es propriétés antitumorales du lentinane mises en évidence sur plusieurs modèles
expérimentaux ne semblent pas dues à des propriétés cytostatiques, mais à une activité
immunostimulante. Le polymère stimule la prolifération des lymphocytes T en
présence d'interleukine-2, ainsi que l'activité des macrophages et la production
d'interleukine-\. L'activité semble d'autant plus marquée que la masse moléculaire est
importante. La dénaturation de la structure tertiaire en triple hélice, caractéristique de
ces molécules, fait disparaître certaines des composantes de l'action immuno-
stimulante. Des études japonaises réalisées chez l'Homme (par voie IV) avec une
association lentinane + antitumoral, tendent à montrer que l'efficacité de l'association
est supérieure à celle de l'antitumoral seul pour améliorer la qualité de la vie des
patients (cancer de l'estomac).
Beaucoup d'autres Champignons, en particulier des Basidiomycètes, élaborent des
polysaccharides aux propriétés voisines de celles du lentinane. Ce sont en général des
glucanes (1-> 3) linéaires (pachymarane) ou plus ou moins ramifiés (schizophyllane
isolé de Schizophyllum commune), parfois liés à une protéine (krestin, fraction active
isolée de Coriolus [Trametes) versicolor). Grifolafrondosa, Ganoderma lucidum et
leurs fractions polysaccharidiques sont également l'objet d'études. L'interprétation de
la plupart des études publiées est difficile (méthodologie insuffisante, absence de
contrôles, caractérisation biochimique des extraits imprécise, etc.).
Le présent ouvrage étant prioritairement dédié aux produits issus des végétaux
supérieurs, nous ne développerons pas ici d'autres polysaccharides fongiques ou
bactériens: gellane (exopolysaccharide élaboré par Sphingomonas paucimobilis),
welane (produit par un Alcaligenes), curdlane (sécrété par un Agrobacterium),
pullulane (sécrété par Aureobasidium pullulans, utilisé au Japon pour fabriquer des
lïlms d'emballage alimentaire), succinoglucane (d'Agrobacterium sp.), etc. On ne
48 GLUCIDES

développera pas non plus les alginates, celluloses, héparine et acide hyaluronique
d'origine bactérienne.
L'emploi de la gomme gellane est envisageable comme gélifiant et texturant dans
les produits destinés à l'alimentation (E418). Le gel formé est stable, ses propriétés
peuvent un être modulées par acylation. Cette gomme est aussi utilisée en pharmaco-
technie et formulation cosmétique.
La gomme curdlane, soluble dans l'eau froide, forme un gel faible dont la fermeté
augmente par chauffage. Elle est utilisée dans plusieurs pays asiatiques pour modifier la
texture du tofu ou des produits à base de poisson.

BIBLIOGRAPHIE

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polysaccharides
des végétaux inférieurs

Polysaccharides des Algues

1. Introduction ............................................................................................................................49
2. Acide alginique, alginates ......................................................................................................51
3. Carraghénanes ....................................................................................................................... .57
4. Agar-agar ................................................................................................................................61
5. Autres polymères ...................................................................................................................63
6. Bibliographie ..........................................................................................................................64

1. INTRODUCTION

L'un des éléments caractéristiques des divers phylums qui regroupent les algues est de
comporter, à côté d'organismes unicellulaires, des organismes pluricellulaires formant
des thalles complexes, agglomérations de cellules souvent peu différenciées, souples,
dépourvues de lignine. Sauf rares exceptions, la matrice enserrant les cellules des
algues est glucidique et les polysaccharides qui la constituent sont des polymères
capables de former des gels: l'adaptation au milieu marin nécessite plus de flexibilité
que de rigidité, la gravité n'exerçant pas ses effets de la même façon sur celles-ci que
sur les végétaux terrestres.
Les trois grandes classes d'algues auxquelles appartiennent les espèces actuellement
utilisées ont chacune leurs polysaccharides caractéristiques: acide alginique et fucanes
des Phaeophyceae, galactanes sulfatés - carraghénanes et agar-agar - des
Rhodophyceae, polysaccharides complexes, souvent sulfatés, des Chlorophyceae.
D'autres polymères sont également présents chez les algues: cellulose des Chloro-
phyceae, mannanes (Codium, Acetabularia) , xylanes, hémicelluloses et matières
50 GLUCIDES

pectiques, etc. À côté de ces polysaccharides structuraux, les algues renferment aussi
des polysaccharides de réserve: amidon des algues vertes, amidon floridéen des algues
rouges,laminarane - c'est un ~-(l->3)-glucane - des algues brunes. Chez les
Phaeophyceae, les sucres simples dominants sont fréquemment des polyols: D-
mannitol, D-sorbitol.
L'utilisation des algues dans l'alimentation humaine est une pratique courante et
ancienne en Extrême-Orient: le nori (en feuilles ou en paillettes, préparé à partir de
Porphyra), le kombu (des Laminaria séchés) ou le wakame (Vndaria salés ou séchés)
font l'objet d'une très large consommation au Japon. Les algues sont très utilisées pour
la production d'hydrocolloïdes.
La production mondiale d'algues - toutes utilisations confondues - est en
augmentation constante, l'algoculture couvrant plus de 90 % de l'approvisionnement
du marché. En 2005, la production mondiale a été de 7,8 millions de tonnes pour les
algues brunes et de 4,8 millions de tonnes pour les algues rouges. Cette même année, la
Chine a assuré près de 90 % de la production mondiale d'algues brunes, loin devant les
Corées et le Japon. Chine, Philipines, Indonésie et Japon ont assuré l'essentiel du
marché des algues rouges (FAO). La production française d'algues demeure faible, en
particulier celle d'espèces à usage alimentaire.
La relative pauvreté en lipides des algues, leur forte teneur (30-50 %) en
polysaccharides non digestibles - on s'accorde généralement à leur reconnaître le
caractère de fibres alimentaires - , leur richesse en éléments minéraux (cations alcalins
et alcalino-terreux, iode, fer) et en vitamines suscitent un intérêt croissant dans les pays
occidentaux et la consommation, bien qu'encore marginale, augmente rapidement dans
plusieurs pays de l'Union Européenne. Dans le cas particulier de la France, une régle-
mentation normative a été mise en place en 1990 pour onze espèces d'algues qui sont
autorisées comme légumes occasionnels ou comme condiments : 1° algues brunes :
Fucus vesiculosus L., Ascophyllum nodosum (L.) Le Jolis, Himanthalia elongata (L.) S.
Gray, Vndaria pinnatifida (Harvey) Suringar; 2° algues vertes: différentes espèces des
genres Enteromorpha et Vlva (par exemple V.lactuca L.); 3° algues rouges: Porphyra
umbilicalis (L.) Kützing, Palmaria palmata (L.) Kuntze, Chondrus crispus Lingby;
4° spirulines. Les algues ainsi commercialisées doivent répondre à des critères toxico-
logiques: valeurs limites (poids sec) en iode (::;; 5 g/kg [::;; 6 g!kg pour les laminaires '])
et en métaux toxiques: arsenic::;; 3 mg/kg), cadmium (::;; 0,5 mg/kg), étain et plomb
(::;; 5 mg/kg), mercure (::;; 0,1 mg/kg). Lorsqu'elles sont sèches, elles doivent également
satisfaire à des critères microbiologiques (lg) : coliformes fécaux::;; 10, anaérobies
::;; 100, aérobies::;; 10 4 , Clostridium::;; l.

Intérêt économique des algues

Le principal intérêt économique des algues est d'être une source importante de
polysaccharides aux propriétés épaississantes et gélifiantes: l'industrie mondiale des

1. La plupart des algues dont la consommation est autorisée ont une teneur en iode inférieure à 2
g/kg (poids sec). Les laminaires peuvent en contenir jusqu'à JO g/kg. La concentration de cet élément
est également importante dans les gracilaires (jusqu'à 8,5 g/kg).
l'()I ,YSACCHARIDES DES ALGUES 51

l'OlIoïdes produisait, à la fin des années 1980,55000 tonnes d'alginates, de carraghéna-


Iles et d' agar-agar principalement destinés à l'industrie agroalimentaire, Si la pharmacie
l'st prioritairement intéressée par les propriétés rhéologiques des gels obtenus avec les
colloïdes des algues, elle est aussi attentive aux potentialités thérapeutiques des
Illétabolites secondaires élaborés par les végétaux marins (terpénoïdes, polyphénols
halogénés, substances azotées diverses) qui sont, au même titre que ceux des végétaux
terrestres, systématiquement étudiés par les phytochimistes et les pharmacologues.
D'autres débouchés s'offrent aux algues: après avoir été longtemps une source de
sels de potassium et d'iode, elles entrent dans la composition de fertilisants liquides
pour les jardins, les serres et certaines productions agricoles 2 aussi bien que de farines
l'l autres produits pour la cosmétique et la thalassothérapie: « filtrats» d'algues
(lJndaria, Fucus, Palmaria, Ulva, etc.), « concentrés », extraits (aqueux, huileux,
glycoliques), voire fractions purifiées (ex. : polypeptides d'Aosa). Ces produits, à haute
valeur ajoutée, revendiquent des propriétés pas toujours clairement démontrées (ex:
« restructuration du tissu vieillissant» et autres « raffermissants »). Autres applications
des colloïdes: les possibilités d'immobilisation de cellules qui permettent déjà la
production d'anticorps monoclonaux aussi bien que la refermentation du champagne en
hou teilles .

2. ACIDE ALGINIQUE, ALGINATES


L'acide alginique est un mélange d'acides polyuroniques constitués par des résidus
de l'acide D-mannuronique et de l'acide L-guluronique. Il est obtenu principalement à
partir d'algues appartenant à la famille des Phéophycées. Une petite proportion des
groupes carboxyle de l'acide alginique peut-être salifiée. L'acide alginique contient au
Illinimum 19 % et au maximum 25 % de groupes carboxyle (COOH), la teneur étant
calculée par rapport à la substance desséchée (Ph. eur., 6' éd. - 6.3, [01/2009:0591]).
l ,<1 Pharmacopée décrit également l'alginate de sodium [6.0 - 01/2008:0625].

Sources d'acide alginique. L'acide alginique est un constituant quasiment constant


chez les Phaeophyceae. Cette classe regroupe des Algues benthiques ou pélagiques
dont les plastes renferment de la chlorophylle a et de la chlorophylle c, du ~-carotène et
des xanthophylles spécifiques (fucoxanthine), dont la matrice intercellulaire est
essentiellement constituée d'alginates et de fucanes, et dans les vacuoles cellulaires
desquelles laminaranes et mannitol accompagnent des dérivés du phloroglucinol.
l ,aminaires, macrocystis et fucus sont les principaux genres actuellement utilisés pour
l'obtention, par l'industrie, de l'acide alginique et des alginates. Ces polysaccharides
représentent, selon les espèces, l'origine et la saison, de 15 à 40 % de la matière sèche.

2. L'agriculture utilise encore de grandes quantités de maërl pour l'amendement des sols. Ce
produit est préparé à partir d'espèces d'algues rouges accumulant le carbonate de calcium telles que
f'hymatolithon calcareum (Pallas) Adey & McKibbin ou Lithothamnion corallioides P. Crouan & H.
('rouan (Corallinaceae) récoltées en Irlande. Par contre, l'utilisation directe du goémon ne concerne
plus que quelques zones littorales très délimitées.
52 GLUCIDES

D'autres Phaeophyceae sont également utilisables pour la production d'acide alginique:


elles appartiennent aux genres Ascophyllum, Ecklonia , N ereocystis , Durvillea.
L'acide alginique est également élaboré par certains micro-organismes. À terme, des
processus biotechnologiques permettront de faire sécréter à ces organismes (e.g.
Azotobacter, Pseudomonas) des exopolysaccharides aux caractéristiques structurales
modifiées et uniformes .

• LAMINAIRES , Laminaria spp., Laminariaceae


principalement L. digitata Lamouroux et L. hyperborea (Gunnerus) Fosli

Ces Laminariales sont de grandes algues pérennes de consistance coriace, à stipe


cylindrique ou conique fixé aux rochers par des crampons ramifiés. Le stipe s'élargit au
sommet en une longue lame qui peut être divisée en lanières palmées (L. digitata) ou
lancéolée et entière à bords fortement ondulés et à surface gaufrée. Les laminaires sont
abondants sur les côtes de la Manche où ils occupent le niveau infralittoral, entre le
niveau de basse mer et une profondeur d'une vingtaine de mètres. Récoltés
mécaniquement sur les côtes bretonnes, ils constituent (en France) l'essentiel de la
matière première consommée par l'industrie des colloïdes.
Ces deux espèces de laminaires fournissent les laminaires chirurgicales stériles
(Ph. fse, 10' éd.) : les stipes nettoyés, grattés et tronçonnés, sont façonnés au tour pour
l'obtention d'une forme rectiligne Leur diamètre varie de 2 à 9 mm, pour une longueur
généralement de 65 mm. La laminaire est munie d'un fil à une extrémité permettant de
la repérer facilement au niveau de la cavité dans laquelle elle a été introduite comme
agent de dilatation. Elles gonflent d'au moins 50 % par rapport au diamètre nominal.

.MACROCYSTIS, Macrocystis pyrifera Agarth., Lessoniaceae

Ces algues géantes (50 à 100 m) de l'océan Pacifique ont une lame divisée en
folioles unilatérales à base renflée en une vésicule creuse qui assure la flottaison en
surface; la division de la lame se poursuit dans le stipe, donnant à celui-ci un aspect
ramifié. Les macrocystis sont particulièrement abondants sur les côtes californiennes,
où des dizaines de milliers de tonnes (humides) sont récoltées annuellement, ainsi que
dans les mers australes .

• VARECH: Fucus, F. serra tus L., F. vesiculosus L. (Fucaceae)


et autres algues

Le varech est constitué par le thalle fragmenté séché de F. vesiculosus ou de F.


serratus ou d'Ascophyllum nodosum Le Jolis. Il contient au minimum 0,03 % et au
maximum 0,2 % d'iode total (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:1426].
Ces algues pérennes abondent sur les côtes des mers tempérées et froides de
l'hémisphère Nord. En Manche, elles colonisent l'espace médiolittoral, c'est-à-dire la
l'OL YSACCHARIDES DES ALGUES 53

'I.(lI1e de balancement des marées. Accrochées aux rochers par des disques adhésifs, elles
forment des touffes de lanières rubanées, membraneuses, dichotomes. Chez le varech
vésiculeux (F. vesiculosus), espèce dioïque, spermatocystes ou oogones sont regroupés
dans des conceptacles terminaux et l'on remarque, de part et d'autre de la pseudo-
nervure médiane, la présence d'aérocystes isolés ou groupés par paires, à paroi épaisse.
Le varech se présente en fragments de couleur brun-noir à brun-vert parfois
recouverts d'efflorescences blanchâtres, de consistance cornée, de saveur salée, d'odeur
Illarine caractéristique. Le thalle est une lame ramifiée par dichotomie présentant, chez
les Fucus, une côte médiane appelée pseudo-nervure. Fucus serra tus est dépourvu des
vésicules aérifères qui, chez F. vesiculosus ornent, isolément ou par paires, le thalle. Le
thalle d'Ascophyllum nodosum ne possède pas de pseudo-nervure; il est irrégulièrement
ramifié et présente des vésicules aérifères isolées. L'examen microscopique de la
poudre de fucus (hydrate de chloral) montre notamment des fragments de tissu profond
il cellules allongées, incolores, disposées en filaments et laissant entre elles de vastes
Illéats mucilagineux.
Comme toutes les algues, le varech peut concentrer les métalloïdes et les métaux
lourds, d'où un risque de toxicité. Les spécifications de la Pharmacopée en tiennent
L:ompte et précisant des teneurs limites en arsenic (:5 90 ppm), cadmium (:5 4 ppm),
plomb (:5 5 ppm) et mercure (:5 0,1 ppm) (dosage par spectrométrie d'absorption
atomique). L'indice de gonflement du varech est au moins de 6.

Acide alginique: conformation des bloc


mannuroniques (1) et guluroniques (II).

Structure de l'acide alginique. L'acide alginique est un polymère linéaire construit


Ù partir de deux acides uroniques, l'acide D-mannuronique et l'acide L-guluronique. La
liaison entre les monomères est de type ~-(l->4). Ces acides sont présents dans le
polymère sous forme de blocs homogènes poly-M ou poly-G séparés par des régions ou
ils peuvent alterner (G-M-G-M). À l'état natif, l'alginate existe sous forme de sels
Illixtes (Na+, Mg2+, Ca 2+) dont une partie doit être liée aux fucanes.
Les proportions relatives des deux acides varient selon l'origine botanique: ainsi le
rapport mannuronique : guluronique est de l,56 chez M. pyrifera, de 1,85 chez
A. nodosum et de 0,45 dans les stipes de L. hyperborea. La longueur des blocs, leurs
proportions et leur séquence sont également déterminées par l'identité botanique de
l'échantillon considéré et par de nombreux autres facteurs: date de récolte, localisation
dans l'algue (fronde, stipe, réceptacles). À titre d'exemple, les segments poly-M
représentent environ 40 % de l'acide alginique de M. pyrifera et les segments poly-G
()() % de celui préparé à partir de L. hyperborea.
54 GLUCIDES

Obtention de l'acide alginique et des alginates. Possédant un caractère


polyanionique marqué, l'acide alginique, insoluble dans l'eau, peut former des sels:
sels solubles de sodium, de potassium ou d'ammonium; sels insolubles de calcium.
L'extraction des thalles, morcelés ou broyés, débute généralement par un lavage à
l'eau douce acidifiée qui élimine sels minéraux et sucres solubles. Elle se poursuit par
une macération sous agitation des fragments de thalles dans de l'eau chaude alcaline
(50 oC, carbonate de sodium) qui solubilise l'acide alginique. Après filtration et
élimination des marcs résiduels, l'alginate de calcium est précipité par addition au filtrat
d'une solution de chlorure de calcium: le précipité, décoloré et désodorisé, est récupéré
et peut être purifié par redissolution et précipitation sous forme d'acide alginique. On
peut aussi isoler directement l'acide alginique par acidification de la solution alcaline:
le polymère s'insolubilise et le dioxyde de carbone formé l'entraîne en surface. Dans
les deux variantes du procédé on prépare ensuite différents sels: sodium, potassium,
ammonium, calcium, ainsi que de l'alginate de propylène glycol. Principaux
producteurs: Royaume-Uni (Écosse), Norvège, Chine, États-Unis d'Amérique; autres
producteurs: Canada, Japon, France, Chili, Espagne.

Gélification des alginates

Coordination des ions calcium ( .)


par les segments poly-G. Formation de
zones de jonctions de type egg box.

Propriétés. L'acide alginique gonfle dans l'eau mais ne s'y dissous pas, il est
pratiquement insoluble dans l'alcool. Les alginates de cations monovalents et de
magnésium se dissolvent dans l'eau en formant des solutions colloïdales visqueuses à
comportement pseudo-plastique et ce pour de faibles concentrations. L'addition
progressive de cations divalents (calcium) provoque la formation d'un gel élastique,
non thermoréversible : les segments guluroniques à conformation plissée retiennent par
coordination les ions calcium, en coopération avec une chaîne parallèle. Cet
enchaînement régulier de type egg box se reproduit périodiquement: il se forme un
réseau tridimensionnel à zones organisées reliées par les segments poly-M ou poly (M-
G). La structure du polymère est donc l'élément déterminant du comportement
rhéologique des gels d'acide alginique: la proportion des blocs poly-G et leur longueur
conditionnent la formation et la force des gels obtenus en présence de calcium 3.
Dans la pratique, c'est en jouant sur la concentration du milieu en ions calcium que
l'on module la texture et la qualité des gels (utilisation de sels de calcium de solubilité
variable, addition d'agents séquestrants). Les alginates présentent peu d'incompati-
bilités (ammoniums quaternaires, ions métalliques).

3. On peut d'ailleurs remarquer que, in vivo, les tissus les plus anciens et les plus résistants sont
les plus riches en acide L-guluronique.
POL YSACCHARIDES DES ALGUES 55

Appliqué sur une plaie, l'alginate de calcium, par sa capacité d'absorption et de


gélification au contact des exsudats, crée une interface humide entre la plaie et la
compresse. Ceci permet une absorption des sérosités et une détersion de la plaie. Au
contact du sang et des exsudats, l'alginate forme un gel fibrillaire, provoquant ainsi une
hémostase rapide (échange ionique Ca/Na, gélification et structuration du caillot).

Essai. L'identité de l'acide alginique est démontrée par la capacité d'une solution
d'alginate de sodium à rester visqueuse (addition de sulfate de magnésium) ou à former
un gel (addition de chlorure de calcium). On note aussi la réaction colorée qui se déve-
loppe après traitement par le 1 ,3-dihydroxynaphtalène en milieu chlorhydrique et à
chaud. L'essai proprement dit comprend un dosage des chlorures « 1 %), l'estimation
de la perte à la dessiccation « 15 %) et du taux de cendres sulfuriques « 8 %), ainsi
que la vérification que le produit satisfait à l'essai limite F des métaux lourds (20 ppm).
La teneur en groupes carboxyle est déterminée par une acidimétrie en retour. L'acide
alginique est exempt d'Escherichia coli et de salmonelles. Le nombre de germes
aérobies totaux (DOAT) n'est pas supérieur à 10 2 UFC/g. Pour certains usages, on peut
procéder à l'analyse de la distribution de la taille des particules.

Emplois des alginates

en pharmacie
• Les alginates et l'acide alginique sont utilisés en pathologie digestive. Ils sont en
règle générale associés à de l'hydrogénocarbonate de sodium et à de l'hydroxyde
d'aluminium et pris après les repas. L'acidité gastrique libère l'acide alginique et
provoque un dégagement de dioxyde de carbone à partir de l'hydrogénocarbonate : il se
l'orme un gel visqueux et mousseux qui constitue une barrière flottante au-dessus du
contenu gastrique. En cas de reflux, celui-ci est limité et le gel protégerait la muqueuse
œsophagienne de l'agressivité du liquide gastrique. Ces polysaccharides sont donc
incorporés dans des préparations destinées au traitement symptomatique des troubles
1iés à l'acidité pathogène: reflux gastro-œsophagien, hernie hiatale, pyrosis,
œsophagite. L'alginate de sodium est parfois proposé comme adjuvant des régimes
restrictifs au cours des traitements de l'obésité.
• L'alginate de calcium est utilisé sous forme de compresses pour recouvrir les
plaies per et post-chirurgicales et les plaies chroniques, pour traiter les plaies avec
saignements et suintements hémorragiques, pour déterger des plaies aiguës et
chroniques présentant une perte de substance (plaies du diabétique, brûlures, escarres,
ulcères veineux, etc.). L'alginate est également commercialisé sous forme de ouate
anti-hémorragique, employée de façon très courante en cas de suintements
hémorragiques en nappe, d'éraflures, d'épistaxis, de petites coupures, ainsi qu'en
stomatologie .
• En pharmacotechnie, les alginates sont recherchés pour leurs propriétés
épaississantes, liantes (stabilisation des émulsions, des suspensions) et désintégrantes
(formulation des comprimés). Ils sont également utilisés pour des formulations retard
(comprimés à matrice hydrophile) et résistantes (gélules entériques), ainsi que pour
56 GLUCIDES

l'encapsulation. La bioencapsulation des cellules dans de l'alginate semble quant à elle


une voie très prometteuse (ex. : foie ou pancréas bioartificiel).
L'industrie des cosmétiques apprécie les propriétés filmogènes, adoucissantes,
hydratantes des alginates et leur capacité à former des préparations qui s'étalent bien
sur la peau et qui sont agréables au toucher.

autres utilisations
Acide alginique et alginates sont reconnus comme étant dépourvus de toxicité à
court et long terme et donc autorisés comme additifs alimentaires: acide alginique
(&00), alginates: Na (&01), K (&02), NH4 (&03), Ca (&04), propylène glycol (&05).
L'industrie agroalimentaire les emploie comme gélifiant, épaississant, émulsifiant et
comme rétenteur d'eau (laits gélifiés, glaces, sorbets, boissons, produits de boulangerie,
marmelades, sauces et émulsions diverses, aliments extrudés, etc.). L'industrie textile
est également un gros consommateur d'alginates (épaississant des teintures). Une part
importante du marché des additifs revient aux alginates de propylèneglycol.

Fucus officinaux. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament


(1998) admet qu'il est possible de revendiquer, pour le thalle de fucus et pour celui
d'Ascophyllum, l'indication thérapeutique suivante (voie orale) : traditionnellement
utilisé comme adjuvant des traitements amaigrissants. Cette indication «traditionnelle»
semble fondée sur une hypothèse apparemment non vérifiée qui lie apport en iode et
hypersécrétion d'hormones thyroïdiennes et, donc, catabolisme accru des graisses. La
même Note précise qu'il est possible de revendiquer, pour le thalle de Fucus, le stipe et
le thalle de laminaire et le thalle de carragaheen l'indication thérapeutique:
« traitement symptomatique de la constipation ». Dans ces deux indications, aucune
évaluation toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un dossier « abrégé»
d'AMM (poudre, thalle pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques de titre
faible). Cependant, dans le cas de ces trois algues brunes, une teneur limite en
constituant actif doit être proposée dans ce dossier. À titre indicatif, l'apport
recommandé par l'OMS est de 100 à 140 }t g par jour et la limite tolérable de 1 mg (17
}tg/kg). La Note Explicative de 1998 (IV, p. 37) précise que l'apport journalier en iode
élément ne doit pas dépasser 120}tg chez l'adulte.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM constate que
le thalle séché de Fucus (et d'Ascophyllum) est utilisé entre autres, en cas de troubles
thyroïdiens et d'obésité. L'efficacité de doses inférieures à 150}tg d'iode par jour n'étant
pas validée pour ces indications et les doses journalières supérieures à 150 }tg étant
dangereuses car susceptibles d'induire ou d'aggraver un hyperthyroïdisme, la
Commission ne recommande pas l'usage de cette espèce.
Le risque d'un surdosage en iode par des produits à base d'algues n'est pas nul: la
ration quotidienne apportant déjà plus que la quantité nécessaire, une supplémentation
prolongée, même faible, peut provoquer des troubles thyroïdiens chez les sujets
sensibles à ce métalloïde. Il est prudent de ne pas utiliser ces produits chez la femme
enceinte et de les éviter en cas d'allaitement, l'iode passant dans le lait. Différents
auteurs estiment que l'emploi des fucus chez l'enfant n'est pas judicieux. Plus
généralement, l'utilisation de produits iodés sans avis médical n'est pas souhaitable.
POLYSACCHARIDES DES ALGUES 57

3. CARRAGHÉNANES
Les carraghénanes, souvent dénommés carraghénates, sont « obtenus à partir de
diverses algues Rhodophyceae, familles des Gigartinaceae, Solieriaceae, Hypneaceae
et Furcellariaceae, après traitement par de l'eau chaude et précipitation au moyen
d'éthanol, de méthanol, de propanol-2 ou de chlorure de potassium [ ... ] ils contien-
nent au minimum 15 % et au maximum 40 % de soufre, exprimés en sulfates» (Ph.
!:-;c, 10' éd.).

Sources de carraghénanes. Les sources industrielles de carraghénanes sont


constituées par différentes espèces de Rhodophyceae. Ces Algues sont caractérisées par
la présence d'un amidon extraplastidial (amidon floridéen, à structure de type
amy1opectine), par celle d'esters du glycéro1, par la présence de chlorophylles a et d et
par celle de pigments spécifiques absorbant les radiations bleu-vert et vertes
(phycobiliprotéines : phycoérythrine ou composé équivalent). La majeure partie des
besoins sont couverts par l'exploitation du Chondrus crispus (en particulier au Canada
(Nouvelle-Écosse), mais l'on extrait aussi d'autres Rhodophyceae (Eucheuma,
Uymnogongrus, Ahnfeltia, Gigartina, etc.), traitées en grande partie au Danemark et
aux États-Unis d'Amérique .

• CARRAGAHEEN, Chondrus crispus Lingby, Gigartinaceae

Cette algue, également connue sous le nom de mousse d'Irlande, est une espèce de
petite taille, à cladomes multiaxiaux ramifiés. Elle vit fixée sur les rochers des côtes de
l'océan Atlantique et de la Manche où elle peut être récoltée manuellement. Cette
espèce est également cultivable en bassins.

Structure des carraghénanes. Les carraghénanes sont des galactanes, polymères du


D-galactose fortement sulfatés, polyélectrolytes anioniques de masse moléculaire
comprise entre 105 et 10". Tous les carraghénanes ont une structure linéaire de type
(AB)n à liaisons alternées \->3-1->4 où A et B sont des résidus galactopyranosyle :

Les unités A et B sont toujours sulfatées: en C-2 ou en C-4 pour l'unité A, en C-2
ct/ou en C- 6 pour l'unité B. L'unité B peut être le D-galactose ou son éther interne: le
3,6-anhydro-D-galactose. On distingue classiquement sept types de carraghénanes en
fonction de la nature des enchaînements. La structure de ces unités répétitives (l, K, 'A,
~l, V, 8 et ç) est résumée dans le tableau de la page 59.
La variabilité structurale est liée à l'espèce productrice et à de nombreux facteurs
tels que - du moins chez Chondrus crispus - l'alternance des générations:
• l'éthérification interne des unités B (3,6-anhydro-D-galactose) et la formation
t!'hémiesters sulfuriques sur les hydroxyles en C-4 des unités A sont spécifiques du
gamétophyte haploïde;
Chondrus crispus Lingby et Gigartina sp.
l'OL YSACCHARIDES DES ALGUES 59

- la sulfatation en C-2 du résidu A n'existe que chez le tétrasporophyte diploïde.


Le carraghénane majoritaire des sporophytes est généralement le À-carraghénane
alors que le K-carraghénane est souvent dominant chez le gamétophyte.
Les variations de teneur en 3,6-anhydro-D-galactose observées dans le carra-
ghénane de gamétophyte semblent liées à un degré de conversion variable entre les
structures de type Il et v (considérées comme des précurseurs) et les structures
désulfatées, respectivement K et 1. Il semblerait que le taux de conversion (elle est sans
doute enzymatique) soit sous l'influence de conditions environnementales. Il faut aussi
noter que la proportion de sporophytes et de gamétophytes dans une population dépend
de la profondeur ... sans oublier la variabilité liée à l'origine géographique et à l'espèce.
De fait, les carraghénanes sont des hybrides de polymères limites: il semble qu'il
n'existe pas de carraghénane formé par la répétition d'un motif disaccharidique unique.

03SbO0H

_-0 0
Jiy_ ~O 0--
. OH
OH

K-carraghénane À-carraghénane

unité A unité B carraghénane

D-galactose 4-sulfate D-galactose 6-sulfate Il


D-galactose 2,6-disulfate v
3,6-anhydro-D-galactose K
3,6-anhydro-D-galactose 2-sulfate l

D-galactose 2-sulfate D-galactose 2-sulfate ç


D-galactose 2,6-disulfate À
3,6-anhydro-D-galactose 2-sulfate e

Propriétés des carraghénanes. La capacité à former des gels et les propriétés des
gels obtenus dépendent de la structure du carraghénane .
• Les K- et l-carraghénanes se dissolvent aisément dans l'eau chaude: la chaîne
macromoléculaire se répartit statistiquement dans l'espace (pelote statistique). À
température normale, les portions régulières des molécules s'associent en doubles
hélices stabilisées par des liaisons interchaînes de faible énergie: il se forme un gel
thermoréversible. L'existence d'irrégularités dans le polymère crée des coudes qui
obligent chaque chaîne à s'associer avec plusieurs chaînes voisines en un réseau
tridimensionnel responsable de la cohérence du gel. Dans le cas des l-carraghénanes,
les groupes sulfate situés sur l'extérieur de la double hélice empêchent, par répulsion
électrostatique, l'association des doubles hélices entre elles: le gel est élastique et ne se
rétracte pas. Les K-carraghénanes pour leur part forment des doubles hélices qui, du fait
60 GLUCIDES

de l'absence d'hémiesters sulfuriques en C-2 sur l'unité B, peuvent s'agréger entre


elles: les gels obtenus sont rigides, cassants et donnent lieu à une synérèse.
• Les solutions de À-carraghénanes ne gélifient pas: les groupes hémiester en C-2
et C-6 des unités B empêchent la formation de structures hélicoïdales; solubles à froid,
ils ne conduisent qu'à des solutions très visqueuses.
Les carraghénanes interagissent avec les galactomannanes qui renforcent la
cohésion du gel. Ils interagissent également avec les protéines, en particulier celles du
lait avec lesquelles se produisent des interactions ioniques spécifiques. Leurs
incompatibilités sont peu nombreuses (gélatine en milieu acide, ammoniums
quaternaires) et la stabilité des gels formés est bonne.

Obtention des carraghénanes. Si le principe de l'extraction est simple, la


réalisation technologique nécessite un savoir-faire important. Après un lavage qui
élimine débris et sels minéraux, les algues sont extraites par de l'eau chaude légèrement
alcalinisée. Les thalles épuisés, filtrés sous pression, sont éliminés. Le surnageant est
concentré partiellement et additionné d'un alcool (le 2-propanol par exemple) ce qui
induit la précipitation du polysaccharide. Les carraghénanes sont essorés, séchés et
broyés. Si nécessaire, on peut (au laboratoire) fractionner le carraghénane par
précipitation sélective du K-carraghénane à l'aide de chlorure de potassium, la fraction
À restant en solution.

Essai. Parmi les nombreuses déterminations qualitatives et quantitatives demandées


par la Pharmacopée française on note: 1° la mise en évidence du galactose (par CCM)
après hydrolyse sulfurique du polymère; 2° l'estimation de la viscosité apparente d'une
solution à 15 g/I à 75 oC; 3° un essai limite des métaux lourds; 4° la teneur résiduelle
en méthanol et 2-propanol (par CPG : < 0,1 %); 5° le dosage des sulfates par le
perchlorate de baryum après minéralisation dans l'oxygène.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour le thalle de carragaheen, l'indication thérapeu-
tique suivante (voie orale) : « traitement symptomatique de la constipation ». Aucune
évaluation toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un dossier « abrégé»
d'AMM (poudre, thalle pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques de titre
faible). Comme pour tous les autres laxatifs ayant un effet de lest, une information
précise du corps médical et du public doit être prévue (voir p. 119). Le carragaheen ne
fait pas l'objet d'une monographie de la Commission E du BfArM allemand.
L'industrie pharmaceutique met à profit les propriétés des gels aussi bien pour des
applications pharmacotechniques (formulation de pâtes, de crèmes, d'émulsions, etc.)
que pour des applications thérapeutiques (mucoprotecteur en proctologie) que
diététiques (adjuvant des régimes restrictifs). Les carraghénanes entrent également dans
la formulation de produits d'hygiène et de cosmétiques: pâtes dentifrices, sham-
pooings, crèmes, gels, laits, lotions, etc.
C'est essentiellement dans le domaine agroalimentaire que se situent les utilisations
actuelles des carraghénanes : ces polymères (K- et t-carraghénanes), non absorbés, non
digestibles, non toxiques (&07) sont incorporés à de faibles concentrations:
POLYSACCHARIDES DES ALGUES 61

HL (H ~O
HO~OH
OH

~-D-galactose R =H: a-D-galactose-6-sulfate 4, 6-carboxyéthylidène-~-D-galactose

R = 80 3- : a-D-galactose-2,6-disulfate

Unités constitutives des


HOÂ~OH ,0
galactanes sulfatés des HO
Algues rouges

3, 6-anhydro-a -L -galactose R= H: 3,6-anhydro-a-D-galactose


R = 803-: 3,6-anhydro-a-D-gal-2-sulfate

- comme gélifiants, stabilisants, inhibiteurs de cristallisation de glaces, etc., dans les


produits laitiers (on met à profit l'interaction avec les protéines du lait) et aussi dans des
produits aqueux (ex. : nappages);
- comme stabilisants d'émulsions ou épaississants (À-carraghénanes).

Carraghénanes semi-raffinés. Apparus il y a une vingtaine d'années aux


Philippines, les « carraghénanes semi-raffinés » sont en fait constitués d'Eucheuma
simplement lavées, broyées, séchées et pressées. Agréés aux États-Unis d'Amérique, ils
peuvent aussi être utilisés dans l'Union Européenne (carraghénane raffiné par la
méthode alternative, E407a). Beaucoup moins chers que les carraghénanes, ils ne
peuvent se substituer à ces derniers que dans des usages particuliers du fait de la
présence, dans le produit, de 15 à 20 % de polymères insolubles.

4. AGAR-AGAR (GÉLOSE)

L'agar-agar est constitué par les polyosides de diverses espèces de Rhodophyceae,


principalement du genre Gelidium. L'agar-agar est extrait par traitement des algues à
l'eau bouillante; l'extrait est filtré à chaud, puis concentré et desséché (Ph. eur., 6' éd.-
63, [0112009:0310]).

Sources d'agar-agar. Comme les carraghénanes, l'agar-agar est extrait à partir des
thalles de diverses Rhodophyceae, surtout des Floridées. Parmi les nombreuses espèces
qui sont utilisables on peut citer les Gelidium, algues des mers tempérées et chaudes
dont les frondes ont une ramification pennée (G. corneum [Hudson] Lamouroux,
G. amansii Lamouroux). On peut citer aussi divers Gracilaria (G. confervoides
62 GLUCIDES

Greville des côtes de l'Atlantique nord, G.lichenoides Agardh de Java) ainsi que
quelques espèces appartenant aux genres Gelidiella ou Pterocladia.
Toutes ces algues sont de petite taille et vivent fixées sur les rochers. La production
d'agar-agar, initialement japonaise, est maintenant le fait de nombreux pays: Corée,
Espagne, Portugal, Maroc, Chili, Mexique, États-Unis d'Amérique, Australie,
Nouvelle-Zélande, etc.
Les algues, récoltées à partir de leurs gîtes naturels ou cultivées sur des supports
artificiels, sont traditionnellement séchées au soleil avant traitement. Lavées à l'eau
douce, elles sont ensuite extraites avec de l'eau chaude. Après filtration et élimination
des marcs, la majeure partie de l'eau du surnageant est éliminée par une congélation qui
provoque une séparation de phases. In fine , le produit est lavé, décoloré, séché et broyé.

Structure de ['agar-agar. Ce polysaccharide est un galactane complexe, autrefois


considéré comme un mélange de deux fractions, l'agarose et l'agaropectine. En fait,
c'est un mélange variable de formes intermédiaires entre trois formes limites: l'agarose,
le pyruvyl-agarose et une forme fortement sulfatée pauvre en éthers internes.
L'agarose est un polymère linéaire faiblement sulfaté, construit selon une structure
linéaire de type (AB)n à liaisons alternées 1->3 - 1->4 où les unités A sont des D-
galactoses partiellement méthylés et les unités B des énantiomères L du galactose
presque toujours de type 3,6-anhydro-L-galactose.
Le pyruvyl-agarose, également peu sulfaté, contient une forte proportion
d'anhydrides internes (3,6) et une petite partie de ses unités A sont des 4,6-0-(1-
carboxyéthylidène)-D-galactoses (c'est-à-dire que les groupes hydroxyle en C-4 et en
C-6 sont engagés dans un cétal cyclique formé par réaction avec l'acide pyruvique). Les
proportions des différentes formes sont très variables selon l'espèce productrice.

enchaÎnement: enchaÎnement:
---( 1->3)-p-Dgal-(1->4)-a-D-gal--- ---( 1->3)-p-Dgal-( 1->4)-a-L-gal---
(carraghénanes) (agar-agar)

Caractères, essai. L'agar-agar se présente sous forme de rubans ou de flocons


incolores à jaune pâle, translucides et résistants. Il peut être caractérisé par une réaction
colorée fugace en présence d'iode et par la précipitation des ions sulfate après
chauffage en milieu acide. Solubilisé à chaud (solution à 1 %), l'agar-agar forme un gel
vers 30-35 oC, gel qui ne se liquéfie qu'au-dessus de 80 oC. L'essai de l'agar-agar
comprend la détermination de l'indice de gonflement (> 10 et compris dans les 10 % de
la valeur indiquée sur l'étiquette), celles du taux de cendres totales « 5 %) et de la perte
à la dessiccation « 20 %) ainsi que la recherche de la gélatine (pas de trouble en
présence d'acide picrique) et l'estimation des matières insolubles dans l'eau acidifiée
1'( lI.YSACCHARIDES DES ALGUES 63

« 1 %). Il est exempt d'Escherichia coli et de salmonelles. Le nombre de germes


aérobies totaux (DGAT) n'est pas supérieur à 10 3 UFC/g, le DMLT à 10 2/g.

Propriétés. L'agar-agar se dissout dans l'eau chaude et forme, par refroidissement,


des gels épais : l'agarose forme des structures en double hélice qui s'agrègent en un
réseau tridimensionnel retenant les molécules d'eau. Non assimilable, infermentescible
l'I non toxique, c'est un laxatif mécanique, augmentant le volume et l'hydratation du
bol fécal, régularisant le transit. Il peut aussi être employé pour réaliser des
limTIulations du type pansement gastro-intestinal.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour l'agar-agar, l'indication thérapeutique suivante
(voie orale) : « traitement symptomatique de la constipation ». Aucune évaluation
tox icologique n'est demandée pour la constitution d'un dossier « abrégé» d' AMM
(poudre). Comme pour tous les autres laxatifs ayant un effet de lest, une information
précise du corps médical et du public doit être prévue (voir p. 119). L'agar-agar ne fait
pas l'objet d'une monographie de la Commission E du BfArM allemand.
Support de culture classique en bactériologie, l'agar-agar est utilisable pour la
production de végétaux in vitro. Pour les biochimistes, il forme des gels d'une grande
résistance permettant des utilisations multiples: utilisé seul ou en association avec du
polyacrylamide, c'est un support pour la chromatographie d'exclusion et, après
greffage de substances diverses, pour la chromatographie d'affinité; c'est aussi un
support d'électrophorèse et de techniques immunologiques. Comme les autres
hydrocolloïdes d'origine végétale, l'agar-agar est inscrit dans la catégorie des agents de
texture autorisés (&106) et utilisé à ce titre par l'industrie agroalimentaire.

5. AUTRES POLYMÈRES

Furcellarane

Ce polymère dont la structure est proche de celle des K-carraghénanes est isolé de
Fllrcellariafastigiata (L.) Lamouroux, petite algue rouge abondante dans les mers
l'roides (Danemark, Suède). Les propriétés rhéologiques de ses solutions conduisent à
l'utiliser dans l'alimentation animale. Il est parfois préconisé par les phytothérapeutes
(agar danois).

Fucanes

Les fucanes sont des polysaccharides sulfatés présents dans la matrice


intercellulaire des Phaeophyceae (principalement les Laminariales et les Fucales) dont
ils constituent environ 40 % de la masse sèche. On en trouve aussi chez les invertébrés
marins. Ils forment un ensemble de polymères hétérogènes et polydispersés,
principalement constitués de L-fucose, de D-xylose et d'acide D-glucuronique ; ils
64 GLUCIDES

existeraient à l'état natif sous forme de protéoglycanes. Certains auteurs distinguent


classiquement trois catégories de structures :
- les fucoïdanes, polymères du L-fucose pour lesquels plusieurs motifs structuraux
assez proches ont été décrits. Ex. : liaisons a-(1->3) de fucoses di-O-sulfatés en 2 et 3
ou O-sulfatés en 4 ;
- les ascophyllanes, qui sont des xylofucoglycuronanes, le plus souvent des poly ~­
(1->4)-D-mannuronanes substitués latéralement par de courtes chaînes sulfatées (3-
O-D-xylosyl-L-fucose-4-sulfate) ;
- les sargassanes ou glycuronofucoglucanes, chaînes linéaires de galactose liés
(1->4) et substitués en C-5 par des restes fucosyl-3-sulfate ou, sporadiqiuement, par
un acide uronique.
Ces polysaccharides exercent un effet anticoagulant comme le fait un autre
polysaccharide soufré - l'héparine - et ce malgré des différences structurales
marquées (absence d'azote, mode de liaison différent, masse moléculaire plus élevée et
polydispersion plus faible). In vitro, ils induisent l'agrégation plaquettaire. Leur
interaction avec les sélectines (des lectines de surface des leucocytes, des plaquettes et
des cellules endothéliales) pourrait en théorie conduire à des applications
thérapeutiques. Certains fucanes sont anti-inflammatoires. Plusieurs fucanes présentent
également des potentialités antitumorales intéressantes sur quelques modèles
expérimentaux. Leur effet semble lié à une activation de la réaction immunitaire non
spécifique.

6. BIBLIOGRAPHIE
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Sur les métabolites des algues et, plus généralement, sur les substances naturelles d'origine marine voir, entre
autres:
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J(ornprobst, J.-M. (2005). Substances naturelles d'origine marine,' chimiodiversité, pharmacodiversité,
biotechnologie (2 vol.) , Tec & Doc - Lavoisier, Paris.
polysaccharides
des végétaux supérieurs

Polysaccharides homogènes

1. Amidon ...................................................................................................................................68
A. Principales sources d'amidon ..................................................................................68
céréales productrices d'amidons ...............................................................68
amidons de tubercules et de rhizomes .....................................................72
amidons de graines ...................................................................................74
caractères et essais des amidons ...............................................................74
B. Obtention de l'amidon .............................................................................................75
C. Structure et composition: amylose et amylopectine ..............................................76
D. Propriétés de l'amidon .............................................................................................77
E. Amidons modifiés ....................................................................................................78
F. Emplois des amidons ...............................................................................................79
2. Cellulose .................................................................................................................................79
A. Sources et structure ..................................................................................................79
B . Cotonniers et cotons ................................................................................................81
C. Cellulose et dérivés hémisynthétiques .................................................................... 83
D. Autres plantes à fibres cellulosiques ....................................................................... 84
3. Fibres alimentaires .................................................................................................................84
A. Définition .................................................................................................................84
B. Principaux constituants des fibres alimentaires d'origine pariétale ....................... 85
C. Sources de fibres alimentaires ................................................................................. 86
D. Effets biologiques des fibres alimentaires .............................................................. 87
E. Détermination des fibres alimentaires .....................................................................92
F. Emplois des fibres alimentaires ...............................................................................92
4. Fructanes - Inuline .................................................................................................................93
plantes à inuline (95), autres fructanes .........................................................................96
5. Bibliographie ..........................................................................................................................97
68 GLUCIDES

Parmi les polysaccharides homogènes (on dit aussi homoglycanes), seuls les glucanes
(amidon et cellulose) et les fructanes seront envisagés ici. L'étude des fibres
alimentaires ne sera pas dissociée de celle de la cellulose: certes, la composition de ces
fibres est complexe, mais la cellulose en est le plus souvent l'élément prépondérant.

1. AMIDON

Substance de réserve principale des végétaux, l'amidon est une source énergétique
indispensable à l'alimentation de l'Homme et de nombre d'animaux. Présent dans tous
les organes végétaux, il se concentre préférentiellement:
• dans les graines de céréales (avoine, blé, maïs, orge, riz, seigle, sorgho) et de
légumineuses (féverole, pois, pois chiche, fève, lentille) ou autres (châtaigne);
• dans des fruits: fruit de l'arbre à pain (Artocarpus communis Forst., Moraceae),
banane plantain (Musa x paradisiaca L., Musaceae);
• dans les parties souterraines - on parle alors préférentiellement de fécule - de
diverses espèces: racines tubérisées de la pomme de terre, du manioc ou des ignames,
rhizomes des taros;
• voire dans la mœlle comme c'est le cas pour le sagou, préparé à partir du stipe
d'un palmier, Metroxylon sagu Rottb. (= M. rumphii Martius).
Avec une production mondiale estimée en 1987 à 22,5 millions de tonnes, l'amidon
est un produit de la grande industrie aux applications multiples: la même année, 58 %
(soit 280 000 tonnes) de la consommation française ont été utilisés pour des usages non
alimentaires (textile, papier, carton), la pharmacie et la chimie en consommant 63 000
tonnes.

A. Principales sources d'amidon

Céréales productrices d'amidons

L'amidon est un constituant quasiment universel des végétaux: nous nous


limiterons à citer ici les sources ayant un intérêt industriel majeur, celles qui sont
retenues par les Pharmacopées ainsi que quelques exemples significatifs. Qui plus est,
ces produits - cela est particulièrement vrai pour les céréales - font l'objet
d'emplois essentiellement non pharmaceutiques et d'une bibliographie abondante: le
lecteur intéressé s'y reportera utilement.

Céréales. Les Poaceae (on dit encore souvent Graminées) sont des plantes
généralement herbacées, rarement ligneuses, annuelles ou vivaces. Les axes sont
simples, creux (chaumes) et portent des feuilles distiques engainantes à limbe
parallélinerve. Les inflorescences sont complexes, en panicules ou épis d'épillets. La
fleur est réduite à trois étamines et à un gynécée pseudo-monomère.
Le fruit des Poaceae (Bambusoideae exclues) est un caryopse, c'est-à-dire un akène
chez lequel le tégument séminal est soudé au péricarpe; l'embryon est petit, basilaire et
l'()I,YSACCHARIDES HOMOGÈNES 69

('xtérieur par rapport à l'albumen. De dimensions variables selon les espèces, ce fruit
pcut être nu ou entouré par les glumelles adhérentes ou soudées (orge, avoine). La
coupe transversale d'un caryopse montre, de l'extérieur vers l'intérieur :
- un péricarpe à cellules scléreuses qui se vident au cours de la maturation;
- un endocarpe à cellules transverses et à cellules tubulaires;
- un tégument séminal mince recouvrant une couche de cellules riches en
1ipides et en aleurone;
- un albumen à grandes cellules amylacées.

Composition chimique du grain entier (constituants non glucidiques). D'une façon


générale, la teneur en eau est voisine de 10 %. La proportion d'éléments minéraux est
faible, surtout chez le maïs. Phosphore et fer sont présents en quantité notable dans le
riz et le blé; par contre toutes les céréales sont pauvres en calcium. Les lipides
(triglycérides, lécithines, stérides) sont surtout stockés dans le germe, leur teneur par
rapport à la masse du grain variant de 2 à 5 %. Le taux de protéines varie plus nettement
dc 8 % (riz) à 15 % (blé). Par ailleurs, ces protéines sont déficientes en certains acides
aminés, ce qui limite leur valeur diététique relative. Par ordre de valeur biologique
croissante on trouve le blé (raffiné), le maïs, le millet, le blé (grain entier), l'orge,
l'avoine et le riz, surtout le riz brun. Toutes les céréales sont déficientes en vitamine A
ct le processus de raffinage élimine une grande partie des vitamines du groupe B
initialement présentes dans les grains entiers. Il n'en demeure pas moins que c'est avec
la culture des Poaceae que naquit - au néolithique - l'agriculture, chacun des grands
peuplements humains liant son sort à une céréale principale. Aujourd'hui encore 80 %
des calories nécessaires à l'humanité sont apportées par les céréales .

• BLÉS, (Triticum sp.), RIZ (Oryza sp.), MAÏS (Zea mais L.)

Ces plantes de grande culture intéressent la pharmacie pour leur amidon, pour leur
fraction lipidique (huile de germes de blé raffinée ou vierge [Ph. eur., 6c éd.], cf. p.
163), pour leurs fibres (son de blé) ou leur teneur en fibres (riz brun), pour le gluten ou la
zéine (enrobage de comprimés), pour leurs styles (maïs) 1, pour l'insaponifiable de
l'huile de maïs (proposé, sans preuve clinique pertinente, dans le traitement des
parodontopathies, cf. p. 164), pour les produits de transformation de l'amidon: dextrines,
sucres, polyols et pour les sous-produits, matières premières pour les fermentations ou

1. Le style de maïs est constitué par le style séché (Ph. fse, 10' éd.). Il contient au minimum 1,5 %
de potassium déterminé par photométrie de flamme sur la fraction hydrosoluble du résidu d'incinération.
En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (I998) admet qu'i! est possible de
revendiquer, pour le style de maïs, les indications thérapeutiques suivantes (voie orale) : tradition-
nellement utilisé 1° pour faciliter les fonctions d'élimination urinaire et digestive: 2° comme adjuvant
des régimes amaigrissants: 3° pourfavoriser l'élimination rénale d'eau. Si le phytomédicament à base
de style de maïs est une poudre, le dossier « abrégé » d'AMM doit comporter une étude toxicologique
allégée. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée dans les autres cas (styles pour tisane, extrait
aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre). Le style de maïs ne fait pas l'objet d'une
monographie de la Commission E du BfArM allemand.
70 GLUCIDES

Principaux emplois du maïs, Zea mais, Poaceae

amidonnerie par voie humide

RAFLES  .....f------'---M--,--A_ÏS----'----------J.~I PAILLE


cf. pailles polissage

corn flakes GRAIN


l emballage
aliments du bétail
furfural
pop corn (solvants,
whiskies intermédiaires)

trempage ----1... eau de trempe

germes
1
broyage
grossier
l
concentration

t
pression t
broyage fin 1 EXTRAIT 1

alimenta ion,
margarin rie,-_ _ _----,
1 HUILE
h
centrifugation drèches
alimentation
animale,
fermentations

enrobages,
industries diverses
CORN GLUTEN
1 TOURTEAUX 1
amidons modifiés,
FEED·
malta-dextrines,
glucose, acides,
solvants, édulcorants, etc.
l'()I ,YSACCHARIDES HOMOGÈNES 71

l'industrie chimique. À titre d'exemple, on trouvera dans le tableau de la page ci-contre


lin résumé des nombreux produits issus du maïs et de l'amidonnerie.
Les céramides et glycosylcéramides extractibles du blé et du riz peuvent constituer
IIIlC alternative aux céramides animaux (les céramides sont des sphingosines N-acylées
par un acide gras; l'industrie des cosmétiques les utilise pour leur capacité supposée à
prévenir ou à atténuer le vieillissement cutané).

Autres céréales

Ayant un intérêt alimentaire:


Elles sont fort nombreuses et leur étude ne saurait être envisagée ici: avoine (Avena
saliva L.; orge (Hordeum vulgare L.); mils et millets (diverses espèces de Digitaria,
Weusine, Echinochloa, Panicum, Paspalum, Pennisetum, Setaria), seigle (Secale
('l'reale L.); sorgho (Sorghum bicolor L.); zizanies (= riz sauvage, Zizania aquatica L.,
Z./atifolia [Griseb] Stapf).

Ayant un intérêt pharmaceutique:

.AVOINE, Avena sativa L.

Le fruit d'avoine est riche en ~-glucanes, c'est-à-dire en fibres solubles. À ce titre,


sa consommation régulière entraîne une diminution de la cholestérolémie totale et du
taux de LDL-cholestérol (0,037 mmol/I par gramme de fibre ingéré, dans les limites
d'une posologie usuelle (de 2 à 10 g par jour, moyenne sur 25 études). Pour plus de
détails sur le mécanisme d'action et l'intérêt des fibres solubles, voir ci-après p. 87
(propriétés métaboliques des fibres), et p. 117,« ispaghul et psyllium ».
En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet qu'il est
possible de revendiquer, pour le fruit d'avoine, l'indication thérapeutique suivante
(voie orale) : « traitement symptomatique de la constipation ». Aucune évaluation
toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un dossier« abrégé» d'AMM
(poudre, fruit pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques de titre faible).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BjArM précise que
la paille d'avoine est utilisée par voie externe comme anti-inflammatoire et pour les
peaux séborrhéiques (100 g pour un bain entier). L'efficacité dans les autres usages
rcvendiqués (traitement de l'anxiété, troubles vésicaux, etc.) n'étant pas démontrée, la
Commission a estimé qu'elle ne pouvait pas en recommander l'utilisation à des fins
thérapeutiques. Sa position quand à l'usage thérapeutique du fruit pour le traitement
des douleurs gastro-intestinales, de l'asthénie ou du diabète est également négative.
Au niveau européen, la monographie communautaire élaborée par l'HMPC précise
que le fruit d'avoine réduit en farine est traditionnellement utilisé, sur la base d'un
lisage ancien, pour le traitement des inflammations mineures de la peau (ex. : brûlure
solaire) et pour aider à la cicatrisation des petites blessures: 60 g pour un bain de 150 à
200 litres (adulte), ou extraits à 20-30 %, par voie externe; possibilité de réactions
cutanées chez certains patients (réf. EMEA/HMPC/368600/2007, 4 septembre 2008).
Le même comité européen reconnaît que les parties aériennes de l'avoine, récoltées
72 GLUCIDES

avant la floraison, fraîches ou sèches, sont utilisables sur la seule base d'un usage de
longue date pour favoriser le sommeil et en cas de symptômes modérés de stress.
Posologie quotidienne: 3 g, en infusion, ou extrait liquide aqueux ou alcoolique (1 :4-
6),5 à 15 ml; adultes et adolescents de plus de 12 ans, non recommandé chez la femme
enceinte ou allaitante (réf. EMEAIHMPC/202966/2007, 4 septembre 2008) .

• ORGE, Hordeum vulgare L.

C'est sans doute la première céréale à avoir été mise en culture (7 000 av. J.-C.), au
Moyen-Orient. En dehors de sa valeur biologique et de son importance dans l'industrie
agroalimentaire, l'orge a quelques emplois en pharmacie.
l. La diastase de l'orge germée (Ph. fse, 10' éd.) est constituée par les amylases
obtenues par macération aqueuse à partir de l'orge germée. Elle contient au minimum 1
unité amylasique par mg, c'est-à-dire qu'elle possède une activité enzymatique qui,
dans des conditions définies, libère par hydrolyse d'un substrat d'amidon soluble une
micromole de résidu glucidique réducteur par minute.
2. Le malt. Cette préparation est obtenue par germination des graines en milieu
humide. Après quelques jours, les grains germés sont desséchés, débarrassés de leurs
radicelles (les touraillons) et moulus. Le malt est un aliment très assimilable car la
germination a entraîné une hydrolyse de l'amidon en dextrine et maltose et celle des
protéines en polypeptides et acides aminés. De plus, il est riche en amylase. Le malt est
utilisé en diététique infantile (laits et farines) et chez les insuffisants digestifs.
3. L'hordénine ou N,N-diméthyltyramine. Présente dans les touraillons, c'est un
sympathomimétique faible dont l'action s'exerce principalement au niveau intestinal.
Elle a été utilisée dans le traitement symptomatique des diarrhées de l'adulte et de
l'enfant. Même légers, les effets sympathomimétiques doivent inciter à utiliser prudem-
ment ce composé chez les hypertendus et en cas de traitement par les IMAO.

Amidons de tubercules et de rhizomes

.POMME DE TERRE, Solanum tuberosum L., Solanaceae

Les tubercules de pomme de terre constituent, après le maïs, la deuxième source


mondiale d'amidon. Le rapage des tubercules et des lavages successifs conduisent au
lait de fécule. Un quintal de pommes de terre permet d'obtenir 15 à 23 kg de fécule. La
fécule de pomme de terre enzymée donne un gel à texture semblable à celle des
matières grasses: dans l'industrie alimentaire, elle remplace en partie les huiles et les
graisses dans les produits à faible teneur en calories. Enzymée, acétylée et atomisée,
c'est un substitut de la gomme arabique, un liant, un filmogène .

• Ignames. Les ignames sont des Dioscoreaceae pan tropicales appartenant au


genre Dioscorea (D. alata L., D. batatas Decne., D. bulbifera L., D. x cayenensis Lam.,
D. esculenta [Lour.] Burkill., D. opposita Thumb., etc.). Assez pauvres en protéines (1-
3 %, en frais) et en lipides « 0,3 %, en frais), ces tubercules parfois volumineux
1'( li. YSACCHARIDES HOMOGÈNES 73

(plusieurs dizaines de kg) sont très riches en amidon: 25-30 % du tubercule frais (80-
l)() % de la matière sèche). Ils sont consommés bouillis, entiers ou écrasés; séchés, ils
peuvent être transformés en farine ou en flocons. En 2007, plus de 95 % des 52 millions
de tonnes produites dans le monde l'étaient en Afrique (Nigeria, Ghana, Côte d'Ivoire,
Bénin, Ghana, Togo, Éthiopie, Cameroun, etc.). Sur les dioscorées, voir p. 823 et 863 .

• Manioc. Le manioc, Manihot esculenta Crantz (Euphorbiaceae), est un aliment


amylacé majeur des zones tropicales du globe et ce sur tous les continents. Après
pelage, hachage et torréfaction - ce qui diminue fortement la teneur en hétérosides
cyanogènes (cf. p. 226) - il sert à la préparation de repas (gari [Afrique],jarinha
1Amérique du Sud]). Il est également destiné à la préparation de farines, de chips et
d'amidons bruts et transformés (tapiocas). (Production mondiale en 2007: 228 millions
de tonnes: Nigeria, Brésil, Indonésie, Thaïlande, Zaïre, Ghana, Angola, Tanzanie,
Mozambique, Vietnam, Ouganda, etc.). Le tubercule pelé, frais, renferme 35 %
d'amidon, 0,5-1,5 % de protéines, 0,3 % de lipides .

• Arrow-root. Certains amidons de tubercules entrent dans la formulation de


l'arines destinées à l'alimentation du très jeune enfant : c'est le cas de l' arrowroot,
terme qui désigne normalement la farine obtenue à partir du tubercule de Maranta
arundinacea L. (Marantaceae) ou arrow root des Indes Occidentales.
Une autre Marantaceae, Calathea allouia (Aubl.) Lindl. fournit l' arrow-root de
Guinée ou topinambour blanc. Le terme d' arrow-root s'applique aussi aux produits
provenant de Canna indica L. (= C. alulis Ker-Gawler, Cannaceae) ou arrow root
d'Afrique (ou du Queensland). La bibliographie mentionne également l' arrowroot de
Floride, comestible après ébullition (Zamia spp., Cycadaceae) et l'arrowroot de Tahiti
ou de Fiji (tubercule de Tacca leontopetaloides [L.] Kuntze, Taccaceae). L'arrowroot
de l'Inde est Curcuma angustifolia Roxb., l' arrowroot du Brésil n'est autre que le
manioc et l' arrowroot de Guyane est une dioscorée, Dioscorea alata L.

.Patate douce. Ce tubercule (lpomoea batatas [L.] Lam., Convolvulaceae) est


très largement consommé en Chine: ce pays assurait (en 2007) 80 % de la production
mondiale, soit 102 millions de tonnes, loin devant le Nigeria (3,5 millions de tonnes),
l'Ouganda (2,6 millions de tonnes), l'Indonésie (l,83 millions de tonnes), etc .

• Dans certains cas ce ne sont pas des tubercules mais des rhizomes qui sont
recherchés pour leur valeur alimentaire: les taros, particulièrement riches en amidon,
sont les rhizomes de diverses Araceae tropicales appartenant aux genres Colocasia (c.
esculenta [L.] Schott = taro), Xanthosoma (X. sagittifolium [L.] Schott = tannia),
Cyrtosperma, Alocasia et Amorphophallus. Ils représentent une part importante de
l'alimentation humaine dans les îles et sur le pourtour de l'océan Pacifique, ainsi que
dans certains pays africains (production mondiale en 2007 = Il,9 millions de tonnes :
Nigeria, Ghana, Chine, Cameroun, Côte d'Ivoire, Papouasie-Nouvelle-Guinée, etc.).
Les glucides de ces rhizomes - leur teneur varie de 15 à 30 % du tubercule frais -
sont constitués, à 80 %, par de l'amidon. La présence de raphides d'oxalate de calcium
et/ou de protéines toxiques rend nécessaire une cuisson préalable.
74 GLUCIDES

Amidons de graines

Il s'agit essentiellement des graines de Fabaceae communément appelées


légumineuses ou légumes secs: pois (Pisum sativum L.), pois chiche (Cicer arietinum
L.), fève (Viciafaba L.), lentille (Lens culinaris Medikus), haricots 2 (Phaseolus
vulgaris L., P. acutifolius A. Gray, P. coccineus L., P.lunatus L.), pois d'Angole (=
ambre vade = Cajanus cajan [L.] Millsp.), etc. Ces espèces, des espèces voisines et leurs
très nombreuses variétés sont cultivées dans le monde entier. Chez ces graines,
l'amidon représente 45 à 70 % de la matière sèche de la farine complète. Cet amidon,
généralement riche en amylose (25 à 45 %), n'est pas le seul sucre de ces graines: elles
renferment généralement des oligosaccharides non digestibles par 1'Homme et dont la
dégradation par les bactéries coliques est pour une part à l'origine des flatulences
souvent associées à la consommation des légumes secs.

Caractères et essai des amidons officinaux

La 6' édition de la Pharmacopée européenne consacre cinq monographies (révisées


ou introduite dans le supp. 63) aux amidons les plus couramment utilisés par la phar-
macotechnie : amidon de blé [01/2009:0359], de maïs [01/2009:0344], de pois
[01/2009:2403], de pomme de terre [01/2009:0355], de riz [01/2009:0349]. Les
amidons de Poaceae sont retirés des caryopses, celui des pois de la graine de Pisum
sativum L., celui de pomme de terre - la fécule - est retiré du tubercule.
La Pharmacopée européenne décrit également l'amidon prégélatinisé [0112009:
1267] : amidon qui, à l'exclusion de l'amidon de blé ou de pois, a été mécaniquement
traité en présence d'eau à l'aide d'un procédé thermique ou non, pour rompre tout ou
partie des grains d'amidon et qui a ensuite été desséché. Enfin, la Pharmacopée décrit
des carboxy-méthylamidons sodiques (types A, B [01/2008:0983 et 0984] et C
[01/2008:1566]), c'est-à-dire des sels sodiques d'amidon de pomme de terre réticulé
partiellement O-carboxyméthylé).

Caractères. Les amidons sont des poudres très fines, blanches (mais l'amidon de
maïs peut être faiblement jaunâtre), insolubles dans l'eau, crissant sous la pression des
doigts. Leur différenciation passe par un examen microscopique attentif dans un

2. Beaucoup de légumineuses désignées par le vocable de haricot n'appartiennent pas au genre


Phaseolus. Citons, à titre d'exemple, le haricot mungo qui est fourni par Vigna radia ta (L.) R. Wilczeck,
le haricot adzuki (V. anguilaris [Willd.] Ohwi & H. Ohashi, le haricot-igname (Sphenostylis stenocarpa
[Hochst. ex A. Rich] Haims) ou bien encore le haricot-jacinthe ou dolique, graine du Lablab purpureus
(L.) Sweet (mais il existe au moins quatre doliques [dolique-asperge, dolique-mongette, etc.]
appartenant à trois genres). La même confusion règne chez les pois qui sont fréquemment fournis par
des espèces n'appartenant ni au genre Pisum, ni au genre Cicer : le pois bambara est Voandzeia
subterranea (L.) Thouars ex OC. (= Vigna subterranea [L.] Verde.), le pois de Tahiti (ou fève Jack, ou
haricot sabre) est la graine de Canavalia ensiformis (L.) OC. et le pois bâtard (un fourrage) est un
Centrosel17a. De nombreux autres genres fournissent des « pois» : Cajanus (pois d'angole), Inga,
Lathyrus (pois de senteur), Mucuna, Pachyrhizus (pois patate), Pithecellobiul17, etc.). Cette série non
limitative d'exemples - on pourrait évoquer les fèves (à cheval, tonka, de Calabar) et les lentilles (de
terre, d'Espagne) - montre, si cela était nécessaire, l'utilité de la nomenclature binominale latine.
l'()I ,YSACCHARIDES HOMOGÈNES 75

IlIélange, à parties égales, d'eau et de glycérol : grains de taille variable (2-60 !lm) à hile
l't stries très peu visibles de l'amidon de blé; grains anguleux (2-23 !lm) ou arrondis
(25-35 !lm) à hile central et sans stries concentriques de l'amidon de maïs; gros grains
ovoïdes (30-100 !lm) à hile excentrique et stries concentriques de l'amidon de pomme
de terre; petits grains polyédriques (2-5 !lm, fréquemment associés) à hile central et
sans stries concentriques de l'amidon de riz, En lumière polarisée, tous les amidons
présentent une croix noire centrée sur le hile. Dans le cas de l'amidon prégélatinisé, on
remarque la présence de paillettes ou de grains très irréguliers, translucides.

Essai. Identifiés par la morphologie des grains, par leur capacité à former des
empois et à se colorer en bleu en présence d'iode, les amidons doivent satisfaire à
divers essais: acidité; éléments étrangers; perte à la dessiccation (céréales, < 15 %;
pois, < 16 %; pomme de terre, < 20 %); cendres sulfuriques (blé, maïs, pois, pomme de
terre < 0,6 %; riz, < 1 %). Entre des plaques ou prismes polarisants orientés orthogo-
nalement, les grains des amidons (sauf l'amidon prégélatinisé) présentent distinctement
le phénomène de la croix noire. Dans tous les cas l'amidon doit être exempt
d'Escherichia coli et de salmonelles. Le nombre de germes aérobies totaux (DGAT) est
< 10 3 UFC/g et le nombre total de moisissures et levures (DMLT) < 10 2 UFC/g. Les
amidons satisfont à l'essai limite du fer (10 ppm; pois < 50 ppm), ne contiennent ni
plus de 20 ppm de substances oxydantes ni plus de 50 ppm de dioxyde de soufre.
L'amidon de blé a une tenur en protéines totales < 0,3 %.

B. Obtention de l'amidon

L'amidon est extrait, pour l'essentiel, du grain de maïs et des tubercules de pommes
de terre et, dans une moindre mesure, du blé et du manioc.
L'amidon de maïs est préparé de la façon suivante (voie humide) : après élimination
des impuretés (rafles, débris divers) par criblage et ventilation, les grains sont amollis
par un trempage de 30 à 48 heures dans de l'eau portée à 50 oC et additionnée de
dioxyde de soufre. L'eau de trempe, chargée en protéines, en sucres solubles, en acide
lactique, en vitamines et en éléments minéraux, est récupérée: elle servira d'élément de
base dans la composition des milieux de culture destinés aux fermentations industrielles
comme, par exemple, la production d'antibiotiques par des microorganismes (corn
steep liquor). L'excédent, mélangé aux drèches, est écoulé sur le marché des aliments
pour bétail (corn glutenfeed).
Un broyage grossier en milieu aqueux des grains amollis permet d'éliminer, par
différence de densité, les germes, source d'une huile qui n'est pas dépourvue d'intérêt
diététique. Le mélange pâteux résiduel, constitué de fragments de grains dégermés, est
réduit en poudre fine; après tamisage, une centrifugation permet de séparer les
protéines (gluten de maïs) et l'amidon. À ce stade, l'amidon est sous la forme de lait. La
mauvaise conservation de cette forme et le coût de son transport expliquent que la plus
grande partie de la production est immédiatement transformée, sur place. Le reste est
séché. Un quintal de maïs fournit environ 63 kg d'amidon.
76 GLUCIDES

c. Structure et composition: amylose et amylopectine

À l'état natif, l'amidon (il serait plus correct de parler des amidons, car la
composition varie quelque peu selon l'origine botanique) existe sous la forme d'une
structure lentement organisée à biosynthèse orientée: le grain. La semi-cristallinité de
celui-ci est attestée par l'apparition, en lumière polarisée, d'une croix noire de
biréfringence. La forme du grain, sa taille et l'emplacement du hile varient selon
l'espèce considérée et, de ce fait, sont souvent des éléments précieux pour
l'identification microscopique d'échantillons (voir ci -dessus). Les grains d'amidon
correspondent à un homopolymère presque pur de D-glucose : 98-99 %. Les autres
constituants sont lipidiques (0,1-0,7 % selon l'origine botanique), protéiques (0,05-
0,5 %) et minéraux (la teneur en cendres varie de 0,05 à 0,3 % ).
La fraction glucidique est un mélange de deux polymères: l'amylose, essentiel-
lement linéaire et l'amylopectine, molécule ramifiée. Les amidons sont nettement
différenciés par leurs teneurs respectives en amylose: 16-17 % chez le riz, 20 % chez la
pomme de terre, 23-24 % chez l'orge, 25-28 % chez le blé,jusqu' à 35 % chez les pois
lisses, exceptionnellement 65-70 % chez les amylomaïs ou, au contraire, moins de 1 %
chez les maïs cireux ou waxy mais.
L'amylose est constitué d'unités de D-glucose dans sa conformation 4C] (la plus
stable) liées quasi exclusivement par des liaisons a-(1->4). On note l'existence d'un
petit nombre de courtes chaînes branchées a-(l->6). Le DP moyen varie selon
l'origine botanique et le mode de préparation de 500 à 6000.

HO~OH 0 OH

HO OH ~O
HO

a-maltose 0 0
OH

L'amylopectine, constituant majoritaire des amidons, est l'un des plus gros
polysaccharides connus, sa masse moléculaire pouvant atteindre, chez certains
cultivars, 107 à 108 • Sa structure est ramifiée en grappe: des chaînes linéaires a-(l->4)
de 15 à plus de 60 unités, réparties selon une distribution trimodale, sont greffées les
unes aux autres par des liaisons a-(l-> 6) qui représentent environ 5-6 % de
l'ensemble des liaisons.
Plusieurs modèles structuraux ont été proposés: le plus classique [schéma] fait
intervenir trois types de chaînes: les chaînes A ne sont pas ramifiées et sont greffées par
leur extrémité réductrice sur des chaînes B. Les chaînes B sont substituées sur un ou
plusieurs de leurs hydroxyles en C-6 par des chaînes A et reliées par leur extrémité
réductrice à une chaîne C. Cette chaîne C est la seule à posséder une extrémité
réductrice libre. Les zones de branchement sont amorphes alors que les zones
correspondant à de courtes chaînes linéaires sont cristallines (elles ont la possibilité de
former une structure hélicoïdale). La proportion relati ve de chaînes courtes et de
1'( li, YSACCHARIDES HOMOGÈNES 77

Sructure de l'amylopectine.

Modèle proposé par Robin et al.


Les lignes pointillées délimitent les zones
branchées amorphes (1) et les zones
potentiellement cristallines (2).

Robin, J.-P., Mercier, C., Charbonnière, R. et


Guilbot, A. (1974). Lintnerized Starches. Gel
filtration and enzymatic studies of insoluble
residues from prolonged acid treatment of potato
starch, Cereal. Chem., 51, 389-406.

chaînes longues ainsi que le nombre moyen de grappes porté par chaîne longue varient
en fonction de l'origine de l'amidon (tubercules, céréales).
Dans certains amidons (pois ridé, certains génotypes d'orge et certains maïs riches
en amylose) on remarque la présence d'une quantité notable d'un glucane de structure
intermédiaire entre l'amylose et l'amylopectine.

D. Propriétés de l'amidon

L'amylose peut, du fait de son caractère essentiellement linéaire et de


l'homogénéité des liaisons interosidiques, prendre une conformation hélicoïdale et
complexer des molécules hydrophobes telles que l'iode et les acides gras, mais aussi
des alcools, des lipides et des émulsionnants. La réaction de l'amylose avec l'iode est à
la base de la caractérisation analytique de l'amidon. La formation de complexes par
insertion d'alcools aliphatiques dans la cavité hélicoïdale hydrophobe de la molécule
d'amylose peut, sous certaines conditions, permettre le fractionnement de l'amylose et
de l'amylopectine 3 •
L'amylopectine est responsable de la cristallinité de l'amidon; celle-ci varie selon
l'origine de l'amidon (amidon céréalier de type A, amidon de tubercules et amidons

3. C'est cette même propriété qui est mise à profit pour retarder le rancissement des pains: la mo-
lécule incluse est dans ce cas un monoglycéride d'acide gras; le mécanisme de cet effet reste obscur.
78 GLUCIDES

rétrogradés de type B) et dépend notamment du mode d'empilement des doubles


hélices (symétrie hexagonale ou monoclinique) et du degré d'hydratation.

Comportement de l'amidon en présence d'eau. À température ambiante, le grain


d'amidon n'est pas hydrosoluble, mais retient une forte quantité d'eau. Vers 55-60 oC,
les grains gonflent irréversiblement, la structure granulaire est détruite, la cristallinité
disparaît: il y a gélatinisation. Si l'on chauffe plus (jusqu'à 100 oC) les molécules
d'amylose diffusent dans le milieu: c'est la solubilisation, l'empesage, la formation
d'un système composite de grains d'amidon gonflés (<< fantômes ») dans une matrice de
macromolécules amylosiques solubilisées. Par refroidissement, les macromolécules se
réorganisent, il se forme un gel: c'est le phénomène de rétrogradation qui, éventuel-
lement, s'accompagne de synérèse. La cinétique de rétrogradation de l'amidon peut être
modifiée par diverses associations (autres polysaccharides, lipides).

E. Amidons modifiés

Dans le but de modifier les propriétés rhéologiques des gels et donc d'étendre les
possibilités d'emplois de l'amidon, il est possible de modifier la structure initiale et ce
de plusieurs façons:
1. En faisant varier les proportions respectives d'amylopectine et d'amylose: c'est
là, pour l'essentiel, un travail de sélection variétale;
2. Par traitement physique: amidons prégélatinisés (cuisson préalable et dés-
hydratation), extrudés ou compactés;
3. Par modification chimique, en jouant sur la réactivité des fonctions alcools
secondaires et primaires :
- oxydation par l'hypochlorite de sodium,
- estérification par l'anhydride acétique (acétates d'amidon), par des acides
phosphoriques (phosphates d'amidon),
- éthérification: obtention d'hydroxyalkylamidons (amidons non ioniques), de
carboxyméthylamidon (anionique) et «cationisation »par greffage d'amines tertiaires
ou d'ammoniums quaternaires,
- hydrogénation, qui s'applique en fait aux oligosaccharides issus de la
dépolymérisation (voir polyols);
4. Par réticulation. L'amidon est traité à une température inférieure à la température
de gélatinisation par de l'épichlorhydrine, du formol, de l'oxychlorure de phosphore ou
des anhydrides d'acides, ce qui induit la formation d'un faible pourcentage de ponts
intramoléculaires. La réticulation diminue le gonflement, augmente la résistance au
cisaillement, permet la stérilisation;
5. Par dépolymérisation contrôlée. L'hydrolyse partielle de l'amidon, qui peut être
obtenue en milieu acide, est maintenant souvent réalisée par voie enzymatique. Elle fait
alors appel à des enzymes déramifiantes (du type pullulanase ou isoamylase) qui
coupent les liaisons a-(l-> 6), à des amylases (a-amylase, produisant des
oligosaccharides ou ~-amylase, induisant une hydrolyse récurrente à partir de
l'extrémité non réductrice des chaînes linéaires et produisant du maltose) et à des
1'( li ,YSACCHARIDES HOMOGÈNES 79

IIlllyloglucosidases, exo-enzymes hydrolysant de façon répétitive aussi bien les liaisons


1->4 que les liaisons 1->6 et produisant du glucose. Le domaine d'application de
l'es techniques enzymatiques est en fait la production de malto-dextrines
(dcxtrinisation), celle de sirop de glucose et d'hydrolysats (saccharification des malto-
dextrines) et celle de fructose (isomérisation).

F. Emplois des amidons

En pharmacie, le principal usage des amidons et de leurs dérivés est celui


d'adjuvant dans la formulation des comprimés: diluants, liants (empois), désinté-
grants, antimottants. L'amidon est aussi une base de réaction pour l'obtention de
dextrines et cycIodextrines, de polyols, de gluconates et, plus généralement, de produits
hio-industriels (fermentation, production de gomme xanthane).
À côté d'emplois multiples dans l'industrie agroalimentaire, les amidons
connaissent d'innombrables applications dans d'autres secteurs d'activité: obtention du
papier (elle consomme près de la moitié de l'amidon «non alimentaire »), industrie
Icxtile, colles et adhésifs, traitement des eaux et des minerais, forages.

2. CELLULOSE

A. Sources et structure

La cellulose est sans doute le biopolymère le plus universel. Rare chez les
Procaryotes, présente chez d'assez nombreux Thallophytes chlorophylliens (Algues) ou
non (Mycophytes), elle se dépose en microfibriIIes dans les parois cellulaires de tous les
Cormophytes.
Constituant du bois, elle existe à l'état majoritaire dans de nombreuses plantes à
fibres textiles: lin, chanvre, jute, ramie et, presque pure, dans les poils qui recouvrent
les graines des cotonniers. L'une des rares bactéries capable de la synthétiser -
Acetobacter xylinum - pourrait, avec le développement des biotechnologies, devenir
une source de cellulose microfibriIIaire pure.
La cellulose actuellement utilisée provient de la délignification du bois en milieu
acide ou alcalin (industrie papetière) et des linters de coton (industrie chimique); on
peut aussi utiliser les produits de dégradation des pailles. Le coton fibre est utilisé
directement par l'industrie textile. D'autres procédés actuellement développés
permettent de récupérer la cellulose et les autres constituants du bois (hémicelluloses,
lignines). C'est le cas de l'extraction à chaud par le méthanol suivie d'un traitement par
la soude méthanolique; c'est aussi celui de « l'explosion» du bois, traitement très bref
par la vapeur d'eau à 200-250 oC sous une pression de 35-40 bars suivi d'un retour
brutal à la pression normale. Ce procédé conduit à une cellulose de DP contrôlé, à des
mono- et oligosaccharides, à des phénols solubles et à la lignine.

Structure. La cellulose est un polymère linéaire, constitué d'unités de D-glucose


liées en ~-(l->4). Les molécules de D-glucopyranose sont sous forme chaise de
Gossypium herbaceum L.
~~
f
l'III, YSACCHARIDES HOMOGÈNES 81

\'Illliimnation 4C] ; les hydroxyles du cycle, l'hydroxyméthyle et la liaison osidique sont


l'II position équatoriale. Tous les hydrogènes sont axiaux. La nature ~ de la liaison
"lIlraÎne la rotation à 180 0 d'une unité sur deux (le motif de base est le cellobiose) et
\'Illlfère à la molécule une structure rubanée consolidée par des liaisons hydrogène
1lIll'lImoléculaires, en particulier entre l'hydroxyle porté par le C-3 et l'atome
"'oxygène intracyclique de l'unité voisine. Des liaisons hydrogène intermoléculaires
IIssoçient les chaînes en microfibrilles dont la cristallinité apparaît bien en spectrométrie
Ill' diffraction des rayons X (qui révèle par ailleurs l'existence de régions amorphes). Le
Ikgré de polymérisation varie de 300 à 15000 (soit une masse moléculaire de 5 x 104 à
~!.5 X 106 ) selon l'origine botanique, l'âge du tissu, le procédé d'obtention. Dans les
plll'Ois secondaires des végétaux supérieurs, le DP est de 6 à 10 000; dans les capsules
de çoton non ouvertes, il atteindrait 15000.

,~OH
'0
O"""""""''''~'HO ~OH ~HO
HO 0
HO
0
0",,,,,,,,,
"""'''HO
0
/'
OH O"",,,,,,,,,,,HO OH 0

OH OH

B. Cotonniers et coton: Gossypium spp., Malvaceae

La pharmacopée européenne (6 C éd.) consacre plusieurs monographies au coton, à


la cellulose et aux produits qui en dérivent:
- coton hydrophile [0112008:0036] ;
- cellulose poudre [63 - 0112009:0315] et cellulose microcristalline [63 - 0112009:
0316] et ouate viscose hydrophile [01/2008:0034] ;
- acétate [63 - 0112009:0887], acétate butyrate [01/2008:1406] et acétate phtalate
de cellulose [63 - 0112009:0314];
- carboxyméthylcellulose (carmellose sodique [0112008:0472], carmellose sodique
faiblement substituée [0112008:1186], carmellose calcique [0112008:0886] et, croscar-
mellose sodique [63 - 0112009:0985]);
- éthylcellulose [0112008:0822], hydroxyéthylcellulose [0112008:0336], hydroxy-
propylméthylcellulose (hypromellose) [0112008:0348, corr. 6.3], phtalate d'hypro-
mellose [01/2008:0347, corr. 63] et méthylcellulose [0112008:0345, corr. 6.3].
Le coton hydrophile supérieur est décrit par la Pharmacopée française (10C éd.).

Les cotonniers. Les différentes races et variétés de cotonnier actuellement cultivées


se répartissent en quatre espèces : deux diploïdes asiatiques à fibres épaisses et courtes
(G. arboreum L., G. herbaceum L.) et deux tétraploïdes (amphidiploïdes) américains:
G. hirsutum L. à fibres intermédiaires et G. barbadense L. à fibres longues. Les
cotonniers sont des arbustes ou des arbrisseaux pérennes, à feuilles tétra- à heptalobées,
plus ou moins échancrées. Les fleurs, accompagnées de trois larges bractées dentées,
ont une corolle blanc crème à jaune rougissant rapidement après l'épanouissement,
marquée - sauf chez G. hirsutum - d'une macule rouge à la base des pétales. Les
nombreuses étamines sont soudées par leurs filets en une colonne staminale. Le fruit est
82 GLUCIDES

une capsule sphérique, ovoïde ou piriforme (4-8 x 3-4 cm), à 3-5 loges multi-ovulées.
Les graines (6-12 par loge) portent de longs poils ou fibres.

Les fibres. Les fibres prennent naissance à la surface de la graine et elles peuvent
être accompagnées d'un duvet de poils courts, le linter: on parle alors de graines
vêtues; dans le cas où le linter fait défaut, on parle de graines nues. Les fibres ont une
coloration blanche, crème, brun clair, parfois verdâtre. Issues d'une cellule
épidermique, elles ont une constitution monocellulaire. Très allongées (la longueur,
influencée par les conditions hydriques, varie de 15 à 40 mm pour un diamètre,
génétiquement déterminé, de 12-25 J..!,m), elles ont une paroi mince recouverte d'une
cuticule cireuse et sont repliées plusieurs fois à l'intérieur du volume carpellaire. Au
cours de la maturation le poil s'épaissit par apposition, sur la face interne de sa paroi, de
couches successives de cellulose. À maturité, le protoplasme central se vide et laisse
place à un lumen; la fibre se vrille, ce qui détermine ses qualités textiles.
Chimiquement, la fibre est composée de cellulose (95 ± 4 %), de protéines
Cl,6 ± 0,3 %), de cires (0,9 ± 0,3 %), de pectines. La cellulose représente 23 à 37 % de
la graine entière sèche. Celle-ci contient en outre 19 à 25 % de protéines, 10 à 28 % de
lipides et jusqu'à 1 % de gossypol, un sesquiterpène toxique pour la majorité des
espèces animales.

Traitement des graines. Après un premier séchage naturel ou par un courant d'air
chaud, le coton graine est nettoyé, débarrassé des débris de capsule et égrené
mécaniquement. Les fibres sont ensuite triées en fonction de leur qualité commerciale.
Si les graines sont vêtues, on récupère le linter qui est destiné à des usages divers
(rembourrages, couvertures, feutres) et à l'industrie chimique.
L'étape suivante est la récupération de l'huile contenue dans les graines: un
broyage laminage conduit à des flocons; la cuisson contrôlée de ceux-ci précipite les
protéines, élimine le gossypol et améliore l'extraction ultérieure de l'huile. Qu'elle soit
extraite par pression ou par solvants, l'huile est démucilaginée, neutralisée, lavée,
décolorée et désodorisée avant d'être livrée à la consommation. Les tourteaux sont
destinés à l'alimentation animale (les ruminants détoxifient en partie le gossypol). Les
farines, sous réserve d'être débarrassées de leur gossypol et non contaminées par des
aflatoxines, peuvent être utilisées pour l'alimentation de l'Homme et des animaux
monogastriques.

Coton hydrophile. Le coton hydrophile décrit par la Pharmacopée européenne ([6'


éd., [0112008:0036]) est constitué de fibres nettoyées, purifiées, blanchies et soigneu-
sement cardées. Il est préparé avec du coton neuf et est blanc ou sensiblement blanc;
Les fibres de ce coton doivent avoir une longueur supérieure ou égale à 10 mm.
Le coton hydrophile ne doit contenir aucune matière colorante compensatrice. Il
doit satisfaire à un certain nombre d'essais: absence de fibres étrangères (microscopie),
neutralité, densité de nœuds, recherche de colorants extractibles par l'alcool et de
substances tensio-actives, détermination des substances solubles dans l'eau ou dans le
dioxyde d'éthyle, etc. Un protocole strict permet de mesurer son pouvoir d'absorption:
il est au minimum de 23 g d'eau par gramme de coton.
, '''''YSACCHARlDES HOMOGÈNES 83
~:

1:
Autres produits. L'ouate de cellulose chirurgicale est constituée de fibres isolées,
11011 fasciculées, extraites industriellement du bois par désincrustation thermochimique
slIivie d'un blanchiment. Elle doit satisfaire à des essais très proches de ceux qui
s'appliquent au coton hydrophile.
La cellulose en poudre est utilisée en pharmacotechnie : diluant-liant et désintégrant
l'Il compression, stabilisant de suspensions.

C. Cellulose et dérivés hémi-synthétiques

La cellulose, polymère polyhydroxylé, peut être facilement estérifiée et éthérifiée.


L'estérification conduit à des produits (nitrate, acéate de cellulose) aux usages
multiples (fabrication d'explosifs et de plastifiants, de films, de filtres, [filtres à ciga-
rettes], de membranes de dialyse); l'acétophtalate forme des films gastrorésistants. On
utilise également le phtalate d'hydroxypropylméthykellulose (pour la micro-
encapsulation et pour l'obtention de microgranules à libération prolongée).
L'éthérification conduit à des polymères hydrosolubles aux applications
lechnologiques nombreuses: méthyl-, éthyl-, propyl- et carboxyméthy\cellulose. Ces
molécules sont obtenues par action d'un halogénure d'alkyle sur la cellulose
préalablement traitée par un agent alcalin. On ajoute fréquemment au milieu de l'oxyde
d'éthylène ou de l'oxyde de propylène ce qui conduit à des éthers mixtes:
méthylhydroxyéthyl- et méthylhydroxypropylcelluloses.
Pour tous ces dérivés, 1'hydrosolubilité dépend du degré de substitution des
hydroxyles du polymère natif; la plupart se dissolvent dans l'eau en formant des
solutions très visqueuses, ce qui conduit à les utiliser largement dans le domaine de la
pharmacotechnie et des produits cosmétiques comme filmogènes, épaississants,
stabilisants, liants ou lubrifiants: comprimés, gels, crèmes, lotions, dentifrices, produits
de maquillage. Un choix judicieux du polymère permet en outre au galéniste de
procéder à des enrobages spécifiques (gastrorésistants, microgranules à libération
prolongée) et à des microencapsulations.

Carmellose. Cet éther ionique hydrosoluble, la carboxyméthylcellulose, est


facilement préparé par action de l'acide monochloracétique sur la cellulose alcaline
dans le 2-propanol. Son degré de substitution (DS) varie habituellement de 0,5 à 1,2 4 •
Malgré un certain nombre d'incompatibilités (cations trivalents, antibiotiques,
alcaloïdes) c'est un auxiliaire de fabrication en pharmacotechnie : compression directe
et par voie humide, stabilisant de suspensions. C'est aussi, dans plusieurs pays, un
composant des régimes hypocaloriques (coupe-faim).

Hypromellose. L'hydroxypropylcellulose est, entre autres applications, utilisée en


solution de « contactologie» pour améliorer le port des lentilles cornéennes (mais pas
des lentilles hydrophiles), des verres de contact, des prothèses oculaires. Elle est

4. Dans le cas particulier des esters de cellulose le DS varie de 0 à 3 : il y a trois hydroxyles


substituables (en C-2, C-3 et C-6).
84 GLUCIDES

également disponible en petits bâtonnets à insérer dans le canal conjonctival inférieur


pour stabiliser le film lacrymal (formes sévères du syndrome de l'œil sec). La méthyl-
cellulose est également employée en collyre dans des indications voisines et pour
protéger l'épithélium cornéen au cours des explorations fonctionnelles oculaires.

D. Autres plantes à fibres cellulosiques

On citera ici, sans en développer l'étude, quelques plantes traditionnellement


recherchées pour leurs fibres :

1. Les kapokiers d'Indonésie et de Thaïlande (Ceiba pentandra [L.] Gaertner) et


fromagers (Bombax ceiba L., Malvaceae). Les poils de l'endocarpe de la capsule, très
riches en cellulose, non vrillés, ne peuvent pas être filés. La cavité centrale des fibres est
remplie d'air ce qui assure à ce matériau une grande flottabilité (ex. : rembourrage de
bouées de sauvetage avec le kapok) ;

2. Le lin (étudié par ailleurs pour son mucilage (p. 131) et son huile (p. 163]). Les
fibres sont obtenues par fermentation et broyage des tiges, leur teneur en cellulose est
augmentée par blanchiment. Les « fibres péricycliques de la tige de L. usitatissimum L. »
servent à l'obtention du « fil de lin» qui, stérile, constitue un fil chirurgical non
résorbable (fils chirurgicaux, fils non résorbables stériles: Ph. eur., 6e éd., [0112008-
0324]). La Pharmacopée décrit également le fil de lin stérile en distributeur pour usage
vétérinaire [0112008-0608].

3. Le chanvre, dont les variétés « à fibres» sont utilisées pour la fabrication de


papiers spéciaux (notamment les papiers à cigarettes et à infusettes), de produits non
tissés et de produits annexes (panneaux pour ameublement, litières pour animaux,
supplémentation en fibres, graines pour les oiseaux) ;

4. Lejute (Corchorus capsularis L., Malvaceae), plante annuelle cultivée en Inde, la


ramie (Boehmeria nivea [L.] Gaudich., Urticaceae), le kénaf(Hibiscus cannabinus L.,
Malvaceae), le sisal (Agave sisalana Perrice, Agavaceae), l'abaca (Musa textilis Née,
Musaceae), le jute du Congo (Urena loba ta L., Malvaceae), les Triumfetta africains
(Malvaceae), etc. La distinction des fibres naturelles passe par un examen microscopique
attentif: morphologie des parois et des extrémités, taille et forme de la section, etc.

3. FIBRES ALIMENTAIRES

A. Définition

L'expression « fibres alimentaires »universellement adoptée par les nutritionnistes


et les diététiciens est difficile à définir car elle représente plus un concept nutritionnel et
physiologique qu'une catégorie définie de substances chimiques.
1'( Il ,YSACCHARIDES HOMOGÈNES 85

La notion de fibre, d'abord appliquée à la cellulose, devenue par la suite fibre brute
(l"est-à-dire résidu végétal qui résiste aux traitements chimiques acides et alcalins
dilués) a évolué vers le concept, plus physiologique, de fibres alimentaires 8 'P.98, terme
initialement employé pour désigner« les résidus végétaux résistant à la digestion par les
L'nzymes endogènes du tractus digestif de 1'Homme» ce qui inclut aussi bien les
lIlacromolécules des parois cellulaires des végétaux que certains polysaccharides
intracellulaires, Une telle définition physiologique explique bien la notion de fibres,
lIlais ne permet pas de les décrire, Pour ce faire, il est nécessaire de prendre en compte
des critères chimiques et de considérer que les fibres alimentaires sont constituées par
« l'ensemble de la lignine et des polysaccharides végétaux autres que les a-glucanes »,
{'ertains auteurs - et certains organismes officiels - réduisent même les fibres
alimentaires aux seuls polysaccharides non amylacés, Pour d'autres, une telle définition
L'st trop étroite: ils remarquent que cette restriction occulte le rôle des lignines aussi
hien que celui de la fraction « résistante» des amidons (5 à 20 g d'amidon intact
atteindraient chaque jour le gros intestin),
On classe habituellement les fibres alimentaires en fonction de leur hydrosolubilité :
fibres insolubles (comme la cellulose) et fibres solubles, La notion de fibre soluble
recouvre celle de polysaccharide complexe comme les pectines (des glycanogalacturo-
lianes) et d'autres hydrocolloïdes susceptibles de former des solutions visqueuses ou des
gels (galactomannanes du guar, hétéroxylanes des plantains, etc,),
L'apport en fibres dans un régime normal provient majoritairement des parois
cellulaires des végétaux qui constituent notre alimentation: fruits, légumes, graines
diverses et produits céréaliers; quelques polymères non pariétaux (gommes, mucilages)
ct certains additifs alimentaires (polysaccharides texturants) participent également à cet
apport en fibres, Sur le plan strictement physiologique, il convient en outre de prendre
en compte des produits comme les amidons résistants (fractions d'amidon natif, amidon
modifié par les traitements thermiques), les produits induits par la cuisson (réaction de
Maillard) et, pour quelques auteurs, certains oligosaccharides,
Définies par leur non-digestibilité, les fibres n'en sont pas moins susceptibles d'être
dégradées au niveau intestinal: sous l'influence de la microflore du côlon, elles
peuvent être plus ou moins transformées, Cette fermentation des fibres se traduit par la
libération, in situ, de dioxyde de carbone, de méthane, d'hydrogène et d'acides gras à
courte chaîne (AGCC, notamment l'acide butanoïque), La capacité des fibres à
fermenter est caractéristique de chaque fibre: en première approximation, on peut dire
que la dégradation bactérienne est d'autant plus importante que la solubilité est élevée,

B. Principaux constituants des fibres alimentaires


d'origine pariétale

(a) - les polysaccharides, On en distingue plusieurs types:


-la cellulose: c'est l'élément structural de base, Elle forme des microfibrilles qui se
rassemblent en fibres de cristallinité variable (faible dans les parois primaires, forte
dans les parois secondaires), La cellulose est totalement insoluble dans l'ea;
- les pectines: surtout abondantes dans les fruits des Dicotyledonae et caracté-
86 GLUCIDES

ristiques de l'espace intercellulaire, ce sont des polygalacturonanes très hydrophiles qui


constituent en partie la matrice dans laquelle sont incluses les fibres de cellulose de la
paroi (sur la structure et les propriétés des pectines, voir p. 134);
- les hémicelluloses : ce terme plutôt vague s'applique (pour simplifier) aux poly-
saccharides pariétaux non cellulosiques, non pectiques. Polysaccharides extractibles par
des solutions alcalines diluées, ce sont des polymères mixtes d'oses neutres et acides,
homo- ou hétéropolysaccharidiques, dont la structure varie en fonction de multiples
critères (espèce végétale, degré de secondarisation des parois) : xyloglucanes (surtout
chez les Dicotyledonae), xylanes, glucuronoxylanes, arabinoxylanes, glucurono-
arabinoxylanes (constituants principaux des parois des Monocotyledonae, connus sous
le nom de pentosanes), ~-glucanes non cellulosiques de certaines céréales, etc.

(b) - la lignine. En général peu abondante dans les tissus végétaux ingérés par
l'Homme (légumes, fruits), c'est un hétéropolymère tridimensionnel formé d'unités
phénylpropaniques. Très hydrophobe, elle s'incruste progressivement dans les parois
secondarisées, conférant ainsi au végétal rigidité, imperméabilité et résistance.

(c) - autres éléments. La paroi cellulaire primaire renferme de petites quantités de


glycoprotéines, notamment des glycoprotéines riches en hydroxyproline, les
extensines ; elle contient également des éléments minéraux 5.

c. Sources de fibres alimentaires

Remarque: on n'envisage ci-dessous que les fibres pariétales stricto sensu; les
galactomannanes et les pectines font l'objet d'un traitement séparé.
Si la plupart des fruits frais (pomme, orange, abricot, prune, ananas, [cités par ordre
décroissant de richesse en fibres totales, c'est-à-dire de 30 à18 %]) et légumes (choux,
carotte, salade, oignon, tomate, de 12 à 9 % de fibres totales) assurent un apport non
négligeable en fibres, cela est aussi le cas des légumes secs (haricot, pois, 20 % de
fibres totales). En pratique, c'est le plus souvent à des produits comme le son de blé que
l'on a recours pour supplémenter la ration alimentaire en fibres (> 40 %, surtout des
fibres insolubles). On peut aussi utiliser les dérivés de l'avoine.

Son de blé. Le son de blé représente environ 18 % de la masse du caryopse. Il se


présente sous forme de particules de taille variable (sons gros, taille moyenne: 1 mm;
sons fins, taille moyenne: 0,5 mm). Le son correspond aux enveloppes du fruit et à la
fraction de l'amande que la meunerie ne parvient pas à détacher. S'il est riche en sels
minéraux (K, P - sous forme de phytate -, Mg, etc.) et en fibres (45 % en moyenne),
il renferme également des protéines (17 %), des lipides et des sucres, notamment de
l'amidon (15-20 %) : l'apport calorique n'est donc pas nul.

5. Sur la structure et les fonctions de la paroi cellulaire on peut voir: Bacic, A., Harris, P.J. et
Stone, BA. (1988). Structure and function of plant cell walls, in « The biochemistry ofplants, vol 14 :
Carbohydrates », (Preiss, J., éd.), p. 297-371, Academic Press, San Diego.
1'1)1 ,YSACCHARIDES HOMOGÈNES 87

D. Effets biologiques des fibres alimentaires

La composition des fibres étant variable, elles n'ont pas toutes la même valeur
hiologique et il est très difficile d'établir une relation précise entre la composition des
lïhres et les propriétés biologiques qui leur sont attribuées. Les effets physiologiques
possibles dépendent pour une grande part de la nature des fibres, de leur granulométrie,
Iil' leur porosité, de leur solubilité: la richesse relative en fibres solubles ou insolubles
dHns l'eau conditionne en grande partie les effets physiologiques 6. La réactivité du
polymère à l'égard d'autres molécules présentes dans le tube digestif (adsorption,
\'upaeité d'échange ionique) est également étroitement dépendante de sa structure. Qui
plus est, les traitements subis par les fibres au cours de la préparation industrielle ou
domestique des aliments modifient leurs propriétés physicochimiques et donc leurs
dTds physiologiques. Une élémentaire prudence s'impose donc avant de généraliser
certains des effets observés, surtout si ceux-ci n'ont pas été validés sur un grand nombre
de sujets et pendant une durée suffisante.
On peut distinguer trois groupes d'effets pour les fibres alimentaires: l'action sur le
lransit intestinal, celle, suspectée, sur la fréquence des cancers colorectaux et les actions
llIétaboliques, sur la cholestérolémie et la glycémie,

.Action sur le transit intestinal

L'effet est double, D'abord un effet sur la masse des selles qui est augmentée dans
des proportions souvent importantes (de 127 % après ingestion de 20 g de son de blé).
Cette action est surtout le fait des fibres insolubles et semble liée, entre autres, à la
eapacité de rétention de l'eau par la fraction de fibres non dégradée dans le côlon et à la
taille des fibres. L'augmentation de la population bactérienne participe également à
l'accroissement du volume des fèces. L'autre effet des fibres alimentaires porte sur la
durée du transit qui est normalisée aux alentours de 48 heures: raccourcissement des
Iransits longs, allongement des transits courts. Là encore, cette activité est le fait des
fibres insolubles (son, cellulose). Cet effet d'encombrement est peut-être renforcé par
l'action des acides aliphatiques à courte chaîne (AGCC) formés lors de la dégradation
hactérienne de la partie hydrosoluble des fibres (propionate, butanoate, etc.) : ils
provoquent des contractions phasiques de l'iléon et inhibent les contractions coliques
non propulsives,
Les études épidémiologiques sur des populations ou des groupes socio-
économiques ayant des habitudes alimentaires différentes ainsi que des travaux
expérimentaux mettent clairement en évidence la responsabilité des régimes pauvres en
fibres dans la fréquence de la constipation. D'autres études mettent en lumière le rôle
probable des fibres dans la prévention de la diverticulose colique. Une méta-analyse,
publiée à la fin des années 1980, portant sur 20 essais randomisés, a montré une

6. Les fibres de céréales, pour l'essentiel non hydrosolubles, gonflent en absorbant plusieurs fois
leur masse d'eau alors que les pectines ou les galactomannanes peuvent former des gels ou des
solutions épaissies
88 GLUCIDES

association entre une addition de son de blé (environ 20 g par jour) et l'augmentation du
poids et de la vitesse de transit des selles. Cet effet a, depuis, été confirmé chez des
patients ayant une constipation sans cause organique .

• Prévention possible du cancer colorectal ?

C'est en 1971 que Burkitt a relié la faible prévalence du cancer colorectal observée
chez les Africains avec la consommation par ceux-ci de produits végétaux complets, en
particulier de fibres.
Différents mécanismes, directs et indirects, ont été proposés pour expliquer cette
apparente action protectrice des fibres. Trois effets directs sont couramment évoqués:
adsorption des acides biliaires (soupçonnés d'être des promoteurs de la cancérogenèse
colique) et des cancérogènes hydrophobes - ce qui se démontre in vitro et, dans
quelques cas, chez l'animal - ; dilution des toxines par augmentation du volume fécal;
accélération du transit. Des effets indirects sont également envisagés: modifications du
métabolisme bactérien; rôle des produits de dégradation, notamment des acides gras à
courte chaîne (AGCC, en particulier l'acide butanoïque) qui abaissent le pH du côlon
(ce qui insolubilise les acides biliaires) et qui exercent, au moins in vitro, une action
complexe sur les cellules coliques.
Depuis les constatations de Burkitt, plusieurs dizaines d'études cas-témoins ont été
publiées. Les méta-analyses auxquelles elles ont donné lieu ont souligné l'évidence de
la relation entre un régime riche en fibres (et pauvre en protéines et lipides animaux), et
une moindre fréquence du cancer rectocolique : le risque apparaît d'autant plus faible
que la consommation de fibres augmente. Cela étant, nombre d'études sont, de fait,
difficilement comparables: certaines évaluent le rôle des fibres de fruits, d'autres celui
des fibres de légumes, d'autres encore celui des céréales. Analysées sous cet angle, les
études publiées indiquent que la diminution du risque est plus fréquemment associée à
la consommation de fibres de légumes qu'à celles de céréales, mais leurs résultats ne
sont pas toujours concordants.
De vastes études de cohortes ont été réalisées depuis une trentaine d'années. Aucune
n'a permis d'associer clairement la consommation de fibres alimentaires au risque de
cancer colorectal, pas même les plus vastes et les plus longues d'entre elles (effectifs de
47000 à 89000 sujets suivis pendant des durées variant de 10 à 16 années). Toutefois,
l'étude globale de 725000 dossiers issus de 13 de ces cohortes montre, lorsque
l'analyse est ajustée pour l'âge, une relation inverse entre la consommation de fibres et
le risque de cancer colorectal. Lorsque les autres facteurs de risque sont pris en compte,
cette association n'est plus statistiquement significative. Pour sa part, l'étude
européenne en cours - 520000 sujets suivis à partir de 1993 dans 10 pays - vérifie
l'hypothèse initiale: l'augmentation de la consommation de fibres diminue le risque de
cancer colorectal (http://www.iarc.fr/epic/) .
Les essais d'intervention comparatifs, randomisés et en double aveugle, ont tous été
décevants. Leur critère de jugement principal était la réduction du taux de récidive de
polypes colorectaux après polypectomie; ces polypes adénomateux étant considérés -
c'est une hypothèse - comme les précurseurs de la majorité des tumeurs du gros
l'()I ,YSACCHARIDES HOMOGÈNES 89

illtestin, Différents cas de figure ont été explorés: changement d'habitudes alimentaires
(restriction lipidique et augmentation de l'apport en fibres ou en fruits et légumes);
slipplémentation en fibres insolubles (son de blé) ; supplémentation en fibres solubles
(ispaghul). Dans aucun des cas, il n'a été constaté de diminution du taux de récidive
(sauf dans un cas, mais uniquement chez les hommes). La supplémentation en ispaghul
Il même augmenté ce taux de façon statistiquement significative.
Prenant acte de ces résultats, certains auteurs estiment que, en isolant le facteur
« lïbre », on écarte l'incidence d'une variété de micronutriments qui peuvent jouer, par

des mécanismes divers, un rôle déterminant dans le rôle protecteur attribué aux légumes
et aux fruits (folates, polyphénols antioxydants, vitamines, carotènes, lignanes,
composés soufrés, etc.). Cela est vrai, mais, là encore, les grandes études prospectives
de cohorte de longue durée menées ces dernières années sur les relations entre la
consommation de fruits et légumes et la fréquence du cancer colorectal ne permettent
aucune conclusion définitive.
Si nombre des données accumulées apparaissent décevantes, il demeure que la
consommation de fibres solubles abaisse significativement la cholestérolémie et qu'elle
est - du moins de larges études prospectives l'ont-elles montré - associée à un
moindre risque cardiovasculaire (voir ci-dessous). Ces données ne remettent
absolument pas en cause les recommandations formulées par la plupart des autorités
sanitaires qui recommandent de consommer de fortes quantités de légumes, de fruits et
de céréales entières. Les fruits, les légumes, les grains ont des effets bénéfiques et bien
démontrés sur la santé: effets sur la pression artérielle, sur le risque cardiovasculaire,
sur les accidents ischémiques, etc.

_Action hypocholestérolémiante - prévention cardiovasculaire

Les travaux publiés concernent essentiellement les interactions entre les fibres et les
sels minéraux, entre les fibres et la cholestérolémie, entre les fibres et la glycémie.
L'influence des fibres sur l'assimilation des minéraux est complexe: d'un côté les
polysaccharides acides peuvent retenir les cations, de l'autre des produits comme le son
sont riches en sels minéraux (mais ceux-ci sont peu absorbables - avant cuisson - du
fait de leur combinaison avec l'acide phytique), Des spécialistes estiment «peu
vraisemblable que des déficits minéraux résultent d'une alimentation riche en fibres ».
L'influence de la ration en fibres sur la cholestérolémie est nette, Chez l'animal, on
montre que l'effet varie selon la nature des fibres: il est minimal avec les sons, maximal
avec les fibres solubles: psyllium, avoine, pectine et guaI',
Comment agissent les fibres? La viscosité des fibres solubles agirait négativement
sur le transport et le métabolisme du cholestérol: en formant un gel, les fibres auraient
un effet séquestrant sur diverses molécules, notamment sur les stérols et les acides
biliaires 7, Ces derniers étant moins disponibles, la formation des micelles nécessaires à

7. On retrouve là un mécanisme de même nature que celui qui est invoqué pour expliciter le mode
d'action des résines synthétiques basiques (colestyramine, DCI) qui inhibent le cycle entéro-hépatique
des acides biliaires et augmentent leur élimination fécale.
Taraxacum officinale Weber
1
~;
Q
1'( li .YSACCHARIDES HOMOGÈNES 91

l'absorption des lipides diminue; de plus, étant moins réabsorbés, ils sont - c'est la
('OIlséquence du rétrocontrôle - davantage synthétisés à partir du cholestérol sérique.
( )11 li également suspecté l'inhibition de la synthèse hépatique du cholestérol par les
lIL'ides gras à courte chaîne libérés par la dégradation bactérienne des fibres dans le
('(lion.
La consommation journalière de fibres solubles (psyllium, guar, pectine ou avoine)
diminue la cholestérolémie. L'analyse des résultats de 67 essais cliniques de bonne
méthodologie (versus placebo ou versus régime pauvre en fibres) a montré que, dans la
gamme des doses habituelles (de 2 à 10 g par jour), 1 g de fibres abaisse la cholestéro-
lémie totale de 0,045 mmol/l (soit 17,3 mg/l). Les fibres diminuent aussi le taux de
1DL-cholestérol: chaque gramme de fibre soluble baisse ce taux de 0,057 mmolll (=
22,1 mg/l). Sans effet notable sur la triglycéridémie, les fibres solubles ne modifient
pratiquement pas le HDL-cholestérol.
Chez l'Homme, les études prospectives de cohorte prouvent de façon solide que
l'apport régulier de fibres est inversement corrélé au risque d'accident cardiovasculaire :
tlne augmentation de 10 g de la consommation de fibres totales est associée à une
diminution de 14 % du risque d'accident coronarien (lC95, 0,78-0,96) et de 27 % de la
mortalité coronarienne. L'effet ne varie pas significativement selon le sexe ou l'âge. La
corrélation la plus forte concerne les fruits et, lorsque l'analyse est faite, les fibres
solubles. (Effectif global 336 244; nombre d'études: 10; suivi de 6 à 10 ans).
En ce qui concerne le niveau tensionnel, l'effet est très modeste: la consommation
de 11,5 g de fibres par jour abaisse de 1,13 mm la pression systolique (non statistique-
ment significatif) et de 1,26 mm la pression diastolique (statistiquement significatif).
L'effet est plus marqué chez les sujets âgés de plus de 40 ans et lorsque le niveau
tcnsionnel est élevé. (Méta-analyse: 24 études controlées; effectif 1404) .

• Actions métaboliques - fibres et glycémie

Des études épidémiologiques ont montré que la prévalence du diabète est fortement
diminuée dans les pays en développement où la consommation de produits céréaliers
est forte. Plusieurs travaux réalisés chez des diabétiques ont par ailleurs montré qu'une
supplémentation en fibres solubles (de la gomme guar ou des pectines) réduit la vitesse
d'absorption intestinale du glucose. Si cet effet est net après un repas glucosé et avec
une forte dose de fibres, les résultats enregistrés lors d'études au long cours sont
contradictoires ou difficiles à interpréter. Au mieux, la supplémentation en fibres
solubles aurait un effet très limité sur la glycémie des sujets diabétiques. (Mais une
alimentation riche en polysaccharides complexes a au moins l'avantage de diminuer la
part énergétique apportée par les lipides et les protéines qui peuvent aggraver les effets
du diabète). Comme dans le cas précédent, plusieurs mécanismes d'action sont
envisagés pour expliciter l'action sur l'absorption intestinale du glucose: conséquence
de l'accélération du transit, d'une altération des mouvements de convection de l'eau et
du glucose dans l'intestin, d'une diminution de l'absorption par la muqueuse intestinale,
d'une accessiblité de l'a-amylase à son substrat, d'une variation de l'activité des facteurs
régulant l'activité sécrétoire et la motilité, etc.
92 GLUCIDES

E. Détermination des fibres alimentaires

De très nombreuses méthodes ont été proposées pour apprécier la teneur en fibres
d'un végétal: méthodes gravimétriques chimiques utilisant des détergents acides et
neutres, fournissant un résidu fibre dont la composition varie selon le protocole
opératoire; méthodes gravimétriques enzymatiques donnant une valeur globale,
méthodes directes, etc. La méthode officielle (pour les produits au son) consiste à
déterminer la somme des masses des fibres alimentaires solubles et insolubles. Son
principe est le suivant: l'échantillon à analyser est délipidé (oxyde diéthylique) et
l'amidon, gélatinisé par autoclavage, est hydrolysé par incubation en présence
d'amyloglucosidase. Un autre traitement enzymatique (trypsine) élimine les protéines.
On procède ensuite à la pesée du résidu séché (fibres insolubles) et à celle du précipité
obtenu par addition d'éthanol au surnageant issu de l'action de l'amyloglucosidase
(fibres solubles). Le résultat final tient compte des éléments minéraux (calcination) et
des protéines non hydrolysées résiduelles.

F. Emplois des fibres alimentaires

Formes d'emplois. Les farines de boulangerie sont très pauvres en fibres, elles le
sont d'autant plus que le taux de blutage (ou d'extraction, c'est-à-dire la proportion
d'amande extraite) est faible. Il existe cependant sur le marché des farines à fort taux
d'extraction (pain complet) et des farines enrichies en son (pain au son).
Les formes les plus couramment utilisées en diététique sont des produits de
biscuiterie enrichis en fibres (biscuits, galettes). On peut également avoir recours à des
formes galéniques, par exemple des formes granulées, des comprimés, etc.

Indications thérapeutiques. L'indication principale est la normalisation du transit


intestinal. Les fibres céréalières (son grossier), à fort pouvoir d'absorption de l'eau et
peu fermentescibles, semblent, pour une action de régulation au long cours, préférables
aux fibres solubles qui sont parfois source de flatulences: de 10 à 20 g par jour en 2 ou
3 prises accompagnées d'un apport hydrique suffisant; l'augmentation des doses sera
de préférence progressive (de 2 g ou 4 g jusqu'à 20 g, selon la tolérance et les besoins)
et le traitement, associé à des mesures hygiéno-diététiques élémentaires, s'inscrira sou-
vent dans la durée. Les fibres sont parfois mal supportées (douleur abdominale, gaz). Il
est recommandé de ne pas utiliser ces produits chez le jeune enfant.
Les produits à base de fibres sont également utilisés dans les régimes amaigris-
sants : les fibres ne participent pas à l'apport énergétique et, en diluant les nutriments
ingérés, permettent d'obtenir plus vite une sensation de satiété.
Les autres utilisations concernent l'établissement de régimes, en particulier chez les
diabétiques: les fibres sont alors fréquemment associées à un régime hypocalorique où
l'essentiel de l'apport énergétique est couvert par des polysaccharides de type amidon.
Plus généralement, les recommandations nutritionnelles actuelles suggèrent
d'augmenter la part des aliments riches en fibres dans l'alimentation: l'apport
1'( li, YSACCHARIDES HOMOGÈNES 93

quotidien en fibres est de 20-25 g dans la plupart des pays industrialisés alors qu'il
sl~mble souhaitable de le porter à 35 g.

4. FRUCTANES - INULINE

Les fructanes sont des polymères du fructose liés par une liaison ~-(2->1) à une
lIlolécule de glucose terminale: on peut considérer que ce sont les homologues
supérieurs du saccharose. Comme l'amidon, ils constituent une forme de stockage du
carbone fixé par la photosynthèse; on les trouve exclusivement au niveau vacuolaire.
S'ils sont assez fréquents chez les végétaux, ces polymères s'accumulent surtout
dans une dizaine de familles: inulines des Dicotyledonae, principalement des
/\steraceae, des Boraginaceae et des Campanulaceae, phléine et fructanes branchés des
Monocotyledonae, en particulier des Poaceae et des Alliaceae. Habituellement ils sont
concentrés dans les organes souterrains (racines, bulbes, tubercules, rhizomes) et leur
teneur, variable selon la saison, peut être importante (50 % et plus).

HOH2~OO---H 2C

~
HO
CH 2 0H OH
::o~
néokestose OH HO HO
HO HO
o
HOH2~O0 HOH2VOu~
HO
CH 2 0H
~j
kestose
OH
OH io H2

HOH2C~
HO
CH 2 0H
OH

isokestose

Chez les fructanes de type inuline (Asteraceae, Boraginaceae), l'unité de base est un
motif ~-(2->1)-D-fructofuranosyl (le premier terme de la série est l'isokestose,
trisaccharidique). Chez les fructanes de type phléine (Poaceae), l'unité de base est un
motif ~-(2->6)-D-fructofuranosyl et le premier terme de la série est le kestose. Les
fructanes ramifiés (néokestose et homologues supérieurs sans glucose en bout de
chaîne) sont plus rares (par exemple chez Asparagus officinalis L.).
Les fructanes, polymères très flexibles (il y a en effet trois liaisons entre les cycles:
-C-C-O-C- au lieu de -C-O-C- chez la plupart des polysaccharides), sont lévogyres
ct non réducteurs, très solubles dans l'eau chaude et très sensibles à l'hydrolyse acide.
Le degré de polymérisation, souvent assez faible (de 10 chez l'ail et l'oignon à 250 chez
94 GLUCIDES

quelques Poaceae), varie selon l'espèce et l'état physiologique: les appellations


spécifiques (inuline, triticine, asparagosane) ne désignent souvent qu'un mélange
d'homologues de DP différent dans une série déterminée (kestose, isokestose).

Inuline et oligofructoses. L'inuline et les autres fructanes sont présents en quantité


non négligeable dans l'alimentation: salsifis et topinambours (inuline), oignons et
asperges en renferment de 15 à 20 %. L'inuline et les oligofructoses sont considérés
comme des prébiotiques. Ni absorbés au niveau de l'iléon, ni digérés par les a-glyco-
sidases de cette partie de l'intestin, les fructanes et les oligofructoses sont partiellement
dégradés par la flore bactérienne du côlon dont ils modifient la composition en
favorisant la multiplication des bifidobactéries. La fermentation colonique des fructanes
se traduit par la formation d'acides carboxyliques à chaîne courte (acétique,
propionique, butyrique) et de gaz. Il est possible, au vu de données recueillies chez
l'animal, que ces produits modifient le transit intestinal, participent à la prévention des
affections inflammatoires de l'intestin, favorisent l'absorption intestinale du calcium et
modifient sensiblement et favorablement les paramètres lipidiques sanguins (mais, chez
l'humain, les essais cliniques publiés ont donné des résultats contradictoires). Chez les
rongeurs, les inulines à longue chaîne et leurs produits de fermentation réduisent le
risque d'apparition de lésions pré-cancéreuses et de cancers du côlon. Des études chez
l'humain sont toutefois nécessaires pour en préciser l'intérêt réel.
L'inuline (les inulines !) injectée par voie intraveineuse n'est pas métabolisée, elle
ne se fixe pas aux protéines plasmatiques. Éliminée par voie rénale, ni excrétée ni
absorbée au niveau tubulaire, elle est filtrée au niveau glomérulaire; elle augmente la
pression osmotique du liquide tubulaire. Elle peut être intéressante pour l'exploration
de la fonction rénale.
Depuis septembre 1995, les fructo-oligosaccharides peuvent être utilisés en France
sous l'appellation de « fibres alimentaires ». Ces fibres solubles peuvent être préparées à
partir de la chicorée ou du topinambour. En pratique, c'est la racine de chicorée qui est
utilisée, dans la mesure ou l'inuline représente 70 % de la matière sèche. L'inuline (DP
moyen de 12 à 25 selon la qualité) est extraite, comme le saccharose, par l'eau chaude.
Les oligofructoses (DP moyen de 4, en poudre ou en sirop) sont préparés, à partir de
l'inuline, par hydrolyse enzymatique partielle. D'autres fabricants de fructo-
oligosaccharides ont recours à une synthèse enzymatique à partir du saccharose.
Pour un produit à base d'inuline, l'allégation « augmente significativement la
population de Bifidobacterium dans l'intestin» est acceptable, mais, pour cela, la
consommation minimale quotidienne d'inuline doit être de 9 g (Afssa, 2000; en 2004,
l'Agence a précisé que, dans le cas de l'inuline native de chicorée, l'allégation était
validée pour une dose quotidienne de 5 g).
Des risques d'allergie à l'inuline sont envisageables, mais les cas publiés demeurent
exceptionnels. Une consommation supérieure à 20 g par jour peut entraîner des troubles
intestinaux (flatulences, crampes abdominales, etc.).
En technologie alimentaire, les oligofructoses sont des édulcorants, substituts du
saccharose. Pour sa part, l'inuline conduit, par agitation énergique dans l'eau ou dans
un autre liquide, à un gel formé de particules microcristallines. La structure
« crémeuse» de ce gel reproduit la texture et la sensation au palais des matières grasses.
r",
{
"ACCHARlDES HOMOGÈNES 95

1,'inuline est ainsi à l'origine de nombreuses formulations allégées en lipides,


hypocaloriques (produits laitiers, substituts des graisses, etc.).

Plantes à inuline. Quelques plantes sont traditionnellement utilisées par la


IlIédecine populaire. Elles sont présentées comme diurétiques, mais leur activité, qui
Il'U pas toujours fait l'objet de travaux expérimentaux - et encore moins d'essais
vliniques - , n'est pas clairement attribuée à tel ou tel de leurs constituants .

• CHICORÉE, Cichorium intybus L., Asteraceae

Des variétés améliorées de cette espèce sont cultivées en vue de la production de


racines utilisées, après torréfaction à 130-140 oC, comme succédané du café (cossettes,
poudres instantanées, extraits). Cette Asteraceae, fréquente au bord des routes et dans
les lieux incultes, est facilement identifiée par ses capitules terminaux et axillaires de
!leurs bleues toutes ligulées. La racine de chicorée est particulièrement riche en inuline
(50-60 % de la racine sèche). Elle doit son amertume à des lactones sesquiterpéniques
(Iactucopicrine, dérivés de la lactucine).
En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet qu'il est
possible de revendiquer, pour la racine de chicorée, les indications thérapeutiques
suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 1° comme cholérétique et cholagogue;
2° pour faciliter les fonctions d'élimination urinaire et digestive; 3° pour favoriser
l'élimination rénale de l'eau; 4° comme adjuvant des régimes amaigrissants; 5° dans le
traitement symptomatique de troubles digestifs tels que: ballonnement épigastrique,
lenteur à la digestion, éructations, flatulence. Aucune évaluation toxicologique n'est
demandée pour la constitution d'un dossier « abrégé» d' AMM (poudre, racine pour
tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
La racine de chicorée ne fait pas l'objet d'une monographie de la Commission E du
B/ArM allemand .

• PISSENLIT , Taraxacum officinale Weber, Asteraceae

Une forte racine pivotante, des feuilles toutes basilaires disposées en rosette et
profondément découpées en lobes inégaux triangulaires, des capitules solitaires de
fleurs jaunes et des akènes surmontés de fines aigrettes caractérisent cette plante
herbacée vivace très commune dans les prairies, les jardins et sur le bord des chemins.
La racine de pissenlit est particulièrement riche en potassium, en fructose et en
inuline : la teneur en fructose est maximale au printemps alors que la teneur en inuline
atteint 40 % en automne. L'amertume de toutes les parties de la plante est due à des
lactones sesquiterpéniques (eudesmanolides et germacranolide : tétrahydro-ridentine,
glucosides du taraxacolide et de l'acide taraxinique). La plante renferme également des
alcools triterpéniques pentacycliques (taraxastérol, pseudotaraxastérol, leurs acétates et
leurs dérivés hydroxylés [amidiol, faradiol]) et des stérols. Les feuilles renferment aussi
des f1avonoïdes.
96 GLUCIDES

Les données pharmacologiques sur cette plante sont quasiment inexistantes


(diurétique chez le Rat). Apparemment dénué de toxicité, le pissenlit peut parfois
induire (par contact) des dermites allergiques; la réaction est croisée avec les autres
Asteraceae à lactones sesquiterpéniques.
En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet qu'il est
possible de revendiquer, pour la racine et la feuille de pissenlit les indications théra-
peutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 1° comme cholérétique et
cholagogue; 2° pour favoriser l'élimination rénale de l'eau. Pour la seule racine, il est
également possible de revendiquer l'indication: traditionnellement utilisée pour faciliter
les fonctions d'élimination urinaire et digestive. Aucune évaluation toxicologique n'est
demandée pour la constitution d'un dossier « abrégé» d'AMM (poudre, racine ou
feuille pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
le pissenlit (racine etfeuilles) est utilisé en cas de troubles de la sécrétion biliaire, de
perte d'appétit, de dyspepsie et pour stimuler la diurèse. Posologie: une cuillerée par
tasse (infusion), ou 3-4 g par tasse (décoction), ou sous forme de teinture (de X à XV
gouttes 3 fois par jour). Contre-indications: obstruction des voies biliaires.

Plantes àfructanes autres que l'inuline

• CHIENDENT , Elytrigia repens (L.) Desv. ex Nevski, Poaceae

Le rhizome de chiendent est le rhizome débarrassé des racines adventives, lavé et


séché, entier ou fragmenté, d'Agropyron repens (L.) P. de Beauv. (Elymus repens [L.]
Gould, Elytrigia repens [L.)] Desv. ex Nevski) (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:1306]).
Les fragments de rhizome, de faible épaisseur (2-3 mm), sont brun-jaune, luisants,
creux entre les entre-nœuds. Les nœuds sont ornés de racines grêles et de restes
d'écailles foliacées. Le rhizome ne doit pas contenir de rhizomes provenant d'autres
Poaceae (Cynodon dactylon [L.] Pers., lmperata cylindrica [L.] Pal.) : on le vérifie en
s'assurant de l'absence, à l'examen microscopique, de grains d'amidon colorés en bleu
par une solution d'iode. Le rhizome fragmenté ne renferme pas plus de 15 % de
fragments gris-noir. Le rhizome de chiendent renferme de 3 à 10 % de fructanes, un
mucilage, des polyols, une faible quantité d'huile essentielle (0,2 ml/kg) et des
coumarates d'alcanols. L'espèce passe pour riche en sels minéraux.
En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet qu'il est
possible de revendiquer, pour le rhizome de chiendent, les indications thérapeutiques
suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 1° pour faciliter les fonctions
d'élimination urinaire et digestive; 2° pour favoriser l'élimination rénale de l'eau;
3° comme adjuvant des régimes amaigrissants. Aucune évaluation toxicologique n'est
demandée pour la constitution d'un dossier « abrégé» d' AMM (poudre, rhizome pour
tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
le chiendent (rhizome) est utilisé en cas d'affection inflammatoire des voies urinaires et
pour la prévention des lithiases. Posologie: de 6 à 9 g par jour, en décoction.
I
~.
}(r.'.:.
,,. 1'1 li ,YSACCHARIDES HOMOGÈNES 97

Asperge. L'asperge est constituée pa la souche rhizomateuse et les racines séchées


d'Asparagus officinalis L. (Ph. fse, 10' éd.). Les parties souterraines de cette Asparaga-
l'l'lie (ex Liliaceae) sont considérées comme susceptibles de favoriser l'élimination
1'l'l1nle de l'eau. La composition de l'asperge est mal connue: outre des fructanes, elle
1'l~l1ferme des saponosides à génine stéroïdique qui pourraient justifier en partie
l'activité annoncée. L'asperge ne figure pas à l'annexe l de la Note explicative de
l'i\gence du médicament (1998). En Allemagne, la Commission E du BJArM a estimé
qlle l'efficacité de l'asperge est insuffisamment prouvée, ce qui ne permet pas d'en
recommander l'utilisation thérapeutique.

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2502S.

8. Alors que ce chapitre était mis en page, une nouvelle définition a été proposée par le Codex
commiteefor nutition andfood. Elle prend en compte le caractère polymérique (n ~ 10), la non
digestibilité et inclut les polysaccharides des aliments et, sous condition d'effet démontré, des polymères
synthétiques ou obtenus par des procédés physiques, chimiques ou enzymatiques. Cf. : Cummings, J.H.,
Mann, J.I., Nishida, C. et Vorster, H.H. (2009). Dietary fibre: an agreed definition, Lancet, 373, 365-6.
polysaccharides
des végétaux supérieurs

Polysaccharides hétérogènes

1. Généralités: gommes et mucilages .................................................................................... .1 00


2. Gommes (exsudats) ............................................................................................................. 101
gomme de Sterculia .................................................................................................... 102
gomme arabique ......................................................................................................... 103
gomme adragante ....................................................................................................... 107
gomme ghatti .............................................................................................................. 109
3. Polysaccharides dérivés du mannose - « mucilages neutres» .......................................... .109
caroubier ..................................................................................................................... 11 0
guar .............................................................................................................................. 112
konjac .......................................................................................................................... 114
fenugrec ....................................................................................................................... 114
févier ........................................................................................................................... 116
gomme tara ................................................................................................................. 116
4. Polysaccharides hétérogènes acides - « mucilages acides » .............................................. .116
A. Plantaginaceae à mucilages ................................................................................... 116
ispaghul et psyllium, généralités ........................................................... .117
psyllium .................................................................................................. 121
ispaghul ................................................................................................... 122
grand plantain, plantain lancéolé .......................................................... .123
B. Polysaccharides des Malvales ............................................................................... 124
mauve, guimauve ................................................................................... 125
tilleul ....................................................................................................... 129
100 GLUCIDES

C. Autres plantes à « mucilages » .••••......••••....•..•••••.....•.•••..•...•••.....•••••••...••••••......•••. .131


lin ............................................................................................................ 131
cognassier ............................................................................................... 134
5. Pectines ................................................................................................................................. 134
6. Bibliographie ........................................................................................................................ 136

1. GÉNÉRALITÉS: GOMMES ET MUCILAGES

L'usage désigne sous le nom de gommes et de mucilages des macromolécules osidiques


qui se dissolvent plus ou moins au contact de l'eau pour former des solutions colloïdales
ou des gels. La tendance actuelle est de délaisser ces termes au profit de celui, plus
général, d'hydrocolloïdes végétaux voire, plus globalement encore, de polysaccharides
végétaux (glycanes). Si l'utilisation du terme de polysaccharide paraît manquer de
spécificité (il désigne tout aussi bien la cellulose que la gomme arabique), la difficulté
qu'il y a parfois à délimiter, histologiquement aussi bien que chimiquement, les notions
de gommes et de mucilages - voire de pectines - conduit, ici, à privilégier autant que
faire se peut un critère structural pour classer ces polymères. Nous garderons le terme de
gomme pour tous les produits qui exsudent (gum exudates des Anglo-Saxons) et nous
distinguerons ensuite les polysaccharides hétérogènes (= hétéroglycanes) neutres (glyco-
mannanes), les polysaccharides hétérogènes acides (en première approximation ce sont
les mucilages des ouvrages classiques) et les galacturonanes (pectines).
Outre l'intérêt médicinal de certaines « plantes à mucilages» et de quelques
gommes, les polysaccharides hétérogènes ont un intérêt industriel évident. Il faut
toutefois souligner qu'ils sont, pour des raisons strictement économiques, fortement
concurrencés par des polymères d'origine bactérienne ou hémisynthétique (comme les
dérivés de la cellulose). Seuls des produits comme le guar (cultivable rationnellement
par l'agriculture moderne) peuvent se maintenir. C'est aussi, semble-t-il, le cas de
produits autorisés pour l'alimentation humaine et doués de propriétés spécifiques
(caroube).
Un certain nombre de critères ont été avancés pour différencier gommes et
mucilages. Les gommes sont des molécules complexes, toujours hétérogènes et
ramifiées, contenant des acides uroniques. Elles s'écoulent à l'extérieur du végétal et
l'on considère généralement qu'elles résultent d'un traumatisme (mais la gomme
adragante est stockée dans la moelle avant une quelconque agression). Elles seraient
issues de la transformation de polysaccharides pariétaux et peut-être même de
l'amidon. S'il a été postulé qu'elles sont la manifestation d'une adaptation à la
sécheresse, leur présence dans des espèces à localisation septentrionale tend à infirmer
cette hypothèse. Les gommes se concrètent par dessiccation, elles sont insolubles dans
les solvants organiques, ce qui les différencie des résines (lesquelles sont le plus
souvent de nature terpénique).
Les mucilages quant à eux sont considérés comme des constituants cellulaires
normaux, préexistant dans des formations histologiques spécialisées (cellules ou
l'()I ,YSACCHARIDES HÉTÉROGÈNES 101

l'liliaux) fréquentes dans le tégument externe des graines, Assez largement distribués, ils
SOllt fréquents chez les Malvales (mucilages acides) et chez les Fabales (mucilages
llL'utres de l'endosperme). Agents de rétention hydrique, ils auraient un rôle actif dans la
gcrmination; leur formation impliquerait les corps de Golgi.

2. GOMMES (EXSUDATS)

L'analyse de la structure et de la répartition des gommes dans le règne végétal a


l'Onduit certains auteurs à les classer en quatre groupes:
1. Groupe A. Ce groupe, auquel appartiennent les gommes d'Acacia, est fondé sur
IIne ossature de type galactane substituée par des unités de L-arabinose et par des
oligosides ramifiés contenant un autre sucre (L-rhamnose, D-xylose) et de l'acide D-
glucuronique. Le polysaccharide est fréquemment associé à une protéine.
2, Groupe B. Ce groupe comprend des gommes proches des pectines: chaînes
d'acides D-galacturoniques liés (1->4) substituées par de courtes chaînes comprenant
du L-arabinose et des acides D-glucuroniques et D-galacturoniques. La chaîne princi-
pale peut être interrompue par du L-rhamnose, parfois un sucre sur deux: c'est le cas de
la gomme de Sterculia, Dans quelques cas, plus rares, les deux types de molécules
(type A et type B) coexistent.
3. Groupe C. Les gommes de ce groupe, assez peu fréquentes, sont des xylanes liés
1->4-~ et fortement substitués par des sucres très divers (L-arabinose, L-galactose,
acide D-glucuronique, etc.),
4, Groupe D. Ici, la chaîne centrale résulte de l'alternance (1->4 - 1->2) d'acide
D-glucuronique et de D-mannose. Les hydroxyles en C-3 de la plupart des mannoses
sont substitués par des séquences analogues à celles du groupe A. La gomme ghatti est
un exemple de ce type de structure.

Rencontrées dans tout le règne végétal, les gommes sont surtout le fait de quelques
ramilles: Mimosaceae, Rosaceae, Combretaceae, Burseraceae, Rutaceae, etc. La
composition d'une gomme est caractéristique d'une espèce, mais elle peut fluctuer
légèrement en fonction de l'origine géographique et des facteurs environnementaux.
Leur masse moléculaire varie de 2 x 104 à 106 (la polydispersité est souvent importante).
La plupart des gommes sont partiellement méthylées (sur l'hydroxyle en C-4 de l'acide
glucuronique, sur 1'hydroxyle en C-3 du rhamnose) ou acétylées. Les fonctions
carboxyliques peuvent être salifiées,
La plupart des gommes se dissolvent dans l'eau en formant des solutions visqueuses;
certaines, incomplètement solubles, forment des gels, Les solutions diluées de ces
gommes (1 % ou moins) sont généralement précipitées par addition d'éthanol. Elles
sont optique ment actives et la valeur du pouvoir rotatoire est un élément important de
leur identification. L'hydrolyse en milieu acide suivie d'une analyse en CCM des
sucres libérés est également un bon moyen d'identification d'une gomme: c'est celui
que les pharmacopées mettent systématiquement en œuvre (il permet en même temps
cie détecter des mélanges ou des ajouts),
102 GLUCIDES

.GOMME DE STERCULIA, Sterculia Spp., Malvaceae

La gomme de Sterculia est « le produit durci à l'air, de l'exsudat visqueux naturel


ou provoqué par incision, du tronc et des branches de Sterculia urens Roxb., de Stercu-
lia tomentosa Guil!. & Perr. et d'autres espèces voisines» (Ph. fse, 10' éd.).

Origine botanique. Les Sterculia sont des arbres à grandes feuilles pentalobées, à
fleurs apétales, à fruits composés de follicules ligneux. Le parenchyme cortical du tronc
et des branches est parcouru par des canaux sécréteurs dans lesquels s'accumule la
gomme. Outre les espèces mentionnées ci-dessus, la bibliographie mentionne
l'utilisation de S. tragacantha Lindley qui, comme S. tomentosa, est une espèce de
l'Afrique occidentale. Ces espèces africaines fournissent une gomme dite « gomme
M'Bep» alors que la gomme « karaya 1 » est fournie par S. urens qui croît dans les
zones montagneuses et les plateaux secs du centre et du nord de l'Inde. La gomme,
récoltée de préférence avant et après la saison des pluies, est obtenue après incision ou
brûlage. Les exsudats sont réunis, débarrassés des écorces résiduelles et triés selon le
taux de matières étrangères et selon leur couleur. Le produit commercial est
généralement concassé ou broyé (mais le produit en poudre se conserve moins bien).

La gomme. La gomme se présente en morceaux irréguliers, translucides, blanc rosé


à brunâtres et d'odeur acétique. Cette gomme est très peu soluble dans l'eau: les
particules de gomme absorbent l'eau et gonflent dans des proportions considérables en
formant une suspension de haute viscosité. L'hydratation est lente: le prémélange de la
gomme avec un alcool permet d'obtenir plus facilement une dispersion homogène. La
viscosité de la dispersion dépend de la granulométrie de la gomme employée. Si la
concentration augmente (2-3 %) il se forme une pâte qui se comporte comme un gel et
qui, aux fortes concentrations (20-50%), devient fortement adhésive.
Plusieurs réactions permettent de s'assurer de l'identité de la gomme: acidité
(dégagement d'acide acétique par chauffage), réaction positive avec le rouge de
ruthénium et caractérisation des acides uroniques sur un hydrolysat sulfurique
(dihydroxynaphtalène). L'essai comporte notamment:
1. La détermination du pH d'une solution à 1 % dans de l'eau exempte de dioxyde
de carbone: il doit être inférieur à 5,5 ;
2. La mise en évidence par CCM du galactose et du rhamnose sur un hydrolysat
sulfurique de la gomme (révélation par l'acide aminohippurique);
3. La détermination de l'indice de gonflement qui n'est pas inférieur à 13 (dans une
solution d'éthanol à 37 % [(v/v]);
4. L'estimation quantitative des éléments étrangers (éléments non solubles dans de
l'eau acidifiée [HCI] portée à ébullition) : < 5 % .

Composition chimique. La gomme est du type B (glycanorhamnogalacturonane) :


ossature centrale dont l'unité de base est formée d'acide a-D-galacturonique lié par
l'hydroxyle en C-4 en alternance avec un résidu a-L-rhamnose lié par l'hydroxyle en

1. Qu'il ne faut pas confondre avec la gomme haïra, fournie par Cochlospermum gossypïum OC.
1.·:•·
r
ft
l'Il! ,YSACCHARIDES HÉTÉROGÈNES

-2)-u-L- Rhap-( 1->4)-u-D-GaIA -(1->2)-u-L-Rhap-(1->4 )-u-D-GaIA-(l-


103

t:
p-D-Galp
t:
p-D-G1cAp
t:
p-D-Galp

t 4 Schéma de l'unité répétitive


caractéristique de la gomme
isolée des Sterculia

('-2. La chaîne est substituée sur les hydroxyles en C-2 ou C-3 des acides
f1,alacturoniques et sur l'hydroxyle en C-4 de certains rhamnoses par du D-galactose et
de l'acide D-glucuronique. La teneur en acides uroniques est voisine de 40 % et le
degré d'acétylation de 8 %.

Propriétés, emplois. Initialement considérée comme un succédané de la gomme


adragante, la gomme de Sterculia a de nombreux avantages qui expliquent le large
l'mploi qu'en fait la pharmacie. Sa capacité à former des dispersions visqueuses en
gont1ant fortement en font un laxatif « ayant un effet de lest» ; elle est infermentescible,
lion absorbée, non dégradée, non toxique.
En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet qu'il est
possible de revendiquer, pour la gomme de Sterculia, les indications thérapeutiques
suivantes (voie orale) : 10 traitement symptomatique de la constipation; 20 traditionnel-
lement utilisé comme adjuvant des traitements amaigrissants. Aucune évaluation
(oxicologique n'est demandée pour la constitution d'un dossier « abrégé» d'AMM
(poudre de gomme). Comme pour tous les autres laxatifs ayant un effet de lest, une
information précise du corps médical et du public doit être prévue (voir p. 119). La
gomme et ses associations (aloès, méprobamate, polyvinylpolypyrrolidone, sennosides,
silicate d'aluminium, sulfate et oxyde de magnésium) sont contre-indiquées en cas
d'affections sténosantes du pylore et utilisées avec prudence en cas de mégacôlon par
altération de la motricité colique. Son pouvoir adhésif permet de l'utiliser pour
l'appareillage des colostomies et la fixation des prothèses dentaires.
La gomme de Sterculia ne fait pas l'objet d'une monographie de la Commission E
du BfArM allemand.
Peu usitée dans le secteur alimentaire, c'est par contre un auxiliaire intéressant
aussi bien en pharmacotechnie que dans le secteur cosmétique .

• GOMME ARABIQUE, Acacia spp., Mimosaceae

La gomme arabique est l'exsudation gommeuse, durcie à l'air, s'écoulant naturel-


lement ou par incision du tronc et des branches d'Acacia senegal (L.) Willdenow,
d'autres espèces d'Acacia d'origine africaine et d'Acacia seyal Del. (Ph. eur., 6' éd. -
6.3, [01/2009:0307]) La Pharmacopée décrit également le nébulisat obtenu à partir
d'une solution de la gomme (63,01/2009:0308, corr. 6.4).
Acacia senegal Willd.
1'( lI.YSACCHARIDES HÉTÉROGÈNES 105

La plante. Cet acacia, connu sous le nom d'acacia verek en Afrique de l'ouest (mais
lIussi sous celui de hashab au Soudan), est un petit arbre (4-6 m) à épines courbes, à
l'l'uilles composées bipennées, à fleurs régulières groupées en épis allongés,
l'ylindriques. Les fleurs ont une petite corolle blanche et de longues et très nombreuses
(;Iamines. Le fruit est une gousse droite, rétrécie entre les graines. Cet acacia et les
('spèces voisines qui fournissent la gomme arabique sont spontanés dans la zone
subdésertique africaine, de l'océan Atlantique à la mer Rouge. Les principaux
producteurs sont les pays de la zone sahélienne: Soudan et, dans une moindre mesure,
Sénégal, Mali, Mauritanie. Au Soudan, la gomme est en grande partie fournie par
l'cxploitation de plants établis initialement sur des terres cultivées (gum gardens). La
récolte des gommes exsudées par les arbres spontanés approvisionne également le
Illarché international.
Traditionnellement, l'exploitation des acacias a lieu pendant la saison sèche, sur des
arbres âgés d'au moins cinq ans. On récolte la gomme qui exsude après le tapping,
c'est-à-dire l'écorçage des branches, de part et d'autre d'une incision transversale. On
cnlève des lambeaux d'écorce, sans léser le cambium; celui-ci régénère le phloème et
la gomme exsude pendant quelques semaines. La gomme (un à deux kg par arbre et par
an) est recueillie et classée en différentes catégories commerciales, essentiellement sur
un critère de couleur. Sécheresses, désertification et exploitation intensive tendent à
réduire la production et, au cours des dernières années, le marché a été marqué par une
grande irrégularité. Les utilisateurs habituels ont été contraints de recourir à des
substituts (autres gommes et polysaccharides).

La gomme. La gomme arabique se présente en masses sphéroïdales de 1-3 cm de


diamètre, friables, blanc-jaune, jaunes ou faiblement ambrées, opaques, souvent brisées
en fragments irréguliers, anguleux, d'éclat vitreux et transparent. La gomme se dissout
très lentement dans 2 fois sa masse d'eau en formant un liquide visqueux, dense,
adhésif, faiblement acide. Elle est pratiquement insoluble dans l'alcool.
L'analyse en CCM (révélation par l'aldéhyde anisique) des sucres obtenus par
hydrolyse du polymère à l'aide d'acide trifluoracétique permet de s'assurer de l'identité
de la gomme (présence d'arabinose, de galactose et de rhamnose).
Au titre de l'essai on vérifie, sur une solution à 10 % :
1. L'absence d'amidon, de dextrine ou d'agar-agar (absence de coloration bleue ou
brun-rouge de la solution par addition d'iode);
2. L'absence de glucose ou de fructose (CCM de l'hydrolysat);
3. L'absence de tanins (pas de réaction caractéristique avec le chlorure ferrique) ;
4. L'absence de gomme de Sterculia (pas de gélification importante dans l'alcool à
60' et acidité limite de la solution aqueuse);
5. L'absence de gomme adragante (absence de xylose dans l'hydrolysat soumis à la
CCM).

2. Il peut parfois y avoir falsification par des gommes dont la qualité et les petformances sont
inférieures; celles-ci sont assez difficiles à détecter. C'est par exemple le cas de produits comme la
« gomme combretum » sécrétée par Combreful11 nigricans Lepr. ex Guill. & Perr. : les différences
structurales peuvent alors être mises en évidence par des méthodes spectrométriques.
106 GLUCIDES

A G G
1 1 1
U- G G -G
1 1
G -G U-G- G
1 1
A G-A A G-A
1 1 1 1
U-G- G U-G- G

1 1

->3)-~-D-Galp-( 1->3)-~-D-Galp-(I->3)-~-D-Galp-( 1->3)-~-D-Galp-( 1->3H-D-Galp-( 1->

1 1 1
G A G-A
1 1
U U

Gomme arabique: hypothèse structurale

G= ~-D-Galp
A = chaînes courtes de L-Araf liées (1-> 3)
ou a-D-Galp-(1->3)-L-Araf
U = a-L-Rhap-( 1-> 4 )-~-D--GlcA ou ~-D-GlcpA (4-0Me)

D'après Stephen, A.M., Churms, S.C. et Vogt, D.C. (1990). Exudate gums, in « Methods in plant
biochemistry,2 : carbohydrates », (Dey, P.M., éd.), p. 483-522, Academie Press, Londres.

On peut aussi (ce n'est pas obligatoire) déterminer la viscosité apparente.


La gomme arabique doit en outre satisfaire aux essais généraux habituels et à une
limite du nombre de germes aérobies totaux (DGAT) de 104 UFC/g et de moisissures et
levures (DMLT < 10' UFC/g) ainsi qu'à l'essai d'E. coli et des salmonelles (absence).

Composition chimique. La gomme brute contient 10-15 % d'eau, un peu de tanins


(surtout dans les gommes colorées), des oxydases, mais pas d'amidon. Le composant
majoritaire est un polysaccharide acide qui existe à l'état natif sous forme de sel (avec
le calcium et, dans une moindre mesure, le magnésium et le potassium). Le polymère
varie selon l'arbre, son origine géographique, l'époque de la récolte; sa masse
moléculaire varie de 3 X 105 à 106 , son [a]O est de _30 0 ± 4 (FAO). Son analyse révèle
la présence de plusieurs sucres: D-galactose (32-50 % ), L-arabinose (17-34 % ), acide
D-glucuronique (13-19 % ), L-rhamnose (11-16 % ). La structure de base est celle d'un
galactane 1-> 3 substitué par des arabinoses isolés ou en courtes chaînes et par des
oligosides complexes comprenant du D-galactose, du L-arabinose, du L-rhamnose et de
l'acide D-glucuronique. On note la présence d'une fraction polypeptidique.
1'( Il ,YSACCHARIDES HÉTÉROGÈNES 107

Propriétés et emplois. Les hiéroglyphes égyptiens attestent l'usage ancien de cette


gomme qui fait l'objet d'un commerce depuis au moins quatre mille ans. La gomme
IIl'11hique, émolliente et béchique, entre dans la composition de préparations classiques
!l'Iles que les pâtes officinales. Contrairement aux galactoglucomannanes ou au
1I1ucilage des plantains, son absorption quotidienne est sans effet sur la cholestérolémie.
Hile est très soluble dans l'eau (on peut préparer des solutions à plus de 50 %) et forme
lks solutions visqueuses dont le comportement, d'abord newtonien, devient
pseudoplastique pour les fortes concentrations. La viscosité des solutions dépend de
l'origine de la gomme (espèce, saison de récolte) et est très influencée par le pH (elle
l'st maximale au voisinage de la neutralité), la température et la présence d'électrolytes
qui la diminuent. Compatible avec la plupart des autres hydrocolloïdes végétaux et avec
III majorité des alcaloïdes, elle est incompatible avec la gélatine, les sels de fer, les
phénols (par exemple le thymol, l'eugénol, la morphine).
La viscosité de ses solutions et leur assez bonne stabilité en milieu acide en font un
IIl1xiliaire intéressant en pharmacotechnie: stabilisant des suspensions, mais aussi
émulsionnant, agent d'encapsulation d'arômes par nébulisation, additif pour la
préparation de formes solides destinées à la voie orale.
Pour l'industrie agroalimentaire c'est un stabilisant et un émulsionnant totalement
atoxique (E414), neutre, inodore, insipide, incolore, stable. Elle peut également être
utilisée pour sa capacité à former des coacervats avec les protéines .

• GOMME ADRAGANTE, Astragalus gummifer Labill., Fabaceae

La gomme adragante est l'exsudation gommeuse, durcie à l'air, s'écoulant


naturellement ou par incision du tronc et des branches d'Astragalus gummifer et de
certaines autres espèces du genre Astragalus d'Asie occidentale (Ph. eur., 6' éd. - 6.3,
10112009: 0532]).

La plante. A. gummifer est un sous-arbrisseau buissonnant (0,5-1 m) très épineux.


Les feuilles, composées pennées, ont des petites folioles grisâtres dont la chute précoce
ne laisse subsister qu'un rachis épineux. Les fleurs, jaune pâle, sont réunies en grappes.
Le fruit est une petite gousse velue, monoséminée.
Les Astragalus proviennent des régions désertiques montagneuses de l'Asie
occidentale: du sud de l'Iran jusqu'au Kurdistan et à l'Arménie, de la Syrie et de l'Irak
au Khorasan et à l'Afghanistan.
Dans le cas présent la gommose est centripète et la gomme s'accumule dans la
moelle et les rayons médullaires dont les parois cellulaires disparaissent: une incision
de la branche va provoquer l'exsudation immédiate de la gomme qui se trouve projetée
à l'extérieur sous la forme d'un ruban visqueux, vermiculé (traumatismes spontanés) ou
en éventail (incisions provoquées). Traditionnellement, on dégage la base de la tige
principale de la terre et l'on incise profondément: après 48 heures au moins les
exsudats sont recueillis, réunis et triés. Les lots les moins colorés sont considérés
comme étant de meilleure qualité.
108 GLUCIDES

La gomme. La gomme adragante (tragacanth gum des Anglo-Saxons) se présente


en rubans minces (30 x 10 x 1 mm), aplatis, blancs à jaune pâle, translucides, cornés,
finement striés longitudinalement et ondulés transversalement. La poudre de gomme
forme, avec 10 fois sa masse d'eau, un gel visqueux. L'examen microscopique de la
gomme pulvérisée (glycérol à 50 %) révèle la présence de grains d'amidon arrondis (4-
10 [20] f.lm) à hile central visible en lumière polarisée. Les nombreuses membranes
cellulaires stratifiées qui enveloppent les grains d'amidon se colorent en violet par
addition d'une solution de chlorure de zinc iodée.
La coloration jaune intense de la solution de gomme avec l'hydroxyde de baryum et
l'analyse en CCM de l'hydrolysat obtenu par action de l'acide trifluoracétique
confirment l'identité de la gomme (mise en évidence du xylose, du galactose, et de
l' arabinose).
L'essai proprement dit comprend, entre autres, la détermination du temps
d'écoulement d'une solution de gomme dans un tube gradué ainsi qu'une série de
réactions permettant de vérifier:
1. L'absence de gomme arabique (absence de bande correspondant au rhamnose sur
la CCM de l'hydrolysat) ;
2. L'absence de méthylcellulose (absence de bande caractéristique sur la CCM de
l'hydrolysat) ;
3. L'absence de gomme de Sterculia (pas de gélification importante dans l'alcool à
60 et acidité limite de la solution;
Le taux de substances étrangères n'est pas supérieur à 1 % et la gomme satisfait au
contrôle microbiologique des produits non stériles: DGAT < 10 4 UFC/g; DMLT < 10 2
UFC/g; absence d'Escherichia coli et de salmonelles.

Composition chimique. Contrairement à la gomme arabique, la gomme adragante


ne contient pas d'oxydase, mais renferme environ 3 % d'amidon et 3-4 % de substances
minérales. On considère que la gomme brute est un mélange de deux polysaccharides:
la tragacanthine (30-40 %), neutre et soluble dans les solutions hydro-alcooliques, et
qui se solubilise dans l'eau en formant une solution colloïdale et la bassorine (60-70 %),
acide et précipitée en milieu éthanolique, gonflant au contact de l'eau pour former un
gel. La tragacanthine est un arabinogalactane (1-> 6, 1-> 3) presque neutre dont
l'ossature est galactosidique. La bassorine (ou acide tragacanthique) pour sa part est un
glycanogalacturonane partiellement méthylé de masse moléculaire voisine de 850 000
construit à partir de quatre sucres: acide D-galacturonique, D-galactose, D-xylose et L-
fucose. L'ossature centrale de la molécule est une chaîne d'acides galacturoniques liés
en 1->4; la chaîne est substituée par des xyloses ou par des diosides : fucoxylosyles
ou galactoxylosyles.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour la gomme adragante, l'indication thérapeutique
suivante (voie orale) : «traitement symptomatique de la constipation ». Aucune
évaluation toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un dossier « abrégé»
d'AMM (gomme en poudre). Comme pour tous les autres laxatifs ayant un effet de lest,
une information précise du corps médical et du public doit être prévue (voir p. 119). La
1'1 Il ,YSACCHARIDES HÉTÉROGÈNES 109

~/II1/1ne adragante ne fait pas l'objet d'une monographie de la Commission E du


NI'ArM allemand.
La gomme adragante est surtout utilisée comme auxiliaire de fabrication en
phllnnacotechnie. Ses solutions diluées (0,5-1 %) sont très visqueuses, stables en milieu
llcide et à la chaleur, compatibles avec la plupart des hydrocolloïdes végétaux, de bonne
l'ollservation; elles ont un comportement pseudoplastique ce qui, ajouté au caractère
1111 ionique, en fait un bon stabilisant des suspensions. Elle peut aussi être utilisée pour
former et stabiliser des émulsions: émulsionnant bifonctionnel, elle augmente la
viscosité de la phase aqueuse et diminue la tension interfaciale dans les émulsions HIE.
1:existence de produits de remplacement (en particulier la gomme xanthane et certains
IIlginates) et la relative rareté du produit (main d'œuvre) font que cette gomme, comme
III gomme arabique, est relativement peu utilisée par l'industrie agroalimentaire bien
qlle son usage soit autorisé comme agent épaississant (E413) .

• GOMME GHATTI, Anogeissus latifolia (De.) Wallich, Combretaceae

Cette gomme est l'exsudat visqueux d'un arbre des forêts de l'Inde et du Sri Lanka.
Produite et récoltée comme la gomme karaya, c'est un polysaccharide complexe qui
contient du D-mannose, du D-galactose, du L-arabinose, du D-xylose, du rhamnose et
dc l'acide D-glucuronique. Elle se disperse dans l'eau en formant des solutions très
visqueuses. Émulsionnant et stabilisant, elle tend à être remplacée par d'autres
polysaccharides (guar et dérivés de la cellulose).

3. POLYSACCHARIDES DÉRIVÉS DU MANNOSE


« MUCILAGES NEUTRES»

Le mannose est un sucre fréquemment engagé dans la constitution de polymères. Le


mannane lui-même est rare. Ce composé, polymère constitué d'une chaîne linéaire
d'unités de D-mannose liées en (l->4)-~ est strictement insoluble dans l'eau: c'est le
constituant majoritaire de l'ivoire végétal. Également appelé corozo, cet ivoire est en
fait l'albumen des graines d'une Arecaceae (= Palmae, Phytelephas macrocarpa Ruiz
& Pav6n) qui fut utilisé au XIXc siècle pour fabriquer boutons et objets divers.

Les polysaccharides hétérogènes comprenant du mannose sont, eux, plus fréquents:

1. Glucomannanes. Dans ces polymères 20 à 50 % des unités D-mannose de la


chaîne sont remplacées par des D-glucoses. Les liaisons interosidiques sont, là encore,
(1->4)-~; il peut y avoir plusieurs D-mannoses contigus mais les glucoses demeurent
isolés. Leur DP varie de 100 à 5000, ils se dissolvent dans l'eau en formant des
solutions très visqueuses. Constituants des hémicelluloses pariétales, plus abondants
chez les Gymnospermae que chez les Angiospermae, fréquents dans les organes
souterrains de diverses Monocotyledonae, ils s'accumulent dans les tubercules de
l'Amorphophallus konJac K. Koch.
110 GLUCIDES

2. Galactomannanes. Dans ces molécules, le groupe hydroxyméthyle en C-5 de


certains résidus D-mannose d'une chaîne polymannosidique est substitué par un reste
D-galactosyle lié en a. Le pourcentage de substitution varie de 30 à près de 100 %
selon l'espèce végétale. De DP variant de 1000 à 10000, ils sont, à l'exception des
moins substitués d'entre eux, hydrosolubles. Présents dans diverses graines
(Annonaceae, Convolvulaceae, Arecaceae), ils constituent un dépôt extracellulaire dans
l'endosperme des graines de Fabales dont ils peuvent représenter jusqu'à 40 % de la
masse (ex. : la graine de caroubier).

3. Galactoglucomannanes. La chaîne centrale est du type de celle des gluco-


mannanes et un nombre variable d'unités mannose de celle-ci est substitué en C-6 par
un reste O-D-galactosyllié en a. Composants fréquents des hémicelluloses, ils
s'accumulent parfois dans des graines (par exemple dans celles de l'arbre de Judée,
Cercis siliquastrum L., Caesalpiniaceae) .

• CAROUBIER, Ceratonia siliqua L., Caesalpiniaceae

L'albumen des graines de cet arbre constitue la « gomme» de caroube. Ce produit,


qui n'est pas une gomme, est fréquemment dénommé caroube ou farine de graine de
caroube. Ce dernier terme reflète bien l'origine, mais peut prêter à confusion dans la
mesure ou l'on trouve sur le marché et sous cette même appellation de farine la pulpe
de caroube déshydratée. L'essentiel de la production mondiale est destiné à des emplois
industriels. Le marché est principalement approvisionné par l'Espagne qui a récolté 38 % des
187000 tonnes produites annuellement dans le monde en 2007. Autres principaux
producteurs: Italie, Maroc, Portugal, Grèce, Turquie, Chypre (données FAO, 20(8).

La plante, la « gomme ». Grand arbre toujours vert du pourtour méditerranéen, le


caroubier a des feuilles composées-pennées comportant 5-11 folioles coriaces et
luisantes et des petites fleurs rougeâtres dépourvues de corolle et groupées en grappes
axillaires. Le fruit est une gousse pendante, épaisse, coriace, renfermant de 12 à 16
graines aplaties, séparées par des cloisons pulpeuses. La constance de la masse de la
graine explique son utilisation ancienne comme unité de poids Cl carat = 200 mg).
Les graines ramollies par trempage sont débarrassées de leurs enveloppes et du
germe, puis l'albumen est broyé. La granulométrie détermine la qualité commerciale de
la poudre. Certains fabricants commercialisent également une farine purifiée obtenue
par solubilisation de la poudre de graine dans l'eau chaude, précipitation de la solution
par addition d'éthanol, recueil et séchage du précipité.

Composition chimique. La « gomme» de caroube est constituée d'un D-galacto-


D-mannane presque pur (90 à 95 % ). Ce polymère est formé par l'enchaînement de
~-D-mannoses liés en 1->4 avec des branchements latéraux d'une seule unité d'a-
D-galactose liée a-(l->6). On compte en moyenne une unité de D-galactose pour
quatre D-mannoses. Les segments branchés alterneraient avec des segments non
branchés.
1'( lI.YSACCHARIDES HÉTÉROGÈNES 111

La pulpe du fruit, pauvre en lipides (0,4-0,8 % de la masse sèche) et en protéines


(2,7-3 %), renferme 40-60 % de sucres solubles, des cyclitols (surtout du pinitol) et des
polyphénols (tanins hydrolysables et condensés, glycosides de flavonols). Pulvérisée et
torréfiée, elle acquiert une odeur de cacao (c'est, potentiellement, un substitut du cacao).

Propriétés de la « gomme ». Partiellement soluble dans l'eau froide, la gomme de


t'aroube est bien solubilisée à chaud (80 oC) et donne, au refroidissement, des solutions
pseudo-plastiques de grande viscosité supportant bien des variations importantes de pH
(3-11) et l'adjonction de sels minéraux. Elle agit en synergie avec les carraghénanes
pour former des gels élastiques (la synergie s'explique par les associations qui se font
l'ntre les zones poly-M non substituées et les doubles hélices de carraghénanes). Elle
interagit également avec le guar et la gomme xanthane pour former des gels fermes. Les
solutions de gomme de caroube forment des gels en présence de borate de sodium en
milieu alcalin. Dénuée de pouvoir nutritif, la « gomme» de caroube épaissit les rations
sans modifier l'apport calorique.

Emplois
• En thérapeutique et diététique. Le mucilage extrait de l'endosperme constitue une
préparation épaississante à utiliser lors des vomissements habituels du nourrisson (laits
antirégurgitation). Sans effet sur le volume du reflux, cette pratique diminuerait plus la
fréquence des vomissements que ne le fait la farine de riz. De fait, la pratique a été peu
évaluée et les résultats des essais disponibles sont contradictoires.
La farine de caroube constitue une préparation absorbante parfois proposée dans le
Iraitement symptomatique des diarrhées du nourrisson et du jeune enfant.
L'administration de la caroube s'accompagne, dans les premières 24 heures, de la seule
couverture des besoins hydriques; la réalimentation est ensuite progressive. Diluée
dans de l'eau ou dans du lait, la caroube ne doit pas bouillir.
En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet qu'il est
possible de revendiquer, pour le fruit sans graines de caroubier, les indications thé-
rapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 1° comme traitement
adjuvant de la composante douloureuse des troubles fonctionnels digestifs; 2° dans le
traitement symptomatique des diarrhées légères. Pour la graine de caroubier (= gomme
de caroube), la même Note n'admet qu'une seule indication (voie orale) : tradition-
nellement utilisé comme adjuvant des traitements amaigrissants. Dans les deux cas,
aucune évaluation toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un dossier
« abrégé» d'AMM (poudre). Comme pour tous les autres laxatifs ayant un effet de lest,
une information précise du corps médical et du public doit être prévue (voir p. 119). Ni
le fruit, ni la graine du caroubier ne font l'objet d'une monographie de la Commission
E du BfArM allemand .

• Dans l'industrie. L'adhésivité et le pouvoir épaississant des solutions de


« gomme» de caroube font qu'elle est très utilisée dans l'industrie agroalimentaire,
principalement dans la formulation de produits lactés frais ou congelés (crèmes, glaces,
etc. : &110), mais aussi - du moins en Amérique du Nord -, dans des produits de bou-
langerie (comme le guar, elle gonfle la pâte). L'industrie pharmaceutique et celle des
112 GLUCIDES

produits cosmétiques ainsi que de nombreuses autres industries (textile, papier) y ont
largement recours; elles peuvent aussi utiliser des dérivés hémisynthétiques préparés à
partir de la « gomme» (éthers hydroxyalkyliques, carboxy-galactomannanes
calciques) .

• GUAR, Cyamopsis tetragonolobus CL.) Taubert, Fabaceae

Le guar est obtenu par broyage de l'albumen des graines de C. tetragonolobus. Il


est constitué principalement par un galactomannane dit guarane (Ph. eur., 6c éd. - 63,
[01/2009:1218]).
Le galactomannane du guar est obtenu à partir des graines de C. tetragonolobus
par broyage de l'albumen suivi d'une hydrolyse partielle. Il se compose principalement
de polyosides constitués de D-galactose et de D-mannose dans un rapport moléculaire
1:1,4 à 1:2 [...] (Ph. eur., 6c éd. - 63, [01/2009:0908]).

La « gomme 3 » : origine et structure. C. tetragonolobus est une herbe annuelle


cultivée en Inde 8. p .140, au Pakistan ainsi qu'aux États-Unis d'Amérique (Texas) et en
Amérique centrale. Après élimination du germe et des enveloppes l'endosperme est
broyé, ce qui conduit au produit commercial. Comme dans le cas précédent, le polymère
est un D-galacto-D-mannane formé par l'enchaînement de ~-D-mannoses liés en 1->4
avec des branchements latéraux ne comportant qu'une seule unité d'a-D-galactose liée
a-(1-> 6), mais ici le rapport D-galactose : D-mannose est proche de un pour deux.

Caractères. Le galactomannane du guar est une poudre blanc-jaune, pratiquement


insoluble dans les solvants organiques, donnant avec l'eau une solution de viscosité
variable. Il est identifié par sa capacité à former un gel en présence de borate de sodium
et par la caractérisation en CCM du mannose et du galactose dans le résidu d'hydrolyse
par une solution d'acide trifluoracétique (révélation par l'acide aminohippurique).
L'essai comprend principalement:
1. La recherche d'autres gommes et de polysaccharides d'algues (gomme adragante,
gomme de Sterculia, gélose, alginates et carraghénates) : pas de coloration par le rouge
de ruthénium des éléments figurés visibles au microscope ;
2. La mesure de la viscosité apparente (viscosimètre à mobile tournant);
3. Le dosage des matières insolubles en milieu sulfurique dilué à chaud « 7 %);
4. Le dosage des protéines (dosage de l'azote après minéralisation) : < 5 %;
5. L'évaluation de la contamination microbienne: DGAT < 104 UFC/g; DMLT
< 10 2 UFC/g; absence d'Escherichia coli et de salmonelles.

Propriétés, évaluation clinique. La gomme guar, comme d'ailleurs les pectines,


retient l'attention des nutritionnistes pour les interférences qu'elle semble provoquer,

3. S'il est habituel de parler de gomme guar, voire de gomme de guar, il s'agit là d'une utilisation
abusive du mot gomme, ce produit - le guar - résultant non pas d'une exsudation consécutive à un
quelconque traumatisme, mais du simple broyage de l'albumen des graines
PI Il .YSACCHARIDES HÉTÉROGÈNES 113
l,'
f
~. l'Olllille les autres « fibres solubles », avec le métabolisme des glucides et avec celui des
lipides. Au niveau du métabolisme glucidique, plusieurs expérimentations réalisées
dll~Z le sujet normal et chez le diabétique tendent à démontrer que l'addition de guar à
III ration alimentaire diminue l'hyperglycémie et l'insulinémie post-prandiale. Cet effet,
Illsuffisant en lui-même pour normaliser la glycémie chez le sujet diabétique (mais
l'l'l'tains l'estiment malgré tout favorable), serait principalement lié à la forte viscosité
dll guar qui retarde la vidange gastrique et réduit la vitesse d'absorption des sucres au
lIiveau intestinal. Au niveau du métabolisme lipidique, la prise quotidienne de gomme
I-\uar diminue la cholestérolémie et les LDL sans affecter notablement les autres
lipoprotéines, sans abaisser non plus la triglycéridémie. Selon une analyse publiée en
11)99, chaque gramme de guar ingéré abaisse la cholestérolémie totale de 0,026 mmol/l
t't le LDL-cholestérol de 0,033 mmol/l. (Voir aussi, p. 87: fibres alimentaires).
La consommation de guar est-elle susceptible de participer à la réduction du poids?
Plus d'une trentaine d'études et essais cliniques ont évalué ce produit dans le traitement
de l'obésité. Une méta-analyse des essais de méthodologie acceptable a conclu à
l'absence de différence statistiquement significative entre la gomme guar et le placebo.

Toxcité, effets indésirables. La gomme guar n'est pas toxique, mafs de fortes doses
peuvent entaÎner quelques effets indésirables digestifs mineurs (flatulences,
hallonnements). La tolérance intestinale est bonne juqu'à 40 g par jour. Quelques cas
d'allergie respiratoire ont été rapportés chez des personnes exposées à l'inhalation de
poudre de guar. Si la gomme est ingérée sans un volume de liquide suffisant, le risque
existe d'une obstruction œsophagienne ou d'une occlusion intestinale.

Emplois. Si la gomme guar peut être incluse dans la composition des régimes
destinés aux sujets diabétiques, c'est surtout dans la mise au point de régimes propres à
diminuer la cholestérolémie, facteur de risque des maladies cardiovasculaires, qu'elle
peut avoir un intérêt. Associée à un régime hypolipidique et riche en sucres, elle peut
aider à remédier transitoirement à une hypercholestérolémie modérée. La poudre de
guar, éventuellement aromatisée, est préconisée comme «modérateur de l'appétit ». La
gomme guar est également utilisée, en association avec un pansement intestinal ou des
sels d'aluminium et de magnésium, dans le traitement symptomatique des colopathies
avec constipation, et comme antiacide. Pour l'Afssa, il est licite de considérer le guar
comme agent de charge peu calorique, mais pas comme modérateur de l'appétit [2002].
Les solutions de guar (à 1 % et moins), stables pour des pH variant de 4 à 10,5, sont
compatibles avec la plupart des autres hydrocolloïdes végétaux. La viscosité de leurs
solutions est fortement augmentée quand elles sont additionnées de gomme xanthane ..
C'est un émulsionnant et, sous certaines conditions, un gélifiant. Si la pharmacotechnie
l'utilise occasionnellement, les industries agricoles et alimentaires sont de gros
consommateurs eu égard à ses propriétés épaississantes (13412). D'autres industries sont
également utilisatrices de guar : la papeterie, l'industrie minière (floculation, flottation,
filtration), le traitement des eaux, le textile, etc.
Comme dans le cas de la cellulose, on peut préparer des dérivés (hydroxypropyl,
carboxyméthyl) essentiellement destinés à des emplois industriels (textile, raffinage,
industries minières et autres).
114 GLUCIDES

.KONJAC (konyaku) , Amorphophallus konjac K. Koch, Araceae

A. konjac, comme les nombreuses autres espèces du genre Amorphophallus, est


originaire de l'Asie; il est cultivé, notamment au Japon. Un volumineux tubercule, une
grande feuille à trois lobes fortement découpés, une fleur unique malodorante à spathe
infundibuliforme noir violacé et à long spadice caractérisent cette Araceae.
Le tubercule accumule un glucomannane (le rapport D-glucose / D-mannose est
égal à 1 : 1,6) à liaisons 1->4-/3; la chaîne principale est partiellement substituée,
surtout sur les hydroxyles en C-3, par du D-mannose ou du D-glucose; le polymère est
faiblement acétylé (un acétyl pour 17 résidus). Le DP du polymère semble varier selon
l'origine géographique. La présence d'un glucoside du 3,4-dihydroxybenzaldéhyde a
été signalée dans la farine commerciale.
Traditionnellement, les tubercules sont coupés, séchés et pulvérisés. La farine
obtenue peut être incorporée dans des préparations alimentaires (pains). Depuis
plusieurs années on trouve sur le marché des formes simples (gélules, gelée) à base de
farine de konjac ou de glucomannanes de konjac. Ces préparations sont préconisées
comme adjuvant dans les régimes hypocaloriques et pour le contrôle de la
cholestérolémie. Quelques études chez l'animal et des essais cliniques chez l'humain
sont indicateurs des potentialités de ces glucomannanes, notamment pour réduire la
cholestérolémie et le LDL-cholestérol. Cette possible activité n'est guère surprenante
compte tenu de la parenté structurale des glucomannanes du konjac avec des produits
comme le guar, toutefois le niveau de preuve de son intérêt clinique est faible. Le
glucomannane de konjac pourrait peut-être constituer un adjuvant dans la prise en
charge des diabétiques de type 2, mais les essais disponibles sont de taille restreinte et
de niveau méthodologique faible. Des essais sur la capacité du konjac à limiter la prise
de poids ont conduit à des résultats divergents, non convaincants. Le glucomannane de
konjac pourrait présenter un intérêt dans le traitement de la constipation. Il est utilisable
comme additif (E425, J & 2 [gomme et glucomannane]) .

• FENUGREC, Trigonellafoenum-graecum L., Fabaceae

Le fenugrec est constitué par la graine mûre, séchée, de T.fœnum-grœcum (Ph.


eur., 6' éd., [01/2008:1323]).

La plante. Le fenugrec est une plante annuelle à feuilles longuement pétiolées et


trifoliolées. Les fleurs, isolées ou par deux, ont une corolle blanc crème à pétale
postérieur triangulaire. Le fruit est une gousse allongée, arquée, contenant dix à vingt
graines. D'origine orientale, la plante est cultivée sur le pourtour méditerranéen, en
Inde, en Chine, en Argentine, etc.

La graine. La graine de fenugrec, aplatie (3-5 x 2-3 x 1 j- 2 mm), est très dure, brun
à brun rougeâtre, et marquée par un sillon qui délimite deux parties inégales.
Microscopiquement (hydrate de chloral), la poudre de graine présente des fragments
comportant un hypoderme à grandes cellules aux parois radiales épaissies en bâtonnets:
P( li ,YSACCHARIDES HÉTÉROGÈNES 115

l'l'trécies à leur extrémité supérieure, elles sont étranglées dans leur partie médiane.
Beaucoup d'autres fragments sont visibles: d'épiderme, d'albumen, de parenchyme
I(;gumentaire, etc. Le fenugrec, caractérisé en CCM (trigonelline révélée par
l'iodobismuthate de potassium), présente un indice de gonflement qui n'est pas
illl'érieur à 6,

Composition chimique, L'odeur de la graine est due à de nombreux constituants


volatils (carbures sesquiterpéniques, alcanes, lactones) et, sans doute, à la 3-hydroxy-
",5-diméthyl-2[5H]-furanone (= sotolone). Riche en protéines (30 %), la graine
l'l'nferme des lipides (7 %), des C-flavonoïdes (vitexine, vicénines, dérivés de
l'mientine) et des stérols, On y a caractérisé un amino-acide particulier, la 4-hydroxy-
isoleucine, Les glucides sont particulièrement abondants: fibres (cellulose, hémi-
n:lluloses, etc.) et galactomannane soluble (rapport galactose: mannose = 1,5 : 1)
représentant de 25 à 45 % de la masse de la graine. La graine constitue également une
source potentielle de sapogénines théoriquement utilisables pour 1'hémisynthèse de
stéroïdes Uusqu'à 3 % de 3,26-diglucosides de furostèn-5-triols et dérivés voisins
donnant, entre autres et par dégradation, diosgénine et yamogénine).

Pharmacologie, évaluation clinique, Les graines, reconnues comme dépourvues de


toxicité, sont connues pour leurs propriétés antidiabétiques, hypocholestérolémiantes,
hypolipidémiantes : expérimentalement, elles diminuent la glycémie post-prandiale chez
le Rat et le Chien diabétiques par un mécanisme pas complètement élucidé, Des effets
analogues ont été notés au cours de plusieurs études conduites chez l'Homme normal ou
diabétique, mais le petit nombre de sujets inclus dans les essais cliniques et des faiblesses
méthodologiques ne permettent pas de préciser l'intérêt clinique de cette graine. Le
fractionnement des constituants des graines et l'évaluation biologique des fractions
montrent que l'activité antidiabétique et hypocholestérolémiante est liée à la fraction
riche en fibres et galactomannanes, La fraction renfermant les saponosides participerait
à l'action hypocholestérolémiante. Même si les structures en jeu sont différentes, on
retrouverait ici une action observée avec d'autres espèces riches en saponosides
susceptibles d'insolubiliser le cholestérol intestinal (cf. quillaya, p, 857, luzerne, p. 862),
Apparemment dépourvu de toxicité, le fenugrec peut provoquer, à très fortes doses,
diarrhée et flatulences, De très rares cas d'allergie ont été rapportés,

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour la graine de fenugrec, l'indication thérapeutique
suivante (voie orale) : traditionnellement utilisé pour faciliter la prise de poids, Aucune
évaluation toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un dossier « abrégé»
d'AMM (poudre, graine pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques de titre
I~tible).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
la graine de fenugrec est utilisée par voie orale en cas de perte d'appétit et, par voie
externe, en cataplasme, en cas d'inflammation locale. Posologie: 6 g par jour (voie
orale) ou 50 g pour un quart de litre d'eau (voie externe). D'autres formes sont
utilisables (pommades, gels, émulsions, additifs pour bain).
116 GLUCIDES

Pour l'ESCOP, le fenugrec est utilisé comme thérapeutique adjuvante en cas de


diabère ou d'hypercholestérolémie. Dans ce cas, la posologie est de 25 g de graines
broyées (ou une préparation équivalente). Pour ce Comité, des données expérimentales
contradictoires conduisent à ne pas utiliser le fenugrec chez la femme enceinte ou
allaitante .

• FÉVIER, Gleditsia triacanthos L., G.ferox Desf., Caesalpiniaceae

Les longues gousses arquées de ces arbres parfois cultivés en Europe à des fins
ornementales fournissent des graines riches en galactomannanes. Les emplois de la
poudre de l'albumen sont, à l'heure actuelle, très restreints. En France, la Note
explicative de l'Agence du médicament (1998) admet qu'il est possible de revendiquer,
pour la graine de Gleditsia, l'indication thérapeutique (voie orale) « traitement
symptomatique de la constipation ». Aucune évaluation toxicologique n'est demandée
pour la constitution d'un dossier« abrégé» d'AMM (poudre de graine). Comme pour
tous les autres laxatifs ayant un effet de lest, une information précise du corps médical et
du public doit être prévue (voir p. 119). La graine de Gleditsia ne fait pas l'objet d'une
monographie de la Commission E du BfArM allemand .

• GoMME TARA, Caesalpinia spinosa (Molina) Kuntze, Caesalpiniaceae

La gomme tara (= huarango, Peruvian carob, gomme du Pérou) est obtenue par
broyage de l'endosperme des graines de cet arbre du nord de l'Amérique du Sud et de
l'Afrique. C'est un galactomannane soluble dont le rapport galactose: mannose est
intermédiaire entre ceux de la « gomme» de caroube et du guar. La force et l'élasticité
de ses gels peuvent être augmentées par addition de gomme xanthane (ELl17). On peut
noter que la poudre de gousses est utilisable pour ses propriétés tannantes.

4. POLYSACCHARIDES HÉTÉROGÈNES ACIDES


- « MUCILAGES ACIDES»

Compte tenu des difficultés rencontrées pour classer chimiquement des structures
souvent imparfaitement connues, on regroupe ici, sur la base de leur origine botanique
et d'analogies structurales, des plantes que la majorité des auteurs s'accordent à
qualifier de plantes à mucilages, quel que soit le flou qui caractérise cette notion.

A. Plantaginaceae à mucilages

Plusieurs espèces du genre Plantago sont des plantes utilisées en pharmacie: les
graines d'ispaghul et de psyllium doivent leurs propriétés laxatives à des polysaccharides
très hydrophiles et les feuilles de certains plantains indigènes sont, sur la base de la
1'( li .YSACCHARIDES HÉTÉROGÈNES 117

tradition, utilisées en phytothérapie. D'autres espèces du genre sont employées dans le


IIHllllle, c'est par exemple le cas de P. asiatica L., dont la graine (cheqianzi) et la feuille
(l'heqiancaa) sont, selon la pharmacopée traditionnelle chinoise, expectorantes,
diurétiques et antimicrobiennes.

ISPAGHUL ET PSYLLIUM : GÉNÉRALITÉS

Le terme de « psyllium », systématiquement utilisé dans les publications cliniques,


prête à confusion. En effet, alors que les botanistes et la Pharmacopée européenne
distinguent le psyllium (graine entière de Plantaga aira L. ou de P. indica L.) et
l'ispaghul (graine ou tégument de la graine de Plantaga avata Forssk.), des organismes
comme la FDA définissent le psyllium husk (tégument de la graine) comme étant
« l'enveloppe séchée de la graine de P. avata, connu sous le nom de psyllium blond ou
psyllium indien, P. indica ou P. psyllium ». De fait, la dénomination latine de l'espèce
productrice des « plantaga seeds n'est que très rarement mentionnée dans les rapports
d'essais cliniques. Le « psyllium » utilisé dans ces essais est, le plus souvent, le
tégument de la graine de P. avata.

Propriétés. L'ispaghul (graine et tégument de la graine) et le psyllium (graine) sont


classés, en France, dans la catégorie des « laxatifs ayant un effet de lest ». Leur effet,
purement mécanique, est lié à leur mucilage: les macromolécules polysaccharidiques
très peu fermentescibles absorbent un grand volume d'eau et forment, au niveau du
t:ôlon, un gel volumineux qui augmente la masse, le degré d'humidité et l'acidité du bol
fécal, stimule le péristaltisme et facilite l'exonération sans pour autant modifier
sensiblement la durée du transit (en l'absence de constipation). Le mucilage n'est pas
dépolymérisé au niveau de l'intestin grêle et n'est que très partiellement dégradé par les
hactéries du côlon (formation de gaz et d'acides gras à courte chaîne).
Plusieurs travaux publiés font également état d'une activité métabolique pour ces
mucilages: diminution de l'hyperglycémie post-prandiale - on suppose que
l'augmentation de la viscosité dans l'intestin grêle freine la résorption du sucre - et
activité hypocholestérolémiante semblable à celle qui est consécutive à la prise de
galactomannanes du guar, de glucanes de l'avoine ou de pectines. Le mucilage, en
séquestrant les acides biliaires, diminuerait leur réabsorption intestinale et augmenterait
leur élimination fécale. Il s'ensuivrait, à long terme, une transformation accrue du
t:holestérol et une baisse de la cholestérolémie. On a également postulé que les acides
aliphatiques à courte chaîne produits par la flore bactérienne du côlon inhiberaient
partiellement la synthèse hépatique du cholestérol (voir p. 88 et suivantes).

Évaluation clinique. L'activité laxative de l'ispaghul a été évaluée: malgré


quelques résultats contradictoires sur l'incidence du traitement sur la consistance des
selles et le temps de transit, les essais versus placebo montrent une nette amélioration
de la fréquence des défécations. Un consensus s'est dégagé pour prescrire ou conseiller
préférentiellement, lorsque les mesures hygiéno-diététiques sont insuffisantes pour
normaliser le transit, ce type de laxatif « de lest» dénué d'effets indésirables majeurs.
118 GLUCIDES

Le psyllium a été proposé (et est parfois utilisé) en cas de syndrome du côlon irri-
table. L'importance de la composante psychosomatique de ce type d'affection la rend
très placebo sensible: cela complique l'évaluation clinique rigoureuse du bénéfice que
l'on peut attendre de l'utilisation du psyllium (et d'autres agents de lest prescrits dans ce
cas). Les essais cliniques randomisés versus placebo publiés ne fournissent pas de
preuve solide de leur efficacité sur ces troubles fonctionnels, en particulier sur la
composante douloureuse. Toutefois, le transit intestinal de certains patients peut être
amélioré. L'intérêt du psyllium en cas de colite ulcéreuse, possible, reste à confirmer.
L'effet de l'ingestion de psyllium sur la glycémie est confirmé par de petites études
cliniques, en particulier sa capacité à atténuer l'élévation de la glycémie consécutive à
la prise des repas. En l'absence d'essais au long cours et de taille suffisante, il est
difficile de préciser l'impact clinique éventuel de cette propriété chez les diabétiques de
type 2.
Plus d'une cinquantaine d'essais cliniques ont évalué l'effet de la consommation
quotidienne d'ispaghul ou de psylliumsur le bilan lipidique. Les méta-analyses opérées
sur les essais méthodologiquement les plus rigoureux ont montré que la consommation
quotidienne d'une dizaine de grammes de psyllium entraîne une diminution modeste,
mais statistisquement significative, du cholestérol total de sujets modérément
hypercholestérolémiques (- 0,028 mmol/l par gramme de psyllium consommé» et du
LDL-cholestérol (- 0,029 mmoVI par gramme de psyllium consommé). On ne note pas
d'effet sensible sur le taux de HDL-cholestérol et sur celui des triacylglycérols. L'effet
semble plus marqué lorsque le psyllium est mélangé aux aliments que lorsqu'il est pris
seul, en dehors des repas. L'intensité de la baisse ne semble pas corrélée à la
cholestérolémie totale initiale, mais les sujets à LDL-cholestérol élevé répondraient
légèrement mieux aux fibres solubles que ceux dont les taux sont moins élevés.
Si le psyllium ne peut pas être utilisé pour abaisser efficacement une cholestéro-
lémie élevée, il est peut être utile - associé à un régime alimentaire adéquat - pour
atténuer une hypercholestérolémie modérée. C'est d'ailleurs ce qu'a estimé la FDA
américaine (en réponse à une demande de la firme Kellog ... ) en autorisant les fabricants
de produits à base de psyllium à revendiquer une allégation reliant la consommation
quotidienne de 10 g de psyllium à une possible réduction du risque cardiovasculaire (à
condition toutefois de bien préciser « dans le cadre d'un régime pauvre en graisses
saturées et en cholestérol»).

Toxicité, effets indésirables. Ispaghul et psyllium ne provoquent pas d'effet


indésirable majeur. Éventuellement, ils peuvent induire une sensation de ballonnement;
leur toxicité est négligeable: quelques cas de réactions allergiques induites par
l'ingestion de graines ou par la poussière de psyllium ont cependant été signalés. De
façon exceptionnelle, les graines peuvent être à l'origine de bézoards, surtout si elles
sont consommées sans un volume suffisant de liquide. Psyllium et ispaghul peuvent
ralentir l'absorption de certains médicaments (cardiotoniques, lithium).
Au cours d'un essai d'intervention visant à évaluer l'effet des fibres sur la récidive
des polypes colorectaux, on a constaté - contre toute attente - , une augmentation
statistiquement significative du nombre de polypes dans le groupe ayant reçu
quotidiennement 3,5 g de psyllium pendant 3 ans.
1'( li ,YSACCHARIDES HÉTÉROGÈNES 119

Emplois, En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour la graine et le tégument de la graine d'ispaghul
lIinsi que pour la graine de psyllium, l'indication thérapeutique (voie orale) : «traitement
symptomatique de la constipation », Aucune évaluation toxicologique n'est demandée
pour la constitution d'un dossier« abrégé» d'AMM (poudre, graine ou tégument
d'ispaghul ou de psyllium pour tisane, extrait aqueux et extrait hydro-alcoolique
(1' ispaghul, quel qu'en soit le titre; les teintures et extraits hydro-alcooliques de titre fort
de psyllium ne sont pas utilisés de façon traditionnelle). La Note admet aussi, pour la
graine de psyllium, l'indication « traditionnellement utilisé comme traitement adjuvant
de la composante douloureuse des troubles fonctionnels digestifs» (voie orale).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
la graine de psyllium et d'ispaghul, ainsi que le tégument de ce dernier sont utilisés en
l'as de constipation et de côlon irritable. L'ispaghul (graine et tégument) est aussi utilisé
l~n cas de diarrhées d'origines diverses et pour favoriser l'émission de selles molles en
cas d'hémorroïdes, de grossesse, d'interventions chirurgicales au niveau anal ou rectal.
Posologie: 10 psyllium, de 10 g à 30 g par jour; 2 0 ispaghul, de 12 g à 40 g par jour;
tégument d'ispaghul, de 4 g à 20 g par jour. La prise des graines et du tégument doit
s'accompagner de l'ingestion de liquide (150 ml pour 5 g de graines) et intervenir une
demi-heure à une heure après la prise d'autres médicaments. Contre-indications:
sténose de l'œsophage, occlusion intestinale, diabète difficile à contrôler. Chez les diabé-
tiques insulino-dépendants, les doses d'insuline doivent éventuellement être réduites
Au niveau européen, les monographies communautaires élaborées par l'HMPC
précisent que l'usage du psyllium et de l'ispaghul est bien établi dans le traitement de la
constipation et lorsqu'il est nécessaire d'obtenir des selles molles (intervention
chirurgicale, hémorroïdes, etc,), La posologie préconisée pour l'adulte et l'adolescent
de plus de 12 ans est de 8 à 40 g/jour pour la graine d'ispaghul, de 7 à Il g pour le
tégument d'ispaghul et de 25 à 40 g/j pour le psyllium en 3 prises avec un volume de
liquide suffisant (30 ml par g de graine ou de tégument, 30 à 60 minutes au moins avant
ou après un autre médicament), Les doses doivent être réduites de 33 à 50 % pour
l'enfant de 6 à 12 ans. Il n'y a pas lieu d'utiliser ces produits pour traiter la constipation
chez l'enfant de moins de 6 ans. Contre-indications et précautions: comme ci-dessus,
Les trois produits peuvent être utilisés par la femme enceinte ou allaitante. Le tégument
d'ispaghul peut être utilisé pour augmenter l'apport quotidien de fibres alimentaires
(syndrome du côlon irritable, hypercholestérolémie); la posologie est alors de 7 à 20 g/j
en 1 à 3 prises (réfs : EMEA/HMPC/340865/2005, 340861/2005 et 340857 du 26
octobre 2006). La recommandation habituelle de ne pas administrer ces produits à une
personne alitée vise (comme d'ailleurs l'ingestion d'eau) à éviter la stagnation du
produit dans l'œsophage,

Remarque: information du corps médical et du public pour les médicaments


laxatifs à base de plantes - Laxatifs ayant un effet de lest

La Note explicative publiée en février 1998 s'est attachée à définir, pour les
médicaments laxatifs à base de plantes, « une information précise des professionnels de
santé et du public », Pour le psyllium, l'ispaghul et tous les autres laxatifs ayant un effet
Plantago major L.
," l'()J ,YSACCHARIDES HÉTÉROGÈNES 121
,;-

.f..,1.,

r Ill' Icst (algues, gommes, etc.), cette information est détaillée à l'Annexe IV, § 4.3 et
" Hllivants (p. 77-78). La Note détaille également toutes les mentions que doit comporter
III notice (ibid., p. 79-81). Après avoir rappelé que le médicament est préconisé dans la
~'lliistipation, la notice énumère :
• les cas dans lesquels il ne faut pas utiliser le médicament (certaines maladies de
l'Inll:stin et du côlon, les douleurs abdominales [maux de ventre]). Le flou 4 de cet inti-
lull: est compensé par la mention: « en cas de doute, il est indispensable de demander
l'IIvis de votre médecin ou de votre pharmacien»;
• des mises en garde spéciales concernant les constipations occasionnelle et
l'IlI'\lI1ique. Dans le premier cas, il est rappelé que toute constipation récente inexpliquée
plll' le changement du mode de vie (voyage) ou toute constipation accompagnée de
douleurs, de fièvre, de gonflement du ventre doit conduire à demander un avis médical.
Dllns le second cas, la notice rappelle les origines possibles de la constipation puis
énumère les éléments du traitement: augmentation des apports alimentaires en produits
d'origine végétale (légumes verts, crudités, pain complet, fruits, etc.); augmentation de
III consommation d'eau et de jus de fruits; augmentation des activités physiques (sport,
IIlal'che, etc.); rééducation du réflexe de défécation; éventuellement adjonction de son à
l'IIlimentation. Le cas de l'enfant fait l'objet d'un paragraphe spécial soulignant l'intérêt
lks mesures diététiques et déconseillant l'usage prolongé du laxatif;
• des précautions d'emploi, notamment la nécessité de boire beaucoup d'eau pendant
k traitement;
• le risque d'interactions médicamenteuses et la nécessité de signaler tout autre
Imitement en cours au médecin ou au pharmacien;
• la nécessité pour la femme enceinte de recourir à un avis médical 5 avant d'utiliser
des laxatifs (ou d'en continuer l'utilisation);
• des conseils d'utilisation (ne pas augmenter les doses, ne pas prolonger l'usage
sans avis médical) ;
• les effets indésirables possibles: météorisme abdominal (ballonnement) .

• PSYLLIUM, P. afra L. (P. psyllium L.)


et P. indica L. (= P. arenaria Waldst. & Kit.)

La graine de psyllium est constituée par les graines mûres, entières et sèches de
l', qfi'a L. ou de P. indica L. (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:0858]).

Les plantes. Ces plantains sont des herbes annuelles de petite taille à tiges dressées,
il feuilles sans pétiole différencié, opposées ou verticillées. Les inflorescences sont des
épis grêles à bractées courtes (P. afra) ou des épis serrés à bractées pointues, plus
longues que les fleurs (P. indica). Le fruit est une capsule circumscissile à deux graines

4. Le résumé des caractéristiques est, lui, plus précis: syndrome occlusif ou subocclusif,
syndromes douloureux abdominaux de cause indéterminée, fécalome.
5. Le même résumé des caractéristiques prévoit la mention « toutefois le suivi de grossesses
('xJiosées au ... est insuffisant pour exclure tout risque. [ .. .] l'utilisation du ... ne doit être envisagée au
('(lurs de la grossesse que si nécessaire ».
122 GLUCIDES

ovoïdes et aplaties. Plantes des régions sablonneuses du bassin méditerranéen, les


plantains sont cultivés en Provence (P. afra = plantain noir de Provence, plantain des
sables, plantain d'Italie), en Espagne, au Maroc (P. indica).

La graine. La graine de P. aira est lisse, luisante, elliptique (2-3 x 0,8-1 mm),
élargie à une extrémité, de couleur variant du brun clair au brun-noir. Sur la face
ventrale, cette graine est creusée d'un sillon linéaire présentant en son milieu une tache
de couleur plus claire correspondant au hile, et limitée par des bords relevés en forme
de bourrelet. La graine de P. indica est pratiquement identique, un peu moins luisante,
plus large (maximum 1,5 mm).
La graine de psyllium ne doit pas contenir plus de 1 % d'éléments étrangers, y
compris des graines non mûres, verdâtres. Elle ne doit pas contenir de graines
provenant d'autres espèces de plantain: graines à tache centrale sombre sur le sillon
(P.lanceolata L., P. major L.), graines présentant extérieurement des surfaces gris-brun
ou rosâtres (P. sempervirens Crantz, P. ovata Forssk). L'indice de gonflement est au
moins égal à 10 (2.8.4).

Composition. La graine renferme 5-10 % de lipides à acides gras insaturés, des


stérols, des protéines (15-18 %), des traces d'alcaloïdes cyclopentapyridiniques, de
l'aucuboside (un iridoïde), et des sucres: plantéose - c'est un trisaccharide - et 10-
12 % de mucilage de type hétéroxylanique dont l'hydrolyse fournit essentiellement du
D-xylose (70 %) et du L-arabinose (10 %), ainsi que de l' a-D-galacturonyl-(l->4)-
L-xylose et du D-galactose .

• ISPAGHUL, Plantaga avata Forssk. (= P. ispaghula Roxb.)

Pour la Pharmacopée européenne (6° édition), la partie utilisée est soit la graine
(graine mûre et sèche [01/2008:1333]), soit le tégument de la graine (01/2005:1338),
défini comme« l'épisperme et les assises adjacentes collabées prélevés sur la graine ».

La plante. L'ispaghul est une plante annuelle cultivée en Inde et au Pakistan, aisé-
ment acclimatable à nos régions. La tige, très ramifiée, porte des feuilles linéaires,
lancéolées, dentées, pubescentes. Les fleurs blanches sont groupées en épis cylindriques.

La graine et le tégument. La graine (1,5-3,5 x 1,5-2 x 1-1,5 mm) est ovale, lisse,
beige rosé; sa face convexe possède une tache brun clair occupant environ le quart de la
longueur. Au microscope (réactif lactique), la poudre de graine présente des fragments
d'épisperme à cellules remplies de mucilage; elle comporte en outre des fragments
d'albumen (à aleurone et huile) et, visibles en milieu glycérolé, des grains d'amidon. Le
tégument se compose de fragments ou écailles de couleur beige rosé. La poudre du
tégument apparaît dépourvue de cellules à grains d'aleurone et à gouttelettes d'huile.
L'identité de la graine et de son tégument est confirmée par la CCM des sucres
libérés par l'hydrolyse du mucilage (acide trifluoracétique). L'indice de gonflement de
la graine n'est pas inférieur à 9, celui du tégument n'est pas inférieur à 40.
1:.
r'

?
1'( II.YSACCHARIDES HÉTÉROGÈNES 123

Composition. De nombreux éléments ont été identifiés dans la graine: protéines,


lipides (5-10 %), stérols, triterpènes, aucuboside. La teneur en mucilage, importante,
peut atteindre 30 %. Ce mucilage, localisé dans l'envelppe de la graine, est
IIHljoritairement constitué (85 %) d'une fraction polysaccharidique arabinoxylanique
soluble où domine le D-xylose. L'ossature du polymère est un xylane où se côtoient,
salis régularité apparente dans leur distribution, des liaisons 1->3 et 1->4. Les oses
dl' l'ette chaîne principale sont substitués, en C-2 ou C-3, par du L-arabinose, du D-
xylose et par de l'a-D-galacturonyl-(l- >2)-L-rhamnose .

• GRAND PLANTAIN, P. major L.


PLANTAIN LANCÉOLÉ, P. lanceolata L.
Le plantain lancéolé est constitué par lafeuille séchée, entière ou fragmentée, et la
hampe florale de P.lanceolata L. s. 1. Il contient au moins 1,5 % de dérivés totaux de
l'acide o-dihydroxycinnamique, exprimés en actéoside (Ph. eur., 6c éd., [01/2008:1884]).

La plante, lafeuille. Le plantain lancéolé est une plante vivace à feuilles en rosette,
il limbe aigu au sommet et rétréci à la base en un pétiole grêle (P. lanceolata). Les épis
Ilorifères, cylindriques ou ovoïdes, sont portés par des tiges non ramifiées.
La feuille, lancéolée, peut mesurer jusqu'à 30 cm de longueur et 4 cm de largeur. Le
limbe, atténué à la base en un pétiole en forme de gouttière, présente 3, 5 ou 7 nervures
principales, sensiblement parallèles, saillantes à la face inférieure, de couleur vert-
blanc. La poudre de feuilles, examinée au microscope (hydrate de chloral), présente des
poils tecteurs coniques unisériés, multicellulaires. Leur cellule basale est plus large que
les autres cellules épidermiques. Elle est suivie d'une cellule courte puis d'au moins
deux cellules longues à paroi épaisse, à lumen étroit et irrégulier présentant des
occlusions conférant au poil une apparence articulée puis d'une cellule terminale à apex
pointu. La feuille ne doit pas contenir plus de 5 % de feuilles de couleur différente. On
doit s'assurer, par CCM d'un extrait hydro-méthanolique, de l'absence de Digitalis
lanata et doser (colorimétriquement) les dérivés cinnamiques totaux.

La feuille de grand plantain est constituée par lafeuille séchée de P. major. Elle
contient au moins 0,2 % d'aucuboside, déterminé par CLHP (Ph. fse, 10c éd.).
Les sous-espèces communes du grand plantain (subsp. major et subsp. intermedia
(OC.) Arcangeli, cf. Flora Europea) sont des plantes vivaces à feuilles en rosette à limbe
ovale, sinué, brusquement rétréci en un pétiole ailé (P. major), elliptique
(P. intermedia) ou lancéolé. L'examen microscopique révèle, entre autres, la présence
de poils de deux types: les poils tecteurs, pluricellulaires, sont longs (200 /lm); les poils
sécréteurs ont un pied unicellulaire et une tête bicellulaire (30 /lm).

Composition chimique. La composition chimique des différentes espèces n'est pas


connue avec précision. La feuille du grand plantain renferme des iridoïdes et des
composés phénoliques : flavonoïdes, acides-phénols et esters hétérosidiques phénylpro-
paniques (verbascoside, plantamajoside = purpureaside A). Les données bibliogra-
124 GLUCIDES

phiques disponibles sur P. lanceolata montrent que sa composition est assez


semblable: iridoïdes (aucuboside [0,3-2,5 %], catalpol [0,3-2,1 %], actéoside,
isoactéoside), flavonoïdes, acides-phénols et mucilage (6-7 %) riche en D-galactose, en
L-arabinose et contenant près de 40 % d'acides uroniques. Les graines de P. major
fournissent un mucilage voisin de celui des autres espèces du genre (arabinoxylane
riche en acides uroniques).

Pharmacologie. La pharmacologie de ces espèces reste a peu près inexplorée. On


peut cependant remarquer: IOle rôle protecteur et rétenteur d'eau de l'hydrocolloïde et,
2 le rôle éventuel des iridoïdes dans une activité anti-inflammatoire (l'actéoside et le
0
,

plantamajoside sont, in vitro, des inhibiteurs de la 5-lipoxygénase). L'activité anti-


inflammatoire de l'aucuboside est objectivée in vivo (œdème aux carraghénanes de la
patte du Rat). Les extraits aqueux ou hydro-alcooliques du plantain lancéolé sont
antibactériens in vitro, et l'extrait fluide antispasmodique. Les composés phénoliques
du grand plantain exercent, in vitro, des propriétés antivirales. Les préparations à base
de plantain (lancéolé) n'ont été que très peu évaluées en clinique. Un essai sans placebo
a constaté une activité antitussive et expectorante.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour lafeuille de plantain (espèce non précisée), les
0
indications thérapeutiques suivantes (voie locale) : traditionnellement utilisé 1 comme
traitement d'appoint adoucissant et antiprurigineux des affections dermatologiques,
comme trophique protecteur dans le traitement des crevasses, écorchures, gerçures et
0
contre les piqûres d'insectes; 2 en cas d'irritation ou de gêne oculaire due à des causes
diverses (atmosphère enfumée, effort visuel soutenu, bains de mer ou de piscine, etc. Au-
cune évaluation toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un dossier « abré-
gé » d'AMM (poudre, feuille pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques de
titre faible). Extraits de titre fort et teinture ne sont pas utilisés de façon traditionnelle.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
le plantain lancéolé (parties aériennes) est utilisé par voie orale en cas d'encombrement
des voies respiratoires, d'états inflammatoires des muqueuses de la bouche et du
pharynx. Il est aussi utilisé localement, en cas d'inflammation cutanée. Posologie (voie
orale) : de 3 g à 6 g par jour.

B. Polysaccharides des Malvales

Les espèces végétales réparties dans les différentes familles qui constituent cet ordre
des Dillenidae renferment très souvent des cellules ou des canaux mucilagineux. La
pharmacie et la phytothérapie utilisent très couramment des Malvaceae (mauve,
guimauve [Malvoideae], tilleuls [Tilioideae], gomme karaya [Sterculioideae]), mais leur
intérêt n'est pas toujours lié aux polysaccarides (ex. : Theobroma [Byttnerioideae]). Les
autres familles de l'ordre n'ont, en termes d'applications pharmaceutiques ou
industrielles, qu'un intérêt limité, pas forcément lié aux polysaccharides: Bixaceae
(rocouyer [cf. caroténoïdes], gomme kutira), Cistaceae, Elreocarpaceae, etc.
l'()L YSACCHARIDES HÉTÉROGÈNES 125

• MAUVE, Malva sylvestris L.,


GUIMAUVE, Althœa officinalis L., Malvaceae

La feuille de guimauve séchée, entière ou coupée, ainsi que la racine de


guimauve, séchée, mondée ou non, entière ou fragmentée sont décrites par la 6' édition
de la Pharmacopée européenne (respectivement: 0112008:1856 et 01/2008:1126).
La fleur de mauve séchée, entière ou fragmentée, ainsi que la feuille de mauve
séchée, entière ou fragmentée de Malva sylvestris sont également décrites par cette
Pharmacopée (respectivement 6e éd. - 6.0, [0112008:1541] et 6.3, [01/2009:2391). Dans
le cas de la fleur, il est précisé qu'elle provient de M. sylvestris ou de ses variétés
cultivées. Dans celui de la feuille, elle peut provenir de M. sylvestris, de M. neglecta
Wallr. ou d'un mélange des 2 espèces.

Les plantes, les parties utilisées


• La guimauve est une grande (0,6-1,2 m) herbe vivace à fleurs pentamères,
comportant un calicule à 6-9 divisions soudées à la base, plus court que le calice. La
l'oroBe compte cinq pétales blanc rosé émarginés au sommet; les étamines, nom-
hrcuses, sont soudées par leur filet. L'espèce est spontanée dans toute l'Europe,
principalement dans les lieux humides de la façade atlantique.
Les feuilles, longuement pétiolées, ont un limbe cordiforme à ovale avec 3 à 5 lobes
peu profonds; la nervation est palmée. Les pétioles et les 2 faces du limbe sont vert-gris
cl intensément pubescents.
La racine non mondée se présente en bâtons cylindriques, légèrement tordus,
hlanchâtres, profondément sillonés. D'une épaisseur atteignant 2 cm, cette racine
présente, en coupe, un cambium brunâtre bien distinct entre une écorce blanchâtre et un
bois blanc. La surface externe de la racine mondée est finement fibreuse,blanc-gris.
L'examen microscopique de la poudre de feuille (hydrate de chloral) révèle
principalement la présence de très nombreux poils tecteurs unicellulaires, longs, rigides,
pointus à l'apex, anguleux et ponctués à la base où ils sont parfois unis pour former une
structure étoilée pouvant comporter jusqu'à 8 éléments. En présence de rouge de
ruthénium, on distingue, teinté en orange, le mucilage contenu dans le tissu
parenchymateux. La racine pulvérisée, examinée dans l'eau, montre de nombreux
grains d'amidon, parfois à hile longitudinal (3-25 flm). La feuille ne contient pas plus
de 4 % de feuilles parasitées présentant des ponctuations rouges et pas plus de 2 %
d'autres éléments étrangers. Indice de gonflement : ~ 12. La racine ne contient pas plus
de 2 % d'éléments présentant une altération brune. Indice de gonflement : ~ 10.

• Comme la précédente, la mauve est une plante commune. Elle colonise talus et
hords des chemins de presque toute l'Europe. C'est une espèce assez polymorphe,
voisine de la précédente, à tiges peu rameuses. Éventuellement pérenne par des
hourgeons souterrains, elle est plus petite que la guimauve.
Les feuilles de mauve ont 3-7 lobes (sylvestris) ou 5-7 lobes indistincts (neglecta), à
hords dentés, à long pétiole discrètement sillonné et à limbe à pilosité plus importante
sur la face inférieure, à nervures de la face supérieure éventuellement violacées. Les
l'cuilles de M. sylvestris sont plus grandes (12 x 15 cm) que celles de M. neglecta (9 x
j
GLUCIDES
1
126
1
i
9 cm). La poudre (hydrate de chloral) présente des fragments de poils tecteurs effilés en
1
pointe, unicellulaires ou plus rarement en bouquets, fortement ponctués à la base (M. i
sylvestris) et des poils glanduleux en massue à 2-4 cellules (dans les 2 espèces).
Les fleurs, à calicule réduit à 3 pièces libres, ont des sépales triangulaires,
j
pubescents, soudés à la base et des pétales cunéiformes, échancrés sur leur bord
supérieur, violacés et veinés de pourpre. Le tube staminal est couvert de petits poils en 1
ij
étoile. Les carpelles ridés, rangés en cercle autour du style, sont cachés par le tube
staminal. Chez les variétés cultivées, le nombre des pièces varie de 3 à 7 (calicule), de 5 ~
à 8 (calice) et de 5 à 10 (corolle). Les poils tecteurs groupés par 2-6 en étoile (ou isolés)
ainsi que des poils sécréteurs en massue sont visibles dans la fleur pulvérisée (hydrate
de chloral). On y repère aussi des grains de pollen à exine grossièrement échinulée.
L'analyse en CCM des anthocyanosides (fleur) ou des flavonoïdes (feuille) confirme
l'identification; l'indice de gonflement n'est pas inférieur à 15 (fleur) ou à 7 (feuille).
La feuille de mauve contient au maximum 5 % de feuilles portant des pustules rouges
ou brunes remplies de spores oblongues ou ovales de Puccinia malvacearum.

Composition chimique.
• Tous les organes de la guimauve renferment du mucilage. Dans le cas des
racines, il s'agit d'une structure fortement ramifiée composée de D-galactose, de L-
rhamnose et d'acides D-glucuronique et D-galacturonique. Globalement, les
polysaccharides des Malvaceae présentent une parenté structurale importante avec les
polysaccharides pectiques: chaîne rhamnogalacturonique, ramifications par des acides
uroniques et du galactose.
Les racines, comme d'ailleurs les feuilles et les fleurs, renferment des flavonoïdes
(O-glucoside en C-8 de l'hypolaetine, sel de potassium du O-glucoside en C-8 de
l'éther méthylique en C-4' de l'isoscutellaréine-sulfate). On y a également caractérisé
des acides-phénols et du scopolétol.
• Si l'on connaît assez bien la structure des polysaccharides et des glucuronates de
flavones et de flavonols présents dans les feuilles de la mauve - ce sont, comme chez
la guimauve, des dérivés 5,7 ,8-trisubstitués sur le cycle A -, on ne sait que peu de
choses sur la composition des fleurs: flavonoïdes, anthocyanosides (dont certains sont
zwittérioniques), polysaccharides.

Pharmacologie, évaluation clinique. La pharmacologie de ces espèces est très mal


connue. Il semble que les seules données publiées concernent les propriétés immuno-
stimulantes, étudiées in vitro et chez la Souris, de la fraction polysaccharidique de la
racine de guimauve. Cette fraction inhibe la toux réflexe provoquée par un stimulus
mécanique chez le Chat. L'extrait aqueux est faiblement anti-inflammatoire par voie
locale (Lapin, irritation UV- ou chimio-induite). Le mucilage, en couvrant les
muqueuses oro-pharyngées, les protégerait de l'irritation locale. On ne dispose pas de
preuves de l'intérêt, en clinique, de la mauve et de la guimauve.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour lafeuille, lafleur et la racine de guimauve, ainsi
que pour la fleur et lafeuille de mauve, les indications thérapeutiques suivantes (voie
1'( li. YSACCHARIDES HÉTÉROGÈNES 127

urale) : 1° traitement symptomatique de la constipation; 2° traditionnellement utilisé


l'omme traitement adjuvant de la composante douloureuse des troubles fonctionnels
digestifs; 3° traditionnellement utilisé dans le traitement symptomatique de la toux. Par
voie locale, deux indications sont admises: traditionnellement utilisé 1° comme
lraitement d'appoint adoucissant et antiprurigineux des affections dermatologiques,
comme trophique protecteur dans le traitement des crevasses, écorchures, gerçures et
contre les piqûres d'insectes; 2° comme antalgique dans les affections de la cavité
buccale et/ou du pharynx (collutoire, pastille). Feuille et fleur de mauve peuvent aussi
être traditionnellement utilisés par voie locale en cas d'irritation ou de gêne oculaire
due à des causes diverses (atmosphère enfumée, effort visuel soutenu, bains de mer ou
de piscine, etc.). Si le phytomédicament à base de feuille ou de fleur de guimauve ou de
mauve est une poudre, le dossier « abrégé» d'AMM doit comporter une étude
toxicologique allégée. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée pour les
feuilles ou fleurs pour tisane, les extraits aqueux et les extraits hydro-alcooliques de
titre faible. Aucune évaluation toxicologique n'est exigée pour la poudre de racine de
guimauve. Extraits de titre fort et teinture ne sont pas utilisés de façon traditionnelle.
1-leurs de mauve et de guimauve entrent dans la composition des espèces pectorales 6 .
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
lafeuille et lafleur de mauve, ainsi que lafeuille et la racine de guimauve sont utilisées
en cas d'irritation des muqueuses de la bouche et de la gorge et de toux sèche associée.
La racine de guimauve est également utilisée en cas d'inflammation modérée de la
Illuqueuse gastrique. Posologie: feuille, fleur (mauve, guimauve), 5 g par jour; racine
(guimauve), 6 g par jour. Sirop de racine de guimauve, 10 g par jour.
Au niveau européen, le projet de monographie communautaire élaborée par l' HMPC
pour la racine de guimauve retient les mêmes indications que la Commission E et

6. «Les espèces sont destinées à préparer des infusés, des décoctés ou d'autres préparations
IlIzalogues. Elles sont obtenues par mélange de plantes ou parties de plantes desséchées, mondées,
illcisées ou concassées, puis dépoussiérées. Des sels sont parfois ajoutés. La préparation doit présenter
/Ille homogénéité suffisante. » Les espèces pectorales sont constituées par un mélange à masses égales
dc capitules de pied de chat et de tussilage, de fleurs de violette, de mauve et de guimauve, de pétales
de coquelicot et de corolles de bouillon blanc. On ne sait presque rien du pied de chat (Antennaria
dioÎca Gaertn. = Gnaphalium dioicum L., Asteraceae) en dehors du fait qu'il renferme des flavonoïdes
banals, qu'il stimule l'activité phagocytaire du système réticulo-endothélial et qu'il peut revendiquer
une utilisation (traditionnelle) dans le traitement symptomatique de la toux (voie orale) et comme
antalgique dans les affections de la cavité buccale et/ou de l'oropharynx (collutoire, pastille). Le
tussilage est considéré par certains auteurs comme plante à mucilage, c'est aussi une plante à alcaloïdes
(LI pyrrolizidines, p. 995). La violette (fleur séchée de Viola lutea Huds. [violette d'Auvergne], V.
ca/carata L. [violette des Alpes] ou V. odorata L. [violette odorante], Violaceae) est traditionnel-
lement utilisée dans le traitement symptomatique de la toux et comme traitement d'appoint adoucissant
ct antipmrigineux par voie externe. Le coquelicot renferme des traces d'alcaloïdes (LI isoquinoléines,
p. 1071). La fleur de bouillon blanc (Verbascum thapsus L., V. densiflorum Berto!. [= V. thapsiforme
Schrad] et V. phlomoides L., Scrophulariaceae, Ph. eur., 6' éd., [01/2008:1853]) est difficile à classer;
les indications qu'elle peut revendiquer (les mêmes que celles de la mauve ou de la guimauve, plus
l'utilisation en bains de bouche) incitent à la considérer ici pour son mucilage. Les fleurs renferment
effectivement 3 % environ de polysaccharides constitués d'acides uroniques, de galactose, d'arabinose.
Elles renferment également des flavonoïdes, des esters osidiques phénylpropaniques, des saponosides,
des iridoïdes (aucuboside, catalpol et dérivés), des lignanes hétérosidiques [EMEAlHMPC/395213/2007].
Tiliia cordata Mill.
1'( li, YSACCHARIDES HÉTÉROGÈNES 129

propose la posologie suivante (adultes et enfants de plus de 12 ans) : racine, de 0,5 à 3 g


plusieurs fois par jour avec un maximum de 15 g; extrait (1:19,5-23,5), 5 ml de 3 à 6
rois par jour; sirop (2-6,5 gllOO ml), de 2 à 10 ml 3 fois par jour (pour plus de détails
sur le projet, voir la réf. EMEAlHMPC/98717/2008, 3 juillet 2008).

ROSE TRÉMIERE, Althœa rosea L. Cette autre Malvaceae, surtout utilisée à des fins
ornementales, peut, en France, revendiquer les mêmes indications (fleur, feuille, voie
orale et voie locale) que la guimauve (sauf le traitement symptomatique de la constipa-
lion), avec les mêmes contraintes en ce qui concerne le dossier d'AMM. En Allemagne,
la Commission E du BfArM a estimé que l'efficacité de la rose trémière dans les usages
revendiqués n'était pas démontrée et, qu'en conséquence, elle ne pouvait pas en
recommander l'utilisation à des fins thérapeutiques .

• TILLEUL, Tilia cordata Mill., T. platiphyllos Scop.,


T. x vulgaris Heyne, Malvaceae

La fleur de tilleul est constituée par l'inflorescence entière séchée de Tilia cordata,
de Tilia platiphyllos, de Tilia x vulgaris ou d'un mélange (Ph. eur., 6c éd., [01/2008:
0957]).

Depuis longtemps en vente libre, fleurs et bractées servent à préparer des infusions
qui seraient légèrement sédatives. La pharmacie utilise aussi l'aubier de tilleul défini
comme étant « l'écorce partiellement privée de suber [ ...] réduite en fragments de taille
variable [ ...] elle correspond à l'écorce détachable avec le bois de l'année, c'est-à-dire la
zone où circule la sève, délimitée à l'extérieur par le suber et à l'intérieur par le bois
ancien» (Ph. fse, 10c éd.). La monographie précise que cet aubier peut provenir des
trois espèces citées en titre ainsi que de T. sylvestris Desf. 7

La plante. La taxonomie du genre est délicate et encombrée par des synonymies


nombreuses et des descriptions d'espèces et de variétés sans objet: ce ne sont souvent
que des hybrides, toutes les espèces européennes étant interfertiles. Les espèces les plus
courantes sont:
• le tilleul à petites feuilles, T. corda ta Miller (= T. parvifolia Ehrh. ex Hofm.) ;
• le tilleul à grandes feuilles, T. platiphyllos Scop., pour lequel la Flora Europea [2,
247-248] décrit trois sous-espèces: subsp.platiphyllos, subsp. cordifolia (Besser) C.K.
Schneider et subsp. pseudorubra C.K. Schneider;
• l'hybride des précédents: T. x vulgaris Hayne (= T. x europaea L. = T. intermedia
Oc. =tilleul de Hollande).
Une autre espèce, le tilleul d'Italie (T. tomentosa Moench = T. argentea DC.), est
également fréquente, mais doit être écartée pour un usage médicinal (ses fleurs, comme
celles de T. americana L., sont hexamères).

7. Habituellement considéré comme synonyme de T. cordata Miller; cf. inter alia, Rameau, J.-C.
et al. (1989). Flore forestière francaise, 2, 771, IDF, Ministère de l'Agriculture et de la Forêt, Paris.
130 GLUCIDES

Les tilleuls sont de grands arbres à écorce grise et lisse, à feuilles cordiformes à la
base et brusquement acuminées, plus petites (3-9 cm) chez T. cordata que chez
T. platiphyllos (6-9 [12] cm).

L'inflorescence. Les fleurs, pentamères et agréablement parfumées, sont groupées


en cymes de 2 à 7 (16) fleurs. Les fleurs ont des sépales facilement détachables du
périanthe, velus sur leur face supérieure et cinq pétales spatulés, minces, finement
nervurés. Les étamines, libres, sont généralement réunies en 5 groupes. L'axe de
l'inflorescence comporte une bractée linguiforme membraneuse, vert-jaune, qui lui est
soudée jusqu'à environ la moitié de sa nervure médiane. Le fruit est une petite capsule
indéhiscente de 6-8(10) mm.
L'examen au microscope des différentes parties de l'inflorescence met en évidence
des éléments caractéristiques des épidermes de la bractée, du parenchyme et de
l'épiderme des pièces florales et les grains de pollen. Les fleurs hexamères ne sont
présentes qu'exceptionnellement (T. americana L., T. tomentosa Moench) et l'on ne doit
pas trouver d'inflorescences dont la face abaxiale (c'est-à-dire ventrale) de la bractée
porte des poils tecteurs en étoile à 5-8 éléments et dont la corolle paraît doublée par des
staminodes pétaliformes.

Composition chimique. Les inflorescences de tilleul sont riches en composés


phénoliques : acides-phénols, proanthocyanidols (B-2, B-4), tanins et, surtout,
flavonoïdes (1 % : quercitroside, tiliroside [p-coumaroyl-6"-glucosyl-3-kaempférol],
hypéroside, rhamnosyl-7-kaempférol, etc). Leur odeur est liée à une faible teneur en
huile essentielle dont la composition varie selon la localisation : celle des bractées est
riche en phénylacétaldéhyde et autres aldéhydes alors que dans celle des fleurs ce sont
les carbures monoterpéniques qui prédominent. Les deux renferment des mono- et
sesquiterpènes oxygénés (linalol, géraniol, famésollibres et acétylés, camphre, carvone,
cinéole), des alcools aromatiques (phényléthanol, alcool benzylique), des phénols et des
alcanes. L'inflorescence renferme également un mucilage constitué de cinq fractions où
prédominent D-galactose, L-arabinose, L-rhamnose et acides uroniques.
La composition de l'aubier de tilleul est assez mal connue (acides phénols, tanins,
fraxoside, esculoside, acides aminés, etc.); plusieurs auteurs rapportent, sans référencer
leurs sources, la présence de phloroglucinol. L'aubier officinal contient entre 1,5 et 7 %
de polyphénols totaux déterminés sur une décoction par mesure de l'absorbance après
réaction avec l'acide phosphomolybdique.

Pharmacologie. Les potentialités pharmacologiques de l'inflorescence ne semblent


pas avoir retenu spécialement l'attention des pharmacologues : certains alcools
terpéniques seraient spasmolytiques et sédatifs (mais ils ne semblent pas présents dans
tous les lots étudiés). Le tilleul n'a pas fait l'objet d'une véritable évaluation clinique.
L'aubier a fait l'objet de travaux expérimentaux au début des années 1960: c'est un
spasmolytique musculotrope (duodénum de Cobaye), un anti-sérotonine, un diurétique,
un hypotenseur. Chez l'Homme, quelques observations ont souligné le possible intérêt
des préparations d'aubier en cas de dyskinésie biliaire. Cela n'a pas été confirmé par
des essais cliniques rigoureux.
l'( H,YSACCHARIDES HÉTÉROGÈNES 131

Emplois. Les inflorescences de tilleul, comme un certain nombre d'autres plantes


dites médicinales et en vente libre, sont essentiellement employées pour la préparation
de « boissons hygiéniques et de confort ».
En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet qu'il est
possible de revendiquer, pour l'inflorescence de tilleul, l'indication thérapeutique
suivante (voie orale) : traditionnellement utilisé dans le traitement symptomatique des
(:tats neurotoniques des adultes et des enfants, notamment en cas de troubles mineurs du
sommeil. Une autre indication est autorisée, par voie locale: traditionnellement utilisé
comme traitement d'appoint adoucissant et antiprurigineux des affections
dermatologiques, comme trophique protecteur dans le traitement des crevasses,
écorchures, gerçures et contre les piqûres d'insectes. Aucune évaluation toxicologique
n'est demandée pour la constitution d'un dossier« abrégé» d'AMM (poudre, inflores-
cence pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM considère
que le tilleul est un diaphorétique, c'est-à-dire qu'il facilite les sécrétions d'humeurs
(litt. : porter à travers). Elle précise que l'inflorescence de tilleul est utilisée en cas de
rhume et de toux liée au rhume. Posologie: de 2 à 4 g par jour.
Selon la Note explicative, il est possible de revendiquer, pour l'aubier de tilleul, les
indications thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 1° pour
faciliter les fonctions d'élimination urinaire et digestive; 2° comme cholérétique ou
cholagogue; 3° pour favoriser l'élimination rénale d'eau. Si le phytomédicament à base
li' aubier est une poudre d'aubier, le dossier « abrégé» d' AMM doit comporter une
étude toxicologique allégée. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée dans les
autres cas (aubier pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en
soit le titre).
En Allemagne, la Commission E du BfArM a estimé que l'efficacité de l'aubier de
tilleul dans les usages revendiqués n'était pas démontrée et, qu'en conséquence, elle ne
pouvait pas en recommander l'utilisation à des fins thérapeutiques.

C. Autres plantes à « mucilages»

.LIN, Linum usitatissimum L., Linaceae

La graine de lin est constituée par les graines mûres et sèches de L. usitatissimum
(ph. eur., 6' éd., [0112008:0095]).

La plante. Le lin est une herbe annuelle dressée à feuilles simples, alternes,
lancéolées. Les fleurs pentamères à pétales bleus sont solitaires, portées par des
ramifications grêles de la tige. Le fruit est une capsule à dix loges monoséminées.
Cultivé très tôt en Europe pour ses variétés « à fibres », le lin est maintenant largement
cultivé pour ses variétés à tiges ramifiées polyflores plus courtes et moins sensibles à la
verse, dites variétés « à graines », au Canada - premier producteur et exportateur du
monde -, en Chine, aux États-Unis d'Amérique, en Inde, etc. En 2005, la production
mondiale de graines s'établissait à 2,7 millions de tonnes. En France, la culture du lin à
132 GLUCIDES

fibres occupait 76000 ha en 2003, principalement en Haute-Normandie, celle du lin


oléagineux environ 5500 ha.

La graine. La graine de lin est allongée, ovoïde, aplatie (4-6 x 2-3 x 1,5-2 mm),
arrondie à l'une de ses extrémités, pointue à l'autre. Son tégument est brun-rouge foncé
ou jaune, lisse et brillant, finement ponctué en surface (loupe). Le hile forme une légère
dépression près de l'extrémité en pointe.
Réduite en poudre et observée au microscope (hydrate de chloral), la graine
présente des cellules du tégument externe, des cellules collenchymateuses arrondies
associées à une assise de cellules scléreuses allongées, des cellules polygonales
pigmentées en orange brun, du parenchyme de l'albumen et des cotylédons renfermant
grains d'aleurone et gouttelettes d'huile. La graine ne contient pas plus de 10 % de
graines mates. Son indice de gonflement est supérieur à 4 (ou supérieur à 4,5 dans le cas
de la graine pulvérisée).

Composition chimique. La composition de la graine s'établit ainsi: huile (35-


45 %), protéines (20-25 %), mucilage (jusqu'à 10 %); on note la présence d'hétérosides
cyanogènes (linustatine, néolinustatine, traces de linamaroside), de glucosides de
lignanes (sécoisolaricirésinol, matairésinol) et de glucosides phénylpropaniques. Le
mucilage peut être fractionné en une fraction neutre - c'est un arabinoxylane ramifié
composé de D-xylose, de L-arabinose, de D-glucose et de D-galactose - et une
fraction acide principalement composée de L-rhamnose et d'acide D-galacturonique.
L'huile de lin est une huile très insaturée, d'où la mauvaise conservation des graines
broyées. Sur l'huile (Ph. eur., 6' éd., [01/2008: 1908]), voir p. 163.

Pharmacologie. Les polysaccharides de la graine de lin gonflent au contact de l'eau


en formant un gel volumineux qui augmente la masse, le degré d'humidité et l'acidité du
bol fécal, stimule le péristaltisme et facilite l'exonération. En recouvrant la muqueuse
intestinale, ils la protégeraient en cas de processus inflammatoire. Les incidences
hormonales observées au cours du cycle menstruel chez des femmes consommant
quotidiennement des graines de lin ont été attribuées à des phyto-œstrogènes :
l'entérodiol et l'entérolactone. Ceux-ci sont issus de la dégradation, par la flore du côlon,
des glucosides du sécoisolaricirésinol et du matairésinol. Ces lignanes exercent, au
moins expérimentalement chez l'animal, des effets œstrogéniques et un effet anti-
tumoral (ex. : réduction de la tumorigenèse induite par le benzanthracène) pour lequel
plusieurs mécanismes ont été envisagés (cf entérolignanes, p. 330).

Toxicité, effets indésirables. La graine de lin n'est pas toxique. Sous réserve que la
prise de graines soit accompagnée de celle d'un grand volume d'eau, on ne note pas
d'effet indésirable particulier en dehors d'une possibilité de météorisme. Consommées
sans eau, elles exposent à un risque de bézoard. Des cas, très rares, de réactions
allergiques ont été signalés. Il n'a jamais été rapporté de symptomatologie liée aux
hétérosides cyanogènes, même à dose massive. L'usage régulier conduit à une accumu-
lation de thiocyanates dans le sang identique à celle que l'on obserrve chez les gros
fumeurs. La mutagénicité et cancérogénicité de la graine n'ont pas été étudiées.
1'( li ,YSACCHARIDES HÉTÉROGÈNES 133

Évaluation clinique. Alors que certaines études cliniques de petite taille semblaient
illdiquer que la consommation de graines de lin pouvait avoir une incidence bénéfique
sur la cholestérolémie et le bilan lipidique, les essais comparatifs les plus récents ont
l"Ollduit à des résultats contradictoires. Il n'a pas été rapporté non plus d'effet significatif
sllr la glycémie. Un essai randomisé versus placebo (germe de blé) en double aveugle a
Illontré l'absence d'effets sur la densité minérale osseuse de la supplémentation (40 g/j).
Âu cours de cet essai, il n'a pas non plus été observé d'effet différent de celui du
placebo sur les symptômes vasomoteurs de la ménopause alors qu'un petit essai croisé
IIntérieur en avait constaté un. Aucune donnée clinique n'est disponible pour confirmer
ou infirmer le rôle éventuel du lin dans la prévention de cancers.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


l(u' il est possible de revendiquer, pour la graine de lin, l'indication thérapeutique
suivante (voie orale) : «traitement symptomatique de la constipation ». Aucune évalua-
lion toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un dossier« abrégé» d'AMM
(poudre, graine pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques de titre faible).
l ':xtraits de titre fort et teinture ne sont pas utilisés de façon traditionnelle. Comme pour
lous les autres laxatifs ayant un effet de lest, une information précise du corps médical
el du public doit être prévue (voir p. 119). Traditionnellement, la médecine populaire
mélange poudre de graines de lin (farine de lin) et poudre de graines de moutarde pour
l:onfectionner des cataplasmes (révulsifs à défaut d'être efficaces). Les graines ne
peuvent se conserver qu'entières. Broyées, elles rancissent rapidement.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que la
~raine de lin est utilisée en cas de constipation chronique, de côlon irrité par un abus de
laxatif ou de côlon irritable, de diverticulite et, comme mucilage, en cas de gastrite ou
d'entérite. Posologie: une cuillerée à soupe de graines entières ou contusées 2 ou 3 fois
par jour, avec 150 ml d'eau. Toute situation pouvant conduire à une obstruction
intestinale constitue une contre-indication. Par voie externe, la « farine» (30 à 50 g de
graines broyées) peut être utilisée en cataplasme ou compresse.
Au niveau européen, la monographie communautaire élaborée par l' HMPC précise
que le traitement de la constipation est un usage bien établi. La posologie est fixée, pour
l'adulte et l'adolescent de plus de 12 ans, à 10 à 15 g de graines dans 150 ml de liquide
(eau, lait, etc.), 2 ou 3 fois par jour. La prise des graines doit intervenir de 30 à 60
minutes avant ou après la prise d'un autre médicament et en aucun cas avant le coucher.
Une modification soudaine et persistante du transit, des saignements, l'absence d'effet
laxatif, une occlusion intestinale ou une affection ceesophagienne constituent des contre
indications à l'usage de la graine de lin, La persistance des symptômes au-delà de 3
jours doit conduire à consulter un médecin ou un pharmacien. L'utilisation de la graine
de lin n'est pas recommandée chez l'enfant de moins de 12 ans, ainsi que chez la
femme enceinte ou allaitante ou atteinte d'un cancer hormonodépendant (réf. :
EMEA/HMPC/340849/2005, 26 octobre 2006)

Lin et alimentation. La présence d'hétérosides cyanogènes n'interdit pas la


consommation des graines. Si celles-ci ne constituent pas un aliment, elle peuvent, sous
réserve que leur teneur ne dépasse pas 5 %, être incorporées dans les pains spéciaux et
134 GLUCIDES

les crackers. Le Conseil supérieur d'hygiène publique de France a en effet estimé que,
dans ces conditions, elles ne présentaient pas d'effets néfastes sur la santé.
L'incorporation de graines ou autres produits du lin à la ration alimentaire des
animaux permet d'obtenir des produits alimentaires (œufs, viandes, poissons) enrichis
en acides gras polyinsaturés de la série oméga-3.

Fibres de lin. Pour mémoire, rappelons que les fibres, traditionnellement obtenues
par rouissage (c'est-à-dire par fermentation en andains pendant trois à huit semaines, ce
qui dégrade les hémicelluloses) et teillage (c'est-à-dire broyage et séparation des fibres)
sont ensuite blanchies pour augmenter leur teneur en cellulose et utilisées par l'industrie
textile ainsi que pour l'obtention des fils chirurgicaux non résorbales stériles (Ph. eur.,
6c éd., [0112008-0324] et pour usage vétérinaire [0112008:0608]). Selon leur longueur,
les fibres peuvent être utilisées pour le tissage ou pour des produits variés (bourrage,
garnitures, tapis, etc.). Le lin est également utilisé pour la fabrication de certains papiers .

• COGNASSIER , Cydonia vulgaris L., Rosaceae

Les graines de cet arbre cultivé fournissent un mucilage employé dans la


formulation de produits cosmétiques. Les fruits sont comestibles; ils passent pour
exercer un effet antidiarrhéique dû à la présence de tanins.

5. PECTINES, POLYSACCHARIDES PECTIQUES

Généralités. Les substances pectiques peuvent être définies comme un groupe de


polymères construits autour de résidus a-galacturoniques liés en 1->4 associés à
d'autres sucres. Ce sont des glycanogalacturonanes, la nature des sucres liés au galactu-
ronane variant selon l'origine botanique. La structure du polymère varie aussi, pour une
même source, selon le stade de croissance. Les polysaccharides pectiques sont
principalement localisés dans la lamelle moyenne de la paroi des cellules végétales
(sauf chez les Poaceae) où ils sont associés à la cellulose et aux hémicelluloses par des
liaisons dont la nature reste à préciser. Ces polymères sont particulièrement abondants
dans les fruits charnus immatures: d'abord insolubles et assurant une certaine rigidité
aux tissus, ils sont ensuite dégradés en sucres et en acides au cours du mûrissement
(mais cette dégradation ne serait que l'un des mécanismes qui conduisent au
ramollissement des tissus).
Commercialement et traditionnellement, on distingue les acides pectiques dont les
fonctions carboxyliques ne sont pas (ou très peu) méthylées; leurs sels sont les pectates.
Le terme d'acide pectinique (comme celui de pectinates) est réservé aux dérivés
partiellement méthylés. En pratique, on utilisera surtout une classification des pectines
en fonction de leur degré de méthylation (DM, on dit aussi DE, pour degré
d'estérification). Le DM des acides pectiques est inférieur à S,jusqu'à un DM de 50 on
parle de pectines faiblement méthylées et, au-delà de 50, de pectines hautement
méthylées. Les pectines, comme la majorité des polysaccharides, sont polymoléculaires
1'( >l, YSACCHARIDES HÉTÉROGÈNES 135

polydispersées, Leur structure et, par voie de conséquence, leurs propriétés dépen-
l'I
dent de la source, des procédés d'isolement et des traitements postérieurs à l'extraction,

Structure des polysaccharides pectiques. Les pectines sont des polysaccharides


complexes qui contiennent des acides a-D-galacturoniques liés 1->4, Trois
polymères pectiques principaux ont été caractérisés:
• Le premier est un homogalacturonane linéaire dans lequel certains groupes
carboxyliques de l'acide galacturonique sont méthylés, Il peut aussi être partiellement
O-acétylé en C-2 ou C-3, Les deux autres polymères pectiques sont des rhamno-
galacturonanes :
• la chaîne principale du rhamnogalacturonane 1 (RG-l) est formée par la répétition
du motif [->4)- a-D-GalpA-(l->2)-~-L-Rhap-(I->]. Les acides galacturoniques
peuvent être O-acétylés en C-2 ou C-3. De 20 à 80 % des rhamnoses sont substituées en
( '-4 par des chaînes oligosaccharidiques linéaires ou ramifiées, riches en arabinose et en
galactose, neutres ou acides;
• le rhamnogalacturonane II (RG-II) possède une chaîne principale polygalactu-
ronique 1->4. Des octa- ou nonasaccharides sont fixés sur les carbones C-2 de
œrtains acides galacturoniques. Des disaccharides peuvent, eux, être fixés en C-3
D'autres galacturonanes ont été décrits dans certaines espèces végétales (ex. :
xy logalacturonanes, apiogalacturonanes).

Obtention des pectines, L'extraction des pectines se fait, dans l'industrie, à partir de
déchets de citrons (2,5-4 % de la masse de la pulpe fraîche) et de pommes (0,5-1,6 % de
la masse fraîche), c'est-à-dire à partir des pulpes résiduelles obtenues lors de la
fabrication des jus de fruits. Il en existe également de grandes quantités dans les pulpes
de betterave sucrière (p. 33), mais leurs propriétés gélifiantes ne sont pas optimales. Les
produits obtenus sont généralement à fort DM (70-75); si nécessaire ils sont ensuite
désestérifiés partiellement. Après inactivation des enzymes par ébullition - mais l'on
peut aussi travailler sur une matière qui a été soigneusement déshydratée -, la pectine
est solubilisée par des solutions aqueuses acides, à chaud. Le soluté extractif, filtré ou
œntrifugé, le cas échéant débarrassé de l'amidon (digestion par des amylases), est
additionné d'isopropanol : la pectine précipite. La précipitation peut également être
obtenue à l'aide de cations polyvalents. Le précipité est filtré, séché, broyé.
Tcmpérature, pH et durée du traitement en milieu acide conditionnent le DM final. On
peut également réaliser une amidification partielle. En théorie d'autres sources de
pectines sont utilisables: carotte, capitules de tournesol, marc de betterave (mais dans
ce cas la forte acétylation du polymère empêche l'établissement de liaisons inter-
moléculaires et impose de recourir à des artifices pour provoquer la gélification).

Propriétés, L'utilisation régulière de pectines peut participer au contrôle de la


cholestérolémie: dans la gamme de consommation habituelle (de 2 g à 10 g par jour), la
choletérolémie totale est abaissée de 0,07 mmol/l par gramme de pectine ingéré
(moyenne sur 7 études, 277 sujets). Pour la même quantité, le LDL-cholestérol voit sa
valeur abaissée de 0,055 mmol/I (moyenne sur 4 études, 177 sujets). La pectine
diminue l'aborbtion intestinale du glucose et augmente l'excrétion des acides biliaires,
136 GLUCIDES

Elle aurait un effet négatif sur la biodisponiblité des vitamines. Elle est préconisée par
certains auteurs pour accélérer l'élimination du césium (137Ce) chez les enfants vivants
dans des territoires contaminés à la suite de l'accident de la centrale nucléaire de
Tchernobyl, mais les résultats des essais publiés par les auteurs de cette proposition ont
été jugés insuffisants pour statuer sur l'efficacité réelle du traitement. Sur les fibres
solubles, voir aussi pp. 112 et 118.
L'acide pectique est insoluble dans l'eau et son hydrosolubilité augmente avec le
DM. Les pectates alcalins sont hydrosolubles, les pectates de cations di- et trivalents
sont peu ou pas solubles. Les solutions de pectines sont très visqueuses, leur
comportement est pseudo-plastique: les groupes carboxyliques du polyanion sont
ionisés, les molécules se repoussent, leur conformation est étendue; elles sont fortement
hydratées, indépendantes. Dans des conditions particulières, les solutions préparées à
chaud gélifient par refroidissement. La gélification intervient rapidement, en présence
de calcium, par formation de zones de jonction du type egg box.
Dans le cas des pectines à fort DM, la gélification intervient lentement en milieu
acide et en présence de saccharose: l'acidité diminue la dissociation des carboxyles
résiduels (et donc la répulsion intermoléculaire) et le saccharose « fixe» l'eau qui,
normalement, hydrate le polymère, favorisant ainsi l'interaction polymère-polymère
aux dépens de l'interaction polymère-solvant et donc la formation d'un réseau
tridimensionnel, principalement par mise en jeu de liaisons hydrogène.

Emplois des pectines. L'intérêt des pectines en pharmacie est avant tout lié à leur
hydrophilie : en absorbant l'eau, elles constituent une préparation épaississante du
contenu gastrique, un régulateur du transit; assez rapidement fermentées, elles
favorisent la croissance bactérienne, augmentant ainsi le volume fécal. Elles sont
utilisées aussi bien pour le traitement symptomatique des régurgitations du nourrisson
qu'en cas de diarrhées. Elles sont aussi proposées comme hémostatique.
Utilisables en pharmacotechnie, les pectines sont surtout employées par l'industrie
agroalimentaire comme agent stabilisant et gélifiant (E440 a [pectines] et E440 b
[pectines amidifiées]) : confitures, gelées, confiseries, désserts glacés, sauces, etc.

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8. Depuis une décision de la Commission des Communautés européennes en date du 29 avril 2008 des
conditions particulières sont applicables à la gomme de guar originaire ou en provenance d'Inde. Cette
décision a été prise après constatation que de la gomme de guar produite en Inde était contaminée par un
fongicide (le pentachlorophénol) et des dioxines. La gomme, les denrées alimentaires et les aliments pour
animaux contenant au moins 10 % de gomme sont concernés.
Lipides végétaux : généralités

1. Généralités ............................................................................................................................ 141


2. Triacylglycérols ................................................................................................................... 142
A. État naturel, localisation ........................................................................................ 142
B. Structure des triacylglycérols ................................................................................ 142
C. Propriétés des glycérides et des acides gras ......................................................... .146
3. Obtention des huiles ............................................................................................................. 147
4. Contrôle: essai des huiles grasses ...................................................................................... .148
A. Généralités ............................................................................................................. 148
B. Pharmacopée et huiles grasses ............................................................................. .151
5. Emplois des huiles ............................................................................................................... 154

1 . GÉNÉRALITÉS

Les lipides sont des substances naturelles, esters d'acides gras et d'un alcool ou d'un
polyol. Constituants des structures cellulaires comme les phospho- et les glycolipides
Illembranaires, éléments de revêtement comme les cires ou les cutines, ce sont aussi des
substances de réserve, des sources d'énergie cellulaire.
Ces lipides - on dit aussi « corps gras » - sont des substances hydrophobes et
parfois amphiphiles, solubles dans les solvants organiques apolaires ou peu polaires,
lion volatiles: on parle d'huiles « fixes », par opposition aux huiles « essentielles ».
On distingue habituellement:
- les lipides simples, esters d'acides gras et d'un alcool qui peut être:
.le glycérol, constitutif des triacylglycérols ou triglycérides,
• un alcool aliphatique de masse moléculaire élevée, constitutif des cérides;
- les lipides complexes: phospholipides, glycolipides. Ils jouent un rôle fondamental
dans les organismes vivants, en particulier comme constituants membranaires mais, à
142 LIPIDES

l'exception des lécithines, ils n'ont pas, à ce jour, d'applications pharmaceutiques ou


industrielles: nous ne les évoquerons pas ici.
De la même façon - et comme pour les oses - on n'abordera pas ici l'origine
biosynthétique des lipides, leur catabolisme, les interconversions métaboliques qui les
concernent, pas plus que les propriétés fondamentales qui les caractérisent et qui
relèvent du strict domaine de la biochimie. Compte tenu de leur utilisation en
pharmacotechnie et de leurs applications diverses (diététique, formulation cosmétique,
industrie agroalimentaire, etc.), nous évoquerons par contre les huiles végétales - la
Pharmacopée parle d'huiles grasses (!) - et ce après avoir rappelé quelques notions
générales sur les triacylglycérols qui les constituent.

2. TRIACYLGL YCÉROLS (TRIGLYCÉRIDES)

A. État naturel, localisation

Les triacylglycérols sont pratiquement inexistants dans les organes végétatifs


(feuilles). Ils sont stockés sous forme d'inclusions huileuses - des oléosomes issus du
réticulum endoplasmique - qui, parfois, confluent en gros amas dans les cellules des
tissus de réserve; cela est particulièrement vrai au niveau des graines dans lesquelles ils
peuvent représenter plus de 50 % de la masse sèche. La teneur en triacylglycérols des
graines augmente au cours du processus de maturation alors que, parallèlement, les
phospholipides et les glycolipides des tissus séminaux jeunes disparaissent.
Exceptionnellement, la graine peut accumuler non pas des triacylglycérols, mais des
esters d'acides gras et d'alcools aliphatiques à longue chaîne (cf jojoba, p. 194). Bien
que cela soit moins fréquent, il existe des fruits qui concentrent les triacylglycérols dans
leur péricarpe: olive, avocat, baie du laurier, etc.

B. Structure des triacylglycérols

Ce sont des triesters d'un triol, le glycérol, et d'acides gras, c'est-à-dire d'acides
carboxyliques aliphatiques de longueur variable ayant normalement un nombre pair
d'atomes de carbone.

Nature des acides gras. La grande majorité des acides gras végétaux se répartit en
deux groupes: celui des acides gras saturés et celui de leurs homologues insaturés.
Dans les deux groupes, les plus fréquents ont 16 ou 18 atomes de carbone.

Acides gras saturés. Les acides gras à moins de 12 atomes de carbone sont rares
chez les végétaux: on en trouve, surtout les acides en Cg et CIO' dans les
triacylglycérols des graines des palmiers principalement constitués d'acide laurique et
d'acide myristique. Jusqu'en C 14 , les acides gras sont rarement présents en quantité
importante: beurre de laurier (Cd, beurre de muscade (C I4 ). Les acides gras dont la
chaîne comporte 20 atomes de carbone et plus sont également peu fréquents: à
( i (':N I~RALlTÉS 143

I\~xception de l'huile d'arachide, ils ne représentent normalement chacun que moins de


0,5 % des acides gras constitutifs des huiles. L'acide palmitique est le constituant saturé
prépondérant des huiles végétales.

Exemples:

C 6 :0 acide hexanoïque acide caproïque


C s:o acide octanoïque acide caprylique
C lO :O acide décanoïque = acide caprique
C 12 :0 acide dodécanoïque = acide laurique
C 14 :0 acide tétradécanoïque = acide myristique
C 16 :0 acide hexadécanoïque acide palmitique
C 1S :0 acide octadécanoïque acide stéarique
C20 :0 acide eicosanoïque = acide arachidique
C 22 :0 acide docosanoïque = acide béhénique
C24 :0 acide tétracosanoïque = acide lignocérique
C26 :0 acide hexacosanoïque acide cérotique
C2S :0 acide octacosanoïque acide montanique
C 30 :0 acide triacontanoïque = acide mélissique

Acides gras insaturés. Les plus abondants sont en C IS ' La configuration de la (ou
des) insaturation(s) est en règle générale Zl et, chez les molécules polyinsaturées, les
doubles liaisons se succèdent habituellement selon un motif 1,4-diénique 2 •

1. Les acides gras trans se trouvent naturellement dans le lait, le beurre et les graisses animales -
ils sont formés lors de la biohydrogénation ruminale. Ils apparaissent dans les graisses végétales par
is()mérisation lors de leur hydrogénation partielle (margarines et shortenings abondantes dans les
viennnoiseries et produits de panification industrielle), et au cours des traitements thermiques. La
l'()nsommation des acides gras trans à des niveaux qui dépassent 2 % de l'apport énergétique total est
IIss()ciée à une augmentation significative des risques de maladie cardiovasculaire. L'Afssa a récem-
IIlent recommandé de réduire d'au moins 30 % la consommation des viennoiseries, barres chocolatées,
\'1 pâtisseries de faible intérêt nutritionnel. Voir, en particulier: Afssa (2005). Risques et bénéfices pour la
sllllté des acides gras trans apportés par les aliments - Recommandations (document en ligne, http://www.
Ill'ssa.fr, 216 pages) ; voir aussi: Mozaffarian, D., Katan, M.B., Ascherio, A. et al. (2006). Trans fatty acids
IIlld cardiovascular disease, N. Engl. J. Med., 354, 1601-1613.
2. Remarques sur la nomenclature. Les acides gras n'échappent pas à la règle commune: le car-
h()ne du carboxyle est numéroté l, les insaturations et substituants éventuels sont nommés selon les
règles classiques. Toutefois, des spécialistes des lipides (notamment des physiologistes et des
lIutritionnistes) utilisent fréquemment une nomenclature de type « n-x » où x est le nombre d'atomes de
carbone entre la double liaison distale et le méthyle en bout de chaîne. Cette nomenclature met mieux
\'11 évidence les analogies structurales dans une série. Ainsi, l'acide linoléique est un acide en CI S, n-6,
les acides a- et y-linoléniques sont respectivement n-3 et n-6. On parle aussi d'acides gras w6 ou w3 et
de famille w6 ou w3, le carbone du méthyle terminal étant w (par rapport au C-2, qui est a); ex. :
l'acide linoléique, l'acide y-linolénique et l'acide arachidonique sont des w6. En pratique, on abrège
s()uvent la désignation des acides gras en caractérisant simplement le nombre de carbones et le nombre
dïnsaturations, les deux nombres étant séparés par" : " (ex. : C IS :I)' Il faut en outre préciser la place
des insaturations (ex. : C IS :2 ~9.12) ou C IS :2 (9,12)'
144 LIPIDES

Exemples (dans la série C1S ) :

C 18 : l acide 9-octadécénoïque acide oléique


C 18 :2 acide 9,12-octadécadiénoïque = acide linoléique
C 18 :3 acide 9,12,15-octadécatriénoïque = acide a-linolénique

Moins fréquents sont les acides insaturés à chaîne courte (~CI6) ou à chaîne
comptant 20 carbones et plus:

C 14: 1 acide 9-tétradécénoïque = acide myristoléique


C 16: l acide 9-hexadécénoïque = acide palmitoléique
C20 : l acide 9-eicosénoïque acide gadoléique
C22 :! acide 13-docosénoïque acide érucique

Les isomères de position des précédents sont également plutôt rares:

C 18 : l acide 6-octadécénoïque = acide pétrosélinique


C!8:l acide II-octadécénoïque = acide cis-vaccénique
C 18 :3 acide 6,9,12-octadécatriénoïque = acide y-linolénique

Certains sont exceptionnels:


C20 :4 : acide 5,8,11 ,14-octadécatétraénoïque = acide arachidonique

Autres acides gras insaturés. À côté de ces acides gras « classiques », on connaît
de très nombreuses structures particulières, en général limitées dans leur distribution à
un genre, à une famille ou à un groupe de familles. Exemple: les insaturations
habituellement Z peuvent être E (ex. : acide éléostéarique, 08:3 (9Z, IlE, 13E»); l'une des
insaturations peut être une triple liaison (acide crépénynique). Il peut y avoir jusqu'à six
insaturations et il arrive que celles-ci soient conjuguées (acides gras alléniques, ex. :
acide parinarique, C 18 :4 (9E, IlE, 13E,ISE»);

Acides gras oxydés. L'acide gras peut être oxydé:


- acides gras cétoniques comme l'acide licanique des huiles de Chrysobalanaceae
(Licania, Couepia), en particulier de l'huile d'oïticica du Brésil (acide 4-oxo-
9E,IIZ,13Z-octadécatriénoïque) ;
- acides gras hydroxylés (acide ricinoléique = 12-hydroxy-9Z-octadécénoïque, acide
lesquerolique = 14-hydroxy-llZ-eicosénoïque);
- époxy-acides gras (acide vemolique, en C 18 : 1 (9),époxy-12,13)'

Acides gras cyclisés. Dans quelques cas la chaîne carbonée est partiellement
cyclisée: acides gras cyclopropaniques et cyclopropéniques des Sterculiaceae (acides
malvalique et sterculique) ou de l'huile des graines de litchi (Litchi sinensis Sonn.,
Sapindaceae), acides gras cyclopenténiques des Flacourtiaceae 3, p. 146.
( ;(.:NÉRALITÉS 145

1
C0 2 H acide oléique

C18: 1 (9)
1
13 acide érucique
C0 2 H

C22: 1 (13)

1
12 acide linoléique
C0 2 H
lA C18:2(9,12)

12
acides n-6
acide y-linolénique
C0 2 H C18: 3 (6,9, 12)
10 = ü)-6

1
14 11
C0 2 H acide arachidonique
10
C20: 4 (5, 8, 11, 14)

1
15 12
C0 2 H acide a-linolénique acide n-3
C18:3(9, 12, 15)
= ü)-3

OH
12 acide ricinoléique
C0 2 H
H

/"
C0 2 H acide chaulmoogrique
\
C0 2 H acide sterculique

acide crépénynique

acide cyclopentanique, isolé de Lemna minor acide jasmonique


146 LIPIDES

On connaît aussi des structures cyclopentaniques hydroxylées qui rappellent celles


des prostaglandines des organismes animaux. Certaines de ces molécules - cela est le
cas de l'acide (-)-jasmonique et de ses dérivés - sont des régulateurs de la croissance
végétale à propriétés hormonales.

Structure des esters du glycérol. Un triacylglycérol (triglycéride) peut être


homogène ou hétérogène selon que les molécules d'acides gras qui estérifient les trois
fonctions alcool du glycérol sont identiques ou différentes. En général, les triacyl-
glycérols sont hétérogènes et une huile végétale est un mélange complexe de triesters.
On remarquera cependant que les acides gras saturés estérifient préférentiellement les
fonctions alcool primaire (positions a et a') du glycérol et que les acides gras insaturés
estérifient principalement sa fonction alcool secondaire (position ~).
La nomenclature officielle des triacylglycérols remplace les appellations classiques
a, a' et ~ par la numérotation 1,2,3 des carbones du D-glycérol représenté en
convention de Fischer, alcool secondaire à gauche, C-l en haut, C-3 en bas. On nomme
ensuite les radicaux en recourant, par commodité, aux noms usuels (ex. : l-palmityl-2-
oléyl-3-stérylglycérol, 1,3-dipalmityl-2-linoléylglycérol). En pratique, il est admis de
recourir à un symbolisme réduit: les exemples qui précèdent deviennent POS, PLP.

~
o
o
2 0
o 3
o
triacy/g/ycéro/ : tripa/mitate o

c. Propriétés des glycérides et des acides gras

Les triacylglycérols sont solubles dans les solvants organiques, y compris dans
l'acétone, ce qui les différencie des lipides phosphorés. Traités par un hydroxyde
alcalin, ils libèrent une molécule de glycérol et trois molécules d'acides gras: l'indice

3. Ces acides (acide chaulmoogrique [= acide 13-cycio-pent-2-ényl-n-tridécanoïqueJ, acide


hydnocarpique, acide gorlique) sont constitutifs des triglycérides des huiles de chaulmoogras utilisées
dans le traitement de la lèpre avant la découverte des sulfones. Ces huiles étaient préparées à partir des
graines de Flacourtiaceae de l'Inde et de la péninsule indo-chinoise (Hydnocarpus kurzii [King] Warb.,
H. anthelminthica Pierre ex Lanessan et autres spp.). On en trouve également dans les graines
d'espèces africaines (Caloncoba echinata [Oliver] Gilg.) et sud-américaines (Carpotroche brasiliensis
End!.). Cf. Parascandola 1. (2003). Chaulmoogra oil and the treatment of leprosy, Pharm Hist. 45,47-57
(texte en ligne sur: http://O-Ihncbc.nlm.nih.gov.csulib.ctstateu.edu - 27 pages) ; Norton, S.A. (1994). Useful
plants for dermatology, 1. Hydnocarpus and chaulmoogra,J. Am. Acad. Dermatol., 31,683-686.

En dehors de l'Aphloia madagascariensis Clos., qui passe pour diurétique et qui figure encore dans un
très petit nombre de spécialités, les Flacourtiaceae ne sont pas utilisées en France. Les feuilles de cet
Aphloia fournissent une tétrahydroxyxanthone, des tanins et des saponosides, esters en C-28 d'acides
urs-12-én-28-oïques hydroxylés. Dijoux, M.-G., Lavaud, C., Massiot, G. et al. (1993). A saponin from
leaves of Aphloia madagascariensis, Phytochemistry, 34, 497-499.
( 1(.:NI1RALITÉS 147

de saponification que l'on détermine par cette méthode renseigne sur la longueur
Illoyenne des chaînes (voir ci-dessous). Les triacylglycérols d'acides gras insaturés
1'I11l<:issent: laissés à l'air libre, ils deviennent plus ou moins rapidement malodorants.
( 'e phénomène est lié à la peroxydation des acides gras insaturés: les peroxydes formés
pcuvent se polymériser - c'est le but que l'on recherche dans les peintures à base
d'huile de lin ou d'autres huiles siccatives -, ils peuvent aussi se rompre en engendrant
IIldéhydes, cétones et acides d'odeur désagréable.
À température ordinaire, les acides gras sont des liquides si leur chaîne carbonée
compte moins de 10 atomes de carbone; dans le cas contraire, ce sont des solides. Ils
sont tous insolubles dans l'eau et solubles dans les solvants organiques. Lorsqu'ils sont
insaturés, ils absorbent dans l'ultraviolet ce qui permet d'envisager leur dosage. Acides,
ils forment des sels: c'est la base de l'industrie des savons et détergents (sels alcalins,
sels de bases organiques). Acides, ils sont estérifiables : la volatilité des esters
IlIéthyliques, plus grande que celle des acides, permet leur étude en CPG.

3. OBTENTION DES HUILES

Depuis la description de l'obtention de l'huile d'olive par Pline ou celle, plus


IIncienne, de la presse assyrienne à huile de sésame et jusqu'aux modernes presses à vis,
le principe de l'obtention des huiles n'a pas varié: la pression de la matière première
fournit directement l'huile. Les procédés actuels utilisent également les solvants
organiques et, dans les deux cas, l'huile brute est habituellement soumise à diverses
opérations de raffinage.
Avant de procéder à la récupération de l'huile contenue dans les organes végétaux à
lraiter, un contrôle attentif de la matière première (éléments étrangers, grains détériorés,
clc.) s'impose et des opérations préliminaires sont généralement nécessaires, qu'elles
soient générales (nettoyage, séchage) ou particulières: lavage des olives, délintage du
coton, décorticage de l'arachide, du soja ou du tournesol.

• Extraction par pression. On utilise généralement des presses à vis qui donnent un
meilleur rendement en huile que les anciennes presses hydrauliques: elles travaillent
sous une pression plus élevée et, avantage supplémentaire, elles fonctionnent en
continu. Avant d'être pressées, les graines oléagineuses riches en protéines subissent
une cuisson vers 90 oC qui a comme résultante de libérer l'huile en faisant éclater les
structures cellulaires, mais aussi de coaguler les protéines. Un séchage rapide suit le
plus souvent la cuisson.

• Extraction par solvants. Ce type d'extraction peut s'appliquer aussi bien aux
graines intactes qu'aux graines partiellement deshuilées par pressage. Le solvant -
généralement c'est de l'hexane (PE : 65 oC) - est envoyé sur les graines nettoyées,
décortiquées et grossièrement broyées. On récupère ainsi une phase organique, solution
d'huile dans le solvant - le miscella - , et une farine deshuilée imbibée de solvant.
Les installations industrielles fonctionnent habituellement selon un schéma de contre-
courant. Le taux de récupération de l'huile varie de 95 à 99 %.
148 LIPIDES

• Raffinage de l'huile brute. Les huiles brutes issues de la distillation du miscella


peuvent contenir de l'eau, des acides gras libres, des lécithines, des résines, des
pigments (carotènes, chlorophylle), des stérols, des cires, des substances odorantes et
sapides et d'éventuels contaminants externes (pesticides). Le raffinage comporte
successivement:

- démucilagination (dégommage). Elle a pour but d'éliminer les lécithines, les


protéines et autres constituants qui existent dans l'huile sous la forme d'une dispersion
colloïdale. En pratique, on procède à une hydratation à chaud de l'huile: les colloïdes
forment un gel dense qui se sépare de l'huile, plus légère. Le gel est éliminé et l'huile
déshydratée sous vide. Dans la plupart des cas, ce traitement est remplacé par une
injection d'acide phosphorique dans l'huile chauffée: les phospholipides précipiteront
lors de la neutralisation par l'hydroxyde de sodium;

- neutralisation. Les acides gras libres, toujours présents dans l'huile brute, sont
neutralisés par l'hydroxyde de sodium dilué. Le savon qui se forme (soapstock = pâte
de neutralisation) entraîne par adsorption une partie des impuretés: colorants, phénols,
stérols, cérides, traces métalliques et produits d'oxydation divers. Le savon est séparé
par centrifugation et hydroxyde de sodium en excès éliminé par lavage à l'eau chaude;

- décoloration: par passage sur terres adsorbantes ou sur charbon actif. L'agent
décolorant est éliminé par filtration;

- décirage. Les huiles brutes qui contiennent beaucoup de cires (tournesol, maïs,
coton, etc.) sont débarrassées de celles-ci par refroidissement (wintérisation ou
« frigélisation ») : les cires cristallisées sont éliminées par filtration;

- désodorisation. Les aldéhydes et les cétones responsables des odeurs peu


agréables des huiles brutes sont éliminés par injection de vapeur d'eau dans l'huile
portée à haute température (> 200 oC), sous vide poussé.

• Traitements ultérieurs des huiles. Ils concernent essentiellement l'industrie


agroalimentaire : hydrogénation partielle ou totale, interestérification (réarrangement de
la « distribution» des acides gras sur le glycérol), transestérification (réarrangement
entre les acides gras de deux huiles différentes), etc. Dans tous les cas les tourteaux sont
récupérés, traités (désolvantisés) et, le cas échéant, détoxifiés. Sauf usages particuliers,
ils sont destinés à la nutrition animale.

4. CONTRÔLE : ESSAI DES HUILES GRASSES

A. Généralités

Le contrôle des plantes à lipides n'est pas différent de celui d'autres plantes:
vérification de l'identité et de l'absence de falsifications puis détermination de la
1 ( 1r":NI~RALITÉS 149

IClleur en huile grasse constituent l'essentiel de l'essai et ne posent pas de problèmes


Illajeurs 4. Dans le cas de 1'huile elle-même, le contrôle est plus complexe :
l'':valuation de la pureté passe obligatoirement par des techniques analytiques fines
permettant de déterminer la composition en acides gras, la structure glycéridique, la
composition de la fraction insaponifiable. Le principe des méthodes mises en œuvre
l'st exposé et commenté dans des ouvrages spécialisés, les méthodes elles-mêmes sont
Ilormalisées (AFNOR, AOCS, ISO) et leur mise en application concerne en premier
lieu les industries agroalimentaires : nous ne rappellerons ici que quelques données de
hase.

• La détermination de la composition en acides gras est aisée. Elle est mise en


n.:uvre sur les esters méthyliques obtenus par méthylation S après saponification ou, plus
dircctement, par méthanolyse alcaline. Cette méthode est, de loin, la plus utilisée pour
l'analyse des corps gras. En chromatographie isotherme, les esters d'acides gras sont
identifiés par leur « longueur de chaîne équivalente », c'est-à-dire la longueur de la
chaîne grasse saturée qui aurait, dans les mêmes conditions opératoires, le même
volume de rétention que l'acide gras étudié. Cette valeur est déduite de la relation
existant entre le logarithme du volume de rétention réduit et le nombre d'atomes de
carbone de l'acide gras. La teneur de chaque composant est déterminée par la méthode
de normalisation (en pourcentage de la surface totale de tous les pics). Cette
connaissance de la composition en acides gras n'est pas toujours suffisante pour
affirmer la pureté de l'huile analysée: des essais complémentaires seront nécessaires,
en particulier l'étude des « traceurs» que constituent certains constituants de la fraction
iIlsaponifiable.

• Les principaux constituants de l'insaponifiable sont des hydrocarbures saturés et


insaturés, aliphatiques ou tétraterpéniques (carotènes), des stérols, des alcools
Iriterpéniques, des alcools gras, des vitamines (tocophérols, tocotriénols). Les stérols
sont, sur le plan analytique, les éléments les plus intéressants de l'insaponifiable. Ils sont
généralement représentés par 2 à 5 stérols majoritaires, habituellement des il'-stérols
(sitostérol, campestérol, stigmastérol). La composition en stérols et les rapports de
composition stérolique que l'on peut en déduire sont de bons indicateurs d'identité:
certains stérols sont spécifiques (brassicastérol des Brassicaceae) ou, du moins, leur
teneur est significative (il 7-stigmastérol de 1'huile de tournesol ou de carthame
1 Asteraceae]). Dans les cas les plus courants, cette analyse des stérols peut permettre la

détection d'ajouts frauduleux. On procède systématiquement à l'analyse des stérols et,


occasionnellement, à celle des tocophérols. Dans les deux cas il faut au préalable
extraire l'insaponifiable (dioxyde d'éthyle, hexane) et le fractionner, ce qui se fait

4. Dans l'industrie des oléagineux, on peut utiliser soit la méthode par extraction (détermination
de l'extrait à l'hexane, [norme NF EN ISO 659: 1998]), soit la méthode par spectrométrie de résonance
magnétique nucléaire à basse résolution et à onde continue - méthode rapide (norme NF EN ISO
5511: 1997) ou pulsée (NF EN ISO 10565: 1998).
5. Si l'huile contient des acides gras à chaîne courte, il faut adapter la méthode de méthylation
pour tenir compte de la volatilité et de la solubilité de leurs esters.
Cocos nucifera L.
( ,(:,NÉRALITÉS 151

H H

HO HO
stigmastérol sitostérol

brassicastérol campestérol stigmasténol

aisément en chromatographie couche mince préparative. La fraction stérolique


récupérée est analysée directement en CPG .

• En ce qui concerne l'étude de la structure glycéridique, il faut trouver un compro-


mis entre la complexité du problème (le nombre de combinaisons possibles des acides
gras et du glycérol) et la nécessité de travailler en routine. C'est ce que l'on fait en déter-
minant une structure simplifiée à l'aide des méthodes chromatographiques classiques:
- répartition des triacylglycérols par masse moléculaire (CPG);
- séparation et identification des triacylglycérols par chromatographie liquide sur
phase inverse. La séparation des triacylglycérols par groupes en fonction de leur insatu-
ration globale est intéressante pour déceler des adultérations d'une huile par une autre;
- hydrolyse sélective et analyse des 2-monoglycérides.

• La détermination de divers indices, largement exigée par les pharmacopées, est


parfois intéressante en termes d'évaluation de la qualité, même si elle n'est pas toujours
significative. Exemple: une huile peroxydée, chauffée à plus de 120 oC, aura un indice
de peroxyde très faible. Dans ce cas précis la mesure de l'absorbance, détectant les
produits issus de la coupure des peroxydes, est plus significative (vide infra).

B. Pharmacopée et huiles grasses

Le contrôle des huiles grasses inscrites à la Pharmacopée européenne comporte des


déterminations communes et, le cas échéant, des essais propres à l'huile considérée: ils
seront mentionnés aux monographies correspondantes. Les déterminations communes
sont les suivantes:

,. Densité relative (01/2008:20205);


152 LIPIDES

2. Indice d'acide (01/2008:20501). C'est le nombre qui exprime en milli-


grammes la quantité d'hydroxyde de potassium nécessaire à la neutralisation des acides
libres présents dans 1 g de substance. Il mesure l'état d'altération d'une huile ou, le cas
échéant, la qualité du raffinage;

3. Indice de peroxyde (01/2008:20505). C'est le nombre qui exprime en


milli-équivalents d'oxygène actif la quantité de peroxyde contenue dans 1 000 g de
substance (déterminé par la méthode décrite à la Pharmacopée) ;

4. Insaponifiable (01/2008:20507). C'est les « substances, non volatiles à


100-105° C, obtenues par extraction, avec un solvant organique, d'une solution de la
substance à examiner après saponification ». En pratique, on extrait une dilution
aqueuse du milieu de saponification par le dioxyde d'éthyle; après lavages et
élimination du solvant, le résidu est pesé. On doit vérifier (acidimétrie) l'absence de
quantités significatives d'acides gras dans ce résidu.

5. Huiles étrangères dans les huiles grasses. Cet essai peut être
réalisé en chromatographie sur couches minces (01/2008:20421), mais les mono-
graphies qui le demandent (toutes sauf l'huile de ricin) prescrivent d'effectuer cette
recherche par chromatographie en phase gazeuse (01/2008:20422).
En CCM, on utilise des plaques préalablement imprégnées par migration d'une
solution éthéropétroléique de paraffine 6. La solution à examiner est constituée par le
mélange des acides gras obtenu par saponification et la solution témoin est constituée
par le mélange d'acides gras issu de la saponification d'un mélange (19-1) d'huile de
maïs et d'huile de colza. Après développement du chromatogramme, les taches
correspondant aux acides gras sont révélées par des vapeurs d'iode.
L'analyse en CPG n'est pas conduite sur l'huile, mais sur les esters méthyliques des
acides gras qui la constituent (méthylation par reflux sous azote dans le méthanol
anhydre en milieu alcalin puis extraction des esters d'acides gras par l'heptane). On
opère par rapport à une solution témoin d'esters méthyliques et le chromatogramme est
soumis à une double évaluation: qualitative (courbe d'étalonnage, longueurs de chaîne
équivalente) et quantitative (intégration). Pour chaque monographie, la Pharmacopée
précise les teneurs minimales et/ou maximales des acides gras normalement contenus
dans l'huile grasse considérée. On peut aussi travailler en température programmée
linéaire.

6. La plupart des monographies demandent en outre la détermination:

• des impuretés à réaction alcaline (01/2008:20419) : neutralisation d'une solution


acétonique d'huile en présence de bleu de bromothymol;

6. On utilise très couramment des couches de silice imprégnée d'une solution aqueuse de nitrate
d'argent: l'interaction entre les ions Ag+ et les doubles liaisons permet une bonne résolution des acides
gras insaturés (mono-, di- et triènes, Z et E, etc.).
153

• de l'indice de réfraction (0112008:20206);

de l'indice de saponification (0112008:20506). C'est le nombre qui exprime en


1I1illigrammes la quantité d'hydroxyde de potassium nécessaire à la neutralisation des
IIvidcs libres et à la saponification des esters présents dans 1 g de substance 7. Il est
d'autant plus élevé que les chaînes grasses des acides composant les triacylglycérols
son t courtes;

• de la teneur en eau (01/2008:20512), quand les huiles sont destinées à la


préparation de formes pharmaceutiques administrées par voie parentérale. Cette teneur,
détcrminée par semi-microdosage, doit être inférieure à une limite fixée pour chaque
lIlonographie (0,05,0,1 ou 0,3 %). On remarque en outre que les valeurs limites des
indices d'acide et de peroxyde sont plus faibles dans le cas des huiles destinées à la voie
pa rentérale.

• des stérols (0112008:20423). Après isolement de l'insaponifiable (0112008:


20507) et séparation de la fraction stérolique par CCM préparative (0112008:20227),
l'elle-ci est silylée puis analysée en CPG (0112008:20228). Les pics sont identifiés
l'omparativement à des témoins (insaponifiables d'huile de colza et de tournesol); un
témoin interne (bétuline = lup-20(29)-ène-3~,28-diol) permet de doser les différents
constituants.

7. Dans quelques cas la Pharmacopée exige également la mesure de


l'absorbance (0112008:20225) : les diènes conjugués et les alcénones issus de la
décomposition des peroxydes absorbent respectivement à 232 et 270 nm : on détermine
Ic rapport A232/A270 (huile d'olive) ou, simplement, l'absorbance vers 270 nm (huile de
noyaux, huile d'olive raffinée p.p.i., huile de ricin)".
La détermination des autres indices classiques (indice d'iode [01/2008:20504],
indice d'hydroxyle [0112008:20503])", comme d'ailleurs celle de l'angle de rotation
optique (01/2008:20207), n'est exigée que pour l'huile de ricin (du fait de sa
composition particulière).

7. On peut donc en déduire, si nécessaire, l'indice d'ester, égal à la différence entre l'indice de
saponification et l'indice d'acide. L'indice de saponification peut également être déterminé par
n:llectance dans le proche infrarouge.
8. Dans le cas du rapport A232/ A270, il doit être supérieur à une valeur plancher (plus la
d0composition est avancée, plus la teneur en produits secondaires d'oxydation augmente). Dans le cas
de la seule mesure à 270 nm, la valeur doit être inférieure à la valeur limite publiée. L'oxydation des
huiles au contact de l'air donne naissance à des aldéhydes: cela explique que l'on puisse, si nécessaire,
apprécier l'état d'oxydation en déterminant l'indice d'anisidine (formation de dérivés colorés par
réaction des aldéhydes avec la p-anisidine).
9. Indice d'iode: c'est le nombre qui exprime en grammes la quantité d'halogène, calculée en
iode, susceptible d'être fixée, dans les conditions précisées, par 100 g de substance. Il permet d'évaluer
l'insaturation globale du corps gras. Indice d'hydroxyle (01/2008:20503) : c'est le nombre qui exprime
en milligrammes la quantité d'hydroxyde de potassium nécessaire à la neutralisation de l'acide qui se
combine par acylation à 1 g de substance (applicable, entre autres, à l'huile de ricin).
154 LIPIDES

La détermination de la composition en triglycérides par chromatographie liquide


(01/2008:20229) n'est, actuellement, exigée que pour l'huile de sésame.

5. EMPLOIS DES HUILES

Les huiles végétales sont principalement destinées à la consommation alimentaire.


En pharmacie, ce sont des excipients. En 2004, le monde a consommé 108 millions de
tonnes d'huile: soja (28 %), palme (28 %), colza (14 %), tournesol (9 %), arachide
(4 %), coton (4 %), olive (3 %) [Prolea, 2006].
Une quantité importante d'acides gras est, après transestérification par le
méthanol, réduit en alcools gras. Une partie est également transformée, via les
nitriles, en amines grasses. Tous ces dérivés sont ensuite condensés avec des
composés hydrophiles pour former une vaste gamme de tensioactifs, principalement
non ioniques ou anioniques) :
- alkylpolyglucosides, glucosamides, alcools gras éthoxylés, alkylsulfates,
sulfosuccinates obtenus à partir des alcools gras;
- esters de sorbitan, polyglycérols, alkylisothionares, acides gras-peptides, etc,
obtenus à partir des acides gras;
- aminoxydes, amines éthoxylées, obtenues à partir des amines grasses;
- sucroesters (esters d'acides gras et du saccharose) a1canolamides, etc. obtenus à
partir des esters méthyliques d'acides gras.

6. BIBLIOGRAPHIE: voirp. 189.


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Lipides •
• huiles végétales

1. Huiles faisant l'objet d'une monographie aux pharmacopées européenne ou française . .156
huiles d'amande ........................................................ ,.............. ,............................ ,..... 156
huile d' arachide .......................................................................................................... 157
huile de carthame ........................................................................................................ 159
huile de coco ............................................................................................................... 160
huile de colza .............................................................................................................. 161
huile de coton .............................................................................................................. 163
huile de germes de blé ............................................................................................... .163
huile de lin ................................................................................................................. 163
huile de mais ............................................................................................................... 164
huile de noyaux ........................................................................................................... 164
huile d'olive ................................................................................................................ 165
huile de ricin ............................................................................................................... 166
huile de sésame ........................................................................................................... 169
huile de soja ................................................................................................................ 171
huile de tournesol ........................................................................................................ 174
2. Autres huiles ....................................................................................................................... 175
huiles de palme et de palmiste .................................................................................. .175
huiles utilisées en formulation cosmétique ................................................................ 176
3. Acides gras polyinsaturés : AGE ........................................................................................ 176
AGPI, AGPI-LC, oméga-3 et oméga-6 .................................................................... .176
couvelture des besoins en acides gras essentiels ...................................................... .179
huiles à acide gamma-Iinolénique .............................................................................. 180
huile d'onagre ............................................................................................................. 180
huile de bourrache ...................................................................................................... 181
4. Insaponifiables et composés apparentés ............................................................................ .182
avocatier ..................................................................................................................... 182
tocophérols ................................................................................................................. 183
156 LIPIDES

composés apparentés aux insaponifiables ................................................................. 184


prunier d'Afrique .................................................................................... 184
palmier de Floride ................................................................................... 186
5. Bibliographie ........................................................................................................................ 189

1. HUILES FAISANT L'OBJET D'UNE MONOGRAPHIE AUX


PHARMACOPÉES EUROPÉENNE OU FRANÇAISE

.HUILE D'AMANDE

L'huile d'amande vierge est l'huile grasse obtenue par pression à froid à partir de
graines mûres de Prunus dulcis (Miller) D.A. Webb var. dulcis ou de P. dulcis (Miller)
D.A. Webb var. amara (D.C.) Buchheim ou d'un mélange des deux variétés (Ph. eur.,
6' éd., [01/2008:0261]).
La définition de l'huile d'amande raffinée est la même, à ceci près qu'elle précise
que la pression à froid est suivie d'un raffinage et qu'un antioxydant approprié peut être
ajouté (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:1064]).

L'amandier est une Rosaceae à fleurs blanches ou rosées, originaire d'Asie et très
largement cultivée dans la région méditerranéenne: Espagne, Syrie, Italie, Maroc,
Tunisie, Grèce, Turquie, Algérie, mais aussi en Iran ou encore dans l'ouest des États-
Unis d'Amérique qui produisait en 2005 environ 40 % des amandes consommées dans
le monde. Le fruit est une drupe oblongue à épicarpe vert-clair, velouté: l'amandon. La
graine, ovale et aplatie, possède un tégument mince, ridé et se détachant facilement. La
saveur est douce, huileuse, légèrement sucrée. Les graines des deux variétés amara et
dulcis, riches en huile (50-60 %), se distinguent uniquement par la présence, chez la
variété amara, d'un hétéroside cyanogène, gentiobioside du mandélonitrile : l'amyg-
daloside. Son hydrolyse fournit deux molécules de glucose et, par décomposition du
nitrile mandélique, de l'aldéhyde benzoïque et de l'acide cyanhydrique (cf. p. 220).

Composition en acides gras de l'huile (principaux acides gras, %, Ph. eur., 6' éd.) :
longueur inférieure à C l6 < 0,1; palmitique, 4-9; palmitoléique, < 0, 8; margarique,
< 0,2; stéarique, < 3; oléique, 62-86; linoléique, 20-30; linolénique, < 0,4; arachidique
et béhénique, < 0,2; eicosénoïque, < 0,3 et érucique, < 0,1.
L'insaponifiable de l'huile vierge « 0,9 %) renferme notamment des stérols (Ph.
eur., 6' éd.) : ~-sitostérol (73 à 87 % de la fraction stérolique), .:15-avénastérol (> 10 %),
cholestérol « 0,7 %), campestérol « 4 %), stigmastérol « 3 %), .:1 7 -avénastérol
« 3 %), ,:17- stigmasténol « 3 %), brassicastérol « 0,3 %). Le raffinage modifie peu la
composition stérolique (cf. Ph. eur.).

Emplois. L'huile d'amande est principalement utilisée en formulation cosmétique et


en dermatologie. On lui substitue parfois l'huile de noisette (Corylus avellana L. 1,
Corylaceae) dont l'amande renferme 50 à 60 % d'huile de composition voisine.
IIlIlLES VÉGÉTALES 157

l ,'industrie des cosmétiques utilise également une fraction contenant essentiellement


des protéines de faible masse moléculaire associées à des glucides. Cet « actif»
diminuerait l'irritation cutanée et la sensation de chaleur (formulation d'après-solaire,
d'après-rasages, de démaquillants, etc.).
Les amandes amères (mais également d'autres graines de Rosaceae, notamment
l'clics de l'abricotier) sont aussi employées pour l'obtention de l'essence d'amande
/1111ère. Après élimination de l'épicarpe, les « amandes» de ces diverses espèces sont
débarrassées de leur huile et les tourteaux soumis à un entraînement à la vapeur d'eau.
1.'essence brute est traitée par du sulfate ferreux et de l'hydroxyde de calcium afin
d'éliminer l'acide cyanhydrique, puis soumise à une nouvelle hydrodistillation. Cette
l~sscnce, en partie concurrencée par le benzaldéhyde synthétique, est utilisée pour
l'aromatisation, principalement dans l'industrie agroalimentaire. Conditionnée sous
lIï,ote, elle doit être conservée à l'abri de l'air pour éviter la formation d'acide benzoïque.
1(Ile peut être stabilisée par addition d'éthanol .

• HUILE D'ARACIDDE

L'huile d'arachide raffinée est l'huile grasse raffinée obtenue à partir de graines
décortiquées d'Arachis hypogaea L. (Ph. eur., 6' éd., [0112008:0263]).

L'arachide est une Fabaceae originaire de la zone tropicale sud-américaine. Elle a


été employée très tôt: la culture de la tlacacahuatl - elle deviendra la cacahuète - est
attestée au Pérou au cours du 3e millénaire av. J.-C. Introduite en Afrique de l'Ouest au
XVI' siècle puis en Asie, elle est maintenant massivement cultivée: Chine (45 % de la
production mondiale), Inde, Afrique de l'ouest (Nigeria, Sénégal, Soudan, Congo,
Ghana, etc.), États-Unis d'Amérique, Indonésie, Myanmar, etc.
Botaniquement, la particularité de cette espèce herbacée annuelle, de taille modeste,
il port érigé ou couché, est liée à sa fructification: l'ovaire de la fleur est porté sur un
eourt support, le gynophore; celui-ci s'allonge démesurément après la fécondation et,
sc courbant vers la terre, enfonce graduellement l'ovaire fécondé dans celle-ci. Dans le
sol, l'ovaire se transforme en une gousse ovoïde indéhiscente, bosselée au niveau des

1. Composition de l'huile de noisette: acides gras saturés: 6-13 %, acide oléique: 66-83 %, acide
linoléique: 8-25 %, Les feuilles de cet arbuste indigène sont parfois utilisées en phytothérapie. En
France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet qu'il est possible de revendiquer,
pour la feuille de noisetier, trois indications thérapeutiques: traditionnellement utilisé 1° dans le
traitement symptomatique des diarrhées légères (voie orale); 2° dans les manifestations subjectives des
troubles fonctionnels de l'insuffisance veineuse telles que jambes lourdes, et dans la symptomatologie
hémorroïdaire (voie orale et usage local); 3° comme antalgique dans les affections de la cavité buccale
ct/ou de l'oropharynx (usage local: collutoire, pastille). Si le phytomédicament à base de feuilles de
noisetier est une poudre de feuille, le dossier« abrégé» d'AMM doit comporter une étude
toxicologique allégée, Aucune évaluation toxicologique n'est demandée dans les autres cas (feuille
pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre). Le noisetier de fait pas
l'objet d'une monographie de la Commission E du BfArM allemand. La composition de la feuille est
mal connue, On sait toutefois qu'elle renferme des proanthocyanidols.
Olea europaea L.
IItIlLES VÉGÉTALES 159

1-1 graines qu'elle contient: c'est la cacahuète. Les graines sont formées de deux
l'Otylédons huileux recouverts par un tégument mince, de coloration variable. La teneur
l~1I huile de l'amande peut dépasser 50 % (industriellement, 100 kg de fruits donnent 70
kg de graines qui fournissent elles-mêmes, par pression-extraction, 34 kg d'huile). Les
lourteaux peuvent être utilisés pour l'alimentation du bétail, la teneur de la graine en
protéines variant de 20 à 35 %.

Composition en acides gras de l'huile (principaux acides gras, %, Ph. eUL, 6' éd.) :
< C l6 < 0,4; palmitique, 7-16; stéarique, 1,3-6,5; oléique, 35-72; linoléique, 13-43;
lillolénique, < 0,6; arachidique, 0,5-3; eicosénoïque, 0,5-2,1 ; béhénique, 1-5; érucique,
< 0,5; lignocérique, 0,5-3. Les limites extrêmes données par la Pharmacopée tiennent
l'Oillpte de la variabilité liée à l'origine géographique, les huiles africaines - quelle que
soit la variété botanique considérée - étant beaucoup plus riches en acide oléique (48-
()() %) que les huiles sud-américaines dont, a contrario, la teneur en acide linoléique est
plus importante (35-41 %).
L'insaponifiable (0,6-1 % [Ph. eur. : < 1 %]) renferme notamment du ~-sitostérol et
du campestérol (respectivement 58 à 67 % et 12 à 19 % des stérols totaux), ainsi que de
l'(x- et du y-tocophérol (respectivement 42 à 65 % et 30 à 52 % des tocophérols totaux).

Emplois. En pharmacie, cette huile est un excipient. La pharmacotechnie utilise


l'gaiement l'huile d'arachide hydrogénée obtenue par purification, blanchiment,
hydrogénation et désodorisation de l'huile provenant des graines (Ph. eur., 6' éd. - 6.2,
107/2008:1171]). Acides gras (%) : < C 14 , < 0,5; myristique, < 0,5; palmitique, 7-16;
stéarique, 3-19; oléique et isomères, 54-78; linoléique et isomères, < 10; arachidique,
1-1; éicosénoïque, < 2,1 ; béhénique, 1-5; érucique et isomères, < 0,5; lignocérique,
0,5-3).
La consommation alimentaire d'huile d'arachide est, en France, en très forte
régression: elle a été divisée par six entre 1981 et 2004 (alors que la consommation
apparente globale d'huile végétale a doublé). L'arachide, en nature aussi bien que sous
la forme de produits dérivés, demeure largement présente dans l'alimentation humaine.
("est l'une des principales causes d'allergie alimentaire. Parfois mortelle, cette allergie à
l'arachide est assez souvent sévère: elle est alors marquée par des troubles respiratoires
(rhinorrhée, éternuements, œdème laryngé), des troubles cutanéo-muqueux (urticaire,
poussée d'eczéma) et des troubles gastro-intestinaux (diarrhées, nausées, vomisse-
ments). La prise en charge immédiate est la condition même de la survie de nombre de
sujets sensibles (épinéphrine, corticoïdes). Pour ces sujets, il est impératif de procéder à
l'éviction complète de l'arachide et de ses dérivés de leur régime alimentaire (ce qui
n'est guère facilité par un étiquetage encore parfois insuffisant malgré de réels progrès) .

• HUILE DE CARTHAME

L'huile de carthame raffinée est l'huile grasse obtenue à partir de graines de


('(/rthamus tinctorius L. (type 1) ou à partir de graines d'hybrides de C. tinctorius (type
Il) par pression et/ou extraction suivie d'un raffinage. L'huile de carthame raffinée de
160 LIPIDES

type II est riche en acide oléique. L'huile peut contenir un antioxydant approprié (Ph.
eur., 6' éd., [01/2008:2088]).

Le carthame des teinturiers (ou safran des Indes, Asteraceae) est une plante annuelle
dont l'aspect rappelle celui d'un chardon. Le limbe des feuilles, luisant, est bordé de
courtes dents épineuses. Les fleurs, jaune orangé, sont groupées en capitules solitaires
et terminaux à bractées involucrales épineuses. Le fruit est un akène blanc.
Les substances colorantes contenues dans les fleurs sont des C-hétérosides de
chalcones dimérisées à noyau cyclohexanonediénol (carthamine [majoritaire], safflor,
hydroxysafflor, safflomines, tinctormine).

Composition en acides gras de l'huile (principaux acides gras, %, Ph. eur., 6' éd.) :
a. type I. Longueur < C I4 < 0,2; myristique, < 0,2; palmitique, 4-10; stéarique, 1-
5; oléique, 8-21; linoléique, 68-83; linolénique, < 0,5; arachidique, < 0,5;
eicosénoïque, < 0,5; béhénique, < 1.
b. type II. Longueur < C I4 < 0,2; myristique, < 0,2; palmitique, 3,6-6; stéarique,
1-5; oléique, 70-84; linoléique, 7-23; linolénique, < 0,5; arachidique, < 1 ;
eicosénoïque, < 1 ; béhénique, < 1,2.
La fraction stérolique renferme au maximum 0,3 % de brassicastérol.

Emplois. Recherché depuis l'Antiquité pour l'huile contenue dans ses akènes, mais
aussi pour les principes tinctoriaux de ses fleurs (jaune de carthame, rouge de
carthame), le carthame est principalement utilisé pour la production d'huile. L'intérêt
actuel pour les huiles insaturées lui a ouvert le marché des huiles alimentaires, en plus
de ses usages traditionnels (peintures et vernis). Sa production mondiale, sans être
négligeable, est très loin d'égaler celle des oléagineux majeurs. Les principaux pays
producteurs sont le Mexique, l'Inde, les États-Unis d'Amérique, le Kazakhstan, l'Aus-
tralie et, dans une moindre mesure, l'Éthiopie et la Chine. Le carthame est parfois
retrouvé comme adultérant du safran (Crocus sativus) .

• HUILE DE COCO

L'huile de coco raffinée est l'huile grasse obtenue à partir de la partie solide et
desséchée de l'albumen de Cocos nucifera L., puis raffinée (Ph. eur., 6' éd. [01/2008:
1410]).

Le cocotier est une plante ligneuse à port d'arbre: son stipe droit porte une rosette
spiralée de feuilles faussement composées (elles sont en fait divisées en segments par
déchirure). Le fruit est une grosse drupe à endocarpe dur et péricarpe fibreux. La graine
et son endocarpe constituent la « noix de coco» commerciale. L'albumen de la graine
est en partie liquide - d'où son nom de lait de coco - et en partie solide, c'est le
coprah. L'espèce est largement cultivée en Indonésie, aux Philippines, en Inde, et dans
une moindre mesure au Brésil, au Sri Lanka et en Thailande (55 millions de tonnes ont
été produites dans le monde en 2005). Le coprah sec est constitué d'environ 65 % de
III III.ES VÉGÉTALES 161

r lipides. Sous nos latitudes, l'huile de coprah est une « huile concrète» : en dessous de
25-27 oC elle forme une masse blanche, insipide et inodore.

Composition en acides gras de l'huile (principaux acides gras, %, Ph. eur., 6' éd.) :
l'Ilproïque, < 1,5; caprylique, 5-11 ; caprique, 4-9; laurique, 40-50; myristique, 15-20;
palmitique, 7-12; stéarique, 1,5-5; oléique, 4-10; linoléique, 1-3; linolénique, < 0,2;
IInlchidique, < 0,2 %; eicosénoïque, < 0,2.
Employé en pharmacie pour l'obtention de glycérides semi-synthétiques, le coprah
l'st un produit alimentaire (Végétaline ®) et un produit industriel: il est très utilisé pour
l'obtention de détergents (type laurylsulfate). Dans les pays où sont cultivés les
cocotiers, ils fournissent de nombreux autres produits: tourteaux, vin de palme,
charbon végétal et coïr, c'est-à-dire le péricarpe fibreux que l'on retrouvera sous la
l'orme de balais, de brosses, de tapis, de cordages, etc.

Triglycérides à chaîne moyenne. Pour la Pharmacopée européenne, ces trigly-


cérides sont un mélange de triglycérides d'acides gras saturés, principalement de l'acide
caprylique et de l'acide caprique (6' éd., [01/2008:0868]). Ils sont fabriqués à partir de
l'huile extraite de la fraction dure et séchée de l'albumen du Cocos nucifera L. ou de
l'huile extraite de l'albumen séché de l'Elaeis guineensis Jacq. Ils contiennent au
minimum 95 % d'acides gras saturés à 8 et 10 atomes de carbone. La composition, telle
que définie à la rubrique essai de la monographie, est la suivante: acide caproïque,
< 2 %; acide caprylique, 50-80 %; acide caprique, 20-50 %; acide laurique, < 3 %;
acide myristique, < 1 % .

• HUILE DE COLZA

L'huile de colza raffinée est l'huile grasse obtenue à partir des graines de Brassica
lIapus L. et de B. campestris L. par pression mécanique ou par extraction, suivies d'un raf-
linage. Un antioxydant approprié peut être ajouté 2 (Ph. eur., 6' éd. - 6.2, [01/2008: 1369])

Le colza, Brassica napus L. var. 'oleifera' (Brassicaceae), est l'hybride naturel -


amphidiploïde - d'un chou et d'une navette (B. campes tris x B. oleracea L.). C'est
une plante herbacée annuelle à tiges ramifiées, à feuilles cireuses, à grappes de fleurs
4-mères jaunes et à siliques déhiscentes. On cultive essentiellement des variétés type
hiver à longue phase rosette (cycle de septembre à juillet). Normalement, l'huile
renferme environ 45 % d'un acide gras insaturé en C 22 , l'acide érucique (C 22 : 1(\3» et
la graine est riche en composés soufrés, les glucosinolates. L'expérimentation
animale ayant laissé entrevoir la possibilité d'une toxicité myocardique de cet acide,
les sélectionneurs ont mis au point des variétés n'en contenant pas 3 et qui sont

2. Dans le domaine alimentaire, un arrêté pris en octobre 2004 autorise l'adjonction de


choléca1ciférol (vitamine D 3) dans les huiles végétales prêtes à consommer à hauteur de 5 J..lg pour
100 g (sous réserve d'un étiquetage conforme).
3. En France, aucune huile alimentaire ne peut contenir plus de 5 % d'acide érucique.
162 LIPIDES

également dépourvues de glucosinolates, ces derniers conférant aux tourteaux des


propriétés indésirables chez les animaux monogastriques (les variétés inscrites au
catalogue des semences ont des teneurs en glucosinolates inférieures à 18 IlM, la
limite européenne étant de 25 IlM). Ces variétés sont dites « double zéro ». En 2005,
la production mondiale de colza était d'environ 45 millions de tonnes, un quart de
cette production étant le fait de la Chine. Le Canada, l'Inde, l'Allemagne, la France,
le Royaume-Uni, la Pologne étaient, cette même annnée, les principaux autres pays
producteurs.
L'huile est extraite par pression après dépelliculage et cuisson. L'huile résiduelle des
tourteaux est récupérée par extraction à l'hexane. La désolvantation des tourteaux (par la
vapeur d'eau) élimine les produits volatils issus de la décomposition des glucosinolates.
Rendement: environ 40 kg d'huile brute 1100 kg de graines. La production de graines de
colza a fortement progressé en France: depuis le début des années 2000, l'huile de colza
est devenue la première huile consommée dans notre pays (534000 tonnes en 2004).

Composition en acides gras de l'huile raffinée (principaux acides gras, %, Ph. eur.,
6' éd.) : palmitique, 2,5-6; stéarique, < 3; oléique, 50-67; linoléique, 16-30; linolé-
nique, 6-14 (cf AGE, p. 176-80); eicosénoïque, < 5; érucique, < 2. L'insaponifiable de
huile de colza est riche en stérols (530-790 mgllOO g, ~-sitostérol et campestérol
majoritaires) et en tocophérols Uusqu'à 90 mg/lOO g, y- et a-tocophérol, 2/3 - 1/3).

Colza érucique. Il s'agit dans ce cas de variétés de colza de printemps riches en


acide érucique (50 % de l'huile). Cette huile et l'acide érucique servent à la préparation
d'additifs - les érucamides - pour l'industrie des plastiques et des papiers spéciaux,
de détergents, de lubrifiants stables à haute température, de dispersants et émulsifiants,
etc. Notons ici que le colza n'est pas la seule Brassicaceae à fournir une huile contenant
de l'acide érucique : celui-ci peut représenter plus de 55 % de l'huile de graines de
Crambe abyssinica Hochst. ex R.E. Fr. Cette huile biodégradable présente de remar-
quables propriétés lubrifiantes qui pourraient lui permettre de remplacer les huiles de
pétrole classiques. L'acide érucique est également présent dans les graines des
capucines (cf p. 237).

Colza et Dieste~ - biodiesel. Le traitement de l'huile de colza par le méthanol


conduit à de la glycérine et à un produit, le Diester"', qui peut être incorporé dans les
produits pétroliers: jusqu'à 5 % dans le gazole banalisé et 30 % dans des cas particuliers
(transports publics, véhicules de collectivités [flottes dites "captives"]). Sa combustion
dégageant moins de monoxyde de carbone, moins de fumée et de particules, pas de
produits soufrés et n'accroissant pas le dioxyde de carbone total - la combustion n'est
que la restitution du CO 2 fixé par la photosynthèse -, cet agrocarburant subventionné
est présenté comme l'une des réponses à la pollution croissante et à la nécessité de lutter
contre l'effet de serre. Le Diester'" constitue par ailleurs un solvant biodégradable.
En 2004, 300 000 ha ont été ensemencés en France en colza destiné à la production
de Diester'" et ce chiffre devait augmenter rapidement dans le respect des recomman-
dations européennes. La polémique récente (2008) sur les agrocarburants et la mise au
point de produits de 2' génération modifieront peut-être cette évolution programmée.
Ill/II,ES VÉGÉTALES 163

• HUILE DE COTON (HYDROGÉNÉE)

L'huile de coton hydrogénée est le produit obtenu par raffinage et hydrogénation de


l'huile provenant des graines de plantes cultivées de diverses variétés de Gossypium
Itir.l'ufum ou d'autres espèces de Gossypium (provenance: Chine, Inde, États-Unis
d'Amérique). Cette huile se compose principalement de triglycérides des acides palmi-
lique et stéarique (Ph. eur., 6' éd. - 6.2, [07/2008:1305]). Les teneurs en acides palmiti-
'lm: et stéarique doivent respectivement être comprises entre 19 et 26 % et 68 et 80 % ; les
Il'neurs en acide oléique et acide linolénique ne dépassent pas respectivement 4 et 1% .

• HUILE DE GERMES DE BLÉ

L'huile de germes de blé vierge est l'huile grasse obtenue à partir de germes de
graines de Triticum aestivum L., par pression à froid ou par tout autre moyen
/llécanique approprié (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:1480]). L'huile raffinée peut être
obtenue par extraction suivie d'un raffinage (huile raffinée: 01/2008:1379).

Composition en acides gras de l'huile (principaux acides gras, %, Ph. eur., 6' éd.) :
palmitique, 14-19; stéarique, < 2; oléique, 12-23; linoléique, 52-59 ; linolénique, 3-
10; eicosénoïque, < 2. L'huile de germe de blé est l'une des huiles les plus riches en
tocophérols (130-160 mg/ 100g). La teneur en acides gras insaturés et en tocophérols
de cette huile lui confère un intérêt diététique certain. Elle est aussi utilisée en der-
l1locosmétique .

• HUILE DE LIN

L'huile de lin vierge est l'huile vierge obtenue par pression à froid à partir de
graines mûres de Linum usitatissimum L. Un antioxydant approprié peut être ajouté
(ph. eur., 6' éd., [01/2008:1908]).

Composition en acides gras de l'huile (principaux acides gras, %, Ph. eur., 6' éd.) :
longueur inférieure à C I6 < 1; palmitique, 3-8; palmitoléique, < 1; stéarique, 2-8;
oléique, 11-35; linoléique, 11-24; linolénique, 35-65; arachidique, < 1.
L'huile, très insaturée, assez pauvre en tocophérols, s'oxyde facilement. Elle est
très sensible à l'action de la lumière. Récemment, l'Afssa a estimé que les données sur
le rapport bénéfices - risques d'un usage alimentaire de l'huile de lin étaient
insuffisantes. L'huile utilisée dans les pays qui en autorisent la consommation est
toujours une huile obtenue par pression à froid; il est conseillé de la conserver au
l'roid et de ne pas la chauffer. Présentée comme susceptible d'abaisser le taux de
cholestérol sanguin, l'huile s'est révélée inefficace pour soulager les symptômes de
l'arthrite rhumatoïde. Dans l'industrie, l'huile de lin (obtenue par pression-dissolution)
est un ingrédient important de la fabrication du linoléum, de peintures, vernis et encres.
Sur le lin et son évaluation clinique, voir aussi p. 131.
164 LIPIDES

.HUILE DE MAÏS

L'huile de maïs raffinée est l'huile grasse obtenue à partir des graines de Zea mays
L. par pression ou par extraction, suivies d'un raffinage (Ph. eur., 6 c éd. - 6.2, [07/
2008: 1342]).

Comme les Poaceae céréalières, le maïs est une plante de grande culture (États-Unis
d'Amérique, Chine, Brésil, Argentine, Inde, France, Indonésie, etc.). Ses utilisations,
tant pour l'alimentation humaine et animale qu'industrielles, sont multiples (cf. p. 70).

Composition en acides gras de l'huile (principaux acides gras, %, Ph. eur., 6' éd.) :
longueur inférieure à C 16 , < 0,6; palmitique, 8,6-16,5; stéarique, < 3,3; oléique, 20-
42,2; linoléique, 39,4-65,6; linolénique, 0,5-1,5; arachidique, < 0,8; eicosénoïque,
< 0,5; gadoléique, béhénique, < 0,5; autres acides gras, < 0,5.
L'insaponifiable (0,8-2%) renferme notamment du ~-sitostérol et du campestérol
(respectivement 63 à 70 % et 16 à 21 % des stérols totaux), ainsi que du y- et de l'a,-
tocophérol (respectivement 68 à 89 % et 8 à 22 % des tocophérols totaux). Pour être
conforme à la Pharmacopée, la fraction stérolique ne doit pas contenir plus de 0,3 % de
brassicastérol.

.HUILE DE NOYAUX

L'huile de noyaux est l'huile grasse obtenue à partir des amandes de diverses
espèces de Prunus, par pression à froid (Ph. fse, IOc éd.). La Pharmacopée française
consacre également une monographie à 1'huile de noyaux raffinée « obtenue par
raffinage et désodorisation » de l'huile brute.
Les « noyaux» utilisés sont les amandes des abricots (P. armeniaca L.), pêches (P.
persica Stokes), cerises 4 (P. cerasus L.) et prunes (P. domestica L.).

Composition en acides gras de l'huile (principaux acides gras, %, Ph. eur., 6' éd.) :
longueur inférieure à C 16 , < 0,1 ; palmitique, 4-9; stéarique, < 4; oléique, 58-80;
linoléique, 10-32; linolénique < 0,1; arachidique et gadoléique, < 0,2; érucique, < 0,1.
L'huile, qui ne présente pas d'odeur et de saveur d'amande amère, satisfait aux
essais habituels des huiles et ne contient pas d'huile de tournesol (CPG des stérols).

4. À propos de ces cerises on notera l'intérêt de leur sirop pour l'aromatisation et l'on citera ici un
produit mineur: le «pédoncule du fruit de griottier ». La tradition populaire parle plus simplement de
« queues de cerise» et attribue aux infusés qu'elles permettent d'obtenir des vertus «diurétiques ». La
Note Explicative de 1998 de l'Agence du médicament a repris à son compte cette réputation en
admettant qu'il est possible de revendiquer, pour ces « queues », les indications thérapeutiques suivantes
(voie orale) : « traditionnellement utilisé pour 10 faciliter les fonctions d'élimination urinaire et diges-
tive ; 2 0 pour favoriser l'élimination rénale d'eau ». Si le phytomédicament à base de pédoncule de
griottier est une poudre, le dossier « abrégé » d'AMM doit comporter une étude toxicologique allégée.
Aucune évaluation toxicologique n'est demandée dans les autres cas (pédoncules pour tisane, extrait
aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
IIt/ll.ES VÉGÉTALES 165

l, 'huile raffinée répond à des critères de qualité plus stricts (indices d'acide et de pero-
xyde plus faibles - respectivement < 0,5 au lieu de < 2 et < 10 au lieu de < 15 - ,
il 11 puretés à réaction alcalines); elle ne doit pas être contaminée par l'huile de sésame
(r(;action au furfural). Elle peut être utilisée comme l'huile d'amande .

• HUILE D'OLIVE

Cette huile fait l'objet de deux monographies de la 6' édition de la Pharmacopée


l'lIropéenne :
- huile d'olive vierge ou huile grasse obtenue à partir des drupes mûres d'Olea
l'/lropaea L. par pression à froid ou par tout autre moyen mécanique approprié [6.2,
07/2008:518] ;
- huile d'olive raffinée, obtenue par raffinage de l'huile brute, un antioxydant
IIpproprié peut être ajouté [6.2,07/2008: 1456].

L'olivier est un arbre cultivé pour ses fruits alimentaires et, secondairement, pour
ses feuilles utilisées en phytothérapie (cf. p. 717). Les olives sont des drupes ellipsoïdes
( 1-3 x 1-1,5 cm) dont l'épicarpe mince et lisse passe progressivement du vert au
pourpre noirâtre au cours de la maturation. Cet épicarpe recouvre un mésocarpe charnu
l'I huileux entourant lui-même un noyau dur à endocarpe sclérifié. Les fruits, produits
dans toute la zone méditerranéenne (Espagne, Italie, Grèce, Turquie, Maroc, Syrie,
Portugal, Égypte, Algérie, etc.) peuvent être récoltés verts (pour la conserverie) ou à un
stade de maturité plus avancé (pour l'alimentation et les huileries).
Chimiquement, le fruit frais est riche en eau (40-45 %), en glucides (10-20 %) et en
lipides qui représentent environ 30 % du fruit mûr, soit à peu près 50 % du péricarpe et
35-40 % de l'amande (mais l'endocarpe sclérifié étant l'élément pondéralement le plus
important, cette amande ne représente que 15 % de la masse du noyau). Le péricarpe est
également riche en phénols antioxydants.

Obtention de l'huile d'olive. Les olives triées et contrôlées sont traitées le plus
rapidement possible afin de limiter les phénomènes d'hydrolyse et de lipolyse
enzymatiques et microbiennes qui nuisent à la qualité du produit final. Après lavage, les
olives sont broyées à la meule ou dans des broyeurs à disques dentés et malaxées vers
25-30 oC pour que l'huile se ramasse en grosses gouttes ou en poches de phase
lipidique continue. La pâte d'olive est alors soumise à une première pression (presse à
disques, presse continue à vis, presse continue à bandes). Au lieu de presser, il est
possible de fluidifier modérément la pâte avec de l'eau tiède et de centrifuger pour
séparer l'huile, la phase aqueuse et les grignons (la partie solide). L'huile brute - c'est
lin mélange d'huile et d'eau de végétation - est tamisée puis clarifiée par décantation
naturelle ou centrifugation: on obtient ainsi 1'huile de première pression, telle que
l'utilise la Pharmacopée et telle qu'elle est consommée comme huile de table. Les pâtes
résiduelles peuvent subir une deuxième pression et fournir ainsi une huile qu'il faudra
raffiner pour la rendre comestible. L'extraction par solvant de l'huile résiduelle conduit
il un produit dont l'usage ne peut être qu'industriel.
166 LIPIDES

Composition en acides gras de l'huile (principaux acides gras, %, Ph. eur., 6' éd.) :
longueur inférieure à C 16 < 0,1; palmitique, 7,5-20; palmitoléique, < 3,5; stéarique,
0,5-5; oléique, 56-85; linoléique, 3,5-20; linolénique, < 1,2; arachidique, < 0,7 ;
éicosénoïque, < 0,4; béhénique, < 0,2; lignocérique, < 0,2. Ces limites prennent en
compte les principales variations observées entre les huiles de type" Italie-Espagne"
plus oléiques ou de type" Grèce-Tunisie" plus linoléiques.
L'insaponifiable de l'huile vierge « 1,5 %) renferme des stérols: la Pharmacopée en
précise des teneurs limites : ~-sitostérol et ensemble 115 •23 -stigmastadiénol, clérostérol,
sitostanol, 115- avénastérol et 11524-stigmastadiénol : > 93 %; cholestérol: < 0,5 %; 117_
stigmasténol < 0,5 %; stigmastérol < campestérol < 4 %. Cet insaponifiable renferme
aussi des tocophérols (a-, 52-87 %, ~-, 10-25 %, y-, 7-23 %), des triterpènes, des
pigments (carotènes, chlorophylles).

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour l'huile d'olive, l'indication thérapeutique «tradi-
tionnellement utilisé comme cholérétique ou cholagogue» (voie orale). Certains
auteurs lui attribuent des propriétés laxatives légères. En usage externe, c'est un
adoucissant et un émollient. L'huile vierge exercerait des effets protecteurs contre les
maladies cardiovasculaires, l'effet des phénols antioxydants s'ajoutant à ceux des acides
gras insaturés (p. 177). L'huile d'olive est un bon solvant médicamenteux 5 • Raffinée,
c'est un solvant pour préparations injectables. Sur les feuilles, voir: iridoïdes, p. 717) .

• HWLE DE RICIN

L'huile de ricin vierge est l'huile grasse obtenue à partir de graines de Ricinus
communis L. par pression à froid. Un antioxydant approprié peut être ajouté (Ph. eur.,
6' éd., [01/2008:0051]). L'huile raffinée est obtenue par pression à froid suivie d'un
raffinage [01/2008:2367].
Le ricin est une Euphorbiaceae herbacée ou arborescente, annuelle ou vivace
suivant les conditions climatiques. La tige, rameuse, porte de grandes feuilles
palmatilobées (5-12 lobes) dont le pétiole et la face inférieure sont, dans certaines
variétés, de couleur pourpre. Toutes les fleurs sont réunies en grappes de cymes, les
mâles à nombreuses étamines à filet ramifié, les femelles à ovaire carpellé et à longs
styles rougeâtres. Le fruit est une capsule tri coque à déhiscence multiple, hérissée de
pointes (mais il existe des variétés inermes). La graine (8-12 [18] x 4-9 [12] mm)
présente généralement un tégument lisse et brillant, le plus souvent gris marbré de
rouge, de noir ou de brun. Une proéminence charnue, la caroncule, prolonge l'extrémité
supérieure; le raphé forme une ligne saillante bien visible sur la face ventrale. Ces

5. Remarque (valable pour toutes les huiles végétales et l'huile de paraffine, mais pas pour la
vaseline) : un arrêté pris le 8 février 2001 a inscrit sur la liste 1 les médicaments contenant des huiles
végétales et administrés par voie nasale. La prescription de ces formes médicamenteuses doit être
restreinte à la durée minimale. Il convient de s'assurer que le patient n'en fait pas un usage abusif.
Cette disposition réglementaire prend en compte le risque de pneumopathie lipoïdique inhérent à ce
type de produit.
IIlJlLES VÉGÉTALES 167

l'aractères la font-ils ressembler à une tique 7 C'est dans tous les cas l'origine latine de
son nom générique (ricinus).
Sans doute originaire d'Éthiopie, le ricin est une espèce qui s'est très rapidement
dispersée: elle s'est naturalisée là où les conditions climatiques étaient favorables, de
l'Afrique au sud de la Russie, de la Méditerranée à l'est de l'Asie. Le même phéno-
mène de naturalisation s'est produit dans le Nouveau Monde après son introduction,
sans doute par les esclaves africains. Là où il est cultivé, on exploite des variétés naines
scion un cycle annuel et ce pour l'obtention de l'huile (Inde, Chine, Brésil).

Composition chimique. La graine du ricin renferme peu d'eau, 15 à 20 % de


protéines et 40 à 60 % de lipides. D'autres constituants ont été décrits, en particulier une
loxine glycoprotéique, la ricine (cf. p. 169), une fraction protéique allergisante et un
dérivé cyané de la pyridone, la ricinine. L'huile de ricin a une composition particulière:
ellc est en effet très majoritairement (90 %) constituée de triacylglycérols impliquant un
acide gras en C 18 , insaturé et hydroxylé : l'acide (R)-(+)-12-hydroxy-9Z-octadécé-
Iloïque connu sous le nom d'acide ricinoléique 6 •

Composition en acides gras de l'huile (principaux acides gras, %, Ph. eur., 6' éd.) :
acide palmitique, < 2; stéarique, < 2,5; oléique et isomères, 2,5-6; linoléique, 2,5-7 ;
linolénique, < 1 ; eicosénoïque, < 1; ricinoléique, 85-92; tout autre acides gras, < 1.

Emplois. Connue de longue date, utilisée pour l'éclairage en Inde (- 2000 av. J.-c. 7)
aussi bien qu'en Grèce ou dans la Rome antique, l'huile de ricin était aussi recherchée
pour ses propriétés laxatives: c'est un purgatif drastique dont l'usage est à proscrire
lilllnellement. L'huile est dense, visqueuse et non siccative; elle est miscible à l'alcool
l~1 partiellement miscible avec les solvants organiques usuels. C'est avant tout un
produit industriel: utilisée directement dans la fabrication de résines, elle peut aussi être
Iransformée, par exemple par hydrogénation.
L'huile hydrogénée (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:1497]) contient principalement le
triglycéride de l'acide 12-hydroxystéarique. Cette huile hydrogénée est un constituant
majeur des graisses lubrifiantes (1 2-hydroxystéarate de lithium).

6. L'intérêt industriel des acides gras hydroxylés a conduit à s'intéresser à une autre huile qui, le
l'liS échéant, pourrait trouver des applications voisines: l'huile de lesquerella. Lesquerella fendleri (A.
('ray) S. Watson est une Brassicaceae annuelle de l'Amérique du Nord dont les graines renferment
25 % d'une huile riche (jusqu'à 55 %) en acide lesquérolique (= lIIZJ-14-hydroxy-eicosénoïque) et
lIl:ides gras insaturés.
À propos des plantes oléagineuses candidates à un développement agronomique et qui ont fait
l'objet d'études approfondies, on peut citer ici Vernonia galamensis (Cass.) Less. (Asteraceae) : l'huile de
ses graines est riche en un acide gras époxydé, l'acide vernolique, qui pourrait avantageusement
rl'mplacer les diluants polluants utilisés dans l'industrie des peintures. On peut aussi citer les
lIombreuses espèces de Cuphea (Lythraceae) dont les graines renferment spécifiquement des
Iriacylglycérols à chaîne moyenne ou courte. Ils pourraient constituer une source régulière d'acides
1Il'luellement fournis par les Arecaceae (= Palmae) (e.g. en CIO' très utilisés par l'industrie [plastiques,
lubrifiants, etc.]), À suivre également, le devenir de Calendula ojficinalis L. et Dimorphotheca
f1ll1l'ialis (L.) Moench (Asteraceae, [9S-hydroxy-18:2(lOE,12Z]), de Limnanthes alha Hartweg ex
Ilcllth. (Limnanthaceae, acide érucique) ou encore d'Euphorbia lagascae Sprengel (Euphorbiaceae).
Ricinus communis L.
,
!
III Il LES VÉGÉTALES 169

En pharmacotechnie, on utilise l'huile polyoxyéthylénée (Ph. eur., 3c éd.) et l'huile


hydrogénée polyoxyéthylénée (Ph. eur., 3' éd.). Véhicule pour préparations injectables,
l'huile polyoxyéthylénée (Crémophor") présente l'inconvénient de pouvoir entraîner
des réactions anaphylactoïdes.
L'huile de ricin est aussi la source de l'acide undécylénique et de l'heptanal (accès
IIUX polyamides textiles [Rilsan®] et à des esters de polyols [huiles pour turbines d'avia-
tionD. Elle est également utilisée pour l'obtention de surfactants, de cires, de vernis,
d'encres, de résines et revêtements isolants électriques, ainsi que pour la préparation de
dil"férents intermédiaires de synthèse. L'acide undécylénique est utilisé comme
IIntimycosique, il peut être employé comme conservateur en formulation cosmétique.
l ,'autre produit de craquage de l'huile de ricin, c'est-à-dire le n-heptanal, n'est utilisé
qu'après réduction (n-heptanol) ou oxydation (acide n-heptanoïque). L'huile
« déshydratée » (par catalyse acide) conduit à des résines.

Le ricin: une plante toxique. La ricine est un toxique particulièrement violent. De


nature glycoprotéique, elle est constituée de deux sous-unités, A et B. La sous-unité B
lie la toxine sur les membranes cellulaires possédant des sites galactosylés avant que la
l'lwÎne A, une enzyme, pénètre dans la cellule par endocytose et inactive la sous-unité
2HS des ribosomes, bloquant ainsi la synthèse protéique. Administrés par voie
parentérale, quelques dizaines de microgrammes de ricine peuvent provoquer la mort.
Si la ricine semble beaucoup moins toxique per os, l'ingestion de graines peut malgré
tout provoquer des troubles gastro-intestinaux dont la gravité varie principalement en
l'onction du nombre de graines ingérées et du fait que celles-ci sont mastiquées ou non.
La persistance des perturbations digestives (vomissements, diarrhée intense et
prolongée) peut entraîner une déshydratation et l'apparition des symptômes nerveux qui
lui sont associés. Si la mortalité est beaucoup plus faible que ne le laissent entendre
heaucoup d'ouvrages anciens - elle est en fait exceptionnelle -, l'intoxication par la
graine de ricin, surtout chez le jeune enfant, doit malgré tout faire impérativement
l'objet d'une prise en charge vigilante en milieu spécialisé.
Dans le domaine du « bioterrorisme », on peut craindre l'utilisation de cette toxine,
l'n particulier par voie pulmonaire: de fines particules dispersées en aérosol auraient
IIne toxicité voisine de celle par la voie parentérale.
En mileu industriel, il conviendra surtout de faire en sorte d'éliminer, à tous les
stades du processus de transformation, les poussières vectrices des principes allergènes .

• HUILE DE SÉSAME

L'huile de sésame raffinée est l'huile grasse obtenue à partir des graines mûres de
SC'samum indicum L. par pression ou extraction, suivies d'un raffinage. La couleur et
l'odeur de l'huile de sésame peuvent être améliorées par raffinage plus poussé. L'huile
peut contenir un antioxydant approprié (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:0433], corr. 6.3).

Le sésame est une Pedaliaceae très rustique dispersée très tôt de l'Afrique à l'Inde et
il l'est de l'Asie. Herbe annuelle de taille modeste (0,6-1,2 m), le sésame possède des
170 LIPIDES

fleurs à corolle bilabiée blanche ou rosée, ressemblant à celles des gueules-de-Ioups (les
Pedaliaceae sont classées près des Scrophulariaceae). L'ovaire biloculaire conduit à une
capsule à quatre loges ou plus contenant de nombreuses petites graines « 3 mm)
ovales, mates, lisses et de couleur variable, qu'elle laisse échapper spontanément à
maturité (d'où, pense-t-on, le « sésame ouvre-toi! »des contes des Mille et Une Nuits).
Cultivé depuis au moins quatre millénaires en Mésopotamie, attesté un peu plus
tardivement en Inde et en Chine, le sésame a été introduit sur le continent sud-américain
par les Portugais. C'est actuellement un oléagineux largement exploité, mais dont la
consommation reste locale : une faible partie de la production mondiale transite sur le
marché international et l'exportation de l'huile est pratiquement inexistante. Les
principaux producteurs sont asiatiques (Chine, Inde, Myanmar, Pakistan, Bangladesh),
africains (Soudan, Ouganda, Tanzanie) ou américains (Amérique centrale).

Composition chimique. Les graines renferment 40 à 55 % de lipides, 20 % de


glucides (oligosaccharides) et 20 à 25 % de protéines. La fraction insaponifiable de
l'huile renferme des lignanes diarylfuranofuraniques : sésamine et sésamoline (jusqu'à
0,5 % chacun). Lors du raffinage, la sésamoline forme aisément des phénols antioxy-
dants, le sésamol et, en plus faible quantité, le sésaminol. Le sésamol, par la réaction
colorée qu'il donne avec le furfural en milieu acide, permet de détecter l'ajout d'huile
de sésame à d'autres huiles.

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sésamoline sésamine sésamol

Composition en acides gras de l'huile (principaux acides gras, %, Ph. eur., 6' éd.) :
longueur inférieure à C l6 < 0,5; palmitique, 7-12; stéarique, 3,5-6; oléique, 35-50;
linoléique, 35-50; linolénique et arachidique, < 1; béhénique et gadoléique, < 0,5 ;
érucique, < 0,1. La composition en triglycérides, établie par chromatographie liquide.
est la suivante (%, Ph. eur., 6' éd., L =linoléique, 0 =oléique, P =palmitique, S =stéa-
rique) : LLL (7-19), OLL (13-30), PLL (5-9), OOL (14-25), POL (8-16), 000 (5-14),
SOL (2-8), POO (2-10).
L'insaponifiable (1-1,5 % ; < 2 % [Ph. eur., 6' éd.]) renferme, outre les lignanes déjà
cités, des stérols (campestérol [18- 19 %], stigmastérol [6-7 %], ~-sitostérol [59-62 %],
ô's-avénastérol [l0-11 %]) et des tocophérols : y-tocophérol et o-tocophérol (respecti-
vement 83 % et Il % des tocophérols totaux).

Emplois. Laxatif doux, l'huile de sésame se conserve assez bien; on peut en outre y
ajouter un antioxydant approprié et la conserver sous atmosphère inerte - opérations
que l'étiquetage doit mentionner. Elle peut être utilisée comme solvant médicamenteux.
IIl1lLES VÉGÉTALES 171

r
r
i
L'industrie des cosmétiques utilise un extrait enrichi en insaponifiable (lignanes)
l'Oll1me antioxydant et antiradicalaire.
Dans les pays producteurs, les graines grillées ou non sont utilisées comme
l'Ilildiment (entières, pulvérisées, en pâte, seules ou en mélange ). L'odeur et la saveur
lb graines grillées sont liées à la formation de dérivés furaniques, de thiols, de phénols,
d de divers composés hétérocycliques azotés (dérivés pyraziniques, pyrroliques,
pyridiniques, etc.) .

• HUILE DE SOJA (voir aussi phyto-œstrogènes, p. 411 et suivantes)

L'huile de soja raffinée est l'huile grasse obtenue à partir de graines de Glycine soja
Sicbold & Zucc. et de Glycine max (L.) Merr. (= G. hispida [Moench] Maxim.) par
cxtraction suivie d'un raffinage. L'huile de soja raffinée peut contenir un antioxydant
IIpproprié (Ph. eur., 6' éd. - 6.2, [07/2008:1473]). Cette même 6' édition décrit les ca-
ractères et l'essai de l'huile de soja hydrogénée, obtenue par purification, blanchiment,
hydrogénation et désodorisation [07/2008:1265].

La plante et ses produits. Le soja, Glycine max (L.) Merr., est une Fabaceae qui
Il'cxiste qu'à l'état cultivé; elle est très proche de G. soja Siebold & Zucc. qui est
vraisemblablement son ancêtre spontané. C'est une petite plante herbacée, annuelle, à
tiges dressées volubiles, à feuilles altemes trifoliolées, à folioles ovales et pubescentes.
Lcs fleurs, petites, sont groupées en petites grappes insérées à l'aisselle des feuilles. Le
l'ruit est une gousse; brune, bosselée et très velue, elle renferme 1-4 graines ovoïdes à
sphériques de coloration variable. D'où vient le soja? D'après plusieurs auteurs, il
sc rait originaire non pas de Chine, mais plutôt du continent australien à partir duquel
dcs oiseaux migrateurs l'auraient introduit en Chine.
En dehors de l'huile et des lécithines, les produits de base du soja sont la farine, la
l'arine déshuilée et les protéines (concentrés et isolats). Le soja est utilisé depuis
longtemps en Asie, en particulier sous forme de « lait» (tonyu) obtenu par trempage,
mouture des graines, ébullition et filtration, et sous forme de tofu, sorte de « fromage»
issu de la coagulation, de l'égouttage et du pressage du tonyu (traditionnellement.
Industriellement, on a recours à l'ultrafiltration et à la coagulation en continu). Le tofu
cst consommé frais, cuit (frit) ou fermenté (sufu); il peut être stérilisé (URT) ou
pasteurisé. Les orientaux consomment également des produits fermentés obtenus par
cnsemencement des grains concassés (tempeh, miso, natto) ainsi que des « sauces»
comme le shoyu, hydrolysats de protéines riches en acide glutamique obtenus par une
première fermentation (Aspergillus spp.), un salage, puis une fermentation lactique
prolongée (industriellement le procédé est accéléré et se déroule en continu dans des
bioréacteurs).
Le soja n'a été connu que tardivement en Europe et sa culture a démarré aux États-
Unis d'Amérique au début du XX' siècle. Le marché de cet oléagineux - le plus
important au monde avec 209 millions de tonnes en 2004 - est largement dominé par
Ics États-Unis (82 millions de tonnes). Le Brésil et l'Argentine sont également de gros
producteurs, loin devant l'Inde, la Chine, le Paraguay, le Canada ou la Bolivie. Initiée
172 LIPIDES

en France à la fin des années 1970 après une longue période d'études, la culture du soja
a progressé jusqu'en 2001 pour chuter ensuite fortement: la production était de 141 000
tonnes en 2005, sur 57000 ha. La consommation des soyfoods a également rapidement
progressé en quelques années, le goût du consommateur français privilégiant surtout les
produits sucrés (desserts, boissons aromatisées, yoghourts, etc.).
La graine de soja renferme 15-35 % de glucides (fibres insolubles majoritaires), 35-
40 % de protéines contenant les acides aminés essentiels en bonne proportion et 15-20 %
de lipides (2-3 % de phospholipides). On note la présence de saponosides à génine
triterpénique, de facteurs antitrypsiques thermolabiles, d'acide phytique et de 0,8 à
1,6 % d'isoflavonoïdes : daidzine, génistine et dérivés 6"-O-malonylés (cf. p. 414).

Composition en acides gras de l'huile (principaux acides gras, %, Ph. eur., 6' éd.) :
longueur inférieure à C 14 < 0,1; myristique, < 0,2; palmitique, 9-13; palmitoléique,
< 0,3; stéarique, 3-5; oléique, 17-30; linoléique, 48-58; linolénique, 5-11 (cf. AGE, p.
176-80); arachi-dique, < 1 ; gadoléique, < 1 ; béhénique, < 1.
L'insaponifiable renferme des stérols : ~-sitostérol (47-59 %), stigmastérol (17-
19 %), campestérol (19-23 %), ~5-avénastérol (2-4 %), ~7-stérols (2-4 %), ainsi que des
tocophérols: y- (44-60 %),0- (30-43 %),0:- (5-10 %), ~- (2-3 %).
L'huile de soja hydrogénée renferme de 79 à 89 % d'acide stéarique (c'est une
masse ou une poudre blanche qui fond entre 66 et 72° C).

Emplois (de l'huile). En pharmacie, l'huile de soja raffinée est utilisée pour
l'alimentation parentérale: apport calorique et apport d'acides gras essentiels. La forme
d'emploi est une émulsion HIE à 10 ou 20 %, apportant 1 100 ou 2000 kcal/I; adminis-
tration en perfusion lente sous surveillance médicale; posologie de l'adulte: 1-3 g/kg/j.
Elle peut être hydrogénée. C'est alors une masse blanche principalement composée de
triglycérides d'acides gras saturés: acide stéarique 79 à 89 % et 9 à 16 % d'acide
palmitique. L'utilisation principale de l'huile de soja est bien entendu l'alimentation.

Protéines de soja. Le soja est une source importante de protéines: on utilise


massivement les tourteaux pour l'alimentation animale, ainsi que les farines (farine
complète, farine délipidée, renfermant 45 à 65 % de protéines), les concentrés (65 à
90 % de protéines) et les isolats (plus de 90 % de protéines). Ces isolats sont utilisés à la
place de la viande qu'ils peuvent remplacer partiellement ou totalement dans certains
aliments industriels (<< hamburgers» aux protéines végétales). Cette utilisation des
protéines de soja n'est pas sans intérêt pour la santé: une méta-analyse, portant sur
trente-huit études comparatives mettant en œuvre uniquement des protéines de soja
isolées ou texturées chez des sujets ayant une alimentation normale ou pauvre en
graisses, a clairement mis en évidence que la substitution des protéines animales par les
protéines de soja (consommation moyenne de 47 g par jour) induit une diminution des
triglycérides (-10,5 %), du cholestérol total (- 9,3 %) et du LDL-cholestérol (- 12,9 %)
sans changer significativement le taux du HDL-cholestérol. L'effet hypocholes-
térolémiant est d'autant plus marqué que la cholestérolémie totale initiale est élevée.
Reconnaissant ces faits, la FDA a autorisé (aux États-Unis d'Amérique), sur l'étique-
tage des produits alimentaires à base de protéines de soja, l'allégation: « Les protéines
1IIII1,8S VÉGÉTALES 173

dl' soja, incluses dans un régime pauvre en graisses saturées et en cholestérol, peuvent
r(:dllire le risque de maladie cardiovasculaire en abaissant les taux de cholestérol
NlIllgllin. » Un apport journalier d'environ 25 g par jour de protéines de soja est
1I(:œssaire pour observer un effet cliniquement significatif.
1"cs propriétés hypocholestérolémiantes sont-elles dues aux seules protéines? Ou
hit~1l faut-il tenir les isoflavones présentes dans les fractions protéiques pour co-
rl~spollsables de l'activité hypocholestérolémiante? Plusieurs études tendent à montrer
que les fractions protéiques riches en isoflavones sont plus actives que celles qui ont
(olé privées, partiellement ou totalement, de leurs isoflavones. Cela étant, aucune
('orrélation linéaire dose/effet n'a pu être mise en évidence. Il faut aussi souligner
qll'aucun essai clinique randomisé évaluant des isoflavones pures (de soja ou de trèfle)
Il'a pu apporter la preuve irréfutable d'une activité statistiquement significative de ces
molécules sur le bilan lipidique. Certes, l'extraction alcoolique de la fraction protéique
sl'Illble diminuer son effet hypocholestérolémiant, mais ce procédé n'extrayant pas
IIl1iquement les isoflavones, qu'en conclure? Les différences de composition
(hétérosides? génines ?), les variations individuelles d'absorption et de métabolisme,
lIillSi que l'hétérogénéité des protocoles d'essais ne permettent sans doute pas d'aller
IIU delà du simple constat de la relation inverse qui unit consommation de fractions
protéiques de soja et cholestérolémie.
Les données de l'évaluation, une bonne valeur biologique et l'absence de toxicité
IIltestée par un usage multiséculaire en Asie des produits à base de soja incitent à en
ellcourager la consommation. Le remplacement partiel des protéines animales par des
protéines de soja apporte une contribution intéressante et sans risque connu à
l'amélioration du bilan lipidique des personnes qui doivent contrôler leur
cholestérolémie (au moins en diminuant l'apport en graisses animales saturées ...). Pour
ks consommateurs occidentaux, l'incorporation des protéines dans des aliments
« classiques» évite l'écueil du goût particulier et de l'amertume des produits
lraditionnels, souvent mal acceptés. (Voir aussi, p. 415, les propriétés prêtées aux
isoflavones [= phyto-œstrogènes] de cette Fabaceae).

Lécithines de soja. Le soja est actuellement la principale source des lécithines


IIlilisées par l'industrie agroalimentaire. La lécithine brute provenant de la démucila-
gination contenant en général 60-70 % de lécithines et 30-40 % d'huile de soja, on
III i1ise préférentiellement les produits ayant subi un ou plusieurs traitements:
purification, déshuilage (produits à faible viscosité), modifications (pour avoir des
produits plus hydrophiles), fractionnement ou hydrogénation.
En pharmacie, la lécithine peut permettre l'obtention de liposomes. Elle est
illtéressante pour formuler des émulsions stables. Son débouché principal est l'industrie
IIgroalimentaire (E322) : margarinerie (20 g/kg), mais aussi chocolaterie, cuisson
céréalière ou « instantanéisation » (un film de lécithine permet de reconstituer
rupidement et sans grumeaux un produit déshydraté riche en lipides); c'est également
un bon agent de glissement (démoulage).
Certains pays autorisent l'utilisation de lécithine artificielle obtenue par glycérolyse
puis phosphorylation et neutralisation par l'ammoniac de l'huile de colza hydrogénée.
174 LIPIDES

Autres émulsionnants

Monoglycérides. Ces composés amphiphiles sont préparés par transestérification


entre un triacylglycérol et du glycérol à 200-250 oC en présence d'hydroxyde de
sodium. Les matières premières employées sont les huiles de coton et de tournesol ainsi
que des matières grasses animales préalablement hydrogénées. La distillation sous vide
du mélange réactionnel permet de séparer les monoglycérides, plus volatils.
Les mono- et diglycérides d'acides gras sont utilisés directement ("Sm) ou sous
forme d'esters (acétate, lactate, citrate, etc. : E472a-f), de sucro-esters (E473), de sucro-
glycérides (E474), d'esters polyglycériques (E47S), etc. On utilise également les
monostéarate et mono-oléate de sorbitane (Spans ®) ainsi que leurs dérivés polyoxy-
éthy lénés (Tweens ®) .

• HUILE DE TOURNESOL

L'huile de tournesol raffinée est l'huile grasse obtenue à partir des graines de
Helianthus annuus L. par pression mécanique ou par extraction, suivies d'un raffinage.
Un antioxydant approprié peut être ajouté (Ph. eur., 6' éd. - 6.2, [07/2008:1371]).

Le tournesol, Helianthus annuus L., est une Asteraceae originaire de l'Amérique du


Nord. À l'arrivée des Européens, il y était couramment cultivé et les graines - elles
contenaient 20 à 30 % d'huile - étaient consommées grillées ou après avoir été
réduites en farine. Introduit en Europe au XVI' siècle comme espèce ornementale, il a
été amélioré (la teneur en huile a été doublée) et réintroduit plus tard aux États-Unis
d'Amérique qui demeurent, comme la Chine, l'Inde, la France, la Hongrie et la
Roumanie, l'un des principaux producteurs mondiaux (largement devancés toutefois
par la Russie, l'Ukraine et l'Argentine). En 2005, la production mondiale de graines de
tournesol était de 30 millions de tonnes.
Caractérisé par ses grands capitules dont le réceptacle peut porter 2000 fleurs
tubulées, par ses grandes feuilles cordiformes et ses akènes anguleux, le tournesol a été
cultivé initialement en Russie au XIX' siècle; depuis il n'a cessé d'être amélioré: la
teneur en huile des variétés actuellement cultivées atteint 50 %. La sélection a
également privilégié des plants mono-capitules (le tournesol sauvage est ramifié), à
akènes à coque fine.

Composition en acides gras de l'huile (principaux acides gras 7, %, Ph. eur., 6' éd.) :
palmitique, 4-9; stéarique, 1-7; oléique, 14-40; linoléique, 48-74. Le trilinoléate (LLL)
et l'oléodilinoléate (OLL) représentent chacun environ 1/3 des triacylglycérols.
L'insaponifiable est caractérisé par la présence de nombreux stérols : le P-sitostérol
est nettement prédominant (60 %), il est accompagné de ~7-stigmastérol (7-14 %) et de

7. On cultive aussi des « tournesols oléiques » dont les triglycérides contiennent au moins 70 %
d'acide oléique. Cette huile alimentaire est plus stable à chaud que l'huile de tournesol « linoléique»
classique. Les variétés à très haute teneur en acide oléique (90 %) sont destinées à un usage industriel.
IIIIII,ES VÉGÉTALES 175

/\'·avénastérol (4-6 %). Les tocophérols sont presque exclusivement représentés par l'a-
IOl'ophérol.

Emplois. L'huile de tournesol est presque autant consommée en France que l'huile
dl' colza (433 000 tonnes en 2004). Le tournesol est également utilisé, après déshuilage,
sous forme de farine (farine d'aleurone). Celle-ci entre dans la formulation de produits
diététiques.

2. AUTRES HUILES

.HUILES DE PALME ET DE PALMISTE

Ces huiles sont fournies par le palmier à huile (Elaeis guineensis Jacq. et E. oleifera
1Kunth] Cortés, Arecaceae [= Palmae] 8). Cette espèce est un grand palmier (15-30 m) à
fruits rougeâtres réunis en « régimes» ovoïdes comptant de 1 000 à 2000 drupes
grosses comme une prune. Il est cultivé dans le sud-est asiatique (Malaisie, Indonésie,
Papouasie Nouvelle-Guinée, Thaïlande) aussi bien qu'en Afrique (Nigeria, Zaïre,
Cameroun, Ghana) et en Amérique du sud (Equateur, Colombie). On utilise les fruits
mOrs: leur pression fournit l'huile de palme (le mésocarpe renferme 65 à 70 % de
lipides). La production d'huile de palme a doublé au cours de la dernière décennie du
XX, siècle et continue de croître régulièrement. Avec 28 millions de tonnes, c'était, en
2005, la 2' huile utilisée dans le monde. On utilise également la« noix» : les fmits sont
séchés, débarrassés du péricarpe et la noix, c'est-à-dire la graine entourée de
l'cndocarpe, est pressée ou extraite à l'aide de solvants: on obtient ainsi l'huile de
palmiste. Ces huiles, comme le coprah, sont solides sous nos latitudes; la présence de
caroténoïdes explique la coloration marquée de l'huile de palme. Les principaux
cmplois de l'huile de palme sont la margarinerie et la savonnerie.

Composition chimique (principaux acides gras, %):


J. Huile de palmiste: caprylique, 2,4-6,2; caprique, 2,6-5 ; laurique, 41-55; myris-
tique, 14-18; palmitique, 6,5-10; oléique, 12-19.
2. Huile de palme: myristique, 0,5-2; palmitique, 41-47; oléique, 36-44;
linoléique, 6,5-12; stéarique, 5,5-6

L'huile de tournesol oléique (Oléisol®) entre actuellement dans la compositon de mélanges huileux
offerts au consommateur soucieux « d'équilibrer son alimentation lipidique» ; exemple: tournesol,
Oléisol'·, soja et pépins de raisins pour une composition finale: C 18 :1 (40), C 18 : 2 (45) et C 18 :3 (1,2).
NB: l'huile de pépins de raisin provient de l'expression des graines du raisin, sous-produit
abondant dans les pays viticoles du bassin méditelTanéen. Composition: palmitique, 5,5-11; stéarique,
3-6; oléique, 12-28; linoléique, 58-78; linolénique, < 1. L'insaponifiable renferme des tocotriénols (a-
d y-tocotriénols). L'huile a également quelques débouchés en savonnerie et en lipochimie.

8. On utilise d'autres Arecaceae à huiles. C'est, entre autres, l'exemple du babas su (Orbignya
phalerata Mart.) exploité au Brésil. L'amande de la graine fournit une huile riche en acides à chaîne
lIloyenne (laurique [50 %J, myristique [20 %]). Elle est surtout destinée à des usages locaux. Elle
est également utilisée dans la formulation de cosmétiques.
176 LIPIDES

L'insaponifiable de l'huile de palme est riche en carotènes (0,5-0,7 g/kg d'huile) et sa


fraction tocophérolique est composée, à plus de 80 %, par des tocotriénols .

• HUILES UTILISÉES EN FORMULATION COSMÉTIQUE

BEURRE DE KARITÉ. C'est le corps gras retiré des graines d'une Sapotaceae exploitée
principalement au Nigeria, au Mali, au Burkina Faso, au Ghana, etc. Le péricarpe du
fruit de cette espèce, Vitellaria paradoxa Gaertnerf (= Butyrospermum parkii Kotschy),
est comestible. Composition: acide stéarique (28-45 %), acide oléique (42-59 %), acide
linoléique (3-9 %); 7 à 10 % d'insaponifiable majoritairement composé d'alcools
triterpéniques (60-70 %) et d'hydrocarbures insaturés. Les débouchés sont limités à
l'industrie des cosmétiques et à la formulation de quelques pommades cicatrisantes et
protectrices (soleil, intempéries). Le beurre de karité est une matière grasse végétale qui
peut être ajoutée, pendant la fabrication, dans les produits de chocolat dans la limite
maximale de 5 % du produit fini 9.

HUILE D'ARGAN. L'arganier (Argania spinosa [L.] Skeels) est une Sapotaceae épi-
neuse du sud-ouest marocain qui protège le sol de l'érosion et fournit de l'ombre aux
cultures. La pulpe du fruit est un aliment du bétail et la graine fournit une huile nettement
insaturée (acide oléique, 45 %, acide linoléique, 35 %, acide palmitique, 14 %).
L'insaponifiable de 1'huile contient des alcools tri terpéniques (principalement
tétracyc1iques), des stérols (stigmastadiénols, spinastérol), des tocophérols (0,6 g/kg).
Les tourteaux renferment des saponosides, bidesmosides d'acides polyhydroxylés de la
série de l'oléanane. L'huile d'argan, comestible, est utilisée en formulation cosmétique.

HUILE DE MACASSAR. Cette huile, utilisée dans la formulation de cosmétiques et


de produits d'hygiène (ex. : shampooings), est fournie par les graines du « chêne» de
Ceylan, Schleichera oleosa (Lour.) Oken (= S. trijuga), Sapindaceae.

3. ACIDES GRAS POLYINSATURÉS : AGE, acides gras essentiels

AGPI, AGPI-LC, oméga- 3 et oméga- 6


Les corps gras sont des nutriments indispensables et il est couramment admis qu'ils
doivent constituer 30 à 35 % de l'apport calorique journalier, en alimentation normale.

9. La directive 2000/36/CE du Parlement européen, modifiée en 2003 à la suite de l'extension à


25, spécifie que le chocolat, les chocolats au lait ou le chocolat blanc peuvent contenir jusqu'à 5 % des
matières grasses végétales suivantes: illipé, huile de palme, saI, karité, kokum gurki, noyaux de
mangue et, dans quelques cas particuliers, huile de coprah.
La noix d'illipé est fournie par une Sapotaceae, Madhuca longifolia (Koenig) Macbr. La mangue est
une Anacardiaceae (Mangifera indica L.). Le kokum (Goa butter) est une Guttiferae, Garcinia indica
(Thouars) Choisy. Le beurre de saI provient d'une Dipterocarpaceae (Shorea robusta Gaertner f.). La
graisse d'autres Dipterocarpaceae est vendue, comme celle du Madhuca, sous le nom d'illipé (Shorea
mncrophylla [Vriese] Ashton et autres).
!
~:
:;,
IIIIII.ES VÉGÉTALES 177

Si Ics graisses apportent une quantité d'énergie importante sous un faible volume, tous
It·s acides gras qui les constituent n'ont pas le même rôle ni la même valeur. Certains
NOIlI en effet indispensables: ils sont dits essentiels (AGE) car ils ne sont pas
~ylllhétisés par l'organisme humain (c'est le cas de l'acide linoléique) ou ne le sont en
qllantité suffisante que par l'organisme jeune et bien portant (c'est le cas de l'acide
IIl'11chidonique). On les désigne habituellement sous le nom d'acides gras polyinsaturés
(t\( ;PI), ou, quand leur longueur est strictement supérieure à C 18' d'acide gras
llOlyinsaturés à longue chaîne (AGPI-LC).

~H
cyclo-oxygénase 0-0
acide arachidonique .~

çfC~H

~
Hel H ~
OH
PGF;za
PGI2

Oxydation de l'acide arachidonique H

~
par la cyclo-oxygénase. ~ """~C02H
Formation des prostaglandines, .",0 . //
tromboxanes, prostacycline o ~ .
(exemples). H =
OH
TXA 2
Les AGE ont un rôle biologique important: constituants des phospholipides des
membranes cellulaires, ils concourraient à assurer leur fluidité; ce sont aussi les
précurseurs des eicosanoïdes : prostaglandines, leucotriènes et thromboxanes dont on
connaît les fonctions multiples comme médiateurs cellulaires et intercellulaires et
comme agents impliqués dans l'agrégabilité plaquettaire ou le phénomène inflam-
matoire. La biosynthèse de ces composés implique notamment l'acide arachidonique,
178 LIPIDES

lequel provient nonnalement de la désaturation de l'acide linoléique (C I8 :2 , w6) en acide


y-linolénique (C I8 :3 , (6) sous l'influence d'une ~6-désaturase, dé saturation qui est suivie
d'une élongation (acide dihomo-y-linolénique [C 20 :3 , w6]) et d'une nouvelle dé saturation
conduisant à l'acide arachidonique (C 20:4 , w6)' Cet acide arachidonique est le substrat sur
lequel agissent cyclo-oxygénase et lipoxygénase pour fonner les leucotriènes de la série
4, et les prostaglandines de la série 2 (celles de la série 1 sont fonnées à partir de l'acide
dihomo-y-linolénique) ,

~
Désaturation,
élongation-désaturation :
formation de l'acide arachidonique.

Origine des leucotriènes.


acide linoléique 1

~H ~
acide dihomo-y-linolénique acide y-linolénique

~
~C02H

~ lipoxygénase

acide arachidonique

H OH
1;,. o
;/ ;/

De la même façon, la désaturation et l'élongation de l'acide a-linolénique (C I8 :3 , (3)


conduit à l'acide eicosapentaénoïque (EPA, C20 :5 , (3)' précurseur des leucotriènes de la
série 5 et des prostaglandines de la série 3 ainsi qu'à l'acide docosahexaénoïque (DHA,
C22 :6 , (3)' Il n'existe ni transformation métabolique ni substitution fonctionnelle entre
les deux familles 006 et 003. Les acides linoléique (006) et a-linolénique (003) et
l'ensemble de leurs dérivés sont nécessaires au maintien d'une fonction biochimique,
cellulaire ou physiologique donnée, quel que soit l'âge ou l'état de santé.
En France, d'après l'étude Su,vi,max, les apports moyens estimés sont de 4,3 % de
l'apport énergétique total pour l'acide linoléique et de 0,4 % environ pour l'acide a-
linolénique (moins élevé que dans d'autres pays d'Europe, notamment les pays
Scandinaves) ,
Or, les études d'observations chez l'humain semblent en faveur d'un moindre
risque cardiovasculaire sous l'influence d'une alimentation apportant 5 % de la ration
Ill/ILES VÉGÉTALES 179

l'ncrgétique totale sous la forme d'acides gras polyinsaturés, 20 % sous la forme d'acide
oléique, 8 % sous celle d'acides gras saturés. Cela correspond à des apports recom-
mandés quotidiens, pour un homme adulte, de 19,5 g d'acides gras saturés, de 49 g
d'acide oléique, de 10 g en acide linoléique ((06), de 2 g en acide a-linolénique ((03) et
de 0,5 g d'AGPI-LC, valeurs à diminuer d'environ 20 % pour la femme adulte (Affsa).
En prévention cardiovasculaire secondaire, il est établi, sur la base d'essais
d'intervention, que l'augmentation de la consommation d'acide a-linolénique - dans
/1' cadre strict d'un régime type « méditerranéen 10 » - diminue les récidives corona-
riennes, la mortalité cardiovasculaire et la mortalité globale. Par contre, des essais
l"Omparant huile riche en acide a-linolénique versus huile pauvre en cet acide n'ont pas
montré de différence significative de mortalité dans les deux groupes en prévention
primaire II.

Couverture des besoins en acides gras essentiels

Les besoins en acide linoléique de la population sont largement couverts, celui-ci


élant présent en quantité importante dans les huiles végétales: maïs (40-65 %), noix
(55-75 %), soja (48-58 %), tournesol (48-74 %) et pépins de raisins (58-78 %).
Par contre, et quelles que soient les limites des méthodes de mesure, la consom-
mation actuelle, en France, d'acide a-linolénique, est inférieure à l'apport nutritionnel
(.:onseillé : le rapport (06/(03 devrait être de 5, alors qu'il est voisin de 10. Les principaux
aliments contribuant à l'apport en acide a-linolénique sont, actuellement et en France,
les produits animaux (produits laitiers, viandes, volailles, charcuteries). La consom-
mation accrue d'huiles végétales appropriées 12 permettrait d'augmenter aisément

10. C'est une alimentation riche en fruits, légumes, poissons et contenant des corps gras à base
d' AGMI et d'acide a-linolénique, comportant moins de viande el de corps gras laitiers.

Il. Toutes sources confondues (huiles, huiles de poissons gras), et sur la base des études de cohorte
(41) et essais randomisés (48) recensés en 2004, il n'apparaît pas de façon claire que la supplémentation
l'n acides gras co3 ait une incidence sur la survenue d'accidents cardiovasculaires et la mortalité
globale. La supplémentation en acides co3 ne diminue en rien le risque de survenue d'un cancer: c'est
1lIissi ce qui ressort d'une récente méta-analyse réalisée sur 20 études de cohortes. La supplémentation
('n acides de ce type n'a pas les mêmes conséquences que de manger davantage de poisson gras (et
donc moins de viande ... ) et en « souhaitant que leur teneur en contaminants ne remette pas en cause le
h{>néfice escompté» [AfssaJ.
12. Il existe en France deux mentions qui permettent de distinguer les huiles en fonction de leur
Icncur en acide a-linolénique. Lorsque l'huile contient plus de 2 % d'acide a-linolénique l'étiquette
doit porter la mention « huile végétale pour assaisonnement ». Si la teneur est inférieure à 2 %
l'éliquette porte la mention « huile végétale pour friture et assaisonnement ». Cette distinction (décret
du 12-02-1973) a été introduite pour tenir compte de la toxicité attribuée aux produits de dégradation
I"ormés lors du chauffage des huiles. En fait, il semble - selon les organisations professionnelles
concernées - que, contrairement aux idées reçues, la quantité de produits formés soit pratiquement
identique queUe que soit la teneur en acides polyinsaturés. L'essentiel réside sans doute dans le mode
d'utilisation: température modérée, renouvellement fréquent du bain de friture. Les « huiles végétales
pour fritures » peuvent contenir un antimoussant (E900 = diméthylpolysiloxane).
À propos d'étiquetage, rappelons que seules les huiles obtenues par des procédés mécaniques
cl n'ayant subi ni raffinage ni traitement chimique ont droit à l'appellation« huile vierge ». Les huiles

/
180

l'apport alimentaire en acide a-linolénique : cet acide est en effet présent en quantité
LIPIDES

l
:1
J
1
1
importante dans les huiles de colza (6-14 %), de noix (9-15 %) et de soja (5-11 %).
Les acides gras polyinsaturés à longue chaîne (AGPI-LC) de la famille m6 sont
apportés par la consommation de produits animaux terrestres (viande, œufs). Ceux de la
famille m3 le sont surtout par les poissons.

Huiles à acide y-linolénique

L'acide y-linolénique (m6), précurseur immédiat de l'acide arachidonique, est


beaucoup plus rare que son homologue de la série m3 : on en trouve notamment dans
les graines d'Onagraceae (Œnothera), de Grossulariaceae (Ribes nigrum L. [cassis],
R. rubrum L., etc.), et de diverses espèces des genres Anchusa, Borago, Cynoglossum,
Onosma, Onosmodium, Symphytum, etc., c'est-à-dire chez les Boraginaceae. On en
trouve aussi chez certaines espèces d'Anemone et dans les graines de Cannabis. Les
sources les plus intéressantes semblent être - actuellement - les pépins de cassis, les
graines d'onagre bisannuelle et les graines de bourrache .

• ONAGRE, Œnothera biennis L., Onagraceae

L'huile d'onagre raffinée est l'huile grasse obtenue à partir des graines
d'O. biennis L. ou d'O.lamarkiana L. par extraction et/ou pression suivie(s) d'un raffi-
nage. Un antioxydant approprié peut être ajouté (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:2104]).

La plante. L'onagre bisannuelle est aisément identifiable: elle possède de grandes


fleurs éphémères à quatre pétales échancrés, jaunes, s'épanouissant le soir (evening
primrose, Nachtkerze). Originaire de l'Amérique du Nord, c'est une espèce assez
répandue dans les zones côtières, méditerranéennes aussi bien qu'atlantiques. Elle est
cultivée au Royaume-Uni pour la production de graines. La graine, petite (1-2 x 0,5-1
mm) et anguleuse - contient jusqu'à 25 % d'une huile riche en acides gras insaturés,
notamment en acide y-linolénique.

Composition en acides gras de l'huile (principaux acides gras, %, Ph. eur., 6' éd.) :
longueur inférieure à C l6 < 0,3; palmitique, 4-10; stéarique, 1-4; oléique, 5-12;
linoléique, 65-85; y-linolénique, 7-14; a-linolénique, < 0,5.

Évaluation clinique. Plusieurs études et essais cliniques comparatifs, randomisés et


en double aveugle, ont évalué l'huile d'onagre dans plusieurs indications:
- traitement de l'arthrite rhumatoïde. Aucun résultat probant n'est apporté par les
petits essais qui ont testé des doses journalières peut-être insuffisantes et avec une
méthodologie parfois inappropriée (nature du placebo, critères d'inclusion, etc.);

raffinées portent la dénomination « huile de » quand elles proviennent d'un seul fruit ou d'une seule
graine, celle de« huile végétale» quand il s'agit d'un mélange d'huiles végétales.
llllILES VÉGÉTALES 181

- traitement de l'eczéma atopique. L'intérêt de l'huile d'onagre per os 13 dans cette


indication est controversé. Les données des essais cliniques sont contradictoires, les
plus vastes n'ayant constaté aucune différence d'effet entre l'huile et le placebo. Il ne
ressort pas de la synthèse des essais disponibles que l'on puisse attendre un réel
hénéfice clinique de l'utilisation de l'huile d'onagre par voie orale;
- traitement des mastodynies. Deux essais comparatifs conduits chez 675 femmes
ont clairement montré que l'huile d'onagre n'est pas plus efficace qu'un placebo pour
diminuer les douleurs mammaires du syndrome prémenstruel;
- autres indications. Plusieurs études et essais cliniques ont tenté de prouver l'intérêt
de l'huile d'onagre dans des indications aussi diverses que les troubles vasomoteurs de
la ménopause, l'ostéoporose, la fatigue chronique, l'asthme, le psoriasis ou la
schizophrénie. Les essais cliniques comparatifs ayant une qualité méthodologique
minimale mettent en évidence l'absence d'efficacité de l'huile d'onagre dans ces
indications. Il n'est pas exclu que l'huile d'onagre puisse exercer un effet bénéfique
chez des patients souffrant d'une neuropathie diabétique lègère .

• BOURRACHE, Borago officinalis, Boraginaceae

L'huile de bourrache raffinée est l'huile grasse obtenue à partir des graines de B.
(~!fïcinalis
par extraction et/ou pression suivie(s) d'un raffinage. Un antioxydant
approprié peut être ajouté (Ph. eur., 6" éd., [01/2008:2105]).

La bourrache est depuis longtemps inscrite dans les pharmacopées occidentales


pour ses fleurs et sommités fleuries qui sont traditionnellement utilisées, entre autres, au
cours des affections bronchiques (cf. p. 990).
Cette plante est maintenant cultivée pour la production des graines oléagineuses
contenues dans des akènes déhiscents, mais le rendement en graines est aléatoire:
floraison non synchronisée et donc maturation des graines non uniforme, chute des
graines mûres sur le sol avant et pendant la récolte, etc. La teneur en huile varie, selon
le mode d'extraction et le degré de maturité, de 13 à 33 %.

Composition en acides gras de l'huile (principaux acides gras, %, Ph. eur., 6' éd.) :
longueur inférieure à C l6 < 0,3; palmitique, 9-12; palmitoléique, < 0,6; stéarique, 2-6;
oléique, 12-22; linoléique, 30-41; y-linolénique, 17-27; o.-linolénique, < 0,5;
arachidique, < 0,5; éicosénoïque, 2,8-4,4; érucique, < 3; nervonique, < 4,5.

13. En application locale, les essais sont peu nombreux et leurs conclusions sans réelle portée. Des
rapports de malades feraient état d'une inefficacité, voire d'une aggravation de leur eczéma par les
produits à base d'acide y-linolénique. L'absence de données solides sur la balance bénéfices-risques de
ces formes pour application locale n'empêche pas la commercialisation de produits cosmétiques au
libellé flou (et abusif) « peaux atopiques ». Rappelons que, à ce jour, les recommandations en cas
d'eczéma atopique sont d'éviter les savons détergents, l'exposition de la peau à une température
élevée, le contact avec les vêtements de laine et de recourir à des crèmes émollientes pour lutter contre
la sécheresse cutanée. Le traitement symptomatique de première ligne (mais non dénué d'effets
indésirables) est constitué par l'application de dermocorticoïdes.
182 LIPIDES

Évaluation clinique. Compte-tenu de sa richesse en acide y-linolénique, l'huile de


bourrache a été évaluée dans les mêmes indications que l'huile d'onagre :
- traitement de l'eczéma atopique. Les essais cliniques randomisés et en double
aveugle qui ont évalué, versus placebo, l'efficacité de l'huile de bourrache (per os) en
cas d'eczéma atopique, n'ont pas permis d'en démontrer l'intérêt thérapeutique. Un
essai a toutefois montré, chez des enfants à risque, une tendance à atténuer la gravité
des crises (mais pas à les prévenir);
- traitement de l'arthrite rhumatoïde. Deux essais comparatifs randomisés en double
aveugle ont évalué l'huile de bourrache versus l'huile de coton ou l'huile de tournesol,
aux doses respectives de 1,4 g et 2,8 g par jour d'acide y-linolénique pendant six mois.
Dans les deux cas, le nombre de patients éprouvant une amélioration sensible de leurs
symptômes a été plus élevé dans le groupe huile de bourrache que dans le groupe
placebo, de façon statistiquement significative. D'autres essais sont nécessaires pour
confirmer ces observations limitées (93 patients au total), et pour préciser les dosages et
durées de traitement. S'il n'a pas été noté d'effets indésirables sévères au cours de ces
essais, on ne sait rien de l'innocuité d'une supplémentation au long cours en acide y-
linolénique (exposition à des phénomènes de peroxydation lipidique, par exemple).

4. INSAPONIFIABLES ET COMPOSÉS APPARENTÉS

La fraction insaponifiable, c'est-à-dire les constituants non glycéridiques des huiles,


représente de 0,3 à 2 % de la masse de l'huile. La composition de l'insaponifiable est
souvent complexe; on y trouve principalement des hydrocarbures, des caroténoïdes,
des stérols (sitostérol, stigmastérol, ~7-stérols), des tocophérols, des alcools aliphatiques
de masse moléculaire élevée et des alcools terpéniques .

• AVOCATIER, huile et insaponifiable d'avocat

L'avocatier, Persea americana Miller, est une Lauraceae originaire de l'Amérique


du Sud. Cultivé en Afrique, en Amérique (Mexique, États-Unis, Brésil), en Israël, c'est
un arbre à fruits piriformes à noyau volumineux. Le mésocarpe charnu de ce fruit -
l'avocat - fournit une huile visqueuse, vert brunâtre, à odeur fruitée. La teneur en huile
et sa composition fluctuent selon les variétés: acide palmitique (17-29 %), acide
palmitoléique (6-12 %), acide oléique (42-63 %), acide linoléique (9-16 %), acide
linolénique « 1 %). L'insaponifiable, dont la teneur peut atteindre 1 %, est pour moitié
constitué d'hydrocarbures ramifiés; on y trouve environ 20 % de stérols et des triols
très réducteurs non identifiés.
Le mélange des insaponifiables d'avocat et de soja est proposé comme traitement
d'appoint des parodontopathies et, en rhumatologie, comme traitement d'appoint des
douleurs arthrosiques. Une synthèse des données disponibles publiée en 2003 a recensé
quatre essais cliniques randomisés et en double aveugle qui ont évalué ce mélange (300
mg par jour), versus placebo, dans la prise en charge de l'arthrose du genou ou de la
hanche. Si trois essais sont plutôt en faveur de l'efficacité du mélange d'insaponifiables
IIlIlLES VÉGÉTALES 183

(haisse de la consommation d'anti-inflammatoires ou d'antalgiques, amélioration


fonctionnelle), le seul essai de longue durée n'a montré ni amélioration radiologique, ni
IIllIélioration fonctionnelle, ni diminution de la douleur en cas d'arthrose de la hanche.
l ,c traitement n'a pas engendré plus d'effets indésirables que le placebo .

• TOCOPHÉROLS

Les tocophérols sont des dérivés prénylés du benzodihydropyrane. Selon que la


chaîne latérale est saturée ou insaturée, on distingue les tocophérols et les tocotriénols ;
dans chacune des deux séries la position et la nature des substituants déterminent
l'existence de quatre composés différents (a, ~, 'Y, 8), l'a-tocophérol étant prépondérant
dHns la plupart des espèces. Biosynthétiquement, ces tocophérols dérivent de l'acide
homogentisique.

HO

R1 =R2 =CH 3 : a-tocophérol; R1 =CH 3, R2 =H : ~-tocophérol


R1 =H, R2 =CH 3 : y-tocophérol; R1 =R2 =H : 8-tocophérol

Les tocophérols constituent ce que l'on appelle habituellement la vitamine E,


Ilntioxydant liposoluble naturel qui s'oppose aux phénomènes oxydatifs, notamment à
l'oxydation des acides gras: éminemment oxydables, ils forment un époxyde puis, par
ouverture et déshydratation, une p-quinone. La vitamine E oxydée est ensuite réduite
par l'acide ascorbique. Les huiles, les margarines et les céréales couvrent aisément les
he soins journaliers (10-12 mg par jour).
Dans la mesure où l'oxydation des lipoprotéines semble jouer un rôle dans l'athéro-
genèse, de nombreuses études ont cherché à mettre en évidence un éventuel effet
protecteur de la vitamine E à l'encontre des affections cardiovasculaires. Certaines de
ces études épidémiologiques suggèrent un effet protecteur d'une alimentation riche en
vitamine E, mais elles ne démontrent pas de façon significative une corrélation entre
l'apport en vitamine E et le risque coronarien. Récemment, l'essai français SU.vi.max a
montré, après un suivi médian de 7,5 ans de 13000 adultes, que la prise journalière de
30 mg de vitamine E associée à la vitamine C (120 mg), au ~-carotène (6 mg), au zinc
(20 mg) et au sélénium (lOO}lg) n'a eu aucune incidence sur la fréquence des
cardiopathies ischémiques. Ces résultats s'ajoutent à ceux d'autres études de grande
ampleur qui n'ont trouvé aucun effet préventif cardiovasculaire de la vitamine E seule
ou associée à d'autres antioxydants.
L'incidence de l'apport en vitamine E sur la prévention ou le traitement d'affections
ncurologiques (sclérose amyotrophique, maladie de Parkinson, épilepsie) est difficile à
cerner; elle semble inexistante ou faible. Le bénéfice d'une supplémentation en
vitamine E chez la femme enceinte n'est pas établi, les données étant insuffisantes.
184 LIPIDES

Il a été longtemps postulé que la vitamine E pouvait exercer un effet protecteur lors
des phases précoces d'induction de la cancérogenèse (tractus digestif, poumon), mais
les preuves formelles d'une telle activité restent à apporter: dans l'essai Su.vi.max.
précité on n'a pas noté de différence statistiquement significative de l'incidence des
cancers, sauf chez les hommes (3,5 versus 4,9 % dans le groupe placebo). La plupart
des essais d'intervention publiés constatent cette absence d'effet protecteur.
Le bien-fondé d'un apport supra-physiologique en vitamine E n'est donc pas
démontré. Est-il sans danger? L'analyse d'essais regroupant près de 136000 patients,
sans apporter de réponse définitive et généralisable (elle a d'ailleurs suscité de
nombreuses réactions), a laissé entrevoir qu'une supplémentation quotidienne
importante pourrait augmenter la mortalité globale. Une dose limite de sécurité est
d'ailleurs conseillée par le Conseil supérieur d'hygiène publique de France: 40 mg par
jour.
L'acétate d'a-tocophérol est actuellement indiqué en traitement et en prévention de
la carence en vitamine E. Il est par ailleurs proposé par certains: 1° dans le traitement
de l'incontinence urinaire de la femme et la myopie évolutive; 2° comme adjuvant du
régime diététique chez les patients atteints d'hyperlipoprotéinémie et ne justifiant pas
un traitement hypolipidémiant, ce qui apparaît (non sans raison) contestable aux yeux
de divers auteurs. On le trouve également, mais à faibles doses, dans plusieurs dizaines
de spécialités de conseil pharmaceutique, d'automédication ou de supplémentation
alimentaire, associé à d'autres vitamines, à des flavonoïdes, à de l'huile de poisson, à
des minéraux, etc. Il est très fréquemment incorporé dans les préparations diététiques.
Dans l'industrie agroalimentaire, les tocophérols sont des antioxydants autorisés,
qu'il s'agisse d'extraits naturels provenant d'huiles végétales comestibles riches en
tocophérols (E306) ou de tocophérols synthétiques (a, y, 8, respectivement E307 à 309).
La pharmacotechnie utilise également les propriétés anti-oxygène de ces substances,
souvent en synergie avec l'acide ascorbique.

Composés apparentés aux insaponifiables

.PRUNIER D'AFRIQUE, Prunus africana Kalkman, Rosaceae

L'écorce de prunier d'Afrique est l'écorce séchée, entière ou fragmentée, des


tiges et des branches de P. africana (Ph. eur., 6' éd., [01/2008: 1886]).

La plante, ['écorce. Encore souvent dénommée (à tort) Pygeum africanum Hook.f.,


cette espèce forestière de l'Afrique centrale se développe surtout dans les zones
montagneuses soumises à de fortes précipitations (Cameroun, Kenya, Guinée
équatoriale, Madagascar). C'est un grand arbre - il peut atteindre trente mètres de
hauteur - à feuilles elliptiques alternes, faiblement acuminées, épaisses, coriaces, vert
foncé et dégageant, après froissement, une odeur d'amande amère. Les fleurs sont
petites, blanches, 5-mères. Le fruit, une drupe rouge à pourpre brun, a la forme d'une
cerise, une chair très amère et un noyau dur. En 2000, la production mondiale d'écorces
- en nette régression - était estimée à un maximum de 1500 tonnes (soit de 6,4 à 7,2
IItIlLES VÉGÉTALES 185

lonnes d'extrait pour une valeur de 4,36 millions de dollars). Depuis 1995, l'espèce a
6té inscrite sur la liste des espèces retenues par la Convention internationale sur le
commerce des espèces menacées. Des essais de culture ont été réalisés, avec succès.
L'écorce est rouge ou brun foncé; elle se présente en morceaux durs, irréguliers,
l·ourbés. Réduite en poudre et examinée au microscope (hydrate de chloral), elle
présente des sclérites, des macles d'oxalate de calcium, des fibres lignifiées en groupes
il extrémité dentée.

Composition chimique. L'analyse de l'extrait montre qu'il renferme une fraction


lipidique (acides gras en C I2 -C 24 ), des phytostérols (~-sitostérollibre et glucosylé,
campestérol), des acides triterpéniques pentacycliques (ursolique, oléanolique et leurs
homologues di- ou trihydroxylés en C-2, C-3 et/ou C-24, éventuellement acylés par
l'acide férulique), et des a1canols linéaires: n-tétracosanol et n-docosanol1 4 qui
semblent exister dans l'extrait sous la forme d'esters de l'acide trans-férulique.

Pharmacologie. Le mécanisme d'action de l'extrait de P. africana n'est pas élucidé.


Plusieurs facteurs pourraient intervenir, en particulier l'inhibition de la 5-lipoxygénase
des polynucléaires qui infiltrent le tissu prostatique (l'extrait est anti-inflammatoire).
Une inhibition partielle de la 5a-réductase et de l'aromatase a été constatée pour
certains extraits. Plus récemment, il a été montré sur des cultures de fibroblastes
prostatiques du Rat que l'extrait inhibe la prolifération cellulaire induite par les
principaux facteurs de croissance responsables du développement normal et
pathologique du tissu prostatique: EGF (Epidermal Growth Factor, CI 50 =4,5 Ilg/ml),
hFGF (basic Fibroblast Growfh Factor), IGF-1 (lnsulin-like Growth Factor 1).
l ,'inhibition de la prolifération est également observée sur les cellules non stimulées et
sur les cellules stimulées par un activateur de la protéine-kinase C, le TPA (cf. p. 777).
Elle n'est pas liée à une cytotoxicité. D'autres travaux réalisés chez le Lapin ont montré
que de fortes doses d'extrait de P. africana préviennent les dysfonctionnements
contractiles et métaboliques de la vessie induits par une obturation partielle de l'urètre,
mais qu'elles ne diminuent pas l'hypertrophie vésicale compensatrice (consécutive à
l'augmentation du bFGF).

Évaluation clinique. La méthodologie de la trentaine d'essais cliniques qui ont


6valué l'activité du Prunus africana est très inégale et globalement faible. En 1998, une
synthèse méthodique d'un groupe du réseau Cochrane a retenu 18 essais comparatifs
randomisés en double aveugle (1562 patients) ayant comparé 75 à 200 mg/j d'extrait
(seul [Il essais] ou associé à d'autres extraits) versus placebo (13 essais) ou versus un
autre extrait végétal ou un anti-inflammatoire pendant 30 à 122 jours. L'analyse
statistique de 6 essais versus placebo (474 patients) a conduit les auteurs de cette syn-
Ihèse méthodique à constater que l'extrait de Prunus africana améliorait modérément la
symptomatologie associée à l'hypertrophie prostatique bénigne. Il a réduit la pollakiurie

14. Le docosanol en crème vient d'être commercialisé en France pour le traitement des épisodes
lligus d'herpès labial (2008). Son efficacité semble légèrement supérieure à celle d'un placebo, et non
différente de celle de l'aciclovir à 5 %. Il n'induit pas plus d'effets indésirables que le placebo.
186 LIPIDES

nocturne (19 %), diminué le volume résiduel post-mictionnel (24 %) et augmenté le


débit urinaire maximal (23 %) (les données des autres essais sont insuffisantes pour être
analysées). Ce constat doit être tempéré par le faible effectif des essais, leur courte durée,
l'utilisation de doses variables, des critères de jugement disparates et non standardisés,
des critères d'inclusion parfois mal définis et une analyse statistique souvent sommaire.
Les rares essais évaluant l'impact de l'extrait sur l'évolution d'un score internatio-
nalement reconnu, l'IPSS (International Prostate Symptom Score) ont montré une nette
diminution de celui-ci, mais ces essais ne comportaient pas de groupe placebo. Aucune
étude ne semble avoir comparé l'extrait à un a-bloquant ou au finastéride.
En France, l' ANAES a précisé que les patients ayant une hypertrophie bénigne de la
prostate avec des symptômes modérés qu'ils jugent acceptables ne doivent pas être
traités. Lorsqu'un traitement médicamenteux est envisagé, les extraits de plante peuvent
être utilisés au même titre que les inhibiteurs de la 5-a réductase ou les a-bloquants. En
effet, l'Agence a estimé qu'il n'y avait pas d'essai de méthodologie suffisante
permettant d'établir la supériorité de l'une des trois classes thérapeutiques; dans les
trois cas, l'efficacité est jugée modérée. Si d'aucuns considèrent que l'efficacité versus
placebo est moins bien établie pour les extraits de plantes que pour les deux autres
groupes, les effets indésirables peuvent constituer un critère de choix: ceux des extraits
de plantes sont très rares.
Dans le cas de Prunus africana, l'extrait est atoxique; ses effets indésirables, rares,
sont gastro-intestinaux.

Emplois. En France, Prunus africana ne figure pas à l'annexe 1 de la Note explica-


tive de l'Agence du médicament (1998). L'extrait y est commercialisé selon la procédure
d'AMM standard dans l'indication suivante: traitement des troubles mictionnels
modérés liés à l'hypertrophie bénigne de la prostate. Posologie: 100 mg par jour (voie
orale). Le prunier d'Afrique ne fait pas l'objet d'une monographie de la Commission E
du B.fArM allemand (pas plus d'ailleurs que de l'ESCOP) .

• PALMIER DE FLORIDE, Serenoa repens (Bartram) Small,


= Sabal serrulata (Michx.) Nutt. ex Schult. & Schult.f
=Serenoa serrulata (Michx) G. Nicholson, Arecaceae (= Palmae)
Le fruit de sabal est le fruit mûr, séché de S. repens. Il renferme au minimum Il %
d'acides gras totaux (Ph. eur., 6' éd., [01/2008: 1848]).

La plante, lefruit. Le palmier de Floride - on parle aussi de palmier-scie - est un


palmier « à feuilles en éventail» à stipe monocaule assez court (0,5 - 2 m), à feuilles
d'un vert bleuté profondément fendues et portées par un pétiole garni sur les bords de
petites aiguilles acérées, à petites fleurs groupées en spadice (panicule racémeuse).
L'espèce est spontanée dans les terrains sablonneux des états du sud des États-Unis
d'Amérique où elle forme des colonies denses, souvent impénétrables.
Le fruit est une drupe ovoïde globuleuse (2,5 x 1,5 cm), monoséminée, bleuâtre à
noire, grossièrement ridée. Épicarpe et mésocarpe se détachent partiellement, révélant
IltllLES VÉGÉTALES 187

un endocarpe brun pâle, dur et fibreux. La graine (12 x 8 mm) a une surface dure,
J'inement ponctuée, brun-rouge, avec une plage plus pâle. L'analyse microscopique de
la poudre (hydrate de chloral) permet d'identifier de nombreux éléments cellulaires
provenant des différents tissus du fruit et de la graine: fragments d'épicarpe, larges
cellules huileuses du mésocarpe, cellules scléreuses habituellement dispersées et
isolées, cellules d'albumen à ponctuations larges et remplies de grains d'aleurone et
d'huile, etc. La détermination des acides gras totaux est réalisée par CPG d'un extrait
du fruit par le diméthylformamide.

Composition chimique. La bibliographie sur la composition chimique du fruit est


peu fournie. Fruits et graines sont riches en huile à triacylglycérols dont près de 50 %
des acides gras constitutifs ont 14 atomes de carbone ou moins. Ces acides gras,
lIotamment l'acide laurique, se retrouvent dans l'extrait hexanique Iipido-stérolique
commercial qui contient en outre des alcanes linéaires (de C 9 à C 28 ), des alcanols
(hcxacosanol [C 26 ], octacosanol [C 2S ], triacontanol [C 30 ]) et leurs esters, des alcènes
lIIonoéniques (C I2 , C I3 et C 24 ), des phytostérols (sitostérol, campestérol), ainsi que des
dérivés du sitostérol : 3-0-glucoside, 3-0-palmitate, 3-0-myristate, 6'-O-acyl-3-0-
glucoside, etc.) et des polyprénols.

Pharmacologie. La pharmacologie de l'extrait hexanique a fait l'objet de nombreux


lravaux. Chez la Souris et le Rat castrés, il exercerait un effet anti-androgène périphé-
rique, conséquence de son interaction complexe avec le métabolisme et le mode d'action
de la testostérone au niveau prostatique. In vitro, cet extrait inhibe les isoformes 1 et II de
la Sa-testostérone réductase (sans interférer avec l'expression du PSA [prostate-specifie
lll1tigen]) et il empêche la fixation de la DHT (dihydrotestostérone) sur ses récepteurs
cytosoliques et nucléaires. De fait, d'autres études contredisent partiellement ces
données. L'extrait hexanique exerce un effet inhibiteur sur la prolifération des cellules
prostatiques induite par les facteurs de croissance ou par la prolactine, mais les données
sur son éventuelle action inductrice de l'apoptose ne sont pas concordantes. Différents
auteurs ont évoqué une activité anti-inflammatoire via l'inhibition de la cyclo-oxygénase
cl de la Iipoxygénase et une réduction de l'activité du TNF-a et de l'interleukine-la. Il a
également été envisagé un antagonisme à l'encontre des récepteurs a-adrénergiques et
un effet inhibiteur au niveau des récepteurs nucléaires aux œstrogènes.
Chez l'homme, et contrairement au finastéride, l'administration de l'extrait de
Screnoa ne provoque aucune diminution du taux sérique de la DHT. Cet extrait ne
semble pas modifier l'activité de la 5-a réductase et des 3-oxydoréductases.

Évaluation clinique. L'extrait lipido-stérolique de Serenoa a fait l'objet d'au moins


une quarantaine d'esssais cliniques, comparatifs ou non, randomisés ou non, versus
placebo ou autre traitement médicamenteux, impliquant le seul extrait du fruit ou une
association d'extraits divers. Quatre synthèses méthodiques dont IJne d'un groupe du
réseau Cochrane ont analysé les essais disponibles.
La plus récente de ces synthèses (2004) a retenu et analysé 17 essais (dont 3 non
comparatifs) concernant spécifiquement l'extrait lipido-stérolique commercialisé en
1~urope et regroupant 4 280 patients suivis pendant des durées variant de 21 à 720 jours.
188 LIPIDES

Quatorze essais étaient randomisés et en double aveugle, versus placebo (8 essais) ou


versus un comparatif (alfuzosine, tamsulosine, prazosine, finastéride, extrait de Prunus
africana). Les critères de jugement ont généralement été le débit urinaire maximal et la
nycturie. La qualité méthodologique des essais était hétérogène, souvent insuffisante.
Toutefois, 6 essais ont évalué l'évolution de l'état des patients en mesurant un score
internationalement reconnu, 1'IPSS (International Prostate Symptom Score). Il est
ressorti de la méta-analyse que l'extrait lipido-stérolique augmentait de façon
statistiquement significative le débit urinaire maximal (+ 1,02 ± 0,5 ml/s en plus par
rapport au placebo [+ 1,2 ± 0,49 ml/s], p = 0,04) et diminuait le nombre des mictions
nocturnes de - 0,38 ± 0,07 supplémentaires par rapport au même placebo (- 0,63 ±
0,14). Le score IPSS mesuré a été réduit de près de 5 points. Les conclusions de la
synthèse du groupe du réseau Cochrane (21 essais, 18 en double aveugle, 13 versus
placebo, 3139 patients) sont de même nature: l'extrait de Serenoa améliore
modérément, mais de façon statistiquement significative, les symptômes - nombre de
mictions nocturnes: - 0,76 (IC95 : -1,22, - 0,32, 10 essais) - et le débit urinaire (+
1,86 ml/s, IC95 : 0,6,3,12,9 études) et ce de façon similaire au finastéride.
Dans un essai versus tamsulosine (0,4 mg/j) conduit sur un an, l'efficacité de
l'extrait de Serenoa n'a pas été inférieure à celle de la tamsulosine (mais l'essai ne
comportait pas de bras placebo). Postérieurement aux synthèses méthodiques citées ci-
dessus, deux essais ont conclu à l'absence d'effet d'un extrait de Serenoa sur le score
IPSS ou un score équivalent. Dans les deux cas, l'extrait était différent de l'extrait
lipido-stérolique habituellement utilisé (et évalué) en Europe (or une étude récente a
montré la très grande variabilité des extraits disponibles sur le marché). Il n'existe que
très peu de données sur l'effet à long terme.
Sur le traitement de 1'hypertrophie bénigne de la prostate avec des symptômes
modérés et l'emploi événtuel des extraits végétaux dans le traitement de celle-ci, voir
ci-dessus les remarques de l'ANAES (p. 186).

Toxicité, effets indésirables. L'extrait n'est pas toxique en aigu. Il n'a pas été
décelé d'effet mutagène ou tératogène. Il est bien supporté et, au cours des essais
cliniques, n'a pas induit plus d'effets indésirables que le placebo. On note parfois
quelques plaintes d'ordre gastro-intestinal. Comme les autres extraits végétaux, l'extrait
de Serenoa n'induit pas de dysfonctionnement sexuel. Un épisode (isolé semble-t-il) de
saignement au cours d'une intervention chirurgicale a été attribué à la prise régulière de
l'extrait de Serenoa.

Emplois. En France, Serenoa repens ne figure pas à l'annexe 1 de la Note explica-


tive de l'Agence du médicament (1998). L'extrait lipidostérolique y est commercialisé
selon la procédure d'AMM standard avec l'indication suivante: traitement des troubles
rnictionnels modérés liés à l'hypertrophie bénigne de la prostate. Posologie: 320 mg par
jour (voie orale).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
le fruit du palmier de Floride est utilisé en cas de problèmes urinaires liés à une
hypertrophie bénigne de la prostate de stade 1 et II. Posologie: de 1 à 2 g par jour de
fruit ou 320 mg par jour d'un extrait (hexanique ou éthanolique à 90 %). L'ESCOP
Il li ILES VÉGÉTALES 189

précise qu'en cas de difficultés mictionnellles une consultation médicale est nécessaire
pour exclure la nécessité d'un autre traitement. Elle s'impose également en cas
d'hématurie ou de rétention urinaire aiguë.

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,
composes
apparentés aux
lipides

Alcanes, alcanols et esters

CIRES

Les cires sont habituellement rencontrées à la surface des feuilles et des fruits où elles
forment, avec la cutine, la cuticule très hydrophobe qui limite la perte en eau, contrôle
les échanges gazeux, participe à la protection contre les agents pathogènes.
Chimiquement, les cires sont des mélanges comprenant des hydrocarbures, des
acides alcanoïques libres et leurs dérivés hydroxylés, des alcanols, des alcanals, des
alcanones et des P-dicétones, des esters. Elles peuvent également contenir des dérivés
terpéniques et des flavonoïdes.
Les hydrocarbures aliphatiques saturés ont une chaîne à nombre impair d'atomes de
carbone, compris entre 17 et 37, le plus souvent égal à 29 ou 31. Dans quelques cas on
trouve les séries homologues iso-C 27 -C 33 et anteiso-C 2S -C 34 . Les esters habituels sont
dérivés des l-alcanols, ils peuvent compter jusqu'à 72 carbones; les plus répandus
correspondent à des acides en C 1S--C 22 et à des alcools en C26--C 2S ' Dans quelques cas
on connaît des diesters de diacides (estolides). Les composants terpéniques, fréquents,
sont des alcools, des cétones ou des acides à squelette triterpénique pentacyclique
(oléanane, ursane, lupane, glutinane). Les triterpénols peuvent être estérifiés par des
acides gras. Les cires sont extractibles par les solvants organiques (hexane,
chloroforme) et analysables en CPG.
En dehors de considérations phytochimiques ou physiologiques, l'intérêt de ces
cires et de leurs constituants est assez limité.
194 LIPIDES

• CIRE DE CARNAUBA, Copernicia prunifera (Miller) H. Moore, Palmae

La cire de carnauba est la cire purifiée obtenue à partir des feuilles de C. cerifera
Mart. (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:0597]).
Les feuilles de ce palmier du nord-est brésilien (également dénommé C. 'cerifera')
fournit une cire qui est un mélange d'esters d'a1canols et d'acides a1canoïques à longues
chaînes (ex. : C 30).
La cire de carnauba se présente en poudre, en paillettes ou en masses solides. Son
identification est réalisée par une analyse en CCM après dissolution dans le chloroforme
(révélation du triacontanol et d'autres bandes par l'acide phosphomolybdique). L'essai
comprend notamment une détermination du point de fusion (80-88 oC), des indices
d'acide (compris entre 2 et 7) et de saponification (compris entre 78 et 95) ainsi qu'un
dosage des cendres totales « 0,25 %). La cire est utilisée en pharmacotechnie pour le
polissage des comprimés enrobés, ainsi que dans l'industrie agroalimentaire (E903) .

• CIRE DE CANDELILLA, Euphorbia antisyphilitica Zucc., Euphorbiaceae

La cire de candelilla est l'exsudat cireux d'un petit arbuste de l'Amérique centrale.
C'est une cire dure, surtout utilisée par l'industrie des cosmétiques (sticks), souvent
mélangée à d'autres cires. Son statut d'additif alimentaire (E902) permet de l'utiliser
pour l'enrobage (confiserie, chocolats) ou comme agent démoulant.

.CIRE DE JOJOBA, Simmondsia sinensis (Link) C. Schneider, Buxaceae

Le jojoba est un arbuste buissonnant dioïque répandu dans les régions désertiques à
faible pluviosité du sud-ouest des États-Unis d'Amérique (de Tucson et Phoenix à San
Diego) et du nord du Mexique (Basse Californie, Sonora). Il est caractérisé par des
feuilles dont la couleur bleu vert est due à l'épaisse cuticule qui les recouvre et qui
limite fortement les pertes en eau. Des cultivars sélectionnés sont cultivés en Amérique
du Sud, en Israël et, expérimentalement, dans quelques zones arides du continent
africain. On plante essentiellement les pieds femelles, la partie utilisée étant constituée
par la graine.
La graine de jojoba renferme jusqu'à 60 % d'une « huile» qui est en fait un
mélange de cérides. Les constituants de cette « huile» sont des esters en C40 , C42 et C44
impliquant les acides eicos-ll-énoïque et docos-13-énoïque d'une part, et des alcools
en C 20 (eicos-l1-énol), en C 22 (docos-13-énol) d'autre part. À côté de cette fraction
cireuse, on note la présence d'hétérosides à génine cyanométhylène-cyclohexylique
(simmondsine, férulate de simmondsine et leurs analogues), ainsi que celle de stérols,
de 4-méthyl et de 4,4-diméthylstérols. Liquide au-dessus de 10 oC, la cire de jojoba est
peu oxydable et son comportement permet de l'utiliser à la place des préparations
traditionnellement obtenues à partir des Cétacés (blanc de baleine). La production de
jojoba demeure limitée malgré des applications potentielles nombreuses et l'intérêt de
l'espèce comme moyen de valoriser des zones arides. Les modifications histologiques
('IRES 195

et les modifications d'activités enzymatiques entérocytaires observées au niveau de


l'intestin grêle du Rat alimenté à la cire de jojoba condamnent sans doute un emploi
alimentaire des tourteaux, en dépit de leur teneur en protéines (30 %). Sauf, comme
l'attestent des brevets déposés au début des années 2000, si l'on envisage de l'utiliser
dans des aliments destinés à contrôler le poids des animaux de compagnie ... Sauf aussi
il les éliminer par une méthode appropriée. Actuellement, l'industrie des cosmétiques
utilise la cire de jojoba éventuellement hydrogénée (elle est alors solide jusqu'à 65 oC)
dans la formulation de crèmes, laits, savons, sticks et autres préparations destinées à être
appliquées sur la peau ou les cheveux; c'est un bon lubrifiant qui ne« graisse» pas .

• POLICOSANOL

Le policosanol est un mélange d'alcools gras (principalement de l'octacosanol [en


C2S ]) isolé de la cire de canne à sucre. Plusieurs études et essais cliniques conduits avec
cc produit développé par une équipe de chercheurs cubains ont souligné qu'il diminue
Ic LDL cholestérol et la cholestérolémie totale plus qu'un placebo et dans des
proportions plus importantes que ne le font les stérols (ou les stanols). L'incidence de la
consommation de policosanol sur la survenue d'accidents cardiovasculaires n'a pas été
étudiée et les effets à long terme ne sont pas connus. Tous les essais cliniques réalisés
dcpuis 2003 par d'autres équipes (Pays-Bas, États-Unis d'Amérique, Allemagne,
Afrique du Sud) ont conduit à constater une absence d'activité. L'absence d'effet a
également été constatée chez l'animal. Le produit n'est pas commercialisé en France.

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1

composes
apparentés aux
lipides

Dérivés acétyléniques

1. Généralités ............................................................................................................................ 197


2. Propriétés biologiques ......................................................................................................... 199
3. Plantes à polyines .................................................................................................................200
bardane ........................................................................................................................200
échinacée .................................................................................................................... .202
4. Plantes à polyines, toxiques ou allergisantes ..................................................................... .206
ciguë aquatique .......................................................................................................... .206
œnanthe safranée ....................................................................................................... .206
lierre ........................................................................................................................... .206
5. Bibliographie ....................................................................................................................... .207

1 . GÉNÉRALITÉS

Environ 1500 substances possédant une ou plusieurs triples liaisons sont actuellement
connues chez les végétaux supérieurs: Asteraceae, Apiaceae, Araliaceae, et une
vingtaine d'autres familles en élaborent. De tels composés ont également été décrits
chez certains champignons Basidiomycètes et chez les Algues. Leur distribution
restreinte et leur variété structurale en font de bons marqueurs chimiotaxonomiques
(pm· exemple pour la distinction des tribus chez les Asteraceae). Chez certaines espèces,
ils ne sont pas normalement présents, mais peuvent être élaborés à la suite d'une attaque
fongique: c'est le cas chez certaines Fabaceae ainsi que chez quelques Solanaceae
(ex. : production de falcarindiol chez la tomate infectée par un Cladosporium).
198 LIPIDES

12

18

acide lino/éique

C0 2 H - - - fa/carinone, fa/carino/, ...

OH

OH

-..::::::::=---===----====--=::::::....-I~C02H
*OH

spiro-éthers

Origine des po/yines :


exemples et cas particulier -----,==----,-./ ~')---===------ o
des composés soufrés S ~
S
l'OLYINES 199

Ces dérivés acétyléniques ou polyacétyléniques (on parle aussi de polyines) sont


souvent linéaires, mais ils peuvent aussi être partiellemment cyclisés. Ils peuvent
l'omporter une ou plusieurs doubles liaisons ainsi que des hétéroatomes (oxygène,
soufre, chlore) fréquemment inclus dans un système hétérocyclique: furanes, dihydro-
I"lIranones, thiophènes, thiétanones, dithiacyclohexadiènes. Compte tenu de leur origine
(lll inclut dans ce groupe des dérivés qui, comme l'a-terthiényl, ne possèdent pas de

triple liaison dans leur structure.


Biosynthétiquement, tous ces composés sont reliés aux acides gras: la plupart sont
issus de l'acide linoléique par une suite de réactions de désaturation qui conduit, via
l'acide crépénynique, à un acide triynique en C 18 • Ce dernier conduit à des composés de
longueur variable (voir schéma ci-contre). On remarquera tout spécialement le
pentaynène précurseur des hétérocycles soufrés rencontrés chez les Asteraceae.
Généralement extraits à partir des végétaux frais, les polyines sont séparables
l'Iïïcacement par chromatographie liquide et sur des couches minces de silice contenant
de la caféine: celle-ci interagit avec les électrons 1t des systèmes insaturés, ce qui
permet de séparer des composés structuralement très proches (révélation par KMn04)'

2. PROPRIÉTÉS BIOLOGIQUES

Dans la majorité des cas, les polyines et les dérivés soufrés qui leur sont biogénéti-
quement reliés sont phototoxiques. Cette activité phototoxique, UV A dépendante, est
particulièrement marquée à l'encontre des nématodes, des larves d'insectes, de certains
champignons (ex. : Candida), de quelques bactéries et de certains virus.
Il n'est pas sans intérêt de remarquer que, dans la plupart des systèmes traditionnels
de médecine, l'utilisation d'Asteraceae pour traiter des affections cutanées coïncide très
souvent avec la présence, dans celles-ci, de composés polyinsaturés ou thiophéniques.
C'est le cas des Aspilia de l'est de l'Afrique, actifs par des thiarubrines 1 qui sont aussi
efficaces sur Candida albicans ou Aspergillus.fitmigatus que la fungizone et plus actifs
que l'amphotéricine. C'est aussi le cas des Bidens utilisés aussi bien en Chine (B.
{}(/rvijlora L., B. tripartita L.) pour le traitement de l'eczéma, des plaies et des ulcères
qu'en Amérique du Sud et centrale (B. pilosa L.) pour celui des candidoses; dans ce cas
la principale substance active est le phénylheptatryine. Un autre exemple est fourni par
les thiophènes des Tagetes (Chine) ou des Porophylum (Colombie). En Europe, la
réputation antidermatosique de la racine de carline (Carlina acaulis L.) est à mettre en

fJ---fJ---(J
S S S

thiarubrine A a-terthiényl

phénylheptatriyne
200 LIPIDES

relation avec l'oxyde de carline dont l'activité antistaphylococcique est démontrée in


vitro et c'est une constatation du même ordre qui pourrait expliquer les propriétés
antifuronculeuses que les phytothérapeutes attribuent à la grande bardane.

3. PLANTES À POL YINES

.BARDANE, Arctium Zappa L. (Arctium majus Bemh.), Asteraceae

La racine séchée de cette Asteraceae fait l'objet d'une monographie de la 10' éd. de
la Pharmacopée française (1989). La feuille conserve quelques utilisations.

La plante. Cette plante robuste, bisannuelle, est fréquente dans les terrains incultes et
au bord des chemins de la presque totalité de l'Europe. Ses très grandes feuilles
cordiformes (50 x 30 cm) et ses capitules à fleurs tubuleuses pourpres entourées de
bractées vertes terminées en crochets rendent son identification aisée. L'identification est
confirmée par la mise en évidence des dérivés polyinsaturés (fluorescence de ceux-ci

1. Il est intéressant de noter - aux frontières de l' ethnopharmacognosie? - les constatations


faites en Tanzanie, au début des années 1980, chez des chimpanzés. Ces singes consomment les feuilles
de diverses espèces d'Aspilia sans les mâcher et ce comportement a conduit certains auteurs à supposer
qu'il s'agissait là d'un usage « médicinal» de ces plantes qui renfermeraient de la thiarubrine anti-
bactérienne. Des comportements identiques ont été notés chez d'autres grands singes et avec d'autres
espèces de plantes (Trema sp., Ficus sp., etc.). Des travaux ultérieurs n'ont pas permis de confirmer la
présence, dans les feuilles, de la thiarubrine A qui avait été isolée en 1985 dans des lots de même
provenance. L'élimination des vers intestinaux serait, de fait, liée à une action mécanique des feuilles
entières. L'hypothèse semble confirmée par des observations réalisées chez des bonobos qui ingèrent
régulièrement des feuilles entières d'une Euphorbiaceae. Dans un autre cas, celui de la consommation
délibérée et saisonnière de Vernonia (Asteraceae) à lactones sesquiterpéniques anthelminthiques, il
semble bien qu'il y ait un comportement élaboré des animaux pour améliorer leur état sanitaire.
En 1993, RODRIGUEZ et WRANGHAM ont, dans une revue sur le sujet, proposé le terme de
« zoopharmacognosie » pour décrire le procédé par lequel les animaux sauvages sélectionnent et
utilisent des plantes à propriétés médicinales pour le traitement et la prévention des maladies. D'autres
comportements animaux relèvent peut être d'une utilisation « médicinale» des plantes. Cela est le cas
du lustrage de fourrure avec des espèces végétales mâchées puis étalées sur la fourrure par des singes
capucins aussi bien que par des ours bruns (les plantes utilisées sont généralement répulsives,
antimicrobiennes ou insecticides). Et que penser de l'utilisation faite par certains oiseaux, pour la
« réhabilitation» d'anciens nids, de plantes odorantes capables de détruire les ectoparasites
hématophages à l'origine d'une forte m0l1alité des oisillons?

Sur le sujet, voir: Krief, S. (2003). Métabolites secondaires des plantes et comportement animal:
surveillance sanitaire et observations de l'alimentation des chimpanzés (Pan troglodytes schweillfurthii) en
Ouganda. Activités biologiques et étude chimique de plantes consommées, Thèse, Muséum national
d'histoire naturelle, Paris (347 pages, en ligne sur http://tel.ccsd.cnrs.fr). Voir aussi: Krief, S., Huffman,
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does self-medication in wild apes influence disease progression? J. Med. Primatol., 37, 188-195.
l'OLYINES 201

après extraction hexanique d'un extrait hydro-alcoolique) et par la caractérisation de


l'inuline (résorcinol chlorhydrique). La racine ayant parlois été confondue avec celle de
la belladone, on doit s'assurer de l'absence d'alcaloïdes tropaniques (extraction sélective
par une solution diluée d'acide sulfurique, réextraction des bases et CCM du résidu).

Composition chimique. La racine peut renfermer plus de 50 % d'inuline et 2-3 %


d'acides-phénols. Elle est riche en composés polyinsaturés, polyènes et polyines. Ces
derniers sont soit des dérivés du 5' -(1-propynyl)-2,2' -bithién-5-yl (arctinones, arctinols,
urctinal, acide arctique), soit des composés linéaires (tridéca-l ,11-dièn-3,5 ,7,9-tétra-
YIlC), soit des lappaphènes, molécules complexes résultant vraisemblablement de
l'addition de l'arctinal sur l'exométhylène d'une lactone sesquiterpénique du groupe des
guuianolides. Le taux de cendres est important (mais est inférieur à 15 % dans la racine
officinale). Fruits et graines sont connus pour leurs lignanes di- et oligomériques et les
l'cuilles doivent leur amertume à l 'arctiopicrine, une lactone sesquiterpénique du groupe
des germacranolides.

OHC~
S S

arctinal
o lappaphène-A

Pharmacologie, évaluation clinique. La réputation de la bardane, traditionnellement


utilisée dans le traitement des dermatoses et des furonculoses, est théoriquement
justifiée par la présence de dérivés polyinsaturés dont les propriétés antimicrobiennes et
Illltifongiques ont été démontrées in vitro. Ces propriétés, pas plus que les actions
hypoglycémiante, anti-inflammatoire ou hépatoprotectrice, n'ont fait l'objet d'aucune
évaluation clinique. L'allergie croisée avec d'autres Asteraceae ne peut être exclue. Un
cas (isolé) de réaction anaphylactique a été relaté.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour la racine de bardane, par voie locale ou orale,
l' indication thérapeutique : « traditionnellement utilisé dans les états séborrhéiques de
la peau ». Par voie orale, l'indication « traditionnellement utilisé pour faciliter les
l'onctions d'élimination urinaire et digestive» est également admise. Pour lafeuille, une
seule indication est admise (voie orale) : traditionnellement utilisé comme traitement
d'appoint adoucissant et antiprurigineux des affections dermatologiques, comme
trophique protecteur dans le traitement des crevasses, écorchures, gerçures et contre les
piqûres d'insectes. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée pour la
constitution d'un dossier« abrégé» d'AMM (poudre, plante pour tisane, extrait aqueux
l~t extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre, racine aussi bien que feuille).
En Allemagne, la Commission E du BfArM a estimé que l'efficacité de la racine de
hardane dans les usages revendiqués n'était pas démontrée et, qu'en conséquence, elle
Ile pouvait pas en recommander l'utilisation à des fins thérapeutiques.
202 LIPIDES

• ÉCHINACÉE, Echinacea spp., Asteraceae

Remarque: cette plante pourrait aussi bien être placée dans le chapitre polysaccharides, compte tenu
de l'activité attribuée par plusieurs auteurs à ceux qui sont présents dans les organes souterrains. Les
fractions lipophiles étant également le support d'une activité, l'échinacée peut tout aussi bien être
envisagée ici, pour ses alcènes et alcynes amidiques ou non.

La racine d'E. angustifolia est constituée des organes souterrains entiers ou coupés,
séchés. Teneur: au minimum 0,5 % d'échinacoside (Ph. eur., 6' éd., [01/2008: 1821]).
La racine d'E. pallida est constituée des organes souterrains entiers ou coupés,
séchés. Teneur: au minimum 0,2 % d'échinacoside (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:1822]).
La racine d'E. purpurea est constituée des organes souterrains entiers ou coupés,
séchés. Teneur: au minimum 0,5 % pour la somme de l'acide cichorique et de l'acide
caftarique (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:1824]).
Les parties aériennes fleuries d'E. purpurea sont constituées par les parties aérien-
nes fleuries, entières ou coupées, séchées. Teneur: au minimum 1 % pour la somme de
l'acide cichorique et de l'acide caftarique (Ph. eur., 6' éd., [01/2008: 1823]).

Les plantes. Les échinacées sont des plantes robustes à feuilles ovales ou
lancéolées, entières ou plus ou moins découpées (purpurea). Les capitules de grande
taille comprennent des fleurs tubulées pourprées réunies en boule et des fleurs ligulées
tombantes de grande taille généralement roses (ou violacées, ou très pâles).

Les racines, réduites en poudre, présentent les éléments microscopiques suivants


(hydrate de chloral) :
- E. angustifolia. Étroites fibres lignifiées (800 /lm x 50 /lm) réunies en longs
faisceaux. Nombreuses cellules scléreuses, le plus souvent allongées à rectangulaires
(150 x 40 /lm). Fragments de canaux à oléorésine (80-150 /lm) ;
- E.pallida. Courtes fibres lignifiées (100-300 /lm x 80 /lm) isolées ou réunies en
longs faisceaux. Nombreuses cellules scléreuses, de formes très variables: arrondies,
rectangulaires, très allongées, Uusqu'à 400 /lm). Fragments de canaux à oléorésine
Uusqu'à 240 /lm).
- E. purpurea. Fibres fusiformes brun clair réunies en faisceaux non entourés de
dépôts noirs. Poches sécrétrices (180 /lm) contenant des gouttelettes huileuses jaunes.
L'identité des racines est confirmée par CCM et par chromatographie liquide.
L'analyse des bandes en CCM permet de vérifier l'absence d'autres espèces d'Echinacea
et de Parthenium integrifolium. Les caféates sont dosés par chromatographie liquide.

Les parties aériennes. La tige d'E. purpurea, verte à rouge, porte des feuilles alter-
nes, ovales, rugueuses sur les 2 faces. Le limbe est épais, à nervures claires et saillantes.
Les fleurons ligulés (4-6 cm) sont violets, les fleurons tubulés rose-violet.
La poudre, examinée au microscope (hydrate de chloral) présente de longs faisceaux
de fibres vert-blanchâtre (150-200 /lm x 10-15 /lm), des poils tecteurs à 3 ou 4 cellules à
parois épaisses (dont une cellule apicale très allongée) ayant à leur base des cellules
épidermiques en rosette, etc.
l'OLYINES 203

L'identité des parties aériennes est confirmée par la CCM d'un extrait méthanolique
l~t
par l'analyse des chromatogrammes obtenus lors du dosage. Les acides phénols sont
dosés, après extraction (éthanol à 70 %), par chromatographie liquide.

Composition chimique. De très nombreux composés ont été isolés des racines des
(:chinacées, en particulier: une huile essentielle; des alcaloïdes indolizidiniques et des
polysaccharides dont la structure a été étudiée sur des cultures cellulaires de
,,;. purpurea (fucogalactoxyloglucanes, arabinogalactane); les racines de la même
(~spèce contiennent un glucuronoarabinoxylane.
Toutes les espèces renferment des composés phénoliques dérivés de l'acide
caféique:
- acide caféique, acide chlorogénique et acides dicaféyl-quiniques (la cynarine est
spécifique de E. angustifolia);
- mono- et dicaféate de l'acide tartrique, férulate de l'acide tartrique: le dicaféate
(i/lias acide cichorique) est abondant chez E. purpurea (0,6-2,1 %), pratiquement
ahsent chez E. angustifolia;
- esters osidiques de l'acide caféique (échinacoside : 0,3-1,7 %, sauf chez
,,;. purpurea).

o o

pentadéca-(BZ, 11Z)-dién-2-one pentadéca-(BZ)-èn-11, 13-diyn-2-one

dodéca-(2E,4E,BZ, 10E)-tetraénoate d'isobutylamine undéca-(2E,4Z)-dièn-B, 1O-diynoate d'isobutylamine

Les échinacées renferment également un grand nombre de composés aliphatiques


insaturés, notamment des alkylamides, isobutylamides d'acides polyényniques (diène-
diynes, ex. : isobutylamide de l'acide undéca-(2E,4Z)-dièn-8,1O-diynoïque) et d'acides
polyéniques (ex. : isobutylamides de l'acide dodéca-(2E,4E,8Z, lOE)-tétraénoïque et de
son isomère 1OZ). Présents aussi bien chez E. purpurea que chez E. angustifolia, leurs
structures et leurs teneurs respectives sont légèrement différentes ce qui est utile pour
dilférencier les espèces. Chez E. pallida on note surtout la présence de cétoalcynes et de
cétoalcènes. Dans toutes les espèces du genre, acides gras à longue chaîne et alcanes
sont constants.

Pharmacologie. Connues par les indiens de l'Amérique du Nord, les échinacées


étaient utilisées aussi bien comme cicatrisant par voie externe que pour les céphalées,
les maux d'estomac ou la toux par voie interne. La pharmacologie n'a pas confirmé ces
indications, mais présente les préparations à base d'échinacée comme capables de
stimuler les mécanismes non spécifiques de défense de l'organisme tels que la
204 LIPIDES

phagocytose par les granulocytes et la libération des cytokines et autres facteurs.


L'hypothèse s'appuie sur des expérimentations diverses: test de la clairance au carbone
chez la Souris (décelant une augmentation de la phagocytose), épreuves de phagocytose
des granulocytes et des macrophages, épreuves d'induction de médiateurs (interféron,
interleukines), etc. Quelles sont les substances responsables des réponses observées (de
façon inconstante) au cours de ces tests? In vitro, les polysaccharides stimulent la
phagocytose et la production de radicaux libres par les macrophages; in vivo, ils
limitent l'infection de souris par les Candida. L'échinacoside, faiblement antibactérien
et antiviral, piège les radicaux. La fraction lipophile (les alkylamides) inhibe la cyclo-
oxygénase et la lipoxygénase; elle stimule aussi la phagocytose. Une étude contrôlée
chez l'humain n'a pas pu établir la réalité d'une stimulation de la réponse immunitaire
non spécifique par le jus frais d'E. purpurea administré par voie orale.

Évaluation clinique. Les échinacées ont fait l'objet de nombreux essais cliniques
visant à évaluer leur efficacité en cas de rhume, que ce soit à titre prophylactique ou à
titre curatif. La qualité méthodologique de la majorité de ces essais (surtout les plus
anciens) est très insuffisante pour que les conclusions de leurs auteurs soient adoptées
sans réserve: forme et dosage différents, critères d'inclusion flous, critères de jugement
différents, méthode de randomisation non précisée, puissance statistique insuffisante,
etc. Nombre d'essais ont évalué des mélanges d'échinacée avec des plantes ou sub-
stances diverses (Baptisia, Andrographis, Eleutherococcus, Adhatoda, acide ascorbique,
etc.), ce qui ôte toute pertinence à leurs conclusions quant à l'efficacité des échinacées.
L'administration continue de préparations d'échinacées (angustifolia et purpurea)
n'est pas efficace pour prévenir la survenue d'un rhume: c'est ce qui ressort d'essais
cliniques contrôlés évaluant, versus placebo et pendant 8 à 12 semaines, le délai
d'apparition d'un épisode infectieux. C'est ce que confirme un essai randomisé, en
double-aveugle, versus placebo et de méthodologie rigoureuse qui a évalué l'efficacité
de préparations d'échinacées (angustifolia) chez des sujets volontairement infectés par
une souche de rhinovirus 7 jours après le début du traitement.
Les préparations d'échinacées ont-elles une efficacité curative en cas de rhume?
Les conclusions des auteurs des synthèses méthodiques des données disponibles
convergent pour souligner que cette éventuelle activité n'est pas solidement démontrée.
Une synthèse méthodique, publiée en 2005, a analysé la qualité méthodologique de
9 essais contrôlés versus placebo identifiés à cette date. Seuls deux essais satisfaisaient
aux onze critères de qualité définis: leurs conclusions étaient négatives. Cinq des 9
essais concluaient plutôt favorablement, mais ne remplissaient que partiellement les
critères de qualité; en particulier, aucun n'avait testé la réalité de l'insu. Ceci est
d'autant plus important que le ressenti de la symptomatologie associée au rhume est
très placebo sensible. Deux autres essais randomisés, en double aveugle versus placebo,
non pris en compte dans la synthèse précitée, ont conclu à l'inefficacité thérapeutique
d'E.purpurea pris dès l'apparition des premiers symptômes de rhume et à celle
d'E. angustifolia pris après l'infestation volontaire des sujets par un rhinovirus.
En 2006, une synthèse méthodique d'un groupe du réseau Cochrane (16 essais, 22
comparaisons dont 19 versus placebo) a conclu que l'efficacité des préparations de
parties aériennes d'E. purpurea est possible en début de rhume, mais que les résultats
l'OLYINES 205

sont inconsistants; sur l'efficacité des autres préparations et sur l'efficacité préventive,
l'elte synthèse a constaté qu'elles n'avaient pas été confirmées par des essais cliniques
indépendants rigoureux.
En 2007, une méta-analyse (14 essais, 16 comparaisons) a conclu que l'échinacée
raccourcissait la durée du rhume plus que le placebo (-1,4 jours, IC95 - 0,64, -2,24) et
en diminuait le risque de survenue. La méthodologie de cette analyse a fait l'objet de
remarques qui peuvent atténuer la valeur de ses résultats.

Toxicité, effets indésirables. Les échinacées ne semblent pas toxiques (DUo


indéterminable, pas de toxicité chronique identifiée [Rat], absence d'effet mutagène).
La cancérogénicité et les effets sur la reproduction n'ont pas été étudiés. Les effets
indésirables semblent rares (troubles digestifs). Plusieurs cas de réactions allergiques
ont été signalés allant de la simple éruption cutanée à un œdème de Quincke, à une crise
d'asthme ou à une réaction anaphylactique. Des observations isolées conduisent à
s'interroger sur les éventuelles conséquences d'un traitement par les échinacées chez
les sujets atteints d'affections auto-immunes. La monographie de l'HMPC prend
d'ailleurs en compte ces possibilités (rash, urticaire, syndrome de Stevens-Johnson,
angiœdème cutané, œdème de Quincke, choc anaphylactique), celle d'association avec
les maladies auto-immunes (des cas ont été rapportés) et celle de leucopénie liée à un
lisage prolongé (supérieur à 2 mois). Aucune interaction médicamenteuse ne semble
avoir été signalée. Toutefois, une inhibition du cytochrome P450 a été notée in vitro, ce
qui doit inciter à la vigilance.

Emplois. En France, les échinacées ne figurent pas à l'annexe 1 de la Note


/'.rplicative de l'Agence du médicament (1998).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
la racine (fraîche ou séchée) de E. pallida est utilisée comme traitement de soutien des
infections de type grippal. Posologie: teinture en quantité correspondant à 900 mg de
racine. Contre-indications: en cas de tuberculose, d'immuno-dépression, de colla-
génose, de sclérose multiple et de maladies auto-immunes. Durée maximale de
traitement: 8 semaines. Les parties aériennes fleuries fraîches de E. purpurea ont la
même indication. Elles peuvent aussi être utilisées en cas d'infection chronique du bas
appareil urinaire et, par voie externe, en cas d'ulcérations chroniques ou de plaies
cicatrisant difficilement. Posologie (voie orale) : de 6 à 9 ml de jus de plante pressée ou
préparation équivalente. En cas d'utilisation par voie parentérale de E.purpurea, le
traitement doit être limité à 3 semaines. Cette voie doit être exclue chez les allergiques
ct en cas de grossesse.
La même Commission E estime par ailleurs que les propriétés revendiquées par
II. angustifolia (plante et racine) et E. paUida (plante) ne sont pas démontrées; elle
n'en recommande donc pas l'usage thérapeutique, précisant en outre qu'il est préférable
de s'abstenir d'utiliser la voie parentérale (risque de frissons, d'épisodes fébriles, de
nausées et vomissements, et rarement, d'une réaction allergique immédiate).
Au niveau européen, la monographie communautaire élaborée par l' HMPC pour E.
purpurea précise qu'il existe un usage bien établi pour le jus de plante et les prépa-
rations solides ou liquides pour la voie orale. Ces formes sont indiquées pour la
206 LIPIDES

prévention à court terme et le traitement du rhume. La posologie (jus) est la même que
celle préconisée par la Commission E, mais pendant 10 jours au maximum.
L'échinacée n'est pas recommandée avant 12 ans et contre-indiquée avant 1 an. Elle ne
doit pas être utilisée en cas de maladie auto-immune, d'immunodéficience, de maladies
de la lignée blanche. Pas d'utilisation par la femme enceinte ou allaitante sans avis
médical (réf. EMEA/HMPC/104945/2006Corr., 8 mai 2008).
Pour la racine de E. pallida, un projet de l' HMPC stipule que l'extrait sec et
l'extrait liquide sont utilisés, chez l'adulte et l'adolescent de plus de 12 ans, comme
traitement de soutien du rhume, sur la seule base de l'ancienneté de l'usage, pendant 10
jours au maximum. Risque d'hypersensibilité. Non recommandé chez la femme
enceinte ou allaitante. Posologie: extrait sec (4-8:1),4 x 24 mg; extrait liquide (1:5),
5 x XXV gouttes) (réf. EMEA/HMPC/332350/2008, 4 septembre 2008).

4. PLANTES À POLYINES, TOXIQUES OU ALLERGISANTES

Pour une étude détaillée de ces espèces toxiques, voir: Bruneton, J. (2005). Plantes toxiques - Végétaux
dangereux pour l'Homme et les animaux, 3' éd., pp. 112-120 (ciguës) et 173-175 (lierre), Tee & Doc, Paris .

• CIGUË AQUATIQUE, Cicuta virosa L., Apiaceae

Plante des marais et des fossés vaseux, la ciguë aquatique (ou ciguë vireuse) est une
espèce herbacée de grande taille (l m et plus) à tige cylindrique, creuse et striée, à
feuilles à limbe tri- ou bi-tripennatiséqué, à ombelles composées dépourvues
d'involucre et munies d'involucelles à 3-5 bractées en alène. La racine, volumineuse,
est creuse et cloisonnée. Chimiquement, cette racine est riche en dérivés acétyléniques.
Le principal est la (-)-cicutoxine ou heptadéca-(8E, lOE, 12E)-trièn-4,6-diyn-l ,14-diol.
L'intoxication, consécutive à l'ingestion des parties souterraines confondues avec
des racines alimentaires, est souvent mortelle (arrêt respiratoire, fibrillation ventri-
culaire); elle se manifeste initialement par une salivation abondante et des douleurs
abdominales puis, à intervalles réguliers, par de violentes convulsions .

• ŒNANTHE SAFRANÉE, Œnanthus crocata L., Apiaceae

Cette plante est fréquente dans les prés et les fossés humides de l'ouest de la France.
Les feuilles sont bi- ou bitripennatiséquées selon leur point d'insertion, à segments
ovales en coin. La racine fasciculée et tubérisée (navet du diable, dead men 's finger's)
laisse exsuder un jus jaune orangé d'odeur marquée.
La substance responsable de la toxicité est la (+ )-œnanthotoxine (= heptadéca-[2E,
8E, 1OE]-trièn-4 ,6-diyn-1,14-diol). Les intoxications, peu fréquentes, sont surtout
observées chez des adeptes d'une nourriture « naturelle» (confusion avec la carotte
sauvage, attrait de l'odeur). Les symptômes observés en cas d'intoxication sont
identiques à ceux provoqués par la ciguë aquatique. Comme cette dernière, l'œnanthe
est parfois à l'origine de pertes dans les troupeaux.
l'OLYINES 207

10 12 14

~ ~ CH 3
~ 17
~ dihydroœnanthétot
HOH 2C

OH

~ ~ ~ CH 3
~
~
HOH 2C eieutoxine

~ ~ ~
~
~ cieutot
HOH 2C

OH

~ ~
~
~ eieudiot
HOH 2C

OH

~ ~
~
~ œnanthotoxine
HOH 2C ~

• LIERRE , Hedera helix L., Araliaceae

Le contact des feuilles de cette plante commune (cf. saponosides, p. 842) peut
provoquer des dermites (érythème, vésicules, œdème) voire des réactions différées de
type allergique. Ces dermites sont principalement dues à un polyine, le fa1carinol.

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autres composés
apparentés aux
lipides

Acétogénines

()11 désigne sous ce nom des composés aliphatiques à longue chaîne de 35 ou 37 atomes
de carbone, terminée par un noyau y-Iactone le plus souvent insaturé, linéaire ou, plus
fréquemment, cyclisée en un, deux ou trois noyaux tétrahydrofurane adjacents ou non,
l'un de ceux-ci pouvant laissser la place à un noyau tétrahydropyranne. La chaîne
l'arbonée porte généralement plusieurs substituants oxygénés et la y-Iactone peut être
hydroxylée. Biosynthétiquement, la formation des cycles tétrahydrofuraniques passe,
selon toute vraisemblance, par une extension de cycle sur des dérivés bi-ou triépoxydés
eux-mêmes issus de l'oxydation de 1,5-diènes et de 1,5 ,9-triènes. La lactone terminale
pourrait provenir de la condensation aldolique d'une unité en C3 sur un acide gras à
longue chaîne (en C 32 ou C 34).
Connues depuis une vingtaine d'années - plus de 400 ont été décrites -, elles sont
caractéristiques des seules Annonaceae 1 où elles sont concentrées dans les graines

~
OH OH OH
..--:: H2 )1o

rioclarine (threo/trans/threo/trans/erythro)

OH OH 0

(CH~
0
/(cH 2h
OH OH

glaucaflorine

1. Les Annonaceae sont surtout connues pour leurs fruits comestibles: Annona cherimolia Miller
!l"hcrimoya), A. muricata L. (corossol), A. squamosa (pomme-cannelle), A. reticulata L., Asimina
I!'/loba (L.) Dunal (pawpaw), Rollinia mucosa (Jacq.) Baillon (cachiman), etc. On les utilise parfois
pOlir leurs huiles essentielles. Cela est notamment le cas du Cananga odorata (Lam.) Hook. &
Thomson dont les fleurs fraîches fournissent l'huile essentielle d'ylang-ylang.
Ipomoea sp.
( n'iNÉRALITÉS 211

(Âllnona, Asimina, Artabotrys, Goniothalamus, Ophrypetalum, Rollinia, Uvaria, etc.).


l ,'intérêt de ces molécules est lié à leurs propriétés cytostatiques et, potentiellement,
IIlltitumorales (gigantécine, bullatacine, rolliniastatine), mais aussi antiparasitaires
(annonacine, cherimoline) et insecticides (asimicine, annonine). Biochimiquement, les
IIcétogénines bloquent le complexe 1 mitochondrial (NADH-ubiquinone oxydo-
réductase) de la chaîne respiratoire. La déplétion en ATP qui s'en suit provoque l'arrêt
dcs fonctions cellulaires et la mort de la cellule par nécrose. Il est possible également
que ces molécules déclenchent un processus apoptotique.
Depuis peu, il a été postulé que la fréquence anormale d'une forme particulière de
parkinsonisme observée en Guadeloupe était peut-être corrélée à la consommation des
I"ruits du corossolier et de préparations médicinales obtenues à partir de cette espèce.
1,'annonacine, en tant qu'inhibitrice du complexe 1 de la chaîne mitochondriale, est
l'une des molécules qui pourraient être impliquées: des constatations du même type ont
été faites en Nouvelle-Calédonie avec des fruits d'Annona spp. et la dégénérescence
Ilcrveuse que provoque cette molécule est identique à celle induite par la roténone
utilisée pour induire expérimentalemnt un parkinsonisme.

Glucorésines des Convolvulaceae

Les Convolvulaceae à glucorésines purgatives sont des plantes très anciennement


connues qui ont été longtemps recherchées pour leurs propriétés purgatives. On utilisait
notamment:

- la scammonée du Mexique, Jpomœa orizabensis (J. PeUett.) Steudel ;


- le jalap tubéreux, ou jalap du Mexique, J. purga (Wender) Hayne;
- la scammonée d'Alep, Convolvulus scammonnia L.;
- le turbith, Operculina turpethum (L.) Silva Manso, etc.

Toutes ces espèces, majoritairement issues de la zone intertropicale, sont des herbes
volubiles caractérisées par des fleurs à corolle gamopétale en entonnoir ou tubuleuse
puis brusquement évasée, et par des feuilles le plus souvent cordées à la base. on
utilisait autrefois les parties souterraines riches (10-18 %) en glucorésine. Si la structure
de ces composés actifs est restée longtemps mal connue, l'utilisation de techniques
appropriées a permis de montrer que la fraction éthéro-soluble de ces résines
correspond à des glycosides complexes caractérisés par la présence d'un
oligosaccharide majoritairement constitué de 6-désoxyhexoses (rhamnose, fucose). Cet
oligosaccharide constitue la partie osidique d'un hétéroside dont la génine est un acide
gras hydroxylé en C 14 ou C16 (ex. : acide Il S-hydroxydécanoïque ou « acide
jalapinolique ») qui, par son carboxyle, estérifie de façon intramoléculaire un hydroxyle
212 LIPIDES

° "~~ "(f0"
~O~O /'-0-/ o~b
~ OH / 0
o 0;?;J,
o H

de l'oligosaccharide, formant ainsi un macrocyc1e lactonique. D'autres hydroxyles de


l'oligosaccharide sont estérifiés par des acides gras (n-décanoïque, n-dodécanoïque) ou
par des acides de plus faible masse moléculaire: acides tiglique, isobutyrique, 2-
méthylbutyrique.
Les glucorésines sont des purgatifs drastiques provoquant un accroissement de
J'élimination de l'eau et une augmentation du péristaltisme. Leur emploi, pratiquement
nul aujourd'hui, n'est pas à recommander. Les liserons de nos régions, notamment le
liseron des haies, Calystegia sepium (L.) R. Br., ont une activité du même type bien que
plus faible et leur utilisation est également à proscrire (sur les calystegines, voir p. 981).

BIBLIOGRAPHIE

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l
ACIDES AMINÉS ET PEPTIDES
PROTÉINES ET ENZYMES

Introduction

Si les acides aminés sont des métabolites indispensables comme éléments constitutifs
des protéines structurales et enzymatiques, ils donnent également naissance à une large
variété de métabolites secondaires: amines, acides à courte chaîne, glucosinolates,
hétalaïnes, mais aussi alcaloïdes (voir quatrième partie) et, après désamination, tous les
composés phénylpropaniques (voir« composés phénoliques »).
La structure et les propriétés chimiques des acides aminés et des peptides, leur
origine biosynthétique, la structure, les propriétés et les fonctions des protéines sont
abordées dans les traités de biochimie: nous limiterons donc le présent chapitre, pour
cc qui concerne les acides aminés, aux seuls acides aminés « atypiques» (c'est-à-dire
non constitutifs des protéines) et aux composés simples qui en dérivent directement, les
glucosinolates et les hétérosides cyanogènes.
De la même façon, et bien que le rôle diététique des protéines végétales soit loin
d'être négligeable, nous restreindrons l'évocation - sommaire au demeurant - de ces
macromolécules à quelques cas particuliers: celui des protéines édulcorantes et celui,
très spécifique, des lectines (protéiques ou glycoprotéiques) 1.
L'utilisation des enzymes en pharmacie aussi bien que dans le domaine médical ou
industriel (chimique ou agroalimentaire) est loin d'être négligeable, mais les enzymes
employées sont rarement issues de végétaux supérieurs : papaïne, bromélaïne et ficine
seront les seules molécules évoquées.

1. Est également exclue l'étude systématique des glycoprotéines végétales responsables d'allergies
(voir, à titre d'exemple, l'arachide, p. 157).
Acides aminés
non constitutifs des protéines

1. Exemples de structures atypiques ...................................................................................... .215


2. Fonction des acides aminés non protéiques ........................................................................ 217
3. Plantes à acides aminés toxiques .........................................................................................217
A. gesses et lathyrisme ............................................................................................... 217
B. hypoglycines ..........................................................................................................218

Sil' on connaît près de 300 acides aminés naturels chez les végétaux, une vingtaine
seulement sont des constituants normaux des protéines. En d'autres termes, la grande
lIlajorité de ces composés - amino-acides, imino-acides, amides - peut être
considérée comme faisant partie de la catégorie des métabolites secondaires. Beaucoup
l~xistent à l'état libre, sauf chez les Champignons où ils sont parfois engagés dans de
petits peptides.

1. EXEMPLES DE STRUCTURES ATYPIQUES

Le tableau ci-après illustre quelques-unes des variations structurales connues dans


œ groupe: acides aminés diacides ou dibasiques, acides aminés soufrés, homologues
de la cystéine (fréquents chez les Brassicaceae, ils sont souvent accompagnés des
sulfoxydes correspondants). On connaît aussi les acides aminés séléniés correspondant
h la cystéine, à la méthionine et à leurs homologues.
Les imino-acides ne sont pas rares: dérivés de la proline, mais aussi leurs homo-
logues inférieurs (acide azétidine carboxylique) et supérieurs (acides pipécoliques). On
216 ACIDES AMINÉS, PROTÉINES, ENZYMES

a également décrit des acides aminés alicycliques (cyclopropaniques, cyclopenté-


niques), hérétocycliques (furaniques, dihydropyridiniques, imidazoliques, pyrazoliques,
pyrimidiniques, etc.) et aromatiques (aryl-alanines).

CH3-Se-CH2-9H-C02H
NH 2

acide 4-méthylglutarique 4·hydroxy-norvaline Se-méthylsélénocystéine

H2 N,
/p-NH-O-CH2-CH2-9H-C02H CH3-HC=CH-S-CH2-9H-C02H
HN NH 2 NH 2

canavanine S-(I-propényl)-cysteine

H
N
(-)-C0 2 H
Rll
R2
acide azétidine-2 proline acide pipécolique
carboxylique et dérivés et dérivés

acide kaïnique lathyrine

0'
N,
N

~C02H
NH 2 3,4-dihydroxy
acide iboténique pyrazolylalanine phénylalanine

A ?02 H Oy C0 2 H

~NH2 NH 2

hypoglycine A cyclopenténylglycine cucurbitine


A<:IDES AMINÉS TOXIQUES 217

2. FONCTION DES ACIDES AMINÉS NON PROTÉIQUES

La fonction de ces acides aminés est souvent aussi mal connue que celle de la
plupart des métabolites secondaires. Leur nombre et leur universalité indiquent
toutefois qu'ils ne sont sans aucun doute pas (pas uniquement) des erreurs métaboliques.
On sait que certains s'accumulent dans les graines de quelques espèces :
disparaissant au cours de la germination ils peuvent, de ce fait, être considérés comme
une forme de stockage de l'azote (ex. : canavanine, homoarginine). Dans d'assez
nombreux cas, ils participent au maintien et à la survie de l'espèce: ainsi agissent ceux
qui inhibent la germination du pollen étranger sur le style de la fleur.
Beaucoup se révèlent toxiques à l'encontre de prédateurs (champignons, micro-
organismes). Il y a là une action antimétabolite, au demeurant très générale, due à
l'interférence de ces composés avec les acides aminés normaux au cours de la
hiosynthèse des protéines. Du fait de leur isostérie par rapport aux acides aminés
normaux, ils ne sont pas distingués par les systèmes enzymatiques du prédateur et les
protéines que celui-ci élabore ne sont pas fonctionnelles (ou bien la biosynthèse
protéique est simplement bloquée), d'où la« toxicité ».
Ces acides aminés sont, dans l'état actuel des connaissances, dépourvus d'intérêt
pharmacologique 2 mais la toxicité de certains d'entre eux pour l'Homme et les animaux
domestiques doit être signalée: p-methyl-L-alanine des Cycas, hypoglycines des
lIckees [Blighia sapidaJ, mimosine, indospicine, séléno ami no-acides et acide
djenkolique des Fabaceae ou encore, dans cette même famille, l'oxalylaminoalanine
des gesses, responsable « d'épidémies» de lathyrisme (pour un développement sur ces
plantes, cf : Bruneton, J. (2005). Plantes toxiques -Végétaux dangereux pour l'Homme et les animaux,
.l'éd., Tec & Doc, Paris).

3. PLANTES À ACIDES AMINÉS TOXIQUES (exemples)

A. Gesses et lathyrisme

Le lathyrisme est une affection qui a sévi, çà et là, dans le bassin méditerranéen
ainsi qu'en Asie mineure et en Inde où elle peut encore parfois être observée, ainsi
d'ailleurs que dans la corne de l'Afrique. Consécutive à l'ingestion prolongée (3-6
Illois) de graines de différentes espèces de gesses (Lathyrus sativus L., L. cicera L., etc.,
Jlabaceae), cette intoxication se manifeste, chez l'Homme, par une rigidité et par une
diminution de la force musculaire des jambes, puis par leur paralysie progressive. Cet
ensemble de symptômes est lié à une atteinte médullaire et constitue le neuro-
lathyrisme. Chez les animaux, c'est un ostéolathyrisme que l'on peut observer: défor-
Illations des insertions osseuses, disjonctions ligamentaires, déformations du squelette,

2. On peut simplement signaler les propriétés tœnicides de la cucurbitine (3-amino-3-carboxy-


pyrrolidine) qui expliquent que, pendant longtemps, on a utilisé les semences de courge (Cucurbita
IJI'I)() L., Cucurbitaceae) pour le traitement des « vers» chez l'enfant. On notera aussi que l'acide

kaïnique, principe actif nématicide d'une algue rouge orientale n'est pas, structuralement, très différent.
218 ACIDES AMINÉS, PROTÉINES, ENZYMES

etc., c'est-à-dire tout un ensemble de manifestations consécutives à une atteinte


biochimique des constituants du collagène, à un manque de cohésion entre la matrice
du cartilage et les plaques épiphysaires.
Les agents responsables de la toxicité des gesses sont des dérivés d'acides aminés:
le BAPN (~-aminopropionitrile) qui existe dans la plante sous forme de ~-(y-L­
glutamyl)-aminopropionitrile, principal responsable de l'ostéolathyrisme, et l'ODAP
ou acide ~-N-oxalyl-L-a,~-diaminopropionique, agent causal du neurolathyrisme.

B. Hypoglycines

On désigne sous ce nom les principes toxiques de Blighia sapida Konig,


Sapindaceae des Caraïbes et de la Floride, originaire d'Afrique. Cet arbre est cultivé
pour ses fruits, les ackees, dont les arilles qui entourent la base des graines sont réputés
comestibles. La consommation des arilles et des graines des fruits non mûrs entraîne
des vomissements incoercibles, des convulsions, un coma et la mort. On note une
hypoglycémie sévère. Les substances toxiques sont des acides aminés méthylène-
cyclopropaniques, l'hypoglycine A (= acide 2-amino-4,5-méthanohex-5-énoïque) et sa
forme dipeptidique, l'hypoglycine B (conjuguée à l'acide glutamique). Ces acides
aminés sont métabolisés en acide méthylène-cyclopropylacétique qui bloque le
transport des acides gras, les acylCoAdéshydrogénases et la néoglucogenèse : il
s'ensuit un déficit énergétique, compensé par une accélération intense du catabolisme
des glucides, d'où l'hypoglycémie qui caractérise l'intoxication.

4. BIBLIOGRAPHIE

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dérivés des
acides aminés

Hétérosides cyanogènes'

1. Introduction ......................................................................................................................... .219


2. Structure et principaux types d'hétérosides cyanogènes ................................................... .220
3. Propriétés des hétérosides cyanogènes, détection, extraction ........................................... .221
4. Origine biosynthétique, métabolisme .................................................................................222
5. Toxicité de l'acide cyanhydrique et des végétaux cyanogènes ......................................... .222
6. Intérêt des plantes cyanogènes ............................................................................................223
laurier-cerise .............................................................................................................. .223
7. Végétaux pouvant présenter une toxicité pour l'Homme ou les animaux ........................ .225
A. Rosaceae ornementales et fruitières ......................................................................225
B. Espèces alimentaires : manioc .............................................................................. .226
C. Cas particulier: Cycadales et cycasine ................................................................ .226
8. Bibliographie ....................................................................................................................... .227

1. INTRODUCTION
l ,H cyanogenèse est la faculté que possèdent certains organismes vivants, en particulier
des végétaux, de produire dans des circonstances particulières de l'acide cyanhydrique.
Si l'on excepte les cyanolipides des Sapindaceae, les substances cyanogènes sont
Illujours des hétérosides de 2-hydroxynitriles communément appelés hétérosides
l'yanogènes (ou cyanogénétiques 1). L'hydrolyse de ces hétérosides par des glucosidases

1. Habituellement dénommés cyanogénétiques ; la construction cyanogène semble plus


(,()ITccte (qui engendre le cyanure).
220 ACIDES AMINÉS, PROTÉINES, ENZYMES

endogènes, puis par des hydroxynitrile-lyases, suit généralement la rupture tissulaire


induite par un processus physique - broyage, mastication, infestation fongique -
qui met en contact les hétérosides vacuolaires et les enzymes cytoplasmiques.
La capacité de cyanogenèse est fréquente dans le règne végétal chez les Filicopsida,
les Gymnospermae et les Angiospermae. Elle est particulièrement prononcée dans
certaines familles : Rosaceae, Fabaceae, Poaceae, Araceae, Euphorbia:ceae,
Passifloraceae, etc. Tous les organes d'un végétal peuvent élaborer de tels composés.
Dans certains cas, et ceci est vraisemblablement à mettre en relation avec un rôle de
protection, la cyanogenèse est associée à un stade végétatif particulier, en règle générale
les organes jeunes, en phase de croissance active (par exemple le sorgho).

2. STRUCTURE ET PRINCIPAUX TYPES D'HÉTÉROSIDES CYANOGÈNES

On peut, par commodité, classer la cinquantaine de composés connus en fonction de


l'acide aminé qui est leur précurseur biogénétique : phénylalanine, tyrosine (RI est
aromatique), leucine, isoleucine, valine (RIou RI et R 2 sont aliphatiques). Dans
certains cas RI et R 2 sont les éléments d'un cycle. C'est le cas des dérivés
cyclopenténiques des Violales (Passifloraceae, Flacourtiaceae), sans doute issus du
métabolisme de la L-2-cyclopentèn-I-glycine; c'est aussi le cas de l'acalyphine,
structurale ment proche des 3-cyanopyridones non cyanogènes connues chez les
Euphorbiaceae (cf. ricin). Un cas particulier est celui de la ménisdaurine présente dans
les baies du houx (Ilex aquifolium L.) : du fait de l'enchaînement cyanométhylénique,
elle ne libère pas de HCN par hydrolyse (ce type de composé n'est d'ailleurs que très
peu toxique).

L'ose combiné à l'a-hydroxynitrile est presque toujours le P-D-glucose, il peut lui-


même être lié à un second sucre (ex. : l'amygdaloside 2 - ou amygdaline - est le P-
gentiobiosyl du (R)-mandélonitrile). On connaît aussi des biosides chez lesquels un
désoxyhexose est fixé directement sur la génine. Le carbone carbinolique de la génine
étant le plus souvent asymétrique (RI 7:- R 2 ), il en résulte l'existence de paires
d'épimères. Ceux-ci sont, en règle générale, élaborés par des plantes différentes (ex. :
(S)-dhurrine du sorgho et (R)-taxiphylline de Juniperus sp. ou de Phyllanthus sp.).
Il n'est pas rare que le même composé soit élaboré par des espèces appartenant à
des phylums éloignés (prunasine [ou prunasoside], linamaroside [ou linamarine],
lotaustraline) .

2. Ces composés étant hétérosidiques, la désinence -oside est habituelle en francais. Toutefois
l'usage anglo-saxon semble, dans de nombreux cas, consacré par l'usage: dhurrine, triglochine, etc.
Il (',TÉROSIDES CYANOGÈNES 221

linamaroside (linamarine) (R)-Iotaustraline

cr H,

(R)-amygdaloside
O-~-D-Gentiobiose

C
" cr H"

(R)-prunasoside
O-~-D-Glc

C
"
o"
~CN
O-~-D-Glc

(S)-sambunigroside
(amygdaline) (prunasine)

H' CN H" O-~-D-Glc

~ O-~-D-Glc ~CN
HO ff
1

#
",

HO~
(S)-dhurrine (R)-taxiphylline triglochinine

O<.CN
O-~-D-Glc

OH

tétraphylline acalyphine ménisdaurine

1Structure des hétérosides cyanogènes

3. PROPRIÉTÉS, DÉTECTION, EXTRACTION

Les hétérosides des 2-hydroxynitriles sont facilement hydrolysés, à des pH voisins


de la neutralité, par des P-glucosidases plus ou moins spécifiques qui libèrent un ose et
ulle cyanohydrine, Cette dernière, instable, engendre de l'acide cyanhydrique et un
l~omposé carbonylé, aldéhyde ou cétone; cette seconde réaction est catalysée par une
hydroxynitrile lyase. En milieu acide faible et à chaud, les hétérosides sont hydrolysés
de la même manière que par les glucosidases et, au voisinage de la neutralité, la
décomposition de la cyanohydrine est spontanée et très rapide. Le comportement en
llIilieu basique faible varie selon la structure: formation de HCN (comme en milieu
neicle) ou transformation du groupe nitrile en acide carboxylique sans hydrolyse de la
1iaison glycosidique. Si la structure comporte un élément électroattracteur,
l'épimérisation, facile, peut intervenir à chaud et à pH 7; elle est facilitée en milieu
nlealin. Cette grande fragilité des hérérosides cyanogènes rend leur extraction et leur
222 ACIDES AMINÉS, PROTÉINES, ENZYMES

purification délicates. Celles-ci, précédées par une inhibition des enzymes (trempage
dans l'air liquide), nécessitent l'utilisation d'alcools et le recours aux techniques
chromatographiques.
Les hétérosides cyanogènes sont facilement détectés par un papier imprégné de
réactifs susceptibles de donner une réaction colorée avec l'acide cyanhydrique qui se
dégage lorsque le matériel végétal est broyé (acide picrique/ carbonate de sodium,
benzidine/acétate cuivrique). Le papier imprégné est placé à l'extrémité d'un tube
renfermant une petite quantité de la plante contusée. Une méthode classique de dosage
consiste à réaliser un entraînement par la vapeur d'eau de la plante placée en suspension
dans de l'eau acidifiée, puis à doser l'acide cyanhydrique dans le distillat à l'aide de
nitrate d'argent. Plus commodément, la chromatographie gazeuse des dérivés triméthyl-
silylés des hétérosides permet l'identification et l'appréciation quantitative simultanées,
même si la teneur globale est faible. Des méthodes par chromatographie liquide ont
également été développées.

4. ORIGINE BIOSYNTHÉTIQUE, MÉTABOLISME

Ces composés sont issus des acides aminés via les aldoximes correspondantes
comme le montrent des expériences de marquage. On pense que le processus fait
intervenir deux complexes multi-enzymatiques (ou deux protéines multifonctionnelles),
ce qui évite la dégradation immédiate des produits intermédiaires. Le catabolisme
normal de ces hétérosides conduit à la libération de l'acide cyanhydrique qui est
aussitôt converti en asparagine, via la ~-cyanoalanine formée par réaction de HCN sur
la cystéine.
R-CH 2 -CH-C0 2 H R-CH 2 -CH
1 Il
NH NH
1 1
OH OH
acide aminé N-hydroxyamino-acide aldoxime

(?)
R--CH-C R--CH-C R-CH 2 -C
1 III 1 III III
? N HO N N
ose

hétéroside cyanogène hydroxynitrile nitrile

Principe de la biogenèse des hétérosides cyanogènes

5. TOXICITÉ DE HCN ET DES VÉGÉTAUX CYANOGÈNES


Si l'acide cyanhydrique est un poison violent, l'absorption par voie orale de plantes
cyanogènes ne provoque pas obligatoirement une intoxication sévère. En effet, la zone
Il r':'I'r~ROSIDES CYANOGÈNES 223

dl' concentration dangereuse (0,5-3,5 mg/kg) ne peut être atteinte que par une ingestion
illlportante et rapide de parties de plantes riches en hétérosides cyanogènes: dans le cas
lb l'ruits, leur pulpe ne contient pas d'hétérosides, dans celui des feuilles - généra-
!l'illent riches en hétérosides -, elles ne sont souvent pas très appétentes (ex. : laurier-
l'l'rise). Il faut en plus que les hétérosides soient hydrolysés dans le tube digestif. Par
Il il leurs, il est connu que l'organisme humain a la capacité de détoxifier assez rapide-
!lIent les cyanures en thiocyanates sous l'influence d'une thiosulfate sulfuretransférase
(rhodanese); les thiocyanates ainsi formés sont éliminés par l'urine (30-60 mg/h).
L'intoxication massive se manifeste par des symptômes multiples consécutifs à
l'anoxie cytotoxique provoquée par la combinaison des ions cyanure avec la
l'ytoehrome-oxydase : la réoxydation du cytochrome C est interrompue et l'oxygène
IIlOléculaire ne peut plus être utilisé par la cellule. On observe fréquemment une
lIlodification du rythme respiratoire (il s'accélère et s'amplifie), des céphalées, des
vcrtiges. On note ensuite des troubles de la conscience, puis un coma profond et une
dépression respiratoire. Si la dose est assez faible pour ne pas entraîner une mort rapide,
1111 traitement approprié doit être mis en œuvre très rapidement: lavage gastrique,
oxygénothérapie, nitrite d'amyle, chélation des ions cyanure par l'hydroxocobalamine
Cil perfusion et stimulation des processus de détoxication (thiosulfate de sodium).

6. INTÉRÊT DES PLANTES CYANOGÈNES

Il Y a près de 30 ans, une controverse s'est développée à propos de l'amygdaloside


ct de son hypothétique activité chez les patients cancéreux. Bien que des essais
rigoureux en aient démontré la totale inactivité et le danger, on continue (2005) à
cnregistrer des cas d'intoxication par ce produit. La seule espèce qui conserve une
IItilisation pharmaceutique est le laurier-cerise .

• LAURIER-CERISE, Prunus laurocerasus L., Rosaceae

La feuille fraîche du laurier-cerise sert à la préparation de l'eau distillée de laurier-


('crise. Celle-ci, titrée à 100 mg/lOO g en HCN total (Ph. fse, 10c éd.), est employée
comme aromatisant, antispasmodique et stimulant respiratoire.

La plante, composition. Cette espèce originaire de l'Europe orientale est un arbuste


toujours vert, à grappes de fleurs blanches et à petites drupes ovoïdes, rouges puis
lIoires à maturité; elle est très largement utilisée à des fins ornementales, notamment
pOUf la constitution de haies. Les feuilles (12-15 x 5-7 cm) ont un limbe entier, ovale,
IIcuminé, coriace, luisant, orné près de la jonction du pétiole et sur la face inférieure de
lIectaires arrondis. Froissées, elles dégagent une odeur caractéristique d'amande amère.
La teneur en prunasoside [= prunasine = (-)-(R)-mandélonitrile-~- D-glucoside1varie de
0,12 à 0,18 g p. 100 g de feuilles fraîches.
Si la concentration en hétérosides cyanogènes dans la graine est importante, elle est
très faible dans la pulpe, d'ou un risque minime d'intoxication en cas d'ingestion de
Prunus laurocerasus L.
Il (çrÉROSIDES CYANOGÈNES 225

fruits. Par contre, chez les animaux herbivores, la consommation massive des feuilles
l~S( le plus souvent mortelle.

Emplois. Le seul emploi de cette espèce est l'obtention de l'eau distillée de laurier-
ccrise. Ajustée à 100 (± 5) milligrammes d'acide cyanhydrique total pour 100 g, elle ne
doit pas contenir plus de 25 mg pour 100 g de ce même acide libre; la teneur minimale
l~n benzaldéhyde est de 300 mg pour 100 g. L'identité de la préparation est déterminée
pal' précipitation des ions CN- sous forme de ferrocyanure et par détection en CCM du
hcnzaldéhyde. L'acide cyanhydrique libre et total est dosé par argentimétrie et le
hcnzaldéhyde par gravimétrie après précipitation sous forme de phénylhydrazone. La
préparation doit être conservée en flacon hermétiquement clos, à l'abri de la lumière.
Traditionnellement, cette eau distillée entre dans la formulation de sirops destinés
HU traitement d'affections broncho-pulmonaires, comme aromatisant et stimulant
rcspiratoire (il a été avancé, mais pas formellement démontré, qu'elle contrebalancerait,
dans les sirops opiacés, l'effet dépresseur respiratoire de ceux-ci).

7. VÉGÉTAUX POUVANT PRÉSENTER UNE TOXICITÉ POUR


L'HOMME OU LES ANIMAUX

Pour une étude détaillée de ces espèces toxiques, voir: Bruneton, J. (2005). Plantes toxiques - Végétaux
dangereux pour l'Homme et les animaux, 3' éd., pp. 63-67 (Cycas) et 489-496 (Rosaceae), Tec & Doc, Paris.

A. Rosaceae ornementales et fruitières

Nombre de Rosaceae ornementales élaborent des hétérosides cyanogènes, que ce


soit le prunasoside qui prédomine dans les organes végétatifs ou l'amygdaloside
(= amygdaline = (-)-(R)-mandélonitrile ~-D-gentiobioside) qui se concentre dans les
graines. Ces plantes peuvent donc libérer de l'acide cyanhydrique .

• COTONEASTER , Cotoneaster spp., PvRACANTHA, Pyracantha spp.

Les cotoneasters sont des buissons non épineux, à petits fruits le plus souvent
rouges, très fréquemment utilisés comme couvre-sols ou en bordures dans les parcs et
Ics jardins. Feuilles, fleurs et fruits sont cyanogènes. La teneur en hétérosides du fruit,
variable, est généralement inférieure à 5 mg/lOO g (poids sec).

Contrairement aux précédents, les Pyracantha sont couverts d'épines acérées. Les
organes végétatifs sont dépourvus d'hétérosides cyanogènes et les fruits n'en
rcnferment qu'une très faible quantité. Leurs fruits très colorés attirent tout aussi
fréquemment les enfants que ceux des Cotoneaster et, en première analyse, n'induisent
- au pire - que quelques symptômes digestifs. Les épines acérées des Pyracantha
sont souvent beaucoup plus dangereuses ...
226 ACIDES AMINÉS, PROTÉINES, ENZYMES

• ABRICOTIER, Prunus armeniaca L. et autres Prunus

Le« noyau» (les cotylédons de la graine) de l'abricot, comme d'ailleurs les


cotylédons des graines de diverses Rosaceae fruitières (pêche, prune et, surtout, amande
amère), peuvent être à l'origine d'accidents de gravité variable dus à l'amygdaloside
qu'ils contiennent. L'intoxication concerne généralement l'enfant. Elle peut être grave
(asthénie, vomissements, céphalées, hypotension, tachycardie) et la bibliographie fait
état de cas mortels par une défaillance respiratoire qui n'est pas toujours enrayée par une
prise en charge appropriée.

B. Espèces alimentaires manioc

• MANIOC , Manihot esculenta Crantz, Euphorbiaceae

Le manioc est l'une des plantes alimentaires les plus anciennement employées par
l'Homme. L'utilisation de sa fécule, la cassave, est attestée dès le troisième millénaire
avant Jésus-Christ. Cette plante demeure aujourd'hui la source principale d'amidon
pour plusieurs centaines de millions de personnes dans les zones tropicales du globe.
Dans nos régions, la fécule de manioc est plus connue sous le nom de tapioca (cf.
plantes à amidon, p. 73).
Comme toutes les autres espèces du genre, M. esculenta est d'origine américaine et
les différents cultivars qui se sont différenciés au cours de sa longue histoire se
répartissent en deux types, improprement dénommés doux ou amer. Les deux types
renferment un hétéroside cyanogène (le linamaroside) mais, alors que cet hétéroside est
préférentiellement localisé dans les parties externes du tubercule dans le cas des
maniocs doux et serait donc éliminé par les modes traditionnels de préparation (grattage
et trempage puis cuisson), il est réparti dans tous les tissus amylifères dans le cas des
maniocs amers. La détoxication peut ne pas être totale et l'ingestion régulière de
cyanures qui en résulte est à l'origine de manifestations toxiques chroniques. Chez les
populations malnutries de certains pays de l'Afrique tropicale, le manioc peut être à
l'origine d'une neuropathie - le konzo - marquée, entre autres, par une paraplégie
spastique et des troubles neuro-ophthalmiques. La fréquence des goitres observée dans
certaines régions d'Afrique serait due à l'activité antithyroïdienne des thiocyanates
issus du métabolisme des cyanures.

C. Cas particulier: Cycadales, cycasine, BMAA

Les Cycadales sont des préspermaphytes qui ont eu un développement considérable


au Mésozoïque. II n'en subsiste que quelques dizaines d'espèces réparties en dix
genres, tous localisés dans les zones tropicales et subtropicales du globe ainsi que dans
quelques régions plus tempérées: Cycas (du Pacifique à l'Océan Indien et du Sud du
Japon à l'Australie), Encephalartos (Afrique), Macrozamia (Australie), Zamia
Il (ITÉROSIDES CYANOGÈNES 227

(Amérique), etc. La moelle et les ovules fécondés de la plupart de ces espèces sont
riches en amidon, d'ou une utilisation traditionnelle à des fins alimentaires.
L'intoxication aiguë par les Cycadales est bien décrite chez les animaux, qu'ils
soient de rente (moutons, bovins) ou domestiques. Très rare chez l'humain, elle est liée
il la cycasine, un glucoside du méthyl-azoxyméthanol (MAM).
Des manifestations toxiques (ALS-PDC = sclérose amyotrophique latérale et
démence parkinsonienne) ont été observées chez l'Homme là ou les Cycas sont
régulièrement consommés. Dans ce cas, la toxine supposée serait un amino-acide, la ~­
ll1éthylamino-L-alanine (BMAA) et, récemment, il a été constaté que cette toxine est
concentrée par la chaîne alimentaire. Élaborée par des cyanobactéries symbiotes des
Cycas, elle est ensuite concentrée par ces plantes, puis par des chauves-souris qui se
Ilourrissent de celles-ci et, enfin, par l'Homme qui, dans les régions concernées (île de
Guam), consomme ces Chiroptères et de la farine de Cycas. La BMAA a été identifiée
dans le cerveau d'habitants de ces îles atteints de l'ALS-PDC et dans celui de patients
résidant dans des zones géographiques dépourvues de Cycas, mais atteints d'une
démence de type ALZHEIMER. Toutefois, cette hypothèse de la responsabilité des Cycas
Ile fait pas l'unanimité.

8. BIBLIOGRAPHIE

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dérivés des
acides aminés

Glucosinolates

1. Structure et nomenclature ............................................................................................ 229


2. Hydrolyse des glucosinolates ..................................................................................... .230
3. Extraction, dosage des glucosinolates .........................................................................231
4. Toxicité des glucosinolates ......................................................................................... .231
5, Potentialités des glucosinolates .................................................................................. .233
6. Plantes à glucosinolates ............................................................................................... 234
7. Bibliographie ............................................................................................................... 237

Les glucosinolates, autrefois appelés hétérosides soufrés, sont des composés


hétérosidiques an ioniques responsables des odeurs fortes et caractéristiques dégagées
par de nombreuses Brassicaceae (moutarde, radis, rutabagas, choux, choux-fleurs,
hrocolis, choux de Bruxelles, etc.) ainsi que par diverses espèces appartenant à d'autres
ramilles botaniquement proches (Capparaceae, Moringaceae, Resedaceae, Tropreo-
laceae). La teneur en glucosinolates varie selon l'espèce, la partie de la plante, les
conditions culturales et climatiques. Souvent comprise avant cuisson entre 0,5 et 1 g/kg,
cette teneur peut atteindre 3,9 g/kg (poids frais) chez certains choux de Bruxelles.

1. STRUCTURE ET NOMENCLATURE

Si certains auteurs continuent d'utiliser un système de nomenclature qui combine le


préfixe « gluco » avec un terme rappelant le nom de la plante (ex. : glucocheiroline des
giroflées, glucobrassicine des choux, glucoalyssine (Alyssum), glucocapparine,
(Capparis), glucosisymbrine (Sisymbrium) , etc.), il est théoriquement préférable de
230 ACIDES AMINÉS, PROTÉINES, ENZYMES

recourir à un préfixe caractérisant la partie variable de la molécule suivi du terme


générique de glucosinolate : méthylglucosinolate, benzylglucosinolate. Notons que
nombre de ces composés sont anciennement connus et que, de ce fait, ils conservent
souvent leur dénomination commune: ainsi le 2(R)-2-hydroxy-3-buténylglucosinolate
est habituellement désigné par le vocable de progoitrine et le 4-(méthyl-sulfinyl)
butylglucosinolate sous celui de glucoraphanine.
La structure de base des glucosinolates comporte un glucose, un groupe sulfate et
une chaîne latérale très variable, la molécule existant sous la forme de sel de potassium.
La diversité des structures des glucosinolates est liée à celle des acides aminés
précurseurs de ces molécules:

• tyrosine -> 4-hydroxybenzylglucosinolate -> sinalbine (moutarde blanche);


• phénylalanine -> benzylglucosinolate -> glucotropéoline (capucine, cresson alénois);
• tryptophane -> 3-indolylméthylglucosinolate-> glucobrassicine (choux);
• homométhionine ->2-propénylglucosinolate (allyl-) -> sinigroside (moutarde noire);
• homophénylalanine -> 2-phényléthylglucosinolate -> gluconasturtine (cresson).

HSyR

HO/ N

1 UDP-glucose

Formule générale et GIC-SyR


origine supposée des
N
glucosinolates HO/
3-phosphoadénosine-
5'-phosphosulfate

Biogénétiquement, les glucosinolates sont vraisemblablement formés par N-


hydroxylation et décarboxylation des acides aminés (ou de leurs produits d'élongation)
en aldoximes qui incorporent ensuite un atome de soufre (cystéine ?) avant d'être
glycosylés (UDP-glucose) et, finalement, sulfatés (phosphoadénosine-phosphosulfate).
La chaîne latérale peut, ultérieurement, subir des transformations (oxydation,
désaturation, hydroxylation).

2. HYDROLYSE DES GLUCOSINOLATES

Lorsque les tissus des plantes à glucosinolates sont lésés, les hétérosides sont hydro-
lysés par une thioglucosidase (<< myrosinase ») toujours présente dans ce type de plante.
Dans tous les cas la génine libérée, instable, se réarrange.
Si le pH est neutre, un réarrangement de type LaSSEN du thiohydroxamate intervient
et il se forme un isothiocyanate très réactif, volatil et d'odeur forte (sauf si la chaîne
(11,lJCOSINOLATES 231

R-N=C=S isothiocyanates

--1-= R-S-C=:N
nitriles

thiocyanates

oxazolidine-2-thione tétrahydro-oxazine-2-thione
R =CH=CH 2 : goitrine

latérale du glucosinolate est hydroxylée en ~, ce qui induit un réarrangement en


oxazolidine thione; ou si elle est de nature indolique, l'isothiocyanate étant alors
instable et formant, entre autres, de l'indole-3-carbinol qui peut s'oligomériser),
En milieu légèrement acide et en présence d'ions ferreux, il se forme du soufre et un
nitrile. La formation de thiocyanates est également possible. Les isothiocyanates
réagissent avec les alcools pour former des thiocarbamates. On a vu qu'une réaction de
cc type peut intervenir dans le cas des génines hydroxylées : si le carbone C-2 de la
génine est porteur d'un groupe hydroxyle, il y aura formation d'une oxazolidine-thione;
si c'est le carbone C-3, il se forme une tétrahydro-oxazine-2-thione.

3. EXTRACTION, DOSAGE DES GLUCOSINOLATES

L'isolement de ces composés ne peut se faire qu'après la destruction des enzymes


(par un alcool à ébullition). La nature ionique des glucosinolates autorise leur
séparation sur résines échangeuses d'ions.
Il est possible de doser les ions sulfate ou le glucose après action des thio-
glucosidases. D'autres méthodes ont été développées comme par exemple l'évaluation
spectrométrique des 1,3-benzodithiole-2-thiones formées par cyclo-condensation des
isothiocyanates avec le 1,2-benzène-dithiol. La seule appréciation des isothiocyanates
formés peut se révéler insuffisante compte tenu de la diversité des produits qui peuvent,
en fait, être formés. Il est aussi possible d'évaluer quantitativement et qualitativement
les glucosinolates par chromatographie liquide (voir, par exemple, le dosage des
glucosinolates dans la graine de colza [norme NF EN ISO 9167-1: 1995]). On peut aussi
les doser par spectrométrie de fluorescence aux rayons X (NF EN ISO 9167-2: 1997).

4. TOXICITÉ DES GLUCOSINOLATES

Plusieurs espèces de Brassicaceae - particulièrement les choux - provoquent,


lorsqu'ils sont absorbés en très forte quantité par les animaux (moutons, lapins, bœufs)
Tropaeolum majus L.
( Il ,lICOSINOLATES 233

1111 hypofonctionnement thyroïdien entraînant goitre, avortements et mort des fœtus in


Les thiocyanates minéraux captent l'iode et empêchent sa fixation thyroïdienne,
11/1'/'0,
l'our d'autres espèces végétales c'est la goitrine, c'est-à-dire l'oxazolidine-thione
rl-sultant de l'hydrolyse de la progoitrine (2-hydroxy-3-buténylglucosinolate) qui inhibe
l'illcorporation de l'iode et la formation de la thyroxine. À la différence du précédent,
vL't effet antithyroïdien n'est pas annulé par l'administration d'iode.
Chez l'Homme, bien que l'on constate une fréquence anormale des goitres chez les
populations dont le régime est pauvre en iode et riche en Brassicaceae, aucune preuve
Il'a jamais été apportée d'une relation causale entre la consommation de choux et
l'apparition de goitres. Seuls quelques cas d'hypothyroïdisme primitif ont pu être
IIggravés par une alimentation de ce type. Des remarques identiques peuvent être
formulées en ce qui concerne la consommation de lait provenant d'animaux recevant
des rations alimentaires riches en Brassicaceae.

5. POTENTIALITÉS DES GLUCOSINOLATES

Les glucosinolates peuvent aussi avoir des avantages: pour de nombreux auteurs,
leur présence dans la ration alimentaire (dans les brocolis, les choux, les choux-fleurs
l'l, surtout, les choux de Bruxelles) pourrait avoir un effet protecteur à l'encontre des
substances cancérogènes. Cette hypothèse s'appuie principalement sur des données de
eancérogenèse animale obtenues avec des régimes riches en Brassicaceae ou avec les
isothiocyanates et l'indole-3-carbinol sur différents modèles de cancers chimio-induits.
('es études montrent l'interaction - à doses fortes - des isothiocyanates et de l' indole-
.\-earbinol (du moins lorsque ce dernier est ingéré avant l'exposition au cancérogène)
IIvec le métabolisme des cancérogènes: inhibition de l'activation des procancérogènes
l~t/OU induction des enzymes dites « de phase II » telles que la NAD(P)H qui none
réductase, la glutathion S-transférase ou l'UDP-glucuronyl-transférase qui détoxifient
les métabolites électrophiles susceptibles d'altérer la structure des acides nucléiques.
L'extrapolation des données expérimentales à l'humain est délicate: les dosages
sont généralement inférieurs, on connaît malles quantités de glucosinolates réellement
ingérées (influence de l'espèce végétale, du mode de culture, du mode de préparation et
de cuisson, etc.) et les quantités réellement disponibles (variation individuelles de
métabolisme, etc.). On dispose toutefois de données épidémiologiques convergentes: à
la fin des années 1990, deux analyses des études de cohorte et des dizaines d'études
cas-témoins alors disponibles accréditaient la vraisemblance d'une relation inverse
cntre une consommation importante et régulière de Brassicaceae et la fréquence des
nll1cers, en particulier de l'estomac, du côlon, du rectum et du poumon. La possibilité
de doser spécifiquement les métabolites urinaires des glucosinolates devrait conduire à
des études plus fines et plus fiables visant à préciser l'impact réel, dans une
alimentation riche en fruits et légumes, des Brassicaceae sur la santé, notamment sur la
survenue de cancers.
234 ACIDES AMINÉS, PROTÉINES, ENZYMES

6. PLANTES À GLUCOSINOLATES

Les Brassicaceae, aussi bien que la capucine (Tropaeolaceae), ont aujourd'hui une
utilisation thérapeutique restreinte .

• MOUTARDE JONCIFORME, B.juncea (L.) Czerniak.


MOUTARDE NOIRE, Brassica nigra (L.) Koch

La moutarde jonciforme est une plante annuelle, herbacée, à feuilles simples


découpées ou entières lancéolées selon qu'elles sont insérées à la base ou au sommet de
la tige. Les fleurs, groupées en grappes serrées, sont jaunes, 4-mères. Les fruits, de
longues siliques à bec, renferment de 12 à 14 graines. La graine, sphérique et
ombiliquée, est de coloration variable; sa surface est finement réticulée. Broyée
grossièrement dans l'eau, elle dégage une odeur piquante.
Les graines de moutarde sont riches en mucilage (20 %) et en lipides à acides gras
insaturés (acides érucique, oléique, linoléique). L'hétéroside soufré principal est le
sinigroside ou allylglucosinolate (1-2 %) dont l'hydrolyse fournit de l'isothiocyanate
d'allyle. D'autres composés ont été isolés (gluconapine, gluconasturtiine, glu co-
ibervérine, etc.).
Les graines de moutarde sont révulsives par leur « essence 1 » : l'isothiocyanate
appliqué sur la peau provoque un picotement, une rubéfaction et, si le contact se
prolonge, une vésication. L'emploi, ancien 2, des cataplasmes à base de« farine» de
moutarde conserve quelques adeptes (préparations commercialisées à imbiber d'eau
tiède). À défaut d'un effet thérapeutique qui reste à démontrer, ce type de traitement
peut induire, s'il est appliqué trop longuement, des lésions de la peau .

• RADIS NOIR, Raphanus sativus L. var. niger (Mill.) Kerner

Cette espèce est une plante herbacée habituellement bisannuelle à feuilles rudes, à
fleurs blanches en grappes, à siliques renflées. La volumineuse racine (jusqu'à 50 cm
de long) a une surface noire, sillonnée, rugueuse.
La composition de la racine n'est que partiellement connue. On sait qu'elle
renferme de la glucobrassicine (3-indolylméthylglucosinolate). Les données phar-
macologiques sont quasiment inexistantes: la notion de « draineur hépatique» est
retenue par quelques auteurs. Il n'y a pas de données cliniques fiables sur cette espèce.

1. Depuis août 2007 (décret 2007-1198), la vente au détail et toute dispensation au public d'« huile
essentielle» de moutarde jonciforme et de ses dilutions et préparations ne constituant ni des produits
cosmétiques, ni des produits à usage ménager, ni des denrées ou boissons alimentaires est réservée aux
pharmaciens (Articles L4211-1 et 04211-13 du Code de la santé publique).
2. Comme le rappelle P. DELAvEAu, « ils" font [les sinapismes] sortir l'humeur" - un primitif
dirait" faire sortir les mauvais esprits du corps" ... ». [Delaveau, P., Histoire et renouveau des plantes
médicinales, op. cit., p. 24].
(il,lJCOSINOLATES 235

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour la racine de radis noir, les indications théra-
peutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 1° comme cholérétique ou
cholagogue; 2° au cours des affections bronchiques aiguës bénignes. En usage local,
l'indication «traditionnellement utilisée en cas d'érythème solaire, de brûlures
,~upclficielles et peu étendues, d'érythèmes fessiers» est autorisée. Aucune évaluation
I!lX icologique n'est demandée pour la constitution d'un dossier « abrégé» d' AMM
(poudre, racine pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit
Il' titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
III racine fraîche du radis noir est utilisée en cas de troubles digestifs, notamment quand
ils sont liés à une dyskinésie biliaire. Elle est aussi utilisée en cas d'encombrement des
voies respiratoires supérieures. Posologie: de 50 ml à 100 ml par jour de jus pressé
l'rais. Contre-indication: cholélithiase .

• ÉRYSIMUM (herbe aux chantres), Sisymbrium officinale (L.) Scop.

L'érysimum est constitué par les parties aériennes fleuries séchées de S. officinale
(1,.) Scop= Erysimum officinale L. Il contient au minimum 0,3 % de glucosinolates
totaux exprimés en sinigrine (Ph. fse, 10c éd.).

Cette herbe très commune de nos régions possède des rameaux étalés, des feuilles
isolées, profondément divisées en lobes inégaux, dont le terminal est hasté. Les fleurs,
groupées en petites grappes, sont sur le type 4 caractéristique de la famille. Les siliques
sont longues et velues. Au microscope, on remarque des poils tecteurs unicellulaires, à
parois épaissies et finement ponctuées.
Les glucosinolates sont identifiés par CCM sur un extrait méthanolique purifié par
pasage sur une résine cellulosique anionique, et dosés par chromatographie liquide
IIprès extraction par un mélange d'eau et de méthanol.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour lafeuille, la sommité fleurie sèche oufraîche
d'érysimum, les indications thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement
utilisé dans le traitement symptomatique de la toux, au cours des affections bronchiques
lIiguës bénignes. Par voie locale (collutoire, pastille), l'érysimum peut être utilisé
comme antalgique dans les affections de la cavité buccale et/ou du pharynx. Aucune
évaluation toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un dossier« abrégé»
d'AMM (poudre, plante pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques quel
qu'en soit le titre).
Il n'existe pas de monographie de la Commission E du BfArM allemand pour cette
plante.
236 ACIDES AMINÉS, PROTÉINES, ENZYMES

• AUTRES BRASSICACEAE

- RAIFORT SAVYAGE, Cochlearia armoracia L. = Armoracia rusticana P. Gaertn.

La racine de ce raifort (grand raifort, cresson de cheval, moutarde des Allemands)


renferme, entre autres, de l'acide ascorbique et 0,2-0,5 % de glucosinolates (sinigrine,
gluconasturtiine, glucobrassicanapine, etc. dont l'hydrolyse par la myrosinase forme
principalement de l'isothiocyanate d'allyle et de l'isothiocyanante de 2-phényléthyle.
En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet qu'il est
possible de revendiquer, pour la racine du raifort sauvage, les indications thérapeu-
tiques suivantes: 1° (voie orale) traditionnellement utilisé au cours des affections
bronchiques aiguës bénignes; 2° (voie locale) traditionnellement utilisé (collutoire,
pastille), comme antalgique dans les affections de la cavité buccale et/ou du pharynx.
Aucune évaluation toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un dossier
« abrégé» d'AMM (poudre, racine pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-
alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
la racine du raifort, fraîche ou séchée, est utilisée part voie orale et par voie locale
(cataplasmes) en cas d'encombrement des voies respiratoires. Par voie orale, c'est aussi
une thérapeutique d'appoint en cas d'infection des voies urinaires. Les cataplasmes sont
utilisés en cas de douleurs musculaires modérées. Posologie: 1° voie orale, 20 g de
racines fraîches; 2° voie locale, préparations avec un maximum de 2% d'essence.
Contre-indications: ulcères gastro-duodénaux, affections rénales. Ne pas administrer à
l'enfant de moins de 4 ans.

- COCHLÉAIRE, Cochlearia officinalis L.


n est possible de revendiquer, en France, pour la feuille de cette plante, les mêmes
indications que pour la racine de raifort. Les dispositions réglementaires d'AMM sont
les mêmes. Il n'existe pas de monographie de la Commission E du BfArM allemand
pour cette plante.

- BOURSE-À-PASTEUR, Capsella bursa-pastoris Moench. (Ph. fse, 10' éd.).


En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet qu'il est
possible de revendiquer, pour les parties aériennes fleuries de bourse-à-pasteur, l'indi-
cation thérapeutique suivante (voie orale et locale) : traditionnellement utilisées dans les
manifestations subjectives de l'insuffisance veineuse telles que jambes lourdes et dans
la symptomatologie hémorroïdaire.
Si le phytomédicament à base de parties aériennes fleuries de bourse-à-pateur est
une poudre, un extrait hydro-alcoolique de titre alcoolique> 30 % ou une teinture, le
dossier« abrégé» d'AMM doit comporter une étude toxicologique allégée. Celle-ci
n'est pas nécessaire pour la bourse-à-pasteur pour tisane, l'extrait aqueux et les extraits
hydro-alcooliques de titre inférieur à 30 %.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que la
bourse-à-pasteur est utilisée: 1° par voie interne, comme traitement symptomatique des 1
1
i
l
~l
( iLUCOSINOLATES 237

Illétrorragies modérées; 2° en cas de saignement de nez; 3° par voie externe, en cas de


blessure ou de saignement superficiel. Posologie (voie orale) : de 10 g à 15 g par jour.

.CAPUCINE, Tropœolum majus L., Tropceolaceae

La partie utilisée est le limbe et le pétiole séchés de la feuille de T. majus (Ph. fse,
10" éd.). La grande capucine, originaire de l'Amérique du Sud, est cultivée à des fins
ornementales dans nos régions. Des feuilles rondes et peltées, des fleurs vivement
colorées en forme de casque (ou de capuchon) et des triakènes ridés caractérisent cette
plante herbacée.
Identifiée par ses caractères morphologiques et microscopiques ainsi que par une
réaction de la cyanidine positive, la feuille est contrôlée en CCM (mise en évidence de
l'isoquercitroside dans un macérat méthanolique).
La feuille de capucine renferme des flavonoïdes et un glucosinolate, la gluco-
lropéoline. L'hydrolyse de cet hétéroside se traduit par la libération d'isothiocyanate de
henzyle dont les propriétés antibactériennes et antifongiques sont connues. La graine de
capucine renferme 6 à 10 % d'une huile qui passe pour être l'huile la plus riche
(actuellement connue) en acide érucique (60 à 80 %, majoritairement sous la forme de
1riérucine).

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour lafeuille de capucine, les indications théra-
peutiques suivantes: 1° par voie orale, traditionnellement utilisé au cours des affections
bronchiques aiguës bénignes; 2° en usage local, traditionnellement utilisé dans les
démangeaisons et desquamations du cuir chevelu avec pellicules ainsi qu'en cas
d'érythème solaire, de brûlures superficielles et peu étendues, d'érythèmes fessiers.
Aucune évaluation toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un dossier
« abrégé» d' AMM (poudre, feuille pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-
alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, les parties aériennes de la capucine peuvent entrer dans la
composition d'une douzaine de combinaisons d'espèces aux usages divers. La
Illonographie précise que des propriétés pharmacologiques justifient la contribution aux
activités de ces combinaisons comme traitement d'appoint des infections urinaires, des
cncombrements bronchiques ou comme antalgique externe des douleurs musculaires
Illodérées.

6. BIBLIOGRAPHIE
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van Poppel, G., Verhoeven, D.T., Verhagen, H. et Goldbohm, R.A. (1999). Brassica vegetables and cancer
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vegetables and cancer risk, Cancer Epidemiol. Biomarkers Prev., 5, 733-748.
dérivés des
acides aminés

Autres composés soufrés*

.AIL, Allium sativum L., Alliaceae (ex Liliaceae)

La poudre d'ail est obtenue à partir du bulbe d'A. sativum, divisé, cryodesséché ou
séché à température ne dépassant pas 65° C, et réduit en poudre. Elle contient au
minimum 0,45 % d'allicine (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:1216]).

La plante. Petite plante herbacée vivace, l'ail est une espèce à feuilles linéaires
cngainantes, à ombelles globuleuses de fleurs blanches ou rougeâtres entourées d'une
longue spathe caduque terminée en pointe, à bulbe formé de caïeux (les « gousses»)
insérés sur un plateau aplati, entourés d'une tunique commune blanchâtre. L'odeur,
lilible, se développe - forte et soufrée - dès que les tissus sont lésés.
La poudre, examinée au microscope (hydrate de chlora!), présente des fragments de
parenchyme et des groupes de vaisseaux spiralés ou annelés. Elle ne doit pas renfenner
d'amidon. L'allicine est dosée par chromatographie liquide sur un macérat aqueux.

Composition chimique. Le bulbe renferme des sucres (fructanes), des saponosides


(hétérosides de furostanols : sativosides, proto-éruboside-B, etc.) et est surtout connu
pour ses composés soufrés dont la teneur peut varier fortement selon le cultivar,
l'origine géographique, l'époque de la récolte, ou encore les conditions de stockage. Le
l~(mstituant principal de l'ail frais non contusé est l'alliine ou sulfoxyde de S-allyl-L-
(+ )-cystéine. Lorsque les tissus sont coupés ou broyés, l'alliine est dégradée par une

1. Chapitre limité volontairement aux thiosulfinates ; mais le soufre n'est pas exceptionnel (ex. :
IIkaloïdes pyrrolidiniques et tropaniques soufrés des Rhizophoraceae [Cassipourea, Bruguiera]).
Allium sativum L.
Al/TRES COMPOSÉS SOUFRÉS 241

('Ilzyme, l'alliinase (= S-alkyl-L-cystéine sulfoxyde lyase), en acide pyruvique et acide


2"propènesulfénique, ce dernier étant aussitôt transformé en alliicine (0,3 % de la masse
l'raîche). L'oxydation à l'air de l'alliicine conduit au 1,7-dithiaocta-4,5-diène, connu
sous le nom de disulfure de diallyle : c'est le constituant majoritaire de 1'« essence»
d'ail. L'analyse fine des extraits alcooliques d'ail montre également la présence de
produits de condensation de l'alliicine, les 6Z- et 6E-ajoènes (4,5,9-trithiadodéca-
1'(J,ll-trièn-9-S-oxyde) et de produits de cycloaddition du propènethial (vinyldithiines).
Il a été montré que beaucoup de composés identifiés en CPG dans les diverses
" essences» d'ail ne sont que des artefacts: l'analyse en chromatographie liquide des
produits obtenus par simple distillation sous vide poussé et à température ambiante ne
Illet en évidence que des thiosulfinates R-S(O)S-R' ; l'alliicine (R = R' = allyl) étant
nettement prépondérante (80-90 %). Cette variation de composition selon la forme
(essence, extraits alcooliques ou huileux, ail frais, poudre d'ail, ail « vieilli ») rend
souvent délicate l'interprétation et la comparaison des résultats des études
pharmacologiques ou cliniques. La forme la plus utilisée pour les essais cliniques est la
poudre d'ail. Habituellement standardisée en alliine, elle a une composition proche de
œlle de l'ail frais, 300 mg de poudre étant équivalents à 1 g d'ail frais.

o
Il
~SOH ~S"S~

S-allyl-L -(+)-cystéine sulfoxyde acide 2-propène sulfénique alliicine


(diallylthiosulfinate)

S~S~
C
1 Il
S~
S~O 1 S

Z-ajoène E-ajoène 2-vinyl-(4H)-1,3-dithiine 3-vinyl-(4H)-1,2-dithiine

Pharmacologie. Plusieurs propriétés attribuées traditionnellement à l'ail ont été


vérifiées expérimentalement: c'est le cas des activités antibactérienne et antifongique
lIlises en évidence in vitro. L'expérimentation chez l'animal a montré, au cours des
vingt dernières années, que des extraits d'ail sont susceptibles de diminuer
cholestérolémie et triglycéridémie (Lapin, Rat) et d'exercer des effets antihypertenseurs
(Rat). Par ailleurs, l'ail apparaît, in vitro ou chez l'animal, anticoagulant, antibactérien,
IIntifongique, antioxydant, hypoglycémiant, etc. Des propriétés anti-agrégantes
plaquettaires, démontrées in vitro, sont liées aux ajoènes, inhibiteurs de la lipoxygénase.
Il faut toutefois remarquer que la nature et la composition des extraits testés n'est
pas toujours précisée, que les modèles utilisés sont disparates et les conditions
expérimentales variées. Qui plus est, si l'allicine est bien le principe actif (ce qui reste à
établir formellement), son devenir dans l'organisme et l'éventuelle activité de ses
lIlétabolites sont très mal connus. Il est donc difficile d'avoir une vision synthétique
242 ACIDES AMINÉS, PROTÉINES, ENZYMES

claire à partir des données accumulées depuis quelques dizaines d'années dans des
centaines de publications.

Évaluation clinique. Diverses études et essais conduits chez l 'humain ont évalué
les potentialités de l'ail et de ses préparations. Ils ont mis en évidence une faible activité
antiagrégante plaquettaire. Ils ont surtout cherché a évaluer l'activité de ce légume et de
ses préparations sur la cholestérolémie et le niveau tensionnel. Enfin, la question se
pose du rôle que pourrait jouer l'ail dans la prévention de certains cancers.

Action hypocholestérolémiante. Au cours des années 1990, trois méta-analyses


des essais cliniques évaluant l'activité hypocholestérolémiante des préparations d'ail
ont été publiées. Les deux premières, malgré leur souci de ne retenir que les essais
méthodologiquement les moins mauvais, demeurent biaisées par les défauts majeurs de
certains essais inclus dans l'analyse. La troisième, menée sur une douzaine d'essais
randomisés en double aveugle versus placebo, a conduit à constater une diminution
moyenne de la cholestérolémie totale de - 4,3 % (- 0,114 g/l ± 0,072 g/l). Lorsque
l'analyse a été réduite aux essais les plus rigoureux et à ceux qui analysaient le régime
alimentaire des sujets inclus, on ne constatait plus qu'une tendance à la diminution de la
cholestérolémie. Ultérieurement, les auteurs d'une autre méta-analyse ont conclu qu'un
effet hypocholestérolémiant modeste était possible à court terme (- 0,171 g/l [- 0,124 à
- 0,220 g/l], toutes préparations d'ail confondues) après 2 ou 3 mois, mais que les
données à 6 mois n'étaient pas concluantes. Ces auteurs ont clairement souligné la
faiblesse méthodologique de la plupart des essais, à commencer par un insu rarement
correctement réalisé (odeur, arrière-goût). Il ressort aussi de ce travail que l'effet sur le
LDL-cholestérol, pas toujours évalué, serait au mieux faible (- 0,062 g/l après 2 ou 3
mois, [IC 95,0,0077-0,116]), toutes préparations confondues. Une synthèse
méthodique des données publiée en 2003 a analysé dans le détailla méthodologie des
essais. Celle-ci demeure globalement insuffisante (puissance statistique non déter-
minée, durée trop courte, absence d'analyse du régime, randomisation pas claire, etc.)
pour que l'on puisse considérer que les résultats accumulés au fil des ans constituent
une preuve solide de l'efficacité clinique de l'ail.
En somme, il est posib1e que l'ail puisse faire baisser la cholestérolémie, modes-
tement et à court terme. Cela étant, on n'a pas de données sur un éventuel effet à plus
long terme, pas plus que sur l'impact de la consommation d'ail en termes de morbidité
et mortalité cardiovasculaire.

Action antihypertensive. En ce qui concerne l'action des préparations d'ail sur la


pression artérielle, plusieurs études et essais ont constaté une baisse modeste (- 5 %), mais
leur qualité méthodologique est souvent faible. En 2008 cependant, les auteurs d'une
synthèse méthodique des données disponibles ont constaté, après une méta-analyse de
Il des 25 essais randomisés en double aveugle versus placebo qu'ils avaient recensés,
que l'ail est plus efficace qu'un placebo pour abaisser la pression systolique (- 4,56 ± 2,8
mm, 10 essais), mais que son effet sur la pression diastolique n'est pas statistiquement
significatif (- 2,44 ± 2,53). Chez les seuls sujets initialement hypertendus (PAS> 140
mm Hg, PAD > 90 mm Hg), la baissse est, dans les deux cas, statistiquement
I\IJTRES COMPOSÉS SOUFRÉS 243

significative: 8,36 ± 2,66 mm (PAS, 4 essais) et 7,27 ± 1,5 mm (PAD, 3 essais). Chez
les seuls patients normotendus, l'effet antihypertenseur n'est pas significatif (6 [PAS] ou
7 JPAD] essais). Les essais mettaient majoritairement en œuvre de la poudre d'ail, à la
dose quotidienne de 600 à 900 mg (3,6 à 5,4 mg d'allicine). D'autres auteurs, constatant
IL~ relativement faible effet hypotenseur de l'ail, s'interrogent sur sa valeur clinique. Il est
indispensable que des essais mieux dimensionnés et inscrits dans la durée précisent
l'(éventuel) impact de la supplémentation en ail sur le risque cardiovasculaire.

Ail et cancérogenèse. Quelques études épidémiologiques (surtout des études cas-


lémoins) suggèrent sans le démontrer que la consommation régulière d'ail cru et/ou
nlit, mais pas celle de suppléments à base d'ail, est inversement corrélée au risque de
cancer gastrique et de cancer colorectal. Ces données recueillies chez l'Homme
l'onfirmeraient donc ce que montre la majorité des expériences conduites sur différents
organes de plusieurs espèces animales, en particulier l'inhibition de l'initiation de la
cancérogenèse chimio-induite et l'induction de certaines enzymes de phase II par le
disulfure d'allyle et d'autres composés soufrés formés à partir des bulbes.
Le constat issu des données épidémiologiques doit être tempéré: on ne dispose pas
d'informations précises sur la ration globale de légumes consommés par les sujets inter-
rogés au cours des enquêtes: l'ail étant souvent utilisé pour relever des préparations à
hase de légumes, son niveau de consommation pourrait n'être que le reflet de celui de la
l'Onsommation globale de légumes qui, lorsque elle est élevée, aurait une incidence sur
la fréquence des cancers du tube digestif. De plus les enquêtes rétrospectives ne sont
pas dépourvues de biais. D'autres études, et des études d'intervention, sont donc néces-
saires pour confirmer ou infirmer ces premières observations : le seul essai randomisé
dl' taille importante publié n'a montré aucune corrélation entre la supplémentation en
ail à long terme (ail vieilli ou essence d'ail consommés pendant 7,3 ans) et la
prévalence des lésions précancéreuses gastriques ou l'incidence des cancers gastriques.

Toxicité, effets indésirables, interactions médicamenteuses. Le principal effet


indésirable signalé au cours des essais est l'odeur que les composés soufrés confèrent à
l'haleine et à la sueur. On note également, moins fréquents, des troubles digestifs.
Quelques cas de saignements et accidents hémorragiques ont été rapportés, notamment
comme complication post-opératoire. Ils sont peut être liés à l'activité anti-agrégante
plaquettaire. L'ail, ingéré ou inhalé, peut provoquer (rarement) une réaction allergique 2
(réaction cutanée, asthme). Une interaction avec les anticoagulants est envisageable,
une observation au moins a d'ailleurs été relatée. Il est sans aucun doute prudent de
s'abstenir d'une consommation exagérée d'ail ou de préparations d'ail dans les jours
qui précèdent une intervention chirurgicale.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour le bulbe d'ail, l'indication thérapeutique
suivante (voie orale) : traditionnellement utilisé dans le traitement des troubles circula-

2. On ne cite pas volontairement ici les dermites de contact liées à l'ail, ainsi que les effets
loxiques chez l'animal.
244 ACIDES AMINÉS, PROTÉINES, ENZYMES

toires mineurs. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée pour la constitution


d'un dossier« abrégé» d'AMM (poudre, ail pour tisane, extrait aqueux et extraits
hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
le bulbe d'ail est utilisé comme complément des mesures diététiques en cas d'hyper-
lipidémie, ainsi que pour la prophylaxie des modifications vasculaires induites par l'âge.
Posologie: 4 g d'ail frais par jour (ou préparation équivalente).
Pour sa part l'ESCOP fixe la posologie en alliine à 6-10 mg par jour, soit une
gousse ou, exprimée en poudre d'ail, de 0,5 à 1 g par jour. Ce Comité prend en compte,
en plus des indications retenues par la Commission E, le traitement des infections
respiratoires par l'ail séché ou la teinture d'ail, « bien que des données cliniques
validant cette indication ne soient pas disponibles 3 » .

• OIGNON , Allium cepa L., Alliaceae (ex Liliaceae)

On cultive de nombreuses variétés de cette plante herbacée vivace à feuilles


généralement cylindriques, à ombelles subglobuleuses de fleurs 3-mères recouvertes
initialement par une spathe membraneuse. Dans le cas de l'oignon commun, ces
variétés sont regroupées en deux catégories selon que l'extérieur de leur bulbe est blanc
ou coloré. La forme et la taille du bulbe varient selon la variété (de 2 à 20 cm, aplati,
sphérique, piriforme, etc.).

Composition chimique. Le bulbe d'oignon frais renferme des fructanes de faible


degré de polymérisation et des polysaccharides hétérogènes, des flavonoïdes (princi-
o
Il
/5'-5~
~H_
50

S-(I-propényl)-L-cystéine sulfoxyde acide propèn-l-sulfénique

o
50H 5/~'-R 5
~5/ ~5/ ~5
------- Il
RsOO ~
\\
CH 3SOH 0 o
zwiebelane

Oignon: formation de disulfures : ex. R =C3H7 :3-éthyl-2,4,5-trithiaoctane 2-S-oxyde

3. De fait, au moins un essai clinique a été publié sur la prévention et le traitement du rhume par
des capsules d'ail (cf. Josling, P. [2001]. Preventing the common cold with a garlic supplement: a double-
blind placebo-controlled survey,Adv. Ther., 18, 189-193).
AllTRES COMPOSÉS SOUFRÉS 245

paiement des glycosides du quercétol et ce dans les oignons colorés: 2,5-6,5 %), des
saponosides (glycosides de furostanols), des stérols et des composés soufrés: sulfoxyde
de trans-(+)-S-(l-propényl)-L-cystéine (= isoalliine) et autres dérivés de la cystéine
(alkyl- et alcénylcystéines et les dérivés sulfoxydes correspondants). Lorsque le bulbe
l'st contusé, les sulfoxydes sont dégradés par l'alliinase, libérant de l'acide pyruvique et
des alkylthiosulfinates instables et rapidement transformés en disulfures (ex. : disulfure
de dipropyle); le trans-( + )-S-(l-propényl)-L-cystéine sulfoxyde est pour sa part
transformé, via l'acide I-propènesulfénique, en S-oxyde de Z-propènethial (= S-oxyde
de thiopropanal). Celui-ci conduit ensuite, par addition sur les acides alkyl-et alcényl
slllféniques, à une série de l-(méthylsulfinyl)-propyl alkyl- (ou alcényl-) disulfures.
D'autres composés ont également été caractérisés dans les extraits: cépaènes
(u-sulfinyldisulfures), zwiebelanes (dérivés disoufrés bicycliques), di- et tripeptides
soufrés. Dans « l'essence» d'oignon, les composés très majoritaires sont des disulfures.
Comme dans le cas de l'ail, la distillation sous vide ne conduit qu'à des thiosulfinates
(1{ = méthyl ou n-propyl, R' = l-propényl ou méthyl; le composé majoritaire étant
IIsymétrique: CHTS(O)S-l-propényl [E,Z]).

Pharmacologie, évaluation clinique. Si l'oignon est un légume et un condiment, il


Il'cn est pas moins considéré par certains comme doué de propriétés « médicinales ».
l ,e jus d'oignon, réputé pour ses propriétés « diurétiques» (diurétique vrai ou stimulant
de l'élimination de l'eau?) est antimicrobien in vitro et l'expérimentation animale met
en évidence son activité hypoglycémiante. Comme dans le cas de l'ail, on note une
lIetivité anti-agrégante plaquettaire et fibrinolytique liée à certains des composés soufrés
(la plupart sont des inhibiteurs de la cyclo-oxygénase et de la lipoxygénase). Les
extraits ont également une activité anti-asthmatique (Cobaye) et anti-allergique cutanée
cl pulmonaire (on connaît l'utilisation populaire de l'oignon en friction pour atténuer les
effets d'une piqûre de guêpe).
On ne dispose pas d'essais cliniques établissant de façon solide un intérêt
thérapeutique de l'oignon. Sur le plan nutritionnel, c'est un aliment intéressant pour sa
teneur en antioxydants (flavonoïdes). Comme dans le cas de l'ail, la consommation
régulière d'oignons réduirait le risque d'apparition du cancer de l'estomac. C'est ce ce
que laissent penser des études cas-témoins précédemment publiées et ce que montrent
les résultats d'une étude de cohorte réalisée aux Pays-Bas.

Emplois. En France, le bulbe d'oignon ne figure pas sur la liste des espèces rete-
nues par la Note explicative de l'Agence du médicament (1998).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
le bulbe d'oignon est utilisé en cas de perte d'appétit et pour prévenir l'athérosclérose.
Posologie: 50 g d'oignons frais par jour ou 20 g d'oignons séchés (ou préparation
équivalente).
246 ACIDES AMINÉS, PROTÉINES, ENZYMES

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dérivés des
acides aminés

Bétalaïnes

l,es bétalaïnes - bétacyanines et bétaxanthines - sont des pigments végétaux


caractéristiques de quelques Champignons (en particulier l'amanite tue-mouches et
l'amanite des Césars) et de neuf des onze familles de Centrospermales chez lesquelles
elles remplacent les anthocyanosides dans les fleurs, les feuilles, les fruits ou les parties
souterraines colorés.
Les bétacyanines sont des pigments rouges ou violacés qui existent à l'état
d'hétérosides hydrosolubles et dont la génine est un zwittérion dihydro-indolique et
dihydropyridinique. Les bétaxanthines ont une structure voisine, mais leur coloration
est jaune (on en trouve notamment chez les Cactaceae).
Biogénétiquement, les bétalaïnes sont issues du métabolisme de la phénylalanine,
via la dihydroxyphénylalanine qui peut aussi bien se cycliser (en cyc1odopa) qu'être
dégradée en acide bétalamique (voir schéma p. suivante). Les bétacyanines résultent de
la condensation de la cyc1odopa et de l'acide bétalamique alors que les bétaxanthines
sont issues de la réaction de l'acide bétalamique avec divers acides aminés et amines.
Ces substances, facilement décomposées, sont difficiles à isoler à l'état pur. Elles
sont habituellement extraites par un mélange hydro-alcoolique, éventuellement
additionné d'acide ascorbique (antioxydant). Elles sont bien séparées par
chromatographie sur des supports de nature polyamidique.
Les bétalaïnes n'ont pas d'intérêt thérapeutique. Toutefois, on s'intéresse
maintenant à leurs propriétés antioxydantes et à leur comportement de piégeurs de
radicaux (par exemple dans le cas de fruits comestibles comme ceux du figuier de
Barbarie). En pharmacotechnie et dans les industries agroalimentaires on met à profit
leurs propriétés colorantes: le rouge de betterave (E162) est un colorant stable de pH 3,5
à 7 ; il est commercialisé sous forme de jus concentrés ou sous celle de nébulisats de jus
fermentés adsorbés sur maltodextrine, gommes, etc.
248 ACIDES AMINÉS, PROTÉINES, ENZYMES

On note que la betterave (voir aussi p. 33) peut être valorisée comme source d'acide
D-galacturonique : un hectare de betterave sucrière fournit (théoriquement) 600 kg
d'acide D-galacturonique. Estérifié par des alcools gras, ce dernier conduit à des
tensioactifs émulsionnants, non irritants et biodégradables. Il peut aussi être transformé
en acide mucique, un diacide tétrahydroxylé capable de former des complexes stables
avec les ions métalliques. Cet agent séquestrant est parfois présenté comme une
possible alternative - écologique, il est biodégradable - aux phosphates. Les fruits
des Cactaceae (Opuntia sp., Hylocereus sp.) et diverses espèces d'Amaranthaceae
(Celosia) pourraient constituer des sources intéressantes de bétalaïnes colorantes.

lW~C00
~'
~
cyclodopa

HO,C"" 1 CO,H
H

R =H : bétanidine indicaxanthine
R =glc : bétanine

P
~ OHC
o
~ CHO

H0 2 C"'" NH 2 Ho,c""êlcO,H
H

acide bétalamique

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Protéines édulcorantes

I.cs protéines édulcorantes sont des protéines présentes dans certains fruits et qui
présentent un fort pouvoir sucrant. Elles pourraient donc constituer des édulcorants
Ilaturels, non-caloriques. Sur une demi-douzaine qui ont particulièrement retenu
l'attention, une seule est aujoud'hui commercialisée, la thaumatine. Les autres
dcmeurent des objets de recherche: monelline (voir ci-dessosus), mabinline, brazzéine
l'I pentadine (isolées de Capparaceae (s.l.) : Cappa ris masaikai LevI. et Pentadiplandra
hmzzeana Baill.) ou encore curculine isolée de Molineria latifolia (W.T. Aiton) Herb.
ex Kurz (Hypoxidaceae). La miraculine est quant à elle plus un modificateur de goût
qu'un édulcorant proprement dit.

• THAUMATINE

La thaumatine, initialement commercialisée aux États-Unis d'Amérique et au Japon


('l'alin ®), est maintenant inscrite sur la liste des additifs autorisés de l'Union Européenne
(ElJ57). C'est un mélange protéique isolé des fruits d'une Marantaceae africaine,
'/1wumatococcus danielli (Bennett) Benth.
T. danielli est une espèce à fruit charnu, trigonal, rouge brillant à maturité, à 1-3
graines noires entourées d'un arille charnu, abondante au Ghana, en Côte d'Ivoire, au
Togo, en Sierra Leone. La douceur de l'arille a été décrite dès le milieu du XIX' siècle.
Les fruits congelés sont soumis à une extraction aqueuse et la fraction protéique est
séparée par des techniques physiques (ultrafiltration). L'extrait contient deux protéines
ll1ajoritaires (thaumatines 1 et II) comptant chacune 207 acides aminés et ne différant
l~lIlre elles que sur cinq positions; leur structure comporte huit ponts disulfure. La
Ihaumatine est très soluble dans l'eau, soluble dans les alcools dilués. La stabilité est
maximale à pH 2,7-3 (le goût sucré devient acide à pH < 2) et le pouvoir sucrant ne
disparaît pas par chauffage. Les solutions sont pasteurisables, mais un traitement
prolongé (stérilisation) fait disparaître le goût sucré.
250 ACIDES AMINÉS, PROTÉINES, ENZYMES

La thaumatine est un édulcorant puissant: son action est perceptible pour une
concentration de 10-8 M. La sensation sucrée induite par la thaumatine est légèrement
différée; elle persiste 15-20 minutes (arrière goût de réglisse), d'où son intérêt dans des
produits de type gomme à mâcher ou rafraîchisseurs d'haleine. Ni toxique, ni cariogène
elle est, à faible dose, renforçateur des arômes et des flaveurs. À dose plus forte, c'est un
édulcorant intense .

• MONELLINE

Cette molécule est présente dans les fruits d'une Menispermaceae de l'Afrique
occidentale et tropicale, Dioscoreophyllum cuminsii Diels. Cette liane à feuilles
cordiformes de la forêt ombrophile humide porte des grappes denses pouvant compter
une centaine de petites baies rouges. Si la graine est amère (diterpènes), le mucilage
blanchâtre qui l'entoure est particulièrement « sucrant ». Ce comportement est lié à la
monelline, protéine formée de deux chaînes comprenant respectivement 44 et 50 acides
aminés. Si elle est particulièrement efficace (2 000 fois plus sucrante que le saccharose),
la monelline est instable aux pH extrêmes et ne résiste pas au chauffage et encore moins
à la combinaison des deux (elle est détruite à 50 oC à pH 3,2). On manque de plus de
données toxicologiques, ce qui limite sérieusement d'éventuelles applications .

• MIRACULINE

Cette protéine peut être extraite du fruit d'un arbuste de l'ouest africain:
Synsepalum dulcificum Dan. (Sapotaceae). Après environ deux siècles et demi d'oubli
- la première mention de ce fruit « qui pourrait masquer le goût amer des
médicaments» remonte à 1725 - , le fruit « miracle» a retenu l'attention pour ses très
curieuses propriétés: à peu près insipide en lui même, il transforme la saveur acide en
saveur sucrée et modifie la perception de nombreuses flaveurs. Ses propriétés sont liées
à une glycoprotéine, la miraculine, constituée de 473 acides aminés. Ses domaines
d'applications potentiels sont restreints; qui plus est, elle induit un risque de confusion
lié à la persistance (2 heures) de sa capacité à modifier le goût.

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protéines

Lectines

Les lectines, du latin lego, legere (lectum) = lire, choisir, sélectionner, sont des
protéines ou des glycoprotéines d'origine non induite capables de se fixer, de façon
spécifique et réversible, à des résidus osidiques des membranes cellulaires, sans
montrer d'activité enzymatique. La plupart des lectines des végétaux supérieurs sont
localisées dans les graines : elles se forment au cours de la maturation et disparaissent
1I11 cours de la germination. Elles sont surtout fréquentes chez les Fabaceae (arachide,
soja, lentille, Canavalia, haricot, etc.).
Beaucoup de lectines sont capables d'agglutiner les hématies - on parle alors de
phytoagglutinines - et plusieurs d'entre elles le font avec une spécificité de groupe.
Celtaines lectines sont mitogènes, quelques unes peuvent différencier cellules normales
el cellules tumorales; leur toxicité est parfois importante.
Plusieurs lectines sont actuellement disponibles et leurs applications sont
Ilombreuses dans les disciplines biologiques, mais cet aspect de leur connaissance
dépasse le cadre fixé au présent ouvrage (cf. traités de biochimie, d'immunologie,
d'hématologie).

VÉGÉTAUX DEVANT LEUR TOXICITÉ À LA PRÉSENCE DE LECTINES

Si les lectines sont souvent uniquement toxiques par voie parentérale, certaines ne
sont pas ou peu détruites par les enzymes du tractus digestif: c'est le cas de l'abrine des
graines de jequirity, c'est celui de la phasine du haricot, c'est aussi celui de la ricine de
la graine de ricin.
L'intoxication par absorption de ce type de toxique se manifeste, 2-3 heures après
l'ingestion, par des vomissements et une diarrhée hémorragique, une perte de fluides et
lin état de choc.
252 ACIDES AMINÉS, PROTÉINES, ENZYMES

Les lectines sont par contre dénaturées par la cuisson: les haricots sont donc
parfaitement comestibles cuits alors que l'ingestion de grains et de gousses crus
entraîne une gastro-entéropathie sévère, mais d'évolution favorable.
Sur les plantes devant leur toxicité à des lectines, voir: Bruneton, J. (2005). Plantes
toxiques -Végétaux dangereux pour l'Homme et les animaux, 3' éd., Tec & Doc, Paris, en particulier:
robinier, glycine (p. 316), Abrus precatorius L. (pp. 323-324), ricin (pp. 305-307), phytolaque (pp. 437-
440).Sur les haricots, voir p. 316 et références citées. Sur les propriétés antinutritionnelles,
voir: Vasconcelos et Oliveira (2004) .

• GUI, Viscum album L., Viscaceae

La plante. Cette espèce est un hémi-parasite qui vit, fixé par des racines modifiées
en suçoirs, sur diverses espèces de feuillus: peupliers, pommiers et autres espèces, mais
aussi sur les sapins (le gui des Fagaceae est normalement Loranthus europaeus Jacq.).
Morphologiquement, le gui est un sous-arbrisseau dioïque formant une touffe plus ou
moins sphérique, à feuilles disposées symétriquement à l'extrémité de tiges jaune
verdâtre ramifiées selon une fausse dichotomie. Les fleurs, mâles et femelles, sont
insérées par 2-6 à l'aisselle des feuilles. Le fruit est une baie sphérique charnue,
blanchâtre et translucide à maturité, monoséminée. La feuille était décrite par la 8'
édition de la Pharmacopée française. Elle est jaunâtre, épaisse, coriace et parcourue par
3-6 nervures sensiblement parallèles. Le limbe, elliptique, est comme articulé sur le
rameau et s'en détache facilement.

Composition chimique. Les tiges feuillées de la plante renferment des triterpènes,


des stérols, des amines (choline, histamine, tyramine) et des composés phénoliques :
acides-phénols (notamment des acides en C6-CÛ, lignanes (éleuthéroside E, glucoside
de syringarésinol), syringoside et flavonoïdes (hétérosides des mono-, di- et triéthers
méthyliques du quercétol, glucosides de flavanones et de cha1cones méthoxylées). Ce
sont surtout les protéines spécifiques qui ont retenu l'attention: viscotoxines et lectines.
Les viscotoxines A2, A3 et B ont une masse moléculaire voisine de 5 000 daltons (elles
comportent 46 acides aminés), elles résistent à la chaleur et aux protéases. Les lectines,
ML 1 (ou viscumine), ML II et ML III, sont des glycoprotéines spécifiques pour le D-
galactose (ML l, PM: 115000), pour la N-acétylglucosamine (ML III) ou pour les deux
(ML II). La viscumine, comme la ricine, comporte deux chaînes A et B : son mode de
pénétration dans les cellules est le même ainsi d'ailleurs que son site et son mode
d'action. La toxicité est également très importante (100 flg/kg, Rat, voie
intrapéritonéale) .

Pharmacologie, évaluation clinique. La tradition attribue au gui des propriétés


hypotensives, mais celles-ci, mises en évidence chez le Chien (voie IV) au début du
siècle, ne sont pas confirmées en clinique (per os). Les substances responsables de
l'hypotension transitoire observée ne sont pas identifiées et l'activité varierait selon la
nature de l'hôte sur lequel a été récolté le gui.
LECTINES 253

L'activité cytostatique du gui et de ses préparations sur différentes lignées


cellulaires (HeLa, sarcome 180) est due aux fractions protéiques. Les lectines sont
particulièrement cytotoxiques (inhibition de cellules leucémiques humaines à des
concentrations de 1-3 ng/ml); on note aussi des effets immunostimulants. Les
viscotoxines sont également cytotoxiques, mais de façon beaucoup moins intense; elles
exercent un effet cytolytique.
Les résultats des essais cliniques qui ont évalué la capacité du gui à ralentir la
progression tumorale, le plus souvent en complément d'un traitement conventionnel,
sont contradictoires. Leur grande faiblesse méthodologique (pas de placebo, pas d'insu,
analyse statistique déficiente, préparation utilisée variable, etc.) ne permet aucune
conclusion solide. Quelques essais semblent indiquer qu'une thérapeutique
complémentaire par le gui pourrait améliorer la qualité de vie des patients traités par
chimiothérapie. Un éventuel impact sur le temps de survie n'est pas démontré. Dans
l'état actuel des données scientifiques, on ne peut pas considérer que le gui ait un
quelconque intérêt dans le traitement des cancers.

Emplois. En France, le gui ne figure pas à l'annexe 1 de la Note Explicative de


1998. Certains préconisent toutefois le gui en cas d'hypertension, ce qui n'est pas
justifié (absence d'efficacité démontrée, balance bénéfices - risques défavorable).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM pour le gui
rappelle les propriétés cytostatiques et immunostimulantes non spécifiques observées
chez l'animal et indique comme usage: 10 traitement des inflammations articulaires
dégénératives, créant par injection sous-cutanée une inflammation locale réflexe; 2 0
thérapie palliative des tumeurs malignes par stimulation aspécifique. Contre-indiqué en
cas d'infections chroniques progressives. Effets indésirables: frissons et poussées
fébriles, céphalées, angor, troubles circulatoires orthostatiques. La monographie précise
que les effets hypotenseurs et l'efficacité dans le traitement de l'hypertension modérée
doivent être vérifiées.
À l'origine, l'usage du gui - entouré d'un mysticisme important - est le fait des
adeptes de la médecine « anthroposophique » créée par R. STEINER. Ceux-ci estiment,
sur la base de considérations qui n'ont rien de pharmacologique, que le gui possède des
propriétés antitumorales. Différents laboratoires allemands commercialisent des
produits à base de gui largement utilisés en Europe centrale (produits de fermentation,
extraits titrés en lectines).

Autres protéines. D'autres protéines végétales présentent des potentialités


pharmacologiques qui méritent sans doute d'être étudiées de façon approfondie : on
peut notamment citer la trichosanthine, protéine de 234 acides aminés isolée des parties
souterraines d'une Cucurbitaceae chinoise, le Tian Hua Fen, Trichosanthes kirilowi
Maxim. ou T. japonica Regel. Cette plante de la Pharmacopée traditionnelle chinoise
est connue pour ses propriétés abortives (elle est toujours utilisée à cet effet) dues à la
trichosanthine qui agit directement au niveau des villosités placentaires: 1,2 mg de la
protéine (lM) induit en 4 à 7 jours l'avortement chez 98 % des sujets chez lesquelles elle
a été testée. Comme la chaîne A de la ricine, cette protéine inactive la synthèse
protéique au niveau des ribosomes. In vitro, elle inhibe la replication du VIH.
254 ACIDES AMINÉS, PROTÉINES, ENZYMES

Trichosanthes n'est pas le seul genre de Cucurbitaceae à renfermer des protéines


biologiquement actives: les genres Momordica et Luffa (dont plusieurs espèces sont
utilisées par la médecine traditionnelle chinoise) fournissent des protéines de masse
moléculaire voisine de 30000 : momorcharines, momorcochine, luffaculines, luffine,
etc. (ex. : M. cochinchinensis (Lour.) Sreng [tubercules], M. charantia L., L.
acutangula, L. cylindrica (L.) Roem. [graines]). Comme la trichosanthine, les
momorcharines sont abortives, antitumorales (choriocarcinomes, mélanomes),
inhibitrices de la synthèse protéique. De la même façon, elles sont capables d'inhiber in
vitro la replication du VIH. Leur action sur l'immunité humorale et cellulaire est est
complexe: allergisantes, elles peuvent inhiber les réactions induites par d'autres
allergènes.

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Enzymes

.PAPAYER, Carica papaya L., Caricaceae

Le suc de papayer contient un mélange d'enzymes possédant des activités protéo-


lytiques et estérasiques qui provient du latex épaissi obtenu par incision des fruits peu
avant la maturité. Son activité estérasique est au minimum de 15 nanokatals par
milligramme, calculée par rapport à la substance desséchée (Ph. fse, 10c éd.).

La plante. Le papayer appartient à une petite famille réduite à quatre genres. C'est
une espèce arborescente de 3 à 10 m de hauteur à port de palmier: la tige charnue,
marquée par les cicatrices d'abcission des feuilles, est surmontée d'un panache terminal
de grandes feuilles longuement pétiolées et 5-7 lobées. Espèce dioïque, le papayer porte
des baies ovoïdes de taille variable : elles peuvent atteindre 20 à 30 cm de diamètre et
peser 5 kg. À maturité, les papayes sont vert jaunâtre, leur chair est juteuse, jaune
orangé et leur cavité centrale est remplie de graines noires entourées de mucilage. Le
péricarpe des fruits et le mésophylle foliaire sont parcourus par un réseau de laticifères
anastomosés. L'espèce, originaire de l'Amérique centrale, fait l'objet de cultures dans
la quasi totalité de la zone intertropicale (Brésil, Sri Lanka, Thaïlande, Inde, mais aussi
sur le continent africain: Tanzanie, Ouganda, Zaïre).

Le latex. Le latex est recueilli après incision des fruits encore verts; il coagule
rapidement et est récupéré par raclage, puis séché au soleil ou, artificiellement, à une
température inférieure à 50 oC. Le suc de papayer ainsi obtenu se présente en petits
fragments blanc clair ou bruns, d'odeur « proche de la viande grillée» (Pharmacopée),
de saveur faiblement salée, parfois amère.

Essai. L'identification du suc de papayer consiste à observer son action sur une
solution de gélatine en présence d'une solution activatrice de chlorhydrate de cystéine
et à 80 oC pendant une heure: après refroidissement prolongé à 4 oC, il n'y a pas de
256 ACIDES AMINÉS, PROTÉINES, ENZYMES

reprise en gel de la solution traitée (contrairement à un blanc traité dans les mêmes
conditions) .
L'essai comprend principalement un titrage de l'activité estérasique : comparaison
de la vitesse d'hydrolyse de l'ester éthylique de la benzoylarginine par le suc à tester et
par un suc témoin. On opère avec une suspension aqueuse du suc à doser (et du suc
témoin) à pH 7, à 25 oC, en présence de chlorhydrate de cystéine et sous atmosphère
d'azote. A l'aide d'un titrateur automatique, on maintient le pH à 7 par addition
d'hydroxyde de sodium titré au fur et à mesure de la libération de l'acide par l'enzyme.
On en déduit l'activité de la préparation testée. Le suc de papayer doit également
satisfaire à un essai de contamination microbienne (germes aérobies viables totaux,
Escherichia coli, salmonelles, Pseudomonas aeruginosa, Staphylococcus aureus).
Pour le dosage de l'activité enzymatique, on peut aussi utiliser le p-nitroanilide de
N-alphabenzoyl-DL-arginine et doser la p-nitroaniline libérée. Pour la chymopapaïne
on aura la correspondance suivante: 1 unité = 1 picokatal = 10- 3 nanokatals.

Composition chimique. La papaïne brute est habituellement purifiée par les


techniques habituelles de séparation des protéines (alternance de précipitations et de
solubilisations) et par les techniques classiques de chromatographie d'affinité. Elle est
constituée d'un mélange de papaïne, de chymopapaïnes, de papayaprotéinase n. La
papaïne est une protéine qui compte 212 acides aminés pour une masse moléculaire
voisine de 23 000 daltons; la chaîne est repliée en deux lobes à la jonction desquels est
localisé le site actif. C'est une endopeptidase activée par les thiols et les réducteurs
(cystéine, thiosulfate, glutathion), résistante à la chaleur, avec un pH optimal d'activité
variant de 5 à 7; elle est inactivée par les ions métalliques, les oxydants et les réactifs
qui réagissent avec les thiols.
La chymopapaïne pure est une protéine de 218 acides aminés dont la structure et les
propriétés sont très voisines de celles de la papaïne.

Propriétés et emplois
1. Chymopapaïne.
Compte tenu de ses propriétés protéolytiques, la chymopapaïne peut, après injection
dans le disque intervertébral, scinder les protéoglycanes constitutifs du matériel discal
nucléaire et, ainsi, constituer une thérapeutique - la chirnionucléolyse - des hernies
discales avec compression radiculaire résistantes à un traitement médical correctement
conduit et suffisamment prolongé. Les contre-indications, le risque de choc
anaphylactique, la neurotoxicité de l'enzyme en cas de fuite intrathécale consécutive à
une faute technique, l'obligation de respecter des conditions d'asepsie strictes expliquent
que la technique ne puisse être mise en œuvre que par un personnel exercé et en milieu
hospitalier (neuraleptanesthésie, contrôle radiologique de la localisation des aiguilles,
surveillance du patient, etc.). L'efficacité de cette technique est presque aussi bonne de
celle du traitement chirurgical, mais les risques de complication seraient moindres. Des
études cliniques contrôlées ont montré une efficacité supérieure à celle d'un placebo et
un taux de guérison voisin de 75 %; le coût du traitement serait nettement inférieur à
celui d'une intervention chirurgicale. La chymopapaïne est actuellement disponible en
lyophilisat associée à du cystéinate de sodium.
ENZYMES 257

2. Papaïne
La papaïne, seule ou associée, est proposée en thérapeutique digestive et en
diététique comme enzyme de substitution en cas d'insuffisance gastrique ou
duodénale: traitement symptomatique des troubles dyspeptiques. En usage local, elle
entre dans la formulation de traitements d'appoint des affections limitées à la muqueuse
dc la cavité buccale et de l'oropharynx, de suites opératoires, de lésions buccales
accidentelles; détersive et cicatrisante, elle est alors associée à un antibiotique et au
lysozyme. Elle peut également entrer dans la formulation des liquides destinés au
nettoyage des lentilles cornéennes.

3. Papayer
En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet qu'il est
possible de revendiquer, pour lafeuille de papayer, l'indication thérapeutique suivante
(voie orale) : traditionnellement utilisé dans le traitement symptomatique de troubles
digestifs tels que: ballonnement épigastrique, lenteur à la digestion, éructations,
Ilatulence. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un
dossier « abrégé» d'AMM (poudre, feuille pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-
alcooliques quel qu'en soit le titre). Le suc de fruit peut être utilisé dans la même
indication (poudre uniquement).
En Allemagne, la Commission E du BfArM a estimé que l'efficacité de lafeuille de
papayer dans les usages revendiqués n'était pas démontrée et, qu'en conséquence, elle
ne pouvait pas en recommander l'utilisation à des fins thérapeutiques .

• ANANAS, Ananas comosus (L.) Merr., Bromeliaceae

L'ananas est une plante herbacée originaire de l'Amérique centrale, largement


cultivée dans toutes les régions tropicales du monde. C'est une espèce caractéristique:
feuilles dentées épineuses en rosette, hampe florale de fleurs 3-mères bleu pourpré
conduisant à un fruit particulier, un cœnocarpe, formé par la concrescence des baies
d'une même inflorescence avec l'axe et les bractées devenues charnues.

Composition chimique. Le fruit de l'ananas est riche en mono- et disaccharides


solubles (jusqu'à 15 %), en acides organiques, en vitamines. Sa coloration est due à des
caroténoïdes et son arôme à un mélange complexe dans lequel prédominent les
composés aliphatiques oxygénés. Le fruit mûr et la tige contiennent une enzyme
protéolytique, la bromélaïne (le produit commercial est en fait un mélange de
protéases). La bromélaïne des tiges est un mélange de glycoprotéines basiques dont la
Illasse moléculaire varie de 18000 à 28000 daltons et dont la partie protéique n'est pas
très différente de celle de la papaïne. La bromélaïne des fruits est une protéase acide.
l,cs bromélaïnes sont des protéases sulfhydrylées, activées par les réducteurs (cystéine),
inhibées par les oxydants et les métaux.

Pharmacologie. Les propriétés anti-inflammatoires et anti-exsudatives de la


hromélaïne sur différents modèles expérimentaux ont fait l'objet de nombreuses
258 ACIDES AMINÉS, PROTÉINES, ENZYMES

publications: elles pourraient être liées à une interaction de l'enzyme avec le


métabolisme des eicosanoïdes (inhibition de la synthèse des composés pro-
inflammatoires et vasoconstricteurs); on note également une activité anti-agrégante
plaquettaire et fibrinolytique. Si de multiples observations cliniques tendent à établir
l'intérêt de cette enzyme pour le traitement d'œdèmes d'origine diverse aussi bien
qu'en stomatologie ou en dermatologie, des essais conduits selon les normes en vigueur
restent à faire.
Les bromélaïnes sont proposées dans les œdèmes post-traumatiques et post-
opératoires (per os, 500 000 U/j, comprimés gastrorésistants). Elles sont parfois
associées à un antibiotique. Il y a quelques années, elles entraient dans la formulation de
spécialités proposées dans le traitement symptomatique des dyspepsies .

• FICUS, Ficus sp., Moraceae

Un certain nombre d'espèces du genre Ficus fournissent de la ficine, enzyme


protéolytique proche des précédentes. Ces espèces (F. carica L., F. insipida Willd.,
etc.) sont des arbres à feuilles palmées caractérisés par un sycone, c'est-à-dire par un
fruit composé formé d'akènes regroupés dans un réceptacle charnu. Par incision du
tronc on recueille un latex qui coagule rapidement; filtré puis desséché, il constitue la
ficine brute. La ficine est un mélange de protéases qui possède une activité
protéolytique voisine de celle de la papaïne. Elle peut être utilisée par l'industrie
agroalimentaire (attendrissement des viandes).
En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet qu'il est
possible de revendiquer, pour le pseudo-fruit de figuier, l'indication thérapeutique
suivante (voie orale) : traitement symptomatique de la constipation.
En Allemagne, la Commission E du BfArM a estimé que l'efficacité de lafigue
dans les usages revendiqués était insuffisament démontrée et, qu'en conséquence,
l'utilisation à des fins thérapeutiques n'était pas justifiée. Elle peut par contre être
utilisée comme additif ou correcteur de flaveur.

BIBLIOGRAPHIE
Benoist, M. (1996). Vingt ans de chymonucléolyse lombaire, Presse Méd., 25, 743-745.

Lotz-Winter, H. (1990). On the pharmacology ofbromelaine: an update with special regard to animal studies
on Dose-dependent Effects, Planta Med., 56, 249-253.
Partie 2

COMPOSES PHENOLIQUES
shikimates
acétates
Généralités

Les composés phénoliques forment un très vaste ensemble de substances qu'il est
difficile de définir simplement. L'élément structural fondamental qui les caractérise est
la présence d'au moins un noyau benzénique auquel est directement lié au moins un
groupe hydroxyle, libre ou engagé dans une autre fonction: éther, ester, hétéroside. Une
définition purement chimique des phénols est toutefois insuffisante pour caractériser les
composés phénoliques végétaux: elle inclurait des métabolites secondaires possédant
ces éléments structuraux alors même qu'ils appartiennent manifestement à des groupes
phytochimiques bien différenciés. C'est ainsi que de très nombreux alcaloïdes (boldine,
morphine, etc.) et d'assez nombreux terpènes (thymol, gossypol, camosol) possèdent,
dans leur structure, noyau benzénique et hydroxyle phénolique ! Il est donc nécessaire
de faire intervenir un critère biosynthétique pour mieux cerner les limites du groupe.
Dans la nature, la synthèse du noyau aromatique est le fait des seuls végétaux et
micro-organismes. Les organismes animaux sont en effet presque toujours tributaires
soit de leur alimentation, soit d'une symbiose, pour élaborer les métabolites 1 qui leur
sont indispensables et qui comportent cet élément structural (amino-acides, vitamines,
pigments, toxines, etc.).
Les composés phénoliques des végétaux sont issus de deux grandes voies
d'aromagenèse :
• la voie la plus courante est celle qui, via le shikimate (l'acide shikimique), conduit
des oses aux amino-acides aromatiques (phénylalanine et tyrosine) puis, par désami-
nation de ces derniers, aux acides cinnamiques et à leurs très nombreux dérivés: acides
henzoïques, acétophénones, lignanes et lignines, coumarines, etc.;
• l'autre voie part de l'acétate et conduit à des poly-p-cétoesters de longueur
variable - les polyacétates - qui engendrent, par cyclisation (réaction de CLAISEN

1. Quelques exceptions existent, c'est le cas de la synthèse des œstrogènes.


262 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

ou condensation aldolique), des composés souvent polycycliques: chromones,


isocoumarines, orcinols, depsides, depsidones, xanthones, quinones, etc.
La pluralité structurale des composés phénoliques due à cette double origine
biosynthétique est encore accrue par la possibilité, très fréquente, d'une participation
simultanée du shikimate et de l'acétate à l'élaboration de composés d'origine mixte
(flavonoïdes lato sensu, stilbènes, pyrones, xanthones, etc.). La participation d'un
troisième synthon élémentaire - le mévalonate - est également possible bien que
moins fréquente: dérivés mixtes du shikimate et du mévalonate comme certaines
quinones ou comme les furano- et pyranocoumarines, composés mixtes acétate
mévalonate comme les cannabinoïdes. Dans quelques cas, les trois précurseurs concou-
rent à l'élaboration de la même structure: c'est, entre autres, celui des roténoïdes.
Il est classiquement admis que les dérivés des amino-acides qui conservent l'atome
d'azote sont des alcaloïdes ou des substances apparentées (amines aromatiques,
bétalaïnes). De la même façon, certains mono-, sesqui- et diterpènes peuvent être
partiellement désaturés et posséder un hydroxyle phénolique : ils sont considérés
comme des terpènes, l'aromatisation n'étant qu'un phénomène secondaire.
Ces remarques permettent donc de mieux appréhender la notion de composé
phénolique : dérivé non azoté dont le ou les cycles aromatiques sont principalement
issus du métabolisme de l'acide shikimique ou/et de celui d'un polyacétate.

OH
CH30~C02H HO~

HO~ HO ~nA
0 0
OCH 3 HO

acide sinapique esculétol magnoliol


ACIDE PHÉNYLPROPANIQUE COUMARINE NÉOLIGNANE OH

OH OH

HO~O
,-,:::OH HO

HO
~ 1 1 h
Glc OH OH
OH 0 OH 0

pinosylvine mangiférine quercétol


STILBÈNE XANTHONE FLAVONOL

HO 0 OH

CH30~
~ JYl
HO~OCH3
o
physcion xanthoxyline THe
ANTHRAQUINONE BENZOPHÉNONE CANNABINoïDE
GÉNÉRALITÉS 263

La grande diversité structurale des composés phénoliques rend difficile une


présentation globale des méthodes qui permettent leur extraction et leur isolement, des
processus mis en jeu au cours de leur biosynthèse, de leurs propriétés physico-
chimiques et biologiques. Ces composés et les plantes qui les renferment seront donc
abordés par groupes constitués en fonction de leur origine biosynthétique et selon le
plan suivant:
• « shikimates » (dérivés de l'acide shikimique) et plantes qui en contien-
nent : 10 dérivés du I-phénylpropane et, 2 0 dérivés d'extension du I-phénylpropane;
• « polyacétates »2 (composés principalement issus de la cyclisation d'un
poly-~-cétoester) et plantes qui en contiennent.

A. Coupure homolytique

L'oxydation de l'ion phénate est aisée et conduit à un radical phénoxy, stabilisé par
la possibilité de résonance et très réactif. Cette oxydabilité a des conséquences
analytiques (ex. : réactions colorées avec le chlorure ferrique), pharmacotechniques
(instabilité, incompatibilités avec les métaux) et pratiques (propriétés antioxydantes,
piégeage des radicaux libres). Par ailleurs, la formation aisée de radicaux phénoxy et
leur couplage sont directement impliqués dans les processus biosynthétiques (la
formation de l'acide usnique 3 ou celle des xanthones illustre cette implication).

o
RJ:
V
-e, -H+

R'6°
~

a
1

"'6 b c d

OH
R R
Formation du radical
phénoxy, mésomérie.
Exemple de couplage
OH oxyda tif

R
c+d

2. Le terme de polyacétate est pris ici dans un sens restreint excluant les polyacétates linéaires
(acides et alcools gras, carbures et polyines, évoqués dans la partie 1).
3. L'acide usnique (ses isomères l+J ou l-J) est un pigment de structure dibenzofuranique caracté-
ristique des Lichens (Cladonia, Usnea, Lecanora, Ramalina, Evernia, etc.) dans lesquels il peut parfois
atteindre de fortes concentrations (6 % chez des Alectoria). Sa présence dans le lichen d'Islande
(Cetraria islandica [L.] Acharius s.l., Parmeliaceae) n'est pas établie. Plusieurs lichens ont été utilisés
par les médecines traditionnelles dans des indications diverses, parfois en relation avec les propriétés
antibactériennes reconnues à l'acide usnique (mycobactéries, bactéries à Gram positif). L'expérimenta-
tion a aussi mis en évidence des propriétés antifongiques et antivirales (virus de l'herpès). Irritant et
allergisant, l'acide usnique serait à l'origine de dermites de contact observées chez les forestiers et les
utilisateurs de produits antiseptiques et cosmétiques en contenant. L'acide us nique possède une
264 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

Cette réaction des radicaux - le couplage oxydatif - engendre des liaisons


biphényliques ou des liaisons de type biphényléther. Elle peut être intramoléculaire
(formation de cycles) ou intermoléculaire (c'est l'un des modes connus de formation de
polymères). Si cette réaction est fréquemment mise en œuvre dans la formation des
composés phénoliques (cf. métabolisme des polygalloyl-glucoses ou des lignanes), elle
l'est également dans celle d'autres métabolites (cf. alcaloïdes isoquinoléiques).
o 0

y1;('ry; OH

HOXO HOXO HO

Exemples de couplage oxyda tif :


formation de l'acide usnique OH
et de la gentiséine

HO

0tXX:1°
~
H0dn0::
I~ ------- Il
OH
acide usnique
0... ) 0 ~ OH 0... 0 ~ OH
\::.
gentiséine

B. Oxydation du noyau aromatique

L'oxydation des phénols est une réaction fréquemment rencontrée au cours des
processus biosynthétiques. Elle peut conduire à un clivage du cycle aromatique ou à
une hydroxylation de celui-ci. Dans le premier cas, la réaction est catalysée par une
dioxygénase qui incorpore, en présence de sels ferriques, les deux atomes de la
OH OH _
((OHM ((OH
:?'
0... 1
-W-e
0...
1
O.
-.----
. (X.OH_
0 '0-0-
0... 0.. a0...
0-0
0

Oxydation des phénols:


ouverture du cycle catalysée
par une dioxygénase

toxicité notable chez l'animal (DUo de 25 à 40 mg/kg selon l'espèce); il a été impliqué dans la
survenue d'accidents hépatiques graves. Le thalle entier du lichen d'Islande (C. islandica) fait l'objet
d'une monographie à la 6' édition de la Pharmacopée européenne (01/2008:1439).
GÉNÉRALITÉS 265

molécule de dioxygène. Dans le second cas, la réaction est catalysée par une mono-
oxygénase qui incorpore au composé aromatique un seul atome d'oxygène, l'autre étant
réduit par un donneur approprié (AH2 ). Le mécanisme de cette hydroxylation implique
un oxyde d'arène qui s'ouvre avec déplacement du proton.

C. Acidité des phénols

La stabilisation par résonance de l'anion phénate explique l'acidité de ces


molécules: ainsi, elles sont solubles dans les solutions d'hydroxydes alcalins; elle
explique aussi leur très forte réactivité.

D. Mise en évidence des composés phénoliques

Si certains composés phénoliques sont directement visibles - cela est le cas des
anthocyanosides des fleurs -, les autres peuvent être mis en évidence en lumière
ultraviolette (directement ou après exposition aux vapeurs d'ammoniac) ainsi que par
des réactions colorées. Ces dernières sont préférentiellement mises en œuvre après
chromatographie d'un extrait éthanolique : une recherche directe sur l'extrait est peu
significative du fait des nombreuses substances qui sont susceptibles d'interférer; il en
est de même pour l'observation des fluorescences. Les réactifs généraux des phénols
sont nombreux: chlorure ferrique, phosphomolybdate-phosphotungstate, vanilline et
autres aldéhydes en milieu chlorhydrique, p-diazoniobenzènesulfonate puis carbonate
de sodium, tétrafluoroborate de p-nitrophényldiazonium puis acétate de sodium
(formant des azobenzènes ou des styrylazobenzènes colorés), 2,6-dichloro-quinone-
chloroimide (réaction de GIBBS, formant des indophénolates), etc. Une certaine
spécificité, la vitesse de la réaction, la coloration obtenue sont, pour certains de ces
réactifs, déterminées par la structure du composé phénolique, ce qui confère à la
réaction une valeur diagnostique qui, si elle n'est pas absolue, n'est pas à négliger.
À l'heure actuelle, la méthode de choix pour l'étude tant qualitative que quantitative
des composés phénoliques est la chromatographie liquide (détection UV-visible à
barrette de diodes, couplage à la spectrométrie de masse, etc.).

p-diazoniobenzènesulfonate tétrafluoroborate de p-nitrophényldiazonium

O-oN~O
CI

indophénolate (test de Gibbs)


"

1
.)

j
1
j
j
1

Quercus robur L.
SHIKIMATES
plantes à dérivés du phénylpropane

1. ORIGINE BIOSYNTHÉTIQUE DU NOYAU AROMATIQUE


(voie de l'acide shikimique)

De nombreux ouvrages et revues étant consacrés à cette séquence réactionnelle et aux


mécanismes qu'elle met en jeu, il ne sera présenté ici qu'un résumé succinct du
processus qui conduit des produits de la glycolyse et du cycle de Calvin aux acides
nminés aromatiques (phénylalanine et tyrosine) et aux acides cinnamiques.
La première réaction est la condensation du phosphoénolpyruvate (PEP) avec
l'érythrose-4-phosphate pour former un composé en C 7 , le 3-désoxy-D-arabino-
heptulosonate-7-phosphate (DAHP). La cyclisation du DAHP en 3-déhydroquinate est
lIne réaction complexe qui met en jeu une condensation aldolique intramoléculaire
coo·
o ~ PEP COo·

(P): 0 , ----~)~'oH-2_.
HO'~O ÔH
DAHP
ÔH ÔH
3·déhydroquinate
ÔH
3·déhydroshikimate

érythrose 4·phosphate 1 . DAHP synthase, NAo+


Formation du
3·déhydroshikimate 2 . 3·déhydroquinate synthase
3 . 3·déhydroquinase

Intervenant après l'élimination du phosphate. La déshydratation du 3-déhydro-quinate


est catalysée par une enzyme qui, en formant transitoirement une base de Schiff entre
lin résidu lysine et le carbonyle du 3-déhydroquinate, induit une élimination d'eau
Ntéréospécifique, cis. C'est après la réduction du 3-déhydroshikimate et la phospho-
268 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

COO- COO-
Enz-B:') HH û " " . Enz-B:

t
H---::
EnZ-~)
OH
OH Enz-N
+
C
H---::
OH

Transformation du 3-déhydroquinate en 3-déhydroshikimate


1OH
(enzyme: 3-déhydroquinase)
3-déhydroshikimate

rylation du shikimate que se produit la condensation avec une nouvelle molécule de


PEP pour former un éther d'énol, le 5-énolpyruvylshikimate 3-phosphate (EPSP), Ce
dernier conduit, via une trans 1,4-élimination inhabituelle, au chorismate,

)50H---'HO'&OH-2_0-;OÙOH_3_0-P-'o,&)lcoo
OH OH OH OH
3-déhydroshikimate shikimate "".mal, 3-ph"""'" EPSP j4

COo-

Formation du chorismate
1 . shikimate oxydoréductase, NADpt C\)lcoo
2 . shikimate kinase, ATP OH
à partir du
3-déhydroshikimate 3 . EPSP synthase, PEP
4 . chorismate synthase chorismate

L'acide chorismique occupe une position clé dans le métabolisme et son devenir est
multiple:

• réarrangement péricyclique de type Claisen en préphénate. C'est la voie qui


conduit, via le phénylpyruvate, à la phénylalanine et à la tyrosine. Ce réarrangement est
catalysé par une enzyme, la chorismate mutase, capable de transférer la chaîne latérale
dérivée du PEP de telle façon qu'elle soit directement liée sur le carbocycle, engendrant
ainsi le squelette des phénylpropanes. L'enzyme exercerait un contrôle conforma-
tionnel, privilégiant un état de transition chaise avec des substituants pseudo-axiaux;

• amination et formation d'anthranilate (= o-aminobenzoate). L'anthranilate est


l'intermédiaire obligé de la biosynthèse du tryptophane, lequel est le point de départ de
la formation de tous les alcaloïdes indoliques. C'est aussi le précurseur (direct) de la
plupart des alcaloïdes quinoléiques et, chez les micro-organismes, d'antibiotiques;
GÉNÉRALITÉS 269

Réarrangement péricyclique du
chorismate et formation des
acides aminés aromatiques

-00(5'\ -<coo-
. NH 2 6
11-
chorismate OH OH
préphénate L-arogénate L-tyrosine

1. chorismatemutase
2. chorismate mutase-préphénate-déshydratase
~ SCooo-~ SCOO -

3. phénylpyruvate aminotransférase N H2
4. préphénate aminotransférase 3
5. arogénate déshydratase 1 ":
/-
.' 1":
/-
6. arogénate déshydrogénase, NAD'
7. préphénate déshydrogénase, NAD' phénylpyruvate L-phénylalanine
8. 4-hydroxyphénylpyruvate aminotransférase

• hydroxylation et déshydratation en isochorismate à partir duquel se forment des


IIcides-phénols en C6 -C] (ex. : acide salicylique) et, par l'intermédiaire de l'acide 0-
sliccinylbenzoïque (OSB), certaines naphtoquinones (voir schéma, page suivante).

La décarboxylation du préphénate, son aromatisation et son ami nation réductrice


conduisent à la L-phénylalanine. Si l'hydroxyle en C-4 est conservé (formation du 4-
hydroxyphénylpyruvate par la préphénate déshydrogénase), l'amination réductrice
conduit à la L-tyrosine. Une autre voie de formation des acides aminés aromatiques est
1 çgalement connue, dans laquelle l'étape initiale est l' amination réductrice de l' a-
I l'61oacide; l'acide aminé ainsi formé (le L-arogénate) est, dans un deuxième temps,
~ d6carboxylé et aromatisé en L-phénylalanine (arogénate déshydratase) ou en L-tyrosine
(llrogénate déshydrogénase).

2. ORIGINE ET DEVENIR DES ACIDES CINNAMIQUES

Les composés en C 6 -C 3 , souvent désignés collectivement par le terme de


ph6nylpropanes, sont les plus nombreux des métabolites de l'acide shikimique. Quel
que soit le degré d'oxydation de leur chaîne latérale (alcool, aldéhyde, propène), ils
proviennent des acides cinnamiques. Ces derniers ont une distribution quasi universelle
l~l peuvent exister à l'état libre ou combinés (esters, amides, glucosides). Ils acylent
l'l'çquemment les métabolites les plus divers. Le motif phénylpropanique est par ailleurs
270 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

COO-

C1)lc~
OH
chorismate L-phénylalanine acide cinnamique acide 4-coumarique

CO,H t~ CO,H

6::1co (> ((lco~~ (RO)~" X


l
(RO)
'
..---;;
(OR)

: :
acide iso-chorismique acide salicylique cinna mates et dérivés

o=r
H

acide anthranilique
~
l '0
N
H
L-tryptophane
-
ALCALOioES
INDOUQUES
cçr
1""
..---;;

osa 0
C0 2 H C02H

(-> quinones)
Devenir de l'acide chorismique (principales voies)

susceptible de se cycliser (coumarines), de se dimériser (lignanes), de se polymériser


(lignines), ou de voir sa chaîne latérale s'allonger (stilbènes, flavonoïdes).

L'élimination stéréospécifique d'ammoniac à partir de la phénylalanine conduit à


l'acide (E)-cinnamique (= trans-cinnamique). La réaction est catalysée par la phényl-
ammonia-lyase et l'élimination d'ammoniac est favorisée par réaction du NH 2 avec un
reste déhydroalanine du groupement prosthétique de l'enzyme. Dans la majorité des
cas, les acides cinnamiques 4-mono- et 4,5-dihydroxylés (acides 4-coumarique et
caféique) sont issus de l'hydroxylation de l'acide cinnamique. Ainsi, la cinnamate-4-
hydroxylase (une mono-oxygénase cytochrome P450 dépendante) catalyse
l'hydroxylation en C-4 de l'acide cinnamique.

Les réactions ultérieures des acides cinnamiques, en particulier la formation


d'esters, requièrent leur activation préalable, soit sous forme d'esters du coenzyme A,
soit sous forme d'esters du glucose, ces derniers pouvant fonctionner aussi bien comme
réactifs acylants que comme supports de l'acylation.

Les aldéhydes et alcools cinnamiques sont issus de la réduction progressive, par


voie enzymatique, des esters des acides cinnamiques et du coenzyme A.
(iÉNÉRALITÉS 271

Allyl et propénylphénols. Les mécanismes explicitant la formation de ces


dérivés demeurent hypothétiques: substitution par un ion hydrure d'un ester
phosphorique d'alcool cinnamique? méthylation du produit de décarboxylation d'un
cinnamoyl CoA?

ArCH=CH-COSCoA !+ a - ArCH=CH-CH 3
""
ArCH=CH-CHO ~
ArCH-CH-CH 2 -O-P-OH (~ (propényl)

ArCH=CH-CH 0H ~
'" 2 H- Ja )b 6H b - ArCH 2 -CH=CH 2
H-
(allyl)
origine probable des allyl et propénylphénols

Raccourcissement de la chaîne latérale

(a) - Acides benzoïques et dérivés. Les composés de type Ar-Cl (ex. : vanilline,
acide benzoïque) peuvent provenir directement de l'acide 3-déhydroshikimique
(c'est le cas de l'acide gallique) ou de l'acide chorismique (c'est le cas de l'acide
salicylique), mais en règle générale ils sont issus d'une dégradation de la chaîne
latérale des acides cinnamiques correspondants. Si certains composés de type Ar-C 2
proviennent des cinnamates, la plupart des benzophénones sont issues du
Illétabolisme de l'acétate et du malonate.

OH o
~COSCOA ~COSCOA
yJ ~COSCOA

. yJ yJ
R R R
+H~ / p-oxydation
~02

~
Origine possible des -CoASH ~COSCOA

7J
composés de type
Ar-C 2 ou Ar-C 1
R R

(b) - Phénols simples. Les composés phénoliques simples sont assez rares dans la
lIature. Selon toute vraisemblance, ils sont issus de la décarboxylation, oxydative ou
lion, des acides benzoïques: ainsi, l'arbutoside pourrait être issu de la décarboxy-
lation de l'acide 4-hydroxybenzoïque peroxydé. L'acide benzoïque lui-même peut
provenir: soit de l'hydroxylation d'un cinnamate suivie d'une oxydation en ~-céto­
ucide et de l'élimination dune molécule d'acide acétique; soit de la décarboxylation
de l'acide phénylpyruvique en acide phénylacétique, lequel subirait ensuite une
hydroxylation (benzylique), une oxydation et, in fine , une décarboxylation.
272 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

9" OH
Q" o
"Q~"-~ ~
o -C0 2
réduction
OH O-Glc

:~
.,;

Principales plantes à dérivés du phénylpropane 1


:1
:.j
Les allyl- et propényl phénols sont les constituants majoritaires de certaines huiles l
essentielles (ex. : huiles essentielles de girofle, de sassafras ou d'Apiaceae). Leurs j
structures et les propriétés biologiques que certains d'entre eux confèrent aux plantes
qui les renferment seront étudiées dans le chapitre correspondant (cf. plantes à huiles
essentielles). Par ailleurs, les esters de l'acide gallique et du glucose (c'est-à-dire les
tanins hydrolysables) ayant des propriétés physico-chimiques et biologiques similaires
à celles des tanins condensés, leur étude ne sera pas dissociée de celle de ceux-ci
(cf. plantes à tanins).
Seront donc envisagés ici, successivement:
- phénols simples et acides-phénols, baumes;
- coumarines;
-!ignanes;
puis, dans un deuxième temps, les produits d'extension du phénylpropane.

BIBLIOGRAPHIE

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Waterman, P.G. et Mole, S. (1994). Analysis of phenolic plant metabolites, Blackwell Scientific Publications,
Londres.
Phénols, acides-phénols

1. Généralités ...........................................................................................................................273
2. Propriétés physico-chimiques, caractérisation, extraction .................................................276
3. Intérêt pharmacologique, emplois ....................................................................................... 277
4. Plantes à phénols simples ....................................................................................................279
busserole ..................................................................................................................... 279
autres Ericaceae (281), hydroquinone .......................................................................281
5. Plantes à acides-phénols ......................................................................................................282
A. Plantes à dérivés de l'acide caféique ..................................................................... 283
artichaut .................................................................................................. 283
romarin ....................................................................................................285
orthosiphon .............................................................................................288
B. Plantes à dérivés de l'acide salicylique ................................................................. 290
reine des prés ..........................................................................................290
saule ........................................................................................................291
C. Autres plantes à acides-phénols ............................................................................ 294
solidage ...................................................................................................294
verge d'or ................................................................................................296
6. Plantes à benzoates et cinnamates : baumes ....................................................................... 297
baumes du Pérou (297), de Tolu ............................................................300
benjoins du Laos (301), de Sumatra ......................................................301
7. Bibliographie .......................................................................................................................303

1 . GÉNÉRALITÉS

I.l~ (erme d'acide-phénol peut s'appliquer à tous les composés organiques possédant au
1110ins une fonction carboxylique et un hydroxyle phénolique. La pratique courante en
274 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

phytochimie conduit à réserver l'emploi de cette dénomination aux seuls dérivés des
acides benzoïque et cinnamique. Certains auteurs sont cependant plus restrictifs: ils
n'utilisent le terme d'acide-phénol que pour les dérivés en C 6-C 1 et incluent les dérivés
cinnamiques dans le groupe, plus large, des phénylpropanoïdes.
Des propriétés chimiques et analytiques peu différentes ainsi que l'intérêt pharma-
cologique relativement limité de ces composés nous incitent à présenter en un seul
chapitre dérivés benzoïques (C 6-C j ) et cinnamiques (C 6-C 3).

Phénols simples. Les phénols simples (catéchol, guaiacol, phloroglucinol) sont


plutôt rares dans la nature à l'exception de l'hydroquinone qui existe dans plusieurs
familles (Ericaceae, Rosaceae), le plus souvent à l'état de glucoside du di phénol
(arbutoside) ou de son monométhyléther. Les alkylphénols et leurs depsides, issus du
métabolisme d'un poly-~-cétoester, sont caractéristiques des Lichens. On connaît
également des a1cénylphénols (urushiol) et des monoterpènes phénoliques (thymol).

Acides-phénols dérivés de l'acide benzoïque. Les acides-phénols en C6-C j , dérivés


hydroxylés de l'acide benzoïque, sont très communs aussi bien sous forme libre que
combinés à l'état d'ester ou d'hétéroside (acides benzoïque, p-hydroxybenzoïque,
salicylique, vanillique, syringique, gentisique, vératrique, gallique, protocatéchique).

OH

(("
~I

catéchol
HO n ~
OH

phloroglucinol
OH
a~"
~I

alcool salicylique
9
CHO

OCH 3
anisaldéhyde

8" <î~
OH
OR RO
~ ~
OH
OR
"2r
HO
::/

~
1
OH

acide benzoïque R =H, acide protocatéchique R=H, acide gallique acide


R =CH 3, acide vanillique R =CH 3, acide syringique homogentisique

~"
~
*~"
::/1
H3 CO R CH 3 0 ~ OCH 3
OCH 3
OH OH
E-anéthole myristicine R =H, acide p-coumarique alcool sinapylique
R=OH, acide caféique
R =OCH 3, acide férulique
PHÉNOLS, ACIDES-PHÉNOLS 275

L'acide gallique et son dimère (l'acide hexahydroxydiphénique) sont les éléments


constitutifs des tanins hydrolysables.
On connaît également les aldéhydes correspondant à ces acides : vanilline (le plus
répandu), anisaldéhyde (dans certaines huiles essentielles), salicylaldéhyde.

Acides-phénols dérivés de l'acide cinnamique. La plupart des acides-phénols en


C(,-C 3 (acides 4-coumarique, caféique, férulique, sinapique) ont une distribution très
large; les autres (ex. : acide 2-coumarique) sont peu fréquents. Rarement libres, ou
alors ce sont des artefacts d'extraction, ils sont souvent estérifiés:
• esters d'alcools aliphatiques (acides mono- et dicaféyl-tartrique des Vitaceae ou de
l'Orthosiphon aristatus, féruloyl-tartrique des Echinacea et autres Asteraceae, caféyl-
malique de Parietaria officinalis);
• esters de l'acide quinique (acide chi orogénique [= 5-caféoyl-quinique], de loin le
plus fréquent) et depsides (acides rosmarinique et lithospermique 1), spécifiques des
l ,amiaceae et des Boraginaceae.
Ils peuvent également être amidifiés (dérivés de la spermidine, de la tyramine, ou de
la putrescine), ou combinés avec des sucres: esters du glucose (c'est le cas le plus
l'réquent) ou éthers du glucose (en particulier chez les Apiaceae et les Brassicaceae).
HO

HO

acide rosmarinique acide /ithospermique

~
O~2

~ R~~O~OH
HO R3
1"::
HO / OH 1

/ OH

R1=rha, R2 =R3 =H, verbascoside


R1 =glc, R2 =R3 =H, p/antamajoside
R1 =glc, R2 =H, R3 =OH, hellicoside acide ch/orogénique
R1 =R3 =H, R2 = rha, forsythiaside OH
R1 =rha, R2 = glc, R3 =H, échinacoside OH
R1 =R2 = rha, R3 =H, po/iumoside

1. L'acide lithospermique (qui, formellement, est un néolignane ) a été décrit comme un trimère
III' l'acide caféique (Kelley, C.J. et al. [1975]. J. Org. Chem., 40,1804-1815); ultérieurement, le même
1111111a été repris pour désigner un tétramère, l'acide lithospermique B, isolé sous forme de
IIlhospermates de Mg et de K/NH 4 à partir de Salvia miltiorrhiza. Des tétramères isomères (non
dëllol11més) de stéréochimie non précisée ont également été isolés de l'orthosiphon.
276 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

On peut également remarquer que ces acides estérifient fréquemment les


hydroxyles de nombreux métabolites secondaires: flavonoïdes, anthocyanosides,
alcanols, saponosides voire, plus rarement, alcaloïdes.

Esters hétérosidiques phénylpropanoïques. Un autre groupe de dérivés


phénylpropaniques comprend des esters phénylpropanoïques d'un hétéroside constitué
d'un oligoside (di- ou trioside) et d'une molécule de dihydroxy-phényléthanol. L'acide
phénylpropanoïque est, le plus souvent, l'acide caféique. On a également isolé, par
exemple chez les plantains, des molécules dans lesquelles cet acide caféique est
remplacé par l'acide 4-coumarique ou par l'acide férulique. De la même façon, le
dihydroxyphényléthanol peut être éthérifié ou, plus rarement, hydroxylé sur le carbone
C-2, ex. : 2-(3' ,4'-dihydroxyphényl)-1 ,2-dihydroxy-éthane.
Ces molécules semblent n'être majoritairement présentes que chez les Gamopétales,
en particulier chez les Lamiales, les Oléales et, dans une moindre mesure, chez les
Astérales.

2. PROPRIÉTÉS PHYSICO-CHIMIQUES, CARACTÉRISATION,


EXTRACTION

Les phénols sont en principe solubles dans les solvants organiques polaires
(méthanol, acétone, acétate d'éthyle, solutions hydro-alcooliques et mélanges); ils sont
solubles dans les solutions d'hydroxyde de sodium et de carbonate de sodium. Les
acides-phénols sont solubilisés par les hydrogénocarbonates ; ils sont extractibles par les
solvants organiques en milieu acide, ce qui autorise des extractions sélectives (ex. :
flavonoïdes/acides-phénols). Les formes hétérosidiques de ces composés phénoliques
sont, classiquement, solubles dans l'eau. Leur hydrolyse passe par un reflux dans du
méthanol chlorhydrique ou par une saponification à température ambiante.
Tous ces composés sont instables. Tous les phénols sont facilement oxydables,
surtout en milieu alcalin. Les dérivés cinnamiques tendent à s'isomériser (E/Z) en
solution aqueuse sous l'influence du rayonnement ultraviolet. Les esters cinnamiques
d'hydroxy-acides (ex. : l'acide caféyl-quinique) s'isomérisent facilement, en milieu
acide ou alcalin, pour donner des mélanges d'isomères de position (acides
chiorogéniques ).
L'analyse des composés phénoliques simples et des acides-phénols d'un végétal est
couramment réalisée en CCM, en CPG (après silylation), CPG/SM et/ou en chroma-
tographie liquide. La CCM utilise des mélanges solvants contenant le plus souvent un
acide (acétique, formique) et des supports du type cellulose ou silice ou un mélange des
deux. Les plaques sont révélées par des réactifs généraux des phénols (chlorure
ferrique, vanilline chlorhydrique, 2,6-dichloroquinonechlorimide en milieu alcalin) ou
par des réactifs plus spécifiques (ex. : 2,4-dinitrophénylhydrazine pour les aldéhydes).
La méthode analytique de choix est la chromatographie liquide. En règle générale, elle
est mise en œuvre sur des phases inverses (ex. : C 1S ), éluées avec des mélanges d'eau,
d'alcools (et/ou d'acétonitrile) et d'acides (pour limiter l'ionisation). La détection se fait
le plus souvent en UV-visible (barrettes de diodes).
PHÉNOLS, ACIDES-PHÉNOLS 277

L'extraction de ces composés, conduite de préférence sur du matériel frais, est


généralement obtenue à l'aide d'un alcool (méthanol) ou d'acétate d'éthyle voire, pour
extraire moins de substances lipophiles et éviter une estérification partielle des acides-
phénols, avec une solution hydro-alcoolique. Compte tenu de la fragilité de ces
molécules il est recommandé de travailler sous atmosphère inerte, d'éviter les pH
excessifs et de concentrer les solutions extractives à basse température (30 oC). Une
réextraction de la solution aqueuse par des solvants non miscibles de polarité croissante
permet de séparer les formes libres, les esters, puis les hétérosides.
La séparation des constituants des mélanges fait appel aux techniques
chromatographiques classiques sur polyamide, sur cellulose, sur silice ou, dans le cas
des esters phénylpropanoïques, sur gels et sur échangeurs d'ions.

3. INTÉRÊT PHARMACOLOGIQUE ET NUTRITIONNEL, EMPLOIS

Le rôle physiologique et/ou écologique de ces molécules est très mal connu. Leur
intérêt thérapeutique potentiel est très limité: propriétés antiseptiques urinaires de
l'arbutine, propriétés anti-inflammatoires des dérivés salicylés. Les propriétés que la
tradition attribue à des plantes telles que le romarin ou l'artichaut seraient dues, pour
partie, à des esters de dérivés cinnamiques ; toutefois, les données pharmacologiques
sont limitées et les essais cliniques, peu nombreux, sont le plus souvent de qualité
méthodologique insuffisante. Les seules plantes ou parties de plantes de ce groupe qui
sont actuellement utilisées en thérapeutique sont habituellement employées en nature
ou sous la forme de préparations galéniques simples (poudre, extraits, teinture).
Les esters hétérosidiques phénylpropanoïques montrent des potentialités pharma-
wlogiques intéressantes. Certains d'entre eux sont des inhibiteurs enzymatiques:
inhibition de la phosphodiestérase de l'AMPc (forsythiaside, plantamajoside), inhibition
de l'aldose réductase (verbascoside = actéoside). Le verbascoside, le forsythiaside et
leurs homologues inhibent, aussi bien sur des granulocytes humains que sur des cellules
péritonéales de Rat, la 5-lipoxygénase. Il en résulte une inhibition de la formation des
hydroperoxydes et des leucotriènes qui pourrait justifier l'emploi, par la médecine
traditionnelle orientale (Chine, Japon), des fruits de Forsythia dans le traitement de
llIaladies inflammatoires ou allergiques (Lianqiao = F. suspensa [Thunb.] Vahl.,
Oleaceae). On note par ailleurs que plusieurs composés de cette série sont antibacté-
riens et antifongiques, en particulier à l'égard des organismes phytopathogènes.
Les acides-phénols, présents en quantité notable dans les fruits et légumes, sont des
piégeurs de radicaux libres - des antioxydants. Ils jouent donc, comme les flavonoïdes
l't d'autres polyphénols, un rôle reconu dans le maintien d'un bon état de santé et
pourraient participer à la prévention de pathologies en partie liées à un excès de
l'IIdicaux et au stress oxydatif (affections cardiovasculaires et dégénératives). L'acide
l'lliorogénique, comme l'acide caféique, inhibe (in vitro) les réactions de nitrosation et
l'l'l'tains processus d'altération des acides nucléiques.
Arctostaphylos uva-ursi (L.) Spreng.
PHÉNOLS, ACIDES-PHÉNOLS 279

4. PLANTES À PHÉNOLS SIMPLES

• BUSSEROLE , Arctostaphylos uva-ursi CL.) Spreng., Ericaceae

La feuille de busserole est la feuille entière ou fragmentée, séchée de A. uva-ursi.


Elle contient au minimum 7 % d'arbutoside (Ph. eur., 6· éd. - 6.1, [04/2008:1054]).

La plante. La busserole est communément dénommée raisin d'ours comme le


rappelle par deux fois, en grec et en latin, sa dénomination binominale: arktos et ursus
lours], staphulé et uva [grappe, raisin]. C'est un petit arbrisseau des régions
montagneuses de l'hémisphère nord à tiges rampantes, à feuilles entières persistantes, à
rIeurs blanc-rosé en forme de grelot, à baies globuleuses rouge vif, comestibles (au
moins pour les ours, si l'on en croit aussi ses appellations anglaise [bearberry] et
allemande [biirentraube]).

Lafeuille. La feuille de busserole est obovale (7-30 mm x 5-12 mm), à bords lisses
légèrement réfléchis au-dessous, atténuée à la base en un court pétiole, obtuse ou rétuse
au sommet (rétuse = arrondie et incisée en angle rentrant en son milieu). Le limbe est
coriace, épais. La face supérieure, vert foncé brillant et chagrinée par des veinules
creuses, ainsi que la face inférieure plus claire, ont une nervation pennée et finement
réticulée, nettement visible.
La poudre de feuille de busserole, examinée au microscope (hydrate de chloral),
montre: des fragments épidermiques à cellules polygonales à cuticule épaisse; des
stomates anomocytiques entourés de 5 à II cellules annexes et de cicatrices des bases
de poils seulement à l'épiderme inférieur; des groupes de fibres péricyc1iques
accompagnées de files de cellules à prismes d'oxalate de calcium.
L'identité de la feuille est confirmée par la CCM d'un extrait hydrométhanolique
(50-50). Celui-ci doit contenir de l'hydroquinone, de l'arbutoside et de l'acide gallique
(révélation par une solution de dichloroquinonechlorimide puis par une solution de
carbonate de sodium). La feuille contient au maximum 5 % de tiges et la teneur en
feuilles de couleur différente est au maximum de 10 %. Après extraction par l'eau, à
rellux, l' arbutoside est dosé par chromatographie liquide.

Composition chimique. Les principes actifs sont des hétérosides phénoliques,


représentés par l'arbutoside (= arbutine, 6-10 %) et le méthyl-arbutoside. Par hydrolyse,
l'arbutoside libère un diphénol, l'hydroquinone, qui s'oxyde immédiatement en p-benzo-

OH

9" 9
OH OH
HO
arbuloside hydroquinone acide ursolique
280 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

quinone. On note par ailleurs la présence d'une forte quantité de tanins galliques dérivés
du pentagalloylglucose (10 %). Des flavonoïdes (hypéroside), des tri terpènes (acide
ursolique et autres ursanes), du monotropéoside (un iridoïde) et du picéoside (glucoside
de la 4-hydroxy-acétophénone) ont également été caractérisés dans la feuille.

Pharmacologie. In vitro, l'hydroquinone est antibactérienne: de nombreux germes


y sont sensibles (Escherichia coli, Proteus vulgaris, Enterococcus vulgaris, Staphylo-
coccus aureus, etc.). L'hydroquinone, formée au niveau intestinal par l'hydolyse de
l'arbutoside, est éliminée, après glucuro- et sulfoconjugaison hépatique, par voie
urinaire. Plus de la moitié d'une dose d'arbutoside ingérée sous forme d'un extrait de
feuille de busserole est éliminée sous ces deux formes; 75 % de la dose administrée est
éliminée dans les 24 heures. La concentration urinaire en hydroquinone libre, variable
selon le sujet, demeure faible. Comme l'hydroquinone, l'urine de sujets ayant ingéré de
l'arbutoside ou une infusion de busserole possède des propriétés antibactériennes: elle
devrait toutefois être alcalinisée à pH 8 pour que ces propriétés se manifestent. De fait,
il a été montré que les enzymes bactériennes (Esherichia coli) déconjuguent en partie
les produits de conjugaison de l'hydroquinone, ce qui rendrait inutile l'alcalinisation.
L'activité diurétique de la feuille, mise en évidence par certains, est contestée.

Évaluation clinique. Un essai clinique d'une durée d'un mois a conclu à l'efficacité
d'un extrait de busserole pour prévenir la survenue d'épisodes de cystite chez des
femmes souffrant de cette infection de façon récurrente. Quel que soit l'éventuel intérêt
de ce constat, il est lié à un usage prolongé non recommandé eu égard aux risques que
présenterait la prise régulière d'hydroquinone (cf. ci-dessous, les restrictions proposées
par la Commisssion E allemande).

Toxicité, effets indésirables. L'hydroquinone est toxique à forte dose (l g) et l'on


suspecte fortement des propriétés mutagènes et cancérogènes. DLso de la solution à
2 % : selon l'espèce, de 0,3 à 0,5 g/kg chez les rongeurs; 0,07 g/kg chez le Chat; 0,3
g/kg chez le Chien. Chez l'Homme, la consommation journalière de 300 à 500 mg
d'hydroquinone ne semble pas induire d'altérations sanguines ou urinaires observables.
Aux doses préconisées, les effets indésirables de la busserole semblent rares et
mineurs (nausées, vomissements). L'usage prolongé de feuilles de busserole pourrait
avoir été à l'origine d'un cas (isolé) de troubles oculaires.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour lafeuille de busserole, les indications thérapeu-
tiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 10 pour favoriser l'élimination
rénale de l'eau; 2 0 comme adjuvant des cures de diurèse dans les troubles urinaires
bénins. Si le phytomédicament à base de busserole est une poudre de feuille, un extrait
hydro-alcoolique de titre alcoolique> 30 % ou une teinture, le dossier « abrégé»
d'AMM doit comporter une étude toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire
pour la feuille pour tisane, l'extrait aqueux et les extraits hydro-alcooliques de titre
inférieur à 30 %.
PHÉNOLS, ACIDES-PHÉNOLS 281

En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que


lafeuille de busserole est utilisée dans les états inflammatoires des voies urinaires.
Posologie: infusion ou macération à froid de 3 g de feuilles dans 150 ml d'eau,jusqu'à
4 fois par jour (N.B. : la macération à froid conduit, en principe, à une préparation moins
riche en tanins). Ces conditions d'emploi correspondent à une ingestion journalière de
400 à 840 mg/ jour d'hydroquinone. Contre-indications: grossesse, lactation et enfant
de moins de douze ans. La monographie précise en outre: lOque la busserole peut
provoquer des nausées et des vomissements chez les personnes à l'estomac sensible; 2°
que les préparations à base de busserole ne doivent pas être administrées en même
tcmps que des substances susceptibles d'acidifier l'urine (ce qui réduirait l'effet
antibactérien); 3° que les médicaments contenant de la busserole ne doivent pas être
utilisés pendant plus d'une semaine ou plus de cinq fois dans l'année sans avis médical.
Selon l'ESCOP, le traitement peut être prolongé deux semaines, mais l'aggravation
des symptômes au cours de la première semaine requière d'en référer à un médecin.
Pour cet organisme, les troubles rénaux constituent une contre-indication.
Les restrictions préconisées par la Commission E. sont-elles suffisantes? L'absence
dc données pertinentes aussi bien sur les bénéfices attendus que sur le risque encouru
incite à la circonspection .

• AUTRES ERICACEAE

Bruyère cendrée (Erica cinerea L., fleur, sommité fleurie)


Callune vulgaire (Calluna vulgaris [L.] Hull. =fausse bruyère, sommité fleurie)

En France, selon la Note Explicative de l'Agence du médicament (1998), il est


i:, possible de revendiquer, pour ces deux sommités fleuries décrites par la 10· éd. de la
t Pharmacopée, les mêmes indications que pour la la feuille de busserole. Il semble que
~,', ccs espèces ne contiennent pas (bruyère cendrée) ou très peu (callune vulgaire)
! d'arbutine (= arbutoside). Elles renferment, entre autres, des proanthocyanidols et de
~ nombreux flavonoïdes. Dans les deux cas, si le phytomédicament est une poudre de
f sommité fleurie, le dossier « abrégé» d'AMM doit comporter une étude toxicologique
IIlIégée. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée dans les autres cas (sommité
I1curie pour tisane, extraits aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la Commission E du BfArM a estimé que les propriétés attribuées à
la callune ne sont pas démontrées et qu'elle ne pouvait pas en recommander l'usage
dans un but thérapeutique. La callune peut toutefois être utilisée dans les mélanges
(wnélioration de l'aspect, correction de la flaveur) .

• HYDROQUINONE

L'hydroquinone et ses dérivés bloquent la synthèse de la mélanine en inhibant la


Iyrosinase, enzyme qui convertit la tyrosine en dopaquinone, précurseur de l'euméla-
nine. L'hydroquinone est également cytotoxique à l'encontre des mélanocytes. En tant
282 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

qu'inhibiteur de la mélanogenèse l'hydroquinone, seule ou associée (trétinoïne,


corticoïde), présente un réel intérêt thérapeutique en dermatologie (traitement des
hyperpigmentations) ainsi que pour la formulation de produits cosmétiques, en
particulier des crèmes éc1aircissantes.

En dermatologie. Un dérivé de l'hydroquinone, la monométhylhydroquinone


(= méquinol) entre dans la composition de préparations pour la voie externe à 5 % ou
10 % dont l'indication est le traitement local des hyperpigmentations mélaniques
acquises, notamment le mélasma et les mélanoses post-inflammatoire et chimique
(parfum). Contre-indiquées chez l'enfant de moins de douze ans.

Produits cosmétiques. L'hydroquinone a été longtemps utilisée dans la formulation


des crèmes éc1aircissantes pour la peau. Des effets indésirables néfastes survenant après
une utilisation prolongée (irritation, dermite, risque d'ochronose à dose forte), cet usage
particulier de l'hydroquinone n'est plus autorisé dans l'Union européenne (24' directive,
2000/6/CE du 29-02-2000,1. O. L 056 du 01/0312000,42-46). Toutefois, elle peut
encore être utilisée, en usage professionnel, comme« agent colorant d'oxydation» pour
la teinture des cheveux si sa concentration ne dépasse pas 0,3 % dans le produit fini.
L'hydroquinone et son éther méthylique peuvent également être utilisés dans les
préparations pour ongles artificiels (concentration maximale: 0,02 %, cf : arrêté du
16/07/2004,1.0. Rép.fr. du 24/07/2004).
L'arbutoside, comme l'hydroquinone, inhibe la production de mélanine. On
retrouve donc, dans la composition de crèmes écIaircissantes, des extraits de busserole
ou d'autres plantes contenant de l'arbutoside, notamment le saxifrage de Sibérie
(Bergenia crass(t'olia [L.] Fritsch, Saxifragaceae) et le mûrier à papier (Broussonetia
papyrifera [L.] Vent, Moraceae). D'autres produits naturels sont utilisés dans le même
but (acide kojique 2 , acide azélaïque, réglisse) où pourraient l'être (aloésine).
Sur le continent africain, l'utilisation de produits dépigmentants - hydroquinone,
corticoïdes, sels de mercure - représente, dans certaines villes, un véritable
phénomène de société 3. Cette pratique est à l'origine de nombreux effets indésirables
d'autant plus fréquemment observés que les produits disponibles sont parfois très
concentrés (ex. : pommade à 5 % d'hydroquinone).

5. PLANTES À ACIDES-PHÉNOLS

Remarque préliminaire. Le choix qui a été fait de placer dans ce chapitre des
plantes telles que le romarin, l'orthosiphon ou la verge d'or est arbitraire et uniquement
dicté par la présence, dans ces plantes, de quantités notables d'acides-phénols. En effet,

2. Voir: Bentley, R. (2006). From misa, saké and shayu to cosmetics : a century of science for kojic
acid, Nat. Prad. Rep., 23, 1046-1062.
3. Mais aussi en Europe. Des produits interdits sont régulièrement saisis par les douanes. Voir
(entre autres). Anonyme (2006). Des produits cosmétiques blanchissants saisis, Ouest-France, 21 novembre
2006 (via Pressens, www.pressens.fr/. consulté le 18 novembre 2007).
PHÉNOLS, ACIDES-PHÉNOLS 283

dans la plupart des cas, les substances responsables de l'activité attribuée à ces plantes
Ile sont pas connues avec certitude.

A. Plantes à dérivés de l'acide caféique

• ARTICHAUT, Cynara scolymus L., Asteraceae

La feuille d'artichaut est lafeuille séchée, entière ou coupée de C. scolymus (Ph.


eur., 6' éd., [01/2008:1866]. Elle contient au minimum 0,8 % d'acide chI orogénique et
sert à préparer l'extrait sec (titre en acide chlorogénique ~ 0,6 %, 63,01/2009:2389).

La plante. L'artichaut est une grande plante herbacée vivace, à feuilles en rosette
pennatiséquées, fortement nervurées, non épineuses (différence avec les cardons). Les
Ileurs, qui apparaissent dès la deuxième année, sont groupées en gros capitules de 10 à
15 cm de diamètre portés par de robustes tiges ramifiées, cannelées, à feuilles sessiles
presque entières. De couleur violette, ces fleurs sont toutes tubuleuses et insérées sur un
réceptacle charnu entouré de bractées charnues à la base et non terminées en pointe.
Réceptacle et base des bractées constituent la partie comestible de ce légume.
L'espèce - un cardon amélioré inconnu à l'état sauvage - est cultivée. Pour
l'ouvrir les besoins de l'industrie pharmaceutique, on peut utiliser aussi bien les feuilles
l'Il rosette de première année récoltées sur des plantes produites spécialement à cet effet
que les feuilles issues de plantations destinées à la production de capitules. Les feuilles
sont alors soit pressées pour fournir un jus qui, concentré et purifié, est destiné à la
préparation d'extraits divers, soit desséchées rapidement après avoir été découpées en
petits fragments.

Lafeuille. La feuille d'artichaut, qui peut atteindre 70 x 30 cm, possède un limbe


profondément découpé dans sa partie supérieure. Les segments ont un bord denté, sans
l'pines. La face inférieure du limbe, vert pâle ou blanche, est garnie de longs poils
l~Il(;hevêtrés .
La poudre de feuille, examinée au microscope (hydrate de chloral), présente des
poils tecteurs pluricellulaires unisériés, la majorité à court pédicelle et à cellule
lerminale très allongée, étroite, et souvent recourbée. On note aussi la présence de
Ilombreux stomates anomocytiques sur les deux faces du limbe.
L'identité de la feuille est confirmée par la CCM d'un extrait hydroéthanolique qui
révèle la présence du 7-glucosyl-lutéolol et de l'acide chlorogénique. Ce dernier est
dosé par chromatographie liquide après extraction méthanolique.

Composition chimique. Les constituants supposés actifs sont des acides-phénols et


des acides-alcools. Les premiers sont des esters de l'acide caféique Cl %) comme l'acide
.~-l'aféylquinique (alias acide chlorogénique) et ses isomères caféoylés en 2,3 ou 4 :
1I1'ide l ,3-dicaféylquinique (alias cynarine) et son isomère (acide 1,5-dicaféylquinique),
présents dans la feuille fraîche. Les seconds sont banals: acide malique (0,8 % de la
284 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

R,X 02H OH
;/
4'
OH

HO"UO o HO 0..
1

OH

o /uté%/
cynaropicrine R =H : acide ch/orogénique
R = cafféoy/: cynarine OH
OH

feuille sèche), acide succinique, acide lactique, acide fumarique, acide citrique, etc.
(libres ?). La feuille contient également des lactones sesquiterpéniques (cynaropicrine
et autres guaianolides), libres (aguerine, grosheimine) ou glucosylées (cynarascolosides)
qui lui confèrent une grande amertume. Les flavonoïdes (1 %) sont principalement des
hétérosides du lutéolol (7-glucosyl-, 7-gentiobiosyl-, 7-rhamnoglucosyl- [alias scoly-
moside], 4'-glucosyl-lutéolol) et de l'apigénol. La composition en acides-phénols des
extraits dépend du processus extractif, notamment du fait de l'hydrolyse et des
transestérifications qui peuvent intervenir en milieu aqueux. Cela explique les
différences d'activité observées expérimentalement et doit inciter à la prudence quant à
l'extrapolation des données fournies par les essais cliniques.

Pharmacologie. La feuille d'artichaut est un remède très anciennement connu,


présenté originellement comme cholérétique. Expérimentalement, la cynarine montre
une activité nette sur le débit biliaire du Rat. D'autres expérimentations ont montré que
le mélange des acides-alcools se comporte, chez le Rat, comme un régulateur de la
cholérèse, d'où le qualificatif d'« amphocholérétique ». La stimulation de la sécrétion
biliaire par un extrait de feuilles a également été constatée au cours d'une étude réalisée
chez l'humain. In vitro, la cynarine protège les hépatocytes du Rat contre la toxicité du
tétrachlorure de carbone. Chez le même animal, poudre de feuilles (voie orale), extraits
hydro-éthanoliques et cynarine (voie IP) sont hypocholestérolémiants par inhibition de
la biosynthèse. ln vitro, on note que l'extrait aqueux possède un potentiel antioxydant.

Évaluation clinique. Un extrait d'artichaut pourrait, à moyen terme (6 semaines)


abaisser modestement la cholestérolémie. Les rares essais versus placebo et en double
aveugle sont toutefois assez peu convaincants quant au réel intérêt de ces extraits en cas
d'hypercholestérolémie (deux essais, 167 patients). Dans le cas des patients souffrant
de dyspepsie fonctionnelle, un essai randomisé en double aveugle versus placebo a
montré que les patients recevant un extrait d'artichaut (2 x 320 mg par jour)
s'estimaient mieux améliorés que ceux recevant un placebo (ils étaient 85 % à être
satisfaits dans le groupe recevant l'extrait contre ... 70 % dans le groupe placebo). i
L'efficacité des extraits en cas de colopathie fonctionnelle avec douleurs abdominales
(syndrome du côlon irritable) serait, pour certains auteurs, une réalité. Elle reste
cependant à établir formellement dans la mesure où les données disponibles
proviennent d'études et d'essais sans insu et sans placebo. D'autres observations
mettent aussi en évidence l'augmentation du flux biliaire intra-duodénal et, semble-t-il,
l'absence d'effet sur les symptômes de l'intoxication alcoolique.
l'IIÉNOLS, ACIDES-PHÉNOLS 285

Pour nombre de pharmacologues, les affections traitées par les cholagogues et les
cholérétiques auraient pour seule origine des irritations de la muqueuse gastrique: dans
l'es conditions, l'intérêt d'accroître la sécrétion de bile ou de stimuler la contraction
vésiculaire n'apparaît pas très clairement. Pour certains praticiens, la sécrétion accrue
d'acides biliaires induite par ce type de substances stimule la motilité intestinale et la
digestion des graisses, d'où leurs effets bénéfiques dans les dyspepsies non-ulcéreuses
el les « irritations» intestinales.

Toxicité, effets indésirables. La DUo d'un extrait hydroalcoolique de feuilles,


déterminée chez le Rat, est supérieure à 2 g/kg par voie IP. Au vu des données
disponibles, les extraits d'artichaut ne semblent pas toxiques et les effets indésirables
qu'entraîne (éventuellement) leur usage sont mineurs (rares manifestations d'inconfort
gastro-intestinal). À noter que les sujets allergiques aux Asteraceae peuvent développer
ulle réaction allergique aux produits contenant de l'artichaut.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour lafeuille d'artichaut, les indications thérapeu-
liques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 1° pour faciliter les fonctions
d'élimination urinaire et digestive; 2° comme cholérétique ou cholagogue; 3° pour
favoriser l'élimination rénale d'eau. Si le phytomédicament à base d'artichaut est une
poudre de feuille totale, le dossier « abrégé» d'AMM doit comporter une étude
loxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour la feuille pour tisane, l'extrait
IIqueux, les teintures et les extraits hydro-alcooliques, quel que soit leur titre.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
Illfeuille d'artichaut est utilisée en cas de dyspepsie. Posologie: 6 g par jour de feuille
(ou préparation correspondante). Contre-indications : allergie connue à l'artichaut et
IIUX autres Asteraceae; obstruction des voies biliaires. En cas de lithiase, n'utiliser
qu'après avis médical.
Pour l'ESCOP, l'artichaut peut être un adjuvant à un régime pauvre en graisses pour
réduire les hypercholestérolémies faibles ou modérées.

En tant que légume, le « fond» d'artichaut (c'est -à-dire le réceptacle du capitule)


l'si le légume le plus riche en polyphénols totaux de notre alimentaion, devant le persil
l'I le choux de Bruxelles (de 202 à 438 mgllOO g, soit, en moyenne 321 mg pour 100 g
de légume frais, exprimés en acide gallique équivalent) .

• ROMARIN, Rosmarinus officinalis L., Lamiaceae

La feuille de romarin est la feuille entière séchée qui contient au minimum 12


lilI/kg d'huile essentielle et 3 % de dérivés hydroxycinnamiques totaux exprimés en
llride rosmarinique (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:1560]).

La plante, lafeuille. Le romarin est un arbrisseau touffu, très commun dans tout le
hassin méditerranéen. Il possède des feuilles sessiles, persistantes, opposées, linéaires et
286 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

coriaces, enroulées sur les bords, chagrinées à la face supérieure, tomenteuses à la face
inférieure. Les fleurs, bleu pâle ou lilas clair maculées de taches violettes, sont groupées
en inflorescences spiciformes.
La poudre de feuille, examinée au microscope (hydrate de chloral), présente: des
fragments d'épidermes (le supérieur à stomates diacytiques, l'inférieur à hypoderme
sous-jacent à grandes cellules irrégulières à paroi épaissie en chapelet); des poils )
tecteurs pluricellulaires ramifiés; des poils glanduleux à tête 8-cellulaire - plus
rarement 1- ou 2-cellulaire.
La feuille ne contient pas plus de 5 % de tiges. Son identité est confimée par deux
CCM : l'une de l'huile essentielle (cinéole, bornéollibre et estérifié) et l'autre de l'extrait
méthanolique (acides caféique et rosmarinique). Les dérivés hydroxycinnamiques
totaux sont dosés, après extraction hydroa1coolique, par une mesure de l'absorbance
après addition de nitrite et de molybdate de sodium. Sur la qualité, voir aussi les normes
NF ISO 11164:1996 (romarin séché) et NF ISO 1342:2001 (huile essentielle).

OH

acide rosmarinique bornéol

Composition chimique. La feuille renferme de 10 à 25 ml/kg d'huile essentielle


dont les constituants principaux sont le camphre, le cinéole, l'a-pinène, le bornéol,
l'acétate de bornyle et le camphène, en proportions variables selon la provenance et le
stade végétatif. Le type Maroc et Tunisie, riche en cinéole, peut être assez pauvre en
camphre. Sa teneur en carbures est relativement faible. Le type Espagne est caractérisé
par une forte proportion de carbures; il renferme systématiquement une quantité
notable de camphre et sa teneur en cinéole est de beaucoup inférieure à celle du type
Maroc et Tunisie.
La feuille de romarin est riche en composés phénoliques, flavonoïdes et acides-
phénols. Les flavonoïdes sont représentés par des hétérosides du lutéolol, du diosmétol
et de flavones méthoxylées en C-6 et/ou en C-7 (genkwanine et dérivés, cirsimaritine,
scutellaréine). Les acides-phénols (3,5 %) sont des dérivés caféiques : acides caféique,
chlorogénique et rosmarinique. Ce dernier est l'ester de l'acide caféique et de l'acide a-
hydroxy-dihydrocaféique. Certains acides-phénols et une acétophénone existent dans la
plante sous la forme de glycosides. Le romarin est également caractérisé par la présence
de diterpènes tricycliques : acide carnos(ol)ique et carnosol (majoritaires), rosmanol,
épirosmanol, isorosmanol, rosmaridiphénol, rosmariquinone, rosmadial, etc., ainsi que
par celle de triterpènes (acides ursolique et oléanolique, amyrines).

Pharmacologie, évaluation clinique. La feuille de romarin est réputée cholérétique,


ce qui est confirmé par l'expérimentation animale, mais à dose forte et par voie
parentérale (teinture, voie IV, 1-2 g/kg). Elle serait également diurétique. L'évaluation
de l'extrait aqueux de la feuille sur des hépatocytes en culture met en évidence l'action
PHÉNOLS, ACIDES-PHÉNOLS 287

protectrice de celui-ci à l'égard des effets de l'hydroperoxyde de tert-butyle. L'action


hépatoprotectrice est également constatée in vivo sur différents modèles, mais à des
doses de 1 et 1,5 g/kg. L'action spasmolytique des extraits, mise en évidence sur l'iléon
de Cobaye stimulé électriquement ou par l'acétylcholine aussi bien que sur le muscle
trachéal du Lapin stimulé par l'histamine, est rapportée à l'huile essentielle. L'acide
rosmarinique est anti-inflammatoire (œdème au carraghénane, Rat, IV, 1 mg/kg;
inflammation au TPA, Souris, application topique d'extrait). Il inhiberait l'activation du
l'acteur C3 du complément. L'activité antioxydante des extraits de romarin (obtenus
classiquement ou par le dioxyde de carbone supercritique) a été mise en évidence sur
différents modèles et avec divers produits alimentaires (lipides, viandes, charcuteries,
etc.). Cette activité, en partie liée à l'acide rosmarinique, est due pour 90 % aux o-di-
phénols diterpéniques, carnosol et acide camos(ol)ique, dont l'efficacité est supérieure
il celle des antioxydants synthétiques actuellement utilisés. L'huile essentielle est, in
vitro, antibactérienne et antifongique.
Aucune donnée clinique ne confirme les propriétés traditionnellement attribuées à
la feuille de romarin.

Toxicité, effets indésirables. L'extrait alcoolique de romarin n'est pas toxique. Pas
plus que son huile essentielle (DUo = 5 ml/kg). Toutefois, la proportion importante de
camphre dans cette dernière doit être prise en considération, ce monoterpène cétonique
étant connu pour être à l'origine de convulsions épileptiformes. Quelques réactions
allergiques au romarin ont été signalées.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour lafeuille et la sommité fleurie du romarin, les
indications thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 1° dans le
traitement symptomatique de troubles digestifs tels que: ballonnement épigastrique,
Icnteur à la digestion, éructations, flatulence; 2° pour faciliter les fonctions d'élimination
urinaire et digestive; 3° comme cholérétique ou cholagogue. En usage local, deux
indications sont autorisées: 1° traditionnellement utilisé en cas de nez bouché et de
l'hume; 2° en bains de bouche, pour l'hygiène buccale. Aucune évaluation toxicologique
n'cst demandée pour la constitution d'un dossier« abrégé» d'AMM (poudre, feuille
pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
la feuille de romarin est utilisée par voie orale dans les troubles dyspeptiques et, par
voie locale, comme thérapie de soutien des affections rhumatismales et des problèmes
circulatoires. Posologie: 1° voie orale, de 4 à 6 g par jour; 2° voie locale: 50 g pour un
bain. L'huile essentielle peut être utilisée dans ces indications à la dose de 10 à 20
~outtes par jour par voie orale (mais cette dose est considérée comme non sûre par
plusieurs auteurs qui préconisent de la diminuer fortement).
Selon l'European Scientific Cooperative on Phytotherapy (ESCOP), le romarin
peut être utilisé comme antiseptique léger et cicatrisant (voie locale, à éviter sur les
hlessures ouvertes et les lésions étendues).
Le romarin (26 %) entre, avec l'origan (26 %), la sarriette (26 %), le thym (19 %) et
Il' basilic (3 %), dans la composition des« herbes de Provence ».
288 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

Les extraits de romarin sont utilisés par les industriels de l'agroalimentaire pour
leurs propriétés antioxydantes et conservatrices. À noter: lorsque ces extraits sont
désaromatisés, ils ne relèvent plus de la directive « arômes », mais de la directive
« additifs» de l'VE et doivent donc théoriquement faire l'objet d'une expertise
toxicologique avant autorisation.

• L'huile essentielle de romarin est obtenue par entraînement à la vapeur d'eau des
parties aériennes fleuries de R. officinalis (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:1846]).
Profils chromatographiques. Type Espagne: a-pinène, 18-26 %; camphène, 8-
12 %; p-pinène, 2-6 %; p-myrcène, 1,5-5 %; limonène, 2,5-5 %; cinéole, 16-25 %; p-
cymène, 1-2,2 %; camphre, 13-21 %; acétate de bornyle, 0,5-2,5 %; a-terpinéol, 1-
3,5 %; bornéol, 2-4,5 %; verbénone, 0,7-2,5 %. Type Maroc et Tunisie: a-pinène, 9-
14 %; camphène, 2,5-6 %; p-pinène, 4-9 %; p-myrcène, 1-2 %; limonène, 1,5-4 %;
cinéole, 38-55 %; p-cymène, 0,8-2,5 %; camphre, 5-15 %; acétate de bornyle, 0,1-
1,5 %; a-terpinéol, 1-2,6 %; bornéol, 1,5-5 %; verbénone, < 0,4 % .

• ORTHOSIPHON =THÉ DE JAVA,


Orthosiphon aristatus (Blume) Miq., Lamiaceae

La feuille d'orthosiphon est la feuille et l'extrémité des tiges, séchées, fragmentées


d'O. stamineus Benth. (O. aristatus Miq.; O. spicatus Bak.). Elle renferme au moins
0,05 % de sinensétine (Ph. eur., 6' éd. - 6.4, [04/2009:1229]).

La plante. L'orthosiphon ou « thé de Java », originaire du sud-est asiatique, est


importé d'Indonésie où il est cultivé et récolté, généralement peu avant la floraison.
C'est une plante vivace à feuilles opposées et irrégulièrement dentées qui croît de la
Birmanie jusqu'aux Philippines. Les fleurs, blanches ou lilas, groupées en verticilles,
ont des étamines ex sertes deux fois plus longues que le tube de la corolle (d'où le nom '
vernaculaire de cette plante: « moustache de chat»).

Lafeuille. La feuille (7,5 cm x 2,5 cm), friable, possède un pétiole court, mince,
quadrangulaire, et un limbe ovale à lancéolé, cunéiforme à la base, sombre à la face
supérieure, plus clair et légèrement pubescent à la face inférieure. La nervation est
pennée et présente peu de nervures secondaires. Les nervures principales et les pétioles
sont le plus souvent violacés. Occasionnellement, des inflorescences sont présentes.
La poudre de feuille, examinée au microscope (hydrate de choral) présente des
cellules épidermiques portant des poils coniques, uni-ou bicellulaires et des poils
articulés très longs (450 /lm), unisériés et formés de 3-8 cellules à parois épaisses
ponctuées. Les poils sécréteurs ont une tête quadricellulaire.
La feuille contient au maximum 5 % de tiges d'un diamètre supérieur à 1 mm. La
présence de sinensétine confirme l'identité de la feuille (CCM). Ce flavonoïde est dosé
par chromatographie liquide après extraction par le chlorure de méthylène.
PHÉNOLS, ACIDES-PHÉNOLS 289

Composition chimique. La tige feuillée renferme une quantité notable de sels de


potassium (3 %), une petite quantité d'huile essentielle (0,2-0,6 ml/kg) riche en
carbures sesquiterpéniques, des triterpènes libres et des composés phénoliques. Ceux-ci
sont représentés par 0,4-0,5 % de flavones lipophiles: sinensétine (= 5,6,7,3',4' -penta-
méthoxyflavone, jusqu'à 0,2 %) et autres dérivés di-, tri- et tétraméthylés (eupatorine,
salvigénine, rhamnazine, ladanéine, cirsimaritine, tétraméthoxyflavone, tétraméthyl-
scutellaréine, etc.) et par 0,5 à 1 % d'esters caféiques : acide rosmarinique (c'est le plus
abondant des phénols totaux extractibles par l'eau chaude), acides mono- et dicaféyl-
tartrique et dérivés de l'acide lithospermique. La présence de chromènes a été signalée
(méthylripariochromène).
La composition des parties aériennes de la plante est, de fait, marquée par la
présence d'une cinquantaine de diterpènes. La majorité de ceux-ci dérivent de l'iso-
pimarane (orthosiphols A-Z, siphonols, déacétylorthosiphols, orthosiphonones),
accompagnés de séco-isopimaranes (séco-orthosiphols), de pimaranes (néo-ortho-
siphols), de staminanes et de leurs homologues nor- et séco- (staminols, norstaminones,
staminolactones) ,

Pharmacologie. Il semble que l' ortho siphon n'ait guère été étudié sur le plan
pharmacologique. Une étude fait toutefois état d'une activité significative de l'extrait
aqueux sur l'élimination des ions (Rat, 0,75 g/kg,per os). Une telle activité est sans
doute à rapprocher des effets connus des lithospermates sur le fonctionnement rénal ou
d'une action combinée de différents constituants. Les flavonoïdes lipophiles inhibent la
lipoxygénase et exercent, in vitro, un faible effet antiradicalaire. Certains diterpènes,
anti-inflammatoires, inhibent la production d'oxyde d'azote par les macrophages
activés. L'action antihypertensive observée chez le Rat serait due aux chromènes.

Évaluation clinique. Dans le sud-est asiatique (Myanmar, Vietnam, Indonésie, etc.)


ct au Japon, l'orthosiphon est un remède traditionnel utilisé dans de nombreuses
indications, en particulier les lithiases et les affections rénales, mais aussi (et selon le
pays) en cas de diabète, d'hypertension, de rhumatisme et pour la « détoxification ».
Une étude croisée versus placebo chez des volontaires n'a décelé aucune action sur le
volume urinaire et l'excrétion du sodium. Un essai randomisé thaïlandais n'a décelé
aucune différence d'efficacité par rapport au placebo en cas de lithiase rénale. Aucune
donnée clinique de bon niveau de preuve ne confirme les autres propriétés. Aucun effet
indésirable notable ne semble avoir été rapporté pour cette plante.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour la tige feuillée d' orthosiphon, les indications
thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 10 pour faciliter les
fonctions d'élimination urinaire et digestive; 2° pour faciliter l'élimination rénale
d'cau; 3° comme adjuvant des traitements amaigrissants. Si le phytomédicament à base
d'orthosiphon est une poudre de tige feuillée, le dossier « abrégé» d'AMM doit
comporter une étude toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour la tige
fcuillée pour tisane, l'extrait aqueux, les teintures et les extraits hydro-alcooliques, quel
que soit leur titre.
290 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que


lafeuille d'orthosiphon est utilisée comme thérapie de drainage dans les maladies
bactériennes et inflammatoires des voies urinaires basses et la lithiase rénale.
Posologie: de 6 à 12 g par jour en infusion (2 g pour 150 ml d'eau) ou une dose
équivalente sous une autre forme. À éviter en cas d'œdème lié à une insuffisance
cardiaque ou rénale. Veiller à un apport hydrique suffisant.

B. Plantes à dérivés de l'acide salicylique

• ULMAIRE (REINE DES PRÉS),


Filipendula ulmaria (L.) Maxim., Rosaceae

La sommité fleurie de reine des prés est constituée par la sommité fleurie séchée,
entière ou coupée, de F. ulmaria (= Spiraea ulmaria L.). Elle contient au minimum
1 ml/kg de substances entraînables à la vapeur d'eau (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:1868]).

La plante, la sommité fleurie. La reine des prés ou ulmaire est une plante herbacée
vivace. La tige, raide et anguleuse, creuse sauf vers le sommet, est striée de sillons
rectilignes. Les feuilles alternes à stipules angulaires brun-rouge comprennent de 3 à 9
paires de folioles inégalement dentées, vert foncé et glabres à la face supérieure,
tomenteuses et plus claires - voire argentées - à la face inférieure. La foliole
terminale est divisée en 3 segments. Les fleurs, blanc jaunâtre, groupées en panicules
cymeuses irrégulières, possèdent 5 sépales velus, 20-40 étamines exse11es, 5 pétales
libres, évasés et un gynécée à 4-6 carpelles. Les fruits, brun-jaune, présentent une
torsion hélicoïdale.
La poudre, examinée au microscope (hydrate de chloral), présente des poils tecteurs
unicellulaires, les uns très longs, à paroi mince, flexueux et effilés, les autres courts,
coniques, à base et paroi épaissies. Outre des débris de feuilles, on note la présence de
fragments provenant des pièces florales et celle de nombreux grains de pollen sphériques.
La présence, dans la fraction entraînable à la vapeur d'eau de la sommité fleurie, de
l'aldéhyde salicylique et du salicylate de méthyle confirme son identité (CCM révélée
par le chlorure ferrique). La sommité fleurie contient au maximum 5 % de tiges de
diamètre supérieur à 5 mm.

aO" 6
OH CHO C0 2CH 3
O-Glc 0 9
~l
- 'N"
HO 0 ~l

OH
spiréoside aldéhyde salicylique monotropitoside
OH 0

Composition chimique. La sommité fleurie renferme des hétérosides de flavonols


(spiréoside, rutoside, hypéroside, 1-3 % dans la sommité et jusqu'à 6 % dans les fleurs),
des tanins (10 à 20 %, esters galliques et hexahydroxydiphéniques du glucose, rugosine
PHÉNOLS, ACIDES-PHÉNOLS 291

0) et des hétérosides d'acides-phénols, xyloglucosides du salicylate de méthyle


(monotropitoside) et de l'aldéhyde salicylique. Par hydrodistillation, la reine des prés
fournit une fraction volatile contenant, entre autres, du salicylate de méthyle et de
l'aldéhyde salicylique.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour la fleur et la sommité fleurie de reine des prés,
les indications thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 1° pour
faciliter les fonctions d'élimination urinaire et digestive; 2° dans les états fébriles et
grippaux; 3° comme antalgique (céphalées, douleurs dentaires); 4° pour favoriser
l'élimination rénale d'eau; 5° dans le traitement symptomatique des manifestations
articulaires douloureuses mineures. Cette dernière indication est également autorisée
pour les préparations destinées à un usage local. Si le phytomédicament à base de reine
des prés est une poudre de sommité fleurie, le dossier « abrégé» d'AMM doit
comporter une étude toxicologique allégée. Aucune évaluation toxicologique n'est
demandée dans les autres cas (reine des prés pour tisane, extraits aqueux et extraits
hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
la reine des prés est utilisée comme traitement complémentaire des refroidissements.
Posologie: de 2,5 à 3,5 g defleurs par jour ou 4 à 5 g par jour de parties aériennes.
Boire les infusions très chaudes. Ne pas utiliser en cas d'hypersensibilité aux salicylés.

SALICYLATE DE MÉTHYLE

Cet ester constitue le composant très majoritaire de l'essence de Wintergreen, huile


essentielle classiquement obtenue à partir des feuilles d'un arbrisseau de l'est des États-
Unis d'Amérique et du Canada, Gaultheria procumbens L. (Ericaceae) dans lesquelles
il existe sous forme de monotropitoside. On peut aussi l'obtenir à partir de l'écorce de
Betula lenta L. (Betulaceae) et d'autres espèces du genre Gaultheria (ex. : fragrantis-
sima Wall.). Utilisée en Amérique du Nord dans la formulation de produits d'hygiène
buccale, de produits cosmétiques, de préparations médicamenteuses pour l'usage
externe ainsi que pour l'aromatisation de produits alimentaires, l'essence de
Wintergreen est souvent remplacée par le salicylate de méthyle synthétique. Naturel ou
synthétique, ce produit est régulièrement à l'origine d'intoxications dont la
symptomatologie est celle de l'intoxication salicylée : 1 ml de salicylate de méthyle est
équivalent à 1,4 g d'acide acétylsalicylique et les quantités ingérées sont parfois
supérieures à 10 ml. Cet ester est également le constituant majoritaire de préparations
d'origine asiatique destinées, entre autres, à induire une analgésie locale (ex. : Red ail
C'hinese) .

• SAULE , SaUx purpurea L. et autres espèces du genre, Salicaceae

L'écorce de saule est constituée par l'écorce séchée entière ou fragmentée des
jeunes rameaux ou par les morceaux entiers séchés des ramules de l'année de diverses
292 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

espèces du genre SaUx dont S. purpurea L., S. daphnoides Vill. et S.fragilis L. Elle
contient au minimum l ,5 % de dérivés salicylés totaux, exprimés en salicine (Ph. eur.,
6' éd. - 6.1, [04/2008:1583]).

Les plantes. Les saules sont des arbres ou des arbustes dioïques communs dans les
zones humides de toute l'Europe. Les feuilles sont simples, isolées, stipulées, portées
par des rameaux flexibles quand ils sont jeunes. Le pétiole est court. Le limbe, allongé
ou lancéolé, glabre ou finement soyeux à la face inférieure, est souvent finement
dentelé sur les bords. Les fleurs, groupées en chatons dressés, sont apérianthées. La
graine est recouverte d'un duvet cotonneux.

L'écorce. L'écorce se présente sous forme de pièces allongées, flexibles, épaisses


de 1 à 2 mm, à surface extérieure lisse ou légèrement ridée, jaune-vert à gris brun. Selon
l'espèce, la face interne peut être blanche, jaune pâle ou brun-rouge.
Réduite en poudre et examinée au microscope (hydrate de chloral), l'écorce
présente: des faisceaux de longues (0,6 mm) et fines fibres à paroi très épaisse,
entourées de files de cellules cristallifères; des cellules parenchymateuses à paroi
ponctuée en chapelet et contenant de grandes macles, etc.
L'écorce, dont l'identité est confirmée par CCM d'un extrait méthanolique avant et
après hydrolyse des esters (carbonate de sodium), ne doit pas contenir plus de 3 % de
ramules d'un diamètre supérieur à 10 mm. Les dérivés salicylés sont dosés par
chromatographie liquide après extraction par le méthanol et reflux dans l 'hydroxyde de
sodium méthanolique.

Composition chimique. L'écorce des saules renferme principalement des gluco-


sides de l'alcool salicylique. Selon l'espèce, la provenance et l'âge de l'arbre, la teneur
en dérivés salicylés totaux varie de 1 à Il %. Le composé majoritaire est le salicoside
(= salicine), c'est-à-dire le glucoside de l'alcool salicylique (= saligénine). Ce salicoside
est accompagné de salicortine (ester d'un acide-alcool cyclohexénonique et du
salicoside) et de leurs dérivés benzoylés (trémuloïdine, trémulacine), ainsi que de ses
dérivés 6-0-acétylglucosylé (fragiline) et 6-0-benzoylglucosylé (populine). Les dérivés
de type salicortine, thermolabiles, sont partiellement transformés en salicoside lorsque
l'écorce est séchée à température élevée. L'écorce renferme aussi d'autres phénols et
acides-phénols, libres ou glucosylés : triandrine, vimaline (= glucosides d'alcools cinna-
myliques), acides salicylique, caféique, férulique, etc. On note également la présence de
flavonoïdes (flavanones, 1-4 %) et de proanthocyanidols dimères et trimères.

Pharmacologie. Le salicoside et les composés apparentés, hydrolysés au niveau


intestinal, libèrent de l'alcool salicylique qui est ensuite oxydé en acide salicylique dont
l'activité antalgique et anti-inflammatoire est bien établie. En théorie, 10 g d'écorces
renfermant 0,15 g de salicoside sont équivalents, après hydrolyse du glucoside, à
environ 0,065 g d'alcool salicylique ou 0,072 g d'acide salicylique. Cela étant,
l'infusion n'extrait pas 100 % des dérivés salicylés et la libération de l'acide salicylique
au niveau intestinal serait progressive: on ne peut donc pas préjuger du facteur de
conversion. Les études de pharmacocinétique montrent d'ailleurs que la salicylémie
PHÉNOLS, ACIDES-PHÉNOLS 293

consécutive à la prise d'un extrait de saule est très faible. La posologie préconisée pour
l'écorce de saule et ses préparations correspond à une posologie en acide salicylique
largement inférieure à celle qui est recommandée pour ce composé: cela conduit divers
auteurs à postuler que l'activité attribuée à l'écorce de saule ne serait pas due aux seuls
dérivés salicylés ... In vitro (monocytes), l'extrait éthanolique inhibe la sécrétion de
PGE2 induite par le lipopolysaccharide et inbiberait faiblement les cytokines
pro inflammatoires .

(r0 °
salicoside ~&
salicortine
0;/
~ 1
O-glc
léiocarposide

Évaluation clinique. En cas de douleurs dorsales basses d'origine variée, il est


possible qu'un extrait de saule exerce un effet antalgique supérieur à celui d'un placebo.
Dans un essai comparatif randomisé en double aveugle versus placebo, 6 % des patients
Imités par le placebo n'ont pas éprouvé, après quatre semaines de traitement, de
douleurs pendant au moins cinq jours de la semaine. Ils étaient 21 % dans le groupe
lraité par une dose d'extrait correspondant à 120 mg/j de salicoside et 39 % chez ceux
recevant une dose de 240 mg par jour. L'effet de ce dosage fort ne serait pas différent
de celui de 12,5 mg par jour de rofécoxib (mais l'essai qui a fait ce constat était un essai
non aveugle). Il serait intéressant de disposer d'essais en double aveugle versus le
lraitement de référence (paracétamol).
En cas d'arthrose du genou et de la hanche, l'efficacité des extraits de saule n'est pas
démontrée. Deux essais randomisés et en double aveugle versus placebo ont évalué
l'effet d'un extrait de saule (soit 240 mg par jour de salicoside) dans cette indication.
Dans un cas, on a noté un effet sur la douleur statistiquement significatif mais faible
( 14 %) après deux semaines de traitement, dans l'autre (un essai à trois bras dont un
I!('I'SUS diclofénac [100 mg par jour]), l'effet de l'extrait de saule n'était pas différent de

celui du placebo après 6 semaines de traitement.

Toxicité, effets indésirables. Selon l'ESCOP, l'écorce de saule ne semble pas


illduire d'événements indésirables particuliers. Elle ne modifie l'agrégation plaquettaire
que très modérément. Au cours des essais cliniques, on a pu oberver quelques cas de
réactions cutanées. Si aucun effet indésirable notable ou interaction médicamenteuse ne
semble avoir été rapporté, on ne peut en théorie pas exclure la survenue d'incidents
identiques à ceux qui surviennent avec les salicylés.

Emplois. L'écorce de saule sert à préparer l'extrait sec d'écorce de saule (Ph. eur.,
(," éd. - 6.1, [04/2008:2312]). Obtenu avec de l'eau ou un solvant hydroalcoolique (au
Illaximum à 80 % d'éthanol), il renferme au minimum 5 % de dérivés salicylés
l'X primés en salicine.
294 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet qu'il est

l
possible de revendiquer, pour l'écorce de tige de saule, les indications thérapeutiques
suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 1° dans les états fébriles et grippaux;
2° comme antalgique (céphalées, douleurs dentaires); 3° dans le traitement sympto-
matique des manifestations articulaires douloureuses mineures. Cette dernière
indication est également autorisée pour les préparations destinées à un usage local. Si le
phytomédicament à base de saule est une poudre d'écorce, le dossier « abrégé»
d'AMM doit comporter une étude toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire
pour l'écorce pour tisane, l'extrait aqueux, les teintures et les extraits hydro-alcooliques,
quel que soit leur titre.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BjArM précise que
l'écorce de saule est utilisée dans les affections fébriles, les douleurs rhumatismales et
les céphalées. Posologie: dose journalière moyenne correspondant à 60-120 mg de i
salicoside.
Au niveau européen, la monographie communautaire élaborée par l'HMPC précise
que l'usage d'un extrait hydro-éthanolique à 70 %, sec (8-14:1) et quantifié en salico-
1
side (15 % en moyenne), est bien établi dans le traitement symptomatique de courte
durée de la douleur dorsale basse (moins de 4 semaines). Les autres formes (teinture,
poudre, écorce, etc.) ont des usages traditionnels (fièvre associée aux refroidissements,
céphalées, douleurs articulaires mineures). Posologie: 1572 mg d'extrait par jour,per os
(soit environ 240 mg de salicoside). L'usage de cet extrait n'est pas recommandé avant
l'âge de 18 ans (sauf après avis médical et en cas d'échec d'une autre thérapeutique).
Une surveillance médicale est nécessaire en cas d'insuffisance hépatique ou rénale,
d'ulcère gastroduodénal, ou de troubles de la coagulation. Cet extrait est contre-indiqué
au cours du troisième trimestre de la grossesse, en cas d'asthme, d'hypersensibilité aux
salicylés, d'ulcère gasrique ou de déficience en G6PD. Son usage n'est recommandé ni
au cours de la grossesse, ni pendant l'allaitement. Ne pas lui associer d'autre salicylé ou
d'autre AINS sans avis médical. Il existe un risque d'interaction avec les anticoagulants
coumariniques. La monographie précise aussi les posologies des formes utilisées selon
l'usage traditionnel (cf. réf. EMEA/HMPC/295338/2007, 14 janvier 2009).

C. Autres plantes contenant des acides-phénols

• SOLIDAGE, Solidago gigantea AiL, S. canadensis L., Asteraceae

Le solidage est constitué des parties aériennes fleuries, séchées, entières ou frag-
mentées, de S. gigantea ou de S. canadensis ou de leurs variétés ou hybrides et/ou d'un
mélange de ces espèces. Le solidage desséché contient au minimum 2,5 % de flavo-
noïdes exprimés en hypéroside (Ph. eur., 6" éd., [01/2008:1892]).

La plante. Les solidages, originaires de l'Amérique du Nord et acclimatés en


Europe, sont des herbes vivaces, à grande tige dressée terminée par un panicule oblong
ou par une grappe de capitules floraux, très nombreux, jaunes. Ces espèces sont parfois
utilisées à des fins ornementales.
PHÉNOLS, ACIDES-PHÉNOLS 295

Les parties aériennes fleuries. La tige, arrondie, sillonnée, rougeâtre par endroits,
pubescente dans sa partie supérieure, porte des feuilles sessiles, lancéolées, à marge
découpée (8-12 cm x 1-3 cm). L'involucre des capitules est formé de bractées vert-
jaune, imbriquées. Un seul rang de fleurs ligulées jaunes et de même longueur que
l'involucre entoure des fleurs tubulées à structure radiale, au moins aussi longues que
les fleurs ligulées. L'ovaire est surmonté d'un pappus blanc à poils soyeux.
L'examen microscopique de la plante pulvérisée (hydrate de chloral) montre, entre
autres éléments, des soies des pappus constituées de poils plurisériés à cellules
allongées dont les extrémités se détachent de la surface, en formant des projections
pointues sur toute la longueur. La poudre ne renferme pas de poils multicellulaires dont
la cellule terminale peut être coudée à angle droit.
Le solidage ne renferme pas plus de 5 % d'éléments brunâtres. Les flavonoïdes,
extraits par l'acétone, sont dosés par colorimétrie (réaction avec le chlorure d'alumi-
nium en milieu acétique).

Composition chimique. Les deux espèces sont riches en acides-phénols banals,


libres, estérifiés ou glycosylés, ainsi qu'en flavonoïdes (S. canadensis, 2,4 %;
S. gigantea, jusqu'à 3,8 %), principalement des glucosides et rhamnosides du quercétol
ct du kaempférol (surtout le quercitroside chez S. gigantea [1,3 %] et le rutoside chez S.
(,([l1adensis [1,4 %D. Les solidages renferment des saponosides triterpéniques. Ce sont
des 3,28-bidesmosides de la bayogénine pouvant comporter 9 ou 10 oses: un trioside
lié en C-3 et un hexa- ou un heptasaccharide ramifié estérifiant le carboxyle en C-28 de
la génine et légèrement différents selon l'espèce, gigantea ou canadensis. D'autres
composés terpéniques sont présents: triterpènes dérivés du lupane, stérols, diterpènes
(cis-c1érodanes du S. gigantea ou labdanes et trans-c1érodanes du S. canadensis) et
huile essentielle (0,5-0,6 %) de composition toujours marquée par la présence en
quantité importante de germacrène D.

Pharmacologie. Les rares données fournies par l'expérimentation animale sont


plutôt contradictoires (diurétique? anti-inflammatoire? faiblement spasmolytique).
Cela pourrait être dû à l'utilisation d'extraits de nature différente (et non précisée), voire
de plantes différentes. Initialement, la plante a été utilisée comme substitut de la verge
d'or, sur la base des propriétés attribuées à celle-ci, et bien qu'elles ne fussent pas
démontrées. Or, sa composition est sensiblement différente (absence, entre autres, de
léiocarposide).

Évaluation clinique. Le solidage n'a pas été évalué. Plusieurs essais cliniques
placebo conduits en Allemagne tendent à établir l'efficacité d'un mélange
l'('I'SUS
d'extraits de solidage, d'écorces de frêne et de feuilles et écorces de peuplier dans le
traitement des algies rhumatismales (diminution de la dose d'anti-inflammatoires non
stéroïdiens nécessaire pour calmer la douleur).

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) recense,


dans son annexe l, le « solidage ou verge d'or, sommité fleurie ». En d'autres termes, et
comme le faisait la 10' édition de la Pharmacopée française, la Note semble considérer
296 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

solidage et verge d'or comme synonymes. La Note prévoit qu'il est possible de
revendiquer, pour cette (ces) espèce(s), les indications thérapeutiques suivantes (voie
orale) : traditionnellement utilisé 1° pour faciliter les fonctions d'élimination urinaire et
digestive; 2° pour favoriser l'élimination rénale d'eau. Si le phytomédicament à base de
« solidage ou verge d'or» est une poudre, le dossier« abrégé» d'AMM doit comporter
une étude toxicologique allégée. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée dans
les autres cas (plante pour tisane, extraits aqueux et extraits hydro-alcooliques quel
qu'en soit le titre)
En Allemagne, la seule monographie établie par la Commission E du B.fArM définit
les parties aériennes séchées de S. virga-aurea L. et celles de S. serotina Aiton (=
S. gigantea Willd.), de S. canadensis L. et de leurs hybrides. Le« solidage» ainsi défini
est utilisé comme thérapeutique de « drainage» en cas d'inflammation des voies
urinaires basses, de calculs urinaires et de lithiase rénale et en traitement préventif de
ces ces affections. Posologie: de 6 à 12 g par jour. Ce type de thérapeutique doit être
proscrit en cas d'œdème lié à une insuffisance cardiaque ou rénale. L'administration du
solidage doit s'accompagner d'un apport hydrique suffisant.

• SOLIDAGE VERGE D'OR, Solidago virgaurea L., Asteraceae

Le solidage verge d'or est constitué par les parties aériennes fleuries, séchées,
entières ou fragmentées, de Solidago virgaurea L. La verge d'or desséchée contient au
minimum 0,5 % et au maximum 1,5 % de flavonoïdes, exprimés en hypéroside (Ph.
eur.,6c éd., [0112008:1893]).

La plante. Cette herbe pérenne, qui peut atteindre 1 m de hauteur, possède des
capitules de fleurs jaunes à 6-12 fleurs ligulées périphériques groupés en une panicule
allongée. Elle est commune dans une grande partie de l'hémisphère nord. La tige est
cylindrique et striée. Les feuilles basilaires sont obovales, longuement pétiolées,
dentées en scie sur les bords alors que les feuilles caulinaires, alternes, sessiles, plus
petites, ont un bord entier ou légèrement denté. Un involucre de 2 à 4 rangées de
bractées entoure chaque capitule de 6-12 fleurs ligulées femelles, espacées, jaunes,
deux fois plus longues que les bractées, et 10-30 fleurs tubulées, hermaphrodites, jaunes.
La poudre de verge d'or, examinée au microscope (hydrate de chloral) montre
notamment des poils tecteurs coniques unisériés pluricellulaires dont certains présentent
une cellule terminale en forme d'éventail. Les cellules marginales des nombreuses soies
des pappus se chevauchent vers l'extérieur.
La verge d'or ne renferme pas plus de 5 % d'éléments de couleur brune et au
maximum 5 % d'autres éléments étrangers. Elle doit être exempte de Solidago gigantea
et de Solidago canadensis (absence de quercitroside sur la CCM d'un extrait métha-
nolique). Comme dans le cas du solidage, les flavonoïdes sont dosés par colorimétrie
(réaction avec le chlorure d'aluminium après extraction acétonique).

Composition chimique. Plusieurs catégories de métabolites sont représentées dans


la verge d'or: tanins; huile essentielle (0,1-0,5 %, y-cadinène majoritaire); diterpènes;
PHÉNOLS, ACIDES-PHÉNOLS 297

Ilavonoïdes; saponosides et acides-phénols. Une vingtaine de flavonoïdes ont été


identifiés, les principaux sont des 3-0-~-D-rutinosides du quercétol (rutoside) et du
kaempférol (nicotiflorine). Les saponosides sont des mono-, des bi-(3,28)- et des tri-
(3,l6,28)-desmosides, acylés ou non, d'un oléanène, l'acide polygalacique (virgauréa-
~aponines, solidagosaponines). Les acides-phénols sont, d'une part, des esters caféiques
(acide chlorogénique) et, d'autre part, des composés spécifiques, le léiocarposide -
diglucoside de l'ester de l'alcool salicylique et de l'acide 2,4-dihydroxy-3-méthoxy-
henzoïque (0,1-0,5 %) - et le virgauréoside A, de structure proche du précédent.

Pharmacologie. L'infusion de verge d'or favorise l'élimination de l'eau (Rat, per


os) et des extraits hydro-alcooliques sont anti-inflammatoire (id., œdème au
carraghénane,5 ml/kg) et antioxydant in vitro. Le léiocarposide possède des propriétés
diurétiques (Rat, voie IP, 25 mg/kg), anti-inflammatoires (Rat, voie SC, 200 mg/kg) et
analgésiques, mais sa résorption intestinale est très faible. Les saponosides sont
antifongiques in vitro (Candida albicans), immunostimulants et anti-inflammatoires. In
l'i/ro, un extrait de verge d'or inhibe la contraction du tissu vésical (Rat, Homme)
induite par le carbachol. Les propriétés attribuées à cette plante n'ont, semble-t-il, fait
l'objet d'aucun essai clinique publié.

Emplois. Voir, ci-dessus,« solidage ».


Au niveau européen, la monographie communautaire élaborée par l' HMPC précise
que la verge d'or (Solidago virgaurea uniquement) est utilisée, sur la seule base de son
ancienneté d'usage, pour accroître la production urinaire comme adjuvant au traitement
des troubles urinaires mineurs. Posologie (adulte et adolescent de plus de 12 ans
uniquement) : de 3 à 5 g, 2-4 fois par jour, pendant 2 à 4 semaines; peut aussi être
utilisé en extrait liquide, teinture et extrait sec. Non recommandé chez la femme
l~nceinte ou qui allaite (réf. EMEA/HMPC/285758/2007, 4 septembre 2008).

6. PLANTES À BENZOATES ET CINNAMATES : BAUMES

Les baumes sont définis comme des oléorésines renfermant des proportions
importantes d'acide benzoïque, d'acide cinnamique et de leurs esters. Il n'est donc pas
illogique de placer leur étude après celle des plantes à acides-phénols .

• BAUMIER DU PÉROU,
Myroxylon balsamum (L.) Harms, var. pereirœ (Royle) Harms
=M. pereirœ (Roy le) Klotzsch =M. peruiferum L.I, Fabaceae
Le baume du Pérou est le baume obtenu à partir du tronc scarifié à chaud de
M. balsamum var. pereirae. Il contient au minimum 45 % et au maximum 70 %
d'esters, principalement constitués de benzoate de benzyle et de cinnamate de benzyle
(Ph. eur., 6' éd., [01/2008:0754]).
Myroxylon balsamum (L.) Harms
PHÉNOLS, ACIDES-PHÉNOLS 299

Le baume, caractères et composition. L'espèce productrice est un arbre spontané


en Amérique centrale, en particulier au Salvador. Lorsque le tronc est battu et écorcé
puis, dans un deuxième temps, brûlé à l'aide d'une torche, il sécrète un exsudat
pathologique, le baume. Traditionnellement, l'exsudation est recueillie avec des
chiffons qui sont ensuite immergés dans l'eau bouillante: le baume, insoluble, est
récupéré par décantation. Une partie du baume peut être obtenue par extraction directe
des écorces.
Le baume du Pérou est un liquide visqueux brun foncé, pratiquement insoluble
dans l'eau, très soluble dans l'éthanol et non miscible aux huiles grasses, sauf à l'huile
de ricin. Le baume du Pérou n'est ni collant, ni siccatif; il ne file pas.
Le baume est identifié, entre autres, par la coloration verte que donne sa solution
alcoolique en présence de chlorure ferrique. Il ne contient ni colophane (détectable en
CCM), ni baumes artificiels (insolubilité dans l'éther de pétrole), ni huiles grasses
(limpidité d'une solution dans l'hydrate de chloral), ni térébenthine (absence d'odeur du
résidu d'évaporation de la solution éthéropétroléique). Le dosage des esters est
gravimétrique.

~o~
benzoate de coniféryle cinnamate de benzyle

Le baume du Pérou contient environ 6-8 % d'acides benzoïque et cinnamique libres


cl 50 à 60 % de « cinnaméine », mélange de benzoate et de cinnamate de benzyle, de
cinnamate de cinnamyle. Il renferme également des alcools (terpéniques et benzylique),
de la vanilline et une fraction résineuse.

Propriétés et emplois. La tradition, confirmée par l'usage, fait de ce baume un


cicatrisant ou, à tout le moins, un produit capable de créer un environnement favorable
Hli processus de réparation des tissus. C'est aussi un antiseptique. Irritant par voie orale,
il est uniquement utilisé par voie externe. C'est surtout en dermatologie que le baume du
Pérou conserve des applications: comme principe actif - ou, dans certaines spécialités,
comme excipient - , il entre dans la composition de pommades et de préparations du
même type à visée topique ou trophique et/ou antiseptique proposées dans le traitement
symptomatique des brûlures, engelures, gerçures, crevasses, érythèmes, prurits, ulcères,
dermites infectées et autres blessures mineures. Il est également utilisé pour l'obtention
de suppositoires destinés au traitement symptomatique des douleurs, prurits et
sensations congestives qui peuvent accompagner les poussées hémorroïdaires et autres
affections anales. Il demeure présent dans la formulation de préparations destinées à
êlre inhalées après dispersion dans de l'eau chaude.
En France, le baume du Pérou ne figure pas sur l'annexe 1 de la Note explicative de
l'Agence du médicament (1998).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
[ le baume du Pérou est utilisé, par voie locale, en cas de plaie infectée et de cicatrisation

1
300 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

difficile, d'ulcère de décubitus, d'ulcère des jambes, d'engelures, de brûlures liées aux
prothèses, d'hémorroïdes. Posologie: préparations contenant 5 à 20 % de baume (pas
plus de 10 % en cas d'utilisation sur une surface étendue). Une tendance prononcée à
l'allergie constitue une contre-indication. Limiter l'usage à une semaine.
Le baume est également utilisé pour la fabrication de cosmétiques et de produits
d'hygiène (savons, détergents, crèmes, lotions) et pour celle de parfums (fixateur). Il
présente l'inconvénient de pouvoir induire des dermites de contact allergiques chez
certaines personnes. Les personnes sensibles au baume du Pérou présentent des
réactions croisées avec la cannelle, les cinnamates, le benjoin .

• BAUMIER DE TOLU,
Myroxylon balsamum (L.) Harms = M. toluiferum H. B. & K., Fabaceae

Le baume de Tolu est l' oléorésine obtenue des troncs de M. balsamum (L.) Harrns
var. balsamum. Il contient de 25 à 50 % d'acides libres ou combinés, exprimés en acide ,
cinnamique (Ph. eur., 6< éd., [01/2008:1596]).

L'espèce productrice est un grand arbre qui croît spontanément en Colombie et au


Venezuela et qui est cultivé dans les Caraïbes. Le baume, pâteux et grisâtre à l'état
frais, devient en séchant dur, résineux, friable, brun rouge. Il dégage une odeur
vanillinée. Le baume ne renferme pas plus de 5 % de matières insolubles dans l'alcool.
Le dosage des acides libres (par 1'hydroxyde de sodium) est mis en œuvre après
hydrolyse des esters et extraction.
Chimiquement, le baume de Tolu est un mélange d'acides libres (acide benzoïque,
6-8 % et plus, acide cinnamique, 10-15 %) et de benzoate de benzyle, légèrement
volatil. Le baume renferme également une fraction résineuse, des carbures et alcools
mono- et sesquiterpéniques et des dérivés phénylpropaniques (eugénol, traces de
vanilline). La composition des baumes actuellement disponibles sur le marché semble
très variable.

Propriétés et emplois. Le baume de Tolu, considéré comme antiseptique et


expectorant, est utilisé par voie interne. Souvent associé au sirop simple ou au sirop
d'ipécacuanha composé (plus connu sous le nom de sirop de DESESSARTZ), il entre dans
la formulation de spécialités pharmaceutiques destinées au traitement symptomatique
de la toux au cours de diverses affections des voies respiratoires. Il est à la fois véhicule,
aromatisant et support d'une légère activité. En parfumerie, c'est un fixateur des
produits volatils.
En France, le baume de Tolu ne figure pas sur l'annexe 1 de la Note explicative de
l'Agence du médicament (1998).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BJArM précise que
le baume de Tolu est utilisé, par voie orale, en cas d'encombrement des voies
respiratoires. Posologie: 0,6 g par jour.
PHÉNOLS, ACIDES-PHÉNOLS 301

• BENJOIN DU LAOS,
Styrax tonkinensis (Pierre) Craib ex Hartwich, Styracaceae

Le benjoin du Laos est la résine obtenue par incision du tronc de S, tonkinensis. Il


contient 45 à 55 % d'acides totaux, calculés en acide benzoïque (Ph. eur., 6 c éd.,
101/2008:2158]) .

L'espèce productrice est un arbre spontané en Thaïlande, dans le nord du Vietnam


ct au nord du Laos qui, avec (peut-être) une cinquantaine de tonnes de résine par an, est
le principal producteur.
Le benjoin du Laos (ou du Siam) se présente en larmes ou en masses opaques et
granuleuses plus ou moins agglomérées, d'un blanc-jaunâtre à rougeâtre. Il dégage une
odeur caractéristique de vanilline. Broyé, il se dissout dans l'éthanol à 96c et, après ajout
de chlorure ferrique, donne une coloration verte (une coloration jaune indiquerait la
présence de Styrax benzoin = benjoin de Sumatra). Le dosage des acides totaux passe
par une saponification (KOH/éthanol) suivie de l'estimation de l'excès d'hydroxyde de
potassium.

Composition chimique. Le benjoin du Laos contient 60-80 % de benzoate de


coniféryle, 10-20 % d'acide benzoïque libre, du benzoate de p-coumaryle (10-15 %),
du cinnamate de benzyle Uusqu'à 5 %), de la vanilline (traces), des triterpènes dérivés
de l'acide oléanolique. La composition de la fraction volatile dépend de la méthode
d'obtention (benzoate de benzyle dans le produit d'hydrodistillation).

Emplois. Le benjoin est utilisé pour préparer la teinture de benjoin du Laos qui
contient au minimum 5 % d'acides totaux calculés en acide benzoïque (Ph. eur., 6' éd.,
10112008:2157]). Cette teinture est produite à partir d'une partie de baume et de cinq
parties d'éthanol (de 75 à 96 %). L'absence de benjoin de Sumatra dans la teinture est
vérifiée par CCM : absence de bandes correspondant à l'acide cinnamique et au
L'innamate de méthyle. Le benjoin du Laos ne figure pas à l'annexe 1 de la Note
l'.\plicative de l'Agence du médicament (1998). Il ne fait pas l'objet d'une monographie
de la Commission E du BtArM allemand.
Peu utilisé en pharmacie, le benjoin est antiseptique, cicatrisant, expectorant. Réservé
Il l'usage externe, il entre (sous forme de teinture de benjoin) dans la formulation de
préparations pour inhalation.
Le benjoin est surtout utilisé en formulation cosmétique, en parfumerie où il est
intéressant pour son profil aromatique propre (note « orientale») et comme fixateur des
senteurs plus volatiles, et dans l'industrie agroalimentaire, par exemple en chocolaterie .

• BENJOIN DE SUMATRA
Styrax paralleloneurum Perkins, S. benzoin Dryander, Styracaceae

Cette résine balsamique est un produit pathologique élaboré par Styrax benzoin
1)ryander et, surtout, par Styrax paralleloneurum Perkins, espèces spontanées en
302 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

Malaisie et en Indonésie. La résine, recueillie quelques mois après le gemmage,


provient de plants sauvages et d'arbres cultivés dans le nord de Sumatra: environ 1000
tonnes seraient exportées annuellement, une grosse part de la production étant, de fait,
consommée localement La résine se présente en larmes et en fragments irréguliers'
englobés dans une matrice résineuse translucide, brun-rouge. L'odeur est peu marquée,
la saveur un peu âcre. Chauffé en présence de permanganate de potassium, le benjoin
de Sumatra dégage une odeur de benzaldéhyde (oxydation de l'acide cinnamique), ce
qui le différencie du benjoin du Laos.

Composition chimique. Le benjoin de Sumatra de bonne qualité renferme jusqu'à


20% d'acide benzoïque libre (S. benzoin) et une quantité moindre d'acide cinnamique
libre. On note surtout la présence d'esters (benzoate et cinnamate de p-coumaryle,
benzoate de coniféryle) et celle de pinorésinol. S.paralleloneurum renferme essentiel-
lement des cinnamates, S. benzoin des quantités égales de benzoates et de cinnamates.
La quantité d'acides libres est inversement proportionnelle à la qualité du produit.

Emplois. Le benjoin de Sumatra ne figure pas à l'annexe 1 de la Note explicative de


l'Agence du médicament (1998). Il ne fait pas l'objet d'une monographie de la
Commission E du BjArM allemand.
Le benjoin de Sumatra est un produit essentiellement destiné à des industries autres
que l'industrie pharmaceutique: moins coûteux que le précédent, il entre dans la
composition de produits d'hygiène et d'entretien, de parfums à note « épicée ». C'est,
avant tout, un produit destiné à la fabrication d'« encens» à brûler au cours de céré-
monies rituelles (Indonésie, Inde, Chine). Le benjoin (au sens large du terme) est
également très consommé dans les pays du Maghreb.
En France et depuis une quinzaine d'années, les larmes et fragments des benjoins
sont commercialisés comme parfum d'appartement (au même titre que l'encens ou les
pots-pourris). Ils demeurent utilisés sous la forme ancienne de « papier d'Arménie».

Remarques

Les baumes produits par les Styracaceae ne doivent pas être confondus avec le
storax, baume qui s'écoule, après incision, du tronc de Liquidambar orientalis Miller
(storax du Levant, provenant de Turquie) ou de celui de Liquidambar styraciflua L.
(storax américain, storax liquide, styrax, provenant essentiellement du Honduras).
Comme le nom générique l'indique, les troncs de ces grands arbres de la famille des
Hamamelidaceae laissent exsuder, après un traumatisme, un liquide épais, grisâtre,
ambré qui renferme une forte quantité d'acide cinnamique libre et combiné, du styrène
et une fraction résineuse mal définie (oléananes). Le storax ne semble pas être utilisé en
France pour ses propriétés cicatrisantes et antiseptiques. La fraction volatile de ces
storax est, comme les baumes eux-mêmes, utilisée en parfumerie. Styrène et a-pinène
en sont les constituants majoritaires; le ~-caryophyllène caractérise le storax américain.
PHÉNOLS, ACIDES-PHÉNOLS 303

7. BIBLIOGRAPHIE
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Coumarines

1. Introduction ......................................................................................................................... .307


2. Structure chimique, classification .......................................................................................308
3. Biosynthèse ..........................................................................................................................308
4. Propriétés, extraction, caractérisation .................................................................................310
5. Propriétés pharmacologiques et emplois .............................................................................311
6. Coumarines et plantes à coumarines ...................................................................................313
coumarine ....................................................................................................................313
marronnier d'Inde, esculoside, esculétol, 4-méthylesculétol ....................................313
mélilot ......................................................................................................................... 314
piloselle ....................................................................................................................... 316
angélique ..................................................................................................................... 317
aspérule ....................................................................................................................... 3 18
7. Furanocoumarines et phototoxicité ..................................................................................... 319
principales espèces incriminées ................................................................................. 320
autres coumarines toxiques ........................................................................................ 321
8. Applications des furanocoumarines .................................................................................... 321
A. Applications médicales ..........................................................................................321
B. Autres applications, produits cosmétiques ........................................................... .322
9. Bibliographie ....................................................................................................................... .323

1. INTRODUCTION

l,cs coumarines tirent leur nom de « coumarou », nom vernaculaire de la fève tonka
(l>ipteryx odorata Willd., Fabaceae) d'où fut isolée, en 1820, la coumarine. Les
l'Ollinarines sont des 2H-l-benzopyran-2-ones que l'on peut considérer, en première
npproximation, comme étant les lactones des acides 2-hydroxy-Z-cinnamiques. Plus
d'lIl1 millier de coumarines ont été décrites et les plus simples d'entre elles sont
308 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

largement distribuées dans tout le règne végétal. Certaines familles d'Angiospermes


élaborent des structures très variées: Fabaceae, Asteraceae et, surtout, Apiaceae et il
RUfa".e ehez '''quell", wnt renoonttée, Je, molécule, le, plu. oomplexe.. I.:

2. STRUCTURE CHIMIQUE, CLASSIFICATION ,1j

En dehors de quelques rares cas, dont la coumarine elle-même, toutes les


coumarines sont substituées en C-7 par un hydroxyle. La 7-hydroxycoumarine, connue
sous le nom d'ombelliférone, est le précurseur des coumarines 6,7-di- et 6,7,8- 1
trihydroxylées. Les hydroxyles de ces coumarines simples peuvent être méthylés ou, l
cela n'est pas rare, l'un d'eux peut être engagé dans une liaison hétérosidique. La i
skimmine (7-0-glucosyl-ombelliférone), l'esculoside et la cichoriine (respectivement 6- l
~
et 7-0-glucosyl-esculétol), la scopoline et le fraxoside (glucosides du scopolétol et du
Y
fraxétol) sont particulièrement fréquents. Un élément structural commun à beaucoup de "~
coumarines est la prénylation : O-prénylation ou, c'est plus habituel, prénylation

5 4
R1 :: R3 :: H, R2 :: OH; ombelliférone
1
~

6~3 R1 :: R3 :: H, R2 :: OCH 3 ; hemiarine


7~,,~
o 0 R1 :: R2 :: OH, R3 :: H; esculétol
8 1 R1 :: OCH 3, R2 :: OH, R3 :: H; scopolétol
coumarine R1 :: OCH 3 , R2 :: R3 :: OH; traxétol

nucléaire en C-6 ou en C-8 de l'ombelliférone ou de l'herniarine (auraptène, subérosine,


osthol). Plus exceptionnellement, il peut y avoir fixation d'un reste pentacarboné sur le
C-3. La réactivité de la chaîne isoprénique en Cs' en CIO ou, plus rarement, en C,s ainsi
introduite, explique l'existence d'un grand nombre de structures dérivées (époxydées,
mono- et dihydroxylées, cyclisées, etc. : swiéténol, peucédanol). La prénylation est
également à l'origine des coumarines polycycliques, furano- et pyranocoumarines,
linéaires (ex. : psoralène, impératorine, xanthylétine, chalepensine) et angulaires (ex. :
angélicine, visnadine). Dans quelques cas, il peut y avoir formation d'un cycle
benzodioxane (ex. : obtusine, voir aussi, au chapitre suivant, les coumarinolignanes).

3. BIOSYNTHÈSE

Origine des coumarines simples

Comme les autres dérivés phénylpropaniques, les coumarines sont issues du


métabolisme de la phénylalanine via un acide cinnamique, l'acide 4-coumarique. La
spécificité du processus est l'hydroxylation en C-2 (c'est-à-dire en ortho du chaînon
tricarboné); il y a ensuite isomérisation photocatalysée de la double liaison (E->Z) et
- la réaction est spontanée - lactonisation. Dans quelques cas, rares, la glucosyla-
tion de l'hydroxyle de l'acide 2-hydroxycinnamique intervient, empêchant ainsi la
COUMARINES 309

GIC-O~

HO~OAO o

esculoside osthol subérosine

HO~H
::/ l ":
HO ~ 0 0

auraptène peucédanol

<W
o ~

O~
0 0
o~
c90 1XJO 0 0 o ~ 0 0

impératorine angélicine xanthylétine

0 ~o ~ 0 0
~: W 00
OCOCH 3
OCOCH(CH 3)CH 2 CH 3
visnadine chalepensine obliquine

Exemples de structures coumariniques

lactonisation. Dans ce cas, la coumarine ne se forme qu'après lésion des tissus et


hydrolyse enzymatique (voir, ci-dessous, le cas du mélilotoside dont l'hydrolyse
l'ngendre la formation de coumarine). La formation des di- et trihydroxycoumarines et
de leurs éthers implique préférentiellement l'hydroxylation de l'ombelliférone et non la
Ilictonisation des acides cinnamiques correspondants (caféique, sinapique).

Formation des furano- et des pyranocoumarines

L'utilisation systématique de traceurs a permis de montrer que la prénylation par le


I>MAPP du noyau benzénique, en C-6 ou en C-8 d'une 7-hydroxycoumarine, est à
l'llI'igine du cycle supplémentaire qui caractérise ces molécules. La prénylation en C-6
l'onduit aux furano- et pyranocoumarines dites « linéaires» ; lorsqu'elle intervient en C-
H. elle induit la formation des homologues «angulaires ». Dans quelques cas, et comme
dllns d'autres séries, il a été montré que le DMAPP provenait de la voie du I-désoxy-D-
xylulose.
310 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

La cyc1isation de la 6- ou de la 8-isoprénylcoumarine est vraisemblablement due à


l'attaque nuc1éophile de l'hydroxyle en C-7 sur l'époxyde fonné par oxydation de la
double liaison du chaînon isopenténylique. La résultante de cette réaction est fonction
de l'orientation de l'attaque nucléophile : formation d'une hydroxy-isopropyl-
dihydrofuranocoumarine ou, dans le cas d'une attaque sur le carbone tertiaire, d'une
hydroxydiméthyldihydropyranocoumarine. La présence, dans une seule et même
espèce d'Apiaceae, de (+ )-(R)-lomatine et de (+ )-(S)-columbianine vient d'ailleurs à
l'appui de cette hypothèse (voir schéma ci-dessous).

'l,
~~
HO~oAo HO~O~O ~ HO
::/

0-..
1 ~
0 0
ombelliférone déméthylsubérosine

H~O~datiOn
~~ ::/I~
'oo~
0-.. "A
o 0
aldol 5' 0 0-..
0 0
bergaptène marmésine

Origine biosynthétique des furanocoumarines

n~
1) 0 a HO o o

OH
o
RO
(+)-(R)-Iomatille (+)-(S)-columbianine

Le mécanisme proposé pour expliquer la formation des furanocoumarines comporte


deux étapes successives: oxydation stéréospécifique en CA' et élimination du reste
hydroxyisopropylique en C-5' par rétro-aldolisation. La ou les substitutions en C-5
(ou/et) en C-8 des furanocoumarines interviennent tardivement et sont sous la
dépendance d'oxydases et de O-méthyltransférases.

4. PROPRIÉTÉS PHYSICO-CHIMIQUES, EXTRACTION, CARACTÉRISATION

Les coumarines libres sont solubles dans les alcools et dans des solvants organiques
tels que le dioxyde d'éthyle ou les solvants chlorés avec lesquels on peut les extraire.
Les fonnes hétérosidiques sont plus ou moins solubles dans l'eau. Pour la purification,
COUMARINES 311

il est possible de jouer sur les propriétés spécifiques de la lactone : ouverture et


solubilisation en milieu alcalin, fermeture en milieu acide. Il est également possible,
dans quelques cas, de recourir à la sublimation. L'intérêt de ces deux procédés demeure
toutefois limité par le risque qu'ils présentent d'induire des altérations de la structure
originelle. Le risque de formation d'artefacts existe aussi dans le cas du recours aux
techniques chromatographiques sur supports classiques (silice), principalement pour les
coumarines acylées ; il est alors intéressant de recourir à un fractionnement sur gel aussi
bien pour les formes libres que pour les hétérosides. La chromatographie liquide semi-
préparative est largement utilisée (phases normales et inverses).
Les coumarines ont un spectre UV caractéristique, fortement influencé par la nature
ct la position des substituants, profondément modifié en milieu alcalin (KOH,
NaOCH 3). Examinées en lumière ultraviolette, les CCM de plantes à coumarines
présentent des taches dont la coloration, exaltée en présence d'ammoniac, varie du bleu
au jaune et au pourpre. Pour l'estimation quantitative de ces composés dans une plante,
il est possible d'utiliser une technique spectrofluorimétrique (après élution des taches en
CCM) ou, plus simplement, la chromatographie liquide. L'électrophorèse capillaire est
également utilisable pour séparer des coumarines ayant des structures voisines.

5. PROPRIÉTÉS PHARMACOLOGIQUES ET EMPLOIS

L'intérêt pharmacologique des plantes à coumarines est limité. L'esculosideest


présenté comme veinotonique et vasculoprotecteur. L'extrait de mélilot est un
médicament symptomatologique de l'insuffisance veinolymphatique. Certaines
/"uranocoumarines sont photosensibilisantes et, de ce fait, ont comme indication
thérapeutique principale le traitement du psoriasis. La visnadine, pyranocoumarine
isolée du khella (Ammi visnaga Lam., Apiaceae), a été autrefois extraite et
commercialisée pour ses propriétés vasodilatatrices coronariennes et présentée comme
ayant une action favorable sur les troubles de la sénescence cérébrale. La coumarine,
connue pour ses propriétés anti-œdémateuses, a fait l'objet d'études cliniques chez des
patients atteints de cancers avancés: elle est immunostimulante et développerait une
activité cytotoxique. Rapidement métabolisée au niveau du foie en 7-hydroxy-
coumarine, elle peut, rarement, induire une hépatonécrose sévère. Esculétol, fraxétol

1. Les propriétés anti-inflammatoires et analgésiques traditionnellement attribuées au frêne sont-


dies dues aux coumarines? Feuilles et écorces de l'arbre renferment aussi iridoïdes, phényléthanoïdes,
acides-phénols et flavonoïdes. La feuille de frêne - feuille séchée de Fraxinus excelsior L. ou de F.
lI.Iyphylla M. Bieb. - contient au minimum 2,5 % de dérivés totaux de l'acide hydroxycinnamique (Ph.
cur., 6' éd., [01/2008:1600]). Elle est traditionnellement utilisée pour faciliter les fonctions
d'élimination urinaire et digestive, pour favoriser l'élimination rénale d'eau, comme adjuvant des
régimes amaigrissants et dans le traitement symptomatique des manifestations articulaires
douloureuses mineures [Note Expl., 1998J. La Commission E allemande n'autorise pas l'usage de cette
espèce, son intérêt n'étant pas convenablement établi; cela étant, aucun risque n'est connu et son
utilisation dans un mélange n'est pas formellement prohibée. D'ailleurs, une spécialité contenant écorce
de frêne, solidage et peuplier est proposée en Allemagne en cas d'algies rhumatismales (cf. p. 295).
1:écorce de frêne rhynchophylle (F. rhynchophylla Hance), fait l'objet d'une monographie de la 10'
(011. de la Pharmacopée française (2007). Elle renferme au minimum 1,3 % d'esculoside.
Melilotus officinalis L.
COUMARINES 313

inhibent in vitro la formation des médiateurs de l'inflammation; ce sont aussi des


antioxydants. Selon certains auteurs, les furanocoumarines seraient responsables des
interactions entre le jus de pamplemousse et certains médicaments. Enfin, on note
qu'un petit nombre de plantes utilisées par la phytothérapie renferment des coumarines
(piloselle, angélique, frêne !,p.3!!, aspérule, etc.), mais que la relation n'a pas toujours été
établie entre la présence de coumarines dans ces plantes et l'activité que la tradition
populaire leur attribue.
Chez les plantes qui en renferment, les coumarines sont souvent des phytoalexines
ayant un rôle majeur dans les mécanismes de défense des végétaux.

6. COUMARINES ET PLANTES À COUMARINES

• COUMARINE

La coumarine elle-même a été commercialisée en France jusqu'à la fin de l'année


1996. Elle était indiquée, en dépit d'une activité pas ou peu supérieure à celle d'un
placebo, dans le traitement du lymphœdème du membre supérieur après traitement
racliochirurgical du cancer du sein (90-135 mg/j). La multiplication des cas d'hépatite
imputables à cette molécule (2-4 cas p. JO 000, en France), a conduit au retrait du
marché de la spécialité correspondante. Des cas identiques (dont un mortel) ont été
enregistrés en Suisse, en Australie, toujours avec des fortes doses. La coumarine reste
présente - il est vrai en faible quantité - dans les spécialités contenant du mélilot.
La législation française, prenant en compte la directive européenne de 1988, précise
que la teneur résiduelle en coumarine dans les denrées alimentaires et les boissons doit
être inférieure à 2 mg/kg. Dans le cas particulier des caramels et confiseries au caramel
lIinsi que dans celui des boissons alcoolisées, la limite est portée à 10 mg/kg. Elle est cie
~() mg/kg dans le cas des gommes à mâcher.
Dans les procluits cosmétiques, la présence de la coumarine doit être indiquée dans
la liste des ingrédients lorsque sa concentration est supérieure à 0,001 % (produits à ne
pas enlever) ou à 0,01 % (produits à enlever par rinçage) .

• MARRONNIER D'INDE (écorce de tige)


esculoside, esculétol, 4-méthylesculétol

L'esculoside est présent clans l'écorce de marronnier d'Inde (cf. plantes à


silponosides), mais il peut aussi être obtenu à partir d'autres espèces végétales.
('onsidérés comme vasculoprotecteurs, cet hétéroside, l'esculétol et son dérivé méthylé
(synthétiques) entrent dans la composition de spécialités qui, selon leur formulation
(llssociations avec des extraits d'hamamélis, de viburnum, de vigne rouge, etc.) sont
pl'Oposées dans le traitement des symptômes en rapport avec l'insuffisance
veinolymphatique (troubles fonctionnels, œdèmes) et/ou dans celui des troubles
Iilllctionneis liés à la crise hémorroïdaire (voie locale, associations avec l'énoxolone, la
henzocaïne, etc.).
314 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

oec
/'

~
1
OH

~
0
CH2tooH

"0 0

dicoumarol
/'

0
1 ~
/
0TO-g,C
~COOH
mélilotoside

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour l'écorce de tige ~ la graine du marronnier, les
indications thérapeutiques suivantes, par voie orale aussi bien qu'en usage local: tradi-
tionnellement utilisé 1° dans le traitement symptomatique des troubles fonctionnels de
la fragilité capillaire cutanée tels que ecchymoses, pétéchies; 2° dans les manifestations
subjectives de l'insuffisance veineuse telles que jambes lourdes; 3° dans la
symptomatologie hémorroïdaire. Si le phytomédicament à base de marronnier est une
poudre (d'écorce ou de graine), le dossier« abrégé» d'AMM doit comporter une étude
toxicologique allégée. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée dans les autres
cas (écorce ou graine pour tisane, extraits aqueux et extraits hydro-alcooliques quel
qu'en soit le titre).
En Allemagne, la Commission E du BfArM consacre trois monographies au
marronnier: à la graine, à la feuille, et à l'écorce et fleur (comme composant
caractéristique d'un mélange). La Commission ne prend en considération que la graine,
utilisée sous forme d'extrait sec ajusté à 16-20 % d'escine (voir, au chapitre
saponosides, la monographie marronnier, p. 834). Pour les autres parties de cet arbre,
elle estime que l'efficacité dans les indications revendiquées n'est pas prouvée, ce qui
ne permet pas d'en recommander l'utilisation thérapeutique .

• MÉLILOT , Melilotus officinalis (L.) Lam., Fabaceae

Le mélilot est la partie aérienne séchée, entière ou fragmentée, de M. officinalis. Il


contient au minimum 0,3 % de coumarine (Ph. eur., 6' éd., 01/2008:2120).

La plante, la partie aérienne. Commun au bord des chemins et dans les friches de
presque toute l'Europe, le mélilot est une petite plante à tige verte et finement ridée
portant des feuilles alternes trifoliolées à 2 stipules lancéolées. Les folioles (0,2 x 3 cm),
acuminées aux 2 extrémités, sont finement dentées, et garnies sur la face inférieure plus l,

pâle de poils fins et courts, notamment à la base. Les fleurs, groupées en inflorescences
racémeuses, ont un calice velu et des pétales jaunes. Les fruits sont des gousses
indéhiscentes, courtes, rétrécies à l'apex, souvent incluses dans le calice.
Examinée au microscope dans l'hydrate de chloral, la poudre de mélilot présente
des poils tecteurs uni sériés tricellulaires à cuticule verruqueuse et dont la cellule
terminale est pliée à angle droit. Cette poudre présente aussi des fragments des
différents tissus (fragments de limbe à stomates majoritairement anomocytiques à 3-6
cellules annexes, pétales à papilles, etc.). Le mélilot, dont l'identité est confirmée par
CCM (présence de coumarine et d'acide o-coumarique) ne renferme pas plus de 2 % de
COUMARINES 315

tiges d'un diamètre supérieur à 3 mm. La coumarine est dosée par chromatographie
liquide après extraction méthanolique.

Composition chimique. Le mélilot renferme des saponosides à génine tri terpénique


pentacyclique, des flavonoïdes (robinoside) et une quinzaine d'acides-phénols. Toutes
les espèces de mélilot renferment, surtout dans les feuilles jeunes, du mélilotoside,
glucoside en 2 de l'acide 2-hydroxycinnamique qui, s'hydrolysant facilement, conduit
par lactonisation à la coumarine, volatile.

Pharmacologie. L'expérimentation animale met en évidence les propriétés anti-


œdémateuses de l'extrait de mélilot qui, par ailleurs, augmente le débit veineux et le
débit lymphatique, diminue la perméabilité capillaire. La coumarine, qui n'est pas
anticoagulante, stimule le système réticulo-endothélial et le pouvoir de protéolyse des
macrophages.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour la sommité fleurie de mélilot, les indications
thérapeutiques suivantes par voie orale aussi bien qu'en usage local: traditionnel-
lement utilisé 1° dans le traitement symptomatique des troubles fonctionnels de la
fragilité capillaire cutanée tels que ecchymoses, pétéchies; 2° dans les manifestations
subjectives de l'insuffisance veineuse telles que jambes lourdes; 3° dans la
symptomatologie hémorroïdaire. Il est également possible de revendiquer, pour la seule
voie orale, trois autres indications: 1° dans le traitement symptomatique de troubles
digestifs tels que ballonnement épigastrique, lenteur à la digestion, éructations,
l1atulence; 2° comme traitement adjuvant de la composante douloureuse des troubles
fonctionnels digestifs; 3° dans le traitement symptomatique des états neurotoniques des
adultes et des enfants, notamment en cas de troubles mineurs du sommeil. La Note
admet aussi une indication pour le seul usage local: traditionnellement utilisé en cas
d'irritation ou de gêne oculaire due à des causes diverses (atmosphère enfumée, effort
visuel soutenu, bains de mer ou de piscine, etc). Si le phytomédicament à base de
mélilot est une poudre de sommité fleurie, le dossier« abrégé» d'AMM doit comporter
une étude toxicologique allégée. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée dans
les autres cas (mélilot pour tisane, extraits aqueux et extraits hydro-a1cooliques quel
qu'en soit le titre).
En pratique, et en l'absence d'une évaluation clinique solide, l'extrait de mélilot est
proposé dans le traitement des symptômes en rapport avec l'insuffisance veino-
lymphatique Gambes lourdes) et dans le traitement des signes fonctionnels liés à la crise
IH5morroïdaire. Il est souvent associé à du rutoside ou à d'autres plantes réputées pour
IIvoir une activité du même type (hamamélis, vigne rouge). Rien n'indique que ces
médicaments aient une efficacité distincte de celle, fort médiocre et au mieux
symptomatique, des veinotoniques en général.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM pour le
mélilot ne retient, pour l'usage interne, que ceux qu'elle estime liés à une insuffisance
veinolymphatique : lourdeurs et douleurs dans les jambes; crampes nocturnes des jambes,
démangeaisons et œdèmes; traitement adjuvant des thrombophlébites, des syndromes
316 COMPOSÉS PHÉNOLlQUES

post-thrombotiques, des hémorroïdes, et de la congestion lymphatique. Posologie:


plante ou préparation en quantité correspondant à 3 mg à 30 mg de coumarine par jour.
Par voie parentérale: doses équivalentes à 1 à 7,5 mg de coumarine par jour. Par voie
locale, le mélilot peut être utilisé en cas de contusions et d'hématomes superficiels.
Au niveau européen, la monographie communautaire élaborée par l' HMPC précise
que les préparations de mélilot (poudre, extraits, etc.) sont traditionnellement utilisés,
uniquement chez l'adulte, par voie orale et locale pour lever les symptômes d'inconfort
et de lourdeur des jambes liés à des troubles circulatoires veineux mineurs. Par voie
locale, elles peuvent aussi être utilisées en cas de contusion ou de foulure. Les
emplâtres au mélilot sont utilisés en cas de piqûre d'insecte. La posologie pour une
forme est telle que la dose journalière en coumarine demeure inférieure à 5 mg.
L'emploi du mélilot n'est pas recommandé au cours de la grossesse et de l'allaitement.
Des interactions médicamenteuses avec les anticoagulants ont été rapportées (réf.
EMEA/HMPC/354l77 /2007, 3 juillet 2008).

Toxicité du mélilot dans les fourrages et les ensilages. Dans certaines circonstan-
ces, le mélilot peut subir une contamination fongique qui, métabolisant la coumarine,
produit du dicoumarol anticoagulant. Cette substance diminue la synthèse de la
prothrombine et de certains facteurs de la coagulation. Il en résulte, chez les animaux
consommant foins ou ensilages avariés, des hémorragies parfois mortelles. On observe
des intoxications identiques avec une Poaceae riche en coumarine, la flouve odorante
(Anthoxanthum odoratum L.).
Pour mémoire, rappelons ici que les anticoagulants coumariniques actuellement
commercialisés ont été élaborés sur le modèle du dicoumarol.

• PILOSELLE , Hieracium pilosella L., Asteraceae

La piloselle, encore appelée épervière, est une petite plante gazonnante très
polymorphe des pelouses sèches, à feuilles ovales (1-12 x 0,5-2 cm) disposées en
rosette et couvertes de poils longs, blancs et soyeux, à tige florifère unique, velue,
terminée par un capitule jaune soufre à involucre couvert de poils glanduleux noirâtres.
On utilise la plante entière (Ph. fse, 10' éd.) qui renferme de l'ombelliférone (sous :
forme hétérosidique), des dérivés ortho-dihydroxycinnamiques - au moins 2,5 % -, i
des flavonoïdes, des triterpènes et, dans les racines, de l'inuline. Quelques études,
anciennes, attribuent à l'ombelliférone l'activité bactériostatique de cette plante qui a
constitué autrefois un traitement de la brucellose en médecine vétérinaire.
En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet qu'il est
possible de revendiquer, pour la piloselle, les indications thérapeutiques suivantes (voie
orale) : traditionnellement utilisé la pour faciliter les fonctions d'élimination urinaire et
digestive; 20 pour favoriser l'élimination rénale d'eau. Si le phytomédi-cament à base
de piloselle est une poudre de plante entère, le dossier « abrégé» d' AMM doit
comporter une étude toxicologique allégée. Aucune évaluation toxicologique n'est
demandée dans les autres cas (plante pour tisane, extraits aqueux et extraits hydro-
alcooliques quel qu'en soit le titre).
COUMARINES 317

La piloselle ne fait pas l'objet d'une monographie de la Commission E du BfArM


allemand .

• ANGÉLIQUE OFFICINALE, Angelica archangelica L., Apiaceae

La racine d'angélique est constituée par le rhizome et la racine, entiers ou frag-


mentés, soigneusement séchés d'A. archangelica L. (Archangelica officinalis Haffm).
Elle contient au minimum 2 ml/kg d'huile essentielle (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:1857]).

La plante. L'angélique est une plante herbacée robuste pouvant dépasser 2 m de


hauteur, bisannuelle ou trisannuelle. La tige cannelée porte des feuilles de grande taille
(90 cm), au limbe profondément découpé. Les jeunes inflorescences terminales sont
enveloppées par une gaine renflée et striée formée par l'élargissement du pétiole des
feuilles supérieures. Les fleurs, jaune verdâtre, sont groupées en ombelles composées,
globuleuses. Toute la plante dégage une odeur caractéristique.

Le rhizome, les racines. Le rhizome, brun-gris ou brun-rouge, à épaississements


annulaires, porte des racines creusées de sillons longitudinaux, souvent avec des arêtes
circulaires incomplètes transversales. En coupe, une écorce blanc-gris lacuneuse à
structure radiée entoure un bois jaune vif à jaune-gris.
Examinée au microscope dans l'hydrate de chloral, la poudre de racine présente
notamment des fragments de grands canaux sécréteurs brun-jaune et, dans le glycérol à
~O %, de nombreux grains d'amidon simples de 2 à 4]lm de diamètre.
La racine d'angélique ne doit contenir ni plus de 5 % de bases de feuilles et de tiges,
ni plus de 5 % de fragments décolorés, ni plus de 1 % d'autres éléments étrangers. Elle
ne renferme pas de racine de livèche (examen des fluorescences en CCM).

Composition chimique. La racine d'angélique peut renfermer jusqu'à 6 ml/kg


d'huile essentielle riche en carbures (~- et a-phellandrènes, a-pinène, ~'-carène, ~­
bisabolène) et caractérisée par la présence de lactones macrocycliques (15-
pentadécanolide, 13-tridécanolide, l2-méthyl-13-tridécanolide, 17-heptadécanolide,
Illllscolide). Les racines sont 2,5 fois plus riches que la souche. La souche radicante
renferme aussi de très nombreuses coumarines: simples, furaniques et hydroxy-
isopropyldihydrofuraniques, linéaires et angulaires (osthénol, osthol, ombelliférone,
bergaptène, xanthotoxine, angélicine, archangélicine, marmésine, ostruthol, impéra-
torine, oxypeucédanine, isopimpinelline, phellopterine, etc.).

Pharmacologie, évaluation clinique, toxicité. L'huile essentielle est spasmolytique


(organe isolé) et antibactérienne. Aucune étude clinique ne valide les indications
traditionnelles de cette plante. Les furanocoumarines sont responsables de la
phototoxicité de la plante, de la racine d'angélique et de ses préparations.

Emplois. En France, la Note explicative de l'(ex)-Agence du médicament (1998)


IIdmet qu'il est possible de revendiquer, pour lefruit et la souche radicante d'angélique,
318 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

les indications thérapeutiques suivantes: traditionnellement utilisé 10 dans le traitement


symptomatique de troubles digestifs tels que ballonnement épigastrique, lenteur à la
digestion, éructations, flatulence; 2 0 comme traitement adjuvant de la composante
douloureuse des troubles fonctionnels digestifs. Aucune évaluation toxicologique n'est
demandée pour la constitution d'un dossier« abrégé» d'AMM (poudre, fruit ou souche
pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la Commission E du BfArM précise que la racine (racine et
rhizome) peut être utilisée en cas de perte d'appétit, de spasmes modérés du tractus
gastro-intestinal, de flatulence. Posologie: (a) racine, de 4 à 5 g par jour; (b) extrait
fluide (l: 1), de 1,5 à 3 g par jour; (c) teinture (l :5), 1,5 g par jour; (d) huile essentielle,
de 10 à 20 gouttes par jour. Précautions d'emplois: l'exposition prolongée au soleil ou à
une irradiation UV doivent être évitées pendant toute la durée du traitement.
La même Commission E a estimé que l'activité des fruits n'est pas démontrée, pas
plus que celle des parties aériennes. En conséquence, et compte tenu du risque, leur
utilisation en thérapeutique n'est pas recommandée.
Les pétioles et les jeunes tiges confits sont utilisés en pâtisserie. L'huile essentielle
est une matière première pour la liquoristerie.

Autres angéliques
Les angéliques sont largement utilisées en Orient. Cela est en particulier le cas, en
République Populaire de Chine, de A. dahurica (Fisch. ex Hoffm.) Benth. & Hook.f.
dont la racine séchée (baizi) est réputée antipyrétique et analgésique (céphalées, algies
dentaires). Cela est aussi celui de A. sinensis (Oliv.) Diels (danggui) qui, selon la
tradition, serait utile en cas de problèmes gastriques, du fait de ses propriétés
antispasmodiques. Cette espèce, riche en phtalides, polysaccharides et acide férulique,
pourrait aussi améliorer les fonctions pulmonaires en cas de bronchopathie, diminuer
les symptômes liés à la ménopause et être utile en cas de syndrome prémenstruel. Il
n'existe pas de preuve de bon niveau pour valider ces indications découlant de l'usage
traditionnel (le seul essai randomisé versus placebo et en double insu publié n'a pas
validé les effets sur les symptômes vasomoteurs de la ménopause).
Au Japon, c'est surtout A. acutiloba (Sieb. & Zucc.) Kitag. qui est utilisée .

• ASPÉRULE ODORANTE, Galium odoratum (L.) SCop., Rubiaceae

La partie utilisée de l' aspérule est constituée par la partie aérienne séchée de
Asperula odorata L. (synonyme) (Ph. fse., 10' éd.)
L'aspérule est caractérisée par des tiges verdâtres quadrangulaires portant, à chaque
nœud, deux feuilles acuminées (2-4 x 0,5-1 cm), luisantes, à bord rude au toucher,
accompagnées de 4 à 6 stipules identiques aux feuilles (d'où l'aspect verticillé). Les
fleurs (0,3 cm), blanc jaunâtre, ont une corolle en entonnoir, à quatre lobes. Les fruits
sont globuleux, verts et hérissés de poils crochus.
La plante est identifiée par ses caractères microscopiques (épiderme à cellules
lobées, poils tecteurs en forme d'épine ou très longs et à extrémité crochue, etc.) et par
l'analyse, en CCM, d'un extrait méthanolique (mise en évidence des coumarines).
COUMARINES 319

La plante sèche, caractérisée par sa fine odeur de foin, contient environ 1 % de


coumarine formée à partir du mélilotoside par hydrolyse, isomérisation et cyclisation.
On note aussi la présence d'iridoïdes (aspéruloside, monotropéine, etc.) et d'une faible
quantité d'huile essentielle

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour les parties aériennes de l'aspérule odorante, les
indications thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 1° dans le
traitement symptomatique de troubles digestifs tels que ballonnement épigastrique,
lenteur à la digestion, éructations, flatulence; 2° comme traitement adjuvant de la
composante douloureuse des troubles fonctionnels digestifs; 3° dans le traitement
symptomatique des états neurotoniques des adultes et des enfants, notamment en cas de
troubles mineurs du sommeil. Si le phytomédicament à base d'aspérule odorante est
une poudre de parties aériennes, un extrait hydro-alcoolique de titre alcoolique> 30 %
ou une teinture, le dossier« abrégé» d'AMM doit comporter une étude toxicologique
allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour la plante pour tisane, les extraits aqueux et les
cxtraits hydro-alcooliques de titre inférieur à 30 %.
En Allemagne, la Commission E du BfArM ne recommande pas l'emploi de
l'aspérule dans un but thérapeutique, son efficacité n'étant pas démontrée.

7. FURANOCOUMARINES ET PHOTOTOXICITÉ

La capacité que possèdent diverses espèces végétales, indigènes ou exotiques, à


provoquer une hyperpigmentation cutanée transitoire est connue depuis longtemps: on
dit que le jus de l'Ammi visnaga L. (Apiaceae) était utilisé par les Égyptiens pour
crfacer les manifestations du vitiligo et que la médecine ayurvédique employait, dans le
même but, les graines d'un Psoralea (Fabaceae). On sait aussi que ces espèces (et
d'autres) peuvent être à l'origine d'une dermite aiguë, parfois accompagnée par la
formation de vésicules qui évoluent, par coalescence, en de larges bulles. Dans nombre
dc cas, il apparaît ensuite une hyperpigmentation qui peut persister longtemps (dermite
cn breloque). En l'absence de traitement spécifique, il convient de mettre en œuvre un
traitement symptomatique (compresses froides, éventuellement corticoïdes). Ces
IIccidents cutanés sont l'expression d'une phototoxicité : ils surviennent toujours après
1111 contact avec la plante ou le produit, suivi par une exposition à la lumière solaire; ils
sont favorisés par l'humidité.

Les constituants phototoxiques, communs à toutes ces espèces, sont des furano-
~'oumarines linéaires: psoralène, bergaptène (= 5-méthoxypsoralène = 5-MOP) et
xlIl1thotoxine (= xanthotoxol = 8-MOP); les furanocoumarines angulaires ne sont que
flliblement phototoxiques (pimpinelline, angélicine). Il a été montré que les
l'lInlnocoumarines linéaires peuvent donner lieu à des cyc1oadditions sur les carbones
('-:\, CA et/ou CA', C-5' avec les bases pyrimidiques de l'ADN (préférentiellement
IIVCC la thymine, secondairement avec la cytosine). Ces cyc1oadditions peuvent être
Illono- ou bifonctionnelles et, dans ce dernier cas, établir des liaisons croisées entre les
320 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

paires de bases des acides nucléiques et, ainsi, induire des lésions du génome. Il est
possible que ces propriétés aient un rapport avec la phototoxicité dont le mécanisme
reste à élucider; la stabilisation de l'intercalation entre les brins d'ADN explique la
mutagénicité et la cancérogénicité.

R1 =R2 =H : psoralène
R1 =OCH 3, R2 = H: bergaptène
R1 =H, R2 =OCH 3: xanthotoxine

R1 = R2 = H : angélicine
R1 =R2 =OCH 3 : pimpinelline

.Principales espèces incriminées

Elles appartiennent toutes, au moins pour ce qui concerne les espèces européennes
et si l'on excepte le figuier, Ficus carica L. (Moraceae), soit à la famille des Apiaceae,
soit à celle des Rutaceae.
Le plus souvent, il s'agit d'espèces cultivées et les dermites observées le sont chez
des agriculteurs ou des employés des industries de transformation. Sont ainsi considérés
comme phototoxiques par contact: l'angélique, le céleri, le persil, la livèche et les
nombreuses espèces du genre Citrus. D'autres espèces sont parfois en cause, soit du fait
de leur présence dans notre environnement naturel (c'est par exemple le cas de la
grande berce, Heracleum sphondylium L., du panais, Pastinaca sativa L. ou de la rue,
Ruta graveolens L.), soit parce qu'elles sont cultivées à des fins ornementales comme,
par exemple, les variétés horticoles du dictame blanc ou fraxinelle (le buisson ardent de
la Bible, Dictamnus albus L.) ou encore la berce du Caucase (Heracleum mantegaz-
zianum Sommier & Levier).
Les risques de phototoxicité liés aux produits utilisés dans les produits cosmétiques
et qui comportent dans leur formulation des huiles essentielles de Citrus (en particulier
ceux à base de bergamote) est maintenant limité du fait de la réglementation (voir ci-
après, p. 322). L'utilisation directe de ce type d'huile essentielle peut, elle, entraîner des
désagréments marqués. Il en est de même avec certaines plantes parfois recherchées
COUMARINES 321

pour leurs supposées vertus médicinales 2. Cela étant, les risques de phototoxicité après
ingestion sont très limités: on se méfiera toutefois du céleri qui peut être, rarement il est
vrai, à l'origine de manifestations phototoxiques, notamment chez des patients traités
simultanément par PUVAthérapie .

• Autres coumarines toxiques

Certaines coumarines biosynthétisées par des champignons inférieurs sont


loxiques : c'est le cas des aflatoxines cancérogènes. Ces toxines polycycliques,
biosynthétiquement issues d'un déca-acétate, sont élaborées par diverses souches
d'Aspergillus qui se développent, lorsque les conditions de température et d'humidité le
permettent, au cours du stockage de matières végétales, en particulier des arachides.
Leur absence doit être soigneusement vérifiée dans les produits destinés à
l'alimentation animale (tourteaux) et humaine (huile, lait, beurre).
Ce sujet débordant les limites fixées au présent ouvrage, on se reportera aux
Ilombreux articles et monographies parus sur ces mycotoxines.

8. APPLICATIONS DES FURANOCOUMARINES

A. Applications médicales

Les propriétés photodynamisantes des furanocoumarines les font utiliser en


l'UV Athérapie : traitement photochimiothérapique du psoriasis, du vitiligo et d'autres
affections dermatologiques (mycosis fungoïde, lymphomes T cutanés, lichen plan,
pelade décalvante, photodermatoses, mastocytose cutanée, dermatite atopique). Cette
lechnique consiste à administrer, en général par voie orale, la furanocoumarine
(0,6 mg/kg de 8-méthoxypsoralène [= méthoxalène]) et, deux ou trois heures après, à
procéder à une exposition au rayonnement d'une lampe UV émettant dans la zone des
lJV longs (320-380 nm). Les expositions au rayonnement, d'abord de courte durée (1-3
J/cm'), sont augmentées progressivement jusqu'à 6-8 J/cm', habituellement 3 séances par
semaine; un résultat est généralement obtenu, pour un psoriasis vulgaire, en une
vingtaine de séances. Un traitement local est possible (ex. : en cas d'insuffisance
hépatique), mais il doit être conduit avec la plus grande prudence. La PUVAthérapie est
contre-indiquée chez la femme enceinte et l'enfant, en cas d'affections cutanées
aggravées par le soleil et en cas d'insuffisance rénale ou cardiaque. Cette thérapeutique
Il'est pas sans risques: troubles digestifs, vertiges, céphalées, sécheresse cutanée,
photosensibilisation (érythème, œdème, prurit, d'où la nécessité d'éviter les surex-
positions: vêtements couvrants, écrans) et, plus tardivement, vieillissement accéléré du

2. En 2001, deux cas d'effets cutanés indésirables graves ont été rapportés en relation avec la
prise d'une préparation médicinale chinoise contenant des fruits d'une Fabaceae, Psoralea corylifolia
1... riches en furanocoumarines. Un accident du même genre a été relaté, la même année, après une
('xposition solaire consécutive à une aromathérapie par massage à l'huile essentielle de bergamote.
322 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

cristallin (port de lunettes pendant et dans les heures suivant le traitement), vieillissement
cutané et troubles pigmentaires. Lorsqu'elle est utilisée au long cours, la PUVAthérapie
augmente le risque d'apparition de cancers: les études les plus récentes confirment
qu'elle peut induire carcinome spinocellulaire aussi bien que mélanome, et ce de
nombreuses années après le début du traitement. Les spécialistes estiment toutefois que,
sous réserve de limiter le nombre d'indications recevables, de ne pas traiter (sauf
exceptions) les sujets jeunes et les phototypes clairs, de prendre en compte les
traitements antérieurs et d'assurer un contrôle du nombre des séances et des doses
délivrées (maximum 1 500 J/cm2 cumulés), la PUVAthérapie reste utilisable, notamment
en cas de formes sévères et résistantes de psoriasis, parfois invalidantes pour les patients.
Comme les traitements médicamenteux par voie générale (méthotrexate, ciclosporine,
anti-TNF-alpha, etc.) les furanocoumarines sont généralement proposées en dernier
recours, après les traitements en application cutanée, privilégiés en première intention.

B. Autres applications: produits cosmétiques

Les produits naturels tels que 1'huile essentielle de bergamote ont longtemps été
utilisés comme photodynamisants dans les produits solaires. Ils augmentent le nombre
de mélanocytes et accroissent la production de mélanine par ceux-ci; c'est à ce titre
qu'ils assurent une meilleure protection contre les radiations ultraviolettes. Toutefois,
leur utilisation dans les produits de bronzage aussi bien que dans les produits
cosmétiques n'est pas sans risque: l'apparition des manifestations liées à la
phototoxicité n'est pas exceptionnelle. Cette réaction phototoxique est influencée par de
nombreux facteurs: type de peau, hydratation de la peau, intervalle de temps qui
s'écoule entre l'application des produits contenant les furanocoumarines et l'irradiation,
durée et fréquence des irradiations. Un facteur déterminant dans l'apparition des
dermites est le véhicule employé: pour une même dose, les solutions huileuses (ou les
émulsions huile/eau) n'induisent pas de réactions alors que les solutions alcooliques
favorisent la pénétration et provoquent la phototoxicité.
L'implication démontrée des furanocoumarines dans la genèse de cancers cutanés a
conduit à s'interroger sur le bien-fondé de leur utilisation dans les crèmes solaires et
autres produits. Actuellement, en application des directives européennes, les
furanocoumarines (8-méthoxypsoralène, 5-méthoxypsoralène) figurent sur la liste des
substances qui ne peuvent entrer dans la composition des produits cosmétiques, sauf
teneurs normales dans les essences naturelles utilisées. Dans les crèmes solaires et les
produits bronzants, les furanocoumarines doivent être en quantité inférieure à 1 mglkg
(cf. Directive du 27 juillet 1976, texte consolidé, 2006; 1976L0768-FR-03.10.2006,
http://www.sante.gouv.fr/htrnldossiers/cosmetiques/pdf/dircosmconsol03 .pdf).

Remarque: 3-aryl- et 4-aryl-coumarines

Les 3-arylcoumarines sont, biosynthétiquement, des isoflavonoïdes (voir ce terme,


p. 411). L'origine biosynthétique des 4-aryl-coumarines demeure hypothétique: ce ne
COUMARINES 323

sont ni des dérivés d'un acide cinnamique 2-hydroxylé, ni ceux d'isoflavonoïdes. Il est
vraisemblable qu'elles sont formées, comme les néoflavènes, par condensation d'un 1-
phénylpropane sur un arène issu de la condensation d'un polyacétate. Souvent qualifiées
de « néoflavonoïdes » elles seront envisagées ultérieurement pour tenir compte de leur
origine biosynthétique mixte. Les 3-arylcoumarines et les coumestanes sont pour leur
part des isoflanonoïdes.

9. BIBLIOGRAPHIE

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Lignanes, néolignanes,
et composés apparentés

1. Généralités ............................................................................................................................ 325


2. Origine biosynthétique ........................................................................................................ .328
3. Intérêt biologique des Iignanes ........................................................................................... .329
4. Plantes à Iignanes et composés apparentés ........................................................................ .333
podophylle ................................................................................................................. .333
chardon-Marie ............................................................................................................ 336
chaparral ...................................................................................................................... 338
Hypoxis ...................................................................................................................... .339
Schisandra ................................................................................................................. .340
5. Bibliographie ....................................................................................................................... .341

1. GÉNÉRALITÉS

Dans l'état actuel des connaissances, il est possible de distinguer quatre groupes de
composés dont la formation implique la condensation d'unités phénylpropaniques :
lignanes, néolignanes, « oIigomères » et norlignanes. De plus, il est d'usage courant de
rattacher à cet ensemble les lignoïdes ou lignanes hybrides.
Le terme de lignane désigne habituellement des composés dont le squelette résulte
de l'établissement d'une liaison entre les carbones ~ des chaînes latérales de deux
unités dérivées du I-phénylpropane (liaison 8-8'). On dit aussi que ce sont des dimères
d'alcools ou d'acides cinnamiques.
Les néolignanes sont également des produits de condensation d'unités phényl-
propaniques, dimères d'allyl- ou de propénylphénols dont la liaison, variable,
n'implique au maximum qu'un seul carbone ~ (liaison 8-3',8-1',3-3',8-0-4', etc.).
Sylibum marianum L.
LlGNANES, NÉOLIGNANES 327

Le terme, impropre, d'oligomères, désigne des néolignanes résultant de la


condensation de trois ou quatre unités phénylpropaniques (ex. : sesquinéo- et
dinéolignanes des graines de bardane, acide lithospermique).
Les norlignanes, presque tous décrits chez les Gymnospermae, ont un squelette en
C 17' Le dernier groupe est constitué par des « lignoïdes » encore appelés lignanes
hybrides, dénomination qui souligne leur origine biosynthétique mixte: flavano-
lignanes du chardon-Marie ou de Hydnocarpus sp., coumarinolignanes de diverses
Simaroubaceae, xantholignoïdes tels que la kielcorine du millepertuis.
Chez les lignanes proprement dits, il est habituel de distinguer six groupes
structuraux fondamentaux. Les plus simples sont des dibenzylbutanes (liaison 8-8' : 1)
9'

os ~
-:?'
~

-:?'I
~I ~

2a 2b

~o -:?'I
~

3
~ -:?'I
~

4a
~o
-:?'
-:?'I
~

4b

~
~

2c

Principaux types
~ /;
""
/
0

de lignanes. 5 6

Exemples de structures de néolignanes.


328 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

qui, par cyc1isation, peuvent engendrer trois types de lignanes monofuraniques


(cyc1isation 9-0-9',7-0-9', ou 7-0-7' : 2 a-c) et des butyrolactones : 3. La cyc1isation;\
peut impliquer un carbone aromatique (arylnaphtalènes : 4 a-b) ou deux (dibenzo- .1
cyc100ctanes : 5). La double cyc1isation 7-0-7' et 9-0-9' conduit aux lignanes furano- j
furaniques : 6. Pour chaque type de lignane, le degré d'oxydation varie, aussi bien sur :1
les noyaux que sur les chaînes latérales. Quelques lignanes peuvent ne pas être oxydés i
en C-9(C-9'). Chez les néolignanes, les nombreuses possibilités de couplage se ~
traduisent par une plus grande diversité structurale (voir tableau, p. 327).
La distribution botanique des lignanes est large : plusieurs centaines de composés
ont été isolés dans environ soixante-dix familles. Chez les Gymnospermae, ils sont ~
surtout rencontrés dans les bois alors que chez les Angiospermae ils ont été identifiés ,~
dans tous les tissus. Les néolignanes semblent avoir une distribution plus restreinte; ils
sont particulièrement fréquents chez les Magnoliales et les Piperales, ordres par ailleurs
caractérisés par la présence fréquente de propényl- et d'allyl-phénols.

2. ORIGINE BIOSYNTHÉTIQUE

Les données expérimentales sont incomplètes et l'on ne peut donc présenter, sauf
pour quelques molécules particulières, que des hypothèses partiellement vérifiées. Les
lignanes étant optiquement actifs, ils résultent d'un couplage stéréospécifique enzymo-
catalysé (cela a d'ailleurs été démontré chez des Forsythia spp.). En théorie, il est
possible de concevoir que l'oxydation d'un précurseur, par exemple l'alcool coniféry-
lique conduit à un radical qui peut exister sous quatre formes mésomères (cf. schéma)

R
OCH 3
CH 3 0
o
OCH 3
o Œ]
LlGNANES, NÉOLIGNANES 329

ce qui, en théorie, implique un grand nombre de couplages possibles parmi lesquels


cinq sont fréquents (8-8' , 8-1' , 8-3' , 8-0-4' , 3-3'). Dans le cas des néolignanes, les
radicaux impliqués dans les couplages dérivent des allyl- et propénylphénols.
Logiquement, la condensation de deux radicaux doit conduire à une méthide-quinone
qui peut subir ensuite un retour à l'aromaticité induisant, le plus souvent, une
cyclisation (ex. : furanofuranes, dihydrobenzofuranes). Dans de très nombreux cas
J'intermédiaire peut aussi être hydroxylé.

OH OH

OH

"
alcool coniférylique
O:0H
O,,::~' ~ NADPH
1
0 0:
OH

xft CH3oX),::8" '"


1 OCH 3
OCH,
CH 3 0 '-'::
1 OH
1 (+)·pinorésinol
HO ~ HO ~

((+)·Iaricirésinol
OH
OH
HO HO
NADPH NADP+

(-)·sécoisolaricirésinol (-)·matairésinol
OH OH
Biogenèse des lignanes : exemple du matairésinol

3. INTÉRÊT BIOLOGIQUE DES LIGNAN ES

Chez les plantes, lignanes et néolignanes jouent sans doute un rôle important pour
Jeur défense: des propriétés antibactériennes, antifongiques et antinutritives ont été
décrites pour de nombreuses molécules de ce groupe.

A- Intérêt thérapeutique
De nombreux lignanes - aryltétrahydronaphtaléniques et dibenzocyclo-octa-
niques (steganacines) pour la plupart - possèdent des propriétés cytostatiques ou
330 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

antitumorales établies in vitro ou in vivo. C'est aussi le cas de quelques dérivés


dihydrobenzofuraniques et cyclopentabenzofuraniques (néolignanes). À ce jour, seuls
les dérivés hémisynthétiques de la podophyllotoxine font (ou ont fait) l'objet d'une
exploitation dans un but thérapeutique (téniposide, étoposide, étopophos). Parmi les
composés apparentés aux lignanes, les flavanolignanes des akènes du chardon-Marie
leur confèrent des propriétés hépatoprotectrices démontrées in vitro et chez l'animal; à
ce titre, ils entrent dans la formulation de spécialités disponibles en Europe.
Par ailleurs, la médecine chinoise utilise plusieurs plantes à lignanes, notamment des
Schisandraceae (fruits de Schisandra chinensis [Turcz.] Baillon utilisés dans le traite-
ment d'hépatopathies d'origines diverses, racines et tiges de Kadsura coccinea [Lem.]
A.C. Smith dans celui de l'arthrite rhumatoïde), mais aussi une Piperaceae, Piper
futokadsura Sieb. & Zucc., dont les néolignanes et lignanes tétrahydrofuraniques sont
respectivement des inhibiteurs spécifiques du PAF (Platelet Activating Factor), de la
dégranulation des polynucléaires neutrophiles et de la production d'oxyde d'azote par
des macrophages activés par le lipopolysaccharide ou l'interféron-y, ce qui justifierait la
réputation d'antiallergique et d'anti-inflammatoire de cette plante lianescente.
D'autres molécules, lignanes et néolignanes, offrent des potentialités intéressantes
dans divers domaines: inhibition d'enzymes, en particulier des phosphodiestérases de
l'AMPc et du GMPc par des arylnaphtalènes synthétiques potentiellement anti-
asthmatiques, des cyclooxygénases COX-l et 2 (taiwanine C), ou encore de la 5-lipo-
xygénase et de la biosynthèse des leucotriènes Uusticidine E ) ; effets inhibiteurs sur la
production de TNP-a (lignanes du Coptis japonica); interactions avec les MAP-kinases
(arctigénine); activité antiagrégante plaquettaire du syringarésinol; activité antagoniste
calcique de la trachélogénine; activité antihypertensive du bis ~-D-glucoside de (+)-
pinorésinol; activité antivirale de dérivés de l'acide nordihydroguaiarétique (NDGA) de
l 'arctigénine et de divers benzocyclooctadiènes; activité antifongique et antiprotozoaire
de la justicidine B ; potentialisation de l'action insecticide des pyréthrines par les'
furanofuranes de l'insaponifiable de l'huile de sésame; propriétés antioxydantes de
nombreux représentants de la série, etc. Divers néolignanes constituent des modèles
intéressants: dihydrobenzofuranes potentiellement antitumoraux ou antiangiogéniques,
8-0-4' -néolignanes leishmanicides de Virola, etc.
OCH 3

o (x
,,'"~
l O-Glc

OCH 3

OCH 3
o
CH30:yH,~:"""H
, \\
1/
0 H
kadsurénone Glc-O (+)-syringarésinol
OCH 3 di-()'~-D-glucoside

B- Entérolignanes, alimentation et santé


Le terme d'entérolignane désigne deux molécules, l'entérodiol {2,3-bis[(3-
hydroxyphenyl)methyl]-l ,4-butanediol} et l' entérolactone {trans-dihydro-3,4-bis[(3-
hydroxyphenyl)methyl]-2(3H)-furanone} qui sont issues de la dégradation, par la flore
LlGNANES, NÉOLlGNANES 331

intestinale de l'Homme, de certains lignanes présents dans les végétaux. Les principaux
précurseurs de l'entérodiol et de l' entérolactone sont les diglucosides du sécoiso-
laricirésinol et du matairésinol. On a également impliqué, plus récemment, le
pinorésinol et le laricirésinol. La principale source alimentaire de sécoisolaricirésinol
est la graine du lin dont certains cultivars peuvent en contenir jusqu'à 3 %. On en
trouve aussi, en moindre proportion, dans la graine de sésame. Cette substance et les
autres lignanes sont également présents en très faible quantité dans le seigle, les
enveloppes des céréales, le thé et certains fruits et légumes (ail, brocoli, fraise, etc.).
Bien que les tables de composition en lignanes des aliments soient encore incomplètes,
on estime que l'alimentation occidentale pourrait en apporter jusqu'à 1 mg/jour (en
moyenne). Les doses ingérées varient toutefois fortement en fonction des habitudes, les
gros consommateurs de fruits, légumes et céréales en ingérant le plus (remarquons que
ceux-ci ingèrent aussi moins de viande et plus de micronutriments variés, d'où une
difficulté supplémentaire pour l'interprétation des études épidémiologiques).

Entérolignanes et ménopause. L'entérodiol et l'entérolactone, contrairement à


leurs précurseurs, ne possèdent qu'un seul hydroxyle phénolique en meta sur leurs
cycles aromatiques (comme la génistéine et l'estradiol). Comme la génistéine et
d'autres isoflavones (cf. p. 414), les entérolignanes présentent une affinité faible pour
les récepteurs aux œstrogènes. Comme les isoflavones, ce sont des «phytoestrogènes »,
des « modulateurs des récepteurs aux œstrogènes» qui, au moins expérimentalement in
vitro et chez l'animal, exercent des effets œstrogéniques. Chez la femme par contre, les
essais cliniques randomisés versus placebo en double aveugle n'établissent pas que la
consommation de graines de lin modifie sensiblement les symptômes vasculaires liés à
la ménopause, pas plus qu'elle ne modifie la densité minérale osseuse (du moins à court
terme).

Entérolignanes et cancer. Les données obtenues in vitro et celles recueillies chez


les rongeurs ont montré un effet antitumoral des lignanes du lin, effet pour lequel
plusieurs mécanismes ont été envisagés (interaction au niveau des récepteurs
hormonaux, effet antioxydant, inhibition de l'aromatase).
Par contre, les études épidémiologiques chez l'humain, que ce soit des études cas-
témoins rétrospectives ou des études prospectives (toutes, le plus souvent, de faible
effectif), ont conduit à des résultats contradictoires qui ne permettent pas d'affirmer de
façon définitive qu'il existe une corrélation entre consommation de lignanes et
incidence du cancer du sein. Une vaste étude menée par interrogatoire chez 58 000 fem-
mes ménopausées (suivi moyen 7,7 années) et publiée en 2007 a cependant constaté
une réduction du risque statistiquement significative (RR = 0,83, IC95 : 0,71-0,95) pour
les cancers du sein hormono-dépendants. Il n'y a pas non plus de résultat tranché en ce
qui concerne le cancer de la prostate et l'on n'a pas noté de corrélation entre le taux
d'entérolactone sérique et l'incidence du cancer de l'endomètre. Aucun essai clinique
prospectif d'intervention évaluant l'effet des lignanes sur la survenue du cancer du sein
(par exemple avec les graines de lin) n'a été publié à ce jour (01/2009).
Podophyllum peltatum L.
LIGNANES, NÉOLIGNANES 333

4. PLANTES À LlGNANES ET COMPOSÉS APPARENTÉS

.PODOPHYLLE, Podophyllum peltatum L., Berberidaceae

La résine du rhizome de podophylle, traditionnellement utilisée comme laxatif


stimulant, est une source de podophyllotoxine. Ce !ignane antimitotique est extrait de
diverses sources pour être transformé en dérivés semisynthétiques antinéoplasiques, le
téniposide, l'étoposide et le phosphate d'étoposide. Les spécialités à base de podo-
phyllotoxine et de ses dérivés sont inscrites sur la liste 1.

La plante, le rhizome. Cette petite plante, vivace par un rhizome, possède une tige
aérienne d'une trentaine de centimètres terminée par deux feuilles opposées et
palmatilobées à l'aisselle desquelles est insérée une fleur, solitaire, 3-mère, blanche.
L'espèce est spontanée dans les forêts humides et ombragées de l'est des États-Unis
d'Amérique et du Canada. Le rhizome, coupé en fragments brun rougeâtre (5-20 x 0,5
cm), présente des nœuds sur lesquels apparaissent les cicatrices d'insertion des tiges
aériennes et celles, plus petites et nombreuses, des racines. L'examen microscopique
révèle la présence de cellules à résines, de prismes d'oxalate de calcium et de grains
d'amidon. La morphologie et, surtout, la taille de ces divers éléments permettent de
distinguer P. peltatum et P. hexandrum.

Composition chimique. Le rhizome renferme de 3 à 6 % de résine. Connue autrefois


sous le nom de podophylline, cette résine peut être obtenue par dilution d'un extrait
alcoolique dans l'eau éventuellement acidifiée: elle précipite, est recueillie, puis
séchée. Les constituants principaux de la résine sont des l-aryltétrahydronaphtalènes :
podophyllotoxine (20 %), (X- et ~-peltatines (respectivement 5 et 10 %), désoxypodo-
phyllotoxine et dérivés voisins; certains de ces composés existent sous la forme
d'hétérosides. Tous les composés de la série possèdent un cycle lactonique fusionné en
l/'ans par rapport au cycle adjacent. La structure, très tendue, est instable: l'épimé-
risation au niveau du carbone C-2 (via l'énolate) est immédiate en milieu légèrement
alcalin. Les produits formés, à cycles fusionnés en cis, sont stables, mais pratiquement

~O~O"
9 H R 0~0Y'SH0

C((X~o ~~o
(10 = 0

H3CO~OCH3
OCH 3
H3CO
V ~I
OH
OCH3

R =CH3, étoposide
podophyllotoxine a-peltatine
R =thiényl, téniposide
j
334 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES
1
"1
.~
j
inactifs: c'est le cas, par exemple, de la picropodophyllotoxine. On connaît aussi les J
épi-dérivés, dont la configuration du carbone C-4 est inversée (4-S). l
!
Pharmacologie. La podophyllotoxine et les peltatines inhibent la croissance des "~
tumeurs expérimentales induites chez la Souris. Leur action se situe au niveau des !
microtubules. L'inhibition compétitive de la fixation de la colchicine sur la tubuline 1 J
montre que le mécanisme d'action est de même nature. Comme cet alcaloïde, la!
podophyllotoxine, poison du fuseau, inhibe la polymérisation de la tubuline et stoppe la ·1
division cellulaire au début de la métaphase. La picropodophyllotoxine est !
pratiquement inactive; les glucosides sont moins actifs que les génines, mais leurs l
effets indésirables sont moins marqués. !
Les travaux de synthèse et l'étude des relations structure activité ont permis de 1
mettre au point des dérivés semi-synthétiques alliant une bonne activité et des effets
indésirables relativement limités. Ces produits, des trans-Iactones (2a, 3~), sont
déméthylés en 4'; ils appartiennent à la série épi (4~), conservent le groupement,
méthylènedioxy et la libre rotation de l'aryl en C-l, et ont leur hydroxyle en C-4 engagé 1
dans une liaison hétérosidique avec un glucose dont deux des groupes hydroxyle (en C-'
4" et en C-6") sont bloqués par acétalisation : thiénylidène (téniposide) ou éthylidèneî
(étoposide). Ces dérivés, contrairement à la podophyllotoxine, sont inactifs au niveau 1
de l'assemblage des microtubules, mais arrêtent le cycle cellulaire en fin de phase S ou 1
au début de la phase G2, du fait de leur liaison avec la topoisomérase II, enzyme 1
nécessaire au processus de réplication de l'ADN. 'j
j
La podophyllotoxine est un toxique violent. Par ingestion (ou par contact cutané)'l
elle provoque des troubles digestifs et, plus tardivement, une encéphalopathie et une J
neuropathie périphérique sensitivo-motrice accompagnée d'une forte toxicité
hématologique. Parfois fatale, l'intoxication entraîne le plus souvent des troubles de la
marche et d'autres séquelles neurologiques pouvant persister plusieurs mois.
j

Emplois. La résine a longtemps été utilisée comme laxatif et cholagogue: elle ~


entrait dans la composition des « petites pilules Carter pour le foie ». Elle n'est plus
l
,1.

employée que pour l'extraction de la podophyllotoxine, laquelle est couramment


extraite d'une autre espèce du genre Podophyllum, P. hexandrum Royle (= P. emodi j
Wall.). Cette dernière espèce, d'origine himalayenne, renferme de 6 à 12 % de résine 1
dans laquelle la concentration en podophyllotoxine est voisine de 40 %. LaÎ
podophyllotoxine a également été identifiée dans d'autres genres: Linum, Dysosma, '
kff""on"'. Jumpaus (feuille, du J. "'giniana). etc. 1
Emplois de la p o d o p h y l l o t o x i n e ' j
J~
• dans le traitement des condylomes externes. Les préparations magistrales de
podophylline, très concentrées, furent pendant longtemps les seules utilisées pour traiter
l
l
ces petites tumeurs épithéliales bénignes d'origine virale. Particulièrement toxiques et à ,1
l'origine de très graves intoxications, elles ont été remplacées par une solution 1
l
alcoolique à 0,5 % de podophyllotoxine conditionnée en flaconnage de petit volume
(3,5 ml) et à bouchon de sécurité. L'efficacité étant bien établie par des essais cliniques, 1
,
·1
L1GNANES, NÉOLIGNANES 335

cette solution à 0,5 % est considérée comme le traitement topique de première ligne des
verrues anogénitales chez les patients capables de l'appliquer correctement (application
deux fois par jour pendant trois jours, sans déborder sur la peau saine). Indication
officielle: condylomes acuminés externes de surface inférieure à 4 cm2 , en alternative
aux autres thérapeutiques (cryothérapie, méthodes chirurgicales). Les propriétés
antimitotiques de la podophyllotoxine font de la grossesse et de l'allaitement une
contre-indication absolue; il en est de même chez l'enfant. Chez la femme en âge de
procréer, une méthode efficace de contraception doit être prescrite avant le début du
traitement et pendant toute sa durée.

• pour ['obtention de dérivés semi-synthétiques prescrits en secteur hospitalier et


sous surveillance médicale stricte.

- L'étoposide, actif en monochimiothérapie, n'est habituellement prescrit qu'en


association dans divers protocoles de polychimiothérapie ayant les indications
suivantes: carcinomes embryonnaires du testicule; cancers bronchiques à petites
cellules (pour lesquels il augmente le nombre de rémissions complètes et la durée de
survie) et cancers bronchiques non à petites cellules; choriocarcinomes placentaires;
cancers du sein antérieurement traités; lymphomes malins hodgkiniens et non
hodgkiniens; leucémies aiguës (dans le traitement d'induction de la rémission complète
des formes en rechute, et dans certaines modalités de traitement d'entretien de la
rémission complète); protocoles d'intensification thérapeutique dans les lymphomes
malins et les leucémies aiguës (c'est-à-dire précédant une greffe de mœlle hémato-
poiétique). L'étoposide est disponible en solution injectable. Il existe également en
capsules destinées à la voie orale. Doses habituelles: IV, 50-150 mg/m 2/j x 1-3 j, en
perfusion lente après dilution; per os : doses doubles sur la même durée ou faibles
doses quotidiennes dans quelques cas particuliers (ex. : situations palliatives). Les effets
indésirables majeurs, proportionnels à la dose, sont d'ordre hématologique (neutro-
pénie, thrombopénie) et digestifs (nausées vomissements). Ces derniers seraient plus
fréquents lors d'une administration orale. Les contrôles sanguins doivent être réguliers
ct commencer avant le début du traitement. L'étoposide est contre-indiqué en cas de
grossesse ou d'allaitement.

- Le phosphate d'étoposide est un dérivé hydrosoluble (lyophilisat injectable) qui,


sous l'action des phosphatases sériques, est rapidement converti en étoposide : la
hiodisponibilité est équivalente. Il est possible d'utiliser des solutions concentrées et des
temps de perfusion courts. L'absence de solvant évite les problèmes d'incompatibilité
avec le matériel de perfusion. Les indications thérapeutiques officielles sont les mêmes
que celles de l'étoposide.

L'intérêt porté aux potentialités thérapeutiques des lignanes de type podophyllo-


toxine s'est traduit - et continue à se traduire - par la synthèse et l'évaluation
d'analogues structuraux, notamment de dérivés substitués en C-4 (esters, dérivés aminés
ct arylaminés [ex. : nitroanilino], azides, etc.) et d'aminoglucosides. Certains ont fait
l'objet d'essais cliniques de phase 1 et/ou II.
336 COMPOSÉS PHÉNOLlQUES

.CHARDON-MARIE, Silybum marianum (L.) Gaertn., Asteraceae


l
Le fruit du chardon marie est le fruit mûr, dépourvu de pappus, de S. marianum. ·.jr
....

Il contient au minimum 1,5 % de silymarine, exprimée en silibinine (Ph. eur., 6' éd.,
01/2008: 1860).
î
l
La plante. Le limbe des feuilles de cette plante bisannuelle, marbré de blanc le long
des nervures, est bordé de dents épineuses. Les fleurs, toutes tubuleuses, pourpres, sont
il
réunies en un capitule terminal enserré dans un involucre aux bractées externes .:1
l
épineuses. La plante est commune dans les lieux incultes de l'Europe méridionale, de 1.~
l'Afrique septentrionale et de l'ouest de l'Asie.
ri
Le fruit. Les akènes, de couleur gris pâle à brun, striés de bandes longitudinales j
foncées, sont fortement comprimés (6-8 mm x 3 mm x 1,5 mm). Ils sont surmontés à ~
l'apex d'une collerette jaune paille brillante entourant les restes du style. l
L'examen microscopique de la poudre d'akènes (hydrate de chloral) montre des
groupes de cellules parenchymateuses dont certaines contiennent une matière colorante
d'aspect rouge vif, de très nombreux groupes de grandes scléréides à paroi ponctuée
jaune vif, des cellules du parenchyme cotylédonaire contenant des globules huileux et
des macles d'oxalate dispersées, etc.
Le fruit est identifié par ses caractères macro- et microscopiques et par la CCM d'un ,~
extrait méthanolique qui met en évidence silibinine, taxifoline, silicristine (révélation
par le diphénylborate d'aminoéthanol et le macrogol 400). La silymarine est dosée par 1
chromatographie liquide (somme des aires des pics des différents flavonolignanes), 1
1
n

6:{-0q- ,
OHi

OH l
~ ~
1

HO
/ W'
O.", /; l.1
~ 1 CH 2 0H OCH a .1
OH ~

OH 0 1
'.,
silybine silychristine
OCH 3
OH HO

HOWO.",~
((
OH 1

~I
OH
OH 0

taxifofine HO silydianine

Composition chimique. Le fruit renferme 20 à 30 % de lipides, des protéines, des


sucres, des flavonoïdes : quercétol, taxifoline, ériodyctiol, chrysoériol, etc. Les
constituants responsables de l'activité sont des flavanolignanes initialement isolés sous
LIGNANES, NÉOLIGNANES 337

la forme d'un mélange de produits d'addition d'un alcool phénylpropanique, l'alcool


coniférylique, sur un 2,3-dihydroflavonol, la taxifoline. Ce mélange, communément
dénommé silymarine, représente de 1,5 à 3 % de la masse du fruit. La silibinine (ou
silybine), constituant majoritaire du mélange (60-70 %), est un benzodioxane, mélange
1:1 de deux diastéréoisomères (7"R, 8"R et 7"S, 8"S). Les autres constituants de la
.l'ilymarine sont la silydianine, un oxatricyclodécène résultant de la cycloaddition de
l'alcool conyférylique sur l' o-quinone dérivée de la taxifoline, et la silychristine, à
structure dihydrobenzofuranique. Dans d'autres variétés (par exemple chez une variété
à fleurs blanches) ces produits peuvent être accompagnés des dérivés 3-désoxy des
régio-isomères de la silybine (silandrine) et de la silydianine (silymonine).

Pharmacologie. De multiples travaux expérimentaux tendent à démontrer l'activité


anti-hépatotoxique de la silymarine et de ses constituants: prévention des effets
toxiques du tétrachlorure de carbone, de la galactosamine, du thioacétamide, du
paracétamol et d'autres toxiques au niveau du parenchyme hépatique; protection
(Souris, voie IV) contre les effets nocifs de la phalloïdine administrée par voie
parentérale (mais l'effet n'est que partiel si les flavonolignanes sont administrés après la
phalloïdine). La silymarine, inhibitrice de la peroxydation des lipides membranaires et
antiradicalaire, inhibe à faible dose la formation du leucotriène B4 (cellules de Kupffer
isolées). Elle aurait un effet stabilisateur de membrane et, dans le cas de la toxine des
amanites, interagirait de façon compétitive avec les sites impliqués dans le captage de
cette toxine. Par ailleurs, elle stimule l'ARN-polymérase : la stimulation de la synthèse
protéique augmenterait la capacité de régénération du tissu hépatique.
Des données accumulées depuis une dizaine d'années montrent que la sylimarine
inhibe, in vitro, la prolifération de diverses lignées de cellules tumorales. C'est un
protecteur à l'encontre d'agents cancérogènes tels que le diméthylbenzanthracène ou
des esters du phorbol, un inhibiteur de la sécrétion de facteurs proangiogéniques par les
cellules tumorales, etc. C'est par ailleurs un immunostimulant, stimulant la sécrétion
d' interféron-y et d'interleukines par les lymphocytes en culture. La sylimarine est peu
absorbée au niveau intestinal (20-50 %) et sa biodisponibilité peut être augmentée par
complexation avec la phosphatidylcholine (silipide).

Évaluation clinique. Une synthèse méthodique des essais publiés avant 2004 a
inclus 13 essais randomisés évaluant la silymarine ou un complexe de sylibine versus
placebo ou absence de traitement chez 915 patients souffrant d'hépatite virale (B ou C),
ou d'hépatite d'origine alcoolique, pendant une durée moyenne de six mois (une
semaine à 41 mois). La méta-analyse de ces essais de très faible qualité méthodologique
- 46 % seulement ont été considérés comme étant en double aveugle - a montré
l'absence d'effet de la sylimarine sur la mortalité toutes causes confondues, sur les
complications hépatiques ou sur 1'histologie hépatique. La mortalité liée au foie a été
diminuée de façon statistiquement significative (RR =0,50, IC95 0,20-0,88), mais cette
significativité n'a pas été atteinte dans les essais de meilleure qualité méthodologique
(RR = 0,57, IC95 0,28-1,19). L'actualisation de cette synthèse Guillet 2007, 18 essais,
1088 patients) n'en a pas modifié les conclusions. Cette absence d'effet sur la mortalité
d sur l'histologie avait déjà été constatée par une autre méta-analyse portant sur 14
338 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

essais et publiée en 2002. L'amélioration des paramètres biochimiques par la


silymarine (bilirubine, y-GT, transaminases), de valeur clinique incertaine, n'est pas
clairement établie (conclusions contradictoires selon les essais inclus). Des études de
bonne qualité, en particulier avec des critères précis d'inclusion et d'exclusion des
patients et d'évaluation de la sévérité de l'hépatopathie, sont nécessaires pour conclure
sur l'éventuel intérêt clinique du chardon-Marie.
La silymarine est-elle efficace en cas d'intoxication par l'amanite phalloïde? Des
observations isolées et des données chez l'animal le laissent penser, mais cela n'a pas
été réellement évalué.

Toxicité, effets indésirables, interactions. Il ressort des études de suivi et de


l'ensemble des essais qui analysent la fréquence et la nature des effets indésirables dans
les groupes silymarine et les groupes placebo que l'utilisation de la silymarine ne
présente pas de risque particulier (même si la procédure de recueil des effets n'est pas
toujours explicitée). On peut occasionnellement noter des troubles gastro-intestinaux
légers (effet laxatif) et quelques cas d'allergie ont été rapportés.
In vitro, le chardon-Marie inhibe certains isoformes du cytochrome P4S0. Il pourrait
donc modifier la pharmacocinétique de divers médicaments. Cependant, des essais
cliniques ont montré l'absence de traduction clinique de cette inhibition (au moins aux
doses usuelles et dans les cas étudiés: midazolam, nifédipine, indinavir, irinotécan).

Emplois. Le chardon-Marie est utilisé pour obtenir de l'extrait sec purifié et titré de
chardon marie (Ph. eur., 6' éd., [0112008:2071]). Cet extrait titre entre 30 et 65 % de
sylimarine exprimée en silibinine.
En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet qu'il est
possible de revendiquer, pour le fruit du chardon-Marie, l'indication thérapeutique
suivante (voie orale) : traditionnellement utilisé dans le traitement symptomatique des !

troubles fonctionnels digestifs attribués à une origine hépatique. Aucune évaluation


toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un dossier « abrégé» d'AMM
(poudre, fruit pour tisane, extraits aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit
le titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
le fruit du chardon-Marie est utilisé dans les troubles digestifs. Les extraits standardisés
contenant au moins 70 % de silymarine sont eux utilisés en cas d'atteinte hépatique
toxique et comme traitement d'appoint des hépatopathies chroniques et des cirrhoses;
Posologie: de 12 à 15 g par jour (fruits); de 200 à 400 mg par jour (silymarine, calculés
en silibinine) .

• CHAPARRAL, Larrea divaricata Cayo subsp. tridentata (DC.) Felger


& Lowe, Zygophyllaceae

Le chaparral ou creosote bush est un arbuste des régions arides du sud-ouest des
États-Unis d'Amérique et du Mexique dont les tiges et les feuilles sont recouvertes
d'une épaisse couche de résine. Chimiquement, ces feuilles sont caractérisées par la .
LIGNANES, NÉOLIGNANES 339

présence de flavonoïdes, de triterpènes et de lignanes, notamment l'acide nordihydro-


guaiarétique (= NDGA 1). Ce diarylbutane tétraphénolique peut représenter 40 à 50 %
de la résine qui recouvre la feuille. Le NDGA est un bon antioxydant. Il a d'ailleurs été
utilisé à ce titre jusqu'à ce que des études de toxicité à moyen et long terme chez les
rongeurs mettent en évidence une fréquence élevée d'atteintes rénales. La réputation
anticancéreuse de ce lignane - il est actif in vitro - n'a pas été confirmée par
l'observation clinique.
Longtemps en vogue aux États-Unis d'Amérique, l'infusion des feuilles passe pour
exercer un effet favorable en cas de rhume, de grippe, de diarrhée, d'infections
urinaires. Antioxydante, la feuille retarderait le vieillissement. À défaut de fournir des
bases pharmacologiques à ces actions supposées, l'analyse de la bibliographie montre
que le chaparral - infusions, gélules, capsules ou comprimés consommés à doses
importantes et sur une période de plusieurs semaines - a été à plusieurs reprises à
l'origine d'hépatopathies sévères caractérisées par un ictère, évoluant parfois vers une
cirrhose et nécessitant, dans deux cas, le recours à la transplantation. Cette plante a
également été rendue responsable d'un cas d'adénocarcinome rénal. Si ces cas restent
statistiquement exceptionnels, l'absence de preuves d'un quelconque effet bénéfique
doit inciter à ne pas utiliser le chaparral. Par voie externe, le contact avec le chaparral
(ou le NDGA) peut provoquer des dermites allergiques .

• Hypoxis hemerocallidea Fisch. & C.A. Mey.


=H. rooperi T. Moore, Hypoxidaceae (Liliaceae s.l.)
Les Hypoxis sont des plantes herbacées pérennes à bulbe ou rhizome tubérisé (la
ramille est proche des Amaryllidaceae) surtout rencontrées dans le sud du continent
arricain. Plusieurs espèces du genre sont utilisées par les médecines traditionnelles,
notamment en cas d'affections urinaires (Afrique du Sud), d'hypertrophie prostatique
(Malawi), voire de cancers (Caraïbes).
Le bulbe d'Ho rooperi renferme des stérols, des lectines et un hétéroside que la
plupart des auteurs s'accordent à classer dans le groupe des norlignanes : l'hypoxoside
alias (1 E)-I ,5-bis (4'-O-P-D-glucopyranosyloxy-3'-hydroxyphényl) pent-l-én-4-yne.
En présence de P-glucosidase, l'hypoxoside est converti en un dicatéchol fortement
antioxydant et cytotoxique in vitro, le roopérol. Expérimentalement, des propriétés
hypoglycémiantes, anti-inflammatoires et analgésiques ont été mises en évidence pour
les extraits aqueux. Ces extraits sont également antibactériens. La plante, considérée
comme non toxique, est utilisée en Afrique du Sud dans de nombreuses indications, y
compris par des patients séropositifs pour renforcer leurs défenses: en fait, un essai
clinique a dû être interrompu du fait d'une activité immunosupressive. Il n'existe pas
d'éléments probants de l'intérêt clinique et de l'innocuité de cette plante.

1. Ce lignane est l'un des con si tuants de la résine de gaiac (Guiacum officinale L.), petit arbre de
l'Amérique centrale. La teinture de gaiac est un réactif traditionnel utilisé pour la recherche des
oxydases et des peroxydases. Le NDGA peut, en pharmacologie expérimentale, être employé comme
inhibiteur de la lipoxygénase.
340 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

H. rooperi, qui ne figure ni sur la liste des espèces retenues par la Note explicative
de 1998 (France), ni sur celle des monographies de la Commission E allemande, est
utilisé en Allemagne en cas d'hypertrophie bénigne de la prostate, sous forme d'extrait.
Dans ce cas, l'activité attribuée à l'extrait pourrait être due à des hétérosides de stérols .

• SCHISANDRA DE CHINE, Schisandra chinensis (Turcz.) Baill.,


Schizandraceae

Le schisandra est constitué par le fruit mûr, entier, séché ou soumis à la vapeur
d'eau puis séché, de S. chinensis. Il contient au minimum 0,4 % de schisandrine (Ph.
eur., 6" éd. - 63 [01/2009:2428]).

Le fruit. La baie du Schisandra (= bei-wuweizi = fruit aux cinq saveurs = Kadsura


chinensis Turcz.) plus ou moins sphérique, d'un diamètre d'environ 8 mm, est rouge à
noirâtre, parfois pruineuse. Son péricarpe est fortement ridé; elle renferme 1 ou 2
graines réniformes, brun-jaune, luisantes.
La poudre de fruit, examinée au microscope (hydrate de chloral), présente des
fragments du péricarpe dont l'assise épicarpique comporte des cellules à huile essentielle
éparses et des fragments des téguments externe et interne composés de cellules sclé-
reuses. Dans le glycérol à 50 %, l'examen révèle la présence de grains d'amidon.
La CCM d'un extrait méthanolique confirme l'identité (schisandrines) et permet de
vérifier l'absence de contamination par Schisandra sphenanthera Rehd. & Wils. (nan-
wuweizi). La schisandrine est dosée par chromatographie liquide après extraction
méthanolique.

Composition chimique. Les fruits de Schisandra renferment une huile essentielle à •


sesquiterpènes et composés aromatiques, des acides organiques, des nortriterpénoïdes i
lactoniques et plusieurs dizaines de composés Iignoïdiques, lignanes et composés à
squelette dibenzocyclooctadiénique : schizandrine, y-schisandrine, gomisines et
dérivés, schisandrol, etc. (deux séries d'isomères biphényliques R et S possibles).
OCH 3

schizandrine
Propriétés - évaluation clinique. Des données expérimentales montrent que les
constituants du Schisandra sont anti-hépatotoxiques, régénérateurs du parenchyme
hépatique. Antioxydants, ils diminuent le taux des transaminases et préviendraient la
survenue d'hépatites. Anti-inflammatoires, stimulants de la respiration, ils exercent une
LIGNANES, NÉOLIGNANES 341

action complexe au niveau du système nerveux central. L'intérêt du Schisandra dans le


traitement des hépatites (virales ou autres) n'est confirmé par aucun essai clinique
publié dans une revue internationale. Ni les effets « adaptogènes », ni ceux sur
l'immunité ou sur la performance sportive ne sont démontrés chez l'humain par des
essais cliniques rigoureux et avec du Schisandra en monopréparation.

Emplois. En France, le Schisandra ne figure pas sur la liste des espèces retenues par
la Note explicative de 1998. Il ne fait pas non plus l'objet d'une monographie de la
Commission E du BfArM allemand.
Le Schisandra est traditionnellement utilisé en République Populaire de Chine, seul
ou associé, dans de très nombreuses indications (toux, dyspnée, etc.). L'extrait
éthanolique des graines ainsi qu'un composé synthétique, le biphényldiméthyl
dicarboxylate, y sont utilisés dans le traitement d'hépatites d'étiologies diverses.

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Schisandra
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SHIKIMATES
plantes à dérivés d'extension du
phénylpropane

L'allongement des composés de type Ar-C 3 par additions successives d'unités


dicarbonées est un processus fréquent chez les végétaux: il est à l'origine des
styrylpyrones (Ar-C 3 + 2 x C2), des stilbénoïdes, des flavonoïdes, et des isoflavonoïdes
(Ar-C 3 + 3 x C2 ).
Le mécanisme de l'addition des unités dicarbonées sur la chaîne latérale des acides
cinnamiques est tout à fait similaire au processus d'allongement des polyacétates : la
molécule initiatrice (le ,l'tarter) est convertie en ester du coenzyme A et les éléments

OH
dicarbonés sont apportés sous la forme activée de malonyl-coenzyme A.

'fJOH +2 x C2 OH

P
:/ 1 • ~-oxydatlon :/ 1
:/

~M ~ ~ ~

o 1+ 3 X C2
CoAS 1
0
1
o 0

0'ÇÇaH:/ Il
o ~
1
OH 0
OH

[STYRYLPYRONES

o 0

OH OH
[XANTHONES 1 :/

o ~

OH

Principales possibilités 0 0
d'extension de l'unité [FLAVONOioES 1

phénylpropanique, [STILBÉNOïoES 1
344 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

Dans certains cas, l'initiateur subit une ~-oxydation préalable, l'addition est alors du
type Ar-C 1+ 3 x C2 . C'est un mécanisme de ce type qui est invoqué pour expliquer la
formation de la plupart des xanthones.
Les xanthones et les stilbénoïdes n'étant pas utilisés en thérapeutique et l'intérêt des
styrylpyrones étant limité, une place prépondérante sera accordée aux flavonoïdes,
composés en C 15 chez lesquels deux noyaux benzéniques sont unis par un chaînon de
trois atomes de carbone, Ar-CrAr, selon un enchaînement 1,3-diarylpropane (flavo-
noïdes), 1,2-diaryl-propane (isoflavonoïdes) ou 1,l-diarylpropane (néoflavonoïdes).
Pour des raisons de commodité, et bien que leur biosynthèse ne soit pas strictement
un processus d'allongement, nous plaçons dans cette partie de l'ouvrage les diaryl-
heptanoïdes et les aryl-alcanones, molécules construites autour d'une ou de deux
molécules d'un acide phénylpropanoïque, le plus souvent l'acide férulique.

Diaryl-heptanoïdes
et aryl-alcanones

Ces composés, les curcuminoïdes, les gingérols et leurs dérivés, sont spécifiques de
plusieurs genres de Zingiberaceae. Ils constituent les substances colorantes des
curcumas et les principes piquants du gingembre. Au cours des vingt dernières années,
de nombreuses études ont montré qu'ils développent des propriétés pharmacologiques
multiples .

• CURCUMA, Curcuma domestica Val. = C.longa L., Zingiberaceae

Le rhizome de curcuma, qui tient depuis des siècles une place de premier plan dans
la médecine traditionnelle indienne, a fait l'objet de très nombreux travaux de
pharmacologie. Ce rhizome est aussi un constituant du curry.

La plante. Vivace par un rhizome écailleux porteur de nombreuses racines


terminées par des renflements tubéreux, le curcuma possède des feuilles engainantes à
limbe elliptique, penninerve et de grande taille Uusqu'à 1,2 m de long). Les fleurs,
jaunes, groupées en un épi conique fortement bractéé, ont 3 sépales pétaloïdes, une
corolle à pétale postérieur développé, un androcée réduit à une étamine fertile et à des
staminodes formant un labelle pétaloïde, un gynécée 3-carpellé. Le fruit est une capsule
globuleuse. Les graines sont arillées.
Plusieurs cultivars de cette espèce font actuellement l'objet de cultures en Inde, au
Sri Lanka, en Indonésie, en Chine, à la Jamaïque. L'essentiel (80 %) de la production
EXTENSION DU PHÉNYLPROPANE 345

mondiale provient de l'Inde, en particulier des états bordant le golfe du Bengale:


Andhra Pradesh, Tamil Nadu, Orissa. Les rhizomes, récoltés après le dessèchement des
parties aériennes, sont débarrassés des racines, cuits dans l'eau éventuellement
carbonatée, séchés au soleil ou, ce qui raccourcit le processus, dans des séchoirs, puis
polis mécaniquement pour éliminer restes de racines, écailles et couches superficielles.

Le rhizome. Le curcuma commercial est habituellement constitué des rhizomes


primaires ovales (<< bulbes », «curcuma rond» d'eniron 5 x 3 cm) et/ou des rhizomes
secondaires allongés (<< doigts», «curcuma long» ). Ces derniers, digités, plus ou moins
cylindriques, ont une surface brun grisâtre et sillonnée, un diamètre voisin de 1 cm. La
cassure est nette, non fibreuse, jaune rougeâtre, brillante. L'odeur est aromatique,
la saveur chaude et un peu piquante.
Examinée dans l'eau au microscope, la poudre montre de nombreux grains
d'amidon (en partie gélifiés en paquets ou isolés). Dans l'hydrate de chloral, la
préparation est colorée en jaune; on y distingue des cellules épidermiques polygonales,
de nombreuses cellules sécrétrices. Sur les spécifications du curcuma, entier ou en
poudre, voir la norme ISO 5562: 1983. Sur la détermination du pouvoir colorant par
spectrophotométrie, voir la norme ISO 5566: 1982. La détection d'une éventuelle
substitution ou contamination du rhizome par des espèces voisines du genre peut être
réalisée par CPG (C. xanthorrhiza Roxb. [temoe-Iawaq], C. aromatica Salisb., ou
encore C. zedoaria [Berg.] Roscoe).

~
OH,,"

~ .---
:/1
HO :/ HO
ar-turmérone ~
-;-/ ~

~
o 0 /'
~.

curcumine H'" 1

(-)-zingibérène ~

Composition chimique. Riche en amidon (40-50 %), le rhizome renferme des


arabino-galactanes (les ukonanes), des sucres simples et 25 à 60 ml/kg d'une huile
essentielle à sesquiterpènes monocycliques: carbures (zingibérène, ~- et 8-curcumène,
IIr-curcumène) et, surtout, cétones: turmérone, S-( + )-ar-turmérone, curlone, (J.,- et y-
allantones, germacrone et dérivés. On note en outre la présence d'une faible quantité de
dérivés monoterpéniques. Les sesquiterpènes (bisabolanes et germacranes) sont
également présents dans l'oléorésine et les divers extraits qui sont, en général, plus
riches en ar-turmérone que 1'huile essentielle (1 'hydrodistillation induirait l'aro-
matisation). Les principes colorants du rhizome sont des 1,7-diaryl-hepta-1 ,6-diène-3 ,5-
diones dénommés curcuminoïdes. La teneur en curcuminoïdes du rhizome varie
beaucoup selon le cultivar; elle peut atteindre 8 %. Le composé majoritaire (50 à 60 %)
est la curcumine = (E ,E)-l ,7 -bis-( 4-hydroxy-3-méthoxyphényl)-1 ,6-heptadiène-3 ,5-
dione. Les autres pigments pondéralement importants sont le féruloyl-(4-
346 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

hydroxycinnamoyl)-méthane (OU monodesméthoxycurcumine) et le bis-(4-hydroxy-


cinnamoyl)-méthane (ou bisdesméthoxycurcumine). Ils sont accompagnés de
dihydrocurcumine [1 ,7-bis-(4-hydroxy-3-méthoxyphényl)-I-heptène-3,5-dione], de
dérivés du 1,5-diarylpentane et d'un labdadiénal.

Pharmacologie. Administrée par voie IV, la curcumine stimule la sécrétion biliaire


du Rat. Extrait et curcuminoïdes sont, chez ce même animal, hépatoprotecteurs. Un
extrait éthanolique de curcuma serait cytoprotecteur et anti-ulcéreux gastrique (Rat, 0,5
g/kg,per os).
L'activité anti-inflammatoire de la curcumine est mise en évidence aussi bien sur
l'inflammation aiguë (œdème plantaire aux carraghénates, Rat, DEso = 2,1 mg/kg par
voie IP, 48 mg/kg per os) que sur des modèles d'inflammation chronique (arthrite au
formol, granulomes). Cette activité serait liée, pour partie, à l'interaction de la
curcumine sur le métabolisme de l'acide arachidonique (inhibition de la lipoxygénase et
de la cyclo-oxygénase 2) et à une inhibition de la production de cytokines. Les
curcuminoïdes sont des antioxydants, piégeurs des radicaux libres, inhibiteurs de la
peroxidation lipidique.
Des études sur diverses lignées de cellules tumorales in vitro montrent que la
curcumine, inducteur apoptotique, est cytotoxique pour des concentrations micro- à
millimolaires. L'expérimentation animale montre que la curcumine s'oppose à la
cancérisation chimioinduite. La curcumine est un inhibiteur d'enzymes à cytochrome
P4S0 et un inducteur de la glutathion-transférase. Des propriétés immunomodulatrices et
antiangiogéniques ont également été mises en évidence. La biodisponiblité de la
curcumine administrée par voie orale est très faible.

Évaluation clinique. Une certaine efficacité du curcuma pour soulager les troubles 1

dyspeptiques a été mise en évidence par un essai clinique randomisé en double aveugle
versus placebo, mais ces résultats doivent être confirmés. En association avec la
sulfazalazine ou la mésalamine, la curcumine (2 g par jour) semble à même d'améliorer
le traitement des rectocolites (à confirmer). Des essais sans insu et/ou de faible effectif
sont actuellement insuffisants pour justifier l'utilisation du curcuma en cas de syndrome
du côlon irritable ou d'ulcère gastroduodénal. La curcumine est inactive à l'encontre
d' Helicobacter pilori et, de plus, certains auteurs suggèrent que l'ulcère gastrique
constitue une contre-indication à l'emploi du curcuma.
Il est possible que la curcumine à dose forte puisse soulager les douleurs
articulaires, mais cela n'est pas confirmé par des essais cliniques versus placebo de
bonne qualité méthodologique.
Aucune conclusion ne peut être tirée des observations cliniques et des petits essais
ouverts qui prétendent démontrer un effet protecteur du curcuma vis-à-vis du cancer
colorectal (et afortiori un effet curatif).

Toxicité, effets indésirables, interactions médicamenteuses. L'expérimentation


animale (rongeurs, Chien, Singe) révèle l'absence de toxicité aiguë ou chronique de la
curcumine per os (absence d'effets pour une dose de 3,5 g/kg/jour x 3 mois). Cette
innocuité est confirmée chez l'humain par plusieurs essais cliniques de phase 1 qui
I~XTENSION DU PHÉNYLPROPANE 347

n'ont relevé aucun effet indésirable sévère, même pour des doses très élevées (8 g/j).
Mais les éventuels effets indésirables d'un traitement au long cours ne sont pas connus.
Quelques données expérimentales conduisent à suspecter une interaction possible avec
divers agents anti-cancéreux (ex. : cyclophosphamide). En théorie, une interaction avec
les anticoagulants est envisageable.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour le rhizome de curcuma long, les indications théra-
peutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 1° comme cholérétique ou
cholagogue; 2° dans le traitement symptomatique des troubles fonctionnels digestifs
attribués à une origine hépatique; 3° pour stimuler l'appétit. Aucune évaluation toxico-
logique n'est demandée pour la constitution d'un dossier« abrégé» d'AMM (poudre,
rhizome pour tisane, extraits aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
Ic curcuma est utilisé en cas de troubles dyspeptiques. Posologie: de 1,5 à 3 g par jour
de rhizome fragmenté ou préparations correspondantes. L'obstruction des voies biliaires
constitue une contre-indication. À n'utiliser qu'après avis médical en cas de calculs
biliaires. Cette indication et cette posologie sont reprises par le projet de monographie
communautaire (réf. EMEAIHMPC/ 456845/2008,6 novembre 2008).
Les cultivars les plus riches en curcumine (ex. : Allepey> 6,5 %) sont principa-
lement recherchés comme colorant alimentaire (le curcuma est encore parfois nommé
« safran des Indes»). La curcumine est en effet un colorant atoxique autorisé (EIOO),
stable à la chaleur, peu sensible aux variations de pH. On utilise soit la poudre de
rhizome, soit l'oléorésine, soit des extraits et des solutions de curcumine de teneur
variable, éventuellement adsorbés sur des hydrocolloïdes. La curcumine commerciale
contient au minimum 90 % de curcumine (en général 95 %). Les autres cultivars (ex. :
Madras, 3,5 %) constituent une épice très recherchée: le curcuma est en effet, avec la
coriandre et d'autres épices, l'un des éléments principaux du curry (ou carry). Celui-ci
peut en outre contenir piment, gingembre, muscade, fenugrec, etc .

• TEMOE-LAWACQ, Curcuma xanthorrhiza Roxb., Zingiberaceae

Le temoe lawacq est constitué par le rhizome coupé en tranches et séché de C. xan-
t1/11rrhiza. Il contient au minimum 50 ml/kg d'huile essentielle et au minimum 1% de
dérivés du dicinnamoylméthane exprimés en curcumine (Ph. eur., 6' éd., [0112008:
1441]).

Le temoe-lawacq, botanique ment très proche du curcuma, est une espèce


indonésienne cultivée. Le rhizome étant coupé après la récolte, il se présente habituel-
lement en tranches minces jaune orangé, généralement pelées. Le rhizome renferme 30-
40 % d'amidon visible dans la poudre montée dans une solution de glycérol sous forme
de grains stratifiés, à hile excentré et stries prononcées. Le rhizome ne doit pas contenir
de curcuma (absence de bisdéméthoxycurcumine détectable sur une CCM par sa
l1uorescence en milieu acide).
1,

Zingiber officinale Roscoe


EXTENSION DU PHÉNYLPROPANE 349

L'huile essentielle, comme l'extrait alcoolique, est riche en sesquiterpènes :


zingibérène, ar-curcumène, (R)-(-)-xanthorrhizol, turmérones, bisacurones, bisacumol,
bisacurol, etc. Les curcuminoïdes (1-2 %) sont représentés par la curcumime, son
dérivé monodéméthoxylé et ses dérivés di-, hexa- et octahydrogénés. Des analogues
monophénoliques et non phénoliques ont été isolés de rhizomes récoltés en Thaïlande.
Remède traditionnel dans le sud-est asiatique, la temoe-lawacq est réputé chola-
gogue et cholérétique. In vitro, le xanthorrhizol présente des propriétés antibactériennes
(bactéries de la cavité buccale) et antifongiques (champignons opportunistes).

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour le rhizome de temoe-lawacq, les mêmes
indications thérapeutiques que celles qui sont admises pour le curcuma long (voir ci-
dessus). L'incorporation de temoe-lawacq dans un médicament à base de plante se fait
dans les mêmes conditions réglementaires que pour le curcuma long. La Commission E
allemande retient aussi les mêmes indications et contre-indications que pour le curcuma
long. Elle précise en outre que l'usage prolongé peut entraîner une irritation gastrique
(posologie: 2 g par jour de rhizome ou de préparation correspondante) .

• GINGEMBRE, Zingiber officinale Roscoe, Zingiberaceae

Le gingembre est constitué par le rhizome séché, entier ou coupé, de Z. officinale,


débarrassé du liège soit complètement, soit seulement sur les faces plates et larges.
Entier ou coupé, le gingembre contient au minimum 15 ml/kg d'huile essentielle (Ph.
eur., 6' éd.- 6.2, [07/2008:1522]).

La plante. Le gingembre possède des caractères botaniques très proches de ceux du


curcuma: grande plante herbacée (l,5 m) vivace par son rhizome horizontal, à longues
feuilles au limbe lancéolé et au pétiole engainant et stipulé, inflorescence en épi dense
avec des bractées latérales se recouvrant, fleurs à corolle jaune en tube à la base, à
staminode pétaloïde formant un labelle pourpre.
L'espèce, uniquement cultivée, serait originaire de \'Inde; sa production mondiale
avoisine un million de tonnes. De nombreuses variétés de gingembre sont cultivées en
Inde (420000 tonnes), en Chine (285000 tonnes), au Népal (159000 tonnes), au
Bangladesh (57000 tonnes), dans tout le sud-est asiatique (Indonésie [177 000 tonnes],
Philippines, [28000 tonnes], etc.) et en Afrique tropicale (Nigeria, [138000 tonnes])
1données F AO, 2007]. L'aspect des gingembres commerciaux varie selon l'origine et le
mode de préparation: gingembre gris (coated) à surface ridée, gingembre blanc
(uncoated, scraped) à surface lisse, gingembre préparé (preserved).

Le rhizome. Le rhizome, comprimé latéralement (5-10 cm x 1,5-3-4 cm x 1-1,5 cm)


est courtement ramifié sur sa face supérieure. Il peut avoir une surface externe brun clair
et striée (rhizome mondé) ou brun plus ou moins foncé et partiellement revêtue de liège
parcouru de rides transversales et longitudinales bien visibles (rhizome non mondé). La
cassure est fibreuse et granuleuse, l'odeur aromatique, la saveur chaude et piquante.
350 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

Examinée au microscope dans du glycérol à 50 %, la poudre de rhizome présente de


nombreux grains d'amidon aplatis, ovales (50 x 25 flm) ou irréguliers à petit hile
punctiforme situé à l'extrémité la plus étroite. Des grandes fibres à paroi souvent dentée
et des cellules à oléorésines sont visibles quand la poudre est examinée dans l'hydrate
de chloral.

Composition chimique. Le rhizome, très riche en amidon (60 %), renferme des
protéines, des lipides (10 %), de 10 à 40 ml/kg d'huile essentielle et une résine. La
composition de l'huile essentielle varie beaucoup selon l'origine géographique, mais les
éléments principaux - des carbures sesquiterpéniques représentant 30 à 70 % de l'huile
essentielle - semblent être constants: (-)-zingibérène, (+)-ar-curcumène, (-)-~-ses­
quiphellandrène, E,E-a-famésène, ~-bisabolène, accompagnés d'aldéhydes (citrals) et
d'alcools monoterpéniques dont une partie existe dans le rhizome frais sous la forme
d'hétérosides. Les constituants responsables de la saveur très marquée du gingembre
sont des 1-(3' -méthoxy-4' -hydroxy-phényl)-5-hydroxy-alcan-3-ones. Connus sous le
nom de [3-6], [8], [10] et [12]-gingérols, ces composés ont une chaîne latérale de
longueur variable, respectivement de 7-10, 12, 14 ou 16 carbones. Les gingérols sont
accompagnés des cétones correspondantes, de gingerdiols (3-désoxy-3,5-
dihydroxygingérols), de déoxygingérols (paradols) et d'esters et, dans le rhizome sec,
de produits de déshydratation: les shogaols (ou 5-désoxy-4,5-déhydrogingérols). On
note aussi, mais uniquement dans certaines variétés, la présence de diterpènes
labdaniques (galonolactone et dérivé dialdéhydique) ou celle de diarylheptanoïdes
(curcuminoïdes linéaires et cycliques).

~F
"' ,'U
R =H, ar-curcumène
gingérols (n=1-4,6,8, 10) R =OH, xanthorrhizol

Pharmacologie. Chez la Souris et par voie orale, l'extrait acétonique (75 mg/kg), le
[6]-shogaol (2,5 mg/kg) ou les [6]-, [8]- et [lO]-gingérols stimulent la motilité gastro-
intestinale; leur action est comparable à celle du métoclopramide (10 mg/kg). Cet
extrait et le [6]-gingérol stimulent la sécrétion biliaire (Rat, voie IP).
Expérimentalement, l'oléorésine est hypocholestérolémiante (rongeurs) et le [8]-
gingérol hépatoprotecteur (prévention de la toxicité du tétrachlorure de carbone sur des
hépatocytes de Rat). Un extrait éthanolique freine l'augmentation des taux sériques de
cholestérol et de triglycérides induits, chez le Lapin, par un régime riche en lipides.
Chez des souris mutantes, déficientes en apolipoprotéines, la consommation d'un
extrait de gingembre inhibe l'oxydation des LDL et le développement des plaques
athérosclérotiques. Un extrait sec réduit la production de suc gastrique et protège la
muqueuse contre des agents ulcérogènes tels que l'indométhacine.
Une activité anti-inflammatoire a été rapportée pour des extraits de rhizome de
gingembre (œdème de la patte du Rat, voie orale). Cet effet pourrait être dû à l'inhibi-
EXTENSION DU PHÉNYLPROPANE 351

tion des cyc1o-oxygénases et des lipoxygénases observée in vitro avec un extrait


aqueux. Les extraits de gingembre, piégeurs de radicaux libres, sont antioxydants,
inhibiteurs de la peroxidation lipidique (in vitro).
L'action anti-émétique attribuée au gingembre ne serait pas d'origine centrale. Pour
certains auteurs, elle pourrait être consécutive à des effets directs sur le système
digestif: chez la Souris, la stimulation de la motilité gastro-intestinale par l'extrait
acétonique (75 mg/kg), par le [6]-shogaol (2,5 mg/kg) ou par les gingérols est
comparable à celle du métoclopramide (10 mg/kg). D'autres auteurs ont cependant
relevé l'absence d'effet, chez l'Homme sain, de la poudre de gingembre sur la vitesse
de vidange gastrique. Le [6]-gingérol et le [6]-shogaol pourraient intervenir dans
l'activité antinauséeuse en supprimant les contractions gastriques et en stimulant la
motilité gastro-intestinale et le péristaltisme.

Évaluation clinique. Chez l'humain, plus de 30 études et essais visant à évaluer les
propriétés anti-émétiques du gingembre ont été publiés: études en laboratoire (chaise
rotative), évaluation de l'effet sur le mal de mer, sur les nausées et les vomissements de
la grossesse, sur les nausées post-opératoires et sur celles induites par certaines
chimiothérapies. Le gingembre a également été partiellement évalué dans le traitement
de l'arthrose.
Mal des transports. L'intérêt clinique du gingembre dans cette indication, possible,
n'est pas établi de façon convaincante.
Nausées et vomissements post-opératoires. Les essais randomisés versus placebo et
en double aveugle qui ont évalué la possibilité de limiter les nausées et les vomis-
sements post-opératoires sont peu concluants: de qualité méthodologique souvent
faible, ils sont réalisés dans des conditions différentes, avec des produits non
standardisés et leurs résultats sont contradictoires. Alors que divers auteurs et une méta-
analyse de données concernant principalement des patients asiatiques ont souligné
l'efficacité du gingembre (comparable pour certains à celle de 10 mg de
métoclopramide), les auteurs de trois synthèses méthodiques avec méta-analyse
récentes ont conclu que l'intérêt clinique de cette plante dans cette indication n'était pas
établi (selon l'une de ces méta-analyses, il faudrait traiter onze patients pour qu'un seul
reste indemne de nausées).
Nausées et vomissements de la femme enceinte. Dans le cas des nausées et des
vomissements de la femme enceinte, une synthèse méthodique publiée en 2005 a retenu
six essais contrôlés, randomisés et en double aveugle de qualité méthodologique
correcte totalisant 675 participantes. Quatre essais (246 patientes) montraient la
supériorité du gingembre (l,5 g d'extrait ou 1 g de poudre par jour en quatre prises) sur
le placebo. À côté de cela, deux autres essais n'ont pas établi de différence d'effet entre
le gingembre et la pyridoxine (alias vitamine B6) (429 patientes). Cela a été confirmé
par les auteurs d'un essai publié en 2007. L'efficacité de la pyridoxine n'étant pas
démontrée, ces essais ne constituent pas une contribution convaincante. Les auteurs du
dernier essai randomisé publié ont conclu à la non-différence d'efficacité du gingembre
(1,95 g/j) et du dimenhydrinate (100 mg/j). L'efficacité du gingembre dans cette
indication est probable, mais reste à confirmer.
352 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

Autres indications. Un essai en cours devrait permettre d'évaluer la capacité du


gingembre à limiter les nausées et les vomissements liés aux chimiothérapies (un essai \1
publié a montré l'inefficacité dans le cas d'une chimiothérapie par le cis-platine). ~
Un extrait de gingembre, seul ou associé à un extrait de galanga, a été évalué, versus ~.~
placebo (et, pour l'extrait seul, versus ibuprofène), dans le traitement symptomatique de l
l'arthrose du genou. On ne peut pas considérer que ces essais établissent de façon solide .~
l'efficacité clinique d'un extrait de gingembre dans cette indication. ;1
Remarque. L'analyse d'une dizaine de compléments alimentaires disponibles aux ~
États-Unis d'Amérique a montré une très grande variabilité de composition en [6]- . ~
gingérol et autres cétones. Il en est vraisemblablement souvent ainsi. La non-prise enj
compte de cette variabilité rend délicate la comparaison des essais cliniques. -1
J
Toxicité, effets indésirables. L'activité inhibitrice sur la synthèse du thromboxane
et l'agrégation plaquettaire - mise en évidence in vitro - pourrait modifier les
paramètres de la coagulation. Mais cela n'a pas été confirmé chez l'Homme.
Les données sur la mutagénicité du gingembre sont complexes, l'extrait renfermant
à la fois des substances anti-mutagènes et des mutagènes. Les effets sur la reproduction
ont été peu étudiés. Le gavage de rates gestantes par de fortes doses d'extrait Uusqu'à
1 g/kg) n'a provoqué aucune manifestation toxique ni chez les mères, ni chez les fœtus.
Dans une autre expérience, des infusions de gingembre Uusqu'à 50 g/l) ont induit des
pertes embryonnaires deux fois plus élevées que dans un groupe de rates témoins, mais
sans surcroît de malformations.
Aucun effet indésirable sévère ne semble avoir été signalé au cours des essais
cliniques. Des plaintes de brûlures gastriques, de gênes abdominales, de céphalées ont
été signalées. On n'a noté aucun effet sur le déroulement de la grossesse, l'accouchement
ou le nouveau-né. Toutefois, l'effectif dans les groupes recevant le gingembre est trop
faible (n = 303) et les durées de traitement trop courtes (3 à 21 jours) pour que cette
observation soit pertinente. Une étude prospective menée sur 187 femmes ayant utilisé
du gingembre au cours du premier trimestre de leur grossesse a abouti à des conclusions
identiques, mais sa faible puissance statistique et sa méthodologie atténuent sa portée.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour le rhizome de gingembre, l'indication théra-
peutique suivante (voie orale) : traditionnellement utilisé dans le mal des transports.
Aucune évaluation toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un dossier
« abrégé» d'AMM (poudre, rhizome pour tisane, extraits aqueux et extraits hydro-
alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
le rhizome de gingembre est utilisé en cas de dyspepsie et pour la prévention du mal
des transports. Posologie: de 2 à 4 g par jour (rhizome fragmenté et extrait pour
infusion ou préparations équivalentes). La Commission précise, sans justifications
particulières, que le gingembre ne doit pas être administré à la femme enceinte en cas
de nausées, et qu'il ne doit être utilisé qu'après avis médical en cas de calculs biliaires.
La position de la Commission E concernant la femme enceinte, bien que contestée
par de nombreux auteurs, est sans aucun doute raisonnable dans l'état actuel des
EXTENSION DU PHÉNYLPROPANE 353

connaisssances sur la balance bénéfices-risques du gingembre. D'autant plus que des


mesures non médicamenteuses suffisent dans les cas les plus simples et qu'il existe,
quand c'est nécessaire, des traitements considérés comme sûrs (doxylamine 1). Les
patientes qui utilisent du gingembre pendant leur grossesse doivent être averties de
l'absence de certitudes sur l'innocuité de cette pratique .

• AUTRES ZINGIBERACEAE

D'autres Curcuma tels que C. aromatica Salisb. ou C. zedoaria (Christm.) Roscoe


(= zédoaire) ainsi que des espèces appartenant au genre Alpinia (ex. : Alpinia galanga
lL.] Sw. ou gingembre du Siam et A. ojjïcinarum Hance ou galanga de Chine) ont, dans
leurs pays d'origine, des applications médicinales voisines. Elles renferment une
oléorésine à sesquiterpènes oxygénés (guaianes, germacranes). Curcuma angust(folia
Roxb. est une source de fécule (arrow-root de l'Inde) .

• Galanga, Alpinia officinarum Hance

En France, le galanga ne figure pas à l'annexe 1 de la Note explicative de l'Agence


du médicament (1998). En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du
BfArM précise que le rhizome de galanga est utilisé dans les troubles dyspeptiques et la
perte d'appétit. Posologie: rhizome ou teinture, de 2 à 4 g par jour.
La même Commission E a estimé que l'usage thérapeutique du rhizome de zédoaire
(C. zedoaria) ne peut pas être recommandé, en l'absence de démonstration d'efficacité
dans les indications revendiquées (insuftïsance digestive, spasmes) .

• Cardamomes et maniguette (Elletaria, Amomum, Aframomum)

Les graines de la cardamome (Elettaria cardamomum [L.] Maton var. minuscula


8urkill = cardamome du Malabar) constituent une épice, onéreuse et de conservation
limitée, particulièrement prisée en Orient. Les graines renferment une huile essentielle
riche en acétate d'a-terpényle et cinéole, accompagnés de sabinène, limonène,
menthone, linalol et acétate de linalyle, phellandrène, et d'une centaine d'autres
monoterpènes. Les graines peuvent être falsifiées par celles de la variété major
Thwaites (cardamome de Ceylan =cardamome allongée). La cardamome est employée
par la médecine chinoise pour le traitement des diarrhées. Son huile essentielle est
utilisée en parfumerie. Sur les spécifications de cette épice et de son huile essentielle,
voir respectivement les normes ISO 882-1 et -2: 1993 et ISO 4733:2004.
Les graines de cardamome, comme celles de nombreuses espèces d'Amomum
indiens (A. aromaticum Roxb. = cardamome du Bengale, A. subulatum Roxb. =
cardamome du Népal = grande cardamome [ISO 10622: 1997]) et indonésiens (A.
compactum Sol. ex Maton = cardamome de Siam = cardamome ronde; A. maximum

1. Prescrire Rédaction (2001). Nausées et vomissements de la grossesse, Rev. Prescrire, 21, 838-
K46.
354 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES 1
Roxb. = cardamome de Java), sont utilisées, entre autres, dans le curry et autres 1
'~
mélanges aromatiques très prisés des cuisines indiennes et asiatiques
Les graines de certains Aframomum constituent également des épices: cela est le cas
des graines de paradis (= maniguette = graines de Guinée = A. meleguetta Schumann) de
1
l'Afrique occidentale ou des « cardamomes» de Madagascar (A. angustifolium [Sonn.] i
Schumann) ou d'Abyssinie (A. konarina [Pereira] Engl.). La maniguette renferme des
gingérols, des shogaols, des paradols (5-désoxy-gingérols), des gingerdiones et une huile
essentielle riche en caryophyllène et époxycaryophyllène.

Stilbénoïdes

Il est d'usage de regrouper sous ce nom - il a été créé pour souligner la parenté
biogénétique avec les flavonoïdes - les composés phénoliques qui possèdent deux
noyaux benzéniques séparés par un pont éthane ou éthène, c'est-à-dire les bibenzyls et
les stilbènes, ainsi que les produits qui leur sont biosynthétiquement rattachés:
phénanthrènes 2 , 9,1 O-dihydrophénanthrènes, phényldihydroisocoumarines.
Les stilbènes, généralement E, peuvent être libres ou hétérosidiques, parfois
polymériques. Ils sont présents dans de nombreuses familles de végétaux supérieurs (on
en trouve par exemple chez la vigne, l'arachide, ou encore le pin sylvestre). Les
bis(bibenzyls), rares chez les végétaux supérieurs, sont caractéristiques des Hépatiques
(Marchantia, Plagiochila, Radula, Riccardia, etc.).
Les phénanthrènes et dihydrophénanthrènes - on en connaît plus de 200 - sont
surtout présents dans une cinquantaine d'espèces d'Orchidaceae (Bulbophylum,
Cymbidium, Dendrobium, Epidendrum, Ephemerantha, etc.). Sporadiquement, ils sont
aussi présents chez certaines Dioscoreaceae (Tamus communis), Combretaceae
(Combretum), ainsi que chez des Hépatiques (Marchantia). Généralement monomé-
riques, tri- à hexasubstitués, parfois quinoniques, ils peuvent aussi se présenter sous la
forme de dimères.
Stilbènes et bibenzyls, qui sont parfois des phytoalexines, peuvent dans certains cas
être des régulateurs de croissance. Ils sont souvent antifongiques et antimicrobiens, en
particulier les bis(bibenzyls). Leur intérêt pharmacologique demeure toutefois limité:
'1

2. Ne sont pas inclus ici les composés phénanthréniques issus de la dégradation d'alcaloïdes ou
rattachés aux quinones. D'autres phénanthrènes ont une origine diterpénique (ex. : Euphorbiaceae,
Lamiaceae [Plectranthus]). Quelques-uns sont issus d'un processus spécifique (Juncus).
EXTENSION DU PHÉNYLPROPANE 355

;/
OH OH

HO ~ ~

""
//
OCH 3 OCH 3

CH 3 0 CH 30
OH OCH 3 combretastatines OCH 3
pinosylvine
;/

~
OH OH

""
//
HO HO
hydrangénol acide lunularique

inhibition de la thromboxane-synthase par l'acide lunularique, activité inhibitrice sur la


5-lipoxygénase et la calmoduline des bis-(bibenzyls) linéaires et cycliques des
Marchantia, Reboulia, Radula et autres Bryophyta, propriétés cytotoxiques de ces
mêmes bis(bibenzyls) (marchantine A).

Resvératrol. Le trans-resvératrol (= 3,5,4' -trihydroxy-trans-stilbène) est une


phytoalexine caractéristique grains du raisin (Vitis vinifera) dans la peau desquels il est
biosynthétisé, et que l'on retrouve en quantité variable dans le vin rouge (2-3 mg/l,
parfois jusqu'à 15 mg/l). On en trouve aussi dans les baies de la canneberge à gros fruits
(cranberries) et, en très faible quantité, dans les arachides (cacahuètes). Associé à la
notion de «french paradox » (voir p. 460) et considéré, essentiellement sur la base de
données recueillies in vitro et sur celles d'expérimentations chez l'animal, comme doué
de propriétés préventives de la cancérisation et cardioprotectrices, il a suscité en une
dizaine d'années une multitude de travaux (en mars 2009, la question "resveratrol?"
sur Pubmed" retournait 2 646 réponses). Le resvératrol est (entre autres) : inhibiteur des
cyclo-oxygénases et de l'ornithine-décarboxylase; inhibiteur spécifique d'enzymes
activatrices des procarcinogènes de phase 1. Modificateur du cycle cellulaire et
inducteur de l'apoptose, il bloque les DNA polymérases et s'oppose à l'angiogenèse.
Antioxydant et piégeur de radicaux libres, il prévient la peroxydation lipidique, inhibe
l'agrégation plaquettaire, protège l'endothélium vasculaire et induit une vasodila-
tation. Pour certains, il pourrait freiner les maladies neurodégénératives (Alzheimer) ...
ct s'opposer au vieillissement... La liste (non exaustive) des propriétés attribuées au
resvératrol est longue, mais leur impact clinique reste à établir (un essai de phase II en
cours). Cela n'empêche pas que soient proposées au public, sous couvert d'allégations
non fondées, des formes fortement dosées en resvératrol dont on ne sait rien de la
balance bénéfices-risques à long terme.
Le resvératrol n'est toxique chez l'animal ni en aigu, ni à moyen terme. Sa biodispo-
nibilité est faible: une récente étude clinique de phase 1 a montré que le pic plasmatique
après une dose de 5 g était de 2,4 I!mol/l, mais que les sulfo- et glucurogonjugués y
étaient beaucoup plus concentrés. L'élimination est rapide (80 % d'une dose de 0, 5 g
éliminés en 4 heures).
356 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

Phénanthrènes. Divers phénanthrènes sont connus pour leurs propriétés cyto-


toxiques in vitro (Combretum, Dendrobium, Tamus). Chez les Orchicaceae, ce sont des
phytoalexines antifongiques. Certains sont (expérimentalement) spasmolytiques'j
d'autres anti-inflammatoires. Seuls les phénanthrènes et les stilbènes des Combretum ~
- les combrétatastatines - ont, depuis plusieurs années, retenu l'attention.

Cis-stilbènes : combretastatine A4. La combrétastatine A4, isolée d'une espèce


sud-africaine (Combretum caffrum [Eckl. & Zeyh.] Kuntze) est un cis-stilbène
pentasubstitué (hydroxy-3'-tétramethoxy-3,4,4' ,5) très fortement cytotoxique.
Présentant une certaine analogie structurale avec la colchicine, c'est, comme cette
dernière, un inhibiteur de la polymérisation de la tubuline. Cette molécule possède
également une action spécifique sur les vaisseaux sanguins irriguant les tumeurs : en
provoquant une diminution importante du débit sanguin au niveau de la tumeur, elle en
induit la nécrose. Un dérivé hydrosoluble (phosphate) a fait l'objet d'essais cliniques de
phase II et est actuellement évalué en combinaison dans le traitement du cancer de la
thyroïde. Des analogues structuraux de cette molécule font toujours l'objet d'études.

Xanthones
Les aglycones et les O-hétérosides ont une distribution restreinte à un petit nombre
de familles (principalement les Clusiaceae et les Gentianaceae) alors que les C-glucosyl
xanthones sont plus fréquentes (elles ont été identifiées dans une vingtaine de familles).
En règle générale, les xanthones sont formées par cyclisation des benzophénones
résultant de l'addition d'unités dicarbonées (en fait le malonyl-CoA) sur un précurseur
en C 6 -C], c'est-à-dire un acide benzoïque issu du raccourcissement d'un acide
cinnamique. La biosynthèse des C-glucosyl xanthones serait analogue à celle des
flavonoïdes.
Au titre des propriétés biologiques de ces molécules, on notera que plusieurs
molécules de cette série (des génines 1,3,5,8-tétrasubstituées) sont des inhibiteurs des

OH

CH~yyç HO OH

0-.. 1 1 ~
1 OCH 3
OH 0 OH ~

bellidifoline mangostine
EXTENSION DU PHÉNYLPROPANE 357

monoamine oxydases (MAO A et, dans une moindre mesure, MAO B), des stimulants
du SNC. Plusieurs xanthones sont fongicides et fortement antibactériennes, certaines
sont des inhibiteurs de l'agrégation plaquettaire, d'autres, telles que la mangostine, sont
des anti-inflammatoires.
Si certaines plantes actuellement utilisées renferment des xanthones, la preuve
d'une responsabilité de ces molécules dans l'activité qui leur est traditionnellement
reconnue reste à apporter (racine de gentiane, sommité fleurie de petite centaurée: voir
plantes à iridoïdes).

Styrylpyrones

.KAVA (ou kawa), Piper methysticum Forst.j., Piperaceae

Le terme de kava désigne une boisson préparée à partir des parties souterraines du
poivre inébriant, P. methysticum, un arbuste qui croît dans les îles de la Polynésie occi-
dentale (Papouasie Nouvelle-Guinée, Tonga, Samoa, Fidji, Vanuatu) et jusqu'à Tahiti.
Cet espèce dioïque pérenne à feuilles cordiformes ne fructifie pas: elle est propagée par
voie végétative. Décaploïde et stérile, le kava serait issu d'une espèce sauvage avec
laquelle il est parfois confondu: P. wichmannii C. DC., indigène au Vanuatu.
Le kava est traditionnellement préparé en trempant dans l'eau les fragments de
souche et de racines, pulvérisés au pilon ou mâchés - cela faciliterait l'émulsion des
particules de résine et fournirait une préparation plus active. La boisson ainsi obtenue
est consommée depuis plusieurs siècles selon un cérémonial décrit, dès 1785, par J.
COOK. Cette boisson rituelle - elle continue à jouer un rôle culturel important dans
cette région du monde - induit une sensation de bien-être.

Statut légal. La Pharmacopée européenne ne consacre pas de monographie au kava,


mais l'espèce figure, en France, sur la liste des plantes médicinales prévue par le Code
de la santé publique. Par contre elle ne figure pas sur la liste annexée à la Note
explicative éditée en 1998 par l'Agence du médicament: la commercialisation d'un
produit à base de kava avec le statut de médicament ne peut donc pas se faire selon la
procédure« allégée» de demande d'AMM. De toute façon, la survenue de plusieurs cas
d'hépatoxicité a conduit les pouvoirs publics à interdire, en mars 2003, la mise sur le
marché, la délivrance et l'utilisation à des fins thérapeutiques du kava et des produits en
contenant (à l'exception des médicaments homéopathiques à dilutions égales ou
supérieures à la 5' centésimale hahnemanienne).
358 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

En Allemagne, où la Commission E du BfArM reconnaissait au kava des propriétés


anxiolytiques et les usages qui en découlent, des dispositions du même type ont été
prises. Il en a été de même en Australie, au Canada, au Royaume-Uni, en Suisse, etc.
D'autres pays se sont contentés de mettre en garde les consommateurs sur le risque de
toxicité hépatique.

Composition chimique. Les constituants actifs des parties souterraines sont les
kavalactones (ou kavapyrones), c'est-à-dire des a-pyrones mono- ou bi-insaturées,
substituées par un groupe styryle ou phénéthyle lui-même substitué (méthoxyle,
méthylènedioxyle) ou non: yangonine, (+)-méthysticine, (+)-dihydrométhysticine, (+)-
kawaïne, (+ )-dihydro-kawaïne, déméthoxyyangonine et des produits minoritaires
(déhydrokavaïne, 7,8-dihydroyangonine, 10- et ll-méthoxyyangonines, etc.). La teneur
en résine peut fluctuer de 3 à 20 % selon les cultivars et la localisation (souche, racines
latérales) et sa composition varie selon le chimiotype.

:?' :?' 0 :?'

~
"'" 0
~
"'" 0
<0 ~
CH 30

kawaïne yangonine dihydrométhysticine

Pharmacologie. Le kava, ses extraits, la fraction liposoluble, la dihydrokawaïne


(DHK), la dihydrométhysticine (DHM) et d'autres pyrones ont fait l'objet de
nombreuses études pharmacologiques. Les pyrones, dont la concentation plasmatique
est maximale 1,8 heures après l'ingestion, induisent le sommeil chez les rongeurs (per
os) et sont sédatifs chez les rongeurs, les chats ou les lapins. Elles provoquent
également une relaxation musculaire et plusieurs d'entre elles sont anticonvulsivantes
(strychnine, électrochoc). Légèrement anesthésiques locales, les kavapyrones (DHK,
DHM) sont des analgésiques dont l'effet, contrairement à celui des opiacés, n'est pas
inversé par la naloxone. Extrait aqueux et fraction liposoluble diminuent la mobilité
spontanée, mais la sédation induite par l'extrait aqueux (faible) ne s'accompagne pas de
perte du tonus musculaire. La résine induit le sommeil, mais pas l'extrait aqueux
(Souris, voie IP). Les modifications de l'ÉEG observées chez le Chat laissent penser
que le kava et la kawaïne induisent le sommeil en agissant au niveau des structures
Iimbiques. Le mécanisme d'action des kavalactones, peut-être une diminution de
l'excitabilité du système limbique, n'est pas élucidé (inhibition des canaux sodiques,
interaction avec les récepteurs au GABA-A, etc.).
Les récits des explorateurs et les observations médicales montrent que l'ingestion de
kava induit, entre autres, sédation et décontraction, sans altération des capacités
cognitives. Cela fait du kava un anxiolytique potentiel.

Évaluation clinique. Près d'une trentaine d'essais cliniques ont évalué l'activité
anxiolytique du kava.
EXTENSION DU PHÉNYLPROPANE 359

En 2003, une synthèse méthodique d'un groupe du réseau Cochrane a retenu douze
essais comparatifs randomisés en double aveugle (700 patients) ayant comparé un extrait
de kava versus placebo. Tous ces essais sauf un ont évalué un extrait commercial,
obtenu par extraction par l'acétone à 75 % et correspondant à 70 mg de kawaïne pour
100 mg. Les patients recevaient des doses variant de 150 à 300 mg d'extrait par jour, le
plus souvent pendant quatre semaines (un seul essai de longue durée, vingt-quatre
semaines). La méta-analyse a porté sur les sept essais (380 patients) dont le critère de
jugement principal était l'évolution du score sur l'échelle de Hamilton pour l'anxiété
(HAM-A, une échelle à 14 items, validée et reconnue pour l'évaluation de l'anxiété).
Les 380 patients inclus souffraient d'une anxiété d'origine non psychotique
diagnostiquée, pour les trois-quarts des patients, selon des critères reconnus (DSM-III-R,
DSM-IV). Pour six de ces essais, le score HAM-A des patients à l'inclusion était
supérieur à 16 (anxiété majeure). Dans quatre essais, il était supérieur à 19. Les auteurs
de cette synthèse ont conclu que l'extrait de kava était significativement plus efficace
que le placebo pour diminuer l'anxiété des patients. Toutefois, cet effet est faible, et des
analyses de sensibilité statistique montrent que la preuve manque de robustesse. Des
essais de plus forte puissance statistique sont donc souhaitables.
Les résultats des cinq essais non pris en compte dans la méta-analyse confirment la
supériorité du kava sur le placebo. C'est également la conclusion des auteurs d'une
autre méta-analyse, publiée en 2005 (mais la significativité statistique de la diminution
du score HAM-A n'est pas atteinte pour les six essais qu'ils ont analysés). Des essais
récents (2006), de très petite taille, ont conclu à l'absence d'effets du kava.
Les essais ayant comparé des extraits de kava à l'oxazepam, au bromazepam, à la
buspirone ou à l'opipramol (une dibenzoazépine) ont noté l'absence de différences
d'effet, mais certains aspects de leur méthodologie laissent à désirer, en particulier les
doses de médicament d'activité établie utilisées.

Toxicité, effets indésirables, interactions. La DUo des kavalactones varie de 300 à


400 mg/kg selon la molécule considérée. Des doses quotidiennes de 24 mg/kg d'extrait
titré à 70 % administrées pendant six mois sont sans effet toxique décelable chez le
Chien. Extrait et lactones ne sont pas mutagènes. Chez l'Homme, une consommation
massive du breuvage traditionnel entraîne une élévation de la y-GT et de diverses autres
enzymes. On note aussi assez souvent une dermopathie.
Jusqu'à la toute fin du XX' siècle, l'utilisation thérapeutique du kava aux doses
recommandées ne s'est accompagnée d'aucun signalement d'effet indésirable sévère.
Ni les études post-commercialisation (environ 7000 patients), ni les essais cliniques
n'avaient décelé (sur des durées rarement supérieures à sept semaines) d'effets
indésirables (l,5 à 2,3 %) autres que des troubles gastro-intestinaux et de légères
allergies et dermopathies cutanées Uaunissement de la peau). Des cas, isolés, de
symptômes évoquant un antagonisme dopaminergique avaient également été publiés.
Les premiers cas d'hépatopathie liée au kava ont été signalés en 1998. En 2002,
plusieurs dizaines de cas d'hépatites étaient connus, ce qui devait entraîner les mesures
d'interdiction évoquées ci-dessus. Depuis 2003, plusieurs auteurs ont émis des doutes
sur la solidité du lien de causalité fait entre prise de kava et hépatopathie, du moins pour
une majorité des cas publiés. Dans un document très détaillé, Schmidt réduit à trois (sur
360 COMPOSÉS PHÉNOLlQUES

82, dont 38 en Allemagne) le nombre de cas pouvant probablement être liés au kava
[online, http://www.uni-muenster.de/Chemie.pb/forschen/Kava.html. 151 pages]. Même si ce
chiffre peut ne pas faire l'unanimité, il est certain que dans de très nombreux cas
l'hépatopathie a été attribuée au seul kava sans analyse approfondie du contexte (alcool,
thérapeutiques associées, etc.). D'autres auteurs font aussi remarquer que le kava
engendre moins d'effets indésirables que les benzodiazépines ...
Le mécanisme de la toxicité hépatique demeure inexpliqué. Réaction immunolo-
gique idiosyncratique? Conséquence de l'interaction des lactones avec le cytochrome
P450 ? Et/ou avec le glutathion hépatique? Toxicité de la piperméthysticine (un
,~

alcaloïde)? Elle n'est pas présente dans les préparations commerciales.


Interactions médicamenteuses. On connaît malle risque d'interaction entre le kava
et les médicaments. Toutefois, les kavalactones inhibent, in vitro, plusieurs isoenzymes
du cytochrome P450 ainsi que la glycoprotéine-P : diverses interactions médicamen-
teuses sont donc théoriquement possibles,
Des données expérimentales laissent penser que l'association avec l'alcool, les
benzodiazépines et les barbituriques est sans aucun doute à éviter. Il y a vraisembla-
blement un risque à associer kava et lévodopa, kava et antipsychotiques.

Emplois. Avant leur interdiction, les préparations de kava étaient utilisées - en


particulier en Allemagne - dans le traitement de l'anxiété. La monographie du BfArM
précisait: « traitement de l'anxiété, du stress et de la nervosité ». Posologie: de 60 à
120 mg par jour (exprimés en kavalactones). Contre-indications: grossesse,
allaitement, dépression endogène. Le traitement ne pouvait excéder trois mois sans avis
médical.

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Flavonoïdes

1. Introduction ........................................................................................................................ 366


2. Distribution, localisation .................................................................................................... 367
3. Structure chimique et classification ................................................................................... 368
A. Flavones, flavonols ................................................................................................ 368
B. Flavanones et dihydroflavonols ............................................................................ 370
C. Biflavonoïdes ......................................................................................................... 370
D. Chalcones, aurones ................................................................................................ 370
E. Hétérosides flavonoïdiques .................................................................................... 371
F. Cas particulier: C-hétérosides ..............................................................................371
4. Origine biosynthétique .......................................................................................................372
5. Propriétés physico-chimiques, extraction, caractérisation, dosage ..................................375
6. Propriétés biologiques ........................................................................................................378
7. Emploi des plantes à flavonoïdes ....................................................................................... 383
8. Utilisation des flavonoïdes en thérapeutique ..................................................................... 383
9. Principaux flavonoïdes commercialisés ............................................................................ 384
citroflavonoïdes ..........................................................................................................384
rutoside ........................................................................................................................385
10. Plantes dont une part de l'activité peut être due à des flavonoïdes ................................. .387
ginkgo ..........................................................................................................................387
passiflore .....................................................................................................................393
camomille romaine .....................................................................................................396
millefeuille ..................................................................................................................399
prêle .............................................................................................................................402
Aspalathus .................................................................................................................. .405
Il. Bibliographie ..................................................................................................................... .406
1sofl avo n oïd es, phyto-œstrogènes du soja ................................................................ ..411
Néoflavonoïdes, Calophyllum .................................................................................... .420
366 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

1. INTRODUCTION

Les flavonoïdes lato sensu sont des pigments quasiment universels des végétaux.
Presque toujours hydrosolubles, ils sont, entre autres et pour certains, responsables de la
coloration des fleurs dont le pouvoir attracteur conditionne la pollinisation entomophile.
Tel est le cas des flavonoïdes jaunes (chalcones, aurones, flavonols jaunes) ou celui des
anthocyanosides rouges ou mauves. Quand ils ne sont pas directement visibles, les
flavonoïdes peuvent contribuer à la coloration des fleurs par leur rôle de co-pigments:
tel est le cas des co-pigmentations flavones-anthocyanosides responsables des
colorations bleues. Dans certains cas, la zone d'absorption de la molécule est située
dans le proche ultraviolet: la « coloration» n'est alors perçue que par les insectes qui
sont, là encore, efficacement attirés et guidés vers le nectar et donc contraints à assurer
le transport du pollen, condition de la survie de l'espèce végétale. Les flavonoïdes sont
également présents dans la cuticule foliaire et dans les cellules épidermiques des
feuilles, assurant ainsi la protection des tissus contre les effets nocifs du rayonnement
ultraviolet B (ils absorbent généralement dans la région 280-315 nm). Ils peuvent aussi
participer à la résistance des végétaux aux maladies (ex. : isoflavanes antifongiques,
phytoalexines), voire jouer un rôle dans la relation plante-animal (insectes phytophages,
mais aussi herbivores) : proanthocyanidols, tanins, et certaines 2-phénylchromones.
Tous les flavonoïdes - plusieurs milliers ont été décrits - ont une origine bio-
synthétique commune et, de ce fait, possèdent le même élément structural de base, à
savoir l'enchaînement 2-phénylchromane 1. Ils peuvent être regroupés en une douzaine
de classes selon le degré d'oxydation du noyau pyranique central, lequel peut être
ouvert et recyclisé en un motiffuranique (dihydrofuranone) :
- 2-phénylbenzopyriliums, alias anthocyanes;
- 2-phénylchromones;
- flavones, flavonols et leurs dimères,
- flavanones et dihydroflavonols (dérivés 2,3-dihydrogénés);
- 2-phénylchromanes;
- flavanes,
- flavan-3-ols, flavan-3,4-diols 2;
- chalcones et dihydrochalcones (le cycle pyranique est ouvert) ;
- 2-benzylidène-coumaranones (= aurones).
Certains auteurs appliquent indifféremment le terme de flavonoïde à tous ces
composés. Si l'on peut effectivement - compte tenu de l'homogénéité structurale -
parler de flavonoïdes lato sensu pour ce vaste ensemble, nous préférons séparer ici,
pour tenir compte de leur comportement et de leurs propriétés particulières, les dérivés
flavaniques, les anthocyanosides et les isoflavonoïdes et conserver l'appellation de
flavonoïdes (stricto sensu) pour les flavones, les flavonols, leurs dérivés 2,3-
dihydrogénés, leurs dimères et les flavonoïdes «jaunes », aurones et chalcones.

1. La migration du phényle conduit au 3-phénylchromane, structure de base des is(!f7avonoïdes


qui sont ici volontairement détachés du groupe et traités indépendamment (p. 411).
2. Les structures oligomères et polymères, c'est-à-dire les proanthocyanidols, sont, avec les
polyesters galliques du glucose et leurs dérivés, des tanins (cf p. 450).
FLA VONOÏDES 367

~OH
R R
3'

HOWV
;//
OH OH
1 4'
~ HO

OH
OH a OH a
FLAVONES FLAVONOLS FLAVANONES
R = H, apigénol R = H, kaempférol R = H, naringétol
R = OH, lutéolol R =OH, quercétol R =OH, ériodictyol

~OH ~OH ~OH


O",~
H0W,I O",~U
O,,~U H0W,I
H0'Ç(t1 ~
~ ~ OH ~ ~ OH
.

H H H'" À OH
OH a OH OH OH
DIHYDROFLAVONOLS FLA VAN-3-0LS FLAVAN-3,4-DIOLS
R = H, dihydrokaempférol R =H, afzéléchol R =H, leucopélargonidol
R =OH, dihydroquercétol R =OH, catéchol R =OH, leucocyanidol

R OH R
3
;//
OH x- OH
1 4
HO ~ HO HO
4'

2'
OH
OH a a OH

CHALCONES AURONES ANTHOCYANIDOLS


R =H, isoliquiritigénine hispidol R =H, pélargonidol
R = OH, butéine R =OH, cyanidol

2. DISTRIBUTION, LOCALISATION

Distribution. La présence de flavonoïdes chez les Algues n'a pas, à ce jour, été
démontrée. S'ils sont fréquents chez les Bryophyta (Mousses et Hépatiques), ce sont
toujours des flavonoïdes stricto sensu, majoritairement des 0- et C-hétérosides de
l1avones et des dérivés O-uroniques. Chez les Pteridophyta, la variété structurale des
Ilavonoïdes n'est guère plus grande, les Psylotopsida et Lycopsida étant caractérisées par
la présence de biflavonoïdes, les Equitopsida par celle de proanthocyanidols. Les 0-
hétérosides de flavonols dominent chez les Filicopsida qui, pour certaines, élaborent
également chaIcones ou proanthocyanidols. Chez les Gymnospermae, les proantho-
cyanidols sont remarquablement constants et l'on note la présence, chez les Cycadopsida
ct les Pinopsida (à l'exception des Pinaceae), de biflavonoïdes absents chez les
Gnetopsida; la distribution de ces composés et des hétérosides de flavones et flavonols
qui les accompagnent varie ici nettement en fonction de l'organe (bois, écorce, feuilles).
368 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

C'est chez les Angiospermae que la diversité structurale des flavonoïdes est maximale:
ainsi, une trentaine de types flavonoïdiques ont pu être identifiés chez les Asteraceae. .~
De nombreux auteurs se sont attachés à relier la distribution de ces molécules aux ,~
différents systèmes taxonomiques proposés par les systématiciens contemporains 3: '1
dans les grandes lignes, elle n'est pas en désaccord avec les tendances évolutives mises ~
en lumière par ces systèmes. Elle permet même, en particulier pour les Dicotyledonae, il
de dresser un phylogramme assez cohérent entre les groupes qui ont conservé une forte .~
proportion de caractères ancestraux et ceux qui ont le plus évolué. ~

Localisation. Les formes hétérosidiques des flavonoïdes, hydrosolubles, s'accumu- '.,',,1


lent dans les vacuoles et, selon les espèces, se concentrent dans l'épiderme des feuilles ,
ou se répartissent entre l'épiderme et le mésophylle (mais ces deux tissus peuvent '.1
accumuler spécifiquement des structures différentes, comme cela a été démontré chez l
certaines céréales). Dans le cas des fleurs, elles sont concentrées dans les cellules ··,Î
épidermiques. Lorsque les flavonoïdes sont présents au niveau de la cuticule foliaire, il
s'agit presque toujours de génines libres dont la lipophilie est accrue par la méthylation
partielle ou totale des groupes hydroxyle. Cela concerne surtout des plantes de régions
arides ou semi-arides, souvent pourvues de structures sécrétrices.

3. STRUCTURE CHIMIQUE ET CLASSIFICATION

Dans toutes les classes de flavonoïdes mentionnées ci-dessus, la biosynthèse justifie "
la présence fréquente d'au moins trois hydroxyles phénoliques en C-5, C-7 et C-4' de la
génine; cela étant, l'un d'entre eux peut être absent.

A. Flavones, flavonols

Ces molécules sont les plus nombreuses du groupe: en 2004 on dénombrait plus de
1100 génines de structure connue (530 flavones et 600 flavonols), et environ 1400
hétérosides de flavonols et 700 hétérosides de flavones. Chez ces molécules le cycle A'
est, dans près de 90 % des cas, substitué par deux hydroxyles phénoliques en C-5 et en
C-7. Ces hydroxyles peuvent être libres ou éthérifiés, l'un d'entre eux peut être engagé
dans une liaison hétérosidique. Un troisième hydroxyle, libre chez les chalcones, est
biogénétiquement à l'origine de l'atome d'oxygène du cycle pyranique des autres
flavonoïdes et de celui du cycle furanique des aurones.

3. Inter alia : Cronquist, A. : (a) - (1981). An integrated system of classification offlowering


plants, Columbia University Press, New York; (b) - (1988). The evolution and classification of
flowering plants, 2'" ed., The New York Botanical Garden, New York. Et, moins utilisées: (1)- Thome,
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(3) - Dahlgren, R. (1983). General aspects of angiosperm evolution and macrosystematics, Nord. J.
Bot., 3, 119-149. Voir aussi la classification phylogénique en clades de l'Angiosperm Phylogeny ;
Group: APG (2003). An update of the Angiosperm Phylogeny Group classification for the orders and
families of flowering plants: APG II. Bot. J. Lin. Soc., 141, 399-436 (et réf citées).
FLA VONOÏDES 369

D'autres substitutions peuvent intervenir, avec des fréquences variables :


hydroxyles libres ou éthérifiés en C-6 et/ou en C-8, isoprénylation ou méthylation en C-
6 ou en C-8, implication du C-6 et/ou du C-8 dans une liaison carbone-carbone avec un
sucre (voir ci-dessous).
Le cycle B, substitué dans 80 % des cas en CA', peut être 3' ,4'-disubstitué ou,
moins fréquemment, 3' ,4' ,5' -tri substitué ; les substituants sont presque toujours des
groupes -OH ou -OCH 3 . Les autres positions (C-2' et C-6') ne sont qu'exception-
nellement substituées.
L'isoprénylation des flavones et flavonols peut conduire à des dérivés isopropyl-
furano- (Lonchocarpus, Milletia) ou diméthylpyrano- (Artocarpus, Broussonetia) et à
leurs dérivés. On connaît aussi des géranylflavones et géranylflavonols et leurs produits
de cyclisation (polycycliques). On a également décrit des produits d'addition d'une
navone (l'apigénine) avec l'umbelliférone (Gnidia).
La distribution de ces flavones et flavonols et de leurs hétérosides est universelle,
mais certains schémas de substitution sont restreints à des familles ou groupes de
familles, d'où leur intérêt en termes de chimiotaxonomie : ainsi, les flavonoïdes 6-0-
substitués sont fréquents chez les Lamiaceae, les Rutaceae et les Asteraceae, les 5-
désoxyflavones chez les Fabaceae et les Myrtales, les flavonols 2' -O-substitués chez les
Lamiaceae, les Solanaceae et l'exsudat farineux qui recouvre les feuilles et les
inflorescences des primevères (Primulaceae).

eucalyptine T
OH 0
Çy0H

X
CH 3 0 -;/ ;x;/~)I
0 ~ ~
cajaflavanone

1 1

CH 30 ~

OH 0
GlTsimaritine HOyO ~
yjùlOH
~
6
OH

PI 0\
6 1 1

4'" 0 OR
-;/
OH 0 1 3'
HO ~O ~ HO 0 ~

l,
~
li î
1 "" 0

1 Il HO OH
OH 0 OH 0

R =H, amentoflavone
hinokiflavone
R = CH3, bilobétol
370 COMPOSÉS PHÉNOLlQUES

B. Flavanones et dihydroflavonols

Ces molécules sont caractérisées par l'absence de double liaison en 2,3 et par laÎ l
présence de centres d'asymétrie. Chez les flavanones naturelles, le carbone C-2 est 1
normalement de configuration 2S, mais l'on peut trouver la paire de stéréoisomères'ii
dans la même plante (ex. : peruvianosides du Thevetia peruviana). Si, pour les '~
dihydroflavonols, quatre isomères sont théoriquement possibles, la presque totalité des ;;
composés de la série connus à ce jour sont de configuration 2R, 3R, le phényle et 1 ~
l'hydroxyle étant en trans. Les variations structurales sont de même nature que celles '1
qui sont décrites ci-dessus pour les flavones et flavonols. On a décrit de nombreuses .~
flavanones C-prénylées (et leurs dérivés cyclisés, Fabaceae, Moraceae, Rutaceae), C-
méthylées (Asteraceae, Rhododendron, Miconia) , ou encore C-benzylées (Uvaria).
Enfin, on connaît des dimères (voir ci-dessous) et divers adduits (voir, entre autres, les
flavanolignanes du chardon-Marie, p. 336).
'~
C. Biflavonoïdes
.~

Les flavonoïdes peuvent se lier les uns aux autres, en particulier par leurs carbones, ,~
tbr~fls réactifds, C-6 ou Cl-8. Il dse fOd~~ alords ufln dimère: dunflbiflavonoïde; ~a majorité des :.~ l ',I,'.·
.•

1 avonoï es nature s sont es Imeres e avones et e avanones generalement 5, 7 , .,


4' -tri substituées dont la liaison interflavanique peut être de type carbone-carbone (C-3' ,
C-8", ex. : amentoflavone; C-6, C-8", ex. : agathisflavone; C-8, C-8", ex. : cupressu-
flavone, etc.) ou de type carbone-oxygène-carbone (C-6-0-C-4"', ex. : hinokiflavone). ,~
Les deux unités constitutives du biflavonoïde peuvent être ou non du même type (bis-
flavone, bis-flavanone, flavone-flavanone, flavanone-chalcone 4). Les hydroxyles
peuvent être libres ou - cela est fréquent - méthylés. On ne connaît, dans ce groupe,
que peu de structures hétérosidiques. Les biflavonoïdes sont caractéristiques des'
Gymnospermae (voir ci-dessus). Chez les Angiospermae, leur distribution est
sporadique (Hypericum, Semecarpus, Schinus, Garcinia, etc.).

D. Chalcones, aurones

Les chalcones, dépourvues de l'hétérocycle central, sont caractérisées par la:


présence d'un chaînon tricarboné, cétonique, a,~-insaturé. Si les substitutions sur le:;
noyau A sont le plus souvent identiques à celles des autres flavonoïdes (C-2', CA', C- '
6')5, le noyau B, est assez fréquemment monosustitué ou non substitué. Les isoprényl- '
et diméthylpyranochalcones semblent assez fréquentes, en particulier chez les.
Fabaceae, les Moraceae et les Rutaceae. On connaît par ailleurs des bischalcones '
(Anacardiaceae, Ochnaceae), des dihydrochalcones, des C-benzyldihydrochalcones,.
etc. Les aurones sont caractérisées par une structure de 2-benzylidènecoumaranone.

4. L'oligomérisation et la polymérisation sont possibles chez les dérivés flavaniques : la:


condensation des flavan-3-ols et flavan-3,4-diols conduit aux proanthocyanidols, voir p. 450. '
5. Ce qui équivaut aux positions C-5, C-7 et à l'oxygène du cycle pyranique : attention! la,
numérotation est inversée, les carbones de la benzophénone sont ici identifiés par des nombres'.
FLA VONOÏDES 371

E. Hétérosides flavonoïdiques

La partie osidique est, le plus souvent mono- ou disaccharidique. Elle est moins
fréquemment trisaccharidique et, très rarement, tétrasaccharidique. Les monosides sont
formés avec le D-glucose, mais aussi avec le D-galactose ou le D-allose, avec des
pentoses (D-apiose, L-arabinose, L-rhamnose, D-xylose) ou avec les acides D-
glucuronique et D-galacturonique. Tous ces sucres pouvant se combiner dans les
oligosides, la variabilité structurale augmente avec les hétérosides disaccharidiques, et
plus encore avec ceux dont la partie osidique est un tri- ou un tétrasaccharide qui peut
être linéaire ou ramifié (plusieurs dizaines d'enchaînements de ce type sont actuel-
lement connus). Souvent, l'ose (ou l'oside) est acylé (voir, page suivante, quelques
exemples de structures).
La liaison entre la génine et l'ose peut se faire par l'un quelconque des hydroxyles
phénoliques de la génine mais, en règle générale, ce sont surtout l'hydroxyle en C-7 des
flavones et l'hydroxyle en C-3 des flavonols qui sont impliqués. Pour les flavanones, la
liaison implique généralement l'hydroxyle en C-7 et un ose ou un bioside,
éventuellement acylé.

structure dénomination habituelle


O-~-D-xylosyl-( 1->2)-glucose sambubiose
O-a-L-rhamnosyl-( 1->2)-glucose néohespéridose
O-a-L-rhamnosyl-( 1->6)-glucose rutinose
O-~-D-glucosyl-( 1->2)-glucose sophorose
O-~-D-glucosyl-( 1->6)-glucose gentiobiose
O-~-glucosyl-( 1->2)-0-~-glucosyl-( 1->2)-glucose sophorotriose
O-a-rhamnosyl-( 1->2)-0-~-glucosyl-( 1->3)-glucose 2'-rhamnosyl-laminaribiose
O-a-rhamnosyl-( 1-> 4)-0-[ a-rhamnosyl-( 1->6)-galactose J 4Gal-rhamnosylrobinobiose

Exemples de di- et trisaccharides constitutifs des hétérosides flavonoïdiques

Les progrès des techniques d'analyse, particulièrement dans le domaine de la


spectrométrie de masse (FAB-MS, DCI-MS), ont conduit à la mise en évidence d'un
nombre croissant de structures acylées : un hydroxyle de la partie osidique est estérifié
par un acide aliphatique (acétique, malonique, tiglique, etc.) ou aromatique (gallique,
benzoïque, 4-coumarique et autres dérivés cinnamiques). On a également décrit des
Ilavonoïdes sulfatés.

F. Cas particulier: C-hétérosides (= C-glycosides)

Ces composés, les C-glycosylflavonoïdes 6 , ne sont pas rares: on en connaît plus de


.150. La liaison s'établit entre le carbone anomérique du sucre (c'est souvent le glucose,

6. Nous reprenons volontairement ici la terminologie anglo-saxonne en vigueur dans tous les
ouvrages et publications sur le sujet. Ne pas confondre un dérivé glucosylé (dérivé du glucose) et un
dérivé glycosylé (dérivé d'un sucre quelconque).
372 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

LOH ~OH

H°Y'Y°i(J~/~ HO"~)/O,,N
Il
~o-ose ~
/ 1

YO-GIC-(S"-p-coumarOYI)
OH 0 OH 0
ose =rhamnose, quercitroside
ose =galactose, hypéroside tiliroside
ose =glucose, isoquercitroside
OH

;/
OH ;/
OH
Glc Ara
HO, ~ 0 ~

OH

x;xO/
Glc
Il
OH 0
GI~O~ 1 0 1 // 1
OH 0

orientine Glc ~ shaftoside

OH 0

saponarine (7-0-glucosyl-isovitexine)

mais ce peut être le galactose ou un pentose) et le carbone C-6 ou C-8 de la génine qui,
si elle est souvent f1avonique, peut aussi bien être d'un autre type: f1avonol, chalcone,
etc. On distingue plusieurs types de structures:
- 1° les mono-C-glycosylflavonoïdes (ex. : scoparoside du genêt à balais);
- 2° les di-C-glycosyl-f1avonoïdes (ex. : isoschaftoside du thé);
- 3° les C-glycosyl-O-glycosylflavonoïdes (ex. : saponaroside de la passiflore);
- 4° les acyl-C-glycosyl-flavonoïdes (ex. : 4"'-O-acétyl-2"-rhamosylvitexine de
l'aubépine).
On note que l 'hétérocycle des dérivés du type 5-hydroxy-C-glycosylflavones
s'ouvre facilement en milieu acide, ce qui explique que ces dérivés s'isomérisent
aisément (6<->8, 8<->6). Cette isomérisation, dite isomérisation de WESSELY-
MOSER, conserve un intérêt pour l'étude structurale de ces composés.

4. ORIGINE BIOSYNTHÉTIQUE

L'origine des flavonoïdes est inscrite en filigrane dans leur structure. Elle apparaît
bien dans celle des chalcones : condensation d'un « triacétate» (cycle A) et d'un acide
cinnamique (cycle B), la cyclisation engendrant le cycle pyranique central. Cette
hypothèse a été confirmée par l'utilisation de précurseurs radiomarqués et par des
l"
études au niveau enzymatique, aussi bien sur des cultures de tissus que sur la plante
entière (pétales en particulier).
L'étape clé de la formation des flavonoïdes est la condensation, catalysée par la
chalcone-synthase, de trois molécules de malonyl-CoA avec un ester du coenzyme A et
FLA VONOÏDES 373

d'un acide hydroxycinnamique, en règle générale le 4-coumaroyl-coenzymeA


(l'incorporation de caféoyl-CoA semble limitée à quelques espèces, l'hydroxylation
supplémentaire du noyau B se faisant tardivement). Le produit de la réaction est une
cha1cone, la 4,2' ,4' ,6' -tétrahydroxycha1cone ou, si la condensation a lieu en présence
d'une polyacétate-réductase à NADPH, une 6'-désoxycha1cone, la 4,2',4'-tri-
hydroxychalcone. Dans les conditions physiologiques normales, la cha1cone tend à
s'isomériser spontanément en flavanone racémique. En fait, la cyc1isation de la
cha1cone est catalysée par une enzyme, la cha1cone-isomérase, qui induit une fermeture

OH

P
Origine biosynthétique
des flavonoïdes ~I
+ COASy
o 4-coumaroyl GoA
génistéine (isoflavone)

H°Y(°i")~)
1 ~OH
HO;/' OH
Y(vn l
j p- ~ 1
oH

4,6,4'-trihy-

j yY
~ - droxy-aurone
OH 0 OH 0
apigénine j naringétol =naringénine 4,2',4',6'-tétrahydroxychalcone
=apigénol
(flavone) ~OH OH

o,)~)J
HOWI HO

~ OH OH

OH 0 (2R,3R)-dihydrokaempférol kaempférol

j riT°H ~OH

O,)~)
HOWI H°Y(°i"",0
~ OH
~OH
OH OH OH
leucopélargonidol afzéléchol

OH

HO
propélargonidol-B3 (dimère)

OH
OH
pélargonidol _ pélargonidol-3-glucoside
374 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

stéréospécifique du cycle (addition syn sur la double liaison E) conduisant à la seule


(2S)-flavanone : naringénine (= naringétol) et liquiritigénine dans les deux cas
envisagés, c'est-à-dire les précurseurs immédiats et respectifs des flavonoïdes et des 5-
désoxyflavonoïdes.
Une dioxygénase, la flavanone 3-hydroxylase, a été isolée. Catalysant l'hydroxy-
lation en C-3 des seules (2-S)-flavanones elle induit, de façon univoque, l'hydro-
xylation de la (2-S)-naringénine en (2-R,3-R)-dihydrokaempférol et celle du (2-S)-éryo-
dictyol en (2-R,3-R)-dihydroquercétol. C'est sur ces substrats qu'agit ensuite la flavonol-
synthase : cette dioxygénase fonctionne, comme la précédente, en présence de
l'oxoglutarate. Elle introduit la double liaison entre les carbones C-2 et C-3.
Des enzymes très proches, les flavone-synthases l et II - la première est connue
chez les Apiaceae, la seconde est largement distribuée -, transfOiment les flavanones
en flavones par introduction, comme précédemment, d'une double liaison entre les
carbones C-2 et C-3. Contrairement à ce qui a été longtemps postulé, ces désaturations
ne font pas intervenir un intermédiaire hydroxylé en C-2 mais, plus probablement,
l'élimination directe de protons en C-2 et C-3. Le mécanisme de formation des flavones
et des flavonols à partir de leurs précurseurs di hydrogénés serait donc de même nature
que celui qui conduit des flavanones aux isoflavones.
Les autres flavonoïdes (flavanols, proanthocyanidols, anthocyanosides) ne possè-
dent plus de groupe carbonyle en C-4. Ils proviennent d'un (2R,3R,4S)-trans-2,3-
flavan-cis-3,4-diol (= cis-flavan-3,4-diol = « leucoanthocyanidol »), produit de
réduction, par une dihydroflavonol-4-réductase NADPH dépendante, d'un (2R,3R)-
dihydroflavonol. La formation ultérieure des flavan-2,3-trans-3-ols (= flavan-3-ols) est
induite par une réductase. Pour sa part, la formation des composés de la série épi
nécessiterait le passage par un anthocyanidol et la réduction de ce dernier. Les
mécanismes impliqués dans la genèse des flavan-2,3-cis-3-ols (ent) demeurent mal
connus. L'enzymologie de la réaction de condensation qui conduit aux
proanthocyanidols n'est pas connue (via un carbocation ou une méthide-quinone). Le
mécanisme de formation des anthocyanosides reste, lui aussi, hypothétique
(glucosylation d'un flav-3-èn-3,4-diol intermédiaire puis déshydratation 7).
Si d'autres acides en C 9 que l'acide 4-coumarique peuvent être incorporés in vitro
pour conduire à des flavonoïdes 3' ,4' -di- ou 3' ,4' ,5' -trisubstitués, les hydroxyles et
méthoxyles supplémentaires du noyau B proviennent en fait de substitutions induites
sur les molécules en C'5 par des hydroxylases et des O-méthyl-transférases, ces
dernières étant, le plus souvent, étroitement sélectives.
La formation de la (ou des) liaison(s) hétérosidique(s) est sous la dépendance de
transférases également très spécifiques quant au substrat et à la position d' osy lation;
elle nécessite la présence d'uridine diphospho-oses (UDP-oses). Une spécificité du
même type a été observée pour les acyl-transférases qui induisent l'acylation de certains
hétérosides, en particulier anthocyaniques.
FLA VONOÏDES 375

5. PROPRIÉTÉS PHYSICO-CHIMIQUES, EXTRACTION,


CARACTÉRISATION, DOSAGE

A. Solubilités et extraction

Si, en règle générale, les hétérosides sont hydrosolubles et solubles dans les alcools,
bon nombre d'entre eux ont une hydrosolubilité plutôt faible (rutoside, hespéridoside).
Les génines sont, pour la plupart, solubles dans les solvants organiques apolaires ;
lorsqu'elles ont au moins un groupe phénolique libre, elles se dissolvent dans les
solutions d'hydroxydes alcalins. L'extraction est réalisée après broyage, lequel peut être
précédé d'une congélation (azote liquide), ou d'un séchage conventionnel. Cette
extraction par solvants peut être suivie d'une extraction liquide-liquide, voire d'une
extraction sur phase solide (SPE, Solid-Phase Extraction).
L'extraction cIasssique est réalisée à l'aide de méthanol ou de mélanges méthanol-
eau (70-90 : 30-10), voire d'un mélange acétonitrile-eau. Il est possible de procéder
ensuite à une évaporation sous vide et, lorsque le milieu ne contient plus que de l'eau,
de mettre en œuvre une extraction liquide-liquide par un solvant non miscible à l'eau
(diéthyléther, acétate d'éthyle), notamment pour extraire les génines. L'utilisation
successive de solvants de polarité croissante peut, le cas échéant, permettre une
purification et un premier fractionnement.
L'extraction sur phase solide (SPE), introduite assez récemment dans le domaine
des polyphénols, met en jeu des silices greffées et, par exemple, une phase aqueuse
légèrement acidifiée contenant les f1avonoïdes extraits. L'éluat (ex. : du méthanol) peut
être directement analysé en chromatographie liquide, éventuellement couplée (SM). Il
est possible de réaliser simultanément l'extraction de l'échantillon et sa purification par
dispersion de celui-ci dans le support greffé (MSPD, Matrix SaUd-Phase Dispersion).
Remarques
1. Si le but de l'extraction est d'obtenir uniquement les génines, on peut réaliser une
hydrolyse chimique ou enzymatique préliminaire. A contrario, l'extraction des
hétérosides nécessite des précautions: basse température, inactivation des enzymes.
2. Les f1avonoïdes lipophiles des tissus superficiels des feuilles (ou des frondes)
sont directement extraits par des solvants moyennement polaires (dichlorométhane); il
faut ensuite les séparer des cires et des graisses extraites simultanément (on peut certes
laver d'abord à l'hexane, mais la sélectivité de ce solvant n'est pas absolue).
La séparation et la purification des différents flavonoïdes sont fondées sur les
techniques chromatographiques habituelles (sur polyamide, sur cellulose, etc.). Comme
pour la plupart des autres métabolites secondaires des végétaux, la chromatographie
1iquide est maintenant la méthode de choix pour l'isolement et le dosage des
hétérosides f1avonoïdiques : phases inverses C 8 ou C 18 avec des solvants du type eau -
acétonitrile, eau - méthanol (+ acide formique, acétique ou trifluoroacétique).

B. Caractérisation

Si plusieurs réactions colorées permettent de mettre en évidence génines et


hétérosides dans les extraits bruts, l'étude préliminaire de ces extraits est,
~------------------------------------------------~ ~
î
Citrus limon (L.) Burm.f.
i
1
j
FLA VONOÏDES 377

classiquement, dominée par la CCM mono- ou bi-dimensionnelle, le plus souvent sur


gel de silice normale, éventuellemnt sur silice greffée. L'étude des chromatogrammes
peut se faire:
• directement: cha1cones et aurones sont habituellement directement visibles sur les
chromatogrammes. En présence de vapeurs d'ammoniac les taches passent à l'orange et
au rouge;
• par un examen en lumière ultraviolette avant et après pulvérisation de trichlorure
d'aluminium, avant et après exposition aux vapeurs d'ammoniac: la nature et les
changements des fluorescences observées donnent des renseignements utiles sur le type
de flavonoïde présent;
• après pulvérisation d'une solution à 1 % de l'ester du 2-aminoéthanol et de l'acide
diphénylborique dans le méthanol, suivie d'un examen en lumière ultraviolette puis
dans le visible. On améliore la sensibilité en pulvérisant en plus une solution métha-
nolique à 5 % de polyéthylèneglycol400 (= macrogoI400);
• après pulvérisation de chlorure ferrique, d'anisaldéhyde, d'acide sulfanilique
diazoté, ou d'autres réactifs généraux des phénols;
• par l'utilisation de réactions ou de propriétés plus ou moins spécifiques:
- réaction - dite de la cyanidine - avec la poudre de magnésium en milieu
chlorhydrique (flavanones et dihydroflavonols) ou avec le zinc dans le même
milieu (flavonoïdes stricto sensu),
- réaction des dihydrocha1cones, après action du borohydrure de sodium, avec la
2,3-dichloro-5 ,6-dicyano-1 ,4-benzoquinone.

Étude structurale, identification. Les méthodes d'étude structurale des flavonoïdes


ne seront pas abordées ici. L'analyse structurale des flavonoïdes a bénéficié des progrès
considérables aussi bien de la spectrométrie de masse que de la résonance magnétique
nucléaire et, surtout, du développement récent des techniques de couplage avec la
chromatographie liquide (en particulier avec la spectrométrie de masse tandem ou avec
la RMN). Ces techniques ont relégué au second plan les méthodes traditionnelles telles
que la spectroscopie dans l'ultraviolet en milieu neutre (méthanol), en présence de
bases (acétate de sodium, hydroxyde de sodium), d'acides de Lewis (trichlorure
d'aluminium) ou d'acide borique, qui fournissaientt de précieuses indications sur le
type structural, la nature et la position des substituants. Ce type de renseignements est
maintenant fourni en partie, et directement, par les détecteurs à barrette de diode, ce qui
explique l'intérêt et la généralisation de leur couplage avec la chromatographie liquide.

c. Dosage

Les méthodes de dosage classiques sont colorimétriques ou spectrophotométriques


(ex. : mesure de l'absorbance après réaction avec AICI 3). La chromatographie liquide
offre la possibilité d'une estimation rapide et précise de tous les flavonoïdes présents
dans une plante, elle est donc largement utilisée (y compris par les pharmacopées). Pour
la détection, l'UV est une méthode de choix, les cycles A et B des flavonoïdes
absorbant respectivement vers 240-285 nm et 300-550 nm. La présence de groupes
phénoliques permet aussi l'emploi de détecteurs électrochimiques.
378 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

L'électrophorèse capillaire (avec différents systèmes de détection) consitue


également une bonne méthode d'analyse des flavonoïdes des plantes (électrophorèse
capillaire de zone [CZEJ, ou chromatographie capillaire électrocinétique micellaire
[MEKC]).

6. PROPRIÉTÉS BIOLOGIQUES

La principale propriété initialement reconnue aux flavonoïdes est d'être « veino-


actifs », c'est-à-dire d'être capables de diminuer la perméabilité des capillaires sanguins
et de renforcer leur résistance. Chez l'animal, ils peuvent réduire les signes d'une
hypovitaminose C expérimentale. Cette propriété leur a valu, pendant un temps, le nom
de « vitamine P ». N'étant pas des vitamines (une carence en flavonoïdes n'entraîne
aucun syndrome particulier), on a parlé ensuite de « facteurs vitaminiques P » ou,
moins ambigu, de « facteurs P ». Ces termes ne sont plus guère utilisés: on parle
maintenant de « veinotropes » ou de « veinotoniques » pour ces produits naturels et
leurs dérivés que les dictionnaires de spécialités rangent sous la rubrique générale
« vasculoprotecteurs et veinotoniques ». Cet intérêt supposé des flavonoïdes est loin de
faire l'unanimité: la lecture des traités classiques de pharmacologie ne laisse guère de
doutes sur le peu d'importance qui est, en règle générale, accordée à leur valeur
thérapeutique. Il n'en reste pas moins que flavonoïdes et préparations à base de
flavonoïdes sont encore très largement utilisés, en particulier en France où certains
considèrent qu'ils peuvent, entre autres, améliorer la symptomatologie fonctionnelle
d'une affection très placebo-sensible: l'insuffisance veineuse chronique des membres
inférieurs. La France est d'ailleurs, et curieusement, le seul pays à recourir aussi
massivement à ces produits d'intérêt contesté: à la fin du siècle dernier, notre pays
représentait 70 % du marché international des veinotoniques (mais la prévalence de
l'insuffisance veineuse chronique n'est pas spécifiquement française ... ).
Actuellement, on s'intéresse surtout à l'interaction des flavonoïdes avec les radicaux
et à ses conséquences possibles en termes de prévention, dans la mesure ou ces
micronutriments sont apportés en quantité notable par les fruits et les légumes.
Beaucoup de travaux s'efforcent également de cerner, in vitro, l'activité de ces
molécules sur les cellules et les systèmes impliqués dans la réponse immunitaire et
l'inflammation.

Flavonoïdes J résistance et perméabilité capillaire


Historiquement, la notion d'effet capillaro-protecteur est liée à l'observation
suivante : certaines manifestations du scorbut, guéries par l'administration de jus de
citron, ne le sont pas par l'administration du seul acide ascorbique (= vitamine C). Il a
donc été postulé que l'acide ascorbique ne pouvait agir qu'en association avec un
facteur« C 2 » ou « P », d'abord identifié aux flavonoïdes stricto sensu puis, plus glo-
balement, aux anthocyanosides et aux oligomères flavanoliques.
Il est effectivement possible de montrer que toutes ces molécules sont capables de
diminuer la perméabilité des capillaires et de renforcer leur résistance. La méthode la
plus classique pour apprécier la résistance des capillaires consiste à mesurer la valeur de
FLA VONOÏDES 379

la dépression nécessaire pour provoquer leur rupture. La dépression est obtenue par
l'intermédiaire d'une ventouse appliquée sur la peau et la rupture se manifeste par la
formation de pétéchies. Pour évaluer l'effet sur la perméabilité capillaire, il est possible
de mesurer, chez l'animal, le temps d'apparition au niveau de la peau irritée de
l'abdomen d'un colorant injecté par voie générale. Beaucoup d'autres méthodes
peuvent être employées: inhibition de la fuite capillaire de protéines radiomarquées,
induction de stase veineuse, études sur veines isolées, etc. L'augmentation du tonus
veineux chez l'Homme peut être mise en évidence au moyen de diverses techniques:
pléthysmographie gazeuse, clairance du mXe, etc. On peut aussi apprécier
l'augmentation de la résistance capillaire (albumine radiomarquée).

Flavonoïdes et radicaux (( libres JJ


De nombreuses propriétés, mises en évidence in vitro, sont invoquées pour
expliquer l'action des flavonoïdes. Initialement, il a été postulé qu'ils agiraient sur la
réduction de l'acide déhydroascorbique via le glutathion à l'encontre duquel ils se
comporteraient comme des donneurs d'hydrogène. L'économie d'acide ascorbique
serait d'autant plus grande que le flavonoïde est plus réducteur.
On considère maintenant, et plus globalement, que ces phénols que sont les
t1avonoïdes piègent les radicaux formés dans diverses circonstances:
- anoxie, qui bloque le flux d'électrons en amont des cytochromes oxydases et
cngendre la production de l'anion radical superoxyde (0 2 • -). Le radical superoxyde
réagit avec les protons en se dismutant en dioxygène et peroxyde d'hydrogène;
- inflammation, qui correspond, entre autres, à la production d'anions superoxyde
(0 2• -) par la NAD PH-oxydase membranaire des leucocytes activés, mais aussi à celle,
par dismutation, de peroxyde d'oxygène lequel, en présence d'ions ferreux, engendre le
très réactif radical hydroxyle (OH·, réaction de Fenton; il est aussi produit par les
rayonnements électromagnétiques) et d'autres espèces réactives (HOCI, chloramines,
etc.). Ces espèces, normalement mises enjeu au cours du phénomène de la phagocytose
peuvent, par exocytose, être libérées dans le milieu extérieur et y provoquer des dégâts
biochimiques importants;
- autoxydation lipidique. En général amorcée par un radical hydroxyle (ou par
NO") qui arrache un hydrogène à la chaîne latérale d'un acide gras, elle forme un radical
carboné (R"). Ce dernier réagit avec l'oxygène pour former des peroxydes cycliques et
des radicaux hydroperoxyde (ROO") assurant la propagation de cette réaction en chaîne.
Il se forme également des radicaux alkoxyle lipophiles (RO").
Normalement, la cascade des réactions découlant de l'appariement de l'un des
électrons libres de l'oxygène est interrompue par des systèmes enzymatiques:
superoxyde dismutases (mitochondriale et cytoplasmique) qui transforment l'anion
radical su peroxyde (0 2 • -) en peroxyde d'hydrogène (H 20 2) et dioxygène (0 2); catalase
et glutathion-peroxydase qui réduisent aussi bien les peroxydes (en eau) que, plus
tardivement, les hydroperoxydes (ROOH + 2 GSH -> R-OH + H 20 + GS-SG).
Biochimiquement, les radicaux - leur rôle physiologique est incomplètement
élucidé - seraient responsables d'altérations des acides nucléiques et de mutations,
d'initiation et de promotion de processus de cancérisation, ainsi que de dégradations
cellulaires du fait, entre autres, de leur réaction avec les phospholipides membranaires.
380 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES 1j
l
li

~
La majorité des auteurs admet aujourd'hui, en l'absence de preuve absolue, l'hypothèse
selon laquelle les radicaux ont une part de responsabilité dans la genèse des lésions
athéromateuses, dans l'apparition de certains cancers ou dans les dégénérescences
nerveuses, voire dans l'arthrite rhumatismale ou la cataracte. C'est sur cette base que se
sont développés de très nombreux travaux, notamment épidémiologiques, sur le rôle
préventif que pourraient jouer des molécules antioxydantes (capables de piéger les
radicaux) comme les flavonoïdes, certains lignanes ou d'autres métabolites réguliè-
rement apportés par la ration alimentaire.
L'effet antagoniste d'une substance à l'égard de la production de radicaux peut être
apprécié expérimentalement. On peut en effet produire des radicaux in vitro par
radiolyse (radical hydroxyle) ou par voie chimique (radical diphénylpicrylhydrazyle) et
les détecter, par résonance paramagnétique électronique dans le premier cas ou
colorimétriquement dans le second. Disposant de radicaux libres, on est à même de
mesurer, in vitro, la capacité antiradicalaire d'une substance à tester sur des modèles de
peroxydation lipidique, ou d'évaluer son activité in vivo par comparaison à celle d'un
antioxydant de référence. De nombreux flavonoïdes Lato sensu et, avec eux, beaucoup
d'autres phénols (en particulier les tocophérols [= vitamine E]), réagissent avec les
radicaux, empêchant ainsi les dégradations liées à leur intense réactivité. Il semble que
la capacité antioxydante d'un flavonoïde dépende de son affinité pour les radicaux et
donc de sa structure (in vitro, les flavanols sont plus actifs que les flavonols, eux-
mêmes plus actifs que les flavanones, etc. 7).

Flavonoïdes : inhibiteurs enzymatiques


En règle générale, les flavonoïdes sont, in vitro, des inhibiteurs enzymatiques:
inhibition de l'histidine-décarboxylase par le quercétol ou la naringénine;
- inhibition de l'élastase ;
- inhibition de la hyaluronidase, par les flavones et surtout par les proantho-
cyanidols, ce qui permettrait de conserver l'intégrité de la substance fondamentale de la
gaine vasculaire;
- inhibition non spécifique de la catéchol-O-méthyltransférase, ce qui augmen-
terait la quantité de catécholamines disponible et donc provoquerait une élévation de la
résistance vasculaire ;
- inhibition de la phosphodiestérase de l'AMPc ce qui pourrait expliquer, entre
autres et pro parte, leur activité anti-agrégante plaquettaire;
- inhibition de l'aldose-réductase - on sait qu'elle est impliquée dans la pathogénie
de la cataracte - par le quercitroside ainsi que par des méthoxyflavones (rongeurs,per
os);
- inhibition in vitro de la protéine-kinase, notamment par le lutéolol;
- plusieurs flavonoïdes - cirsiliol, hypolaetine, etc. - sont de puissants inhibiteurs
de la 5-lipoxygénase et donc de la production des leucotriènes médiateurs de
l'inflammation et des manifestations allergiques. Plusieurs flavonoïdes (lutéolol,

7. En première approximation. Il faut aussi prendre en compte les substituants : le kaempférol


(monohydroxylé sur le noyau B) est moins antioxydant que la taxifoline, un déhydroflavonol
dihydroxylé en C-3' et C-4'.
FLA VONOÏDES 381

apigénol, chrysine, etc.) inhibent quant à eux la cyclo-oxygénase et l'agrégation


plaquettaire. Ces propriétés démontrées in vitro pourraient expliquer en partie les
activités anti-inflammatoires et anti-allergiques habituellement attribuées à diverses
plantes connues pour renfermer des flavonoïdes.
Plus rarement, les flavonoïdes peuvent stimuler une activité enzymatique: c'est le
cas de la proline-hydroxylase. Cette stimulation favoriserait l'établissement de pontages
entre les fibres de collagène, renforçant ainsi leur solidité et leur stabilité, s'opposant à
leur dénaturation. Cette activité au niveau du collagène semble être principalement le
fait des oligomères flavanoliques (proanthocyanidols, voir au chapitre « tanins»). On
peut aussi remarquer que l'anion radical su peroxyde semble être impliqué dans la
protéolyse non enzymatique du collagène ... et que, in vitro, les anthocyanosides
inhibent ce processus dégradatif.

Autres propriétés
Souvent présentés comme anti-inflammatoires - ce qui est compatible avec ce qui
est connu de leurs interactions (in vitro) avec les polynucléaires et les thrombocytes ou
encore avec le métabolisme de l'acide arachidonique -, les flavonoïdes peuvent être
anti-allergiques, hépatoprotecteurs (isobutrine, hispiduline, flavanolignanes),
antispasmodiques sur l'iléon de Cobaye stimulé par divers agonistes (flavonoïdes du
thym et autres Lamiaceae), hypocholestérolémiants (flavanones), diurétiques,
antibactériens, antiviraux in vitro (3-hydroxy et 3-méthoxyflavones non hétéro-
sidiques), etc.
Un petit nombre de flavonoïdes sont anticancérogènes et inhibiteurs de la
croissance des cellules tumorales in vitro: ils peuvent interagir avec les enzymes du
métabolisme des xénobiotiques, avoir des effets anti-initiateurs et/ou antipromoteurs ou
encore être cytostatiques, voire cytotoxiques. La plupart des flavonoïdes sont, in vitro,
antimutagènes; a contrario, quelques flavonols sont, sur les mêmes modèles,
mutagènes s. Les variations d'activité en fonction des caractéristiques structurales
n'autorisent aucune généralisation.

Quel que soit l'intérêt de tous ces travaux, il ne faut pas perdre de vue qu'une activité
démontrée in vitro ne permet en aucun cas de préjuger de son intérêt préventif ou
thérapeutique et l'on doit se garder d'extrapoler hâtivement: les concentrations (in
vitro), les doses et les voies (de l'expérimentation animale) autorisent d'autant moins
cette extrapolation que la biodisponibilité chez l'Homme de ces flavonoïdes est en
général faible ou très faible (quand elle est connue, ce qui n'est pas toujours le cas). Les
activités décrites in vitro ne sont que très rarement corrélées à des effets in vivo, encore
moins à une efficacité et à un bénéfice clinique chez l'humain.

8. L'interprétation des données est souvent délicate. Ainsi, pour le quercétol dont de très
l10mbreux travaux établissent l'activité soit cancérogène, soit co-cancérogène, soit anti-cancérogène,
voire inhibitrice de la croissance de carcinomes ... Sa mutagénicité et sa génotoxicité in vitro semblent
quant à elles moins contestées (mais il inhibe la mutagénicité du benzopyrène). Voir, sur ce sujet:
Suschetet, M. (1997). Microconstituants végétaux présumés protecteurs, in « Alimentation et cancer »,
(Riboli, E., Dec1oître, F. et Collet-Ribbing, c., éds.), chap. 24, p. 458-506, Tec & Doc - Lavoisier, Paris.
382 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

Malgré le très grand nombre de travaux publiés sur les potentialités pharmaco-
logiques de ces molécules, il ne semble pas se dégager de règles claires en termes de
relations structure/activité.

Évaluation clinique. La réalité de l'efficacité clinique de la plupart des flavonoïdes


- et, a fortiori, celle des plantes qui en contiennent - n'est pas correctement établie.
Les essais cliniques publiés sont en effet le plus souvent d'une qualité méthodologique
éloignée des normes actuellement en vigueur pour ce type d'évaluation.
Les revues générales et les synthèses méthodiques avec méta-analyse récentes
aboutissent plutôt à constater l'absence ou la faiblesse des preuves de l'effet des
flavonoïdes dans le traitement de l'insuffisance veineuse chronique, effet au demeurant
de valeur clinique incertaine. Toutefois, il apparaît qu'ils pourraient réduire l'œdème. Il
est également possible que certains flavonoïdes puissent améliorer les diverses
manifestations de la symptomatologie hémorroïdaire. Dans le traitement des ulcères
variqueux, l'argumentaire développé par certains en faveur du rôle positif de flavones
sur la cicatrisation s'appuie sur des essais sans placebo, sur un essai non publié et sur un
essai biaisé dès l'inclusion. Les « vaso-actifs » en général, et les flavonoïdes en
particulier, n'ont aucun intérêt démontré en ophtalmologie (complications
ophtalmologiques du diabète, ou de l'hypertension; dégénérescence maculaire liée à
l'âge, etc.).
En France, la Commission de la transparence a considéré que, dans le traitement de
l'insuffisance veineuse chronique, « l'efficacité de l'ensemble des veinotoniques
examinés est marginale. Par ailleurs, les preuves apportées de la démonstration de
cette efficacité sont faibles. 9» Dans le cas de la crise hémorroïdaire, la Commission a
considéré « que les preuves de l'efficacité des veinotoniques qu'elle a examinés dans
cette indication sont faibles [. ..] ». Dans ces deux indications, le service médical rendu
a donc été considéré comme « insuffisant» (pour justifier une prise en charge par la
collectivité ...).

Flavonoïdes,fruits, légumes et effets sur la santé. Il est maintenant admis qu'il


existe une association entre la consommation de fruits et légumes et la santé. De
nombreux constituants de ces fruits et légumes peuvent, a priori, concourir à expliciter
cette association: fibres, vitamines et minéraux, mais aussi glucosinolates, caroté-
noïdes, lignanes, flavonoïdes, etc.
Les études épidémiologiques disponibles suggèrent, dans leur grande majorité,
l'existence d'une relation entre l'augmentation de la consommation de fruits et légumes
et une diminution du risque relatif d'accidents coronaires et vasculaires cérébraux. Cela
n'est cependant pas encore validé par des essais d'intervention nutritionnelle. La
consommation de fruits et légumes a également été associée, et ce de façon formelle, à
une faible diminution du niveau de la pression artérielle.

9. La Commission a rappelé que: « La prise en charge des manijestationsjol1ctionnelles de


l'insuffisance veineusejait appel en premier lieu au respect de règles hygiéno-diététiques et,
éventuellement, à la contention élastique veineuse (c'est-à-dire au port de bas et chaussettes de
contention). »
FLA VONOÏDES 3H3

Dans le domaine des affections cancéreuses, de nombreuses études montrent que la


consommation de fruits et, dans une moindre mesure, de certains légumes non
amylacés, paraît associée à une diminution du risque de survenue de certains cancers:
estomac, voies aéro-digestives supérieures, poumon. L'incidence de cette consom-
mation sur le cancer colo-rectal est très incertaine. On note également qu'une partie des
effets des fruits et légumes peut être mise en relation avec leur faible densité
énergétique, donc à la protection probable qu'ils exercent à l'égard de la prise de poids.
Dans quelle mesure ces effets peuvent-ils être liés aux flavonoïdes? Comme pour
les autres micro-nutriments, plusieurs études ont tenté de montrer l'existence d'une
relation entre la quantité de flavonoïdes ingérés et la diminution du risque:
- la majorité des études prospectives qui ont examiné la relation entre la quantité de
flavonoïdes ingérés et le risque d'affection cardiovasculaire en ont établi le caractère
inverse. Ce possible effet protecteur des flavonoïdes serait lié à leurs effets sur la
peroxydation des lipoprotéines et à leur effet anti-radicalaire. Leur biodisponibilité est
faible et d'autres mécanismes sont envisagés.
- dans le cas des cancers, les données sont insuffisantes et trop contradictoires pour
qu'il en soit tirée une conclusion claire.

7. EMPLOI DES PLANTES À FLAVONOïDES

Certaines plantes sont utilisées pour l'extraction industrielle de f1avonoïdes :


citroflavonoïdes totaux, hespéridoside, rutoside, etc. (la diosmine, présente dans les
Citrus, est obtenue par hémisynthèse). D'autres, qui doivent leur activité à plusieurs
principes actifs, sont utilisées sous forme d'extraits standardisés (ginkgo). Dans le cas
des espèces utilisées par la phytothérapie il est difficile, sauf rares exceptions, de parler
de « plantes à flavonoïdes » car, s'il est probable que ces phénols participent à
l'activité des dites plantes, ils ne sont que rarement seuls en cause: des huiles
essentielles, d'autres composés phénoliques, des sels minéraux, des saponosides ou
d'autres substances peuvent parfois justifier une partie des propriétés annoncées.

8. UTILISATION DES FLAVONOïDES EN THÉRAPEUTIQUE 10

La grande majorité des dizaines de médicaments à base de flavonoïdes ou de plantes


à flavonoïdes actuellement disponibles sont « proposés dans » (équivalent à
« amélioration de »), ou « utilisés dans» (équivalent à « traitement d'appoint de »), ce
qui traduit le faible niveau de preuves de leur efficacité. Dans le cas des médicaments à
base de plantes au sens de la Note Explicative de 1998, le libellé de l'indication retenue

10. Tous les flavonoïdes ne sont pas utilisés en thérapeutique. Ainsi, la néohespéridine
dihydrochalcone (= E 959) est un édulcorant intense synthétisé à partir du néohespéridoside (une
molécule naturelle, amère). Utilisable dans la plupatt des produits alimentaires (ex. : 30 mg/kg pour des
boissons non alcoolisées, 20 mg/kg pour un cidre, 50 mg/kg pour des jus de fruits, etc. C'est, aux
faibles doses « 5 mg/kg), un renforçateur de goût. Dose journalière acceptable pour l'Homme: 0-5
mg/kg [Directive européenne de 1994]).
384 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

est du type: «traditionnellement utilisé dans» (codes 15 à 18 de l'annexe 1). Ces remar-
ques, comme d'ailleurs les indications énumérées ci-dessous, sont valables pour les
anthocyanosides, les proanthocyanidols, leurs dérivés et les plantes qui en contiennent.
C'est essentiellement dans le domaine capillaro-veineux que l'on utilise les
flavonoïdes : seuls ou associés, ce sont les constituants habituels des vasculoprotecteurs
et veinotoniques et des topiques utilisés en phlébologie. La plupart des spécialités
actuellement disponibles ont les indications ou propositions d'emploi suivantes:
• traitement des symptômes en rapport avec l'insuffisance veinolymphatique
Gambes lourdes, douleurs, impatiences du primo-décubitus). Ou amélioration des [..].
ou utilisé dans les manifestations fonctionnelles de [ ...];
• traitement des signes fonctionnels liés à la crise hémorroïdaire. Ou utilisé dans
dans les manifestations fonctionnelles liées à [ ...];
Quelques spécialités revendiquent d'autres indications ou propositions d'emploi:
• utilisé dans le traitement symptomatique des troubles fonctionnels de la fragilité
capillaire;
• traitement des métrorragies lors de la contraception par microprogestatifs et des
métrorragies dues au port du stérilet, après leur exploration clinique et paraclinique ;
• traitement symptomatique des ménométrorragies lors d'une contraception par
dispositif intra-utérin;
• utilisé dans les métrorragies induites par le port d'un dispositif intra-utérin après
bilan étiologique;
• utilisé dans (ou traitement d'appoint des) les baisses d'acuité et les troubles du
champ visuel présumés d'origine vasculaire;
• traitement du lymphœdème du membre supérieur après traitement radio-
chirurgical du cancer du sein.

9. PRINCIPAUX FLAVONOïDES COMMERCIALISÉS

.CITROFLAVONOÏDES : flavonoïdes des fruits de divers Citrus


j
î
Les Citrus (Rutaceae) sont des arbres d'origine orientale dont de nombreuses j
espèces, variétés et hybrides sont cultivés pour leurs fruits à endocarpe comestible, lesJl',l
agrumes (oranges, citrons, mandarines, pamplemousses, mais aussi cédrats, limes,
combavas, etc.). Très utilisés pour leurs huiles essentielles (voir p. 672), ils sont aussi 1
source de pectines et de flavonoïdes. Ces derniers, très abondants dans le péricarpe, ~
sont principalement des hétérosides de flavanones : hespéridoside (= hespéridine = 7- l
rutinosyl hespérétol), néo-hespéridoside, naringoside (= naringine), ériodictyoside,j,
ériocitroside. Structuralement, ces hétérosides impliquent deux rhamnoglucosides
différents par leur mode de liaison - le rutinose et l'hespéridose sont liés
respectivement 1-> 6 et 1-> 2 - et des génines 4',5,7 -tri substituées (naringénine,
isosakuranétine) ou 3',4',5,7-tétrasubstituées (ériodictyol, hespérétol) avec lesquelles ils
sont liés par l'intermédiaire de leur hydroxyle en C-7. Les péricarpes renferment
également des hétérosides de flavones (diosmine). La composition varie, entre autres
FLA VONOÏDES 385

facteurs, selon l'espèce productrice: orange amère à néohespéridoside et naringoside,


orange douce à hespéridoside (0,12-0,25 g/kg), pamplemousse riche en naringoside
(jusqu'à 0,4 g/kg), etc. Les citroflavonoïdes sont extraits par l'eau des péricarpes et des
pulpes et isolés par différents procédés (passage à l'état de dérivés calciques ou
magnésiens, adsorption sur résine XAD, etc.). La biodisponibilité des flavanones et de
leurs génines, ainsi que leur métabolisme sont mal connus. Les génines, formées par
hydrolyse au niveau du côlon, sont plus facilement absorbées que les hétérosides, puis
glucuroconjuguées. Leurs métabolites plasmatiques ne sont pas identifiés.
OH OH

~OCH3 OCH 3

HO/
y )-l0 1 HO

OH a hespérétol diosmétol
7·rutino syl : hespéridoside 7-rutinosyl : diosmine

L'industrie pharmaceutique produit notamment:


- un mélange de citroflavonoïdes totaux, éventuellement titré en un flavonoïde
particulier;
- des glycosides de flavanones purs: hespéridoside, naringoside;
- des dérivés hémisynthétiques comme l'hespéridoside méthylchalcone (l'ouverture
de l'hétérocycle pyranique augmente sensiblement la solubilité) ;
- un glycoside de flavone produit par hémisynthèse, la diosmine.
Tous ces flavonoïdes sont utilisés seuls (ex. : diosmine, naringoside) ou dans des
associations (entre eux et/ou avec l'acide ascorbique, l'esculoside, les ruscosides, le
méthyl-esculétol, etc.). Les indications usuelles pour les formes fortement dosées en
citroflavonoïdes (surtout en diosmine, 0,3-0,6 g/unité de prise) sont l'amélioration des
symptômes en rapport avec l'insuffisance veinolymphatique, le traitement d'appoint des
troubles fonctionnels de la fragilité capillaire, le traitement des signes fonctionnels liés à
la crise hémorroidaire (l ,2-1,8 g/j). Certains essais cliniques concluent à une efficacité
légèrement supérieure à celle d'un placebo (notamment sur les symptômes de la crise
hémorroidaire et l'œdème des membres inférieurs) mais, globalement, le niveau de
preuve est faible et parfois remis en question par des objections d'ordre méthodologique .

• RUTOSIDE : 3-0-rutinosylquercétol

Sources de rutoside. Si le rutoside est relativement fréquent dans la nature, seul un


petit nombre d'espèces végétales en renferment une quantité suffisante pour permettre
son extraction industrielle .

• sophora, Sophora japonica L., Fabaceae. Ce grand arbre (l'arbre des pagodes)
l~st
originaire du centre et du nord de la Chine et est cultivé dans nos régions à des fins
ornementales. Ses boutons floraux contiennent, juste avant leur épanouissement, de 15
386 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

à 20 % de rutoside. Traditionnellement utilisés en Orient pour teindre la soie, ils ont été
remplacés par des colorants synthétiques .

• sarrasin, Fagopyrum esculentum Moench., F. tataricum (L.) Gaertn.,


Polygonaceae. Cette pseudocéréale annuelle est originaire de Chine. Elle est cultivée en
Europe pour ses akènes amylifères alimentaires. Le rutoside peut être extrait des
feuilles qui en renferment de 2-3 à 5-8 % dans les variétés améliorées Il.
Le sarrasin (parties aériennes, entières ou fragmentées, récoltées en début de
floraison, avant la floraison des fruits et renfermant au moins 4 % de rutoside) fait
"j'I
"1., l'objet d'une monographie de la 6' édition de la Pharmacopée européenne
~
(0112008:2184).
Ir
• autres sources. Le rutoside peut être extrait des fruits de Caesalpiniaceae
brésiliennes du genre Dimorphandra.

L'extraction du rutoside à partir du bouton floral de sophora ne présente pas de


difficultés particulières : extraction par l'eau bouillante et cristallisation par
refroidissement; recristallisation dans l'éthanol. Dans le cas du sarrasin la présence des
pigments foliaires et la nécessité d'éliminer des substances photosensibilisantes
(fagopyrines) compliquent l'extraction.
Le rutoside est faiblement absorbé (concentrations plasmatiques de 0,2 à 0,7 flmol/l,
4 à 9 heures après l'ingestion de 100 à 500 mg d'équivalent quercétol). Les glucosides
du quercétolle sont davantage. D'un point de vue alimentaire, la biodisponibilité du
quercétol varie selon l'hétéroside, mais aussi selon la nature de la source (elle est
beaucoup plus élevée avec les oignons qu'avec les pommes). Après ingestion, le
quercétol est pricipalement dégradé en acides (dihydroxyphénylacétique, homo-
vanillique, etc.) dont l'élimination est lente.

Emplois. Le rutoside, seul ou associé (esculoside, citroflavonoïdes, acide


ascorbique, etc.) est proposé ou utilisé dans les manifestations fonctionnelles de
l'insuffisance veinolymphatique, dans le traitement symptomatique des troubles
fonctionnels de la fragilité capillaire, dans le traitement des signes fonctionnels liés à la
crise hémorroïdaire, en cas de baisse d'acuité visuelle et de troubles du champ visuel
présumé d'origine vasculaire. Sa très faible solubilité a conduit à la mise au point de
dérivés plus solubles: morpholinoéthylrutoside (éthoxazorutine), 3' ,4' ,7 - tris-
(hydroxyéthyl)-rutoside (troxérutine), rutosylpropylsulfonate de sodium. Les emplois
de ces dérivés sont identiques à ceux du rutoside. Rutoside et dérivés sont parfois
associés à des alcaloïdes (ex. : vincamine) dans des spécialités proposées pour
améliorer certains symptômes au cours du déficit intellectuel pathologique du sujet âgé.

.,,'1
,.' Il. Un essai clinique versus placebo, randomisé et en double aveugle a montré qu'une infusion de
sarrasin s'oppose modestement à la formation des œdèmes chez un petit groupe de patients souffrant
d'insuffisance veineuse chronique; il n'a pas été noté d'effet sur les autres symptômes. Cf. Ihme, N.,
Kiesewetter, H., Jung, F. et al. (1996). Leg oedema protection from a buckwheat herb tea in patients with
chronic venous insufficiency : a single-centre, randomised, double-blind, placebo-controlled clinical trial,
Eur. J. Clin. Pharmacol., 50,443-447.
FLA VONOÏDES 387

9. PLANTES DONT UNE PART DE L'ACTIVITÉ PEUT


ÊTRE DUE À DES FLAVONOïDES

• GINKGO , Ginkgo biloba L., Ginkgoaceae

La feuille de ginkgo est la feuille séchée, entière ou fragmentée, de G. bi/oba.


Teneur: au minimum 0,5 % de flavonoïdes, calculés en hétérosides flavonoïques (M
757) (Ph. eur., 6' éd., [0112008:1828]).
L'extrait sec raffiné et quantifié de ginkgo, préparé à partir de la feuille (1828)
renferme entre 22 et 27 % d'hétérosides flavoniques, entre 2,6 et 3,2 % de bilobalide,
entre 2,8 et 3,4 % de ginkgolides (A, B et C) et, au maximum, 5 ppm d'acides
ginkgoliques (Ph. eur., 6' éd. - 6.1, [04/2008:1827]).

La plante. Le ginkgo, également nommé arbre aux quarante écus, est un arbre
dioïque à feuilles caduques d'origine orientale, seul survivant d'un ordre qui fut
largement représenté jusqu'à la fin de l'ère tertiaire. Il est caractérisé par des organes
reproducteurs particuliers et par un « fruit» d'odeur désagréable (en fait un ovule
récondé à arille pulpeuse). L'arbre, introduit en Europe au début du XVIII' siècle, fait
l'objet de cultures (Corée, Chine, sud-ouest de la France, États-Unis d'Amérique
iCaroline du Sud]) destinées à alimenter le marché pharmaceutique en feuilles. Celles-
ci, habituellement bilobées, peuvent aussi bien être presque entières ou très divisées. Le
pétiole comporte deux faisceaux de tissu conducteur qui se divisent dans le limbe selon
lin mode dichotomique, ce qui donne à ce dernier un aspect strié très caractéristique.

La feuille. La feuille comprend un pétiole de 4 à 9 cm et un limbe en éventail


habituellement bibobé de 4-10 cm de largeur, incisé irrégulièrement sur son bord distal.
l,es nervures sont dichotomes. Les deux faces sont lisses.
L'examen microscopique de la poudre de feuille montre (hydrate de chloral) des
rragments d'épidermes à stomates larges, profondément creusés et entourés de 6-8
cellules annexes, ainsi que de grandes macles d'oxalate de calcium dans le mésophylle.
La feuille de ginkgo, identifiée par la mise en évidence en CCM des flavonoïdes
contenus dans un extrait méthanolique, ne contient pas plus de 5 % de tiges et au
lIlaximum 2 % d'autres éléments étrangers. Le dosage des flavonoïdes est réalisé par
chromatographie liquide sur un extrait par de l'acétone aqueuse hydrolysé par l'acide
l'hlorhydrique dans le méthanol.

Composition chimique. À côté de stérols, d'alcools et de cétones aliphatiques, de 2-


hexénal, d'acides organiques, de cyclitols, de sucres simples et de polysaccharides, la
i'L~lIille de ginkgo renferme deux groupes de composés doués de propriétés
pharmacologiques intéressantes: des flavonoïdes (de 0,5 à 1 %) et des terpènes -
diterpènes Uusqu'à 0,5 %, teneur très variable selon les arbres, la saison, etc.) et
sl'squiterpènes (bilobalide, 0,4 %).
Les flavonoïdes sont représentés par une vingtaine d'hétérosides flavonoïdiques,
l'onstruits sur trois génines : kaempférol, quercétol et isorhamnétol. Les principaux
388 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

9
o

R~y}r°H
--0
HO

OH 0 \ o~o
HO~ HO O~/
O~./OH
HO OH
RI =H ou OH; R2 =H ou Glc: RI =R2 =H, ginkgolide A
ex. de flavonoïdes complexes RI = OH, R2 =H, ginkgolide B
de la feuille de Ginkgo biloba L. RI =R2 =OH, glflkgolide C

hétérosides sont des O-glucorhamnosides en C-3 du quercétol et du kaempférol, et leurs


esters 4-coumariques en 6'" (dont plusieurs sont caractérisés par une liaison inter-
osidique 1"'_> 2"). Les bourgeons sont les organes les plus riches en flavonoïdes acylés.
La feuille renferme aussi des flavan-3-ols, des proanthocyanidols (procyanidols et
prodelphinidols dimères) et des biflavonoïdes, tous biflavoniques à liaison C-3'->C-8"
(bilobétol et 5-méthoxybilobétol, ginkgétol, isoginkgétol, scyadopitysine). Le taux de
biflavonoïdes est trois à quatre fois plus important à l'automne qu'au printemps, époque
à laquelle la teneur en monomères est plutôt plus forte. Ces biflavonoïdes sont absents
des extraits standardisés.
Les diterpènes des feuilles du ginkgo, connus sous le nom de ginkgolides A, B, C et
J, ont une structure hexacyclique très particulière, caractérisée par la présence d'un
enchaînement spiro-[4,4]-nonanique, par celle d'un groupe tert-butyl et par celle de
trois cycles lactoniques.
Les ovules fécondés doivent leur odeur nauséabonde à des acides gras à chaîne
moyenne (C 4 à Cs). Leur partie charnue contient des a1cénylphénols oxydables en
qui nones susceptibles de s'additionner sur les protéines et, de ce fait, d'induire des
allergies cutanées. L'amande centrale renferme pour sa part de la 4'-O-méthyl-
pyridoxine (= ginkgotoxine), potentiellement toxique 12. Les feuilles renferment, comme
les « noix », des acides ginkgoliques et des ginkgols qui sont des molécules de type
acide anacardique et cardanol. Contrairement aux « noix », les feuilles ne renferment
pas d'alkylrésorcinols (de type cardol).

12. Au Japon, où l'on consomme traditionnellement les amandes cuites, plusieurs cas
d'empoisonnement ont été décrits, surtout chez les enfants. La symptomatologie de cette intoxication est
principalement caractérisée par une perte de conscience et des convulsions. Cela s'explique par
l'antagonisme qu'exerce la 4'-O-méthylpyridoxine à l'encontre de la vitamine B6' indispensable à la
formation de l'acide y-aminobutyrique (GABA) par décarboxylation de l'acide glutamique: la
diminution de la concentration en GABA est à l'origine des convulsions. Les feuilles contiennent
également la toxine, mais la quantité présente dans les médicaments ne représente aucun danger (11
mg/kg sont nécessaires pour induire des convulsions chez le Cobaye, 50 mg/kg pour provoquer sa mort).
La cuisson des graines détruit presque totalement la toxine. Cf. par exemple, Kajiyama, Y., Fujii, K.,
Takeuchi, H. et Manabe, Y. (2002). Ginkgo seed poisoning, Pediatries, 109, 325-327.
FLA VONOÏDES 389

Pharmacologie. Les ginkgolides et principalement le ginkgolide B sont des


inhibiteurs du PAF (platelet activating factor), médiateur phospholipidique inter-
cellulaire sécrété par les plaquettes, les leucocytes, les macrophages et les cellules
endothéliales vasculaires. Ce médiateur est impliqué dans divers processus: agrégation
plaquettaire, thromboformation, réaction inflammatoire, allergie, bronchoconstriction
(ce qui explique les essais conduits ces dernières années, en particulier pour le
traitement de l'asthme). Cette propriété anti-PAF et celles des flavonoïdes, en particulier
leur capacité à piéger les radicaux, pourraient expliquer les très nombreuses propriétés
de l'extrait de ginkgo observées chez l'animal et détaillées dans plusieurs centaines de
publications, revues et ouvrages (plus d'une parution tous les deux jours pour les seules
années 2006-2007 ... ). Cet extrait est présenté comme un vasorégulateur - il serait à la
fois vasodilatateur artériolaire, vasoconstricteur veineux et renforçateur de la résistance
capillaire -, un inhibiteur de la cyclo-oxygénase et de la lipoxygénase, un inhibiteur de
l'agrégation plaquettaire et érythrocytaire. Il diminue l'hyperperméabilité capillaire,
améliore l'irrigation tissulaire, active le métabolisme cellulaire en particulier au niveau
cortical (en augmentant le captage du glucose et de l'oxygène). Les fractions
terpéniques prolongent la survie de rats en hypoxie; elles protégent les neurones et les
astrocytes des méfaits de l'ischémie transitoire. Depuis peu, le ginkgo est présenté (sur
la base de données recueillies in vitro), non seulement comme un antioxydant, mais
aussi comme un neuromodulateur, un protecteur contre les effets du peptide amyloïde.
Les alkylphénols sont allergisants par contact. Bien que l'activité allergisante per os
de ces molécules soit mise en doute, elles sont éliminées des extraits standardisés
commerciaux, leur teneur résiduelle étant inférieure à JO ppm. Ils demeurent présents
dans les extraits «totaux », comme d'ailleurs les bisflavonoïdes.

Évaluation clinique. L'évaluation clinique du Ginkgo biloba, dans diverses


pathologies, a été réalisée avec des extraits de feuilles standardisés, commerciaux. Le
plus utilisé, l'extrait EGb 761, est obtenu avec de l'acétone aqueuse. Il renferme 24 %
de flavonoïdes et 6 % de ginkgolides-bilobalide.
- « insuffisance vasculaire cérébrale ». Plusieurs dizaines d'essais ont évalué
l'effet du ginkgo sur l'ensemble des symptômes qui caractérise cette entité et qui sont
attribués, sans preuve, à une déficience circulatoire cérébrale: difficultés de
concentration, altération de la mémoire, confusion, troubles de l'humeur, manque
d'énergie, inattention, étourdissements, céphalées, etc. En 1992, une synthèse des essais
cliniques publiés ne retenait que huit essais de méthodologie acceptable. Sept essais
montraient l'effet bénéfique de l'extrait de ginkgo (120-160 mg/j x 12 semaines, sujets
de 59 à 82 ans) sur les symptômes liés à une « insuffisance cérébrale» du sujet âgé.
Plus récemment, une synthèse méthodique a recensé 35 essais randomisés en double
aveugle versus placebo chez des patients souffrant de démence ou de troubles cognitifs
liés à l'âge. La méta-analyse a conclu en faveur d'une amélioration légère, mais
statistiquement significative, des performances cognitives par le ginkgo après 24
semaines de traitement. Pour les autres critères, le niveau de preuves est faible.
- démences séniles - maladie d'ALZHEIMER. Plusieurs essais d'assez bonne qualité
méthodologique ont évalué, sur des durées de 12 à 52 semaines, l'effet de 120 mg ou de
240 mg par jour d'extrait de ginkgo, versus placebo, chez des patients souffrant d'une
390 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

fonne modérée de démence probable. Les critères d'évaluation, différents d'un essai à
l'autre, ont été d'une part un score destiné à quantifier les fonctions cognitives à partir
d'échelles validées (par exemple l'Alzheimer's Disease Assessment Scale [ADAS-Cog])
et d'autre part le score sur l'échelle d'impression clinique globale pour le médecin ou
celle du comportement du patient. Les résultats de ces essais sont discordants. Les uns
montrent l'absence d'effet statistiquement significatif, les autres constatent une
efficacité modeste sur les perfonnances cognitives (à 3 mois, mais pas à 6 mois) et/ou
une efficacité faible ou nulle sur l'amélioration clinique globale. Les données de
l'évaluation de l'effet sur le comportement des malades sont difficilement interpré-
tables. Un essai à trois bras de faible puissance statistique (76 patients) n'a pas trouvé
de différence d'efficacité entre l'extrait de ginkgo (160 mg par jour) et le donépézil
(5 mg par jour), mais la taille de l'essai et les doses utilisées n'excluent pas une
différence entre les groupes. Les données bibliographiques accumulées jusqu'en 2007
sont peu convaincantes. L'efficacité de l'extrait de ginkgo (240 mg/j), s'il en a vraiment
une, est au mieux très modeste et transitoire et sans doute inférieure à celle - faible -
des anticholinestérasiques. Contrairement à ces derniers, l'extrait de ginkgo n'entraîne ,
pas d'effet indésirable notoire J3.
À la fin de l'année 2008, un essai de grande ampleur (3069 sujets volontaires âgés
de plus de 75 ans) et de longue durée (suivi moyen de 6,1 ans) a constaté que la prise
quotidienne d'extrait de ginkgo (240 mg) n'était pas plus efficace qu'un placebo pour
prévenir ou différer l'apparition d'une démence de type ALZHEIMER ou autre (prévalence:
17,9 % versus 16,1 %). De plus, l'extrait de ginkgo n'a pas ralenti la progression de la
sénilité chez les sujets déjà atteints de déficit cognitif léger lors de l'inclusion dans
l'essai (482 des 3069 sujets). L'essai GuidAge, en cours à l'INSERM (2800 sujets
suivis pendant 5 ans), devrait confinner ou infinner ce constat.
- autres affections. L'extrait de ginkgo augmente de façon statistiquement
significative, plus qu'un placebo, le périmètre de marche sans douleur des patients
souffrant de claudication intermittente. La taille de l'effet est toutefois modeste et la
qualité méthodologique des essais analysés inégale: la valeur clinique de cet effet, évi-
dente pour certains auteurs est, pour d'autres, incertaine. Dans le cas des acouphènes,
les auteurs des essais cliniques comparatifs de bonne qualité et d'une synthèse
méthodique ont conclu à l'absence de différence d'effet entre un extrait de ginkgo et un
placebo.
- chez les sujets jeunes et en bonne santé, une synthèse méthodique récente des
données publiées 2007) a clairement montré qu'il n'existe aucun élément convaincant
d'un impact quelconque des extraits de ginkgo sur les différents aspects de la
perfonnance cognitive chez des individus de moins de 60 ans (sur la base de 15 essais
cliniques randomisés en double aveugle versus placebo).

13. Ce qui a conduit certains à énoncer (en 2007) que: « Parallèlement au soutien et autre,l'
mesures non médicamenteuses [ ...J, l'emploi temporaire d'un médicament est parfois acceptable.
Compte tenu de la balance bénéfices-risques peu avantageuse des anticholinestérasiques, un extrait
standardisé de G. biloba est une alternative à moindre risque» (Prescrire Rédaction [2007]. Ginkgo:
bi/oba et maladie d'Alzheimer - Entre placebo et efficacité très modeste, Rev. Prescrire, 27, 592-594). Voir
aussi: Hémorragies liées au Ginkgo biloba? ibid., 618.
FLA VONOÏDES 391

Deux essais comparatifs portant sur plus de 600 personnes, ont montré l'inefficacité
d'un extrait de ginkgo pour prévenir les malaises liés à la haute altitude. Lorsqu'ils sont
conduits versus placebo, les essais cliniques montrent aussi l'absence d'incidence d'un
extrait de ginkgo sur le dysfonctionnement sexuel induit par certains antidépresseurs.

Toxicité, effets indésirables, interactions médicamenteuses. Chez l'animal, le


Ginkgo et ses extraits sont dénués de toxicité, aiguë ou chronique. Il n'a été noté ni effet
toxique sur l'embryon, ni effet mutagène, ni cancérogénicité. Chez l'humain, aucun
effet indésirable sévère n'a été noté au cours des nombreux essais cliniques réalisés
avec l'extrait standardisé administré par voie orale. On a noté la possibilité de nausées,
de troubles gastro-intestinaux, de céphalées, mais avec une très faible fréquence.
Une vingtaine d'observations d'hémorragies cérébrales ou oculaires et de saigne-
ments post-opératoires chez des patients sous ginkgo ont été publiées au cours des dix
dernières années. On remarque que, dans au moins un tiers des cas, une médication
associée peut être à l'origine de l'hémorragie et que la composition des extraits mis en
cause n'est pas toujours connue avec précision. On connaît les propriétés antiagrégantes
plaquettaires du ginkgo, mais plusieurs études cliniques sur des volontaires sains ont
conclu à l'absence d'effet de l'extrait standardisé sur les facteurs de la coagulation.

Emplois. En France, le Ginkgo bi/oba ne figure pas à l'annexe 1 de la Note


explicative de l'Agence du médicament (1998). L'extrait standardisé de Ginkgo bi/oba
(avec AMM « standard ») est« proposé» pour diverses affections dont le point commun
est l'origine vasculaire supposée: déficit cognitif et neurosensoriel du sujet âgé à
l'exclusion de la maladie d'ALZHEIMER et des autres démences, claudication intermit-
tente des aItériopathies oblitérantes des membres inférieurs (au stade 2), baisse d'acuité
auditive, celtains syndromes vertigineux et/ou acouphènes, phénomène de RA YNAUD. En
2004, la Commission de la transparence a réévalué le service médical rendu pour une
spécialité à base d'extrait standardisé. Elle a conclu que dans toutes ces indications le
service était insuffisant pour en justifier la prise en charge.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du B.fArM précise que
l'extrait de feuilles du ginkgo est utilisé comme traitement symptomatique des troubles
des performances cérébrales en cas de syndromes démentiels, principalement avec les
symptômes de (a) - déficits mnésiques, difficultés de concentration, états dépressifs,
vertiges, bourdonnements d'oreilles, céphalées - Les patients concernés sont ceux
souffrant de démence, qu'elle soit de type dégénératif ou vasculaire; (b) - amélioration
du périmètre de marche sans douleur en cas de maladie mtérielle occlusive du stade II
d'après Fontaine (claudication intermittente) dans le cadre de mesures thérapeutiques
physiques; (c) - vertiges et acouphènes. Posologie: indication (a), de 120 à 240 mg
L1'extrait par jour en 2 ou 3 prises; indications (b) et (c), de 120 à 160 mg par jour en 2
ou 3 prises. Dans l'indication de démence (a), la durée de traitement est d'au moins huit
semaines et la poursuite du traitement au-delà de trois mois implique d'en vérifier la
justification. Dans l'indication de claudication intermittente (b), la durée du traitement
est d'au moins six semaines. En cas de vertiges et d'acouphènes (c), la poursuite du
traitement au-delà de six à huit semaines n'apporte pas de bénéfice thérapeutique.

,f
h
Chamaemelum nobile (L.) AlI.
l'LA VONOÏDES 393

.PASSIFLORE OFFICINALE, Passiflora incarnata L., Passifloraceae

La passiflore est constituée par les parties aériennes séchées, fragmentées ou


coupées, de P. incarnata. Des fleurs et/ou des fruits peuvent également être présents.
Elle contient au minimum 1,5 % de flavonoïdes totaux, exprimés en vitexine (Ph. eur.,
6" éd., [01/2008:1459]).
Pour sa part, l'extrait sec de passiflore en contient au minimum 2 % (Ph. eur., 6'
éd., [01/2008:1882]). Il est préparé avec de l'éthanol de 40 % à 90 %, du méthanol à
(JO % ou de l'acétone à 40 % par une méthode appropriée.

La plante. La passiflore officinale est fréquente dans les buissons du sud des États-
Unis d'Amérique et du Mexique. C'est une plante grimpante à feuilles alternes,
longuement pétiolées, à limbe finement denté. Des vrilles permettant la fixation de la
plante partent de l'aisselle des feuilles. Les fleurs, solitaires et de grande taille (5-9 cm
dc diamètre), sont caractérisées par 5 sépales épais, blancs sur la face inférieure, par 5
pétales blancs et par une double couronne d'appendices pétaloïdes rouge pourpre sur
Icur partie extérieure, par des étamines à anthères orangées et par un ovaire I-Ioculaire à
trois branches stigmatiques. Le fruit, ovoïde, ressemble à une petite pomme à chair
jaune, aplatie, verdâtre à brunâtre.

Les parties aériennes comportent des fragments de tiges ligneuses, creuses,


grisâtres, striées longitudinalement, d'un diamètre < 8 mm. Les feuilles, à pétiole velu
ct orné au voisinage du limbe de 2 glandes nectarifères de couleur foncée, sont
profondément divisées en 3 lobes aigus dont le médian est le plus développé. On note la
présence de très nombreuses vrilles insérées à l'aisselle des feuilles. Fleurs et fruits
pcuvent être présents (voir ci-dessus).
La poudre de passiflore, examinée au microscope (hydrate de chloral), présente des
l'ragments d'épiderme foliaire à stomates anomocytiques, de nombreuses mâcles
d'oxalate de calcium isolées ou alignées le long des nervures et des poils I-sériés à 1-3
l'cllules terminés en une pointe parfois recourbée en crochet. Quant les fleurs sont
présentes, on observe des grains de pollen à exine réticulée. L'analyse en CCM d'un
extrait méthanolique complète l'identification: mise en évidence de l'iso-orientine, de
l'isovitexine et - mais ceux-ci peuvent être absents - de l'orientine et de la vitexine.
Une falsification est possible par les tiges feuillées de P. edulis Sims. dont le fruit
dit « de la passion» est comestible et dont le limbe foliaire est denté sur les marges.
Une autre falsification est plus facile à détecter: celle par P. cœrulea L., espèce cultivée
pour le caractère ornemental de sa couronne florale bleue et qui possède des feuilles
pcntalobées. La recherche de cette falsification éventuelle est prise en compte par la
Pharmacopée européenne qui prescrit une CCM sur un extrait méthanolique permettant
dl' vérifier l'absence de constituants spécifiques de P. edulis et de P. cœrulea.

Composition chimique. À côté d'acides-phénols, de coumarines, de phytostérols,


dl' 1 ml/kg d'huile essentielle (carbures terpéniques, carvone, alcools benzylique et
phénéthylique, hexanol, linalol, etc.) et d'hétérosides cyanogènes (gynocardine), les
p"rties aériennes renfermeraient 0,05 % de maltol (c'est la 2-méthyl-3-hydroxypyrone
394 COMPOSÉS PHÉNOLlQUES

R4 R, Rz R3 R4
R3 N OH vitexine
isovitexine
H
glc
H
H
glc
H
H
H

R'°ix°r V
Rl Yi(
orientine
iso-orientine
saponarine
H
glc
glc
H
H
glc
glc
H
H
OH
OH
H
schaftoside glc H ara H
OH 0 isoshaftoside ara H glc H
vicénine-2 glc H glc H

('rr(
':::::V/'~N
fly
/O~

'OH
H 1

0
harmane maltai

dont certains postulent l'origine artefactuelle) et des traces d'alcaloïdes indoliques.


Initialement, 3 ~-carbolines ont été isolées: l'harmane, l'harmol et l'harmine. Par la
suite, et à une seule exception près, les études qui se sont succédées n'ont pu caractériser
que le seul harmane et ce à des teneurs très faibles (0,05-0,07 %0). De fait, dans la
majorité des échantillons commerciaux, l'harmane n'était pas détectable.
Les parties aériennes peuvent contenir jusqu'à 2,5 % de flavonoïdes. Les
composants majoritaires de cette série sont des di-C-hétérosides de flavones : shaftoside
et isoshaftoside (c'est-à-dire les C-glucosyl-C-arabinosyl apigénols, isomères 6,8 et
8,6), ainsi que les O-glucosides en 2" de l'isovitexine et de l'iso-orientine (c'est-à-dire
des C-sophorosides de l'apigénol et du lutéolol). Sont également caractérisés, en plus
de ces composés: l'isovitexine, l'iso-orientine, la vicénine-2 (di-C-glucoside de
l'apigénol), le O-glucoside en 2" de l'isoscoparine, la swertisine et un di-C-glucoside du
lutéolol, la lucénine-2. La saponarine (7-0-glucosyl-isovitexine) décrite à la fin des
années 1960 n'a pas été retrouvée au cours d'analyses plus récentes: elle aurait été
confondue avec le 2"-O-glucosyl-isovitexine. La composition qualitative peut varier
notablement. En général, l'isovitexine et son dérivé glucosylé semblent prédominants.
Les flavonoïdes sont sm10ut concentrés dans les feuilles, et leur concentration serait
maximale juste avant et pendant la floraison.

Pharmacologie. La tradition attribue à la passiflore des propriétés sédatives,


antispasmodiques et « tranquillisantes» partiellement confirmées par l'expérimentation
animale. Les données pharmacologiques sur la passiflore ne sont en effet pas très
significatives: prolongation de la durée du sommeil de la Souris et effet anti-
convulsivant par l'injection IP de 80 à 160 mg/kg d'un extrait fluide, effet sédatif d'un
extrait aqueux (mais à des doses de 400 à 800 mg/kg et par voie IP), activité
anxiolytique (7) chez la Souris de 125 mg/kg d'extrait aqueux (per os).
Quelles sont les substances pouvant justifier une activité de ce type 7 Le mal toi 7
C'est un dépresseur, mais sa concentration dans la plante est insignifiante. Les
alcaloïdes 7 En fait, comme la plupart des ~-carbolines, ce sont des stimulants centraux,
des IMAO et, pour certains d'entre eux, des hallucinogènes. De toutes façons, leur
concentration - quand ils existent - est infime. Les flavonoïdes 7 Plusieurs travaux
ont montré que la 5,7-dihydroxy-flavone de P. cœrulea L. se comporte comme les
FLA VONOÏDES 395

anxiolytiques, et qu'elle est, comme d'autres flavones, un ligand pour les récepteurs
aux benzodiazépines (mais cette flavone n'a pas été identifiée dans l'espèce officinale).
Des travaux de fractionnement bioguidés ont attribué l'action anxiolytique et nombre
d'autres effets (antiasthmatique, spasmolytique, etc.) observés chez l'animal à une
benzoflavone, mais la structure exacte de cette molécule n'a pas été publiée. De très
récents travaux montrent, in vivo (Souris), que l'activité (à forte dose) d'un extrait
renfermant majoritairement des C-flavonoïdes implique le système GABAergique
(l'action est antagonisée par le flumazenil, antagoniste de la fixation des benzo-
diazépines au récepteur GABA-A).

Évaluation clinique. Si l'on exclut les essais cliniques concernant des mélanges de
plantes et/ou de méthodologie sommaire et/ou n'utilisant pas de critères de jugement
cliniques, les données cliniques sur cette plante sont limitées. Aucun essai de la
passiflore versus placebo n'a été publié à ce jour (0612008). Un essai randomisé a testé,
en double aveuble et versus oxazepam (30 mg), une teinture de passiflore (XVL
gouttes) chez 36 patients. Au terme de l'essai (28 jours), il n'y a pas eu de différence
entre les deux groupes en termes de diminution du score HAM-A (échelle de Hamilton
pour l'anxiété). Le résultat de cet essai, non conçu pour tester une équivalence et assez
sommairement rapporté, peut être simplement dû à la faiblesse de l'effectif. Des
résultats de même nature avaient été publiés en 1993 par une équipe japonaise
(passiflore versus mexazolam (étude non vue, citée par Miyasaka et al., 2007).

Toxicité, effets indésirables. Un extrait de passiflore n'est pas toxique en aigu


(0,9 g/kg, souris, voie IP). Administré à la dose de 10 ml/kg pendant trois semaines, un
extrait hydro-alccolique n'a pas induit de manifestations visibles chez le Rat. Aucun
effet génotoxique de l'extrait fluide n'a été détecté. Le recul d'utilisation chez l'humain
ne fait apparaître ni manifestation de toxicité, ni effet indésirable. Si l'on a rapporté des
troubles de la conscience et une vasculite, l'imputabilité de ces très rares cas n'a pas été
vraiment discutée.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour les parties aériennes de passiflore, les indications
thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 1° dans les troubles de
l'éréthisme cardiaque de l'adulte (cœur sain); 2°dans le traitement symptomatique des
états neurotoniques des adultes et des enfants, notamment en cas de troubles mineurs du
sommeil. Si le phytomédicament à base de passiflore est une poudre de parties
aériennes, le dossier « abrégé» d'AMM doit comporter une étude toxicologique
allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour la passiflore pour tisane, l'extrait aqueux, les
teintures et les extraits hydro-alcooliques, quel que soit leur titre.
La passiflore (poudre, extraits, etc.) est fréquemment associée à la valériane et à
l'aubépine, éventuellement à l'Eschscholtzia.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
les parties aériennes et leurs préparations sont utilisées, par voie orale, en cas
d'instabilité nerveuse. Posologie: de 4 g à 8 g de plante par jour, en infusion (ou
préparation équi val ente ).
396 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

Au niveau européen, la monographie communautaire élaborée par l'HMPC précise


que les indications de la passiflore (symptômes modérés de stress mental, aide au
sommeil) ne reposent que sur l'ancienneté de son usage. Posologie (adulte et adolescent,
voie orale, exemples) : 1 à 4 prises par jour de 0,5 à 2 g de poudre de plante ou de 1-2 g
de plante pour 150 ml d'eau bouillante; 2 ml d'extrait éthanolique Cl:8 - éthanol à
45 %),jusqu'à 3 fois par jour; etc. La passiflore n'est recommandée ni chez l'enfant de
moins de 12 ans, ni chez la femme enceinte ou allaitante. La prise de passiflore peut
altérer la capacité à conduire et à utiliser des machines. L'utilisation simultanée de
passiflore et de sédatifs (du type benzodiazépine) n'est pas recommandée en l'absence
d'un avis médical (réf. EMEA/HMPC/230962/2006, 7 septembre 2007) .

• CAMOMILLE ROMAINE, Chamaemelum nobile (L.) AIL, Asteraceae

La fleur de camomille romaine est constituée par les capitules floraux séchés de
la variété double cultivée de C. nobile L. Ali. (Anthemis nobilis L.). Elle contient au
minimum 7 ml/kg d'huile essentielle (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:0380]).

La plante. La camomille romaine est une plante vivace à tiges ramifiées, à feuilles
pennatiséquées de teinte vert blanchâtre, velues. Les capitules, blancs à gris-jaune,
solitaires, ne comportent pratiquement que des fleurons ligulés, insérés sur un
réceptacle conique et plein. Ils dégagent une odeur pénétrante, caractéristique. La
plante, fréquente sur les terrains sablonneux de l'ouest et du sud de l'Europe est
cultivée pour les besoins du marché (variété dite à fleurs doubles).

Le capitule. Les capitules de la variété cultivée ont un diamètre compris entre 8 et


20 mm. L'involucre est réduit à 2-3 rangs de bractées serrées et imbriquées, scarieuses
sur les bords. Les fleurons, en majorité ligulés, sont blancs, ternes, réfléchis. Quelques
rares fleurons centraux, jaune pâle, sont tubulés.
Examinées au microscope (hydrate de chloral), toutes les parties du capitule
présentent des trichomes glanduleux, courts, luisants, de couleur jaune. Bractées
involucrales et paillettes sont recouverts de trichomes coniques à cellule terminale
recourbée et longs d'environ 500 ~m. Réceptacle et ovaire contiennent de petites
macles d'oxalate de calcium.
La fleur de camomille romaine ne doit pas contenir de capitules floraux bruns ou
noirâtres et la proportion de capitules d'un diamètre inférieur à 8 mm doit être au
maximum de 3 %. L'apigénol et son glucoside en 7 sont mis en évidence par CCM
après extraction par le méthanol, à chaud.

Composition chimique. Comme beaucoup d'Asteraceae, la camomille romaine


renferme des lactones sesquiterpéniques (0,6 %). Dans le cas présent, ce sont majoritai-
rement des germacranolides (nobiline, 3-épinobiline et dérivés voisins) qui lui
confèrent une amertume certaine. L'odeur du capitule est liée à la présence de 4 à 15
ml/kg d'une huile essentielle composée de plus de 85 % d'esters mono- et
FLA VONOÏDES 397

bifonctionnels d'acides et d'alcools aliphatiques en C4 , Cs ou C6 issus du métabolisme


de la leucine, de l'isoleucine ou de la valine: angélates, tiglates, méthylacrylates,
crotonoates, butyrates de l'isobutanol, du 3-méthylbutan-I-ol, du 2-méthylbutan-I-ol,
etc. Certains de ces esters existent dans la plante fraîche à l'état de dérivés peroxydés
(c'est aussi la cas de la l-~-hydroperoxyisonobiline). Si l'huile essentielle renferme
également des monoterpènes, les azulènes n'y sont présents qu'à l'état de traces. Les
autres constituants connus du capitule sont des spiroéthers (trans et cis-en-yn-
dicycloéthers) des acides-phénols, des coumarines et des flavonoïdes, glucosides de
l'apigénol (apigénol-7 -O-glucoside et dérivés acylés, apigénol-7 -O-apioside) et
glucoside du lutéolol.
OCH 3

JyO~
OH

~O~
o
5·4 '-dihydroxy-6, 7,3'-triméthoxyflavone thymol esters de l'h.e. de
camomille romaine

t"OH 0

i«)',)'
0;""
o achillicine millefine

Pharmacologie. L'action anti-inflammatoire attribuée aux capitules de camomille


romaine est-elle due à l'huile essentielle? Contrairement à ceux de la matricaire (cf.
IL 615), ils ne renferment que de faibles quantités d'azulènes et pas de dérivés sesqui-
lerpéniques de type bisabolane. Et il est difficile d'envisager que les germacranolides se
l'omportent in vivo comme des proazulènes (ce qui a été évoqué dans le cas des
~lIaianolides de la matricaire). Il est par contre postulé que cette activité, ainsi que
l'activité antispasmodique, sont liées à l'apigénol, au lutéolol et à leurs glucosides dont
l'activité a été établie sur différents modèles expérimentaux, mais dont le mécanisme
d'action, complexe et multiple, n'est pas complètement élucidé (inhibition de la cyclo-
oxygénase II et interaction avec différents médiateurs de l'inflammation).
La fleur de camomille romaine n'a fait l'objet d'aucun essai clinique.

Toxicité, effets indésirables. La toxicité de la camomille romaine n'a pas été


l'xplorée. Il n'a jamais été signalé d'effet indésirable sévère pour cette espèce. Comme
d'autres Asteraceae, elle peut induire des réactions allergiques, mais son pouvoir
IIlIcrgisant est faible et les cas documentés rares.
Achillea millefolium L.
FLA VONOÏDES 399

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour la fleur de camomille romaine, les indications
thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé dans le traitement
symptomatique de troubles digestifs tels que: ballonnement épigastrique, lenteur à la
digestion, éructations, flatulence; 2° comme traitement adjuvant de la composante
douloureuse des troubles fonctionnels digestifs. En usage local, la fleur de camomille
romaine est traditonnellement utilisée: 1° comme traitement d'appoint adoucissant et
antiprurigineux des affections dermatologiques, comme trophique protecteur dans le
traitement des crevasses, écorchures, gerçures et contre les piqûres d'insectes; 2° en cas
d'iITitation ou de gêne oculaire due à des causes diverses (atmosphère enfumée, effort
visuel soutenu, bains de mer ou de piscine, etc.); 3° comme antalgique dans les
affections de la cavité buccale et/ou du pharynx (collutoire, pastille); 4° en bains de
bouche pour l'hygiène buccale. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée pour
la constitution d'un dossier« abrégé» d'AMM (poudre, fleur pour tisane, extrait
aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la Commission E du BfArM a estimé que les propriétés attribuées à
la camomille romaine ne sont pas démontrées et qu'elle ne pouvait pas en
recommander l'usage dans un but thérapeutique. La camomille romaine peut toutefois
être utilisée dans les mélanges comme agent de brillance, à la concentration de 1 % et
sous réserve que le risque allergique soit mentionné.
La fleur, ses extraits et son huile essentielle entrent dans la composition de divers
produits d'hygiène et de produits cosmétiques.

Huile essentielle de camomille romaine. L'huile essentielle ne fait pas l'objet d'une
monographie à la Pharmacopée, mais d'une norme AFNOR qui propose un profil
chromatographique : angélate d'isobutyle + méthacrylate d'isoamyle (30-45 %), angé-
late d'isoamyle (12-22 %), angélate de méthyl allyle (6-10 %), angélate de 2-méthyl
butyle (3-7 %), n-butyrate d'isobutyle (2-9 %), a-pinène (1,5-5 %), méthacrylate d'iso-
butyle (1-3 %), isobutyrate d'isoamyle (3-5 %), méthacrylate de 2-méthyl butyle (0,5-
1,5 %), pinocarvone (1,3-4 %), trans-pinocarvéol (2-5 %) [NF T 75-253, 7-1992] .

• MILLEFEUILLE, (achillée), Achillea millefolium L., Asteraceae

L'achillée millefeuille est constituée par la sommité fleurie, séchée, entière ou


fragmentée, d'A. millefolium. Elle contient au moins 2 ml/kg d'huile essentielle et au
minimum 0,02 % de proazulènes (Ph. eur., 6" éd., [01/2008:1382]).

La planteJ la sommité fleurie. Botaniquement, A. millefolium sensu lato - plante


herbacée cosmopolite - est un complexe polymorphe dans lequel on distingue (en
l\urope centrale) pas moins de 12 espèces bien définies morphologiquement et
caryologiquement. La délimitation des taxons est d'autant plus difficile à faire que des
hybridations spontanées se produisent. De fait, l'analyse chimique (sesquiterpènes,
Ilavonoïdes) peut aider efficacement à identifier l'espèce (cf ci-dessous).
400 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

La feuille de la millefeuille est pubescente à la face inférieure, pennée, 2 ou 3 fois


subdivisée en lobes à extrémité aiguë, blanchâtre. Les fleurs sont groupées en petits
capitules (3-5 mm) eux-mêmes réunis en corymbes denses. Chaque capitule est
composé de 4 ou 5 fleurs ligulées entourant 3 à 20 fleurs centrales, tubulées. Les
ligules, blanches, peuvent être rougeâtres. Les fleurs centrales ont une corolle jaunâtre
ou brunâtre clair.
La poudre de sommité fleurie, examinée au microscope (hydrate de chloral),
présente notamment des poils tecteurs pluricellulaires unisériés à cellule terminale à
paroi épaisse souvent sinueuse, de longueur variant de 400 /-lm à 1000 /-lm.
La sommité fleurie ne contient pas plus de 5 % de tiges d'un diamètre supérieur à
3 mm ni plus de 2 % d'autres éléments étrangers. La teneur en proazulènes de l'huile
essentielle est déterminée par mesure de l'absorbance à 608 nm.

Composition chimique. La composition de la sommité fleurie a fait l'objet de


nombreux travaux, mais les résultats publiés ne précisent pas toujours correctement
l'identité botanique exacte de l'échantillon étudié.
L'espèce (s. 1.) renferme des lactones sesquiterpéniques (achillicine [= 8a-acétoxy-
lO-épi-artabsine] et dérivés, achilline, leucodine, achillifoline, millefine, bachanolide,
dihydroparthénolide, dihydroreynosine, taurémisine, etc.). En fait, seul un nombre
limité d'espèces du complexe millefolium (s. 1.) renferme des guaianolides azuléno-
géniques qui, par hydrodistillation, fournissent des azulènes (dérivés de l'artabsine et de
la matricine). C'est par exemple le cas de A. roseo-aLba Ehrend., de A. aspLenifolia
Vent. ou encore de A. coUina J. Becker ex Reichenb. du centre de l'Europe, riches en
proazulènes : achillicine et autres dérivés de l'artabsine (8a-angéloyloxy et 8a-tigloyl-
oxy). Les autres espèces renferment des eudesmanolides (A. pratensis Saukel & Langer),
des guaianolides non azulénogéniques (ex. : A. setacea Waldst. & Kit.), voire des
germacranolides ou des longipinénones (A. pannonica Scheele, A. milLefolium s. s. 14).
Cette composition en sesquiterpènes est stable et non influencée par les conditions
environnementales et climatiques.
La composition d'A. millefoLium en acides-phénols (1,5 % en moyenne) et en'
flavonoïdes (0,6 % en moyenne) est également discriminante. Si l'acide chlorogénique
est présent dans toutes les espèces, il n'en est pas de même pour les 0,0-
dicaféylquinates (3,5,3,4 et 4,5). En ce qui concerne les flavonoïdes - essentiellement
des hétérosides de flavones et de flavonols -, la teneur globale varie de façon notable.
Le rutoside domine chez les diploïdes A. aspLenifolia Vent. et A. roseo-aLba Ehrend. où
il est accompagné de glucosides d'apigénol et de lutéolol, de shaftoside, etc. Chez A.
ceretanica (2n et 4n), c'est le 7-0-glucosyl-apigénol et le shaftoside qui dominent. Les
hexaploïdes (A. milLefolium s. s.) et les octoploïdes ne se distinguent pas clairement
entre eux (lutéolol, apigénol et leurs glucosides en C-7, rutoside, glucuronide en 7 du
lutéolol), mais ils sont les seuls à renfermer ce glucuronide (et le dicaféate en 3,5 de •

14. Pour A. millefo/ium L. s. s. la Flora Europea retient, pour nos régions, deux sous-espèces:
hexaploïdes : (a) - subsp. millefolium et (b) - subsp. sudetica (Opiz) Weiss [= subsp. alpestris (Wimm ..
& Grab.) Gremli] ; elle mentionne aussi une forme robuste (= A. montico/a Martin-Donos) qui, pour'
d'autres auteurs, constitue une troisième sous-espèce: (c) - subsp. ceretanul1l Sennen.
FLA VONOÏDES 401

l'acide quinique). Seul A. coUina semble se distinguer clairement par sa compostion


flavonoïdique. D'autres flavonoïdes, minoritaires, ont été isolés de l'espèce (C-
glucosylflavones, génines méthylées et méthoxylées, etc.). Ces éléments
(volontairement simplifiés ici) ainsi que la composition de l'huile essentielle sont de
bons critères de différenciation des espèces.

Pharmacologie. L'expérimentation sur iléon de Cobaye isolé met en évidence les


propriétés spasmolytiques de la fraction enrichie en flavonoïdes d'A. millefolium s. 1.
L'activité anti-inflammatoire attribuée à la plante et constatée in vitro a été reliée aux
scsquiterpènes, et son origine pourrait être multiple (interférence avec le métabolisme
dc l'acide arachidonique, inhibition de métalloprotéinases). Sur le foie de rat perfusé,
on constate une activité cholérétique attribuée, sur la base d'un fractionnement
l:hromatographique, aux esters caféiques de l'acide quinique. L'huile essentielle est
Hntibactérienne in vitro et l'extrait aqueux protecteur de la muqueuse gastrique (Rat,per
os). L'achillée millefeuille n'a fait l'objet d'aucune véritable évaluation clinique.

Toxicité. Les données sur la toxicité de la millefeuille sont rares. Chez le Rat,
l' cxtrait aqueux n'a pas induit de manifestations toxiques (1 ,2 g/kg/j x 28 ou 90 jours).
l,cs effets des extraits sur la peau ont été peu étudiés, mais les formulations cosmétiques
nc semblent ni irritantes, ni phototoxiques. Le risque potentiel d'une allergie cutanée
existe pour les personnes sensibles aux Asteraceae à lactones.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour la sommité fleurie d'achillée millefeuille, les
indications thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 10 dans le
traitement symptomatique de troubles digestifs tels que: ballonnement épigastrique,
k~l1teur à la digestion, éructations, flatulence; 2 comme traitement adjuvant de la
0

composante douloureuse des troubles fonctionnels digestifs. En usage local, une seule
Indication est retenue: traditionnellement utilisé comme traitement d'appoint
"doucissant et antiprurigineux des affections dermatologiques, comme trophique
protecteur dans le traitement des crevasses, écorchures, gerçures et contre les piqûres
d'insectes. Si le phytomédicament à base d'achillée millefeuille est une poudre de
HOlllmité fleurie, le dossier « abrégé» d'AMM doit compOtier une étude toxicologique
IIllégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour la sommité fleurie pour tisane, l'extrait
"qucux, les teintures et les extraits hydro-alcooliques, quel que soit leur titre.
Dans une monographie consacrée à l'achillée millefeuille, la Commission E du
IU'ArM allemand reconnaît aux pmiies aériennes deux indications possibles: l'une par
voie orale (perte d'appétit, troubles dyspeptiques tels que des crampes légères du tractus
",,,siro-intestinal), l'autre par voie locale en bains de sièges (chez la femme: crampes
Ill'Ivicnnes basses douloureuses d'origine psychosomatique). Posologie: la voie orale,
4,~ g de plante par jour (ou 3 g de fleurs ou de jus pressé de plante fraîche) ; 2 en bains
0

dl' siège: 100 g pour 20 litres d'eau.


Du fait de la présence de lactones sesquiterpéniques, le recours à cette espèce est
lilllllrc-indiqué chez les sujets allergiques aux Asteraceae.

l
402 COMPOSÉS PHÉNOLlQUES

Autres plantes

Un certain nombre de plantes pourraient figurer dans ce chapitre: c'est le cas, à titre
d'exemple, du genêt à balais (fleur) 15, du sureau (fleur) 15, du bouleau (feuille) 15 et de la
prêle (parties aériennes stériles) qui sont présentées comme susceptibles de favoriser
l'élimination rénale de l'eau. Quel est le rôle des flavonoïdes dans les propriétés que leur
reconnaît la tradition et que ne dément pas formellement l'expérimentation animale?
(mais elle ne les confirme pas toujours de façon nette). La bibliographie n'apporte
quasiment aucun élément de réponse. La question du rôle des flavonoïdes pourrait être
posée dans beaucoup d'autres cas: Chrysanthellum 15, kinkéliba 16, boldo 15 •

• PRÊLE, Equisetum arvense L., Equisetaceae

La tige de prêle est constituée par les parties aériennes stériles séchées, entières ou
coupées, de E. arvense L. Elle renferme au minimum 0,3 % de flavonoïdes totaux ex-
primés en isoquercitroside (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:1825]).

La plante. Cette espèce, commune en France, affectionne les sols humides voire
marécageux, argilo-siliceux. Elle est caractérisée par deux types de tiges: des tiges
fertiles apparaissant au début du printemps et, se développant plus tardivement, des
rameaux stériles. Les tiges fertiles, non chlorophylliennes, ont un épi sporangifère
oblong. Les rameaux stériles (0,2-0,8 m) ont des tiges creuses, articulées aux nœuds,
cannelées à 6-12 sillons peu rudes, et des rameaux secondaires à quatre angles. Aux
nœuds sont insérées des feuilles verticillées, de taille réduite; en forme de dents soudées
à extrémité noire, ces feuilles forment une gaine autour de la tige.

La tige. La tige pulvérisée, examinée au microscope (hydrate de chloral), présente


des fragments d'épiderme à cellules rectangulaires à parois ondulées et à stomates

15. Genêt à balai, p. 100 l, sureau, p. 436, bouleau, p. 910, boldo, p.1060, Chrysanthellum, p. 861.
16. KINKÉLlBA. Combretum micranthum G. Don, est un arbuste de la famille des Combretaceae qui
croît dans tout l'ouest du continent africain. On utilise lafeuille (Ph. fse, 10' éd.) qui est connue pour
renfermer des acides phénols, des C-hétérosides de flavones (la teneur minimale exigée par la
Pharmacopée pour la feuille est de 1,2 %, exprimée en vitexine), des proanthocyanidols et autres'
composés phénoliques (plus de Il %), des acides aminés quaternarisés (hydroxystachydrine), des
stérols, des triterpènes. On note la présence de sorbitol, de meso-inositol et de cyclitols. Pour certains'
auteurs, ces polyols seraient les responsables de l'activité hépato-biliaire attribuée à la feuille. L'extrait
méthanolique s'oppose à l'inflammation induite par les carraghénanes (patte de rat). Aucune évaluation
clinique de cette plante ne semble avoir été publiée. En France, la Note explicative de l'Agence du
médicament (1998) admet qu'il est possible de revendiquer, pour la feuille de kinkéliba, les indications
thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé: 1° pour faciliter les fonctions
d'élimination urinaire et digestive; 2° pour favoriser l'élimination rénale d'eau; 3° comme cholérétique:
et cholagogue. Si le phytomédicament à base de kinkéliba est une poudre de feuille, le dossier,
« abrégé» d'AMM doit comporter une étude toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour
la feuille pour tisane, l'extrait aqueux, les teintures et les extraits hydro-alcooliques, quel que soit leur
titre. Le kinkéliba ne fait pas l'objet d'une monographie de la Commission E du BfArM allemand.
FLA VONOÏDES 403

paracytiques dont les cellules annexes, striées radialement, couvrent les cellules de
garde. Du fait de l'épaississement des parois cellulaires, l'épiderme apparaît crénelé
avec des protubérances en « U ».
La CCM des flavonoïdes contenus dans un extrait méthanolique (révélation au
diphénylborate d'aminoéthanol/macrogol/UV) confirme l'identité et permet de vérifier
l'absence de tiges d'autres espèces et hybrides 17. Les flavonoïdes sont dosés, après
extraction, par mesure de l'absorbance (AlCI 3).

Composition chimique. Les prêles sont riches en substances minérales (15-20 % de


cendres), particulièrement en silicium: 5-10 % (Si0 2 ) de la masse sèche, selon les
espèces. Le silicium, sans doute concentré dans la plante par un phénomène actif, est
principalement présent sous la forme de concrétions d'opaline déposées sur les
épidermes, les collenchymes périphériques, l'endoderme des tiges et des rameaux (d'où
la rugosité de ces organes). Une faible partie du silicium serait sous une forme soluble
qui demeure mal connue (silicates hydrosolubles 7 silicium organique 7). La tige
renferme par ailleurs des stérols, de l'acide ascorbique et des acides-phénols: acides
cinnamiques, acides dicaféyl-meso-tartrique et 5-0-caféylshikimique. Ces derniers,
abondants au printemps, disparaissent par la suite.
La prêle renferme de nombreux flavonoïdes : des échantillons étudiés pas toujours
bien caractérisés, des époques et lieux de récolte différents expliquent sans doute une
certaine confusion dans les résultats initialement publiés. Qui plus est, ces travaux ne
prenaient pas en compte la possibilité d'existence, maintenant démontrée, de
chimiotypes. On sait en effet qu'il existe deux chimiotypes différenciés par la
composition en flavonoïdes de leurs tiges stériles. Le premier, asiatique et américain,
renferme des flavones O-glucosylées en C-5, notamment le 5-0-glucosyl-lutéolol et
son ester malonique en 6" qui représente 50 à 60 % des flavonoïdes totaux. Le second
chimiotype, européen, en est dépourvu. Les deux chimiotypes analysés renferment en
quantité importante du 3-0-(6" -O-malonyl-~-D-glucopyranosyl)-quercétol (c'est le
constituant majoritaire - 30 à 50 % - du chimiotype européen), du 3-0-glucosyl-
quercétol et d'autres hétérosides de flavonols (au total, près de vingt flavonoïdes ont été
caractérisés dans les deux chimiotypes). En zone atlantique (Scandinavie, Écosse), la
reproduction croisée des chimiotypes conduit à des populations à composition
intermédiaire. Pour un même chimiotype, la composition qualitative en flavonoïdes

17. Parmi celles-ci, E. palustre L. est réputée toxique du fait de la présence de thiaminase (des cas
d'intoxication de chevaux, revêtant tous les aspects d'une carence aiguë en vitamine BI lincoordination
IlIolrice] ont été rapportés). E.palustre, ne comporte qu'un seul type de rameaux à tige à 6-8 sillons
profonds, à rameaux secondaires 4,5-angulés et verticillés par 8, creux. La présence d'alcaloïdes ne
semble pas constituer un caractère distinctif absolu. La chromatographie liquide des flavonoïdes
spécifiques peut être utilisée pour identifier précisément l'espèce et les contaminations éventuelles.
1:examen microscopique des protubérances épidermiques et des dents des fentes stomatiques - après
L'lIlcination - est également utile: dents en « fermeture éclair » d' E. palustre, dents dites de « requin »
d'Ho arvense.
E. telmateia Ehrh. est connue pour avoir induit une faiblesse musculaire accompagnée d'une
IllIération nette de l'ionogramme et de perturbations de l'ÉCG chez une femme de 84 ans qui l'utilisait
L'II infusion depuis six mois (Miro, 6, Pedrol, E., Nogué, S. et Cardellach, F. (1996). Hiponatremia e
hipopotasemia graves inducidas por el con sumo de Equisetum telmateia, Mecl. Clin. [Barc'elone J, 106, 639).
404 COMPOSÉS PHÉNOLlQUES

d'une prêle varie fortement en fonction du cycle végétatif et leur quantité est sous la
dépendance des facteurs de l'environnement (lumière, eau). Les rameaux fertiles
renferment des flavonoïdes à cycle B modifié (glycosides de protogenkwanine et
dérivés voisins) ainsi qu'une substance se comportant comme un flavonoïde, mais qui
est un glucoside de styrylpyrone.

Pharmacologie, évaluation clinique. La tradition et des expérimentations animales


anciennes attribuent à la prêle une activité diurétique. D'autres données expérimentales,
plus récentes, ne mettent en évidence, au mieux, qu'une légère augmentation de
l'élimination hydrique. La prêle passe par ailleurs pour hémostatique et « reminéra-
lisante », anti-œdémateuse, mais on ne dispose d'aucune donnée solide pour confIrmer
ces activités. Un extrait hydro-alcoolique est analgésique et anti-inflammatoire chez la
Souris (à dose forte et par voie intrapéritonéale). Une activité antiradicalaire a aussi été
rapportée. La prêle n'a fait l'objet d'aucun essai clinique de bonne qualité métho-
dologique.

Toxicité, effets indésirables. On ne sait rien de l'éventuelle toxicité de la prêle. Elle


renfermerait des traces de thiaminase, mais aucun cas d'effet indésirable n'a été
rapporté. Malgré cela, les autorités canadiennes exigent pour les suppléments à base de
prêle des champs un certificat prouvant que la thiaminase est inactivée [Monographie des
suppléments de multivitamines/minéraux, 23-10-2007, disponible sur Santé-Canada: http://www.hc-sc.
gc.calindexJhtml, 52 pages]. La monographie de l'HMPC signale que des troubles gastro-
intestinaux et des allergies cutanées de fréquence inconnue ont été rapportés.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour la tige de prêle, les indications thérapeutiques
suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 1° pour faciliter les fonctions
d'élimination urinaire et digestive; 2° pour favoriser l'élimination rénale d'eau; 3°
comme adjuvant des traitements amaigrissants. Si le phytomédicament à base de prêle
est une poudre de tige, le dossier « abrégé» d'AMM doit comporter une étude
toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour la tige pour tisane, l'extrait
aqueux, les teintures et les extraits hydro-alcooliques, quel que soit leur titre.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
la prêle est utilisée par voie orale en cas d'œdèmes (post-traumatique et statiques), et
comme thérapeutique de drainage des affections inflammatoires et bactériennes de
l'appareil urinaire et des calculs rénaux. Posologie: 6 g par jour de plante (ou prépa-
ration correspondante). Par voie externe, l'indication reconnue par la Commission est le
traitement d'appoint des blessures cicatrisant mal: compresses préparées à partir de
10 g de prêle par litre d'eau. L'œdème lié à un dysfonctionnement cardiaque ou rénal
constitue une contre-indication.
Au niveau européen, la monographie communautaire élaborée par l'HMPC précise
que la prêle est utilisée sous forme de poudre, de jus, d'extraits liquides ou d'extraits
secs (aqueux ou hydroéthanolique). Elle est indiquée, sur la seule base de l'ancienneté de
son usage, comme adjuvant en cas de troubles urinaires mineurs, accroissant le volume
urinaire, en cures de 2 à 4 semaines. Posologie (exemple) : infusion, 2-3 g pour 250 ml
FLA VONOÏDES 405

d'eau bouillante x 3 fois par jour). Son usage n'est pas recommandé avant 12 ans, ainsi
que chez la femme enceinte ou allaitante. En cas de fièvre, de dysurie, d'hématurie au
cours du traitement (ou de persistance des symptômes après une semaine) en référer à
un praticien de santé (réf. EMEA/HMPC/ 394894/2007,3 juillet 2008).
La prêle et ses préparations sont très utilisées dans la formulation de produits
cosmétiques (crèmes pour la prévention des rides, des vergetures, de la cellulite;
crèmes « hydratantes», « affermissantes », « tonifiantes» ; shampoings; produits après-
rasage; gels douche, etc.) et de compléments au statut pas toujours bien défini. Pour sa
part, le purin de prêle est utilisé comme fongicide en agriculture et jardinage biologiques
(1 kg/1 0 1 à 2 kg/15 1, seul ou mélangé au purin d'ortie) .

• « ROOIBOS TEA », Aspalathus linearis (Burm.f) R. Dahlgr., Fabaceae

Cette espèce ne constitue pas à proprement parler une plante médicinale. Les jeunes
Icuilles sont utilisées comme une alternative au thé, en particulier en Afrique du Sud
d'où cette plante est originaire et où elle est cultivée dans la province du Cap. Après la
récolte, les feuilles sont soit séchées immédiatement (green rooibos), soit plus
généralement coupées, roulées, fermentées puis séchées (red bush tea).
Les tiges et les feuilles de cet arbrisseau ne renferment pas de caféine, mais des
Iluorures, une fraction volatile (guaiacol, dérivés de l'hepténone et de l'heptadiénone,
alcool phénéthylique, etc.) et, surtout, des acides-phénols et des flavonoïdes en quantité
plus importante dans les feuilles vertes que dans les feuilles rouges (fermentées). Les
Ilavonoïdes sont majoritairement des C-glucosides de dihydrochaIcones (aspalathine,
nothofagine), accompagnés d'autres C-hétérosides (iso-orentine, orientine, etc.) et
d'hétérosides de flavonols. Au cours de la fermentation, 90 % des dihydrochaIcones
sont transformées (en partie cyclisées).
Les infusions d'Aspalathus sont antioxydantes et antimutagènes sur différents
modèles in vitro. L'activité antioxydante de l'Aspalathus est inférieure à celle du thé
vert (Camellia sinensis); elle décroît après fermentation. Parmi les nombreuses vertus
Ilttribuées à cette plante, on note surtout la réputation sédative des infusions, leur effet
favorable sur la digestion et l'endormissement et, par voie externe, une action supposée
favorable en cas d'érythème, d'eczéma ou d'allergie cutanée.
Les propriétés attribuées à cette plante n'ont, à ce jour, fait l'objet d'aucun essai
l'Iinique publié. La plante ne semble pas toxique et aucun effet indésirable n'a, semble-
I-il, été rapporté. Chez le Rat, on a noté l'induction d'isoenzymes du cytochrome P450,
mais, chez l'humain, aucun cas d'interaction médicamenteuse n'a été rapporté.
Ce « thé rouge» 18, exporté en Europe (normal, biologique, équitable), attire cer-
Illins consommateurs pour son absence de caféine et sa pauvreté en tanins. Des extraits
son! commercialisés pour l'industrie cosmétique.

1R. On trouve parfois, dans les boutiques de « santé » et de produits « bio » un autre thé « rouge », le
( 'Y"/opia intermedia E. Mey. Cette Fabaceae (Podalyrieae) est également originaire d'Afrique du Sud
l'I ses infusions ont des propriétés biologiques voisines de celles de l'Aspalathus (comme beaucoup de
plllilles à polyphénols ... ). Le vrai thé (Camellia) généralement« vert» ou «noir» est parfois« rouge »,
l'Il Asie (thé hong-cha).
406 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

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l
Isoflavonoïdes

Les isoflavonoïdes sont caractérisés, comme les flavonoïdes, par un enchaînement en


C 1S de type Ar-C 3-Ar qui est ici réarrangé selon un motif 1,2-diphénylpropanique :
toutes les molécules de ce groupe peuvent être rattachées au squelette du 3-phényl-
chromane. Les isoflavonoïdes sont particulièrement abondants chez les Fabaceae :
lJ5 % des structures connues à la fin des années 1980 avaient été caractérisées dans cette
seule sous-famille des Leguminosae. L'intérêt croissant pour ces molécules (phyto-
alexines, phyto-œstrogènes, etc.) a conduit à les caractériser aujourd'hui dans une
soixantaine de familles: rares chez les Monocotyledonae (ex. : Iridaceae, Cyperaceae,
i\sphodelaceae), ils sont plus fréquents chez les Dicotyledonae (ex. : Nyctaginaceae,
Chenopodiaceae, Ochnaceae, Myricaceae, Moraceae, Rhamnaceae, Convolvulaceae,
Rubiaceae, Asteraceae, etc.), mais, chez ces familles, ils sont le plus souvent confinés
dans un petit nombre d'espèces. On en connaît peu chez les Pinopsida et les Bryophyta.
La diversité structurale des isoflavonoïdes est importante: on connaît actuellement
plus de 1000 structures différentes, dont plus de 220 ont été isolées dans des plantes
Il 'appartenant pas à la famille des Fabaceae. Les isoflavonoïdes peuvent être classés en
une douzaine de types structuraux différenciés par leur degré d'oxydation et par
l'existence d'hétérocycles complémentaires. Dans tous les types on peut noter la
l'réquence élevée des dérivés isoprénylés et, par voie de conséquence, des structures
l'uraniques, dihydrofuraniques et pyraniques.
Les composés les plus fréquents sont les isoflavones, qui existent à l'état libre ou,
heaucoup plus rarement, à l'état d'hétéroside (O-hétérosides, exceptionnellement C-
hétérosides). L'importance numérique des structures apparentées est plus restreinte:
isoflavanones, isoflav-3-ènes, isoflavanes, isoflavan-4-0Is. Assez souvent, les
isollavonoïdes possèdent un cycle supplémentaire qui, en règle générale, provient de la
l'yclisation d'un dérivé 2'-hydroxylé : c'est le cas des ptérocarpanes et de leurs dérivés
(ptérocarpènes et 6a-hydroxyptérocarpanes), c'est aussi celui des coumarano-
dmll1lOnes.
D'autres isoflavonoïdes ont une structure coumarinique induite par l'oxydation d'un
Isollav-3-ène : c'est le cas des 3-aryIcoumarines (= isoflav-3-én-2-ones) de Glycyrrhiza
Hpp. et des produits issus de la cyclisation d'une 2' -hydroxy-3-aryl-coumarine, c'est-à-
dire les coumestanes (= des ptérocapanes oxydés).

en
412 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

0 0

%""
1

isoflavone
o
1

1/
~ 0ÇX6
""
1

roténoïde
o 1/
0
~

0
l 00

GYc
""
1

o
isoflavanone
1/
~

2'-hydroxyisoflavanone
%
"" 1

Icoumestane
/
o 1
~
/

~
0 o 00

02:0l
""
1

HO HO 1
~
/
""
1

/
HO
I~
/
---

%
"" 1

HO
1
~
/

,
isoflavanol isoflavène 3-arylcoumarine

0 0

0Cê0 0C60
""
1

+
HO
1
~
/
- - -

""
o
ptérocarpane
1
~
/
Principaux types
d'isoflavonoïdes et
interconversions

Certains composés polycycliques possèdent un carbone supplémentaire: c'est le cas


des roténoïdes issus de la cyclisation oxydative d'une 2'-méthoxyisoflavone.
Un dernier groupe de composés est, au contraire, caractérisé par la perte d'un
carbone: il s'agit des 2-arylbenzofuranes qui ne sont biosynthétiquement ni des
néolignanes, ni des produits de cyclisation d'un stilbène, mais des isoflavonoïdes
formés (peut-être ?) par perte du carbone C-6 d'un coumestane.
Enfin, on note que, comme les flavonoïdes, les isoflavonoïdes peuvent former des
dimères et des oligomères (ex. : bis-isoflavanes, isoflavane-flavanone, etc.) ainsi que
des produits d'addition avec les acides cinnamiques (isoflavano-lignanes).

Biosynthèse

Le mécanisme proposé pour la formation des isoflavonoïdes comprend deux étapes. '
La première est l'oxydation d'une flavanone et son réarrangement, la seconde,
l'élimination d'une molécule d'eau, ce qui conduit à l'isoflavone (ex. : isoliquiritigénine .
ISOFLA VONOÏDES 413

() OH ()OH
Ho'CQÇ0 . " H\~ ___Ho'OÇt0
H
." , ~ ___Ho'OÇf0H 6H
1 H 1 (Fe)lv

1
o
'.~HIl
0...
1 .
0H1
(Fe)v
""'Œ
H 0...
0
OH
(Fe)lv
0...
I·~

0 1 h
OH

liquiritigénine

HO 0
deshydratase
~

0 h
OH
daidzéine

Origine probable des isoflavones

- > (2S)-liquiritigénine - > daidzéine ; cha1conaringénine- > naringénine - > génistéine).


l,a première étape, catalysée par l'isoflavone-synthase (une mono-oxydase cytochrome
»450 dépendante) en présence de NADPH et de dioxygène, conduit à une 2-hydroxy-
isoflavanone. Le mécanisme serait radicalaire, l'hydroxylation accompagnant la
migration de l'aryL L'isolement du dérivé hydroxylé en C-2 rend improbable le
mécanisme initialement envisagé, à savoir la formation d'un époxyde dont la
protonation et l'ouverture autoriseraient la formation d'un intermédiaire spirodiéno-
nique, puis celle de l'isoflavone. Les interconversions dans la série sont assez bien
connues grâce à des expériences de marquage ou par l'isolement des enzymes
impliquées. L'isoprénylation, fréquente, intervient toujours après la formation du
squelette de base.

Activité biologique

Chez les végétaux, bon nombre de structures isoflavonoïdiques sont des phyto-
IIlexines, c'est-à-dire des substances produites par la plante en réponse à une infection
pllr un agent pathogène, le plus souvent de nature fongique. On peut les considérer
~'(lInme les produits de défense naturels des organismes qui les produisent. Les
Isollavonoïdes peuvent préexister à l'infection: cela a conduit certains à proposer le
Il'I'me de "phytoanticipine" pour les caractériser. Chez les Fabaceae, les isoflavones
Hl'mblent impliquées dans l'établissement des symbioses avec les Rhizobium.
Les propriétés pharmacologiques des isoflavonoïdes sont peu connues et, quand
('IIL's le sont, demeurent des potentialités théoriques. La première propriété qui a fait
l'ohjet d'une application a été celle, insecticide, des roténoïdes. On connaît aussi depuis
longtemps leurs propriétés œstrogéniques : ces molécules sont à l'origine d'infertilités
chl'/', les ovins consommant du trèfle en excès; elles semblent moins actives chez les
vllrhes, ce qui pourrait être lié à une différence de métabolisme.
414 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

PHYTO-ŒSTROGENES DU SOJA: NATURE, INTÉRÊT, RISQUES

Les phyto-œstrogènes sont définis par leur capacité à induire in vivo des effets
comparables à ceux des œstrogènes animaux, effets qui sont liés à leur capacité à se
fixer aux récepteurs des œstrogènes.
Les phyto-œstrogènes sont principalement des isoflavones présentes dans le soja et
quelques autres Fabaceae, et des entérolignanes dont les précurseurs sont présents dans
diverses graines, fruits et légumes (cf. p. 331). D'autres isoflavonoïdes, les cou-
mestanes, caractéristiques du trèfle ou de la luzerne, ont également des propriétés
œstrogéniques 19.
La concentration en isoflavonoïdes de la graine de soja peut atteindre 3 g/kg. Ce
sont des hétérosides acylés dérivant de trois génines isoflavoniques, la génistéine
(5,7 ,4'-trihydroxyisoflavone), la daidzéine (7 ,4'-dihydroxyisoflavone) et la glycytéine.
Les principaux hétérosides sont la 6"-O-malonylgénistine et la 6"-O-malonyldaidzine.
Ces mêmes composés, leurs produits de décarboxylation et de désestérification
(daidzine, génistine) et leurs produits d'hydrolyse (les génines) sont présents dans tous
les produits dérivés du soja: poudre, lait, produits fermentés, etc. Leur forme
(glycoside, génine) et leur teneur varient en fonction du processus industriel mis en
œuvre, d'où la nécessité de calculer et d'exprimer cette teneur en génine.
Si l'apport moyen journalier en isoflavones, exprimé en génines, peut atteindre
45 mg chez certaines populations asiatiques (Japon), la consommation d'un Français
adulte serait voisine de 26 Jlg par jour, en moyenne (hormis les personnes - environ
1 % - qui consomment régulièrement des produits dérivés du soja [tonyu, tofu,
desserts] et qui, de ce fait, peuvent en ingérer 15 mg/jour).
Les isoflavones du soja et leur métabolite intestinal actif, l'équol (métabolite de la
daidzéine), se fixent avec une faible affinité sur les récepteurs aux œstrogènes -

19. Des molécules répondant à la définition des phyto-œstrogènes sont également présentes dans la
réglisse (glabridine) ou encore dans le kudzu (Pueraria l110ntana ILour.1 Merr. var. lobata [Willd.]
Maesen & S. M. Almeida ex Sanjappa & Predeep, Fabaceae). Pour la plupart des autres plantes qui
jouissent d'une réputation d'« œstrogénique », il n'existe pas de preuves de la réalité de cet effet
(sauge, fenouil, actée à grappes, etc.).
Pueraria "/obata" est une liane dont des extraits de racine sont proposés, notamment via l'Internet,
comme « traitement» de la dépendance alcoolique, et comme produit de sevrage tabagique. Si
quelques données expérimentales chez l'animal montrent une diminution de la prise d'alcool après
administrations des isoflavones isolées du kudzu, il n'existe aucune preuve solide de l'effet supposé de
cette plante chez l'Homme. Une molécule isoflavonoïdique isolée de Pueraria, la puerarine, est utilisée
en Chine dans le traitement des accidents vasculaires ischémiques, de la maladie coronarienne et de
l'angine de poitrine. Si certains effets semblent possibles (angine de poitrine), les données des essais
cliniques sont insuffisantes pour en évaluer la réelle efficacité. Cf. (a) - Tan, Y., Liu, M. et Wu, B. (2008).
Puerarin for acute ischaemic stroke, Cochrane Database Syst. Rev., (1), CD004955 ; (b) - Wang, Q., Wu, T.
Chen, X. et al. (2006). Puerarin injection for unstable angina pectoris, Cochrane Database Sysi. Rev., (3),
CD004196.
Une autre espèce de Puera ria (P.mirifica Airy Shaw & Suvatabandhu) développe des propriétés
œstrogéniques. On trouve, sur l'Internet, divers «produits» proposés, sans évaluation pour, entre autres,
« l'augmentation mammaire» [sic] : formes pour administration orale, crèmes « raffermissantes », etc.
Cf. : Cherdshewasart, W., Subtang, S. et Dahlan, W. (2007). Major isoflavonoid contents of the phytoestrogen
rich-herb Pueraria mirifica in comparison with Pueraria lobata, J. Pharm. BiomedAnal., 17,428-434.
ISOFLA VONOÏDES 415

essentiellement sur l'isoforme ~. On tend à les considérer comme des modulateurs des
récepteurs aux œstrogènes (SERM, Selective Estrogen Receptor Modulators) qui ont
un effet ambivalent (œstrogénique ou anti-œstrogénique selon, entre autres, le tissu),
l'effet global étant un effet œstrogénique faible. Par ailleurs, la génistéine est un
inhibiteur de la fonction tyrosine-kinase de certains récepteurs aux facteurs de
croissance, un inhibiteur des topoisomérases ou encore de l'angiogenèse. Les
isoflavones sont aussi des antioxydants.

Phyto-œstrogènes du soja et bouffées de chaleur

La faible fréquence des bouffées de chaleur chez les femmes asiatiques et les effets
indésirables du traitement hormonal substitutif ont conduit de nombreux auteurs à
réaliser des essais cliniques pour évaluer l'efficacité des isoflavones œstrogéniques du
soja pour réduire la fréquence et la sévérité de ces symptômes vasomoteurs de la
ménopause. Plusieurs synthèses méthodiques des données publiées entre 2004 et 2007
ont recensé et analysé ces essais. Soulignant la qualité méthodologique le plus souvent
faible des essais publiés, ces synthèses ont conclu à l'absence de preuves de l'efficacité
des produits testés (préparations à base de soja, d'extraits enrichis ou de fractions
isoflavoniques [50-80 mg/jour]) lorsqu'ils sont comparés à des placebos. Une seule
synthèse a souligné le caractère discordant des résultats. Quoi qu'il en soit, lorsque l'on
considère les études concluant en faveur des isoflavones, le niveau de preuve est faible,
d l'effet, sur un symptôme qui évolue déjà favorablement sous placebo et de toute
façon avec le temps, apparaît plutôt modeste. Il n'a pas été noté d'effet sur la sécheresse
vaginale. Chez des femmes ayant été opérées d'un cancer du sein, il n'a pas été
démontré d'effet. Néanmoins, le caractère hormono-dépendant de ce cancer conduit
certains à s'interroger sur le risque potentiel que présente dans ce cas la prise
d'isoflavones. La question d'une possible interaction se pose pour les femmes traitées
par des substances telles que le tamoxifène.

Phyto-œstrogènes du soja et ostéoporose

Quelques essais cliniques de courte durée mettent en évidence un ralentissement de


III diminution de la densité osseuse par les isoflavones du soja, voire dans certains cas,
son augmentation (apport journalier de 50 à 100 mg). Cela étant, il n'existe à ce jour
1I1Icune étude démontrant une diminution de la fréquence de fracture, seul critère valable.

Phyto-œstrogènes, soja et cancer

Cancer du sein. En première analyse, il est cohérent de penser que la faible


IIlortalité par cancer du sein observée chez les femmes asiatiques pourrait être liée à leur
IIlOde de vie, en particulier à leur comportement alimentaire, caractérisé par la
collsommation régulière et importante de soja dès leur plus jeune âge. L'hypothèse est

l
416 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

renforcée par le fait que l'incidence de ce cancer augmente chez les asiatiques
migrantes aux États-Unis d'Amérique, et encore plus chez leurs filles qui adoptent le
mode de vie et l'alimentation nord-américains.
Chez les femmes, et en dépit d'un nombre déjà non négligeable d'études épidémio-
logiques (études cas-témoins et études de cohorte), il est particulièrement difficile de
formuler des conclusions fermes. La qualité inégale des études (certaines non conçues a
priori pour tester l'hypothèse), l'hétérogénéité des populations incluses, des différences
notables d'appréciation des apports en soja et d'autres biais expliquent sans doute le
caractère souvent contradictoire des résultats.
Une méta-analyse publiée en 2008 a toutefois apporté un éclairage intéressant sur la
question. En stratifiant les études en fonction de l'origine géographique, cette méta-
analyse a confirmé, sur la base de huit études incluant des asiatiques ou des américaines
asiatiques ayant une alimentation riche en soja, que le risque de cancer du sein, chez ces
femmes asiatiques, diminue d'autant plus que la consommation de soja est élevée (OR
= 0,71, IC95 = 0,60 à 0,85; 20 mg ou plus d'isoflavones/jour versus 5 mg/jour ou
moins), l'effet étant corrélé à la dose. Deux des études ont montré que l'effet protecteur
est surtout associé à une consommation de soja au cours de l'adolescence. La même
méta-analyse conclut à l'absence de relation, chez les femmes occidentales, entre
consommation de soja et diminution du risque de cancer du sein (onze études; OR =
1,04, IC95 = 0,97 à 1,11). Chez ces femmes, la consommation de soja est toujours très
faible « 1 mg/jour d'isoflavones). Et leurs habitudes alimentaires très différentes.
Il faut par ailleurs noter qu'une méta-analyse plus ancienne (2006) portant sur dix-
huit études avait objectivé une diminution modeste du risque (OR = 0,86, IC95 = 0,75 à
0,99, toutes populations confondues), mais que cette diminution n'était pas statisti-
quement significative chez les femmes asiatiques ou d'origine asiatique (OR = 0,83,
IC95 = 0,68 à 1,02). La plus grande prudence s'impose quant à une interprétation des
résultats de cette analyse (et d'autres), beaucoup de données étant inconsistantes et les
études incluses particulièrement hétérogènes.
La seule certitude largement partagée est que rien, dans l'immédiat, ne permet de
recommander la prise de compléments alimentaires à base d'isoflavones - dont par
ailleurs la sécurité d'emploi à long terme n'est pas évaluée - pour diminuer le risque
de cancer du sein chez les femmes occidentales.

Autres cancers. Les études chez l'animal, convergentes, montrent une réduction du '
risque de cancer de la prostate par la consommation de soja. Chez les hommes, quelques
études épidémiologiques (principalement des études d'observation) semblent indiquer
un lien entre consommation de soja et réduction du risque, dans les conditions
d'exposition des populations asiatiques. Cela reste à confirmer. Pour les autres cancers,
les données sont très insuffisantes.

Effets indésirables des phyto-œstrogènes

On ne connaît pas d'inconvénient particulier à la consommation de soja chez les


adultes (en dehors d'éventuelles allergies). Mais ceci ne saurait servir de garantie de
ISOFLA VONOÏDES 417

sécurité pour les isoflavones elles-mêmes: la possibilité que des effets indésirables se
manifestent avec des doses élevées et des cures prolongées demeure non évaluée.
Certes, ces isoflavones - la génistéine notamment - ne semblent pas toxiques
chez l'animal, mais les différences de métabolisme inter-espèces et inter-populations
limitent les tentatives d'extrapolation (sans compter que certaines femmes semblent
métaboliser la daidzéine en équol plus que d'autres). On ne connaît pas non plus le
risque que représente le potentiel génotoxique de la génistéine et des génines
apparentées constaté in vitro et chez des rongeurs.
Quel peut être l'impact des phyto-œstrogènes sur la prolifération de l'épithélium
lobulaire mammaire? Net chez les rongeurs, il semble dépendre de nombreux facteurs
associés et être délicat à apprécier chez les femmes. Dans le cas de l'endomètre, on note
qu'un essai clinique versus placebo de longue durée a montré qu'après 5 ans, 3,8 % des
femmes recevant un traitement de 150 mg/jour d'isoflavones présentaient une
hyperplasie de l'endomètre (généralement considérée comme une lésion précancé-
reuse). Aucun cas d'hyperplasie n'était détecté dans le groupe recevant le placebo.
Qu'en est-il de l'utilisation des produits à base de soja chez le nourrisson? La
question est controversée. L'alimentation par des substituts du lait de vache et, plus
tard, par des préparations de suite à base de protéines de soja apporte, par exemple, de 4
à 9 mg/kg de poids corporel par jour d'isoflavones à un nourrisson de quatre mois. Cela
induit des taux plasmatiques de phyto-œstrogènes constamment très élevés, et donc un
risque potentiel. En dehors d'une étude rétrospective par questionnaire, on ne dispose
pas d'éléments pour apprécier l'impact clinique de cette imprégnation. Les études chez
l'animal - elles montrent, entre autres, des effets sur le développement neuroendo-
crinien et immunitaire - incitent toutefois à une certaine prudence dans l'attente
d'indispensables études prospectives (l'évolution des textes réglementaires européens
est prévue).
Dans l'état actuel des connaissances, la dose limite admissible journalière
préconisée en 2005 par le groupe d'experts de l' Afssa est de 1 mg/kg de poids corporel
(exprimés en génines). Ce même groupe a estimé que c'est une « précaution
importante» que d'éviter une consommation élevée d'isoflavones chez les femmes
enceintes ou allaitantes, « notamment sous la forme de compléments alimentaires ».
Dans le même esprit, ces experts, prudents, ont précisé que la consommation de produits
à base de soja chez les nourrissons et les enfants de moins de trois ans « est à éviter ».
La consommation d'isoflavones, quelle que soit leur forme, serait à éviter chez les
hypothyroïdiens, des cas d'hypothyroïdisme ayant été décrits chez de jeunes enfants.

PHYTO-ŒSTROGENES DU TRÈFLE

Le trèfle rouge (T. pratense L.) renferme plusieurs isoflavones (formononétine,


hiochanine, daidzéine, génistéine). De ce fait, et depuis quelques années, ses extraits
sont proposés par certaines firmes comme traitement des symptômes vasomoteurs liés à
ln ménopause. Quatre synthèses méthodiques avec méta-analyse des essais cliniques
l'omparatifs évaluant l'effet d'un extrait standardisé de trèfle (40-80 mg par jour) sur la
fréquence des bouffées de chaleur ont été publiées entre 2004 et 2007. L'une a conclu à

,
inz
418 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

un effet clinique de signification statistique marginale et de pertinence non claire, les


autres à l'absence d'effet statistiquement significatif. Il n'existe pas de donnée sur les
éventuelles conséquences d'une administration prolongée de ce type de produit.

Roténoïdes

Ces composés, biogénétiquement rattachés aux isoflavonoïdes, ont en commun un


système à quatre cycles : une chromanochromanone. Les deux cycles oxygénés sont
fusionés en Gis et l'activité biologique est maximale pour les dérivés possédant un cycle
dihydrofuranique. Le principal représentant du groupe est la roténone, principe actif
majoritaire des racines de diverses Fabaceae tropicales appartenant aux genres Derris,
Lonchocarpus, Milletia, Mundulea et Tephrosia .

• DERRIS, Derris spp., Fabaceae

Les Derris sont des lianes qui croissent dans le sud-est de l'Asie. D. elliptica
(Roxb.) Benth est une espèce de Malaisie et du Myanmar, également introduite et
cultivée en Afrique. D'autres espèces sont utilisées, en particulier D. malaccensis
(Benth.) Prain. Dans leurs régions d'origine les racines de ces lianes sont tradition-
nellement utilisées comme insecticides et ichtyotoxiques.
La partie utilisée est la racine et, dans le commerce, il est fréquent de trouver un
extrait enrichi titrant environ 30 % de roténone. La teneur en roténoïdes de la poudre de
Derris varie de 3 à 10 %.
La roténone est responsable des propriétés insecticides; active aussi bien par contact
que par ingestion, elle inhibe la chaîne respiratoire mitochondriale dès les premières
étapes (inhibition de la déhydrogénase NADH dépendante).
Considérés comme non toxiques pour l'Homme, les extraits de Derris et la roténone
sont utilisés pour la destruction des ectoparasites des animaux domestiques et par
l'agriculture biologique. Récemment, il a été démontré que l'administration par
perfusion intraveineuse prolongée de roténone induit, chez le Rat, les symptômes
caractéristiques de la maladie de PARKINSON. La particularité de la voie d'administration
n'empêche pas d'attendre avec intérêt des données plus complètes sur le risque que
pourrait faire courir l'usage incontrôlé de cette substance.
Les racines des Lonchocarpus sud-américains (L. urucu Killip & Smith, L. utilis
A.c. Smith) sont utilisées sous les mêmes formes et dans les mêmes buts.

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l
Néoflavonoïdes

Le terme de néoflavonoïde est réservé à des composés en C 15 , de type Ar-CrAr,


structurellement rattachés aux flavonoïdes et isoflavonoïdes et construits selon un
enchaînement 1,l-diphénylpropane. Comme les 2- et 3-phény1chromanes, ils sont issus i

de la condensation de trois molécules d'acétate et d'une molécule de cinnamate, mais le


mécanisme de leur formation est très différent. Il est possible (ce n'est qu'une
hypothèse) qu'ils résultent de la réaction (SN2 ') d'un phénol comme le phloroglucinol
ou le résorcinol sur le carbone ex, de la chaîne latérale d'une unité phénylpropanique.
La grande majorité des néoflavonoïdes connus ont été isolés chez les Fabaceae
(Dalbergia) et les Clusiaceae (Lindley = Guttiferae Juss. : Calophyllum, Mammea,
Mesua, etc.). Certains sont également présents chez les Rubiaceae (Coutarea) et les
Asteraceae (Echinops).

Le groupe comprend des 4-ary1coumarines (4-aryl-2-H-I-benzopyran-2-ones), des


3,4-dihydro-4-ary1coumarines telles que les calomelanols de Pityrogramma calomelanos
(L.) Link (Pteridaceae), des néoflavènes, des 3-arylbenzo[b]furanes et des composés
« ouverts» : dalbergiones, dalbergiquinols et benzophénones.
Les différents représentants du groupe des néoflavonoïdes n'ont pas de propriétés
biologiques marquées. Nous citerons cependant ici le « baume» de Calophyllum en
notant qu'il ne semble pas exister de travaux qui permettent de relier les propriétés
cicatrisantes qui lui sont attribuées aux 4-aryl coumarines qu'il contient.
On notera également que les dalbergiones, dalbergiquinols et produits apparentés
sont responsables des dermites provoquées, en particulier chez les ouvriers du bois, par

o o

(S)-4-méthoxydalbergione calanolideA soulattrolide


NÉOFLA VONOÏDES 421

les diverses espèces de palissandres: Dalbergia melanoxylon Guillemin & Perrottet,


D. retusa Hemsl., D. nigra (Vell. Conc.) Benth., D.latifolia Roxb., D. retusa Hemsl.,
etc. ainsi que par Machaerium scleroxylum Tul. (cf plantes à quinones) .

• CALOPHYLLUM, Calophyllum inophyllum L., Clusiaceae

Cet arbre aux « belles feuilles », croît dans le sud-est asiatique et de Madagascar
jusqu'à la Polynésie. Son fruit drupacé est riche en huile: par expression, il fournit une
masse pâteuse, improprement appelée baume, riche en triglycérides et qui contient
plusieurs dérivés de type 4.ary1coumarinique : calophyllolide, inophyllolide, cis-
dihydroinophyllolide, etc. Réputé cicatrisant et anti-u1céreux, le « baume» a longtemps
été commercialisé en France comme cicatrisant et analgésique en cas de brûlures. Il
figure toujours au catalogue de producteurs de produits pour la cosmétique (<< huile de
tamanu »).
En 1992, la mise en évidence des propriétés antivirales des calanolides - ce sont
des 4-aryl et 4-alkyl coumarines isolées d'une variété de C.lanigerum Miq. du Sarawak
- a suscité un regain d'intérêt pour ce genre. Les calanolides sont des inhibiteurs non-
nucléosidiques de la transcriptase-inverse, inhibiteurs in vitro de la cytopathogénicité
du HIV -l, Y compris de souches résistantes à l'AZT. Certaines espèces du genre
renferment également des xanthones antifongiques.

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h
Vitis vinifera L.
Anthocyanosides

1. Introduction .........................................................................................................................423
2. Structure des anthocyanosides, origine biosynthétique .....................................................424
3. Propriétés physico-chimiques ............................................................................................ .426
4. Extraction, caractérisation ..................................................................................................428
5. Action pharmacologique et emplois ...................................................................................429
6. Principales plantes à anthocyanosides ................................................................................431
myrtille ...................................................................................................................... .431
cassis ...........................................................................................................................434
vigne rouge ................................................................................................................ .435
sureau noir ................................................................................................................. .436
7. Bibliographie ...................................................................................................................... .438

1. INTRODUCTION

Le terme d'anthocyane, initialement forgé pour désigner la substance responsable de la


coloration des fleurs du bleuet (gr. anthos, fleur et kuanos, bleu), s'applique à un groupe
de pigments hydrosolubles responsables de la coloration rouge, rose, mauve, pourpre,
bleue ou violette de la plupart des fleurs et des fruits. Ces pigments existent sous la
forme d' hétérosides (les anthocyanosides [ou anthocyanins 1 en anglais]) et leurs
génines (les anthocyanidols [ou anthocyanidines en anglais]) sont des dérivés du cation
2-phénylbenzopyrylium plus communément appelé cation flavylium, ce qui souligne
l'appartenance de ces molécules au vaste groupe des flavonoïdes au sens large.

1. Désinences adoptées par la Pharmacopée européenne. Nous préférons maintenir les désinences
-oside (hétéroside) et -01 (alcool), qui nous semblent induire moins de confusion. En anglais, les
désinences -in (sans azote) et -ine (avec azote) sont signifiantes. La transposition systématique en
rrançais conduit parfois à une perte "d'information" (ex. : digoxoside -> digoxine) .
424 COMPOSÉS PHÉNOLlQUES

Rares chez les Gymnospermae, les anthocyanosides sont présents chez toutes les
Angiospermae à l'exception des Caryophyllales : sur la douzaine de familles que
compte cet ordre (sensu Cronquist) seules les Caryophyllaceae et les Molluginaceae en
renferment. Dans les autres familles (Chenopodiaceae, Cactaceae, Phytolaccaceae,
Nyctaginaceae, etc.) la pigmentation des différents organes est le fait de bétalaïnes (ex. :
racine de betterave, fleurs de bougainvillée ou d'amarante).
S'ils sont habituellement caractéristiques des pétales de fleurs (pavot, mauve,
hibiscus) et des fruits (cerise, sureau, aubergine), les anthocyanosides peuvent
éventuellement être rencontrés dans des bractées (Bromeliaceae), dans des feuilles
(Coleus spp.), dans des pétioles (rhubarbe des jardins), voire dans des racines (radis) ou
des bulbes (oignon rouge). Ils s'accumulent le plus souvent dans les vacuoles des
cellules des tissus épidermiques, en solution, plus rarement sous forme d'antho-
cyanoplastes. C'est dans les fruits que leur concentration est la plus élevée: sureau (0,2-
1,8 %), fruits d'aronie (0,4-1,4 %),jus de grenade (0,6-0,7 %), myrtille (0,3-0,7 %),
cassis (0,1-0,45 %), raisin noir (0,03-0,7 %), mûre (0,08-0,3 %), canneberge à gros
fruits (0,07-0,14 %), framboise Uusqu'à 0,7 %), cerise Uusqu'à 0,45 %), amélanches
[Canada] (0,2%), etc. Chez les légumes on note des concentrations notables chez le
chou rouge (0,3 %) et l'oignon rouge (0,02-05 %). Les concentrations varient selon de
nombreux facteurs (lumière, température, etc.) et les techniques agronomiques et <

biotechnologiques peuvent modifier teneur et composition (pomme, raisin).


Les anthocyanosides -on en connaît environ 400 -, dont les couleurs vives
attirent insectes et oiseaux, jouent un rôle majeur dans la pollinisation et la dispersion
des graines. Un fort pouvoir colorant et l'absence de toxicité font de ces hétérosides des
colorants naturels susceptibles de remplacer, dans l'industrie alimentaire, les colorants
synthétiques: leur innocuité - un extrait de fruit ou de légume ne nécessite pas de
recherche toxicologique lourde - et leur acceptabilité par le consommateur com-
pensent leur instabilité (pH, température, lumière) et leur coût de production parfois
élevé. L'emploi en thérapeutique des anthocyanosides est, à ce jour, pratiquement
limité au domaine vasculaire: les plantes qui en contiennent sont utilisées pour
l'extraction des anthocyanosides, pour l'obtention de préparations galéniques ou en
nature; elles sont proposées dans le traitement des symptômes liés à une fragilité
capillaro-veineuse. Depuis quelques années, c'est la possibilité que les anthocyanosides
apportés par l'alimentation aient, du fait de leurs propriétés biologiques et protectrices,
un bénéfice potentiel pour la santé humaine et animale qui retient l'attention
(notamment dans le domaine du risque cardiovasculaire).

2. STRUCTURE DES ANTHOCYANOSIDES, ORIGINE BIOSYNTHÉTIQUE

Les anthocyanidols existent en milieu acide sous la forme cationique. Sauf


exceptions (apigéninidol), ils sont toujours hydroxylés en C-3 et, le plus souvent, penta-
(3, 5, 7, 3' ,4') ou hexasubstitués (3, 5, 7, 3' ,4' , 5') par des hydroxyles et/ou des
méthoxyles. Les génines les plus fréquentes (elles sont quasiment universelles) sont le
le cyanidol (cramoisi, 50 %), pélargonidol (écarlate, 12 %), le péonidol (12 %) le
delphinidol (pourpre, 12 %), le pétudinol et le malvidol (7 % chacun). On ne connaît
i\NTHOCY ANOSIDES 425

pas de composé anthocyanique dont tous les hydroxyles sont méthylés ou glycosylés :
au moins un hydroxyle en C-5, C-7 ou C-4' doit rester libre pour permettre la formation
des structures quinonoïdes colorées. Plus récemment, on a décrit des molécules
substituées en C-4 (dans l'oignon). De telles molécules, particulièrement stables, sont
formés dans les vins par une cycIoaddition impliquant la position 4 et l'hydroxyle en C-
S : cela expliquerait non seulement l'absence de perte de couleur au fil du temps, mais
aussi le renforcement de cette dernière.
R, =R, =H: pélargonidol
x- OH
R, =OH, R, =H: cyanidol
8 10
HO
;/' "c:
+ 2 R, = OCH 3, R, = H: péonidol
6~ / 3 OH
5 4
OH R, =R, =OH: delphinidol
Structure des principaux
R, = OCH 3 , R, =OH: pétunidol
anthocyanidols

R, = R, = OCH 3: malvidol

Les rares 3-désoxyanthocyanidols connus (Gesneriaceae, Poaceae) sont relative-


ment stables. Ce n'est pas le cas des anthocyanidols dont l'hydroxyle en C-3, facteur
d'instabilité pour l'ion flavylium, est toujours lié à un sucre (très souvent le glucose)
pour former un anthocyanoside, stable et hydrosoluble. Les anthocyanosides les plus
fréquents sont les 3-monosides et les 3,5-diosides. On connaît également des 3,7-
diosides et des triosides (ex.: 3,5,3'). La partie osidique des anthocyanosides peut être
monosaccharidique (glucosides, galactosides, rhamnosides), disaccharidique
(rutinosides, xylosylglucosides) ou, moins fréquemment, trisaccharidique.
De nombreux anthocyanosides sont acylés par des acides phénylpropanoïques
(acides 4-coumarique, caféique, férulique, sinapique) ou benzoïques (gallique) qui
estérifient un hydroxyle du (ou des) sucrees), généralement sur leur C-6". On connaît
Hussi - et leur nombre augmente rapidement - des anthocyanosides acylés par des
Hcides aliphatiques dicarboxyliques (acides malonique, malique, oxalique, succinique).
Des molécules acylées simultanément par les deux types d'acides ont également été
décrites. Les procédés extractifs standards ne permettent pas d'isoler correctement ces

OH 0 exemple d'anthocyanoside complexe:


HO~H~ ternatmeA2
o 0 / "'"
o 1 / H~OH 0
"'" OH
o 0 OH~
0 / "'"
HO
1
/ ~O~_ 0
1
/ 0
H~OH
0 OH
O~O~H~"", OH
O~HO
OH 0 1 / HO~_
OH o O--O~H
OH 0 OH

O Z C 02 H
426 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

How,l» Hoy:cl»
~ OH
OOH
• ~ ~ OH
OOH
HO
'--'::: OH

O-Glc
OH OH OH OH

0H 0H 0H
OH 0 OH 0 OH 0
HOWI
O.··"V HoycL0""'V
--------. 1
HoycL0""V
--------- 1
~ OH ~ ~ OH UDP-Glc ~ ~ O-Glc
OH OH OH OH

Origine biosynthétique possible des anthocyanosides

molécules zwitterioniques (elles sont très labiles dans l'acide chlorhydrique dilué
traditionnellement utilisé pour leur extraction), et bon nombre de structures
anthocyaniques anciennement connues doivent en fait exister sous cette forme. Ceci est
confirmé par l'électrophorèse qui permet de les mettre facilement en évidence et par
l'utilisation de méthodes douces (alcools neutres, acide acétique, acide formique, etc.),
tant pour leur extraction que pour leur purification. On sait enfin qu'il existe des
métalloanthocyanosides de haute masse moléculaire, six molécules d'anthocyanosides
et six flavonoïdes chélatant deux atomes métalliques (Mg et/ou Fe) (par exemple dans
la fleur du bleuet, Centaurea cyanus L.).

Origine biosynthétique

Les anthocyanosides sont issus du métabolisme général des flavonoïdes. Les


données expérimentales obtenues à l'aide de mutants acyanogènes et de génotypes à
fleurs blanches montrent que les 2,3-trans-dihydro-3,4-cis-dihydroxyflavonols sont les ,
précurseurs des anthocyanidols. Les étapes ultimes de la formation des anthocyanosides
ne sont pas encore élucidées: il est vraisemblable que les diols subissent une
hydroxylation (en C-2) et une double déshydratation. La glucosylation (qui nécessite
l'intervention de l'UDP-glucose) est sans doute tardive.

3. PROPRIÉTÉS PHYSICO-CHIMIQUES

Le comportement des anthocyanosides en solution aqueuse découle des propriétés


du cation 2-phényl-benzopyrylium qui est à la fois un diacide faible et un bon
électrophile. En milieu acide fort (pH < 3) la forme cationique, colorée en rouge, est
stable. En milieu acide faible, c'est-à-dire pour des pH compris entre 4 et 6, le cation'
ANTHOCY ANOSIDES 427

0-
~ 0
0 ./- -0
?'

O-Glc Comportement des ./-


O-Glc
anthocyanosides en solution.

O-G~:, 1 j Exemple du 3,5-diglucosyl


pélargonidol O~lc-H+ 11
OH 0
~

0 ./- HO 0

O-Glc O-Glc
O-Glc

~' -p ~ OH
O-Glc

+
HO 0 ./-
"
-H+ O-Glc

+H2~ O-Glc

OH
OH ~
~
0
HO ./-
.. .. HO
?'

~
OH

./-
1
./-

O-Glc
O-Glc
O-Glc
O-Glc

perd successivement deux protons ce qui conduit à une anhydrobase, neutre (- H) ou


ionisée (- 2H), stabilisée par résonance; ces formes quinonoïdes sont colorées en bleu.
Par ailleurs, l'hydratation de la molécule (en C-2, par simple dilution) conduit à une
« pseudo-base» carbinolique, incolore. Celle-ci est en équilibre avec la chalcone
correspondante (également incolore) et, si le pH croît, elle est ionisée (phénate) : la
slructure anthocyanique est détruite. Conséquence de ces propriétés: les solutions
d'anthocyanosides en milieu neutre ou légèrement acide perdent assez rapidement leur
coloration (certes, l'anhydrobase est colorée, mais 1'hydratation du cation se fait plus
rapidement que sa transformation en anhydrobase). Pour expliquer la coloration des
IIl1thocyanosides dans les conditions de pH habituelles du milieu vivant - le pH
vacuolaire n'est que très rarement inférieur à 3 -, il est nécessaire d'envisager la stabi-
lis,ition de leur structure, la protection de celle-ci contre l'addition nucléophile d'eau.
Plusieurs mécanismes peuvent intervenir: 1° la co-pigmentation intra-moléculaire dans
IlIlJuelie les acides acylant les sucres forment un « sandwich» autour de l'anthocyanidol
(la plupart des polyacylpolyosylanthocyanosides sont remarquablement stables en
solution); 2° l'auto-association, également dénommée auto-copigmentation, qui réalise
1111 empilement intermoléculaire d'anthocyanosides se protégeant mutuellement; 3° la

l
428 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

co-pigmentation intermoléculaire avec des flavonoïdes. L'adsorption sur les protéines,


les pectines et d'autres macromolécules est aussi un facteur de stabilité.
Parmi les autres propriétés des anthocyanosides, on peut noter leur instabilité à
l'oxygène, à la température et à la lumière ainsi que leur sensibilité aux attaques
nucléophiles en C-2 (hydratation) et, surtout, en C-4 pour former des flav-2-ènes
substitués en C-4 : la réaction avec le dioxyde de soufre conduit à la formation !

(réversible) de dérivés sulfoniques en C-4, stables; cette réaction entraîne une rapide
décoloration des solutions.

4. EXTRACTION, CARACTÉRISATION

Les anthocyanosides sont solubles dans l'eau et les alcools, insolubles dans les
solvants organiques apolaires, instables en milieu neutre ou alcalin. Leur extraction est,
classiquement, réalisée par un alcool (méthanol, l'éthanol est préféré si le produit est
destiné à un usage alimentaire) additionné d'une faible quantité (0,1-1 %) d'acide
chlorhydrique. Pour éviter l'estérification du carboxyle libre des anthocyanosides
acylés par un diacide et, surtout, pour empêcher leur désacylation, il convient d'utiliser
préférentiellement d'autres acides, faibles (acétique, tartrique, citrique) ou volatils
(trifluoroacétique) ou de travailler en milieu neutre (mélanges d'alcools) et d'opérer à
basse température « 30 oC). L'extraction peut aussi se faire par de l'acétone. Les
solutions d'anthocyanosides sont très instables et ne peuvent être conservées que sous
atmosphère inerte, au froid et à l'abri de la lumière.
Industriellement, il est possible de préparer des extraits anthocyaniques par
différents procédés. Le plus ancien est une extraction en milieu aqueux en présence de
dioxyde de soufre suivie de la régénération des anthocyanosides par acidification.
Parmi les procédés plus récents, on peut citer l'ultrafiltration sur membrane de cellulose"
et la fixation/élution sur résines échangeuses d'ions.
La séparation des anthocyanosides fait appel aux techniques chromatographiques :
colonnes de polyamide et de polyvinylpyrrolidone, de résines échangeuses d'ions,
CCM préparative sur cellulose, chromatographie liquide. L'extraction en phase solide
permet quant à elle extraction et première purification.
Pour l'analyse des plantes à anthocyanosides, la chromatographie liquide constitue.
une méthode de choix. Les séparations sont, le plus souvent, effectuées sur des phases"
inverses avec des solvants hydro-alcooliques acides (la séparation porte donc sur les ,"
formes cationiques, sélectivement détectées vers 500-550 nm). Comme pour les'
flavonoïdes, les détecteurs à barrettes de diodes augmentent considérablement les ~
possibilités de la méthode. La strucure des anthocyanosides se prête bien à "
l'électrophorèse capillaire et à ses variantes. Les méthodes plus complexes (LC/MS, '
LC-ESI-MS, FAB-MS, ionisation à pression atmosphérique/MS et autres techniques
adaptées aux stmctures complexes) restent l'exclusivité des laboratoires de recherche.
spécialisés.
Le dosage des anthocyanosides est, en règle générale, spectrophotométrique. Aux "
longueurs d'onde des maximums d'absorption de ces molécules, les interférences sont
exceptionnelles : le dosage peut se faire directement sur une solution alcoolique acide,
ANTHOCY ANOSIDES 429

(forme cationique) - ou sur un jus acidifié. Pour éviter l'auto-association des


molécules d'anthocyanosides (ce qui aurait pour conséquence une déviation positive de
la loi de Beer-Lambert), il convient d'opérer en milieu très dilué. L'estimation des
constituants d'un mélange anthocyanosidique est maintenant directement réalisée en
chromatographie liquide

5. ACTION PHARMACOLOGIQUE ET EMPLOIS

Comme pour les flavonoïdes stricto sensu, des tests biologiques sur l'animal fondés
sur la diffusion de colorants ont montré, il y a de nombreuses années, que les
anthocyanosides diminuent la perméabilité des capillaires, augmentent leur résistance,
ct exercent un effet anti-œdémateux. L'activité de ces hétérosides serait notamment liée
à la participation du collagène de la paroi vasculaire au contrôle de la perméabilité de
celle-ci. Elle serait en partie due à une inhibition des enzymes protéolytiques de
dégradation de ce collagène (élastase, collagénase); cette activité inhibitrice a d'ailleurs
été mise en évidence in vitro pour des extraits de fruits de cassis (lCso 0,16 et 0,56
mg/ml). Les propriétés au niveau capillaro-veineux ont conduit certains à proposer
l'utilisation des plantes à anthocyanosides et des préparations qui en contiennent pour le
traitement symptomatique des troubles liés à l'insuffisance veinolymphatique et à la
fragilité capillaire (phlébologie, proctologie, gynécologie). Toutefois, les preuves de
l'intérêt clinique de ces plantes et de leurs extraits sont de faible niveau. Les
anthocyanosides ont également été proposés en ophtalmologie en cas de troubles
circulatoires au niveau de la rétine ou de la choroïde et pour l'amélioration de la vision
crépusculaire: ils augmenteraient la régénération du pourpre rétinien (cf. myrtille).

Anthocyanosides et alimentation. L'apport alimentaire en anthocyanosides,


largement tributaire de la consommation de fruits rouges (mais aussi de raisin, d'auber-
gines, etc.), peut varier très largement selon les populations concernées et les individus.
Il serait toujours inférieur à 100 mg/jour (ex. : 12 mg/j en moyenne aux États-Unis
d'Amérique, 82 mg/j en Finlande). Les concentrations plasmatiques mesurées après
ingestion de 150 mg à 2 g d'anthocyanosides, dépendantes de la dose et de la forme, sont
toujours très faibles (10 à 50 nmoI/litre). Apparemment, moins de 0,1 % de la dose
ingérée est absorbée, et éliminée par voie urinaire. La nature, le devenir et le rôle des
produits de dégradation issus de l'action du pH et de la flore côlonique restent à préciser.
On attribue maintenant aux anthocyanosides - essentiellement sur la base de
données recueillies in vitro ou chez l'animal - diverses propriétés: protection de la
fonction cérébrale, amélioration des fonctions cognitives et de la mémoire; prévention
dc l'obésité et du diabète; protection de la muqueuse gastrique, etc. L'éventuel rôle
protecteur à l'encontre des processus de cancérisation n'est étayé que par des données
obtenues, in vitro, sur des lignées tumorales diverses et sur quelques modèles de
l'ancers du tube digestif de la Souris et du Rat.
De fait, c'est la prévention des accidents cardiovasculaires qui a fait l'objet de plus
d'études. Si les données in vitro sont nombreuses, les études chez l'animal, pas toujours
l'ollcordantes, le sont nettement moins (diminution de la cholestérolémie et des
430 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

résistances vasculaires périphériques, modification de constituants de la paroi


artérielle). Comme beaucoup d'autres composés phénoliques, les pigments antho-
cyaniques se comportent, in vitro, comme des piégeurs de radicaux (activité anti-
oxydante). D'autres mécanismes sont également invoqués pour expliquer les actions
observées: inhibition de la production de facteurs impliqués dans l'athérogenèse et de
l'expression de facteurs proathérosclérotiques; inhibition de la production de
monoxyde d'azote induite pas le lipopolysaccharide; inhibition de l'angiogenèse et de
certaines mutagenèses chimio-induites; activité antibactérienne et bien d'autres, etc.
En l'absence d'essais cliniques rigoureux, toutes ces données ne laissent en aucun
cas présager du bénéfice que ces produits peuvent avoir chez l'humain. Les études
cliniques disponibles, rares, sont généralement de courte durée et fondées sur
l'évaluation de critères intermédiaires, biochimiques ou physiologiques, peu informatifs
d'un effet protecteur (pas de données sur la diminution du risque, sur la morbi-
mortalité)
Bien entendu, ces restrictions visent à mettre en garde contre une utilisation de
produits au statut juridique parfois obscur proposés (entre autres) sur l'Internet, et pour
lesquels sont avancées des allégations ambiguës dont aucune n'est à l'heure actuelle
démontrée. Sans compter les lacunes de l'étiquetage (composition ?), et une posologie
conseillée sans commune mesure avec les apports alimentaires habituels.
A contrario, ces restrictions ne remettent pas en cause le bien-fondé des recomman-
dations, nationales et internationales, sur la nécessité d'un régime riche en fruits et
légumes dont on connaît l'impact favorable, au moins sur le risque cardiovasculaire, le
niveau tensionnel et les accidents ischémiques (cf. p. 382), dans le cadre d'un régime
équilibré et du respect des autres recommandations de l'OMS ou, en France, du PNNS
(Programme National Nutrition Santé, cf : PNNS 2, 2006-2010).

Autres applications. L'intérêt industriel majeur des anthocyanosides est leur


pouvoir colorant. Ce sont en effet des pigments naturels pour lesquels aucune toxicité
n'a été notée chez l'animal, pas plus en aigu qu'en chronique. On utilise habituellement
des extraits de moût de raisin, matière première abondante et peu coûteuse. Ces extraits
peuvent être liquides et titrés à 0,5-1 % d'anthocyanosides, ou bien nébulisés, leur titre
étant alors de 1 à 5 % d'anthocyanosides. On utilise aussi des jus de fruits (sureau) ainsi
que les feuilles de chou rouge, plus chères, mais qui fournissent un colorant plus stable.
L'instabilité de ces pigments en milieu aqueux est un handicap: variation de la
coloration en fonction du pH, sensibilité à la chaleur, à la lumière, aux sulfites (souvent
utilisés comme conservateurs), aux métaux (présents dans les boîtes de conserves). La
présence, fréquente, de proanthocyanidols et de tanins galliques dans les extraits peut
aussi être néfaste (ex. : précipitation de la gélatine dans les confitures). L'insolubilité
des hétérosides anthocyaniques dans les lipides restreint également le champ de leurs
applications. Les anthocyanosides, extraits de fruits ou de légumes comestibles,
peuvent être utilisés comme additif alimentaire (UE : EI63), par exemple dans les
boissons (30 mg/I d'anthocyanosides), les confitures, la confiserie.
ANTHOCY ANOS IDES 431

6. PRINCIPALES PLANTES À ANTHOCYANOSIDES

.AIRELLE MYRTILLE, Vaccinium myrtillus L., Ericaceae

Le fruit frais et le fruit sec de myrtille font l'objet d'une monographie de la Pharma-
copée européenne (6' édition) : le fruit frais de myrtille est le fruit mûr, frais ou
congelé; il contient au minimum 0,3 % d'anthocyanines exprimés en chlorure de
cyanidine 3-0-glucoside (chrysanthémine), [6.1 - 04/2008:1602]. Le fruit sec de
myrtille est le fruit mûr séché; il contient au minimum 1 % de tanins, exprimés en
pyrogallol [6.0 - 0112008:1588].

La plante. La mYltille est un sous-arbrisseau à feuilles coriaces. Les fleurs en grelot


sont solitaires ou groupées par deux à l'aisselle des feuilles. Le fruit est une baie
polysperme globuleuse 4 (5)-loculaire, à mésocarpe charnu, à sommet aplati, surmontée
par les restes du style et du calice qui forment un petit disque entouré d'un faible
rebord. La myrtille est particulièrement abondante dans les sous-bois siliceux des
régions montagneuses de l' hémisphère nord. Le marché mondial (240000 tonnes en
2003)2 est largement dominé par l'Amérique du Nord (États-Unis [52 %J, Canada
132 %]). En Europe les myrtilles proviennent de Pologne (16500 t), des Pays-Bas
(4500 t) de l'Ukraine (4500 t), de Roumanie, de Lituanie, etc. La production française
plafonne à un millier de tonnes.

Lefruit. L'examen microscopique du fruit frais broyé ou de la poudre de fruit seché


(hydrate de chloral) met notamment en évidence des macles de cristaux d'oxalate de
calcium, des amas de cellules scléreuses rose violacé à parois canaliculées, et des
fragments jaune-brun du tégument séminal à paroi à épaississement en forme de fer à
cheval.
Les anthocyanosides du fruit frais, caractérisés par CCM, sont évalués par une
mesure d'absorbance (extrait méthanolique). Les tanins du fruit sec par la méthode
générale décrite pour les «drogues végétales» (2.8.14, cf. p. 458).

Composition chimique
• Les fruits de la myrtille sont riches en eau Uusqu' à 90 %), en sucres (3 à 7 %) et
en acides organiques. Des acides-phénols, des flavonoïdes (hypéroside, quercitroside),
des proanthocyanidols (procyanidols Bl-B4) et des flavan-3-0Is monomères (catéchol
ct épicatéchol) ont été identifiés. La teneur en anthocyanosides des fruits frais est
d'environ 0,5 %. Ces hétérosides, une quinzaine, sont des O-glucosides, des 0-
galactosides et des O-arabinosides en C-3 du cyanidol, du péonidol, du delphinidol, du
malvidol et du pétunidol.

2. De fait, le marché mondial de la myrtille (le « bleuet » des Canadiens) est celui « des »
myrtilles, fournies par plusieurs espèces du genre Vaccinium : V. corymbosum L., V. angustifolium
Aiton, V. myrtilloides Michx., etc. Réf. : Ministère de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation du
Québec (2005). Monographie de l'industrie du bleuet au Québec, 54 pages. Téléchargeable sur le site du
ministère: http://www.mapaq.gouy.qc.ca/fr/accueil/
432 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

• La feuille renferme des acides-phénols, des flavonoïdes (rhamnoglucosyl-,


arabinosyl- et glucuronyl-quercétol) et des traces d'alcaloïdes quinolizidiniques
(myrtine, épimyrtine). Elle est riche en proanthocyanidols et catéchol Uusqu'à 10 %) et,
dans les années 1950, on en a isolé de l'hydroquinone et de l'arbutoside. Par la suite, il
n'a pas été possible d'y mettre ces composés en évidence. Cela peut s'expliquer soit par
l'existence de chimiotypes, soit - c'est très vraisemblable - par une contamination
des lots initialement étudiés par des espèces voisines qui partagent le même habitat (V.
vitis-idaea L. ou V. x intermedium Ruthe [= V. myrtillus x V. vitis-idaea]) riches aussi
bien en arbutoside (respectivement 3,3-6,6 et 2 %) qu'en hydroquinone libre ou en
pyroside (= 6-0-méthylarbutoside).

Pharmacologie. Malgré une faible biodisponibilité mise en évidence chez le Rat


(elle est liée à une absorption digestive médiocre), les anthocyanosides du fruit de la
myrtille montrent, chez l'animal, une activité vasoprotectrice et anti-œdémateuse aussi
bien per os que par voie IP ou IV. In vitro et in vivo (Lapin), ils inhibent l'agrégation
plaquettaire induite par le collagène ou l'ADP et stimulent (Rat,per os) l'activité de
type PGI2 des parois vasculaires. Ce sont aussi des inhibiteurs de la phosphodiestérase
de l'AMPc et des piégeurs de radicaux. Administré par voie orale à des rats, le chlorure
de cyanidol antagonise l'action u1cérogène de divers facteurs déclenchants (stress,
AINS, éthanol, histamine, etc.). Sur la base de mesures électrorétinographiques et
d'études sur l'activité enzymatique rétinienne, il a été postulé que les anthocyanosides
facilitent la régénération de la rhodopsine. Cette action expliquerait l'une des propriétés i
traditionnellement attribuées aux baies de myrtille: l'amélioration de la vision en
lumière atténuée.

Évaluation clinique. Une synthèse méthodique publiée en 2004 a recensé une


trentaine d'essais cliniques, pour la plupart très anciens, cherchant à évaluer l'effet des
anthocyanosides de myrtille sur la vision en lumière atténuée. Une douzaine seulement
ont été réalisés versus placebo, cinq d'entre eux seulement ayant été randomisés. De ces
cinq essais, randomisés et en double aveugle - ce sont les plus récents - quatre ont
conclu à l'absence d'effet. Le cinquième, de qualité méthodologique médiocre, a mis
en évidence un effet, comme d'ailleurs tous les essais non randomisés, eux aussi
méthodologiquement critiquables. Ces différences troublantes peuvent peut-être
s'expliquer par une évolution des méthodes de l'électrorétinographie et par d'autres
facteurs: critères d'inclusion, variation de composition des préparations testées (la
composition est très dépendante de l'origine géographique), doses extrêmement
variables (les doses les plus faibles étant associées aux résultats négatifs), rôle du
carotène associé dans certains essais à l'extrait de myrtille, etc. Quant aux essais les.
plus récemment publiés dans ce domaine (aux résultats positifs), ils ont été obtenus;
avec un extrait de cassis ou avec un extrait« d'oligomères d'anthocyanosides » obtenu
par fermentation d'anthocyanosides monomères (?) provenant du jus de raisin ... En .
l'absence d'autres éléments d'évaluation, il est pour le moins difficile de tirer une con- '
clusion positive sur l'intérêt des extraits de myrtille pour améliorer la vision nocturne. .
Par ailleurs, des résultats expérimentaux et des observations cliniques nombreuses'
(mais de niveau méthodologique inégal et le plus souvent faible) font état de résultats:
ANTHOCY ANOS IDES 433

favorables dans le traitement, par les anthocyanosides du fruit de la myrtille, de troubles


vasculaires (phlébopathies, microangiopathies diabétiques, ecchymoses, purpuras,
gingivorragies). Ces anthocyanosides ont également été testés dans le traitement des
rétinopathies d'origine hypertensive ou diabétique.
La feuille est réputée hypoglycémiante, ce qui n'a, à ce jour, pas été clairement
démontré. Pas plus que n'ont été étayées par l'expérience les autres vertus dont la pare la
tradition. Chez le Rat diabétique, l'extrait hydroalcoolique est hypolipémiant.

Emplois. Le fruit frais de myrtille sert à préparer l'extrait sec purifié et titré de myrtille,
qui contient entre 32,4 et 39,6 % d'anthocyanines exprimées en chlorure de cyanidine
3-0-glucoside (Ph. eur., 6c éd.- 6.2, [07/2008-2394], corr. 6.4). Les anthocyanosides
de cet extrait sont dosés et identifiés par chromatographie liquide (somme des aires).
Les extraits enrichis en anthocyanosides obtenus à partir des fruits peuvent entrer
dans la composition de médicaments utilisés dans les manifestations fonctionnelles de
l'insuffisance veinolymphatique, le traitement symptomatique des troubles fonctionnels
de la fragilité capillaire, les troubles de la vision mésopique et scotopique (héméralopie,
myopie).
En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet qu'il est
possible de revendiquer, pour lefruit,frais ou sec, et lafeuille, les indications théra-
peutiques suivantes (voie orale ou usage local) : traditionnellement utilisé dans les
manifestations subjectives de l'insuffisance veineuse telles que jambes lourdes et dans
la symptomatologie hémorroïdaire. Les autres indications thérapeutiques possibles
sont: 1° pour le fruit, frais ou sec (voie orale) : traditionnellement utilisé comme
traitement adjuvant de la composante douloureuse des troubles fonctionnels digestifs;
2° pour lefruitfrais (voie orale et usage local) : traitement symptomatique des troubles
fonctionnels de la fragilité capillaire tels que ecchymoses, pétéchies; 3° pour lafeuille
et fruit sec (voie orale) : traitement symptomatique des diarrhées légères. Si le
phytomédicament à base de myrtille est une poudre de fruit frais ou sec, ou de feuille, le
dossier « abrégé» d' AMM doit comporter une étude toxicologique allégée. Celle-ci
n'est pas nécessaire pour la myrtille pour tisane, l'extrait aqueux, les teintures et les
extraits hydro-alcooliques, quel que soit leur titre.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
le fruit de myrtille est utilisé en cas de diarrhée aiguë ainsi que comme thérapeutique
locale de l'inflammation modére des muqueuses de la cavité buccale. Posologie: de 20
à 60 g par jour (voie orale); décoction à 10 % (usage local).
En ce qui concerne lafeuille, la Commission a estimé que son efficacité n'a pas été
démontrée et que son usage dans un but thérapeutique n'est pas justifié eu égard aux
risques encourus.
Il existerait en effet un risque d'intoxication lié aux fortes doses ou à une utilisation
chronique (soit 1,5 g/kg/j chez l'animal). À propos de ce risque, on remarque que les
données toxicologiques disponibles sont insuffisantes : s'il a effectivement été constaté
chez le Chat des symptômes rappelant l'intoxication par l'hydroquinone, on a vu ci-
dessus que la présence de ce diphénol (ou de ses dérivés) dans la feuille est improbable.
Si l'espèce testée à l'époque était bien V. myrtillus, alors les feuilles renferment une
substance nocive inconnue. En l'absence d'éléments démontrant une quelconque
434 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

activité et dans l'attente de nouvelles investigations toxicologiques, la position de la


Commission E paraît sage. (Mais la Note Explicative ne demande un essai '
toxicologique allégé que pour la poudre de feuille, pas pour les extraits, quel que soit
leur titre) .

• CRANBERRY, Vaccinium macrocarpon Aiton, Ericaceae

Si les fruits de cette espèce sont riches en anthocyanosides, c'est surtout aux
proanthocyanidols que l'on attribue leur activité. Ils seront donc évoqués au chapitre :'
suivant (voir p. 477) .

• CASSIS , Ribes nigrum L., Grossulariaceae

La partie utilisée est constituée par la feuille. Elle contient au minimum 1,5 % de
dérivés flavoniques, exprimés en rutoside (Ph. fse, lO'éd.). On utilise aussi le fruit.

Cet arbrisseau touffu, parfois appelé groseillier noir voire, dans certains ouvrages
« cassissier (?)3 », est cultivé pour ses fruits alimentaires (Bourgogne, Europe centrale).
Il est caractérisé par des feuilles 3-5 lobées dont la face inférieure, claire, est parcourue
de nervures saillantes couvertes de poils tecteurs incurvés, et parsemée de nombreuses
écailles brun-doré (poils sécréteurs). Les fleurs, rougeâtres, groupées en grappes
pendantes, ont un calice velu, plus long que la corolle. Le fruit est une baie noire,
odorante, surmontée des restes du calice.

Composition chimique. Les feuilles renferment une faible quantité d'huile


essentielle, de nombreux flavonoïdes (hypéroside, astragaloside, rhamnoglucosides et
glucoxylosides du quercétol et du kaempférol, etc.) et des prodelphinidols dimères et
trimères qui seraient, pour partie, le support de leur activité anti-inflammatoire.
Lefruit, riche en sucres (10 %) et en acides organiques (2,5 %), en acide ascorbique
et en potassium renferme, entre autres constituants, des hétérosides de flavonols et des
anthocyanosides (hétérosides du cyanidol et du delphinidol). Les graines renferment
une huile riche en acide y-linolénique (voir p. 180).

Évaluation clinique. Le cassis passe pour un « protecteur vasculaire », mais sans


preuve de bonne qualité méthodologique: le seul essai clinique identifié concerne un
mélange et ne comporte pas de groupe placebo. Un concentré d'anthocyanes du cassis
diminuerait la fatigue visuelle devant un écran et raccourcirait le temps d'adaptation à
l'obscurité ...

3. D'après P. Robert (Le Petit Robert - Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue


française, réédition de 1981, p. 263), le terme viendrait de casse (1552), le cassis ayant été employé
pour remplacer la casse, comme laxatif. Le terme de cassis remplace, depuis le 1-01-1998, celui de j
cassissier (Ph. fse, 10' éd., IV.7.A). Le Trésor de la langue française informatisé indique que cassissier'
- dérivé de cassis - est d'apparition récente (début du XX' siècle) [http://www.atilf.fr/].
ANTHOCY ANOS IDES 435

Emplois. Le fruit est utilisé pour la préparation d'extraits enrichis en anthocya-


nosides. Ces extraits et les spécialités qui en renferment ont des propositions d'emploi
en thérapeutique identiques à celles des extraits de fruits de myrtille.
En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet qu'il est
possible de revendiquer, pour lefruitfrais de cassis, les indications thérapeutiques
suivantes (voie orale et locale) : traditionnellement utilisé 1° dans le traitement
symptomatique des troubles fonctionnels de la fragilité capillaire cutanée, tels que
ecchymoses, pétéchies; 2° dans les manifestations subjectives de l'insuffisance
veineuse telles que jambes lourdes, dans la symptomatologie hémorroïdaire. Aucune
évaluation toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un dossier« abrégé»
d'AMM (poudre, fruit pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques quel
qu'en soit le titre).
La même Note explicative admet qu'il est possible de revendiquer, pour lafeuille de
cassis, les indications thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé
1° pour faciliter les fonctions d'élimination urinaire et digestive; 2° dans le traitement
symptomatique des manifestations articulaires douloureuses mineures (indication
également admise par voie locale); 3° pour favoriser l'élimination rénale d'eau et, 4°
comme adjuvant des régimes amaigrissants. Si le phytomédicament à base de feuille de
cassis est une poudre, le dossier « abrégé» d' AMM doit comporter une étude
toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour la feuille pour tisane, l'extrait
aqueux, les teintures et les extraits hydro-alcooliques, quel que soit leur titre.
La feuille de cassis ne fait pas l'objet d'une monographie de la Commission E du
l~tArM allemand.
La phytothérapie contemporaine utilise des préparations à base de bourgeon dans
des indications diverses qui restent à justifier. Le bourgeon, riche en acides diter-
péniques (acide hardwickiique), est surtout recherché pour son huile essentielle utilisée
dans l'industrie agroalimentaire. La composition de cette huile essentielle varie selon
les cultivars, les constituants majoritaires étant, semble-t-il, presque toujours des
carbures (~'-carène, sabinène, phellandrènes, limonène) .

• VIGNE ROUGE, Vitis vinifera L. (variétés tinctoria) , Vitaceae


La vigne rouge, dite à cépage teinturier, est constituée par la feuille séchée
provenant de variétés à raisin noir et à pulpe rouge de Vitis vinifera L. Elle contient au
minimum 4 % de polyphénols totaux et 0,20 % d'anthocyanosides, exprimés en 3-
glucoside cyanidol (Pf. fse, 10' éd.). L'industrie pharmaceutique utilise également les
graines de la vigne (cf. pp. 175 [note] et 479).

Lafeuille. Examinée au microscope, la poudre de feuille présente des poils tecteurs


il lumen divisé en logettes, des raphides d'oxalate de calcium, des fragments de
parenchyme renfermant des macles d'oxalate de calcium. L'identité est confirmée par
('CM d'un extrait dans l'alcool à 60 % (anthocyanosides, f1avonoïdes, acide
Illonocaféyltartrique). Compte tenu des traitements habituellement appliqués en
viticulture, on doit procéder à une recherche de quantités anormales de cuivre sur le

b
436 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

résidu de cendres. Les polyphénols totaux sont dosés par colorimétrie après réaction
avec l'acide phosphotungstique d'une fraction aliquote d'un décocté et les antho-
cyanosides par mesure de l'absorbance d'un extrait méthanolique acide.

Composition chimique. La coloration des feuilles de la vigne rouge (ex. : Alicante,


Gamay teinturiers) est bien entendu liée à une concentration importante en
anthocyanosides, concentration qui varie en fonction du temps: elle est maximale à la
maturité des fruits et peut atteindre, chez certains cultivars, 0,3 % de la matière sèche.
Les composés majoritaires sont les O-glucosides en C-3 du cyanidol et du péonidol. Ces
anthocyanosides sont accompagnés d'autres composés phénoliques : acide monocaféyl-
tartrique, acides phénylpropanoïques, glucosides de flavonols, tanins hydrolysables
(esters du glucose et des acides gallique et déhydrohexahydroxydiphénique) et
proanthocyanidols, ces derniers étant également concentrés dans les pépins (voir p. 479).

Évaluation clinique. Quelques essais cliniques, dont deux randomisés, en double


aveugle et versus placebo, tendent à montrer un effet favorable d'un extrait
« standardisé» de feuilles (360 ou 720 mg/j, 6 à 12 semaines) sur les symptômes de
l'insuffisance veineuse (par exemple diminution du gonflement des membres inférieurs
mesuré par pléthysmographie).

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour lafeuille de vigne rouge, les indications théra-
peutiques suivantes (voie orale et usage local) : traditionnellement utilisé 10 dans le
traitement symptomatique des troubles fonctionnels de la fragilité capillaire cutanée tels
que ecchymoses, pétéchies; 2 0 dans les manifestations subjectives de l'insuffisance
veineuse telles que jambes lourdes et dans la symptomatologie hémorroïdaire. Par voie
locale, ils peuvent aussi être traditionnellement utilisés en cas de gêne oculaire due à
des causes diverses (atmosphère enfumée, effort visuel soutenu, bains de mer ou de
piscine, etc.). Si le phytomédicament à base de vigne rouge est une poudre de feuille, le
dossier « abrégé» d'AMM doit comporter une étude toxicologique allégée. Celle-ci
n'est pas nécessaire pour la feuille pour tisane, l'extrait aqueux, les teintures et les
extraits hydro-alcooliques, quel que soit leur titre.
La vigne rouge ne fait pas l'objet d'une monographie de la Commission E du
BjArM allemand .

• SUREAU NOIR, Sambucus nigra L., Adoxaceae

A - FLEUR
La fleur de sureau est constituée par la fleur séchée de S. nigra. Elle contient au
minimum 0,8 % de flavonoïdes exprimés en isoquercitroside (Ph. eur., 6' éd., :
[0112008: 1217]).

La plante. Le sureau noir, encore souvent classé dans les Caprifoliaceae, est un
arbuste à écorce fendillée et à feuilles imparipennées, très commun dans nos régions. Il
ANTHOCY ANOS IDES 437

est aisément reconnaissable à ses grandes (20 cm) inflorescences de fleurs à l'odeur très
marquée et, plus tard en saison, à ses baies noires à suc rouge violacé et à 3 graines.

Lafleur est assez aisément identifiable: corolle à 5 pétales soudés à leur base en un
tube; filets des étamines, jaunes, alternés aux pétales; calice réduit (5 dents); très
petites bractées (3). Examinée au microscope (hydrate de chloral), la poudre de fleur
montre: des cellules des pétales à idioblastes contenant de nombreux cristaux en sable
d'oxalate de calcium; des fragments de corolle contenant de nombreux globules de
petite taille d'huile volatile; de nombreux grains de pollen 3-porés à exine très finement
ponctuée.
La fleur de sureau ne renferme pas plus de 8 % de pédicules grossiers et d'autres
éléments étrangers, et pas plus de 15 % de fleurs de couleur altérée, brune. La CCM
d'un extrait méthanolique permet de vérifier, après révélation par le diphénylborate
d'aminoéthanol, l'absence d'une bande spécifique caractéristique des fleurs du sureau
hièble (S. ebulus L.). Les flavonoïdes, extraits en milieu acétonique, sont dosés par
spectrophotométrie (AlCI 3).

Composition chimique. Les fleurs sont riches en flavonoïdes (rutoside, iso-


L]uercitroside, etc.) et en dérivés caféiques libres et estérifiés (acide chlorogénique).
Elles renferment aussi des triterpènes (amyrines, acides ursolique et oléanolique) et, par
hydrodistillation, fournissent une huile essentielle à odeur de muscat et de consistance
pftteuse renfermant notamment des acides gras libres, des alcanes, du 3,7-diméthyl-
1,3,7-octatrién-3-ol, dulinalol, du cis-hexénol et des oxydes de rose.

Pharmacologie - évaluation clinique. Les données pharmacologiques sont rares


(stimulant de la sécrétion bronchique [Lapin], anti-inflammatoire?) et le plus souvent
lion interprétables (mélanges). On ne dispose pas de données cliniques sur la fleur de
sureau. Aucun effet indésirable ne semble avoir été publié.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


LJu'il est possible de revendiquer, pour la fleur de sureau, les indications thérapeutiques
slIivantes : traditionnellement utilisé 1° pour faciliter les fonctions d'élimination urinaire
l'I digestive; 2° comme adjuvant des régimes amigrissants; 3° pour favoriser l'éli-
Illination rénale de l'eau. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée pour la
l'onstitution d'un dossier « abrégé» d'AMM (poudre, fleur pour tisane, extraits aqueux
l'I extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
III./leur de sureau est utilisée en cas de rhume, sur la base de propriétés « sudorifiques»
l'I slimulantes de la sécrétion bronchique. Posologie: fleur, de 10 à 15 g/j; extrait fluide,
dl' 1,5 à 3 g/j; teinture, de 2,5 à 7,5 g/j.
Au niveau européen, la monographie communautaire élaborée par l'HMPC précise
llllC l'indication de la fleur de sureau - soulager les premiers symptômes du rhume -
Ill' repose que sur l'ancienneté de son usage. Posologie pour l'adulte et l'adolescent de
plus de douze ans: fleur, 3 x 2-5 g/j; extrait fluide (1: 1, éthanol à 25 %),3 x 3-5 ml/j;
Il'i IIture (1 :5, éthanol à 25 %), 3 x 10-25 ml/j. Emploi limité à une semaine; non

l
438 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

recommandé avant douze ans ainsi qu'au cours de la grossesse et de l'allaitement (réf.
EMEAlHMPCI283166/2007, 3 juillet 2008).

B - FRUIT
Outre des hétérosides du cyanidol (3-0-glucosyl-, 3-0-sambubiosyl-, 3,5-diglu-
cosyl- et 3-sambubiosyl-5-glucosyl-cyanidols), les baies renferment des flavonoïdes,
des acides (citrique, malique), des sucres et 0,1 ml/kg d'huile essentielle; les graines
contiennent des hétérosides cyanogènes.

Évaluation clinique. Un extrait de fruit de sureau réduit-il la durée des symptômes


grippaux? C'est ce que tendent à démontrer deux essais commandités par le fabricant
d'un sirop renfermant 38 % d'un tel extrait. Les conclusions de ces essais gagneraient à
être confIrmées par des essais indépendants et d'effectif plus important. On a également
constaté, in vitro, que cet extrait de fleurs est actif à l'encontre de plusieurs souches
virales et qu'il interagit avec la production de cytokines.
Le fruit mûr, comestible frais et en confiture, fournit un extrait utilisé comme
colorant alimentaire (par exemple pour colorer des yoghourts, des sirops de cerise ou de
« grenadine»). Le fruit vert peut provoquer des troubles digestifs mineurs.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour le fruit de cassis, les mêmes indications que pour
lesfleurs.
Il en est de même pour l'écorce de la tige, mais dans ce cas le dossier « abrégé»
d'AMM doit comporter une étude toxicologique allégée si le produit est une poudre, un
extrait hydro-alcoolique de titre supérieur à 30 % ou une teinture. L'écorce de sureau
est connue pour renfermer une lectine inactivatrice des ribosomes de type II, mais non
toxique.
Le fruit de sureau ne fait pas l'objet d'une monographie de la Commission E du
BfArM allemand.

Autres espèces à anthocyanosides

Les fleurs du bleuet (Centaurea cyanus L., Asteraceae, Ph. fse, 10c éd.) doivent leur
couleur à des anthocyanosides; elles renferment également des polyines et un poly-
saccharide galacturonique responsable d'une activité anti-inflammatoire mise en .;
évidence sur des modèles animaux. Traditionnellement utilisés en usage local en cas
d'irritation ou de gêne oculaire due à des causes diverses (atmosphère enfumée, effort
visuel soutenu, bains de mer ou de piscine, etc.) ainsi que comme traitement d'appoint
adoucissant et antiprurigineux des affections dermatologiques et comme trophique
protecteur [Note Expl., 1998], les capitules de bleuet sont surtout intéressants pour la i'
note colorée qu'ils apportent dans une tisane composée. Il en est souvent de même pour,
d'autres parties de plantes vivement colorées et citées par ailleurs pour d'autres .
constituants comme la rose (p. 469), la mauve (p. 125) ou l'hibiscus (p. 26). .
ANTHOCY ANOSIDES 439

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Tanins

1. Généralités ............................................................................................................................442
2. Classification des tanins ......................................................................................................443
3. Structure des tanins hydrolysables ......................................................................................444
A. Tanins hydrolysables monomères .........................................................................444
B. Tanins hydrolysables oligomères ..........................................................................449
4. Structure des tanins condensés ........................................................................................... .450
5. Propriétés physico-chimiques, extraction, caractérisation, dosage ................................... .455
A. Propriétés .............................................................................................................. .455
B. Extraction .............................................................................................................. .456
C. Caractérisation ...................................................................................................... .456
D. Dosage ................................................................................................................... .456
6. Propriétés biologiques des tanins ....................................................................................... .458
7. Principales plantes à tanins ................................................................................................. .461
chênes: tanin ofticinal, écorce de chêne .................................................................. .461
hamamélis .................................................................................................................. .463
ratanhia du Pérou ....................................................................................................... .466
K. Autres plantes à tanins utilisées par la phytothérapie ........................................................ .468
Rosaceae .................................................................................................................... .468
autres espèces ............................................................................................................. .471
l). Plantes à oligomères proanthocyanidoliques ..................................................................... .473
aubépine ..................................................................................................................... .473
canneberge ................................................................................................................. .477
autres espèces sources de proanthocyanidols dimères ............................................. .479
10. Plantes à usages divers .......................................................................................................481
cachou noir, cachou pâle ........................................................................................... .481
sources industrielles de tanins ................................................................................... .482
Il. Bibliographie ..................................................................................................................... .482
442 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

1. GÉNÉRALITÉS

Historiquement, l'importance des plantes à tanins est liée à leurs propriétés tannantes,
c'est-à-dire à la propriété qu'ils ont de transformer la peau fraîche en un matériau
imputrescible: le cuir. À l'heure actuelle, le tannage est obtenu par l'intermédiaire de
composés minéraux mais, pendant plusieurs millénaires, il a nécessité le recours
exclusif aux végétaux. C'était le cas, en Europe, du tanin de châtaignier (Castanea
sativa L.) et du tanin de chêne (Quercus robur L., Q. petrœa [Mattuschka] Liebl., etc.)
ou celui, dans d'autres parties du monde, des tanins d'Anacardiaceae (quebracho
[Schinopsis spp.] et sumacs [Rhus spp.]), de Légumi-neuses (acacias [Acacia spp.],
dividivi et tara [Caesalpinia spp.], algarobille [Balsamocarpon sp. '" Caesalpinia sp.])
ou encore de Combretaceae (myrobalans [Terminalia spp.]) , etc. Certains de ces tanins
sont encore recherchés pour l'obtention de cuirs destinés à des usages spécifiques
(maroquinerie).
La résultante du tannage est l'établissement de liaisons entre les fibres de collagène
de la peau, ce qui confère à cette dernière une résistance à l'eau, à la chaleur et à
l'abrasion. Cette aptitude des tanins à se combiner aux macromolécules explique qu'ils
précipitent la cellulose, les pectines, les protéines. Elle explique également leur
astringence, cette âpreté caractéristique: en précipitant les glycoprotéines riches en
proline que contient la salive, les tanins font perdre à celle-ci son pouvoir lubrifiant.
La combinaison entre les tanins et les macromolécules s'établit par l'intermédiaire
d'interactions hydrophobes et de liaisons hydrogène entre les groupements phé-
noliques des tanins et les protéines et autres polymères. D'autres types de liaisons -
irréversibles - doivent également intervenir pour assurer la stabilité dans le temps de
la combinaison entre les tanins et les structures du collagène. C'est le cas des liaisons
covalentes qui s'établissent après oxydation des phénols en quinones. Toutefois, une
condition est nécessaire à la formation de ces liaisons : la masse moléculaire du tanin
doit être comprise entre des limites bien définies. Si celle-ci est trop élevée, la molécule.
ne peut pas s'intercaler entre les espaces interfibrillaires de la macromolécule; si elle est i
trop faible, la molécule s'intercale, mais ne peut pas former un nombre suffisant de;
liaisons pour assurer la stabilité de la combinaison. '

Ces propriétés ont conduit à l'adoption de la définition classique des tanins: ,


« composés phénoliques hydrosolubles ayant une masse moléculaire comprise entre.
500 et 3 000 qui présentent, à côté des réactions classiques des phénols, la propriété de'
précipiter les alcaloïdes, la gélatine et d'autres protéines» (Bate-Smith et Swain, 1962).'.
Si cette définition reste valable, elle a perdu de son intérêt depuis que l'on a pu préciser,
la structure chimique exacte de ces polyphénols que sont les proanthocyanidols et les;
polyesters des acides gallique et ellagique (ces deux derniers termes tendent à se'
substituer à celui, imprécis, de tanin). Plus récemment, Mole et Waterman (1987) ont'
détïni les tanins comme des « produits naturels phénoliques qui peuvent précipiter les,
protéines à partir de leurs solutions aqueuses. » '
Depuis une trentaine d'années, le développement rapide des méthodes d'investi·!
gation structurale a permis de grands progrès dans la connaissance de la structure des
tanins. C'est en particulier le cas de la spectrométrie de masse par bombardement;
TANINS 443

d'atomes rapides (FAB-MS, positive [M+Ht ou négative [M-Hn qui permet, malgré
la polarité et l'instabilité thermique de ces grosses molécules, de déterminer leur masse
moléculaire et d'observer des fragmentations significatives, notamment en ajoutant à la
matrice des sels [KCI, NaCl] qui permettent d'observer des pics à [M+Kt ou [M+Nat.
La RMN ('H, "C) conduit pour sa part à la caractérisation des monomères constitutifs
de la molécule aussi bien que des modes de liaison. La complexité structurale des tanins
implique encore malgré tout le recours à des études chimiques plus ou moins
complexes (hydrolyse des oligomères, dégradations, réarrangements, corrélations,
détermination du DP [degré de polymérisation], etc.).

2. CLASSIFICATION DES TANINS

On distingue habituellement, chez les végétaux supérieurs, deux groupes de tanins


différents par leur structure aussi bien que par leur origine biogénétique : les tanins
hydrolysables et les tanins condensés.

Tanins hydrolysables. Ce sont des oligo- ou des polyesters d'un sucre (ou d'un
polyol apparenté) et d'un nombre variable de molécules d'acide-phénol. Le sucre est
très généralement le glucose. L'acide-phénol est soit l'acide gallique dans le cas des
fanins galliques, soit l'acide hexahydroxydiphénique (HHDP) et ses dérivés
d'oxydation (déhydrohexahydroxydiphénique =DHHDP; acide chébulique) dans le cas
dcs tanins classiquement (mais improprement) dénommés tanins ellagiques 1. Depuis
1985, plusieurs représentants d'une nouvelle catégorie de tanins ont été isolés. Ces
tanins, les tanins complexes, sont des ellagitanins modifiés résultant de l'addition d'un

HOrrO) (H
HO ~ ( )=.1 OH

H02C C0 2 H

acide gallique acide (R)-hexahydroxydiphénique flavan-3-ol

HO HO~ cil{H OH
°
acide e/lagique acide chébulique

1. Tanin ellagique, tanin de la noix de galle (à l'envers: ellag !) ; proanthocyanidol : le terme


l'IlJlpelle que ces molécules conduisent (en milieu acide et à chaud) à des anthocyanidols.

b
444 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

dérivé phénylchromanique sur une molécule d'ester HHDP du glucose: flavanol


(flavano-ellagitanin), procyanidol (procyanidino-ellagitanin), flavonol (flavono-
ellagitanin). Tanins galliques, tanins ellagiques et tanins déhydroellagiques (simples ou
complexes) sont caractéristiques des Angiospermae Dicotyledonae (principalement des
Rosidae, Dileniidae et Hamamelidae) sauf des Asteridae chez lesquelles ils sont
généralement absents.

Tanins condensés. Les tanins condensés ou proanthocyanidols 1 sont des polymères


flavaniques. Ils sont constitués d'unités de flavan-3-ols liées entre elles par des liaisons
carbone-carbone le plus souvent 4 -> 8 ou 4 -> 6, résultante du couplage entre le C-4
électrophile d'un flavanyle issu d'un flavan-4-o1 ou d'un flavan-3,4-diol et une position
nucléophile (C-8, plus rarement C-6) d'une autre unité, généralement un flavan-3-ol.
Les proanthocyanidols ont été isolés ou identifiés dans tous les groupes végétaux,
Gymnospermae et Pterydophyta compris.

3. STRUCTURE DES TANINS HYDROLYSABLES

En règle générale, les tanins galliques sont des esters de l'acide gallique et du
glucose. Il faut cependant remarquer que les mono- et les digalloylglucoses ne
présentent pas les propriétés classiques des tanins, leur masse moléculaire étant trop
faible. Ces propriétés - en particulier l'aptitude à précipiter les protéines - sont le fait
des triesters et de leurs homologues supérieurs.
Biogénétiquement, l'acide gallique (acide 3,4,5-trihydroxybenzoïque) est issu du
métabolisme de l'acide shikimique. On admet qu'il est habituellement formé par
déshydrogénation directe de l'acide 3-déhydroshikimique ou, dans certains cas
particuliers, par oxydation de l'acide protocatéchique (lui-même dérivé d'un acide en
C 6-C 3 , l'acide caféique). La glucosylation de l'acide gallique fait intervenir l'uridine
diphosphoglucose (UDP-glucose) et l'on admet, sur la base d'expérimentations in vitro,
que le monogalloylglucose formé - la ~-glucogalline - peut ensuite, en fonctionnant
aussi bien comme donneur que comme accepteur de glucose, conduire à un diester, le
l ,6-di-O-galloyl-~-D-glucose, et ainsi de suite via les dérivés l ,2,6-tri-O- et 1,2,3,6- ':
tétra-O-galloy lés, jusqu'au pentagalloylglucose. .

A. Tanins hydrolysables monomères

Le penta-ester (c'est-à-dire le 2,3,4,6-penta-O-galloyl-~-D-glucose) est le tanin le i


plus commun. Il occupe une position centrale dans le métabolisme des tanins. En effet, .-
la plupart des végétaux sont susceptibles de poursuivre le métabolisme de cette
molécule et de ses homologues et ce dans deux directions:

1. Évolution vers une molécule plus lourde (hexa- à undécagalloylglucose) par


formation, en 3,4 et/ou en 6 du glucose, de chaînes latérales constituées de plusieurs'
acides galliques liés selon un mode meta- ou para-depsidique (les deux formes ,.
s'équilibrant en solution par migration d'acyl). Ces tanins galliques sont caractéris-'
TANINS 445

f:H ~ ~H
UDP-Glucose

~
OH

~OH
O~OH
\ • HO (HO 0
HOyOH UDP ~ ~OH
OH OH HO a
acide 3-déhydroshikimique acide gallique
~-1-0-galloyl-D-glucose

=~-glucogalline =1
J CO,H 1

~OH~ ~OH
1/1
h
HO

HO /? t OH
l--f\o
HO HO~O/'
LI=< Q-0H
OH OH
acide caféique acide protocatéchique

HO

H0-o {
0 r
OH

1 (x3)
OH

OH

O~~-~O iD
~ ga ~O ~
H))O
HO_ OH

HO /; /' OH

1,2,3,4,6~p,"l, ~O~"".yf-\l~O~J"",,, ~
OH
HO '-'::: a :/ 1

HO
1 --"

OH
OH Y OH
OH

~ GO~r
origine probable des
GO 6

GO~
esters galliques du glucose
--___
- l..
et filiation des tanins hydrolysables -0 1 OG
GO~
OG OG

+ (n) acides galliques couplage oxydatif

2-3 2-4
1
4-6 3-6
(depsides) 1-6

j oligomérisation
(couplage oxydatif inter-moléculaire)
j
• G = galloyl tanins galliques tanins ellagiques et déhydroellagiques

l
l
446 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

tiques d'un petit groupe de familles: Anacardiaceae (Rhus), Fagaceae (Quercus),


Ericaceae, Geraniaceae, Aceraceae, etc.

2a. Formation des tanins ellagiques. Le couplage oxydatif C-2-C-2' des groupes ';
galloyle de la molécule engendre un motif hexahydroxybiphénylique, dicarboxylique
(acide hexahydroxydiphénique = HHDP). La pentasubstitution du glucose autorise
plusieurs couplages entre les résidus galloyl en position relative 1,2 ou 1,3 pour former
des esters hexahydroxydiphéniques. La molécule peut donc être un ester mono- ou bis-
HHDP, les autres hydroxyles du glucose étant libres ou estérifiés par l'acide gallique,
voire par un acide déhydrodigallique (ex. : acides agrimoniques A et B).
Divers ellagitanins possèdent dans leur structure un enchaînement trigallique -
valonéyl, macaranoyl ou tergalloyl - issu de l'éthérification du groupe HHDP par un
acide gallique (ex. : rugosines A et B). Ce type d'enchaînement peut aussi conduire à
une depsidone (ex. : praecoxine D) ou à une dilactone (ex. : tirucalline A). Les
couplages oxydatifs les plus fréquents impliquent les résidus galloyl en C-2 / C-3 et C-4
/ C-6 d'un glucose en conformation 4C 1. Du fait de l'atropoisomérie, l'HHDP peut être
R ou S, la chiralité pouvant être déterminée par dichroïsme circulaire.

HO HO OH OH HO OH OH OH

HO-(~- ~J 0~OH HO HO OH O--~OH


CO
1
CO
1
CO
1
HO~OH~O
OH CO CO
groupe valonéoyl (-> m·DOG)
HO*,-,:: 1 1
groupe tergal/oyl (-> p-DOG)
HO ~ C~
HO HO OH OH HO HO 0 OH HO HO HO OH

Ho~~K5-oH
CO CO
HO**OH
CO CO
Ç} o~j-OH
CO CO
1 1 1 1 1 1

groupe hexahydroxydiphénoyl groupe macaranoyl groupe déhydrodigal/oyl (-> m-GOG)

2b. Ultérieurement, le métabolisme de ces esters HHDP peut se poursuivre :


oxydation de l'HHDP en DHHDP (déhydrohexahydroxydiphénoyle, caractéristique i
des déhydroellagitanins, ex. ; ~é:aniine), ou:,erture ,et r~a~rangemen~ des c~cles du J
DHHDP (chébuloyle, caractenstlque des aCides chebuhmque et chebulaglque des 1
myrobalans). Chez ces molécules, le couplage oxydatif fait le plus souvent intervenir,
les résidus galloyle en C-2 / C-4 ou C-3 / C-6 du glucose, ce qui impose à celui-ci la]
conformation moins favorable lC4 (ex. : géraniine, acide chébulagique). 1
Dans certains ellagitanins il y a ouverture du cycle pyranique du glucose, ce qui ~
permet la réaction de la fonction aldéhydique libérée sur un noyau aromatique d'uni

i
;1
TANINS 447

OH OH
HO

HO
HO

HO HO
OH OH

HO HO OH OH
pédunculagine (R =H)
casuarictine (R = G, ~)
tellimagrandine 1/ potentilline (R = G, a)
OH

praecoxine 0 (R = H)
praecoxine C (R = G, ~)

0 HO
tirucallineA OH
0
HO HO OH OH

OH
HO OH OH

HO OH
OH
HO

HO
HO
HO
HO
HO
OH OH

HO HO OH OH HO HO OH OH
"'''OH castalagine
acide agrimonique A --OH vescalagine

Exemples de structures de tanins hydrolysables

6
COMPOSÉS PHÉNOLIQUES
448

o
HO HO OH OH HO OH

OH
HO OH
HO
a a
o
lîJO~OH
a
I~
<>'0
a
~
OH
OH
HO
HO OH

a HO
a
a OH
HO HO OH OH

géraniine camel/iatanin A
11 (les 2 formes s'équilibrent
en solution) OG

~
OG
OG
OH
a
0 ______ c"O
HO OH
OH Q',C :/'
OH
HOV ;/' OH
1 ~ 1
a 0..

,CO OH
a
_ P~OG
~OG rugosine-D
1 P
G-G * G =gal/oyl, G-G : HHDP

HO HO
a
HO OH
HO a OH

°oo~~OH
a a
HO

HO Q °O~OH
a

a
16
~
O~"":
~
~
a
1

OH
OH

OH

HO~~~O ~;;
a
OH

HO OH a O~O a OH a
-j/ OH acide chébulagique
oenothéine B =---- \ OH ,----------------~
HO OH ~ ____________________________
Exemples de structures de tanins hydrolysables (suite)-J
TANINS 449

reste galloyl (castalagine, vescalagine, casuarinine et autres molécules très fréquentes


chez les Fagaceae, les Myrtaceae, les Rosaceae, les Lythraceae, etc.). Enfin, c'est la
condensation de ce type de molécule (via leur C-l) avec le C-8 ou le C-6 d'un flavane
(ou d'une flavone) qui conduit aux tanins complexes évoqués ci-dessus et qui sont
assez fréquents (Fagaceae, Combretaceae, Myrtaceae, Melastomataceae, etc. [ex. :
camelliatanin AD.

B. Tanins hydrolysables oligomères

Le couplage oxydatif (C-C ou C-O-C) intermoléculaire explique l'existence d'un


grand nombre d'oligomères ellagiques de masse moléculaire comprise entre 2 000 et
5000. Ainsi, la rugosine D, isolée de Filipendula ulmaria et d'autres Rosaceae, a une
masse moléculaire de 1874; c'est le « dimère» de la tellimagrandine II ou 1,2,3-tri-O-
galloyIA,6-0-0-hexahydroxydiphénoyl-p-D-glucose.
La distribution des formes oligomères des tanins hydrolysables semble limitée aux
Dicotyledonae, gamopétales exclues. La connaissance de leur structure a progressé très
rapidement: dix ans après la description du premier dimère (agrimoniine, 1982), cent
cinquante structures étaient décrites (environ 85 % de dimères, 10 % de trimères). La
diversité des structures rencontrées a conduit certains auteurs à proposer de les classer
en fonction de la nature des motifs engagés dans la liaison des unités monomères (acide
gallique, HHDP) et de leur mode de liaison. L'utilisation de ces critères permet de
distinguer cinq groupes:
1. GOG (ou GOGOG). L'unité de liaison est composée de deux (ou trois) résidus
galloyl (G) liés par une liaison éther impliquant l'hydroxyle en meta (rn-GOG =
déhydrodigalloyl), ou en para, (p-GOG = isodéhydrodigalloyl) du carboxyle de l'un et
l'hydroxyle en ortho du carboxyle de l'autre (ex. : agrimoniine [rn-GOG] des Rosaceae :
!\grimonia, Potentilla, Rosa, nupharines des Nymphaeaceae);
2. DOG. L'unité de liaison est de type tergalloyl (c'est-à-dire p-DOG) ou valonéyl
(c'est-à-dire m-DOG). La liaison éther implique un hydroxyle en ortho d'un reste
galloyl et un hydroxyle en meta ou en para d'un reste hexahydroxydiphénoyl (HHDP =
D). Exemple de ce type: les rugosines ou, en formant en plus un macrocycle,
l'œnothéine de diverses Onagraceae (Œnothera, Epilobium) et Lythraceae;
3. GOD. C'est un couplage oxydatif entre le carbone d'un reste HHDP et l'oxygène
de l'hydroxyle d'un reste galloyl qui assure la liaison des deux monomères: le motif
ainsi créé est dit « sanguisorbyle » (ex. : sanguiines des Sanguisorba et Rubus);
4. D(OGh (m, m"-, m, p-). L'unité reliant les deux monomères implique deux
liaisons éther entre les hydroxyles de deux galloyl et d'un HHDP (ex. : euphorbines). La
structure peut également être de type macrocyclique (ex. : woodfordines);
5. Oligomères d'ellagitanins C-hétérosidiques (ex. : roburines du bois de chêne).

Remarques.
(a) - Les composés construits autour d'un autre polyol que le glucose sont rares:
c'est le cas de 1'« hamamélitanin» , ou 2',5-di-O-galloyl-a-D-hamamélose qui, du fait
de sa faible masse moléculaire, ne peut être considéré comme un tanin au sens strict.
C'est aussi le cas de l' acéritanin ou 2,6-di-O-galloyl-l ,5-anhydro-D-glucitol et de ses
450 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

dérivés tri- et tétragalloylés. Un autre exemple est fourni par les dérivés polygalloylés
de l'acide quinique constitutifs du tanin de tara extrait des gousses de Caesalpinia
spinosa (Molina) Kuntze. On connaît aussi des polygalloylshikimates (Castanopsis
sp.). Les gallates de fructose et de rhamnose sont exceptionnels (Saxifraga, Acer).
(b) - On donne parfois le nom de tanin aux polymères du phloroglucinol, halogénés
ou non, qui ont été isolés dans plusieurs genres d'Algues Pheophyceae. Ces polymères
sont également connus sous le nom de phlorotanins.
(c) - On exclut volontairement ici les gallates de flavanols (voir« tanin» du thé, p.
1220), les gallates de glycosyl-flavonols (même si certains présentent des propriétés
biologiques voisines de celles des tanins hydrolysables) ainsi que les gallates
d'hétérosides phénoliques tels que les dérivés galloylés de l'arbutoside isolés d'Arcto-
staphylos sp. (Ericaceae) ou de Bergenia sp. (Saxifragaceae).

4. STRUCTURE DES TANINS CONDENSÉS: PROANTHOCYANIDOLS

La nomenclature proposée pour les proanthocyanidols, initialement fondée sur le


nom de l'anthocyanidol formé lorque le polymère est traité à chaud par un acide
(procyanidoI 2 , prodelphinidol, propélargonidol), prend plus généralement en compte le
nom du monomère à partir duquel il est construit. S'il est pratique d'utiliser les
dénominations communes, il est recommandé de nommer les structures en respectant
une règle inspirée de la nomenclature des oligo- et polysaccharides: nom des unités et
indication de la position et du sens de la (ou des) liaison(s) interflavanique(s) entre
parenthèses. Exemple: l'œsculitanin A (isolé du tégument séminal de la graine du
marronnier d'Inde) est le épicatéchol-(4~ ->8)-épicatéchol-(4~ ->8, 2~ ->7)-
épicatéchol-(4~ ->8)-épicatéchol.
L'élément structural de base de ces polymères est un flavan-3-ol : catéchol 2 et
épicatéchol (3,5,7,3' ,4'-pentahydroxylés, constitutifs des procyanidols - fréquents dans
les écorces des plantes ligneuses), gallocatéchol et épigallocatéchol (3,5,7,3',4',5'-
hexahydroxylés, constitutifs des prodelphinidols - abondants dans les feuilles de

série 2·R, 3·S:


~OH
R, =R2 = H, afzeléchol
R, =OH, R2 =H, catéchol
Ho'ÇCX0""V 1 R2
R, =R2 = OH, gallocatécchol ~ OH
OH
série 2-R,3-R: (OH 3-a): épiafzeléchol, épicatéchol, épigallocatéchol

2. Remarque: la langue anglaise utilise préférentiellement la désinence -in (proanthocyanidins,


procyanidin). Nous préférons ici conserver la nomenclature traditionnelle -01 comme nous l'avons fait
pour les flavonoïdes. Elle a le mérite de rappeler que l'on parle de phénols, pas d'amines. Comme le fait
d'ailleurs la langue anglaise qui, elle, différencie les phénols (ou les terpénoïdes) en -in des amines
(alcaloïdes) en -ine. Rappelons que, pour nommer les anthocyanes, anthocyanin est l'hétéroside (fr. :
anthocyanoside) et anthocyanidin, la génine (fr. : anthocyanidol). De même, catéchol (catechin).
TANINS 451

Gymnospermae), fisétidinol et épifisétidinol (3,7,3' ,4'-tétrahydroxylés, constitutifs des


profisétidinols qui, comme les autres composés 5-désoxy, sont caractéristiques des
Fabales et des Anacardiaceae), plus rarement afzéléchol et épiafzéléchol (3,5,7,4'-
tétrahydroxylés, constitutifs des propélargonidols) pour ne citer que les principaux.
Biogénétiquement, ces flavan-3-ols sont issus du métabolisme des flavonoïdes (cf.
chapitre précédent). Ils sont formés par hydroxylation en C-3 d'une flavanone. Les 2,3-
dihydroflavon-3-ols formés sont ensuite réduits en flavan-3,4-diols (également appelés
leucoanthocyanidols), puis en flavan-3-ols.
De fait, les flavan-3,4-diols sont effectivement réduits en (2-R, 3-S)-2,3-trans-
f1avan-3-ols par une leucoanthocyanidol réductase. Par contre, la formation des (2-R, 3-
R)-2,3-cis-flavan-3-ols (c'est-à-dire de la série épi-) résulterait de la transformation du
flavan-3,4-diol en anthocyanidol (par une anthocyanidol synthase), suivie d'une
réduction de l'anthocyanidol par une anthocyanidol réductase. Des énantiomères
comme l'ent-catéchol (2-5,3-5) sont beaucoup moins fréquents.
Chimiquement, la formation des oligomères et polymères implique les flavan-3,4-
diols : ces molécules, très réactives du fait du caractère benzylique de leur hydroxyle en
CA, donneraient facilement (via un intermédiaire quinonoïde) un carbocation qui
réagirait aussitôt sur les carbones nucléophiles C-8 ou C-6 d'un flavan-3-ol. La
répétition du même mécanisme conduirait aux oligomères et polymères. Les
mécanismes exacts de cette polymérisation restent à élucider.

Exemples de structures
procyanidoliques dimères
procyanidol 8-3 procyanidol 8-4
COMPOSÉS PHÉNOLIQUES
452

Proanthocyanidols de type B. Les dimères les plus simples sont les procyanidols B-l,
B-2, B-3 et B-4, c'est-à-dire des proanthocyanidols constitués de deux unités de 2-R, 3-S
(+ )-catéchol et/ou de 2-R, 3-R (-)-épicatécholliés en C-4 -> C-8 selon une configura-
tion a (B-3 et BA) ou ~ (B-l et B-2). On connaît aussi les procyanidols B-5 (épicaté-

HO

HO

OH

trimère épicatéchol-(4~->8)-épicatéchol-(4~->8)-catéchol tétramère de l'épicatéchol

OH
OH
~ OH

HOyyO
ly, ~ R

OH

OH HO

cinchonaïnes
R

OH
HO
R
Exemples de structures n ,
proanthocyanidoliques
OH
HO OH
~

~
R
Structure générale d'un proanthocyanidol polymère
R =H, procyanidol; R =OH, prodelphinidol OH
TANINS 453

chol-[4~ -> 6]-épicatéchol) , B-6 (catéchol-[4a -> 6]-catéchol) et B-7 (épicatechol-[ 4~


--> 6]-catéchol). Les prodelphinidols comportent pour leur part une molécule de
gallocatéchol ou d'épigallocatéchol. Certains dimères ont été isolés à l'état de gallates
(entre autres chez l'hamamélis)

Proanthocyanidols de type A. Un autre groupe important de proanthocyanidols est


constitué par des dimères ayant une liaison interflavanique double: C-4 -> C-8 et C-2
->0-> C-7. Les plus connus sont les aesculitanins, procyanidols du tégument séminal
de la graine du marronnier d'Inde (Aesculus, cf. p. 834); on en trouve aussi dans la noix
de kola ainsi que dans l'écorce du cannellier de Chine (cf. p. 654).
Dans les deux groupes A et B, la liaison C-4 -> C-8 peut être remplacée par une
liaison C-4 -> C-6, (ex. : procyanidol B-5). Les autres dimères (propélargonidols,
prodelphinidols) sont plus rares. On connaît également des 0- et C-glucosides de
procyanidols (chez la rhubarbe officinale ou le thé), des dimères C-6' -> C-6' (chez
Camellia sinensis [L.] O. Kuntze), des dimères impliquant un chalcane (assamicaïnes)
et des dimères impliquant des énantiomères comme les ent-procyanidols caractérisés
dans l'écorce d'une Malpighiaceae de l'Amérique tropicale aux fruits comestibles:
Byrsonima crassif'olia (L.) Kunth.

Oligomères. Les oligomères se forment par additions successives d'unités


Ilavaniques. De nombreuses structures sont maintenant connues dans le groupe B :
trimères C-) (3 épicatéchols liés 4~ ->8) et C-2 (3 catéchols liés 4~ ->8) et oligomères
correspondants, mais aussi dans le groupe A : trimères et oligomères formés par
addition d'une unité fIavanique sur un dimère doublement lié (ex. : trimères de la
canneberge à gros fruits, aesculitanins, cinnamtanins).

Polymères. Les polymères peuvent compter jusqu'à cinquante unités élémentaires.


Les plus largement répandus sont des poly-épicatéchols et des copolymères
procyanidol-prodelphinidol. La liaison interflavanique, majoritairement de type C-4 ->
C-8, est toujours trans par rapport à l'hydroxyle en C-3 (c'est-à-dire que si l'unité
élémentaire est l'épicatéchol (3-R), le C-4 est R). L'examen des modèles moléculaires
révèle un empêchement partiel de rotation autour de la liaison intert1avanique, ce qui
induit une hélicité gauche ou droite du polymère, fonction du précurseur (B-l, B-2 ou
13-3, B-4). Les autres polymères (propélargonidols et polymères des ent-fiavan-3-0Is)
sont moins fréquents et, semble-t-il pour les derniers, limités aux Monocotyledonae.
Signalons enfin: lOque les monomères fIavaniques peuvent se lier avec l'acide
0
caféique pour former des lactones (cinchonaïnes et homologues) et, 2 que les tanins
condensés peuvent exister à l'état d'esters galliques. C'est ce que l'on observe dans le
cas du tanin des fruits verts du Diospyros kaki L.f. (Ebenaceae) dont la moitié des
unités flavaniques sont galloylées en 0-3. C'est aussi ce qui caractérise les tanins
condensés de la rhubarbe officinale (p. 521).
Rosa gallica L.
TANINS 455

5. PROPRIÉTÉS PHYSICO-CHIMIQUES, EXTRACTION,


CARACTÉRISATION, DOSAGE

A. Propriétés

Les tanins se dissolvent dans l'eau sous forme de solutions colloïdales, mais leur
solubilité varie selon le degré de polymérisation (elle diminue lorsque celui-ci
augmente). Ils sont solubles dans les alcools et l'acétone. Les solutions aqueuses ont
une stabilité généralement modérée, variable selon la structure. Ainsi, lors de
l'extraction par l'eau bouillante (c'est-à-dire dans les conditions d'une décoction) un
tanin tel que la géraniine est décomposé en trente minutes en acide gallique, acide
ellagique et corilagine (= l-galloyl-3,5-HHDP glucose). Les formes dimères et oligo-
mères des esters galliques et HHDP du glucose sont également assez instables. Comme
tous les phénols les tanins réagissent avec le chlorure ferrique. Ils sont précipités de
leurs solutions aqueuses par les sels de métaux lourds et par la gélatine.
Tanins hydrolysables et tanins condensés peuvent être distingués sur la base de leur
comportement en milieu acide à chaud.
• Les premiers, polyesters du glucose, sont hydrolysés, libérant le sucre, l'acide
gallique et/ou l'acide hexahydroxydiphénique. Ce dernier se lactonise rapidement en
acide ellagique (ce qui explique la terminologie traditionnelle de tanins ellagiques).
L'hydrolyse des oligomères conduit également à des composés à trois ou quatre cycles
henzéniques dont la structure varie selon la nature de la liaison inter-monomérique.
Exemple: la rugosine D résultant de l'établissement d'une liaison biphényléther entre
un reste galloyle et un reste hexahydroxydiphénoyle, son hydrolyse conduira à un
produit à trois cycles, l'acide valonéique (en fait à la dilactone de celui-ci). Dans le cas
des polygalloylglucoses ayant une chaîne latérale depsidique, les liaisons depsidiques
peuvent être rompues en milieu acide faible et à température ambiante, conditions qui
laissent intactes les liaisons ester engageant les hydroxyles du glucose .
• Dans les mêmes conditions expérimentales, la liaison interflavanique des seconds
est rompue et, en présence d'air, le carbocation formé conduit à un anthocyanidol.
Lorsque les conditions sont contrôlées, cette réaction peut être utilisée pour l'étude

OH
~ OH

HO

OH
Dégradation des procyanidols en milieu acide. OH

,,~

l
456 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

structurale; on peut notamment capter les intermédiaires réactionnels par un


nuc1éophile approprié. Ce nuc1éophile peut être un alcool, un thiol (toluène-a-thiol),
mais aussi un dérivé flavanique, ce qui explique que la réaction s'accompagne de la
formation de polymères insolubles et fortement colorés, les phlobaphènes.

B. Extraction

L'extraction des tanins est, en règle générale, réalisée par un mélange d'eau et
d'acétone (on évite le méthanol qui provoque la méthanolyse des depsides galliques).
Un rendement optimal est obtenu avec les tissus frais ou conservés par congélation ou
lyophilisation car, dans les plantes ou parties de plantes sèches, une partie des tanins est
irréversiblement combinée à d'autres polymères. Après élimination de l'acétone par
distillation, la solution aqueuse est débarrassée des pigments et des lipides par un
solvant tel que le dichlorométhane. Une extraction de cette solution aqueuse par
l'acétate d'éthyle permet de séparer les proanthocyanidols dimères et la plupart des
tanins galliques. Les proanthocyanidols polymères et les tanins galliques de masse
moléculaire élevée restent dans la phase aqueuse. L'obtention de molécules pures,
nécessite le recours à des techniques chromatographiques appropriées, le plus souvent
une (ou des) chromatographie(s) d'exclusion sur gel suivie(s) de chromatographies en
phase inverse, toujours en milieu hydro-alcoolique ou hydro-alcoolo-acétonique.

C. Caractérisation

Avec les sels ferriques, les tanins galliques et ellagiques donnent des colorations et
des précipités bleu-noir et les tanins condensés des précipités brun verdâtre.
Les tanins galliques donnent une coloration rose avec l'iodate de potassium (l'acide
gallique libre est, lui, coloré en orange par ce réactif). Les tanins ellagiques sont colorés
par l'acide nitreux en milieu acétique (d'abord rose, la coloration vire au pourpre puis
au bleu) et les tanins condensés sont colorés en rouge par la vanilline chlorhydrique.
L'analyse des extraits fait appel aux techniques habituelles: CCM (sur cellulose ou
silice, révélation par examen des fluorescences en UV et par les réactifs cités ci-dessus),
chromatographie liquide (phases inverses, solvants alcooliques légèrement acides).

D. Dosage

Le dosage des tanins est délicat: il est difficile d'obtenir une extraction complète et
les méthodes fondées sur le caractère phénolique de ces composés ne sont pas toutes
spécifiques. Certaines méthodes permettent toutefois une certaine sélectivité, en '
particulier à l'égard des seuls tanins condensés. Pour nombre d'auteurs, les meilleures
méthodes pour détecter et doser les tanins sont celles qui visent à évaluer leur capacité .
- spécifique - à précipiter les protéines.

Dosages impliquant la précipitation protéique


• L'une des méthodes les plus utilisées est la méthode au sang hémolysé et •
centrifugé: elle est fondée sur la capacité des tanins de se combiner à l'hémoglobine et
TANINS 457

sur la possibilité que l'on a d'estimer colorimétriquement, par rapport à un blanc,


l'hémoglobine résiduelle non combinée etce dans une zone du spectre ou les inter-
férences sont improbables. Une variante de la méthode permet, en utilisant un témoin
(ex. : l'acide tannique ou la géraniine), de déterminer l'astringence relative (c'est-à-dire
par rapport à celle du témoin).
• Une méthode voisine consiste à remplacer l'hémoglobine par de l'albumine
sérique bovine. Celle-ci, solubilisée à son pH isoélectrique, est précipitée par les tanins
de l'extrait à doser; la teneur en protéines du précipité est déterminée, après hydrolyse
alcaline et réaction de l'hydrolysat avec la ninhydrine, par colorimétrie. On peut
également avoir recours à une albumine préalablement couplée à un colorant, ce qui
simplifie le protocole.
• La méthode traditionnelle à la poudre de peau est également fondée sur la
capacité des tanins de se lier aux protéines. Après avoir déterminé, par évaporation d'un
infusé de la partie de plante, les matières solubles totales (S), on procède à la
précipitation des tanins d'une fraction aliquote de l'infusé par de la poudre de peau; le
précipité est éliminé et le surnageant évaporé jusqu'à siccité (résidu N). La différence
de masse entre les deux résidus (S-N) correspond à la masse de tanins contenus dans la
prise d'essai. On continue d'utiliser la précipitation par la poudre de peau, mais
combinée à une détermination colorimétrique des polyphénols totaux (voir ci-dessous).

Dosage des tanins condensés Pour évaluer les proanthocyanidols, on peut apprécier
la coloration obtenue après transformation en anthocyanidols par ébullition dans le
II-butanol chlorhydrique. Une accélération de la dépolymérisation et une meilleure
reproductibilité de la réaction sont obtenues par l'addition, dans le milieu réactionnel,
de sels de fer (mais l'absorption à une longueur d'onde donnée variera selon la structure
de l'anthocyanidol formé).
Les proanthocyanidols peuvent aussi être dosés sous forme d'adduit coloré avec la
vanilline en milieu méthanolique acide (HCl). Cet aldéhyde s'additionne en effet sur le
(:-6 des unités fIavaniques dihydroxylées en C-5 et C-7. On peut également utiliser le
IJ-diméthylaminobenzaldéhyde.
La thiolyse, surtout utilisée pour l'étude structurale et la détermination du DP
moyen, peut aussi, couplée à la chromatographie liquide, être une méthode de dosage (y
compris des proanthocyanidols non extractibles).

Dosage des tanins hydrolysables. Dans le cas des tanins galliques, il est possible
d'hydrolyser le tanin en milieu sulfurique, de faire réagir l'acide gallique formé avec de
la rhodanine et de mesurer l'absorbance du produit de la réaction. Éventuellement, on
pcut mettre en œuvre la réaction à l'iodate de potassium.
Pour estimer les tanins ellagiques, on a classiquement recours à la réaction avec
IIN0 2 , après hydrolyse sulfurique. Les carbones non substitués de l'acide ellagique
Iihéré étant susceptibles d'une attaque électrophile, il se forme une quinone oxime.

Dosage de la Pharmacopée européenne. Les méthodes générales de dosage des


phénols totaux sont parfois utilisées, conjointement avec la technique de précipitation
Il"r la poudre de peau, pour apprécier les tanins totaux d'une plante ou d'une partie de
,

l
l
458 COMPOSÉS PHÉNOUQUESI

plante: c'est ainsi que, selon la Pharmacopée européenne, l'on détermine les tanins 1
dans les «drogues végétales» (chap. 2.8.14, 6' éd., 0 1 / 2 0 0 8 : 2 0 8 1 4 ) ' 1
C'est un protocole dérivé de la méthode de FOLIN et DENIS qui est retenu pour doser \~
les phénols totaux, extraits par décoction aqueuse: l'ion phénolate - formé par
addition du carbonate de sodium - est oxydé par un mélange d'acides phospho-
tungstique et phosphomolybdique qui, simultanément, est réduit en donnant une
solution colorée bleue dont on détermine l'absorbance. Parallèlement à ce dosage des
1 ,~

phénols totaux, on détermine, par la même méthode et sur une fraction du décocté
traitée par la poudre de peau, les phénols qui ne sont pas adsorbés sur cette poudre. La ï
1
différence d'absorbance correspond à la teneur en tanins (on opère en référence à un !
témoin de pyrogallol). ~
î
l
,:~
~
6. PROPRIÉTÉS BIOLOGIQUES DES TANINS '~
l
,~~
La plupart des propriétés biologiques des tanins sont liées au pouvoir qu'ils ont deI
$
former des complexes avec les macromolécules, en particulier avec les protéines ,1
(enzymes digestives et autres, protéines fongiques ou virales). Il en est de même desi
problèmes qu'ils peuvent poser dans l'industrie agroalimentaire (trouble dans les 1 ;1,

bières), ou en agriculture (formation des acides humiques, valeur nutritive des ~


fourrages). 'li
• Complexation réversible. Dans des conditions non oxydantes et au pH physio- :
logique, la complexation - par liaisons hydrogène et par interactions hydrophobes _ :
est réversible. Le mécanisme de cette complexation semble être un phénomène de '.:
surface, non spécifique. Les tanins forment une couche moins hydrophile que la
protéine elle-même à la surface de celle-ci, ce qui entraîne la précipitation; ils ;
établissent en plus (en solution protéique concentrée) des liaisons entre les molécules
protéiques. L'affinité des tanins pour les protéines est d'autant plus marquée que celles-
ci sont riches en proline et de conformation flexible (protéines salivaires, collagène).
Cette affinité est étroitement dépendante de la masse moléculaire, elle est maximale "
pour le pentagalloylglucose et ses oligomères. La formation de liaisons biphényliques '
(HHDP) diminue la mobilité conformationnelle de la molécule, ce qui réduit son <
affinité pour les protéines. Des molécules quasi-rigides telles que la vescalagine ont une
affinité protéique très faible. De la même façon, les proanthocyanidols, du fait de la:
rotation réduite de la liaison interflavanique, ont une affinité pour les protéines moins "
marquée que les esters polygalliques.
• Complexation irréversible. Compte tenu de leur tendance marquée à l'auto~'
oxydation, les polyphénols que sont les tanins conduisent à des o-quinones qui"
réagissant avec les groupements nucléophiles des protéines, formeront des liaisons'
covalentes: la combinaison devient irréversible (on peut aussi envisager, dans le cas,
des proanthocyanidols en milieu acide, l'intervention des carbocations flavaniques pout(
expliquer l'établissement de ces liaisons). ,
Les progrès réalisés dans les domaines de la purification et de l'analyse structurale!
des tanins ayant permis de disposer de substances pures, il est devenu possible d'étudie~!
leurs propriétés biologiques, mais ce sont encore souvent celles d'extraits enrichis qU\
TANINS 459

sont explorées, ce qui ne permet pas de conclusion nette. Pratiquement toutes les
propriétés biologiques des tanins hydrolysables et des proanthocyanidols ont été mises
en évidence in vitro et à des concentrations souvent sans rapport avec ce qui est
envisageable chez l'humain. Il est d'autant plus aventureux d'évoquer les effets en
thérapeutique (ou sur la santé) de ces molécules (ou extraits) que leur biodisponibilité
est très faible et que la connaissance de leur métabolisme, de la distribution et des effets
de leurs métabolites est parcellaire.

Biodisponibilité. Les tanins ellagiques ne sont généralement pas absorbés du fait


même de leur masse moléculaire. L'acide ellagique lui-même pounait, sous certaines
conditions, être faiblement absorbé. Soumis à l'action de la flore côlonique, les tanins
ellagiques sont métabolisés. Ainsi, ceux du jus de grenade sont dégradés avec, entre
autres, production de dibenzopyranones qui peuvent être absorbées, conjuguées et
éliminées dans l'urine. Si les tanins hydrolysables peuvent exercer une action
directement au niveau du tube digestif, leurs métabolites (et l'acide ellagique ?)
peuvent, potentiellement, être responsables d'effets systémiques.
La majorité des oligomères proanthocyanidoliques ne sont pas absorbés et
atteignent, intacts, le côlon où ils sont dégradés, notamment en dérivés phénylpropioni-
ques et phénylacétiques. Quelques dimères peuvent être absorbés, mais toujours très
faiblement: la concentration plasmatique en procyanidol B-2 est de 42 nanomol/I après
ingestion de 250 mg de dimères (soit une concentration 140 fois plus faible que celle de
l'épicatéchol ingéré en quantité équivalente). On peut comprendre une action locale des
proanthocyanidols (par exemple la protection de l'épithélium intestinal à l'encontre de
carcinogènes), mais les autres actions qui leur sont attribuées sont plus difficiles à
expliquer. Sont-elles liées à des métabolites? à une improbable dépolymérisation? à des
interactions au niveau intestinal? aux monomères qui accompagnent les oligomères
dans les extraits? (Les études in vitro utilisent presque toujours des extraits qui ne
contiennent pas uniquement des proanthocyanidols ... )

Activités thérapeutiques dues à ['astringence. Les applications traditionnelles des


plantes à tanins sont assez restreintes et découlent de leur affinité pour les molécules
protéiques. Par voie externe, les tanins imperméabilisent les couches les plus externes
de la peau et des muqueuses, protégeant ainsi les couches sous-jacentes; ils ont
également un effet vasoconstricteur sur les petits vaisseaux superficiels. En limitant la
perte en fluides et en empêchant les agressions extérieures, les tanins favorisent la
régénération des tissus en cas de blessure superficielle ou de brûlure. Par voie interne,
ils exercent un effet antidiarrhéique certain. Quelle que soit la voie d'administration
(orale ou locale), l'effet antiseptique - antibactérien et antifongique - clairement
démontré de ces molécules peut être intéressant (diarrhées infectieuses, dermites).

Activité antioxydante. De nombreux tanins, particulièrement des tanins


hydrolysables, inhibent la peroxydation des lipides induite par l'ADP et l'acide
ascorbique sur les mitochondries hépatiques du Rat. In vitro, ce sont (surtout les esters
HHDP du glucose) des piégeurs de radicaux, des inhibiteurs de la formation de l'ion
superoxyde et, pour certains d'entre eux, des inhibiteurs de la lipoxygénase des

l
460 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

granulocytes péritonéaux du Rat, mais pas de la cyclooxygénase. Plusieurs ont un effet ~


inhibiteur sur l'autoxydation du linoléate de méthyle. In vivo, la géraniine (ou un ~
métabolite ?) diminue le taux sérique de lipides peroxydés chez des rats. ~
Rappelons ici que les flavanols et les proanthocyanidols du jus de raisin et du vin '~
sont maintenant considérés par beaucoup comme les principaux responsables de l'effet 1
préventif à l'égard des maladies cardiovasculaires qu'engendrerait une consommationj
modérée et régulière de vin rouge (effet connu sous le nom de« French Paradox\». ,~
Vin rouge, jus de raisin, extraits enrichis en proanthocyanidols préviennent l'athéro-,~
sclérose chez l'animal, exercent des effets favorables sur la fonction endothéliale ~
vasculaire, diminuent l'agrégation plaquettaire, etc. 4. ,"';",
Dans le cas du jus de grenade, c'est aux propriétés antioxydantes particulièrement
marquées des tanins ellagiques (punicalagine) que l'on rapporte une capacité à limiter .
certains facteurs de risques des maladies cardiovasculaires.

Inhibition enzymatique. De façon assez générale, les tanins sont des inhibiteurs ~
enzymatiques: blocage de la 5-lipoxygénase (géraniine, corilagine) ; inhibition de
l'enzyme de conversion de l'angiotensine, de l'activation de la hyaluronidase, des
glucosyltansférases des microorganismes impliqués dans la cariogenèse; inhibition des
topoisomérases par la sanguiine H-6 ou l'acide chébulagique; inhibition de la protéine-
kinase C par les tanins ellagiques et les tanins complexes, etc.

3. Ce terme qualifie (en première approximation) le paradoxe que constitue la moindre mortalit~ ,
par maladies cardiovasculaires des habitants de certaines villes françaises alors même que leur.!
consommation de graisses, associée à une propension certaine à l'inactivité physique, devrait
logiquement conduire à observer une mortalité au moins analogue à celle d'habitants d'autres cité~
occidentales. La seule différence notable relevée entre les populations étudiées est une consommation:
beaucoup plus élevée d'alcool en France - surtout de vin. "
Le raisin est riche en composés phénoliques antioxydants : concentrés dans les « peaux », le rachi8;
et - très majoritairement - dans les graines, ce sont des monomères, des dimères et, surtout, des
polymères du catéchol, de l'épicatéchol et de dérivés voisins, éventuellement galloylés. Ils sont'
accompagnés, selon les variétés, d'anthocyanosides et de flavonoïdes. '.
Dans les vins rouges, la composition varie selon le mode de préparation (une grande partie de.,'
polyphénols reste dans les marcs) et selon le vieillissement qui induit des transformations chimiques
diverses (et pas complètement connues). Cultivar, année et site de production, degré de maturit"
interviennent également pour modifier la composition initiale.
Cela étant, les polyphénols ne sont pas les seuls composants potentiellement actifs des vins. o~r
connaît, au moins expérimentalement, les propriétés antiathéromateuses de l'alcool et l'on sait aussi qu,'
les raisins - et le vin rouge - renferment des trihydroxystilbènes et leurs hétérosides (resvératroli:
picéoside) que l'on a aussi associés aux « vertus » du vin rouge. Aucune étude ne permet d'attribuer
formellement et de façon convaincante à un constituant particulier les propriétés prêtées au vin. f
Sur le resvératrol, voir p. 355. Sur l'impact d'une consommation modérée d'alcool éthylique, voirl
Prescrire Rédaction (2002). L'alcool éthylique: connaître les risques, mais aussi les bénéfices, ReY~
Prescrire, 22, 769-775. "

4. Le raisin et le vin ne sont pas les seules sources alimentaires de proanthocyanidols : pommc.
chocolat, baies, haricots rouges contribuent à un apport journalier qui, chez les américains du nord, cl
d'une cinquantaine de milligrammes. Le thé, lui, apporte un dérivé monomérique, le gallnt
d'épigallocatéchol (voir p. 1220).
TANINS 461

Autres activités. Quelques tanins ellagiques s'opposent à la mutagénicité de certains


cancérogènes et à la transplantation de tumeurs expérimentales (par stimulation des
mécanismes immunitaires). Des effets inhibiteurs de la réplication des virus ont été
décrits in vitro: inhibition de l'adsorption du virus sur les cellules et inhibition de la
transcriptase inverse par des dimères procyanidoliques et des dérivés galliques.
Certaines activités attribuées aux tanins sont-elles la conséquence d'une simple
interaction tanin-protéine non spécifique? Des travaux publiés en 1997 ont montré, sur
la base d'études de fixation de ligands radio marqués sur des récepteurs que: 10 la
fixation du ligand n'était pas inhibée par les tanins et phénols testés sur 10 des 16
récepteurs étudiés; 2 0 certains polyphénols inhibaient sélectivement un ou deux
récepteurs, par exemple: sélectivité de la pédunculagine pour le récepteur ~-adréner­
gique (mais pas de la tellimagrandine); de la rugosine D pour le récepteur a-2, etc.
Certains dimères procyanidoliques seraient en partie responsables de l'activité
inotrope cardiaque positive et coronarodilatatrice des sommités fleuries de l'aubépine
(p. 473). D'autres présenteraient des propriétés proches de celles des flavonoïdes :
augmentation de la résistance capillaire, diminution de la perméabilité capillaire,
augmentation du tonus veineux, stabilisation du collagène, etc. Leur activité inhibitrice
sur l'histidine décarboxylase, l'élastase et l'enzyme de conversion de l'angiotensine a
été mise en évidence expérimentalement. On note par ailleurs que les procyanidols B-2,
8-3 et B-4 inhibent (10- 5 M) à plus de 80 % la fixation de la sérotonine sur les
récepteurs 5HTI.

Toxicité. La toxicité potentielle des tanins pour l'Homme est plutôt mal connue. On
connaît par contre bien le risque que représentent les glands et les jeunes feuilles des
chênes (Quercus spp.) pour le bétail. Le pronostic de l'intoxication - elle est marquée
par une constipation initiale opiniâtre et une atteinte rénale profonde - est générale-
ment sombre. Là encore, on ne sait pas si ce sont les tanins ou leurs métabolites qui sont
les véritables agents toxiques.

Emplois. À ce jour, aucune molécule chimiquement définie appartenant au groupe


des tanins n'est utilisée en thérapeutique et l'on ne dispose quasiment d'aucune étude
clinique pertinente démontrant l'intérêt des plantes à tanins. Celles-ci sont cependant
toujours utilisées en phytothérapie.

7. PRINCIPALES PLANTES À TANINS

• CHÊNES , Quercus Spp., Fagaceae

Tanin officinal. Le tanin officinal - il était décrit par la 9' édition de la


Pharmacopée française - peut être préparé à partir des galles d'un chêne de la
méditerranée orientale (Quercus infectoria Olivier). La formation des galles est
consécutive à la ponte des œufs d'insectes Hyménoptères (Cynips) dans les tissus du
chêne: la larve, en se développant, induit une prolifération cellulaire des tissus de
l'hôte. Cette prolifération se traduit par la formation d'une masse globuleuse, dure,
462 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

dense, de coloration variable selon son degré de développement, la galle, dans laquelle
s'accumulent des esters galliques du glucose.
Les galles contiennent des tanins hydrolysables (m-depsides du pentagalloyl-
glucose, pédunculagine, tellimagrandine-II, casuarictine, etc.) en forte proportion (50-
70 % dans le cas de Q. infectoria), des acides gallique et ellagique libres, des stérols et
des triterpènes, de l'amidon. Le tanin officinal (on dit aussi « acide tannique» ou tanin
« à l'éther») est préparé par extraction des galles avec un mélange éther-alcool saturé
d'eau, séparation des phases et évaporation de la couche aqueuse.
Le tanin officinal peut être utilisé comme astringent pour la voie externe (brûlures,
dermites); c'est également un hémostatique. Il présente de nombreuses incompatibilités
(sels ferriques, oxydants, protéines, alcaloïdes, hétérosides, etc.).

Écorce de chêne. L'écorce de chêne est l'écorce séchée et coupée des rejets et des
jeunes branches de Q. robur L., Q. petrœa (Matt.) Liebl. et de Q. pubescens Willd. Elle
contient au minimum 3 % de tanins, exprimés en pyrogallol (Ph. eur., 6 c éd.,
[0112005: 1887]).
NB. Q. robur L. = Q. pedunculata Ehrh. = Q.longipes Steven = chêne pédonculé;
Q.petraea (Matt.) Liebl. = Q. sessilis Ehrh. = Q. sessiliflora Salisb. = chêne sessile =
chêne rouvre; Q.pubescens Willd. = Q. humilis Mill. =chêne tauzin.

Les morceaux d'écorce d'épaisseur inférieure à 3 mm ont une surface externe assez
lisse, faiblement lenticellée. La surface interne est brune, parcourue de stries longitu-
dinales saillantes. La poudre, examinée au microscope (hydrate de chloral), présente,
entre autres, d'abondantes cellules scléreuses de deux types et des groupes de fibres à
parois épaisses entourées de parenchyme oxalifère (prismes).
Les tanins sont dosés par la méthode générale décrite par la Pharmacopée (2.8.14,
cf. p. 458).

Composition, emplois. L'écorce renferme des tanins en quantité très variable. La


composition de l'écorce de Q. petraea est la mieux connue : pédunculagine,
vescalagine, castalagine, mongolicanine - un procyanido-ellagitanin - , flavano-
ellagitanins (acutissimines, guajavine, etc.), oligomères proanthocyanidoliques;
monomères flavaniques et leurs esters galliques, etc. L'écorce de chêne ne figure pas à
l'annexe 1 de la Note explicative de l'Agence du médicament (1998).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise
l'écorce de chêne est utilisée: 1° par voie externe, pour les maladies de peau inflam~
matoires (sauf en cas de dommage étendu, ce qui constitue une contre-indication); 2°,
par voie interne, en cas de diarrhée aiguë non spécifique; 3° sur les muqueuses (de
cavité orale, du pharynx, de la gorge, du vagin), en cas d'inflammation modérée. Il n'y
pas de contre-indications pour la voie interne, mais l'on doit noter une possi
diminution de l'absorption des médicaments basiques et le fait que la persistance de
diarrhée au-delà de 3-4 jours doit conduire à une consultation médicale. Les bains
notamment contre-indiqués en cas d'hyperthermie, d'insuffisance cardiaque aux
III et IV et d'eczéma suintant. Posologie : 3 g par jour par voie orale; 20 g/l pour
compresses et gargarismes; 5 g/l pour les bains.
TANINS 463

Dans le secteur des vins et alcools, ce sont les copeaux de chênes (naturels ou
chauffés) qui sont utilisés en alternative à la barrique, sous réserve des dispositions
réglementaires en vigueur.

• HAMAMÉLIS , Hamamelis virginiana L., Hamamelidaceae

La feuille d'hamamélis est constituée par la feuille séchée, entière ou fragmentée,


d'Ho virginiana. Elle contient au minimum 3 % de tanins, exprimés en pyrogallol (Ph.
eur., 6' éd. - 6.1, [04/2008:0909]).

La plante. L'hamamélis est un arbuste ou un petit arbre assez semblable au


Iloisetier. Connu sous le nom de noisetier des sorcières, il est très commun dans les
forêts de l'est du continent américain (Québec, nord-est des États-Unis d'Amérique et
jusqu'à la Virginie).
Les branches, ramifiées, portent des feuilles (5-12 x 3-8 cm) courtement pétiolées, à
limbe ovale sinué sur les bords, à nervation pennée saillante sur la face inférieure. Les
Ilcurs 4-mères s'épanouissent après la chute des feuilles, ce qui confère à cette espèce
Uil certain caractère ornemental.

La feuille. Les feuilles vertes à brun-vert sont souvent brisées, froissées et


comprimées en masses plus ou moins compactes. Le limbe est oblique et asymétrique à
la base, acuminé au sommet, et grossièrement crénelé à denté sur les bords. Les
ncrvures secondaires - 4 à 6 paires - s'incurvent faiblement jusqu'aux dents du
limbe où elles se ramifient en nervilles qui leur sont souvent perpendiculaires.
Examinée au microscope (hydrate de chlorai), la feuille pulvérisée présente des
poils tecteurs étoilés, entiers ou brisés, constitués de 4 à 12 branches I-cellulaires
l'éunies à la base; leur longueur peut atteindre 250 Jlm et leur lumen, bien visible,
pl'ésente souvent un contenu coloré en brun. On remarque en outre la présence de
Ndérites souvent élargis aux extrémités, de fragments d'épiderme à stomates de type
pllntcytique et de fibres lignifiées accompagnées d'une gaine à prismes d'oxalate de
L'lIlciuill. La CCM d'un extrait dans alcool à 60 % met en évidence l'acide gallique et
Il'IIutres composés phénoliques (révélation par le chlorure ferrique).
La feuille renferme au maximum 7 % de tiges et au maximum 2 % d'autres
~Iémcnts étrangers. Les tanins sont dosés par la méthode générale décrite par la
l'hllrmacopée (2.8.14, cf p. 458).

Composition chimique. Par entraînement à la vapeur d'eau, les feuilles (et les
dcOl'ccs) fournissent un distillat riche en carbures aliphatiques (tri-, penta-, hepta-,
l1onacosane) et leurs dérivés oxygénés; ils sont accompagnés de composés mono- et
Nt'Nquiterpéniques. La feuille renferme également des polysaccharides, des glucosides
dl.lllavonois (astragaloside, myricitroside) et jusqu'à 10 % de tanins (lato sensu): acide
: jjlllliquc, polygalloylglucose, hamamélitanin, flavanes monomères libres et estérifiés
. (,,"l1alc d'épicatéchol), proanthocyanidols (oligomères à unités O-galloylées en C-3).
: J,'hlllllamélitanin est le 2',5-di-O-galloyl-a-D-hamamélofuranose (en mélange 2:1 avec
Krameria lappacea (Dombey) Burdet & Simpson
TANINS 465

OH

hamamélitanin
OH OH

son anomère ~). Il n'est présent, dans les feuilles, qu'en faible quantité. Les constituants
polyphénoliques majoritaires sont des procyanidols et des copolymères procyanidols-
prodelphinidols.
Les écorces de tiges sont également riches en tanins et l'hamamélitanin y est
majoritaire. Il est accompagné des très instables anomères a et ~ de son dérivé 1-0-(4-
hydroxybenzoylé) - peut-être celui-ci est-il le véritable hamamélitanin présent dans la
feuille fraîche? -, du dérivé 2',3,5-trigalloylé de l'hamamélo-furanose et de son ester
1-0-(4-hydroxybenzoylé) ainsi que d'un analogue de l'hamamélitanin, le 2' ,4-di-0-
galloyl-D-hamamélopyranose. Les écorces renferment également des proanthocyani-
dols: procyanidols et prodelphinidols dimères ainsi qu'un oligomère. Certains de ces
proanthocyanidols sont estérifiés en C-3 par un acide gallique ou un acide 4-hydroxy-
benzoïque. L'hydrodistillat d'écorces, plus riche en composés oxygénés que
l'hydrodistillat de feuilles, possède un arôme plus fort que ce dernier.

Pharmacologie. In vitro, l'extrait d'hamamélis est bactériostatique (Gram -) et


Illolluscicide. La fraction d'un extrait hydro-alcoolique enrichie en proanthocyanidols
oligomères par ultrafiltration est modestement antivirale (virus de l'herpès, DEso = Il
fig/ml; aciclovir : DEso = 0,42 fig/ml) et nettement anti-inflammatoire (œdème de
l'oreille de Souris à l'huile de croton). Elle est également inhibitrice de l'élastase des
polynucléaires humains, mais dix fois moins que la fraction renfermant l'hamaméli-
Il\l1in. Ce dernier est pour sa part un inhibiteur de la 5-lipoxygénase et un antioxydant :
il piège efficacement le radical hydroxyle, l'anion superoxyde et l'oxygène singulet. In
l'i/ra, il protège les fibroblastes des dommages induits par ces différents agents. La
l'l'action proanthocyanidolique, antimutagénique, stimule la prolifération des
kératinocytes en culture. Les préparations galéniques classiques, notamment l'extrait
l'Illide, sont vasoconstrictrices (artère de Lapin).

Évaluation clinique. L'observation visuelle semble montrer qu'une lotion après-


soleil serait utile pour soulager les brûlures solaires, mais une crème à base de distillat
d'hamamélis n'a pas été plus efficace que l'excipient pour soulager l'eczéma atopique.
Hu eas d'érythème fessier ou d'irritation cutanée légère chez l'enfant, l'hamamélis
Nnait aussi efficace que le dexpanthénol. L'essai qui a abouti a constater cette
~qllivalence est un essai ouvert et, de plus, l'intérêt clinique spécifique du dexpanthénol
(lilim' vitamine B5) dans ces indications n'est pas solidement démontré ... Il n'a pas été
II'01IVé, dans les bases de données internationales, d'essai clinique évaluant la capacité
466 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

de l'hamamélis à soulager la symptomatologie hémorroïdaire. L'efficacité de l'eau


d'hamamélis contre les douleurs périnéales liées à l'accouchement reste à confirmer.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour lafeuille d'hamamélis, les indications théra-
peutiques suivantes (voie orale et usage local) : traditionnellement utilisé dans les 1
manifestations subjectives de l'insuffisance veineuse telles que jambes lourdes et dans
la symptomatologie hémorroïdaire. En usage local, deux autres indications sont
autorisées: traditionnellement utilisé 1° en cas d'irritation ou de gêne oculaire due à des
causes diverses (atmosphère enfumée, effort visuel soutenu, bains de mer ou de piscine,
etc.); 2° en bains de bouche, pour l'hygiène buccale. Si le phytomédicament à base
d'hamamélis est une poudre de feuille, le dossier « abrégé» d'AMM doit comporter
une étude toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour la feuille pour tisane,
l'extrait aqueux, les teintures et les extraits hydro-alcooliques, quel que soit leur titre.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
lafeuille et la racine de l'hamamélis sont utilisées en cas d'inflammation locale de la
peau et des muqueuses, de petites blessures cutanées, d'hémorroïdes et de varicosités
veineuses. Posologie: (a) - voie orale, préparation équivalente à 0,1-1 g de partie de
plante ou eau distillée d'hamamélis plusieurs fois par jour; (b) -voie locale, 1° de 5 à
10 g de partie de plante pour 250 ml d'eau en compresses ou lavages, 2° préparations i
liquides ou semisolides coreespondant à 5 à 10 % de partie de plante, 3° cataplasmes, .
20 à 30 % de préparation semi-solide, 4° eau distillée pure ou diluée au tiers; (c) - voie
rectale, préparation équivalente à 0,1-1 g de 1 à 3 fois par jour en suppositoires.
Au niveau européen, le projet de monographie communautaire élaboré par l' HMPC ,
pour l'écorce d' hamamélis précise qu'elle est indiquée, sur la seule base de l'ancienneté ,
de son usage, en cas d'inflammation mineure et de sécheresse de la peau, d'inflam~ ~
mation de la muqueuse buccale et pour le traitement des sypmptômes liés aux, ,
hémorroïdes. Elle est utilisée en nature, sous forme de teinture 1: 10 dans l'alcool à 45 %, :
ou sous forme d'extrait sec (5-7,7: 1) par l'alcool à 30 %. L'usage n'est recommandé ni "
chez la femme enceinte ou allaitante, ni avant 18 ans - sauf pour l'application cutanée;,
possible après l'âge de 12 ans (réf. EMEA/HMPC/l14583/2008, 6 novembre 2008)11
L' HMPC a également diffusé un projet de monographie pour le distillat obtenu à partir'
cali:;
des feuilles et de l'écorce de rameaux fraîches, ou à partir des tiges séchées, utilisé en
d'inflammations cutanées, et d'irritations oculaires (114584, même date). F
L'hamamélis est utilisé en formulation cosmétique sous forme d'eau disti1lé~:
d'hamamélis. Appliquée sur la peau, celle-ci est présentée comme anti-inflammatoir~r
(érythème aux UV). Les extraits (fluide, hydro-alcoolique, glycolique) sont utilisés po i'
la formulation de gels astringents aux applications diverses (ex. : hyperséborrhée) .

• RATANIllA DU PÉROU, Krameria lappacea (Dombey) Burdet & Simpson-


(= K. triandra Ruiz & Pavon), Krameriaceae

La racine de ratanhia est constituée par les organes souterrains


généralement fragmentés, de K. triandra Ruiz & Pavon. Elle contient au minimum 5
TANINS 467

de tanins exprimés en pyrogallol (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:0289]). Elle sert à préparer
la teinture de ratanhia (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:1888]).

La plante, la racine. Classé dans une petite famille monotypique ayant des affinités
avec les Polygalaceae, le ratanhia dit « du Pérou» est un sous-arbrisseau à fleurs rouges
qui pousse en altitude, du Chili au Pérou. Les racines, presque droites, partent d'un
collet épais et noueux. Le bois est dense, rouge pâle, finement poreux et l'écorce, brun-
rouge foncé, est lisse et fissurée transversalement sur les parties les plus jeunes,
rugueuse à écailleuse sur les parties les plus âgées.
La poudre d'écorce, examinée au microscope (hydrate de chloral), présente de
nombreux éléments: cellules de suber remplies de phlobaphènes, fragments de
vaisseaux à ponctuations aréolées, fragments de trachéides à ponctuations en fentes,
fibres, etc. L'amidon (eau-glycérol) est simple ou composé à 2-4 grains arrondis. Une
CCM des phénols extraits par macération hydro-éthanolique et réextraction confirme
l'identité. La racine ne contient pas plus de 5% de fragments du collet et de racines de
diamètre supérieur à 25 mm. Les tanins sont dosés par la méthode générale décrite par
la Pharmacopée (2.8.14, cl p. 458).

Composition, propriétés. La racine renferme 10 à 15 % de tanins condensés. Ceux-


ci, des propélargonidols (65 %) et des procyanidols (35 %) comprennent de 2 à 14
unités flavaniques liées (4 -> 8). Dans le cas des molécules les plus condensées,
quelques liaisons (4 -> 6) témoignent d'un branchement. Les tétramères sont les
constituants majoritaires. On note également la présence de 0,3 % de néolignanes
benzofuraniques (ratanhiaphénols 1 et II, conocarpane, etc.). L'extrait hydra-alcoolique
est antibactérien (Streptococcus aureus). Un bain de bouche et un gel à base de ratanhia
(et de myrrhe) pourrait être utile pour prévenir les effets indésirables au niveau buccal
d'une chimiothérapie (essai non comparatif, sans placebo).

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour la racine de ratanhia, les indications théra-
peutiques suivantes (voie orale et usage local) : traditionnellement utilisé 10 dans le
traitement symptomatique des troubles fonctionnels de la fragilité capillaire cutanée,
tels que ecchymoses, pétéchies; 20 dans les manifestations subjectives de l'insuffisance
veineuse telles que jambes lourdes et dans la symptomatologie hémorroïdaire. Par voie
locale, la racine peut aussi être utilisée en bains de bouche pour l'hygiène buccale. Si le
phytomédicament à base de ratanhia est une poudre de racine, le dossier « abrégé»
d'AMM doit comporter une étude toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire
pour la racine pour tisane, l'extrait aqueux, les teintures et les extraits hydro-
alcooliques, quel que soit leur titre.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
la racine du ratanhia (décoctions et autres préparations galéniques) est utilisée par voie
locale en cas d'inflammation modérée des muqueuses buccale et pharyngée. Elle
recommande de ne pas l'utiliser plus de deux semaines sans avis médical et signale que,
dans de très rares cas, on peut observer des réactions allergiques locales.
468 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

8. AUTRES PLANTES À TANINS


UTILISÉES PAR LA PHYTOTHÉRAPIE

La Note explicative de 1998 a inscrit, dans son annexe l, plusieurs plantes aux-
quelles la tradition attribue des propriétés qui, pour autant qu'elles soient démontrées,
pourraient être la conséquence - au moins pour partie - de la présence de tanins. La
majorité de ces plantes est fournie par la famille des Rosaceae (aigremoine, alchémille,
benoîte, fraisier, roncier, rosier, tormentille), mais l'on utilise aussi d'autres espèces:
bistorte, herbe à Robert, noisetier, salicaire (et aussi la sangui-sorbe [Rosaceae], qui ne
figure pas sur l'annexe l, mais qui fait l'objet d'une monographie à la Pharmacopée ?
européenne) .
Pour certaines espèces, on ne connaît que très mal leur composition chimique. À
défaut de toujours pouvoir préciser les compositions individuelles, une étude
chimiotaxinomique a montré, dans le cas des Rosaceae, que 1° le genre Rubus est '
caractérisé par la présence de sanguiines H-6 (dimère) et H-ll (tétramère); 2° le genre
Geum par celle de gémine A; 3° les genres Agrimonia, Fragaria et Potentilla par celle
d'agrimoniine. La plupart des Rosaceae contiennent en outre des monomères (ex. :
casuarictine, pédunculagine, tellimagrandines, etc.).
Pour ces espèces mineures, les données cliniques sont le plus souvent inexistantes
ou de qualité méthodologique faible. Les données pharmacologiques sont inexistantes
ou sommaires. Leur emploi en thérapeutique est, sauf cas particulier, restreint.

OH
HO

HO
HO
OH
HO OH

OH
OH
HO HO

OH
agrimoniine :
HO
dimère [rn-GOG (1, 1~J
de la potentilline HO HO OH OH

Rosaceae

• AIGREMOINE
L'aigremoine est la sommité fleurie séchée d' Agrimonia eupatoria L. ; elle con,,;
tient au minimum 2 % de tanins, exprimés en pyrogallol (Ph. eur, 6' éd., [0112008;
:1587]).
TANINS 469

Cette petite plante possède des tiges couvertes de longs poils (0,5 mm) et portant des
feuilles imparipennées à folioles dentées, vert-fonçé à la face supérieure, tomenteuses à
la face inférieure. Les fleurs, à pétales jaunes, sont groupées en épis. Les réceptacles
fructifères ont des soies recourbées en crochet.
La plante renferme des procyanidols dimères (B-1-3, B-6-7), trimères (C-1, C-2 et
autres) ainsi que des glucosides et galactosides du quercétol, du kaempférol et de
l'apigénol. Les extraits d'aigremoine sont antioxydants in vitro, piégeurs de radicaux.
Ils passent pour anti-inflammatoires. L'extrait aqueux développe une activité anti-virale
in vitro (hépatite B). La médecine chinoise utilise les parties souterraines de A. pilosa
Ledeb. (xianhecao) comme antidysentérique et hémostatique.

• ALCHÉMILLE VULGAIRE
L'alchémille est constituée par les parties aériennes fleuries séchées, entières ou
fragmentées de Alchemilla vulgaris L. sensu latiore. Elle contient au minimum 6 % de
tanins, exprimés en pyrogallol (Ph. eur, 6' éd., [01/2008:1387]).
Cette espèce possède des feuilles basales réniformes ou semi-circulaires, vert-gris 7-
Il lobées, d'où son nom de « pied-de-lion ». Ces feuilles, comme les feuilles cau-
linaires stipulées et sessiles, sont fortement pubescentes à la face inférieure. Les fleurs,
apétales, ont un double calice et un seul carpelle. La plante est riche en tanins
hydrolysables (agrimoniine, pédunculagine, laevigatine F), mais ne renfermerait pas de
tanins condensés. On note la présence de triterpènes. Un extrait glycériné pourrait
cicatriser les aphtes et ulcérations buccales mineures (essai sans placebo).

• BENOÎTE
Geum urbanum L. Le rhizome de cette espèce très commune pourrait renfermer
plus de 25 % de tanins (tanins galliques); il contient aussi 3 ml/kg d'huile essentielle (à
eugénol majoritaire) et un arabinosido-glucoside d'eugénol.

• FRAISIER
Fragaria vesca L., rhizome séché (Ph. fse, 10c éd.). Le rhizome contient au mini-
mum 8 % de tanins. Le rhizome du fraisier contient des tanins condensés. Les feuilles
du fraisier des bois contiennent également des tanins hydrolysables (pédunculagine,
agrimoniine) et des flavonoïdes. Elles jouissent d'une réputation de panacée, à ce jour
non justifiée .

• ROSIER
Rosa gal/ica L. (rose rouge) et Rosa centifolia L. (rose pâle, rose cent-feuilles),
pétales et boutons floraux séchés cueillis avant l'épanouissement des fleurs (et, dans
le cas de la rose rouge, débarassés du calice et des étamines) (Ph. fse, 10' éd.). Les
pétales de rose rouge furent longtemps employés pour la confection du Miel Rosat (=
Illellite de rose rouge). Les pétales de rose servent à l'obtention de l'eau distillée de rose.
('ctte eau distillée a une teneur en phényléthanol, déterminée par CPG, comprise entre
0,03 et 0,1 % (Ph. fse, 10' éd.). Éventuellement additionnée d'agents antimicrobiens,
l' cau distillée de rose est utilisée pour ses propriétés astringentes légères (lotions;
collutoires, gargarismes; collyres).
470 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

• RONCIER
Roncier ou ronce, Rubus sp., feuille composée ou foliole (Ph. fse,10' éd.). La feuille
- feuille composée pennatiséquée dont les nervures principales portent des épines -
contient au minimum 5 % de tanins. Ceux-ci sont notamment représentés par des
ellagitanins dimères. La feuille renferme également des acides organiques, des
flavonoïdes et des triterpènes. Au début du siècle, on utilisait aux États-Unis
d'Amérique la décoction de l'écorce des parties souterraines comme antidiarrhéique. En
Allemagne, les feuilles de roncier fermentées entrent dans la composition d'un
succédané ménager du thé (Frühstücketee, Deutscher Haustee). Les fruits, comme ceux
du framboisier (R. idaeus L., à feuilles blanches à la face inférieure), sont comestibles et
peuvent être utilisés pour l'aromatisation.
À propos du framboisier, on note que sa feuille est parée, par les traditions
populaires, de nombreuses vertus: susceptible de préparer à l'accouchement, sédatif des
règles douloureuses, antidiabétique, « purificateur» du sang, etc. Dans les années 1950,
l'étude de son activité sur organe isolé (fragments utérins compris) ne s'est pas révélée S
'J
très concluante et l'on remarque que la Commission E allemande précise qu'aucune de
ces actions n'ayant été démontrée, l'usage thérapeutique de la feuille ne peut être
préconisé. Cette feuille demeure, çà et là, utilisée comme la feuille du roncier, c'est-à-
dire dans le traitement des diarrhées.

• SANGUISORBE, Sanguisorba officinalis L.


La racine de sanguisorbe est l'organe souterrain, débarrassé des radicelles, entier
ou fragmenté, séché. Il renferme au minimum 5 % de tanins, exprimés en pyrogallol.
(Ph. eur., 6' éd. - 6.1, [04/2008:2385]).
Le rhizome ramifié, épais et court de cette plante porte des racines adventives à
surface brun-rouge ou brun-noir, striée, parfois fissurée.
La racine, riche en tanins inhibiteurs enzymatiques (pentagalloyl-glucose,
tellimagrandine-II), renferme des triterpènes principalement dérivés d'un acide .
ursolique dihydroxylé (ziyuglycosides). L'extrait aqueux de sanguisorbe inhibe les
réactions allergiques immédiates par différents mécanismes et, in vitro, certains
triterpènes bloquent la production du TNF-alpha. Le ziyuglycoside-I pourrait avoir des,
applications cosmétiques (antirides).

• TORMENTILLE, Potentilla erecta (L.) Rausch. = P. tormentilla Stokes.


Le rhizome de tormentille est le rhizome séché, entier ou fragmenté, dépourvu de .
racines de P. erecta. Il renferme au moins 7 % de tanins (Ph. eur., 6" éd., [01(
2008:1478]) et sert à préparer la teinture de tormentille. Celle-ci renferme au moins i
1,5 % de tanins, exprimés en pyrogallol (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:1895]).
Le rhizome de cette petite plante forme souvent des sortes de tubercules noueux\:
tortueux. Très dur, brun à brun-rouge, rugueux, il porte des restes de racines couverte~
de cicatrices de tiges blanchâtres. !.

Le rhizome renferme des tanins condensés (oligomères comprenant 2 à 6 unités) et'


hydrolysables (pédunculagine, agrimoniine, laevigatines B et F), des acides-phénolst
des flavonoïdes, des triterpènes glucosylés. Les extraits de rhizome, antioxydantsf
passent pour améliorer le « syndrome du côlon irritable ». Un petit essai cliniqu
TANINS 471

préliminaire sans placebo a montré un effet favorable possible sur la colite ulcéreuse
Uusqu'à 3 g/j d'extrait).

Autres espèces

• BISTORTE, Persicaria bistorta (L.) Samp. = Polygonum bistorta L., Polygonaceae


Le rhizome de bistorte est le rhizome entier ou fragmenté, séché; il contient au
moins 3 % de tanins (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:2384]). L'extrait hydro-alcoolique est
anti-inflammatoire per os à forte dose (Rat, œdème aux carraghénanes). Pour la
médecine chinoise, la bistorte est un antidiarrhéique (quanshen).

• HERBE À ROBERT, Geranium robertianum L., Geraniaceae


Comme d'autres espèces indigènes (G. sanguineum L.) ou nord-américaines (G.
maculatum Bieb., alun-root) , cette espèce est réputée riche en tanins (les parties
aériennes fleuries [Ph. fse,10 c éd.] en contiennent un minimum de 10 % ) .

• NOISETIER, Corylus avellana L., Betulaceae-Coryloideae (Corylaceae)


Également dénommé coudrier, cet arbuste indigène est surtout intéressant pour le
caractère oléagineux et alimentaire de ses graines qui fournissent une huile de
composition analogue à celle de l'huile d'amande. La composition de la feuille (Ph. fse,
.oc éd.) est mal connue: on sait toutefois qu'elle renferme des proanthocyanidols et un
Ilavonoïde, rhamnoside du myricétol, la myricitrine (ou myricitroside). La feuille
contient au minimum 2 % de tanins.

• SALICAIRE, Lythrum salicaria L. (Lythraceae)


La salicaire est constituée par la sommité fleurie séchée, entière ou coupée, de L.
salicaria. Elle contient au minimum 5 % de tanins, exprimés en pyrogallol (Ph. eur., 6 c
éd., [01/2008:1537]).
Les tiges de cette plante commune dans les lieux humides, rigides, ridées et
quadrangulaires, portent des feuilles opposées décussées, sessiles, lancéolées,
cordiformes à la base (parfois alternes au niveau de l'épi terminal de fleurs). Les fleurs
possèdent 6 sépales dentés, 6 pétales rose violacé élargis au sommet, 2 x 6 étamines. Le
fruit est une petite capsule incluse dans le calice persistant.
La salicaire renferme des anthocyanosides (dans les fleurs), des triterpènes, des C-
glucosides de flavones (orientine, vitexine et leurs isomères), des acides-phénols et des
tanins (vescalagine, pédunculagine).

IImplois de ces plantes


En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet qu'il est
possible de revendiquer,'pour ces différentes plantes (à l'exception de la sanguisorbe),
des indications thérapeutiques que, pour simplifier, on présentera ci-dessous sous forme
synthétique:
f 1 - traditionnellement utilisé dans les manifestations subjectives de l'insuffisance
1 veineuse telles que jambes lourdes; dans la symptomatologie hémorroïdaire (voie orale

l
472 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

et usage local) : sommité fleurie d'aigremoine, parties aériennes d'alchémille, rhizome


de benoîte, organes souterrains de bistorte, feuille de noisetier, feuille de ronce,
sommité fleurie de salicaire, organes souterrains de tormentille;
2 - traditionnellement utilisé dans le traitement symptomatique des diarrhées
légères (voie orale) : sommité fleurie d'aigremoine, parties aériennes d'alchémille,
rhizome de benoîte, organes souterrains de bistorte, racine et rhizome de fraisier, herbe-
à-Robert (plante entière), feuille de noisetier, feuille de ronce, bouton floral et pétale de
rosier, sommité fleurie de salicaire, organes souterrains de tormentille. Dans cette
indication et pour toutes ces espèces, le libellé destiné au public doit comporter une
mise en garde quant au risque de déshydratation auquel expose toute diarrhée
importante, surtout chez le nourrisson et l'enfant de moins de 30 mois. Il précise qu'une
telle diarrhée nécessite une consultation médicale urgente;
3 - traditionnellement utilisé par voie locale (collutoire, pastille), comme antalgique
dans les affections de la cavité buccale et/ou du pharynx: organes souterrains de bistorte,
feuille de noisetier, feuille de ronce, sommité fleurie de salicaire;
4 - traditionnellement utilisé par voie locale en bains de bouche pour l'hygiène
buccale: sommité fleurie d'aigremoine, parties aériennes d'alchémille, rhizome de
benoîte, organes souterrains de bistorte, racine et rhizome de fraisier, herbe-à-Robert i
(plante entière), bouton floral et pétale rosier;
5 - les pétales et boutons floraux de rose peuvent aussi être traditionnellement
utilisés en usage local comme traitement d'appoint adoucissant et antiprurigineux des
affections dermatologiques, comme trophique protecteur dans le traitement des
crevasses, écorchures, gerçures et contre les piqûres d'insectes.
Dans tous les cas (sauf dans celui du rosier), si le phytomédicament à base de la
plante ou partie de plante est une poudre, le dossier « abrégé» d'AMM doit comporter'
une étude toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour la plante (ou partie
de plante) pour tisane, l'extrait aqueux, les teintures et les extraits hydro-alcooliques, ;
quel que soit leur titre.

En Allemagne, benoîte, bistorte, racine et rhizome de fraisier, herbe-à-Robert, ,


noisetier, salicaire et sanguisorbe ne font pas l'objet d'une monographie de la'
Commission E du BfArM.
En ce qui concerne lafeuille de fraisier, la Commission a estimé que l'efficacité
dans les indications revendiquées n'étaient pas sufisamment documentées et qu'elle no
pouvait pas en recommander l'usage dans un but thérapeutique. Le fraisier peut·
toutefois être utilisé dans les mélanges. De fait, la feuille doit être considérée comme un
additif alimentaire !.
Toutes les autres espèces font l'objet d'une monographie de la Commission E du
~~: ~
1 - la fleur de rose est utilisée par voie locale pour le traitement des inflammationS
légères des muqueuses buccale et pharyngée. Posologie: de 1 à 2 g pour 200 ml d'ea •
(infusion pour bain de bouche);
2 - l'aigremoine, la tormentille et la ronce sont utilisées par voie interne en cas d '.
diarrhée modérée non spécifique, aiguë et d'inflammation des muqueuses buccale 0
pharyngée. Posologie: aigremoine, 3 g par jour; ronce, 4,5 g par jour; tormentille, de
TANINS 473

à 6 g par jour; teinture de tormentille, de 10 à 20 gouttes pour un verre d'eau pour le


rinçage de la bouche. Si la diarrhée persiste plus de 3 ou 4 jours, consulter un médecin.
Par voie externe, l'aigremoine est utilisée en cas d'inflammation modérée, superficielle
de la peau;
3 - l'alchémille est utilisée en cas de diarrhée légère non spécifique. Posologie: de
5 à 10 g par jour.

9. PLANTES À OLiGOMÈRES PROANTHOCYANIDOLIQUES

.AUBÉPINE, Crataegus monogyna Jacq.,


C.laevigata (Poiret) De. et autres espèces, Rosaceae

La baie d'aubépine et la feuille et fleur d'aubépine font chacune l'objet d'une


monographie à la 6' édition de la Pharmacopée européenne. Baies, feuilles et fleurs sont
fournies par Crataegus monogyna Jacq. (Lindm.), ou par C. laevigata (Poiret) D.C. (=
C. oxyacanthoides Thuill.), ou bien encore par leurs hybrides. Dans le cas de la« feuille
et fleur », la Pharmacopée admet qu'elle puisse « plus rarement» provenir « d'autres
espèces européennes de Crataegus comme C. pentagyna Wald st. & Kit. ex Willd.,
C. nigra Waldst. & Kit., C. azarolus L. ».
La baie est le le pseudo-fruit séché. Elle contient au minimum 1% de procyanidines
exprimés en chlorure de cyanidine (Ph. eur., 6' éd., [01/2008: 1220]).
La feuille et fleur sont les rameaux florifères séchés, entiers ou coupés. Elle
contient au minimum 1,5 % de flavonoïdes, exprimés en hypéroside (Ph. eur., 6' éd.,
101/2008:1432]). La feuille et fleur d'aubépine sert à préparer:
- l'extrait fluide quantifié d'aubépine qui contient au minimum 0,8 % et au
maximum 3 % de flavonoïdes, exprimés en hypéroside (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:
1864]) ;
- l'extrait sec d'aubépine qui contient au minimum 2,5 % (extraits aqueux) ou au
minimum 6 % (extraits hydro-alcooliques) de flavonoïdes, exprimés en hypéroside (Ph.
eur., 6' éd. - 6.4, [04/2009:1865]).

La plante: feuille, fleur et « baie ». Les aubépines sont des arbustes épineux
communs dans presque toutes les zones tempérées de l'hémisphère nord.
Lesfeuilles d'un vert foncé à vert-brun à la face supérieure ont 3, 5 ou 7 lobes obtus
peu profonds (c'est-à-dire pennatilobées ou pennatifides : C.laevigata) ou 3 ou 5 lobes
lIigus plus profonds et écartés (c'est-à-dire pennatiséquées : C. monogyna). Les feuilles
de C. azarolus et de C. nigra sont fortement pubescentes alors que celles des autres
l~spèces sont glabres ou agrémentées de quelques poils isolés.

Les fleurs, groupées en corymbes rameux, ont 5 sépales triangulaires réfléchis, 5


p~tales blanc-jaune à brunâtre, un androcée à nombreuses étamines insérées sur le bord
d'un réceptacle brun-vert l-carpellé (C. monogyna) , 2-3-carpellé (C.laevigata), (1) 2-3
l'lIrpellé (C. azarolus) , (4)-5 carpellé (C. pentagyna).
474 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

Le pseudo-fruit de C. monogyna est obové (6-10 x 4-8 mm). Brun-rouge à rouge


sombre, il est couronné par les restes des 5 sépales réfléchis et les restes du style. Il
renferme une seule graine, lisse et luisante, insérée dans un fruit brun-jaune à paroi
épaisse. Le pseudo-fruit de C.laevigata, plus allongé - il peut atteindre 13 mm -,
contient 2 à 3 drupes et est généralement surmonté par les restes des deux styles.

Lafeuille et fleur, examinée au microscope (hydrate de chloral) présente des poils


tecteurs l-cellulaires à paroi épaisse et lumen large, ponctués à la base, des fragments
d'épiderme avec de grands stomates anomocytiques entourés de 4-7 cellules annexes,
de nombreuses macles d'oxalate de calcium associées à des nervures contenant des
groupes de petits cristaux prismatiques,des cellules fortement papilleuses provenant des
pétales, des grains de pollen 3-porés, etc. Lafeuille etfleur ne doit pas contenir plus de
8 % de rameaux lignifiés de diamètre supérieur à 2,5 mm et plus de 2 % d'autres
éléments étrangers. La teneur en flavonoïdes est déterminée par spectrophotométrie
après extraction par l'alcool à 60 %.
La poudre de baie présente, entre autres, de longs poils tecteurs flexueux, 1-
cellulaires, terminés en pointe et à paroi lisse et épaissie. La baie ne contient pas plus de
2 % d'éléments étrangers et la teneur en pseudo-fruits altérés est inférieure à 5 %. Elle
ne doit pas contenir de pseudo-fruits contenant plus de 3 drupes (c'est-à-dire provenant
de C. nigra, C. pentagyna, C. azarolus). Les procyanidols sont dosés par mesure de
l'absorbance après extraction (éthanol à 70 %), dépolymérisation (HCI) et extraction
des anthocyanidols formées (butanol).

Composition chimique. À côté d'acides triterpéniques pentacycliques, les rameaux


fleuris renferment des amines aromatiques, une trace d'huile essentielle, des acides-
phénols, des flavonoïdes (1-2 % dans la feuille et fleur, beaucoup moins dans les fruits)
et des proanthocyanidols (2-3 % dans la feuille et fleur).
Feuilles et fleurs renferment de l'hypéroside, galactoside en 3 du quercétol. Celui-ci:
est accompagné, entre autres, de rutoside. On remarque aussi la présence de mono-C-
hétérosides de flavones : vitexine, orientine, isovitexine et, surtout, celle de leurs
dérivés 2"-O-rhamnosylés (ex.: 2"-O-rhamnosylvitexine et son dérivé acétylé en 4"', la;
4"'-acétyl-2"-O-rhamnosylvitexine). Les proportions relatives de ces différents'
flavonoïdes pourraient constituer de bons marqueurs taxonomiques pour différencier:
les feuilles et fleurs des principales espèces admises par la Pharmacopée européenne.
La composition de la fraction proanthocyanidolique des feuilles et fleurs est.,
caractéristique: procyanidols dimères B-2 [épicatéchol-(4~ -> 8)-épicatéchol], B-4'
catéchol-(4~ -> 8)-épicatéchol et B-5 [épicatéchol-(4~ -> 6)-épicatéchol]; procyanidol
trimère C-1 [épicatéchol-(4~ -> 8)-épicatéchol (4~ -> 8) épicatéchol] et autres trimèresj,
[épicatéchol-(4~ -> 6)-épicatéchol (4~ -> 8)-épicatéchol], [épicatéchol-(4~ -> 8)'!'
épicatéchol (4~ -> 6) épicatéchol]; tétramère (D-l); pentamère de cinq unités de H.
épicatécholliées (4~ -> 8); et fraction hexamérique. Le (-)-épicatéchol est lui-même'·
présent en quantité notable. .
De fait, la composition en oligomères des fleurs, des feuilles et des fruits est
identique: seule varie la quantité totale: 1,6 % dans les feuilles, 1,2 % dans les fleurI'
0,2 % dans les fruits (échantillon de C. laevigata, chromatographie liquidei
TANINS 475

majoritaires : tétramère D-l, trimère C-l , pentamère et dimère B-2). D'autres auteurs
décrivent soit des concentrations du même type, mais plus faibles en trimère C-l, soit
des teneurs en dimère B-2 qui dépassent 1 % (densitométrie). De fait, il y a des
variations en fonction du temps (fleur en bouton ou épanouie), et sans doute aussi
d'autres facteurs.

Pharmacologie. L'aubépine est réputée active sur le myocarde et cette activité


pourrait résulter d'une synergie impliquant plusieurs composants, principalement les
oligomères procyanidoliques. Mais qu'en est-il de leur biodisponibilité? (voir p. 459).
Un préfractionnement par chromatographie d'exclusion couplé à une évaluation sur
des cardiomyocytes semble indiquer qu'il existerait, dans l'extrait, plusieurs
constituants cardioactifs. Les études expérimentales publiées mettent en évidence,
malgré des lacunes expérimentales parfois importantes, les effets positifs des extraits
d'aubépine sur la contractilité et le débit myocardique (aussi bien sur organe isolé que
sur animal entier) ainsi que son activité hypotensive et sa propension à diminuer les
résistances vasculaires périphériques. On a également montré ses potentialités anti-
arythmiques (prolongation de la période réfractaire). L'expérimentation sur organe
isolé montre que les extraits hydro-alcooliques et les procyanidols augmentent le débit
coronarien; il en est de même in vivo (per os et chez plusieurs espèces animales).
L'action impliquerait une inhibition de la phosphodiestérase de l'AMPc, mais cette
hypothèse est contestée.

Évaluation clinique. En 2008, une synthèse méthodique d'un groupe du réseau


Cochrane a retenu quatorze essais comparatifs randomisés évaluant une préparation de
« feuille et fleur» d'aubépine, en double insu, versus placebo chez 1 1 JO patients
souffrant d'insuffisance cardiaque congestive de grade l à III selon la NYHA 5 (patients
majoritairement au grade II). Le critère de jugement principal retenu était généralement
la charge de travail maximale au cours d'une épreuve d'effort. Les essais ont été
conduits avec des extraits standardisés commerciaux: WS1442Qll et LI 132Qll 6 chez des
patients âgés de 50 à 74 ans, traités pendant 13 à 16 semaines par des doses journalières
comprises entre 0,16 g à 1,8 g par jour. Dans dix essais sur quatorze, un autre traitement
était associé (diurétique, inhibiteur de l'enzyme de conversion de l'angiotensine). Une
méta-analyse a été possible sur dix esssais, incluant 855 patients. Chez ces patients,
l'extrait d'aubépine a, de façon statistiquement significative, augmenté d'environ 9 %

5. La classification fonctionnelle de la NYHA définit quatre stades. Stade 1 : pas de limitation de


l'uctivité physique; stade 2: légère limitation de l'activité physique, sans gêne au repos; stade 3 :
limitation marquée de l'activité physique, sans gêne au repos; stade 4: gêne au moindre eff0l1 ou au
repos. Cette classification est toujours utilisée, mais les définitions actuelles tiennent compte aussi des
l'xumens complémentaires et de l'évolution sous traitement. Cf: Prescrire Rédaction (2000). Les
délïnitions cliniques de l'insuffisa~ce cardiaque, Rev. Prescrire, 20, 771.

6. Ces deux extraits sont différents. Le WS 1442 est obtenu par extraction à l'éthanol aqueux
()5/45) et est titré à 18,75 % d'oligomères procyanidoliques. Le LII32 est obtenu par extraction au
1Il(~(hanol aqueux (70/30) et est titré à 2,2 % de flavonoïdes. D'autres extraits sont disponibles, leur
composition est rarement précisée. L'extrait de fruits semble quant à lui augmenter la charge de travail,
Illuis être sans effet sur la symptomatologie.
476 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

par rapport au placebo la charge de travail maximale mesurée en watts sur bicyclette
ergométrique (n = 380 patients). Les autres résultats montrent que l'extrait d'aubépine
améliore les symptômes (dyspnée, fatigue, 239 patients), réduit le produit pression
systolique x rythme cardiaque (329 patients), et augmente la tolérance à l'effort.
Le nombre d'essais et de patients demeure limité, les critères de jugement ne sont
pas les mêmes dans tous les essais, et les durées courtes. Dans quatre essais, les
traitements associés ne sont pas précisés, ce qui induit une incertitude sur le rôle de
l'extrait d'aubépine. Les auteurs de cette synthèse méthodique ont néanmoins conclu
que l'extrait d'aubépine, en traitement d'appoint de l'insuffisance cardiaque chronique,
apporte un bénéfice en terme de symptômes et de fonctionnement cardiaque. c]
j
Parmi les autres essais non pris en compte par la synthèse, on note qu'un essai'
J
comparatif versus captopril n'a pas mis en évidence de différence d'effet sur la chargej
maximale de travail entre les groupes aubépine (900 mg/j) et captopril (37,5 mg/j). Le],
seul essai randomisé versus placebo évaluant l'effet de 900 mg/j d'extrait d'aubépine 1
sur la progression de l'insuffisance cardiaque, publié en 2008, n'a mis en évidence 1
aucune réduction de cette progression au bout de six mois (patients aux stades II et III, j
fraction d'éjection systolique moyenne 36 % ± 15). Les autres essais ont concerné des
mélanges, ou bien ont évalué l'effet sur d'autres paramètres (pression artérielle), ou
encore sont des essais non aveugles.
La publication des résultats d'un essai clinique européen (SPICE) d'une durée de
deux ans et portant sur plus de 2300 patients ayant une fraction d'éjection::; 35 % f
(échocardiographie) précisera peut-être un peu plus ce que l'on peut réellement attendre
de l'aubépine en thérapeutique: impact sur la fréquence des accidents cardiaques et des
hospitalisations consécutives à la progression de l'insuffisance cardiaque, incidence sur
la mortalité 6.

Toxicité, effets indésirables, interactions. Administrée au Rat à la dose de 3 g/kg


(voie orale), l'aubépine ne provoque aucun effet toxique. Il en est de même, chez le Rat
et le Chien en cas d'administration prolongée (0,3 g/kg/j d'extrait pendant 26 semaines. :
L'extrait n'est pas mutagène sur les test standards. Pour certains auteurs, la mutagéni.'
cité observée chez Salmonella typhimurium serait liée au quercétol. La cancérogénicité è
de l'aubépine n'a pas été évaluée, et ses effets sur la reproduction et le fœtus n'ont été
que très peu étudiés (Rat, Lapin).
Au cours des essais cliniques et d'études post-commercialisation, il n'a pas été noté'
d'effet indésirable sévère. Les effets éventuellement observés sont rares, mineurs et".
d'imputabilité pas toujours établie (troubles gastro-intestinaux, étourdissements, maux,.
de tête). Il n'a, semble-t-il, pas été signalé d'interaction médicamenteuse.
\.

l,
6. Cet essai était prévu pour prendre fin en 2002. Les premiers résultats n'ont été présentés qu'en,
mars 2007 au 56' congrès de l'American College ofCardiology. Ils montreraient un bénéfice en term.
de survie à six mois et dix-huit mois, mais pas de différence significative de mortalité au bout des deu.
ans de l'essai (d'après ABC [2007]. Trial shows hawthom extract may help extend life of heart failu~
patients, http://abc.herbalgram.org/site/PageServer?pagename=04_0S_Hawthom_SPICE, Consulté 1;
20-03-2008) .
TANINS 477

Emplois. En cas de troubles cardiaques, même mineurs, l'automédication est exclue.


En France, le seul usage reconnu officiellement concerne la « nervosité », notamment
celle qui se traduit par des « palpitations» cardiaques. La Note explicative de l'Agence
du médicament (1998) admet en effet qu'il est possible de revendiquer, pour la fleur et
la sommité fleurie d'aubépine, les indications thérapeutiques suivantes (voie orale) : 1°
traditionnellement utilisé dans les troubles de l'éréthisme cardiaque de l'adulte (cœur
sain) ; 2° dans le traitement symptomatique des états neurotoniques des adultes et des
enfants, notamment en cas de troubles mineurs du sommeil. L'information donnée au
public précise que l'aubépine est utilisée: « pour réduire la nervosité des adultes
notamment en cas de perception exagérée des battements cardiaques (palpitations)
après avoir écarté toute maladie cardiaque ». Si le phytomédicament à base
d'aupépine est une poudre de sommité fleurie, le dossier « abrégé» d'AMM doit
comporter une étude toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour la
sommité fleurie pour tisane, l'extrait aqueux, les teintures et les extraits hydro-
alcooliques, quel que soit leur titre.
L'aubépine (poudre, extraits, teinture, etc.) est utilisée seule, ou associée à d'autres
espèces: passiflore, valériane, etc.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
la feuille et fleur d'aubépine est utilisée en cas d'insuffisance cardiaque correspondant
au stade II de la NYHA (New York Heart Association). Posologie: de 160 à 900 mg
d'extrait eau-éthanol (55/45) ou eau-méthanol (30170), rapport plante/extrait de 4/1 à
7/1, correspondant à des doses de 30 à 168,7 mg de procyanidols (exprimés en
épicatéchol) ou de 3,5 à 19,8 mg de flavonoïdes (exprimés en hypéroside), en deux ou
trois prises, pendant au moins six semaines. La monographie précise qu'un médecin
doit être consulté si les symptômes demeurent inchangés après six semaines ou si un
œdème des jambes apparaît. Un diagnostic médical est absolument nécessaire en cas de
douleur dans la région du cœur irradiant vers le bras, le cou, l'épigastre, ou en cas de
dyspnée.
La même Commission E du BfArM a estimé que les propriétés attribuées à la feuille
(seule) à la fleur (seule) ou au fruit (seul) ne sont pas démontrées et qu'elle ne pouvait
pas en recommander l'usage dans un but thérapeutique (de fait, cette position s'appuie
sur l'absence d'essais cliniques pour ces différents organes, contrairement aux extraits
commerciaux de fleurs et feuilles ...) .

• CANNEBERGE À GROS FRUITS (CRANBERRY),


Vaccinium macrocarpon L., Ericaceae

Cette espèce septentrionale de Vaccinium est un arbrisseau proche de la myrtille qui


croît spontanément dans l'est de l'Amérique du Nord, des Carolines au Canada. Elle est
largement cultivée (États-Unis d'Amérique, Canada) pour la production de fruits.
('eux-ci, de petites baies rouge foncé, acidulées et astringentes, sont consommés en
nature (frais ou congelés) ainsi que sous forme de jus (pur et cocktail édulcoré au sirop
dc maïs), de sauce, de poudres, de concentrés, de boissons.
478 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

Composition chimique. Le fruit frais, peu calorique, est très riche en acides
(citrique, quinique, benzoïque, etc.); il renferme également des anthocyanosides (3-0-
galactosides et 3-0-arabinosides du cyanidol et du péonidol), du catéchol et des
flavonoïdes. Les composés caractéristiques sont des proanthocyanidols dimères (A-2,
B-2) et, surtout, trimères de l'épicatéchol à liaison interflavanique de type A.

Pharmacologie. L'effet bénéfique - bactériostatique - du jus de fruit dans le


traitement des infections urinaires, confirmé par un usage très ancien, a d'abord été
attribué à l'acidification des urines par les acides du fruit et leurs métabolites. En fait,
l'effet est lié à une inhibition de l'adhérence des bactéries sur les épithéliums, phase
indispensable au développement de la pathogénicité. Cela a été démontré dans le cas de
l'adhésion de E. coli sur des cellules uroépithéliales aussi bien avec le jus de fruit
qu'avec l'urine de souris ou d'humains ayant consommé ces fruits. Cette inhibition est la
conséquence d'une interaction entre les oligomères proanthocyanidoliques du fruit et
les adhésines bactériennes produites par des structures spécifiques présentes à la surface
des phénotypes uropathogènes d'E. coli. À long terme, on observe une transformation
des structures d'adhésion. Le concentré de jus est également antibactérien sur plusieurs
germes (in vitro). Comme pour tous les autres oligomères proanthocyanidoliques, la
question de leur biodisponiblité se pose.

Évaluation clinique. Les cranberries ont fait l'objet de plusieurs essais cliniques
comparatifs randomisés. Deux essais comparatifs menés chez 150 femmes jeunes et
148 âgées de 21 à 72 ans ayant déjà au moins un antécédent d'infection urinaire ont
évalué, pendant un an, un jus à base de concentré de cranberries (7,5 g), versus
suspension de Lactobacillus ou absence de traitement (50 ml/j) ou, en double aveugle,
un concentré d'extrait + jus de fruits placebo versus concentré placebo + jus de fruits de
cranberry versus double placebo. La méta-analyse des deux essais montre que
l'incidence des infections urinaires à douze mois a été moindre dans les groupes
cranberries que dans les groupes placebo (RR =0,62 [IC95 , 0,40-0,97]). Cette efficacité
pour diminuer l'indidence des récidives sur une année a été récemment confirmée par
une actualisation, plus large, de la méta-analyse (2008, RR =0.65, [IC95 , 0,46-0,90]). )
Deux essais ont été conduits chez des personnes âgées (moyenne = 81 ans). Le plus ,1
récent, et le plus rigoureux (randomisé en double aveugle, analyse en intention de .1
traiter), n'a pas établi de corrélation statistiquement significative entre la consommation ~
régulière de jus (300 ml/j pendant six mois) et la fréquence des infections urinaires il
(critère principal). La faible fréquence observée des infections urinaires (7 dans le ,\
groupe cranberry, 14 dans le groupe placebo) peut expliquer que la significativité ne'
soit pas atteinte. L'incidence des infections symptomatiques à E. coli (critère
secondaire) a, elle, été plus faible dans le groupe cranberry (4 versus 13, p = 0,027).
Dans tous les essais, on observe un fort pourcentage de sorties d'essai (jusqu'à,
31 %), sans doute dues à l'acidité du jus. Des essais complémentaires (en cours),~
devraient préciser l'intérêt des fruits de canneberge par rapport aux antibactériens et:.
apporter des informations sur les posologies et les durées de traitement optimales. Les:
essais conduits chez des patients cathétérisés en raison de problèmes de vidange vésicalo
d'origine neurogène n'ont pas établi l'intérêt du cranberry dans ce cas particulier;
TANINS 479

Toxicité, effets indésirables, interactions. Les fruits sont consommés depuis


longtemps et le jus n'est pas toxique dans les conditions habituelles d'utilisation. Une
certaine prudence s'impose peut-être chez les sujets souffrant de lithiase rénale
souhaitant utiliser des concentrés.
Les essais cliniques n'ont, à ce jour, mis en lumière aucun effet indésirable majeur.
Une interaction avec la warfarine est suspectée d'être à l'origine d'accidents hémor-
ragiques. Toutefois, un essai chez sept patients sous warfarine n'a pas montré de
changement significatif de l'INR sous l'influence du jus de cranberry (250 ml/j). Il n'a
pas été non plus établi que ce jus interfère avec le cytochrome impliqué dans le
métabolisme de la warfarine. Dans l'attente de données complémentaires, divers
auteurs incitent à la vigilance en cas de traitement anticoagulant associé.

Emplois. Les baies de la canneberge à gros fruits ne figurent pas à l'annexe 1 de la


Note explicative de l'Agence du médicament (1998). Elles ne font pas non plus l'objet,
en Allemagne, d'une monographie de la Commission E du BfArM.
En France, des firmes commercialisent des compléments alimentaires à base de jus
de fruits. Elles peuvent revendiquer, pour leurs produits, l'allégation: « contribue à
diminuer la fixation de certaines bactéries Escherichia coli sur les parois des voies
urinaires. » L'effet a été considéré comme lié à la consommation quotidienne de 36 mg
de proanthocyanidines (PAC) apportés par ces produits, quantité nécessaire pour faire
référence à cette allégation (à savoir: jus concentré de canneberge, poudre de jus
concentré atomisé (90% de la matière sèche), cocktail/nectar de jus de canneberge à
25 % de jus et 13 % de sucres ajoutés, canneberges fraîches /congelées et purée de
canneberge, mais pas les canneberges séchées sucrées).

Autres espèces sources de proanthocyanidols dimères et/ou oligomères .

• VIGNE, Vitis vinifera L., Vitaceae

La vigne est utilisée par la phytothérapie (feuille de vigne rouge, voir p. 435) et par
l'industrie pharmaceutique, qui prépare un extrait purifié standardisé en oligomères pro-
cyanidoliques à partir des graines (pépins) de raisin. Ceux-ci constituent également une
source d'huile.
Expérimentalement, les procyanidols des pépins de raisin sont angioprotecteurs sur
plusieurs modèles mettant en œuvre une altération de la perméabilité capillaire.
Inhibiteurs in vitro de la collagénase, de l'élastase, de la hyaluronidase, de la xanthine-
oydase, de l'enzyme de conversion de l'angiotensine et piégeurs de radicaux, ils
préserveraient le collagène et l'élastine de la dégradation. L'évaluation clinique,
ancienne, tend à montrer une certaine capacité de ces proanthocyanidols (150-300 mg/j)
li atténuer les manifestations fonctionnelles de l'insuffisance veineuse, en particulier
l'œdème, mais la significativité statistique n'est pas atteinte dans un essai de qualité
méthodologique plutôt bonne.
En thérapeutique, les procyanidols des pépins de raisin sont utilisés pour
l'amélioration des symptômes en rapport avec l'insuffisance veinolymphatique (jambes
lourdes, douleurs, impatience du primo-decubitus).
480 COMPOSÉS PHÉNOLlQUES

Comme beaucoup d'autres piégeurs de radicaux, les proanthocyanidols des pépins


de raisin ont retenu l'attention des formulateurs de produits cosmétiques « dermo-
protecteurs» (en général en mélange). Les auteurs d'un essai clinique récent ont conclu
à l'inefficacité de l'extrait pour prévenir les modifications des tissus du sein qui peuvent
survenir après une radiothérapie .

• PIN, (Pinus spp.), Pinaceae

Si l'intérêt du pin est lié, entre autres, à la térébenthine (cf. plantes à oléorésines),
son écorce est aussi une bonne matière première pour l'obtention d'oligomères
proanthocyanidoliques (comme d'ailleurs beaucoup d'autres Conifères dont les écorces
peuvent renfermer jusqu'à 5 % de procyanidols dimères B-I-B-4).

Composition chimique. L'extrait aqueux standardisé d'écorce de pin maritime


(Pycnogenol®) renferme des acides-phénols, de la taxifoline, des flavanols (catéchol,
épicatéchol) et des oligomères proanthocyanidoliques. Expérimentalement, c'est un
antioxydant, un protecteur capillaire dont l'action serait en partie due à l'interaction
avec les protéines riches en proline de la paroi vasculaire. Les oligomères, inhibiteurs
des cyclo-oxygénases, diminueraint l'agrégabilité plaquettaire.

Évaluation clinique, emplois. De nombreux essais cliniques, souvent sans placebo


et/ou de méthodologie sommaire, ont tenté de démontrer des activités variées pour ces '
oligomères. Comme pour d'autres plantes ou extraits riches en flavonoïdes et/ou en
proanthocyanidols, un petit essai versus placebo, randomisé en double aveugle, a montré
que l'extrait d'écorce de pin (300 mg/j pendant 2 mois) améliore les symptômes
fonctionnels de l'insuffisance veineuse chronique (40 patients inclus). Cette activité (360
mg/j) serait supérieure à celle d'un extrait de graine de marronnier d'Inde (600 mg/j),
mais l'essai qui a constaté cette différence était sans insu et sans groupe placebo (voir,
p. 382, les remarques sur l'efficacité marginale des polyphénols dans cette indication).
Il n'y a pas de preuve solide de l'efficacité des oligomères proanthocyanidoliques
de l'écorce de pin dans le traitement de la rétinopathie diabétique (un seul essai versus
placebo, 20 patients). Rappelons ici que l'Afssaps a, en novembre 2006, énoncé qu'il
«n'y a pas d'efficacité démontrée des" protecteurs vasculaires" dans la prévention et
le traitement de la rétinopathie diabétique. » _
Les autres propriétés prêtées à cet extrait ne sont pas correctement évaluées: :
diminution des saignements gingivaux, effet bénéfique sur la migraine, traitement du -
melasma, troubles du déficit d'attention avec hyperactivité, amélioration du ;
dysfonctionnement érectile, diminution des douleurs menstruelles, effet hypo-.
glycémiant, effet anti-inflammatoire chez les patients atteint de lupus érythémateux,
atténuation des symptômes de l'asthme, etc.
L'écorce de pin maritime ne figure pas à l'annexe de la Note explicative de 1998 de-'
l'Agence du médicament. Elle ne fait pas non plus l'objet d'une monographie de la
Commission E du BfArM allemand. Elle n'est pas inscrite à la Pharmacopée \
européenne.
TANINS 481

• CYPRÈS, Cupressus sempervirens L., Cupressaceae

Le cyprès est un arbre à feuilles opposées décussées, triangulaires, étroitement


imbriquées et appliquées sur le rameau. Les différentes variétés de cette espèce
méditerranéenne sont largement utilisées à des fins ornementales. Ce sont les cônes
femelles (également appelés galbules) qui sont utilisés en phytothérapie. Ces derniers
sont formés d'écailles peltées et charnues qui se lignifient progressivement.
Chimiquement, les cônes renferment une huile essentielle (5 ml/kg, a-pinène, ~3_
carène, etc.), des dimères et des oligomères proanthocyanidoliques et des acides
diterpéniques, alors que les rameaux sont caractérisés par la présence de biflavones et
de 3-8 ml/kg d'huile essentielle à carbures mono-, sesqui- et diterpéniques.
L'expérimentation pharmacologique chez le Rat montre une activité angio-
protectrice des oligomères; ces molécules sont par ailleurs des inhibiteurs de l'enzyme
de conversion de l'angiotensine (Lapin, voie IV) et des inhibiteurs de l'élastase et de
l'activité trypsique (in vitro).

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour les cônes de cyprès, deux indications thérapeu-
liqlles par voie orale et par voie locale: traditionnellement utilisé dans les manifesta-
lions subjectives de l'insuffisance veineuse telles que jambes lourdes et dans la sympto-
Illatologie hémorroïdaire. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée pour la
constitution d'un dossier« abrégé» d'AMM (cônes pour tisane, extrait aqueux et
extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre). La poudre de cônes n'est pas utilisée
de façon traditionnelle.
Le cône de cyprès ne fait pas l'objet d'une monographie de la Commission E du
1~/'ArM allemand.

1 O. PLANTES À USAGES DIVERS

.CACHOU NOIR, CACHOU PÂLE

• Le cachou noir est un extrait aqueux du bois de cœur de Acacia catechu (L.f.)
Willd. (Mimosaceae), concentré par ébullition. Par refroidissement, des cristaux se
Néparent : c'est le katha ou kath qui contient plus de 55 % de catéchol ; la concentration
du surnageant conduit au cutch. Plusieurs milliers de tonnes de ces produits seraient
lIlilisés annuellement dans le sud-est asiatique pour le tannage des peaux, la protection
,b cordes, la teinture des tissus, etc. L'aire de distribution de l'espèce s'étend du sud de
l'ilimalaya (Pakistan, Inde) au Myanmar et à la Thaïlande. Le cachou contient une
jJ,olllme, des f1avonoïdes et des dérivés f1avaniques, monomères (catéchol et
~picatéchol, 10-12 %) et polymères de degré de condensation variable (25-30 %). Les
IIKII)!,CS du cachou sont restreints (confiserie).
• Le terme de cachou est également appliqué à l'extrait aqueux des feuilles et des
Il)!.es d'une Rubiaceae grimpante cultivée en Malaisie et en Indonésie, le gambir
(( II/mria gambir [Hunter] Roxb.). Cet extrait est connu sous le nom de cachou pâle ou
482 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

de cachou cubique. La distinction des deux cachous (noir et pâle) peut se faire sur un
extrait alcoolique alcalinisé par l'hydroxyde de sodium: le cachou pâle donne, après
réextraction du filtrat par de l'éther de pétrole, une fluorescence verte (cette
fluorescence intense est due à 0,05 % d'alcaloïdes indoliques, gambirtannine et
dérivés). Au Royaume-Uni, le cachou pâle est utilisé comme antidiarrhéique. Les États-
Unis d'Amérique et l'Union Européenne autorisent l'emploi de ce cachou pour
l'aromatisation .

• SOURCES INDUSTRIELLES DE TANINS

Elles sont nombreuses et, si l'utilisation en tannerie est devenue négligeable (au I,.~
moins dans les pays dits développés), d'autres usages sont apparus: revêtements j
protecteurs, adhésifs, plastiques, « vieillissement» des alcools, teintures, etc. Les]
chênes (Quercus spp.) et les châtaigniers (Castanea spp.) sont encore utilisés pour leurs
écorces. Les autres espèces ont une importance variable selon les pays concernés.
Certaines conservent un usage important: c'est par exemple le cas de Acacia mearnsii
De Willd. (Afrique du Sud, Brésil, Kenya, etc.) dont les plantations occupaient encore
350000 hectares dans le monde au début des années 1980; c'est aussi - semble-t-il -
le cas des Schinopsis de l'Amérique du Sud (Anacardiaceae) : S. balansae Engl., S.
haenkeana Engl., S. quebracho-colorado (Schldl.) F. Barkley & T. Meyer =S.lorentzii
(Griseb.) Engl. En Chine, 60 000 tonnes de bois de Myrica esculenta Buch.-Ham. ex D.
Don (Myricaceae) ont été utilisées en 1987 pour le tannage. En Inde, 100000 tonnes de
fruits de Terminalia chebula (Gaertner) Retz. (myrobalan noir, Combretaceae) ont été
produites en 1981.
D'autres plantes continuent d'être utilisées, mais ne semblent pas faire l'objet d'un
commerce international. Citons par exemple:
- des Rhizophoraceae du sud-est asiatique, de l'Indonésie, de la Malaisie ou des
Philippines (Bruguiera gymnorhiza [L.] Sav., Rhizophora mucronata Lam., Ceriops
decandra (Griffith) Ding Hou et autres espèces de ces genres caractéristiques des
mangroves;
- des Anacardiaceae d'Amérique du Nord comme les sumacs: Rhus hirta (L.)
Sudw., f. hirta et f. typhina (L.) Reveal, (= R. typhina, " velvet sumac ");
- des Caesalpiniaceae : divi-divi de l'Amérique tropicale (= cascalote = Caesalpinia
coriara [Jacq.] Willd.) dont les gousses renferment 40 à 45 % de tanins, C. digyna
Rotder, C. brevifolia Baillon, C. paraguariensis (Parodi) Burkart, etc.

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PO LYACÉTATES

GÉNÉRALITÉS BIOSYNTHÉTIQUES

L'acide acétique, sous sa forme activée d'acétyl-S-coenzyme A, occupe une position


centrale dans la biosynthèse des molécules complexes: une série de condensations de
Claisen entre unités dicarbonées aboutit à des chaînes polycétométhyléniques qui
conduisent, par réduction aux acides gras et, par cyc1isation, à une grande variété de
composés aromatiques. Une variante, caractérisée par une condensation aldolique
conduit, via l'acide 3-hydroxy-3-méthylglutarique et l'acide mévalonique, au vaste
ensemble des terpènes.

(a) +C 2 )

(
(b) réduction n
OH
1
CH 3 -C-CH 2 -C0 2 H
1

CH 2 -C0 2 H

TERPÈNES POLYACÉTATES ACIDES GRAS


COMPOSÉS AROMATIQUES

En fait, l'acétyl-S-CoA joue le rôle de starter et c'est le malonyl-S-CoA qui


s'additionne sur celui-ci: la décarboxylation concertée accompagne l'attaque du
l'arbonyle de l'acétyl-S-CoA, ce qui fait du malonyl un nuc1éophile plus efficace (voir:
Heilles gras). Cette addition des unités dicarbonées n'est pas, comme c'est le cas pour la
formation des acides gras et de leurs dérivés, précédée par une réduction de la fonction
l'arbonyle : il en résulte la formation d'un poly-~-cétothioester très réactif du fait de la
présence simultanée de centres nucléophiles (les méthylènes) et électrophiles (les
l'Hrbonyles). On pense habituellement, mais la nature des intermédiaires reste à
j
d(;lllontrer, que la chaîne du poly-~-cétothioester est stabilisée soit par des liaisons
1

l
488 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

hydrogène avec l'enzyme, soit par chélation de sa forme énolique partielle avec des
ions métalliques liés à l'enzyme. À ce stade, il peut y avoir une réduction partielle de
quelques groupes carbonyle ou une alkylation de certains d'entre eux.
La structure de ce poly-~-cétothioester, très réactive, est éminemment favorable à
des réactions intramoléculaires:
- condensation aldolique conduisant à des acides 2,4-dihydroxy-6-alkyl-
benzoïques (l'acide orsellinique et ses homologues) ;
- condensation de Claisen induisant la formation de l-acyl-2,4,6-trihydroxy-
benzène (phloracétophénone et ses homologues, les acylphloroglucinols);
- parfois, la cyclisation intramoléculaire se fait par lactonisation, d'où l'existence
de pyrones. Cette lactonisation peut s'accompagner d'une condensation aldolique, ce
qui aboutit à la formation de chromones, d'isocoumarines, etc.

o
«seOA
0
R H+ 0
o 0
:r~JH+
seoA

l o l

~
~R
R~O
x:JL
1ll
R 0
o 0 0 0 HO -:/ 0
OH
I~
O~O
1
0..

OH
o OH

HOXOH Exemples de cyclisa tians

y OH
d'un ~-polycétoester

La diversité structurale résulte directement du nombre d'unités acétate du


précurseur, du mode de cyclisation, de l'identité du starter 1 et des transformations;
secondaires éventuelles: oxydations, réductions, alkylations, réarrangements, .
ouvertures de cycles, osylation.

1. Ce n'est pas obligatoirement l'acétyl-S-CoA, voir, par exemple, le processus d'allongemen~


induit à partir du 4-coumaroyl-CoA dans le cas des flavonoïdes; voir aussi, dans le domaine des:
antibiotiques, la formation des tétracyclines à partir d'un starter azoté, le malonamido-SCoA ou, chez;
les végétaux supérieurs, l'utilisation par certaines Anacardiaceae d'acides gras insaturés comme starter'
pour la biosynthèse de leurs alcénylphénols. \1
POL Y ACÉTATES: GÉNÉRALITÉS 489

La formation de composés aromatiques à partir de poly-P-cétothioesters est


particulièrement fréquente chez les Bactéries, les Lichens, les Champignons: toxines et
antibiotiques sont souvent élaborés par un processus de ce type. Chez les végétaux
supérieurs, cette voie ne concerne qu'un nombre limité de composés: naphtoquinones,
anthraquinones, chromones, depsides. Il est par contre fréquent de rencontrer des
métabolites mixtes ne provenant que partiellement du métabolisme de l'acétate:
flavonoïdes, xanthones, stilbénoïdes, terpénophénols du Cannabis, certaines
anthraquinones et quelques alcaloïdes (ex. : tropanes, harmane, tétrahydroiso-
quinoléines des Cactaceae).

L'étude de la biosynthèse des « polyacétates » est dominée par l'utilisation massive


du marquage au lJC, isotope stable dont la présence est directement détectée, sans
dégradation préalable, par RMN. L'utilisation d'acétate doublement marqué, c'est-à-
dire de [1 ,2- lJ C]-acétate, permet en outre d'observer les couplages entre carbones lJC
a(Uacents et donc de repérer les unités incorporées intactes, les ruptures de liaison, les
migrations, etc. (cf. ouvrages et publications spécialisés).

CH 3-CO-CH 2-CO-CH 2-CO-CH 2 -CO-SCoA H~C


0 H+
0 0 SCoA HOXOH
j + H3 C-S( _

CH 3-CO-CH 2-CO-CH-CO-CH 2-CO- SCoA


1
_ _~.~ H3 C
0 ~ OH
CH 3

Formation de la méthylphloracétophénone ; sa dimérisation conduit à l'acide usnique (cf. généralités)

CH 3 (CH 2)s CH=CH (CH 2 h COSCoA CH 3 (CH 2 )s CH=CH (CH 2h - Q

HO OH

urushiol

o 1
CH, (CH,), CH~CH (CH"'\~o CH 3 (CH 2 )s CH=CH (CH2h-Q

H0 2 C OH
COSCoA
acide anacardique

Origine des alcénylphéno/s des Anacardiaceae: le starter est un acide gras


COMPOSÉS PHÉNOLIQUES
490

o HO

OH 0

o
HO

o
Ho~:l/
~I
~ 0 0
I~
-C-1
----=
OH 0 OH
stérigmatocystine

~ 0

o o

aflatoxine BI

Origine biosynthétique d'un polyacétate complexe: N.B. : les liaisons épaissies rer)ré~;enllenl[.
les unités acétates 'nrr\rn"rp," lflTHC""'L_
exemple de l'aflatoxine BI·
dans la structure (acétate UV 'W"" "'0 Il
(mycotoxine élaborée par Aspergillus sp., cf. arachide) marqué).

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Quinones

1. Introduction ..................................................................................................................492
2. Distribution des quinones ............................................................................................493
3. Biosynthèse ..................................................................................................................493
4. Propriétés, extraction, séparation, caractérisation .................................................... ..495
5. Propriétés biologiques et emplois des plantes à quinones .........................................495
6. Quinones et allergie .....................................................................................................496
7. Plantes à naphtoquinones ............................................................................................497
droséras ................................................................................................................497
noyer ....................................................................................................................499
henné .................................................................................................................. .501
8. Plantes à anthraquinones: hétérosides hydroxyanthracéniques laxatifs ...................502
A. Structure des anthracénosides ........................................................................502
B. Propriétés physico-chimiques, caractérisation ..............................................504
C. Propriétés pharmacologiques ........................................................................ .505
D. Évaluation clinique, toxicité, effets indésirables ..........................................506
D. Emploi des plantes à anthracénosides .......................................................... .507
E. Principales plantes à hétérosides hydroxyanthracéniques ............................511
sénés ................................................................................................ .511
bourdaine ......................................................................................... .513
cascara ............................................................................................. .515
aloès ................................................................................................. .518
rhubarbe ...........................................................................................521
rhubarbe des jardins, canéficier (522), nerprun ..............................523
9. Autres plantes: plantes à naphtodianthrones ............................................................. 523
millepertuis ....................................................................................... 523
10. Bibliographie .............................................................................................................529

l
492 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

1 . INTRODUCTION

Les quinones sont des composés oxygénés qui correspondent à l'oxydation de


dérivés aromatiques et qui sont caractérisés par un motif 1,4-dicétocyclohexa-2,5-
diénique (para-quinones) ou, éventuellement, par un motif 1,2-dicétocyclohexa-3,5-
diénique (ortho-quinones). Les quinones naturelles ont leur dione conjuguée aux
doubles liaisons d'un noyau benzénique (benzoquinones) ou à celles d'un système
aromatique polycyclique condensé: naphtalène (naphtoquinones), anthracène
(anthraquinones), 1,2-benzanthracène (anthracyclinones), naphtodianthrène (naphto-
dianthrones), pérylène, phénanthrène.
Les quinones étant issues de l'oxydation de phénols, on peut aussi s'attendre à
trouver le motif quinonique dans différentes classes de métabolites secondaires. C'est
ainsi que l'on connaît quelques flavonoïdes-quinones (oxydation du cycle B) et d'assez
nombreuses quinones à squelette terpénique. Dans ce dernier groupe, les mieux
connues sont les qui nones diterpéniques à squelette abiétane caractéristiques des
Lamiaceae. Plus rarement, le motif quinonique peut être associé à un hétérocycle azoté
(carbazolequinones) .

p-quinone o-quinone naphtoquinone anthraquinone

o
anthracyclinone naphtodianthrone miltionone
(abiétane-quinone)

Les benzoquinones et les naphtoquinones à longue chaîne polyisoprénique, c'est-à-


dire les lipoquinones ou bioquinones, ne seront pas traitées ici. En effet, les ubiquinones:
(quasiment universelles), les plastoquinones et tocophéryl-quinones (végétau~
supérieurs, algues) interviennent comme transporteurs d'électrons au niveau de lac
respiration cellulaire et de la photosynthèse et, de ce fait, ne peuvent pas être\
considérées comme des métabolites secondaires. Il en est de même pour les phyllo- e~
les ménaquinones (vitamines K).
QUINONES 493

2. DISTRIBUTION DES QUINONES

Plus de 1200 quinones étaient décrites à la fin des années 1990, principalement
dans le règne végétal: chez les Angiospermae, les Gymnospermae, les Champignons,
les Lichens et, très rarement, chez les Filicopsida. Elles ne sont pas exceptionnelles
dans le règne animal, en particulier chez les Échinodermes et les Arthropodes.
Les benzoquinones simples, caractéristiques des Arthropodes, sont assez rares chez
les végétaux supérieurs où elles semblent spécifiques d'un nombre limité de familles:
Myrsinaceae, Primulaceae, Boraginaceae. La 2,6-diméthoxy-1 ,4-benzoquinone, très
répandue, est sans doute un produit de dégradation de la lignine.
La distribution des naphtoquinones, limitée chez les Champignons, est sporadique
chez les Angiospermae. Là encore, elles sont le fait de genres appartenant à un nombre
assez restreint de familles: Bignoniaceae, Ebenaceae, Droseraceae, Juglandaceae,
Plumbaginaceae, Boraginaceae, Lythraceae, Proteaceae, Verbenaceae, etc.
Les anthraquinones ont une distribution assez large: Champignons, Lichens et,
dans une moindre mesure, Spermaphytes. Elles sont abondantes dans un petit groupe de
familles d'Angiospermae : Rubiaceae, Fabaceae, Polygonaceae, Rhamnaceae,
Asphodelaceae et autres chez lesquelles elles existent assez fréquemment à l'état
d'hétérosides.

3. BIOSYNTHÈSE

La biosynthèse des quinones est caractérisée par la diversité des voies métaboliques
qui permettent aux différents organismes vivants de les élaborer à partir d'un nombre
assez limité de précurseurs: acétate/malonate, mévalonate, phénylalanine.

Voie de l'acétate/malonate. Dans de très nombreux cas la structure même de la


quinone révèle qu'elle est issue de la cyclisation d'un pol Y ~-cétoester : c'est le cas du
chrysophanol et, plus généralement, des 1,8-dihydroxyanthraquinones; c'est aussi celui
de l'aloesaponarine l et des composés apparentés. Certaines naphtoquinones (par
exemple celles des Plumbaginaceae) ont une origine identique.
Voie des acides mévalonique et chorismique. Une autre voie - elle est d'ailleurs
la plus fréquente chez les végétaux supérieurs - est celle de l'acide o-succinyl
benzoïque (= OSB = acide 4-[2' -carboxyphényl]-4-oxobutanoïque). Cet acide provient
de la réaction de l'acide isochorismique et de l'acide a-céto-glutarique en présence de
pyrophosphate de thiamine. Il est ensuite acylé par le coenzyme A et cyclisé en acide
1,4-dihydroxy-2-naphtoïque (DHNA), précurseur immédiat des naphtoquinones. Dans
plusieurs cas (en particulier chez les Rubiaceae) on peut démontrer que cette voie
conduit également à des anthraquinones: isoprénylation en C-3 du DHNA par le
diméthylallyldiphosphate (DMAPP), cyclisation, aromatisation. Dans d'autres familles,
c'est le C-2 qui est préférentiellement alkylé par le DMAPP.
Voie de l'acide 4-hydroxybenzoïque. C'est par cette voie que sont élaborées, chez
les Boraginaceae, des naphtoquinones telles que la shikonine et son isomère,
l'alkannine. L'acide 4-hydroxybenzoïque, lui-même issu du métabolisme de la
494 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

aloesaponarine-1
voie 1
III

m
~CH3
o
chrysophanol

voie 2 ________ acide shikimique


H0 2 C y OH _______
COOH
O'. " l x
1 CH 2 CH 2 COOH CH 2 CH 2 COOH
~..-- ~
9- 0H
1
1
~ ~- + TPP C=O
1
TPP COOH
SHCHC acide isochorismique acide a-cétoglutarique .'

OH OH
~C02H
Vy ------
OH OH

osa OHNA
acide o-succinylbenzoïque acide 1,4-dihydroxy-2-naphtoïque
anthraquinones

voie 3

Q" _G_P_P__
OH

OH OH OH 0

R1 = H, R2 = OH:
R1 = OH, R2 =H:
Origine biosynthétique des quinones
QUINONES 495

phénylalanine, sert d'accepteur pour l'alkylation par une molécule de géranyl-


diphosphate (GPP).

4. PROPRIÉTÉS, EXTRACTION, SÉPARATION, CARACTÉRISATION

Les propriétés fondamentales des quinones sont leur facile interconversion en


hydroquinones (ce sont des agents d'oxydation doux) et leur tendance à l'addition de
nucléophiles.
Les quinones libres, pratiquement insolubles dans l'eau, sont extractibles par les
solvants organiques usuels et leur séparation passe par les techniques chromato-
graphiques habituelles. Benzoquinones et naphtoquinones sont entraînables par la
vapeur d'eau. Leur stabilité est assez bonne, mais la formation d'artefacts est toujours
possible, ex. : oxydation par la silice de la 7-méthyljuglone en méthylnaphtarizine et en
dimères, méthoxylation de naphtoquinones par le méthanol, etc.
L'extraction des hétérosides est réalisée par l'eau ou par des solutions hydro-
alcooliques de titre plutôt faible. L'obtention des formes réduites (quinols, anthrones)
est délicate: une température basse, l'absence de lumière et une atmosphère inerte
(azote) sont nécessaires pour éviter leur oxydation spontanée au cours de l'extraction.
Diverses réactions colorées permettent de mettre les qui nones en évidence. La
principale est la réaction de BORNTRAoER, réaction que l'on obtient en dissolvant les
quinones en milieu alcalin aqueux: la solution prend une teinte vive variant, selon la
structure et les substituants de la quinone, de l'orangé-rouge au violet-pourpre. Cette
réaction est également mise à profit pour la révélation des plaques de CCM. Dans le cas
particulier des 1,8-dihydroxyanthraquinones, on utilise très fréquemment la réaction
avec l'acétate de magnésium qui conduit à des colorations stables.
Le dosage des quinones est habituellement spectrophotométrique et fondé sur la
mise en œuvre de l'une des réactions colorées précédentes. Le contrôle des plantes
d'importance commerciale est maintenant effectué en chromatographie liquide (phases
inverses, conditions isocratiques, détection UV).

5. PROPRIÉTÉS BIOLOGIQUES, EMPLOIS DES PLANTES À QUINONES

Les benzoquinones naturelles stricto sensu ne donnent lieu à aucune application


thérapeutique. Il faut toutefois remarquer que la forme réduite de la l,4-benzoquinone
(c'est-à-dire l'hydroquinol) existe à l'état d'hétéroside et que celui-ci, l'arbutoside, est
doué d'un fort pouvoir antiseptique urinaire (cf plantes à phénols simples). L'hydro-
quinone (synthétique) a par ailleurs des applications dermatologiques et industrielles
(photographie).
Beaucoup de naphtoquinones sont antibactériennes et fongicides: leur présence
dans des bois tropicaux comme le teck permet de comprendre leur résistance aux
champignons, aux insectes et, d'une façon générale, aux organismes xylophages. Leur
Ilucléophilie explique la cytotoxicité de certaines d'entre elles. Des activités
IIlltiprotozoaires et antivirales ont été décrites et plusieurs molécules du groupe ont une

L
496 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

toxicité non négligeable. Aucune naphtoquinone naturelle n'est actuellement


commercialisée à des fins thérapeutiques et seul un nombre très restreint de plantes qui
en contiennent demeure utilisé pour l'obtention de formes galéniques (ex. : Drosera
spp.).
Les plantes à dérivés 1 ,8-dihydroxyanthracéniques sont douées de propriétés
laxatives et employées pour cette activité depuis plusieurs siècles (Cassia, Rhamnus),
voire plusieurs millénaires (Rheum). Elles continuent d'être largement utilisées malgré
des inconvénients non négligeables.
Pendant longtemps, certaines plantes à quinones ont été recherchées pour leurs
propriétés tinctoriales. C'était le cas de matières premières végétales à anthraquinones
comme la racine de garance (Rubia tinctorium L., Rubiaceae) ou à naphtoquinones
comme la racine d'orcanette (Alkanna tinctoria Tausch., Boraginaceae) : la première
fournit principalement de l'alizarine (génine de l'acide rubérythrique), la seconde de
l'alkannine. C'était aussi le cas de produits d'origine animale comme le kermès des
teinturiers fourni par Kermococus vermilio et utilisé pour colorer les étoffes. La
cochenille, colorant actuellement autorisé (EI20), est traditionnellement extraite des
femelles desséchées d'un Hémiptère d'Amérique Centrale, Dactylopius coccus Costa
(= Coccus cacti L.), qui contiennent environ 10 % d'une anthraquinone tétra-
hydroxylée, l'acide carminique.
La (R)-shikonine (isomère de la (S)-alkannine) présente chez une Boraginaceae
orientale (Lithospermum erythrorhizon Sieb. & Zucc.) peut, éventuellement, être
produite par culture de tissus. C'est un colorant utilisable en formulation cosmétique.

6. QUINONES ET ALLERGIE

Le pouvoir allergisant développé par de nombreuses quinones (benzo- et ;


naphtoquinones) est dû au fait qu'elles se comportent comme des haptènes : en se ;
combinant par leurs centres électrophiles avec les fonctions amine et thiol des l
macromolécules elles induisent des dermites par sensibilisation. L'un des cas les plus
connus est celui des variétés horticoles de primevères d'origine asiatique: primevère du
Tibet, Primula obconica Hance et autres (ex. : P. malacoides Franchet). Ces espèces.
peuvent provoquer, le plus souvent chez les jardiniers et les fleuristes, des réactions;
locales au niveau des paupières, des joues, du menton, du cou, des doigts, des mains et;
des avant-bras. Les zones touchées apparaissent érythémateuses et souvent œdématiées,
la formation de vésicules est fréquente. La molécule responsable de l'action allergisante
est une alkyl-benzoquinone, la primine ou 2-méthoxy-6-n-pentyl-p-benzoquinone. Des
cultivars dépourvus de primine sont maintenant en vente dans certains pays.
o
C",OV
0 R'
c R
.""
o
o o
primine désoxylapachol dalbergiones
QUINONES 497

Des problèmes de même nature sont rencontrés dans l'industrie des bois exotiques.
Les travailleurs exposés aux sciures sont susceptibles de développer conjonctivites et
réactions nasales. Erythèmes et dermites bulleuses sont également fréquents au niveau
du dos, des mains et des avant-bras, des paupières, de la face et du cou. Très
exceptionnellement, une allergie du même type peut être observée à la suite du contact
prolongé avec un instrument de musique. De nombreuses molécules sont incriminées:
- naphtoquinones comme le lapachol, le désoxylapachol et les composés voisins du
teck (Tectona grandis L., Verbenaceae), des Tabebuia et des Tecoma (lapacho, ipe,
Bignoniaceae) ou comme celles des plaqueminiers (ébènes de Macassar, d'Afrique, des
Célèbes, etc. qui sont des Diospyros spp., Ebenaceae);
- dalbergiones des palissandres d'Asie (Dalbergia latifolia Roxb.), d'Afrique (D.
melanoxylon Guillemin & Perrottet ) ou d'Amérique du Sud (D. nigra [Vell. Conc.]
Henth., D. retusa Hemsley [cocolobo]).

«r>- aY çy W
0 0 0 0
oH

~ 0
~ 1 1

0 0 OH 0 OH 0
lapachonone lawsone juglone plumbagone

7. PLANTES À NAPHTOQUINONES

Pigments jaunes ou orangés essentiellement végétaux, les naphtoquinones sont


caractéristiques de certaines familles d'Angiospermae : Ebenaceae, Droseraceae,
Bignoniaceae. Ce sont presque toujours des 1,4-naphtoquinones, très rarement des 1,2-
naphtoquinones. Les substituants les plus fréquents sont des hydroxyles et des
méthyles, en C-2 et/ou sur le noyau aromatique. La prénylation n'est pas rare et, chez
les Ebenaceae, les structures dimères ne sont pas exceptionnelles. L'intérêt
pharmaceutique de ce groupe est très limité .

• DROSÉRAS, Drosera rotundifolia L., D. intermedia Hayne,


D. anglica Huds. (= D.longifolia L.), Droseraceae

La plante. Les droséras qui figuraient dans les anciennes éditions de la Pharmacopée
française sont des espèces des marais tourbeux de l'Europe devenues très rares et
maintenant protégées en Europe continentale. D. rotundifolia est une petite plante (5 cm
de hauteur) qui possède une rosette de feuilles longuement pétiolées. Le limbe,
orbiculaire, est recouvert de longs poils rouges à tête globuleuse sécrétant un liquide
visqueux très réfringent (d'où l'appellation populaire d'herbe à la rosée ou de rossolis).
lJne ou deux tiges grêles, dépourvues de feuilles, portent une grappe de fleurs à pétales
hlancs. Les autres espèces européennes diffèrent principalement de la précédente par la
l'orme du limbe: lancéolé et atténué en pétiole chez D. anglica, obovale chez D.

b
Juglans regia L.
QUINONES 499

intermedia. C'est la plante entière qui est utilisée; elle est fréquemment remplacée par
des espèces africaines et malgaches (D. peltata Smith, D. madagascariensis DC.).
Les quinones peuvent être mises en évidence par la CCM d'une teinture. Pour le
dosage, il est possible de mettre à profit la propriété qu'ont les naphtoquinones d'être
entraînables par la vapeur d'eau: les qui nones entraînées dans le distillat sont extraites
par le chloroforme et l'on mesure l'absorbance de la solution organique. Un examen
microscopique attentif de la morphologie des poils sécréteurs semble constituer un outil
important pour cerner l'identité de la plante - spécialement pour identifier les droséras
non européens.

Composition chimique. Toutes les espèces du genre renferment des naphto-


quinones : plumbagone, 7-méthyl-juglone, drosérone (2-méthyl-3,5-dihydroxy-l ,4-
naphtoquinone), ramentone (2-méthyl-5 ,8-dihydroxy-l ,4-naptoquinone). La compo-
sition varie selon l'espèce et la teneur est généralement faible (0,2 % pour les espèces
disponibles). Les plantes fraîches peuvent renfermer des hétérosides de naphtoquinones
(glucoside de drosérone, rossoliside). Les droséras renferment également des
f1avonoïdes.

Propriétés et emplois. L'expérimentation animale montre que la teinture de droséra


est antispasmodique: prévention du bronchospasme acétylcholinique, diminution du
péristaltisme de l'intestin isolé de Cobaye.
La plumbagone présente des propriétés antibactériennes: à de faibles concentrations
(1/50000) elle est active, in vitro, aussi bien sur les cocci à Gram + (staphylocoques,
streptocoques, pneumocoques) que sur quelques Gram - (salmonelles). Elle est
également active sur certains champignons pathogènes et sur quelques protozoaires
parasites (leishmanies). À plus forte dose, la plumbagone est cytotoxique.
La forme habituelle d'utilisation du droséra est la teinture (1-3 g/j). On utilise
également des extraits. Teinture et extraits entrent dans la composition de spécialités
(notamment des sirops) proposées dans le traitement des toux spasmodiques.
En France, le droséra ne figure pas à l'annexe 1 de la Note explicative de l'Agence
du médicament (1998).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BjArM précise que
le droséra (D. rotundifolia L., D. ramantacea Burch. ex Harv. & Sound., D. longifolia
L. p. p. et D. intermedia Hayne et leurs préparations) est utilisé en cas de toux sèches.
Posologie: 3 g par jour (de plante) .

• NOYER, Juglans regia L., Juglandaceae

La feuille de noyer est constituée par lafoliole séchée; elle contient au minimum
2 % de f1avonoïdes totaux (Ph. fse, 10e éd.).

La plante, la feuille. Les noyers sont des arbres largement cultivés (Chine, États-
Unis d'Amérique, Iran, Turquie, Union euroéenne, etc.). En France, J. regia est surtout
planté en Périgord et en Dauphiné (36500 t de noix en 2006 [FAO, 2008]). Les feuilles,
500 COMPOSÉS rnJD1".JL1LJU

imparipennées, ont 5-9 folioles entières, ovales-lancéolées, acuminées, lécrp"pfY1P1nn


coriaces. La « feuille» commerciale est habituellement composée de folioles en
mondées et séparées du rachis (elle ne doit d'ailleurs pas contenir plus de 18 % de
et de jeunes tiges). Le fruit est une drupe à exocarpe vert noircissant par oxydation
maturité (le brou). L'endocarpe, dur, bivalvé, enveloppe deux cotylédons «
formes» et volumineux.

Composition. Le principal constituant identifié dans la feuille est la juglone ..


hydroxy-l,4-naphtoquinone) qui existe dans la plante fraîche (feuille, brou) sous formo;'
de glucoside du 1,4,5-trihydroxynaphtalène (2 % dans le brou, 0,6 % dans les '~U"""~"i'_
mais aussi sous forme libre, notamment dans la cire épicuticulaire. La juglone
accompagnée d'autres naphtoquinones (détectables en CPG) et de dérivés réduits.
teneur, forte dans les feuilles jeunes, est très faible dans les feuilles âgées ou sèches,':
Feuille et péricarpe sont riches en tanins ellagiques (ex. : pédunculagine, L"~.~U~~""b_
grandines, glansrines de la noix). La feuille renferme également une faible
d'huile essentielle, de l'acide ascorbique, des acides-phénols (acides caféyl- et
coumaroylquiniques), des flavonoïdes (hétérosides du quercétol). La juglone e
antibactérienne et fongicide. Phénols et tanins ellagiques sont antioxydants.

Emplois
a- feuille. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) aOInel:li.
qu'il est possible de revendiquer, pour lafeuille de noyer, les indications
suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé dans les manifestations subjectives
l'insuffisance veineuse telles que jambes lourdes, dans la symptomatolo
hémorroïdaire; dans le traitement symptomatique des diarrhées légères. En usage local
six indications sont autorisées: traditionnellement utilisé 1° dans les
subjectives de l'insuffisance veineuse telles que jambes lourdes; 2° dans
symptomatologie hémorroïdaire; 3° dans les démangeaisons et desquamations du
chevelu avec pellicules; 4° comme traitement d'appoint adoucissant et
des affections dermatologiques, comme trophique protecteur dans le traitement
crevasses, écorchures, gerçures et contre les piqûres d'insecte; 5° en cas d'er'l'tnf~ml'l.
solaire, de brûlures superficielles et peu étendues, d'érythèmes fessiers; 6° cOlmnlotll
antalgique dans les affections de la cavité buccale et/ou du pharynx (collutoire, pastille)
Si le phytomédicament à base de noyer est une poudre de feuille, le dossier « abrégé
d'AMM doit comporter une étude toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nél~es;sairei.
pour la feuille pour tisane, l'extrait aqueux, les teintures et les extraits hy
alcooliques, quel que soit leur titre.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise
lafeuille du noyer séchée ou ses préparations sont utilisées par voie locale en
d'inflammation superficielle modérée de la peau et en cas de transpiration excessive
pieds et des mains. Posologie: de 2 à 3 g pour 100 ml d'eau (décoction), en cOlnplresi,esl.
et bains partiels.
La Commission a estimé que les propriétés attribuées à l'enveloppe du fruit ne
pas démontrées et qu'elle ne pouvait pas en recommander l'usage dans un
thérapeutique. D'après la monographie éditée en 1990 par la Commission, laJ-t,.~ ..."I'.
C)LJINONES 501

est mutagène et son application topique quotidienne pourrait augmenter la fréquence du


eancer de la langue. Cette donnée ne semble pas avoir fait l'objet de publications au
l'ours des vingt dernières années. Cependant, des données anciennes ont montré une
certaine cytotoxicité pour la juglone (comme pour d'autres naphtoquinones).
b - noix. Les cotylédons de la graine sont utilisés dans l'alimentation et comme
source d'huile: ils renferment plus de 50 % d'une huile riche en acides gras insaturés:
oléique (14-21 %), linoléique (54-65 %) et a-linolénique (9-15 %) et pauvre en acides
gras saturés: palmitique (6-8 %), stéarique (1-3 %). L'huile, qui rancit vite, a un goût
marqué et est assez peu consommée en France. C'est une bonne source d'acides gras
insaturés (ro6 et ro3) qui pourraient avoir un rôle dans la prévention des accidents
l'ardiovasculaires (cf. p. 179). Le brou est utilisé pour la teinture des bois .

• HENNÉ, Lawsonia inermis L., Lythraceae

Arbuste devenant épineux avec le temps, cultivé de l'Afrique du Nord au Moyen-


Orient et à l'Inde - il a suivi l'expansion de l'islam -, le henné est utilisé pour ses
feuilles, ovales-aiguës, à limbe mucroné, révoluté sur les bords. À l'état frais, les
I"euilles de henné renferment des hétérosides qui, par hydrolyse, libèrent de la lawsone
(2-hydroxy-l ,4-naphtoquinone). Cette quinone se dissout dans les solutions aqueuses
ulcalines en donnant une coloration rouge orangé intense. Pratiquement atoxique, c'est
lin puissant fongicide. La teneur en lawsone de la feuille sèche est d'environ 1 %. La
l'cuille de henné renferme également des f1avonoïdes, des coumarines et des xanthones.
Les fleurs doivent leur parfum à une huile essentielle à ionones. Chez le Rat, l'extrait
élhanolique des feuilles est analgésique, antipyrétique et anti-inflammatoire (0,25-2
g/kg, voie orale).
Le henné est utilisé à divers titres par la médecine ayurvédique : traitement des
maladies de la peau, des brûlures, des plaies et comme antidiarrhéique, tœnicide,
untiépileptique et abortif. Comme colorant et ingrédient cosmétique, il est utilisé depuis
près de trois millénaires: teinture des cheveux, coloration des ongles et, dans le monde
musulman, décoration (traditionnelle) de la plante des pieds et des paumes des mains.
I,e henné est largement utilisé en cosmétologie pour ses propriétés tinctoriales dues à la
lïxation énergique de la lawsone sur le cheveu, sans doute par réaction avec les groupes
Ihiol de la kératine (shampooings et lotions capillaires). Il peut exceptionnellement
arriver que des produits capillaires déclenchent une réaction d'hypersensibilité. Les
réactions cutanées que l'on observe avec les « tatouages au henné» sont, dans leur très
grande majorité, liés à la p-phénylènediamine qui est ajoutée dans les formules
latouantes pour renforcer la couleur. Il a été postulé que la lawsone du henné était à
l'origine des anémies hémolytiques aiguës observées chez des nouveaux-nés présentant
lIne déficience congénitale en G6PD. L'hypothèse n'est pas contredite par une étude in
l'itro du pouvoir oxydant de la naphtoquinone. On connaît aussi des accidents dus à
l'ingestion de mélanges tinctoriaux à base de henné et de p-phénylènediamine.
Lawsonia inermis ne figure pas à l'annexe 1 de la Note explicative de l'Agence du
llIédicament (1998). Cette espèce ne fait pas non plus l'objet, en Allemagne, d'une
llIonographie de la Commission E du BfArM.
502 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

8. PLANTES À ANTHRAQUINONES:
HÉTÉROSIDES HYDROXYANTHRACÉNIQUES LAXATIFS

Les différentes plantes de ce groupe sont caractérisées par la présence de composés


phénoliques, hétérosidiques, dérivés de l'anthracène et de degré d'oxydation variable
(anthrones, anthranols, anthraquinones) : les anthracénosides. Quel que soit leur degré
d'oxydation, ces molécules ont en commun une double hydroxylation en C-I et C-8.
La distribution botanique des espèces à hétérosides 1,8-dihydroxyanthracéniques
est très restreinte: Liliaceae (aloès), Polygonaceae (rhubarbes), Rhamnaceae
(bourdaine, cascara, nerprun), Caesalpiniaceae (sénés).

A. Structure des anthracénosides

-les génines. Le degré d'oxydation est variable. Chez les anthrones (c'est-à-dire les
lO-H anthracén-9-ones) le carbone C-lO est un carbone méthylénique. Selon le pH, ces
anthrones peuvent être accompagnées de leurs formes tautomères, les anthranols. Dans'
la pratique on désigne souvent les anthrones et les anthranols par le terme de « formes
réduites» et les anthraquinones par celui de « formes oxydées».
Dans certaines conditions (par exemple, lors du séchage des sénés) les anthronesi
peuvent se combiner pour former des dianthrones. Selon que les anthrones constitutives
du dimère ainsi formé sont identiques ou différentes, on parle d'homodianthrones ou
d 'hétérodianthrones.
Les variations structurales observées pour ces génines sont limitées. En dehors des •
deux hydroxyles phénoliques toujours présents en C-I et C-8, seuls les carbones C-3 et;
C-6 peuvent être substitués: le premier l'est toujours et ce par un carbone de degré
d'oxydation variable (méthyle, hydroxyméthyle, carboxyle), le second ne l'est.
qu'éventuellement et ce par un hydroxyle phénolique, libre ou éthérifié par le méthanol. :

«c
0 0 OH

""'-

0
--:?
oxydation

aCe
""'- --:? oCo
""'- 1 --:? --:?

anthraquinone anthrone anthranol

Interconversions
des dérivés
anthracéniques
QUINONES 503

Ce schéma général de substitution indique clairement que ces composés sont


biogénétiquement issus de la condensation d'un oeta-acétate (voir p. 494).

- les hétérosides. Du fait de l'instabilité des anthrones, les génines libres qui
peuvent occasionnellement exister dans les plantes sont toujours des anthraquinones.
Les formes réduites, quant à elles, n'existent que sous la forme combinée, c'est-à-dire
sous la forme d'hétéroside.
Les oses de ces hétérosides sont banals: glucose, rhamnose, plus rarement apiose.
La liaison avec la génine engage normalement l'hydroxyle phénolique en C-8 (dans le
cas du glucose) ou celui en C-6 (dans le cas du rhamnose ou de l'apiose). La génine
peut être liée à deux oses: ainsi, le glucofranguloside A est le 6-0-a-L-rhamnosyI8-0-
13-D-glucosyl émodol.
Il n'est pas rare que les 1,8-dihydroxyanthrones existent sous la forme de C-
glycosides, la liaison se faisant alors entre le carbone C-I du glucose et le carbone C-lO
de la génine, ce qui introduit un centre chiral dans la molécule (voir, entre autres, les
aloïnes A [IO-R] et B [IO-S]). Qui plus est, ces C-hétérosides peuvent être
simultanément des O-hétérosides. Pour reprendre l'exemple précédent, les aloïnosides
sont les 11-0-a-L-rhamnosyl aloïnes (le carbone du groupe hydroxyméthyle en C-3 est
ici numéroté Il).

HO

Exemples de structures
de dérivés
hydroxyanthracéniques

R1=H, R2=CH 3 : chrysophanol


R1=H, R2=CH 20H : aloe-émodol HO 0 OH
R1=H, R2=C0 2H: rhéine
sennidines A , B
R1=OH, R2=CH 3: émodol

II-D-glucose-O 0 OH HO 0 OH ~-D-glucose-O 0 OH

~
~C02H ~$II"'"
~-D-glucose
~CH20H ~
H ~-D-glucose H
P C0 2 H
o
rhéinosides a, B aloinesA,B rhéine-B-glucoside

Remarque. Il y a des différences notables de composition entre les plantes fraîches


ct les plantes sèches. Dans le végétal frais les composés anthracéniques sont, très
majoritairement, sous la forme d'hétérosides d'anthrones monomères. Au cours de la
dessiccation deux processus de transformation entrent en jeu: l'oxydation, qui conduit
1\ des hétérosides anthraquinoniques (ex. : oxydation, chez la bourdaine, des formes
anthroniques en franguloside et glucofranguloside) et la dimérisation, qui engendre des
hétérosides de dianthrones. Il a été montré (dans le cas du séné) que cette dimérisation
504 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

est une réaction enzymatique qui ne s'observe que si le séchage est effectué à
température modérée (40 oC). D'autres auteurs estiment que ces dimères ne sont pas
uniquement des artefacts formés au cours du séchage, mais qu'ils pourraient préexistel'
en partie et participer à des systèmes oxydo-réducteurs pouvant avoir une signification
physiologique.

B. Propriétés physico-chimiques, caractérisation

Les anthraquinones sont des composés colorés en orangé rouge, très peu solubles
dans l'eau froide (sauf en milieu alcalin), solubles dans les solvants organiques et les .'
alcools. Les génines carboxyliques sont extractibles par une solution aqueuse
d'hydrogénocarbonate de sodium. Les hétérosides sont solubles dans l'eau et les
solutions hydro-alcooliques. Le traitement des O-hétérosides en milieu acide provoque
leur hydrolyse, mais la coupure de la liaison carbone-carbone des C-hétérosides ne peut
être obtenue qu'en présence de chlorure ferrique. Le même réactif, utilisé cette fois en
milieu neutre, permet de réaliser la transformation des dianthrones en anthraquinones.
En pratique, les dosages prescrits par les pharmacopées opèrent en deux temps:
chauffage à reflux en présence de FeCI 3 , addition d'acide (HCI) et nouveau reflux.

Caractérisation. La caractérisation des dérivés hydroxyanthracéniques met à profit


la réaction de BORNTRÀGER : la dissolution des quinones en milieu alcalin aqueux'
(KOH), s'accompagne de l'apparition d'une teinte rouge plus ou moins violacée. Cette
réaction n'est positive qu'avec les formes anthraquinoniques libres: pour mettre en'
évidence les hétérosides par cette réaction il faut donc les soumettre à une hydrolyse
préalable et, si les génines sont anthroniques, les oxyder en anthraquinones. Une autre,
réaction colorée, spécifique des 1 ,8-dihydroxy-anthraquinones, utilise l'acétate de
magnésium en milieu méthanolique. La coloration rouge obtenue est plus intense et plus .
stable à la lumière que celle qui résulte de la simple réaction avec l'hydroxyde de .
potassium. Elle se prête donc mieux à une détermination quantitative. Comme la
réaction de BORNTRÀGER, cette réaction n'est positive qu'avec les formes oxydées, libres.
Il existe une réaction spécifique des anthrones : elle est fondée sur la propriété
qu'ont celles-ci de réagir avec le bleu de nitrotétrazolium ou la p-nitroso-diméthyl",
aniline pour former une azométhine colorée. pour leur part, les C-glycosides de formes·
réduites peuvent être caractérisés par la fluorescence que présentent les formes
anthranoliques en présence de borate de sodium (réaction de SCHOUTETEN). '
L'identification des hétérosides et des génines se fait habituellement en CCM :
examen en lumière UV et révélation par la réation de BORNTRÀGER directement ou après
oxydation, sur la plaque, des anthrones en anthraquinones.

Dosage. Le dosage, spectrophotométrique, met à profit la coloration obtenue avec'


l'acétate de magnésium ou, éventuellement, avec l'hydroxyde de potassium. Les;
formes anthraquinoniques libres n'ayant pas une activité pharmacologique marquée;;'
elles ne sont habituellement pas prises en compte dans le dosage (en règle générale les
Pharmacopées prescrivent de doser les seules formes combinées).
QUINONES 505

Le dosage des formes combinées totales comprend généralement une extraction,


une hydrolyse oxydante, une réaction de coloration et une détermination
spectrophotométrique. La partie de plante à doser, pulvérisée, est soumise à une
extraction aqueuse ou hydro-alcoolique; la phase aqueuse est ensuite extraite par un
solvant organique apolaire qui élimine les formes anthraquinoniques libres
éventuellement présentes. On met alors en œuvre, sur cette solution aqueuse, une
oxydation (chlorure ferrique) et une hydrolyse (acide chlorhydrique). Les anthra-
quinones formées sont extraites par un solvant organique apolaire. Le solvant est
évaporé et le résidu repris par une solution méthanolique d'acétate de magnésium sur
laquelle on pratique une mesure de l'absorbance à 515 nm (pour les variantes, voir la
Pharmacopée et, ci-dessous, les monographies).

c. Propriétés pharmacologiques

Selon la dose administrée, les dérivés l,8-dihydroxyanthracéniques exerceront une


action laxative ou purgative plus ou moins violente. Aux doses thérapeutiques
habituelles ce sont des laxatifs stimulants : le qualificatif de laxatif irritant qui leur est
parfois attribué ne semble pas justifié.
L'activité est liée à la structure des composés: les dérivés les plus intéressants sont
les O-hétérosides de dianthrones et d'anthraquinones ainsi que les C-hétérosides
d'anthrones, c'est-à-dire l'ensemble des composés qui ne présentent pas de -CH r en C-
IO. L'activité des hétérosides d'anthrones monomères est trop marquée ce qui explique
que les plantes ou parties de plantes qui en renferment (c'est le cas de l'écorce de
bourdaine) ne sont utilisées qu'après un stockage prolongé ou un traitement thermique
approprié au cours desquels ils sont oxydés en hétérosides anthraquinoniques. Les
génines libres (donc des anthraquinones) sont pratiquement inactives.
Les génines libres, présentes dans la plante ou formées par un début d'hydrolyse
gastrique 1 et qui atteignent l'intestin sont absorbées au niveau de l'intestin grêle,
glucuroconjuguées au niveau hépatique et en grande partie éliminées par voie urinaire.
On note aussi l'existence d'un cycle entérohépatique. Les hétérosides d'anthraquinones
ct de dianthrones, molécules polaires, hydrosolubles et de masse moléculaire
importante, ne sont ni résorbés ni hydrolysés au niveau de l'intestin grêle. Parvenus au
niveau du côlon ils sont hydrolysés par les ~-glucosidases de la flore intestinale et les
anthraquinones libérées sont réduites: les formes actives sont donc les anthrones
l'ormées in situ, ce qui explique le temps de latence observé entre la prise du composé
(ou de la plante) et l'effet laxatif. Pour certains auteurs, les hétérosides hydroxy-
unthracéniques peuvent être considérés comme des prodrugs : les oses auraient une
l'onction de transporteur, empêchant l'absorption du motif actif avant qu'il ne soit libéré
dans le côlon sous l'influence des enzymes bactériennes.
Les hétérosides hydroxyanthracéniques accroissent la motilité côlonique, ce qui
réduit le temps de transit et l'absorbtion des fluides. On montre, in vivo, que la rhéine
unthrone interagit par contact direct avec les cellules épithéliales de la muqueuse intacte

1. Peuvent-elles réellement se former dans ces conditions? Il semble que non.

b
506 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

de l'intestin. On connaît également la cytotoxicité de ces molécules, leur capacité à


induire des modifications cellulaires et un dépôt de produits insolubles dans les cellules
dont les fragments sont ensuite captés par les macrophages. En clinique, cela se traduit
par une mélanose colique qui caractérise l'usage immodéré de ces produits (voir ci-
dessous). On connaît enfin leur agressivité parfois responsable d'une ulcération colique.
On pense que les hydroxyanthracénosides agissent sur le mouvement de l'eau et des
électrolytes. Par inhibition de l'activité Na-K ATPasique des entérocytes, ils
provoquent une inhibition de la résorption de j'eau, du sodium et du chlore et une
augmentation de la sécrétion du potassium au niveau de la muqueuse intestinale.
D'autres mécanismes sont également envisagés pour expliquer l'activité de ces
dérivés: action sur la synthèse des prostaglandines (qui sont impliquées dans le
transport de l'eau et des électrolytes), mécanisme impliquant le calcium, etc

D. Évaluation clinique,toxicité, effets indésirables

Évaluation clinique. Les essais cliniques sont rares, du moins pour des produits ne
contenant qu'une seule préparation, et l'utilisation est essentiellement fondée sur la
tradition et sur les études de pharmacologie animale et humaine. Plusieurs plantes,
préparations ou substances (sénés, extraits et sennosides) ont été évaluées dans le
contexte de la préparation à une intervention chirurgicale ou à une coloscopie. Les
résultats de ces essais ne montrent pas un avantage particulier des antracénosides par
rapport aux autres moyens habituellement mis en œuvre, en particulier l'ingestion
d'une solution de polyéthylèneglycol et d'électrolytes.

Toxicité. Des études de toxicité aiguë ont été réalisées avec les sennosides (DUo>
5 g/kg [per os, Souris]) ou avec un extrait de séné titré à 20 % de sennosides (DUo =
2,5 g/kg [per os, Souris]).
La génotoxicité et la carcinogénicité de certaines anthraquinones ont été largement \
étudiées. Les nombreuses données sur la génotoxicité in vitro des anthraquinones sont:
contradictoires, et variables selon la structure et le test utilisé. Ainsi, par exemple;
l'émodol est génotoxique sur la plupart des modèles in vitro utilisés, alors que les.
préparations à base de séné ne montrent aucun effet génotoxique sur des hépatocytes de:
Rat ou d'autres tests. Les données recueillies chez l'animal dans le cas du séné montrent:
que cette plante n'induit pas de cancérisation au niveau du côlon ou du rectum (Rat,!
deux ans, doses de 25 à 300 mg par jour). L'administration quotidienne d'émodol à des.:
rongeurs, pendant la même durée, n'apporte pas la preuve d'un effet cancérogène. Chez:
l'humain, l'usage répété (quatre mois et plus) d'anthracénosides peut entraîner une'
mélanose colique : certaines études ont montré que la mélanose colique est.
fréquemment associée à un cancer colorectal, mais rien ne démontre que cette mélanose;
puisse être le point de départ de ce cancer. Les quelques données cliniques disponibles:
quant à une éventuelle corrélation entre prise d'anthracénosides et cancérisation recto~'
colique sont contradictoires, et de faible niveau de preuve. ,
On ne dispose pas de données fiables de tératogenèse animale pour les plantes li:
anthracénosides en général. En clinique, aucun effet malformatif ou fœtotoxique n'a ét~'
QUI NONES 507

rapporté. Pour le séné, les études chez l'animal n'ont pas mis en évidence de risque
tératogène.

Effets indésirables. L'usage quotidien et prolongé des laxatifs stimulants peut


entraîner des troubles non négligeables, situation de dépendance ou « maladie des
laxatifs» : colite réactionnelle avec diarrhées et douleurs abdominales, nausées, vomis-
sements, puis mélanose recto-colique, altérations de la muqueuse du côlon, troubles
hydro-électrolytiques avec hypokaliémie entraînant une dégradation de l'état général.
Des cas, isolés, d'hépatotoxicité ont été publiés (apparemment liés à l'aloès, au cascara,
et au séné). On a aussi rapporté des réactions allergiques. Pour la majorité des autres
effets indésirales rapportés, l'imputabilité est le plus souvent problématique (mélange
de plantes, médications associées, dénomination imprécise, etc.) ou le contexte
particulier (anorexie). Les hydroxyanthracénosides passent dans le lait, mais il semble
que le risque d'apparition d'une diarrhée chez le nourrisson alimenté au sein soit
négligeable.

Interactions médicamenteuses. Une consommation excessive d'hydroxyanthracé-


nosides peut entraîner une hypokaliémie. Il en résulte une potentialisation des effets
toxiques des cardiotoniques, et une interaction possible avec les médicaments
susceptibles de provoquer des torsades de pointes (antiarythmiques des classes la
(quinidiniques, disopyramide) et III (amiodarone, sotalol), bépridil, halofantrine,
sparfloxacine, certains neuroleptiques, etc.). De telles associations sont déconseillées.
L'association avec des médicaments hypokaliémiants peut aggraver le déséquilibre
électrolytique (diurétiques hypokaliémiants seuls ou associés, gluco- et minéralo-
corticoïdes par voie générale, tétracosactide, amphotéricine B intraveineuse). Ce type
d'association nécessite des précautions d'emploi (surveillance de la kaliémie).

E. Emploi des plantes à anthracénosides

Les différentes plantes de ce groupe, comme tous les laxatifs, font l'objet d'un
important marché. Elles sont utilisées en nature (tisanes) ou sous forme de préparations
galéniques (poudres et extraits, extraits titrés) dans lesquelles les différents composants
agissent en synergie.
Si l'utilisation de ces plantes et de leurs préparations peut, éventuellement, avoir des
justifications (préparation à des examens radiologiques ou coloscopiques, maintien de
selles molles en cas d'intervention chirurgicale ano-rectale, traitement de constipations
occasionnelles liées à un traitement médicamenteux, à un changement du mode de vie,
ctc. 2), elle doit toujours se faire avec prudence et sur une très courte période (8-10 jours
au maximum). Leur emploi est, sauf exception, réservé à l'adulte.

2. Pour la préparation colique, le PEG associé à des électrolytes est d'usage habituel. Pour le
traitement de la constipation, et si des mesures hygiéno-diététiques s'avèrent insuffisantes, les
médicaments de première intention sont les laxatifs de lest (cf. p. 87, 117 et suivantes). Pour une revue
sur les traitements, voir: Prescrire Rédaction (2004). Constipation de l'adulte - Prise en charge dans le cadre
dcs soins primaires, Rev. Prescrire, 24, 688-698.

L
1
508 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES '~
1
~j
j

En fait, la consommation de ces plantes relève souvent d'une auto-médication


incontrôlée, inutile et parfois nocive, fréquemment induite par un comportement
névrotique (<< psychose de la constipation», «mythe de la selle quotidienne»).
Dépression et anorexie peuvent tout aussi bien être à l'origine de cet usage excessif. 1
-~
~

Conditions d'utilisation j
En France, Les inconvénients non négligeables inhérents à ce type de composés
ont conduit, dans le cadre des demandes d'autorisation de mise sur le marché des ,il
:r.:l
médicaments à base de plantes, à l'énoncé de règles spécifiques (cf. chapitre IV et ii
'\
annexes II et IV -A de la Note Explicative de 1998). Les principaux points énoncés dans
ce texte sont les suivants: 'l
~
1. La présentation sous forme de tisane en vrac est à proscrire; .)
2. Le nombre de plantes laxatives introduites dans une association est limité à cinq!!
dont au maximum deux plantes à principes anthracéniques. Les mécanismes des plantes 1
ou préparations associées doivent être compatibles ; .~
3 . L'association entre les espèces à principes anthracéniques et les gommes,:
mucilages, pectines ou fibres est admise, mais l'information du corps médical et
pharmaceutique ainsi que du public devra être centrée sur les principes anthracéniques.,
Les mécanismes d'action des parties de plantes ou préparations associées doivent être ','
compatibles;
4. L'utilisation des plantes à principes anthracéniques doit être limitée à des
périodes courtes ne devant pas dépasser huit à dix jours; le conditionnement doit être,
adapté à cette durée;
5. Sachant que la dose maximale journalière chez l'adulte en hétérosides
anthracéniques est de 25 mg (barbaloïne, glucofranguline A, cascaroside A, sennoside',
B) ou de 50 mg (rhéine), la posologie journalière chez l'adulte est calculée en fonction
de la teneur minimale de la partie de plante en hétérosides anthracéniques telle
qu'exprimée aux Pharmacopées française et européenne. Pour permettre la modulation,
individuelle de la posologie journalière, chaque unité de prise doit contenir au plus la;
moitié de la dose usuelle journalière. En cas d'association de plantes entre elles, les'
quantités de chacune doivent être moindres pour tenir compte de l'action cumulative'
des différents constituants dont les doses efficaces sont variables; i'
6. L'administration de laxatifs à principes anthracéniques est contre-indiquée pour
les enfants de moins de dix ans. Elle est déconseillée chez les enfants de dix à quinze~
ans ainsi qu'en cas de grossesse et pendant l'allaitement (le séné peut être utilisé par la;
femme enceinte sur les conseils d'un médecin) ;
7. L'information du corps médical et pharmaceutique doit mentionner les contre"
indications: colopathies organiques inflammatoires (rectocolite ulcéreuse, maladie dt,
Crohn, ... ), syndrome occlusif ou subocclusif, syndromes douloureux abdominaux d "
cause indéterminée, états de déshydratation sévère avec déplétion électrolytique'
enfants de moins de dix ans. Elle doit aussi mentionner les associations déconseillées"
et les associations nécessitant des précautions d'emploi (voir ci-dessus). Elle doit auss,
mettre en garde sur la nécessité de ne pas dépasser huit à dix jours de traitement
L'information doit également préciser que la prise prolongée peut entraîner des troublq
(maladie des laxatifs, situation de dépendance). Comme pour les autres laxatif
QUINONES 509

l'information précise que le traitement médicamenteux de la constipation n'est qu'un


adjuvant au traitement hygiéno-diététique (enrichissement de l'alimentation en fibres
végétales, en boisson [eau], conseils d'activité physique et de rééducation de
l'exonération). Enfin, l'information mentionne les effets indésirables: possibilité de
diarrhée, de douleurs abdominales, d'hypokaliémie, de coloration anormale des urines;
8. L'information du public reprend, avec un vocabulaire adapté, les informations ci-
dessus, informe sur les causes d'une constipation occasionnelle ou chronique et sur la
conduite à tenir. La notice propose quelques règles d'hygiène et de diététique qui
peuvent prévenir l'installation d'une constipation chronique.
Pour l'ensemble des plantes à anthracénosides retenues par la Note explicative de
1998, aucune évaluation toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un dossier
« abrégé» d'AMM (poudre, plante pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-
alcooliques quel qu'en soit le titre). Dans la cas particulier de l'aloès, cette disposition
ne concerne que le suc car, dans le cas de cette espèce, « les tisanes, extraits aqueux ou
hydroalcooliques ne sont pas utilisés de façon traditionnelle ».

En Allemagne, les monographies établies par la Commission E du BfArM précisent


que le « latex» de l'aloès, l'écorce de la bourdaine, l'écorce du cascara, le fruit du
nerprun, la racine de la rhubarbe, la feuille et le fruit du séné sont utilisés (voie orale) en
cas de constipation. Posologie: quantité équivalente à une dose journalière de 20 à
30 mg de dérivés anthracéniques, exprimés en sennoside B. La posologie individuelle
correcte est la plus petite dose nécessaire pour maintenir des selles molles. Contre-
indications: occlusion intestinale, colopathies inflammatoires (maladie de Crohn, colite
ulcéreuse, appendicite, douleurs abdominales d'origine inconnue), enfant de moins de
douze ans. À l'exception de la feuille et du fruit de séné, toutes les espèces végétales à
anthracénosides sont contre-indiquées en cas de grossesse. La monographie du fruit de
séné précise qu'il peut être utilisé, au cours du premier trimestre de grossesse, en cas
d'échec des mesures diététiques ou d'un laxatif mécanique. Par contre, les folioles « ne
devraient pas être utilisées» par la femme enceinte ou qui allaite. Toutes les monogra-
phies du groupe énoncent les effets indésirables et les interactions (voir ci-dessus), en y
incluant la potentialisation de l'effet hypokaliémiant de la réglisse. Elles insistent sur la
nécessité de ne pas poursuivre le traitement au-delà d'une à deux semaines sans avis
médical, et soulignent que ces plantes ne doivent être utilisées qu'après échec d'un
I:hangement de régime alimentaire ou des laxatifs à effet de lest. Dans le cas de l'aloès,
la Commission attire l'attention sur l'éventualité d'une coloration rouge des urines au
!.:Ours du traitement et, dans celui de la bourdaine et du cascara, mentionne le risque de
vomissements intenses, éventuellement accompagnés de spasmes, lorsque leurs écorces
sont utilisées fraîches.

Au niveau européen, les monographies communautaires élaborées et finalisées en


2007 par le comité mis en place par l'Agence européenne du médicament (HMPC)
re!.:Oupent très largement les dispositions en vigueur en France ainsi que celles édictées
pHr la Commission E allemande. On remarque toutefois que ces monographies
lIlentionnent explicitement la possibilité que survienne une réaction d'hypersensibilité
l'I qu'une ingestion chronique de doses élevées peut induire une hépatite toxique. Au
f'

Cassia senna L. (C. acutifolia Del.)


QUINONES 511

titre de la posologie, elles fixent la dose maximale journalière à un équivalent de 30 mg


d'hétérosides anthracéniques (doses usuelles: de 10 à 30 mg/j). Qui plus est, chaque
monographie résume de façon précise les données actuelles sur la génotoxicité des
différents antracénosides, extraits et plantes (détaillés par ailleurs dans le rapport
complet: documents et bibliographie sur le site de l'Agence: http://emea.europa.eu).

F. Plantes à hétérosides hydroxyanthracéniques

• SÉNÉS, Cassia angustifolia Vahl. et C. senna L., üesalpiniaceae

La feuille de séné est constituée par les folioles séchées de C. senna L. (= C. acu-
tifalia Delile), connu sous le nom de séné d'Alexandrie ou de Khartoum ou de Cassia
angustifalia Vahl., connu sous le nom de séné de l'Inde ou de Tinnevelly, ou par un
mélange des deux espèces. Elle contient au minimum 2,5 % d'hétérosides hydroxy-
anthracéniques (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:0206]).
Le fruit séché de chacune des deux espèces fait également l'objet d'une mono-
graphie de la Pharmacopée européenne (6' éd.) : le fruit du séné de Khartoum ou
d'Alexandrie contient au minimum 3,4 % d'hétérosides hydroxyanthracéniques
[01/2008:0207] et le fruit du séné de l'Inde ou de Tinnevelly 2,2 % [01/2008:0208].

Les plantes. Les sénés sont des sous-arbrisseaux à feuilles composées paripennées.
Les fleurs, 4-cyc1iques 5-mères, zygomorphes, ont un calice en quinconce, une corolle
de pétales jaunes veinés de brun à préfloraison imbriquée ascendante, un androcée
partiellement staminodial. Le fruit est une gousse aplatie, parcheminée, déhiscente, à 6-
8 graines.
Les deux espèces sont originaires des régions désertiques. Le séné de Tinnevelly,
originaire d'Arabie, est spontané en Afrique orientale (Somalie) et en Asie, jusqu'au
Punjab. Il est actuellement cultivé au Pakistan et en Inde, dans le sud-est du Tamilnadu
(Madras). Le séné d'Alexandrie croît naturellement dans le nord-est de l'Afrique; il est
récolté et cultivé au Soudan.

Lesfolioles. Les folioles du séné de Tinnevelly sont lancéolées, aiguës (20-50 mm x


7-20 mm), légèrement asymétriques à la base; les deux faces, lisses, portent un petit
nombre de poils courts. Les folioles du séné d'Alexandrie sont lancéolées (15-40 mm x
)-15 mm), asymétriques à la base, mucronées (c'est-à-dire terminées brusquement en
pointe courte). Les deux faces sont finement pubescentes. Les nervures latérales sont
anastomosées en une nervure marginale.
Le fruit. Le fruit du séné d'Alexandrie est aplati, réniforme, plutôt arqué, assez
large (40-50 mm x 20 mm et plus) et son tégument présente un réseau de rides
proéminentes. Celui du séné de Tinnevelly est plus allongé (35-60 mm x 14-18 mm) et
son tégument présente un réseau discontinu de rides transversales et sinueuses.
Dans la poudre de foliole (hydrate de chloral), on note la présence de poils
unicellulaires coniques, à paroi épaisse et verruqueuse, isolés ou fixés sur des fragments
d'épiderme. On note aussi que les cellules épidermiques, polygonales, ont des stomates
512 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES
J
'1,

de type paracytique. L'oxalate de calcium est présent sous forme de cristaux


:~
prismatiques en files le long des fibres, et de macles. La détermination de l'indice ;1
stomatique permet de différencier les espèces: C. senna, indice = 12,5 ± 2,5 - ~j
C. angustifolia, indice = 17,5 ± 2,5 (cf. Ph. eur., 6' éd., § 2.8.3). Examinée dans les ~
mêmes conditions, la poudre de fruit présente, quelle que soit l'espèce considérée, des "1
cellules épicarpiques polygonales et des fibres entrecroisées sur deux plansl
accompagnées de cellules à prismes d'oxalate de calcium. .,1".'

L'identité des folioles et/ou des fruits est confirmée par: 10 la CCM d'un extrait
hydro-alcoolique 50-50, révélée par une solution d'hydroxyde de potassium après
I~
oxydation in situ par l'acide nitrique; 2 0 la réaction de BORNTRÀOER (des génines i)~
obtenues par extraction après hydrolyse chlorhydrique des h é t é r o s i d e s ) ' l
La feuille ne contient pas plus de 3 % de parties étrangères et le taux de matières .~
étrangères n'est pas supérieur à 1 %. Dans le cas des fruits le taux d'éléments étrangers .• ·1·,·.

est inférieur à 1 %.

...
Dosage. Les anthracénosides sont, classiquement, extraits par l'eau chaude. La
solution aqueuse, acidifiée (par l'acide chlorhydrique dilué, pour libérer les sennosides
de leurs combinaisons salines), est débarrassée des génines libres éventuellement
présentes par extraction au chloroforme. Après neutralisation par le bicarbonate de
sodium puis centrifugation (pour casser l'émulsion; si l'on centrifugeait avant la
neutralisation, une partie des sennosides, peu solubles en milieu acide, serait perdue), la
solution d'anthracénosides est additionnée de chlorure ferrique et portée à reflux puis
acidifiée par l'acide chlorhydrique (oxydation et hydrolyse). Les génines, extraites par
le dioxyde d'éthyle, sont redissoutes dans une solution d'acétate de magnésium. Après
détermination de l'absorbance, la teneur est calculée et exprimée en sennoside B.

Composition chimique. La composition des folioles et des gousses des deux


espèces officinales est très voisine, les différences étant plutôt quantitatives que
qualitatives. Les deux espèces renferment des flavonoïdes, un polyol (le pinnitol), des
polysaccharides acides, 10 à 12 % de matières minérales et des dérivés naphtaléniques.
Ces derniers sont issus, comme les anthraquinones, de la cyclisation d'un poly ~. ,
cétoester. Le glucoside de 6-hydroxymusizine est caractéristique du séné d'Alexandrie,
le glucoside de tinnevelline caractérise le séné de l'Inde. Les principes actifs des,
folioles et des fruits sont des hétérosides à génine 1,8-dihydroxy-anthracénique.
Les composés principaux des folioles et des fruits secs sont des sennosides, ,
hétérosides de génines dianthroniques, les sennidines. Les sennosides A et B,;
majoritaires, sont des di-O-glucosides en C-8 et C-8' d'une génine homodianthronique'
symétrique, la dirhéine anthrone. Les carbones C-lO et C-lO' étant asymétriques, il peut'
théoriquement exister quatre isomères optiques pour cette génine. Les deux isomères;'.
thréo (10-R, 10' -R et 10-S, 10' -S) sont optiquement actifs: (+ )-sennidine A et (-)-sen{:
,nidine Al (= sennidine G); dans la série érythro, l'existence d'un plan de symétri~;
réduit les possibilités à un seul dérivé méso, optique ment inactif (sennidine B). Les:,
autres composés dimères présents en quantité notable dans les folioles et fruits secs son~
les sennosides C et D, diglucosides en C-8 et C-8' des sennidines C et D, isomères (10-1
R, 10' -R et lO-R, 10' -S) d'une hétérodianthrone, la rhéine aloe-émodol dianthrone. ~
'1'
QUINONES 513

Les folioles et les fruits secs renferment aussi des traces d'anthraquinones libres
« 0,1 %) et une faible quantité d'hétérosides d'anthraquinones (mono- et diglucosides
d'aloe-émodol et de rhéine) et d'hétérosides d'anthrones monomères (glucosides de
rhéine-anthrone et d'aloe-émodol-anthrone). La teneur moyenne des différents organes
en dérivés hydroxyanthracéniques varie de 2 à 5 %. Dans les fruits, ils sont concentrés
dans les péricarpes. Les graines, considérées comme irritantes, sont souvent éliminées.

~-D-glucose-O 0 OH

R
C0 2 H
tineve/line (glucoside)

~-D-glucose-O 0 OH

R C-10 C-10'
C0 2H R R sennoside A
C02H R S sennosideB
CH 20H R R sennoside C
CH 20H R sennoside 0 6-hydroxymusizine (glucoside)
S

Les dérivés dianthroniques n'existent pas dans les folioles et les fruits frais qui
contiennent, majoritairement, les O-glucosides en C-8 de la rhéine-anthrone et de
l'aloe-émodol anthrone. C'est au cours du séchage, vers 40 oC, que les glucosides
d'anthrones sont dimérisés par un processus enzymatique. Si le séchage est effectué à
plus haute température, la liaison hétérosidique est rompue et les anthrones
immédiatement oxydées en anthraquinones.

Pharmacologie, évaluation clinique, toxicité, effets indésirables. Voir généralités.

Emplois. Le séné et ses préparations sont utilisés en infusions (de 5 à 20 g/l), en


poudre et sous forme d'extraits, notamment l'extrait sec titré de feuille (entre 5,5 et
8 % d'hydroxyanthracénosides, Ph. eur., 6' éd. - 6.3, [01/2009:1261]).
Indication thérapeutique: traitement symptomatique de la constipation. La dose
usuelle journalière (calculée en sen nos ides) est de 25 mg/jour.

• BOURDAINE, Rhamnus frangula L.


=Frangula alnus Miller, Rhamnaceae
La bourdaine est constituée par l'écorce séchée, entière ou fragmentée, de la tige et
des branches de R.frangula. Elle contient au minimum 7 % de glucofrangulines
exprimée en glucofranguline A (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:0025]).

l
514 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

La bourdaine pennet de préparer l'extrait sec titré de bourdaine (Ph. eur., 6c éd.-
63, [0112009:1214]) qui contient de 15 à 30 % de glucofrangulines (la teneur mesurée
ne s'écarte pas plus de 10 % de la valeur indiquée sur l'étiquette).

La plante. La bourdaine est un arbuste de 3-5 m à feuilles alternes, ovales, à


nervures secondaires parallèles et incurvées sur le bord du limbe. Les fleurs, disposées
en bouquet à l'aisselle des feuilles, sont petites, blanc verdâtre. Le fruit est une drupe
rouge puis noire à maturité, 2-3 séminée. Commune dans les bois humides et les taillis
de l'Europe occidentale et centrale, la bourdaine est principalement récoltée dans les
pays de l'est de l'Europe, des Balkans à la Pologne.

L'écorce. Récoltée au moment de la floraison, l'écorce se présente en fragments


minces (0,5-2 mm), un peu cintrés, à surface externe brun grisâtre, ridée longitudina-
lement et couverte de lenticelles grisâtres étirées transversalement. La surface interne,
brun-rouge, est lisse et finement striée; elle se colore en rouge sous l'action des alcalis.
La poudre d'écorce, examinée au microscope (hydrate de chloral) montre
notamment des fibres libériennes partiellement lignifiées accompagnées de tubes
oxalifères à prismes et des fragments de parenchyme à macles d'oxalate de calcium. La
poudre ne contient pas de cellules scléreuses.
L'identité de l'écorce est confinnée par la CCM d'un extrait éthanolique à 70 % et
par la réaction de BORNTRÀGER (après hydrolyse). La révélation par le bleu de nitrotétra-
zolium ne doit pas faire apparaître de bande, violette ou bleu-gris, due à des anthrones.
L'examen en UV de la CCM révélée par l'hydroxyde de potassium pennet de vérifier
l'absence d'autres espèces de Rhamnus.

Dosage. Les anthracénosides sont extraits à chaud par le méthanol à 70 %. Après


filtration, une partie aliquote de la solution méthanolique est diluée et acidifiée,
débarrassée des génines éventuellement présentes par extraction à l'éther de pétrole,
neutralisée, additionnée de chlorure ferrique puis d'acide chlorhydrique et portée à
reflux. Les anthraquinones libres formées, extraites par le dioxyde d'éthyle, sont
redissoutes dans une solution méthanolique d'acétate de magnésium. Après
détennination de l'absorbance, la teneur est calculée et exprimée en glucofrangulines.

Composition chimique. L'écorce renferme des traces d'alcaloïdes cyclo-pep-


tidiques, des flavonoïdes et 3 à 8 % de dérivés 1,8-dihydroxyanthracéniques.
Les génines libres sont peu abondantes « 0,1 %) et principalement représentées par
l'émodol. Dans l'écorce sèche, conservée depuis au moins un an ou traitée
thermiquement, les dérivés anthracéniques sont présents sous la forme d'hétérosides
d'anthraquinones monosidiques et biosidiques. Les monosides sont le franguloside A
(= 6-0-a-L-rhamnosyl émodol) et le franguloside B (= 6-0-~-D-apiosyl émodol); les
biosides sont les dérivés O-glucosylés en C-8 des précédents, les glucofrangulosides A
et B. On note également la présence de dimères.
Remarques: l-la désinence en -oside, coutumière pour les structures hétérosi-
diques, n'est pas reprise par la Pharmacopée qui parle de franguline et de gluco-
franguline (mais de sennosides et de cascarosides);
QUINONES 515

2- dans l'écorce fraîche ce sont les formes anthroniques correspondantes qui


prédominent (frangularoside et glucofrangularoside).

~-D-glucose-O 0 OH

a-L-rhamnose-O $
II~
~

o
p
CH 3

glucofranguline A
Pharmacologie, évaluation clinique, toxicité, effets indésirables. Voir généralités.

Emplois. La bourdaine est utilisée en nature (tisanes composées) et sous forme de


poudre et d'extraits entrant dans la composition de diverses spécialités.
Indication thérapeutique: traitement symptomatique de la constipation. La
bourdaine est parfois associée à un spasmolytique et/ou à un laxatif mécanique.
Habituellement les tisanes à base de bourdaine sont préparées par décoction pendant
cinq minutes suivie d'une infusion de deux heures .

• CASCARA, Rhamnus purshianus DC.


(= Frangula purshiana [DC.] A. Gray ex J.c. Cooper, Rhamnaceae

Le cascara est constitué par l'écorce séchée, entière ou fragmentée, de Rhamnus


purshianus. Il contient au minimum 8 % d'hétérosides hydroxyanthracéniques, dont
60 % au minimum sont constitués par des cascarosides, les deux groupes étant
exprimés en cascaroside A (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:0105]).
Le cascara permet de préparer l'extrait sec titré de cascara (Ph. eur., 6' éd.,
501/2008:1844]). Cet extrait contient de 90 à 110 % de la valeur nominale en hétéro-
sides hydroxyanthracéniques, exprimés en cascaroside A, indiquée sur l'étiquette. La
teneur nominale de l'extrait desséché est comprise entre 8 et 25 % d'hétérosides dont
60 % au minimum sont des cascarosides.

La plante. Le cascara est un arbre originaire de la côte ouest de l'Amérique du


Nord. L'écorce provient essentiellement de plants sauvages exploités dans les régions
montagneuses de l'ouest des États-Unis d'Amérique et du Canada. La récolte débute en
mai et se poursuit jusqu'à la fin de l'été. Les écorces, coupées en petits fragments,
séchées à l'ombre, sont conservées longuement avant d'être utilisées.

Vécorce. L'écorce se présente en fragments assez épais (jusqu'à 5 mm) à surface


externe, grise ou brun-gris foncé, parsemée de lenticelles peu fréquentes. Elle est
habituellement plus ou moins recouverte de lichens blanchâtres, de mousses et
d 'hépatiques foliacées.
Examinée au microscope (hydrate de chloral), la poudre de cascara présente des
groupes de fibres libériennes et des groupes de cellules scléreuses entourées de cellules
Aloe sp.
QUINONES 517

cristallifères; des macles d'oxalate de calcium; des cellules parenchymateuses dont le


contenu, jaune, se colore en rouge foncé par addition d'alcalis; des éléments provenant
des épiphytes (feuilles d'hépatiques).
L'identité est confirmée par une CCM et par la caractérisation successive des 0-
hétérosides hydroxyanthracéniques, puis des C-hétérosides. Après décoction, hydrolyse
chlorhydrique et extraction par l'éther, on caractérise les génines (issues des 0-
hétérosides) dans la phase éthérée par addition d'ammoniaque (coloration violet-rouge).
Après oxydation de la solution chlorhydrique résiduelle par du chlorure ferrique à
chaud et extraction par l'éther, les génines des C-hétérosides sont à leur tour
caractérisées par la coloration rouge qu'elles donnent avec l'ammoniaque.
On vérifie que l'écorce ne contient ni anthrones (absence de bande violette ou bleu-
gris sur la CCM révélée par le bleu de nitrotétrazolium), ni autres espèces de Rhamnus
(analyse des fluorescences en UV sur la CCM révélée par l'hydroxyde de potassium).

Dosage. Le dosage, double, comprend la détermination des hétérosides hydroxy-


anthracéniques totaux et celle des cascarosides. Il est donc nécessaire de procéder à une
extraction sélective. Pour ce faire, tous les hétérosides sont extraits par l'eau bouillante.
Après refroidissement et élimination des génines libres (éther-hexane, 1:3) en milieu
acide, la phase aqueuse est extraite par l'acétate d'éthyle; les cascarosides, très polaires,
restent dans la phase aqueuse, les autres hétérosides sont entraînés dans la phase
organique. On applique ensuite, sur chacune des deux phases, la séquence classique:
oxydation et hydrolyse (chlorure ferrique en milieu chlorhydrique, à reflux), extraction
des génines (éther-hexane, 1:3), coloration (acétate de magnésium/méthanol), mesure
de l'absorbance.

Composition chimique. L'écorce de cascara (sèche) contient de 6 à 9 %


d'hétérosides hydroxyanthracéniques. Les constituants majoritaires (70 % et plus) sont
des O-hétérosides de C-hétérosides, les cascarosides A, B, C, D. Ces composés sont,
respectivement, les isomères en C-lO des 8-0-~- D-glucosides de l'aloïne (= barbaloïne 3)
ct de la chrysaloïne. Ils sont accompagnés des C-hétérosides correspondants (et qui sont
sans doute des produits de dégradation des cascarosides) : aloïne (= barbaloïne =C-
glucoside en 10 de l'aloe-émodol-anthrone) et chrysaloïne (C-glucoside en C-lO du
chrysophanol-anthrone). Des O-hétérosides d'anthraquinones et de dianthrones sont
également présents.

3. Un certain nombre d'ouvrages - notamment les Pharmacopées - utilisent le terme de


harbaloïne à la place de celui d'aloïne. Ils différencient ainsi la barb aloïne (mélange des IO-C-glucosyl-
uloe-émodol-anthrones isomères) et les chrys aloïnes (lO-C-glucosyl-chrysophanol-anthrones). Les 0-
hélérosides correspondants sont les aloïnosides (dérivés rhamnosylés sur l'hydroxyméthyle en C-3 des
[harb]aloïnes), les cascarosides A et B (dérivés glucosylés en 8 des [barb]aloïnes) et les cascarosides C
cl D (dérivés O-glucosylés en C-8 des chrysaloïnes). Les isomères constitutifs de la barbaloïne ayant
l'lé décrits sous le nom d'aloïnes A et B, il nous semble commode de garder une seule dénomination
pour les dérivés de l'aloe-émodol, purs (aloïnes A et B) ou en mélange (aloïne). D'ailleurs, on ne parle
IIi de barbaloïnes A et B ni de barbaloïnosides ; on évitera également d'employer le terme
« isobarbaloïne» qui est, plus simplement, la 7-hydroxy-aloïne.

L
518 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

Phannacologie, évaluation clinique, toxicité, effets indésirables. Voir généralités.

Emplois. Ceux de la bourdaine .

• ALOÈS DU CAP, ALoe ferox Miller,


.ALOÈS DES BARBADES,A. vera (L.) Burrn.f. (=A. barbadensis Miller),
Asphodelaceae

L'aloès des Barbades est constitué par le suc concentré et séché provenant des
feuilles d'A. barbadensis. Il contient au minimum 28 % de dérivés hydroxyanthra-
céniques, exprimés en barbaloïne (Ph. eur., 6' éd., [0112008:0257]).
L'aloès du Cap est constitué par le suc concentré et séché provenant des feuilles de
diverses espèces d'Aloe, principalement d'A.ferox et de ses hybrides. Il contient au
minimum 18 % de dérivés hydroxyanthracéniques, exprimés en barbaloïne (Ph. eur., 6·
éd., [0112008:0258]).
Chacun des deux aloès, ou le mélange des deux, est utilisé pour préparer, par trai-
tement à l'eau bouillante, l'extrait sec titré d'aloès (Ph. eur., 6' éd., [0112008:0259]),
ajusté à 20 ± 1 % de dérivés hydroxyanthracéniques exprimés en barbaloïne.
Les aloès fournissent également un gel réputé cicatrisant, utilisé par l'industrie des
cosmétiques.

Les plantes. Les aloès (il en existe plus de 150 espèces) sont des plantes à port plus
ou moins arborescent, à feuilles épaisses et charnues, le plus souvent épineuses sur les ,
bords, réunies en rosette dense au sommet d'un « tronc» robuste de longueur variable. ;!
Dans le cas des espèces officinales, les fleurs, rouge écarlate lorsqu'elles sont en bouton :
(aloès du Cap) ou jaunes (aloès des Barbades), sont réunies en grappes denses portées;
par une hampe florale dressée unique (A. barbadensis) ou ramifiée (A.ferox).
Aloe ferox est originaire du sud de l'Afrique; il s'hybride aisément et est cultivable •.
Aloe barbadensis, originaire de l'Afrique du Nord et introduit dès le XVII' siècle aux •
Antilles, est cultivé aux États-Unis d'Amérique (Floride).

Suc d'aloès et gel d'aloès. La section transversale de la feuille montre, sous U~i
épiderme à cuticule très épaisse, un parenchyme chlorophyllien et amylifère, une région!
centrale à cellules à mucilage et, entre les deux, des faisceaux conducteurs isolés à.
péricycle et endoderme marqués. Le suc d'aloès (1'« aloès») est contenu dans les celluleS;,.
péricycliques et s'écoule spontanément de la feuille coupée, alors que le gel d'aloès esf
uniquement constitué par le mucilage des cellules polyédriques de la zone centralel
Traditionnellement, on recueille le suc qui s'écoule spontanément des feuilles coupée~;
et celui-ci est concentré par ébullition. Le suc épaissi se présente sous la forme dd
masses brun foncé (aloès des Barbades) à reflets verdâtres (aloès du Cap). Le gel es'
obtenu après élimination des tissus les plus externes de la feuille.
Les aloès sont identifiés par la fluorescence d'une infusion en présence d.
tétraborate de sodium et différenciés par addition d'eau de brome à la solutio
extractive aqueuse: on obtient soit un précipité jaune (aloès du Cap), soit un précipi ;
QUINONES 519

jaune-brun et un surnageant coloré en violet (aloès des Barbades). L'identification est


complétée par la CCM d'un extrait méthanolique qui, dans le cas de l'aloès du Cap,
permet en outre de vérifier l'absence d'aloès des Barbades
Le dosage est colorimétrique (acétate de magnésium) : après extraction aqueuse du
suc, hydrolyse oxydante des hétérosides (chlorure ferrique dans l'acide chlorhydrique)
et extraction des génines par le dioxyde d'éthyle (CCM).

Composition chimique
Composition du suc d'aloès. Le suc contient 15 à 40 % de dérivés hydroxy-
anthracéniques qui sont des C-glucosides en C-1O de l'aloe-émodol-anthrone: aloïne (=
barbaloïne, voir note 3 , page 517), hydroxy-aloïnes et, chez A.ferox, aloïnoside.
L'aloïne, très largement majoritaire, est en fait un mélange d'aloïne A (lO-R) et
d'aloïne B (lO-S) interconvertibles via la forme anthranolique. Il en est de même pour
l'aloïnoside, dérivé rhamnosylé sur l'hydroxyméthyle en C-3 de l'aloïne. Les hydroxy-
aloïnes permettent de différencier les deux espèces: la 5-hydroxy-aloïne A caractérise
A.ferox, les 7-hydroxy-aloïnes A et B et leurs homologues 8-0-méthylés ne sont
présents que chez A. barbadensis (qui renferme aussi des 10-C-glycosides 10-
hydroxylés).
Le suc contient également une fraction résineuse à partir de laquelle ont été isolés
des C-glucosides en C-8 de 2-acétonyl-7-hydroxy-5-méthylchromones : aloésine et
aloérésine A. Ces chromones majoritaires (A.ferox) peuvent être accompagnés de
faibles quantités de dérivés non C-glycosidiques, de naphto[2,3c]furanes et de 1-
méthyltétralines. Chez A. barbadensis, on note la présence de plusieurs 2-(2-
hydroxypropyl)-chromones C-glucosylées en C-8 (isoaloérésine D, dérivés de l'aloésol,
de l'aloediol, de la noreugénine, isorabaichromone, etc.). On note aussi l'existence, chez
A.ferox, d'une tétraline, la feroxidine, libre ou glycosylée.

HO 0 OH

~ R1

~CH20R 0
R2 $ O
~O~HH "",110
OH
HO/ H. CH 3 0

HO OH HO OH
a/oesone,
a/oérésines A,-C
R = H, a/oïne A R =H, a/oïne B
R = Œ-L-Rha, a/oïnoside A R =Œ-L-Rha, a/oïnoside B

Composition du gel d'aloès. Très riche en eau, il ne semble pas renfermer de


composés très spécifiques. Ainsi, chez Aloe ferox, on a noté la présence de très faibles
quantités d'acides gras, de stérols (~-sitostérol), d'acides-phénols (acides benzoïque,
vanillique, férulique, isoférulique, p-coumarique, etc.), d'alcools (glycérol, 2,3-
hutanediol, etc.), d'acides (lactique, succinique, isovalérique, etc.), de xanthine, de

!1
l
520 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

pyrimidines. On a également rapporté la présence de sucres, de vitamines, d'enzymes,


de minéraux, etc. Le gel d'aloès ne renferme pas de dérivés anthracéniques.

Pharmacologie, évaluation clinique, toxicité, effets indésirables.

a- suc: voir généralités ci-dessus. À noter également: les propriétés inhibitrices de


la tyrosinase de l'aloésine, ce qui en fait un agent éclaircissant potentiel (cf. arbutoside).
b- gel. La tradition attribue au gel d'aloès des propriétés cicatrisantes confirmées
très partiellement par l'expérimentation animale. Les données obtenues sur la
prolifération cellulaire in vitro sont quant à elles contradictoires. L'origine de cette
(éventuelle) activité demeure hypothétique. Le gel pourrait être anti-inflammatoire
(rongeurs) .
Quelques essais cliniques comparatifs, souvent de qualité méthodologique très
faible, ont évalué l'efficacité de l'aloès dans différentes indications. Ces essais ne
fournissent aucune preuve de l'efficacité du gel d'aloès pour prévenir et/ou atténuer les
réactions cutanées induites par les radiations chez des patients traités par radiothérapie.
Comparé à un placebo, ce gel n'exerce, à l'encontre des coups de soleil, ni action
préventive, ni action curative. L'action du gel sur la cicatrisation reste à démontrer
(données contradictoires et essais de méthodologie critiquable). Il est possible que le gel
d'aloès soit efficace dans le traitement de l'herpès génital et du psoriasis, mais cela doit
être confirmé. Administré par voie orale au cours d'essais ni randomisés ni en aveugle,
le gel d'aloès a eu un effet hypoglycémiant chez des patients diabétiques. Le gel n'a pas
d'efficacité dans le traitement du syndrome du « côlon irritable ».
Le gel d'aloès en usage local ne semble pas induire d'effet indésirable sévère.
Quelques cas de réactions allergiques ont été rapportés

Emplois
a- suc: traitement symptomatique de la constipation.
b- gel. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet
qu'il est possible de revendiquer, pour le mucilage d'aloès, les indications thérapeu.,
tiques suivantes (voie locale) : traditionnellement utilisé 10 comme traitement d'appoint;
adoucissant et antiprurigineux des affections dermatologiques, comme trophique:'
protecteur dans le traitement des crevasses, écorchures, gerçures et contre les piqûres ;'
d'insectes; 20 en cas d'érythème solaire, de brûlures superficielles et peu étendues"
d'érythèmes fessiers. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée pour la:
constitution d'un dossier« abrégé» d'AMM (mucilage). Les tisanes, extraits aqueux ou
hydroa1cooliques ne sont pas utilisés de façon traditionnelle. ,
Le mucilage d'aloès ne fait pas l'objet d'une monographie de la Commission E du
BfArM allemand.
Le gel est très utilisé dans les produits cosmétiques comme composant hydratant dO'
préparations liquides ou pâteuses: produits solaires et de rasage, baumes pour le.'
lèvres, pommades cicatrisantes, masques, crèmes.
QUINONES 521

• RHUBARBE, Rheum Spp., Polygonaceae

La rhubarbe est constituée par les organes souterrains entiers ou coupés, séchés
de R. palmatum L. ou de R. officinale Baillon ou des hybrides des deux espèces ou d'un
mélange. Les organes souterrains sont souvent divisés; ils sont dépourvus des éléments
de tige et de la presque totalité de la partie corticale comportant les petites racines. La
rhubarbe contient au minimum 2,2 % de dérivés hydroxyanthracéniques, exprimés en
rhéine (Ph. eur, 6" éd., [01/2008:0291]).

La plante. Les rhubarbes sont de grandes plantes herbacées, vivaces par un rhizome
volumineux. Les feuilles ont un long pétiole charnu et un large limbe plus ou moins
palmatilobé parcouru, à la face inférieure, par des nervures saillantes, rougeâtres. Les
fleurs, petites, 3-mères, sont groupées en une large panicule. Les parties souterraines
sont volumineuses, brun rouge; elle sont coupées en fragments pour faciliter le séchage.
L'aspect varie selon la provenance (Sichuan, Guangsi, Qinghai, Corée, etc.).

Les organes souterrains se présentent généralement en morceaux discoïdes, de 1 à


5 cm d'épaisseur et d'un diamètre atteignant 10 cm et en morceaux cylindriques, ovales
ou plan-convexes. La surface est généralement recouverte d'une poudre jaune-brun.
Humectée, cette surface présente des lignes foncées qui s'entrecroisent et lui confèrent
un aspect marbré. L'odeur est caractéristique, aromatique.
Examinée au microscope (eau-glycérol), la poudre de rhubarbe, orange à jaune-
brun, présente des grains d'amidon simples ou composés à hile étoilé. Examinée dans
une solution d'hydrate de chloral, la poudre montre de grosses macles d'oxalate de
calcium (100 /lm et plus) ainsi que des gros vaisseaux réticulés non lignifiés (l75/lm).
L'identité des organes souterrains est confirmée par CCM des génines et par une
réaction de BORNTRÂGER (après hydrolyse). Une CCM d'un extrait méthanolique, révélée
par l'acide phosphomolybdique, permet de s'assurer de l'absence de rhaponticoside,
caractéristique de la rhubarbe des jardins, Rheum « rhaponticum ».
Le dosage des anthracénosides est classique: décoction aqueuse, oxydation par le
chlorure ferrique et hydrolyse chlorhydrique, extraction des génines (dioxyde d'éthyle),
coloration par l'acétate de Mg et mesure de l'absorbance

Composition chimique. De nombreux constituants ont été isolés des rhubarbes


commerciales: galloylglucoses, acylglucoses, phénylbutanones (lindleyine et dérivés),
dérivés flavaniques (mono- et biosides de flavan-3-0Is, proanthocyanidols dimères et
trimères, libres ou estérifiés par l'acide gallique). La spécificité de la rhubarbe
officinale réside dans l'existence d'un grand nombre de phénols issus de la cyclisation
d'un poly-~-cétométhylène : naphtalènes, stilbènes (hétérosides du resvératrol),
chromones et chromanones et, surtout, dérivés hydroxyanthracéniques dont la teneur
varie de 2 à 5 %. Dans les organes souterrains de rhubarbe secs, les constituants
majoritaires (60-80 %) sont des hétérosides d'anthraquinones: glucosides de l'émodol,
du physcion, de l'aloe-émodol, du chrysophanol. Ils sont accompagnés de di-O,C-
!(Iucosides de formes réduites monomères (rhéinosides A-B [anthranols] et C-D
522 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

[anthrones]) et dimères: sennosides A-D en particulier. La teneur en formes oxydées


est maximale l'été et presque nulle l'hiver; l'interconversion des deux formes est très
rapide (trois semaines).

Pharmacologie, évaluation clinique, toxicité, effets indésirables. Voir généralités.

Certains auteurs font remarquer que la présence de tanins rend illogique la


prescription de rhubarbe comme laxatif. À petites doses, c'est effectivement un
antidiarrhéique; elle peut même induire des constipations «post-laxatives ».
En France, outre l'emploi comme laxatif, la Note explicative de l'Agence du
médicament (1998) admet qu'il est possible de revendiquer, pour les organes
souterrains de rhubarbe, l'indication thérapeutique suivante (voie locale) : traditionnel-
lement utilisé chez l'enfant dans les poussées dentaires douloureuses.
Depuis quelques années, de nombreuses autres propriétés de cette plante médicinale;
majeure de la pharmacopée chinoise ont fait l'objet de travaux expérimentaux. Ainsi,
l'extrait aqueux (administré per os) améliore le fonctionnement rénal chez le Rat "
urémique: diminution de l'urémie et de la créatininémie, correction de divers "
paramètres sériques et urinaires. Les tanins de la rhubarbe sont des inhibiteurs de ,
l'enzyme de conversion de l'angiotensine; ils diminuent la concentration plasmatique
en amino-acides, augmentent l'activité de la glutamine-transaminase chez le R a t . '

• RHUBARBE DES JARDINS, Rheum spp., Polygonaceae


l,
Souvent dénommée rhapontic 4 , la rhubarbe des jardins (R. rhabarbarum L.i;
R x hybridum Murray [R. x cultorum]) est utilisée à des fins ornementales et pour ses,
pétioles comestibles, en compotes et confitures. Succédanés des rhubarbes, les'
rhapontics ne sont guère utilisés (bien que classés officiellement dans la catégorie des)
laxatifs stimulants [Note Expl., 1998]). Chimiquement, ils renferment des dérivé.:'
anthracéniques et un hétéroside stilbénique, le rhaponticoside. Ce composé très)'
fluorescent est absent chez les rhubarbes vraies ce qui permet la recherche de rhapontic
dans la rhubarbe officinale. La consommation excessive de rhubarbe peut, du fait de 1 1
teneur importante en acide oxalique corrosif, entraîner une intoxication de gravit,
variable: des cas fatals ont été décrits chez de jeunes enfants (troubles digestifs'
hématémèse, altérations du tissu rénal) .

• CANÉFICIER, Cassiafistula L., Caesalpiniaceae

Le canéficier est un arbre des régions tropicales dont on utilise le fruit (la « casse »)
Celui-ci, une gousse indéhiscente cylindrique, contient une pulpe noirâtre riche e
pectines et mucilages et qui contient environ 0,2 % d'anthracénosides. La pulpe est U

4. Les Rhaponticum Hill. (= Stemmacantha Cass.) sont des Asteraceae. Rheum rhaponticu
l'
L. est une espèce bulgare, rare. '
QUINONES 523

laxatif stimulant [Note Expl., 1998], parfois utilisé en pédiatrie en contradiction avec les
recommandations évoquées ci-dessus (mais la teneur en anthracénosides est faible) .

• NERPRUN, Rhamnus catharticus L., Rhamnaceae

Les baies de cet arbrisseau à rameaux épineux de l'Europe méridionale étaient


autrefois décrits par la Pharmacopée française (1965). De la grosseur d'un pois, noires
et luisantes, charnues et se ridant par dessiccation, elles contiennent des flavonoïdes,
des tanins et des traces de glycosides de l ,8-dihydroxyanthraquinones incomplètement
identifiés et qui seraient concentrés dans les fruits. En France, la Note explicative de
l'Agence du médicament (1998) admet qu'il est possible de revendiquer, pour la pulpe
du fruit de nerprun, l'indication thérapeutique « traitement symptomatique de la
constipation» (voie orale) au titre des laxatifs ayant un effet de lest. Aucune évaluation
toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un dossier« abrégé» d'AMM
(poudre, pulpe pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit
le titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BjArM pour lefruit
du nerprun le considère comme toutes les autres espèces à anthracénosides (pour les
indications, contre-indications, etc: voir les généralités ci-dessus).

9. AUTRES PLANTES PLANTES À NAPHTODIANTHRONES

• MILLEPERTUIS, Hypericum perforatum L., Hypericaceae

Le millepertuis est constitué par la sommité fleurie séchée, entière ou fragmentée,


d'Ho perforatum L. récoltée pendant la floraison. Il contient au moins 0,08 %
d'hypéricines totales (Ph. eur., 6' éd. - 6.2, [07/2008:1438]).
L'extrait sec quantifié de millepertuis renferme: de 0,1 à 0,3 % d'hypéricines
totales; au moins 6 % de flavonoïdes exprimés en rutine; au maximum 6 % d'hyper-
l'orine et au maximum la teneur indiquée sur l'étiquette (Ph. eur., 6' éd. - 6.2, [07/
2008:1874], corr. 6.3).

La plante, la sommité fleurie. Le millepertuis est une herbe vivace, très commune
dans les endroits incultes et sur le bord des chemins de l'Europe et de l'Amérique du
Nord. Il possède des tiges dressées et rameuses à deux côtes longitudinales plus ou
moins saillantes. Les feuilles, petites (1,5-3 x 0,5-1 ,5 cm), sont opposées et sessiles, non
Htipulées. Le limbe, vert foncé, est parsemé de ponctuations translucides (poches
H~crétrices schizogènes) et bordé de petits points glanduleux noirs (amas cellulaires
~Ilvahis par des pigments). Les fleurs, groupées en grappes corymbiformes, sont
nisément reconnaissables à leurs 5 pétales jaunes légèrement asymétriques ponctués sur
les bords, comme les 5 sépales verts, de poches sécrétrices noires. Les étamines,
nombreuses, sont soudées en 3 faisceaux et les 3 carpelles sont surmontés de styles
524 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

rouge foncé. On peut aussi observer des fruits et graines immatures, de rares fruits mûrs
(capsules triloculaires sèches) et des graines presque noires, finement ponctuées longi-
tudinalement, cylindriques ou triangulaires.
La poudre de sommité fleurie, examinée au microscope dans l'hydrate de chloral,
présente, entre autres éléments, des fragments de feuilles et de sépales à grandes poches
sécrétrices et cellules pigmentées de rouge. On note aussi l'existence de nombreux
grains de pollen à exine lisse, de cristaux d'oxalate de calcium en oursins, de fragments
d'épiderme dont les cellules polygonales ont une paroi épaissie en chapelet, avec des
stomates de type paracytique ou anomocytique, de fragments du fruit et de la graine,
des trachéides et des vaisseaux ponctués, etc.
La CCM d'un extrait méthanolique met en évidence flavonoïdes, hypéricine et
pseudohypéricine. La sommité fleurie ne contient pas plus de 3 % de tiges de diamètre
> 5 mm et pas plus de 2 % d'autres éléments étrangers. L'hypéricine, extraite par un
mélange d'eau et de tétrahydrofurane, est dosée par mesure de l'absorbance à 590 nm.
Dans l'extrait sec quantifié, les hypéricines d'une part, l'hyperforine et les flavo-
noïdes d'autre part sont dosés par chromatographie liquide.

Composition chimique. La sommité fleurie fournit environ 0,6 à 3 ml/kg d'huile;


essentielle (carbures terpéniques, 2-méthyloctane, n-a1canols, etc.), des triterpènes et ~
des stérols. Elle est riche en composés phénoliques : acides caféiques, acide;
chlorogénique, proanthocyanidols (dimères [B-2] et oligomères du catéchol et de;
l'épicatéchol) et flavonoïdes. Ceux-ci sont abondants (2-4 %) : hypéroside, rutoside, •
quercitroside et isoquercitroside, astilboside, miquelianoside et, concentrés dans les
fleurs, des bisflavones (bis-apigénines C-3'- C-8" [amentoflavone, 0,01-0,05 %] et C· ,
3-C-8" [0,1-0,5 %]). On note la présence d'une trace de xanthones dans les tiges;
fleuries (1 ,3,6,7 -tétrahydroxyxanthone).

0 OH

lj

HO R
HO CH 3
"
"
'f.'.
.',
't;~

OH 0 OH
R = CH 3, hypéricine
R= CH 20H, pseudohypéricine hyperforine 'l
1
Les composés caractéristiques du millepertuis sont des dérivés polyprénylés bicycli,
ques du phloroglucinol, instables à l'air et à la lumière, présents dans les fleurs et dans le'
fruits où ils se concentrent à maturité: hyperforine (2-5 %), adhyperforine (0,2-1,8 %)',
Dans la plante, l'hyperforine est formée par prénylations successives (DMAPP
GPP essentiellement issus de la voie du phosphate de désoxyxylulose) d'un
phlorizobutyrophénone, elle même issue de la condensation de trois molécules d,
malonyl-CoA et d'une molécule d'isobutyryl-CoA
QUINONES 525

Les constituants responsables de la coloration du suc contenu dans les ponctuations


noirâtres des feuilles et des fleurs sont des naphtodianthrones (0,06-0,30 %) :
l'hypéricine, biogénétiquement dérivée de l'émodol-anthrone, est accompagnée de
pseudohypéricine et, dans la plante fraîche, des protohypéricine et protopseudo-
hypéricine.

Pharmacologie. Différents constituants du millepertuis pourraient participer à son


action antidépressive. L'hyperforine est actuellement considérée comme le principal
responsable de cette action, mais des synergies sont évoquées par plusieurs auteurs.
Les tests habituellement mis en œuvre chez l'animal pour détecter une activité
« antidépressive » montrent que le millepertuis exerce un effet stimulant sur le SNC.
L'activité IMAO de l'hypéricine initialement mise en évidence in vitro n'a pu être
confirmée par les études ultérieures. Cette activité, de type IMAO-A, semble
concentrée dans les fractions riches en flavonoïdes ; elle pourrait aussi être le fait des
xanthones, mais leur concentration est trop faible (0,0004 %). De plus, l'activité IMAO
n'a pas été mise en évidence in vivo (Rat) et d'autres mécanismes - et/ou d'autres
molécules - sont peut-être à l'origine des propriétés des extraits. L"extrait brut montre
une forte affinité pour les récepteurs GABAergiques et il a été prouvé que des
Ilavonoïdes comme l'amentoflavone possèdent, in vitro, une forte affinité (ICso = 15
nM) pour le site de fixation des benzodiazépines. Cependant, on n'a pas observé
d'inhibition de la fixation du flunitrazepam in vivo (Souris). L'hypéricine a une modeste
affinité pour les récepteurs cholinergiques, mais n'a pas d'affinité pour les récepteurs
adrénergiques ou GABAergiques. Elle est faiblement absorbée et, apparemment, ne
l'ranchit pas la barrière hémato-encéphalique.
L'hyperforine semble modifier la fluidité membranaire des neurones. Elle
augmente la concentration intracellulaire en sodium, ce qui freine, non sélectivement, le
recaptage des neurotransmetteurs au niveau des synapses (sérotonine, dopamine,
noradrénaline). L'hyperforine pourrait également influencer les mécanismes
dépendants de la calmoduline. Elle se lie au récepteur nucléaire des pregnanes (PXR)
régulateur transcriptionnel des gènes codant les mono-oxygénases type cytochrome
CYP3A impliquées dans le métabolisme de très nombreux médicaments. L'hyperforine
Ilugmente également l'expression de la P-glycoprotéine (P-gp) impliquée dans le
transport d'efflux transmembranaire de divers médicaments (cf. ci-dessous, interactions
ll1édicamenteuses). Les concentrations plasmatiques d'hyperforine mesurées après
Ildministration (voie orale) de 600 mg d'extrait de millepertuis sont voisines de 300
ng/ml, proches de celles qui inhibent in vitro le recaptage de la sérotonine au niveau
synaptique. On note aussi que cette molécule est retrouvée dans le cerveau du Rat après
Ildministration orale d'un extrait alcoolique de sommité fleurie (ce qui n'est pas le cas
dcs autres constituants du millepertuis). L'hyperforine est active sur les modèles
Ilnimaux standards utilisés pour évaluer une activité de type antidépressive, et cette
Ilctivité est en grande partie corrélée à la dose d'hyperforine administrée.
L'hypéricine est douée de propriétés antirétrovirales, in vitro et in vivo. Elle agit
directement au niveau de l'enveloppe des virus et au niveau des protéines virales. Son
IIctivité se développe aussi bien à la lumière (génération d'oxygène singulet) qu'à
l'ohscurité.
526 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

Le millepertuis est réputé cicatrisant. Les propriétés antibactériennes d'extraits ont


été mises en évidence in vitro. Il en est de même pour celles de l 'hyperforine
structuralement très proche des céto-énols bactéricides présents dans les « cônes» du
houblon.

Évaluation clinique. Dès 1996, les auteurs d'une méta-analyse de 23 essais


cliniques randomisés (20 en double aveugle) incluant 1757 patients atteints de
dépression légère ou modérée avaient conclu que les essais versus placebo mettaient en
évidence l'activité supérieure au placebo de l'extrait de millepertuis seul (14 essais) ou
associé à d'autres extraits végétaux (1 essai). Toutefois, l'absence d'uniformité dans la
classification des états dépressifs, l'hétérogénéité des patients inclus, la faiblesse
méthodologique de la plupart des essais retenus, la variabilité des produits et des doses
utilisées limitaient le niveau de preuve de cette méta-analyse.
Depuis, l'évaluation clinique du millepertuis s'est étoffée d'essais de meilleure qua-
lité méthodologique, mettant en jeu des extraits de nature différente, non titrés ou titrés
en hypéricine (0,1 à 0,3 %), ou en hyperforine (1,5 à 3 %). Une synthèse méthodique:
d'un groupe du réseau Cochrane publiée en 2005 a retenu 37 essais randomisés et en '
double aveugle évaluant chez des patients dépressifs, à l'aide d'échelles normalisées et
pendant au moins quatre semaines, l'effet d'une mono-préparation de millepertuis versus
placebo (26 essais, 3320 patients) ou versus des antidépresseurs synthétiques (14 essaisj ,
2283 patients). Les doses utilisées, le plus souvent de 900 mg/j, variaient entre 240 et •
1500 mg/j. Les essais comparant placebo et millepertuis sont hétérogènes, mais la,
supériorité du millepertuis sur le placebo est clairement apparue chez les patients
faiblement ou modérément déprimés. La restriction de l'analyse aux seuls essais
grande taille conduits chez des patients souffrant de dépression majeure a fait apparaître
une supériorité du millepertuis, mais celle-ci est modeste (RR = 1,15, IC95 [1,02 - l ,
1241 patients) et sujette à débat. Les essais comparant millepertuis et antidépresseurs
sont homogènes. Quel que soit l'antidépresseur utilisé comme comparateur (tricyclique
ou inhibiteur dit « sélectif» de la recapture de la sérotonine [ISRS]), il n'a pas été etaOll~.
de différence d'effet statistiquement significative entre celui-ci et le millepertuis 5 (ex.
versus ISRS : RR =0,98, IC95 [0,85-1,12],814 patients). Les sorties d'essais pour caUIS~~.
d'effets indésirables ont été moins nombreuses dans le groupe millepertuis que dans
groupe sous antidépresseur« ancien» (ex. : tricycliques); il en a été de même versus
ISRS, mais la significativité statistique n'est pas atteinte dans ce cas.
L'incorporation des études les plus récentes et de méthodologie rigoureuse dans
méta-analyses ne remet pas en cause la supériorité de l'efficacité du millepertuis
rapport à celle du placebo dans les dépressions légères et modérées. Toutefois, elle
à montrer que cette efficacité est peut-être un peu moins marquée que ne le laii,saien'
supposer les premiers essais publiés.

5. Mais les anti-dépresseurs de nouvelle génération ne sont peut être pas plus efficaces qu'
placebo ... du moins dans les formes de dépression non sévères (Cf. : Kirsch, 1., Deacon, BJ.,
Medina, T.B. et al. (2008). Initial severity and antidepressant benefits : a meta-analysis of data sublmitt,ed
the Food and Drug Administration, PLoS Med, 5, e45, en ligne, 9 pages).
QUI NONES 527

Toxicité, effets indésirables, interactions médicamenteuses. Les données de


toxicologie animale publiées sont rares. L'extrait de millepertuis ne semble pas avoir
cl' effet sur la reproduction des souriS.
Les notifications spontanées d'effets indésirables sont rares. La fréquence des effets
indésirables du millepertuis rapportés dans les essais est de 1 à 3 %. Leur caractère est
habituellement bénin (symptômes gastro-intestinaux banals, fatigue, réactions
allergiques mineures). En 2004, une synthèse méthodique des essais cliniques
comparatifs, des études de suivi, des signalements aux organismes de vigilance et des
cas publiés a montré qu'il n'y avait pas de différence en termes d'effets indésirables
entre les extraits de millepertuis et le placebo, et que la fréquence des effets indésirables
était plus faible avec les extraits de millepertuis qu'avec les antidépresseurs « classiques»
(ex. : tricycliques), et légèrement plus faible qu'avec les ISRS. L'analyse des études
d'observation a révélé des taux d'abandon du traitement pour effets indésirables variant
de 0 à 5,7 % (35562 patients). Le millepertuis a été suspecté d'être à l'origine
d'épisodes maniaques et d'un épisode psychotique chez des patients schizophrènes,
mais l'imputation de ces troubles n'est pas solide.
L'action photosensibilisante du millepertuis, liée à l'hypéricine, est bien connue
chez l'animal, en particulier chez les ovins. Chez l'humain, les manifestations
phototoxiques sont exceptionnelles et, semble-t-il, surviennent dans un contexte
particulier (puvathérapie par exemple).
Le millepertuis est un inducteur enzymatique: il diminue la concentration
plasmatique des médicaments habituellement dégradés par certains isoenzymes du
cytochrome P450. Cela entraîne la diminution de l'effet thérapeutique attendu et, à
l'inverse, l'apparition de manifestations toxiques lors de l'arrêt du millepertuis dans le
CilS des médicaments à faible marge thérapeutique (comme la théophylline ou la
digoxine). Les interactions les plus graves ont été observées avec des immuno-
Hupresseurs (ciclosporine, tacrolimus), déclenchant des épisodes de rejet de greffe. La
prise de millepertuis expose à une réduction de l'effet anticoagulant de la warfarine.
('hez des femmes sous contraceptif oral plusieurs cas de grossesse ont été rapportés,
vraisemblablement liés à ce type d'interaction médicamenteuse. D'autres interactions
~Ollt possibles (digoxine, fexofénadine, amitriptyline), mais sans conséquence clinique
décrite. La prise de millepertuis abaisse la concentration plasmatique de simvastatine et
dc pravastatine, et celle d'antirétroviraux (indinavir, névirapine). Un autre type
d'interaction (pharmacodynamique) implique des molécules telles que la buspirone, la
vcnlafaxine, la sertraline ou la fluoxétine. La résultante de cette interaction est
l'Ilpparition de symptômes caractéristiques d'un excès de sérotonine.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament admettait, en


II)l)X, qu'il n'était possible de revendiquer, pour les sommités fleuries de millepertuis,
'11Il' trois indications, pour la voie locale: 1° traitement d'appoint adoucissant et
IIIlliprurigineux des affections dermatologiques, comme trophique protecteur dans le
, Il'IIlIement des crevasses, écorchures, gerçures et contre les piqûres d'insectes; 2° en cas
d'6rythème solaire, de brûlures superficielles et peu étendues, d'érythèmes fessiers; 3°
: ~llllll11e antalgique dans les affections de la cavité buccale et/ou du pharynx (collutoire,
"'"Htille). En 2002, le millepertuis a été inscrit sur la liste des médicaments à base de
528 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

plante avec, pour la voie orale, l'indication thérapeutique: « traditionnellement utilisé


dans les manifestations dépressives légères et transitoires ». Pour le patient, la notice
doit préciser qu'il s'agit d'un « traitement de courte durée des états de tristesse
passagère accompagnés de baisse d'intérêt et de troubles du sommeil ». L'information
doit par ailleurs détailler effets indésirables (risque de syndrome sérotoninergique),
associations contre-indiquées et déconseillées, et autres mentions. Posologie: de 1 à 3
prises par jour (soit 1 mg à 3 mg au maximum d'hypéricines totales); réservé à l'adulte.
Ne pas dépasser quinze jours de traitement sans avis médical. Par mesure de précaution,
il est préférable de ne pas utiliser ce médicament pendant la grossesse. Les spécialités
actuellement disponibles en France sont des gélules et des comprimés à base d'extrait
(contenant de 185 à 300 mg par unité de prise), pour des posologies variant de 370 à
900 mg/j.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
les parties aériennes du millepertuis sont utilisées, par voie orale, en cas d'humeur
dépressive, de troubles psychovégétatifs, d'anxiété et/ou d'instabilité nerveuse. Les
préparations huileuses de millepertuis peuvent être utilisées en cas de troubles .'
dyspeptiques. Par voie externe, la monographie précise que les préparations huileuses'
sont utilisées en traitement et post-traitement des contusions, des myalgies et des
brûlures du premier degré. Posologie: de 2 à 4 g de plante (ou autres formes corres~ ,
pondant à 0,2-1 mg d 'hypéricine). Effets indésirables: une photosensibilité est possible,
en particulier chez les sujets à peau claire.
Au niveau européen, l'HMPC a publié un projet de monographie communautaire
qui prend en compte un usage bien établi (traitement symptomatique d'épisodes
dépressifs modérés) et une utilisation traditionnelle (neurasthénie,
mineures de la peau, cicatrisant des petites blessures). Les extraits secs utilisés en cas
dépression doivent contenir, au minimum, 2 % d'hyperforine, 6 % de flavonoïdes et
0,1 à 0,3 % d'hypéricine. La posologie varie de 800 à 1200 mg par jour selon le
d'extrait (sept sont décrits), pendant habituellement 4 semaines. Contre-indications
traitement concomitant par cyclosporine, tacrolimus, digoxine, amprénavir, indinavir
autres inhibiteurs des protéases, irinotécan et autres cytostatiques. À
prudemment en cas de traitement par : alprazolam, amitriptyline, fexofénadine,
diazépines, méthadone, simvastatine, théophylline, midazolam, triptans ou m"rt"rin.;
L'emploi d'anticoagulants nécessite un contrôle régulier de leur concentration ""'••y ....q.
Possibilité de saignements et de grossesse non désirée en cas de prise simultanée
contraceptifs oraux; possibilité de survenue de syndrome sérotoninergique en cas
prise combinée d'ISRS ou de buspirone. Éviter l'exposition au rayonnement
intense pendant le traitement. L'usage n'est recommandé ni avant 18 ans, ni chez
femme enceinte ou allaitante. Le projet détaille par ailleurs les formes employées
un usage traditionnel (une dizaine), leur posologie et conditions d'emploi
EMEAlHMPC/20081101304, 6 novembre 2008).
L'utilisation du millepertuis dans les denrées alimentaires et les boissons
autorisée en Europe, mais la teneur en hypéricine de celles-ci doit être inférieure à
mg/kg (1 mg/kg dans le cas des confiseries, 10 mg/kg dans le cas des boiss
alcoolisées [directive CEE88/388]).
QUINONES 529

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Cannabis sativa L.
orcinols et
phloroglucinols

.CANNABIS (CHANVRE "INDIEN"), Cannabis sativa L., Cannabaceae

Plante très anciennement utilisée par les médecines ayurvédiques et chinoises (entre
autres comme analgésique et anesthésique), le chanvre diffuse très vite vers l'ouest: les
Assyriens l'ont utilisé comme encens et les Scythes s'ennivraient des vapeurs dégagées
par la résine projetée sur des pierres chauffées. Sa diffusion ultérieure suit l'expansion
de l'Islam. Les médecins britanniques de l'armée des Indes et l'expédition d'Égypte de
Bonaparte furent les principaux responsables de son introduction en Europe, au XIX'
siècle. Il y sera consommé dans les cercles intellectuels - il était fréquemment ingéré
sous forme d'une confiture épaisse, le dawamesk - et exploité par la médecine qui
tentera de l'utiliser dans le traitement de l'épilepsie, des migraines, des névralgies, des
convulsions, des spasmes et des algies diverses. L'inconstance de son activité
thérapeutique, la mauvaise conservation de ses préparations, la difficulté à fixer des
doses optimales, l'apparition d'analgésiques et d'hypnotiques synthétiques conduisirent
à l'abandon progressif de son utilisation et à sa disparition, dans la première moitié du
XX' siècle, de la plupart des Pharmacopées occidentales.
L'usage du cannabis est interdit en France, ce qui n'empêche pas qu'il y soit le
produit illicite le plus consommé 1, le marché de la métropole étant approvisionné en
résine essentiellement par le Maroc, et en herbe par des pays comme les Pays-Bas et la
Belgique (pour une part en achat direct) ainsi que par l'autoculture : 200000 consom-
mateurs auraient actuellement recours à cette autoproduction (culture hydroponique
sous éclairage artificiel).

1. La France est l'un des pays de l'Union européenne qui compte le plus d'expérimentateurs et
d'usagers de cannabis. Notre pays comptait, en 2005, 1,2 million de consommateurs réguliers (au
Illoins 10 fois par mois), dont 550 000 l'utilisaient quotidiennement. La même année on estimait à
'\,9 millions le nombre d'usagers en consommant au moins une fois par an et à 12,4 millions le
lIombre d'expérimentateurs en ayant fait l'usage au moins une fois dans leur vie. En 2005, environ
!I(),5 % des jeunes de 17 ans déclaraient avoir déjà pris du cannabis; environ 28 % déclaraient en
IIvoir pris au cours des trente derniers jours et environ 11 %, surtout des garçons, étaient des
IIlilisateurs réguliers. Au sein des populations plus âgées, l'usage de cannabis diminue rapidement
IIvee l'âge. Expérimentation et usage sont en légère régression depuis 2002. (Chiffres à rapporter au
lIombre de personnes âgées de 12 à 75 ans, soit, en 2005, 46 millions). Ces données et d'autres
l'Iéments du présent chapitre sont tirées de : Cannabis, données essentielles, édité en 2007 sous la
direction de J.-M. Costes par l'OFDT (téléchargeable sur http://ofdt.fr).

i
b
534 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

L'importance de la consommation mondiale de cannabis a conduit à une


multiplication des travaux scientifiques visant, entre autres, à déterminer le réel impact
de sa consommation, régulière ou épisodique, sur la santé: la pléthore des travaux
publiés (11500 citations sur Medline® en février 2009) témoigne des controverses
suscitées par cette plante et de la difficulté qu'éprouvent beaucoup d'auteurs à formuler
des conclusions tranchées quant à sa dangerosité. Si l'on connaît bien les effets
immédiats de l'intoxication par le cannabis sur le comportement, il est loin d'en être de
même de ses effets à long terme: leur existence même a été sujet à polémique.

La plante. La morphologie des feuilles de cette grande herbe dioïque varie en


fonction de leur point d'insertion: opposées et 5-7-segmentées à la base de la tige, elles '"!;

sont alternes, simples ou 3-segmentées lorsqu'elles sont au sommet de celle-ci; les


segments sont lancéolés et dentés. Les fleurs mâles sont groupées en panicules, les
fleurs femelles sont serrées en cymes compactes mêlées de bractées foliacées. Le fruit
(chénevis) est un akène ovoïde. Examinée au microscope, la feuille montre, sur les deux
faces, des poils tecteurs nombreux, l-cellulaires, à paroi lisse et à extrémité recourbée.
Certains présentent un renflement à la base, dû à la présence de cristaux de carbonate de
calcium (cystolithes); ils se recouvrent les uns les autres, comme des écailles de
poisson. Les poils sécréteurs, rares dans le cas des feuilles, sont plus nombreux sur les
bractées de l'inflorescence femelle: poils à pied pluricellulaire plurisérié souvent
détaché de sa tête 8-16-cellulaire globuleuse.

Chanvre à fibres, chanvre à résine

S'il a été longtemps dit que l'espèce sativa comprenait au moins deux variétés, on
sait qu'en fait le chanvre s'adapte à presque toutes les conditions écologiques: « il
s'ensuit une plasticité qui s'exerce au niveau botanique, chimique et par voie de,;
conséquence pharmacologique» (G. FOURNIER). Le génotype de la plante est;
également déterminant. On distingue trois types de chanvre, sur la base des teneurs en f
f19-tétrahydrocannabinol (f19-THC - on parle couramment de THC - , psychoactif) et;.
en cannabidiol (CBD, non psychoactif mais bon marqueur d'identité) : ;
• type « résine» à forte teneur de THC (> 1 %) et dépourvu de CBD; ce type dei:
composition s'observe avec tous les chanvres croissant dans les zones climatiquesr
chaudes et produisant beaucoup de résine; b
• type « fibre» à très faible teneur en THC et teneur élevée en CBD; (THe,;
< 0,2 %, en fait < 0,1 % pour la majorité des variétés « textiles» sélectionnées et'
cultivées dans les zones tempérées septentrionales); .
• type « intermédiaire », à teneur forte en THC et en CBD ; ce type est
caractéristique du chanvre originaire du bassin méditerranéen.

Chanvre« àfibres », réglementation de la culture (en France)


Le Code de la santé publique (Article R5132-86) précise que « sont interdits l'
production, la fabrication, le transport, l'importation, l'exportation, la détention, l'offre:
la cession, l'acquisition ou l'emploi: 10 du cannabis, de sa plante et de sa résine, de~
CANNABACEAE 535

produits qui en contiennent ou de ceux qui sont obtenus à partir du cannabis, de sa


plante ou de sa résine; 2° des tétrahydrocannabinols, à l'exception du delta 9-
tétrahydrocannabinol de synthèse, de leurs esters, éthers, sels ainsi que des sels des
dérivés précités et de produits qui en contiennent. »
Le même texte prévoit que la culture, l'importation, l'exportation et l'utilisation
industrielle et commerciale de variétés de Cannabis dépourvues de propriétés
stupéfiantes peuvent être autorisées par arrêté. (Arrêté d'application du 22-08-1990).
Ces variétés, au nombre de 20 au 1" mars 2008, ne contiennent pas plus de 0,2 % de
THC (déterminé selon une méthode définie et publiée en annexe de l'arrêté précité,
c'est-à-dire par CPG d'un extrait éthéropétroléique).
Cette autorisation concerne les chanvres cultivés pour la fabrication de papiers
spéciaux, de matériaux isolants pour la construction, de fibres composites, de tissus et de
produits non tissés, de panneaux de particules pour l'ameublement, de litières pour
animaux, d'aliments de lest cellulosiques, d'huile de graines, etc. Les producteurs
doivent disposer d'un contrat de production avec un acheteur et utiliser des semences
certifiées de variétés autorisées. Semis et récolte font l'objet de déclarations obligatoires.

Chanvre« à résine»
Le cannabis peut être consommé sous plusieurs formes. Classiquement, on
distingue les formes peu concentrées en THC (herbe: 2-6 %) et les préparations plus
concentrées: résine 2 (5-20 %) et huile (> 50 %). En fait, les différences de concen-
tration entre l'herbe et la résine ne sont aujourd'hui plus toujours aussi marquées (en
moyenne et pour ce qui concerne les pays de l'Union européenne).
• Herbe (marijuana). Il s'agit des sommités florifères. Elles sont souvent plus ou
moins mêlées de feuilles, éventuellement de tiges et/ou de graines, séchées, parfois
agglomérées par pression (pétard). Si la marijuana consommée aux États-Unis
d'Amérique titrait en moyenne 4 % de THC en 1997, 1'herbe utilisée en Europe est
beaucoup plus concentrée: en moyenne 7 % de THC pour les produits saisis en France
entre 2000 et 2005. Certaines formes telles que des sommités fleuries de plantes
femelles non pollini sées de variétés sélectionnées (sinsemilla) et cultivées en conditions
contrôlées ont des teneurs beaucoup plus élevées en THC (15-20 %). L'herbe est la
forme classique de la drogue, fréquemment fumée en mélange avec du tabac (joint).
Une part croissante de l'herbe consommée provient de l'autoculture;
• Résine (haschich). Il s'agit dans ce cas de la résine obtenue par séparation des
sommités florifères. Elle est consommée, comme l'herbe, par inhalation de la fumée
(joint). Certains consommateurs réguliers utilisent une pipe à eau dénommée bang,
terme d'origine indienne désignant initialement une forme ingérable de cannabis.
En 2007, la moitié des échantillons de résine récoltés en France auprès des usagers
lors d'une enquête d'observation présentaient un taux de THC compris entre 7 et 12 %
nlors que pour la moitié des herbes ce taux se situait entre 6 et 14 %.

2. Selon Paris et Moyse, la résine pure est le chara, alors que le haschich (Arabie, Égypte) ou le
gll//iah(Inde) sont des sommités femelles engluées de résine. Dans la pratique courante, le terme de
hllschich est synonyme de résine.
536 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

• Huile de cannabis (haschich liquide). C'est une forme très concentrée en THC
(> 50 %), obtenue par extraction du haschich à l'aide de solvants dans des appareils
artisanaux fonctionnant sur le principe de l'extracteur de Soxhlet. C'est une forme dont
l'usage est peu répandu en Europe.

Composition chimique. Plusieurs centaines de composés différents ont été isolés à


partir du chanvre: huile essentielle à composés terpéniques, flavonoïdes, sucres, acides
gras, spiro-indanes phénoliques, dihydrostilbènes, composés azotés (amines,
ammoniums, alcaloïdes dérivés de la spermidine, etc.). Les constituants les plus
intéressants sont les cannabinoïdes : théoriquement absents des graines et des tiges, ils
sont présents dans les feuilles et se concentrent dans les bractées et la résine.
Ces cannabinoïdes - on en connaît environ soixante-dix - sont des terpéno-
phénols classés en plusieurs groupes en fonction de leur structure. Les principaux
représentants de ce groupe sont:
- le ~9-tétrahydrocannabinol (~9_ THC ou THC), benzotétrahydropyranique;
- le cannabinol (CBN), dibenzopyranique (produit de dégradation du précédent) ;
-le cannabidiol (CBD), diphénolique.

OH

tétrahydrocannabinol (numérotation terpénique) cannabinol

OH

~HO
cannabidiol cannabigérol

Le THC et le CBD existent dans la plante fraîche en partie sous la forme de dérivés;;
carboxyliques (en C-2, ex. : acide tétrahydrocannabinolique). Ils sont accompagnés de.:
leurs homologues à chaîne latérale plus courte (propyl- et méthylcannabinoïdes), de'
leurs précurseurs (ex. : cannabigérol, CBG), de dérivés chromaniques (cannabicyclol,i
cannabichromène), etc. ,~

Biosynthèse des cannabinoïdes. Ces composés sont issus de la condensation d'un.


molécule de diphosphate de géranyle (issu de la voie du désoxyxylulose) sur un phéno
comme l'olivétol (en fait l'acide olivétolique), ce qui explique la formation d.
cannabigérol; celui-ci peut conduire, par oxydation et réarrangement allylique, a'
CBD,puis au THe.
CANNABACEAE 537

GPP olivétol

Pharmacologie. L'activité du cannabis est liée au seul ~9-tétrahydrocannabinol


(THC) ; les autres cannabinoïdes semblent biologiquement inactifs (mais beaucoup
d'entre eux, présents à l'état de traces, n'ont jamais été étudiés). Le CBD inhiberait
l'angoisse provoquée par les fortes doses de THC.
Le THC, particulièrement lipophile, est rapidement absorbé (pic plasmatique après
inhalation: 7-8 minutes). Il est métabolisé au niveau hépatique en dérivés hydroxylés
(ex. : ll-hydroxy-THC), neutres ou acides (dérivés 9-carboxy), inactifs ou actifs,
éliminés par voie fécale et urinaire. La présence du dérivé carboxylique dans l'urine est
cncore détectée 2 à 3 mois après l'absorption chez les gros consommateurs, quelques
jours chez les consommateurs occasionnels (il peut donc être assez fréquemment
détectable) .
Le THC se lie à des récepteurs spécifiques principalement localisés dans le système
limbique. Ces récepteurs, dits CB 1, ont été caractérisés aussi bien chez l'Homme que
chez les rongeurs. La stéréospécificité est très étroite, seul le 6aR,lOaR (_)_~9_ THC
possédant l'activité pharmacologique. L'existence d'un récepteur aux cannabinoïdes a
posé, indirectement, celle de ligands endogènes nommés endocannabinoÏdes : en 1992,
Mechoulam et al. ont isolé du cerveau de porc une molécule, l'anandamide, qui se fixe
spécifiquement sur le récepteur au THe. L'anandamide, dont le nom a été formé à partir
du sanscrit ananda (béatitude), est l'éthanolamide de l'acide arachidonique (d'où la
dénomination, souvent employée, d'eicosanoïde cannabinomimétique). Cette molécule a
suscité, depuis sa mise en évidence, de nombreux travaux de pharmacologie moléculaire.
À. la suite de cela, un deuxième type de récepteurs aux cannabinoïdes (CB2) a été
caractérisé en particulier chez les macrophages de la zone marginale de la rate. Ils
pourraient jouer un rôle immuno-modulateur. L'existence d'autres endocannabinoïdes a,
depuis, été postulée (en particulier le 2-aradidonoylglycérol). En stimulant leurs
récepteurs, les cannabinoïdes induisent des réponses liées à trois voies de la signalisation
cellulaire, voies de l'adényl-cyclase, des protéine-kinases et de certains canaux ioniques

Toxicité. La toxicité aiguë du THC est très faible - sa dose létale n'est pas connue
. ct sa consommation ponctuelle n'entraîne pas de surdose. Il n'a pas été publié de cas
de décès après intoxication aiguë au cannabis. Des risques de mort violente existent
néanmoins: une étude récente (2005) a montré que les conducteurs de véhicules sous
Influence du cannabis avaient, en France, 1,8 fois plus de risques que les conducteurs
\ négatifs d'être à l'origine d'un accident mortel. Le nombre annuel de victimes
d'uccidents de la route attribuables au cannabis serait de l'ordre de 230 (sur une base de
tl 000 décès). Le cannabis pourrait aussi jouer un rôle dans le déclenchement d'infarctus
du myocarde. Par ailleurs, certaines études ont associé la dépendance au cannabis à une
plus grande fréquence des tentatives de suicide.
538 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

Effets de la consommation du cannabis

Les effets du cannabis sur le comportement sont les mieux connus: leur description
a fait l'objet, dès le milieu du XIX' siècle, d'ouvrages médicaux (Moreau de Tours, J.
[1845]. Du haschich et de l'aliénation mentale - Études psychologiques) et de textes littéraires
(T. GAUTHIER, C. BAUDELAIRE 3) qui décrivent bien l'altération des perceptions
consécutive à l'absorption de chanvre. Les effets physiques sont beaucoup plus discrets
(sauf chez le très jeune enfant qui est parfois intoxiqué involontairement: ingestion de
mégots de joints, de fragments de résine, de pâtisseries incorporant du haschich).

Manifestations aiguës. Une prise isolée de cannabis ne provoque que quelques


signes somatiques, mineurs dans l'immense majorité des cas: conjonctives injectées,
sécheresse buccale, tachycardie, augmentation de l'appétit et hypotension orthostatique.
En fait, l'intoxication est marquée par des manifestations psychiques. Extrêmement
polymorphe, cette intoxication (dite aussi ivresse cannabique) est caractérisée par des
comportements inadaptés. Sensation de bien-être ébrieux, euphorie, fous rires,
exaltation imaginative, altération du jugement, lassitude voire torpeur, traduisent
habituellement la prise de cannabis. Les utilisateurs témoignent de changements dans la
perception sensorielle (distance, forme, sons, couleurs, toucher et syncinésie d'un
registre à l'autre) et temporelle (sentiment de ralentissement du temps) 3. On peut aussi
contater une altération de la mémoire à court terme et de l'attention, ainsi qu'une
augmentation du temps de réaction. Si l'intoxication est plus importante, on peut
observer des troubles du langage et de l'articulation, une certaine difficulté à effectuer;
des tâches multiples simultanées, une pertubation de la coordination motrice. Dose,
antécédents du sujet et contexte environnemental ont une incidence directe sur la
symptomatologie observable.

Risques aigus. La survenue de symptômes anxieux, à type d'attaque de panique est ;:


la plus fréquente: peur de perdre le contrôle ou de mourir, impression de danger, peur'

3. «Les objets extérieurs prennent lentement, successivement, des apparences singulières; ils se
déforment et se transforment. [...l Les sons se revêtent de couleurs, et les couleurs de musique. [...l Il '
arrive quelquefois que la personnalité disparaît, [ ...l que la contemplation des objets extérieurs vous:
fait oublier votre propre existence, et que vous vous confondiez avec eux. [ ... l Votre attention se,';
reposera un peu trop longtemps sur les nuages bleuâtres qui s'exhalent de votre pipe [...l Par une;;,
équivoque singulière, par une espèce de transposition ou de quiproquo intellectuel, vous vous sentirez,
vous évaporant, et vous attribuerez à votre pipe [, ..ll'étrange faculté de vous fumer. [ ...l. Par bonheur,:,;
cette interminable imagination n'a duré qu'une minute [... ] Mais un autre courant d'idées VOUS,
emporte; il vous roulera une minute encore dans son tourbillon vivant, et cette autre minute sera uno:
autre éternité. Car les proportions du temps et de l'être sont complètement dérangées par la multitud~!
et l'intensité des sensations et des idées. On dirait qu'on vit plusieurs vies d'hommes en l'espac~"
d'une heure. » Et, plus loin: « Mais il faut voir les résultats [...lle haschish l'annihile [la volontélf
le haschish est une arme pour le suicide [...l est isolant [ ...l appartient à la classe des joies solitaires;
il est fait pour les misérables oisifs. [...l Le haschish est inutile et dangereux. » Baudelaire, C. Lei
paradis artificiels, Garnier-Flammarion (1966), Paris. (Le poème du haschish, chap. III, p. 47-48; vol
aussi une autre formulation dans: « Du vin et du haschish comparés comme moyens d.'
multiplication de l'individualité », ibid., IV, p. 177 sqq.). '
CANNABACEAE 539

de devenir fou, accompagnées de palpitations, de sensation d'étouffement. Ces


symptômes sont spontanément résolutifs et ne nécessitent généralement pas de
traitement. Il peut apparaître une psychose cannabique, avec hallucinations et/ou idées
délirantes persistantes; ces hallucinations sont différentes de la distorsion perceptive
caractéristique de l'intoxication. Rarement, l'expérience toxique peut être revécue,
longtemps après la prise du produit: c'est leflash back, bien connu dans le cas du LSD.
Le THC perturbant la coordination de la motricité, la prise de cannabis présente un
danger certain dans la conduite automobile, le pilotage d'avions et lors de l'utilisation
de machines (déficit d'attention, temps de décision allongé, réponses en situation
d'urgence inappropriées).

Risques chroniques.
a- Des études épidémiologiques ont montré qu'une consommation élevée de
cannabis augmente le risque de survenue d'un trouble psychotique, et d'une
schizophrénie en particulier, chez les sujets initialement indemnes de ces troubles (mais
présentant une vulnérabilité préexistante pour ces troubles, déterminée par d'autres
facteurs de risques). La survenue d'un tel trouble est relativement rare, mais le risque
est proportionnel à l'intensité de la consommation. Le développement d'un syndrome
« amotivationnel », surtout chez l'adolescent, n'est pas rare (apathie, retrait social,
difficultés de concentration, fatigabilité, etc.), mais l'autonomie d'un tel syndrome est
contestée. Dans le cas des troubles dépressifs et anxieux, la question est posée de savoir
si l'usage du cannabis est la cause ou la conséquence de la dépression: il semble
cependant que la consommation régulière de cannabis augmente le risque de survenue
d'un trouble anxio-dépressif chez les adolescents.
L'intoxication chronique par le cannabis entraîne une dépendance psychologique
associée à une dépendance physique faible attestée par une tolérance à l'augmentation
des doses. La dépendance au cannabis concernerait 15 % des consommateurs âgés de
15 à 24 ans. Le plus souvent modérée, cette dépendance régresse habituellement
spontanément (la grande majorité des adultes de plus de 30-35 ans abandonnent le
produit), mais peut persister et être sévère ches certains adultes. L'interruption de la
consommation peut provoquer, dans les deux semaines qui suivent, anxiété, irritabilité,
IIgitation et troubles du sommeil.

h- L'utilisation répétée du cannabis induit, comme le tabac, des altérations


fonctionnelles au niveau des bronches et peut entraîner une bronchite chronique.
('omme celle du tabac auquel il est souvent associé, la combustion du cannabis produit
dcs substances cancérogènes : plusieurs études montrent que la fumée du cannabis est
IIssociée à une augmentation du risque de survenue d'un cancer broncho-pulmonaire et,
pcut-être, des voies aéro-digestives supérieures (résultats contradictoires). Comme le
tllbac, le cannabis exposerait à un risque d'athérosclérose et d'artériopathies.
Les données sur la possibilité d'une diminution des défenses immunitaires liée à
"usage du cannabis, très contradictoires, sont délicates à interpréter et ne semblent pas
wnfirmées par l'observation clinique. L'exposition au cannabis a aussi été associée à
des effets sur l'équilibre hormonal, mais les conséquences cliniques des modifications
observées demeurent discutées.
540 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

Dosage des cannabinoïdes. Le dosage dans les inflorescence fait appel aux
techniques classiques de la CPG, méthode qui permet de déterminer les teneurs
respectives des différents cannabinoïdes, et donc de préciser le type: « drogue» à forte
teneur de THC et dépourvu de CBD,« fibre» pauvre en THC et riche en CBD.
La CPG peut être réalisée directement ou après formation de dérivés, ce qui est
parfois nécessaire. Dans les milieux biologiques, on peut utiliser des méthodes
immunologiques ou chromatographiques, chromatographie liquide, CPG/SM (voir
publications et ouvrages spécialisés).
L'usage du cannabis est détectable par des tests salivaires et urinaires, ainsi que par '
une recherche dans les phanères. Le dosage du THC peut être effectué (CPG-SM) dans
le sang et dans l'urine.

Chanvre et thérapeutique: potentialités. Parmi les nombreuses potentialités


thérapeutiques que présentent les cannabinoïdes, une au moins est bien connue: leur
activité anti-émétique. C'est sur la base des constatations de cancéreux traités par
chimiothérapie et fumeurs de « joints» qu'ont été étudiées puis exploitées ces
propriétés du THC ainsi que celles d'analogues synthétiques.
Les essais cliniques ont confirmé l'activité significative du THC par voie orale sur
les vomissements induits par la plupart des chimiothérapies. Le THC a également été
évalué pour ses propriétés analgésiques (en particulier dans le contexte des affections
spastiques associées à des douleurs dans le cadre de la sclérose en plaques ou d'atteintes
médullaires). Les autres potentialités des cannabinoïdes et de leurs analogues
structuraux n'ont fait l'objet que de très peu d'essais contrôlés (épilepsie, glaucome,
etc.).
Le tétrahydrocannabinol (dronabinol) est utilisé comme antivomitif aux États-Unis,
d'Amérique. L'inconvénient du THC par voie orale réside dans ses effets indésirables .,.
psychiques, parfois graves, effets qui n'existent pas avec les anti-émétiques classiques ,:
(ondansétron, métoclopramide, dompéridone, etc.). Des analogues structuraux ont été:
développés, notamment la nabilone qui a été testée en clinique, mais qui conserve;
malgré tout des effets indésirables non négligeables. La nabilone, comme le dronabinol,;
est utilisée en Amérique du Nord et au Royaume-Uni. Dans d'autres pays (Pays-Bas), :
ce sont des formes à fumer à base d'inflorescences, titrées en tétrahydrocannabinol qui
sont disponibles (des dispositions voisines existent en Catalogne, en Belgique et en.
Suisse). Tous ces produits sont (théoriquement) utilisables chez des sujets recevant une
chimiothérapie anticancéreuse ou atteints de SIDA (orexigènes), chez des patients en
soins palliatifs, et pour le traitement de douleurs rebelles (sclérose, atteintes (
médullaires). Depuis 2005, un mélange de dronabinol et de cannabidiol est autorisé au:'
Canada en spray oral comme traitement symptomatique des douleurs neuropathiques de:
la sclérose et, depuis 2007, comme traitement d'appoint de la douleur cancéreuse che~i
les adultes qui présentent une douleur au cours d'un traitement opioïde administré à la
plus forte dose tolérée. i

En France, le recours à la prescription de dronabinol et de nabilone est possibllf


depuis 1999 dans le cadre des ATU nominatives (autorisation temporaire d'utilisation)!:
dans des indications particulières. 1.
CANNABACEAE 541

• HOUBLON, Humulus lupulus L., Cannabaceae

Le cône de houblon est constitué par l'inflorescence femelle (appelée cône ou


strobile), généralement entière, séchée de H.lupulus (Ph. eur., 6' éd. - 6.1, [04/2008:
1222]).

La plante. Le houblon est une grande herbe dioïque, vivace, à feuilles 3-5 lobées, à
fleurs femelles groupées en grappes communément appelées « cônes» ou « strobiles ».
Spontané dans les haies et les lisières des bois de l'Europe et de l'Amérique du Nord,
c'est une espèce largement cultivée.

Le cône. Le cône, ovoïde, long de 2 à 5 cm, est formé de nombreuses bractées


ovales, jaune-vert, sessiles, membraneuses, imbriquées. La base des bractées et le repli
indu vial sont couverts de petites glandes à oléorésine jaune orangé.
L'examen microscopique (hydrate de chloral) du cône réduit en poudre montre
notamment de nombreux poils glanduleux jaune orangé, à pied court, bicellulaire et
bisérié, à tête 8-cellulaire ou surmonté d'une coupe de 150 Jim à 250 Jim de diamètre,
formée d'une assise hémisphérique de cellules sécrétrices, à cuticule décollée et
distendue par la sécrétion oléorésineuse accumulée.
La CCM d'un extrait hydro-méthanolique met en évidence le xanthohumol, des
lupulones et des humulones (examen en lumière ultraviolette à 254 nm et 365 nm puis
révélation par le réactif phosphotungstomolybdique et l'ammoniac). Le cône de
houblon doit contenir au minimum 25 % de matières extractibles par l'alcool à 70 %.

Composition chimique. L'hydrodistillation du houblon fournit de 3 à 10 ml/kg


d'huile essentielle. Celle-ci est principalement constituée de carbures sesquiterpéniques
(p-caryophyllène, farnésène, humulène) et monoterpéniques (p-myrcène). Elle
renferme également des composés oxygénés et du 2-méthyl-but-3-én-2-o1 (provenant
de la décomposition des humulones et lupulones) dont la teneur est d'autant plus grande
que la durée de stockage s'allonge.
o OH 0 OH

o OH o OH
HO

humulone lupulone

OH

HO

xanthohumol méthylbuténol
542 COMPOSÉS PHÉNOLIQUES

Le cône de houblon renferme des flavonoïdes : hétérosides du quercétol et du


kaempférol et, surtout, jusqu'à 1 % d'une cha1cone isoprénylée, le xanthohumol, facile-
ment convertible en l'isoflavanone correspondante, l'isoxanthohumol. On y trouve
aussi de faibles quantités de leur précurseur biogénétique, le desméthylxanthohumol, et
d'autres cha1cones apparentées. Le desméthylxanthohumol ayant deux hydroxyles
libres en ortho, il est susceptible de former deux isoflavanones : les (±)-6- et (±)-8-
prénylnaringénines (la naringénine des Citrus est la (-)-naringénine). Il est vraisem-
blable que ces flavanones sont presque entèrement sinon totalement des artefacts,
formés lors de l'obtention de la bière (ou lors d'opérations extractives).
Les composés responsables de l'amertume caractéristique du houblon sont des
dérivés prénylés d'un l-acyl-phloroglucinol classés en deux groupes d' « acides
amers », a et ~, différents par leur nombre de substituants isoprényl. L'humulone est le
constituant majoritaire du groupe a, elle est accompagnée de cohumulone et
d'adhumulone. Leurs équivalents dans la série ~ sont la lupulone, la colupulone et
l'adlupulone. Leur teneur peut être supérieure à 20 %. Dans les bières, le processus de
fabrication conduit à la transformation partielle des a-acides en iso-a-acides,
principaux responsables de l'amertume.

Pharmacologie. L'activité sédative des préparations de houblon a longtemps été


attribuée au méthylbuténol qui induit à très forte dose et par voie intrapéritonéale
narcose chez la Souris et diminution de la motilité chez le Rat. Mais ce composé n'est
présent qu'à l'état de traces dans les extraits commerciaux et il ne semble pas se former
in vivo à partir des acides. Un extrait au dioxyde de carbone et les acides a augmentent
l'effet inducteur de sommeil du pentobarbital et exercent un effet antidépresseur léger
(Rat, voie orale, 10 mg/kg). Les acides ~, également antidépresseurs, réduisent l'action·
du pentobarbital. D'autres résultats confirment ces données, à l'exception de l'impact.
des acides ~ sur le sommeil (ils potentialiseraient faiblement l'action du pentobarbital).
In vitro, un extrait riche en flavonoïdes interagit avec les récepteurs à la sérotonine et à
la mélatonine ; cela n'est pas confimé in vivo.
L'activité œstrogénique du houblon est le fait de la 8-prénylnaringénine qui est un
agoniste des récepteurs à l'estradiol (notamment ERa). Plusieurs expérimentations ont
confirmé et précisé l'action œstrogénique de cette molécule in vivo. Le xanthohumol •.
peut être cyclisé au niveau intestinal et l'isoxanthohumol peut être déméthylé en 8·
prénylnaringénine au niveau hépatique.
Humulones et lupulones sont responsables de l'activité antibactérienne et·
antifongique du houblon et de ses extraits.

Évaluation clinique. L'efficacité supposée du houblon ou de ses extraits dans le


traitement des troubles du sommeil n'a pas été évaluée: tous les essais publiés -
ont constaté un effet au mieux modeste - concernent des mélanges de houblon et
valériane et leur méthodologie est souvent sommaire. Un essai à 3 bras a réc:errlm(~nt.i
comparé une association valériane-houblon, placebo et valériane Ses auteurs
constaté que le mélange houblon/valériane diminuait le temps d'endormissement
que la valériane ou le placebo après 4 semaines de traitement. Le très faible effectif (8
10 patients évalués par bras), un rapport d'essai sommaire et l'effet inverse du
CANNABACEAE 543

en relativisent très fortement la conclusion. En l'absence d'esssais indépendants


évaluant le houblon en monopréparation, son efficacité n'est attestée que par la
tradition.
Un extrait titré en 8-prénylnaringénine pourrait peut-être atténuer les symptômes
vasomoteurs liés à la ménopause (un seul essai). Des essais complémentaires sur des
effectifs adéquats sont nécessaires pour justifier l'emploi dans cette indication.

Effets indésirables. Le houblon n'est pas toxique et il n'a pas été rapporté d'effets
indésirables liés à son utilisation en thérapeutique. La génotoxicité a été peu étudiée, la
cancérogénicité et les effets sur la reproduction sont inconnus. Le houblon peut
provoquer des réactions allergiques chez les personnes sensibles et des dermites de
contact, observées chez les travailleurs de la filière, mais apparemment pas dans le
cadre de l'emploi médicinal. Il est couramment admis qu'une consommation modérée
de bière n'est pas néfaste à la santé (eu égard à la concentration de cette boisson en 8-
prénylnaringénine). On ne sait rien du risque lié à l'utilisation à long terme des
nombreux produits à base de houblon - des mélanges mal caractérisés, au statut
incertain et à l'efficacité non démontrée - qui sont offerts via l'internet, pour, entre
autres,« augmenter la poitrine » ...

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour l'inflorescence femelle (cône) de houblon, les
indications thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 10 pour
stimuler l'appétit; 2 dans le traitement symptomatique des états neurotoniques des
0

adultes et des enfants, notamment en cas de troubles mineurs du sommeil. Si le


phytomédicament à base de houblon est une poudre de cône, le dossier « abrégé»
d'AMM doit comporter une étude toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire
pour les cônes pour tisane, l'extrait aqueux, les teintures et les extraits hydro-
alcooliques, quel que soit leur titre.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
les strobiles du houblon sont utilisés par voie orale en cas de troubles de l'humeur :
instabilité et anxiété, troubles du sommeil. Posologie (dose unitaire) : 0,5 g; des
mélanges avec d'autres sédatifs peuvent être bénéfiques.
Au niveau européen, la monographie communautaire élaborée par l' HMPC précise
que le houblon est utilisé, sur la seule base de son ancienneté d'usage, pour soulager les
symptômes du stress mental et faciliter le sommeil. Posologie unitaire par voie orale
(adulte et adolescent de plus de 12 ans uniquement) : de 0,5 à 1 g de poudre
d'inflorescences ou de 0,5 à 2 g d'inflorescences sèches en infusion; de 0,5 à 2 ml
d'extrait liquide (l: 1, alcool à 45 %) ; de 2 à 4 ml de teinture (l:5, éthanol à 60 %),
Jusqu'à 4 fois par jour en cas de stress, 1 ou 2 doses 1/2 à 1 heure avant le coucher et
éventuellement une dose plus tôt dans la soirée en cas de troubles du sommeil. Non
l"l~commandé chez la femme enceinte ou qui allaite (réf. EMEAIHMPC/513617/2006,
Il juillet 2008).
Les inflorescences du houblon sont de fait presque exclusivement employées en
hrasserie, directement et surtout sous forme d'oléorésine extraite par le dioxyde de
l'arbone supercritique.
544 COMPOSÉS PHÉNOLlQUES

Autres composés phénoliques

Anacardiaceae allergisantes: SUMACS et autres espèces

Plantes typiquement nord-américaines du genre Toxicodendron Miller (= Rhus L.),


les sumacs sont des arbres ou des arbustes, souvent grimpants. Le «poison ivy » ou
«lierre empoisonné» (= T. radicans [L.] Kuntze), le «poison sumac» (= T. vernix [L.])
Kuntze) ou encore les «poison oak» (= T. diversilobum [Torr. & Gray] Greene et T.
quercifolium [Michx] Greene) sont des espèces communes aux États-Unis d'Amérique.
Les phénols contenus dans ces espèces (ex. : l'urushiol) sont des diphénols,
(catéchols) substitués par une chaîne aliphatique à 15 ou 17 atomes de carbone, plus ou
moins insaturée (1 à 3 doubles liaisons). Oxydés en quinones, ils se fixent de façon
covalente aux protéines pour former un complexe antigénique. Le contact avec la plante
fraîche produit des dermites sévères et étendues avec formation de vésicules. Mains et
vêtements, objets et animaux familiers disséminent les phénols qui restent intacts (et
actifs) plusieurs mois.

CH 3 (CH2)5 CH=CH (CH2h-Q

H02 C OH

urushiol acide anacardique

R-Q OH cardanols
R-q OH

OH cardaIs

Des dermites du même type peuvent être provoquées par la laque ou des objets en ,
bois laqué, celle-ci (le kiurushi [d'où « urushiol »]) étant fournie par un Toxicodendron
(T. vernicifluum [Stokes] Barkley) de composition chimique voisine. Il en est de même'
avec l'huile caustique du péricarpe de la noix de cajou (Anacardium occidentale L.),;
avec le péricarpe des mangues (Mangifera indica L.) et avec d'autres Anacardiaceae à.:
alcénylphénols (Semecarpus, Lithraea, etc.). ,1..'

Des molécules voisines sont présentes chez certaines Proteaceae (Grevilleaj:


alcénylrésorcinols) ainsi que chez le Ginkgo biloba (cf. p. 388). )
il-

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Partie 3

TERPENOïDES
ET STÉROïDES

t.

l
Introduction ••
généralités biogénétiques

(~Iaborés à partir des mêmes précurseurs, les terpénoïdes et les stéroïdes constituent
sans doute le plus vaste ensemble connu de métabolites secondaires des végétaux. La
très grande majorité des terpènes sont spécifiques du règne végétal, mais on peut en
rencontrer chez les animaux: phéromones et hormones juvéniles sesquiterpéniques des
Insectes, diterpènes des organismes marins (Cnidaires, Spongiaires). Les triterpènes
sont également spécifiques du règne végétal. Les stéroïdes végétaux sont issus, comme
les triterpènes - via le squalène - du mévalonate : le mécanisme de leur formation est
légèrement différent de celui qui aboutit à la formation des triterpènes et, le plus
souvent, leur structure « signe» leur spécificité végétale: cardénolides cardiotoniques,
IIlcamines stéroïdiques, saponosides, phytostérols.

Tous les terpènes et les stéroïdes et c'est là un point commun essentiel, peuvent être
considérés comme formés par l'assemblage d'un nombre entier d'unités
pentacarbonées ramifiées dérivées du 2-méthylbutadiène : déjà, en 1887, O. WALLACH
cnvisageait que les terpènes devaient être construits à partir d'unités isopréniques et,
quelques dizaines d'années plus tard (1953), L. RUZICKA, après plus de trente années
consacrées à l'étude des terpènes, transformait cette hypothèse en une règle générale
dont le principe a été, depuis, confirmé expérimentalement.

Chaque groupe de terpènes est issu de la condensation « tête-à-queue» d'un


I/ombre variable d'unités isopréniques.

1
L
550 TERPÉNOÏDES

Cette règle formelle (l'isoprène lui-même n'intervient pas dans la biogenèse)


postule que la diversité structurale n'est qu'apparente: dans chaque groupe de
terpènes, un précurseur unique conduit aux différents constituants connus par une
succession de réactions classiques (cyclisations, fonctionnalisations, réarrangements).

Les précurseurs des principales classes de terpènes, formés par des réactions
enzymo-catalysées, sont des esters pyrophosphoriques d'alcools en (CS)n formés par
l'addition séquentielle d'une unité en Cs' le diphosphate d'isopentényle (lPP) sur une
molécule starter, un diphosphate de prénol allylique, le premier terme de la série étant
le diphosphate de diméthylallyle (DMAPP) :
• géranyldiphosphate (GPP), précurseur des monoterpènes en C!O;
• famésyldiphosphate (FPP), précurseur des sesquiterpènes en C 1S ;
• géranylgéranyldiphosphate (GGPP), précurseur des diterpènes en C 20 ;
• géranylfamésyldiphosphate (GFPP), précurseur des sesterterpènes en C 2S ;
• la formation des triterpènes en C 30 (et indirectement des stéroïdes) et des
carotènes en C 40 n'échappe pas complètement à la règle: ils proviennent du squalène et

Origine des terpènes: formation


des précurseurs de chaque classe ~o-pp ~o-pp
MVA*------------ IPP DMAPP

DMAPP + IPP GPP


~o-pp
GPP + IPP FPP ~o-pp

FPP + IPP - - _ . GGPP


o-pp

2XFPP - ~

2 X GGPP ------. cis-phytoène

* MVA =acide mévalonique; IPP =isopenténylpyrophosphate ; DMAPP =diméthylallylpyrophosphate;


FPP =farnésylpyrophosphate ; GPP =géranylpyrophosphate ; GGPP =géranylgéranylpyrophosphate.
GÉNÉRALITÉS 551

du phytoène, deux carbures respectivement issus du couplage réductif de deux unités de


l'PP (2 x C 1S =C30 ) et de deux unités de GGPP (2 x C20 =C40 ) ;
• dans le cas des polyprénols (caoutchouc et composés voisins) l'addition des
unités en Cs se poursuit un grand nombre de fois.
Dans un petit nombre de cas, la règle isoprénique ne semble pas respectée: les
monoterpènes « irréguliers» (acide pyréthrique, santolinatriène) sont issus d'un
couplage de deux DMAPP selon un mécanisme analogue à celui qui conduit aux
triterpènes et aux carotènes.
Si les structures stéroïdiques semblent, à première vue, ne pas obéir à cette règle
isoprénique, un examen attentif de leur structure et de leur biogenèse montre qu'il n'en
l:st rien et qu'une suite de dégradations et de réarrangements du squelette triterpénique
l:st à l'origine de ces anomalies apparentes. Il en est de même pour des composés très
dégradés tels que les limonoïdes ou les quassinoïdes.
Si les structures « hémiterpéniques » (en Cs) sont plutôt exceptionnelles dans la
nature (carbures volatils, alcools libres et glycosylés), l'élément isoprénique intervient
par contre assez fréquemment dans l'élaboration de la structure d'un grand nombre de
métabolites secondaires dits d'origine mixte: c'est la conséquence de la réactivité du
DMAPP, efficace agent d'alkylation. Cela s'observe chez les polyphénols : coumarines
comme le bergaptène, isoflavonoïdes comme la roténone, naphtoquinones comme la
shikonine. C'est également le cas de certains alcaloïdes: l'unité en Cs est apparente
dans quelques alcaloïdes des Cactaceae (ex. : lophocéréine), on la retrouve dans le cycle
I"uranique ou pyranique qui caractérise plusieurs quinoléines des Rutaceae et, bien
qu'au premier regard peu apparente, elle est présente dans le noyau ergoline (alcaloïdes
dl: l'ergot de seigle). On trouvera ci-après des exemples de structures permettant de
« visualiser» le chaînon pentacarboné.

La diversité des métabolites terpéniques naturels nous conduira à n'envisager la


présentation des réactions et mécanismes qui justifient l'existence des principaux
squelettes qu'au fur et à mesure que la structure et la distribution de ceux-ci auront été
décrites dans les différents chapitres qui constitueront cette partie de l'ouvrage:
- monoterpènes réguliers (huiles essentielles, oléorésines, iridoïdes);
- monoterpènes irréguliers (pyréthrines);
- sesquiterpènes (huiles essentielles, lactones sesquiterpéniques);
- diterpènes ;
- triterpènes et stéroïdes (saponosides, hétérosides cardiotoniques, phytostérols,
Iritcrpènes modifiés);
- carotènes;
- polyisoprènes.

Nous insisterons par contre ici sur les trois séquences réactionnelles fondamentales
qui justifient l'existence de tous les terpènes et stéroïdes:
- formation des unités réactives en Cs à partir de l'acétate, via le mévalonate ;
- couplage tête-à-queue des unités isopréniques impliquées dans la formation des
IIlono-, sesqui-, di-, sester-, et polyterpènes ;
552 TERPÉNOÏDES

OH

menthol zingibérène sclaréol

HO HO
acide oléanolique cholestérol
(élimination et migration de méthyles)

~-carotène

H02C~N/CH3

-;/' 1 ~
~ N tétrahydrocannabinol
OCH 3 \H
acide
roténone lysergique

Mise en évidence des unités « isopréniques "


dans les terpènes et les métabolites mixtes

- couplage queue-à-queue des unités en C 15 et en C20 permettant l'élaboration des,'


précurseurs des triterpènes (squalène) et des carotènes (phytoène).

Hormis ces trois séquences capitales, le reste de la biosynthèse sera facilement'


interprété comme une suite de réactions très classiques : formation de carbocations pa»:
départ nucléofuge de diphosphates allyliques, ouvertures d'époxydes, protonation do'
doubles liaisons, cyclisations électrophiles, réarrangements de type Wagner-Meerwein,:
etc.
GÉNÉRALITÉS 553

1. ORIGINE DES UNITÉS EN Cs

A. Voie du mévalonate

Initialement, le marquage isotopique permit de montrer que le squelette carboné des


terpènes provenait de l'acétate. Ultérieurement, il fut démontré que l'acide
mévalonique devait être un précurseur universel de ces composés. L'étape initiale du
processus implique la condensation des thioéthers de l'acide acétique: formation de
l'acéto-acétate (Claisen) et condensation (aldolique) de celui-ci avec une molécule
d'acétylcoenzyme A; la réaction est catalysée par une enzyme, l'hydroxyméthyl-
glutaryl-coenzyme A-synthase. Une autre enzyme, l'hydroxyméthylglutary1coenzyme
A-réductase, effectue la réduction NADPH-dépendante du 3-hydroxy-3-méthyl-
glutaryl-coenzyme A (HMG-CoA) formé en acide 3R-mévalonique (MVA) (on vérifie
que l'autre isomère de cet acide n'est pas incorporé).
La conversion de l'acide mévalonique en structures hémiterpéniques débute par une
double phosphorylation. Une nouvelle phosphorylation permet d'introduire un bon
groupe partant -le groupe diphosphate - dont l'élimination assistera la décarboxylation:
la mévalonate-5-diphosphate-décarboxylase induit la formation du diphosphate
d'isopentényle (IPP).

~SCOA __~(1~)__

o 0 o l}~'H
SCoA
(2)
. jî""'"OH

(1) HMG-CoA synthase HMG-CoA MVA


(2) HMG-CoA réductase

MVA (3) a : mévalonate kinase


PP~~j
IPP t
(3) b : phosphomévalonatekinase

pp_of
(4) : mévalonate-5-diphosphatedécarboxylase

Biosynthèse des terpènes:


1- origine des unités en Cs DMAPP
L'isopentényldiphosphate est isomérisé par l'isopentényldiphosphate ô'-isomérase
Cil diméthyallyldiphosphate (DMAPP). Le réarrangement allylique 1,3 implique
l'addition d'un proton du milieu et l'élimination du proton pro-2R. Ce DMAPP est
hautement réactif: il est susceptible de subir une attaque nucléophile en C-I avec départ
du groupe diphosphate; l'attaque peut être le fait d'une molécule d'IPP (vide infra) ou
dc toute autre molécule réactive (d'où l'existence des métabolites « mixtes» C- ou 0-
IIlkylés évoqués ci-dessus).
'(
:1
'1

Rosmarinus officinalis L.
GÉNÉRALITÉS 555

B. Autre voie de formation de l'IPP (GAP/pyruvate)

La constatation, à la fin des années 1980, que des bactéries (Rhodopseudomonas


spp., Methylobacterium spp.) élaboraient à partir de précurseurs marqués des
hopanoïdes (c'est-à-dire des triterpènes) dont le marquage ne correspondait pas au
marquage théorique attendu a conduit à l'élucidation, chez diverses bactéries et chez
une algue verte (Scenedesmus obliquus), des principales étapes d'une nouvelle voie de
hio-synthèse de l'isopentényldiphosphate (IPP). Il a également été montré que cette voie
conduit, dans les plastides des végétaux supérieurs (Daucus, Lemna, Hordeum) , aux
polyprénols (plastoquinone, caroténoïdes, phytols).
Cette autre voie (GAP/pyruvate) comprend la séquence réactionnelle suivante:
• condensation d'une unité dicarbonée issue de la décarboxylation d'une molécule de
pyruvate sur le carbone du carbonyle du phosphate de glycéraldéhyde (GAP) ;
• transposition et réduction du premier intermédiaire en Cs' le l-désoxy-D-xylulose-
5-phosphate, pour former le 2-C-méthyl-D-érythritol-4-phosphate, précurseur via le 1-
hydroxy-2-methyl-2-(E)-butényl-4-diphosphate de l'IPPIDMAPP.
Par la suite, d'autres études (RMN "C) d'incorporation d'éléments diversement
marqués au "C ont montré que le mévalonate n'était pas le précurseur du ginkgolide A
du Ginkgo biloba et de la taxayunnanine C de Taxus chinensis, des monoterpènes de
Mentha piperita ou encore de la marrubiine de Marrubium vuLgare. On sait maintenant
que la voie du l-désoxy-D-xylulose peut-être impliquée dans la formation de terpènes
appartenant à toutes les catégories de ce groupe.

CH 3
1 pyruvate
c=o CH 3
1
COO- t~H+
HÜT~
1

t
CHO
H-C-OH
1
1
H -C-OH CH 2 0P
1
CH 2 0P 1-dés oxyxylulose-5-phosphate

GAP
~oPP
2-C-méthyl-D-érythritol-4-phosphate IPP

2. COUPLAGE TÊTE-À-QUEUE DES UNITÉS ISOPRÉNIQUES

L'addition du DMAPP sur la double liaison de l'IPP est catalysée par une
pnSnyltransférase, la GPP-synthase; la réaction implique l'ionisation du diphosphate
"'allyle par le départ du groupe diphosphate qui permet l'addition électrophile du
carhocation allylique formé sur la double liaison du diphosphate d'isopentényle. La
l'olldensation s'accompagne de l'élimination d'un proton Hpro-2R de l'IPP, conduisant
rOdes doubles liaisons tout-trans (E).
l
1.

l
l
556

Biosynthèse des terpènes:


2- condensation des unités en Cs' '.

/'
L ~ l ~I
~H XY 'O-PP
Z HE Hs
'.1,'

'Le même mécanisme permet l'addition de l'IPP ./


sur le GPP (-> FPP) puis sur le FPP (-> GGPP)'.i
et ainsi de suite (-> polyprénols).

La même réaction de prénylation peut se poursuivre: l'addition du GPP sur un IPP 'l
1
conduit au farnésyldiphosphate (FPP) et ainsi de suite pour former la série des diphos-j
phates de prénols allyliques homologues. L'élongation est catalysée par des prényl-l
transférases dont certaines sont spécifiques pour une longueur de chaîne donnée. 1
î

3. COUPLAGE QUEUE-À-QUEUE DES UNITÉS EN C, 5 ET EN C20 iJ


À bien considérer la structure des triterpènes, il apparaît qu'il existe une symétrie!
autour de la liaison C-ll- C-12 et l'on voit que ces molécules peuvent être issues de 1
précurseurs comme le squalène, carbure en C30 initialement isolé à partir des foies dei
squale et qui, comme les triterpènes, semble correspondre à un « doublement» du j
diphosphate de f a r n é s y l e . l

~j
triterpène tétra cyclique squalène '1
'" .,
,
;~

Le mécanisme de ce couplage « queue-à-queue» n'a été que tardivement élucidé;~l


avec l'isolement d'un autre intermédiaire, le diphosphate de présqualène. La structure'l
cyclopropanique de ce dernier permet de penser que la liaison C-2-C-3 d'un FPP eS~'j
alkylée par une autre molécule de FPP et que l'élimination d'un proton conduit à bd
formation du cyc1opropane (voir ci-contre). Si le milieu est déficient en NADPH, 1~1·1
diphosphate de présqualène s'accumule; dans le cas contraire il se réarrange en\
squalène, sans doute par l'intermédiaire d'un carbocation cyc1o-propanique. Unl!
mécanisme identique explique la formation de phytoène, précurseur des carotènes l
(doublement du GGPP). tll
.<~
i~
;11
jj

i1
:1
GÉNÉRALITÉS 557

PP-Q

-----. R ",";-f
l PP

~~
Biosynthèse des terpènes:

"ri:
3 - formation du squalène

\_,-
F~
"R,
H R

H*

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l
1
l.,
~
Monoterpènes

1. Introduction .........................................................................................................................559
2. Structure ..............................................................................................................................560
3. Origine biosynthétique .......................................................................................................561
A. Monoterpènes réguliers ........................................................................................561
B. Monoterpènes irréguliers .................................................................................... .563
C. Iridoïdes .............................................................................................................. .564
D. Plantes renfermant des monoterpènes, pivoine ...................................................564
4. Bibliographie (voir après les sesquiterpènes) ...................................................................564

1. INTRODUCTION

Constituants les plus simples de la série des terpènes (à l'exception des hémiterpènes,
l'lires) les monoterpènes sont issus du couplage de deux unités « isopréniques ». On en
l:onnaît plus de mille: de structure « régulière », ce sont les éléments habituels des
huiles essentielles; de structure « irrégulière », ils participent à la formation des
pyréthrines et à la composition de certaines huiles essentielles d' Asteraceae; cyclisés en
Illéthylcyclopentanes ils constituent les iridoïdes. La plupart des monoterpénoïdes
llxistent à l'état libre (cf huiles essentielles) mais, depuis quelques années, on met assez
fréquemment en évidence des structures hétérosidiques (on en connaît chez la mélisse,
chez l'hysope 1). Dans le cas particulier des iridoïdes, ce sont au contraire les formes
hétérosidiques qui sont habituelles.

1. Ceux des fruits font également l'objet d'investigations: ils y jouent un rôle important
l'omme précurseurs de l'arôme (pêche, raisin, cerise, framboise) voir, inter alia, Krammer, G.,
Winterhalter, P., Schwab, M. et Schreier, P. (1991). Glycosidically bound aroma compounds in the fruits
nI' l'runus species : apricot (P. armeniaca, L.), peach (P. persica, L.), yellow plum (P. domestica, L. ssp.
,!l'/'il/ca), J. Agric. Food. Chem., 39, 778-781 et réf. citées.
560 TERPÉNOÏDES

Exceptionnels dans le règne animal (sauf chez quelques Insectes), rares chez les
Champignons, ils existent à l'état halogéné chez les Algues et sont largement distribués
chez les végétaux supérieurs, surtout dans certains ordres ou familles: huiles
essentielles des Lamiales, Astérales, Laurales, etc., iridoïdes des Gentianales,
Scrophulariales, Comales, etc.
Nous ne présenterons ici que quelques généralités structurales et biosynthétiques
pour tenter de cerner la notion de monoterpène dans sa globalité. Par contre, les
méthodes d'obtention, les propriétés physico-chimiques, biologiques et pharmaco-
logiques, les procédés de contrôle ainsi que les implications thérapeutiques ou
économiques diffèrent grandement. Seront donc successivement envisagés:
- les huiles essentielles et les oléorésines ;
- les monoterpènes irréguliers (pyréthrines insecticides) ;
- les iridoïdes.

2. STRUCTURE
Si l'on connaît une quarantaine de squelettes monoterpéniques, la grande majorité'
des structures décrites se rattache à un petit nombre d'enchaînements de base issus du,
couplage tête-à-queue de deux unités en Cs en GPP (diphosphate de géranyle, voir:
l'introduction générale) et qui peuvent être:

~myrcane
2p-menthane
~ ~
séco-iridane iridane
p carane
l"

4 ~
(

ciJ
pinane
2
thuyane bornane fenchane
q;
isocamphan· f ;

~'
~ ~ y-< lavandulane
1

' "
l,

artémisane santolinane chrysanthémane Principaux squelettes J


mono terpéniques !,
GÉNÉRALITÉS 561

- acycliques (myrcane ou 2,6-diméthyloctane, sécoiridane);


- monocycliques (p-menthane, iridane, etc.) ;
- bi- et tricycliques (carane, pinane, bomane, thuyane, etc.).
À côté de ces monoterpènes « réguliers» on connaît un nombre non négligeable de
structures irrégulières qui proviennent:
- soit d'un réarrangement de précurseurs « réguliers» : c'est le cas de l'iso-
camphane ou du fenchane, issus du réarrangement du pinane et du bomane ;
- soit d'une biogenèse effectivement non conventionnelle: c'est le cas des dérivés
issus directement du diphosphate de chrysanthémyle (chrysanthémane) ou de son
réarrangement (artémisane, santolinane, lavandulane, rothrockane).

3. ORIGINE BIOSYNTHÉTIQUE

A. Monoterpènes réguliers

La formation du GPP a été vue au chapitre précédent. Il est le point de départ de la


formation des monoterpènes réguliers. Si la formation d'alcools et de carbures
acycliques à partir du GPP est évidente, celle des monoterpènes cycliques implique
formellement l'attaque nucléophile intramoléculaire du C-l du cation néryle par la
double liaison distale, attaque qui conduit à la formation du cation intermédiaire (1-
Icrpinyle.
En fait, l'expérience montre que la réaction se déroule sans qu'apparaisse dans le
milieu d'intermédiaires néryle ou linalyle libres: il est maintenant démontré que la
formation des composés mono- et bicycliques à partir du GPP fait intervenir des
l1lonoterpène-cyclases qui opèrent selon un mécanisme d'isomérisation-cyclisation. Au
cours de ce mécanisme le diphosphate de géranyle est d'abord ionisé en une paire
d'ions, la réaction étant vraisemblablement assistée par un cation métallique divalent
(Mn 2+ ou Mg2+). Le cation allylique est ensuite isomérisé en (3R)- ou (3S)-diphosphate
/0
O-Mg 1
o' p/ / o-p-o 1

1 0

rf I
b(-b(-
,,0
(f)

(-)-3R-LPP / '

~
pyrophosphate o-pp
- 4t (+)-camphre
(+)-3S-LPP de (+)-bornyle
562 TERPÉNOÏDES

de linalyle (LPP) qui reste lié et qui, après rotation autour de la liaison C-2-C-3 (i.e.
passage à la forme cisoïde), s'ionise à nouveau et se cyclise pour donner le cation (4R)-
ou (4S)-a-terpinyle. La plupart des cyclases connues sont également capables de'
catalyser la formation des carbures et ce de façon stéréo spécifique (ex. : (4S)-(-)- '~
limonène chez Mentha spicata, (4R)-(+)-limonène chez Citrus sinensis). cf
Le schéma ci-dessous illustre la potentialité du cation a-terpinyle de conduire, via')
des cyclisations additionnelles sur la double liaison cyclohexénylique résiduelle, des
déplacements de proton et autres réarrangements classiques (type Wagner-Meerwein) l
aux principaux squelettes monoterpéniques. L'étude d'un cas particulier tel que celui de ~
la biosynthèse du (+ )-camphre (chez la sauge officinale) ou du (-)-camphre (chez la ,1
tanaisie ou le romarin) montre que le GPP est converti en LPP puis en diphosphate de ,~
born~le via le ca~ion a-t:rpinyle; le ~orné~l formé par hydrolyse de l'ester diphos-1
phonque est ensmte oxyde (deshydrogenase a NAD). ,'~
.~
Q-PP PP_Q~ ,.~
PP-~8(±)
d--- §~
i! -
;; Q-PP .,
~

GPP
~

«-2b<
(-)-3R-LPP

~-- ~
l
cation a-terpinyle (+)-a-pinène !,:

6 l(-K-d{
(+)-camphène,
(+)-limonène
Seule est ici représentée la série formée à partir
Conversion du GPP en LPP du (-)-3R-LPP (pinènecyciase 1). De la même façon,
la pinènecyclase Il induit, à partir du (+)-3S-LPP, la
Formation du cation a-terpinyle et des
formation de (-)-a-pinène, de (-)-p-pinène, de
principaux squelettes monoterpéniques (-)-limonène, de (-)-camphène ...

Les réactions (cyclisations-réarrangements) se terminent soit par perte d'un proto


et donc formation de carbures, soit par addition d'un nucléophile tel que l'eau et don '.
formation d'un alcool.
En dehors du cas des alcools formés par capture de carbocations par l' ea
l'introduction de l'oxygène est rarement contemporaine de la cyclisation : les multiplo
dérivés oxygénés décrits sont habituellement formés à partir des carbures par do
( iÉNÉRALITÉS 563

réactions d'oxydation catalysées par des oxydases classiques selon un schéma qui
semble assez général: hydroxylation allylique, oxydation de l'alcool en cétone a,~­
insaturée correspondante et réduction éventuelle de la double liaison conjuguée. Il
semble que les enzymes impliquées dans ces schémas réactionnels soient, le plus
souvent, spécifiques. Ainsi, chez Mentha piperita, le (-)-limonène est hydroxylé en
(-)-trans-isopipériténol, celui-ci est oxydé en (-)-isopipériténone et une première
réduction conduit à la (+ )-cis-pulégone. Ultérieurement, isomérisation et réductions
conduiront à la (-)-menthone et aux menthols. Chez Mentha spicata la réaction est du
même type, mais la régiospécificité est différente: l'hydroxylation conduit au (-)-trans-
carvéol, oxydé ensuite en (-)-carvone (très partiellement réduite par la suite). Un
mécanisme identique explique la formation de (+ )-cis-sabinol et de (+ )-sabinone à
partir du (+ )-sabinène; la réduction stéréosélective de la (+ )-sabinone conduit ensuite à
la (+)-3-thuyone ou à la (-)-3-isothuyone.

(-)-carvone (-)-trans-carvéol (-)-limonène (-)-trans-isopipériténol (-)-isopipériténone

Oxydation des mono terpènes : Cas des menthes: exemple de régiosélectivité


hydroxylation allylique et oxydation en cétone a·~-insaturée 1 = Mentha piperita
2 = Mentha spicata

(+)-sabinène (+)-cis-sabinol (+)-cis-sabinone (-)-3-isothuyone (+)-3-thuyone


Autre exemple: formation des thuyones

B. Monoterpènes irréguliers

Ils sont issus du diphosphate de chrysanthémyle lequel provient, c'est


vraisemblable, du couplage de deux molécules de DMAPP selon un mécanisme
Ilnalogue à celui qui conduit, à partir du FPP, au diphosphate de présqualène (voir
chapitre précédent). L'existence des autres terpènes irréguliers s'expliquerait par un
mécanisme impliquant la rupture des liaisons du cycle cyclopropanique du
chrysanthémane: formation des santolinanes (rupture C-I-C-2) ou formation des
Ilrlémisanes (rupture C-I-C-3). Les lavandulanes, théoriquement formés par rupture de
III liaison C-2-C-3, sont sans doute issus du couplage direct de deux DMAPP. L'acide
564 TERPÉNOÏDES

chrysanthémique et ses dérivés sont particulièrement fréquents chez les Asteraceae-


Anthemideae (e. g. Tanacetum, Artemisia, Chrysanthemum, Santolina, etc.).

C. Iridoïdes

La formation du noyau cyclopentapyranique caractéristique des iridanes passe par


une hydroxylation en C-lO du géraniol (ou du nérol) et l'oxydation en aldéhyde (10- '1:

oxogéranial) qui se cyclise (iridodial, épiiridodial) avant que ne se forme le cYcle;,


pyranique, stabilisé par glucosylation. Dans certains cas le précurseur peut être le "
dtroilOllol (vok au chapitre ,iridoidc" p. 707). 1
t

D. Plantes renfermant des monoterpènes

Les plantes à huiles essentielles, à iridoïdes et à monoterpènes irréguliers font l'objet


de trois prochains chapitres. On citera ici une espèce orientale à hétérosides mono- ,
terpéniques: la pivoine .

• PIVOINE, Paeonia spp., Paeoniaceae

Le genre Paeonia est peu représenté en Europe (P. officinalis L., P. mascula [L.]
Miller) ; il y est par contre bien connu pour l'intérêt ornemental de plusieurs de ses
espèces et de leurs hybrides, caractérisés par leurs majestueuses fleurs roses, blanches
ou rouges dont le diamètre peut dépasser 20 cm. La racine de pivoine est l'un des i
ingrédients les plus fréquents des prescriptions de la médecine traditionnelle chinoise et'
japonaise (kampo). Selon la Pharmacopée chinoise, la partie utilisée est constituée parc
les racines séchées de P.lactiflora Pallas et de P. veitchii Lynch (== chishao, pivoine ,;
rouge). Lorsque cette racine est cuite à l'eau et pelée, on parle de pivoine blanche (= '
baishao). La médecine traditionnelle utilise également le mudanpi (==moutan cortex),
ou écorce de racine de P. suffruticosa Andrews.
Le constituant majoritaire (0,5-0,6 %) de la racine de P.lactiflora est la paeoni- .'
florine, un glucoside monoterpénique à squelette « en cage» de type pinane. Les'
constituants minoritaires sont également d'origine monoterpénique (oxypaeoniflorine,
paeflorigénone, paeonilactones, etc.). Les composés les plus intéressants de l'écorce de ,
racine de P. suffruticosa sont le paeonol (2'-hydroxy-4'-méthoxy-acétophénone) et ses?
hétérosides. La racine renferme également des hétérosides de monoterpènes qui, ~
comme les acétophénones, existent aussi à l'état de gallates (suffruticosides). '
Pharmacologiquement, la paeoniflorine est antispasmodique et sédative et, comme.
le paeonol, anti-inflammatoire et inhibitrice de l'agrégation plaquettaire. Le paeonol est,:
in vivo, antibactérien. La racine, apparemment peu toxique, est traditionnellement
utilisée comme antispasmodique et analgésique (elle aurait une activité myorelaxante).:
Elle entre également dans la formulation de prescriptions préconisées dans le traitement;
de l'eczéma atopique et dans celle de shampoings. ,;

4. BIB UOGRAPH lE Voir après les généralités sur les sesquiterpènes (p. 749).
monoterpènes
et sesquiterpènes

Huiles essentielles

1. Définitions ......................................................................................................................... .567


2. Répartition, localisation, fonction .....................................................................................570
3. Propriétés physiques ..........................................................................................................571
4. Composition chimique ......................................................................................................571
A. Terpénoïdes ......................................................................................................... .571
B. Composés aromatiques ....................................................................................... .574
C. Composés d'origines diverses ............................................................................. .574
5. Facteurs de variabilité des huiles essentielles .................................................................. .576
6. Procédés d'obtention ........................................................................................................ .580
A. Des huiles essentielles ..........................................................................................580
B. Des concrètes et résinoïdes ..................................................................................581
7. Contrôle des plantes à huiles essentielles, contrôle des huiles essentielles .................... .585
8. Propriétés pharmacologiques des huiles essentielles ......................................................588
9. Toxicité des huiles essentielles ......................................................................................... .590
10. Emplois des plantes à huiles essentielles ......................................................................... .592
Il. Principales plantes à huiles essentielles ............................................................................595
A. Apiaceae à huiles essentielles ............................................................................. .595
ache ....................................................................................................... .595
aneth ...................................................................................................... .596
anis ........................................................................................................ .599
carvi .......................................................................................................602
coriandre ...............................................................................................604
fenouil ....................................................................................................605
livèche ....................................................................................................609
566 TERPÉNOÏDES

persil ......................................................................................................610
B. Asteraceae à huiles essentielles ............................................................................611
absinthe ............................................................. '" ..................................611
annoise ..................................................................................................613
estragon ..................................................................................................614
matricaire .......................................................... '" ..................................615
C. Lamiaceae à huiles essentielles ............................................................................620
basilic .....................................................................................................620
calament ................................................................................................622
hysope ....................................................................................................622
lavandes .................................................................................................624
marjolaine ......................................................... '" ..................................627
mélisse ...................................................................................................628
menthe ...................................................................................................631
origan .....................................................................................................639
sarriette ..................................................................................................640
sauges ....................................................................................................641 .
serpolet ..................................................................................................646
thym .......................................................................................................647
autres Lamiaceae ...................................................................................649
D. Lauraceae à huiles essentielles ...................................... '" ...................................651
cannellier de Ceylan ..............................................................................651
cannelier de Chine ................................................................................654
camphrier ...............................................................................................655
sassafras .................................................................................................656
laurier noble ...........................................................................................656 "
autres Lauraceae ....................................................................................657
E. Myrtaceae à huiles essentielles ............................................................................657
giroflier ..................................................................................................657
eucalyptus ..............................................................................................661
arbre à thé ..............................................................................................664
niaouli, cajeput ......................................................................................666
autres Myrtaceae ...................................................................................667
F. Rutaceae à huiles essentielles ...............................................................................668 "..
oranger amer ..........................................................................................668
buchu .....................................................................................................670,
huiles essentielles de Citrus ..................................................................672
G. Autres plantes à huiles essentielles ......................................................................675
muscadier ...............................................................................................675;;
verveine odorante ..................................................................................677 ;;
badianiers ...............................................................................................679
acore ......................................................................................................681\·
citonnelles ..............................................................................................683
12. Bibliographie ......................................................................................................................683 :.
HUILES ESSENTIELLES 567

1. DEFINITIONS

Pour la 8 e édition de la Pharmacopée française (1965), les huiles essentielles


(= essences ou huiles volatiles) étaient: « des produits de composition généralement
assez complexe renfermant les principes volatils contenus dans les végétaux et plus ou
moins modifiés au cours de la préparation. Pour extraire ces principes volatils, il existe
divers procédés. Deux seulement sont utilisables pour la préparation des essences
officinales: celui par distillation dans la vapeur d'eau de plantes à essence ou de
certains de leurs organes, et celui par expression ». La Pharmacopée précisait ensuite
que le second procédé est recommandé pour obtenir les essences des fruits du genre
Citrus. Depuis la ge édition (1972), la Pharmacopée française - comme la Pharma-
copée européenne - n'utilise plus que le terme huile essentielle.
Pour la Pharmacopée européenne (6' éd. 01/2008:2098) une huile essentielle est un
« produit odorant, généralement de composition complexe, obtenu à partir d'une
matière première végétale botaniquement définie, soit par entraînement à la vapeur
d'eau, soit par distillation sèche, soit par un procédé mécanique sans chauffage. Une
huile essentielle est le plus souvent séparée de la phase aqueuse par un procédé
physique n'entraînant pas de changement significatif de sa composition. » (Voir aussi la
définition donnée par l'AFNOR [NF T75-006: 1998]).
La Pharmacopée précise que la matière première peut être fraîche, flétrie, sèche,
entière, contusée ou pulvérisée. Elle décrit sommairement les procédés d'obtention,
précise que les huiles essentielles peuvent subir un traitement ultérieur approprié,
destiné à éliminer partiellement ou totalement des constituants - on les dénomme alors
« déterpénée », « désesquiterpénée », « rectifiée », «privée de x ... » - , et liste les
essais généraux et les essais supplémentaires qui peuvent être mis en œuvre.
Cette définition par procédé est restrictive: elle exclut aussi bien les produits
obtenus par extraction à l'aide de solvants que ceux obtenus par tout autre procédé (gaz
sous pression, enfleurage) 1. Ceux-ci occupent cependant une place considérable sur les
marchés de la pharmacie, des produits d'hygiène et de l'industrie cosmétique, de la
parfumerie, ainsi que dans de nombreux secteurs de l'industrie agroalimentaire: il
semble donc utile de définir ci-dessous les termes les plus couramment utilisés dans ce
domaine.
- concrète: extrait à odeur caractéristique, obtenu à partir d'une matière première
I"raîche d'origine végétale, par extraction au moyen d'un solvant non aqueux, suivie de
l'élimination de ce solvant par un procédé physique. Dans la pratique courante on parle
plus volontiers d'essence concrète ou, plus simplement encore, d'essence 2.

1. Ont cependant droit à l'appellation huile essentielle les produits obtenus à partir des jus de
l'milS pendant leur concentration ou pendant le traitement rapide à ultra haute température «< flash
[lllslcurisation »). Leur dénomination exacte est alors: huile essentielle de jus defruits.
2. Remarque: dans la pratique courante on emploie également le terme d'essence (voire d'huile
l'sscntielle) pour désigner des produits odorants qui ne préexistent pas dans le végétal mais qui
résultent, après l'altération des tissus, de la dégradation enzymatique d'un substrat. C'est en particulier
Il' cas - chez les moutardes - des isothiocyanates libérés par hydrolyse des glucosinolates ou, chez
!los aulx, des produits soufrés volatils provenant de la décomposition de l'alliine. Dans le cas des fruits
1111 parle plutôt d'arômes.
Laurus nobilis L.
HUILES ESSENTIELLES 569

- pommade florale: corps gras parfumé obtenu à partir de fleurs soit par
« enfleurage à froid» (c'est la diffusion des constituants odorants des fleurs dans le
corps gras), soit par « enfleurage à chaud» (c'est la digestion ou immersion des fleurs
dans le corps gras fondu).
- résinoïde : extrait à odeur caractéristique, obtenu à partir d'une matière première
sèche d'origine végétale, par extraction à l'aide d'un solvant non aqueux, suivie de
l'élimination de ce solvant par un procédé physique. Le terme résinoïde est surtout
employé en parfumerie alors que celui d'oléorésine d'extraction est utilisé en
aromatisation alimentaire et en parfumerie.
- absolue: produit ayant une odeur caractéristique, obtenu à partir d'une concrète,
d'une pommade florale ou d'un résinoïde par extraction à l'éthanol à température
ambiante. La solution éthanolique obtenue est généralement refroidie et filtrée dans le
but de supprimer les cires; l'éthanol est ensuite éliminé par distillation.
On verra p. 693 la définition des matières premières végétales associant composés
volatils et autres constituants (ex. : oléorésines naturelles).
Si bon nombre de plantes à huiles essentielles sont utilisées pour leurs vertus
médicinales, beaucoup le sont - au titre de leurs caractères organoleptiques - dans
l'alimentation. Ce sont alors souvent des épices ou des aromates.
- épices: produits végétaux naturels ou mélanges de ceux-ci, exempts de matières
étrangères, utilisés pour donner de la saveur et de l'arôme et pour assaisonner les
aliments; le terme est applicable à la fois au produit entier et au produit en poudre
(norme V 00-001,1990). En pratique et en France, le terme «épices» couvre les épices
traditionnelles et les aromates 3.
- arôme: la notion d'arôme est à la fois différente et plus vaste que celle d'huile
essentielle puisqu'elle s'applique à tout principe odorant qui émane de substances
naturelles ou qui est engendré par un processus physique, chimique ou enzymatique
(café torréfié, viande grillée, poisson, fromage, etc.).
Au sens pharmaceutique, les arômes sont des produits ou des substances destinés à
etrc introduits dans certains médicaments pour en masquer ou en améliorer la saveur ou
l'odeur, à l'exception des substances ayant exclusivement une saveur sucrée, acide ou
salée. Pour le législateur, on entend par arôme: 1° les substances aromatisantes
naturelles (ex.: (-)-menthol d'extraction); 2° les substances aromatisantes identiques
(ex. : vanilline de synthèse); 3° les substances aromatisantes artificielles (ex.: éthyl-
vanilline); 4° les préparations aromatisantes; 5° les arômes de transformation;

3. Les dictionnaires usuels de la langue française différencient épice et condiment en précisant


lrlll' origine. Ainsi, selon le Robert, une épice est une « substance d'origine végétale, aromatique ou
plqllante, servant à l'assaisonnement des mets », un condiment est « une substance de saveur forte
tl~Ntinée à relever le goût des aliments ». Le même dictionnaire semble indiquer que le concept
Il'lIromate est plus large: c'est une « substance végétale odoriférante» (on peut donc supposer des
mllplois autres que l'assaisonnement). La définition du terme « aromate» admise dans les industries
II/otl'oalimentaires est également large: « végétal ou partie de végétal, renfermant naturellement des
pl'illcipes sapides et odorants» ; qui plus est « sont assimilés aux aromates les épices et plantes
l'iludimentaires aromatiques ... ». Le lecteur gastronome préférera sans doute la définition de Pierre
1l1'.1.i\VEAU: les épices sont« de choc» et les aromates sont« de charme ». [Delaveau, P. (1987). Les
fpkcs - Histoire, description et usage des différents épices, aromates et condiments, Albin Michel, Paris].
570 TERPÉNOÏDES

6° l'arôme de fumée. Les quatres premières catégories sont définies par la Pharmacopée . '
française (10e éd.) qui reprend ainsi la législation en vigueur (Directive 88/388/CEE ->]
Décret 91-366 du 17 avril 1991 [modifié par le décret 92-814 du 17 août 1992]); elle ;1
précise que les arômes introduits dans les médicaments sont au minimum de qualité .1
'
alimentaire l
.~
,
;~
ft
2. RÉPARTITION, LOCALISATION, FONCTION i
(1
Répartition. Les huiles essentielles n'existent quasiment que chez les végétaux:l
supérieurs: il y aurait, selon Lawrence, 17500 espèces aromatiques. Les genres 1
capables d'élaborer les constituants qui composent les huiles essentielles sont répartis :r.
dans un nombre limité de familles, ex.: Apiaceae, Asteraceae, Cupressaceae, Lamia· .~
ceae, Lauraceae, Myrtaceae, Piperaceae, Poaceae, Rutaceae, Zingiberaceae, etc. .~
Les huiles essentielles peuvent être stockées dans tous les organes végétaux: fleurs .~
bien sûr (bergamotier, tubéreuse), mais aussi feuilles (citronnelle, eucalyptus, laurier ~
noble) et, bien que cela soit moins habituel, dans des écorces (cannelier), des bois (bois ~
de rose, santal), des racines (vétiver), des rhizomes (curcuma, gingembre), des fruits,
(toute-épice, anis, badiane), des graines (muscade).
Si tous les organes d'une même espèce peuvent renfermer une huile essentielle, la ;
composition de cette dernière peut varier selon sa localisation. Ainsi, dans le cas de
l'oranger amer (c. aurantium L. ssp. aurantium, Rutaceae), le « zeste », c'est-à-dire le '.
péricarpe frais du fruit, fournit l'huile essentielle d'orange amère ou « essence de,
Curaçao », la fleur fournit« l'essence de Néroli» et l'hydrodistillation de la feuille, des
ramilles et des petits fruits conduit à « l'essence de petit grain bigaradier». La
composition de ces trois huiles essentielles est différente.
Quantitativement, les teneurs en huile essentielle sont plutôt faibles, assez souvent'
inférieures à 10 ml/kg. Des teneurs fortes comme celle du bouton floral de giroflier;.
(150 ml/kg et plus dans le bouton séché) sont exceptionnelles.

Localisation. La synthèse et l'accumulation des huiles essentielles sont généra~


lement associées à la présence de structures histologiques spécialisées, souvent
localisées sur ou à proximité de la surface de la plante: cellules à huiles essentielles deS!
Lauraceae ou des Zingiberaceae, poils sécréteurs des Lamiaceae, poches sécrétrices des
Myrtaceae ou des Rutaceae, canaux sécréteurs des Apiaceae ou des Asteraceae.

Fonction. La fonction biologique des terpénoïdes des huiles essentielles demeure l~.:
~lus souvent obscure. Il est toutefois vraisemblable qu'ils ont une fonction écologique!
A l'appui de cette hypothèse, on remarquera que le rôle de certains d'entre eux a ét4
établi expérimentalement aussi bien dans le domaine des interactions végétales (agents;
allélopathiques, notamment inhibiteurs de germination) que dans celui des interaction
végétal-animal: protection contre les prédateurs (insectes, champignons) et attractio'
des pollinisateurs. Pour quelques auteurs, ils pourraient constituer des supports à un ;
« communication» et ce d'autant mieux que leur variété structurale autorise le transfe '
de « messages biologiques» sélectifs.
HUILES ESSENTIELLES 571

3. PROPRIÉTÉS PHYSIQUES

Liquides à température ambiante, les huiles essentielles sont volatiles, ce qui les
différencie des huiles « fixes ». Elles ne sont que très rarement colorées. Leur densité
est en général inférieure à celle de l'eau (les huiles essentielles de sassafras, de girofle
ou de cannelle constituent des exceptions). Elles ont un indice de réfraction élevé et la
plupart dévient la lumière polarisée. Solubles dans les solvants organiques usuels, elles
sont liposolubles.
Entraînables à la vapeur d'eau, elles sont très peu solubles dans l'eau. Elles le sont
toutefois suffisamment pour communiquer à celle-ci une odeur. Cette eau est une « eau
distillée florale ». Une préparation voisine est obtenue par mise en solution d'arômes
dans de l'eau purifiée: on parle alors «d'eau aromatisée florale» (Ph. fse, lO e éd.).

4. COMPOSITION CHIMIQUE

Les huiles essentielles sont des mélanges complexes et éminemment variables de


constituants qui appartiennent, de façon quasi exclusive, à deux groupes caractérisés
par des origines biogénétiques distinctes: le groupe des terpénoïdes d'une part et celui
des composés aromatiques dérivés du phénylpropane, beaucoup moins fréquents,
d'autre part. Elles peuvent également renfermer divers produits issus de processus
dégradatifs mettant en jeu des constituants non volatils.

A. Terpénoïdes

Dans le cas des huiles essentielles, seuls seront rencontrés les terpènes les plus
volatils, c'est-à-dire ceux dont la masse moléculaire n'est pas trop élevée: mono- et
sesquiterpènes. On a vu précédemment comment la haute réactivité des espèces
cationiques intermédiaires explique la variété structurale: plusieurs milliers de
composés ont été décrits dans ces deux séries.

Monoterpènes. Les carbures sont presque toujours présents. Ils peuvent être
IIcycliques (myrcène, ocimènes), monocycliques (a- et y-terpinène, p-cymène) ou
hicycliques (pinènes, L13- carène, camphène, sabinène). Ils constituent parfois plus de
I)() % de l'huile essentielle (Citrus, térébenthines).
La réactivité des cations intermédiaires (voir ci-dessus, p. 562) justifie l'existence
de nombreuses molécules fonctionnalisées :
- alcools: acycliques (géraniol, linalol, citronellol), monocycliques (menthol, a-
lerpinéol, terpin-l-én-4-ol), bicycliques (boméol, fenchol);
- aldéhydes: le plus souvent acycliques (géranial, néral, citronellal);
- cétones: acycliques (tagétone), monocycliques (menthone, isomenthone,
l'nrvone, pulégone), bicycliques (camphre, fenchone, thuyones);
- esters: acycliques (acétate ou propionate de linalyle, acétate de citronellyle),
1l1Onocycliques (acétate de menthyle, acétate d'a-terpinyle), bicycliques (acétate
d'isobomyle) ;
TERPÉNOÏDES
572

~ ~
myrcène ocimène
2 2 2
a-terpinène y-terpinène p-cymène
.,

® ~
~ P CC( 6
~
-

(-)-a-pinène (t)-~-pinène 3-carène (t)-camphène (t)-sabinène

tCH,OH
~H'OH H~
~H
(t)-linalol
QOH
~

(-)-menthol a-terpinéol
géraniol citronel/ol

®""OH
~HO o~ aD &0 -
/"'--- ~

(-)-bornéol citronel/al tagetone (t)-3-thuyone (-)-carvone


:",1

f
t

~ ~ ;;-;
6
./-

thymol
OH

ascaridol
"

dili-éther
0
cq~
(t)-fenchone
~
1,B-cinéole
J

,t
i:#

Exemples de structures de monoterpènes acycliques


et cycliques rencontrés dans les huiles essentiel/es
HUILES ESSENTIELLES 573

- éthers: 1 ,8-cinéole (on dit aussi eucalyptol), dill-éther; mais aussi les éthers
cycliques, tétrahydrofuraniques ou di- et tétrahydropyraniques qui, pour certains, jouent
un rôle majeur dans l'arôme des fruits (oxydes de linalol, oxydes de rose);
- peroxydes: ascaridole;
- phénols: thymol, carvacrol.
Lorsque la molécule est optiquement active - ce qui est presque toujours le cas, la
proportion des deux énantiomères varie considérablement selon l'espèce végétale
mnsidérée. L'un des deux peut être très largement majoritaire, voire pratiquement seul
(> 99 %) : (-)-L'l3- carène de la fraction volatile de l'oléorésine de poivre noir, (+ )-L'l3-
carène de l'huile essentielle de térébenthine, (+ )-(S)-linalol majoritaire de la coriandre,
H-(R)-linalol presque pur du basilic et de la lavande, linalol presque racémique de fruit
de la passion; (+ )-(S)-terpin-l-én-4-01 presque pur de la lavande, (-)-(R)-terpin-l-én-4-
01 prépondérant de l'Eucalyptus globulus, etc.

Sesquiterpènes. Les variations structurales dans cette série sont de même nature que
dans le cas précédent, carbures, alcools et cétones étant les plus fréquents. Il convient de
remarquer que l'allongement de la chaîne (FPP) accroît le nombre des cyclisations
possibles, d'où la très grande variété des structures connues (plus d'une centaine de
squelettes différents ont été décrits). On trouvera ci-dessous quelques exemples de ses-
quiterpènes caractéristiques des huiles essentielles: carbures mono- ou polycycliques
([3.bisabolène, ~-caryophyllène, longifolène), alcools (farnésol, carotol, ~-santalol,
patchoulol), cétones (nootkatone, cis-longipinane-2,7-dione, ~-vétivone), aldéhydes
(sinensals), esters (acétate de cédryle).

di V
~-bisabolène ~-caryophy"ène longifolène
H~
patchoulol
."",/

R p ~OH OH

trans, trans-farnésol carotol ~-santalol

ÇOy O~
0

èf3fOCOCH'

(+)-nootkato ne 13-vétivone acétate de cédryle


574 TERPÉNOÏOES

B. Composés aromatiques

Les dérivés du phénylpropane (C 6 -C 3) sont beaucoup moins fréquents que les


précédents. Ce sont très souvent des allyl- et propénylphénols, parfois des aldéhydes,
caractéristiques de certaines huiles essentielles d'Apiaceae (anis, fenouil, persil, etc. :
anéthole, anisaldéhyde, apiol, méthyl-chavicol [= estragole], etc.), mais aussi de celles
de la girofle, de la muscade, de l'estragon, du basilic, de l'acore ou des cannelles
(eugénol, safrole, asarones, cinnamaldéhyde, etc.). On peut également rencontrer dans:!
les huiles essentielles des composés en C6-C I comme la vanilline (assez fréquente) ou l
comme l'anthranilate de méthyle. Les lactones dérivées des acides cinnamiques (c'est- î
à-dire les coumarines) étant, au moins pour les plus simples d'entre elles, entraînables
par la vapeur d'eau, elles seront également présentes dans certaines huiles essentielles.

CHO 0

oC°/
j

~
~

~I
CH 3 0 CH 3 0 ~ NH 2 1
OH OCH 3 OH
1
eugénol E-anéthole vanilline anthranilate de méthyle

C. Composés d'origines diverses

Il s'agit là de produits résultant de la transformation de molécules non volatiles. Ces


composés contribuent souvent aux arômes de fruits. Compte tenu de leur mode de
préparation, les concrètes et les absolues peuvent en renfermer. Il en est de même pour
les huiles essentielles lorsqu'ils sont entraînables par la vapeur d'eau.

Composés issus de la dégradation d'acides gras

• La peroxydation des acides linoléique et a-linolénique induit leur coupure, la


formation d'acides en C 9 ou C I2 et, ultérieurement, celle d'alcools, d'aldéhydes et
d'esters de faible masse moléculaire, ex.: (3Z)-hexén-l-ol, (2E)-hexénals et leurs
isomères responsables de l'odeur « verte» des feuilles, octanal, décanal, acétate'
d'hexényle, etc. Ce type de dérivé, comme les méthyl-cétones, peut aussi provenir d'un
classique mécanisme de ~-oxydation. L'hydroxylation de l'insaturation d'un acide gras.
est pour sa part nécessaire pour justifier l'existence de 'Y- et de 8-lactones, ex.: ;
massoialactones de l'écorce du Cryptocarya massoi (Oken) Kosterm. de l'Irian Jaya en
Indonésie (Lauraceae), tubérolactone, etc.
• C'est également à partir d'acides gras que sont formés des composés comme les:
acides jasmoniques et leurs esters ou les 8-jasmin-lactones : (-)-(R)-jasmin-lactone du
jasmin (Jasminum grandiflorum L.) ou (+ )-(S)-jasmin-lactone de la tubéreuse,
(Polianthes tuberosa L.). L'un des mécanismes proposés pour expliquer la formation de
ces produits est analogue à celui qui, chez les animaux, conduit aux prostaglandines.
HUILES ESSENTIELLES 575

~ O~
~OH

(3Z)-hexén-l-o/ massoia/aetone
o
2-aeéty/-4-isopropény/ pyridine

H~
o~
y-jasmin/aetone oxyde(s) de lina/o/

~o
(-)-jasmonate de méthyle eabreuva oxyde "A" ~-ionone

HOH2C0'~'
("", N",
HOC ~
OH 2èX"""
6'
"'~
,"-
0 1

(+J-'y-irigermana/ (-)-(2S,6R),(;is-y-irone ~-damaseénone

Composés issus de la dégradation de terpènes

• C 13 -norisoprénoïdes, Les principaux constituants de ce groupe - les ionones -


proviennent de l'autoxydation des carotènes. Largement distribuées (ex. : violette), elles
sont fréquentes dans les arômes de fruits. Les damascénones (rose, géranium) et les
damascones ont une origine voisine (caroténoïdes alléniques).
• Irones. Ces cétones en C I4 sont également des produits de dégradation. Caracté-
ristiques de l'absolue d'iris (Iris florentina L., Iris pallida Lamk., Iris germanica L.),
dIes ne sont pas préformées, mais apparaissent lors du vieillissement du rhizome. Elles
proviennent de l'oxydation de triterpènes bicyc1iques, les iridals (iripallidal, irifloren-
linal, irigermanallibres ou estérifiés par des acides gras).

Autres composés. Les composés azotés ou soufrés, caractéristiques des produits


lorréfiés, grillés ou rôtis, sont plutôt rares dans les huiles essentielles: pyrazines et
hutènethioates du galbanum (Feru la spp.), 2-acétyl-4-isopropényle-pyridine et autres
pyridines de l'huile essentielle de menthe crépue. (Voir aussi les produits soufrés
néoformés des aulx ou de l'essence de moutarde.)

l
576 TERPÉNOÏDES

Signalons enfin que, dans les concrètes, il n'est pas rare de trouver des produits de
masse moléculaire plus importante, non entraînables à la vapeur d'eau, mais
extractibles par les solvants: homologues des phénylpropanes, diterpènes, etc.

Remarque
Hétérosides de substances volatiles
En 1993, vingt ans après l'isolement d'un glucoside de linalol à partir des pétales de
rose, plus de 200 hétérosides de substances volatiles avaient été isolés et décrits. Leurs
génines sont en général identiques aux structures que l'on rencontre dans les huiles
essentielles: monoterpènes (linalol, a-terpinéol, menthol, thymol, etc.), sesquiterpènes
(a-cadinol, viridiflorol, a-bisabolol, etc.), phénylpropanes et dérivés (eugénol, vanil-
line, 2-phényléthanol, etc.), alcools aliphatiques (hexénols, octénols, etc.), phtalides,
mais aussi de nombreux C 13 -norisoprénoïdes.
Ces composés semblent avoir une distribution très large: ils sont présents aussi bien
dans des plantes à huiles essentielles (menthe, romarin, Pinus spp., cannelle, céleri, etc.)
que chez des espèces qui n'en élaborent pas. L'étude des arômes des fruits et de leur ori-
gine a conduit à mettre en évidence de nombreux hétérosides de ce type chez la plupart
d'entre eux (Prunus spp. [pêche, abricot, etc.], mangue, ananas, fraise, raisin, etc.).

5. FACTEURS DE VARIABILITÉ DES HUILES ESSENTIELLES

En préliminaire à une énumération succincte des principaux facteurs susceptibles


d'influer sur la composition des huiles essentielles il semble utile, à en juger par la
confusion qui règne souvent dans l'appellation des produits commercialisés, de
souligner l'importance qu'il convient d'accorder à la nomenclature.
Il n'est en effet pas rare de rencontrer, sur le marché des huiles essentielles et des
concrètes, des produits pour lesquels l'organe producteur (feuille, écorce), l'origine
géographique - voire parfois l'origine botanique - ne sont pas spécifiés avec toute la'
rigueur souhaitable. La même imprécision n'est pas non plus exceptionnell~ dans la
documentation, y compris dans des articles publiés dans des revues dites « scientifi-
ques ». Il faut reconnaître, pour comprendre (à défaut d'excuser) certains raccourcis
sources d'ambiguité, que les appellations traditionnelles ne sont pas toujours univoques:
- exemple: on parle souvent d'origan et d'huile essentielle d'origan. S'agit-il de
l'origan de Grèce (Origanum vulgare L. ssp. viride [Boiss.] Hayak), de l'origan .•
d'Espagne (Corydothymus capitatus [L.] Hoff. et Link.), de l'origan du Mexique'
(Lippia graveolens HBK) ou de l'origan de Turquie (Origanum onites L.) ?
- autre exemple: le bois de santal, Santalum album L. (Sapindaceae), n'a rien à voir
avec le bois de santal des Indes Occidentales, Amyris balsamifera L. (Rutaceae) et n'est
pas la même chose que le bois de santal d'Australie, Santalum spicatum (R. Br.) DC. ou ':
encore d'Afrique (Colpoon compressum Berg., Osyris tenuifolia Engl.).
On pourrait citer beaucoup d'autres exemples (thyms, cèdre, citronnelle) qui;
comme ceux de l'origan ou du santal, montreraient qu'il faut exiger le respect des
règles de désignation de ces produits 4 et que la dénomination binorninale latine (avec;
descripteur !) est la seule qui ne souffre pas (en principe) d'ambiguïté.
HUILES ESSENTIELLES 577

Existence de chimiotypes

Les chimiotypes - on dit aussi races chimiques - sont très fréquents chez les plantes
à huiles essentielles. L'un des exemples les plus démonstratifs est celui du thym
(Thymus vulgaris L.) de la Méditerranée occidentale. On compte pour cette espèce,
morphologiquement homogène et caryologiquement stable, sept chimiotypes
différents: six dans les garrigues du sud de la France (à thymol, à carvacrol, à géraniol,
à linalol, à a-terpinéol, à trans-4-thuyanol et cis-8-myrcénol) et un, en Espagne, à
cinéole. Le même phénomène s'observe pour d'autres espèces du genre Thymus ainsi
que pour d'autres Lamiaceae: des chimiotypes thymol et carvacrol ont été mis en
évidence chez certaines espèces de Thymbra, Satureja, Majorana, Origanum et
Corydothymus. Pour ne citer qu'un autre exemple, il existe en Guadeloupe trois
chimiotypes du «bois d'Inde », Pimenta racemosa (Miller) J. Moore var. racemosa : un
lype « girofle» riche (56 %) en eugénol et chavicol, un type « citron» à géranial et
néral (40 + 30 %) majoritaires et un type « anisé» dont l'huile essentielle renferme
48 % de méthyleugénol et 32 % d'estragole.

trans-hydrate de sabinène
m yrcénol terpinolène =(+)-4-thuyanol carvacrol thymol

Influence du cycle végétatif

Pour une espèce donnée, la proportion des différents constituants d'une huile
~ssentiellepeut varier tout au long du développement. Ainsi, chez la menthe poivrée
(Mentha x piperita), la diminution de la teneur en (-)-menthone observée au cours du
cycle végétatif correspond à une réduction en (-)-menthol et en (+ )-néomenthol : la
t~neur en (-)-menthol (libre et estérifié) augmente, celle en (+)-néomenthol n'augmente
pas - au contraire - du fait de sa conversion en un dérivé hydrosoluble, le glucoside de

4. De telles règles existent: la norme NF T 75-002: 1996 précise que l'étiquetage doit comporter
(l'ntre autres) : « la désignation commerciale de l'huile essentielle, le nom (latin) de la plante et la
IJ(/r/ie de la plante dont elle est extraite, la technique de production ou le traitement spécifique qu'elle
(/ .l'lIbi : distillation ou pression ». Voir aussi rapport ISOrrR 211 :1999.
La norme NF T 75-004:1976, éqv. ISO 3218:1976 fixe pour sa part les règles de dénomination à
respecter dans les différents cas qui peuvent se présenter (chimiotypes, clones, hybrides
IlItcrspécifiques, origine géographique variée, lieu de production, etc.). La nomenclature botanique est
l'Ile-même normalisée (norme T 75-005: 1988); voir aussi le fascicule de documentation sur la
nomenclature des épices, ISO 676: 1995.
Exemples de dénominations: huile essentielle d'Eucalyptus dives Aiton - riche en cinéole ; huile
l'Hscntielle defeuilles de giroflier; huile essentielle de citron d'Italie - obtenue par expression, etc.
578 TERPÉNOÏDES

(+)-néomenthyle 5. Des variations, parfois très importantes, sont couramment observées


dans d'autres espèces: fenouil, carotte, coriandre (chez cette dernière la teneur en
linalol est 50 % plus élevée chez le fruit mûr que chez le fruit vert), etc.

Influence des facteurs extrinsèques

Il s'agit là de l'incidence des facteurs de l'environnement et des pratiques culturales.


La température, l'humidité relative, la durée totale d'insolation et le régime des vents
exercent une influence directe, surtout chez les espèces qui possèdent des structures
histologiques de stockage superficielles (ex. : poils sécréteurs des Lamiaceae). Lorsque
la localisation est plus profonde la qualité est beaucoup plus constante.
Quelques exemples illustrent cette influence des facteurs extrinsèques:
- chez la menthe poivrée, les jours longs et les nuits tempérées conduisent à des
rendements en huile essentielle plus élevés et à une augmentation de la teneur en
menthofuranne. A contrario, les nuits froides favorisent la formation de menthol;
- chez Laurus nobilis L., la teneur en huile essentielle des feuilles exposées au sud
est plus importante que celle des feuilles exposées au nord;
- chez certains Citrus, la teneur est d'autant plus élevée que la température est
importante. On pourrait citer ainsi de très nombreux exemples.
Les pratiques culturales sont également déterminantes sur le rendement et la qualité
du produit final. L'apport d'engrais et l'influence des variations N, P, K ont été étudiés
pour diverses espèces. L'expérience montre qu'il n'y a pas de règles générales
applicables dans tous les cas. Un autre élément fondamental est le régime hydrique. Là
encore, toute généralisation s'avère hasardeuse.

Influence du procédé d'obtention

La labilité des constituants des huiles essentielles explique que la composition du ,


produit obtenu par hydrodistillation soit, le plus souvent, différente de celle du mélange i
initialement présent dans les organes sécréteurs du végétal. Au cours de l'hydro-'
distillation, l'eau, l'acidité et la température peuvent induire l'hydrolyse des esters mais

5. Il est intéressant de remarquer que ce glucoside transporté au niveau du rhizome est hydrolysé
et réoxydé en (-)-menthone. Cette cétone est oxydée en une lactone ce qui permet l'ouverture du cycle ;'
et l'initiation d'un processus de type p-oxydation. L'utilisation de lactone 3H marquée montre que le,
carbone est réutilisé (formation d'acides gras et de phytostérols marqués). L'existence de ce'
catabolisme et de ce turn-over modifient radicalement la conception classique du monot,erpène qui'
s'accumule, produit final (end product) d'un processus passif. '

Un phénomène de même nature est connu chez la sauge (Salvia officinalis) : la diminution de la,
teneur en (+)-camphre qui est observée lorsque les feuilles ont atteint leur taille maximale correspond à !
la formation d'une lactone et à la solubilisation de celle-ci par glycosylation.
HUILES ESSENTIELLES 579

Dégradation de l'hydrate de
sabinène au cours de l'hydro-
distillation

hydrate de sabinène cation terpin-1-èn-4-yl terpin-1-én-4-ol


acétate, R =COCH3

a-terpinéol cation a-terpinyl a-terpinène terpinolène y-terpinène p-cymène

aussi des réarrangements, des isomérisations, des racémisations, des oxydations, etc. Le
comportement du cis-hydrate de sabinène illustre cette instabilité. Ce composé et son
dérivé acétylé sont les constituants largement dominants de l'essence obtenue par
extraction au pentane après broyage, sous azote liquide, des sommités fleuries de la
marjolaine (Origanum majorana L.). L'hydrodistillation des mêmes rameaux fournit un
produit qui renferme, entre autres, une forte proportion de terpin-l-én-4-ol,
accompagné de 'Y- et d'a-terpinènes ; parallèlement, la teneur en acétate de cis-hydrate
de sabinène devient négligeable. L'expérience conduite avec le cis-hydrate de sabinène
ct son acétate (synthétiques) montre que le simple reflux dans l'eau les décompose: en
30 minutes, il ne reste que 10 % de l'acétate et 85 % de l'alcool alors qu'apparaissent
tcrpin-l-én-4-ol (majoritaire), 'Y~ et a- terpinènes, p-cymène, limonène, terpinolène et
IX-terpinéol. On comprend mieux ainsi les variations importantes de composition que
rait ressortir l'analyse de la bibliographie sur cette huile essentielle (pratiquement de 0 à
40 % pour l'hydrate de sabinène et/ou le terpin-l-én-4-ol).
L'exemple de l'huile essentielle de tea tree (cf. p. 664) confirme l'instabilité des
dérivés hydroxylés du sabinène et complète celui de la marjolaine. Il montre en effet,
dans le cas de cette Myrtaceae, que la teneur initiale en cis-hydrate de sabinène est
dépendante de l'âge des feuilles; il en est de même, mais en proportions inverses, pour
le terpin-l-én-4-ol. Il montre également l'incidence déterminante du pH du milieu sur la
composition du produit final. L'utilisation de H2'80 montre que la formation des dérivés
Il squelette p-menthane implique le cation terpin-l-èn-4-yl et, marginalement,
l'intervention du cation a-terpinyl.
Il faut aussi évoquer, parmi les facteurs qui influent sur la composition, l'incidence
de l'état de la matière première: chez certaines Lamiaceae, un stockage de 24 heures
Nullit pour induire des changements sensibles de composition - lesquels peuvent
d'ailleurs être souhaités. Il faut enfin signaler que la cinétique de distillation n'est pas la
même pour tous les constituants d'une huile essentielle (carbures, alcools, cétones, etc.):
III composition du distillat varie en fonction du temps. On voit donc l'importance qu'il y
i~
580 TERPÉNOÏDES ~
!j

a, pour assurer la qualité du produit et sa constance, à étudier, définir et contrôler


1
~
:1
l'ensemble des paramètres, de la culture à l'élaboration du produit final.

6. PROCÉDÉS D'OBTENTION

A. des huiles essentielles

Par entraînement à la vapeur d'eau

• L'hydrodistillation simple consiste à immerger directement le matériel végétal à


traiter (intact ou éventuellement broyé [turbodistillation]) dans un alambic rempli d'eau
qui est ensuite portée à ébullition. Les vapeurs hétérogènes sont condensées sur une
surface froide et l'huile essentielle se sépare par différence de densité. Dans une
variante du procédé le matériel végétal est broyé in situ (turbo-extracteur).

• Dans la distillation à vapeur saturée, le végétal n'est pas en contact avec l'eau:
la vapeur d'eau est injectée au travers de la masse végétale disposée sur des plaques '.
perforées. Pour raccourcir le temps de traitement, limiter l'altération des constituants de
l'huile essentielle et économiser l'énergie, il est possible de travailler en surpression
modérée (de 1 à 3 bar). La conséquence de la surpression étant une augmentation de la
température, la qualité du produit peut en souffrir.
La distillation à vapeur saturée peut également être conduite en continu, dans des
installations automatisées. Pour certaines productions (lavande, menthe), on utilise des
alambics mobiles qui sont en fait des bennes de récolte conçues pour être intercalées;
par l'agriculteur lui-même, après remplissage, dans un montage de distillation.

• L'hydrodiffusion consiste à pulser de la vapeur d'eau à très faible pression;


(0,02-0,15 bar) à travers la masse végétale, du haut vers le bas. La composition des;
produits obtenus est qualitativement sensiblement différente de celle des produits)
obtenus par les méthodes classiques. Le procédé permet un gain de temps et d'énergie. .:

Par expression des épicarpes de Citrus


.,"

Le principe de la méthode est très simple: les « zestes» sont dilacérés et le contenu
des poches sécrétrices qui ont été rompues est récupéré par un procédé physique. Le
procédé classique consiste à exercer, sous un courant d'eau, une action abrasive sur la,
surface du fruit. Après élimination des déchets solides, l'huile essentielle est séparée do'
la phase aqueuse par centrifugation. D'autres machines rompent les poches par'
dépression et recueillent directement l'huile essentielle, ce qui évite les dégradations'
liées à l'action de l'eau. La plupart des installations permettent en fait la récupération
simultanée ou séquentielle des jus de fruits et de l'huile essentielle, celle-ci étant
recueillie par jet d'eau après abrasion (rayures, pointes) avant ou pendant l'expressioq:,
du jus du fruit. Un traitement enzymatique des eaux résiduaires peut permettre de les
HUILES ESSENTIELLES 581

recycler et augmente sensiblement le rendement final en huile essentielle. Les huiles


essentielles de Citrus sont également obtenues directement à partir des jus de fruits
(ex.: déshuilage par le vide).

Autres procédés

Depuis quelques années, on assiste au développement de nouvelles technologies.


C'est en particulier le cas de l'hydrodistillation par micro-ondes sous vide. Dans ce
procédé, la plante est chauffée sélectivement par un rayonnement micro-ondes dans une
enceinte dont la pression est réduite de façon séquentielle: l'huile essentielle est
entraînée dans le mélange azéotropique formé avec la vapeur d'eau propre à la plante
traitée (sans ajout d'eau pour les produits traités en frais). Très rapide et peu
consommateur d'énergie, le procédé livre un produit qui, le plus souvent, est de qualité
supérieure à celle du produit d'hydrodistillation traditionnelle (temps de travail divisé
par 5 à 10 et température plus basse).

B. des concrètes et résinoïdes

Extraction par les solvants

L'extraction proprement dite est généralement précédée d'une division de la plante


ou partie de plante: contusion des organes frais, flétris ou demi-desséchés, hachage au
hache-paille des plantes herbacées, concassage des racines et rhizomes, réduction en
copeaux des bois. L'opération est conduite dans des installations dont la description sort
du cadre fixé au présent ouvrage (extracteurs statiques, mobiles, à filtre flottant, de type
Soxhlet, extracteurs continus, cf ouvrages de génie chimique).
Le choix du solvant est influencé par des paramètres techniques et économiques :
sélectivité (pouvoir solvant à l'égard des constituants odorants); stabilité, inertie
chimique; température d'ébullition pas trop élevée pour permettre son élimination
totale, pas trop faible pour éviter les pertes et donc une élévation des coûts; sécurité de
manipulation (si possible non toxique et ininflammable).
Les solvants les plus utilisés, sous réserve de législations restrictives particulières,
Hont les hydrocarbures aliphatiques: éther de pétrole, hexane, mais aussi propane ou
butane liquides (sous pression). Si le benzène est un bon solvant, sa toxicité limite de
plus en plus son utilisation. On a également recours aux solvants halogénés (dérivés
chlorés et fluorés du méthane et de l'éthane) et à l'éthanol, ce dernier étant surtout
IItilisé pour l'obtention d'absolues et de résinoïdes lavés. Après l'extraction, le solvant
t'si distillé. En fin d'opération, le solvant qui imbibe la masse végétale est récupéré par
Injection de vapeur d'eau dans celle-ci.
Si l'utilisation de solvants à bas point d'ébullition évite les dégradations induites par
III présence d'eau et par les pH acides, diverses modifications demeurent néanmoins
possibles avec des solvants comme l'acétone ou les alcools quoique, dans ce dernier
CliS, des traces d'éthers éthyliques ne sont pas toujours nuisibles aux qualités olfactives
,.
1

Melissa oficinalis L.
HUILES ESSENTIELLES 583

du produit final. L'inconvénient majeur de l'extraction par les solvants est leur manque
de sélectivité: de nombreuses substances lipophiles peuvent, de ce fait, se retrouver
dans les concrètes (huiles fixes, phospholipides, caroténoïdes, cires, certaines
coumarines) et imposer une purification ultérieure. Un autre inconvénient réside dans la
toxicité des solvants: règles contraignantes d'utilisation, problèmes des résidus dans le
produit final. (Voir par exemple, pour les solvants utilisés dans la fabrication des
denrées alimentaires ou de leurs ingrédients: directive 88/344/CEE du 13-06-1988;
arrêté du 19-11-1990 et modifications applicables au 1-01-1994 en application de la
directive 92/l15/CEE du 17-12-1992; dernière modification: directive 97/60/CE).

Procédés utilisant les huiles et les graisses

Ces procédés mettent à profit la liposolubilité des composants odorants des


végétaux dans les corps gras. Dans la technique dite de « l'enfleurage », l'extraction se
!"ait par diffusion à froid vers le corps gras, alors que celle dite de la « digestion» se
pratique à chaud, par immersion des organes végétaux dans le corps gras fondu (on
parle couramment d'enfleurage à chaud). Le produit obtenu est une pommade florale.
Le procédé classique, très ancien et quasi abandonné, consistait à déposer les fleurs
sur des plaques de verre recouvertes d'une mince couche de graisse. Le parfum exhalé
par les fleurs se dissolvait dans le corps gras. Périodiquement, les fleurs étaient
éliminées et remplacées par des fleurs fraîches jusqu'à saturation du corps gras. Le
lavage de ce dernier conduisait directement à une absolue.
L'extraction par un corps gras fondu - elle est toujours pratiquée - n'est, à la
limite, qu'un cas particulier de l'extraction par un solvant.

Hxtraction par les gaz supercritiques

Au-delà du point critique, un fluide peut avoir la densité d'un liquide et la viscosité
d'un gaz, d'où une bonne diffusibilité dans les solides et un bon pouvoir solvant. Si
plusieurs gaz peuvent en théorie être utilisés, l'intérêt s'est porté initialement sur le
dioxyde de carbone ce qui s'explique si l'on considère ses atouts: produit naturel,
inerte chimiquement, ininflammable, strictement atoxique, facile à éliminer totalement,
sélectif, aisément disponible, peu réactif chimiquement et peu coûteux. Si les
contraintes technologiques sont loin d'être négligeables (le point critique se situe à P =
73,8 bars et T = 31,1 oC) les avantages sont nombreux: capacité à fournir des extraits
dc composition très proche de celle des produits naturels, possibilité de faire varier la
sélectivité, la viscosité, etc. en jouant sur la température et la pression (extraction et
!"ractionnement simultanés), absence d'hydrolyse et de réarrangements. Ces avantages
expliquent le développement actuel du procédé, et ce malgré la lourdeur de
l'investissement. Initialement développée pour décaféiner les cafés, préparer les extraits
de houblon (pour la brasserie) ou dénicotiniser les tabacs, la méthode est maintenant
utilisable pour préparer des extraits d'épices (gingembre, paprika, céleri), des arômes
(thé noir, bois de chêne fumé, etc.) et des essences végétales pures, débarrassées des
584 TERPÉNOÏDES

C-I---+--+-

Appareil pour la détermination des huiles essentielles


dans les drogues végétaLes
Dimensions en millimètres Reproduit d'après la 6e édition de
Phannacopée européenne (2008
HUILES ESSENTIELLES 585

terpènes dépourvus d'intérêt olfactif et oxydables, ou privées de certains constituants,


par exemple l'essence d'absinthe sans thuyone. L'extension de l'emploi des fluides
supercritiques à l'extraction liquide-liquide et à la chromatographie accroît les
possibilités déjà importantes de ces procédés. À moyen terme, un gaz comme le
propane pourrait être utilisé dans des conditions similaires.

Traitements ultérieurs des essences

Il est parfois nécessaire de décolorer, neutraliser et rectifier les essences obtenues.


La rectification, à sec ou par un jet de vapeur d'eau sous pression réduite, permet
d'éliminer les produits malodorants ou irritants et d'obtenir ainsi un produit final de
« profil» déterminé. La déterpénation a pour but d'éliminer les carbures terpéniques.
Elle n'est qu'un cas particulier de la rectification, mais peut tout aussi bien être réalisée
par d'autres procédés: par exemple extraction sélective des composés oxygénés de
l'essence par des alcools dilués puis distillation. L'utilisation de techniques
chromatographiques, en particulier la chromatographie d'exclusion sur gel, autorise une
honne séparation des essences et des corps lipophiles non volatils, voire même un
pré fractionnement des mono- et sesquiterpènes.

7. CONTRÔLE DES PLANTES À HUILES ESSENTIELLES,


CONTRÔLE DES HUILES ESSENTIELLES

Le contrôle des plantes à huiles essentielles est codifié par les pharmacopées.
1.'examen morphologique et microscopique n'est en rien particulier à ceci près qu'il est
toujours possible de mettre en évidence les huiles essentielles in situ au moyen de
~~olorants lipophiles appropriés. L'essai de la plante comporte habituellement une étude
NO 111 maire en CCM de l'huile essentielle (obtenue lors du dosage).

Dosage de l'huile essentielle. La principale détermination quantitative, outre le


dosage de 1'humidité résiduelle, est le dosage de 1'huile essentielle. Ce dosage
N'effectue par entraînement à la vapeur d'eau dans un appareil spécial, décrit par la
dernière édition de la Pharmacopée européenne (§ 2.8.12) et dont le schéma est
l'cproduit à la page ci-contre. La séquence opérationnelle est la suivante: distillation de
III plante ou partie de plante en suspension aqueuse, récupération du distillat dans le
Ilibe gradué contenant une quantité déterminée de xylène pour fixer l'huile essentielle,
Néparation des phases par décantation, lecture du volume total de la phase organique,
~lIlcul de la teneur en huile essentielle après déduction du volume du xylène qui a été
unlraîné à la vapeur d'eau préalablement à l'introduction de l'échantillon à doser dans
11.1 ballon. Les conditions opératoires - masse de la prise d'essai (5-50 g), vitesse de
distillation (2-4 ml/min), durée de l'ébullition (lh30 à 4h) - sont précisées par chaque
ll1ollographie. Elles dépendent de la nature, de la texture et de la richesse en huile
: UHsclltielle de la plante. Les laboratoires spécialisés dans l'étude de ce type de plantes
1lIII"OI1t également recours à des appareils autorisant des prises d'essais plus faibles et
586 TERPÉNOÏDES

des temps d'analyse plus courts (ex.: extraction simultanée par solvant et entraînement
à la vapeur, appareil de LIKENs-NrcKERsoN).

Contrôle des huiles essentielles et des essences. Les pharmacopées prévoient


différents essais: évaluation de la miscibilité à l'éthanol, mesures physiques (indice de
réfraction, angle de rotation optique, densité relative, parfois point de solidification),
détermination des indices d'acide, d'ester, de carbonyle, éventuellement recherche des
huiles grasses et des huiles essentielles résinifiées, détermination du résidu,
d'évaporation, etc. Les Pharmacopées demandent aussi une analyse de l'huile
essentielle, par une technique chromatographique. Bien que beaucoup moins perfor-
mante que la CPG, la CCM peut être utilisée en routine pour le contrôle de qualité des
huiles essentielles (plaques de silice, systèmes solvants à base de toluène ou benzène,
chloroforme et/ou acétate d'éthyle; détection en UV et par pulvérisation de divers
réactifs: acide sulfurique puis vanilline et chauffage, chlorure d'antimoine, etc.),
Quelles que soient les améliorations apportées à la technique (couches modifiées, etc.), .
elle est notoirement insuffisante.

Chromatographie en phase gazeuse. La méthode la plus adaptée est ici, compte


tenu de la volatilité des constituants, la CPG. Facilité de mise en œuvre, temps '.
d'analyse assez court, fiabilité des résultats et possibilité d'automatisation du processus
en font une méthode particulièrement bien adaptée aussi bien à l'analyse qualitative.
qu'à l'analyse quantitative. L'analyse des huiles essentielles, initialement réalisée sur
des colonnes garnies, fait maintenant uniquement appel aux colonnes capillaires, plus.
efficaces dans un temps plus court et donnant des temps de rétention avec une plus •.
grande précision. Pharmacopées et normes tendent d'ailleurs à généraliser la référence à;
des profils chromatographiques types obtenus en CPG. Ces ouvrages font égalementè
souvent référence à un chromatogramme-type, mais celui-ci est purement informatif
alors que le profil chromatographique est normatif. Les méthodes elles-mêmes sonti
normalisées (cf. : Ph. eur., 6' éd., 2.2.28; normes NF T 75-400 et 401, éqv. ISO 7359 et.
7609:1985).

Profil chromatographique. Le profil chromatographique est la liste des cons.:


tituants sélectionnés parmi ceux qui sont représentatifs et caractéristiques d'une huile'
essentielle, accompagnée, pour chacun d'eux, de limites de concentration et\;
éventuellement, des rapports entre ces concentrations. Un constituant est représentat '.
quant il est présent dans tous les échantillons à une concentration dont la dispersion~
statistique est sensiblement gaussienne. Un constituant caractéristique est un;
constituant représentatif dont la concentration - qui peut être nulle - constitue uno'
caractéristique (ex.: absence de lO-épi-y-eudesmol dans le géranium Bourbon, présenc~
dans le géranium d'Afrique). Les directives pour l'élaboration d'un profil font l'obje
d'un fascicule de documentation (NF ISO 11024-1:1999); il en est de même pourle~
directives d'utilisation (NF ISO 11024-2: 1999).
IIUILES ESSENTIELLES 587

Autres techniques de CPG. Sous certaines conditions, la CPG permet une analyse
chirospécifique, d'autant plus importante que l'on connaît l'incidence de la chiralité sur
l'odeur et que l'on sait qu'origine botanique et rapport énantiomérique sont
habituellement liés. Très utile pour l'étude de l'authenticité du produit, cette technique
rait maintenant appel systématiquement à des phases stationnaires composées de
dérivés de cyclodextrines alkylées ou acylées énantiosélectives. Plus fondamenta-
lement, la CPG chirale permet, entre autres, d'étudier des mécanismes de biosynthèse
ou encore les transformations occasionnées par le processus d'obtention.
L'étude des constituants volatils présents dans un végétal peut également être
réalisée par une méthode développée initialement pour l'étude des arômes: l'analyse
CPG en espace de tête, c'est-à-dire l'analyse de la phase gazeuse en équilibre avec
l'échantillon placé en atmosphère confinée. Le principe de la méthode consiste à piéger
les substances volatiles soit à très basse température, soit par adsorption sur un
polymère hydrophobe, puis à les libérer par chauffage ou désorption et à les étudier en
CPG. Cette technique permet, entre autres, d'apprécier les modifications structurales
induites par le procédé d'obtention. La prudence s'impose toutefois dans les conclu-
sions (piégeage sur organes coupés ou in situ, nature du gaz d'entraînement, etc.).
La possibilité de coupler les chromatographes à divers spectromètres (infra-rouge à
transformée de FOURIER, SM) augmente considérablement la quantité et la qualité des
informations obtenues. En CPG-SM, la comparaison informatique du spectre d'un pic
inconnu avec une ou plusieurs « librairies» de référence permet son identification (à
condition que le niveau de similitude des spectres, inconnu et référence, soit suffisant et
que les indices de rétention soient identiques, dans des conditions opératoires
comparables). L'apparente facilité de la méthode ne doit pas faire oublier que, pour
établir la structure d'un constituant inconnu, l'idéal est de l'isoler pour en faire une
IInalyse spectrale poussée (RMN).
Pour une étude plus fine des huiles essentielles, il peut être utile de procéder à un
pré fractionnement, que celui-ci soit chimique (ex. : séparation des composés insaturés
sous forme de composés d'addition) ou chromatographique, sur colonne ou par CCM
préparative en n'oubliant pas que des réarrangements sont toujours possibles, même sur
des supports désactivés. Plus récemment, on a vu se développer différentes techniques
lI1ultidimensionnelles : chromatographie liquide-CPG ou séquence de deux CPG, en
particulier pour les analyses de composés chiraux (le premier CPG opère un
préfractionnement - en fonction de la polarité ou de la volatilité - et le second sépare
les énantiomères sur une colonne chirospécifique). Actuellement, on assiste au
développement des techniques à deux dimensions en continu utilisant deux colonnes
couplées (de polarité différente). Les couplages chromatographes-spectromètres se sont
nussi beaucoup développés : couplage d'un CPG à un détecteur IR ; à un spectromètre
de masse (c'est maintenant une technique de base); à un spectomètre de masse à temps
de vol; à un IRMS (spectrométrie isotopique par ratio de masse), capable de mesurer le
l'Ilpport isotopique I3C/ 12c. C'est sans doute la méthode la plus élaborée pour étudier
l'nuthenticité d'une huile essentielle, même si, comme l'a souligné JOULAIN, elle ne
permet pas de distinguer la (R)-(-)-carvone de l'essence de menthe crépue et la (R)-(-)-
curvone synthétisée à partir du (R)-( +)-limonène. Signalons enfin les couplages
588 TERPÉNOÏDES '

possibles entre un système à deux dimensions (CPG-CPG) et un spectromètre de masse


ou entre un CPG et des capteurs olfactométriques.

Chromatographie liquide. Peu intéressante pour les fractions volatiles, cette


technique est efficace pour s'assurer de l'authenticité des huiles essentielles de Citrus:'
par l'analyse des constituants non volatils ou pour doser l'hemiarine (une coumarine) !
dans les huiles essentielles de lavandes ou d'estragon. C'est une très bonne méthode
pour étudier les constituants non volatils des concrètes et des absolues ou pour opérer
des préfractionnements. Comme précédemment, on peut la coupler, notamment à un
analyseur de masses.

Nez électroniques. Cette technique récente tend à se répandre. C'est surtout un


moyen d'obtenir une analyse « objective» des parfums complexes en quelques minutes. '
L'atmosphère est analysée par un réseau de capteurs fonctionnant sur le principe des::
semi-conducteurs et dont l'information est traitée par un système informatique de type "
réseau de neurones. Une fois l'empreinte numérique d'une odeur intégrée et stockée en "
mémoire, l'appareil l'utilise comme référence pour les analyses ultérieures. Plus,
rentable que les panels sensoriels, fonctionnant en continu sans diminution de sa ;
sensibilité « olfactive», ce type d'appareillage permet la validation des matières
premières aussi bien que le contrôle de production « en-ligne» (agroalimentaire.
parfumerie, etc.). Il reste encore limité par le vieillissement rapide des capteurs et la
difficulté de les standardiser.
Notons enfin que l'on peut encore parfois être conduit à procéder à l'évaluation
quantitative d'un composant particulier (ou d'un groupe de composants). Il est alors fait
appel à des techniques classiques (ex. : dosage du cinéole par détermination de la'
température de cristallisation d'un mélange de l'huile essentielle et d'o-crésol [NF T 75;.,
118: 1982) ou à des méthodes chromatographiques (ex. : dosage du safrole et des,
isosafroles dans l'huile essentielle de muscade, etc.). :'

8. PROPRIÉTÉS PHARMACOLOGIQUES DES HUILES ESSENTIELLES,'

Notons tout d'abord qu'il arrive à certains de confondre l'activité d'une huile:>
essentielle avec celle de la plante dont elle est issue. Il faut savoir qu'une telle"
superposition n'est que rarement possible: ainsi, 1'huile essentielle de romarin est!
antibactérienne alors que l'infusé de la même espèce est traditionnellement utilisé powr\
le traitement symptomatique de troubles digestifs divers, sur la base de propriétés,
antispasmodiques et cholérétiques peut-être liées à la présence de composés
phénoliques.
Remarquons ensuite que si l'on peut étudier et décrire les effets biologiques et/ou
pharmacologiques d'un monoterpène, d'un sesquiterpène ou d'un alkylbenzène pur ~'
et la bibliographie dans ce domaine est fournie -, il est difficile (impossible 7) d '
parler de pharmacologie, de pharmacocinétique ou de métabolisme d'une huil~
essentielle, c'est-à-dire d'un mélange. En troisième lieu, il convient de souligner que
l'éventail des propriétés attribuées (et parfois expérimentalement démontrées) au
HUILES ESSENTIELLES 589

plantes à huiles essentielles et aux huiles essentielles elles mêmes est trop large pour
permettre des généralisations simplificatrices, mais forcément réductionnistes.

Quelques propriétés fondamentales se dégagent cependant de ce vaste catalogue .

• Pouvoir antiseptique. Ce pouvoir antiseptique s'exerce à l'encontre de bactéries


pathogènes variées, y compris des souches habituellement antibiorésistantes dont elles
altèrent les structures et la fonctionnalité membranaires. Certaines huiles essentielles
sont également actives sur des champignons responsables de mycoses et sur des levures
(Candida). Les doses actives sont en général faibles et celles qui sont déterminées par
une expérimentation in vitro sont directement transposables pour une utilisation par
voie externe ou, a fortiori, comme conservateur. Sarriette, cannelle, thym, girofle,
lavande, eucalyptus sont au nombre des huiles essentielles les plus antiseptiques. Des
wmposés comme le linalol, le citral, le géraniol ou le thymol sont respectivement 5,
5,2,7,1 et 20 fois plus antiseptiques que le phénol.

.Propriétés spasmolytiques et sédatives. De très nombreuses plantes à huiles


essentielles (menthe, verveine, etc.) sont réputées efficaces pour diminuer ou supprimer
les spasmes gastro-intestinaux. Il est fréquent qu'elles stimulent la sécrétion gastrique
d'où les qualificatifs de « digestives» et de « stomachiques» qui leur sont décernés,
avec toutes les conséquences qui peuvent découler de cette « eupepsie » : amélioration
de certaines insomnies et de troubles psychosomatiques divers, diminution de la
« nervosité », etc. Ces effets bénéfiques divers expliquent sans doute que les médecines
populaires et les thérapeutiques « douces» et « de terrain» fassent un très large usage
de ces plantes.
ln vitro, un grand nombre d'huiles essentielles (angélique, basilic, camomille,
girofle, mélisse, menthe, thym) exercent une activité spasmolytique marquée sur l'iléon
de Cobaye isolé et, dans une moindre mesure, sur la trachée du même animal. D'après
des travaux réalisés sur l'huile essentielle de menthe, il est possible que ce type
d'activité soit lié à une inhihition de l'entrée du calcium dans les cellules .

• Propriétés irritantes. Utilisés par voie externe, des produits comme l'essence de
IlSrébenthine provoquent une augmentation de la microcirculation, une rubéfaction
importante, une sensation de chaleur et, dans certains cas, une légère action
/lnesthésique locale: c'est ce que l'on recherchait autrefois dans les embrocations et les
onguents. Aujourd'hui encore, nombreux sont les gels, les crèmes ou les pommades à
buse d'huiles essentielles destinés à soulager entorses, courbatures, claquages et autres
/lIgies articulaires ou musculaires.
Administrées par voie interne, les huiles essentielles déclencheraient des
phénomènes « d'irritation» à différents niveaux. Ainsi, celles d'eucalyptus, de pin, de
niuouli stimuleraient les cellules à mucus et augmenteraient les mouvements de
l'ISpithélium cilié au niveau de l'arbre bronchique. D'autres favoriseraient l'élimination
l'l~nale d'eau par effet local direct (genièvre). La plupart des affirmations de ce type ne
Hont pas argumentées pharmacologiquement. Quant aux essais cliniques, ils sont sauf
, l'liS particuliers, inexistants (ou de qualité méthodologique contestable).
590 TERPÉNOÏDES

D'autres activités sont attribuées aux huiles essentielles (cholérétique, cicatrisante,


neurosédative) : elles seront citées au niveau des monographies des plantes ou parties
de plantes.

9. TOXICITÉ DES HUILES ESSENTIELLES

Cet aspect de la connaissance des huiles essentielles est d'autant plus important que
le développement de pratiques telles que l'aromathérapie (voir 10, ci-dessous), ainsi
que la connotation « produit naturel» attachée à ces produits conduisent à une,
utilisation souvent abusive. Certains confondent en effet un peu rapidement plantes à
huiles essentielles et huiles essentielles: l'innocuité des premières est, presque toujours, "
un fait établi; la toxicité des secondes est assez souvent démontrée. L'automédication'
(dangereuse) est favorisée par le fait que bon nombre de ces produits sont distribués en
dehors du secteur pharmaceutique, au mépris d'une législation qui réserve la
distribution de certains d'entre eux aux pharmaciens, garantissant ainsi un contrôle
rigoureux d'identité et de conformité.

Toxicité aiguë. En règle générale, les huiles essentielles ont une toxicité aiguë par ;
voie orale faible ou très faible: la majorité de celles qui sont couramment utilisées ont:
une DUo comprise entre 2 et 5 g!kg (anis, eucalyptus, girofle, etc.) ou, ce qui est le plus
fréquent, supérieure à 5 g!kg (camomille, citronnelle, lavande, marjolaine, vétiver, etc.); ,
D'autres, une quinzaine, ont une DL50 comprise entre 1 et 2 g/kg : basilic, estragon,'
hysope (1,5 ml!kg), origan, sarriette (l,37 g/kg), ou encore Melaleuca, sassafras (1 ,9,;~
g!kg) ou wintergreen (0,9-1,25 g/kg). Les plus toxiques sont les huiles essentielles do;
boldo (0,13 g/kg; convulsions apparaissant dès 0,07 g!kg), de chénopode (0,25 g!kg), do;
thuya (0,83 g!kg), de pennyroyal (0,4 g!kg), ainsi que l'essence de moutarde (0,34 g!kg).\)
Les mêmes observations peuvent être faites pour les constituants des huiles,
essentielles. Rares en effet sont ceux qui ont une DUo < 2g/kg: thuyones (:::: 0,2 g!kg)r
pulégone (0,47 g!kg), carvacrol (0,81 g/kg), carvone (1,64 g/kg). '};
Ces données 6, obtenues chez l'animal, ne fournissent que des indications relatives;,
Les observations cliniques chez l'Homme montrent que des intoxications aiguës sont·
possibles, même lorsque la DUo est élevée: le camphre (DUo = 1,47 g/kg) a jadis ét4,
responsable de nombreux accidents (convulsions épileptiformes) et, au moins chez Il.·
jeune enfant, de décès. L'analyse de la bibliographie disponible montre que lei
accidents graves - très souvent observés chez le jeune enfant - sont le fait d'un peU

6. Les valeurs citées ici ne sont que des exemples. Elles sont tirées des compilations publiées
partir de1973 par D.L.J, Opdyke, du RIFM (Research Institutefor Fragrance Materials) sous le titre
Monographs on Fragrance Raw Materials. Publiées d'abord sous forme d'articles, elles l'ont été ensui
sous forme de suppléments à la revue Food and Cosme tics Toxicology : (1 : 1974),12,807-1016 ; (1
1975),13,681-924; (III: 1976),14,659-894; (IV: 1978),16,637-884; (V: 1979),17,695-92.
série continue après le changement de titre de la revue (-> Food and Chemical Toxicology) : (VI
1982, avec C. Letizia), 20, 633-852) ; (VII: 1988),26,; (VIII: 1992),30,1-138. .
Voir aussi, cités dans la bibliographie: Tisserand et Balacs, 1995 ; Adams et al., 1996,2004'
Smith et al" 2002, 2005.
HUILES ESSENTIELLES 591

nombre d'huiles essentielles, ingérées en quantité importante: girofle (eugénol),


eucalyptus (les données sont contradictoires), pennyroyal (pulégone, mortelle),
wintergreen (salicylate de méthyle, mortelle), persil (apiol). On connaît aussi la
neurotoxicité des huiles essentielles à thuyones (thuya, absinthe, tanaisie, sauge
officinale) ou à pinocamphone (hysope) : ces huiles essentielles induisent des crises
épileptiformes et tétaniformes, des troubles psychiques et sensoriels nécessitant
l'hospitalisation. L'article L-4211-1, alinéa 6 du Code de la Santé Publique (ordon-
nance 2001-198 du 1er mars 2001) précise que « la vente au détail et toute dispensation
au public des huiles essentielles dont la liste est fixée par décret et de leurs dilutions et
préparations ne constituant ni des produits cosmétiques, ni des produits à usage
ménager, ni des denrées ou boissons alimentaires» est réservée aux pharmaciens.
L'article D4211-13 inscrit sur la liste prévue par le texte précédent les huiles
essentielles provenant de l'absinthe, de la petite absinthe, des armoises (commune,
blanche et arborescente), des « cèdres» blanc et de Corée, de l'hysope, de la sauge, de
la tanaisie et du thuya. Cette liste a été élargie en 2007 aux huiles essentielles de
sassafras, de sabine, de rue, de chénopode vermifuge et de moutarde jonciforme (décret
n° 2007-1198 du 3 août 2007)
Cela étant dit, la fréquence des accidents graves est faible. C'est ainsi que, en 1994,
les centres anti-poisons des États-Unis d'Amérique ont enregistré 3185 appels liés à des
huiles essentielles: 1086 correspondaient à des effets mineurs, 72 à des effets modérés.
Seuls 4 cas d'intoxication majeure et un décès (essence de wintergreen, 60 ml) ont été,
cette année là, enregistrés.

Toxicité chronique. La toxicité chronique des huiles essentielles est assez mal
connue, au moins en ce qui concerne leur utilisation dans le cadre de pratiques comme
l'aromathérapie et ce quelle que soit la voie d'administration: les éventuels effets
indésirables ne sont que rarement signalés (encore faut-il qu'ils soient identifiés comme
tels). On dispose par contre de beaucoup de données expérimentales accumulées en vue
d'évaluer le risque que représente leur emploi (surtout celui de leurs constituants ou des
plantes qui en renferment) en tant qu'arômes alimentaires (ou épices, condiments, etc.),
domaine dans lequel les doses ingérées journellement sont le plus souvent très faibles et
où, sauf très rares exceptions, leur innocuité a pu être établie - dans les conditions
habituelles d'emploi.
Les possibles interactions de ces produits (aux doses habituelles de l'aroma-
thérapie) avec des traitements médicamenteux sont, elles aussi, très mal connues.

Toxicité dermique. Le large usage que la parfumerie et l'industrie des cosmétiques


font de ces huiles essentielles a suscité de très nombreux travaux sur leur éventuelle
toxicité (aiguë, chronique) par application locale, leur pouvoir irritant (moutarde, thym,
ctc.), sensibilisant (Saussurea, cinnamaldéhyde) ou phototoxique (angélique,
hergamote). Les résultats de ces travaux ont conduit les organisations professionnelles
Internationales à édicter des recommandations concernant leur utilisation et/ou celle de
leurs constituants (concentrations maximales, éviction, formulation particulières)
(IFRA : http://www.ifraorg.org.).
592 TERPÉNOÏDES

Cancérogénicité. Plusieurs allyl- et propénylphénols sont capables d'induire


l'apparition de cancers chez les rongeurs: chez le Rat, le safrole (sassafras) induit la
formation de tumeurs hépatiques, la ~-asarone (acore) celle de tumeurs de l'intestin
grêle et, chez la Souris, l'estragole (basilic, estragon) se révèle hépatocancérogène;
L'expérience montre que, au niveau du foie des rongeurs, ces dérivés phényl-;
propaniques sont hydroxylés sur le carbone en l' de leur chaîne allylique par les,
enzymes microsomiaux (l' -hydroxysafrole, l' -hydroxyestragole). Ultérieurement, ces,
métabolites hydroxylés forment des espèces très électrophiles - des esters sulfuriques '
- capables d'établir des liaisons covalentes avec les acides nucléiques et les protéines. i
Dans l'état actuel des connaissances, on considère que l'apiol, le dill-apiol, l'eugénol et:
la myristicine ne sont pas cancérogènes.
L'évaluation du risque lié à ces arènes est rendue délicate par les variations de
métabolisme liées à l'espèce ou par la disproportion entre les doses administrées lors:
des expérimentations animales et celles que l'Homme est susceptible de consommer:
quotidiennement. Chez l'animal, elle est en moyenne de 0,5 à 1 % de la ration:
alimentaire pendant 1 à 2 ans (ex. : 550 mg/kg/j d'anéthole x 121 semaines) alors que,'
l'apport journalier moyen en propényl-phénols est estimé chez l'Homme, selon la
molécule, entre 60 et 70 Ilg. L'éventuelle influence de la dose ingérée sur le"
métabolisme est également à prendre en compte. C'est ainsi que 0,05 mg/kg d'estragole'
administrés au Rat sont principalement déméthoxylés alors que la fraction de la dosé :;
qui est hydroxylée en C-1' atteint environ 10 % lorsque cette dose est portée à 1 g!kg;'
Chez l'Homme, et pour cette même molécule, le taux de conversion en dérivé 1'.,
hydroxy est de 0,3 % pour une dose ingérée de 100 Ilg. Dans ces conditions,:'
l'exposition au métabolite toxique chez le rongeur (calculée sur la base de sol1:
élimination urinaire) est 13 millions de fois plus importante que chez l'Homme. l

Une étude systématique de l'hépatocancérogénicité des alcénylbenzènes a montr6


que les Z- et E-anétholes, le 3' -hydroxy-E-anéthole, le Z-isosafrole et le cinna~'
maldéhyde n'induisent pas l'apparition de tumeurs dans les conditions où asarone et
dérivés hydroxylés du safrole, de l'estragole et, dans une moindre mesure, dit'
l'élémicine le font. Des études au long cours (deux ans) chez le Rat ont confirmé qu~
l'anéthole ne constitue pas un risque significatif pour l'Homme, même aux doses quai:
peuvent ingérer les consommateurs réguliers de boissons anisées. Les différences de!
métabolisme renforcent cette présomption d'innocuité: chez 1'Homme, l'anéthole es '
préférentiellement dégradé par oxydation de la chaîne latérale (acides p-méthoxy~;
hippurique et benzoïque) alors que, chez le Rat, c'est l'époxydation de la chaîne latéral'
qui prédomine. I{

10. EMPLOIS DES PLANTES À HUILES ESSENTIELLES,


DES HUILES ESSENTIELLES ET DES ESSENCES

Les monographies qui suivent illustreront les principaux aspects de l'utilisation d


ces plantes. Actuellement, elles trouvent des emplois dans trois secteurs principaux.

- en pharmacie. Dans leur grande majorité, ces plantes sont utilisées en nature, e,
particulier pour la préparation d'infusions (menthe, mélisse, verveine, fleurs d'oranger'
HUILES ESSENTIELLES 593

etc.) et sous la forme de préparations galéniques simples. Elles sont également utilisées
pour l'obtention d'huiles essentielles dont certaines peuvent avoir un intérêt
médicamenteux (en particulier dans le domaine des antiseptiques externes) mais qui,
majoritairement, sont surtout destinées à l'aromatisation des formes médicamenteuses
destinées à la voie orale.
Les huiles essentielles constituent par ailleurs le support d'une pratique de soins
pmticulière: l'aromathérapie. Cette médecine « complémentaire », dont les partisans ne
semblent pas s'entendre sur la définition 7, ne sera pas discutée ici. Toutefois, il faut
souligner que la majorité des constituants des huiles essentielles sont lipophiles et, de ce
rait, rapidement absorbés que ce soit par voie pulmonaire, par voie cutanée ou par voie
digestive. II convient donc d'être particulièrement vigilant quant aux doses utilisées et
de proscrire le recours aux huiles essentielles dont la toxicité potentielle est connue. S'il
est évident que la plus grande prudence s'impose lorsque les huiles essentielles sont
lIdministrées par voie orale et a fortiori, en mélange, elles ne doivent pas non plus être
utilisées inconsidérement par voie externe: l'agressivité de certaines d'entre elles à
l'encontre des muqueuses et/ou de la peau doit inciter à ne les utiliser qu'après dilution
dans un véhicule approprié. II est impératif de ne pas laisser ces produits à portée des
jeunes enfants et il serait souhaitable qu'ils soient systématiquement délivrés dans des
conditionnements adaptés et toujours correctement étiquetés.

- en parfumerie. C'est le débouché principal des huiles essentielles, des concrètes,


des absolues et autres résinoïdes fournis par ces plantes. L'industrie des cosmétiques et
le secteur des produits d'hygiène sont également des consommateurs, même si le coût
souvent élevé des produits naturels les conduit parfois à privilégier, pour les
Il1l1TIulations de grande diffusion, les produits synthétiques. À la limite de la pharmacie
~I des produits d'hygiène, on notera la présence d'huiles essentielles dans les
préparations pour bains (bains « calmants» ou « relaxants»). On notera qu'il y a là une
possibilité d'absorption percutanée des constituants terpéniques.

- dans les industries agroalimentaires. Si certaines plantes sont utilisées en nature


i (épices et aromates), d'autres le sont sous forme d'huiles essentielles ou de résinoïdes
.. et d'oléorésines - dispersés, encapsulés, complexés. Si, au cours des dernières
décennies, la réfrigération s'est substituée aux épices pour assurer la conservation des

7. Pour certains, c'est l'utilisation des odeurs et des substances volatiles pour soigner, atténuer ou
pl'l~venir les infections et les indispositions uniquement par le moyen d'inhalations [Buchbauer et
,lIrovctz, 1994] alors que, pour d'autres, les huiles essentielles sont habituellement appliquées sur la
Pl'IIU après dilution dans une huile végétale (massage aromathérapique) [Tisserand et Balacs, 1995]. En
1I1'1I1lCC, elles sont souvent administrées per os ... Ces substances étant absorbées en partie, elles peuvent
IIvoir un effet pharmacologique (qui, souvent, reste à évaluer). Depuis quelques années, différents
Il'llvaux ont tenté d'objectiver l'action « psychodynamique » des produits odorants (aromathérapie et
\lITels du parfumage). La composante psychosomatique de l'effet ressenti est très importante. Certains
IIlIleurs évoquent aussi un mécanisme hédonique (influence, sur le comportement, du plaisir/déplaisir
Ill' Il une odeur) et un mécanisme « sémantique» (lien, dans le souvenir, d'une odeur et d'une situation
~llIolionnelle exceptionnelle). Cf., inter aUa : Jellinek, J.S. (1997). Psychodynamic odor effects and their
IIll'ch:misms, Perfum. Flavor., 22, (09-10), 29-41 et réf. citées. Voir aussi: lavande (p. 625), mélisse
(p. ()29).
594 TERPÉNOÏDES

aliments, le développement de nouvelles pratiques culinaires (plats préparés,


préparations surgelées industrielles, etc.), le goût pour l'exotisme (et le marketing), les
qualités gustatives (!) des produits d'une agriculture intensive et d'autres facteurs
conduisent à une augmentation rapide de la consommation de ces aromatisants naturels.
Tous les segments alimentaires sont consommateurs: alcools, boissons non alcoolisées,
confiserie, produits laitiers, produits carnés, sauces, soupes, snacks, produits de
boulangerie, sans oublier la nutrition animale.
Depuis le début des années 1980, la part du naturel dans l'aromatisation des produits
alimentaires ne cesse de croître aux dépens des compositions aromatiques de synthèse.
À côté des dérivés de transformation des fruits, les huiles essentielles ont
vraisemblablement encore une marge de progression pour leur marché. Il en est sans
doute de même pour les isolats (c'est-à-dire les substances pures isolées des huiles
essentielles): la « prime au naturel» fait (et fera) qu'un certain nombre d'entre eux sont'
(ou deviendront) compétitifs par rapport à leurs analogues synthétiques. On surveillera "
malgré tout la progression prévisible des produits « néonaturels » (produits de '
fermentation et de bioconversion). La demande conjointe d'éliminer les pathogènes,
des produits alimentaires et d'un consumérisme tendant à refuser les conservateurs'
synthétiques ouvre, a priori, une voie d'applications aux huiles essentielles. De ;
nombreuses études attestent de leur potentialités, mais les concentrations nécessaires.
à un effet tangible sont souvent telles que la sécurité bactériologique ne peut être!
atteinte qu'au détriment des qualités gustatives propres à l'aliment. '
Sur les conditions d'emploi des huiles essentielles, voir les « Recommandations '.'
relatives aux critères de qualité des huiles essentielles» (Afssaps, 2008, op. cit.).

- dans diverses industries, surtout chimiques, qui utilisent encore, à côté de produits
de synthèse, des isolats: pinènes de la térébenthine (cf. p. 687), sc1aréol (cf. p. 646),
citral du Litsea cubeba en provenance de la République Populaire de Chine (cf. p. 657). '
géraniol de l'huile essentielle de palmarosa (Cymbopogon martinii [Roxb.] W. Watso~:
[Poaceae]), (+)- et (-Hinalol, (+)-citronellal, eugénol, safrole, etc. Ces molécules
constituent des matières premières pour la synthèse de principes actifs médicamenteux,:
de vitamines, de substances odorantes, etc. Ex.: utilisation du safrole (extrait d'Ocotea:
brésiliens ou d'espèces de Cinnamomum de Chine) pour la synthèse dè l'héliotropine'
utilisée en parfumerie ou celle du butoxyde de pipéronyle, un synergiste dei,'
pyréthrinoïdes. "

Conservation
Il va de soi que la relative instabilité des molécules constitutives des huile
essentielles rend leur conservation difficile. Les possibilités de dégradation son.
nombreuses, facilement objectivées par la mesure des indices (peroxyde, réfraction)',
par la détermination des caractères physiques (viscosité, miscibilité à l'alcool, pouvo'
rotatoire) et/ou par l'analyse en CPG. Les risques sont multiples: photoisomérisation ( .!
-> Z-anéthole), photocyc1isation (citrals), coupure oxydative de propénylphénols
peroxydation des carbures et décomposition en cétones et alcools (limonène)'
thermoisomérisation (citrals), etc.
HUILES ESSENTIELLES 595

Ces dégradations pouvant modifier les propriétés et/ou mettre en cause l'innocuité
du produit, il convient de les éviter: utilisation de flacons propres et secs en aluminium,
en acier inoxydable ou en verre teinté antiactinique, presque entièrement remplis et
l'ermés de façon étanche (l'espace libre étant rempli d'azote ou d'un autre gaz inerte),
stockage à l'abri de la chaleur et de la lumière. (Sur les règles d'emballage, de
conditionnement et de stockage, voir la norme AFNOR NF T 75-001: 1996 ; pour les
règles de marquage des récipients, voir la norme NF 75-002:1996).

11. PRINCIPALES PLANTES À HUILES ESSENTIELLES

Le nombre de plantes à huiles essentielles qui font l'objet d'un marché est tel qu'il
n'est pas envisageable de les citer toutes, du moins dans un ouvrage prioritairement
dédié aux plantes qui peuvent présenter un intérêt pour la pharmacie. On présentera
donc ci-après - souvent très sommairement - les plantes qui sont inscrites aux
dernières éditions des Pharmacopées européenne ou française et/ou qui figurent à
l'annexe 1 de la Note Explicative de 1998 concernant les autorisations de mise sur le
marché de médicaments à base de plantes. On y ajoutera quelques plantes qui doivent
être signalées pour leur éventuelle toxicité (c'est le cas de l'acore) ou pour leurs
propriétés aromatisantes souvent mises à contribution dans les formulations
médicamenteuses (c'est le cas des fruits des Citrus). On indiquera, quand c'est le cas, les
lIutres emplois et, par principe, on écartera toutes les espèces qui ne sont utilisées que
dans des domaines extra-pharmaceutiques, même si cela conduit à négliger des plantes
Irès utilisées comme les Poaceae (citronnelle de Java et de Ceylan, vétiver) ou d'emploi
lraditionnel (rose, géranium, jasmin, tubéreuse, etc.). Un classement par indications se
révélant périlleux (ces plantes sont-elles réellement toutes des plantes médicinales ?), le
critère retenu pour cette présentation est celui de la classification botanique
(alphabétique, par familles).

A. Apiaceae à huiles essentielles

La plupart des Apiaceae à huiles essentielles sont des espèces destinées à l'alimen-
lation et à l'industrie agroalimentaire. En phytothérapie, on leur attribue principalement
des propriétés « digestives » .

• ACHE DES MARAIS, Apium graveolens L.

Cette espèce, dont les variétés cultivées constituent le céleri (céleri-branche [var.
till/ce Mill.] et céleri-rave [var. rapaceum (Mill.) Gaud]), n'est décrite ni par la
Pharmacopée européenne (6' éd.), ni par la lO c édition de la Pharmacopée française.
'l'mis les organes du céleri renferment une huile essentielle caractérisée par la présence
,k phtalides : sédanolide, (E)- et (Z)-ligustilide, 3-n-butylphtalide, butylidènephtalides,
sédanénolide, etc. Tous les organes renferment aussi des furanocoumarines. Dans le cas
596 TERPÉNOÏDES

des tubercules, la teneur en furanocoumarines peut se trouver fortement augmentée'


quand ceux-ci sont endommagés ou contaminés par des champignons.
Les graines de la variété cultivée font l'objet d'une norme (NF ISO 6574:1987). Il
en est de même pour l'huile essentielle (ISO 3760:2002).

Pharmacologie, évaluation clinique. Il n'existe que très peu de données sur la


pharmacologie de l'ache (ou du céleri cultivé) et de leurs constituants: l'huile essen-)
tielle et les phtalides sont sédatifs chez les rongeurs, mais à très forte dose et par voie '
IP. L'extrait de feuilles de céleri cultivé est faiblement anti-inflammatoire sur un ':
modèle animal. Les propriétés prêtées par la tradition à la racine d'ache des marais ne;
sont confirmées par aucune donnée clinique.

Toxicité, effets indésirables. Le céleri, comme d'autres espèces à furanocoumari· ,.'


nes, peut être à l'origine de photodermatoses. Ces dermatoses peuvent être consécutives
à un contact (manipulation des racines) ou, ce qui semble exceptionnel, à l'ingestion du
légume. On connaît bien également le risque allergique lié au céleri. La réaction - elle
peut aller jusqu'au choc anaphylactique - se manifeste par une urticaire au niveau des;
muqueuses buccales et par de l'œdème. La forte homologie des protéines allergisantes \
du céleri (ex. : Api g 1), du bouleau (Bet v 1) et de la carotte (Dauc 1) explique les'
allergies croisées telles que l'allergie croisée céleri-bouleau. L'allergie à l'armoise:;
induit également fréquemment une allergie au c é l e r i . '

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet'


qu'il est possible de revendiquer, pour la souche radicante d'ache des marais;
l'indication thérapeutique suivante (voie orale) : traditionnellement utilisé pour~
favoriser l'élimination rénale d'eau. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée~
pour la constitution d'un dossier« abrégé» d'AMM (poudre, souche pour tisane.',
extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre). t
En Allemagne, la Commission E du BfArM estime que les propriétés attribuées au
céleri (fruits, plante, racines) ne sont pas justifiées. Ce fait, mais aussi le risque de
réaction allergique et la phototoxicité liée aux furanocoumarines ont conduit la Com~!
mission à ne pas recommander l'usage du céleri dans un but thérapeutique.
Autrefois, la racine de céleri entrait dans la composition du « sirop des cinqt
racines» utilisé pour de prétendues propriétés « diurétiques» (céleri, fenouil, persil(
asperge et p e t i t - h O U X ) . / .
De nombreux cultivars de céleri sont actuellement cultivés à des fins alimentaires;'
On consomme couramment les pétioles blanchis aussi bien que la partie supérieure de.
la racine ou encore les feuilles fraîches. Le fruit est également utilisé, que ce soit
comme épice ou pour la production d'huile essentielle .

• ANETH (ODORANT), Anethum graveolens L.


Le fruit d'aneth est constitué par le fruit séché d'A. graveolens. Il contient au mini'
mum 25 ml/kg d'huile essentielle (Ph. fse, 10' éd.).
HUILES ESSENTIELLES 597

La plante. L'aneth odorant est une plante herbacée dont les feuilles alternes, au
limbe tripennatiséqué, se terminent en lanières filiformes d'un vert bleuté. Les fleurs
jaunes, très petites, sont groupées en larges ombelles (20 cm) dépourvues d'involucre et
d'involucelles. La variété horticole est largement cultivée, en particulier en Europe.

Le fruit. Le fruit, ovoïde, elliptique, est constitué de 2 méricarpes facilement dis-


joints (3-4 x 2-3 x 1 mm), à 3 côtes dorsales filiformes, jaunâtres, et à côtes latérales
dilatées en aile mince,jaune clair.
Examinée au microscope dans l'acide lactique, la poudre de fruit d'aneth présente
des fragments issus des différents tissus, en particulier des fragments de bandelettes à
contenu rougeâtre, des fragments d'albumen à gouttelettes huileuses et des fragments
d'épicarpe à grandes cellules polyédriques.

Composition chimique. Les fruits d'aneth renferment de 25 à 50 ml/kg d'huile


essentielle, des flavonoïdes, du falcarindiol et des furanocoumarines (oxypeucédanine
et autres). L'huile essentielle, où (S)-(+)-carvone, dihydrocarvone et (R)-(+)-limonène
sont majoritaires, doit en grande partie son odeur particulière au dill-ether (= dill-Juran
= [3R, 4S, 8S]-3,9-époxy-p-menth-1-ène). Dans l'huile essentielle de plante entière, on
note la présence de 20 à 50 % de (S)-(+)-a-phellandrène. De fait, la composition varie
grandement selon le degré de ploïdie, la partie de la plante, l'époque de récolte, les
conditions de stockage et, bien entendu, l'origine géographique. Les extraits méthano-
liques de la plante renferment des oses libres et alkylés, des glucosides de composés
aromatiques (en C6-Cl ou C6-C3) et des glycosides monoterpéniques. L'un de ceux-ci,
le glucoside de la 9-hydroxypipériténone, pourrait être le précurseur du dill-ether.
Il ne faut pas confondre l'aneth odorant avec l'aneth de l'Inde (Anethum sowa
Roxb.) dont les fruits renferment des glucuronosides de flavonols, des lipides et de 20 à
()() mllkg d'huile essentielle caractérisée par la présence de dillapiole Uusqu'à 30 %).

Pharmacologie, évaluation clinique, toxicité. La pharmacologie du fruit d'aneth a


~té peu étudiée: l'huile essentielle est antibactérienne in vitro et spasmolytique. Les
l'uranocoumarines inhibent, in vitro, le développement des mycobactéries. Aucune
donnée clinique ne confirme les propriétés traditionnellement attribuées à l'aneth.
1,'huile essentielle n'est pas considérée comme toxique.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour le fruit d'aneth, les indications thérapeutiques
suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 1° dans le traitement symptomatique
de troubles digestifs tels que ballonnement épigastrique, lenteur à la digestion,
éructations, flatulence; 2° comme traitement adjuvant de la composante douloureuse
des troubles fonctionnels digestifs; 3° comme cholérétique ou cholagogue; 4° pour
favoriser l'élimination rénale d'eau. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée
pour la constitution d'un dossier« abrégé» d'AMM (poudre, fruit pour tisane, extrait
Ilqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
k~fruit de l'aneth est utilisé en cas de dyspepsie. Posologie: fruits; 3 g par jour; huile
.1

Pimpinella anisum L.
IIUILES ESSENTIELLES 599

~ssentielle, de 0,1 à 0,3 g par jour. La même Commission E a estimé que l'activité des
parties aériennes n'était pas démontrée et, qu'en conséquence, elle ne pouvait pas en
r~commander l'utilisation à des fins thérapeutiques.
L'aneth est très utilisé en cuisine, surtout dans le nord de l'Europe (parties aériennes
entières, mais aussi fruits secs, souvent employés comme ceux du carvi) .

• ANIS VERT, Pimpinella anisum L.

Le fruit d'anis est constitué par le diakène entier sec de P. anisum. Il contient au
minimum 20 ml/kg d'huile essentielle (Ph. eur., 6" éd., [01/2008:0262]).

La plante. L'anis est une petite herbe annuelle spontanée au Proche-Orient et


largement cultivée, entre autres, sur le pourtour méditerranéen (Espagne, Balkans,
Turquie, Égypte) et en Amérique du Sud. La tige creuse et striée porte, à la base, des
feuilles à folioles cordiformes et, au sommet, des feuilles trifides à divisions linéaires.
I\ntre les deux, les feuilles sont composées, à lobes dentés. Les fleurs, blanches, sont
groupées en ombelles composées lâches. Les étamines dépassent largement les pétales.

Le fruit. Le fruit se présente sous la forme d'un diakène, ovoïde ou piriforme, vert
jaune ou gris-vert (3-5 x 3 mm). Les méricarpes, attachés par leur sommet à l'extrémité
du carpophore, ont une face commissurale plane et une face dorsale convexe recouverte
d~ poils courts et verruqueux, visibles à la loupe.
Réduit en poudre, le fruit montre (hydrate de chloral) : des poils l-cellulaires parfois
r~courbés, à pointe émoussée, à cuticule verruqueuse; des fragments de nombreux
canaux sécréteurs à ramifications étroites; des fragments d'albumen à grains d'aleurone
ct macles d'oxalate de calcium.
L'identité du fruit est confirmée par la CCM d'un extrait chlorométhylénique qui
IIlct en évidence l' anéthole et des triglycérides (révélation par l'acide phospho-
lIlolybdique). Sur les spécifications de l'anis, voir aussi la norme ISO 7386: 1984.

Composition chimique. Le fruit d'anis renferme des polysaccharides, des lipides


(15 à 20 %), des flavonoïdes, des acides-phénols, un glucoside de l'acide 4-hydroxy-
bcnzoïque, des coumarines et furanocoumarines et de 15 à 40 ml/kg d'huile essentielle.
('~tte dernière contient 80 à 95 % de E-anéthole (= trans-anéthole), accompagné de
lIléthyl-chavicol (= estragole), d' anisaldéhyde et de 2-méthylbutyrate du 1-(E)-
propényl-2-hydroxy-5-méthoxybenzène (= pseudoisoeugényl-[2-méthylbutyrate]).
J)'autres dérivés (acide anisique, alcool et cétone anisiques) peuvent être présents dans
les huiles essentielles partiellement oxydées. L'extrait méthanolique du fruit renferme
d~s glucosides à génine a\canolique (ex.: hexane-l,5-diol), phénylpropanique (ex.:
hydroxy-estragole, anéthole-glycols, dérivés du phénylpropane-l ' ,2' -diol) ou encore
1I1onoterpénique.

Pharmacologie, évaluation clinique. In vitro, l'huile essentielle d'anis est


Hntibactérienne et antifongique (CMI variant de 0,25 % [Staphylococcus aureus] à
600 TERPÉNOÏDES

0,5 % [Candida albicans], méthode par dilution). Chez la Souris, l'huile esssentielle
s'oppose aux spasmes intestinaux induits chimiquement. L'expérimentation montre que )
de faibles doses d'huile essentielle stimulent les contractions de l'iléon alors que les
doses les plus fortes les réduisent. Chez l'animal, l'huile essentielle, bronchodilatatrice,
stimule la sécrétion bronchique et l'expectoration. Elle antagonise les spasmes
chimiquement induits sur le muscle trachéal isolé de Cobaye. L'huile essentielle d'anis,
comme celle du fenouil, aurait des propriétés œstrogéniques dues à l'anéthole. Un
extrait aqueux protège, à forte dose, la muqueuse gastrique de rats de l'ulcération. Ni
les fruits, ni l'huile essentielle n'ont fait l'objet d'une réelle évaluation clinique.

Toxicité, effets indésirables. L'huile essentielle et le (E)-anéthole sont peu toxiques


en aigu (DUo: 2 à 3 g/kg [voie orale, Souris, Rat]), ce qui n'est pas le cas de l'isomère
(2) (ou cis-anéthole: DUo = 0,1 g/kg, Rat, voie IP, 0,24 g/kg, Souris,per os). Tous les
essais d'administration chronique ont conclu à une toxicité négligeable pour cette huile
essentielle: absence d'effet d'une dose quotidienne représentant 0,25 % de la ration
alimentaire de rats pendant un an. À très forte dose (3 % de la ration alimentaire) on
note une toxicité hépatique. L'activité œstrogénique est sans incidence chez l'humain
dans les conditions habituelles d'utilisation. Le potentiel de sensibilisation de l'anis est
faible, mais des cas de réaction allergique sont connus (asthme, réaction cutanée et/ou
respiratoire). L'allergie est croisée avec d'autres Apiaceae (fenouil, coriandre).

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour le fruit d'anis, les indications thérapeutiques
0
suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 1 dans le traitement symptomatique
de troubles digestifs tels que ballonnement épigastrique, lenteur à la digestion,
0
éructations, flatulence; 2 comme traitement adjuvant de la composante douloureuse
des troubles fonctionnels digestifs. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée
pour la constitution d'un dossier « abrégé» d'AMM (poudre, fruit pour tisane, extrait"
aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que'
le fruit et l'huile essentielle d'anis sont utilisés dans les troubles dyspeptiques mais
aussi, par voie orale et locale (inhalation), en cas d'inflammation des voies respiratoires.
Posologie: fruit, 3 g par jour; huile essentielle, 0,3 g par jour. L'allergie à l'anis et à
l'anéthole constitue une contre-indication.
Au niveau européen la monographie communautaire élaborée par l' HMPC retient:
des indications traditionnelles proches de celles de la Commission E. Posologie: de 1 à ;
3,5 g de fruits frais dans 150 ml d'eau bouillante x 3 prises. L'utilisation du fruit d'anis;
doit être limitée à deux semaines; elle n'est recommandée ni avant l'âge de douze ans, ni',
chez la femme enceinte ou allaitante (réf. : EMEA/HMPC/137423/2006, 5 juillet 2007).
Le fruit d'anis est utilisé comme épice et pour l'obtention de l'huile essentielle. La·
conservation du fruit est plutôt mauvaise: la teneur en huile essentielle décroît;
rapidement au cours du stockage (1 % par mois). Le fruit doit être conservé en récipien(
bien fermé, à l'abri de la lumière (pour limiter l'isomérisation possible du trans\~
anéthole). En médecine populaire, le fruit est considéré de longue date comme galacta.;
gogue, expectorant et carminatif.
HUILES ESSENTIELLES 601

CHO

9 OCH 3

Z-anéthole
OCH 3

E-anéthole
9 OCH 3

anisaldéhyde
H3CO
OCH 3
OCH 3

OCH 3

allyl-tétraméthoxybenzène

OCH 3 OCH 3
OCH 3
myristicine apiole estragole 2-méthylbutyrate du
(méthyl-chavicol) pseudo-isoeugénol

(+)-fenchone

~
sédanolide (+)-carvone (+)-limonène

~~oAo
Constituants des huiles essentielles d'Apiaceae (exemples) bergaptène

L'huile essentielle d'anis (Ph. eur., 6e éd., [01/2008:0804]) est obtenue par entraÎ-
ncment à la vapeur d'eau à partir des fruits mûrs et secs. Elle est identifiée par CCM
(révélation par le 4-acétylbenzoate de méthyle). Elle ne contient pas plus de 0,01 % de
l'enchone ou de fœniculine déterminées par chromatographie gazeuse : la première
caractérise les huiles essentielles de fenouil, la seconde l'huile essentielle de badiane.
Profil chromatographique : l'huile essentielle d'anis contient entre 87 et 94 % de E-
IInéthole et entre 0,1 à 0,4 % de l'isomère Z. Des limites sont également fixées pour les
constituants minoritaires, à savoir: linalol, < 1,5 %; estragole, 0,5-5 %; a-terpinéol,
< 1,2 %; aldéhyde anisique, 0,1-1,4 %; 2-méthylbutyrate de pseudoisoeugényle, 0,3-
2 %. Sur l'huile essentielle, voir aussi la norme ISO 3475:2002.

Emplois. Les textes européens précisent que l'huile essentielle d'anis peut être
utilisée dans les mêmes indications que le fruit, à la dose de 50 à 200 fll 3 fois par jour.
Elle est contre-indiquée chez l'enfant et l'adolescent, et n'est pas recommandée chez la
l'emme enceinte ou allaitante (réf. : EMEA/HMPC/263273/2006, 5 juillet 2007).
602 TERPÉNOÏDES

L'huile essentielle d'anis est utilisée en pharmacotechnie comme aromatisant. Elle


entre dans la formulation de la teinture d'opium benzoïque, plus connue sous le nom
d'élixir parégorique. La liquoristerie utilise largement l'huile essentielle d'anis (et
d'autres huiles essentielles anisées [fenouil, badiane]) pour la fabrication de boissons,
alcoolisées ou non (pastis, anisette, ouzo, raki, etc.). La dose journalière acceptable pour
l'Homme (DJA) en Z-anéthole est fixée par les instances internationales à 2,5 mg/kg.
Les producteurs et les fabricants d'huile essentielle d'anis et d'anéthole ne peuvent
vendre ces produits qu'aux fabricants de boissons, pharmaciens, parfumeurs, fabricants
de produits alimentaires ou industriels et négociants exportateurs directs. La revente en
nature est interdite à ces catégories à l'exception des pharmaciens qui ne peuvent les t
délivrer que sur ordonnance médicale et doivent inscrire les prescriptions qui les
concernent sur leur registre d'ordonnances (Art. L3322-5 du Code de la santé publique.
La même réglementation s'applique à toutes les huiles essentielles anisées (anis,
badiane, fenouil) et à l'hysope .

• CARVI, Carum carvi L.

Le carvi est constitué par le méricarpe entier, sec de C. carvi. Il contient au


minimum 30 ml/kg d'huile essentielle (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:1080]).

La plante. Le carvi est une plante bisannuelle ou pluriannuelle qui rappelle, par son
port, une carotte: racine pivotante, feuilles découpées en lanières linéaires, inflores-
cences d'ombelles composées de fleurs à pétales blancs ou faiblement rosés. Répandu /,
de l'Europe centrale à la Sibérie ainsi qu'en Amérique du Nord, le carvi est une espèce
cultivée, principalement en Europe.

Le fruit. Le fruit de carvi est pratiquement cylindrique (3-6,5 x 1-1,5 mm). Les '
méricarpes, généralement libres, glabres, pratiquement falciformes, portent chacun 5 '
minces côtes saillantes (la coupe forme un pentagone pratiquement régulier).
La poudre, examinée au microscope (hydrate de chlora!), présente, entre autres.
éléments, des fragments de cellules sécrétrices polygonales associées à une couche de '
cellules allongées transversalement, et de très nombreux fragments d'endoderme à ';
grains d'aleurone, gouttelettes d'huile et micro-rosettes d'oxalate de calcium.
L'identité du carvi est confirmée par la mise en évidence de la carvone (CCM d'un.
extrait de fruits par l'acétate d'éthyle). Sur le carvi, voir aussi les normes NF V32-150 .
:1987 et ISO 5561: 1990.

Composition chimique. Le fruit de carvi fournit 30 à 80 ml/kg d'une huile'


essentielle principalement composée de (S)-(+)-carvone (50-65 %) et de (R)-(+)-limo- •
nène (35-45 %). Le fruit, riche en lipides insaturés (acides pétrosélinique, linoléique"
etc.), contient également flavonoïdes (glycosides de flavonols), esters de l'acide i
caféique, mannanes et traces de furanocoumarines. L'extrait méthanolique des fruits,
renferme des monoterpènes polyhydroxylés libres ou glucosylés (diols, énonediols,
triols, tétrols).
HUILES ESSENTIELLES 603

Pharmacologie, évaluation clinique. Un extrait hydro-alcoolique de fruit et l'huile


essentielle sont spasmolytiques (organe isolé). In vitro, l'huile essentielle est anti-
bactérienne et un extrait aqueux inhibe significativement la croissance de nombreuses
espèces de champignons. Chez le Lapin, l'inhalation de carvone (2 mg/kg) induit une
augmentation de la sécrétion bronchique et une diminution de sa viscosité.
Des produits à base d'huile essentielle de carvi ont fait l'objet d'études et d'essais
cliniques randomisés et en double aveugle. A priori, et quel que soit l'intérêt de ces
essais qui tendent à montrer l'effet favorable de ces produits sur la motilité gastro-
intestinale et la dyspepsie, on ne peut les retenir sans restriction dans la mesure où ce
sont des mélanges qui sont évalués (huile essentielle de carvi et huile essentielle de
menthe ou mélange d'extraits). Cela étant, une étude chez des volontaires a pu montrer
que l'huile essentielle de carvi et l'huile essentielle de menthe apportaient chacune une
contribution à l'effet constaté sur la motilité gastro-duodéna1e.

Toxicité, effets indésirables. L'huile essentielle de carvi est moyennement toxique


en aigu (DUo = 3,5 ml/kg, DUo de la carvone : 1,64 g/kg [Rat]). L'administration
prolongée (l % de la ration pendant 16 semaines) de (S)-(+)-carvone au Rat provoque
retard de croissance et atrophie testiculaire. Un apport représentant 0,25 % de la ration
quotidienne pendant un an ne provoque aucun effet décelable. L'apport journalier
acceptable en (S)-(+)-carvone a été fixé, par l'OMS, à 0,1 mg/j par kg de masse
corporelle. Aucune cancérogénicité n'a été observée pour cette molécule. On ne
dispose pas de données sur le carvi lui-même et ses extraits. L'espèce semble très peu
sensibilisante.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour le fruit de carvi, les indications thérapeutiques
0
suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 1 dans le traitement symptomatique
de troubles digestifs tels que ballonnement épigastrique, lenteur à la digestion,
0
éructations, flatulence; 2 comme traitement adjuvant de la composante douloureuse
des troubles fonctionnels digestifs. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée
pour la constitution d'un dossier« abrégé» d'AMM (poudre, fruit pour tisane, extrait
aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
le fruit et l' huile essentielle de carvi sont utilisés en cas de dyspepsie (spasmes
modérés, ballonnements, flatulence). Posologie: fruits, de 1,5 à 6 g par jour; huile
essentielle, de 3 à 6 gouttes par jour. L'ESCOP préconise de réduire les doses de fruit
chez l'enfant: de l à 4 g par jour entre quatre et dix ans, de 1 à 2 g par jour entre un et
deux ans, 1 g par jour avant un an.
Le fruit de carvi, souvent confondu avec celui du cumin 8, est une épice très ap-
préciée en Allemagne et en Autriche (pains, biscuits, fromages, recettes de viandes, etc.)

8. Le cumin (Cuminum cyminum L.) est une herbacée annuelle cultivée en zone subtropicale dont
ks fruits sont recherchés en cuisine aussi bien en Afrique du Nord qu'en Inde ou dans le sud-est de
l'Asie. Il est moins utilisé en Europe. Les fruits frais renferment du p-menthane-diénal. Lors de
l'()btention de l'huile essentielle, cet aldéhyde est en grande partie transformé en cuminaldéhyde. On
604 TERPÉNOÏDES

L'huile essentielle de carvi (Ph. eur., 6 c éd., [01/2008:1817]) est obtenue par
entraînement à la vapeur d'eau des fruits secs de C. carvi. Elle est identifiée par CCM et
l'on doit vérifier sa pureté chirale par CPG sur ~-cyclodextrine : la (-)-carvone ne
représente pas plus de 1 % de la carvone totale.
Profil chromatographique : l'huile essentielle de carvi contient entre 0,1 et 1 % de
~-myrcène, entre 30 et 45 % de limonène et entre 50 et 65 % de carvone. D'autres
limites sont fixées pour la trans-dihydrocarvone « 2,5 %) et le trans-carvéol « 2,5 %).
L'huile essentielle de carvi entre dans la composition de liqueurs et eaux-de-vie. Sur
l'huile essentielle de carvi, voir aussi les normes NF T75-347: 1986 et ISO 8896: 1987 .

• CORIANDRE, Coriandrum sativum L.

La coriandre est constituée parles diakènes secs de C. sativum L. Elle contient au'
minimum 3 ml/kg d'huile essentielle (Ph. eur, 6c éd. [0112008:1304]).

La plante. La coriandre est une plante annuelle dégageant, à l'état frais, une odeur
plutôt désagréable. Apiaceae typique, elle est caractérisée par des involucelles unilaté-
rales et des fleurs qui sont soit régulières (celles du centre des ombellules), soit à pétales
extérieurs bifides et plus grands que les autres (celles de la périphérie des ombellules).
Elle est surtout cultivée en Europe (Bulgarie, Lituanie, Ukraine, Pays-Bas) ainsi qu'au
Maroc et en Egypte.

Le fruit. Le di akène est plus ou moins sphérique (1,5-5 mm) ou ovale (2-6 mm).
Brun clair et glabre, il présente des côtes primaires peu saillantes et son sommet est
surmonté par un stylopode conique. Les méricarpes sont adhérents.
La poudre du fruit, examinée au microscope (hydrate de chloral), présente de nom-
breux éléments: gouttelettes d'huile; cellules de l'albumen à microcristaux et microro-
settes d'oxalate de calcium; fragments d'endocarpe à cellules très étroites et alignées
régulièrement; cellules fusiformes de l'assise sclérenchymateuse du mésocarpe; etc.
L'identité du fruit de coriandre est confirmée par la CCM d'un extrait hexanique qui
met en évidence linalol, géraniol et triglycérides (révélation par l'aldéhyde anisique).
Sur la coriandre entière et en poudre, voir aussi la norme NF ISO 2255: 1996.

Composition chimique. Le fruit de la coriandre peut renfermer jusqu'à 20 ml/kg ,


d'huile essentielle. Le 3(S)-( +)-linalol, majoritaire, est accompagné de carbures mono- ,
terpéniques, de camphre, de géraniollibre et estérifié (voir, ci-dessous, le profil '
chromatographique décrit par la Pharmacopée). Il existe plusieurs chimiotypes pour.
cette espèce. Comme les fruits d' Apiaceae voisines, ceux de la coriandre renferment •

note aussi la présence de y-terpinène, de ~-pinène et de p-cymène. La composition est étroitement


dépendante de l'origine géographique. Le cumin ne figure ni sur la liste des plantes retenues par la Note
explicative de 1998 (annexe 1), ni sur celle des monographies de la Commission E allemande. En
médecine populaire, le fruit de cumin passe pour un stimulant de la digestion. Sur les spécifications du
cumin, voir la norme ISO 6645: 1984 et, sur l'huile essentielle, la norme ISO 9301 :2003 (normes
françaises: V32-160:2000 et NF T75-346: 1986; projet NF EN ISO 6445:03/2008).
IIUILES ESSENTIELLES 605

lipides (triacylglycérols à acide pétrosélinique majoritaire), acides-phénols, flavonoïdes


(hétérosides du quercétol et du kaempférol) et traces de furanocoumarines. Les tiges
feuillées doivent leur odeur à une huile essentielle dans laquelle abondent des aldéhydes
aliphatiques insaturés.

Pharmacologie, évaluation clinique, toxicité. La pharmacologie de la coriandre a


été peu étudiée. Chez le Rat alimenté par un régime riche en lipides et cholestérol, les
fruits de coriandre diminuent le LDL-cholestérol et augmentent le HDL-cholestérol.
L'huile essentielle est antibactérienne et antifongique. Aucune donnée clinique fiable
ne confirme les propriétés traditionnellement attribuées à la coriandre. Cette épice ne
semble pas toxique. Elle n'est que faiblement sensibilisante. L'huile essentielle est très
peu toxique en aigu.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour le fruit de la coriandre, les indications théra-
peutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 10 dans le traitement
symptomatique de troubles digestifs tels que ballonnement épigastrique, lenteur à la
digestion, éructations, flatulence; 2 0 comme traitement adjuvant de la composante
douloureuse des troubles fonctionnels digestifs. Aucune évaluation toxicologique n'est
demandée pour la constitution d'un dossier « abrégé» d'AMM (poudre, fruit pour
tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
le fruit de la coriandre est utilisé en cas de dyspepsie et de perte d'appétit. Posologie:
3 g par jour.
Le fruit est une épice très appréciée (constituant des curries, boulangerie, sauces,
conserves, etc.). Elle est, entre autres, recherchée par les cuisines de l'Inde, du sud-est
asiatique ou encore de l'Amérique du Sud.

L'huile essentielle de coriandre (Ph. eur., 6' éd., [0112008:1820]) présente le profil
chromatographique suivant: linalol, 65-78 %; a-pinène, 3-7 % ; limonène, 1,5-5 %); y-
terpinène, 1,5-8 %; p-cymène, 0,5-4 %); camphre, 3-6 %; a-terpinéol, 0,1-1,5 %;
acétate de géranyle, 0,5-4 % ; géraniol, 0,5-3 %. La chromatographie gazeuse chirale
met en évidence (S)- et (R)-linalol : ce dernier ne doit pas représenter plus de 14 % du
linalol total (rapport des surfaces des pics). Voir aussi la norme NF ISO 3516:1997.
L'huile essentielle est très utilisée pour la préparation d'apéritifs et de liqueurs; elle
a également des usages en confiserie .

• FENOUILS , Fœniculum spp.

La Pharmacopée européenne consacre deux monographies au fenouil:


- la première au fruit de fenouil amer, c'est-à-dire les diakènes et méricarpes secs
de F. vulgare Miller ssp. vulgare var. vulgare. Il contient au minimum 40 rnI/kg d'huile
essentielle. L'huile essentielle contient au minimum 60 % d'anéthole et au minimum
15 % de fenchone [6' éd., 0112008:0824] ;

l
606 TERPÉNOÏDES

-la seconde au fruit de fenouil doux, c'est-à-dire les diakènes et méricarpes secs de
F. vulgare Miller ssp. vulgare var. dulce (Miller) Thellung. Il contient au minimum 20
ml/kg d'huile essentielle. L'huile essentielle contient au minimum 80 % d'anéthole [6< ,
éd., 01/2008:0825].

La plante. Le fenouil est une grande herbe vivace (2 m), aisément identifiable par
son odeur caractéristique. Les tiges, cylindriques et rameuses, portent des feuilles
découpées en lanières filiformes, pétiolées et gainées à la base, sessiles au sommet. Les
ombelles composées, sans involucre ni involucelles, rassemblent des fleurs jaune
verdâtre à pétales tronqués, roulés vers l'intérieur. L'espèce est spontanée dans la
région méditerranéenne et largement cultivée. On récolte les fruits dès leur
jaunissement.

Lefruit. Le fruit du fenouil, doux ou amer, est un diakène presque cylindrique (3-12
mm x 3-4 mm), rétréci au sommet et couronné par un large stylopode. Les méricarpes
glabres, le plus souvent libres, présentent chacun 5 côtes saillantes. L'odeur anisée est
très marquée, la saveur pénétrante et sucrée.
Dans la poudre de fruit de fenouil (doux ou amer) examinée au microscope (hydrate
de chloral), on note la présence: de fragments jaunes de larges canaux sécréteurs
surmontés de cellules allongées transversalement et régulièrement alignées; de
parenchyme réticulé du mésocarpe; de très nombreux fragments d'albumen à grains
d'aleurone et de très petites macles d'oxalate de calcium.
L'identité du fruit des fenouils est précisée par la CCM d'un extrait chlorométhylé-
nique qui met en évidence l'anéthole (fenouil doux et amer) et la fenchone (fenouil
amer). L'essai du fenouil prévoit le dosage par CPG, dans l'huile essentielle, de
l'anéthole et de la fenchone. L'estragole est dosé par la même méthode. L'huile!
essentielle de fenouil amer ne contient pas plus de 5 % d'estragole. Celle du fenouil
doux n'en renferme pas plus de 10 %. Le fruit de fenouil ne contient pas plus de 1,5 %
de pédoncules. Voir aussi, sur la graine de fenouil amer, la norme ISO 7927:1987.

Composition chimique. Les fruits de fenouil renferment des lipides, des acides- .
phénols simples, des acides chlorogéniques et d'autres esters de l'acide quinique, des,
flavonoïdes (glycosides et dérivés glucuronylés de l'ériodyctiol et du quercétol), des:
dérivés du stilbène (glucoside du resvératrol, miyabenols et diglucosides de trimères [=
fœniculosides]), un dérivé benzoisofuranonique, des acides-phénols glucosylés, des·
stérols et de faibles quantités de coumarines et furanocoumarines. Les fruits de fenouil'
amer sont, en moyenne, deux fois plus riches en huile essentielle que ceuX: du fenouil
doux. L'huile essentielle de fenouil doux est majoritairement constituée de (E)-anéthole '
(80 à 95 %) alors que celle du fenouil amer peut renfermer jusqu'à 25 % d'une cétone
monoterpénique, la fenchone. Dans les deux variétés, l'huile essentielle renferme aussi
de l'estragole, des carbures monoterpéniques et de l'anisaldéhyde.

Pharmacologie, évaluation clinique. L'huile essentielle et les extraits de fenouil .


possèdent des propriétés antibactériennes, acaricides, insecticides. L'extrait méthanoli- •
que éloigne les moustiques. Des extraits du fruit sont antioxydants in vitro. Les extraits
ttUILES ESSENTIELLES 607

a4ueux et hydro-alcooliques antagonisent les spasmes induits par l'acétylcholine sur


l'iléon de Cobaye. L'infusion produit le même effet chez le Chat (2-3 g/kg). Le fenouil
stimule la motilité gastrique (Lapin) et la sécrétion de cet organe (Rat). L'inhalation
d'anéthole ou de fenchone augmente la sécrétion bronchique et en diminue la viscosité
(Lapin anesthésié). Des données expérimentales obtenues avec un extrait acétonique de
fenouil (0,5-2,5 mg/kg) montrent que celui-ci exerce un effet œstrogénique chez des
rattes ovariectomisées. Des effets similaires sont obtenus avec le E-anéthole.
Selon un essai clinique de faible niveau méthodologique, l'huile essentielle serait
bénéfique en cas de dysménorrhée. Un autre essai a suggéré que l'huile essentielle de
ICnouil pourrait calmer efficacement les coliques du nourrisson.

Toxicité, effets indésirables. La toxicité aiguë par voie orale de l'huile essentielle
est assez faible (3-5 g/kg selon les auteurs, Rat). Cela correspond aux DLso connues
pour le E-anéthole (2-3 g/kg selon l'espèce de rongeur; l'isomère Z est vingt fois plus
toxique) et de la fenchone (6,2 g/kg, Rat). Les données animales sur la toxicité
chronique de l'anéthole montrent que celle-ci est négligeable (voir ci-dessus, anis).
L'estragole est faiblement hépatocancérogène chez la Souris (voir p. 592). Les
métabolites de l'estragole Cl '-hydroxy et époxy) sont mutagènes et le l '-hydroxy-
estragole, comme l' estragole, peut former des adduits sur l'ADN. Toutefois, le risque
lié à l'utilisation en infusion de fenouils conformes aux spécifications de la Pharmacopée
semble négligeable eu égard aux faibles teneurs en estragole de ceux-ci. Le fenouil est
faiblement allergisant. L'allergie est croisée avec d'autres Apiaceae (anis, coriandre).
L'effet œstrogénique observé in vitro et chez l'animal est sans signification chez
l'humain dans les conditions habituelles d'utilisation. Des données expérimentales
obtenues chez l'animal peuvent faire suspecter une interaction médicamenteuse entre le
fenouil et la ciprofloxacine.

Emplois
Fenouil doux. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998)
admet qu'il est possible de revendiquer, pour le fruit de fenouil doux, les indications
0
thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 1 dans le traitement
symptomatique de troubles digestifs tels que ballonnement épigastrique, lenteur à la
0
digestion, éructations, flatulence; 2 comme traitement adjuvant de la composante
douloureuse des troubles fonctionnels digestifs. La même Note autorise deux
indications pour la racine de fenouil doux par voie orale: traditionnellement utilisée
pour: 10 faciliter les fonctions d'élimination urinaire et digestive; 2 0 favoriser
l'élimination rénale d'eau. Dans les deux cas, aucune évaluation toxicologique n'est
demandée pour la constitution d'un dossier« abrégé» d'AMM (poudre, racine ou fruit
pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
le fruit du fenouil amer est utilisé en cas de dyspepsie (spasmes modérés, ballon-
nements, flatulences) et en cas d'inflammation des voies respiratoires supérieures. Dans
œtte indication et chez l'enfant, on peut utiliser le sirop ou le miel de fenouil. Posologie
(adulte) : fruits, de 5 à 7 g par jour; sirop ou miel, de 10 à 20 g par jour; teinture, de 5 à
7,5 g par jour. L'usage ne doit pas être prolongé sans avis médical.

b-
608 TERPÉNOÏDES

Au niveau européen, la monographie communautaire élaborée par l' HMPC pour le


fenouil amer retient, outre les indications « digestives» et « expectorantes» analogues à
celles listées par la Commission E, une troisième indication (traditionnelle) : spasmes en
période menstruelle. Les posologies recommandées sont: 1° adulte (toutes indications)
et adolescent de plus de 12 ans (dans l'indication troubles digestifs), de 1,5 à 2,5 g de
fruits frais, 3 fois par jour dans 250 ml d'eau bouillante; le traitement ne doit pas être
prolongé au-delà de 2 semaines dans l'indication troubles digestifs; 2° enfant de quatre à
douze ans (dans l'indication troubles digestifs), de 3 à 5 g de fruits répartis en trois
prises, et pendant moins d'une semaine. L'usage du fenouil (amer ou doux) n'est
recommandé ni avant l'âge de quatre ans, ni chez la femme enceinte ou allaitante (réf. :
EMEA/HMPC/13742812006 corr., 6 août 2007. Indications et posologie identiques
pour le fenouil doux, mais ce dernier peut aussi s'utiliser en poudre: 400 mg trois fois
par jour chez l'adulte, dose maximale, 2 g/j (réf. n° 263293, même date).
Les feuilles, fruits et « bulbes» de fenouil sont essentiellement utilisés dans
l'alimentation. Les « bulbes» de fenouil sont en fait les bases charnues, soudées au
collet, des feuilles du fenouil de Florence ou fenouil bulbeux, F. vulgare, ssp. vulgare,
var. azoricum (Miller Thellung). Comme l'anis, le fenouil est utilisé en liquoristerie :
c'est une source d'huile essentielle et d'anéthole. Les fruits de fenouil à forte teneur en
estragole ne doivent pas être utilisés.

L'huile essentielle de fenouil amer (Ph. eur., 6 e éd., [01/2008:1826]) est obtenue
par entraînement à la vapeur d'eau à partir des fruits mûrs.
Profil chromatographique : a-pinène, 1-10 %; limonène, 0,9-5 %; fenchone, 12-
25 %; estragole, < 6 %; cis-anéthole, < 0,5 %; trans-anéthole, 55-75 %; aldéhyde
anisique, < 2 % ; rapport a-pinène/limonène > 1.
En Allemagne, la Commission E admet, dans une monographie consacrée à l'huile
essentielle de fenouil, des indications thérapeutiques identiques à celles énumérées ci-
dessus pour le fruit. Posologie: de 0,1 ml à 0,6 ml par jour. Certains auteurs, tenant
compte de la présence d'estragole dans l'huile essentielle, recommandent de ne pas
l'utiliser chez l'enfant.
La monographie communautaire de l' HMPC réserve strictement l'usage de l'huile
essentielle de fenouil amer à l'adulte (> 18 ans) et dans une seule indication:
expectorant en cas de toux associée à un refroidissement. La posologie journalière est
fixée à 200 microlitres en une prise unique ou fractionnée. Le traitement ne doit pas être
poursuivi au-delà de deux semaines. Si l'activité œstrogénique est sans incidence chez
l'humain aux doses habituellement utilisées, des doses excessives pourraient interagir
avec les traitements hormonaux et les contraceptifs oraux. Non recommandée au cours
de la grossesse et de la lactation (réf. EMEA/HMPCI263292/2006, 5 juillet 2007).
Les producteurs et les fabricants d'huile essentielle de fenouil et d'anéthole ne
peuvent vendre ces produits qu'aux fabricants de boissons, pharmaciens, parfumeurs,
fabricants de produits alimentaires ou industriels et négociants exportateurs directs. La
revente en nature est interdite à ces catégories à l'exception des pharmaciens qui ne
peuvent les délivrer que sur ordonnance médicale et doivent inscrire les prescriptions
qui les concernent sur leur registre d'ordonnances (Art. L3322-5 du Code de la santé
publique).
HUILES ESSENTIELLES 609

• LIVÈCHE, Levisticum officinale Koch

La racine de livèche est constituée par le rhizome et la racine séchés, entiers ou


coupés de L. officinale. Elle contient au minimum 4 ml/kg d'huile essentielle dans la
racine entière et au minimum 3 ml/kg dans la racine coupée (racine desséchée) (Ph.
cur., 6" éd., [0112008:1233]).

La plante. La livèche est une grande plante herbacée (1-2 m) à racine pivotante, à
tiges creuses et striées portant des feuilles vert foncé, 2-3 fois divisées à la base, entières
au sommet. Les ombelles composées, à involucre et involucelles, regroupent des fleurs
aux pétales jaunes.

Les organes souterrains. Le rhizome est court, simple ou comportant des protu-
bérances. Les racines (25 cm x1,5 cm) ont une écorce très large, blanc-jaune, et un bois
étroit, jaune-brun. La poudre, examinée au microscope (hydrate de chloral), révèle la
présence de fragments de vaisseaux réticulés et de canaux sécréteurs. L'examen dans le
glycérol révèle de nombreux grains d'amidon, les uns simples et arrondis, les autres
composés, plus grands et comportant plusieurs éléments.
L'essai comprend notamment la recherche d'une contamination ou d'une
substitution par la racine d'angélique (CCM).

Composition chimique. Les constituants majoritaires de l'huile essentielle contenue


dans la racine sont des phtalides (50 à 70 %). Le (Z)-ligustilide, très majoritaire, est
accompagné de (Z)- et de (E)-butylènephtalide, de (E)-ligustilide, de dérivés du
dihydrophtalide, etc. Les parties souterraines renferment aussi des furanocoumarines et,
comme de nombreuses Apiaceae, des polyines (fa1carinol, fa1carindiol).

Pharmacologie, évaluation clinique, toxicité. Certains phtalides sont faiblement


sédatifs (cf. céleri) et, selon des données anciennes, un extrait aqueux de livèche
augmenterait faiblement l'élimination urinaire de l'eau. On a également rapporté des
propriétés spasmolytiques. Les polyines inhibent, in vitro, la croissance de divers
Mycobacterium. Ni la racine ni ses constituants n'ont été évalués chez l'humain. De
très rares manifestations cutanées liées à la phototoxicité des furanocoumarines ont été
signalées, mais elles n'étaient pas consécutives à un usage médicinal de la plante.

Emplois. En France, la livèche ne figure pas sur la liste des espèces retenues par la
Note explicative de 1998 (annexe 1). En Allemagne, la monographie établie par la
Commission E du BfArM précise que la racine de livèche est utilisée en cas d'inflam-
mation des voies urinaires basses et pour prévenir la formation de calculs rénaux.
Posologie: de 4 à 8 g de racine par jour. Les préparations à base de livèche ne doivent
pas être utilisées en cas de néphrite ou d'insuffisance rénale. En cas d'usage prolongé, il
convient d'éviter l'exposition au soleil ou au rayonnement UV.
Feuilles et jeunes tiges sont utilisées en cuisine (salades, sauces, bouillons, etc.).
Racines broyées et fruits sont également comestibles. L'huile essentielle de racines est
utilisée en liquoristerie (NF ISO 11019: 1998).

,
Ir.
610 TERPÉNOÏDES

• PERSIL, Petroselinum crispum (Mill.) A.W. Hill.

La Pharmacopée européenne (6' éd.), pas plus que la Pharmacopée française (10'
éd.), ne consacre de monographie à cette plante alimentaire. La 8c édition (1965) de
cette dernière décrivait le fruit. Aujourd'hui, feuille, racine et fruit de persil figurent sur
la liste des plantes pour lesquelles il est possible, en France, d'obtenir une AMM selon
la procédure « abrégée».

Les parties utilisées, composition.


- Fruit. La teneur en huile essentielle du fruit varie de 20 à 60 ml/kg. Le composant
majoritaire varie selon le chimiotype: apiole (60-80 %), myristicine (55-75 %) ou 1-
allyl-2,3 ,4,5-tétraméthoxybenzène (50-60 %).
- Feuilles. Les feuilles renferment, en faible quantité (0,2-7 ml/kg), une huile
essentielle dont les constituants prépondérants sont, pour le persil frisé, la myristicine,
le p-mentha-l,3,8-triène (majoritaire) et d'autres carbures (limonène, p-phellandrène,
myrcène, terpinolène, a-pinène, p-élémène, etc.); la concentration en apiole est
généralement faible (0-10 %). La feuille contient aussi des hétérosides de flavones, des
furanocoumarines (bergaptène, oxypeucédanine, héraclénol, etc.), des polyines et des
phtalides.
- Racines. Les racines renferment des phtalides, du fa1carinol et 3-7 ml/kg d'une
huile essentielle à apiole, myristicine et p-phellandrène.

Pharmacologie, évaluation clinique, toxicité. Aucune des données pharmacolo-


giques disponibles sur les extraits de persil ou sur ses constituants (apiole, myristicine)
ne justifie les emplois actuels du persil en tant que plante médicinale (inhibition de la
peroxidation lipidique, ralentissement de la croissance de tumeurs induites par le benzo-
pyrène, etc). Il n'existe aucune donnée clinique pour cette espèce.
L'huile essentielle de fruits est plutôt toxique en aigu (DUo = 1,52 g/kg [Souris]).
L'apiole et l'huile essentielle seraient utérotoniques, ce qui expliquerait l'usage ancien
de cette huile comme emménagogue et abortive (l'apiole figurait à l'édition 1937 de la
Pharmacopée et l'essence de persil à celle de 1949). Plusieurs cas d'intoxication grave
consécutive à une telle utilisation ont été rapportés jusqu'aux années 1960 : l'intoxica-
tion était marquée par une encéphalopathie ou, plus fréquemment, par une atteinte
rénale pouvant être fatale; on a également observé des atteintes hépatiques. Pour sa,'
part, la myristicine est connue pour ses propriétés « hallucinogènes» (cf. muscade, p.
675) et pour une activité de type IMAO.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet '


qu'il est possible de revendiquer, pour lafeuille de persil, deux indications thérapeu-
tiques: l'une pour la voie orale (traditionnellement utilisé dans les règles douloureuses),
l'autre pour l'usage local (traditionnellement utilisé comme traitement d'appoint
adoucissant et antiprurigineux des affections dermatologiques, comme trophique
protecteur dans le traitement des crevasses, écorchures, gerçures et contre les piqûres
d'insectes). Le fruit et la racine peuvent être utilisés par voie orale, soit dans la même
indication que la feuille (règles douloureuses), soit dans l'indication « traditionnelle-
IIUILES ESSENTIELLES 611

ment utilisé pour favoriser l'élimination rénale d'eau». Quelle que soit la partie de la
plante, aucune évaluation toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un
dossier « abrégé» d'AMM (poudre, feuille, fruit ou racine pour tisane, extrait aqueux et
extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
la racine et la tige feuillée du persil sont utilisées en cas de troubles urinaires et en
prévention des calculs rénaux, dans le cadre d'une thérapie de « drainage ». Posologie
(fruits) : 6 g par jour. Racine et plante feuillée sont contre-indiquées chez la femme
enceinte et en cas d'inflammation rénale; elles ne doivent pas être utilisées en cas
d'œdème lié à un dysfonctionnement rénal ou cardiaque. La prise de la racine, de la tige
feuillée et de leurs préparations doit être accompagnée de l'absorption d'une grande
quantité de liquide. La même Commission E considère que l'emploi desfruits de persil
dans un but thérapeutique n'est pas justifié, dans la mesure où leur activité n'est pas
établie et où leur consommation présente un risque réel. Elle rappelle également que
l'huile essentielle de fruit, toxique, ne doit pas être utilisée.
Qu'il soit à feuilles plates ou à feuilles frisées, le persil est l'herbe condimentaire la
plus utilisée dans les cuisines occidentales. En tant que plante médicinale, son usage est
très restreint. Le fruit sert à la préparation d'une huile essentielle utilisée notamment
dans l'industrie agroalimentaire (NF ISO 3527:2001).

B. Asteraceae à huiles essentielles

• ABSINTHE, Artemisia absinthium L.

L'absinthe est constituée par lafeuille basilaire ou par la sommitéfleurie,


légèrement feuillée, ou par un mélange de ces organes entiers ou contusés, séchés,
d'A. absinthium. L'absinthe contient au minimum 2 ml/kg (Ph. eur., 6' éd., [0112008:
1380]).

La plante. L'absinthe est une plante herbacée, vivace, très aromatique, fréquente
dans la zone méditerranéenne. La feuille d'absinthe est grisâtre et fortement tomenteuse
sur les deux faces. Quand elle est basilaire, elle est pétiolée et son limbe est bi- à
tripennatiséqué. Moins segmentée quand elle est caulinaire, elle est lancéolée quand
elle est apicale. La tige, tomenteuse et rainurée longitudinalement, porte des panicules
axillaires de capitules. Ceux-ci, sphériques à hémisphériques, comportent un involucre
gris et tomenteux et un réceptacle à très longues paillettes et nombreuses fleurs
principalement tubulées,jaunes, hermaphrodites, de 2 mm de longueur.
La poudre d'absinthe, examinée au microscope (hydrate de chloral), présente de
nombreux poils tecteurs en forme de T, à pédicelle court de 1 à 5 cellules coiffé perpen-
diculairement par une très longue cellule terminale à extrémités fuselées. On note aussi
la présence, entre autres éléments, de paillettes formées d'une très longue cellule sur un
pédicelle formé d'une seule petite cellule.

b
612 TERPÉNOÏDES

La CCM d'une infusion traitée par l'acétate de plomb puis extraite par le chlorure
de méthylène met en évidence l'artabsine et de l'absinthine, ce qui confirme l'identité
de l'absinthe. Celle-ci ne renferme pas plus de 5 % de tiges de diamètre supérieur à 4
mm et son indice d'amertume, mesuré par rapport au chlorhydrate de quinine, est au
moins égal à 10000 (évalué sur des dilutions d'un décocté à 1 g/l).

Composition chimique. La teneur de l'absinthe en huile essentielle, maximale avant


la floraison, varie de 2 à 6 rnl/kg. On dit classiquement que cette huile essentielle contient
majoritairement des thuyones (a + ~, voir formules p. 643). Cela est parfois vrai, mais
l'analyse systématique d'échantillons de provenance variée a montré l'existence de
nombreux chimiotypes - chimiotypes à Z-époxy-a-ocimène (26-47 %), à ~-thuyone
(Italie), à acétate de sabinyle ou à acétate de chrysanthémyle (France) - et celle de
formes intermédiaires. On note aussi la présence, dans la plante, de polyines, de
flavonoïdes, de peroxydes d'homoditerpènes et de lactones sesquiterpéniques en quan-
tité notable (0,3-0,4 %) : absinthine (un dimère), artabsine, matricine, et dérivés voisins.

~
arlabsine 0
..... .
absinthine o

Pharmacologie, évaluation clinique. La pharmacologie de cette espèce réputée ,


vermifuge depuis l'Antiquité n'a guère fait l'objet d'études. Chez l'animal, la décoction
stimule la sécrétion gastrique et la cholérèse. Quelques bactéries sont sensibles à
l'action de l'huile essentielle qui, par ailleurs, est insectide. Aucune des propriétés
traditionnellement attribuées à l'absinthe n'est validée par l'évaluation clinique. Selon
les résultats d'un petit essai versus placebo de méthodologie incomplètement décrite,
une poudre d'absinthe et de cannelle pourrait diminuer le recours aux anti-
inflammatoires stéroïdiens en cas de maladie de CROHN.

Toxicité, effets indésirables. Un extrait méthanolique à 80 % ne provoque aucune


modification comportementale chez la Souris à la dose de 4 g/kg. La DUo de l'huile
essentielle est de 0,96 g/kg (Rat, voie orale, teneur en thuyones non précisée ...). Les
thuyones (a + ~) sont toxiques (DUo = 0,19 g/kg, Rat, voie orale; 0,03 rrtg/kg, Lapin,
voie IV). L'a-thuyone est plus toxique que son isomère (DLso respectives de
0,087 g/kg et de 0,44 g/kg, Souris, voie SC). Ces cétones, neurotoxiques, sont
convulsivantes : par voie IP, 0,2 ml/kg de thuyone induit des convulsions et un effet
létal chez le Rat. L'action des thuyones est semblable à celle de la picrotoxinine (cf. p.
754). Comme cette dernière, l'a-thuyone se lie aux récepteurs à l'acide gamma-amino-
butyrique de type A (GABAA ). L'intoxication aiguë se manifeste par de l'agitation, de
la désorientation et une incohérence. Des convulsions tonico-cloniques entraînent une
rhabdomyolyse et une insuffisance rénale aiguë se développe.
IIUILES ESSENTIELLES 613

La liqueur d'absinthe - la fée verte - , très en vogue à la fin du XIX' siècle, a été à
l'origine d'un syndome toxique dénommé «absinthisme ». Cette intoxication fréquente
associait aux signes de l'alcoolisme banal - les liqueurs d'absinthes « supérieures»
litraient de 65 à 75" - des crises épileptiformes, des hallucinations et une détérioration
mentale attribuées pendant longtemps à la thuyone. Cette liqueur a été interdite un peu
partout au début du XX' siècle (en 1915 en France) et, actuellement, la délivrance de
l 'huile essentielle d'absinthe et de ses préparations est réservée aux pharmaciens (voir
ci-dessous). Consécutivement à une directive de l'UE de 1988 autorisant l'usage des
plantes contenant des thuyones, les boissons à base d'absinthe sont réapparues dans la
plupart des pays européens. Les textes en vigueur fixent une teneur maximale en
Ihuyone(s) de 35 mglkg pour ces boissons (voir aussi: sauge, p. 641).
La thuyone est-elle la cause réelle de 1'« absinthisme» observé à la fin du XIX'
siècle? Diverses hypothèses ont été formulées, en particulier celle d'un ajout
l'rauduleux de sels de cuivre et d'antimoine. Une récente étude suggère que l'hypothèse
d'un syndrome éthylique aigu est la plus vraisemblable: la thuyone ne jouerait aucun
rôle - ou un rôle marginal - dans l'intoxication.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour la feuille et la sommité fleurie d'absinthe,
l'indication « traditionnellement utilisé pour stimuler l'appétit ». Si le phytomédicament
Il base d'absinthe est une poudre de feuille et de sommité fleurie, un extrait hydro-
alcoolique de titre alcoolique> 30 % ou une teinture, le dossier« abrégé» d'AMM doit
comporter une étude toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour la plante
pour tisane, l'extrait aqueux et les extraits hydro-alcooliques de titre inférieur à 30 %.
La vente au détail et toute dispensation au public d'huile essentielle d'absinthe et de
ses dilutions et préparations ne constituant ni des produits cosmétiques, ni des produits
Il usage ménager, ni des denrées ou boissons alimentaires est réservée aux pharmaciens
(Articles L4211-1 et D4211-13 du Code de la santé publique). Il en est de même pour
l'huile essentielle de petite absinthe (A. pontica L.).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
l'absinthe est utilisée comme stimulant de l'appétit, dans les dyspepsies et les dyski-
nésies biliaires. Posologie: de 2 à 3 g par jour (infusion). Le projet de monographie de
l' HMPC fixe une posologie identique (en prises unitaires de 1 g), précise que l'ingestion
de thuyone doit être < 3 mg/j et limite le traitement à deux semaines. Non recommandée
avant 18 ans, et en cas de grossesse ou d'allaitement. Contre-indiquée en cas
d'obstruction biliaire et de maladie hépatique (réf. EMEA/HMPC/234463/2008Corr.) .

• ARMOISE, Artemisia vulgaris L.


L'armoise est constituée par la feuille et la sommité fleurie séchées d'A. vulgaris.
Elle contient au minimum 1 ml/kg d'huile essentielle (Ph. fse, lO'éd).
L'armoise est une espèce très commune dans toute l'Europe où elle colonise dé-
combres et bords de routes. La tige est rigide, brun à pourpre. Les feuilles, vert sombre et
glabres à la face supérieure, sont blanchâtres et couvertes de duvet à la face inférieure. Le

L
614 TERPÉNOÏDES

limbe est d'autant plus divisé que le point d'insertion sur la tige est bas (de lancéolé à bi-
pennatiséqué). L'inflorescence est une panicule de capitules de fleurs toutes tubuleuses.
La teneur en huile essentielle est faible (1-2 ml/kg) et sa composition est éminem-
ment variable: camphre, boméol, vulgarol et carbures sont constants, mais les thuyones
sont très peu abondantes, voire absentes (la Pharmacopée prescrit d'ailleurs une
recherche de thuyone sur un extrait hexanique: dans les conditions décrites, elle n'est
pas décelable ce qui la distingue d'une autre espèce indigène avec laquelle elle peut être ,
confondue: A. verlotorum Lamotte). S'il est sûr que l'armoise renferme, entre autres,
des flavonoïdes et des polyines, il ne semble pas que les lactones sesquiterpéniques
(vulgarine, psilostachine) soient présentes dans tous les lots étudiés.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour lafeuille et la sommité fleurie d'armoise, les
indications thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 1° pour
stimuler l'appétit; 2° dans les règles douloureuses. Si le phytomédicament à base
d'armoise est une poudre de feuille et de sommité fleurie, un extrait hydro-alcoolique de
titre alcoolique> 30 % ou une teinture, le dossier« abrégé» d'AMM doit comporter
une étude toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour la feuille et la
sommité fleurie pour tisane, l'extrait aqueux et les extraits hydro-alcooliques de titre
inférieur à 30 %. Une teneur limite en constituant actif doit être proposée.
En Allemagne, la Commission E du BfArM estime que l'usage de l'armoise dans un
but thérapeutique n'est pas recommandé, dans la mesure où les propriétés revendiquées
ne sont pas vérifiées. Elle mentionne en outre un risque abortif et la possibilité de
réactions allergiques chez les sujets sensibles.
La vente au détail et toute dispensation au public d'huile essentielle d'armoise et de
ses dilutions et préparations ne constituant ni des produits cosmétiques, ni des produits
à usage ménager, ni des denrées ou boissons alimentaires est réservée aux pharmaciens
(Articles L4211-1 et D4211-13 du Code de la santé publique). Il en est de même pour,
les huiles essentielles d'armoise blanche (A. herba alba Asso) et d'armoise arbo-
rescente (A. arborescens L.) .

• ESTRAGON, Artemisia dracunculus L.

L'estragon, qui n'est pas décrit par les pharmacopées (Ph. eur., 6' éd., Ph. fse, 10' ~
éd.), fait l'objet d'une norme ISO (7926:1991). Il en est de même pour son huile'
essentielle (NF-ISO 10015:1999). Il existe plusieurs chimiotypes de ce petit buisson:
dont les tiges dressées portent des feuilles à limbe entier, lancéolé, vert brillant et des'
capitules disposés en longues grappes lâches. Les tiges feuillées renferment une huile "
essentielle à estragole Uusqu'à 80 %), Gis et trans ocimènes, limonène, etc. pour le type;
«français»; il existe aussi un chimiotype à élémicine et sabinène (estragon« russe »).
Le principal usage de l'estragon (feuille fraîche) est d'ordre culinaire. Bien que'
l'estragole soit faiblement hépatocancérogène chez la Souris et mutagène, les quantités;
habituellement employées et la teneur faible en huile essentielle ne constituent pas un '
réel danger pour le consommateur.
titilLES ESSENTIELLES 615

En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) précise qu'il est


possible de revendiquer, pour les parties aériennes non fleuries d'estragon, les
indications thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 1° dans le
traitement symptomatique de troubles digestifs tels que ballonnement épigastrique,
Icnteur à la digestion, éructations, flatulence; 2° comme traitement adjuvant de la
composante douloureuse des troubles fonctionnels digestifs. Aucune évaluation
toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un dossier « abrégé» d' AMM
(poudre, plante pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit
Ic titre). L'estragon ne fait pas l'objet d'une monographie de la Commission E du
illArM allemand .

• MATRICAIRE, Chamomilla recutita (L.) Rauschert

La fleur de matricaire est constituée par les capitules secs de Matricaria recutita L.
(e. recutita [L.] Rauschert). Elle contient au minimum 4 ml/kg d'huile essentielle bleue
ct 0,25 % d' apigénine-7 -glucoside (Ph. eur., 6 e éd., [01/2008:0404]).

La plante. La matricaire, également appelée camomille allemande, est une plante


hcrbacée annuelle à feuilles bipennatiséquées portées sur des tiges glabres, dressées,
très ramifiées, hautes de 20 à 50 cm. C'est une plante commune des lieux incultes de
l'Europe, particulièrement abondante en Hongrie et dans les Balkans. Des variétés
sélectionnées font l'objet de cultures. (Camomille romaine, voir p. 396).

Les capitules. Les capitules épanouis comportent, insérés sur un réceptacle conique,
creux et dépourvu de paillettes, 12 à 20 fleurons ligulés marginaux à languette blanche,
ovale, allongée, prolongeant un tube jaune brun à la base, et plusieurs dizaines de
Ileurons tubulés centraux jaunes à 5 étamines épi pétales synanthérées. Le capitule est
cntouré d'un involucre de 1 à 3 rangées de bractées lancéolées à bords scarieux, gris-
brun.
L'examen microscopique (hydrate de chloral), réalisé sur chacune des parties du
capitule après séparation, permet de rechercher les éléments caractéristiques de chacune
d'entre elles (ex. : cellules épidermiques papilleuses des fleurons, poils glanduleux,
histologie caractéristique des ovaires, grains de pollen triangulaires-arrondis, etc.).
L'identité des capitules est confirmée par la CCM de l'huile essentielle qui met en
évidence chamazulène, éne-yne-dicycloéther et (-)-a-bisabolol. La fleur de matricaire
Ile doit pas contenir plus de 25 % de constituants passant à travers un tamis (710) (fleur
brisée). L' apigénine-7 -glucoside est dosé par CLHP après extraction par l'alcool.

Composition chimique. À côté d'un mucilage galacturonique, de coumarines


(ombelliférone, herniarine), d'acides-phénols (férulates et caféates) et de lactones
scsquiterpéniques (matricine, matricarine), le capitule renferme des polyines et des èn-
yne-dicycloéthers spirononéniques : formés par cyclisation, ils sont présents dans
l'huile essentielle. Les flavonoïdes, abondants, sont représentés par des hétérosides de
Ilavones, notamment par le glucosyl-7-apigénol (= apigénine-7-glucoside), par son
/1

Chamomilla recutita (L.) Rauschert


HUILES ESSENTIELLES 617

dérivé acétylé en 6", par d'autres dérivés mono- et diacylés moins stables et par des
hétérosides du patulétol et du lutéolol. Tous ces dérivés flavoniques s'accumulent dans
les fleurs ligulées en quantité notable. On note aussi la présence de glucosides du
lutéolol ainsi que celle d'hétérosides du quercétol et de l'isorhamnétol (des flavonols).
Dans la fleur sèche, les hétérosides sont partiellement hydrolysés et la concentration en
apigénollibre peut être élevée.

~H H~
)j"O",'H
",

OH

(-)-0. -bisabolol oxyde A de (-)-a-bisabolol oxyde B de (-)-a-bisabolol

.""Oy
HO"'" o

o o o

matricine : formation du chamazulène lors de l'hydrodistillation chamazulène


L'huile essentielle (3-15 ml/kg) doit sa couleur bleue à une teneur souvent
importante (1 à 15 %) en chamazulène formé par la décomposition d'une lactone
sesquiterpénique, la matricine. Les deux principaux chimiotypes sont différenciés par la
prédominance soit des oxydes A et B de (-)-a-bisabolol (des sesquiterpènes à squelette
bisabolane), soit de (-)-a-bisabolol (= lévoménol). La composition varie selon les
régions d'origine (matricaires sauvages), selon le cultivar et les conditions d'obtention,
mais n'est que faiblement influencée par les conditions culturales.

Pharmacologie_ In vitro, l'huile essentielle de matricaire est faiblement anti-


bactérienne et antifongique. Elle stimule la sécrétion biliaire (Chat, Chien) et serait
hypotensive. Le (-)-a-bisabolol s'oppose à l'ulcération gastrique induite par différents
agents (éthanol, stress, indométacine; Rat, per os). La matricaire est réputée anti-
inflammatoire et cette activité peut être attribuée au chamazulène, à son précurseur et
au (-)-a-bisabolol et à son oxyde dont l'activité sur différents modèles expérimentaux a
été clairement établie (œdème de la patte du Rat, arthrite induite, érythème radio-
induit). Cette activité a été mise en relation avec les propriétés inhibitrices des extraits
hydro-alcooliques sur la cyclo-oxygénase et la 5-lipoxygénase (donc sur la synthèse des
principaux médiateurs de l'inflammation), sur la production d'interleukine-l, etc.
L'extrait hydro-alcoolique de capitules est spasmolytique (iléon de Cobaye). Pour la
618 TERPÉNOÏDES _;

plupart des auteurs, cette activité pourrait être due aux flavonoïdes : l'apigénol est plus
actif que la papavérine sur l'iléon de Cobaye isolé, mais aussi à l'un des éthers
bicycliques et au (-)-a-bisabolol qui, dans les mêmes conditions, a une activité voisine
de celle de la papavérine. Les extraits sont faiblement antioxydants in vitro et ils
inhibent l'agrégation plaquettaire

Évaluation clinique. Des observations chez l'Homme ont fait état d'une action
sédative de la matricaire et ont souligné le possible intérêt de ses préparations pour la
voie locale (anti-inflammatoire, anesthésique léger, déodorant). Certaines préparations
de ce type semblent pouvoir atténuer les manifestations de l'érythème provoqué
expérimentalement par le rayonnement ultra-violet.
Plusieurs essais cliniques ont évalué l'effet d'une crème à base de matricaire comme
traitement des inflammations de la peau et des muqueuses: leurs résultats, parfois
contradictoires, sont difficiles à interpréter. Ainsi, alors qu'un essai sans placebo
semblait indiquer qu'un bain de bouche à base de matricaire pouvait prévenir ou
atténuer l'inflammation de la bouche consécutive à une radiothérapie ou à une
chimiothérapie, un essai ultérieur versus placebo n'a pas noté d'activité tangible. Dans
le cas de l'eczéma, les résultats sont tout aussi contradictoires (versus placebo et/ou
hydrocortisone). On peut d'ailleurs remarquer qu'un essai publié en 2000 n'a constaté
aucune différence d'effet entre un simple massage et un massage avec ajout d'huiles
essentielles diverses - dont celle de matricaire - sur l'eczéma atopique de l'enfant
(un effet du contact mère-enfant s'ajoute peut-être à l'effet placebo). L'effet spécifique
de l'extr~it de mat~icair.e ~our soulager la ~ên~ I~ée aux aphtes reste à démo.ntre~., ~
PlUSieurs essais chmques sont parfOis cites comme preuve de l'effIcaclte de la'
matricaire pour atténuer les troubles dyspeptiques. Malheureusement, la préparation :,1,

testée au cours de ces essais contient une dizaine de plantes: l'effet observé ne peut "
donc pas être spécifiquement attribué à la matricaire. La même remarque peut être faite :
à propos d'essais mettant respectivement en œuvre un mélange pectine-matricaire, une "l:
tisane composée (matricaire, fenouil, mélisse, réglisse, verveine) et un mélange
d'extraits (matricaire, fenouil, mélisse) : l'efficacité apparente de ces produits dans le ~
traitement des coliques des jeunes enfants et/ou du nourrisson ne peut pas être reliée à la l
seule matricaire. Selon un essai mettant en œuvre un extrait standardisé, la dyspepsie 1
des patients inclus a été améliorée: l'absence de groupe placebo enlève toute valeur au 1
pourcentage de patients satisfaits du traitement (pourcentage sensiblement identique à j
celui qui caractérise l'effet du placebo dans ce type de plainte ...).

Toxicité, effets indésirables. La matricaire semble atoxique. Il en est de même de i


l'huile essentielle et du bisabolol (DUo par voie orale supérieure à 5 g/kg). La présence;
possible de lactones dans les préparations à base de matricaire (qu'elles soient'
médicinales, cosmétiques ou autres) peut provoquer, chez certaines personnes i
sensibles, des dermites de contact allergiques. Ces réactions aux camomilles ne sont pas
fréquentes, et les cas où la camomille allemande est formellement mise en cause
semblent plutôt exceptionnels (ce qui n'est pas le cas avec des espèces comme Anthemis
cotula L.). Quelques cas, particulièrement rares, de réaction anaphylactique majeure.
consécutive à la prise d'infusion ou à l'exposition aux poussières de plante pulvérisée'
IIUILES ESSENTIELLES 619

ont été décrits: urticaire généralisée, œdème de la face et des paupières, œdème
pharyngé et obstruction des voies respiratoires en ont été les principaux symptômes.
Des interactions médicamenteuses potentielles existent, notamment avec les
antiagrégants plaquettaires et les anticoagulants (une observation d'interaction avec la
warfarine a été rapportée en 2006).

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour le capitule de matricaire, les indications
thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 1° dans le traitement
symptomatique de troubles digestifs tels que ballonnement épigastrique, lenteur à la
digestion, éructations, flatulence; 2° pour stimuler l'appétit. En usage local, trois
indications sont autorisées: 1° traitement d'appoint adoucissant et antiprurigineux des
affections dermatologiques, comme trophique protecteur dans le traitement des
crevasses, écorchures, gerçures et contre les piqûres d'insectes; 2° comme antalgique
dans les affections de la cavité buccale et/ou du pharynx (collutoire, pastille); 3° en cas
d'irritation ou de gêne oculaire dues à des causes diverses (atmosphère enfumée, effort
visuel soutenu, bains de mer ou de piscine, etc.). Dans le cas de cette dernière
indication, le public doit être informé que ces préparations ne doivent pas être utilisées
en cas de douleur oculaire vive, de choc direct, de blessure ou bien lorsque l'irritation
s'accompagne de pus. L'aggravation ou la persistance des symptômes au-delà de 48
heures impose une consultation médicale. Si le phytomédicament à base de matricaire
est une poudre de fleur, le dossier « abrégé» d' AMM doit comporter une étude
toxicologique allégée. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée dans les autres
cas (capitules pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le
titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
le capitule de matricaire est utilisé par voie orale en cas de spasmes et d'inflammations
du tractus gastro-intestinal. Par voie locale, il est utilisé dans: les états inflammatoires
de la peau et des muqueuses; les infections bactériennes de la peau et de la cavité
buccale (gargarismes) ; les affections anales et génitales (bains, rinçages) ; les irritations
respiratoires (inhalations). Posologie (a) infusion: 3 g/150 ml x 3 ou 4 fois par jour par
voie orale et pour les gargarismes; (b) infusion de 3 à 10 % pour la voie externe.
Autres emplois. Dans les produits cosmétiques, la matricaire est présente dans des
shampooings (pour blondir les cheveux) et dans des gels anti-solaires. L'huile
essentielle est utilisée en parfumerie, en savonnerie. Le guaiazulène entre dans la
formulation de préparations protectrices de la peau, de pansements et antiacides
gastriques (associé à la siméticone) et de collyres (0,05 %).

L'extrait fluide de matricaire (Ph. eur., 6e éd., [01/2008:1544]), préparé à partir de


la fleur, contient au minimum 0,3 % d'huile essentielle bleue.

L'huile essentielle de matricaire (Ph. eur., 6e éd., [01/2008:1836]) est préparée à


partir des capitules ou des sommités florifères frais ou séchés. Il existe 2 types d'huile
essentielle de matricaire, caractérisés comme étant riche en oxydes de bisabolol ou
riche en (-)-a-bisabolol.

b
620 TERPÉNOÏDES

Profil chromatographique : 29 à 81 % d'oxydes de bisabolol ou 10 à 65 % de H·


a-bisabolol, selon le chimiotype.

C. Lamiaceae à huiles essentielles

Bon nombre des espèces citées ici sont surtout connues pour leur intérêt dans
diverses industries (parfumerie, liquoristerie, confiserie, produits cosmétiques,
détergents). Beaucoup sont également plus des épices que des plantes médicinales ','
(basilic, origan, thym, etc.). Les principales indications retenues pour ces espèces ,',
concernent le « traitement» des troubles digestifs mineurs et l'usage local
(dermatologie, hygiène). Dans un petit nombre de cas elles concernent les troubles "
mineurs du sommeil (mélisse, lavande) .

• BASILIC , Ocimum basilicum L.

Le basilic est constitué par lafeuille séchée d'O. basilicum. Il contient au minimum
2,5 ml/kg d'huile essentielle (Ph. fse, 10' éd.).

La plante, lafeuille. Le basilic est une plante herbacée morphologiquement très "
variable. Annuelle en Europe, vivace en climat tropical, la plante possède des feuilles,
opposées-décussées à limbe ovale, lisse, luisant, souvent cloqué ou crépu. Les fleurs, :
blanches à rosées, sont groupées en pseudo-verticilles; la lèvre inférieure de la corolle'
est formée d'un seul pétale ventral très développé. Sans doute originaire d'Asie, cette.
espèce est cultivée en Europe, sur le pourtour de la Méditerranée, en Inde et dans les
îles de l'Océan indien.
La poudre de basilic, examinée au microscope, montre des poils sécréteurs à tête
bicellulaire, des poils tecteurs légèrement échinulés et des cellules épidermiques à'.
parois très ondulées. Surie basilic séché, voir aussi la norme NF ISO 11163: 1996. .

Composition chimique. On connaît plusieurs chimiotypes pour cette espèce, le plus,


important étant le type originaire de La Réunion, des Comores et de Madagascar. Son"
huile essentielle contient de 65 à 85 % d'estragole (= méthylchavicol) accompagné de i
petites quantités de cinéole, de fenchol, de linalol, de méthyleugénol. Un autre;

CH 30
OCH 3 OCH 3
pinocamphone (t)-linalol (R =H) et
méthyl-eugénol estragole (= 3-pinanone) (t)-acétate de linalyle "
(méthyl-chavicol)
(R =COCH 3)
IIUILES ESSENTIELLES 621

chimiotype, caractéristique du sud de l'Europe et de l'Égypte, élabore une huile


cssentielle à linalol prépondérant. On connaît aussi des chimiotypes à (E)-cinnamate de
Illéthyle et linalol (Fiji et autres zones tropicales), à eugénol ou à méthyl-eugénol, ainsi
que des formes intermédiaires.
Sur les huiles essentielles de ces chimiotypes, voir les normes NF ISO 11043: 1998
(Iype méthylchavicol) et NF T 75-244: 1992 (type linalol).

Pharmacologie, évaluation clinique. Les données pharmacologiques sur la plante,


ses extFaits et son huile essentielle sont fragmentaires; l'huile essentielle est spas-
molytique, antibactérienne et insecticide. Les propriétés « digestives» du basilic ne
semblent pas avoir été évaluées chez l'humain.

Toxicité. Les données les plus récentes confirment la toxicité chronique


(hépatotoxicité et cancérogénicité) de doses élevées d'allylalkoxybenzènes de type
estragole ou méthyl-eugénol chez la Souris (voie orale). Il a toutefois été estimé que
l'exposition humaine à ces produits, du fait de la consommation des épices qui en
contiennent (basilic, estragon, etc.), n'est pas associée à un risque significatif de
cancérisation. Aucune limite d'emploi n'a été proposée par les organismes
internationaux, du moins pour les épices (des interdictions existent quant à l'utilisation
des alkoxybenzènes purs).

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer pour lafeuille de basilic, les indications thérapeutiques
suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 10 dans le traitement symptomatique
de troubles digestifs tels que ballonnement épigastrique, lenteur à la digestion,
éructations, flatulence; 2 0 comme traitement adjuvant de la composante douloureuse
des troubles fonctionnels digestifs. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée
pour la constitution d'un dossier « abrégé» d'AMM (poudre, feuille pour tisane, extrait
aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la Commission E du BfArM estime que l'usage thérapeutique du
hasilic ne peut pas être justifié, en l'absence de démonstration d'efficacité dans les
indications revendiquées et du fait du risque encouru. L'huile essentielle est parfois
utilisée en application cutanée, en cas de douleurs rhumatismales ou articulaires.
Comme pour la plante, cet usage n'est pas recommandé par la Commission. En tout état
de cause, le basilic ne doit pas être utilisé à des fins thérapeutiques au cours de la
grossesse, de l'allaitement, pas plus que chez les nourrissons et les jeunes enfants ou de
façon prolongée (pas plus d'une semaine). La feuille de basilic peut être utilisée comme
correcteur de goût et d'odeur de préparations (teneur maximale: 5 %).
Le basilic est essentiellement connu, utilisé, et apprécié comme épice (herbe aux
sauces, pistou) et comme source d'huile essentielle.

Autres basilics. Ocimum gratissimum L. Un (trop) petit essai clinique en simple


aveugle à trois bras (huile essentielle, placebo, peroxyde de benzoyle) a montré qu'une
préparation à base de 2 % d'huile essentielle serait aussi efficace que le peroxyde de
hcnzoyle à 10 % pour traiter l'acné .

..
622 TERPÉNOÏDES

.CALAMENT, Calamintha sylvatica Bromf.

Cette espèce, mal connue et, semble-t-il, assez peu utilisée, a été retenue par la Note
Explicative de 1998. Rangée autrefois par certains dans le genre Satureja, l'espèce
officinale (C. officinalis Moench., Ph. fse, 10c éd.) correspondrait, si l'on suit la Flora
Europea, à la ssp. ascendens (Jordan) P.W. Ball (= C. officinalis auct., non Moench.).
Selon la flore forestière française, le calament officinal est C. sylvatica Bromf. (=
C. officinalis Moench = Satureja calamintha [L.] Scheele). C'est une espèce vivace à
glomérules de fleurs purpurines mesurant moins de 15-20 mm. La sommité fleurie
séchée de cette espèce fournit une faible quantité d'huile essentielle (au moins 6 ml/kg
dans le cas de l'espèce officinale) à néomenthol, pulégone, menthone, isomenthone et
autres monoterpènes. L'huile essentielle de calament possède des propriétés
antibactériennes in vitro.
En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet, pour la
sommité fleurie de calament, les indications thérapeutiques suivantes (voie orale) :
traditionnellement utilisé 10 dans le traitement symptomatique de troubles digestifs tels
que ballonnement épigastrique, lenteur à la digestion, éructations, flatulence; 20 comme
traitement adjuvant de la composante douloureuse des troubles fonctionnels digestifs.
Aucune évaluation toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un dossier
« abrégé» d'AMM (poudre, sommité fleurie pour tisane, extrait aqueux et extraits
hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre). Le calament ne figure pas sur la liste des
monographies de la Commission E allemande .

• HYSOPE , Hyssopus officinalis L.

L'hysope est constituée par lafeuille et la sommité fleurie séchées d' H. officinalis. Elle
contient au minimum 0,3 % et au maximum 1,5 % d'huile essentielle (Ph. Fse, 10c éd.) ..•

Cette espèce est particulièrement polymorphe. On distingue classiquement quatre ;


sous-espèces: ssp. officinalis L., ssp. canescens (DC.) Briq., ssp. montanus (Jordan & .
Fourr.) Briq. et ssp. aristatus (Godr.) Briq. La sous-espèce officinalis est elle-même;
représentée par trois variétés: var. angustifolius (Bieb.) Benth., var. vulgaris Benth. et
var. decussatus Pers.

La plante. L'hysope est un petit arbrisseau méditerranéen vivace, très touffu,


fréquent dans les rocailles et les vieux murs. Les feuilles, portées sur une tige carrée, .
sont lancéolées, presque sessiles et d'aspect gaufré (1,5-3 x 0,3-0,6 cm). Les fleurs, à,
corolle bleue ou violacée, sont groupées en glomérules axillaires formant un épi
compact et allongé. Le calice, à 5 dents prolongées en arête, est parcouru par 15'
nervures et la corolle, bilabiée, a une lèvre inférieure importante dont le lobe médian,
beaucoup plus grand, est en forme de cœur renversé. Après dessiccation, les bords du.
limbe s'enroulent vers la face inférieure.
Examinée au microscope, l'hysope pulvérisée présente: des poils tecteurs l-cel·'
lulaires trapus ou en forme d'épine et d'autres, n-cellulaires, en crochet ou courbés; des'
HUILES ESSENTIELLES 623

poils sécréteurs de type Lamiaceae; des grains de pollen ovoïdes à exine grainée; des
cristaux jaunâtres dans des débris d'épiderme.

Composition chimique. L'hysope renferme jusqu'à 8 % d'acides-phénols (acide


rosmarinique, acide caféique et dérivés), des flavonoïdes (diosmine, hespéridoside,
vicénine-2), des di- et triterpènes (marrubiine, acide oléanolique) et une huile
essentielle (3 à 10 ml/kg). La composition de cette dernière est très variable selon la
sous-espèce, la variété, le chimiotype, l'origine, etc. Chez toutes les hysopes cultivées,
c'est toujours la pinocamphone et son stéréoisomère qui sont les constituants
majoritaires de l'huile essentielle. Pour la norme ISO 9841: 1991, les composants
principaux de l'huile essentielle doivent être des cétones - isopinocamphone (34,5-
50 %) et pinocamphone (= 3-pinanone, 5,5-17,5 %) - et des carbures mono- et
sesquiterpéniques - ~-pinène (13,5-23 %), limonène (1-4 %), sabinène (2-3 %), etc.

Pharmacologie, évaluation clinique. On sait peu de choses sur la pharmacologie de


l'hysope et de ses constituants. In vitro, huile essentielle et extrait chloroformique
d'hysope inhibent la croissance de diverses bactéries et levures. L'extrait méthanolique
est faiblement antispasmodique sur organe isolé. La diosmine est vasculoprotectrice (cf.
p. 385). Les vertus thérapeutiques attribuées à l'hysope n'ont fait l'objet d'aucune
évaluation clinique.

Toxicité, effets indésirables. L'huile essentielle d'hysope est neurotoxique : la pino-


camphone et l'isopinocamphone sont considérées comme responsables de son action
épileptogène. La neurotoxicité pourrait être liée à l'action inhibitrice de ces cétones sur
la respiration tissulaire (mise en évidence in vitro). Chez le Rat, 0,13 g/kg par voie IP
engendre des crises épileptiformes. (DUo = 1,4 ml/kg).
Chez l'Homme, des intoxications sévères ont été décrites, y compris à la suite de
l'ingestion de doses faibles de l'huile essentielle: 10 gouttes x 2 jours (femme, 26 ans).

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour lafeuille et la sommité fleurie d'hysope, les
indications thérapeutiques suivantes: traditionnellement utilisé 10 (voie orale) au cours
des affections bronchiques aiguës bénignes; 20 (usage local) en cas de nez bouché, de
rhume. Si le phytomédicament à base d'hysope est une poudre de feuilles et de
sommités fleuries, un extrait hydro-alcoolique de titre alcoolique> 30 % ou une
teinture, le dossier« abrégé» d'AMM doit comporter une étude toxicologique allégée.
Celle-ci n'est pas nécessaire pour l'hysope pour tisane, l'extrait aqueux et les extraits
hydro-alcooliques de titre inférieur à 30 %.
La vente au détail et toute dispensation au public d'huile essentielle d'hysope et de
ses dilutions et préparations ne constituant ni des produits cosmétiques, ni des produits
à usage ménager, ni des denrées ou boissons alimentaires est réservée aux pharmaciens
(Articles L4211-1 et D4211-13 du Code de la santé publique). Les producteurs et les
fabricants d'huile essentielle d'hysope ne peuvent la vendre qu'aux fabricants de
boissons, pharmaciens, parfumeurs, fabricants de produits alimentaires ou industriels et
négociants exportateurs directs. La revente en nature est interdite à ces catégories à
624 TERPÉNOÏDES

l'exception des pharmaciens qui ne peuvent les délivrer que sur ordonnance médicale et
doivent inscrire les prescriptions qui les concernent sur leur registre d'ordonnances
(Art. L3322-5 du Code de la santé publique).
En Allemagne, la Commission E du BfArM estime que l'usage thérapeutique de
l'hysope ne peut pas être justifié, l'efficacité dans les indications revendiquées n'étant
pas démontrée. L'hysope peut être utilisée comme correcteur de goût et d'odeur des
mélanges pour infusion (teneur maximale: 5 %) .

• LAVANDES, Lavandula spp.

Deux espèces du genre sont utilisées dans le secteur de la parfumerie et des produits
cosmétiques: la lavande vraie, L. angustifolia P. Miller (= L. officinalis Chaix = L. vera
De.) et la lavande aspic, L. latifolia (L.f.) Medikus (= L. spica auct., non L.). À la fin
du XX, siècle, la France demeurait l'un des principaux producteurs de lavande vraie:
en 2000, lavande de population et lavande clonale représentaient 3 800 ha cultivés et
une production de 65 tonnes d'huile essentielle.
Les lavandins, hybrides particulièrement vigoureux des deux espèces précédentes
(L. x intermedia Emeric ex Loisel = L. hybrida Reverchon ex Briq.), sont également
utilisés pour la production d'huile essentielle: avec 17000 hectares cultivés, les
lavandins représentaient, en 2000, environ 60 % des superficies consacrées en France à
la production de plantes à parfum, aromatiques et médicinales .

• Lavande vraie, L. angustifolia P. Miller

La fleur de lavande est constituée par lafleur séchée de L. angustifolia. Elle


contient au minimum 13 ml/kg d 'huile essentielle (Ph. eur., 6' éd., [01/2008: 1534]).

La plante. La lavande vraie est un arbrisseau des zones de moyenne montagne


(800-1800 m) du bassin méditerranéen, à feuilles vert cendré très étroites et roulées sur
les bords, à fleurs groupées en cymes bipares, courtement pédonculées. Le calice est
gris bleuté, à 4 dents très courtes et un petit lobe arrondi. La corolle bilabiée à lèvre
supérieure bifide et à lèvre inférieure trilobée est bleue. L'androcée est didyname.

Lafleur. Réduite en poudre, la fleur de lavande présente les caractères microsco-


piques suivants (hydrate de chloral) : poils tecteurs bifurqués à un ou plusieurs étages;
poils tecteurs à pied unicellulaire et tête octocellulaire; poils sécréteurs à pied uni- ou
pluricellulaire et tête unicellulaire; poils sécréteurs à pied bosselé et à tête unicellulaire
séparés du pédoncule par une cellule intermédiaire à cuticule lisse; fragments d'épi-
dermes divers; grains de pollens de 45}lm de diamètre, à 6 pores en fente et 6 arêtes en
ruban rayonnant à partir des pôles.
La fleur de lavande ne contient pas plus de 3 % de tiges. La recherche d'autres
espèces et variétés de lavande est réalisée par CPG de 1'huile essentielle obtenue lors du
dosage de celle-ci.
HUILES ESSENTIELLES 625

Composition chimique. La fleur de lavande renferme des coumarines simples


(hemiarine), des flavonoïdes, de l'acide rosmarinique, des triterpènes et de 10 à 30
ml/kg d'huile essentielle. La composition de l'huile essentielle varie selon de nombreux
facteurs, en particulier selon le mode de culture (lavandes de population, lavandes
clonales Maillette et Matterone), selon les facteurs de l'environnement, etc. Les
principaux constituants sont toujours le linalol et son ester, l'acétate de linalyle (voir, ci-
dessous, le profil chromatographique tel qu'il est décrit par la Pharmacopée
européenne) .

Pharmacologie. La fleur séchée n'a fait l'objet d'aucune étude pharmacologique


chez l'animal. In vitro, l'huile essentielle de lavande est moyennement antibactérienne
et antifongique, y compris à l'état de vapeur. Cette activité varie largement en fonction
de la composition de 1'huile essentielle, en particulier en fonction de la teneur en linalol.
Chez la Souris, l'huile essentielle exerce une activité dépressive du SNC;
anticonvulsivante, elle potentialise l'action de l'hydrate de chloral. L'utilisation de
protocoles expérimentaux de conflit chez les souris met en évidence l'effet « calmant»
de l'huile essentielle et du linalol. Huile essentielle et linalol sont spasmolytiques in
vitro (iléon, utérus ou diaphragme isolés). L'huile essentielle s'oppose aux effets
stimulants de la caféine. Fleurs et huile essentielle sont insectifuges.

Évaluation clinique. Il n'existe pas de preuves solides de l'intérêt clinique de la


lavande et de son huile essentielle pour diminuer les sensations douloureuses, accélérer
la cicatrisation, ou encore prévenir et traiter certaines affections respiratoires: les essais
disponibles ont été conduits soit avec des mélanges de produits, soit selon une
méthodologie dépourvue de rigueur.
L'effet sur l'insomnie traditionnellement attribué à la lavande est-il dû à l'action de
l'huile essentielle sur l'humeur et à la sensation de bien-être constatées par des études
expérimentales? Peut-il être relié aux modifications de l'ÉEG constatées par d'autres
études? Il n'existe pas d'études randomisées démontrant explicitement l'intérêt de la
lavande et/ou de son huile essentielle pour améliorer une plainte d'insomnie.
Plusieurs études et essais cliniques ont cherché à évaluer l'intérêt de l'huile
essentielle de lavande pour favoriser la relaxation, la diminution de l'angoisse et du
nivau de stress. Ces essais sont généralement de faible qualité méthodologique. De
plus, ils ont été réalisés avec des huiles essentielles de composition différente (et
rarement précisée), ce qui rend vaine toute comparaison. Souvent, ces essais ne
permettent pas de séparer les effets de la technique d'administration (massage,
balnéothérapie, inhalation) de ceux du produit lui-même. Qui plus est, l'odeur
caractéristique de la lavande rend problématique la réalisation de l'insu. Et un lien entre
la suggestion des effets attendus des odeurs et les effets observés a été démontré.
Des essais bien conduits sont donc nécessaires pour confirmer le possible (et au
mieux modeste) supplément d'efficacité qu'apporterait l'huile essentielle par rapport à
celle, psychologique, de la simple prise en charge du patient que constitue, par exemple,
le massage. Il en est de même pour confirmer la capacité qu'aurait l'inhalation de
1'huile essentielle de lavande d'atténuer modestement le comportement agité de
malades souffrant de démence.
626 TERPÉNOÏDES

À défaut de bénéfice clairement établi, ces pratiques ne semblent pas présenter de


risque (hors celui, toujours possible, de réaction allergique). En pratique, le possible
impact « psychologique» de l'huile essentielle de lavande sur le « ressenti» du patient
- avec ou sans massage et dans des situations pathologiques précises - ne doit pas
être négligé.

Toxicité, effets indésirables. L'huile essentielle, rapidement absorbée après


application cutanée, n'est pas toxique en aigu par voie orale (DUO = 6,2 ml/kg, Rat).
On a récemment souligné sa toxicité et celle du linalol sur des cellules endothéliales et
des fibroblastes humains. Dermites et allergies de contact à la lavande et à son huile
essentielle ont été signalées à plusieurs reprises.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet,


pour la fleur et la sommité fleurie de lavande, une seule indication thérapeutique pour la
voie orale: traditionnellement utilisé dans le traitement symptomatique des états
neurotoniques des adultes et des enfants, notamment en cas de troubles mineurs du
sommeil. En usage local, quatre indications sont possibles: la pour le traitement des
petites plaies après lavage abondant; 2 0 en cas d'érythème solaire, de brûlures
superficielles et peu étendues, d'érythèmes fessiers; 3 0 en cas de nez bouché, de rhume;
4 a en bains de bouche pour l 'hygiène buccale. Si le phytomédicament à base de lavande
est une poudre de fleurs et de sommités fleuries, un extrait hydro-alcoolique de titre
alcoolique> 30 % ou une teinture, le dossier « abrégé» d'AMM doit comporter une
étude toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour la plante pour tisane,
l'extrait aqueux et les extraits hydro-alcooliques de titre inférieur à 30 %.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
la lavande if/eur) et l'huile essentielle sont utilisées en cas de nervosité et d'insomnie,
de problèmes gastro-intestinaux d'origine nerveuse et, en bains, pour les troubles
fonctionnels de la circulation. Posologie: la fleur, en infusion, de 2 à 4 cuillerées à café
par tasse; 2 0 huile essentielle, de 1 à 4 gouttes par jour. En bains, de 20 à 100 g pour 20
litres.

Huiles essentielles de lavandes et lavandins

1. L'huile essentielle de lavande (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:1338]) est préparée p~:
entraînement à la vapeur d'eau à partir des sommités fleuries de L. angustifolia.
Cette huile essentielle doit contenir de 20 à 45 % de linalol, de 25 à 46 % d'acétate
de linalyle, de 0,1 à 6 % de terpinén-4-o1 et de 0,1 à 2,5 % de 3-octanone; les teneurs en
lavandulol et acétate de lavandulyle sont respectivement supérieures à 0,1 et 0,2 %;
teneurs maximales sont fixées pour les autres composants : limonène < 1 %;
< 2,5 %; camphre < 1,2 %; a-terpinéol < 2 % (déterminés par CPG). Pureté chirale:
(S)-linalol ne représente pas plus de 12 % et l'acétate de (S)-linalyle pas plus de 1 0/0
Sur l'huile essentielle de lavande, voir aussi la norme NF ISO 3515:2004.
2. Huile essentielle de lavande aspic. La lavande aspic est spontanée dans
mêmes régions que la lavande vraie, mais à des altitudes plus basses. L'huile
tielle d'aspic est obtenue à partir des sommités fleuries récemment coupées
HUILES ESSENTIELLES 627

L. latifolia (L.f.) L. (Ph. fse, 10c éd.). Elle est particulièrement riche en cinéole et en
camphre (15 %).
Profil chromatographique : limonène, 0,5-3 %; cinéole, 20-35 %; camphre, 8-
20 %; linalol, 25-50 %; acétate de linalyle, < 3 %; a-terpinéol, 0,5-3 %. Voir aussi la
nonne NF ISO 4719: 2000 (type Espagne).

3. Huiles essentielles de lavandins. Les huiles essentielles de lavandins (Grosso,


Abrial, Super) ont une composition intermédiaire entre celle de l'aspic et celle de la
lavande vraie. Elles font l'objet de nonnes: lavandin « Abrial » type France (NF ISO
3054:2002); lavandin « Grosso» type France (NF ISO 8902:2000).
L'huile essentielle de lavandin «Grosso» est officinale (Ph. fse, 10' éd.).
Profil chromatographique : limonène, 0,5-1 ,5 %; cinéole, 4-7 %; camphre, 6-8 %;
linalol, 25-35 %; acétate de linalyle, 28-38 %; a-terpinéol (0,5-1 %).
L'huile essentielle de lavande officinale est surtout utilisée en parfumerie. L'huile
essentielle de lavandin est majoritairement utilisée dans l'industrie des lessives et des
détergents .

• MARJOLAINE, Origanum majorana L.

Le tenne de marjolaine est ambigu: il désigne normalement la marjolaine à coquille


(O. majorana L. = Majorana hortensis Mœnch.), mais il est aussi utilisé - avec le
qualificatif de « sauvage» - pour désigner l'origan vulgaire (O. vulgare L.), voire,
avec la mention « sauvage d'Espagne» pour désigner le thym sauvage d'Espagne
C/'. mastichiana L.). On ne la confondra pas non plus avec la marjolaine turque (ou
origan crétois, O. onites L.) ou avec la marjolaine arabe (O. syriacum L.).
La marjolaine à coquilles est répandue dans tout le bassin méditerranéen. Dans ces
régions, c'est un sous-arbrisseau pérenne à feuilles d'un gris feutré et à fleurs blanches
ou rose pâle insérées à l'aisselle de bractées arrondies et concaves. Non décrite par les
pharmacopées, la marjolaine fait l'objet d'une norme (NF ISO 10 620: 1995).
La marjolaine renferme de nombreux flavonoïdes, de l'arbutoside, de l'acide
l'Osmarinique et de 7 à 30 ml/kg d'huile essentielle à terpin-l-én-4-01 (20-40 %), a-ter-
pinéol (1-7 %), hydrates de sabinène (10-65 %), terpinènes, et autres monoterpènes
(l'hydrate de cis-sabinène présent dans la plante fraîche est rapidement dégradé lors de
l'hydrodistillation, voir p. 579).
On ne sait a peu près rien de la pharmacologie de cette espèce, de ses extraits et de
Non huile essentielle. Son intérêt thérapeutique n'a fait l'objet d'aucune évaluation. On
connaît mieux les risques liés à la présence d'arbutoside (voir p. 280). Dans le contexte
de l'utilisation alimentaire habituelle de cette épice, ces risques sont négligeables.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qll'il est possible de revendiquer pour la fleur et la sommitéfleurie de marjolaine, deux
Illdications thérapeutiques pour la voie orale: traditionnellement utilisé 1° dans le
Il'IIitement symptomatique de troubles digestifs tels que ballonnement épigastrique,
k~nteur à la digestion, éructations, flatulence; 2° au cours des affections bronchiques
628 TERPÉNOÏDES

aiguës bénignes. En usage local, deux indications sont possibles: 1° en cas de nez
bouché, de rhume; 2° en bains de bouche pour l'hygiène buccale. Aucune évaluation
toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un dossier « abrégé» d'AMM
(poudre, marjolaine pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en
soit le titre).
En Allemagne, la Commission E du BfArM estime que l'usage thérapeutique de la
marjolaine ne peut pas être recommandé, l'effIcacité dans les indications revendiquées
n'étant pas sufJsamment démontrée. En l'absence d'une évaluation précise du risque, il
convient de ne pas utiliser des pommades contenant des extraits de marjolaine chez les
jeunes enfants .

• MÉLISSE, Melissa officinalis L.

La feuille de mélisse est constituée par la feuille séchée de M. officinalis. Elle.


contient au minimum 1 % d'acide rosmarinique (Ph. eur, 6'éd. - 6.4, [04/2009:1447]).

La plante. La mélisse est un sous-arbrisseau en touffes, vivace. Les tiges dressées


portent des feuilles opposées d'aspect gaufré, rugueuses au toucher et qui, par·
froissement, dégagent une odeur citronnée. Les fleurs, irrégulières, blanches ou rosées, .
sont groupées en verticilles axillaires espacés. Vraisemblablement originaire de
Turquie, spontanée dans les bois, les bords des chemins, les haies et autres lieux frais,
c'est aussi une plante cultivée.

Lafeuille. La feuille, ovale et cordiforme, présente un limbe mince grossièrement


denté ou crénelé sur les bords. La surface inférieure, plus claire que la face supérieure·
vert vif, a une nervation médiane très développée, proéminente et réticulée. Une pilosité
éparse apparaît sur la face supérieure et le long des nervures de la face inférieure.
Examinée au microscope (hydrate de chloral), la feuille pulvérisée présente: des
poils tecteurs unicellulaires coniques; des poils tecteurs pluricellulaires, unisériés
extrémité pointue et à cuticule verruqueuse; des poils sécréteurs octocellulaires ou plus:
rarement uni-ou bicellulaires.
La feuille, dont l'identité est confJnnée par la CCM de l'huile essentielle, ne COIlluerlt'
pas plus de 10 % de tiges de section supérieure à 1 mm. Le dosage de l'acide ros.
marinique est effectué par chromatographie liquide sur un extrait éthanol:eau (50-50).

Composition chimique. Si, malgré sa faible teneur « 0,05 %), c'est surtout 1
essentielle qui a retenu l'attention, d'autres constituants ont néanmoins été isolés de
feuille: triterpènes; acides-phénols dérivés de l'acide caféique : dimère comme
rosmarinique (5 %) et trimères comme les acides mélitriques A et B ; dérivé
benzaldéhyde à structure benzodioxole; flavonoïdes (0,2-0,7 %): isolquerc:itroside,
rhamnocitrine, 7-glucosides de l'apigénol et du lutéolol (cosmosiine,
hétérosides de mono terpènes et d'alcools aromatiques, etc. L'huile essentielle
caractérisée par la présence d'aldéhydes monoterpéniques : citral (géranial + néral)
quantité très variable, mais généralement dans un rapport constant (4/3) et (R)-(
IIUILES ESSENTIELLES 629

citronellal (présent en quantité importante dans certains lots d'origine allemande),


accompagnés de méthylhepténone (produit de dégradation du citral), d'ocimènes, de ~­
caryophyllène, d'oxyde de ~-caryophyllène, de germacrène D, de germacradiénol et de
plusieurs dizaines de composés majoritairement terpéniques.

Pharmacologie. L'huile essentielle et le citral sont antibactériens in vitro, ils sont


pour partie responsables des propriétés spasmolytiques mises en évidence sur organe
isolé. L'extrait hydroalcoolique est sédatif du SNC (Souris, voie IP), il en est de même
pour l'huile essentielle qui, par voie orale, diminue la motilité des souris (3 mg/kg). À
faible dose, l'extrait hydro-alcoolique potentialise le sommeil induit par le pentobarbital;
il plus forte dose, on note une analgésie périphérique. Un extrait éthanolique s'oppose à
l'ulcération stomacale induite chez le Rat. Plusieurs propriétés ont été mises en
6vidence pour l'extrait aqueux: action antithyroïdienne liée aux produits d'oxydation
des acides-phénols, activité anti-gonadotrope et, surtout, activité antivirale. Cette
activité, objectivée sur divers virus (herpès, vaccine), pourrait être liée aux acides-
phénols et/ou à leurs dérivés qui interagiraient avec les protéines virales. In vitro, on a
aussi noté une interaction avec les récepteurs nicotiniques et muscariniques centraux.
Enfin, la présence d'acide rosmarinique dans les extraits aqueux explique
vraisemblablement leur activité antioxydante.

Évaluation clinique. La mélisse est-elle efficace pour améliorer la plainte


d'insomnie? Les rares essais cliniques publiés ont été réalisés avec des mélanges de
mélisse et de valériane: leurs conclusions, pour intéressantes qu'elles soient, ne
permettent pas d'apprécier objectivement l'activité de la mélisse.
Appliquée sur la peau, une lotion à base d'huile essentielle (10 %) pourrait avoir un
léger effet sédatif chez des malades souffrant de démence (l'agitation des patients
diminue plus et chez davantage de patients dans le groupe traité par cette lotion que
dans le groupe auquel est appliquée une lotion placebo). Cet effet sur l'agitation des
patients a également été noté au cours d'un petit essai évaluant l'activité d'un extrait
hydro-alcoolique par voie orale. Ces résultats ne sont pas en contradiction avec ceux
d'essais randomisés et en double aveugle explorant, versus placebo, les effets sur le
stress, l'humeur et les performances cognitives d'un extrait standardisé de mélisse chez
des petits groupes de volontaires sains 9. L'effet sur l'humeur créerait-il des conditions
favorisant l'endormissement? La question est posée.
Au cours d'un essai versus placebo, une pommade à base d'extrait de mélisse est
apparue un peu plus efficace que le placebo pour diminuer les symptômes de l'herpès
labial, mais ces résultats doivent être confirmés.

9. Pour certains, la perception positive ou négative d'une odeur déclencherait un type d'effet
positif ou négatif sur l'humeur et, en conséquence, des effets (positifs ou négatifs) sur le bien-être
physique et psychologique. Avec les huiles essentielles (et les odeurs en général), il ne faut pas perdre
dc vue que les notions de placebo et d'effet attendu sont des questions centrales: une étude publiée il y
Il une vingtaine d'années a montré que des sujets voyaient leurs performances mathématiques
lIugmentées alors même qu'ils ne respiraient aucune odeur ... La méthodologie des essais publiés sur les
huiles essentielles ne prend pas toujours en compte ces dimensions (sujets naïfs, insu de
l'expérimentateur, etc.).
Mentha x piperita L.
HUILES ESSENTIELLES 631

Toxicité, effets indésirables. Aucune donnée sur des manifestations de toxicité


aiguë ou chronique de la mélisse n'est signalée dans la bibliographie. La teinture de
mélisse n'est pas génotoxique.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour lafeuille et la sommité fleurie de mélisse, les
indications thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 1° dans le
traitement symptomatique de troubles digestifs tels que ballonnement épigastrique,
lenteur à la digestion, éructations, flatulence; 2° comme traitement adjuvant de la
composante douloureuse des troubles fonctionnels digestifs; 3° dans le traitement
symptomatique des états neurotoniques des adultes et des enfants, notamment en cas de
troubles mineurs du sommeil. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée pour la
constitution d'un dossier « abrégé» d'AMM (poudre, feuille et sommité fleurie pour
tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la monographie de la Commission E du BfArM précise que lafeuille
de mélisse est utilisée en cas de troubles du sommeil et de troubles digestifs fonction-
nels. Posologie (en infusion) : de 1,5 à 4,5 g de feuille par tasse, autant que nécessaire.
Au niveau européen, la monographie communautaire élaborée par l' HMPC admet
des indications traditionnelles du type de celles reconnues en France et en Allemagne.
1me recommande la même posologie par prise que le BfArM (de 1,5 à 4,5 g), mais limite
le nombre de prises quotidiennes à trois (infusions 15 minutes dans 150 ml d'eau).
Teinture: de 2 à 6 ml x 3 fois par jour. Extrait fluide: de 2 à 4 ml x 3 fois par jour.
1: usage de la mélisse n'est recommandé ni avant l'âge de douze ans, ni chez la femme
enceinte ou qui allaite (réf. : EMEAI HMPC/534112007, 31 octobre 2007) .

• MENTHE, Mentha x piperita L.

La taxinomie du genre est rendue particulièrement difficile par la fréquence des


hybrides, l'existence de polyploïdes et l'abondance des variations morphologiques: il
l~xiste de nombreuses formes montrant entre elles des passages graduels. L'espèce retenue
pur la Pharmacopée européenne est un hybride de M. aquatica L. et de M. spicata L.

La feuille de menthe poivrée est constituée par lafeuille séchée entière ou coupée
de M. x piperita. Entière, la feuille contient au minimum 12 ml/kg d'huile essentielle.
Pour la feuille coupée, ce minimum est de 9 ml/kg (Ph. eur., 6e éd., [0112008:0406]).
1':lIe sert à préparer - avec de l'eau ou de l'éthanol à 30-50 % - un extrait sec dont le
litre en acide rosmarinique est ~ 0,5 % (Ph. eur., 6 e éd. - 6.4, [04/2009:2382]).

La plante. La menthe poivrée est une plante vivace d'une très grande vigueur se
propageant par stolons. Elle est caractérisée par des tiges quadrangulaires le plus
NOllvent violacées, par des feuilles simples opposées-décussées, ovales-aiguës, dentées,
ct par des inflorescences de fleurs faiblement bilabiées de couleur pourpre groupées en
tIpis très serrés. Différentes variétés sont mises en culture: menthe Mitcham (forme
1'1I1)('scens de la variété officinalis), menthe blanche (forme palescens de la même
632 TERPÉNOÏDES

variété) et, plus rarement, menthe de Hongrie (forme rubescens de la variété sylvestris).
La multiplication se fait uniquement par voie végétative. Le développement de la plante
nécessite un climat tempéré, un apport en eau et un ensoleillement suffisants. La
récolte, mécanisée, a lieu au début de la période de floraison.

La feuille. La diagnose de la feuille est aisée : l'odeur est caractéristique et péné-


trante, la saveur aromatique. Le pétiole est sillonné et le limbe (3-9 x 1-3 cm) acuminé,
bordé de dents aiguës, est asymétrique à la base. Les nervures latérales sont orientées à
45° et, comme la nervure médiane, sont proéminentes à la face inférieure, laquelle est
légèrement pubescente. Des poils sécréteurs dont le diamètre peut atteindre 1 mm
apparaissent à la loupe en points jaunâtres et brillants.
Examinée au microscope, la feuille pulvérisée montre notamment (hydrate de
chloral) : des poils sécréteurs à pied unicellulaire et à tête constituée d'une seule cellule
(diamètre = 15-25 Ilm) ou de 8 cellules rayonnantes formant une tête renflée ovale
(diamètre = 55-70 Ilm) sous la cuticule de laquelle s'accumule l'huile essentielle; des
poils tecteurs coniques mono- ou bicellulaires et d'autres effilés, uni sériés et 3-8 cellu-
laires; des fragments de limbe à stomates diacytiques et cellules à parois sinueuses; etc.
La feuille, dont l'identité est confirmée par la CCM d'un extrait chlorométhylé-
nique, ne renferme pas plus de 5 % de tiges de diamètre < 1,5 mm, pas plus de 2 % de
matières étrangères, et pas plus de 8 % de feuilles présentant des taches brunes dues à
Puccinia menthae. Voir aussi la norme V 32-162:1985.

Composition chimique. La feuille de menthe renferme de nombreux composés:


triterpènes (acide ursolique), caroténoïdes, acide rosmarinique et autres acides-phénols
(jusqu'à 7 %) et plusieurs flavonoïdes : ériocitroside = 7-0-rutinosyl-ériodictiol et
autres glycosides du lutéolol, de l' apigénol et du diosmétol, flavones tri- et tétra- ,
méthoxylées lipophiles (sous la forme de génines). L'huile essentielle représente de 10
à 30 ml/kg de feuille sèche. Sa composition varie en fonction de facteurs multiples,
intrinsèques et extrinsèques: conditions culturales, variations climatiques, époque de
récolte, etc. Le constituant majoritaire est toujours le (-)-menthol (30-40 %, parfois plus
de 50 %). Il est accompagné de (-)-menthone (15-25 % dans le cas de la menthe
Mitcham, moitié moins dans le cas de la menthe blanche), d'acétate de (-)-menthyle, de
(-)-menthofurane (parfois inexistant, il peut représenter jusqu'à 10 % de l'huile'
essentielle), de (+ )-isomenthone, de (+ )-pulégone, de (+ )-néomenthol, de (-)- :
pipéritone, de carbures. La (+ )-pulégone, présente dans les jeunes feuilles, disparaît'
rapidement. La diminution de la teneur en (-)-menthone et l'augmentation de celle en :
(-)-menthol observées au cours du cycle évolutif correspondent à une réduction de la ;
cétone en (-)-menthol et en (+)-néomenthol. Ce dernier est converti en un glucoside
hydrosoluble transporté dans les racines (voir la remarque faite à ce propos p. 578).

Pharmacologie. La pharmacologie de la feuille n'a guère été explorée. L'huile.'


essentielle exerce, in vitro, une action spasmolytique. Elle inhibe de façon non:
compétitive les contractions du muscle lisse intestinal induites par divers agonistes ou ;
par dépolarisation (iléon de Cobaye, jéjunum de Lapin et autres modèles). Cette action'
relaxante est le fait du menthol; pour certains auteurs, elle serait la conséquence de la l
IIUILES ESSENTIELLES 633

CÎs- et trans-oxydes
de pipéritone ---

(+)-oxyde de pipériténone pipériténone (+)-pipéritone

r=- :2 :2 ~o ~o
géranyl-PP (-)-limonène (-)-trans
UH
"

(-)-isopipériténone
-

(+)-cis-isopulégone
isoplpériténol

HO""2
/ ~ Cl
U --
OH- -.
0

~ A A
(-)-trans-carvéol (-)-menthol (-)-menthone (+)-pulégone (+)-isomenthone

l t

0:2
(-)-carvone
filiation biogénétique des
principaux monoterpènes
du genre Mentha
° 'OH

(+)-néomenthol (+)-néoisomenthol (+)-isomenthol

réduction de l'influx du calcium extracellulaire. L'huile essentielle et le menthol


réduisent la fixation des ligands spécifiques des canaux calciques et, au niveau
neuronal, inhibent la capture du calcium induite par la dépolarisation. Leurs effets
seraient proches de ceux des antagonistes calciques dihydropyridiniques. L'huile
essentielle lève la contraction du sphincter d'Oddi induite par la morphine (Cobaye,
1V). Des études réalisées chez des humains volontaires montrent : que l'application
intraduodénale d'huile essentielle (90 mg) réduit la motilité gastroduodénale plus que le
seul excipient (réduction de la fréquence et de la durée des contractions); que la vitesse
de vidange gastrique n'est pas modifiée; que le temps de transit oro-cœcal est
légèrement augmenté et que la contraction de la vésiculaire biliaire est inhibée.
Le menthol est, depuis plus d'un siècle, présenté comme un décongestionnant
nasal: l'expérience a clairement démontré qu'il s'agit là d'une impression purement
634 TERPÉNOÏDES

subjective liée à la sensation de fraîcheur due à la stimulation des thermorécepteurs de


la cavité nasale. Les vapeurs de menthol exercent un effet inhibiteur sur la respiration
(comme le fait l'air froid) et celui-ci peut se traduire, chez le jeune enfant, par une très
courte période d'apnée.
Appliqué sur la peau, le menthol induit une sensation de froid, mais n'est ni
antiprurigineux, ni analgésique. Expérimentalement, le menthol s'oppose à la broncho-
constriction induite par la capsaïcine (Cobaye). Inhalé, un mélange menthol-huile
essentielle d'eucalyptus (75-25) réduit la toux provoquée par un aérosol d'acide citrique.
In vitro, l'huile essentielle est antioxydante et antibactérienne sur diverses souches
pathogènes (par ex. : CMI du menthol variant de 0,04 à 0,08 % pour les principaux
germes impliqués dans les pathologies respiratoires).

Évaluation clinique de Lafeuille. L'efficacité de la feuille de menthe, en infusion ou


en extrait, n'a pas été évaluée. Les seuls essais cliniques disponibles ont concerné des
mélanges complexes (menthe, carvi, mélisse, matricaire, Iberis, etc.) qui semblent
améliorer le ressenti de patients souffrant de troubles dyspeptiques non-ulcéreux et ce
sans effet indésirable notable. En ce qui concerne l'infusion de menthe, une remarque
s'impose: une partie des substances volatiles est perdue au cours de l'infusion. De ce
fait, certains auteurs ont envisagé une contribution des substances phénoliques à
l'activité attribuée à la feuille de menthe.

Évaluation clinique de l'huile essentielle. En 1998, une méta-analyse de cinq essais


randomisés, en double aveugle et versus placebo, avait constaté un effet statistiquement
significatif de l'huile essentielle de menthe poivrée sur les symptômes caractéristiques
de l'irritabilité du côlon, mais la qualité méthodologique des essais était faible. D'autres
essais comparatifs, randomisés et en double aveugle versus placebo, ont été publiés par :
la suite. Le premier a évalué l'efficacité de l'huile essentielle sur huit symptômes
caractéristiques (douleur, distension, flatulence, nausées, etc.). Après quatre semaines, "
la douleur et la distension abdominale, la flatulence et les bruits intestinaux ainsi que la
fréquence des selles étaient significativement réduits dans le groupe recevant l'huile'
essentielle, et ce chez 73 à 83 % des patients selon le symptôme. La réponse au placebo.
a été importante (ex. : 43 % sur la douleur intestinale). Les nausées, brûlures et"
régurgitations n'ont pas été améliorées par le traitement. Le deuxième essai a conclu
l'efficacité de l'huile essentielle de menthe pour réduire la sévérité de la
abdominale, mais pas les autres symptômes associés mesurés. Le troisième essai,
en 2007, a conduit à constater qu'après quatre semaines de traitement par l'
essentielle de menthe, 75 % des patients souffrant d'un syndrome du côlon ""CLU'"",."
voyaient leurs symptômes réduits de plus de 50 % (contre 38 % dans le groupe 1-''''''''''ClVI
score calculé sur l'ensemble des symptômes). Bien que la méthodologie de certains
ces essais demeure critiquable, ils confortent l'hypothèse de l'efficacité de l'
essentielle de menthe poivrée sur les douleurs abdominales et les ballonnements
les patients souffrant d'un syndrome du côlon irritable. Cette supériorité de l
essentielle sur le placebo a été confirmée par une méta-analyse (12/2008: cf Ford et al
D'autres essais cliniques ont concerné un mélange d'huiles essentielles vu.vu .....,
poivrée et carvi). Ces mélanges apparaissent, eux aussi, capables de diminuer de
IIU ILES ESSENTIELLES 635

statistiquement significative tant les spasmes du côlon que les manifestations


symptomatiques propres aux dyspepsies.
Plusieurs essais ont évalué l'activité de l'huile essentielle de menthe poivrée sur les
spasmes qui peuvent se produire lors d'examens radiologiques ou endoscopiques (640
patients). L'addition d'une préparation d'huile essentielle à une suspension de sel de
haryum utilisée comme produit de contraste a supprimé les spasmes de façon
statistiquement significative. Son efficacité n'a pas été différente de celle du Buscopan®
(20 mg, lM). D'autres essais comparatifs, randomisés et en double aveugle, ont conclu
il l'efficacité de l'huile essentielle pour limiter les spasmes lors des endoscopies. De la
lIlême façon, l'administration intracolonique d'huile essentielle de menthe poivrée
induirait, mieux qu'un placebo, un état spastique satisfaisant.

Toxicité, effets indésirables. Menthol et huile essentielle de menthe sont assez peu
t()xiques en aigu. Les lésions histologiques cérébelleuses constatées avec l'huile
l'ssentielle chez le Rat (40-100 mg/kg/j, voie orale) sont liées à la pulégone et non au
Illenthol dont les effets, à très forte dose (200-800 mg/kg), ne sont perceptibles qu'au
niveau du foie (augmentation pondérale) et des hépatocytes (vacuolisation). La
plllégone et son produit d'oxydation - le menthofurane - sont hépatotoxiques à dose
forte, mais les teneurs dans l'huile essentieIIe ne semblent pas poser de problème. La
lIlenthone semble mutagène, mais les tests habituels ne détectent pas de mutagénicité
p()ur le menthol et 1'huile essentielle.
On ne connaît pas d'effet indésirable lié à la consommation d'infusions de menthe
p()ivrée. Aux doses habituelles, 1'huile essentielle peut entraîner de rares effets
indésirables: brûlures œsophagiennes, nausées. Chez certains sujets, elle pourrait
dlSclencher ou amplifier des troubles gastro-intestinaux. Par contact, le menthol peut,
plutôt rarement, induire des réactions allergiques.
L'application directe de menthol ou d'huile essentielle de menthe poivrée dans les
lIurines ou sur le visage des nourrissons et des très jeunes enfants peut entraîner
dyspnée, convulsions et coma. On a aussi enregistré des cas de détresse respiratoire
tliguë avec cyanose et arrêt respiratoire. La même remarque s'applique aux pommades
Cl autres formes pour la voie locale à base de menthol.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


llu'il est possible de revendiquer, pour lafeuille et la sommitéfleurie de menthe poivrée,
!l's indications thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 1° dans
k~ lraitement symptomatique de troubles digestifs tels que ballonnement épigastrique,
Icnleur à la digestion, éructations, flatulence; 2° comme traitement adjuvant de la
l'()lllpOsante douloureuse des troubles fonctionnels digestifs; 3° pour faciliter les
IIl1lctions d'élimination urinaire et digestive; 4° dans le traitement symptomatique des
Il'Oubles fonctionnels digestifs attribués à une origine hépatique. En usage local, quatre
Indications sont possibles: traditionnellement utilisé 1° comme traitement d'appoint
"d()ucissant et antiprurigineux des affections dermatologiques, comme trophique
pr()lccteur dans le traitement des crevasses, écorchures, gerçures et contre les piqûres
d'insectes; 2° en cas de nez bouché, de rhume; 3° comme antalgique dans les affections
dl~ la cavité buccale et/ou du pharynx (collutoire, pastille); 4° en bain de bouche pour
636 TERPÉNOÏDES

l'hygiène buccale. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée pour la consti-


tution d'un dossier « abrégé» d' AMM (poudre, feuille pour tisane, extraits aqueux et
extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
lafeuille de menthe est utilisée dans les états spastiques du tractus gastro-intestinal, de
la vésicule et des voies biliaires. Posologie: de 3 à 6 g par jour (feuille). Un avis médical
préalable est nécessaire en cas de lithiase biliaire.
Au niveau européen, la monographie communautaire élaborée par l'HMPC indique
une posologie journalière de 4,5 à 9 g de feuilles ou de 6 à 9 ml de teinture, répartis en
trois prises (adulte). Adolescent de douze à seize ans: de 3 à 6 g par jour (feuilles);
enfant de quatre à douze ans: de 3 à 5 g par jour (feuilles). L'usage de la menthe
poivrée n'est recommandé ni avant l'âge de quatre ans, ni chez la femme enceinte ou
qui allaite. Il est recommandé aux sujets souffrant de reflux gastro-cesophagien d'éviter
d'utiliser cette plante (réf. EMEA/HMPC/193909/2007 du 4 septembre 2008).

Huiles essentielles de menthe

.Huile essentielle de menthe poivrée (peppermint oil)

L'huile essentielle de menthe poivrée (Ph. eur., 6 c éd., [0112008:0405]) est


obtenue par entraînement à la vapeur d'eau, à partir des parties aériennes fleuries
récemment cueillies de M. x piperita L.
Le marché de cette huile essentielle est dominé par les États-Unis d'Amérique
(Idaho, Oregon, Indiana, Wisconsin, Washington). Les sommités fleuries, coupées
mécaniquement et préfanées, sont récoltées dans des conteneurs qui peuvent s'adapter
directement entre le générateur de vapeur et le condenseur des installations de
distillation.
L'huile essentielle doit satisfaire aux essais prévus par la Pharmacopée: absence de
produits issus de Mentha arvensis (CCM - absence de bandes caractéristiques - et
CPG : absence d'isopulégol) et détermination du profil chromatographique. L'huile
essentielle doit contenir de 30 à 55 % de menthol, de 14 à 32 % de menthone, de 1 à
9 % de menthofurane, de 3,5 à 14 % de cinéole, de 2,8 à 10 % d'acétate de menthyle, de
1,5 à 10 % d'isomenthone, de 1 à 5 % de limonène, pas plus de 4 % de pulégone; pas
plus de 1 % de carvone et pas plus de 0,2 % d'isopulégol. Le rapport cinéole (%) /
limonène (%) est au minimum de 2. Sur l'huile essentielle (origine France, Italie,
Royaume-Uni, États-Unis d'Amérique), voir aussi la norme NF T 75-210:1982.

Emplois. En Allemagne, l'huile essentielle fait, comme la feuille, l'objet d'une


monographie établie par la Commission E. Cette monographie retient les usages
suivants (usage interne) : états spastiques inconfortables du tractus digestif supérieur et
des voies biliaires; côlon irritable; catarrhe des voies respiratoires; inflammations de la
muqueuse buccale. Par voie locale, l'huile essentielle est utilisée en cas de myalgies et ,
de névralgies. Posologie: de 6 à 12 gouttes par jour. En inhalation: 3 ou 4 gouttes par :
jour. En cas de côlon irritable: 0,2 ml trois fois par jour (sous une forme.
IIUILES ESSENTIELLES 637

gastrorésistante). Pour l'usage local: solutions nasales à 1-5 %; préparations hydro-


alcooliques à 5-10 % et préparations huileuses ou semi-solides à 5-20 %. L'huile
essentielle est contre-indiquée en cas d'obstruction des voies biliaires, d'inflammation
de la vésicule bibiaire et d'atteinte hépatique grave. Elle ne doit être ni appliquée sur le
visage, ni instillée dans les narines des jeunes enfants.
Au niveau européen, la monographie communautaire élaborée par l' HMPC liste des
indications traditionnelles (toux et rhume, prurit de la peau intacte, douleur musculaire)
ct deux indications « bien établies» : 1° spasmes et algies abdominales, flatulence,
syndrome du côlon irritable (voie orale) et, 2° en cas de céphalée (voie cutanée,
préparations à 10 %). Posologie: adultes et adolescents (voie orale) : de 0,2 à 0,4 ml en
capsules, jusqu'à trois fois par jour, ne pas prolonger le traitement au-delà de 3 mois;
enfants de huit à douze ans: 0,2 ml par jour. Non recommandé avant huit ans ainsi que
chez la femme enceinte ou allaitante. L'utilisation par voie cutanée est réservée à
l'adulte (> 18 ans). La monographie, très complète, détaille en outre les posologies pour
les différents âges et pour les différentes formes et voies d'administration utilisées dans
les indications traditionnelles (semi-solides, hydro-alcooliques, sprays, inhalations,
etc.). Se reporter au document réf. EMEA/HMPC/349466/2006 du 31 octobre 2007.
L'huile essentielle de menthe poivrée est utilisée comme aromatisant aussi bien
pour les produits médicamenteux que pour ceux de la parapharmacie et de l'hygiène
(dentifrices, bains de bouche, etc.). Elle sert à préparer la « solution alcoolique d'huile
essentielle de menthe poivrée à 10 % »(Ph. fse, 10'éd.). L'industrie agroalimentaire est
le principal consommateur de l'huile essentielle: liquoristerie (liqueurs, sodas, sirops à
diluer), confiserie (bonbons et sucres cuits, pâtes à mâcher, chocolats). L'industrie des
tabacs et la parfumerie sont également utilisatrices .

• Huile essentielle de menthe crépue (spearmint oil)

La menthe crépue (dite aussi menthe verte ou menthe douce [NF V 32-165:1985,
ISO 2256: 1984]) est une espèce voisine de la précédente, cultivée dans les mêmes états
des États-Unis d'Amérique (Oregon, Idaho, Washington). L'hydrodistillation est
généralement précédée par un séchage partiel de 24 heures.
L'huile essentielle de menthe crépue (Ph. fse, 10' éd.) est obtenue par entraînement
li la vapeur d'eau des parties aériennes récemment cueillies de M. spicata L. L'huile
essentielle obtenue à partir de M. cardiaca Gérard satisfait également aux exigences de
la monographie JO. La norme NF T 75-245 [1986] la désigne par le terme « huile
essentielle de menthe verte ou menthe crépue» et précise que sont concernées les seules
variétés ou descendances hybrides de M. spicata donnant une huile essentielle riche en
carvone. La dernière édition de la norme indique les constituants principaux de l'huile
essentielle, mais ne précise pas les teneurs limites. L'huile essentielle officinale

10. La même édition de la Phannacopée définit la menthe verte comme étant « constituée par la
l'cuille séchée de M. viridis L ou M. spicata L. Elle contient au minimum 10 ml/kg d'huile essentielle ».
Elle est identifiée par les caractères microscopiques de la poudre (morphologie des éléments du
trichome) et par la CCM de l'huile essentielle (carvone) (Ph. fse, 10' éd., add. n° 38, arrêté du 25-08-
1997).
638 TERPÉNOÏDES

renferme de 55 à 67 % de carvone et de 2 à 25 % de limonène. La concentration des


autres constituants (menthone, isomenthone, menthol, menthofurane, acétate de
menthyle, cinéole) est inférieure à 2 %; la teneur en pulégone ne dépasse pas 0,5 %. La
teneur en produits azotés est deux fois plus élevée que dans l'huile essentielle de M. x
piperita (10 ppm, dont 1/3 de 2-acétyl-4-isopropénylpyridine). La norme internationale
ISO 3033:1998 prend maintenant en compte (3033-1 à 4: 2005) : le type native, M.
spicata (partie 1), le type Chine, 80 % et 60 %, Mentha viridis, var. crispa Benth., bi-
distillée (partie 2), le type Inde, M. spicata bi-distillée (partie 3), la variété Scotch (M. x
gracilis Sole (partie 4) .

• Huile essentielle partiellement démentholée de Mentha arvensis

Cette huile essentielle (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:1838]) est obtenue par entraîne-
ment à la vapeur d'eau à partir des parties aériennes fleuries, récemment cueillies, de
M. canadensis L. (syn. M. arvensis L. var. glabrata [Benth.] Fern., M. arvensis var.
piperascens Malinv. ex Holmes), puis séparation partielle du menthol par
cristallisation. Un refroidissement très lent de l'huile essentielle permet d'induire la
cristallisation d'une partie du menthol qu'elle contient.
Profil chromatographique : limonène, 1,5-7 %; cinéole, < 1,5 %; menthone, 17-
35 % ; isomenthone, 5-13 %; acétate de menthy le, 1,5-7 %; isopulégol, 1-3 %;
menthol, 30-50 %; pu1égone, < 2,5 %; carvone, < 2 %); le rapport cinéole (%) /
limonène (%) est inférieur à 1.
Pour sa part, la norme NF T 75-306:1985 définit cette huile essentielle comme étant
obtenue à partir de la« var. piperascens Malinvaud, cultivée au Brésil et en Chine ». La
norme indique par ailleurs deux profils chromatographiques (Chine et Brésil) ; les
limites données par la Pharmacopée correspondent en fait aux extrêmes observés pour ;
chacune des origines. Ex. : limonène: Brésil, 5-7 %, Chine, 1,5-4 % ; menthol: Brésil,
30-40 %, Chine 35-45 %, etc. La limite supérieure proposée pour la menthone est de
32 % (Brésil), celle indiquée pour la pulégone est de 1 % (pour les 2 provenances). La
norme mentionne explicitement qu'il n'y a pas de carvone dans M. arvensis et, enfin,
inclut dans le profil chromatographique le néomenthol (3-4 % [Brésil] et 4-7 % [Chine]
et la pipéritone (2,5-3,5 % [Brésil] et 0,5-1 % [Chine]).
Remarque: l'utilisation d'huiles essentielles de menthe dans l'aromatisation des
denrées alimentaires et des boissons peut conduire à la présence, dans celles-ci, de
pulégone. Le législateur a fixé des limites de concentrations pour cette cétone: denrées.;
alimentaires, 25 mg/kg; boissons, 100 mg/kg; boissons aromatisées à la menthe, 250
mg/kg; confiseries à la menthe, 350 mg/kg.

Menthol

Un seul desstéréoisomères du menthol est utilisé, le (-)-lR, 3R, 4S menthol,


aisément désigné (-)-menthol ou, parfois, menthol lévogyre. Les autres '~V11''';l",,;
optiquement actifs ne présentent pas les mêmes caractéristiques organoleptiques :
le menthol racémique induit - mais à un moindre degré - la sensation de 11 "'lv'''......:
HUILES ESSENTIELLES 639

caractéristique du (-)-menthol naturel. Bien que constituant principal de 1'huile


essentielle de menthe poivrée, le menthol n'est en principe pas extrait de celle-ci.
Plusieurs voies sont exploitables pour obtenir cet alcool monoterpénique :
• les huiles essentielles mentholées. Le menthol est cristallisé par congélation de
l'huile essentielle de M. arvensis qui demeure une matière première compétitive, en
particulier parce qu'il y a un marché - pâtes dentifrices, chewing-gums - pour l'huile
essentielle partiellement démentholée. Une quantité supplémentaire de menthol peut
être récupérée par saponification de l'acétate de menthyle et par hydrogénation de la
(-)-menthone (formation de (-)-menthol et de (+ )-néomenthol) ;
• les hémisynthèses. Le plus souvent leur intérêt est purement académique: double
réduction de la pulégone, cyclisation du (+ )-citronellal en (-)-isopulégol et réduction de
celui-ci, etc. Seuls les procédés développés à partir des pinènes peuvent faire l'objet
li 'une exploitation industrielle; certains pays utiliseraient le Ll3- carène;
• la synthèse totale. Plusieurs procédés ont été décrits. L'un des plus classiques
consiste à passer par le thymol, produit d'alkylation du rn-crésol par le propylène ou
l'isopropanol. Le menthol racémique est séparé par distillation et la résolution des
antipodes optiques est obtenue par la cristallisation des benzoates ou par des procédés
biotechiques.
Le menthol est largement consommé par l'industrie des tabacs (principalement aux
(~tats-Unis d'Amérique). En pharmacie, le menthol entre dans la formulation de crèmes
Hntiprurigineuses et de préparations destinées à « décongestionner» les voies aériennes
supérieures en cas de rhinite; c'est également un aromatisant. Il est incorporé dans des
produits d'hygiène buccale, des produits de rasage, etc. Certaines préparations topiques
utilisent aussi des esters d'un acide pyrolidinonique : lentement hydrolysé au niveau de la
peau, il assure une sensation de fraîcheur prolongée (déodorants, produits après-rasage,
etc). Il est recommandé de ne pas introduire de menthol dans les produis cosmétiques
destinés aux enfants de moins de 36 mois et d'en limiter la concentration à 4,5 % pour
ccux qui sont destinés aux enfants de 3 à 6 ans (Afssaps, 2008). Les industries agro-
ulimentaires, principalement la confiserie, l'utilisent couramment (DJA : 0-0,2 mg/kg) .

• ORIGAN, Origanum Spp.


L'origan est constitué par les feuilles et fleurs séchées, détachées des tiges, d' O.
(I/Iites L., d'O. vulgare L. subsp. hirtum (Link.) Ietsw., ou d'un mélange de ces 2
espèces. L'origan renferme au moins 25 ml/kg d'huile essentielle et la somme des
teneurs en carvacrol et thymol est au minimum de 60 % dans l'huile essentielle (Ph.
cur.,6' éd., [01/2008: 1880]).
L'origan, également connu sous le nom de marjolaine sauvage ou de grande
marjolaine, est une espèce vivace, commune en France. Ses tiges, souvent parcourues
de rouge, portent à leur extrémité des panicules de fleurs rouge-violet ou rose pâle. Les
feuilles des deux espèces ont une morphologie voisine. Quelques caractères
microscopiques permettent de les distinguer: ainsi, les poils tecteurs d'O. onites
l'ontiennent des cristaux prismatiques d'oxalate de calcium et ont une cuticule lisse,
nlors que chez O. vulgare la cuticule de ces poils est verruqueuse et l'oxalate se
640 TERPÉNOÏDES

présente sous la forme de petites aiguilles. Les teneurs en thymol et carvacrol de l'huile
essentielle sont déterminées par CPG.
L'origan fournit une huile essentielle généralement riche en thymol et/ou en
carvacrol. Sa composition varie très largement en fonction du chimiotype. Comme les
thyms, l'origan et son huile essentielle possèdent des propriétés antimicrobiennes 1

marquées. L'origan et ses produits n'ont fait l'objet d'aucune évaluation clinique.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour la sommité fleurie d'origan, deux indications
thérapeutiques pour la voie orale: traditionnellement utilisé 1° dans le traitement
symptomatique de troubles digestifs tels que ballonnement épigastrique, lenteur à la
digestion, éructations, flatulence; 2° au cours des affections bronchiques aiguës
bénignes. En usage local, trois indications sont possibles: 1° comme traitement
d'appoint adoucissant et antiprurigineux des affections dermatologiques, comme
trophique protecteur dans le traitement des crevasses, écorchures, gerçures et contre les
piqûres d'insectes; 2° comme antalgique dans les affections de la cavité buccale et/ou
du pharynx; 3° en cas de nez bouché, de rhume. Aucune évaluation toxicologique n'est
demandée pour la constitution d'un dossier« abrégé» d'AMM (poudre, sommité
fleurie pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la Commission E du BfArM ne recommande pas l'usage de l'origan
dans un but thérapeutique, son efficacité n'étant pas démontrée.
Plusieurs espèces du genre Origanum sont utilisées comme épices dans tout le
bassin méditerranéen. L'origan est l'un des constituants du mélange dit « herbes de
Provence» (voir, ci-dessous: sarriette) .

• ROMARIN, Rosmarinus officinalis L.

Les sommités fleuries de romarin fournissent 10 à 25 ml/kg d'une huile essentielle


spasmolytique et antibactérienne. (Voir en partie II, p. 285) .

• SARRIETTE DES MONTAGNES, Satureja montana L.

La sarriette des montagnes est constituée par la sommité fleurie séchée de .


S. montana. Elle contient au minimum 7 ml/kg d'huile essentielle (Ph. fse, 10' éd.).
Cette espèce - elle ne doit pas être confondue avec la sarriette des jardins, '
S. hortensis L. - croît dans le sud de l'Europe (ouest des Balkans) et en Afrique du'
Nord (il en existe plusieurs sous-espèces). Les nombreux rameaux portent des feuilles:
opposées, ciliées sur les bords, lancéolées, souvent acuminées. Les fleurs, blanches ou .
tachetées de rose, forment de longues grappes unilatérales de petits glomérules. Sur les:
sarriettes, voir les norme ISO 7928-1:1991 (sarriette des montagnes) et ISO 7928 ..
2: 1991 (sarriette des jardins).
L'huile essentielle de sarriette est riche en carvacrol (jusqu'à 80 % dans certains
échantillons) ou, éventuellement, en thymol; parmi les carbures, le p-cymène est;
IllJlLES ESSENTIELLES 641

toujours le plus abondant (jusqu'à 25 %). On remarque une forte incidence de la période
dc récolte sur la composition; les variations de celle-ci sont indépendantes de la sous-
L'spèce. L'huile essentielle de sarriette est fortement antiseptique in vitro. On ne dispose
d'aucune preuve solide de l'intérêt, en clinique, de cette espèce et de son huile
essentielle.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour lafeuille et la sommité fleurie de sarriette, une
indication thérapeutique pour la voie orale: traditionnellement utilisé dans le trai-
tement symptomatique de troubles digestifs tels que ballonnement épigastrique, lenteur
li la digestion, éructations, flatulence. En usage local, trois indications sont possibles:
1 pour le traitement des petites plaies après lavage abondant; 2° en cas de nez
<)

bouché, de rhume; 3° en bains de bouche pour l'hygiène buccale. Aucune évaluation


toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un dossier « abrégé» d'AMM
(poudre, sarriette pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en
soit le titre).
La sarriette ne fait pas l'objet d'une monographie de la Commission E du BfArM
IIlIcmand.
L'utilisation principale des sarriettes, fraîches ou sèches, est alimentaire. La sarriette
(26 %) entre, avec l'origan (26 %), le romarin (26 %), le thym (19 %) et le basilic
(3 %), dans la composition des « herbes de Provence» .

• SAUGES, Sa/via spp.

Deux espèces du genre Salvia font l'objet d'une monographie de la Pharmacopée


européenne: la sauge officinale (S. officinalis L., 6c éd., [0112008:1370]) et la sauge
trilobée (S.fructicosa Mill. [S. triloba L.ftl.], 6c éd., [0112008:1561]).
Dans les deux cas, la partie utilisée est constituée par la feuille séchée, entière ou
fragmentée. La feuille entière de sauge officinale doit contenir au moins 15 ml/kg
d'huile essentielle, celle de la sauge trilobée 18 ml/kg. Lorsque la feuille est frag-
mcntée, les teneurs minimales exigées sont réduites d'un tiers (c'est-à-dire ~ 10 ml/kg
pour la sauge officinale et ~ 12 ml/kg pour la sauge trilobée).

Les plantes, les feuilles.


Sauge officinale. La sauge officinale est un sous-arbrisseau très rameux, buisson-
IIlInt, à rameaux dressés. Les feuilles, opposées, ont un limbe oblong-ovale à elliptique
(2-10 x 1-2 cm), à extrémité arrondie ou subaiguë. Le limbe, gris-vert et finement
!(ranuleux sur la face supérieure, est blanc et pubescent sur la face inférieure. Les fleurs,
blcu-violacé, nettement bilabiées, sont groupées par trois en faux verticilles au sommet
des rameaux.
L'examen microscopique de la poudre de feuille (hydrate de chloral) montre, entre
lIutres, de nombreux poils articulés et recourbés à cellule basale très épaisse, et de
lIombreux poils glandulaires à pédicelle unicellulaire et à tête octocellulaire sous une
l'uticule saillante. La feuille, dont l'identité est confirmée par CCM (cinéole, thuyones),
Salvia officinalis L.
IIUILES ESSENTIELLES 643

ne renferme pas plus de 3 % de tiges. Sur les spécifications de cette sauge, voir aussi la
norme NF ISO 11165: 1996.

Sauge trilobée. Chez cette espèce, le limbe de la feuille (0,8-5 x 0,4-2 cm), forte-
ment pubescent sur les deux faces, a une base obtuse avec, parfois, un ou deux lobes
plus ou moins développés. La pubescence du pétiole, comme celle de la face inférieure
du limbe, est blanche. La nervation est indistincte.
La feuille pulvérisée, examinée au microscope (hydrate de chloral), montre un
épiderme supérieur à cellules ponctuées à épaississements en chapelet, et de très
nombreux poils tecteurs ou glanduleux de différents types (tecteurs articulés, droits ou
tortueux; glanduleux à tête 1-,2- ou 8-cellulaire).
La feuille ne renferme pas plus de 8 % de tiges et, sur la CCM d'un extrait
méthanolique, la bande correspondant à la thuyone est absente (ou faible).

Composition chimique. La sauge officinale renferme de 1 à 3 % de flavonoïdes.


Ceux-ci sont des glycosides de l'apigénol et du lutéolol (cosmosioside, cynaroside, etc.)
ct, comme chez beaucoup de Lamiaceae, des flavones substituées en C-6 (dérivés 6-
hydroxy et 6-méthoxy du lutéolol, de l'apigénol et de leurs dérivés O-méthylés en C-7 :
genkwanine, scutellaréine, hispiduline, eupafoline, cirsiliol, etc.). La feuille renferme
aussi de nombreux triterpènes dérivés de l'ursane (l'acide ursolique est majoritaire) et
de l'oléanane (acide oléanolique et dérivés hydroxylés en C-2) ainsi que des diterpènes
(carnosol, rosmanol, épirosmanol, acide carnos(ol)ique, carnosate de méthyle, acide
carnosique-12-méthyléther-y-Iactone, rosmadial), des acides-phénols dérivés de l'acide
hydroxycinnamique (acides rosmarinique, caféique, salvianolique 1, glycosides
caféiques, benzoïques et féruliques) ainsi que des glycosides d'acétophénones.
L'huile essentielle de sauge officinale (8-25 ml/kg) est caractérisée par la présence
de camphre, de cinéole et d'a- et P-thuyones, des cétones monoterpéniques bicycliques.
L'a-thuyone [= (-)-(lS,4R,5R)-thuyan-3-one] et la P-thuyone [= (+)-(lS,4S,5R)-thu-
yan-3-one] peuvent représenter jusqu'à 60 % de l'huile essentielle, l'a-thuyone étant
prcsque toujours largement prépondérante. La composition de l'huile essentielle varie
Cil fonction de nombreux facteurs. Le profil défini par la norme NF ISO 9909: 1999
pour l'huile essentielle de sauge officinale est le suivant: a-thuyone, 18-43 %; P-
thuyone, 3-8,5 %; camphre 4,5-24,5 %; cinéole, 5,5-13 %; humulène, 0-12 %; a-
pinène, 1-6,5 %; camphène, 1,5-7 %; limonène, 0,5-3 %; linalollibre et estérifié, 1 %
all maximum; acétate de bornyle, 2,5 % au maximum.
L'huile essentielle de sauge trilobée renferme principalement du cinéole (60 %), du
camphre, du bornéol, du terpinéol et environ 7 % de thuyones.

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Ix-thuyone =(-)-(1S,4R,5R)-thuyan-3-one] ~-thuyone =(+)-(1S,4S,5R)-thuyan-3-one (+)-camphre


644 TERPÉNOÏDES

Pharmacologie, évaluation clinique. La sauge officinale jouit d'une réputation de


panacée. Si l'expérimentation animale ne confirme pas toutes les vertus qui lui sont
prêtées, elle ne dément pas les propriétés antispasmodiques: de faibles doses d'huile
essentielle inhibent les contractions de l'iléon isolé de Cobaye induites par une
stimulation électrique. L'extrait hydro-alcoolique montre également des propriétés
spasmolytiques à l'encontre des spasmes provoqués par l'acétylcholine ou la sérotonine
(rôle possible des flavones polyméthoxylées ? voir « thym », p. 647). In vitro, l'huile
essentielle inhibe l'acétylcholinestérase, cette activité étant rapportée aux
monoterpénoïdes (cinéole en particulier). Des propriétés antioxydantes, mises à profit i
depuis longtemps dans l'alimentation, ont également été démontrées. Elles sont liées à
la présence des diterpènes et de l'acide rosmarinique. Extrait et huile essentielle sont
antimicrobiens. In vitro, on a noté une activité antivirale.
On ne dispose pas de preuves cliniques de l'intérêt de la sauge dans la prise en
charge des troubles fonctionnels digestifs. L'efficacité d'une crème renfermant un
extrait de sauge associé à un extrait de rhubarbe ne semble pas différente de celle d'une
crème à l'aciclovir (5 %) pour traiter un herpès labial (pas de groupe placebo). Il est
aussi possible qu'un spray à l'extrait aqueux de sauge soulage la douleur liée à
l'inflammation dans les pharyngites d'origine virale (un essai randomisé de 286
patients). Les données limitées sur le rôle que la sauge pourrait jouer pour améliorer la '
mémoire et les performances cognitives doivent être approfondies.

Toxicité, effets indésirables. La feuille, les préparations aqueuses et les extraits


hydro-alcooliques semblent peu toxiques. La DLso de l'huile essentielle de sauge
officinale est de 2,6 g/kg (Rat). Par voie IP, des convulsions apparaissent au-dessus de
0,5 g/kg et deviennent létales à 3,2 g/kg. Les thuyones (a + P) sont toxiques (DLso =
0,19 g/kg, Rat, voie orale). L'a-thuyone est plus toxique que son isomère (DLso = f
0,087 g/kg et 0,44 g/kg, voie SC). Ces cétones interagissent réversiblement avec les :'
récepteurs à l'acide gamma-aminobutyrique de type A (GABA A ), d'où leur action'
convulsivante. Les crises convulsives observées en cas d'intoxication peuvent être
entrecoupées d'épisodes hyporéflexiques et hypotoniques.

Emplois.
En pharmacie, la feuille de S. officinalis est utilisée, entre autres, pour l'obtention de,
la teinture de sauge officinale (Ph. eur., 6" éd., [01/2008:1889]) : teinture au 1/10,
dans l'éthanol à 70 %, contenant au minimum 0,1 % d'huile essentielle. 1

En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet qu'il est!


possible de revendiquer, pour lafeuille de sauge d'Espagne (S.lavandulifolia Vahl.), deJ
sauge officinale et de sauge sclarée, deux indications thérapeutiques identiques. L'une:,
par voie orale (traditionnellement utilisé dans le traitement symptomatique de troubles
digestifs tels que: ballonnement épigastrique, lenteur à la digestion, éructations;:
flatulence), l'autre en usage local (traditionnellement utilisé en bain de bouche pour;
l'hygiène buccale). La sauge sclarée peut en outre être utilisée pour le traitement desf
petites plaies après lavage abondant (à l'eau et au savon) et élimination des souillures,ï
Si le phytomédicament à base de sauge est une poudre de feuille, un extrait hydro.;;
alcoolique de titre alcoolique> 30 % ou une teinture, le dossier« abrégé» d' AMM doi~;
IIUILES ESSENTIELLES 645

comporter une étude toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour la feuille
pour tisane, l'extrait aqueux et les extraits hydro-alcooliques de titre inférieur à 30 %.
Dans le cas de la sauge officinale, une teneur limite en constituant actif doit en outre
être proposée.
En Allemagne, une seule espèce de sauge - la sauge officinale - fait l'objet d'une
monographie publiée par la Commission E du BfArM. Les usages reconnus à cette
sauge (feuille) sont les suivants: en cas de troubles dyspeptiques ou d'hypersudation
(voie orale) et dans les inflammations des muqueuses du nez et de la gorge (voie
locale). Posologie (voie orale) : feuille, de 4 à 6 g par jour; teinture, de 2,5 à 7,5 g par
jour; extrait fluide, de 1,5 à 3 g par jour; huile essentielle, de 0,1 à 0,3 g par jour. En
gargarisme: 2,5 g de feuille pour 100 ml (ou 2-3 gouttes d'huile essentielle ou 5 g
d'extrait pour ce même volume d'eau). Les extraits alcooliques de feuille de sauge et
l'huile essentielle sont contre-indiqués chez la femme enceinte. Leur utilisation
prolongée peut entraîner des convulsions épileptiformes.
La vente au détail et toute dispensation au public d'huile essentielle de sauge et de
ses dilutions et préparations ne constituant ni des produits cosmétiques, ni des produits
1\ usage ménager, ni des denrées ou boissons alimentaires est réservée aux pharmaciens
(Articles L4211-1 et D42l1-13 du Code de la santé publique).
La sauge est utilisée en cuisine, notamment sur les rivages de la Méditerranée
(Italie, Grèce) où elle agrémente de nombreux plats et sauces.
Si les thuyones ne peuvent être ajoutées en tant que telles dans les denrées
alimentaires, elles peuvent y être présentes à la suite de l'adjonction d'arômes préparés à
partir de matières de base naturelles. La législation communautaire prévoit que leur
teneur ne doit pas dépasser 0,5 mg/kg dans les denrées et les boissons, 5 mg/kg dans les
boissons alcoolisées titrant jusqu'à 25 % d'alcool, 10 mg/kg si le titre est supérieur à
25 %, 25 mg/kg dans les denrées alimentaires contenant des préparations à base de
sauge, 35 mg/kg dans les amers .

• AUTRES SAUGES: HUILES ESSENTIELLES

L'huile essentielle de sauge d'Espagne est obtenue par entraînement à la vapeur


d'eau des parties aériennes de Salvia lavandulaefolia Vahl. récoltées pendant la
Iloraison (Ph. eur., 6c éd. - 6.2, [07/2008:1849).
Profil chromatographique: a-pinène, 4-11 %; sabinène, 0,1-3,5 %; limonène, 2-
6,5 %; cinéole, 10-30,5 %; a- et P-thuyones, < 0,5 %; camphre, 11-36 %; linalol, 0,3-
4 %; boméol, 1-8 %; acétate de linalyle, < 5 %; terpin-l-én-4-ol, < 2 %; acétate de
sabinyle, 0,5-9 %; acétate d'a-terpinyle, 0,5-9 %; boméol, 1-7 %. Voir aussi la norme
NF ISO 3526:2005.

L'huile essentielle de sauge sclarée est obtenue par entraînement à la vapeur d'eau
des tiges fleuries, fraîches ou séchées, de S. sclarea L. (Ph. eur., 6c éd., [01/2008:1850).
Profil chromatographique : a- et P-thuyone : < 0,2 %; linalol : 6,5-24 %; acétate de
Iinalyle: 56-78 %; a-terpinéol: < 5 %; germacrène-D: 1-12 %; sclaréol: 0,4-2,6 %.
646 TERPÉNOÏDES

L'huile essentielle de sauge sclarée peut être « de sauge sclarée traditionnelle»


(c'est-à-dire obtenue par hydrodistillation des sommités fleuries séchées) ou « de sauge
sclarée broyée en vert ». Les profils chromatographiques de ces deux produits, [NF T
75-255:1992] prennent en compte la différence de composition entraînée par le choix
du mode d'obtention: linalol, 6,5-13,5 % (traditionnelle) ou 13- 24 % (en vert); acétate
de linalyle, 62-78 % (traditionnelle) ou 56-70,5 % (en vert), etc.
L'essence concrète de sauge sclarée renferme surtout du (-)-sclaréol (70 %) (et son
épimère en C-13), diterpène concentré au niveau des calices (0,9-1,7 %) et peu
abondant dans le produit d'hydrodistillation (2 %). Ce sclaréol constitue une matière
première pour l'industrie des parfums (c'est un fixateur), pour l'aromatisation des tabacs
et pour l'hémisynthèse, via le sclaréolide (ou, partiellement, par biotransformation), de
l'oxyde d'ambre (Ambrox@).

Préparation de l'ambrox "


1- oxydation chromique
2- réduction par un hydrure

sclaréol
~@Q9 sclaréo/ide
ambrox
(oxyde d'ambre)

• SERPOLET , Thymus serpyllum L.

Le serpolet est constitué par les parties aériennes fleuries séchées, entières ou'
fragmentées, de T. serpyllum L. s.l. Elles contiennent au minimum 3 ml/kg d'huile.
essentielle (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:1891]).

Cette petite herbe vivace à tiges couchées, grêles et ramifiées, à feuilles opposées
elliptiques et ponctuées, et à petits glomérules de 6-12 fleurs très odorantes blanches,
roses ou pourpres, est très commune dans nos régions. La plante renferme de 1
6 ml/kg d'une huile essentielle de composition très variable (thymol, carvacrol,
etc.), d'autant plus variable qu'elle n'est pas toujours différenciée de T. pulegioides L.
qu'il existe de nombreuses sous-espèces. On ne sait à peu près rien de la
de cette espèce dont l'efficacité chez l'humain n'a pas été évaluée.
En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet qu'il
possible de revendiquer, pour le serpolet, les mêmes indications thérapeutiques q
celles qui sont admises pour le thym. L'incorporation de serpolet dans un médicament
base de plante se fait dans les mêmes conditions réglementaires que pour le thym.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BjArM précise
le serpolet est utilisé en cas d'inflammation des voies respiratoires supérieure
Posologie: 6 g de plante par jour.
IIUILES ESSENTIELLES 647

• THYM, Thymus vulgaris L., T. zygis L.

Le thym est constitué par lafeuille et lafleur, entière, détachée des tiges préala-
blement séchées de T. vulgaris ou de T. zygis, ou par un mélange de ces deux espèces. Il
contient au minimum 12 ml/kg d'huile essentielle dont au minimum 40 % de thymol et
carvacrol (Ph. eur., 6' éd. - 6.4, [04/2009:0865]).

Les plantes, la feuille, la fleur. Les thyms sont des sous-arbrisseaux à tiges
dressées, ligneuses, tortueuses et très rameuses. Les rameaux portent des feuilles
opposées, subsessiles. Les fleurs, petites, mauves, zygomorphes, sont groupées en glo-
mérules ovoïdes.
Les feuilles de T. vulgaris, lancéolées ou linéaires (4-12 x 3 mm), ont un limbe
coriace, fortement enroulé sur les bords vers la face ventrale. Leur face dorsale est
marquée par une nervure centrale déprimée; les deux faces sont recouvertes d'un
indument gris à gris-vert. Les fleurs à calice tubuleux, vert, bilabié et obturé après la
Iloraison par une couronne de longs poils raides, ont une corolle brunâtre à l'état
desséché, faiblement bilabiée, deux fois plus longue que le calice.
La feuille de T. zygis est plus petite que celle de T. vulgaris (1,7-6,5 x 0,4-1,2 mm);
linéaire à aciculée, elle est garnie, sur les bords du limbe, de longs poils blancs.
L'examen microscopique de la poudre (hydrate de chloral) montre, entre autres, des
~pidermes à stomates diacytiques, des poils sécréteurs dodécacellulaires, des poils
glanduleux à pédicelle unicellulaire et des poils tecteurs 1-,2-, 3-cellulaires verruqueux,
le plus souvent coudés (T. vulgaris) ou plus ou moins dressés (T. zygis).
Le thym ne doit pas renfermer plus de 10 % de tiges de diamètre supérieur à 1 mm
ct de longueur supérieure à 15 mm. Les feuilles de serpolet - elles portent de longs
poils à la base - doivent être absentes. Le dosage des phénols, pratiqué sur l'huile
,~sscntielle obtenue lors du dosage de celle-ci, est réalisé en CPG. Sur le thym, voir
lIussi la norme NF ISO 6754: 1996.

Composition chimique. La teneur en huile essentielle de la feuille varie de 5 à


25 ml/kg et sa composition fluctue selon le chimiotype considéré, une demi-douzaine
de ceux-ci ayant été décrits pour la seule région méridionale de la France. Le thym
l'enferme de la taxifoline, de la naringénine, des hétérosides de l'apigénol, du lutéolol et
du 6-hydroxylutéolol ainsi que des flavones di-, tri- et tétraméthoxylées, toutes
Hubstituées en C-6: 5,4'-dihydroxy-6,7,3'-triméthoxyflavone (cirsilinéol) et son dérivé
lIlélhoxylé en C-8 ; 5,6,4' -trihydroxy-7 ,8,3' -triméthoxyflavone (thymonine) ; 5,4'-
dihydroxy-6,7 ,8-triméthoxyflavone ; 5,4' -dihydroxy-6,7 -diméthoxyflavone. D'autres
~!()nstituants ont été caractérisés: triterpènes (acide ursolique), acides-phénols dérivés
dl~ l'acide hydroxycinnamique (acide rosmarinique [jusqu'à 2,5 %] et trimère
phénylpropanoïque, acide caféique), oses, p-cymène diol, thymoquinols glucosylés,
~'()l11posés biphényliques, dérivés de l'acétophénone glycosylés, etc.

Pharmacologie, évaluation clinique. L'huile essentielle de thym, riche en phénols,


cst douée de propriétés antibactériennes et antifongiques facilement mises en évidence
III \,itro. Tous les chimiotypes sont actifs, mais l'activité bactéricide est plus marquée
648 TERPÉNOÏDES

pour les types à thymol et carvacrol. Des propriétés antivirales (influenza A) ont été
détectées pour l'extrait fluide et l'extrait aqueux inhibe, in vitro, la croissance
d'Helicobacter pylori.
L'activité spasmolytique du thym est le plus souvent attribuée aux phénols de l'huile
essentielle. En fait, LEMLI et v AN DEN BROUCKE ont montré que si les phénols s'opposent
effectivement aux contractions provoquées sur l'iléon et la trachée du Cobaye par
l'histamine, l'acétylcholine ou d'autres réactifs, leur concentration dans les préparations
aqueuses de thym est insuffisante pour justifier à elle seule leur activité. Ces auteurs ont
montré que l'activité spasmolytique de ces préparations est aussi liée à la présence des
polyméthoxyflavones. Le thym doit ses propriétés antioxydantes aux flavones et à un
constituant biphénylique beaucoup plus efficace que le BHT (butylhydroxytoluène) : à
une concentration de 1flM, il inhibe la peroxydation lipidique induite in vitro au niveau
des mitochondries et des microsomes; il inhibe également partiellement la production
de l'anion superoxyde. Chez le Rat, l'administration au long cours d'huile essentielle
s'oppose à la perte de pouvoir antioxydant lié au vieillissement.
Ni le thym seul, ni l'huile essentielle de thym pure n'ont fait l'objet d'une évalua-
tion clinique incontestable. On peut toutefois noter que le thymol serait responsable de
l'efficacité d'une solution pour bains de bouche destinée à combattre les bactéries"
impliquées dans la formation de la plaque dentaire. Cette solution, qui renferme aussi
du menthol et de l'eucalyptol, est également susceptible de réduire la contamination de '
la salive par le virus de l'herpès au cours d'un épisode d'herpès labial.

Toxicité, effets indésirables. La toxicité aiguë de l'huile essentielle est faible (DLSO'
=4,7 g/kg). Celle du thymol varie de 0,9 g/kg à 1,8 g/kg selon l'espèce de rongeur
considérée (pour le carvacrol, elle varie de 0,1 à 0,8 g/kg). Pure, l'huile essentielle
irritante au niveau de la peau et, surtout, des muqueuses. On a observé de rares
réactions allergiques à la plante, pas à l'huile essentielle.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998)


qu'il est possible de revendiquer, pour lafeuille et la sommité fleurie de thym,
indications thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 1° dans
traitement symptomatique de troubles digestifs tels que: ballonnement
lenteur à la digestion, éructations, flatulence; 2° dans le traitement symptomatique de
toux. En usage local, quatre indications sont possibles: 1° pour le traitement des
plaies après lavage abondant (à l'eau et au savon) et élimination des souillures; 2°
cas de nez bouché, de rhume; 3° comme antalgique dans les affections de la
buccale et/ou du pharynx (collutoire, pastille); 4° en bain de bouche pour l'
buccale. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée pour la constitution
dossier « abrégé» d'AMM (poudre, thym pour tisane, extraits aqueux et extraits
alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise
le thym (feuille etfleurs) est utilisé dans les symptômes de la bronchite et de
coqueluche, et en cas d'inflammation des voies respiratoires supérieures. Posologie,
feuille et fleurs, de 1 à 2 g pour une tasse de tisane, plusieurs fois par jour selon
besoin; extrait fluide: de 1 à 2 g, 3 fois par jour. En usage local: infusion à 5 %.
Il tilLES ESSENTIELLES 649

La monographie communautaire de l'HMPC recense 7 extraits utilisés, comme la


plante et sur la seule base d'un usage ancien, en cas de toux associée au rhume. Elle
précise que le thym n'est pas recommandé avant l'âge de quatre ans et fixe, pour
chacune des formes, la posologie selon l'âge (ex. : sommité fleurie en infusion: 3-8 g/j
1::: 3-4 x 1-2 g], uniquement après douze ans). L'usage n'est pas recommandé chez la
l'emme enceinte ou allaitante (réf. EMEAlHMPC/234113/2006, 31 octobre 2007).

L'huile essentielle de thym (Ph. eur., 6' éd., [0112008:1374]) est obtenue à partir
des parties aériennes fleuries fraîches de T. vulgaris, de T. zygis, ou d'un mélange des 2
l'spèces. C'est un liquide de couleur jaune à brun-rouge très foncé.
Profil chromatographique : ~-myrcène, 1-3 % ; y-terpinène, 5-10 % ; p-cymène, 15-
2K %; linalol, 4-6,5 %; terpinén-4-01, 0,2-2,5 %; thymol, 36-55 %; carvacrol (1-4 %).
Voir aussi la norme NF ISO 14715: 1999 [type Espagne, T. zygis]).
Huile essentielle et thymol entrent dans la formulation de diverses spécialités:
pommades antiseptiques et cicatrisantes, sirops pour le traitement des affections des
voies respiratoires, préparations pour inhalation. L'huile essentielle est largement
utilisée - comme antiseptique - par l'aromathérapie. Le thymol, antiseptique
l'xterne et intestinal, antifongique et anthelminthique, entre dans la composition de
spécialités destinées à l'antisepsie buccale et au traitement d'irritations cutanées.
L'huile essentielle de thym est utilisée dans les secteurs de l'agroalimentaire, de la
parfumerie, des produits d'hygiène (savons, déodorants, etc.).

Autres Lamiaceae - PENNYROYAL

Le terme s'applique en premier lieu à Hedeoma pulegioides (L.) Pers., espèce du


Nouveau Monde fournissant l'essence de pennyroyal « américaine ». Il est également
l~l11ployé pour désigner la menthe pouliot, M. pulegium L., qui fournit l'essence de
pennyroyal « européenne ». Ces espèces ne sont pas décrites par la Pharmacopée; elle
ne sont pas non plus retenues par la Note Explicative de 1998. L'huile essentielle de
Illenthe pouliot fait l'objet d'une norme (NF T 75-233:1980).
Comme celle de M. pulegium (5-10 ml/kg), l'huile essentielle de H. pulegioides (10-
20 ml/kg) est caractérisée par la prépondérance de la (R)-( +)-pulégone (70-90 %),
neeompagnée d'autres cétones monoterpéniques : isomenthone, menthone, pipéri-
lénone. Comme la menthe pouliot, le pennyroyal américain jouit d'une réputation
d'antispasmodique, de stimulant digestif et, par voie externe, d'antiseptique et de
l'épulsif (ce que soulignent le nom anglais de tick-weed et le nom spécifique pulegium,
l'ormé sur le latinpulex =puce).
Si les propriétés traditionnellement attribuées à ces plantes n'ont fait l'objet d'aucune
Investigation pharmacologique, on connaît par contre la toxicité de l'huile essentielle
1111 i a été à plusieurs reprises responsable d'accidents mortels, le plus souvent
consécutifs à une tentative d'avortement (l'huile essentielle jouit en effet d'une
l'éputation d'emménagogue et d'abortive). La toxicité, essentiellement hépatique, est liée
h la pulégone (DLso =0,47 g/kg [Rat,per os]). Si le mécanisme exact de la toxicité
l'cstc à élucider, on sait que cette cétone est, au niveau hépatique, oxydée en métabolites
Sassafras albidum (Nutt.) Nees
IIUILES ESSENTIELLES 651

(lJ-hydroxypulégone, (R)-( +)-menthofurane, époxymenthofurane, 8-pulégone aldéhyde,


etc.) responsables de la nécrose des tissus.
On considère habituellement que l'utilisation d'infusions des tiges feuillées de ces
espèces n'entraîne aucun effet indésirable. Notons cependant que deux cas d'atteinte
hépatique aiguë ont été observés chez deux très jeunes enfants (6 et 8 mois) à la suite de
la consommation d'une infusion: l'un des deux enfants est décédé.

D. Lauraceae à huiles essentielles

• CANNELIER DE CEYLAN, Cinnamomum verum J. Presl (= C.


zeylanicum Nees).

La cannelle dite de Ceylan est constituée par l'écorce desséchée, privée du liège
externe et du parenchyme sous-jacent, des rejets développés sur les souches taillées de
('. zeylanicum. Nees. Elle contient au minimum 12 % d'huile essentielle (Ph. eur., 6'
éd., [0112008:0387]).

La plante. Le cannelier dit de Ceylan est un petit arbre haut de 10 à 12 mètres, à


feuilles persistantes, coriaces, luisantes à la face supérieure du limbe; froissées, ces
feuilles dégagent une forte odeur de girofle. Les fleurs, groupées en cymes, sont très
petites. Le fruit est drupacé.
Originaire du sud-ouest de l'Inde et du Sri-Lanka, introduit dans les îles de l'Océan
Indien et dans le sud-est asiatique, le cannelier est principalement cultivé au Sri Lanka.
l,cs plants, rasés cinq ou six ans après leur mise en place, produisent des rejets qui sont
retaillés tous les deux ans. Ces rejets, débarrassés des tiges latérales, sont incisés pour
détacher liber et écorce. Les principaux producteurs de cannelle(s) étaient en 2007 :
l'Indonésie (60 000 tonnes), la Chine (55000 tonnes), le Sri Lanka (13000 tonnes), le
Vietnam (9 500 tonnes), Madagascar (1 500 tonnes), etc. (données FAO, toutes espèces
Cl variétés confondues).
Sur le marché des épices, la cannelle type Sri Lanka, type Seychelles ou type
Madagascar peut se présenter en tuyaux entiers (quills, épiderme gratté de l'écorce
interne), en tuyaux brisés (quillings), en morceaux (jeatherings), en copeaux (chips) ou
cn poudre. Les qualités commerciales correspondent à des épaisseurs différentes, les
plus fines étant les plus appréciées.

L'écorce. L'écorce de cannelle de Ceylan se présente en tuyaux isolés ou emboîtés.


La face externe, de couleur brun-jaune, est lisse et marquée de fines stries
longitudinales blanchâtres et sinueuses. La face interne, plus sombre, est également
Hlriée. L'odeur est aromatique.
Examinée au microscope (hydrate de chloral), la poudre d'écorce présente des
IIol'Oupes de cellules scléreuses arrondies à parois ponctuées, de nombreuses fibres
Isolées, souvent entières, à lumen étroit et à parois épaisses, de petits cristaux
lIeiculaires d'oxalate de calcium. L'examen de la poudre dans le glycérol à 50 %
Itlontre la présence d'abondants grains d'amidon.
652 TERPÉNOÏDES

En CCM, il est possible de bien visualiser l'aldéhyde cinnamique et son dérivé


méthoxylé par pulvérisation, sur la plaque, d'une solution de phloroglucinol. Selon
WrcHTL [2002], la richesse en coumarines de la cannelle de Chine permet d'écarter
confusions et falsifications : une fluorescence vert intense de la poudre humectée par
une solution à 10 % d'hydroxyde de baryum traduit la présence de la cannelle de
Chine.Yoir aussi, sur les spécifications des différents types commerciaux, la norme NF
ISO 6539:1998.

Composition chimique. L'écorce renferme de l'amidon et du mucilage, des


diterpènes polycycliques et des oligomères proanthocyanidoliques (tri- et pentamères).
L'huile essentielle (de 0,5 à 2,5 %) est très majoritairement composée de dérivés •.
phénylpropaniques: E-cinnamaldéhyde (65-80 %), eugénol (jusqu'à 10 %), acétate de '.'
cinnamyle. Elle renferme également de très nombreux mono- et sesquiterpènes. Les "
teneurs en benzoate de benzyle et en eugénol varient considérablement selon le
chimiotype.

Pharmacologie. Si l'activité de l'écorce, traditionnellement dotée du qualificatif de .


« stimulant aromatique », n'a guère été étudiée, celle, antibactérienne, de l'huile,
essentielle a été démontrée in vitro (Bacillus anthracis, Escherichia coli, Pseudomonas
aeruginosa, Staphylococcus aureus, Salmonella typhimurium, etc. pour des CM~,
variant de 0,05 à 0,25 mg/ml). Le cinnamaldéhyde et l'huile essentielle de cannelle.·
inhibent la croissance de nombreux champignons et levures (concentrations de 150 ~,
200 ppm). Sur les dermatophytes, l'action est comparable à celle du kétoconazole (
/.tg/ml). L'huile essentielle exerce, sur organe isolé, une activité spasmolytique.
travaux expérimentaux ont montré un effet sédatif du cinnamaldéhyde sur le SNC de
Souris (voie IP) et un effet de stimulation respiratoire et myocardique chez le
(voie IV). Son action hypotensive (Chien, Cobaye) serait due à une
périphérique. On note sa capacité à diminuer les mouvements gastriques et les sp~lsrrlest
intestinaux (rongeurs). La plupart de ces activités ne sont en fait observées que pour
doses élevées administrées par voie parentérale. Les constituants phénoliques
l'écorce sont antioxydants.

Evaluation clinique. La cannelle et ses produits n'ont pratiquement pas été


chez l'humain. Une petite étude pilote a conclu à l'inefficacité d'un extrait a~,"·vv.U\.I'AOii
pour éliminer Helicobacter pylori (à la dose utilisée).

Toxicité, effets indésirables. La toxicité aiguë de l'huile essentielle est très


(DLso =4,16 glkg, Rat, voie orale). Celle de l'extrait aqueux est de 4,98 glkg, (voie
La toxicité du cinnamaldéhyde est fonction de la voie d'administration (per os, la DL
est de 2,22 g/kg chez le Rat). Chez le Rat, l'addition de 1 % de cinnamaldéhyde à
ration alimentaire pendant 16 semaines a provoqué une légère hyperkératose stolmalcalG
et un gonflement des hépatocytes. La consommation prolongée de cinnamaldéhyde
ans) n'a pas eu d'incidence sur la fréquence de cancérisation de l'estomac des
Les données sur la génotoxicité et la mutagénicité du cinnamaldéhyde Uv~Hvl'H"'I"
d'interprétation délicate. Sa cytotoxicité a été établie sur plusieurs lignées cellulaires.
IIUILES ESSENTIELLES 653

La consommation de cannelle ne présente aucun risque démontré et la dose


.i( lUmalière acceptable pour l 'humain a été fixée à 1,25 mg/kg de cinnamaldéhyde.
L'huile essentielle et le cinnamaldéhyde, présents dans la nourriture et dans divers
produits d'hygiène, sont irritants pour la peau et les muqueuses. Il n'est pas rare qu'ils
soient à l'origine de manifestations allergiques qui se traduisent par une urticaire, des
œdèmes de la face et des lèvres, etc. L'allergie croisée au cinnamaldéhyde est assez
fréquente chez les sujets allergiques au baume du Pérou. Les dentifrices et les gommes
11 mâcher aromatisés à la cannelle (ou au cinnamaldéhyde) sont susceptibles de
provoquer des altérations de la muqueuse buccale (inflammations, modifications de
l'épithélium, hyperkératose, dysplasie). Un cas de carcinome de la langue semblant
associé à un usage massif et prolongé d'une gomme à mâcher à la cannelle a été décrit.
Il y a une vingtaine d'années, on a signalé une série de détournements d'usage de
l'huile essentielle de cannelle par des enfants et des adolescents. Il en a résulté des
hrûlures de la bouche, une rougeur du visage et, pour certains, des nausées et des
douleurs abdominales.
Il ne semble pas avoir été signalé d'interactions médicamenteuses avec la cannelle.
Toutefois, certains auteurs n'excluent pas une éventuelle réaction entre le cinnamal-
déhyde et des substances médicamenteuses possédant une fonction amine primaire.

Emplois. En pharmacie, l'écorce est utilisée pour l'obtention de la teinture de


cannelle dite de Ceylan (Ph. eur, 6" éd., [01/2008: 1819]) et pour celle de l'huile
essentielle de cannelle (voir ci-dessous).
En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet qu'il est
possible de revendiquer, pour l'écorce des cannelliers (de Ceylan ou de Chine), les
indications thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 1° dans le
traitement symptomatique de troubles digestifs tels que ballonnement épigastrique,
lenteur à la digestion, éructations, flatulence; 2° dans les asthénies fonctionnelles et, 3°
pour faciliter la prise de poids. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée pour
la constitution d'un dossier« abrégé» d'AMM (poudre, écorce pour tisane, extraits
aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
l'écorce des cannelliers (Ceylan ou Chine) est utilisée en cas de perte d'appétit, de
plaintes dyspeptiques telles que des spasmes modérés du tractus gastro-intestinal, un
hallonnement ou une flatulence. Posologie: écorce (ou préparation équivalente), de 2 à
4 g par jour; huile essentielle: de 0,05 à 0,2 g par jour. Écorce et huile essentielle sont
contre-indiquées en cas d'allergie à la cannelle ou au baume du Pérou, ainsi que chez la
femme enceinte.
Épice très recherchée, la cannelle de Ceylan est surtout utilisée (en Europe) pour
aromatiser les recettes sucrées et certaines boissons.

L'huile essentielle de cannelle dite de Ceylan (Ph. eur., 6" éd., [01/2008:1501]) est
ohtenue par entraînement à la vapeur à partir de l'écorce de jeunes tiges de C. verum.
Profil chromatographique : cinéole, < 3 % ; linalol, 1-6 % ; ~-caryophyllène, 1-4 % ;
safrole, < 0,5 %; aldéhyde trans-cinnamique, 55-75 %; eugénol, < 7,5 %; coumarine,
< 0,5 %; trans-2-méthoxycinnamaldéhyde, 0,1-1 %; benzoate de benzyle, < 1 %. Le
654

safrole, la coumarine et le cinéole peuvent être absents sur le chromatogramme. Voir


aussi la norme NF T 75-417:1988.

L'huile essentielle (de feuille) de cannelier dit de Ceylan (Ph. eur., 6' éd.,
[0112008:1608]) est obtenue par entraînement à la vapeur d'eau à partir des feuilles .
C. verum.
Profil chromatographique : cinéole, < 1 %; linalol, 1,5-3,5 %; ~-caryophyllène, 1,5.
7 %; safrole, < 3 %; aldéhyde trans-cinnamique, < 3 %; acétate de cinnamyle, < 2 % i
eugénol, 70-85 %; coumarine, < 1%. Les pics du cinéole, du safrole, de l'aldéhyd~
trans-cinnamique et de la coumarine peuvent être absents sur le chromatogramme.
aussi la norme ISO 3524:2004 (type Sri Lanka) .

• CANNELIER DE CHINE, Cinnamomum aromaticum Nees


(= C. cassia Nees ex Blume)

L'espèce est cultivée dans le sud-ouest de la Chine (provinces de Guangxi et


Guandong); elle fournit une écorce qui, le plus souvent, conserve une partie de son
et son parenchyme cortical et qui, ce ce fait, est beaucoup plus épaisse que celle de
cannelle de Ceylan. Des fibres jaunâtres plus courtes et plus larges, un amidon
abondant et en grains plus gros constituent des éléments significatifs pour ditltenmcilel
la cannelle de Chine de celle du Sri Lanka. L'AFNOR regroupe en une seule
(NF ISO 6538:1998) le type Chine (c. aromaticum) et des produits moins fréquents
le marché, le type Vietnam (C.loureirii Nees) et le type Indonésie (c. burmanii
Blume).
Par hydrodistillation, l'écorce fournit au moins 20 ml/kg d'une huile v~')~llU<>JLlI
contenant 90 % de E-cinnamaldéhyde et très peu d'eugénol (il peut être
Plusieurs diterpènes, libres et osylés, ont été décrits: cinncassiols (A, B, C I -3, Dl-3'
cinnzeylanine. L'écorce renferme aussi des dérivés phénylpropaniques, des
furanofuraniques, des polysaccharides, des hétérosides mono- et sesqu'
(cassioside, cinnamoside) et de très nombreux dérivés flavaniques, notamment
proanthocyanidols di-et trimériques (A-2, B-l ,2,5,7, C-l) et des oligomères de 4 à'
unités, les cinnamtanins.

HO o

RO

cinncassiol E cinnamaldéhyde R =glc : cassioside OH

Les propriétés anti-ulcéreuses gastriques de l'extrait aqueux de l'écorce


attribuées à un dérivé phénylpropanique, l'acide 3-(2-hydroxyphényl)-propanoïque,
son glucoside qui se révèlent cytoprotecteurs (inhibition de l'ulcération induite par-
IIIIILES ESSENTIELLES 655

phénylbutazone, la sérotonine ou l'éthanol, 40 Ilg/kg, Rat, IP). Un autre travail attribue


l'uctivité anti-ulcéreuse au cassioside, au cinnamoside et à un dérivé hétérosidique du
lrillléthoxyphénol, sur la base d'un fractionnement guidé par un essai pharmacologique.
Au moins cinq essais cliniques randomisés en double aveugle versus placebo ont
t'valué la capacité de la cannelle de Chine à réduire le glucose sanguin à jeun chez des
slijets diabétiques (doses variant de 1 à 6 g par jour). Deux essais ont mis en évidence
1111 effet satistiquement significatif sur la glycémie, deux autres ont constaté l'absence
d'effet. De plus, il n'a pas été observé d'effet sur l'hémoglobine glucosylée (HbAlc).
Allcun effet indésirable notable n'a été relevé au cours de ces essais.

Emplois. En France, et en dépit de différences notables de composition, la Note


",:'/ilieative de 1998 de l'Agence du médicament (1998) admet que l'écorce de cannelle
de Chine peut être utilisée dans les mêmes indications traditionnelles que celles
lIutorisées pour l'écorce du cannelier de Ceylan (voir ci-dessus). II en est de même pour
III Commission E allemande.
Espèce traditionnelle de la médecine chinoise - elle lui attribue des vertus
Hlomachiques et calmantes des douleurs abdominales - , cette cannelle est surtout
ulilisée par l'industrie agro-alimentaire. D'autres cannelles (de Malabar, de Sumatra,
cllnnelle blanche, etc.) sont utilisées comme épice dans leurs régions d'origine.

L'huile essentielle de cannelier (Ph. eur., 6° éd., [01/2008:1496]) est obtenue par
tlnlraÎnement à la vapeur d'eau des feuilles et jeunes rameaux de C. eassia Blume
(C'. aromatieum Nees).
Profil ehromatographique : aldéhyde trans-cinnamique, 70-90 % ; acétate de cinna-
Illyle, 1-6 %; eugénol, < 0,5 %; coumarine, 1,5-4 %; trans-2-méthoxycinnamaldéhyde,
,1·15 % (l'eugénol peut être absent). Voir aussi la norme NF ISO 3216:1997 (type
Chine) .

• CAMPHRIER, Cinnamomum camphora (L.) J. Presl.

Le camphrier est un grand arbre asiatique (Taïwan, Chine) qui a longtemps été
~xploité pour la production de (+ )-(lR)-camphre, obtenu par refroidissement et
Llislillation de l'huile essentielle présente dans le bois (Hon-sho oil). Le camphre
l'IIcémique, analeptique cardiaque et respiratoire, est facilement obtenu par synthèse.
Après cristallisation et filtration du camphre, l'huile essentielle peut être distillée et
rl'Ilctionnée en 3 fractions: légère, moyenne - elle contient 80 % de safrole - et
luurde, riche en sesquiterpènes. Ces 3 fractions sont également connues sous les noms
. 1'\.lSpectifs d'huile de camphre blanche, brune et bleue. Certains chimiotypes de
(', mmphora fournissent, à partir de leurs feuilles, l'huile dite « ho oil de Formose»
donl le constituant majoritaire (75-85 %) est le (-)-linalol; cette source industrielle
, (,ioncurrence des sources plus traditionnelles comme le bois de rose du Brésil.
D'autres Cinnamomum chinois sont exploités pour la production du « sassafras de
('hi ne » (C. porreetum [Roxb.] Kosterm., C. rigidissimum H.H. Chang), source de
"" l'mie, également concurrente des Oeotea brésiliens.
656 TERPÉNOÏDES

• SASSAFRAS , Sassafras albidum (Nutt.) Nees

Le sassafras, originaire de la côte est de l'Amérique du Nord, est un arbre


remarquable par la flamboyance automnale de son feuillage. Ses feuilles caduques
polymorphes (entières ou profondément découpées) renferment une huile essentielle
composée principalement de safrole, de camphre, de limonène. L'écorce des racines
fournit de 50 à 100 ml/kg d'huile essentielle. Celle-ci contient plus de 80 % de safrole,
d'autres dérivés phénylpropaniques (dérivés de l'eugénol, asarone) et des carbures
monoterpéniques. L'écorce de racine renferme en outre des alcaloïdes isoquinoléiques
(aporphines) et des lignanes.
Dans l'est des États-Unis d'Amérique, le sassafras a toujours été considéré comme
un carminatif, un diurétique et un antiseptique. Il a été utilisé - il le serait encore çà et
là - pour le traitement des rhumatismes ou celui d'éruptions cutanées.
La présence de safrole, dont l'activité cancérogène a été établie chez les rongeurs
(cf. p. 592), conduit à proscrire tout recours à cette plante et à son huile essentielle. Le
sassafras n'est d'ailleurs pris en compte ni par la Note explicative de 1998 de l'Agence
du médicament française, ni par la Commission E du BfArM allemand.
L'huile essentielle a été très utilisée pour l'aromatisation avant d'être interdite dans la
plupart des pays. La vente au détail et toute dispensation au public d'huile essentielle de;
sassafras et de ses dilutions et préparations ne constituant ni des produits cosmétiques, !
ni des produits à usage ménager, ni des denrées ou boissons alimentaires est réservée i
aux pharmaciens (Articles L4211-1 et D421l-13 du Code de la santé publique). Le
safrole est inscrit au Tableau I de la Convention de 1988 des Nations Unies contre le
trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, et utilisé dans la fabrication,
de méthylènedioxyméthamphétamine (MDMA = Ecstasy).
En Europe, la concentration finale en safrole des produits cosmétiques doit être,
< 0,01 %. Sur les teneurs résiduelles en safrole dans les produits destinés à la consom"
mation, voir« muscadier », p. 675 .

• LAURIER COMMUN, Laurus nobilis L.

Le laurier commun, également appelé laurier-sauce, est un arbre dioïque spontan6


dans nos régions. Ses feuilles alternes (10 cm x 3-5 cm) ont un limbe coriace, légère.. '
ment ondulé sur les bords et terminé en pointe. Les fleurs sont vert blanchâtre. Le fruit:
est une baie globuleuse noire à pulpe grasse. La poudre de feuille, examinée au micros,,;'
cope, présente notamment des fragments épidermiques dont les parois cellulaires ont un;
aspect, caractéristique, en «collier de perles ». Sur les spécifications, voir la norme ISQ'
6576:2004. .(
Par hydrodistillation, les feuilles fournissent environ 10-40 ml/kg d'une huil'
essentielle dont le constituant majoritaire est toujours le cinéole (25-60 %), mais dont lai
composition varie largement selon l'origine géographique. Les feuilles renferment e'
outre des flavonoïdes (rutoside, isoquercitroside, hypéroside, glycosides d .
kaempférol), des lactones sesquiterpéniques (déhydrocostuslactone, costuno1ide~
laurénobiolide, artémorine, reynosine, santamarine, etc.) et des alcaloïde
isoquinoléiques très proches de ceux du boldo (réticuline, aporphinoïdes).
Il UILES ESSENTIELLES 657

Les lactones sesquiterpéniques présentes dans le laurier peuvent être à l'origine de


réactions allergiques y compris après cuisson. L'allergie est croisée avec les Asteraceae.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour lafeuille de laurier commun, l'indication
thérapeutique suivante (voie orale) : traditionnellement utilisé dans le traitement
symptomatique de troubles digestifs tels que: ballonnement épigastrique, lenteur à la
digestion, éructations, flatulence. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée
pour la constitution d'un dossier « abrégé» d'AMM (poudre, feuille pour tisane,
extraits aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
Le laurier commun ne fait pas l'objet d'une monographie de la Commission E du
Il/ArM allemand .

• Autres Lauraceae utilisées pour leurs huiles essentielles

Litsea cubeba (Lour.) Pers. L'huile essentielle du fruit de ce petit arbre tropical
est responsable de son odeur citronnée. Elle est caractérisée par sa richesse en citral
(géranial + néral,jusqu'à 85 %)

Ocotea odorifera (Vell.) Rohmer = O.pretiosa (Nees) Mez. Le bois de ce grand


arbre fournit une huile essentielle à safrole majoritaire (90 %), ce qui explique qu'il soit
souvent désigné sous le nom de sassafras du Brésil (norme NF T 75-229, éqv. ISO 590).
La production, brésilienne, est en diminution et certains lui substituent des sources
renouvelables (feuilles de diverses espèces du genre Piper).

Aniba rosaeodora A. Ducke var. amazonica et A. parviflora (Meissner)


Mez ou bois de rose du Brésil. Comme dans le cas précédent, c'est le bois qui est
exploité. Réduit en copeau, il est hydrodistillé pour obtenir une huile essentielle qui
contient, entre autres, 70 à 90 % de linalol, 2 à 7 % d'a-terpinéol, 0,5 à 2 % de trans- et
de cis-oxyde de linalol, 0,5 à 2,5 % de géraniol et jusqu'à 3 % de copaène et de cinéole
(voir la norme NF ISO 3761 :2006).

E. Myrtaceae à huiles essentielles

Les Myrtaceae - 3 800 espèces dont près de 700 Eucalyptus et 500 Syzygium -
sont caractérisées par la présence, dans leurs tissus, de poches sécrétrices d'huiles
essentielles. Ces huiles essentielles sont, souvent, antiseptiques .

• GIROFLIER , Syzygium aromaticum (L.) Merr. & L. M. Perry


(= Eugenia caryophyllus [Spreng.] Bullock & S. Harrison)

Le clou de girofle est constitué par le boutonjloral entier de S. aromaticum, séché


jusqu'à ce qu'il présente une coloration brun-rouge. Il contient au minimum 150 mlJkg
d'huile essentielle (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:0376]).
".
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Syzygium aromaticum (L.) Merr. & L.M. Perry


IIUILES ESSENTIELLES 659

La plante. Le giroflier est un arbre à feuilles persistantes et coriaces dont le limbe


~st ponctué de poches sécrétrices. Les fleurs tétramères, blanc rosé, sont groupées en
petites cymes compactes et ramifiées.
Originaire des îles Moluques, le giroflier est traditionnellement cultivé en Tanzanie
(10000 tonnes), à Madagascar (10 000 tonnes) aux Comores: 2500 tonnes, au Sri Lanka
CI 000 tonnes) et en Indonésie (84 000 tonnes) où une grande partie de la production est
consommée sur place (cigarettes) (données FAO, 2007). Les boutons floraux - les
« clous» - sont récoltés manuellement puis séchés. Les pédoncules floraux sont
séparés et destinés à la distillation (<< huile essentielle de griffes»). Si les boutons
rIoraux sont en partie utilisés pour l'obtention d'huile essentielle (<< huile essentielle de
clous»), c'est principalement à partir des feuilles que celle-ci est préparée (<< huile
~ssentielle de feuilles»).

Le « clou ». Le bouton floral est très aisément reconnaissable: odeur aromatique,


saveur brûlante, morphologie typique. Comme le nom de « clou» l'indique, le bouton
rIoral comporte une partie quadrangulaire longue de 10 à 12 mm pour un diamètre de 2-
.1 mm (dénommée hypanthe, cette partie correspond à l'ovaire infère) et une tête,
globuleuse, d'un diamètre de 4 à 6 mm, entourée par les quatre lobes étalés en croix des
sépales et constituée des quatre pétales imbriqués en une petite sphère qui recouvre de
très nombreuses étamines recourbées.
Réduit en poudre, le clou de girofle peut être caractérisé en microscopie (hydrate de
L'hloral) par des fragments du parenchyme de l'hypanthe renfermant de grandes poches
sécrétrices, ainsi que par des macles d'oxalate de calcium, de nombreux grains de
pollen triangulaires à 3 pores dans les angles, et de courtes fibres à parois épaisses,
lignifiées, légèrement ponctuées.
Le bouton floral contient au maximum 6 % de pédoncules, pétioles et fruits, 2 % de
t;!ous altérés et pas plus de 0,5 % d'autres éléments étrangers. L'huile essentielle est
dosée par la méthode générale. Voir aussi la norme NF V 32-105 (et ISO 2254:2004).

Composition chimique. Seule l'huile essentielle a réellement retenu l'attention des


phytochimistes. Sa teneur dans le clou est exceptionnellement élevée: 150 à 180 ml/kg,
parfois 200 ml/kg. Sa composition est caractérisée par la présence d'un propénylphénol
largement prépondérant, l'eugénol. Majoritairement libre et en partie sous forme
d'acétate, sa teneur oscille entre 70 et 85 (90) %. L'eugénol est accompagné d'acétyl-
cugénol et de plusieurs dizaines de composés terpéniques, aliphatiques, aromatiques et
hétérocycliques en faibles quantités. On note en particulier la présence de ~-caryo­
phyllène Uusqu'à 10 %). Le bouton floral renferme également tanins, triterpènes,
l1avonoïdes, hétérosides de chromones et acides phénylpropaniques.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour le bouton floral de giroflier et par voie orale,
l'indication thérapeutique: traditionnellement utilisé dans le traitement symptomatique
d~ troubles digestifs tels que ballonnement épigastrique, lenteur à la digestion,
éructations, flatulence. En usage local, quatre indications sont autorisées: tradition-
1I~lIement utilisé 1 pour le traitement des petites plaies après lavage abondant (à l'eau et
0
660 TERPÉNOÏDES

au savon) et élimination des souillures; 2° comme antalgique (céphalées, douleurs


dentaires); 3° comme antalgique dans les affections de la cavité buccale et/ou du
pharynx (collutoire, pastille); 4° en bain de bouche pour l'hygiène buccale. Aucune
évaluation toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un dossier « abrégé»
d'AMM (poudre, clou pour tisane, extraits aqueux et extraits hydro-alcooliques quel
qu'en soit le titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
le bouton floral du giroflier est utilisé en cas d'inflammation des muqueuses de la
bouche ou du pharynx et comme anesthésique local en odontologie. Posologie: en
bains de bouche correspondant à une concentration de 1 à 5 % d'huile essentielle. En
odontologie, l'huile essentielle est utilisée pure. Celle-ci peut irriter les muqueuses.
Épice orientale chargée d'histoire, le « clou de girofle» est largement employé par ,
l'art culinaire, mais peu en pharmacie. Utilisé avec parcimonie, c'est une épice qui'
relève de nombreux plats (bouillons, marinades, viandes, etc.). En Indonésie, c'est un
produit largement consommé sous la forme de cigarettes: cigarettes « kretek ». Il est.
aussi fréquemment ajouté à la chique de bétel (cf. p. 1022).

L'huile essentielle de clou de girofle (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:1091]) est obtenue . . .
par entraînement à la vapeur d'eau à partir des boutons floraux séchés. Identifiable par'
CCM, elle contient de 75 à 88 % d'eugénol, de 5 à 14 % de ~-caryophyllène et de 4 à .
15 % d'acétyleugénol. (Voir aussi la norme NF ISO 3142:1997).

Propriétés de l'eugénol. L'eugénol est un puissant inhibiteur de l'


plaquettaire. Intéressant pour ses propriétés anesthésiques locales (il inhibe
conduction nerveuse), l'eugénol est aussi un anti-inflammatoire, inhibiteur de
synthèse des prostaglandines et du chimiotactisme des leucocytes : œdème de la
du Rat (per os et IP), œdème de l'oreille induit par le 12-0-TPA (voie locale). À
concentration (lOL 10-3 mM/I), il est bactéricide et fongicide, actif sur un grand
d'espèces. L'extrait aqueux de girofle inhibe la replication du virus de l'herpès.

Toxicité, effets indésirables. Par voie générale et à forte dose (0,5 ml/kg),
essentielle de girofle est toxique, notamment pour le jeune enfant chez lequel
provoque dépression du SNC, nécrose hépato-cellulaire, convulsions et/ou
majeurs de la coagulation. Rapidement métabolisé et excrété, majoritairement
et très faiblement époxydé, l'eugénol n'est pas cancérogène. Il est caustique à l'égard
la peau et des muqueuses.

Emplois. Pendant longtemps les chirurgiens dentistes ont employé l'eugénol


médication intracanalaire, mais le fait qu'il puisse entraîner des lésions
lorsqu'il est mis en contact direct avec les tissus vivants a conduit certains d'entre eux
l'abandonner. La forme habituelle d'utilisation, pour les obturations provisoires, est'
pansement à l'eugénate (eugénolate de zinc, ZOE [zinc oxide eugenol]), c'est-à-dire
chélate qui se forme entre deux molécules d'eugénol et un atome de zinc. On lui
parfois de la teinture de benjoin pour modifier le temps de prise de la pâte.
entre également dans la formulation de solutions pour bains de bouche et de I-'V"H.U"u~.",
IIUILES ESSENTIELLES 661

L'huile essentielle de clous est utilisée aussi bien pour l'obtention de produits
d'hygiène que dans différents secteurs de l'industrie des produits alimentaires.
L'industrie chimique peut utiliser cette huile essentielle pour produire de l'eugénol,
point de départ pour diverses synthèses, notamment celle de la vanilline. L'eugénol est
en fait isolé de l'huile essentielle de feuilles (80-92 %) ou de celle hydrodistillée à partir
des griffes (83-92 %) (normes NF ISO 3141 :1997 et 3143: 1997). L'huile essentielle de
feuille est également décrite par la Pharmacopée française (10' éd.) .

• EUCALYPTUS spp.

À l'exception de la Papouasie-Nouvelle-Guinée et de quelques îles proches, on ne


rencontre le genre Eucalyptus qu'en Australie (il est absent de la Nouvelle-Calédonie et
dc la Nouvelle-Zélande). La croissance rapide des Eucalyptus, la qualité de leur bois et
leur aptitude à assécher les terres humides ont conduit à leur introduction dans toutes les
l'.ones au climat propice (de 45°N à 45°S); dans certaines d'entre elles, ils forment
maintenant une part significative du couvert végéta!.
L'un des intérêts du genre est la diversité de composition des huiles essentielles que
fournissent les feuilles, diversité d'autant plus grande que les chimiotypes sont très
fréquents. C'est ainsi que sont connues, et dans certains cas commercialisées, des huiles
essentielles à pipéritone et phellandrène (40-55 % + 20-30 %, E. dives Schauer Type,
K elata Dehnh.), à phellandrène (60-80 %, E. dives Schauer var. A), à phellandrène et
cinéole (40 + 50 %, E. radia ta Sieb. ex DC.), à acétate de géranyle (45 à 55 %,
g macarthurii D. & M. Camden), à citronellal (65-85 %, E. citriodora Hook., cf.
norme NF ISO 3044, [11-1997]); à citral Uusqu'à 63 %, E. staigeriana F. Muel!. ex
Bailey) et, bien sûr, à cinéole .

• EUCALYPTUS (gommier bleu), Eucalyptus globulus Labill.

La feuille d'eucalyptus est constituée par la feuille séchée, entière ou coupée,


l'écoltée sur les rameaux [les] plus âgés d'E. globulus Labil!. La feuille entière contient
/lU minimum 20 ml/kg et la feuille coupée au minimum 15 ml/kg d'huile essentielle
(ph. eur., 6' éd., [01/2008:1320]).

La plante. Le gommier bleu est un très grand arbre dont le tronc s'exfolie en
Inmbeaux et qui est caractérisé par un dimorphisme foliaire très marqué: feuilles des
jeunes pousses et des rejets opposées, sessiles, vert glauque, cireuses, à limbe arrondi;
feuilles des rameaux âgés alternes, courtement pétiolées, vert grisâtre, coriaces,
pendantes, à limbe falciforme. La fleur possède quatre sépales, rugueux et cireux,
soudés en une urne à quatre pans dont le « couvercle », formé par les quatre pétales
soudés, se détache à l'anthèse et laisse apparaître de nombreuses étamines. L'espèce,
d'origine australienne, a été introduite dans de nombreuses régions du monde, y
compris en Europe (zone méditerranéenne) où elle est largement plantée (Portugal,
Hspagne, Italie).
662 TERPÉNOÏDES

Lafeuille. La feuille d'eucalyptus (5 x 25 cm), vert-gris, allongée, légèrement


falciforme et à bords réguliers et légèrement épaissis, est rigide et coriace, entière et
glabre. Elle exhale une odeur aromatique de cinéole. La nervure centrale est vert-jaune,
les nervures secondaires s'anastomosent sur les bords du limbe en une ligne continue.
Les deux faces sont ponctuées de taches verruqueuses brun foncé et de petites poches
sécrétrices sont visibles par transparence.
Réduite en poudre et examinée au microscope (hydrate de chloral), la feuille montre:
des fragments de limbe à petites cellules épidermiques à paroi épaisse, comportant une
épaisse cuticule, de nombreux stomates anomocytiques et, parfois, des groupes de
cellules subéreuses d'un fort diamètre (300 }lm); des fragments de mésophylle
isobilatéral à 2-3 couches de tissu palissadique dans chaque côté; des fragments de
mésophylle contenant de grandes poches sécrétrices schizogènes.
L'essai de la feuille comprend, entre autres déterminations, le dosage de l'huile
essentielle et la recherche des éléments étrangers (feuilles foncées et brunes [< 3 %],
tiges [< 5 %] et autres éléments [< 2 %]).

Composition chimique. La teneur en huile essentielle est comprise entre 5 et


35 ml/kg. Le 1,8-cinéole (ou eucalyptol) est le constituant majoritaire (70-80 %); les
autres constituants sont majoritairement terpéniques. La feuille renferme également une.
douzaine d'hétérocycles oxygénés à structure acylphloroglucinol-mono- ou sesqui-
terpénique - les euglobals et les macrocarpals - ainsi que des composés phénoliques,
acides-phénols banals et flavonoïdes (rutoside, hypéroside et, dans la cire épicuticulaire,
flavones méthylées) et des glucosides de cinéole et d'autres monoterpènes, estérifiés
par l'acide gallique: globulisines, cypellocarpine, eucaglobuline.
CHO
HO

~ ~ /~ OHC
" ,-
........

1,8-cinéole macrocarpal H OH i

Pharmacologie. L'huile essentielle et des extraits d'eucalyptus sont doués de;


propriétés antibactériennes établies in vitro et sans équivoque sur de nombreux germeS
(CMI variant de 0,25 % [Listeria monocytogenes] à 2 % [Staphylococcus aureus;,
Proteus mirabilis]). L'huile essentielle est sans réelle activité à l'encontre d'EscherU
chia coli ou de Pseudomonas aeruginosa. Par contre, on note une activité sur le viru"
Herpes simplex. Le cinéole, facilement résorbé par voie digestive aussi bien que p"
voie cutanée ou rectale, est éliminé par voie pulmonaire et par voie rénale. D
nombreux auteurs attribuent à l'huile essentielle d'eucalyptus (0,05-0,2 ml/j) de'
propriétés expectorantes, stimulantes de l'épithélium bronchique et mucolytiques q ,
seraient intéressantes en cas d'infection des voies respiratoires. Le cinéole inhib
partiellement la production des médiateurs de l'inflammation issus du métabolisme d
l'acide arachidonique.
11111 LES ESSENTIELLES 663

L'huile essentielle d'eucalyptus, comme le menthol, passe pour« décongestionner»


les voies aériennes supérieures en cas de rhinite. En fait, on ne décèle aucune variation
de la résistance au passage de l'air: l'action de ces produits se réduit sans doute à une
slimulation des récepteurs habituellement stimulés par le flux d'air nasal (d'où la
.l'l'II.I'ation de mieux respirer).

Évaluation clinique. Le niveau de preuves de l'efficacité clinique du cinéole et de


l'huile essentielle d'eucalyptus demeure faible. Les résultats d'un petit essai (32
patients) randomisé et en double aveugle versus placebo montrent que l'administration
de cinéole (600 mg/j) à des patients souffrant d'asthme bronchique permet à ceux-ci de
diminuer leur prise de prednisolone de façon statistiquement significative. L'ESCOP
rapporte les résultats de trois essais cliniques qui tendraient à établir l'effet favorable du
einéole, sécrétolytique et bronchodilatateur, chez des patients atteints de pathologies
respiratoires obstructives.

Toxicité, effets indésirables. Les doses létales publiées pour l'huile essentielle et le
cinéole sont assez élevées, du moins par voie orale (DUo: huile essentielle [Souris] =
3,32 g/kg, [Rat] =4,44 g/kg; cinéole [Rat] = l,56 g/kg ou 2,48 g/kg selon les auteurs).
I\n administration subaiguë (0,5-1 g/kg, 28 jours), on note des effets sur le foie et les
reins. L'administration au long cours (80 semaines) de 32 mg/kg/j de cinéole à des
souris ne provoque aucune manifestation décelable de toxicité. Le cinéole n'est pas
mutagène. Plusieurs observations permettent de penser que 1'huile essentielle
d'eucalyptus est neurotoxique à doses fortes, cette action pouvant être consécutive à
une inhibition, par le cinéole, de la consommation en oxygène et des gradients ioniques
tissulaires au niveau encéphalique. Le cinéole est aussi un inducteur des enzymes des
ll1icrosomes hépatiques, d'où un risque, mal connu, d'interactions médicamenteuses.
Chez l'Homme, l'ingestion de 10 à 30 ml d'huile essentielle est potentiellement
m0\1elle, mais les données bibliographiques sont contradictoires. De très nombreux cas
d'intoxication ont été publiés, particulièrement chez l'enfant. Selon la dose ingérée -
mais la corrélation symptomatologie/dose est faible - on note des troubles digestifs
(vomissements) et une altération du niveau de conscience, parfois des difficultés
respiratoires; souvent, le patient est asymptomatique. Un usage topique excessif et
étendu peut entraîner une symptomatologie identique.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour lafeuille d'eucalyptus, par voie orale aussi bien
qu'en usage local, l'indication thérapeutique: traditionnellement utilisé au cours des
nlrections bronchiques aiguës bénignes. Pour la seule voie locale, une autre indication
l~st possible: traditionnellement utilisé en cas de nez bouché, de rhume. Aucune
évaluation toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un dossier « abrégé»
d'AMM (poudre, feuille pour tisane, extraits aqueux et extraits hydro-alcooliques quel
lju' en soit le titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
Infeuille d'eucalyptus est utilisée dans les inflammations des voies respiratoires.
Posologie: feuille, de 4 à 6 g par jour; teinture, de 3 à 9 g par jour. Effets indésirables:
664 TERPÉNOÏDES

nausées, vomissements, diarrhée (rares). Contre-indications: inflammations du tractus


gastro-intestinal ou des voies biliaires et en cas d'affection hépatique sévère. Les
préparations à base d'eucalyptus ne doivent être ni instillées dans le nez, ni appliquées
sur le visage des jeunes enfants (ne pas utiliser chez l'enfant de moins de deux ans).

L'huile essentielle d'eucalyptus (Ph. eur., 6" éd., [01/2008:0390]) est obtenue par
entraînement à la vapeur d'eau suivi de rectification, à partir des feuilles fraîches ou des
tiges terminales fraîches de plusieurs espèces d'Eucalyptus riches en 1 ,8-cinéole. Les ;:
espèces principalement utilisées sont: E. globulus Labill., E. polybractea R.T. Baker,
E. smithii R.T. Baker.
Profil chromatographique : 1,8-cinéole, ~ 70 % ; a-pinène, traces-9 % ; ~-pinène, <:
1,5 %; a-phellandrène, < 1,5 %; limonène, traces-12 %; camphre, < 0,1 %.
En 1993, l'AFNOR incluait dans sa norme NF T 75-225 les huiles essentielles
entières (crues) provenant d'un broyat en vert ou d'une méthode traditionnelle ainsi que,
les huiles essentielles rectifiées sous vide « 70-85 » et « 80-85 ». Ces quatre produits "
renferment respectivement un minimum de 48, 58, 70 et 80 % de cinéole. L'huile crue ':
de broyat est caractérisée par la présence de 6 àlO % d'aromadendrène. Ce dernier,;,
comme le globulol et le trans-pinocarvéol, disparaît dans les produits rectifiés. Les'
huiles crues renferment 10 à 20-22 % d'a-pinène. La teneur en limonène et en p-;
cymène peut doubler lors de la rectification.

Emplois. Dans une monographie consacrée à l'huile essentielle d'eucalyptus, la'


Commission E du BfArM reconnaît à celle-ci deux indications possibles: l'une par voie:
orale (inflammations des voies respiratoires), l'autre par voie locale (en cas de douleurs,
rhumatismales). Posologie: 1° voie orale, de 0,3 à 0,6 g par jour; 2° en application,
locale: préparations hydro-alcooliques à 5-10 %, formes huileuses ou semi pâteuses à;
5-20 %, ou huile essentielle pure (quelques gouttes). Effets indésirables possibles et
contre-indications sont les mêmes que pour la feuille. l"

L'ESCOP, citant la FDA, préconise les doses suivantes pour l'huile essentielle'
(adulte) : 1° en inhalation, 12 gouttes pour 150 ml d'eau bouillante; 2° en pommade à;
1,3 % jusqu'à 3 fois par jour; 3 ° en comprimés à sucer, de 0,2 à 15 mg à renouvelel','
toutes les 30 ou 60 minutes; 4° en bains de bouche, 20 ml d'une solution à 0,91 mg/m},!;
Huile essentielle d'eucalyptus et cinéole entrent dans la composition de spécialités au
titre de leur activité antiseptique, « décongestionnante » des voies respiratoires: sirops;
pâtes, pastilles, gouttes pour instillations nasales, préparations pour inhalation, etc. Le
cinéole peut être utilisé pour favoriser le passage transcutané d'autres substances. Il es
recommandé de ne pas introduire de cinéole dans les produis cosmétiques destinés au '
enfants de moins de 36 mois et d'en limiter la concentration à 1,12 % pour ceux qui son
destinés aux enfants de 3 ans à 6 ans (Afssaps, 08/2008) .

• TEA TREE, Melaleuca alternifolia (Maiden & Betch) Cheel

L'huile essentielle de mélaleuca (Ph. eur., 6" éd., [01/2008:1837]) est obtenue p
entraînement à la vapeur d'eau à partir des feuilles et des tiges terminales d
IIlJlLES ESSENTIELLES 665

M. alternifolia, de M.linariifolia Smith, de M. dissitiflora F. Mueller et/ou d'autres


l'spèces de Melaleuca.

La désignation de tea tree ou, en français, d'arbre à thé, est une source de confusion.
I\vec le théier (Camellia sinensis [L.] Kuntze) bien sûr, mais aussi avec d'autres
Myrtaceae car, en Australie, le vocable de tea tree est parfois appliqué à d'autres
l~spèces du genre Melaleuca L. ainsi qu'à des espèces d'un genre proche, le genre
I.l'ptospermum Forster & Forsterf
Le tea tree est un petit arbre originaire du nord-est de la Nouvelle-Galles du Sud où
l'on récolte ses feuilles pour la production de l'huile essentielle. Les constituants
majoritaires de celle-ci sont généralement le terpin-l-én-4-ol (cf p. 579) et des carbures
(terpinènes), mais certains chimiotypes de distribution géographique restreinte
fournissent une huile essentielle dont la concentration en cinéole peut atteindre 60 %.
Profil chromatographique : a-pinène, 1-6 %; sabinène, < 3,5 %; a-terpinène, 5-
13 %; limonène, 0,5-4 %; cinéole, < 15 %; y-terpinène, 10-28 %; p-cymène, 0,5-12 %;
terpinolène, 1,5-5 %; terpinén-4-01, > 30 %; aromadendrène, < 7 %; a-terpinéol, 1,5-
K%.Voir aussi la norme NF ISO 4730:2005.

Pharmacologie. La réputation d'antibactérien dont jouit l'huile essentielle n'est pas


démentie par les tests in vitro qui mettent en évidence son activité et celle du terpinén-
4-01 et d'autres constituants à l'encontre de diverses bactéries comme Staphylococcus
(ll/reus (y compris des souches résistantes à la méthicilline, CMI90 = 0,32 %) et
I~'scherichia coli, ainsi que sur les germes associés à la formation de la plaque dentaire.
L'huile essentielle et ses constituants sont également actifs sur Candica albicans (CMI
des constituants les plus actifs: 0,06 à 0,5 %, v/v) ou encore sur Aspergillus niger,
Trichophyton mentagrophytes et autres Trichophyton, Pityrosporum ovale, Micro-
,\'porum canis, Cryptococcus neoformans, etc. On a également mis en évidence une
activité acaricide et une activité sur Propionibacterium acnes.

Évaluation clinique. De nombreuses études et quelques essais cliniques compa-


ratifs randomisés en simple ou double aveugle ont évalué l'efficacité de l'huile
essentielle de tea tree dans plusieurs indications:
- traitement de l'acné (versus peroxyde de benzoyle). L'efficacité d'un gel à 5 %
d'huile essentielle serait identique à celle du peroxyde à la même concentration;
- traitement de l'onychomycose. Un essai a montré une efficacité identique pour
l'huile essentielle et le clotrimazole (1 %), mais l'essai ne comportait pas de groupe
placebo. Un autre essai a montré l'efficacité d'une association butenafine (2 %) - huile
essentielle (5%); mais le placebo, qui contenait aussi de l'huile essentielle (concentra-
tion non précisée), s'est révélé totalement inactif;
- traitement du pied d'athlète. L'activité de crèmes à 10 % d'huile essentielle, ou à
1 % de tolnaftate, a été jugée supérieure à celle d'un placebo pour réduire les symptômes
dc cette affection cutanée, mais seul le tolnaftate a été efficace pour éliminer les
champignons. Aux fortes concentrations (25-50 %), l'activité de l'huile essentielle est
significativement supérieure à celle du placebo, mais moindre que celle des traitements
dc référence. Un risque certain de dermite est associé à ces fortes concentrations.
666 TERPÉNOÏDES

L'huile essentielle de tea tree a également été essayée dans le traitement des
vaginites (série de cas), des pellicules (en shampooing, versus placebo), en cas de can-
didose buccale (essai non comparatif), comme antiseptique pour l'hygiène buccale,
contre la formation de la plaque dentaire et en cas de gingivite chronique, ou encore
dans d'herpès labial (bains de bouche, versus placebo).
L'huile essentielle de tea tree pourrait faciliter la guérison des plaies infectées, mais
les essais disponibles, non comparatifs, mettent en œuvre des mélanges d'huiles
essentielles. Selon un essai comparatif, les préparations topiques à base d'huile
essentielle de tea tree sont plus efficaces que des préparations à base de chlorhexidine
pour éliminer les staphylocoques résistants à la méthicilline présents sur la peau et les
lésions infectées, mais elles sont moins efficacs que la mupirocine au niveau nasal.
Globalement, les essais disponibles, souvent uniques et d'effectif insuffisant, sont
de qualité méthodologique inégale, et pas toujours optimale. Il est possible que les
produits à base d'huile essentielle de tea tree aient un intérêt dans certaines affections
dermatologiques et pour l'hygiène buccale, mais le niveau de preuves reste faible en
l'absence d'essais complémentaires.

Toxicité, effets indésirables. La DUo (Rat) de l'huile essentielle se situe entre 1,9
et 2,6 ml/kg. On connaît plusieurs cas d'intoxication consécutifs à l'ingestion de l'huile
essentielle, notamment chez le jeune enfant. Ils se sont traduits par de l'ataxie, de la :
somnolence et, au moins dans un cas, par un état comateux. Appliquée sur la peau, .
l'huile essentielle peut provoquer des irritations cutanées. On connaît aussi des cas de .
réaction d'hypersensibilité, immédiate et intense. L'huile essentielle n'est pas.
génotoxique. Au cours des évaluations cliniques, on n'a observé que de très rares effets
indésirables.

Emplois. Melaleuca alternifolia ne figure pas à l'annexe 1 de la Note explicative de'


l'Agence du médicament (1998). Cette espèce ne fait pas non plus l'objet, en Allema-,
gne, d'une monographie de la Commission E du BfArM.
Utilisée en Australie comme antiseptique depuis les années 1920, l'huile essentielle ,.
est maintenant largement employée par voie locale, soit pure soit, le plus souvent, sous'
forme de gels, de crèmes, de lotions, d'onguents, de shampooings, de savons, de .
dentifrices, de bains de bouche, d'insectifuges, de désinfectants d'atmosphère, etc .

• NIAOULI, Melaleuca quinquenervia (Cav.) S.T. Blake

Ce petit arbre, originaire des Moluques, est une espèce à feuilles persistantes. Il cro
en Australie, dans le sud-est asiatique, en Nouvelle-Calédonie où il abonde dans toute~
les savanes, ainsi qu'à Madagascar. L'huile essentielle des feuilles - sa teneur avoisine
15 ml/kg en Nouvelle-Calédonie qui en a été longtemps le principal producteur ~t
contient, majoritairement et le plus souvent, du cinéole. En fait, il existe plusieut'
chimiotypes, comme cela a été montré dans le cas des arbres malgaches: type·
nérolidol, viridiflorol, cinéole/viridiflorol. L'essence de niaouli, connue sous le nom d
Goménol® lorsqu'elle est purifiée par traitement à l'oxyde de plomb (cf. Ph. fse, 8e éd.)'
IIUILES ESSENTIELLES 667

<.:st un antiseptique. Elle conserve quelques usages en ORL dans des associations
proposées comme traitement d'appoint de rhinites et d'infections bronchopulmonaires
(<.:x. : solutions pour pulvérisation nasale, mélanges pour inhalations, suppositoires).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BJArM précise que
l'huile essentielle de niaouli (= M. viridiflora Sol. ex Gaertn. [?]) est utilisée en cas
d'encombrement des voies respiratoires. Posologie: 10 voie orale, 0,2 g par prise et de
0,2 à 2 g par jour; 2 0 voie nasale, solution huileuse à 2-5 %; voie externe, solution
huileuse à 10-30 %. Contre-indications pour la voie orale: maladies inflammatoires du
tractus gastro-intestinal et des voies biliaires, hépatopathies. Les préparations à base
d'huile essentielle de niaouli ne doivent pas être appliquées sur la figure et dans le nez
des jeunes enfants .

• CAJEPUT , Melaleuca cajuputi Powell =M. "leucadendra " auct.

Le cajeput est un arbre qui croît en Australie, en Inde et dans les pays du sud-est de
l'Asie. L'huile essentielle des feuilles (5-25 ml/kg) contient, selon la provenance, jusqu'à
(IS % de cinéole. L'huile essentielle de cajeput, traditionnellement utilisée dans le sud-
<.:st de l'Asie, en Chine et en Indonésie pour le traitement des lésions cutanées infectées
d en inhalation en cas d'affection des voies respiratoires, est antibactérienne in vitro.
Parfois utilisée en aromathérapie, elle entre dans la formulation de baumes
IIntiprurigineux.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BJArM pour cette
huile essentielle (ex M. "leucodendra") décrit une quarantaine d'associations de celle-
<:i avec d'autres huiles esentielles et/ou d'autres produits, ainsi que les indications
r<.:vendiquées pour ces associations. La teneur en cinéole de l'huile essentielle de
cajeput a conduit la Commission a estimer que l'utilisation de ces associations comme
rubéfiant en cas de douleurs rhumatismales est justifiée. Il n'existe pas de données sur
I<:s usages par voie orale. Les restrictions d'usage chez le jeune enfant sont les mêmes
que pour les huiles essentielles d'eucalyptus ou de niaouli .

• AUTRES MYRTACEAE

L'huile essentielle de myrte (M. communis L.), peu utilisée en pharmacie, renferme
de J'acétate de myrtényle, de l'a-pinène, du cinéole, du myrténol, du linalol, du
méthyleugénol, etc. D'autres Myrtaceae connaissent des usages alimentaires: c'est le
cas de la toute-épice ou piment de la Jamaïque, Pimenta dioica (L.) Merr., des Caraibes
d de l'Amérique centrale dont on utilise le fruit presque mûr et séché, riche (30-50
ml/kg) en huile essentielle à eugénol (80 %), méthyleugénol, cinéole, chavicol,
caryophyllène. Les feuilles d'une espèce voisine, Pimenta racemosa (Miller) J. Moore,
sont également intéressantes. L'huile essentielle qu'elles fournissent, dite bay oi!, est
1I1oins riche en eugénol (50 %), mais renferme 20 % de chavicol et des dérivés
Il li phatiques (octanone, octénol); elle passe pour antiseptique et trouve un débouché en
parfumerie et dans la formulation de produits cosmétiques
668 TERPÉNOÏDES

F. Rutaceae à huiles essentielles

La plupart des Rutaceae élaborent des huiles essentielles dans les poches
schizolysigènes qui caractérisent la famille. Certaines ont une utilisation restreinte, c'est
le cas des huiles essentielles de Skimmia laureola (De.) Decne. (à linalol et acétate de
linalyle) ou du santal des Indes Occidentales, Amyris balsamifera L. [bois chandelle
d'Haïti]). Cela est aussi le cas de l'absolue de Boronia megastigma Nees ex Bartling
cultivé en Tasmanie et en Nouvelle-Zélande: riche en ionones, elle est utilisée comme
aromatisant dans les produits alimentaires. D'autres représentants de cette famille
comptent au nombre des leaders du marché mondial des huiles essentielles (Citrus
spp.). Certaines ont été développées assez récemment (Clausena producteurs
d'anéthole). Le nombre d'espèces parées de vertus médicinales est restreint: buchu,
orange amère (voir aussi: citroflavonoïdes, p. 384 et Pilocarpus, p. 1191) .

• ORANGER AMER (bigaradier), C. aurantium L. ssp. aurantium


(= C. aurantium L., spp. amara Engl.)

La 6 e édition de la Pharmacopée européenne consacre quatre monographies à cette


espèce :
-la fleur d'oranger amer définie comme étant la fleur entière, non épanouie, séchée;
elle contient au minimum 8 % de flavonoïdes totaux, exprimés en naringine [6.3, "
01/2009:1810] ; .
- l'épicarpe et mésocarpe d'orange amère, définis comme étant l'épicarpe et le ,
mésocarpe séchés du fruit mûr [ ...] en partie exempts de tissu blanc lacuneux provenant .
du mésocarpe et de l'endocarpe [ils] renferment au minimum 20 ml/kg d'huile :.
essentielle [6.3 - 01/2009:1603];
-la teinture d'épicarpe et mésocarpe d'orange amère (au 1/5) [01/2008:1604];.
- l'huile essentielle de néroli obtenue par entraînement à la vapeur d'eau à partir:
des fleurs fraîches d'oranger amer [01/2008:1175].

La plante. L'oranger amer est un petit arbre à tronc ramifié en branches épineuses
principalement cultivé dans la zone méditerranéenne (orange de Séville). Ses feuilles,
ont un limbe ovale, coriace, articulé sur un pétiole ailé, dilaté en une aile de 6-7 mm de
large.
Les fleurs, blanches ou blanc-jaune, ont un calice gamosépale en étoile, cinq pétales
épais ponctués de poches sécrétrices, une vingtaine d'étamines soudées à la base par.
leurs filets par groupes de 4 ou 5. L'examen microscopique de la poudre de fleurs,.
(hydrate de choral) révèle la présence de très nombreux grains de pollen sphériques à 3.,
5 pores germinatif et celle de fragments de larges poches sécrétrices schizolysigènesli
Le mésophylle des sépales renferme de gros cristaux prismatiques d'oxalate de
calcium. Lorsque la poudre est examinée dans une solution d'hydroxyde de potassium.
des cristaux d'hespéridine, jaunes , sont visibles.
L'épicarpe et le mésocarpe se présentent en fragments irréguliers. Durs et
cassants, de couleur jaunâtre à brun-rouge (surface externe) et jaunâtre à blanc-brUIr
Il UILES ESSENTIELLES 669

(surface interne), ces fragments ont une saveur amère et épicée. Fragments de poches
sécrétrices lysigènes, cellules contenant un cristal prismatique d'oxalate de calcium,
cellules polygonales remplies de granulations pigmentées rouge-orange sont visibles
dans la poudre (hydrate de chloral).
L'identité de l'épicarpe/mésocarpe et de la fleur est confirmée par une CCM après
extraction par le méthanol (flavonoïdes, révélés par le diphénylborate d'aminoéthanol).
Dans le cas de l'épicarpe et du mésocarpe, on détermine le taux de matières extractibles
(> 6 %) et la teneur en huile essentielle. Dans celui de la fleur, on procède au dosage
eolorimétrique des flavonoïdes (magnésium et acide chlorhydrique).

Composition chimique. L'« écorce» du fruit renferme de l'huile essentielle (10-30


ml/kg), des furanocoumarines (bergamotène, psoralène) et des flavonoïdes : 7-0-néo-
hcspéridosides de flavanones (naringoside, hespéridoside) et dérivés polyméthoxylés
(sinensétine, nobilétine, tangérétine, etc.). Le zeste d'orange amère renferme également
des phénéthylamines, principalement de la synéphrine, accompagnée de tyramine et
d' octopamine.

Pharmacologie, évaluation clinique, toxicité. La synéphrine, comme l'éphédrine et


ses homologues (pseudo-éphédrine), possède des propriétés sympathomimétiques.
Depuis 2003, l'interdiction de vendre des produits à base d'éphédrine (aussi bien en
Amérique du Nord qu'en Europe (cf. p. 1032) a conduit certaines firmes à promouvoir
des produits à visée « amaigrissante» contenant des extraits d'orange amère,
éventuellement associés à de la caféine. Le seul essai clinique conduit selon une
méthodologie acceptable n'établit pas une activité statistiquement significative pour ces
extraits. Par contre, la teneur souvent élevée en synéphrine de certains d'entre eux est
vraisemblablement à l'origine des accidents cardiovasculaires qui ont été signalés
depuis 2004, en particulier au Canada. La balance bénéfices-risques de ces extraits
d'orange amère est clairement défavorable.
Les produits à base de jus de fruits et autres aliments ne semblent pas présenter de
risques particuliers, sauf peut-être chez les hypertendus et dans quelques situations
pathologiques particulières qui peuvent inciter à la prudence (glaucome à angle fermé,
thrombose coronarienne, etc.). Une interaction médicamenteuse avec les IMAO est
théoriquement possible.

Emplois. Les fleurs fraîches du bigaradier servent à préparer l'eau distillée de


l'leurs d'oranger. Celle-ci est obtenue par entraînement à la vapeur d'eau de boutons
l10raux frais et l'excès d'huile essentielle est séparé par décantation; elle contient de
0,01 à 0,04 % de linalol (déterminé en CPG) et, le cas échéant, peut être additionnée
d'agents antimicrobiens (Ph. fse, 10 c éd.). La teinture et le sirop d'orange amère
peuvent être utilisés pour l'aromatisation de formes médicamenteuses pour la voie
orale.
En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet qu'il est
possible de revendiquer, pour le «zeste» d'oranger amer, les indications thérapeu-
liques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 1° pour stimuler l'appétit; 2°
pour faciliter la prise de poids. Pour lafleur (et aussi pour lafeuille), une seule
670 TERPÉNOÏDES

indication est possible : traditionnellement utilisée dans le traitement symptomatique


des états neurotoniques des adultes et des enfants, notamment en cas de troubles
mineurs du sommeil. Quel que soit l'organe (zeste, feuille, fleur), aucune évaluation
toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un dossier« abrégé» d'AMM
(poudre, zeste, fleur ou feuille pour tisane, extraits aqueux et extraits hydro-alcooliques
quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
l'écorce d'orange amère est utilisée en cas de perte d'appétit et de dyspepsie. Posologie:
de 4 à 6 g par jour (écorce); de 2 à 3 g par jour (teinture); de 1 à 2 g par jour (extrait).
Effets indésirables: possibilité de photosensibilisation, spécialement chez les personnes
à peau claire. La même Commission E a estimé que l'efficacité de lafleur d'oranger'
amer dans les usages revendiqués n'était pas démontrée et, qu'en conséquence, elle ne
pouvait pas en recommander l'utilisation à des fins thérapeutiques. Par contre, "
l'utilisation comme correcteur de goût et d'odeur n'est pas remise en cause. '

Note. En France, on utilise aussi l'oranger doux. On peut revendiquer pour cette
espèce la même indication thérapeutique pour les médicaments à base de feuille ou de'.
fleur que dans le cas de l'oranger amer. Par contre, dans le cas du zeste, l'indication
autorisée, unique, est différente: traditionnellement utilisé dans le traitement.
symptomatique des troubles fonctionnels de la fragilité capillaire cutanée, tels que:'
ecchymoses, pétéchies. Cette indication se fonde sur la présence, dans ce zeste, d'une:
forte concentration en flavonoïdes (voir« citroflavonoïdes », p. 384). Les contraintes,
toxicologiques du dossier d' AMM sont les mêmes: inexistantes. 'i

eBUCHU, Agathosma (= Barosma) spp.

Le buchu est constitué par lafeuille séchée de Barosma divers. Il contient au,'
minimum 13 ml/kg d'huile essentielle (Ph. fse, 10' éd.). Les espèces utilisées sont Ici
buchu court ou rond, B. betulina (Berg.) Bartl. & Wendl., le buchu ovale, B. crenulata;.
(L.) Hook. et le buchu long, B. serratifolia (Curt.) Willd .. La Pharmacopée précise qu~;
« les échantillons de droguerie sont le plus souvent des mélanges d'espèces officinales ».\;
La définition de la Pharmacopée française appelle deux remarques. Outre le fait qu~
les botanistes donnent la priorité à Agathosma sur Barosma, les publications les plua:'
récentes n'évoquent que deux espèces productrices de « buchu », le buchu rondi
A. betulina (Bergius) Pill. et le buchu ovale, A. crenulata (L.) Pill. : elles précisent p
ailleurs que l'hybridation spontanée entre espèces croissant dans les mêmes zone •.
géographiques est très marquée et les formes intermédiaires de feuilles très communes
Notons cependant que Wichtl évoque, lui aussi, l'existence d'un autre buchu, le buch
long, A. serratifolia (Curt.) Spreeth.

La plante, la feuille. Les Agathosma (Barosma) sont des petits arbustes endé,
miques dans les zones d'altitude de la région du Cap (Afrique du Sud), à petites feuill
courtement pétiolées, glabres et coriaces, à odeur et saveur forte. La poudre de feuil1
est caractérisée par la présence de fragments d'épidermes et de sphéro-cristaux d'
IIUILES ESSENTIELLES 671

diosmoside (= diosmine) se colorant en jaune par une solution de KOH. Il est possible
(mais la Pharmacopée ne le demande pas) de différencier A. betulina et A. crenu/ata en
('CM ou en CPG, sur la base de la présence ou de l'absence de diosphénols.

Composition chimique. Les feuilles du buchu rond renferment des flavonoïdes


(diosmine et autres hétérosides), du mucilage et une huile essentielle (10-20 ml/kg)
contenant majoritairement des cétones à squelette p-menthane : (-)-isomenthone, (+)-
Illenthone et moins de 4,5 % de (S)-(-)-pulégone. Elle contient également des dérivés
hi fonctionnels, les diosphénols (peut-être issus de la dégradation d'un époxyde de
pipéritone ?). La spécificité de son odeur est due à des dérivés soufrés: cis-(1S,4R)- et
frans-(lS ,4S)-3-oxo-p-menthane-8-thiol et leurs dérivés acétylés. Une étude portant sur
M échantillons a montré l'existence de deux chimiotypes : le premier est riche en
diosphénol (> 10 %) et 'Jf-diosphénol (> 12 %) et pauvre en isomenthone « 29 %);
chez le second, de distribution géographique restreinte, les proportions de ces composés
s'inversent (diosphénol < 0,14 %, 'Jf-diosphénol < 0,16 %, isomenthone ~ 31 %).
l ,'huile essentielle de A. crenulata ne renferme pas de diosphénols « 0,05 %), mais
peut contenir jusqu'à 70 % de pulégone.

OH

~o ~o ~(
OCH 3

RO 0

SH
oxyde de OH 0 R =rutinose .-
p·menthane-8-thiol-3-one pipéritone diosphénol diosmine

Pharmacologie. La feuille, qui passe pour être antiseptique urinaire (alors que les
seuls tests réalisés in vitro sur les germes classiques des infections urinaires ont souligné
que l'activité des extraits de feuille est négligeable), n'a fait l'objet d'aucune étude chez
l'animal. L'huile essentielle est modérément antiseptique, moins que les extraits) et
Npasmolytique (iléon isolé de Cobaye). La richesse en pulégone de certaines huiles
essentielles de buchu conduit à ne pas en recommander l'utilisation en aromathérapie.
i Aucun essai clinique publié ne valide les indications traditionnelle de cette plante.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour lafeuille de buchu, les indications thérapeu-
tiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 10 pour favoriser l'élimination
l'l~nale d'eau; 2 comme adjuvant des cures de diurèse dans les troubles urinaires
0

hénins. Si le phytomédicament à base de buchu est une poudre de feuille totale, le


dossier « abrégé» d' AMM doit comporter une étude toxicologique allégée. Celle-ci
n'est pas nécessaire pour la feuille pour tisane, l'extrait aqueux, les teintures et les
~'xlraits hydro-alcooliques, quel que soit leur titre.
En Allemagne, la Commission E du BfArM estime que l'usage du buchu ne peut
pliS être recommandé, dans la mesure où l'efficacité n'en a pas été démontrée. Elle
672 TERPÉNOÏDES

mentionne en outre un risque d'irritation. Le British Herbai Compendium fait de la


grossesse une contre-indication. &
L'huile essentielle de buchu est un aromatisant autorisé. Son intérêt majeur est de
conférer aux produits alimentaires un arôme fruité de type cassis (chez ce dernier,
l'arôme est en partie dû à du 2-mercapto-4-méthoxy-2-butanethiol). C'est également une
matière première importante pour la parfumerie .

• HUILES ESSENTIELLES DE CITRUS

La localisation particulière des huiles essentielles de Citrus (poches schizolysi-


gènes localisées dans la partie externe du mésocarpe du fruit) permet de les récupérer
directement par « expression». Elles sont surtout utilisées dans les industries agro-
alimentaires et en parfumerie .

• huile essentielle de bergamote

L'huile essentielle de bergamote est extraite sans chauffage et par des traitements
mécaniques du péricarpe du fruit frais de C. aurantium L. ssp. bergamia (Wight & "
Arnott) Engler; elle contient de 0,15 à 0,35 % de bergaptène (Ph. fse, 10' éd.).
Profil chromatographique : I3-pinène, 5-9,5 %; limonène, 33-42 %; y-terpinène, 6- :
10,5 %; linalol, 7-15 %; acétate de linalyle, 22-33 %; géranial, < 0,5 % . '
Le résidu d'évaporation est important: 4,2 à 6,5 %. La teneur en bergaptène est,'
estimée par chromatographie liquide. Sur l'huile essentielle de bergamote, voir aussi les \
normes NF ISO 3520: 1999 (huile essentielle) et NF ISO 7358:2003 (détermination de
la teneur en bergaptène).
Les principaux consommateurs de l'huile essentielle de bergamote (éventuellement:
privée de bergaptène) sont la parfumerie (eaux de Cologne, etc.) et les produits'
cosmétiques (sur l'aspect thérapeutique des photodynamisants, voir au chapitre'
coumarines). Le Comité scientifique européen sur les produits cosmétiques a estimé,.;
dans une opinion publiée en octobre 2000, que la teneur en huiles essentielles dO
bergamote (feuille, péricarpe, variétés risso et melarosa) dans les produits cosmétiques:
appliqués sur des zones de peau suceptibles d'être exposées au rayonnement solairet
devrait être limitée à 0,4 % (SCCNFP/0389/00). Le même texte précise, dans le cas d~
l'oranger amer, que cette teneur maximale est de 1,4 %, dans celui de la lime de 0,7 0/0,
et dans celui du citron de 2 %. Pour les autres espèces (oranger doux, pamplemousse';
etc.), la restriction proposée est de limiter la teneur en bergaptène à 15 ppm dans le.
produits cosmétiques destinés à être appliqués sur la peau, et à 1 ppm dans les produi
bronzants et les protecteurs solaires .

• huile essentielle d'orange douce



L'huile essentielle d'orange douce (Ph. eur., 6' éd., [0112008:1811]) est obtenue'
par des moyens mécaniques appropriés, sans chauffage, à partir du zeste frais du frui
de C. sinensis (L.) Osbeck (C. aurantium L. var. dulcis L.).
IIUILES ESSENTIELLES 673

Profil chromatographique : a-pinène, 0,4-0,6 %; ~-pinène, 0,02-0,3 %; sabinène,


0,2-1,1 %; ~-myrcène, 1,7-2,5 %; limonène, 92-97 %; octanal et décanal, 0,1-0,4 %;
linalol, 0,2-0,7 %; néral, 0,02-0,1 %; valencène, 0,02-0,5 %; géranial, 0,03-0,2 %. Voir
aussi les normes NF T 75-203:2006 et ISO 3140:2005.
On vérifie l'absence de bergaptène (décelable par CCM à 365 nm).

1
~CHO

~
~HO 2 2 CH,-(CH,joCHO

géranial néral (-)·limonène y-terpinène n =6 : octanal


(citral A) (citral B) n =8 : décanal

• huile essentielle d~orange amère

Le péricarpe frais d'orange amère également appelée orange bigarade (C. auran-
lium L. ssp. aurantium, cf. p. 668) fournit, par expression, une huile essentielle assez
semblable à celle de l'orange douce, moins riche en composés carbonylés : 96-98 % de
limonène et autres carbures (myrcène, a-pinène, etc.), 0,4-0,5 % d'aldéhydes
nliphatiques, environ 0,1 % d'aldéhydes monoterpéniques. Voir aussi la norme NF T
75-334: 1989 .

• huile essentielle de néroli

L'huile essentielle de néroli (anciennement huile essentielle de fleur d'oranger


nmer, Ph. eur., 6' éd., [01/2008:1175]) est obtenue par entraînement à la vapeur d'eau
des fleurs fraîches de C. aurantium L. subsp. aurantium L. (C. aurantium L. subsp.
IIlnara Engl.).
Profil chromatographique : ~-pinène, 7-17 %; limonène, 9-18 %; linalol, 28-44 %;
llcétate de linalyle, 2-15 %; a-terpinéol, 2-5,5 % ; acétate de néryle, < 2,5 % ; acétate de
géranyle, 1-5 %; trans-nérolidol, 1-5 %; anthranilate de méthyle, 0,1-1 %; (E,E)-
rnrnésol, 0,8-4 %. Pureté chirale: la teneur en (S)-(+)-linalol est au maximum de 30 %,
celle d'acétate de (S)-(+)-linalyle de 5 %. Voir aussi la norme NF ISO 3517:2002 .

• huile essentielle de citron

L'huile essentielle de citron (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:0620]) est obtenue par des
moyens mécaniques appropriés, sans chauffage, à partir du péricarpe frais de C. limon
(1,.) Burm.f.
Profil chromatographique : ~-pinène, 7-17 %; sabinène, 1-3 %; limonène, 56-
7X % ; y-terpinène, 6-12 %; ~-caryophyllène, < 0,5 %; néral, 0,3-1,5 %; a-terpinéol, <
0,6 %; acétate de néryle, 0,2-0,9 %; géranial, 0,5-2,3 %; acétate de géranyle, 0,1-
O,X %. Voir aussi la norme NF IS0855:2004.
674 TERPÉNOÏDES

1.00
On vérifie l'absence de bergaptène (décelable par

0.75 f---.
A
ilî',!, \
CCM à 365 nm) et on détermine l' absorbance par
analyse spectrométrique dans l'ultraviolet (composés
Y\ ,
,,,
carbonylés). Pour ce faire, on pratique l'enregistre-

0.50
,, ''
\\
\,
\1 1
ment du spectre entre 260 nm et 400 nm, puis l'on
mesure le segment CD (en différence d'absorbance).
D\ Le segment CD est le segment qui relie le point C du
1\\ 1\ maximum d'absorption à 315 nm au point D,
0.25 1---- - intersection de la projection de C sur l'axe des
\\B longueurs d'onde et de la tangente commune aux
deux parties de la courbe d'absorption (la valeur C -
o
260 280 300 320 340 360 380 400
1"- D varie de 0,20 à 0,96; pour l'huile essentielle de
Longueur d'onde (nm) citron de type Italie, elle n'est pas inférieure à 0,45).

Reproduit d'après la 6' édition de la


Pharmacopée européenne. .huiles essentielles de mandarine

L 'huile essentielle de mandarine (type « Italie») est extraite sans chauffage et par
des traitements mécaniques de l'épicarpe et d'une partie du mésocarpe frais du fruit de
C. reticulata Blanco, (Ph. fse, 10' éd.).
Profil chromatographique : a-pinène, 2-3 %), ~-pinène, 1,2-2 %; myrcène, 1,5-2;
limonène, 65-75 %; y-terpinène, 16-22 %; p-cymène, < 0,5 %; terpinolène, < 1 %;
méthylanthranilate de méthyle, 0,3-0,6 %. Voir aussi la norme NF ISO 3528:1997.
La variété américaine (connue aussi sous le nom de tangérine) fournit pour sa part :
une huile essentielle composée à près de 90 % de limonène .

• huile essentielle de pamplemousse

Les carbures monoterpéniques (limonène, myrcène, etc.) représentent 96-97 % de,


l'huile essentielle de pamplemousse (grapefruit, pomelo: C. x paradisi Macfad.). La'
teneur en aldéhydes aliphatiques est faible: 0,6 %, octanal, décanal. La concentration:
totale en composés carbonylés est de 1-1,5 % (dont une quantité non négligeable -
0,15 à 0,30 % - de nootkatone). (voir la norme NF ISO 3053:2005). ..
t
.huiles essentielles de petitgrain (citronnier, bigaradier, mandarinier) li·

On désigne sous ce nom les huiles essentielles obtenues par distillation des feuilles,'
des ramilles et des petits fruits verts des espèces considérées. La cotnposition de ces',
huiles essentielles est très différente de celles provenant de l'expression des péricarpes
Exemples: 1° huile essentielle de petitgrain citronnier (Italie), à composés carbonylés
(14-33 %) ; 2° huiles essentielles de petitgrain bigaradier et bergamotier à acétated
linalyle, linalol, limonène, etc.; 3° huile essentielle de petitgrain mandarinier à N
méthylanthranilate de méthyle majoritaire (45-63 %); 4° huile essentielle de petit grai ';
- Paraguay à acétate de linalyle (40-55 %) et linalol (15-30 %). Toutes ces huiles
essentielles font l'objet de normes: NF ISO 8899:2004,8901 :2004,8898:2004 e'
3064:2001. (
IILJILES ESSENTIELLES 675

G. Autres plantes à huiles essentielles

.MUSCADIER, Myristicafragrans Houtt., Myristicaceae

Cet arbre (10-20 m de hauteur) à feuilles alternes, coriaces et persistantes, fournit


dcs fruits drupacés jaune pâle s'ouvrant à maturité par deux valves. Il s'en échappe une
graine unique à tégument lignifié, ovoïde, entourée d'un arille rouge orangé, lacinié et
dmmu: le macis. La forme commerciale - la noix muscade - correspond à la graine
réduite à l'amande (la bogue et la coque ligneuse ont été éliminées, norme NF ISO
(1577:2004 [noix et macis]).
Originaire de l'île d'Amboine (Moluques), le muscadier fut introduit à l'île Maurice
puis en Malaisie, plus tard dans l'île de Ceylan, à Sumatra et dans les Caraïbes.
l,' Indonésie, l'Inde et le Guatemala en sont les principaux producteurs.

Composition chimique. La noix muscade, riche en lipides, renferme des lignanes et


dcs néolignanes. Elle est surtout connue pour son huile essentielle dont la teneur varie
dc 50 à 150 ml/kg. Cette dernière est composée de 70 à 80 % de carbures terpéniques
(sabinène, a- et ~-pinène, a-phellandrène, a-terpinène, limonène, etc), accompagnés
d'alcényl-benzènes (myristicine, safrole, élémicine, eugénol, iso-eugénol) et de terpin-
l-én-4-o1 et autres alcools.
La chimie du macis est dominée par la présence de composés phénylpropaniques :
- composés phénoliques (déhydrodi-isoeugénol et son éther méthylique en 5');
- néolignanes bis-arylpropaniques acycliques et benzofuraniques, certains étant
issus d'un couplage impliquant les propénylbenzènes de type myristicine (fragransols,
Illyristicanols) ;
- lignanes 2,5-bis-aryl-3,4-diméthyltétrahydrofuraniques (fragransines) ainsi qu'un
diarylnonanoïde, la malabaricone C.
La teneur en huile essentielle du macis varie selon l'origine géographique : de 80
(lrenade) à 120-130 mml/kg (Indonésie); elle est très majoritairement constituée de
cllrbures terpéniques.

H'CO~ ~CO~CH'OH
H3CO~O~
OCH 3 OH OCH 3

fragransol-C myristicanols

Pharmacologie. La fraction volatile exerce un effet anti-agrégant plaquettaire,


m.:livité qui serait liée, malgré leur faible teneur, à l'eugénol et à l'isoeugénol.
L'cugénol, dont l'activité anti-agrégante est comparable à celle de l'indométacine, est
é~alement doué de propriétés antibactériennes et, chez le Rat, de propriétés inhibitrices
du transit et des sécrétions intestinales. Le macis (extrait méthanolique) montre une
IIdivité anti-inflammatoire. Eugénol et iso-eugénol sont des inhibiteurs de la cyc1o-
lIxygénase, inhibant la synthèse des prostaglandines par différents tissus, notamment
676 TERPÉNOÏDES

par la muqueuse du côlon (voir aissi p. 660). Les propriétés attribuées à la muscade
n'ont fait l'objet d'aucune évaluation clinique rigoureuse.

Toxicité. Le safrole est hépatocancérogène par voie orale chez les rats et les souris,
ses métabolites interagissent avec l'ADN. Génotoxique sur différents modèles, le
safrole induit mutations géniques et aberrations chromosomiques. On connaît aussi -
et de longue date - les propriétés « hallucinogènes» de la muscade, observées dans
différents contextes (détenus, adolescents, etc.). Pour certains auteurs, les effets
« hallucinogènes» ne seraient que la manifestation d'une toxicité générale. La muscade
ne peut donc pas être considérée comme un hallucinogène stricto sensu : les enquêtes
ethnobotaniques n'ont d'ailleurs trouvé aucune trace d'un usage de ce type en Indonésie.
L'activité psychotrope de la muscade (euphorie, hallucinations) semble liée à la
myristicine et aux produits voisins: certains n'excluent pas que ces phénylpropanes
soient transformés, par transamination dans l'organisme humain, en dérivés tel que le
MMDA (3-méthoxy-4,5-méthylènedioxyamphétamine). Les effets indésirables
nombreux expliquent sans doute le caractère très marginal de cet usage particulier.
Plusieurs cas d'intoxication par ingestion de doses fortes de muscade (5-15 g) ont été
décrits. Les symptômes sont proches de ceux de l'intoxication atropinique.

Emplois. En France, la muscade ne figure pas à l'annexe de la Note explicative de


l'Agence du médicament de 1998. En Allemagne, la Commission E a estimé que
l'efficacité de la muscade n'est pas suffisamment démontrée: compte tenu du risque,
une application thérapeutique ne peut pas être justifiée.
Toujours très recherchée dans ses régions d'origine comme épice et recommandée,
comme plante médicinale, dans de nombreuses indications, la muscade est
traditionnellement utilisée par la médecine chinoise comme stomachique et
antidiarrhéique. La médecine ayurvédique attribue au macis des propriétés digestives,
carminatives et expectorantes. La noix muscade n'est quasiment pas utilisée par la
médecine occidentale.
Du fait de son emploi dans les denrées alimentaires, celles-ci peuvent contenir du ,
safrole. En règle générale, la teneur en safrole des denrées alimentaires doit être l
inférieure à 1 mg/kg, celle des boissons alcoolisées étant < 5 mg/kg si leur titre
alcoolique est> à 25 % en volume; pour les denrées contenant de la musacde ou du
macis, la limite est de 15 mg/kg (Directive 88/388/CEE). Le Comité d'experts euro-
péens sur les matières aromatisantes a classé le safrole dans le groupe des cancérogènes
génotoxiques et a recommandé de fixer la dose maximale à la limite analytique de
détermination. La myristicine et l'élémicine ont été classées dans le même groupe (51'
session, avril 2003).

L'huile essentielle de noix muscade (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:1552]) est obtenue
par entraînement à la vapeur d'eau des noix séchées et broyées de M.fragrans
Profil chromatographique : a-pinène, 15-28 %; ~-pinène, 13-18 %; sabinène, 14- .
29 %; car-3-ène, 0,5-2 %; limonène, 2-7 %; y-terpinène, 2-6 %; terpinén-4-ol, 2-6 %;
safro1e, < 2,5 %; myristicine, 5-12 %.Voir aussi la norme NF ISO 3215: 1999.
IIIIILES ESSENTIELLES 677

• VERVEINE ODORANTE, Aloysia citriodora Palau


(= Lippia citriodora Kunth.), Verbenaceae

La feuille de verveine odorante est constituée par les feuilles séchées, entières ou
fragmentées, d'Aloysia citriodora Palau (syn. A. triphylla [L'Hér.] Kuntze; Verbena
(riphylla L'Hér.; Lippia citriodora Kunth.). Elle contient au minimum 2,5 % d'actéo-
side exprimé en acide férulique et au minimum 3 ml/kg d'huile essentielle (feuilles
l'litières) ou au minimum 2 ml/kg (feuilles fragmentées) (Ph. eur., 6' éd. [0112008:
IH34], corr. 63).

La plante. La verveine odorante est un arbrisseau ramifié dont les longues tiges
IInguleuses et cannelées portent des feuilles rudes, courtement pétiolées, verticillées par 3
(ou parfois par 4). Les fleurs, disposées en épis, possèdent 4 pétales soudés à la base en
\111 tube, et étalés en 4 lobes bicolores: blancs sur la face externe, ils sont bleu violacé sur
11I1~lce interne. L'espèce, originaire de l'Amérique du Sud, peut être cultivée sur le pour-
lour méditerranéen.

Lafeuille. La feuille de verveine est simple, à limbe étroit, lancéolé, aigu, à bords
ondulés recourbés vers la face supérieure. La nervure médiane est très saillante à la faee
illférieure et les nervures secondaires sont dirigées vers les bords du limbe. Après
hroyage, la feuille présente une odeur caractéristique, rappelant celle du citron.
Examinée au microscope (hydrate de chloral), la poudre de feuille présente de
Ilombreux poils cystolithiques unicellulaires, courts, à parois épaisses, à base entourée
de cellules disposées en rosette et, sur l'épiderme inférieur, un grand nombre de
stomates anomocytiques et de poils sécréteurs subsessiles à tête globuleuse.
L'identité de la verveine est confirmée par la CCM d'un extrait méthanolique. Elle
Ile doit pas contenir de verveine officinale (Verbena offïcinalis) : absence de bande
spécifique sur la CCM d'identification. L'actéoside est dosé par chromatographie
liquide, après extraction par une solution titrée d'acide férulique dans l'éthanol à 60 %.

Composition chimique. La feuille renferme de 0,1% à 0,7 % d'une huile essen-


lielle riche en composés carbonylés (citrals, citronellal, méthylhepténone) accompagnés
de carbures mono- et sesquiterpéniques. La feuille contient également des flavonoïdes,
principalement des glycosides de lutéolol et des flavones hydroxylées en C-6 et leurs
éthers méthyliques (salvigénine, eupafoline, hispiduline, etc.) ainsi que des iridoïdes
(verbénaline) et du verbascoside (= actéoside).

Propriétés. L'huile essentielle de verveine odorante est antibactérienne et


spasmolytique. Son pouvoir de sensibilisation et sa phototoxicité semblent faibles. Une
étude chez l'Homme, ancienne, a montré l'absence d'activité sédative ou anxiolytique
de l'infusion.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour lafeuille de verveine odorante, les indications
Myristica fragrans Houtt.
tllii LES ESSENTIELLES 679

thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé dans le traitement


symptomatique 1° de troubles digestifs tels que ballonnement épigastrique, lenteur à la
digestion, éructations, flatulence; 2° des états neurotoniques des adultes et des enfants,
lIotamment en cas de troubles mineurs du sommeil. Si le phytomédicament à base de
verveine odorante est une poudre de feuille, le dossier« abrégé» d'AMM doit
l'oillporter une étude toxicologique allégée. Aucune évaluation toxicologique n'est
demandée dans les autres cas (feuille pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-
IIkooliques quel qu'en soit le titre).
La verveine odorante ne fait pas l'objet d'une monographie de la Commission E du
1~/lIrM allemand .

• BADIANIER DE CHINE, Illicium verum Hook.j., Illiciaceae

La badiane est le fruit composé séché d' I. verum. Il contient au minimum 70 ml/kg
d'huile essentielle et au minimum 86 % de trans-anéthole dans l'huile essentielle (Ph.
l~\II·., 6' éd., [01/2008:1153]).

La plante. Le badianier de Chine est un arbre à feuilles persistantes courtement


pétiolées, originaire du sud de la Chine qui en est le principal producteur et exportateur.
l,es fleurs, solitaires, axillaires ou subterminales, très odorantes, possèdent un périanthe
de 15 à 20 pièces disposées en hélice sur plusieurs rangées, 15-20 étamines et
généralement 8 carpelles disposés en étoile (doù le nom d'anis étoilé).

Le fruit. Le fruit du badianier est habituellement composé de 8 follicules caréni-


l'ormes à pointe émoussée (de fait de 6 à Il). Souvent inégalement développés (12-
20 mm x 6-11 mm), les follicules sont disposés radialement autour d'une courte
l'olonne centrale à extrémité tronquée. Chaque follicule s'ouvre par une fente de
déhiscence qui laisse voir une graine unique, dure, brune, brillante, comprimée
IIltéralement. Le pédoncule, s'il est présent, est incurvé et épaissi à l'apex.
Examinée au microscope (hydrate de chloral), la badiane pulvérisée présente de
lIombreux éléments caractéristiques, en particulier: des cellules épicarpiques à cuticule
IIlI·tement striée; des fragments d'endocarpe à grandes cellules palissadiques (600 }lm);
des cellules scléreuses palissadiques jaunes à paroi fortement ponctuée; des cellules
Hl'Iéreuses de la colonne centrale (400}lm x 150 }lm) à paroi fortement épaissie,
présentant des projections pointues en forme d'étoile (astroscléréides), etc.
La Pharmacopée prescrit de rechercher lllicium anisatum : macroscopiquement, on
Ilote l'absence de follicules à pointe en forme de bec et de pédoncules rectilignes à
\)xtrémité supérieure non courbée; microscopiquement, les fragments de la colonne
'!l'ntrale préalablement séparés du fruit avec cellules scléreuses à paroi épaissie sans
projections pointues en forme d'étoile doivent être absents. Le chromatogramme
( 'CM) d'un extrait méthanolique du fruit ne présente pas de bandes fluorescentes
l!lIl'actéristiques d'autres espèces du geme Illicium (localisées par rapport à des témoins).
Sur les spécifications de la badiane, voir aussi la norme NF ISO 11178: 1995.
680 TERPÉNOÏDES

Composition chimique. La badiane est connue pour renfermer de 50 à 90 ml/kg


d'huile essentielle. Le constituant principal, très majoritaire (80-90 %) est le E-anéthole.
Il est accompagné de méthyl-chavicol (= estragole), d'anisaldéhyde et de constituants
terpéniques (limonène, linalol, carbures sesquiterpéniques). Le fruit renferme ,i

également des lignanes et des diols phénylpropaniques dérivés du thréo-anéthole


glycol, de l'acide shikimique Uusqu'à 8,5 %), des flavonoïdes, des tanins, des
triglycérides ainsi que des sesquiterpènes lactoniques convulsivants, mais en très faible
quantité: respectivement 1 et 1,5 ppm de véranisatines A et B.

Pharmacologie, évaluation clinique. On attribue classiquement à la badiane des


propriétés spasmolytiques et carminatives, inhibitrices des fermentations intestinales.
De fait, l'expérimentation pharmacologique (iléon de Cobaye) montre que les essences
anisées à faible dose augmentent le tonus basal et les contractions de la musculature
lisse intestinale.

Toxicité. La badiane (fruit) passe pour atoxique en infusion. Les incidents et


accidents signalés dans la bibliographie sont liés à une contamination de la badiane de
Chine par de la badiane du Japon (cf ci-dessous) ou par une autre badiane qui, comme
cette dernière, est riche en lactones sesquiterpéniques convulsivantes. Plusieurs cas de "
convulsions passagères consécutives à une telle confusion ont été enregistrés en 2001
aux Pays-Bas, en Espagne et en France, notamment chez des jeunes enfants. La
question d'une éventuelle toxicité des véranisatines a été posée, mais demeure sans
réponse (la teneur est sans doute insuffisante ?).
La DUo de l'huile essentielle de badiane est de 2,57 g/kg (voie orale, Rat). Sur la "
toxicité de l'anéthole et du safrole, voir p. 592.

~
oo
o

, i ,""OH
H6°)=0 OCH 3
o
anisatine pseudo-anisatine E-anéthole

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet'


qu'il est possible de revendiquer, pour le fruit de badianier de Chine, les indications'.
thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 1 dans le traitement:
0

symptomatique de troubles digestifs tels que ballonnement épigastrique, lenteur à la:


digestion, éructations, flatulence; 20 comme traitement adjuvant de la composante
douloureuse des troubles fonctionnels digestifs. Aucune évaluation toxicologique n'es~
demandée pour la constitution d'un dossier« abrégé» d'AMM (poudre, fruit pou~.
tisane, extraits aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre). !:
La commercialisation de la badiane à des fins thérapeutiques, suspendue en:
France en novembre 2001 à la suite des épisodes convulsifs cités ci-dessus, a été de
nouveau autorisée en 2007 (décision du 27-09, J.O. Rép.fr. du 13-10). '
HUILES ESSENTIELLES 681

En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que


le fruit du badianier de Chine est utilisé dans les états inflammatoires des voies
respiratoires et les dyspepsies. Posologie: 3 g par jour de fruit ou 0,3 g par jour d'huile
essentielle ou préparation équivalente.
L'huile essentielle de badiane (Ph. eur., 6" éd., [01/2008:2108]) est obtenue par
entraînement à la vapeur d'eau à partir des fruits mûrs et secs de J. verum.
Profil chromatographique : E-anéthole, 86-93 %; Z-anéthole, 0,1-0,5 %; linalol,
D,2-2,5 %; estragole, 0,5-6 %; a-terpinéol, < 0,3 %; aldéhyde anisique, 0,1-0,5 %;
I"oeniculine, 0,1-3 %. Identifiée par CCM, cette huile essentielle ne contient pas plus de
0,01 % de fenchone ou de 2-méthylbutyrate de pseudoisoeugényle (la première
caractérise les huiles essentielles de fenouil, le second l'huile essentielle d'anis). Voir
aussi la norme NF ISO 110 16: 1999.
La liquoristerie utilise l'huile essentielle de badiane, comme celle d'anis ou de
I"enouil, pour la fabrication de boissons, alcoolisées ou non. Les producteurs et les
fabricants d'huile essentielle de badiane et d'anéthole ne peuvent vendre ces produits
qu'aux fabricants de boissons, pharmaciens, parfumeurs, fabricants de produits
alimentaires ou industriels et négociants exportateurs directs. La revente en nature est
interdite à ces catégories à l'exception des pharmaciens qui ne peuvent les délivrer que
sur ordonnance médicale et doivent inscrire les prescriptions qui les concernent sur leur
registre d'ordonnances (Art. L3322-5 du Code de la santé publique).
L'acide shikimique, extrait de la badiane de Chine, est une matière première pour
la synthèse de l'oseltamivir. Une fraction de l'acide shikimique nécessaire à cette
synthèse serait maintenant produite par voie fermentaire (Escherichia coli).

• BADIANIER DU JAPON, Illicium anisatum L.


=J. religiosum Sieb. & Zucc., Illiciaceae

La badiane officinale est parfois confondue avec le fruit du badianier du Japon.


Chez ce dernier, connu sous le nom de shikimi, le fruit et les graines renferment des
lactones sesquiterpéniques (anisatine, néoanisatine, pseudo-anisatine et dérivés
apparentés) qui confèrent à ces fruits des propriétés convulsivantes. L'huile essentielle,
moins abondante que dans la badiane de Chine (2,5-10 ml/kg), est composée
majoritairement de terpènes (60-80 %) ; les composés phénylpropaniques sont
représentés par le safrole, le méthyleugénol et, en faible quantité, par la myristicine.
Morphologiquement, le fruit du badianier du Japon est plus petit et les follicules
forment une étoile irrégulière. La différenciation des deux espèces est malaisée (odeur
camphrée, caractères microscopiques très voisins) .

• ACORE, Acarus calamus L., Araceae

Ni décrite par les dernières éditions des Pharmacopées européeenne ou française, ni


inscrite sur la liste des plantes de la Note Explicative de 1998, cette espèce retient
l'attention pour son éventuelle toxicité.
682 TERPÉNOÏDES'

Cette plante d'origine asiatique est assez commune sur le bord des étangs et des'
marais de l'Europe et de l'est de l'Amérique du Nord. Parlois appelée roseau odorant, J,
elle est vivace par un rhizome et caractérisée par des feuilles rougeâtres à la base et des :,
fleurs groupées en un épi compact à axe charnu entouré par un spathe de grande taille.
Polytypique, l'espèce comprend plusieurs variétés: var. americanus (Raf.) Wulff (2n,
Amérique), var. calamus L. (3n, Europe, stérile) et var. angustatus Bess. (4n, Inde,
variété «Jammu »); il existerait également une variété indienne hexaploïde.

Composition chimique. Le rhizome fournit une huile essentielle dont la teneur varie '
de 20 à 90 ml/kg. L'huile essentielle de la variété européenne renferme des dérivés:
mono- et sesquiterpéniques (camphène, p-cymène, ~-gurjunène, a-sélinène, 8- l
cadinène, linalol, a-terpinéol, a-cadinol, acorénone, calamendiol, iso-shyobunone, etc.)
et des dérivés phénylpropaniques dont la teneur ne dépasse que rarement 10 % et qui
sont surtout représentés par la ~-asarone (Z-isoasarone). Celle-ci est absente dans:
l'huile essentielle de la variété américaine. La ~-asarone est prépondérante dans celle de :
la variété indienne: jusqu'à 96 %. L'huile essentielle du triploïde contient de :
l'acorénone, celle du tétraploïde de la y-asarone.

~-
CH 3 0

OCH 3
H'CO~OCH' ~/
OCH 3 OCH 3 o "
acorénone y-asarone ~-asarone shyobunone
(cis-isoasarone)

Pharmacologie, toxicité. Les propriétés pharmacologiques de l'huile essentielle;


(spasmolytique) et de la ~-asarone (sédatif du SNC) ont fait l'objet de multiples:
travaux. Il a par ailleurs été démontré que la ~-asarone est toxique: administrée au long;
cours au Rat, l'huile essentielle d'acore indien induit l'apparition de tumeurs au niveau:
duodénal. Chez la Souris, la ~-asarone pure entraîne le développement de tumeurs
hépatiques.

Emplois. Plante anciennement connue, réputée « stimulant digestif », elle est:


surtout utilisée par l'industrie agroalimentaire : si l'acore et ses produits sont interdits;
aux États-Unis d'Amérique, ils sont autorisés en Europe (limite maximale tolérée en ~.:
asarone dans les denrées alimentaires et les boissons: 0,1 mg/kg et, dans les boissons '.
alcoolisées et les assaisonnements destinés aux biscuits apéritifs, 1 mg/kg). La j
parfumerie et l'industrie des cosmétiques utilisent l'huile essentielle alors quej
l'industrie agroalimentaire a surtout recours à l'extrait hydro-alcoolique. celui-ci,',t
préparé à partir de la variété européenne par macération dans l'alcool à 60 %, nel
renferme que de très faibles quantités de ~-asarone. Compte tenu des limites imposées, ~
une stricte sélection des variétés utilisées et un contrôle rigoureux de la matière ~
première s'imposent. l
" "j

1
,~
~i
HUILES ESSENTIELLES 683

• CITRONNELLES, Poaceae

Les citronnelles sont des herbes vivaces à feuilles linéaires en touffes, raides, à
fleurs en épis. On distingue pricipalement :
-la citronnelle indienne (lemongrass), Cymbopogon citratus (De.) Stapf,
-la verveine des Indes ou herbe de Malabar, C.flexuosus (Nees ex. Steud.) Stapf,
- la citronnelle de Java, C. winterianus Jowitt,
-le palmarosa ou géranium des Indes, C. martinii (Roxb.) Wats.,
- la citronnelle de Ceylan, C. nardus (L.) Rendl.
Les huiles essentielles de citronnelle sont réputées insectifuges. Elles sont
principalement utilisées dans la formulation des cosmétiques et de produits d'hygiène.

L'huile essentielle de citronnelle est obtenue par entraînement à la vapeur d'eau à


partir des parties aériennes fraîches ou partiellement desséchées de Cymbopogon
winterianus Jowitt (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:1609]).
Profil chromatographique : limonène, 1-5 %; citronellal, 30-45 %; acétate de
citronellyle, 2-4 % ; néral, < 2% ; géranial, < 2 % ; acétate de géranyle, 3-8 % ; citronel-
101,9-15 % ; géraniol, 20-25 %.
Sur les huiles essentielles de citronnelles, voir aussi les normes NF ISO 3849:2004
(type Sri Lanka), NF T 75223:1976 et ISO 3848:2001 (type Java).

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monoterpènes
sesquiterpènes

Oléorésines et produits
,
apparentes

1. Définitions et exemples .......................................................................................................693


oléorésines .................................................................................................................693
gommes-résines, gommo-oléorésines ......................................................................694
2. Pins et térébenthines ............................................................................................................697
3. Autres produits fournis par les Pinopsida (Conifères) .......................................................700
huiles essentielles d'aiguilles ....................................................................................700
cade .............................................................................................................................701
genévrier .....................................................................................................................701
4. Bibliographie .......................................................................................................................704

1. DÉFINITIONS ET EXEMPLES

Oléorésines

Les oléorésines naturelles sont des produits de consistance molle ou demi-liquide,


mélanges d'huiles essentielles et de résines. La norme NF T 75-006: 1998 les définit
comme des « exsudats principalement constitués de composés résineux et de composés
volatils. » Elles sont particulièrement abondantes chez les Pinopsida (térébenthines,
« baume» du Canada, etc.) et dans certaines familles de Dicotyledonae :
- Anacardiaceae, ex. : térébenthine de Chio et mastic des Pistachia ;
694 TERPÉNOÏDES

- Burseraceae, ex.: élémi de Manille. Cette oléorésine est fournie par un arbre
des Philippines, Canarium luzonicum (Miq.) A. Gray; elle est notamment utilisée en
savonnerie. Par distillation sèche sous pression réduite de l'oléorésine (ou par entraîne-
ment à la vapeur d'eau), on prépare l'huile essentielle d'élémi (norme NF ISO 10624:
1998 1) qui renferme limonène (45-72 %), a-phellandrène (10-24 %), sabinène (3-8 %),
élémicine (0,5-8 %), élémol (1-15 %) et a-terpinéol (0,4-2 %);
- Dipterocarpaceae, ex.: les produits du gurjun, fixateurs en parfumerie et
matière première pour la préparation du guiazulène, sont obtenus à partir des sécrétions
de divers Dipterocarpus du sud-est asiatique;
- Caesalpiniaceae, ex.: le copahu des Copaifera spp. provenant de l'Amérique
du Sud, utilisé comme fixateur en parfumerie et dont la fraction volatile contient plus de
50 % de caryophyllène.

Gommes-résines, gommo-oléorésines

Les gommes-résines sont des exsudats principalement constitués de composés


résineux et de gommes (ex.: la « gomme» gutte ou gamboge, exsudation du Garcinia :
hanburyi Hook.f., Clusiaceae). Les gommo-oléorésines sont des exsudats principale- .
ment constitués de composés résineux, de gommes et d'une certaine quantité de
composés volatils. La fraction résineuse de ces produits est le plus souvent formée de ,
triterpènes ou, dans le cas des oléorésines des Conifères, de diterpènes. Les gommo-'
oléorésines ne sont pratiquement plus utilisées en pharmacie, mais certaines d'entre
elles conservent des emplois importants dans le secteur de la parfumerie. Elles sont
surtout élaborées par des Burseraceae et des Apiaceae.

La famille des Burseraceae fournit notamment:

• l'ENCENS ou oliban. Il s'agit de la sécrétion recueillie après incision du tronc,


d'arbustes du nord-est de l'Afrique et de l'Arabie: Boswellia carteri Birdw. (= encenS
biblique), B.frereana Birdw. ou encore B. papyrifera (Del.) Hochst. L'encens es<
composé d'une fraction résineuse alcoolo-soluble (65-85 %), d'une fraction polysaccha··
ridique hydrosoluble et de 50 à 90 ml/kg d'une fraction volatile à mono- et sesqui-;
terpènes (a-pinène, ~-myrcène, limonène), alcools (n-octanol), esters (acétate d'octyle)'
et autres. On remarque que l'oléorésine renferme des diterpènes de type cembrane :'
incensole, iso-incensole libre et acétylé, cembrène A, etc. La composition de l'encens
varie légèrement selon l'espèce productrice, certains constituants semblant caractérisÇ
tiques d'une espèce (ex. : iso-incensole de B. carteri, incensole, n-octanol et acétate
d'octyle de B. papyrifera, dimères du phellandrène de B.frereana). Les différents
Boswellia renferment des triterpènes : dérivés du lupane, acides boswelliques, déhydro
boswellliques et cétoboswelliques (la concentration en dérivé acétylé de l'acide céto'

1. Dans sa définition, la norme désigne la matière première par le vocable de « gommo-olé~'


résine ». Paris et Moyse la classent dans les oléorésines. Évoquant les oléorésines, gommes-résines e
gommo-oléorésines, W.c. Evans [1996] souligne quant à lui que: «no hard and fast distinction can b
made between these Rroups» [Trease & Evans' Pharmacognosy, p. 259, Saunders, Londres].
( lLÉORÉSINES 695

11~-boswellique semble caractériser les encens africains). On a également isolé, chez


8. papyrifera, des glycosides stilbéniques .

• l'OPOPANAX (myrrhe bisabol, bdellium parfumé). Voisin de l'encens, fourni


par un arbuste somalien (Boswellia erythraea Eng!. var. glabrescens Eng!.), il est utilisé,
comme l'encens, comme fixateur et pour donner une note« orientale» aux parfums .

• la MYRRHE. La myrrhe est constituée par la gomme-résine, durcie à l'air,


obtenue par incision ou par exsudation spontanée du tronc et des rameaux de C. mo/mol
1~ngler ou d'autres espèces de Commiphora (Ph. eur., 6' éd., [01/2008: 1349]).

La gomme-résine, composition chimique. Les espèces productrices de myrrhe sont


des Commiphora : C. myrrha (Nees) Eng!. (= C. mo/mol [Eng!.] Engl), C. abyssinica
(O. Berg.) Eng!. et C. schimperi (O. Berg.) Eng!. Ces espèces sont de petits arbres à
grandes épines acérées de l'Éthiopie, de la Somalie, de l'Arabie, du Yemen.
La myrrhe se présente en fragments brun orangé souvent recouverts d'une
cf"f1orescence grisâtre. Un examen en CCM d'une solution alcoolique concourt à son
identification (mise en évidence du furano-eudesma-I ,3-diène, de la curzérénone et du
2-méthoxyfuranodiène) et permet de s'assurer de l'absence de Commiphora mukul.
La fraction volatile de la myrrhe (50-150 ml/kg) doit son odeur caractéristique à des
J"uranosesquiterpènes (furano-eudesmanes comme la curzérénone, le furanoeudesma-
1J-5-diène, mais aussi furanoélémènes et furano-germacranes). La fraction résineuse
(25-40 %) est composée d'acides commiphoriques (a,~, y), d'heerabomyrrhols et
autres dérivés triterpéniques. L'hydrolyse de la fraction gommeuse (30-60 %) fournit
du galactose, de l'acide 4-0-méthylglucuronique et de l'arabinose.

lM
furanoeudesma-I,3-diène
ç9Q
'" 0 1

curzérénone
h
AOHélémol

/~},<
~

(J(:: ~
1,3,5-undécatriènes
cembrène 2-méthoxy-3-isobutylpyrazine (galanolènes)

Pharmacologie, évaluation clinique. L'extrait éthéropétroléique de myrrhe est anti-


inllammatoire par voie orale (œdème aux carraghénates, Rat, 500 mg/kg). Des proprié-
lés analgésiques, antagonisées par la naloxone, ont été mises en évidence chez la Souris;
le furoeudesma-l ,3-diène est également analgésique. La fraction sesquiterpénique
possède des propriétés anesthésiques locales (Lapin, collyre). Des extraits de myrrhe
696 TERPÉNOÏDES

abaissent la glycémie des rongeurs et l'on a noté en effet protecteur de doses élevées de
myrrhe sur la muqueuse gastrique des rats.
En Égypte, une spécialité à base de myrrhe a été préconisée dans le traitement de
diverses parasitoses, notamment en cas d'infection à schistosomes (S. mansoni).
Plusieurs publications tendent à démontrer la réalité de cette activité antiparasitaire,
chez l'Homme ou le Mouton. Toutefois, une étude conduite chez des rongeurs et des
essais cliniques randomisés versus praziquantel ont, en 2005, conduit leurs auteurs à
conclure à l'absence d'activité ou à une efficacité très faible. On ne peut donc pas
considérer que la myrrhe présente un réel intérêt dans ce type d'indication.

Toxicité, effets indésirables. La fraction volatile présente une toxicité certaine en


aigu (DL 50 = 1,65 g/kg). La toxicité chronique (per os) a été peu étudiée. La teinture de
myrrhe non diluée peut provoquer des irritations cutanées. Un cas (isolé ?) d'interaction
médicamenteuse avec la warfarine a été signalé.

Emplois. La myrrhe fut utilisée pour l'enbaumement des momies égyptiennes.


Connue et employée comme antiseptique dans l'Antiquité, elle est considérée comme
anti-inflammatoire par la médecine traditionnelle arabe. En pharmacie, elle sert à la
préparation de la teinture de myrrhe (au 1/5, Ph. eur., 6' éd., [0112008: 1877]).
En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet qu'il est
possible de revendiquer, pour la teinture de myrrhe, les indications thérapeutiques
suivantes en usage local: traditionnellement utilisé 1° pour le traitement des petites
plaies après lavage abondant (à l'eau et au savon) ; 2° en cas de nez bouché, de rhume; 1
3° comme antalgique dans les affections de la cavité buccale et/ou du pharynx .
(collutoire, pastille). Aucune évaluation toxicologique n'est demandée pour la;
constitution d'un dossier« abrégé» d'AMM (teinture et extrait hydro-alcoolique de )
titre supérieur à 30 %. Les autres formes ne sont pas utilisées de façon traditionnelle). ;
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
la myrrhe est utilisée pour le traitement des inflammations légères de la bouche et du •
pharynx: en application d'un tampon de teinture pure (2-3 fois par jour), en bain de .
bouche ou en gargarisme (de 5 à 10 gouttes dans un verre d'eau). Elle peut aussi être .;
utilisée sous forme de poudre dentaire (poudre de résine à ID %).

La famille des Apiaceae fournit surtout:

• le GALBANUM. Cette sécrétion est recueillie après incision, au niveau du sol,


de la partie supérieure des racines d'une espèce iranienne du genre Ferula, F. gummosa .
Boiss. (= 'galbaniflua' Boiss. & Buhse). La fraction volatile contient surtout des carbures'
terpéniques: a-pinène (5-21 %), p-pinène (40-70 %) et Ll3-carène (2-16 %) Elle doit
son odeur marquée à des composés spécifiques: carbures comme le (3E,5Z)-1,3,S··
undécatriène (0,4-2 %) et son isomère 3E,5E (leur rapport varie de 2 à 5,5), dérivés
azotés (2-méthoxy-3-isobutylpyrazine) et dérivés soufrés (S-sec-butyl-3-méthyl-2~!
butène-thioate, méthylallyl- et propényldisulfures). Bon fixateur, le galbanum est aussi
utilisé pour créer des notes vertes dans les compositions. Sur les caractéristiques de ce.
produit, voir la norme NF ISO 14716:1999. \'
OLÉORÉSINES 697

.l'AsE FÉTIDE. Cette sécrétion fut utilisée comme antispasmodique et


anthelminthique. Elle est actuellement inusitée en France.
L'ase fétide, gommo-oléorésine de Ferula asafoetida L. et autres espèces du genre
(F. rubricaulis Boiss., F.foetida [Bunge] Regel) est obtenue par entailles répétées de la
partie supérieure des racines (le collet), après que les feuilles se sont fanées; la
production est étalée sur 2 à 3 mois. Seules les plantes sauvages sont exploitées
(Afghanistan, Iran).
La fraction volatile (15 % pour des lots afghans) est caractérisée par la présence de
di sulfures de 2-butyl-l-propényle et de l-(l-méthylthiopropyl)-l-propényle et de
composés voisins. La fraction résineuse renferme de l'acide férulique et des dérivés
sesquiterpényl- et famésyl-coumariniques. La CCM permet de différencier rase fétide
du galbanum et de la gomme ammoniaque.
L'ase fétide est réputée carminative et a été préconisée en cas de colites; elle est
spasmolytique sur l'iléon isolé de Cobaye. Rarement toxique - elle a provoqué une
méthémoglobinémie chez un très jeune enfant -, elle est autorisée comme aromatisant.

Baumes

Un baume est « une oléorésine naturelle particulière caractérisée par la présence de


constituants benzoïques et/ou cinnamiques ». Du fait de cette composition particulière,
les baumes ont été évoqués au chapitre des acides-phénols. On remarquera ici que le
nom de baume est très souvent employé pour désigner, à tort, des produits qui ne
répondent pas à la définition officielle: les baumes de copahu, de gurjun ou du Canada
sont des oléorésines, le baume de Calophyllum est un mélange d'huile essentielle, de
triglycérides et de néoflavonoïdes, etc.

Résines

Selon la norme citée ci-dessus, une résine est le résidu de distillation d'une
oléorésine naturelle. Les ouvrages de pharmacognosie semblent faire un usage moins
restrictif de ce terme: ils parlent couramment de résine d'euphorbe, de résine de gaïac,
de résine de chanvre, de résine de scamnonée, de résine de jalap, etc. En fait, les progrès
de la phytochimie ont, assez souvent, permis de connaître la composition de ces
« résines» ce qui incite à les évoquer dans les chapitres correspondants: diterpènes
(résine des grindélias), terpénophénols (résine de chanvre), glycosides complexes des
résines de Convolvulaceae, etc.

2. PINS ET TÉRÉBENTHINES

.PINS, Pinus spp., Pinaceae

Presque tous localisés dans l'hémisphère nord, les pins produisent, dans des canaux
sécréteurs, une oléorésine, la térébenthine. Si la térébenthine de Bordeaux est
traditionnellement obtenue à partir du pin des Landes (Pinus pinaster Aiton), elle est
698 TERPÉNOÏDES

plus fréquemment obtenue à partir d'autres espèces, nord-américaines comme


P. palustris Miller (long lea! pine) et P. elliottii Engelm. (slash pine) ou européennes
comme P. sylvestris L., P. nigra J.F. Arnold (et leurs nombreuses sous-espèces et
variétés), P. halepensis Miller et autres (liste non limitative).

Production de la térébenthine. La térébenthine ou, mieux, les térébenthines,


peuvent être obtenues par trois procédés:
1. Le premier, traditionnel, consiste à pratiquer le gemmage, c'est-à-dire à écorcer
puis à inciser le tronc des pins et à recueillir l'oléorésine - la gemme - qui s'écoule.
Le flux de résine peut être accru par badigeonnage à l'acide sulfurique dilué. La résine
brute est ensuite soumise à une hydrodistillation qui conduit à l'essence de térébenthine
(gum turpentine des anglo-saxons) et à la colophane (gum rosin);
2. Le deuxième procédé utilise les résidus de l'industrie du bois, en particulier les
souches obtenues à l'occasion de l'abattage des arbres. Celles-ci, lavées et broyées, sont
extraites par un solvant organique et les copeaux épuisés servent de combustible pour
alimenter les distillateurs. La distillation du produit d'extraction brut fournit du ;
dipentène, de « l'huile de pin », de la térébenthine de bois (wood turpentine) et de la
colophane de bois (wood rosin);
3. Le dernier procédé récupère les constituants terpéniques contenus dans les bois l
de pin au moment de leur transformation en pâte à papier. La pulpe utilisée en papeterie 'l
1
est le plus souvent obtenue par cuisson du bois (procédé kraft: cuisson au sulfate) : les 1
vapeurs de cuisson, condensées, fournissent l'essence de térébenthine de sulfate. Par 1
ailleurs les eaux résiduelles conduisent à l'huile de pin brute (tall oil) qui fournira!
acides gras, sitostérol et colophane (tal! ail rosin). l
Dans la dernière décennie du XX' siècle, la production mondiale annuelle d'essencej
de térébenthine se situait entre 240000 et 260 000 tonnes, 50 % environ étant fournis!
par le gemmage (Chine, Russie, Indonésie, Inde, Mexique, Brésil, etc.); les États-Unis l
d'Amérique et le Canada pour leur part produisaient environ 100 000 tonnes de 1
térébenthine de sulfate. La qualité du produit varie en fonction de nombreux critères:
nature du matériau (résines, souches); espèce végétale; origine géographique, etc.

Composition. L'essence de terébenthine renferme très majoritairement des carbures


monoterpéniques: (+)- et (-)-a-pinènes, (-)-~-pinène, camphène, ~-phellandrène, /"".3-
carène (prépondérant dans certaines essences). Les proportions relatives de (+)- et (-)- ~
a-pinènes expliquent les différences importantes de pouvoir rotatoire observées pour'
l'essence de térébenthine. De plus, il a été noté que, pour un même arbre, le pouvoir'
rotatoire de la térébenthine sécrétée varie en fonction de l'époque du prélèvement.
La colophane contient principalement des acides diterpéniques : acides (+ )-pima- :
rique et abiétique, ce dernier étant formé par l'isomérisation de l'acide (-)-pimarique .
présent dans le produit brut, avant 1'hydrodistillation. Elle contient également des,
alcools diterpéniques et des sesquiterpènes.

Utilisation des térébenthines. Les emplois pharmaceutiques de la térébenthine sont


très réduits. Autrefois utilisée comme expectorante et modificatrice des sécrétions,
bronchiques, elle demeure employée par voie externe comme rubéfiant. Environ 45 %:
OLÉORÉSINES 699

de la production sont absorbés par l'industrie des parfums et des arômes, le reste est
destiné à des industries diverses (solvants, colles, détergents, etc.). La colophane,
collante, émulsifiante et décapante, est utilisée dans de nombreuses industries (encres,
adhésifs, papiers, baguettes de soudure, etc.), en nature et après transformation
chimique (estérification, cycloaddition d'acide maléique ou fumarique, hydrogénation,
dimérisation, etc).

L'huile essentielle de térébenthine type Pinus pinaster est obtenue par


entraînement à la vapeur d'eau, suivi de rectification à une température inférieure à
180 oC, de l'oléorésine de Pinus pinaster Aiton (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:1627]).
Profil chromatographique (essence officinale) : a-pinène, 70-85 %; camphène, 0,5-
1,5 %; ~-pinène, 11-20 %; car-3-ène, < 1 %; ~-myrcène, 0,4-1,5 %; limonène, 1-7 %;
longifolène, 0,2-2,5 %; ~-caryophyllène, 0,1-3 %; oxyde de caryophyllène, < 1.

L'huile essentielle de térébenthine type ibérique (P. pinaster) fait aussi l'objet d'une
norme internationale (ISO 11020: 1998). Il en est de même pour l'huile essentielle de
térébenthine de type Chine (P. massoniana Lamb., ISO 21389:2004).

L'essence de térébenthine est un irritant des muqueuses, convulsivant aux fortes


concentrations. La colophane est allergisante, du fait de la présence, dans la colophane
non modifiée, de produits d'oxydation des acides diterpéniques. Certains dérivés
modifiés sont également allergisants (ex. : acide maléopimarique).

Transformation de l'essence de térébenthine. Les pinènes constituent un produit


industriel de première importance, leur réactivité marquée autorisant la synthèse de très
nombreux produits. Cet aspect de la connaissance des substances naturelles dépassant
le cadre habituel de la pharmacognosie, nous signalerons simplement les principales
voies synthétiques qui peuvent être mises en œuvre. Il s'agit essentiellement:

1. De réactions acido-catalysées provoquant la rupture du noyau cyclobutanique


avec ou sans transposition: accès à l'a-terpinéol, au chlorure de bornyle et à l'acétate
li' isobornyle;

2. De réactions de pyrolyse. La thermolyse du seul ~-pinène conduit, via des


réactions radicalaires, à des carbures tels que le myrcène qui est lui-même une matière
première permettant d'accéder à un grand nombre de composés intéressants la
parfumerie (via les chlorures de géranyle et de néryle). On peut faire précéder la
thermolyse par une hydrogénation, ce qui permet d'utiliser aussi l'a-pinène. La
thermolyse du cis-pinane permet, par l'intermédiaire du dihydromyrcène, d'accéder au
citronellol, au citronellal et à leurs dérivés;

3. De réactions d'hydroperoxydation. L'industrie utilise préférentiellement le (-)-a-


pinène pur comme substrat. Selon les conditions de 1'hydroperoxydation et le
traitement appliqué au peroxyde, ces séquences permettent un accès au verbénol, au
linalol et à leurs dérivés.
700 TERPÉNOÏDES

3. AUTRES PRODUITS FOURNIS PAR LES PINOPSIDA (CONIFÈRES)

.Huiles essentielles d'aiguilles (de pin, de sapin)

Diverses industries (produits de parfumerie et de savonnerie, diffuseurs d'ambiance)


utilisent les huiles essentielles d'aiguilles de pin (ou de sapin) obtenues par hydro-
distillation des feuilles fraîches (aiguilles). La pharmacie les utilise parfois dans la:.,l
formulation de préparations pour inhalation. 1
En pratique, le terme couramment utilisé « d'essence de pin» est souvent appliqué ~
improprement aux produits issus des pins (Pinus,pine oils), des sapins (Abies,fir oils),i
des épicéas 2 (Picea, spruce oils), voire des mélèzes (Larix). Ces huiles essentielles "Il
renferment des carbures monoterpéniques; elles doivent leur odeur à des esters,
principalement représentés par l'acétate de (-)-bornyle. il:

Sont notamment utilisées 3 :


- r huile essentielle de pin sylvestre, fournie par les feuilles et rameaux frais de'l
Pinus sylvestris L. (Ph. eur., 6' éd., [01/2008: 1842]). j
Profil chromatographique : a-pinène, 32-60 %; camphène, 0,5-2 %; ~-pinène, 5-
22 %; car-3-ène, 6-18 %; ~-myrcène, 1,5-10 %; limonène, 7-12 %; ~-phellandrène,
< 2,5 %; p-cymène, < 2 %; terpinolène, < 4 %; acétate de bornyle, 1-4 %; ~­
caryophyllène, 1-6 % ;
- rhuile essentielle de pin de montagne, fournie par les feuilles et rameaux frais de
Pinus mugo Turra (Ph. eur., 6' éd., [01/2008: 2377]).
Profil chromatographique : a-pinène, 10-30 %; camphène, < 2 %; ~-pinène, 3-
14 %; car-3-ène, 10-20 %; ~-myrcène, 3-12 %; limonène, 8-14 %; ~-phellandrène, 10-
19 % ; p-cymène, < 2,5 % ; terpinolène, < 8 % ; acétate de borny le, 0,5-5 %; ~­
caryophyllène, 0,5-5 %;
- l'huile essentielle de sapin de Sibérie dit« pin» de Sibérie, Abies sibirica Ledeb.
préparée à partir des rameaux frais (Pf. fse, 10e éd.). Cette huile essentielle, inscrite à la
Profil chromatographique : a-pinène, 10- 22 %; camphène, 15-26 %; ~-pinène, 1-
3 %; car-3-ène, 5-15 %; ~-myrcène, 0,5-6 %; limonène, 4-8 %; cinéole, 1-5 %; acétate
de borny1e, 25-35 % ; a-terpinéol et bornéol; 1-5 % chacun;

2. Les pins se reconnaissent à leurs petits bouquets de 2-5 aiguilles réunies à leur base en un petit "
rameau très court. Les sapins et les épicéas se distinguent par la morphologie des rameaux ayant perdu
leurs feuilles: les cicatrices forment des coussinets (épicéas) ou ne sont pas en relief (sapins) ; les cônes
des épicéas sont pendants et tombent à terre, ceux des sapins sont dressés et restent sur l'arbre. Les
mélèzes (à feuilles caduques), comme les cèdres (à feuilles persistantes), ont des rameaux longs à '
feuilles isolées décurrentes et des rameaux courts à feuilles en bouquet. Les ifs, parfois confondus avec'
les sapins, ont des feuilles à pétiole décurrent sur le rameau. Les Cupressaceae (sauf les Juniperus) ont
des feuilles en écailles.

3. Les bourgeons de pin sylvestre et ceux de sapin argenté (A. alha Miller = A. pectinata [Lam.] "
OC.) figurent sur la Note Explicative de 1998. Le bourgeon séché de pin sylvestre (Ph. fse, 10' éd.) ,
contient au minimum 5 ml/kg d'huile essentielle. Il est possible de revendiquer les mêmes indications;
pour les deux bourgeons: par voie interne, traditionnellement utilisé dans le traitement symptomatique
de la toux et des affections bronchiques aiguës bénignes et, par voie externe, en cas de nez bouché, de ",
rhume ainsi que comme antalgique dans les affections de la cavité buccale et/ou du pharynx.
OLÉORÉSINES 701

- l'huile essentielle de « pin}) du Canada, Abies balsamea (L.) Miller qui contient
8 à 16 % d'acétate de bornyle (à ne pas confondre avec le« baume» du Canada qui est
l' oléorésine récoltée après incision des troncs de la même espèce) ;
- l'huile essentielle d'épicéa, fournie par des espèces d'origine nord-américaine,
Picea mariana (Mill.) Britton, Stems & Poggenb. (black spruce) et P. glauca (Moench)
Voss (white spruce). La teneur en acétate de bornyle oscille entre 37 et 45 %. L'espèce
la plus commune en Europe est P. abies (L.) Karsten ssp. abies (= P. excelsa [Lam.]
Link =P. vulgaris Link.), à feuilles tétragonales vert foncé .

• Huile (goudron) de cade

C'est la fraction la plus légère obtenue après pyrogénation du bois du Juniperus


oxycedrus L., Cupressaceae de la région méditerranéenne. Produit très coloré et d'odeur
empyreumatique, l'huile de cade contient des sesquiterpènes (o-cadinène, cadalène,
calacorène, y,-muurolène, etc.) dans la fraction volatile et des phénols (guaiacol,
crésol). Réputée parasiticide et antiseptique, elle a été employée en pommades pour le
traitement d'affections de la peau (kératoses, eczémas, névrodermites, etc.). Elle
demeure utilisée en médecine vétérinaire et dans divers produits d'hygiène
(shampooings, produits pour dermites séborrhéiques du cuir chevelu). Les applications
doivent être de courte durée (risque cancérogène) .

• Huile essentielle de cyprès

Elle est préparée à partir de branches et de rameaux terminaux frais de Cupressus


sempervirens L. (Cupressaceae).
~-pinène, 0,5-3 %; car-3-ène, 12-
Profil chromatographique : a-pinène, 40- 65 %;
25 %; ~-myrcène, 1-3,5 %; limonène, 1,8-5 %; terpinén-4-ol,0,2-2 %; acétate de
terpényle, 1-4 %; cédrol,0,8-7 % .

• GENÉVRIER, Juniperus communis L., Cupressaceae


Le genièvre est constitué par les cônes mûrs séchés de J. communis. Il contient au
minimum 10 ml/kg d'huile essentielle (Ph. eur., 6" éd., [0112008:1532]).

La plante. Le genévrier est un arbrisseau buissonnant à ramure serrée ou un arbuste


rabougri, commun dans les régions montagneuses et les landes de l'hémisphère nord.
Les feuilles persistantes, étroites, linéaires et verticillées par trois, sont effilées en une
pointe piquante. La face inférieure est creusée d'un sillon et la face supérieure est ornée
de bandes blanchâtres convergentes.

Le cône. Le cône est le pseudo-fruit ou « baie », formé par la soudure de trois


écailles ovulifères. De couleur brun-violet à brun-noir, globuleux, charnu, 3-séminé,
1
l
.1

Juniperus communis L.
OLÉORÉSINES 703

d'odeur fortement aromatique, il est souvent recouvert d'une pruine bleuâtre et marqué
en son sommet par trois fentes convergentes. Les graines, à 3 arêtes aiguës, sont
soudées par leur face externe à la base de la partie charnue du cône. La cône ne
renferme pas plus de 5 % de cônes immatures ou décolorés et au maximum 2 %
d'autres éléments étrangers. Sur les spécifications des baies de genièvre, voir aussi les
nonnes NF V32-169:2004 et ISO 7737:1984.

Composition chimique. Le cône de genièvre renfenne de 5 à 30 ml/kg d'une huile


essentielle de composition très variable selon la provenance géographique, l'altitude et
le degré de maturité. Elle contient majoritairement des carbures monoterpéniques
(pinènes [10-80 %], sabinène [0-60 %], limonène, camphène, myrcène) et
sesquiterpéniques (a-et ~-cadinènes, caryophyllènes, gennacrène D), du terpin-l-én-4-
ni, du citronellol, du boméol et de l'acétate de bomyle, etc. Le cône renferme aussi des
glucides, des flavonoïdes (glycosides du quercétol, du kaemférol et de flavones
méthoxylées, biflavonoïdes (amentoflavone, cupressuflavone, hinokiflavone, etc.), des
dérivés flavanoliques, des glucosides de néolignanes et des diterpènes.

Pharmacologie, évaluation clinique. Réputé antiseptique, le pseudo-fruit stimule


l'élimination de l'eau chez l'animal (mais pas celle du sodium); l'activité serait due aux
constituants de l'huile essentielle et à des composants hydrophiles. D'éventuelles vertus
antidiabétiques attribuées à de fortes doses de décoction n'ont pas été confinnées.

Toxicité. La toxicité aiguë de l'huile essentielle est négligeable chez les rongeurs
(DLso = 6,28 g/kg [Rat, per os]). Le pseudo-fruit et l'huile essentielle sont réputés
toxiques: irritants au niveau de l'épithélium rénal, ils pourraient induire des hématuries.
Cela n'est pas confirmé, du moins chez les rongeurs: l'administration continue (28
jours) de 0,1 à 1 g/kg d'huile essentielle ou de 0,4 g/kg de terpinénol à des rats ne s'est
soldée par aucun signe clinique, histologique ou biochimique de néphrotoxicité. Chez le
même animal, on a observé un effet abortif pour l'extrait éthanolique à 50 % (300
mg/kg,per os). Par voie externe, l'huile essentielle peut provoquer divers désagréments,
en particulier des irritations cutanées. Pour certains auteurs, la toxicité rénale attribuée
autrefois à l'huile essentielle de genièvre aurait pu être liée à une falsification par de
l'essence de térébenthine.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour le pseudo-fruit de genévrier les indications
thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 1° pour stimuler
l'appétit; 2° pour favoriser l'élimination rénale d'eau; 3° comme adjuvant des cures de
diurèse dans les troubles urinaires bénins. Si le phytomédicament à base de pseudo-fruit
de genévrier est une poudre de cône de genièvre, un extrait hydro-alcoolique de titre
alcoolique> 30 % ou une teinture, le dossier« abrégé» d'AMM doit comporter une
étude toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour le cône pour tisane,
l'extrait aqueux et les extraits hydro-alcooliques de titre inférieur à 30 %.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
le pseudo-fruit du genévrier est utilisé en cas de dyspepsie. Posologie: de 2 à 10 g par
704 TERPÉNOÏDES

jour de fruit, correspondant à 20 à 100 mg d'huile essentielle. Contre-indications:


grossesse et états inflammatoires rénaux. L'étiquetage des produits pré-conditionnés
doit préciser qu'un usage prolongé peut entraîner la survenue d'atteintes rénales.
La « baie» est utilisée comme condiment (choucroute, marinades) et en
liquoristerie (gin).

L'huile essentielle de genièvre (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:1832]) est obtenue à ','l',',
•.•

partir des cônes mûrs non fermentés.


Profil chromatographique : a-pinène, 20-50 %; sabinène, < 20 %; p-pinène, 1-
12 %; p-myrcène, 1-35 %; a-phellandrène, < 1 %; limonène, 2-12 %; terpinén-4-01, 'l,
0,5-10 %; acétate de bomyle, < 2 %; P-caryophyllène : < 7 %. Voir aussi la norme NF ~
T 75-251:1987. ~
.Autres applications des G y m n o s p e r m a e i

L'aromathérapie a parfois recours à l'huile essentielle de rameaux feuillés de l"1

sabine (Juniperus sabina L., Cupressaceae). Très irritante, et même vésicante, cette
huile essentielle à sabinène et/ou à acétate de sabinyle doit être connue pour sa toxicité
(embryotoxique chez les rongeurs). La vente au détail et toute dispensation au public
d'huile essentielle de sabine 4 et de ses dilutions et préparations ne constituant ni des "
produits cosmétiques, ni des produits à usage ménager, ni des denrées ou boissons,
alimentaires est réservée aux pharmaciens (Articles L4211-1 et D421 1-13 du Code de, .,
la santé publique).

La parfumerie utilise pour sa part les huiles essentielles de cèdre obtenues à partir '
des bois de divers Cedrus (C. atlantica [Endl.] Carrière, C. deodara [D. Don] G. Don
f.), mais aussi de Cupressus (C.funebris Endl. ou bois de cèdre de Chine, NF ISO'
9843:2002) et de Juniperus (J. mexicana Schiede ou bois de cèdre du Texas, NF ISO
4725:2004; J. virginiana L. ou bois de cèdre de Virginie, NF ISO 4724:2004; J.
procera Hochst. ex Endl., d'Afrique orientale).
Pour d'autres usages des Gymnospermae, se reporter à d'autres chapitres de cet,
ouvrage: Ginkgo (flavonoïdes, p. 387), cyprès (proanthocyanidols, p. 481), ifs;
(diterpènes, p. 779). Sur l'intérêt des autres classes de Gymnospermae, voir l'utilisation:',
et la toxicité des Ephedra (p. 1030) la toxicité des Cycadales (hétérosides cyanogènes,!,
p. 226). D'autres utilisations, anecdotiques, peuvent être mentionnées: par exemple, la
comestibilité des graines du pin pignon.

4. BIBLIOGRAPHIE
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4. Est également réservée aux pharmaciens la dispensation des huiles essentielles de "cèdr~f
blanc" (Thuya occidentalis L.), de "cèdre de Corée" (Thuya koraenensis Nakai) et de thuya (Thuya}
plicata Donn ex D ..oon). '1
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OLÉORÉSINES 705

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Arnica montana L.
monoterpènes

Iridoïdes

1. Généralités ..........................................................................................................................707
2. Structure des iridoïdes ........................................................................................................708
3. Origine biosynthétique .......................................................................................................710
4. Extraction, caractérisation ..................................................................................................711
5. Propriétés biologiques et pharmacologiques .....................................................................712
6. Principales plantes à iridoïdes ............................................................................................713
harpagophyton ...........................................................................................................713
olivier .........................................................................................................................717
gentiane ......................................................................................................................719
petite centaurée ..........................................................................................................722
ményanthe .................................................................................................................723
verveine officinale .....................................................................................................724
lamier blanc ...............................................................................................................725
gaillets ........................................................................................................................726
7. Bibliographie ......................................................................................................................727

1. GÉNÉRALITÉS

Les iridoïdes stricto sensu sont des monoterpènes caractérisés par un squelette
cyc1openta[c]pyranique, parfois désigné par le terme d'iridane (cis-2-oxabicyclo-
14,3,0]-nonane). Lata sensu, il est admis d'inclure dans ce groupe les séco-iridoïdes,
issus des précédents par rupture de la liaison 7,8 du noyau cyc1opentanique. Certains
auteurs limitent même leur définition à la seule notion de « méthy1cyc1opentane ».
Le groupe comprend majoritairement des hétérosides d'iridoïdes (plus de 300
structures nouvelles ont été décrites entre 1994 et 2005), des hétérosides de séco-
708 TERPÉNOÏDES

iridoïdes (au moins 150 structures nouvelles décrites durant la même période), des
composés non hétérosidiques (on en connaît plus de 100) et quelques composés
caractérisés par l'ouverture de leur cycle pyranique. On écartera ici les « alcaloïdes»
comme la skytanthine : si certains sont bien des produits naturels, d'autres ne sont que
des artéfacts d'extraction, un atome d'azote remplaçant l'oxygène pyranique. On
laissera aussi de côté les enchaînements sécoiridoïdiques combinés à une amine dérivée
du tryptophane ou de la phénylalanine (cf. alcaloïdes indoliques et isoquinoléiques).

WO
11

,~r
10
B 9
1

iridane
H
~o

iridodial
~ ~~H' 0
népétalactone
0
skytanthine

Les iridoïdes tirent leur nom de celui de fourmis du genre lridomirmex à partir
desquelles furent isolées des substances impliquées dans les mécanismes de défense
propres à ces insectes: iridodial, iridomyrmécine et composés apparentés. Des
structures aussi simples existent d'ailleurs chez les végétaux: népétalactone de Nepeta
cataria L. (Lamiaceae), ou teucriumlactone C de T eucrium marum L. Ces dernières ont
des propriétés marquées : les effets de la première sur les chats lui ont valu des noms
évocateurs - chataire, cataire, herbe-aux-chats, Katzenmelisse, catnip). En fait, les
structures aussi simples sont rares. On verra ci-dessous que les iridoïdes, qui
comportent habituellement dix atomes de carbone, peuvent aussi en comporter plus et
que les variations structurales sont nombreuses, de la simple fonctionnalisation jusqu'à ,
la formation de structures polycycliques.
Le groupe, biosynthétiquement homogène, n'est représenté, à l'exception des
quelques structures propres aux Insectes, que chez les Dicotyledonae. On peut même .'
remarquer que les iridoïdes sont préférentiellement élaborés par des Asteridae :
Dipsacales, Gentianales, Lamiales, Plantaginales, Rubiales, Scrophulariales (Oleaceae, i
Scrophulariaceae, Acanthaceae, Bignoniaceae, Pedaliaceae, etc.), ce qui en fait des
marqueurs chimiotaxinomiques intéressants.

2. STRUCTURE DES IRIDOïDES

La quasi totalité des glycosides d'iridoïdes lato sensu sont des glucosides, la liaison \
hétérosidique s'établissant entre l'hydroxyle porté par le carbone anomérique du
D-glucose et l'hydroxyle en C-l de la génine. Ce glucose peut éventuellemnt être acylé
(acides caféique, férulique, benzoïque). On connaît quelques structures dans lesquelles:
la partie osidique de la molécule est un oligosaccharide (ex.: rehmanniosides). On:
connaît aussi des structures dans lesquelles un glucose est lié à l'hydroxyméthyle en 1
C-ll (Caprifoliaceae, ex.: ébuloside). Les iridoïdes non hétérosidiques peuvent êtr~
alcaloïdiques (skytanthine), polycycliques (pluméricine), esters (valépotriates), étherli,
IRIDOÏDES 709

ébuloside valtrate pluméricine

internes (rehmaglutine B), etc. Les séco-iridoïdes non hétérosidiques sont exceptionnels
(Syringa sp., Olea [Oleaceae]).
Les iridoïdes ont généralement dix atomes de carbone. Le carbone C-ll est habi-
tuellement inclus dans un groupe carbométhoxyle (loganoside, géniposide) ou
carboxylique (monotropéoside); plus rarement, ce groupe est remplacé par un
hydroxyméthyle (Valerianaceae, Caprifoliaceae), voire par un aldéhyde ou un méthyle
(lamioside). Dans d'autres cas, ce carbone C-ll est tout simplement absent:
aucuboside et dérivés, catalpol et dérivés, harpagoside, scrophulosides, mélitoside. Le
cycle pyranique n'est que très exceptionnellement ouvert (c'est le cas du gentiobioside
de l'iridodial ou du népétariaside, précurseur de la népétalactone).
Les variations structurales observées sont nombreuses. Elles ont permis à certains
de proposer des subdivisions à l'intérieur du groupe. On note que le méthyle
normalement porté par le carbone C-8 peut être plus ou moins oxydé: hydroxyméthyle

HOW
C0 2CH 3

O-Glc HO
m' ~
'-':::

H O-Glc
0
CH
A':~ -
O-Glc

loganoside géniposide lamioside

COOH

HOm ~ 0

H O-Glc
aucuboside
~~I'
H
COOH

népétariaside
HO
sP Ij

HO
~ H
'-':::

O-G1c

monotropéoside
0

CH
o
tP H
0

O-Glc
O~
HO/
~ H
O-Glc
S=P ' O-Glc

deutzioside catalpol verbénaloside


710 TERPÉNOÏDES

(aucuboside, monotropéoside), époxyde (valtrate); il est rarement absent (deutzioside).


Il peut aussi y avoir une insaturation en 7 (géniposide, aucuboside), laquelle est une
source d'oxydation (catalpol) et d'hydratation (lamioside). On notera la possible
oxydation du carbone C-6 (aucuboside, verbénaloside, harpagoside) ainsi que
l'éventualité d'une insaturation en 6 (monotropéoside).
On connaît plusieurs types de génines séco-iridoïdiques :
- celles qui, comme le sécologanoside, ont un groupe vinyle en C-9. La polyfonc-
tionnalisation permet des lactonisations (gentiopicroside); .
- celles qui, comme l'oléoside, ont un groupe éthylidène ou hydroxyéthylidène en·
C-9. Le carboxyle peut être estérifié (oleuropéoside);
- celles qui sont amidifiées par une amine aromatique (cf alcaloïdes indolomono- .
terpéniques) .

~
0

~CH'
HOOC COOH

1 H O-Glc 1 H o-~c ~ O-Glc

sécologanoside gentiopicroside oléoside

Dans les deux groupes (iridoïdes et séco-iridoïdes) on connaît des structures ':
« dimères» (ex. : centauroside de Centaurium erythrea Rafn.) voire « trimères» ainsi;
que de nombreuses structures acylées aussi bien sur la partie osidique (Gentianaceae)·
que sur la génine (ex. : amarogentioside). .

3. ORIGINE BIOSYNTHÉTIQUE

L'étude de l'origine biosynthétique des iridoïdes a été largement stimulée par le rôle
de premier plan que joue un composé comme le sécologanoside dans l'élaboration des,.
alcaloïdes indolomonoterpéniques et de certains alcaloïdes isoquinoléiques : 1 .
condensation du sécologanoside avec la tryptamine ou la 3,4-dihydroxyphényloi
éthylamine conduit, respectivement, à la strictosidine et au désacétyl-ipécoside, c'est-à-;
dire aux précurseurs immédiats des alcaloïdes indoliques des Apocynaceae, des
Loganiaceae et des Rubiaceae d'une part (cf p. 1152), des isoquinoléines des ipécas e·
de certaines autres Rubiaceae d'autre part (cf p. 1115).
L'incorporation d'acide mévalonique aussi bien que de géraniol marqués dans de~
structures iridoïdiques et dans des alcaloïdes indoliques démontre le caractèr '
terpénique de ces métabolites. Plusieurs processus ont été suggérés comme, p
exemple, celui - il a été démontré - qui fait intervenir la cyc1isation du dialdéhyd
provenant de l'oxydation du 8-hydroxygéraniol en iridodial (ou en 8-épi-iridodial). L
glucosylation et l'oxydation de l'iridodial conduisent au loganoside, précurseu
immédiat de la plupart des iridoïdes. Le même processus s'applique au 8-épi-iridodi
qui conduit, via le 8-épiloganoside, à l'antirrhinoside aussi bien qu'à l'aucuboside ou Il
gardénoside.
IRIDOÏDES 711

./.~O
1t>
C0 2 CH 3

H0
I~O -
IO-GIC

dialdéhyde iridodial loganoside

~
HO

O~<
fTtYc
OH
o

$CH'
• O-Glc 1 H O-Glc

antirrhinoside 8-épiiridodial gardénoside sécologanoside

~
Origine biogénétique simplifiée des iridoïdes alcaloïdes indolomonoterpéniques

C'est au niveau du loganoside que s'opère l'ouverture de cycle qui conduit aux
s6co-iridoïdes. Celle-ci, par un mécanisme qui reste à élucider, conduit au
s6cologanoside, précurseur de tous les séco-iridoïdes et, par voie de conséquence, des
ulcaloïdes indoliques incorporant ce motif.

4. EXTRACTION, CARACTÉRISATION

L'extraction de ces hétérosides est rendue particulièrement délicate par leur grande
instabilité. C'est cette instabilité qui explique le noircissement qui, très rapidement
uprès la récolte, intervient chez bon nombre de végétaux renfermant des iridoïdes. Cette
Instabilité explique aussi le nom de pseudo-indican ou d'hétéroside chromogène donné
lIutrefois à certains de ces composés.
L'extraction est menée à bien à l'aide de solvants polaires (alcools de titre variable)
l't une première séparation est fréquemment obtenue par réextraction du résidu extractif
dissous dans l'eau à l'aide de solvants non miscibles de polarité croissante. Le
I"ractionnement proprement dit est assuré par chromatographie sur alumine, sur charbon
(risque d'adsorption irréversible), sur polymère poreux (ex.: XAD-2) avec des éluants
polaires et, de plus en plus, par chromatographie liquide sur phase inverse. La
purification fait appel aux procédés chromatographiques classiques.
La détection des iridoïdes dans une plante ou partie de plante peut être effectuée à
"Bide du réactif de TRIM et HILL, solution diluée de sulfate de cuivre et d'acide
l'hIOl·hydrique. Pour la révélation des CCM on peut utiliser un réactif non spécifique -
lu vanilline sulfurique - ou, tout simplement, HCI, à chaud.
712 TERPÉNOÏDES

5. PROPRIÉTÉS BIOLOGIQUES ET PHARMACOLOGIQUES

Comme le laisse prévoir la fonction défensive de ce type de composés chez les


fourmis, nombreux sont les iridoïdes qui sont impliqués dans les interactions plante-
animal. Sur le plan pharmacologique, ces molécules ne sont pas dépourvues de '
potentialités. Ainsi, certains iridoïdes exercent une action anti-inflammatoire. Assez J
peu marquée par voie orale, elle est plus nette par voie locale: 1 mg d'aucuboside, de
verbéna10side ou de loganoside ont une activité presque similaire à celle de 0,5 mg;
d'indométacine sur l'œdème de l'oreille de la Souris induit par le TPA. L'aucubigénine '.
(mais pas l'aucuboside) inhibe la production de TNF-cx' par des cellules en culture~
stimulées par le lipopolysaccharide ou l'interféron-y. In vitro, l'aucuboside, comme:
l'harpagoside (mais pas l'harpagide), inhibe sélectivement la thromboxane synthase"
Cette inhibition sélective pourrait constituer le mécanisme principal par lequel ces
iridoïdes exercent leur action anti-inflammatoire. D'autres iridoïdes développent, in ?
vitro, des propriétés antibactériennes (loganoside, cantleyoside, swertiamarine, ,
sweroside, ixoroside), antifongiques (gardiol, alboside IV), trypanocides (iridoïdes de'
Scrophularia lepidota Boiss.), insecticides (catalpol) ou antivirales (harpagide,'
scorodiosides et iridoïdes des Barleria, Acanthaceae). Quelques iridoïdes sont,
cytotoxiques (rehmaglutine D), d'autres développent une activité anticoagulante!
(cachinol et dérivés de Campsis grandiflora [Thunb.] Schumann, Bignoniaceae),:
antispasmodique (loganoside, sweroside) ou encore stimulatrice de la croissance des"
fibroblastes (scopolioside et autres iridoïdes de Scrophularia nodosa L.). Ils sont:
parfois antioxydants (oleuropéoside, aspéruloside). ,1;
En pratique, aucun iridoïde n'est actuellement utilisé en thérapeutique. Si les,
organes souterrains de la valériane - sous des formes diverses - entrent dans la
composition de spécialités pharmaceutiques, il faut noter que c'est maintenant plus à
ses acides sesquiterpéniques qu'à ses iridoïdes que l'on attribue son activité pharma~,
cologique. Si l'harpagophyton est une espèce de premier plan de la phytothérapie.
contemporaine, ce n'est pas le cas de la plupart des autres plantes de ce groupe. Qut
plus est, certaines, bien que réputées médicinales, retiennent surtout l'attention po '
leurs autres usages: c'est le cas de la gentiane. Pour d'autres plantes enfin, utilisées s ,
la seule base de la tradition, on est en droit de s'interroger sur la part de responsabilit
des iridoïdes dans leur hypothétique activité: bouillon blanc (p. 127), plantains (p. 123)
gaillet, lamier blanc (voir ci-dessous), euphraise l, véronique 2, etc.

1. EUPHRAISE, Euphrasia officinalis L. = E. rostkoviana Hayne (Orobanchaceae - ex Scrophul


riaceae). Connue sous le nom de casse-lunettes, cette espèce était utilisée - et l'est encore parfois .
dépit de l'absence d'essai clinique bien conduit - dans les affections oculaires (conjonctivite,
blépharites, fatigues visuelles) et, par voie interne, comme astringent et anti-inflammatoire. La plan
est connue pour renfenner des acides-phénols, un ester hétérosidique phénylpropanique (eukovosidé
un lignane glucosylé et de nombreux iridoïdes (aucuboside, catalpol, ixoroside, euphroside).
France, cette plante ne figure pas à l'annexe 1 de la Note explicative de l'Agence du médicame
(1998). En Allemagne, la Commission E du BjArM a estimé que les propriétés attribuées à l'euphrai
ne sont pas démontrées et qu'elle ne pouvait pas en recommander l'usage dans un but thérapeutique. '

2. VÉRONIQUE, Veronica officinalis L., Plantaginaceae (ex Scrophulariaceae). La tradition pop


laire fait de cette espèce des bois clairs un expectorant et un remède contre l'arthrite et les rhumatisme
IRIDOÏDES 713

6. PRINCIPALES PLANTES À IRIOoïoES

• VALÉRIANE, Valeriana officinalis L., Valerianaceae

On a longtemps attribué l'activité sédative de la valériane aux seuls iridoïdes. Si


ceux-ci sont effectivement pharmacologiquement actifs, ils sont souvent absents des
préparations commerciales et il est maintenant admis que des acides sesquiterpéniques
jouent un rôle important dans l'activité des organes souterrains de cette plante
traditionnellement utilisée en cas de troubles mineurs du sommeil. Leur identification et
leur dosage sont d'ailleurs prescrits par la Pharmacopée européenne (voir, au chapitre
sesquiterpènes, p. 740-746) .

• HARPAGOPHYTON (griffe du diable)


Harpagophytum procumbens (Burch.) De. ex Meissn.,
H. zeyheri Decne, Pedaliaceae

La racine d'harpagophyton est constituée par la racine secondaire tubérisée,


coupée et séchée de H. procumbens et/ou de H. zeyheri L. Decne. Elle contient au
minimum 1,2 % d'harpagoside (Ph. eur., 6' éd.- 6.2, [07/2008:1095]).
La racine d'harpagophyton sert à préparer l'extrait sec d'harpagophyton titrant au
minimum 1,5 % d'harpagoside (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:1871]).

La plante. L'harpagophyton (H. procumbens) est une plante pérenne: les tiges
naissent d'un tubercule « primaire» relié à un réseau de racines fortement tubérisées
(tubercules « secondaires»). Les tiges, rampantes et rayonnantes, portent des feuilles
opposées vert bleuté. La plante est caractérisée par ses grandes (4-6 cm) fleurs solitaires
dont le tube,jaune clair, s'évase en une corolle lobée d'un rouge violacé profond et par
son fruit, une capsule ligneuse garnie d'aiguillons terminés par une couronne de
crochets courbes et acérés (le nom de griffe du diable découle de l'agitation frénétique
qui saisit les animaux dans les sabots ou la toison desquels ils se sont incrustés).
H. zeiheiri et ses sous-espèces diffèrent légèrement du type procumbens par les
caractères des fleurs et du fruit.
Les harpagophytons sont des plantes xérophiles spécifiques du sud du continent
africain: Namibie - c'est, avec 283 tonnes exportées en 2004, le principal producteur
mondial - Bostwana et Afrique du Sud (province du Cap, Transvaal). Les plantes
croissent habituellement sur les sols riches en oxyde de fer des savanes semi-
désertiques et tendent à devenir rudérales. En une dizaine d'années (1995-2004), environ
5 000 tonnes de racines ont été prélevées dans le sud de l'Afrique et des mesures de

l,il plante renfenne de 0,5 à 1 % d'iridoïdes (catalpol et son dérivé benzoylé en 6, verproside, etc.). La
véronique ne figure pas à l'annexe 1 de la Note explicative de l'Agence du médicament (1998). Aucune
lb propriétés qui lui sont attribuées n'ayant été validée, la Commission E allemande a précisé qu'elle
Ile pouvait en approuver l'usage thérapeutique.
714 TERPÉNOÏDES

régulation et de réglementation de l'exploitation ont été proposées par les pays


producteurs. Des essais de culture ont été récemment conduits avec succès. Les racines
latérales tubérisées, riches en eau, sont découpées en rondelles et séchées au soleil.

La racine. La racine d'harpagophyton est constituée d'éléments coupés en tranches


épaisses, se présentant sous la forme d'éventail ou de rouelle ou broyés en cassettes. La
section transversale comporte une zone cambiale foncée et des faisceaux de bois f
nettement alignés en files radiales. Observée à la loupe, toute la section transversale"
présente des granules jaunes à rouge-brun. !

Réduite en poudre et observée au microscope (hydrate de chloral), la racine


d'harpagophyton présente des fragments de parenchyme cortical à grandes cellules
contenant parfois des inclusions granuleuses brun rouge et des gouttelettes jaunes
isolées, des fragments de vaisseaux à épaississements réticulés ou ponctués, des cris- i
taux prismatiques et de rares petites aiguilles d'oxalate de calcium dans le parenchyme, .
d'éventuelles cellules scléreuses, rectangulaires ou polygonales. Avec une solution l
chlorhydrique de phloroglucinol, le parenchyme devient vert.
L'identité de la racine est confirmée par la CCM d'un extrait méthanolique;,
(révélation de l'harpagoside par le phloroglucinol et l'acide chlorhydrique). ;
La racine ne doit pas contenir d'amidon (pas de coloration bleue d'une suspension],
de poudre dans l'eau examinée au microscope après addition d'iode). L'harpagoside est:
dosé par chromatographie liquide après extraction par le méthanol.

Composition chimique. Riche en oses (stachyose, raffina se et oses simples), la'


racine secondaire d' H. procumbens renferme également des phytostérols libres et'
hérérosidiques, des triterpènes (acide oléanolique), des diterpènes (totaratriénol,.
mayténoquinone, ferruginol, dérivés du chinane, dimères diterpéniques), des;
flavonoïdes, des acides-phénols (acides caféique, cinnamique, chlorogénique) et des;;
esters hétérosidiques phény lpropaniques (verbascoside [= actéoside], isoactéosidej
mono- et diacétylactéoside, etc.). Les substances auxquelles on a tenté de reliel'\
l'activité de la racine sont des iridoïdes. Le constituant majoritaire, 1'harpagoside, est le;:
cinnamate d'un iridoïde hydroxylé en C-8, l'harpagide. Il est accompagné de ses:
dérivés galactosylés, de 8-(4-coumaroyl)- et de 8-feruloyl-harpagide, de procumbide et;
des dérivés 4-coumaroylé en 6' de celui-ci ainsi que du dérivé 3,6-anhydro du:
procumbide, le procumboside. Les iridoïdes représentent 0,5 à 3 % de la masse de la:
racine sèche ùusqu'à 2 % d'harpagoside). La teneur varie selon l'origine géographique,:
l'âge de la plante et la saison. 1.
La racine d' H. zeiheiri passe pour être moins riche en harpagoside (0,7-1 ,4 %), maia
cela n'est pas vérifié pour toutes les provenances. Certains échantillons sont riches eIl1
8-(4-coumaroyl)-harpagide.

Pharmacologie. Les résultats des travaux pharmacologiques réalisés chez l'anim


- anciens pour la plupart - paraissent à première vue contradictoires, dans la mesure 0
ils ont été conduits sur des modèles animaux différents (processus inflammatoires aigll'.
ou subaigus, évaluation des activités anti-inflammatoire et/ou analgésique), avec de
extraits fournis par des méthodes variées (et donc de composition non identique>:
IRIDOÏDES 715

otp - O-Glc U·~ ollie


~I~
-
OH~
O-Glc

procumbide harpagoside

administrés par des voies différentes, à des doses disparates (et presque toujours
massives). De plus, on ne dispose que de très peu de données obtenues sur des modèles
reflétant une chronicité de l'inflammation. Au cours des années 1980, il a été montré que
l'activité anti-inflammatoire d'un extrait aqueux est observée lorsque l'extrait est
administré par voie intrapéritonéale ou intraduodénale, mais pas quand on utilise la voie
orale (in vivo, sur l'œdème de la patte du Rat induit par les carraghénanes, doses de 0,2 à
1,6 g/kg). L'inactivation gastrique de l'extrait est d'autant plus probable qu'il a été établi
qu'un traitement de l'extrait en milieu acide, préalablement à son administration
intraduodénale au Rat, fait disparaître son activité. Testé dans les mêmes conditions,
l'harpagoside est inactif alors qu'il participe à l'action analgésique périphérique que l'on
I11ct en évidence expérimentalement pour l'extrait aqueux (100 mg/kg, IP).
ln vitro, une action des iridoïdes au niveau de la sécrétion des cytokines impliquées
dans la réaction inflammatoire est envisagée. ln vitro également, l'harpagoside et les
cxtraits inhibent partiellement la biosynthèse du thromboxane B2 et des leucotriènes.
Les extraits d'harpagophyton semblent aussi inhiber directement la cyclo-oxygénase II,
la production de monoxyde d'azote et la synthèse de TNF-u par les monocytes activés.
Pal' contre, l'éventuel effet sur la production d'eicosanoïdes chez des volontaires sains,
possible, n'a pas été clairement démontré par des études aux résultats discordants. On a
également noté une activité d'extraits d'harpagophyton sur la production, par les
chondrocytes, d'enzymes dégradant la matrice du cartilage, ainsi qu'une faible
inhibition de l'élastase.

Évaluation clinique. L'évaluation comparative de l'harpagophyton est limitée: une


synthèse méthodique, publiée en 2004, a recensé douze essais cliniques comparatifs
randomisés d'évaluation de l'harpagophyton, soit comme traitement de l'arthrose de la
hanche ou du genou (5 essais, 385 patients inclus), soit comme traitement de la« douleur
dorsale basse non spécifique» (= lombalgie, 4 essais, 505 patients inclus), soit comme
Iraitement de douleurs musculosquelettiques diverses (douleurs dorsales diverses,
algies rhumatismales ou arthrosiques, etc. : 3 essais peu concluants). Les produits testés
étaient différents (poudre de plante, extrait étanolique à 60 %, extrait aqueux, teinture
mère) et la qualité méthodologique des essais inégale, le plus souvent faible. Le
comparateur a été un placebo, une substance commercialisée comme traitement de fond
(la diacéréine), ou un anti-inflammatoire (ex. : rofécoxib). L'hétérogénéité clinique et
l'insuffisance des données disponibles n'ont pas permis une méta-analyse.
Dans le traitement de l'arthrose, la poudre de racine d'harpagophyton a paru plus
efficace sur la douleur que le placebo, mais le niveau de preuves est faible. Elle a été
lIussi efficace que la diacéréine (100 mg/j), mais l'intérêt de cette substance n'est lui-
même pas clairement démontré.
716 TERPÉNOÏDES

Dans le cas d'épisode aigu de la douleur dorsale des lombalgies chroniques, un


extrait aqueux d'harpagophyton correspondant à des doses de 50 ou 100 mg/j
d'harpagoside pendant 4 semaines semble plus efficace que le placebo pour supprimer
la douleur et diminuer le recours à un antalgique; il pourrait constituer une option
thérapeutique. C'est du moins la conclusion qu'ont tiré les membres d'un groupe du
réseau Cochrane en 2006 de l'analyse qualitative de 3 des 4 essais évoqués ci-dessus et
retenus par eux pour leur qualité méthologique jugée satifaisante (mais tous réalisés par
la même équipe). On remarquera cependant que le nombre de répondeurs au traitement
est modeste, que le bénéfice de ce traitement semble limité à certains sous-groupes de
patients, que la diminution de prise d'antalgique n'est pas statistiquement significative
et que la supériorité d'une dose élevée (100 mg/j) n'est pas établie. De plus les valeurs
du score d'évaluation de la douleur et de la mobilité utilisé évoluent de façon similaire.
dans les groupes harpagophyton et placebo quelle que soit la dose (sauf pour le seul'
critère douleur significativement amélioré par 50 mg/j d'harpagoside). L'efficacité de .'
l'extrait aqueux sur les épisodes de lombalgie (= 60 mg/j d'harpagoside) n'est significa. ,
tivement pas différente de celle de 12,5 mg/j de rofécoxib après 6 semaines de traitement;
(mais la puissance statistique de l'essai est faible [88 patients]). Selon une récente étude;~
de suivi d'un an (2007), la proportion de répondeurs au traitement et le taux de<\
satisfaction augmenteraient en fontion du temps, surtout dans les six premiers mois.
Les préparations d'harpagophyton n'ont pas été comparées au paracétamol qui est
l'antalgique de première intention dans l'arthrose et les douleurs dorsales. Des essais i
complémentaires, notamment des essais inscrits dans la durée et des essais versus;
paracétamol, sont nécessaires pour évaluer correctement la valeur clinique réelle des,'
effets observés pour cette plante. 'i

Toxicité, effets indésirables, interactions médicamenteuses. La racine est')


apparemment dépourvue de toxicité aiguë et à court terme (rongeurs, Chien) et les,
observations colligées chez l'Homme n'ont fait apparaître aucun effet indésirable!
majeur. Pour 6892 patients ayant reçu, pendant 4 à 54 semaines, de 2,5 à 4,5 g/jt
d'extrait aqueux ou hydroalcoolique d'harpagophyton, 3 % ont notifié des effets
indésirables, toujours minimes (troubles gastro-intestinaux). Au cours des essais versuS'
placebo, le taux d'effets indésirables n'a pas été différent dans les deux bras de l'essah
Selon l'EMEA, on peut aussi observer des céphalées et des manifestations allergiques,
cutanées. On ne dispose d'aucune donnée sur la mutagénicité et la cancérogénicité de1
cette plante. L'interaction avec la warfarine n'est pas à exclure (risque de purpura). .
;~
Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) adme
qu'il est possible de revendiquer, pour la racine secondaire tubérisée d'harpagophytont
l'indication thérapeutique suivante: traditionnellement utilisé, pour la voie orale auss
bien qu'en usage local, dans le traitement symptomatique des manifestationS
articulaires douloureuses mineures 3. Aucune évaluation toxicologique n'est demandé.
pour la constitution d'un dossier« abrégé» d'AMM (poudre, racine pour tisane, extrai'
aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise qu
la racine d'harpagophyton est utilisée en cas de perte d'appétit, de dyspepsie et comm
IRIDOÏDES 717

Iraitement de soutien des manifestations dégénératives de l'appareil locomoteur.


Posologie: 10 perte d'appétit: 1,5 g par jour (racine ou préparation ayant un indice
d'amertume équivalent); 2 0 autres indications: 4,5 g par jour (racine en infusions ou
préparation équivalente). L'ulcère gastroduodénal constitue une contre-indication et, en
cas de lithiase biliaire, la prise d'harpagophyton ne peut s'envisager qu'après
consultation d'un médecin.
Au niveau européen, la monographie communautaire élaborée par l'HMPC précise
que les indications de l'harpagophyton (troubles digestifs modérés [ballonnements,
Ilatulence], perte d'appétit, douleurs articulaires mineures) ne sont fondées que sur
l'ancienneté de l'usage. Le projet propose des posologies de racine identiques à celles
l'dictées par la Commission E (divisées en 3 prises); il propose en outre des posologies
pour les extraits, variables selon le rapport racine/solvant et selon la composition du
mélange hydro-alcoolique mis en œuvre. La monographie préconise par ailleurs de
limiter l'emploi dans le temps (deux semaines pour les troubles digestifs, quatre
semaines pour les douleurs articulaires). L'usage de l'harpagophyton n'est recom-
mandé ni avant l'âge de 18 ans, ni chez la femme enceinte ou allaitante; il devrait être
l'.vité en cas d'ulcère gastroduodénal et se faire avec prudence chez les patients
souffrant de troubles cardiaques. Un gonflement des articulations avec fièvre devrait
~Ire vu par un médecin (réf. EMEA/HMPC/ 25132312006, 6 novembre 2008).
L'harpagophyton, très utilisé en médecine vétérinaire, a été classé parmi les subs-
lances prohibées en course hippique par la Fédération nationale (FNCF, 2008) .

• OLIVIER, Olea europaea L., Oleaceae

La feuille d'olivier est constituée par la feuille séchée d'O. europaea L. Elle
contient au minimum 5 % d'oleuropéine (Ph. eur., 6' éd.· 6.3, [01/2009:1878]).
La feuille sert à préparer l'extrait sec de feuille d'olivier. Préparé avec de l'éthanol
1\ 65-96 %, sa teneur en oleuropéine est ~ 16 % (6' éd.· 6.4, [04/2009:2313]).

La plante, lafeuille. Un tronc tortueux à écorce crevassée, des feuilles persistantes,


opposées et subsessiles, et des petites fleurs blanches tétramères groupées en grappes
caractérisent cette espèce. On connaît aussi l'olive, drupe ellipsoïde à noyau dur dont le
mésocarpe est riche en huile.

3. Parmi les espèces pour lesquelles il est possible, en France, de revendiquer cette indication,
figure la scrofulaire (Serolularia nodosa L.) dont la composition rappelle celle de l'harpagophyton :
lIl'ides-phénols; flavonoïdes; harpagoside, harpagide, aucuboside, scrophulosides Al-A8 ; on y a
('gaiement caractérisé des hétérosides phénylpropaniques (verbascoside, scrophulosides B l-B2). La
pharmacologie et la toxicologie de cette espèce n'ont été que très peu étudiées. La scrofulaire est aussi
Il'IIditionnellement utilisée en usage local en cas d'érythème solaire, de brûlures superficielles et peu
1~lcndues, d'érythèmes fessiers. Si le phytomédicament à base de sommité fleurie ou de racine de
Hl'rofulaire est une poudre, le dossier « abrégé » d'AMM doit comporter une étude toxicologique
IIlIégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour la scrofulaire pour tisane, l'extrait aqueux, les teintures et les
rxlraits hydro-alcooliques, quel que soit leur titre [Note Expl., 1998]. Voir, entre autres: Stevenson, P.c.,
Simmonds, M.S., Sampson, J. et al. (2002). Wound healing activity of acylated iridoid glycosides from
'''''''l'hu/aria nodosa, Phytother Res., 16, 33-35.
718 TERPÉNOÏDES

La feuille, entière et coriace, est rétrécie à la base, mucronée à l'apex; ses bords,!
entiers, sont réfléchis (30-50 mm x 10-15 mm). La face supérieure est vert gris, lisse et
luisante; la face inférieure, blanchâtre, est pubescente le long des nervures. La feuille a :
une saveur amère.
La poudre de feuille, examinée au microscope (hydrate de chloral), présente de;
nombreux poils peltés en écusson, de grande taille, formés de 10 à 30 cellules
rayonnant à partir d'un pédicelle unicellulaire central. On note aussi la présence de ;
nombreuses sclérites : longues et à parois très épaisses, elles peuvent se terminer en;
pointe émoussée ou fourchée. L'oleuropéine (alias oleuropéoside) est mise en évidence'
par CCM et dosée par chromatographie liquide, après extraction méthanolique.

Composition chimique. La feuille de l'olivier est caractérisée par la présence de"


plusieurs séco-iridoïdes : oleuropéoside (ester de l 'hydroxytyrosol, majoritaire, 60-90 \
mg/g), ll-déméthyl-oleuropéoside, diester méthylique (7,11) de l'oléoside, ligstroside,
oleuroside et aldéhydes séco-iridoïdiques non hétérosidiques (oléacéine). On note:
également la présence de triterpènes, d'acides-phénols (acide caféique), de:
verbascoside et de flavonoïdes, 7-0-g1ycosides de l'apigénol et du lutéolol et rutoside.:

,,
Ho~OlO~CHO
HO~

.~
NnO~O
Jc~o
HO H CO 2CH 3 l'
i
OH
"':
oleuropéoside ~ 0 oléacine

O-Glc

Pharmacologie. Si la tradition attribue à la feuille de l'olivier de nombreuseÎ


propriétés (fébrifuge, hypoglycémiante, hypotensive, diurétique) peu ont fait l'objet d~
travaux expérimentaux. Infusion et décoction de feuilles d'olivier sont hypotensive
chez le Chien. La même activité est obtenue avec l'oleuropéoside chez le même anim
hypertendu (voie IV), mais aussi chez le Chat normotendu (voie IV). Infusion e.
oleuropéoside sont coronarodilatateurs et anti-arythmisants, mais l'iridoïde n'est san
doute pas le seul agent actif de la feuille. L'extrait éthanolique inhibe les contractions ,
l'aorte isolée de Lapin induites par les ions potassium; son fractionnement montre qu'
l'activité est principalement due au 3 ,4-dihydroxy-phényléthanol, un produit d,
dégradation de l'oleuropéoside. Testé sur l'oreillette isolée de Cobaye, l'oleuropéosid.
diminue l'amplitude des contractions et ralentit légèrement le rythme (les activit~'
inotrope, chronotrope et dromotrope négatives avaient précédemment été observées s ,
le cœur isolé de plusieurs espèces animales). Les effets ne semblent pas résulter d'Ull
action au niveau des canaux calciques. On sait également que, in vitro, l'extrait aqueu'
inhibe l'enzyme de conversion de l'angiotensine et que cette propriété est due'
l'oléacéine; elle est également le fait des produits d'hydrolyse enzymatique des sée,
iridoïdes. Les différents constituants phénoliques de la feuille confèrent aux extraits d'
propriétés antioxydantes marquées. Ces propriétés expliqueraient en partie l'efL,
antiathérosclérotique observé chez le Lapin.
IRIDOÏOES 719

Évaluation clinique. La feuille de l'olivier n'a pas fait l'objet d'une évaluation
l'Iillique rigoureuse. En dehors d'un essai ouvert récent, les observations cliniques chez
l'humain sont rares, anciennes, d'une méthodologie sommaire et peu probantes. Malgré
œla et en dépit d'une toxicité peu étudiée, les adeptes de la phytothérapie ont volontiers
recours à la feuille de l'olivier pour aider à maintenir un niveau de pression artérielle
rllisonnable. La faible stabilité des iridoïdes les conduit à préférer les formes stabilisées.
l)cs émulsions d' oleuropéoside semblent réduire l'érythème cutané dû aux VVB.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour lafeuille d'olivier, les indications thérapeutiques
suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 1° pour faciliter les fonctions
d'élimination urinaire et digestive; 2° pour faciliter l'élimination rénale d'eau 4. Si le
phytomédicament à base d'olivier est une poudre de feuille, le dossier « abrégé»
d'AMM doit comporter une étude toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire
pOUf la feuille pour tisane, l'extrait aqueux, les teintures et les extraits hydro-
IIlcooliques, quel que soit leur titre. Rappelons ici qu'il est possible de revendiquer, pour
l' huile du fruit, l'indication thérapeutique « traditionnellement utilisé comme
l'holérétique ou cholagogue» (voie orale). Sur l'huile d'olive, voir p. 165.
En Allemagne, la Commission E du BfArM a estimé que les propriétés attribuées à
III feuille d'olivier ne sont pas démontrées et qu'elle ne pouvait pas en recommander
l'usage en cas d'hypertension .

• GENTIANE , Gentiana lutea L., Gentianaceae

La racine de gentiane est constituée par les organes souterrains fragmentés et


séchés de G.lutea (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:0392]). La racine permet de préparer la
leinture de gentiane (01/2008:1870).

La plante. La gentiane est une grande herbe robuste (1-1,5 m), vivace par une
souche, à feuilles parallélinerves, opposées-décussées, embrassantes au sommet de la
tige, à fleurs jaune d'or groupées en pseudo-verticilles à l'aisselle des feuilles.
Commune dans les régions montagneuses de l'Europe, elle croît le plus souvent entre
, 1000 et 2500 mètres d'altitude. La plus grande partie de la consommation française est
l'ouverte par la récolte (1000 à 1500 tonnes) pratiquée, pour l'essentiel, en Auvergne.
L'espèce peut aussi être cultivée.

La racine. La racine est dure, robuste et cassante (10-40 mm de diamètre et jusqu'à


HO mm au collet), à cassure courte et de coloration jaune plus ou moins rougeâtre mais
lion brune. L'odeur est caractéristique, la saveur amère et persistante.

4. L'annexe II de la Note ne comporte pas d'indication utilisant les termes « hypotenseur» ou


"lIntihypertenseur ». C'est sans doute la conséquence de l'alinéa 3 du paragraphe 2.2 du chapitre 1":
" ('('l'tains usages ont été volontairement exclus dans la mesure où ils correspondent à des pathologies
II/Iur lesquelles il serait dangereux de ne pas recourir aux thérapeutiques dont l'efficacité a été établie
,l't'hmles critères en vigueur. »
,j

Gentiana lutea L.
II~IDOÏDES 721

La poudre de racine, examinée au microscope (hydrate de chloral), présente


I)otamment des fragments de parenchymes à cellules contenant des gouttelettes
hllileuses, des petits prismes et des acicules d'oxalate de calcium.
La CCM d'un extrait méthanolique permet d'identifier l'amarogentine, le
gentiopicroside et de détecter la présence d'autres gentianes (détection en UV et
révélation par le bleu solide B après alcalinisation par NaOH). La racine contient au
lIlinimum 33 % de matières extractibles par l'eau et l'indice d'amertume n'est pas
inférieur à 10000 (voir ci-dessous: centaurée).

Composition chimique. L'amertume de la gentiane est due à des séco-iridoïdes:


gentiopicroside (très majoritaire, jusqu'à 9 %), amarogentioside (= amarogentine),
swéroside, swertiamarine. La coloration jaune est liée à la présence de xanthones
(gentisine, isogentisine) et de glycosides de xanthones (gentiosides). On note également
lu présence d'acide loganique, de gentiolactones (structuralement rattachées aux séco-
iridoïdes), de phytostérols, de triterpènes dérivés de l'ursane, d'acides-phénols,
d'oligosaccharides et de pectine. La racine ne renferme pas d'amidon.

~ ~HO0
, //
OH

OH

'\-1o
H

01
~H ~H
HO HO 0 y

HO HO ~ OH
sweroside amarogentioside menthiafoline

o '-':: OCH 3

D?l 1
HO'--:;:;

o
1
.--:;:;

OH

gentisine gentiopicroside acide 2,5-dihydroxy-


téréphtalique
Pharmacologie. La racine de gentiane passe pour stimulatrice des sécrétions
gastriques et salivaires. Les xanthones inhibent les monoamineoxydases. La gentiane
1 n'a pas été évaluée en clinique.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour les organes souterrains de gentiane, une seule
indication thérapeutique par voie orale: traditionnellement utilisé pour stimuler
722 TERPÉNOÏDES ;

l'appétit. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un "
dossier « abrégé» d'AMM (poudre, organes souterrains pour tisane, extrait aqueux et ,
extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que'~
la racine de gentiane est utilisée en cas de troubles digestifs tels que la perte d'appétit,;
les ballonnements ou les flatulences. Posologie: (a) - teinture, de 1 à 3 g par jour; (b) • i
extrait fluide, de 2 à 4 g par jour; (c) - racine, de 2 à 4 g par jour. Contre-indications: i'
ulcères gastro-duodénaux. Effets indésirables possibles: maux de tête occasionnels;
chez les personnes sensibles. '

.PETITE CENTAURÉE, Centaurium erythraea Rafn., Gentianaceae

La petite centaurée est constituée par les parties aériennes fleuries, séchéesi;
entières ou fragmentées, de Centaurium erythrœa Rafn. s.l. comprenant C. majus (H. et!
L.) Zeltner et C. suffruticosum Ronn. (syn. Erythrœa centaurium Pers.; C. umbellatum
Gilibert; C. minus Gars.). (Ph. eur., 6e éd., [01/2008:1301]). ~ç
;.
;;."
La plante. Cette petite plante herbacée, annuelle ou bisannuelle, spontanée dans lei;
prés et les clairières de l'Europe et de l'Amérique du Nord, est caractérisée par une tig~i
dressée garnie de feuilles opposées décussées et terminée par une cyme corymbiformo;;
de fleurs tubulées roses. La tige, creuse et marquée par des crêtes longitudinales, porté,
des feuilles sessiles, entières, décussées, glabres. Les fleurs, groupées en cyme biparel
ont une corolle à tube blanchâtre se divisant en 5 lobes lancéolés de 5-8 mm d .
longueur et de couleur rose. L'ovaire est supère et les 5 étamines sont fixées au tube d
la corolle. Le fruit est une petite capsule à graines brunes fortement ridées.
Examinée au microscope (hydrate de chloral), la petite centaurée pulvérisé
présente de très nombreux éléments provenant de la tige (vaisseaux et cellule,
médullaires), des feuilles (stomates anisocytiques, mésophylle à cristaux d'oxalate d
différents types), et des différentes parties de la fleur.
L'indice d'amertume, déterminé par rapport à celui du chlorhydrate de quinine'
n'est pas inférieur à 2000 (c'est la réciproque de la dilution qui peut encore êtr
qualifiée d'amère; l'indice d'amertume de la quinine est fixé, par définition, à 200 0 .
pour une dilution au centième dans l'eau d'une solution à 0,1 g de chlorhydrate d'
quinine dans 100 ml d'eau [Pharmacopée: 6" éd., 1: 2.8.15]).

Composition, propriétés. La petite centaurée renferme des acides-phénols (acide


téréphtaliques et acides en C 6-C 1 et C 6-C 3), des flavonoïdes et, comme beaucoup
Gentianaceae, des xanthones polysubstituées (méthylbellidifoline, eustomine). L:
présence de plusieurs séco-iridoïdes explique son amertume: swertiamarine, swerosi
gentiopicroside, centauroside, centapicrine, désacétyl-centapicrine. Les donné~
bibliographiques sur la pharmacologie de la centaurée sont modestes. Il a été mon'
que l'extrait aqueux possède, sur des modèles animaux, des propriétés ant
inflammatoires et antipyrétiques. Swertiamarine et gentiopicroside sont antibactérie ,
La swertiamarine est métabolisée au niveau intestinal en gentianine, sédative du SNe.,
IRIDOÏDES 723

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour la sommité fleurie de petite centaurée, les
indications thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé, 1° pour
stimuler l'appétit et 2°, pour faciliter la prise de poids. Si le phytomédicament à base de
petite centaurée est une poudre de sommité fleurie, le dossier« abrégé» d'AMM doit
comporter une étude toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour la
sommité fleurie pour tisane, l'extrait aqueux, les teintures et les extraits hydro-
alcooliques, quel que soit leur titre.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
la centaurée est utilisée en cas de perte d'appétit ou de troubles dyspeptiques.
Posologie: 6 g de plante par jour ou de 1 à 2 g d'extrait.
Au niveau européen, le projet de monographie communautaire élaboré par l'HMPC
propose les posologies suivantes: (a) - plante, de 1 à 4 g,jusqu'à 4 fois par jour; (b)-
poudre, de 0, 25 à 2 g,jusqu'à 3 fois par jour; (c) - extrait fluide, de 2 à 4 ml par jour;
teinture, de 1,5 à 5 g par jour; (d) - extrait mou, de 1 à 2 g par jour. L'usage de la
centaurée n'est recommandé ni avant l'âge de 18 ans, ni chez la femme enceinte ou
allaitante (réf. EMEA/HMPC/l05536/2008, 3 juillet 2008) .

• MÉNYANTHE (trèfle des marais), Menyanthes trifoUata L.

Plusieurs auteurs placent le genre dans une petite famille (5 genres) détachée des
Gentianaceae et que Cronquist range dans les Solanales : les Menyanthaceae.

Le ményanthe est constitué par lafeuille séchée, entière ou fragmentée, de


M. trifoliata (Ph. eur., 6< éd., [01/2008:1605]).

La plante, lafeuille. Espèce vivace aux fleurs blanches à anthères rouge violacé, le
ményanthe est une herbe des zones très humides assez commune en Europe, sauf dans
la zone méditerranéenne.
La feuille, à 3 folioles égales, sessiles et obovales (10 cm x 5 cm), possède un
pétiole strié longitudinalement et longuement gainé. Les folioles, vert foncé à la face
supérieure, plus claires à la face inférieure, ont une nervure médiane saillante, large,
blanchâtre, striée. En microscopie, la poudre de feuille (hydrate de chloral) présente des
stomates anomocytiques avec des cellules annexes striées radialement ainsi que des
fragments de parenchyme du mésophylle avec de larges espaces intercellulaires
(aérenchyme). L'indice d'amertume est au minimum de 3 000 (voir, ci-dessus,
centaurée).

Composition, propriétés. La feuille renferme de nombreuses substances


phénoliques (acides-phénols, scopolétol, flavonoïdes), des phytostérols, ainsi que des
iridoïdes auxquels elle doit son amertume: loganoside, menthiafoline, dihydro-
menthiafoline. La feuille de ményanthe, qui n'a pas fait l'objet d'une évaluation
clinique, est recommandée par la médecine traditionnelle suédoise pour traiter les
glomérulonéphrites. L'expérimentation sur le rein de Rat ischémié-reperfusé montre un
724 TERPÉNOÏDES,

effet bénéfique du décocté de rhizome qui pourrait agir par inhibition de la biosynthèse '
des prostaglandines, du LTB4 et du PAF.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet:


qu'il est possible de revendiquer, pour lafeuille de ményanthe, les mêmes indications i
thérapeutiques que pour la sommité fleurie de la centaurée. Si le phytomédicament à '
base de ményanthe est une poudre de feuille, un extrait hydro-alcoolique de titre}
alcoolique> 30 % ou une teinture, le dossier « abrégé» d'AMM doit comporter une;,
étude toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour la feuille pour tisane"
l'extrait aqueux et les extraits hydro-alcooliques de titre inférieur à 30 %.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que'
la feuille du ményanthe est utilisée en cas de perte d'appétit ou de troubles r
dyspeptiques. Posologie: de 1,5 à 3 g de plante par jour (ou préparation équivalente) .

• VERVEINE" OFFICINALE ", Verbena officinalis L., Verbenaceae

La verveine officinale est constituée par les parties aériennes, entières ou,
fragmentées, séchées, de V. officinalis, récoltées pendant la floraison. La verveine offi·'
cinale renferme au minimum 1,5 % de verbénaline (Ph. eur., 6' éd., [0112008:1854]).

Les parties aériennes. La tige, brun-vert, quadrangulaire, porte des petites feuilles-_
sessiles, non lobées et à bords crénelés et dentés, et des grandes feuilles pétiolées,
pennatiséquées à bords dentés émoussés. Les surfaces sont rugueuses et velues. Les',_
fleurs, groupées en épis allongés, ont une corolle rose clair à lilas.
Réduites en poudre et examinées au microscope (hydrate de chloral), les parties'
aériennes présentent: des poils tecteurs l-cellulaires, longs (500 !lm), à base large e.
entourés d'un simple anneau de cellules épidermiques arrondies et bombées; de rares:
poils secréteurs soit à tête renflée ovale 8-cellulaire sur pied l-cellulaire, soit à tête 4.8~
cellulaire aplatie sur pied pluricellulaire; des fragments de feuilles; etc. .1
La CCM d'un extrait méthanolique des parties aériennes permet de vérifie'
l'absence de verveine odorante (également détectable par l'odeur). La verbénaline es
dosée par chromatographie liquide.

Composition chimique J pharmacologie. La verveine officinale est connue po


contenir 0,2-0,5 % d'iridoïdes (verbénaloside alias verbénaline, hastatoside), de
triterpènes (acides oléanolique, ursolique et dérivés) et des hétérosides phényl
propaniques (verbascoside [= actéoside], eukovoside). In vitro, les extraits de verveiri
officinale sont antibactériens et antioxydants; sur l' œdème de la patte du Rat aussi bie ~
que par voie cutanée, ils montrent des propriétés anti-inflammatoires.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) adm.


qu'il est possible de revendiquer, pour les parties aériennes de verveine officinale, u :
seule indication thérapeutique pour la voie orale: traditionnellement utilisé po -
favoriser l'élimination rénale d'eau. En usage local, deux indications sont possibles: 1
IR 1DüÏDES 725

comme traitement d'appoint adoucissant et antiprungmeux des affections


dermatologiques, comme trophique protecteur dans le traitement des crevasses,
l-corchures, gerçures et contre les piqûres d'insectes; 2° en cas d'érythème solaire, de
hrülures superficielles et peu étendues, d'érythèmes fessiers. Si le phytomédicament à
hase de verveine officinale est une poudre de parties aériennes, le dossier « abrégé»
d'AMM doit comporter une étude toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire
pour les parties aériennes pour tisane, l'extrait aqueux, les teintures et les extraits hydro-
alcooliques, quel que soit leur titre.
En Allemagne, la Commission E du BfArM qualifie la verveine officinale de
secrétolytique, en inventorie les très nombreux usages et estime ne pas pouvoir en
recommander l'emploi thérapeutique, l'efficacité dans les indications revendiquées
n'ayant pas été démontrée. On ne sait rien des effets indésirables et de l'éventuelle
toxicité de cette espèce .

• LAMIER BLANC, Lamium album L., Larniaceae

La corolle séchée et mondée fait l'objet d'une monographie (Ph. fse, 10' éd.).

La plante. Improprement appelée ortie blanche, cette espèce fut officinale au XIX'
siècle pour ses fleurs. Cette plante, commune aux bords des chemins et dans les haies,
est une herbe vivace dont les feuilles acuminées-dentées, mais non urticantes,
rappellent celles des orties.

Composition chimique et propriétés. Les seuls constituants dont la présence et la


structure sont bien établies sont l'acide chlorogénique, des flavonoïdes (rutoside,
tiliroside), des hétérosides phényl-propaniques (actéoside, galactosylactéoside [=
lamalboside]) et des iridoïdes: lamalbide, 6-désoxy-lamalbide, albosides A et B,
caryoptoside.
L'extrait heptanique de fleurs stimule la croissance des fibroblastes en culture. En
médecine populaire, le lamier blanc a longtemps été utilisé en injection vaginale pour le
traitement des leucorrhées. Il entre également dans la formulation de produits
cosmétiques (shampooings, lotions). Aucune étude clinique ne valide les indications
traditionnelles de cette plante.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour la corolle mondée ou la sommité fleurie de
lamier blanc, les indications thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement
utilisé 1° pour faciliter les fonctions d'élimination urinaire et digestive; 2° pour
lilvoriser l'élimination rénale d'eau. En usage local, corolle et sommité fleurie peuvent
Ctre utilisées dans les démangeaisons et desquamations du cuir chevelu avec pellicules.
Si le phytomédicament à base de lamier blanc est une poudre, le dossier « abrégé»
t!'AMM doit comporter une étude toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire
pour le lamier blanc pour tisane, l'extrait aqueux, les teintures et les extraits hydro-
alcooliques, quel que soit leur titre.
726 TERPÉNOÏDES "

En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que ;:


lafleur (corolle et étamines) du lamier blanc est utilisée part voie orale en cas d'encom-
brement des voies respiratoires supérieures et, localement, en cas d'inflammation légère
des muqueuses de la bouche et de la gorge ainsi qu'en cas de leucorrhée (3 g par jour).
Par voie externe, le lamier blanc est utilisé en cas d'inflammation superficielle de la
peau (5 g, en bain).
Les propriétés attribuées à la plante entière ne sont pas démontrées et la
Commission n'en recommande pas l'usage.

O~OH
~CH' RO
~Oo
0
O~OH
O-Glc
H O ) l ) J ;o-

HO
'1 OH 1
/- OH

verbénaloside HO OH

R =H : verbascoside (= actéoside)
R = CH 3 : eukovoside

~ S=QCH'
CH
H0d=PHO
H :2 3
HO' 0
Ac-O H O-Glc
= H O-Glc
- O-Glc
aspéruloside lamalbide hastatoside

• GAILLETS, Galium spp., Rubiaceae

En France, la Note Explicative de 1998 précise que les parties aériennes du gaillet:
peuvent entrer dans la composition de phytomédicaments traditionnellement utilisé~
dans le traitement symptomatique des états neurotoniques des adultes et des enfants\;
notamment en cas de troubles mineurs du sommeil. De quel gaillet s'agit-il? Il esf
regrettable que le texte ne soit pas plus précis, car l'usage et les manuels de botanique.
dénomment gaillet plusieurs espèces du genre Galium : G. mollugo L. (caille lait blanc~
gaillet mollugine), G. verum L. (caille lait jaune), Cruciata laevipes Opiz [= G. cruciatd
(L.) Scop.] (gaillet croisette), G. aparine L. (gratteron), G. palustre (gaillet des marais),
G. uliginosum L. (gaillet des fanges), etc. Les quatre premiers étaient inscrits sur la lis '
révisée des plantes médicinales (édition du 01-01-1993). Aucun ne figure sur la liste '
des plantes médicinales (révision de 2005). Si le phytomédicament à base de gaillet es
une poudre de parties aériennes, le dossier « abrégé» d' AMM doit comporter une étud ,
toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour le gaillet pour tisane, l'extr .
aqueux, les teintures et les extraits hydro-a1cooliques, quel que soit leur titre. ,
IRIDOÏDES 727

Les gaillets ne font pas l'objet d'une monographie de la Commission E du BfArM


IIlIemand.
Au Royaume-Uni, G. aparine L. passe pour un diurétique léger (sans plus de
.iustifications) et est utilisé dans le traitement de diverses affections cutanées. Il est
inscrit sur les listes de plantes bénéficiant d'un statut d'herbal medicine (General Sale
Ust, l-Rla); il faisait l'objet d'une monographie de la BHP (éd. 1990) qui en décrivait
les caractères microscopiques.

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Menyanthes trifoliata L.
monoterpènes
irréguliers

Pyréthrines

Les monoterpènes « irréguliers» issus du couplage non classique de l'IPP et du


DMAPP (voir généralités) sont, pour certains, présents dans les huiles essentielles:
c'est le cas de l'artemisia-cétone de diverses Asteraceae, c'est celui de l'acétate de
lavandulyle des lavandes, c'est celui du santolinatriène, du rotrockène, etc.
Les seuls monoterpènes irréguliers réellement utilisés sont en fait les pyréthrines,
esters d'acides cyclopropaniques à squelette chrysanthémane isolés d'une Asteraceae,
le pyrèthre. Insecticides non toxiques pour l'Homme et les autres Mammifères, ils ont
donné naissance à une série de composés synthétiques, les pyréthrinoïdes.

'1. . ~
arlemisia-cétone santolinatriène acétate de lavandulyle rotrockène

• PYRÈTHRE DE DALMATIE,
Tanacetum cinerariifolium (Trev.) Schultz Bip.
=Chrysanthemum cinerariaefolium (Trev.) Vis., Asteraceae
L'utilisation des pyrèthres pour lutter contre les insectes remonte à l'Antiquité: le
pyrèthre du Caucase (C. coccineum Willd. et C. marshalii Aschers) était utilisé contre
les poux. Si le pyrèthre de Dalmatie (également appelé chrysanthème insecticide) est
d'un emploi plus récent (sans doute au début du XIX' siècle), il a suscité de nombreux
732 TERPÉNOÏDES .

travaux: sélection de clones productifs, séparation et identification des substances


actives (1920-1960) et, depuis 1950, synthèse des pyréthrines et de leurs analogues, les
pyréthrinoïdes (ou pyréthroïdes). Ces esters synthétiques sont plus efficaces et plus,
stables que les pyréthrines naturelles, ils en conservent toutefois les caractéristiques t
majeures, à savoir la biodégradabilité et la quasi innocuité pour les homéothermes.

La plante, le capitule. Herbe en touffes, à tiges dressées (50-80 cm), vivace par un
rhizome, le pyrèthre est caractérisé par des feuilles profondément divisées et:
recouvertes sur les deux faces d'un enduit cotonneux dense. Les capitules, solitaires et .,
entourés de 2-3 rangées de bractées écailleuses et pubescentes, rappellent ceux des
IL Leucanthemum (marguerites) : fleurs femelles ligulées blanches en périphérie d'un.
réceptacle presque plat et nombreuses fleurs hermaphrodites, tubuleuses, jaunes, au:
centre. On utilise les capitules épanouis (c'est en effet dans les jeunes akènes que la.
teneur en pyréthrines est maximale). Les capitules se distinguent aisément de ceux des.:
Leucanthemum par la morphologie des fleurs périphériques dont le ligule tridenté est'
plus fortement veiné. ,,'
Sans doute originaire de l'actuel Iran et initialement produit dans les zones;
montagneuses côtières des Balkans, où il est indigène, il a été très tôt cultivé, d'abordi
au Japon puis dans plusieurs pays africains: hauts plateaux du Kénya et de Tanzanie,i:
ainsi qu'en Amérique du Sud (Équateur) et en Tasmanie où ont été mises en place des;,
cultures de clones très productifs et à floraison synchronisée, multipliés pa~
micropropagation in vitro. Si la production a nettement diminué depuis une dizain,
d'années, la demande en produits naturels reste forte, en particulier pour les.
préparations insecticides à usage ménager.

Composition chimique. L'odeur faible et aromatique des capitules est due à un


petite quantité d'huile essentielle. Comme beaucoup d'Asteraceae la plante renferrn
des lactones sesquiterpéniques. Les constituants actifs sont des esters monoterpénique
: les pyréthrines. La teneur varie de 0,5 % chez les pyrèthres sauvages à 2 % et plu
chez les clones sélectionnés. Le terme général de pyréthrine désigne en fait un mélang
de six esters (pyréthrines l et II, cinérines l et II, jasmolines l et II) résultant d.
l'estérification de deux acides et de trois alcools de structures voisines. Les pyréthrines:
nettement majoritaires, représentent plus des deux tiers des esters totaux.

Formule générale des pyréthrines

R1 = CH 3(acide pyréthrique): série 1


R1 =C02CH3 (acide chrysanthémique): série 1/

R2= CH-CH 2: pyréthrines 1et 1/


R2 = CH 3: cinérines 1et 1/
R2=CH2CH 3: jasmo/ines 1et 1/

R1 = CH 3, R2=H: (S)-bioalléthrine
l'YRÉTHRINES 733

Les deux acides constitutifs des différents esters ont comme élément structural
prédominant un noyau cyclopropanique substitué. Dans les deux cas la configuration du
carbone 1 est (R) et l'orientation de la chaîne isobuténylique est trans par rapport au
carboxyle (le carbone C-3 est S). Dans la série I, l'acide est l'acide pyréthrique et, dans
la série Il, on note une fonctionnalisation de la chaîne isobuténylique par un
c<lrbométhoxyle : c'est l'acide chrysanthémique.
Les alcools sont des alcools secondaires - les réthrolones - qui ont en commun
1111 noyau méthylcyclopenténolonique et qui se distinguent par la nature de la chaîne
latérale: (2'-Z)-2' ,4'-pentadiénylique (pyréthrolone), (2'-Z)-2'-penténylique
(cinérolone) ou (2'-Z)-2'-buténylique (jasmolone). Tous ces esters sont des composés
liquides, huileux, non hydrosolubles, instables. Mono- et diesters, ils seront facilement
hydrolysés, insaturés ils seront facilement photoisomérisés et oxydés, aussi bien sur la
chaîne isobuténylique de l'acide que sur celle, mono- ou biinsaturée, de l'alcool: on
t'stime que la « demi-vie» des pyréthrines naturelles à la lumière du jour ne dépasse pas
IIIlC dizaine de minutes.

Propriétés biologiques des pyréthrines. Les pyréthrines sont toxiques pour les
Illlimaux à sang froid : poissons, batraciens, insectes. Ces insecticides « de contact»
SOllt caractérisés par un knock down important (c'est-à-dire une aptitude à précipiter
l'insecte au sol), mais leur effet létal est moins marqué. Encore convient-il de nuancer
t'clte affirmation: l'ester méthylique des composés de la série II est rapidement dégradé
par les cellules nerveuses des insectes et, de ce fait, l'effet létal de ceux-ci est faible
Idors que leur aptitude à paralyser les insectes est grande. A contrario, le knock down
des esters de la série I est moins marqué, mais leur stabilité plus prolongée augmente
leur effet létal. Les pyréthrines ont également des propriétés insectifuges (repellent).
Les pyréthrines sont des poisons nerveux qui agissent aussi bien au niveau des
lïhres sensitives que des fibres motrices, entraînant incoordination, hyperactivité puis
paralysie et mort de l'insecte. L'expérimentation sur axone géant de blatte montre
qu'elles maintiennent ouverts les canaux à sodium, provoquant une série continue de
potentiels d'action, induisant une inexcitabilité pouvant devenir irréversible. La
photoinstabilité des pyréthrines ne permet pas de réaliser des dépôts insecticides
persistants et leur efficacité est limitée dans le temps. Leur toxicité aiguë pour l'Homme
l'I les animaux domestiques est négligeable par voie orale (DUo aux environs de 2
g/kg) et leur labilité exclut la possibilité d'effets cumulatifs. Il ne semble pas que les
esters naturels induisent de résistance. Pour augmenter l'activité et retarder la
détoxification par l'insecte, il est habituel d'utiliser les pyréthrines en association avec
dcs molécules dites « synergistes » telles que le butoxyde de pipéronyle.

Emplois. Si l'extraction par le dioxyde de carbone supercritique permet d'obtenir


IlVcc une grande sélectivité des extraits très riches en substances actives, la forme la
plus courante d'utilisation est un extrait obtenu à l'aide de solvants (hexane, éther de
pétrole), contenant de 25 à 50 % de pyréthrines et stabilisés par du BHT; on utilise
Illissi la poudre de capitules. Les extraits commerciaux, seuls ou associés à des
Nynergistes ou à d'autres insecticides, sont utilisés après dilution dans un solvant
Ilpproprié sous la forme de solutions, d'émulsions, d'aérosols. Ces différentes
734 TERPÉNOÏDES

préparations sont surtout commercialisées comme insecticides ménagers : lutte contre


les mouches, les puces, les blattes et autres insectes. Ils sont également utilisés en
médecine vétérinaire pour lutter contre les parasites externes des animaux familiers.
L'usage phytopharmaceutique des pyréthrines est limité par leur instabilité à la lumière
et leur métabolisme rapide.

PYRÉTHRINOïDES (PYRÉTHROïDES) DE SYNTHÈSE

L'efficacité et la non-toxicité des pyréthrines en font un modèle intéressant pour la


synthèse d'analogues structuraux. Ce thème de recherche, qui s'est révélé très
productif, a abouti à la commercialisation d'une large gamme de produits synthé-tiques
très actifs dont beaucoup sont utilisables en agriculture du fait de leur plus grande
stabilité dans le temps et à la lumière.

Une première direction synthétique consiste à modifier la partie alcoolique de la .'


molécule. Le raccourcissement de la chaîne latérale pentadiénylique de la pyréthrolone
conduit à l'alléthrine dont l'un des huit stéréoisomères, la (S)-bio-alléthrine, est·
largement utilisé. Les autres modifications sont plus profondes et consistent en un . •
remplacement de l'alcool par une structure cyclique: 5-benzyl-3-furylméthyl;
(resméthrine), 3-phénoxybenzyl (phénothrine), tétrahydrophthalimidométhyl \
(tétraméthrine). Ultérieurement il a été montré que l'activité pouvait être fortement~
augmentée en introduisant une chiralité au niveau du carbone benzylique de l'alcool; i
dans ce cas l'activité est liée à un seul énantiomère (voir, ci-dessous, les esters du type'
(2S)-2-hydroxy-2-(3-phénoxyméthyl) acétonitrile [deltaméthrine])., ;

Pyréthrinoïdes " 1 : tétraméthrine


remplacement des réthrolones 2 : resméthrine
3 : phénothrine

-CH'--N~
o
2 3
L'autre voie d'accès à des analogues structuraux passe par une modification d"
l'acide cyclopropanique. Si l'on ne peut toucher à la configuration du carbone 1 (qÙ
doit rester R), il est possible de modifier la chaîne isobuténylique: inversion de so
orientation par rapport au carboxyle (trans / cis), remplacement par un group
dichlorovinyle (ex. : perméthrine, cyperméthrine) ou dibromovinyle (deltaméthrine). L'
géométrie de la double liaison (composés non symétriques) a également une influenc.
sur l'activité (elle est E dans le cas de l'acide chrysanthémique et Z chez les diester
nor-pyréthriques plus récemment développés). Cette insaturation peut d'ailleurs ê
supprimée; il en est de même de la chaîne elle-même (fenpropathrine). D'autres série
dépourvues de l'élément cyclopropanique, ont été développées (fenvalérate).
l'YRÉTHRINES 735

La consommation mondiale de pyréthrinoïdes de synthèse croît régulièrement et


leur champ d'application dépasse très largement celui des composés naturels: ils sont
en effet utilisés sous des formes variées aussi bien comme insecticides ménagers contre
les mouches, blattes et moustiques (bioalléthrine) que dans la plupart des produits
pédiculicides ou encore pour la protection des stocks céréaliers (bruches, calandres) et
pour le traitement des cultures, en plein air (doryphores, altises, chenilles).

perméthrine deltaméthrine

BIBLIOGRAPHIE

Casida, J .E. et Quistad, G.B., éds. (1995). Pyrethrumflowers, University Press, Oxford.
i;

Valeriana officinalis L.
Sesquiterpènes

1. Généralités ..........................................................................................................................737
2. Intérêt des sesquiterpènes ...................................................................................................738
6. Principales plantes à sesquiterpènes ..................................................................................740
valériane .....................................................................................................................740
pétasite .......................................................................................................................746
4. Bibliographie ......................................................................................................................749

1 . GÉNÉRALITÉS

Depuis l'isolement du cadinène et du caryophy llène par WALLACH à la fin du XIX'


siècle et les premières descriptions structurales de sesquiterpènes (famésol, 1913), le
nombre de molécules connues n'a cessé de croître: les composés actuellement décrits
sc rattachent à plus de 100 squelettes différents. On verra ci-dessous que cette diversité
trouve son origine dans les potentialités réactionnelles de leur précurseur commun, le
diphosphate de famésyle (FPP).
Le 2E,6E-FPP, précurseur de toute la série, résulte de l'addition d'une molécule de
diphosphate d'isopentényle (IPP) sur le diphosphate de géranyle (GPP). La cyclisation
dc ce FPP ou de son isomère géométrique en 2 (2Z,6E-FPP) - ou du diphosphate de
nérolidyle - par attaque électrophile sur la double liaison distale conduit aux carbures
scsquiterpéniques les plus répandus, l'humulène et le caryophyllène. Elle peut aussi
conduire au cation germacradiényle, susceptible de donner naissance à de nombreux
composés à squelette bicyclique qui seront rencontrés aussi bien dans les huiles
essentielles (ex. : germacrène D) que sous la forme de lactones aux activités
biologiques variées. On note aussi que l'attaque électrophile peut impliquer la double
liaison centrale du FPP et induire la formation de composés à cycle hexagonal
(bisabolane et dérivés) ou, moins fréquemment, heptagonal (ex. : carotanes).
738 TERPÉNOÏDES i
.'

''l'
"."

'h
"1
"

cadinanes et
autres décalines

cation germacradIënyle
la double liaison 6(7) fait l'objet d'un tableau
voir aussi: lactones sesquiterpéniques
séparé, page 481 (bisabolane),

Comme dans le cas des monoterpènes, cyclisations intramoléculaires addition


nelles, réarrangements et oxydations conduisent à un très grand nombre de structures
Les tableaux des pages suivantes donnent un aperçu de ces possibilités dont bo
nombre restent, en l'absence de preuves expérimentales et malgré leur grand'
vraisemblance, des hypothèses.
Dans un petit nombre de cas, la cyclisation initiale se fait sans intervention d,
groupe diphosphate. Elle est alors amorcée, comme chez les diterpènes et che
quelques triterpènes, par une protonation de la double liaison distale. C'est le cas de
drimanes comme le polygodial de P. hydropiper L. (Polygonaceae), ou comme 1
warburganal (Warburgia salutaris [Bertol.f.] Chiov., Canellaceae); ce type d
composés est également décrit chez divers organismes animaux.

2. INTÉRÊT DES SESQUITERPËNES

Biologiquement, bon nombre de structures sesquiterpéniques sont d'


phytoalexines (c'est particulièrement vrai chez les Solanaceae); d'autres, autres qu
l'acide abscisique qui n'est pas biogénétiquement un sesquiterpène, semblent ag
comme des régulateurs de croissance; d'autres enfin attirent les insectes (germacrè,
D, (+)-a-copaène) ou agissent à l'encontre de ceux-ci comme des facteurs antinutriti
(warburganal) : leur intérêt potentiel a d'ailleurs suscité la synthèse d'analogu
structuraux. On remarquera enfin qu'un nombre non négligeable de sesquiterpèn
SI ':SQ UITERPÈNES 739

II~-~
~ bisabolane
~-p +

1 1 1 1

P <%J J "'''~
~+ ~
J ,J \

~ or cédrane
~~ santalane cuparane

fl longifolane widdrane

Exemples d'interconversions en série sesquiterpénique

Isolés d'organismes marins présentent des potentialités pharmacologiques intéressantes


l~tque plusieurs mycotoxines sont de nature sesquiterpénique (ipoméamarone,
Irichothécènes) .
Un très grand nombre de sesquiterpènes sont des constituants habituels des huiles
~ssentielles des végétaux supérieurs et, en tant que tels, ils peuvent intervenir dans les
propriétés pharmacologiques attribuées à ces fractions volatiles (voir au chapitre
précédent). C'est par exemple le cas du bisabolol et de ses dérivés présents dans l'huile
l~ssentielle de matricaire.
Plusieurs plantes doivent tout ou partie de l'activité qui leur est reconnue à des
Ncsquiterpènes. C'est en particulier le cas du pétasite, c'est aussi celui de la valériane
qui contient également des iridoïdes.
Un autre groupe de sesquiterpènes est caractérisé par la présence d'une y-Iactone : la
diversité structurale et l'activité pharmacologique de ces lactones sesquiterpéniques
Ncront exposées dans un chapitre ultérieur (p. 751).
740 TERPÉNOÏDES'
-----------------------------------------------------------------.'

3. PRINCIPALES PLANTES À SESQUITERPÈNES

• VALÉRIANE, Valeriana officinalis L., Valerianaceae

La racine de valériane est constituée par les organes souterrains séchés, entiers ou,
fragmentés de V. officinalis L. s. 1., comprenant le rhizome entouré des racines et les
'h'
,.", stolons. Les organes souterrains entiers ou fragmentés contiennent au minimum 4 ml/kg.
d'huile essentielle et au minimum 0,17 % d'acides sesquiterpéniques, exprimés en
acide valérénique; les organes souterrains coupés contiennent au minimum 3 ml/kg
d'huile essentielle et au minimum 0,10 % d'acides sesquiterpéniques, exprimés en'
acide valérénique (Ph. eur., 6' éd., [0112008:0453]). .
La racine de valériane sert à préparer:
- l'extrait hydro-alcoolique sec de valériane. Il est produit à partir de la racine en;
utilisant de l'éthanol de 45 à 80 % (VN) ou du méthanol de 40 à 55 % (VN), sa teneur?
en acides sesquiterpéniques est au minimum de 0,25 % exprimés en acide valérénique!
(Ph. eur., 6' éd., [0112008:1898]); ,
- l'extrait aqueux sec de valériane, produit à partir de la racine avec de l'eau au,
minimum à 60 0 C. Sa teneur en acides sesquiterpéniques est au minimum de 0,02 %,
exprimés en acide valérénique (Ph. eur., 6' éd. - 6.4, [04/2009:2400]); '
- la teinture de valériane, dont la teneur en acides sesquiterpéniques est au)
minimum de 0,ül5 % (Ph. eur., 6' éd., [0112008:1899]). '

La plante. V. officinalis sensu lato est une espèce collective très polymorphe'
regroupant, à l'état naturel, plusieurs sous-espèces différant entre elles par leur degré
ploïdie. Le type, diploïde, 2n = 14 (V. officinatis), est une herbe vivace à tige creuse e
cannelée portant des feuilles en rosette à la base, opposées sur la tige, pennatiséquées
Les feuilles comprennent de Il à 19 folioles lancéolées, toutes de même largeur. Le
fleurs zygomorphes, pentamères, blanches ou rosées, sont groupées en inflorescence
cymeuses terminales. Le gynécée 3-carpellé et l-loculaire par réduction conduit à u
akène exalbuminé. Le calice se développe en aigrette plumeuse (pappus). L'espèc
commune dans les bois humides, les fossés et au bord des cours d'eau de presque tou
l'Europe, est cultivée pour les besoins de la droguerie.
Les autres sous-espèces 1 ont des caractères très proches. V. offïcinalis ssp. colli '
(Wallr.) Nyman (2n = 28) a des feuilles à 15-27 folioles, toutes de même largeur
V. officinalis ssp. sambucifolia (Mikanf.) Celak = V. excelsa Poiret, (2n = 56) a de,
feuilles à 5-9 folioles, la foliole terminale étant nettement plus large que les autre"
-'.,' Contrairement à celui des autres sous-espèces, le rhizome de cette dernière e
nettement stolonifère (stolons épi- et hypogés). D'après la Flora Europea, V. repe
Host. (= y. procurrens Wallr.) pourrait être considérée comme une quatrième sou
espèce. On adjoint souvent à l'espèce des taxons de statut incertain et de distributio,
restreinte (ex.: V. satina Pleigel ou V. versifolia Brügger).

1. Nous reprenons ici les subdivisions indiquées par la Flora Europea. Pour sa part la flore
France (Guinochet, M. et de Vilmorin, R., [1975], éditions du CNRS, Paris, 2, p. 514 sq.) réduit
officinalis l.s. à V. officinalis (inc!. V. collina WaiL) et à V. sambucifolia (inc!. V. procurrens Walr.).
SI \SQUITERPÈNES 741

La racine de valériane est fournie par la culture, laquelle concerne les octoploïdes.
Lcs efforts d'amélioration ont, depuis une quinzaine d'années, porté sur la teneur en
composés sesquiterpéniques.

Les organes souterrains. La rhizome, gris-jaune ou gris-brun clair, est conique à


cylindrique (50 x 30 mm). Il est masqué par de nombreuses racines, longues (10 cm et
plus) et de faible diamètre (1-3 mm) qui le recouvrent le plus souvent entièrement; les
racines latérales, filiformes, sont peu nombreuses. Le rhizome est accompagné de
stolons à nœuds saillants et entre-nœuds striés, de 20 à 50 mm de longueur.
La poudre de racine, examinée au microscope (hydrate de chloral), présente des
groupes de petits sclérites rectangulaires à paroi épaisse, des vaisseaux lignifiés à
épaississements réticulés, des cellules à résine ou à gouttelettes d'huile essentielle. En
milieu glycérolé, de nombreux grains d'amidon à 4-6 éléments (mais souvent séparés)
sont visibles dans la poudre de racine.
L'identité de la racine est confirmée par la CCM d'un extrait méthanolique qui
révèle la présence de l'acide valérénique et de son dérivé hydroxylé.
La racine ne renferme pas plus de 5 % de bases des tiges et pas plus de 2 % d'autres
l~léments étrangers. Les acides sesquiterpéniques sont déterminés par chromatographie
liquide après extraction des organes souterrains par le méthanol.

Composition chimique. Les substances (actuellement connues) qui peuvent inter-


venir dans l'activité sont de nature terpénique: sesquiterpènes et iridoïdes.
Les sesquiterpènes les plus importants sont des acides carboxyliques cyclo-
pentaniques. Chimiquement stables, ils ne sont pas volatils: acide valérénique, acide
Ilcétoxyvalérénique et, dans les racines mal conservées, acide hydroxyvalérénique. La

~
~-AC

C0 2 H
CM o ~6
CHO

R =H :acide va/érénique va/éranone ba/drina/


R =OCOCH 3 : acide acétoxyva/érénique

R1 =Ac, R2 =R3 =isoV : va/trate


R1 = R3 =isoV, R2 =Ac : isova/trate R1 =Ac, R2 =H, R3 =isoV : dihydrova/trate
R1 =Ac, R2 =3-Ac-isoV, R3 =isoV : acévaltrate R1 =2·isoV-isoV, R2 =OH, R3 =Ac : IVHO
742 TERPÉNOÏDES

teneur en acide valérénique et ses dérivés (0,2-0,7 %) des meilleures variétés cultivées
est maximale en mars, époque à laquelle elle pourrait atteindre 0,9 %. D'autres
sesquiterpènes sont volatils: valérénal, valérianol, valérénol et ses esters (acétate,
valérate), valéranone, alcool kessylique, eudesmatriène et autres carbures. Ces sesqui-
terpènes constituent une fraction de l'huile essentielle qui renferme également de
nombreux monoterpènes (acétate de bomyle, acétate de myrtényle, camphène, etc.). La
fraction volatile représente de 2 à 20 ml/kg de la racine sèche; sa composition varie
selon la sous-espèce, la saison, les conditions de culture et, surtout, le procédé
d'obtention (racine sèche ou fraîche, hydrodistillation ou extraction).
Les iridoïdes - des valépotriates - sont ici très spécifiques. Non hétérosidiques,
ce sont des esters lipophiles de triols dérivés de l'iridane, 8,1O-époxydés 2,3(4)-5(6)-
diéniques (valtrate, isovaltrate, acévaltrate) ou 3(4)-monoéniques (dihydrovaltrate,
isovaléroxy-hydroxydihydrovaltrate [IVHD]). De structures très proches les uns des
autres - ils se différencient surtout par la nature des acides aliphatiques (acétique [Ac],
isovalérique [iso V]) estérifiant les trois hydroxyles en C-I , C-7 et C-II -, ils forment
un mélange difficile à séparer dans lequel valtrate et isovaltrate sont largement
majoritaires. La teneur en valépotriates est généralement comprise entre 0,8 et 1,7 %.
Ces composés sont particulièrement instables: ils s'hydrolysent puis se décomposent
rapidement sous l'influence de l'humidité, de la chaleur (> 40 oC) ou de l'acidité (pH <
3) pour conduire à des aldéhydes dépourvus des subsituants en C-I et C-7, insaturés,
colorés en jaune (baldrinal, homobaldrinals). Conservée à 20 oC, une teinture de racine
ne contient plus, deux semaines après sa préparation, qu'environ 1/3 des valépotriates
initialement présents. Les baldrinals, eux-mêmes très réactifs, se polymérisent, ce qui
peut expliquer qu'ils ne sont pas non plus détectables dans ces conditions. L'expérience
montre par ailleurs que les valépotriates, non extractibles par l'eau, ne sont extraits de la
racine que par des solutions hydro-alcooliques titrant au minimum 70 % d'éthanol
(l'extraction n'est réellement efficace qu'avec l'éthanol pur). On a en outre isolé des
parties souterraines de la plante des traces d'alcaloïdes (actinidine, naphtyridyl-
méthy1cétone), divers acides-phénols et de l'acide y-amino-butyrique.

Pharmacologie. La bibliographie sur la pharmacologie de la valériane est'


abondante et riche de données souvent contradictoires, d'autant plus difficiles à'
interpréter que les extraits testés ont une composition différente (et très rarement
précisée), et que les voies d'administration et les espèces animales utilisées varient.
Si l'unanimité se fait pour reconnaître à la valériane une activité de tranquillisant
mineur, la controverse sur l'identité des substances responsables de cet effet n'est pas;
entièrement close. L'activité, un moment liée aux esters du boméol, a rapidement été.
attribuée aux valépotriates. Les travaux expérimentaux conduits avec ces iridoïdes sur .!
différentes espèces animales ont effectivement montré une diminution de l'activité "
locomotrice (Souris), un effet spasmolytique, une diminution de l'agressivité (Chat),
mais est-ce là le témoignage d'une activité « tranquillisante»? D'autres auteurs, .
utilisant des tests comportementaux, ne mettent en évidence aucune activité. Qui plus,
est, on sait depuis longtemps que les valépotriates sont absents de la plupart des,

2. D'où l'origine de la terminologie: valériane, ~xydes, 1riesters (c'est-à-dire triates).


SESQUITERPÈNES 743

préparations commerciales, notamment des teintures, et qu'ils sont partiellement


dégradés et très mal absorbés au niveau du tube digestif.
On a ensuite exploré les potentialités des sesquiterpènes, valéranone et acide
valérénique. La première est sédative, hypotensive et anticonvulsivante, le second
anticonvulsivant et dépresseur du système nerveux central (Souris, voie IP), légèrement
sédatif. Les expérimentations les plus récentes ont surtout concerné des extraits totaux.
ln vitro, l'extrait aqueux stimule la libération et inhibe le captage de l'acide gamma
aminobutyrique (GABA) au niveau des terminaisons nerveuses. D'autres données
montrent l'affinité des extraits aqueux et hydro-alcooliques pour les récepteurs au
GABA et l'inhibition du métabolisme de ce même médiateur par l'acide valérénique.
L'interaction de l'acide valérénique avec les récepteurs au GABA expliquerait l'activité
anxiolytique de l'extrait aqueux mise en évidence par certains auteurs chez les rongeurs
(voie orale). Testé chez la Souris (IP), l'extrait éthanolique dépourvu de valépotriates ne
modifie en rien motilité, nociception ou température corporelle mais s'oppose, comme
d'ailleurs l'acide valérénique [12,5 mg/kg, IP], aux convulsions déclenchées par la
picrotoxinine (mais pas par l'harmane); il prolonge le sommeil induit par le thiopental.
Cet allongement du sommeil pourrait être dû à une interaction de constituants de
l'extrait au niveau des récepteurs des benzodiazépines.

Évaluation clinique. De nombreux essais cliniques ont tenté d'évaluer la capacité


de la valériane à favoriser l'endormissement et à améliorer la qualité du sommeil.
Certains de ces essais concernent des mélanges (valériane/mélisse, valériane/houblon),
ce qui ne permet pas d'évaluer la responsabilité de la valériane dans les effets positifs
observés. Les autres essais sont souvent difficiles, voire impossibles à comparer:
certains évaluent l'effet d'une prise unique, d'autres celui d'un traitement de quatre
scmaines; certains adoptent comme critère principal de jugement la modification de
paramètres électrophysiologiques (ÉEG et autres enregistrements), d'autres choisissent
celui de l'évaluation subjective de la qualité de son sommeil par le patient. Dans la
plupart des cas, la qualité méthodologique de l'essai est faible: méthode de
randomisation pas toujours connue, critères d'inclusion des patients rarement précisés,
absence de prise en compte de facteurs confondants (activité et alimentation dans la
période qui précède le coucher), réalité de l'aveugle non testée, faible ou très faible
effectif. Sans compter l'utilisation de préparations de nature différente et de
wmposition non précisée, ou encore la variabilité des conditions de l'essai (en
laboratoire, à domicile, en établissement de soins).
Trois synthèses méthodiques au moins ont recensé et analysé les essais cliniques
publiés. La première, publiée en 2000, a retenu 9 essais randomisés et en double
IIveugle, et ses auteurs, soulignant leur inégale rigueur méthodologique, ont conclu que
si certains essais suggéraient l'efficacité de la valériane, l'ensemble de la preuve n'était
pas pleinement concluante. En 2006, une autre synthèse a retenu 16 essais regroupant
1093 patients (mais 8 essais comportaient moins de 25 sujets ... ). La méta-analyse des
essais fournissant des données comparables (amélioration subjective ou non de la
qualité du sommeil, 6 essais) a montré que la valériane améliorait de façon statistique-
ll1ent significative la perception de la qualité du sommeil par les patients. Cependant, un
hiais de publication vraisemblable et les carences méthodologiques constatées par les
744 TERPÉNOÏDES

auteurs eux-mêmes atténuent fortement la portée de leur conclusion (on note aussi que
l'un des essais inclus mettait en jeu un mélange). Les auteurs de la troisième synthèse
méthodique de la bibliographie (publiée en 2007), ont procédé à l'analyse critique
détaillée de 37 études et essais, avec ou sans insu, testant une monopréparation ou un
mélange et regroupés selon la nature de la préparation utilisée (extrait alcoolique,
aqueux, etc.). Ils ont conclu à l'inefficacité de la valériane: inefficacité sur les critères
objectifs, mais aussi et contrairement aux auteurs de la synthèse de 2006, absence d'une
efficacité clairement démontrée sur l'impression subjective. Impression dont ces
auteurs semblent mettre en doute le bien-fondé clinique de l'appréciation ... ce qui
apparaît pourtant justifié si l'on se réfère au caractère éminemment subjectif de la
«plainte» d'insomnie 3 .
L'ensemble de ces données ne fournit aucune conclusion définitive. Il semble
toutefois, et un essai de méthodologie correcte l'a mis en évidence dès 1994, qu'un
extrait de valériane exerce un effet favorable sur la qualité ressentie du sommeil 4 • Cet
effet sur l'impression globale ressentie par certains patients à l'issue du traitement, au
mieux modeste comparé à celui d'un placebo, a été récemment relevé par un essai
norvégien (405 patients, 2 semaines). On notera aussi que deux essais versus oxazépam
à dose faible (mais sans bras placebo) ont montré que l'effet de l'oxazépam sur des
critères subjectifs d'évaluation de la qualité du sommeil n'était pas significativement
différent de celui de la valériane. D'autres essais cliniques sont malgré tout nécessaires,
en particulier pour préciser les conditions de l'emploi de cette plante dans un domaine
où la part de subjectivité est grande 5.
La valériane est parfois préconisée comme anxiolytique. Les données cliniques
disponibles, peu nombreuses, ne permettent pas de confirmer le bien-fondé de cette
indication.

Toxicité, effets indésirables, interactions médicamenteuses. Chez les rongeurs, la


toxicité aiguë ou chronique des extraits apparaît négligeable et, chez l'humain, le seul
cas publié de « surdosage» (20 g de poudre de racine) s'est traduit par des symptômes
modérés qui ont régressé en 24 heures. On ne sait rien des éventuelles conséquences
d'un usage au long cours de la valériane et de ses préparations. Les effets indésirables
recensés au cours des essais cliniques et des études de suivi sont rares et toujours
minimes (céphalées, troubles digestifs transitoires), en particulier dans le cas des
extraits aqueux. La prise vespérale de valériane par des volontaires sains n'a modifié, le

3. On écarte bien sûr de ce raisonnement les insomnies associées à des pathologies organiques ou
psychiatriques.

4. Curieusement, les résultats de cet essai sont présentés négativement par les auteurs de la syn-
thèse de 2007, positivement par ceux des revues de 2000 et 2006 ... qui, eux, ne retiennent que le choix,
binaire: amélioré ou pas. Voir: Vorbach, E.U., Gortelmeyer, R. et Brüning, J. (1996). Therapie von
Insomnien. Wirksamkeit und Vertriiglichkeit eines Baldrianpriiparats, Psychopharmakotherapie, 27,109-11. "
Voir aussi: Prescrire Rédaction (2005). Plainte d'insomnie - Une place pour la phytothérapie traditionnelle,
Rev. Prescrire, 25, 110-114.

5. Et où ont toute leur place des traitements non médicamenteux, le recours prolongé aux
hypnotiques étant déconseillé eu égard aux risques d'effets indésirables et de dépendance.
SESQUITERPÈNES 745

lendemain matin, ni leur temps de réaction, ni leur concentration que ce soit après la
première prise ou après quatorze jours de traitement. Quelques rares cas d'hépatite ont
été rapportés, le plus souvent imputables à d'autres plantes présentes dans le mélange
ingéré. Dans un cas, imputable à la valériane, l'identité et la pureté de la plante n'ont
pas été vérifiées.
Les valépotriates, inhibiteurs de la synthèse des acides nucléiques, sont des
nucléophiles fortement cytotoxiques (cellules d'hépatomes), mutagènes et géno-
toxiques. Quand ces molécules sont présentes dans la préparation (par exemple dans un
extrait alcoolique de titre élevé fraîchement préparé), elles se dégradent très vite. Leurs
produits de dégradation (les baldrinals) conservent, avant d'être détoxifiés par
conjugaison, une cytotoxicité et une mutagénicité résiduelle: ils peuvent donc, en
théorie, constituer un risque au niveau digestif. Bien que ce risque ne soit pas
documenté, il est préférable d'utiliser des préparations dépourvues de valépotriates
(ex. : extraits de titre alcoolique faible, extraits aqueux).
Il semble qu'aucun cas d'interaction médicamenteuse impliquant la valériane n'ait
été publié. L'expérimentation (in vitro et in vivo) montre que les préparations de
valériane n'inhibent que très faiblement, et sans conséquence significative, les enzymes
fi cytochrome P450. Chez l'animal, l'extrait de valériane augmente la durée du sommeil
induit par les barbituriques.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour les organes souterrains de valériane, l'indi-
cation thérapeutique suivante (voie orale) : traditionnellement utilisé dans le traitement
symptomatique des états neurotoniques des adultes et des enfants, notamment en cas de
troubles mineurs du sommeil. Si le phytomédicament à base de valériane est une
poudre de valériane, le dossier « abrégé» d'AMM doit comporter une étude
toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour la racine pour tisane, l'extrait
aqueux, les teintures et les extraits hydro-alcooliques, quel que soit leur titre. Une
teneur limite en constituant actif doit être proposée.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
la racine de valériane est utilisée dans les troubles du sommeil d'origine nerveuse et en
cas de nervosité. Publiée en 1990, cette monographie ne mentionnait ni contre-
indication, ni effet indésirable, ni risque d'interaction médicamenteuse. Posologie: une
à plusieurs fois par jour des formes suivantes: racine, de 2 à 3 g par tasse; teinture, de 1
à 3 ml; extraits, quantités équivalentes à 2 à 3 g de racine. La valériane peut être utilisée
comme additif de bain. Les préparations utilisées à des fins thérapeutiques (infusion,
extrait, extrait fluide, teinture) ne contiennent plus de valépotriates, thermolabiles et
chimiquement instables.
Au niveau européen, la monographie communautaire élaborée par l'HMPC
distingue les préparations d'usage bien établi (extraits hydro-alcooliques obtenus avec
des mélanges contenant de 40 à 70 % d'éthanol) et les préparations d'usage traditionnel
(racine, extrait sec [extrait aqueux], teinture, jus de racine fraîche, huile essentielle de
racine). La monographie détaille les posologies, en précisant qu'elles concernent
uniquement les adultes et les adolescents de plus de douze ans, et en distinguant
l'indication « nervosité» (jusqu'à trois prises par jour) et l'indication « troubles du
746 TERPÉNOÏDES '

sommeil» (une prise unique de 30 à 60 minutes avant le coucher et, en cas de besoin,
une autre prise plus tôt dans la soirée). Une intervention ponctuelle est sans intérêt et le
traitement optimal recommandé s'étale sur 2 à 4 semaines. Ne pas dépasser 4 prises par
jour. La posologie par prise est identique à celle préconisée par la Commission E pour
les extraits hydro-alcooliques, peu différente pour les autres formes: de 0,3 à 1 g de
racine (poudre), de 1 à 3 g (extrait aqueux), 15 mg (huile essentielle), 15 mg (jus de ,
j
plante). L'usage chez la femme enceinte ou allaitante n'est pas recommandé. L'utili·
sation simultanée avec des sédatifs requiert un diagnostic et un avis médical. La
valériane peut altérer la capacité à conduire véhicules et machines (réf. EMEA/HMPCI
340719/2005,26 octobre 2006).
Aux États-Unis d'Amérique où, en 2002, une enqête a montré qu'environ deux
millions de personnes avaient utilisé de la valériane dans la semaine précédant (
l'enquête, l'AHRQ (Agency for Healthcare Research and Quality) a estimé en 2005,
mais à partir d'un nombre très restreint d'essais, que les preuves étaient insuffisantes
pour conclure à l'efficacité de cette plante dans le traitement de l'insomnie (www.
ahrq .gov /downloads/pub/evidence/pdf/insomnialinsomnia. pdf).

Autres espèces de valériane


- Valériane de l'Inde (ou du Pakistan, V. wallichii De. [= V.jatamansi Jones]). '
Pour la médecine ayurvédique cette espèce est un sédatif. Native des régions;
himalayennes, elle est cultivée dans plusieurs pays. Elle renfermerait de 3 à 6 % de (
valépotriates et jusqu'à 9 ml/kg d'huile essentielle à alcool de patchouli et maaliol..'
- Valérianes de l'Amérique centrale. Des espèces comme V. edulis Nutt. ex Torr. &:
Gray ssp. procera, ssp. procera F. Meyer (= V. procera Kunth) contiennent de 4 à 7 % i
de valépotriates. La fraction entraînable à la vapeur d'eau est presque exclusivement "
constituée de produits de décomposition des valépotriates (acide isovalérique) et de
carbures sesquiterpéniques .

• PÉTASITE, Petasites hybridus (L.) G. Gaertn. et al., Asteraceae

La feuille et le rhizome de pétasite, ne sont décrits ni par la Pharmacopée,


européenne (6c éd.), ni par la Pharmacopée française (lOc éd.).

La plante. Le pétasite est une Asteraceae herbacée vivace des prairies humides et
des bords de ruisseaux de l'Europe et du sud des États-Unis d'Amérique. Ses grandes'
feuilles basales peuvent mesurer jusqu'à 1 m de longueur et 0,6 m de largeur (elles
peuvent servir de chapeau 6). Les fleurs, toutes tubuleuse, rose clair et d'odeur vanillée,
sont groupées en petites grappes de capitules.

6. Pétase, n.m. : coiffure à larges bords arrondis, à fond bas, utilisée par les voyageurs, spectateurs,
paysans, etc. pour s'abriter du soleil et de la pluie (Atilf-CNRS, Trésor de la langue française"
informatisé, en ligne, http://atilf.atilf.fr/tlf.htm). La feuille servait pour envelopper les mottes de beurre '"
(-> butterbur, nom anglais de la plante).
SESQUITERPÈNES 747

Les fragments de feuilles présentent une nervure réticulée, proéminente sur la face
inférieure tomenteuse (poils tecteurs pluricellulaires à cellule basale large et
cylindrique. La CCM permet d'écarter les chimiotypes dépourvus de pétasine.

Composition chimique. Le pétasite renferme une faible quantité d'huile essentielle,


des flavonoïdes, un mucilage et des alcools sesquiterpéniques de type érémophilane :
pétasol, néopétasol et isopétasol avec les acides angélique (pétasine, néopétasine,
isopétasine), S-méthylacrylique (S-pétasine, etc.), isobutyrique, 3-méthylcrotonique,
etc. La composition varie selon les chimiotypes : certains contiennent des sesquiter-
pènes furaniques. Les alcaloïdes pyrrolizidiniques, concentrés dans les parties souter-
raines (sénécionine, senkirkine, intégerrimine), seraient quasiment absents des feuilles.

pétasol

Pharmacologie. La plante exerce un effet spasmolytique peut être dû aux alcools


sesquiterpéniques et la pétasine est analgésique chez le Rat (IV). Extraits de racines et
de feuilles inhibent la phospholipase A2 et la 5-lipoxygénase. Les esters sesquiter-
péniques bloquent les canaux calciques. Les alcaloïdes pyrrolizidiniques sont
hépatotoxiques et cancérigènes. Chez l'humain, leur consommation entraîne
l'apparition d'un syndrome veino-occlusif (voir au chapitre des pyrrolizidines, p. 988).

Évaluation clinique. Deux essais randomisés en double aveugle ont évalué, versus
placebo, la capacité d'un extrait de rhizome de pétasite à prévenir la survenue de crises
de migraine. Le plus vaste a inclus 233 patients migraineux (au sens de l'International
Headache Society) dans 3 bras (extrait de pétasite 2 x 50 mg/j, 2 x 75 mg/j et placebo)
pendant 4 mois. L'extrait, titré en pétasine, ne renfermait pas de pyrrolizidines
"détectables". L'extrait (2 x 75 mg/j) a diminué de façon statistiquement significative le
nombre de crises de migraine, plus que le placebo (- 45 % versus - 28 % selon
l'analyse en intention de traiter), soit une crise mensuelle en moins par rapport au
placebo pour une fréquence mensuelle initiale de 6 crises. L'efficacité à long terme -
elle semble diminuer en fin d'essai - demeure à étudier, ainsi que l'innocuité.
Plusieurs essais cliniques ont cherché à mettre en évidence la capacité d'un extrait de
feuille de pétasite (au CO 2 , dépourvu de pyrrolizidines) à atténuer la symptomatologie de
la rhinite allergique. Les plus récents, randomisés, ont comparé en double aveugle deux
doses de cet extrait à un placebo (186 patients) ou le même extrait à la fexofénadine et à
un placebo (330 patients). Les auteurs de ces essais de très courte durée (2 semaines)
ont conclu que l'extrait était plus efficace que le placebo et aussi efficace que la
fexofénadine pour atténuer les symptômes de la rhinite (éternuement, rhinorrhée,
picotement des yeux, etc.). Un autre essai a fourni un résultat non concluant. De petits
essais comparatifs indiquent que l'extrait de pétasite n'a aucune propriété anti-
allergique. Les potentialités dans l'asthme, du moins comme adjuvant, restent à préciser.
748 TERPÉNOÏDES

"

Toxicité, effets indésirables. S'il apparaît, au vu des essais cliniques et des études'
de suivi, que le pétasite n'induit pas d'effet indésirable notable (rares troubles gastro."
intestinaux), la question de l'éventuelle présence de pyrrolizidines reste posée. De très;
rares cas de lésions hépatiques ont été signalés avec un extrait CO 2 de rhizome, ce qui a';
conduit l'Institut suisse des produits thérapeutiques à exiger une mise en garde des'
consommateurs puis, en 2004, à suspendre la licence de certaines spécialités distribuées,
dans ce pays (sachant qu'il existe des antimigraineux d' efficacité prouvée). Il est,
l
possible que le principe toxique ne soit pas une pyrrolizidine : il serait alors intéressant
de savoir si les pétasites utilisés appartenaient à un chimiotype à furopétasine ... La;
balance bénéfices-risques est clairement négative, du moins pour les extraits et;
préparations qui n'ont pas été privés de leurs alcaloïdes pyrrolizidiniques (cf p. 989).\

Emplois. Le pétasite ne figure pas à l'annexe 1 de la Note explicative de l'Agenc~'


du médicament (1998). En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du
BfArM précise que le rhizome de pétasite est utilisé en cas de douleur spastique aigu,
des voies urinaires, en particulier en cas de lithiase. Posologie: préparation équivalen
à 4,5 - 7 g de rhizome. L'apport journalier en pyrrolizidines doit être inférieur à 1 Ilg (N
oxydes compris). Le pétasite ne doit pas être utilisé plus de 4 à 6 semaines par an. Il es
contre-indiqué chez la femme enceinte ou allaitante.
Dans le cas de lafeuille, la Commission a, en 1990, considéré que son utilisatio
thérapeutique n'était pas justifiée, au vu des risques et de l'absence de preuvo
d'efficacité dans les indications revendiquées (états convulsifs douloureux, crampe'
gastro-intestinales, céphalées, coups de froid, maladies des voies respiratoires, etc.). ,(

• GOSSYPOL

Les graines des cotonniers (Gossypium spp., Malvaceae) sont parsemées de gland.
ovoïdes ou sphériques contenant divers pigments dont le gossypol, netteme'
majoritaire. Ce pigment est présent dans toutes les variétés de cotonniers et sa tene ;
varie de 0,3 à 2 % de la masse de la graine.
Composé bis-naphtalénique et polyfonctionnalisé, le (±)-gossypol est très réactif:1
se combine avec les amines distales des lysines protéiques ce qui diminue nettement)
valeur nutritionnelle des tourteaux de coton. Relativement toxique, il est éliminé d
tourteaux en mettant à profit sa thermolabilité.
Administré à diverses espèces animales, le (±)-gossypol induit, chez le mâle, u ,
oligospermie significative. Chez les femelles, on note un effet antinidatoire : l'activi,
est due à l'isomère (-). En Chine, le gossypol a été administré à des homme
volontaires. Après deux mois de traitement, une oligospermie apparaît, ainsi que,
nombreuses formes anormales de spermatozoïdes. L'efficacité, liée à la destruction d
"
tubules séminifères, s'accompagne d'effets indésirables non négligeables: hyp
kaliémie, troubles gastro-intestinaux, troubles de la libido, fatigue, stérilité prolong
Les manifestations toxiques sont principalement liées à l'isomère (+). Ces effÎ
pourraient être limités par une diminution de la posologie journalière.
SI ':SQUITERPÈNES 749

4. BIBLIOGRAPHIE

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sesquiterpènes

! Lactones sesquiterpéniques
1. Structure ...............................................................................................................................752
2. Intérêt des lactones sesquiterpéniques ................................................................................753
3. Principales plantes à lactones sesquiterpéniques ...............................................................755
armoise annuelle (qinghao) .......................................................................................755
arnica ..........................................................................................................................759
aunée ...........................................................................................................................763
grande camomille .......................................................................................................764
4. Lactones sesquiterpéniques et allergie ................................................................................767
5. Bibliographie .......................................................................................................................768

l,es lactones sesquiterpéniques constituent un groupe numériquement important de


Hubstances - environ 3 000 structures connues - qui étaient décrites, dans les anciens
Imités de « Matière Médicale », sous le nom évocateur de « principes amers 1 ». Les
IlIclones sesquiterpéniques ont une distribution botanique assez sporadique. Présentes
chez les Champignons et les Bryophyta on les rencontre çà et là chez les Angiospermae
(Apiaceae, Lauraceae, Menispermaceae) et, très majoritairement, chez les Asteraceae.
('hez ces dernières, les lactones sont fréquemment localisées dans des poils sécréteurs
situés au niveau des feuilles, des tiges et des bractées de l'inflorescence. Assez souvent
présentes dans les akènes, elles sont rares dans les organes souterrains (lactucine des
I"IIcines de chicorée, hélénine de l'aunée).

1. Cette terminologie obsolète recouvre un ensemble de composés très homogène: à quelques


~xccptions près (houblon, quinquina) l'amertume des plantes est liée à la présence de lactones
Inpéniques. Monoterpéniques comme les amers des Gentianaceae (p. 719 et suivantes), sesqui-
I~rpéniques comme ceux de la chicorée (p. 95) ou de l'absinthe (p. 611), diterpéniques comme la
colombine du Jateorrhiza pa/mata Miers. ou triterpéniques comme les limonoïdes des Rutaceae et les
II11Hssinoïdes des Simaroubaceae (p. 917), ils étaient - ou, pour certains, sont encore - utilisés
I:Ollllne toniques, stimulants de l'appétit et des sécrétions digestives.
752 TERPÉNOÏDES

1. STRUCTURE

Les structures des lactones sesquiterpéniques sont variées, mais se rattachent toutes:
au produit de cyc1isation, cyc1odécadiénylique, du 2E,6E-farnésyldiphosphate. Bien;
que les preuves expérimentales soient rares, il est admis que les principaux squelettes:
dérivent, via les germacranolides 2, de la cyc1isation du cation cyc1odécadiénylique.'
Logiquement, la structure du produit de cyc1isation dépend de la conformation
initiale adoptée par le macrocyc1e et de la position des doubles liaisons qui permettent
des cyc1isations intramoléculaires électrophiles variées: l'enzyme impliquée dans la ;
réaction doit agir comme une matrice pour le précurseur, elle doit conditionner la :
stéréospécificité du processus. Certains des schémas biosynthétiques proposés sont
rendus plausibles par l'existence de synthèses biomimétiques.

Filiation (schématique) des


principaux groupes de lactones
sesquiterpéniques
(le choix de 12,6lactones est arbitraire)
2E,6HPP germacradiène

P'~""~""j/
1
germacrano/ide ~
13

:t2r élémano/ide
o

guaiano/ide 0
ct2r~
eudesmano/ide 0 érémophilano/ide 0

'" Les variations structurales secondaires sont nombreuses et portent: l


• sur la lactone qui peut être cis-12,6, cis-12,8, trans-12,6 ou, c'est le cas le plu'
"." fréquent, trans-12,8. En règle générale elle est du type a-méthylène-y-lactone et, dan
"Il
tous les cas (sauf chez les Bryophyta) , le proton en C-7 est a;
• sur les groupes méthyle, souvent fonctionnalisés (alcools, acides carboxyliques) ;.:
~.

.11
2. La nomenclature consiste à ajouter le suffixe -olide au nom du squelette sesquiterpéniqu!
indiquant ainsi le caractère lactonique. Dans le cas particulier des germacranolides, la configuration ~
doubles liaisons détermine quatre sous-groupes: germacrolides (trans, trans), héliangiolides (1(10,
lrans, 4-cis), mélampolides (1 (10)-cis, 4-trans) et cis, cis-germacranolides.
l ,i\CTONES SESQUITERPÉNIQUES 753

• sur les insaturations, qui peuvent être réduites ou oxydées (époxydes, hydro-
xyles); quand il existe des hydroxyles, ils sont fréquemment estérifiés.
Il n'existe pas de méthode d'extraction spécifique des lactones sesquiterpéniques.
( )n peut les extraire par le dichlorométhane ou par un mélange oxyde diéthylique-éther
dc pétrole-méthanol et fractionner les extraits par une technique chromatographique
appropriée, Différents réactifs permettent la révélation des CCM : les vapeurs d'iode,
une solution diluée de KMn04' la vanilline sulfurique, le chlorure de cobalt en solution
sulfurique aqueuse, etc.

2. INTÉRÊT DES LACTONES SESQUITERPÉNIQUES

En dehors des dérivés de l'artémisinine, la thérapeutique contemporaine n'utilise


pas de lactones sesquiterpéniques et ne retient qu'un très petit nombre de plantes qui en
contiennent. Si la médecine populaire et la phytothérapie ont recours à quelques
espèces à « substances amères» rien ne prouve - du moins pour certaines d'entre elles
- que les vertus dont elles sont parées ont un quelconque lien avec la présence de ce
Iype de constituant dans leur composition.
L'intérêt potentiel des lactones sesquiterpéniques est pourtant loin d'être
négligeable, ce qui est logique compte tenu de leur importante réactivité:
l'enchaînement a-méthylène-y-Iactone et les époxydes fréquents sont autant de sites
réactifs à l'égard des nucléophiles biologiques, principalement les groupes thiol et les
amines des sites actifs de diverses enzymes (glycogène synthase, ADN polymérase,
Ihymidylate synthase, etc.) qui seront alkylés irréversiblement, d'où une large gamme
d'activités biologiques.

H'

~o ~
;/""', OH

O~
o
HO o 0
ténuline vernolépine (t)-a -santonine

%
""O~OH
o OH
/~
b
HO 0
cnicine ambrosine

De nombreuses lactones sont antibactériennes, surtout à l'encontre des bactéries à


Umm positif: c'est le cas des lactones de l'aunée ou de la cnicine du chardon béni,
C'nicus benedictus L. (Asteraceae), qui fut autrefois employé comme stomachique,
Ionique et, par voie externe, pour le traitement des plaies et des ulcères. Plusieurs
lIlolécules de la série sont aussi antifongiques. On note que certaines structures sont
754 TERPÉNOÏDES;

antiparasltarres - l'artémisinine est un antimalarique qui a prouvé son efficacité chez?


l'Homme - tandis que d'autres sont anthelminthiques 3 ou molluscicides : c'est le cas~'
de l'ambrosine et de la damsine de Ambrosia 4 maritima L., Asteraceae herbacée des'
zones côtières humides et des bassins fluviaux du continent africain. Certains on'
envisagé d'utiliser cette plante pour le contrôle des mollusques vecteurs de 1",
schistosomiase et de la distomatose (Biomphalaria, Bulinus, Lymnaea). Son efficacité a'
été confirmée lors d'essais sur le terrain: on a noté la disparition de 90 % des;'
mollusques pendant trois mois dans des canaux d'irrigation traités. ''1'
Les potentialités alkylantes des lactones sesquiterpéniques ont conduit à étudier leU1\'
cytotoxicité. Si de nombreuses structures présentent une forte activité (vernolépine~
eupatoriopicrine, ténuline, etc.) aucune n'a été testée en clinique, en grande partie l
cause d'une toxicité trop marquée. r

Notons aussi que quelques molécules de ce groupe constituent des outil


intéressants pour le biologiste: la thapsigargine (de Thapsia garganica L., Apiaceae),
mobilise le calcium intracellulaire selon des modalités très particulières. '
Enfin, on soulignera le danger assez important que les plantes à lactones sesqui~
terpéniques constituent parfois pour les animaux de rente (Helenium, Centaurea,
Geigeria, Hymenoxys), mais aussi - c'est plus rare - pour l'Homme. Cela est le ca"
de molécules polycycliques comme la picrotoxinine isolée d'un poison de pêche d'
l'Inde et de l'Indonésie, la coque du Levant (Anamirta cocculus [L.] Wight. & Am.)
comme la tutine et l'hyénanchine qui contaminent parfois les miels néo-zélandais 0
comme la coriamyrtine. Cette dernière est responsable des accidents parfois morte,
dont sont victimes, dans le sud de la France et en Catalogne, les enfants q'
consomment les fruits du redoul (Coriaria myrtifolia L., Coriariaceae). L'ingestion d
ces fruits induit troubles digestifs, respiratoires, neurologiques et, parfois, com
entrecoupé de crises convulsives. Toute intoxication sévère nécessite la prise en charg
par un service de réanimation. La structure de ces antagonistes de l'acide y-amino

3, C'est à cette catégorie qu'appartient la santonine, principe actif d'une plante qui fut longtem~
utilisée comme vermifuge: le semen contra (Artemisia cina Berg. ex Polj., Asteraceae). On utilisait l'
capitules qui, outre IO-20ml/kg d'huile esentieIJe à cinéole, renferment 2-3 % de lacton
sesquiterpéniques : santonine et autres eudesmanolides de structure voisine. La santonine, longtemS!
prescrite comme nématicide, a été abandonnée eu égard à sa toxicité non négligeable (troubles gas
intestinaux et visuels, céphalées, vertiges).

4. À propos des Ambrosia, et bien que les lactones sesquiterpéniques ne soient pas en cause,
peut noter ici que plusieurs espèces du genre, non médicinales, sont responsables d'allergl
polliniques. Sont notamment impliquées: A. trifida L. et A, artemisiifolia L. (absinthe du Canad'
Cette dernière, une mauvaise herbe initialement confinée sur les talus, les remblais et les terres incul
se répand depuis plusieurs années en France, Son expansion est particulièrement importante dans4
couloir rhodanien. Sur la répartition de la plante, les textes réglementaires, l'allergie, les moyens'
lutte, etc. voir, entre autres, le site élaboré par la DRASS de la région Rhône-Alpes(http,
,', www.ambroisie.info/); voir aussi: Laaidi, M., Laaidi, K., Besancenot, J.P. et Thibaudon, M. (200
Ragweed in France: an invasive plant and its allergenic pollen, Ann. Allergy Asthma. lmmunol.,
195-201. Ce problème de l'allergie aux pollens des ambroisies est bien connu en Amérique du Nord,
la petite et la grande « herbe à poux » (ragweed, A. artemisiifolia et A. trifida) constituent l'une
principales causes d'allergies polliniques: dans l'est du Canada, cette plante occasionnerait d,
problèmes de santé à 10-12 % de la population.
l ,IICTONES SESQUITERPÉNIQUES 755

~
"'9 ,. "0
1 1 11 ,.. " "
"
.i1ï"'9
HO ""'" ","0
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O~Q",
o "",," :
H""OH R ""'OH ""OH

o : o : o :
Ao AO Ao
coriamyrtine R =H : lutine picroloxinine pseudo-anisatine
R =OH : hyenanchine

butyrique (GABA) n'est pas très éloignée de celle des sesquiterpènes convulsivants
présents chez les Illicium (anisatine et dérivés, voir p, 680). Cf. : Bruneton, J. (2005).
l'IlIntes toxiques -Végétaux dangereux pour ['Homme et les animaux, 3' éd, Tec & Doc, Paris).

3. PRINCIPALES PLANTES À LACTONES SESQUITERPÉNIQUES

Diverses plantes renfermant ce type de composés sont vues par ailleurs : artichaut
(p, 283), camomille romaine, achillée (flavonoïdes, pp, 396 et 399), matricaire (p. 615),
chicorée, pissenlit (polysaccharides, p. 95), bardane (p. 200), etc. Nous ne citerons ici
que l'arnica, l'aunée, la grande camomille et, acquisition majeure récente de la
Ihérapeutique antipaludique, l'armoise annuelle (qinghao) .

• ARMOISE ANNUELLE = QINGHAO, Artemisia annua L., Asteraceae

La mise en évidence, au début des années 1970, des propriétés antipaludiques


d'extraits de cette plante, a conduit à l'isolement de la substance active, l'artémisinine,
lIinsi qu'à de nombreux travaux chimiques, pharmacologiques et cliniques. Il en a
résulté le développement d'une nouvelle classe d'antipaludiques dont les associations
IIvec d'autres antipaludéens ont considérablement modifié la chimiothérapie du
pli ludisme non compliqué à P.falciparum. Les associations basées sur les dérivés de
l'nrtémisinine, recommandées depuis 2001 par l'OMS, étaient en 2005 reconnues
comme traitement de première ou de seconde intention par 43 pays.

La plante, Cette armoise, utilisée par la médecine traditionnelle chinoise pour traiter
Ics fièvres et la malaria, est une espèce d'origine asiatique qui est également présente
"UIlS le centre et le sud de l'Europe et en Amérique du Nord. Plante herbacée annuelle,
Il'Ûs odorante et à tiges dressées de grande taille (jusqu'à 2 m de hauteur), l'armoise
IInlluelle est caractérisée par de grandes panicules de petits capitules globuleux de 2-3
mm de diamètre à involucre blanchâtre, et par des feuilles profondément divisées qui
disparaissent après la floraison.

Composition chimique. La teneur et la composition de l'huile essentielle varient


Hl~l()n
l'origine: le chimiotype chinois est très riche (40 ml/kg) et caractérisé par la
756

présence de monoterpènes irréguliers (artémisia-cétone, 64 %) alors que le chLffillOt1fPe


vietnamien ne renferme que 14 ml!kg d'huile essentielle à camphre et germacrène
On note de plus la présence de flavonoïdes, de polyines, de coumarines et celle
nombreuses lactones sesquiterpéniques à squelette cadinane ou issu d'un ré2lIT2mgerrlent
de celui-ci: artémisinine, acide artémisinique (= acide artéannuique, jusqu'à 2,5 % .
artéannuine B, etc.
L'artémisinine ou qinghaosu (<< extrait de qinghao ») constitue le principe
C'est une lactone sesquiterpénique peroxydée. Sa concentration dans les
aériennes sèches varie, dans les plantes d'origine chinoise, de 0,01 à 0,8 % en tOllctllon
de l'origine, des conditions édaphiques et climatiques et de la période de végétation. Il
été montré, sur des plants cultivés au Vietnam, que le rendement maximal
artémisinine et en feuilles est obtenu à un stade végétatif précoce (plants de 5 mois, R
0,86 % de la masse sèche) et qu'il décroît ensuite. De fait, la teneur pourrait délpaSlset
1 % chez certains clones chinois.

~~ ~
"'\O_q' ..
~ l'IH
o
o o
acide artéannuique artéannuine B : 1 artémisitène : 2
= acide artémisinique

L'analyse d'échantillons d'origine variée confirme l'existence d'au moins


chimiotypes : chimiotype «Chine» (mais aussi Europe et Nouveau-Monde), pauvre
artémisinine et en acide dihydroartémisinique et riche en acide artémi .
chimiotype « Vietnam», riche en artémisinine et acide dihydroartémisinique, pauvre
acide artémisinique. Les plantes riches en acide artémisinique sont également riches
artéannuine-B et en épi-désoxyartéannuine B, celles riches en acide
misinique renferment uniquement de la dihydro-épi-désoxyartéannuine B.
L'artémisinine, extractible par l'éther de pétrole, est mise en évidence en
examen en UV après pulvérisation d'une solution éthanolique d'acide sulfurique
chauffage à 105 oC (Pharmacopée chinoise), ou encore révélation par la .
l'anisaldéhyde sulfurique, le p-diméthylamino-benzaldéhyde, etc.
Le dosage de l'artémisinine peut être réalisé après CCM d'un extrait
pétroléique (grattage des bandes, extraction et spectrophotométrie) selon la méthode
, la Pharmacopée vietnamienne. En fait, les principales méthodes publiées recourent
" '",
chromatographie liquide, à la chromatographie gazeuse et aux techniques
(LC/MS).
"
Production de l'artémisinine. Cette molécule, qui cristallise bien, est ""'.UV.""" ""1
uniquement produite par extraction (hexane, éther de pétrole) à partir des
cultivées en Asie (Chine, Vietnam) ou en Afrique (Tanzanie, Kenya), récoltées
début de la floraison et séchées au soleil. En moyenne, le rendement extractif serait
l ,t\CTONES SESQUITERPÉNIQUES 757

5 kg d'artémisinine par tonne d'armoise sèche (en 2005). La synthèse totale de


l'artémisinine a été menée à bien par plusieurs équipes, mais son rendement est faible et
son industrialisation guère envisageable. Le rendement de l'hémisynthèse à partir de
l'acide artémisinique est nettement plus favorable. Les recherches réalisées pour
produire l'artémisinine par culture de tissus et de cellules ont progressé, mais ne
donnent pas lieu, à ce jour, à des applications industrielles. Actuellement (2008), on
IIssiste au développement rapide de projets visant à produire l'artémisinine et/ou l'acide
IIrtémisinique par des micro-organismes génétiquement modifiés.

Biogenèse. L'artémisinine est un endoperoxyde dont la biosynthèse n'est pas


~ncore complètement élucidée. Le précurseur, issu de la cyclisation du famésyldiphos-
phate, est l'amorpha-4,1I-diène. Une mono-oxygénase à cytochrome P450 oxyde ce
diène, via l'alcool et l'aldéhyde artémisinique, en acide artémisinique. Les données
llxpérimentales montrent que l'acide artémisinique conduit aussi bien à l'artémisinine
qu'à l'artéannuine B, laquelle peut, du moins est-ce vrai in vitro, être convertie en
IIrtémisinine. D'un autre côté, il a été montré que l'acide dihydroartémisinique et son
dérivé hydroperoxydé sont des précurseurs directs de l'artémisinine. L'influence de
l'cnvironnement (stress, lumière) sur les dernières étapes de la biosynthèse reste à
préciser.

Phannacologie. L'artémisinine est sélectivement toxique sur le parasite responsable


du paludisme, Plasmodiumfalciparum, aussi bien in vitro que in vivo, y compris sur les
souches résistantes à la chloroquine et ce pour des concentrations nanomolaires (in
\'itro). L'artémisinine est active lors de la phase endo-érythocytaire du cycle du
parasite; l'action est maximale sur les anneaux et les trophozoïtes en phase de
croissance. Toxique sur les premiers stades des gamétocytes - ce qui laisse espérer
IIllc certaine efficacité sur la transmission du parasite -, l'artémisinine est inactive sur
les mérozoïtes, les formes pré-érythrocytaires et les formes impliquées, chez l'insecte,
duns la sporogonie. L'artémisinine et ses dérivés préviennent la cytoadhérence à
l'cndothélium vasculaire et, lorsqu'ils sont administrés très tôt, la formation de rosettes.
L'action parasiticide se manifeste très rapidement; la clairance du parasite et la
l'éponse symptomatique sont plus rapides qu'avec les autres antipaludiques. Le
mécanisme d'action, qui reste à préciser, est sans doute lié à la structure peroxydique :
~énération activée par le fer (analogie avec la réaction de FENTON de décomposition du
pcroxyde d'hydrogène) de radicaux et de produits de décomposition réactifs nocifs à
l'égard du parasite dont les protéines sont rapidement alkylées et les structures
IlIcmbranaires altérées. En fait, il a été postulé que la mort du parasite impliquerait des
l'IIdicaux spécifiques (carbone centrés) et une ou des ciblees) déterminée(s), notamment
IIllc enzyme de type SERCA (Sarco/Endoplasmic Reticulum Ca 2 + ATPase), la
l'IATPase 6. Par ailleurs, on sait que l'artémisinine forme des adduits avec l'hémine
(Icrriprotoporphyrine IX) et sa forme ferreuse (ferroprotoporphyrine IX) résultant de la
digcstion de l'hémoglobine par le parasite: il est possible que l'artémisinine inhibe la
polymérisation de l'hémine en hémozoïne, c'est-à-dire sa détoxification en « pigment
1IU1larique ».
758

On a cherché à modifier la biodisponibilité et à augmenter l'efficacité en préparanti


par réduction du carbonyle en 10 puis estérification ou éthérification de l'
secondaire formé, des dérivés plus actifs et de solubilité différente: artéméther
artééther (p-OMe, p-OEt), artélinate (a-OCH 2Ph[C0 2Na]-p), artésunate sodique.
dernier, hémisuccinate de la dihydroartémisinine, est un dérivé soluble utilisable
voie IV et capable de diminuer très rapidement la parasitémie.

Évaluation clinique des dérivés de l'artémisinine. On dispose aujourd'hui


nombreux essais cliniques dont les méta-analyses montrent l'intérêt de l'artémisinine
de ses dérivés dans le traitement du paludisme non compliqué. En monothérapie
de 3 jours), les dérivés de l'artémisinine, évalués versus autre antipaludique, ont
efficacité clinique et parasitologique souvent plus rapide de quelques heures, mais
recrudescences sont plus fréquentes. Des associations ont donc été proposées et
artésunate-amodiaquine (en Afrique), artésunate-méfloquine (en Asie du
artéméther-luméfantrine (en Afrique). Ces associations sont plus efficaces que
traitements habituels: autres antipaludiques seuls ou autres associations 5
clinique, parasitémie à 28 jours). Les associations à base d'artéméther ou d'artéslillaite
ont une efficacité similaire. En 2006, l'OMS estimait qu'il n'existait pas de souches
P.falciparum résistantes aux dérivés de l'artémisinine. Dans le traitement des
palustres graves (accès pernicieux), seull'artésunate par voie parentérale (IV, lM)
actuellement recommandé par l'OMS et ce dans les zones à faible transmission
parasite. Il diminue plus la mortalité que la quinine habituellement utilisée dans ce cas.

~
."'\O_q'

R =CH 3 : artéméther
~
CI

OR
""'H
~~OH OH

R =C2H5 : artééther
R =COCH 2CH 2C0 2Na : artésunate sodique yingzhaosu artéflène (Ra 42-1611)

Toxicité. Le traitement par l'artémisinine et ses dérivés n'entraîne que peu d


indésirables (troubles gastro-intestinaux, céphalées, acouphènes). Bien qu'
'" neurotoxicité ait été détectée par plusieurs études chez l'Animal, il ne semble pas
de tels cas, bien documentés, aient été notifiés chez l'humain. Les associations U<;'..lV<'_
. entraîner des effets neuropsychiques (artésunate-méfloquine) ou des troubles du
""
5. Une présentation détaillée de ces essais sort du cadre de l'ouvrage. On peut se reporter
méta-analyses citées dans la bibliographie (liste non exaustive), aux documents de l'OMS et, en
française, à un article récent élaboré par la Rédaction Prescrire: « Dérivés de l'
paludisme - Utiles au traitement curatif, en association», Rev. Prescrire, 2007,27, 913-920. Voir
sur l' imp0l1ante question de l'accessibilité à ces traitements: « Traitements à base d 'artl~rnisinline
Afrique: lenteurs, progrès et lacunes », ibid., pp. 939-940. Sur cette problématique, voir
Mutabingwa, 2006 (cité dans la bibliographie).
l of\( "fONES SESQUITERPÉNIQUES 759

l'lIrdiaque (assocations avec la luméfantrine). D'aucuns soulignent cependant, non sans


l'Ilison, que la connaissance globale sur les risques demeure limitée, en particulier chez
III femme enceinte, et que dans le contexte géographique propre à l'utilisation de ces
produits la pharmacovigilance, souvent inexistante, doit être rapidement développée et
IIllléliorée. L'OMS préconise d'éviter les dérivés de l'artémisinine chez la femme
l'Ilccinte au cours du premier trimestre de la grossesse (sauf en cas de risque vital) et de
Ile les utiliser ensuite qu'en l'absence d'autres options.

Emplois, perspectives. Les formes disponibles (voie orale, rectale et parentérale),


lellr posologie et la conduite du traitement n'ont pas à être détaillées ici. (Voir, par
l~xemple, le guide de pratique clinique édité par l'OMS en 2006).
L'intérêt suscité par l'artémisinine et les dérivés de la dihydroartémisinine a conduit
~ de nombreux travaux chimiques, en particulier la synthèse de dérivés: esters arylés de
III dihydroartémisinine, analogues aminés, alkylés, arylés ou alkylarylés en C-lO,
IIllalogues modifiés en C-14 (= le méthyle en C-9), dimères, et études des relations
Nlructure-activité. L'obtention de ces dérivés, aussi intéressants qu'ils puissent être,
nécessite de disposer d'artémisinine et est donc tributaire de la culture de la plante. De
l'l' l'ait d'autres travaux sont menés autour de divers trioxanes (ex. : fenozan BO-7),
télraoxanes et trioxolanes (ozonides) synthétiques, ces derniers étant particulièrement
prometteurs (OZ-277 = RBxlI160). Des analogues de peroxydes naturels ont
également été étudiés (ex. : artéflène [= Ro 42-1611], analogue du yingzhaosu A isolé
des racines d'une Annonaceae, Artabotrys uncinatus [L.] Merr.).
On peut aussi noter l'actuel développement, en Chine et dans le sud-est asiatique,
d'une association à coût réduit: dihydroartémisinine-pipéraquine .

• ARNICA , Arnica montana L., Asteraceae

La fleur d'arnica est constituée par le capitule, entier ou brisé, séché, d'Arnica
/l/olltana. Elle contient au minimum 0,4 % de sesquiterpènes lactoniques exprimés en
liglate de dihydrohélénaline (Ph. eur, 6 c éd. - 6.1, [04/2008:1391], corr. 63).
La fleur d'arnica est utilisée pour produire la teinture d'arnica (teinture au 1/l0
duns l'alcool à 60-70 %; cette teinture contient au minimum 0,04 % de sesquiterpènes
lue toniques (Ph. eur., 6c éd., [0112008: 1809], corr. 63).

L'arnica est une espèce anciennement utilisée pour ses propriétés « vulnéraires» en
lisage externe (vulnus, eris, blessure -> vulnerarius : qui est propre à la guérison des
plaies et blessures). C'est une espèce rare, actuellement protégée, et qui est parfois
1'l~l11placée par une autre espèce du genre: A. chamissonis Less. ssp.foliosa (Nutt.)
Maguire.

La plante, le capitule. L'arnica est une petite plante pérenne des prairies d'altitude,
~ l'cuilles entières, oblongues et velues, en rosette à la base. L'arnica est aisément
Identifiable à ses grands capitules (20 mm) de fleurs jaune orangé portés par un
pédoncule de 2-3 cm et entourés par un involucre de 18-24 bractées aiguës à leur
760

sommet et garnies, à l'extérieur, de poils vert-jaune. Le réceptacle est convexe, alvéol'


et garni de poils. Une vingtaine de fleurons ligulés 7-10-nervurés et 3-dentés (l =20-30
mm) entourent un grand nombre de fleurons tubulés actinomorphes à 5 lobes'
triangulaires réfléchis (1 = 15 mm). Chez toutes les fleurs l'ovaire, étroit, porte un"
stigmate à deux branches incurvées vers l'extérieur. Le calice, réduit, est surmont'
d'une couronne de soies blanchâtres, fines et brillantes.
La Pharmacopée décrit les caractères microscopiques qui sont observables après:
pulvérisation de chaque partie du capitule: poils tecteurs 1-sériés, pluricellulaires, de
à 500 flm sur les bords de la bractée; poils sécréteurs à pied pluricellulaire et à
globuleuse, longs (300 flm) sur la face externe de la bractée, plus courts (80 flm) sur
face interne; poils tecteurs géminés à paroi commune ponctuée sur l'épiderme
l'ovaire, etc.
La CCM d'un extrait méthanolique confirme l'identité et permet de
l'absence de capitules d'Heterotheca inuloides Casso (alias« arnica mexicain »)
de souci, Calendula officinalis L. (absence, entre autres, de rutoside). Les ''''"'LV' .....'
sesquiterpéniques sont dosées par chromatographie liquide
méthanolique et préfractionnement sur kieselguhr.

Composition chimique. La coloration du capitule est liée à des "''''VLvU'V',"'",,,,


L'odeur est due à 2-5, ml/kg d'huile essentielle rendue pâteuse par une forte teneur
acides gras et qui renferme, entre autres, carbures terpéniques et dérivés du
L'amertume provient des lactones sesquiterpéniques : 0,2-0,5 % d'hélénaline, de Il,1
dihydrohélénaline et de leurs esters (acétates, isobutyrates, tiglates, iso-valérates, etc.)
leurs proportions varient en fonction de l'origine géographique (Europe centrale
Espagne). On note également la présence de triterpénoïdes, de phytostérols, d'
gras, d'alcanes, de polysaccharides, d'acides-phénols (acide dicaféyl-3,5-quinique),
coumarines, de polyines et de 0,2-0,3 % de flavonoïdes, hétérosides de l'hispiduline,
la patulétine, du bétulétol, de la spinacétine, de la quercétagétine.
A. chamissonis peut être plus riche en lactones (jusqu'à 1,5 %) et contient, en
des composés précédents, leurs homologues 2,3-dihydro-2a-hydroxylés (arnifolline:s)"
2,3-dihydro-2a,4a-dihydroxylés (chamissonolides). Là encore, les proportions
différents composés sont très variables, certains lots étant très proches d'A. mcmn2m
Les deux espèces diffèrent aussi par leur composition en flavonoïdes, A.
étant caractérisé par la présence d'hétérosides de flavonoïdes acylés (par les
acétique ou 2-méthylbutyrique).
",
HaCOCQ.
-:"0
,
",
'"

13
héléna/ine arnifolines

Pharmacologie. La tradition attribue à l'arnica des propriétés anltHntlamlIlllito:U1


analgésiques, anti-ecchymotiques. Il n'est pas exclu que les lactones
l ,I\CTONES SESQUITERPÉNIQUES 761

Hient une responsabilité dans cette action: on connaît leur capacité à inhiber la
migration des polynucléaires et la rupture des membranes lysosomiales; on a surtout
noté la capacité de l'hélénaline à inhiber l'activation du facteur de transcription NF-KB.
Une activité inhibitrice sur l'agrégation plaquettaire a également été signalée, mais une
dilution homéopathique (5CH) ne modifie ni le temps de saignement ni d'autres
paramètres de la coagulation chez l'Homme. Les préparations d'arnica et leurs
constituants sont, expérimentalement, anti-microbiens, antifongiques, anti-
inflammatoires, et cytotoxiques sur diverses lignées cellulaires.

Toxicité, effets indésirables. L'hélénaline est toxique par voie orale, la DLso étant
de 85 mg/kg chez le Hamster, ou de 150 mg/kg chez le Mouton. Des références fort
Hnciennes font état d'into){ications marquées par des vomissements, un dysfonction-
nement respiratoire et cardiaque, des expectorations sanglantes, des troubles cérébraux
el même de décès consécutifs à la prise de préparations d'arnica à des fins abortives.
Toutes les formes galéniques d'arnica sont allergisantes et l'on observe
fréquemment, chez les sujets sensibles, des réactions croisées avec les Asteraceae et
Illitres espèces à lactones.

Évaluation clinique. Différentes formes d'arnica ont été évaluées chez l'humain:

Préparations d'arnica pour la voie externe. Les indications retenues en France et en


Europe (voir ci-dessous) semblent reposer plus sur la tradition que sur des essais clini-
ques rigoureux. L'effet, préventif ou curatif, sur des contusions liées à un traitement au
laser n'a pas été confirmé par un très petit essai. L'effet possible du gel d'arnica sur
certaines douleurs post-opératoires (canal carpien) doit être confirmé. Les données
existantes pour les autres indications sont généralement d'un faible niveau de preuve.

Préparations homéopathiques d'arnica pour la voie orale. En dépit de l'abondance


des références bibliographiques, il n'y a que peu d'essais randomisés ayant rigoureuse-
ment comparé en double aveugle ces dilutions à un placebo. Dans la grande majorité de
ces essais, il n'a pas été noté de supériorité de la dilution homéopathique sur le placebo:
prévention des douleurs musculaires, prévention de complications après extraction
dentaire, diminution des crampes chez des coureurs de fond, douleur et évolution post-
opératoires (hystérectomie, chirurgie de la main, chirurgie ligamentaire du genou),
prévention des hématomes post-stripping, etc. De rares essais ont révélé une tendance à
la supériorité de l'arnica, voire un résultat statistiquement significatif (chirurgie
ligamentaire du genou, un essai).

Emplois. L'arnica et ses préparations (autres qu'homéopathiques) sont réservés à


l'usage externe. Une forme fréquente d'utilisation est la teinture, diluée dans l'eau ou
dans un alcool de titre faible et appliquée en compresses sur les contusions, les
ecchymoses, les entorses, les foulures et autres meurtrissures. Les formes utilisables en
hains de bouche ne doivent pas être avalées.
En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet qu'il est
possible de revendiquer, pour le capitule d'arnica et par voie locale l'indication
"

Inula helenium L.
I,ACTONES SESQUITERPÉNIQUES 763

thérapeutique: traditionnellement utilisé dans le traitement symptomatique des


ecchymoses. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée pour la constitution
d'un dossier « abrégé» d'AMM (capitule pour infusion, extrait aqueux et extraits
hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre). La poudre de capitule n'est pas utilisée de
façon traditionnelle.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BJArM précise que
le capitule d'arnica est utilisé uniquement par voie locale : à la suite de blessure ou
d'accident (hématome, foulure, contusion, œdème associé à une fracture, affection
rhumatismale musculaire et articulaire; en cas d'inflammation des muqueuses buccale
et pharyngée; furonculose; piqûre d'insecte; phlébite superficielle. Posologie: (a) -
infusion [pour application]: 2 gl100 ml; (b) - compresses, teinture diluée de 3 à 10 fois;
(c) - bains de bouche, teinture diluée 10 fois; (d) - pommades, ne contenant pas plus de
20-25 % de teinture; (e) - « huile» (extrait huileux 1/5), pommades à 15 % maximum
d'huile. Contre-indiqué en cas d'allergie. Un usage prolongé sur une peau lésée peut
induire des dermites œdémateuses et vésiculeuses; les formes les plus concentrées
peuvent provoquer vésicules et même nécrose.
Selon l'European Scientific Cooperative on Phytotherapy (ESCOP), l'arnica peut
être utilisé sans restrictions par voie externe chez la femme enceinte ou allaitante .

• AUNÉE, Inula helenium L., Asteraceae

L'aDnée est consituée par la racine et le rhizome séchés d' lnula helenium (Ph.
l'se, 10' éd.).

La plante, les organes souterrains. L'aunée est une grande plante vivace à feuilles
hasales lancéolées et feuilles caulinaires cordiformes. Les grands (6-8 cm) capitules
odorants de fleurs jaunes ont des fleurs ligulées très étoites, disposées en un seul rang.
Le rhizome et les racines se présentent en fragments irréguliers d'odeur balsamique
el de saveur aromatique et amère, fréquemment excoriés, ce qui laisse apparaître un
parenchyme cortical grisâtre. Coupe et poudre montrent, en microscopie, des grains
d'inuline en amas et des cellules contenant de la résine. Trois CCM permettent: de
vérifier l'absence d'alcaloïdes (contamination par des racines de belladone); de mettre
en évidence les produits d 'hydrolyse sulfurique de l'inuline; d'étudier les lactones
sesquiterpéniques après hydrodistillation, notamment de caractériser l'alantolactone.

çty0
alantolactone isoalantolactone

Composition chimique. La racine d'aunée renferme des eudesmanolides (alanto-


lactone, isoalantolactone et des dérivés de celles-ci plus ou moins hydrogénés), un
germacranolide, des triterpènes et des stérols et, selon la saison, de 20 à 45 % d'inuline.
764 TERPÉNOÏDES

Par hydrodistillation des parties souterraines, on isole 1-3 % d'une fraction odorante qui
se solidifie partiellement à la température ordinaire (produits de dégradation des
lactones).

Pharmacologie, toxicité, évaluation clinique. Alantolactone et isoalantolactone,


cytotoxiques, montrent, in vitro, des propriétés antibactériennes et antifongiques: à des
concentrations de 10 }tg/ml elles inhibent la croissance de Microsporum cookei,
Trichophyton mentagrophytes, Trichothecium roseum et d'autres champignons
pathogènes pour l'Homme (Trichophyton et Epidermophyton). Ces lactones sont
réputées anthelminthiques et hypotensives : leurs propriétés anthelminthiques sont
faibles et inégales, peut-être du fait d'une absorption digestive rapide. L'aunée peut être
à l'origine de réactions allergiques. Selon la Commision E du BfArM allemand, de
fortes doses pourraient induire diarrhée, vomissements et autres troubles. Les propriétés "
traditionnellement attribuées à l'aunée (tonique, expectorante, stomachiquej
anthelminthique) n'ont fait l'objet d'aucune évaluation clinique rigoureuse.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998)


qu'il est possible de revendiquer, pour la racine et le rhizome d'aunée, les lUl\_aLJLU"'~'i
11'

thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 1 dans le traiteme:nt~


0

symptomatique de la toux; 2 pour faciliter les fonctions d'élimination urinaire


0

digestive. Si le phytomédicament à base d'aunée est une poudre de parties souterraines'


le dossier « abrégé» d'AMM doit comporter une étude toxicologique allégée. '-'100,11100-'."
n'est pas nécessaire pour l'aunée pour tisane, l'extrait aqueux, les teintures et
extraits hydro-alcooliques, quel que soit leur titre.
En Allemagne, la Commission E du BfArM a estimé que les propriétés attribuées
l'aunée ne sont pas démontrées et qu'elle ne pouvait pas en recommander l'usage
un but thérapeutique .

• GRANDE CAMOMILLE, Tanacetum parthenium (L.) Schultz-Bip.,


Asteraceae

La grande camomille est constituée par les parties aériennes, entières ou


mentées, séchées, de T. parthenium. Elle contient au minimum 0,2 % de parmemonQC
(Ph. eur, 6 e éd., [01/2008: 1516]).
'fil

La plante, les parties aériennes. La grande camomille est une grande (70-80
. ., herbe vivace, originaire d'Asie mineure, assez commune dans les endroits incultes
" l'Europe, à tiges presque quadrangulaires, plus ou moins ramifiées, portant des
alternes polymorphes, et à large corymbe de 5 à 30 capitules longuement pédicellés.
La tige, cannelée longitudinalement, porte des feuilles ovales, pennées
bipennées, divisées en 5-9 segments à limbe crénelé aux bords, plus ou
pubescentes sur les deux faces. Les capitules (s'ils sont présents) ont un ""ua", ...
variant de 12 à 22 mm. Des bractées étroites, scarieuses, membraneuses et se rp<-,m",r,,"
forment un involucre hémisphérique. Les fleurs centrales tubulées, j
1.t\CTONES SESQUITERPÉNIQUES 765

hermaphrodites ont des étamines à filets staminaux libres et anthères soudées en un


tllbe. Les fleurs périphériques femelles, blanches, ont une ligule tridentée. Le fruit est
lin akène brun à 5-10 côtes blanches, glanduleux, surmonté d'une courte couronne
membraneuse, crénelée.
Examinées au microscope (hydrate de chloral), les parties aériennes pulvérisées
présentent de nombreux poils tecteurs pluricellulaires, I-sériés à cellule basale
rhomboïdale; leur cellule terminale, souvent courbée à angle droit, est très longue,
plate, effilée et à paroi mince. On note aussi la présence de poils sécréteurs à tête
hi sériée composée de 4 cellules autour desquelles la cuticule forme une vésicule ainsi
que celle d'éventuels fragments de fleurs.
Le parthénolide, mis en évidence par CCM, est dosé par chromatographie liquide
uprès extraction méthanolique. Les parties aériennes ne comportent pas plus de 10 % de
tiges de diamètre> 5 mm, et pas plus de 2 % d'autres éléments étrangers.

canine
o o
·'''111

tanaparthi ne-a-peroxyde
o
séco-tanapartholide A
9Rtparthénolide
o

~~~~
costunolide
o
artémorine
0
reynosine
0
santa marine
0

Composition chimique. L'odeur forte de la plante est due à une huile essentielle (3-
H ml/kg dans les feuilles) dont les constituants majoritaires sont le camphre et l'acétate
dc trans-chrysanthémyle (ce dernier peut être partiellement hydrolysé en chrysan-
thémol dans les parties aériennes sèches). On note aussi la présence de flavonoïdes,
glucuronates de flavones hydrosolubles dans les vacuoles et éthers méthyliques de
l1avonols lipophiles sur les épidermes des fleurs et des feuilles. Le principe actif
supposé est une lactone sesquiterpénique, le parthénolide. Ce germacranolide, isolé des
lots européens aussi bien que nord-américains, serait absent de certains échantillons
dans lesquels on note la présence d'un eudesmanolide, la santamarine (également
présente, à côté du parthénolide, dans les plantes nord-américaines). Dans pratiquement
tous les lots étudiés, on trouve aussi d'autres germacranolides (costunolide et dérivés,
urtémorine), des eudesmanolides (reynosine) ainsi que des guaianolides (canine,
lIrtécanine, tanaparthine, dérivé de la cumambrine B, etc.). Certaines variétés seraient
particulièrement riches en parthénolide (f.floculosum) et la teneur en cette lactone varie
766 TERPÉNOÏDES

en fonction du cycle végétatif - elle est maximale au moment de la floraison - et


selon l'organe: concentré dans les sommités fleuries (l,38 %) et les feuilles (0,95 %), il
est peu abondant dans les tiges (0,08 %) et quasiment absent des racines (0,01 %;
valeurs déterminées sur un lot de plante provenant du Royaume-Uni). L'expérience a
montré que la grande camomille broyée conservée sans précautions particulières
pouvait voir sa teneur en parthénolide chuter de près de 50 % en 9 mois.

Pharmacologie. Des extraits de parties aériennes inhibent l'agrégation plaquettaire


et la libération de sérotonine (= 5-HT) induite par l'ADP ou l'adrénaline, ce qui, pour
certains, expliquerait l'activité antimigraineuse traditionnellement attribuée à la grande
camomille. On a par ailleurs mis en évidence l'affinité - faible - du parthénolide pour
les récepteurs 5HT2A. On note également une inhibition de la dégranulation des
leucocytes polynucléaires et de la libération des enzymes impliquées dans les
phénomènes inflammatoires, une inhibition de la phospholipase A 2 et de la synthèse
des prostaglandines, ainsi qu'un effet protecteur sur les cellules endothéliales
vasculaires. L'activité observée semble consécutive à l'addition de type Michael des
groupements thiol des enzymes sur la méthylène lactone et peut-être, sur la double
liaison intracyclique avec ouverture de l'époxyde. L'étude de l'activité des extraits sur la
musculature lisse des vaisseaux a montré que si l'extrait chloroformique de plante'
fraîche inhibe de façon non sélective et irréversible l'action contracturante de divers
agonistes, il n'en est pas de même pour les extraits préparés avec la plante sèche dont,'
l'action est inverse, mais dont l'analyse montre qu'ils ne renferment pas de parthénolide.
Cette stimulation réversible de la contraction des fibres lisses vasculaires apparaît liée à 1
un mécanisme de blocage des canaux potassiques induit par une substance non:
identifiée. Cette vasoconstriction est-elle impliquée dans un effet anti-migraineux !

comme c'est le cas pour les alcaloïdes de l'ergot ou le sumatriptan? C'est une hypothèse.
Il n'est pas exclu que d'autres constituants interviennent dans l'activité de la grande:
camomille: flavonoïdes (?) et acétate de chrysanthémyle dont on connaît les propriétés'
inhibitrices de la prostaglandine-synthétase.
On sait par ailleurs que le parthénolide inhibe la voie NFK'B. C'est aussi un inhi-
biteur de la tubuline carboxypeptidase, empêchant l'accumulation anormale de tubuline 1
détyrosinée à son extrémité C-terminale dans les cellules tumorales. Il pourrait de ce;
fait constituer un nouvel anticancéreux multifonctionnel Cl' accumulation de cette,
tubuline détyrosinée au cours de la croissance tumorale est reliée au mauvais pronostic;
des cancers).

Évaluation clinique. Un petit nombre d'essais cliniques évaluant la capacité de la'


grande camomille à prévenir et/ou soulager les crises de migraine ont été publiés. Ils'
ont mis en œuvre la poudre de plante, un extrait alcoolique titré en parthénolide ou un.
extrait par le dioxyde de carbone supercritique. Leurs conclusions ne sont pas'
concordantes et, pour beaucoup, leur qualité méthodologique est insuffisante et leu{
effectif faible. "
Cinq essais cliniques versus placebo, randomisés et en double aveugle, ont été
analysés par les auteurs d'une revue structurée de la bibliographie publiée en 2004 p
le réseau Cochrane. Ces auteurs ont estimé que les éléments suggérant de façoll
I.ACTONES SESQUITERPÉNIQUES 767

convaincante que la grande camomille est plus efficace qu'un placebo pour prévenir la
survenue des crises migraineuses étaient insuffisants. Un essai plus récent (2005) a mis
cn évidence une efficacité modeste de l'extrait par le dioxyde de carbone (3 x 6,25 mg/j
len parthénolide]) chez des patients ayant eu en moyenne 4,8 crises migraineuses dans
le mois précédant leur inclusion dans l'essai 6: les patients recevant la grande camomille
ont eu 0,6 crise mensuelle en moins que ceux recevant le placebo.

Toxicologie, effets indésirables. La toxicité à court et à long terme de la grande


camomille a été peu étudiée. Les données recueillies au cours des essais cliniques et du
suivi de consommateurs ne font pas apparaître plus d'effets indésirables dans les
groupes traités que dans les groupes recevant le placebo. Pour différents auteurs, il
existerait un risque d'ulcération buccale (en cas de mastication des feuilles) et de
troubles digestifs. Comme beaucoup d'Asteraceae à lactones sesquiterpéniques, la
plante et ses produits peuvent être à l'origine de manifestations allergiques.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour les parties aériennes de grande camomille, les
indications thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 10 dans la
prévention des céphalées; 2 0 dans le traitement des règles douloureuses. Si le
phytomédicament à base de grande camomille est une poudre de parties aériennes, un
extrait hydro-alcoolique de titre alcoolique> 30 % ou une teinture, le dossier « abrégé»
li' AMM doit comporter une étude toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire
pour les parties aériennes pour tisane, l'extrait aqueux et les extraits hydro-alcooliques
de titre inférieur à 30 %.
La grande camomille ne fait pas l'objet d'une monographie de la Commission E du
IHArM allemand.
Selon l' ESCOP, la grande camomille peut être utilisée en prévention des crises
migraineuses. Posologie: de 50 à 120 mg de poudre de parties aériennes ou prépara-
tions équivalentes, pendant plusieurs mois. Il est recommandé d'interrompre le
traitement de temps à autre en réduisant progressivement la dose durant le mois qui
précède l'interruption. Ne pas utiliser chez la femme enceinte ou allaitante. Contre-
indiquée en cas d'allergie aux Asteraceae.

4. LACTONES SESQUITERPÉNIQUES ET ALLERGIE

Les Asteraceae à lactones sesquiterpéniques sont fréquemment responsables de


dermites de contact d'origine allergique. Fonctionnant comme des haptènes, ces

6. Dans un essai antérieur, les auteurs de cet essai avaient constaté ['absence de différence
statistiquement significative d'effet entre le placebo et la grande camomille chez 147 patients
llIigraineux, que ce soit sur le critère de jugement principal (nombre de crises) ou sur les critères
secondaires (durée et intensité des crises). Seule une analyse du sous-groupe des 49 patients ayant la
plus grande fréquence de crises avait révélé un avantage à la grande camomille. D'autres essais -
IlIdépendants - sont souhaitables pour confirmer ces constatations.
768 TERPÉNOÏDES

molécules se lient aux protéines pour former des allergènes qui induisent la
sensibilisation des lymphocytes. C'est bien entendu la réactivité de l'a-méthylène-y. ,
lactone qui est enjeu. Les espèces maraîchères (artichaut, cardon [cynaropicrine],
endive [lactucopicrine]) et horticoles (chrysanthèmes [artéglasine], marguerites, asters,
cosmos, gaillardes, rudbeckias, etc.) ainsi d'ailleurs que le tournesol (niveusine) et
certaines espèces médicinales (camomille romaine [p. 396], matricaire [p. 615],
millefeuille [p. 399], grande camomille, arnica ou aunée [voir ci-dessus]) sont à ,
l'origine de divers cas de dermites papuleuses et de conjonctivites chez les
professionnels concernés: agriculteurs, horticulteurs ou fleuristes.
Les Asteraceae ne sont pas les seules espèces à lactones allergisantes. Des dermites
peuvent en effet être observées avec le laurier-sauce (costunolide et autres lactones), ,;
ainsi qu'avec des Jungermanniales (Hepaticophyta) appartenant au genre Frullania : ;
F. dilatata (L.) Dum., F. tamarisci (L.) Dum., et autres (frullanolide et autres lactones,
eudesmanolides et érémophilanolides).
On peut également observer des dermites de contact d'origine allergique avec des
articles de parfumerie à base d'Asteraceae (arnica, camomilles).

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Diterpènes
t

!
"

1. Introduction ..........................................................................................................................771
2. Principaux types stucturaux. Origine biogénétique ............................................................772
3. Intérêt des diterpènes ...........................................................................................................774
4. Toxicité des plantes à diterpènes .........................................................................................776
A. Esters du phorbol, de l'ingénol et composés apparentés ......................................776
B. Autres structures diterpéniques toxiques ..............................................................778
5. Plantes à diterpènes utilisées en thérapeutique ...................................................................779
A. Ifs ............................................................................................................................779
B. Grindélias ............................................................................................................... 785
C. Lamiaceae à diterpènes ..........................................................................................786
marrube ...................................................................................................786
ballote ......................................................................................................788
lierre terrestre .........................................................................................789
D. Gattilier .................................................................................................................790
6. Plante à diterpènes ayant un intérêt potentiel: herbe sucrée du Paraguay ........................792
7. Autres plantes à diterpènes ..................................................................................................793
Andrographis paniculata ...........................................................................................793
Salvia miltiorrhiza ......................................................................................................794
Salvia divinorum .........................................................................................................795
8. Bibliographie ........................................................................................................................796

1. INTRODUCTION

l,es diterpènes forment un vaste ensemble de composés en C20 issus du métabolisme du


n',6E, lOE-géranylgéranyldiphosphate (GGPP). Présents chez certains Insectes et
chez divers organismes marins, ils sont surtout répandus chez les végétaux. Si certains
sont universels (c'est le cas des gibberellines), d'autres ont une distribution plus
772 TERPÉNOÏDES

restreinte. Particulièrement abondants chez les Lamiales et les Asterales - plus de


1 200 produits répartis en une centaine de squelettes étaient décrits chez les seules
Asteraceae à la fin des années 1990 - ils sont plus dispersés chez les Gentianales, les
Géraniales et les Fabales.

2. PRINCIPAUX TYPES STUCTURAUX. ORIGINE BIOGÉNÉTIQUE

La structure des diterpènes est très variable, étroitement dépendante de leur


biogenèse. Il est donc logique de les classer en fonction de celle-ci.

Composés acycliques
Ce ne sont pas les plus fréquents. Ils peuvent être linéaires comme le capsianoside j

ou comporter un cycle lactonique ou éther issu de l'ouverture d'oxiranes (zoapatanol).


OH

':::::
OH O-Glc

capsianoside zoapatanol

géranylgéranylpyrophosphate type cembrane taxane tigliane

Composés cyclisés
Il existe deux modes de cyclisation du GGPP précurseur:
• cyclisation induite par le départ du groupe diphosphate, formation d'un[
carbocation et alkylation d'une double liaison par celui-ci. Il s'agit le plus souvent de'
celle de l'isopropylidène terminal, ce qui conduit à la formation d'un macrocycle. Le
cation macrocyclique poly-insaturé est très réactif. Il peut être stabilisé (ex. : formation:
des cembranoïdes de l'exsudat gommeux des feuilles de tabac) ou, c'est fréquent,:,
conduire par substitution nucléophile intramoléculaire à une structure polycyclique:
taxane, tigliane, daphnane, ingénane;
• cyclisation acido-catalysée du GGPP similaire à celle qui intervient dans
l'élaboration des triterpènes mais sans époxydation préalable: il se forme un;
décahydronaphtalène substitué. Ce type de cyclisation conduit à deux sériesi
énantiomères, différant par les configurations opposées des carbones C-5, C-9 et C-IO.
La série est dite « normale» lorsque la fusion des cycles A et B est identique à celle de~
stéroïdes et « ent » (énantio) lorsque c'est l'antipode: ex. labdane et ent-Iabdane t
kaurane et ent-kaurane, etc. (en fait on omet habituellement le préfixe« normal »). t

Diterpènes bicycliques. L'orientation vers l'une ou l'autre série est gouvernée p "
la conformation du précurseur linéaire (GGPP) sur la surface de l'enzyme catalysant 1
IllTERPÈNES 773

O-pp
Cyclisation du géranyl-géranyl-PP :
formation des labdanes et des
ent-Iabdanes.

HI- Exemples de structures labdaniques

1 2E, 6E, 10E-GGPP 12


16

15

(série normale)

manDai forskoline o prémarrubiine

cyc1isation. La séquence réactionnelle est la suivante: protonation de la double liaison


14( 15) du précurseur et additions l ,2-antiparallèles des liaisons 6(7) et 10 (11) pour
lill'mer, dans les deux cas, une trans-décaline. Le carbocation (hypothétique) résultant
de cette cyclisation peut, comme dans les autres séries terpéniques, être stabilisé: 1° par
élimination d'un proton (formation d'une double liaison); 2° par hydratation ou, 3° par
lin réarrangement. L'oxydation possible à divers niveaux (manool, acide labdanolique)
induit la possibilité de formation d'éthers cycliques et de lactones (ex. : forskoline,
prémarrubiine). Le réarrangement le plus fréquent implique un déplacement de protons
et de méthyles et conduit aux clérodanes (réarrangement «friedo »). Les deux séries

~
W"t
19 18
H

HO ~ ~
Formation des clérodanes HO
et exemples de structures O~dOH
caractéristiques des Teucrium o isoteuflidine teucrine G
774 TERPÉNOÏDES

énantiomériques sont connues, les substituants en C-8 et C-9 peuvent être dans une
relation cis ou trans et la fonctionnalisation peut être importante (cf germandrées).

Diterpènes tri- et tétracycliques. Le carbocation hypothétique formé à partir du


diphosphate de labdadiényle peut se cycliser de plusieurs façons : attaque du C-13 par;
la double liaison exocyclique, migration de la double liaison 13(14), stabilisation du '
cation par élimination d'un proton en C-7 ou C-14 (isopimaranes, pimaranes) ou
poursuite du réarrangement (abiétanes, cassanes, rosanes).
16
17

Q-PP
15 16
17

acide abiétique
formation des pimaranes (abiétanes)

- les enchaînements tétracycliques sont pour leur part issus (formellement) de la;
cyclisation du cation ent-pimarényl. Le schéma ci-dessous illustre certaines de ces:
possibilités de cyclisation

~.ç±9
.j ~. ,,"eJ'mM'

ç(f
~
= -----
r ./

squelette des
gibberel/ines ent-kauranes ent-atisanes
'II ~

3. INTÉRÊT DES DITERPÈNES


. '
Le rôle physiologique des diterpènes, comme celui de beaucoup d'autres méta'
bolites secondaires, est mal connu. En dehors du cas des gibberellines (hormones d
'," croissance), on suppose que certains d'entre eux ont un rôle dans la protection à l'égal
des prédateurs; d'autres, constituants des revêtements foliaires, limiteraient la perte ë
eau, etc.
L'intérêt thérapeutique des diterpènes est limité. Si l'on met à part les diterpène
tricycliques azotés des ifs (paclitaxel [alias taxol), docétaxel), aucun diterpène pur n'es
IJiTERPÈNES 775

Il l'heure actuelle produit par l'industrie chimique ou pharmaceutique pour être utilisé à
lb fins thérapeutiques.
Plusieurs plantes renfermant des diterpènes font l'objet de formulations de phyto-
Ihérapie ou entrent - sous la forme de préparations galéniques simples - dans la
l'omposition de spécialités allopathiques. C'est le cas des grindélias et des Lamiaceae à
lllarrubiine qui seront évoqués ici bien que rien (ou presque) ne permette de postuler
IIlle responsabilité quelconque des diterpènes qu'ils renferment dans l'activité qui leur
l'si attribuée, et qui n'ajamais été évaluée par des essais cliniques bien conduits.
Plusieurs plantes à diterpènes sont utilisées en Asie dans différentes situations
pilthologiques : Salvia miltiorrhiza en cas d'affections cardiovasculaires (p. 794),
II/ldrographis paniculata en cas d'infection respiratoire (p. 793), Tripterygium wilfordii
1look. (Celastraceae) en cas d'arthrite rhumatoïde et d'autres affections 1.
Les diterpènes ne sont pas pour autant dépourvus de potentialités thérapeutiques ou
de propriétés pharmacologiques:
- propriétés antihypertensives de la forskoline du Plectranthus barbatus Andr. (=
('oleus forskohlii 2 Lamiaceae);
- propriétés anti-PAF des ginkgolides (cf. Ginkgo, p. 387);
- propriétés antitumorales de diterpènes tétracycliques dérivés de l' ent-kaurane
inhibiteurs du NF-KB (oridonine, ponicidine, lasiokaurine, eriocalyxine B, etc.) des
Isodon (I.I·odon [Benth.] Spach = Rabdosia Hassk., Lamiaceae). Certains lsodon ont été
utilisés en Chine par la médecine traditionnelle, aussi bien comme antitumoraux que
l'omme anti-inflammatoires (Isodon rubescens [Hemsl.] Hara et autres espèces);

1. Cette Celastraceae toxique doit l'essentiel de ses propriétés à un diterpène lactonique


Il'iéJloxydé, le triptolide, et à un composé voisin, le tripdiolide. Le triptolide et les extraits de T. wilfordii
Hont des inhibiteurs de la production d'interleukine-II, du TNF-a, de la cyclo-oxygénase-2, de
l'intcrféron-yet de l'oxyde d'azote synthase inductible. Une évaluation clinique très limitée (presque
IIllcun des nombreux essais publiés n'atteint un minimum de qualité méthodologique) laisse penser que
l'erret sur l'arthrite rhumatoïde est bénéfique, mais au prix d'effets indésirables particulièrement
sl-vères et bien documentés (au moins un cas mOitel publié). Voir, entre autres: 10 - Canter, P.H., Lee,
II.S. et Ernst, E. (2006). A systematic review of randomised clinical trials of Tripterygium wilfordii for
l'hl,ul11utoid arthritis, Phytomedicine, 13, 371-377 ; 2 0 _ Brinker, A.M., Ma, J., Lipsky, P.E. et Raskin, 1.
(m07). Medicinal chemistry and phurl11acology of genus Tripterygium (Celustraceae), Phytochemistry,
,.H.732-766.

2. Cette espèce des zones tempérées chaudes et sub-tropicales de l'Inde, de la Birmanie, de la


Thaïlande renferme des diterpènes dont le squelette de base est l'oxyde de II-oxo-manoyle (= 8,13-
(lpoxy-labd-14-én-ll-one). Le principal est la forskoline qui exerce une action inotrope positive sur le
Illyocarde et, en diminuant les résistances vasculaires périphériques, une action anti-hypertensive.
1:action inotrope découle de la stimulation de l'adénylate-cyclase, de l'augmentation de l'AMPc, de
l'llctivation des protéines kinases cytoplasmiques, de la diminution de l'activité Na-K-ATPasique
11Il'l11branaire et de l'activation des canaux calciques lents. Chez l'Homme, la forskoline est vaso-
dilatatrice et augmente la contractilité myocardique sans augmenter la consommation d'oxygène. Elle
l'st également bronchodilatatrice et diminue de façon durable la pression intra-oculaire. Un dérivé
wluble,le daropate de colforsine, a fait l'objet de quelques essais cliniques: diminution de la résistance
Il'Ilchéale après intubation, prévention de la crise d'asthme (versus cromoglycate), etc. La forskoline est
lin outil intéressant et très utilisé pour l'étude biochimique de l'adénylate-cyclase. Voir, par exemple:
IllScl. P.A. et Ostrom, R.S. (2003). Forskolin as a tool for examining adenylyl cyclase expression, regulation,
IIlld G protein signaling, Cell. Mol. Neurobiol., 23, 305-314.
776 TERPÉNOÏDES'

a=<a OH

OH
prostratine rosmanol ballotinone

OH

oridonine grayanotoxine 1

#
O~uW
a " ,. 0"
KOaSO

Koaso;:Oa , 6H
C0 2 H

atractyloside salvinorine A
"--OAO
1

- toxicité à l'encontre des insectes de la ryanodine, un amide diterpénique paralysan


musculaire isolé de Ryania speciosa Vahl. (Flacourtiaceae). L'étude du mécanism
d'action de la ryanodine a conduit à la caractérisation d'un des deux types d
récepteurs-canaux du réticulum sarcoplasmique, le « récepteur à la ryanodine » et
ses trois isoformes impliquées dans le relargage du calcium vers le cytoplasme;
- propriétés activatrices des VIH latents de la prostratine d'Homalanthus nutan
(Forster) Pax (Euphorbiaceae) qui pourrait ainsi augmenter les résultats à long term:
des antirétroviraux;
- propriétés hallucinogènes de la salvinorine A de Salvia divinorum (p. 795);
À côté de ces potentialités pharmacologiques et thérapeutiques on peut noter: le
propriétés antioxydantes des diterpènes phénoliques de certaines Lamiaceae (romarin,
,- p. 285, sauge, p. 641)et les propriétés édulcorantes des hétérosides du Stevia (p. 792). :
""t
,..",

4. TOXICITÉ DES PLANTES À DITERPENES 4 (p. 777)

A - Esters du phorbol, de l'ingénol et composés apparentés,

Plusieurs espèces végétales doivent leur toxicité à des esters diterpéniques cl,
structure complexe, de type tigliane, ingénane ou daphnane. Ces composés ont u
distribution restreinte à deux familles, les Thymel<eaceae et les Euphorbiaceae.
11iTERPÈNES 777

Les teneurs sont en général faibles et la composition est toujours très complexe: les
graines de croton renferment 25 esters du phorbol et du 4-désoxyphorbol (RI' R 2 =
nl'étate, tiglate, butyrate, octanoate, décanoate, dodécanoate, etc.). La même com-
plexité de composition est observée avec les dérivés des autres squelettes: mono-, di- et
Iricsters de l'ingénol; orthoesters d'acides gras et de daphnanes polyhydroxylés
(résiniféronol et dérivés: huratoxine et composés apparentés), etc.

HO HO HO

esters du phorbol ingénolet mezeréine


R1 = tétradécanoate, 17-hydroxy-ingénol
R2 = acétate: rPA
Presque toutes ces molécules sont toxiques: purgatifs violents, elles déclenchent,
par contact avec la peau ou les muqueuses, une réaction inflammatoire intense; ce sont
nussi des agents co-cancérogènes. Le composé le plus étudié - et le plus actif - est le
'l'PA (l2-0-1étradécanoylphorbol-13-acétate), l'un des plus puissants promoteurs
connus de tumeurs sur la peau de Souris. Par ailleurs, ces esters développent un grand
nombre d'effets cellulaires et biochimiques qui en font des outils d'investigation
biologique et pharmacologique intéressants: entre autres activités, le TPA active la
protéine-kinase C en se substituant au diacylglycérol endogène.
Chez les Thymelaeaceae indigènes 5 - laurier des bois (Daphne laureola L.), garou
(n. gnidium L.) ou encore D. mezereum L. - les substances responsables de la toxicité
sont la daphnétoxine (des écorces) et la mézéréine (des graines).

4. Une étude détaillée des plantes brièvement citées ici a été publiée dans un ouvrage spécifique:
IIruneton, J. (2005). Plantes toxiques -Végétaux dangereux pour l'Homme et les animaux, 3' éd., Tec & Doc,
Paris. Voir notamment: Euphorbiaceae, pp. 291-310; chardon à glu, lampourde et Callilepis; pp. 197-
203 ; Pinus ponderosa, pp.77-78; ifs, pp. 81-88. Pour des références plus récentes voir, par exemple:
10 - Koca, 1. et Koca, A.F. (2007). Poisoning by mad honey : a brief review, Food Chem. Toxicol., 45, 1315-
1:118; 2° - Zaim, N., Guemouri, L., Lamnaouer, D. et Benjouad, A. (2008). Étude de quatre cas d'intoxication
pllr Atractylis gummifera L. au Maroc, Thérapie, 63, 49-54; 3° - Merani, R., Sa-Ngiampompanit, T., Kerdraon,
Y. et al. (2007). Euphorbia lactea sap keratouveitis : case report and review of the literature, Cornea, 26, 749-
752; 4°_ Savvidou, S., Goulis, J., Giavazis, l, et al. (2007). Herb-induced hepatitis by Teucrium polium L. :
l'eport oftwo cases and review of the literature, Eur. J. Gastroenterol. Hepatol., 19,507-511.

5. Quelques auteurs rapportent que, dans les temps anciens, les mendiants avaient recours à ces
espèces végétales pour induire rougeurs et pustules propres à provoquer la pitié des passants. Les
IlItoxications par les Daphne, communes lorsque le garou était utilisé à des fins médicinales (révulsif,
illducteur d'abcès « de fixation »), sont devenues exceptionnelles.
778 TERPÉNOÏDES:

Des diterpènes toxiques sont présents dans 14 des 300 genres que compte la famille
des Euphorbiaceae : Aleurites 6, Croton 7, Excoecaria, Euphorbia, Hippomane (mance- '
nillier), Hura, Jatropha, Sapium, pour ne citer que les plus connus.
Les teneurs en composés toxiques sont habituellement très faibles (0,05-0,1 %) ..;
Tous sont irritants pour la peau et les muqueuses et leur toxicité par voie orale est;
importante chez les animaux, et aussi chez l'Homme. En France métropolitaine, ce sont'
surtout les euphorbes (spontanées ou ornementales) qui sont en cause. Elles sécrètent.
un latex irritant contenant des esters de l'ingénol et du 5-désoxyingénol agressifs au ~
niveau de la peau, mais aussi au niveau oculaire.
On connaît aussi, notamment en Asie mineure, des intoxications consécutives à,
l'ingestion de miels élaborés par des essaims ayant butiné des rhododendrons qui'
renferment de la grayanotoxine 1 (= acétylandromédol) responsable de l'hypotension et.
des altérations du rythme cadiaque qui caractérisent l'intoxication.

B - Autres structures diterpéniques toxiques 4 (p. 777)

On a évoqué ci-dessus la toxicité de Tripterygium wilfordii. Parmi les autres espèces'


devant leur toxicité à des diterpènes, on retiendra celle d' Asteraceae comme le chardon·
à glu (Atractylis gummifera L.), les lampourdes (Xanthium spp), l'impila (Callilepis) ou'
les Wedelia qui renferment de l' atractyloside inhibiteur de la phosphorylation oxydative.
et du cycle de Krebs. On notera aussi que l'acide isocupressique - un diterpène',
labdanique - est responsable des vélages prématurés déclenchés, chez les vaches, par,
la consommation du feuillage de divers Conifères (Pinus ponderosa Laws Cupressus.
macrocarpa Laws). Pour mémoire, on rappellera ici la forte toxicité des amides
diterpéniques des ifs et des alcaloïdes diterpéniques des aconits (p. 1198) et des,
Delphinium. .
i."·

Germandrées. Un cas particulier est celui de la toxicité des germandrées. Une


espèce du genre, la germandrée petit-chêne (Teucrium chamaedrys L., Lamiaceae)\,
traditionnellement utilisée par la médecine populaire, a été commercialisée en France.:
dans les années 1980, en particulier comme adjuvant des traitements amaigrissants. De
nombreux cas d'atteinte hépatique imputables de façon plausible à la prise régulière et,
généralement prolongée de cette plante ont conduit au retrait du marché des spécialité,:
correspondantes et à l'interdiction de sa délivrance. Les autres espèces autorisées qui
figuraient sur la liste des espèces pouvant faire l'objet d'une demande d' AMM sur la'
","
base d'un dossier « abrégé» (germandrée tomenteuse = T. polium L. et germandrée
maritime = T. marum L.) en ont été supprimées dans l'édition de 1998 (Note explicativê;
de l'Agence du médicament, annexe 1). ,1;

6. Aleurites spp. : espèces asiatiques dont les graines fournissent des huiles siccatives: huile de
Tung (ou Toung, dite de bois de Chine), huile d'abrasin (A.fordii Hems!., A. montana Lour.).

7. On utilisait autrefois l'huile de croton, Croton tiglium L. Ce toxique violent ne doit pas être'
confondu avec le croton d'appartement, Codiaeum variegatum (L.) Blume, var. pictum Muel!. Arg. Q
11iTERPÈNES 779

Les germandrées (T. chamaedrys et les espèces voisines) renferment des diterpènes
lactoniques de la série du neo-clérodane : teufline, teucrines A-G, teucvine, teuflidine,
isoteuflidine, etc. La responsabilité directe de la toxicité incombe au noyau furanique
qui caractérise ces diterpènes. Ces derniers provoquent la mort rapide et massive des
cellules par apoptose en augmentant le calcium intracellulaire et en stimulant diverses
enzymes calcium-dépendantes.
Des hépatopathies ont été observées par la suite avec d'autres espèces du genre:
'/'. polium, T. capitatum L., T. viscidum Blume.
C'est vraisemblablement à une confusion ou à une substitution par une germandrée
qu'ont été dus les cas d'hépatotoxicité liés à la scutellaire (Scutellaria lateriflora L.,
l ,amiaceae). Les parties aériennes séchées de cette espèce américaine 8 ont été utilisées
dans certains pays pour leurs propriétés sédatives et anticonvulsivantes. Elles sont
parfois maintenant proposées sous forme de teinture comme anxiolytique, en dépit
d'une évaluation clinique inexistante chez des patients anxieux.

5. PLANTES À DITERPÈNES UTILISÉES EN THÉRAPEUTIQUE

A. Ifs, Taxus spp., Taxaceae

Les ifs, dont la toxicité pour l 'Homme et les animaux domestiques est connue
depuis la plus haute Antiquité, fournissent aux cliniciens, directement ou indirectement,
deux molécules diterpéniques antitumorales au mécanisme d'action original, le
paclitaxel et le docétaxel.

La plante. Les huit espèces de ce genre unique de la famille des Taxaceae sont
toutes localisées dans l'hémisphère nord. Elles sont caractérisées par des feuilles en
lIiguilles aplaties et molles, subdistiques (disposées presque dans un plan), marquées à
la face inférieure par deux bandelettes stomatiques vert jaunâtre. Les fleurs mâles ont 6-
14 anthères en forme de bouclier et l'appareil femelle est réduit à un ovule entouré
d'écailles. L'ovule fécondé est entouré d'un arille rouge, charnu à maturité. Un examen
microscopique de la coupe de la feuille montre un épiderme à cellules fortement
cutinisées, ainsi que l'absence d'hypoderme et de canaux à résine.

8. Ne pas confondre cette scutellaire avec Scutellaria baicalensis Georgi dont les racines sont
oflïcinales en République Populaire de Chine où elles constituent, sous le nom de huangqin, l'une des
plantes les plus utilisées par la médecine traditionnelle, principalement comme anti-inflammatoire.
lilles sont également employées au Japon (wagon), souvent dans des mélanges. Elles renferment, en
quantité très variable, plus de trente flavonoïdes dont beaucoup sont non substitués sur le noyau B ou
substitués en C-2' ou C-2', C- 6'. Le composé majoritaire (12-17 %) est une flavone, la baicaline, dérivé
(i-glucuronylé en 7 de la baicaléine (= 5,6,7-trihydroxyflavone). Baicalin, baicaléine et wogonine sont
(-gaiement présentes dans les préparations à base de Scutellaria lateriflora, en quantité très variable
selon les lots. Sur S.lateriflora, voir entre autres: Awad, R., Arnason, J.T., Trudeau, V. et al. (2003).
l'hyloehemical and biologie al analysis of skullcap (Scutellaria lateriflora L.) : a medicinal plant with
IIllxiolytic properties, Phytomedicine, 10, 640-649.
Taxus baccata L.
1)ITERPÈNES 781

L'espèce européenne est l'if à baies, T. baccata L., un grand arbre dioïque à crois-
sance lente et à longévité exceptionnelle. Hors d'Europe, on rencontre surtout
r. brevifolia Nutt. et T. canadensis Marshall en Amérique du Nord et, en Asie, l'if du
.lapon, T. cuspidata Siebold & Zucc. ou l'if de l'Himalaya, T. wallichiana Zucc. Très
proches les unes des autres, difficiles à distinguer, ces espèces peuvent parfois
1 s'hybrider. C'est le cas de T. baccata et de T. cuspidata qui conduisent au T. x media
Rehder dont les nombreux cultivars ('hicksii', 'densiformis', 'fastigiata', etc.) sont
recherchés pour leur valeur ornementale.
L'if à baies, autrefois abondant, a été très largement exploité pour fabriquer des arcs
- la qualité de ceux-ci expliquerait en partie la supériorité anglaise à Crécy en 1346 et
Azincourt en 1415 - puis, en ébénisterie et marqueterie, pour les qualités remarquables
de son bois (dureté, homogénéité, grain, etc.). Poussant aussi bien à l'ombre qu'au
soleil, s'accommodant de la plupart des sols, supportant les grands froids aussi bien que
la taille, il est fréquemment planté dans les parcs et jardins à des fins ornementales.

Composition chimique. Différentes catégories de métabolites sont représentées dans


les feuilles et les tiges: oses, polysaccharides et cyclitols, acides gras, stérols, bis-
Ilavonoïdes (sciadopitysine, kayaflavone), proanthocyanidols, !ignanes, hétérosides
cyanogènes.

~+
~ /;
opp

GGPP
-
~
verticillène
20
taxa-4(5),11(12)-diène

CH HO 6 0'"
taxaI 65y~
00

o~
taxine8 10-désacétylbaccatine 11/
782 TERPÉNOÏDES

Les constituants les plus intéressants sont des diterpènes tricycliques à noyau
taxane : taxol, taxusine, taxagufine, baccatine III et dérivés, taxine (c'est un mélange
complexe de taxines A et B et de leurs dérivés), céphalomannine, taxicines et dérivés,
etc. Certains, comme les baccatines, sont strictement diterpéniques, d'autres sont des
amides comme le taxol - un ester de la désacétylbaccatine III et de la N-benzoyl-
phénylisosérine - ou comme les taxines qui sont des esters de l'acide 3-diméthylamino-
3-phénylpropionique. Du fait de la présence d'azote dans leur molécule, les amides
diterpéniques sont parfois considérés comme des pseudo-alcaloïdes.
Biogénétiquement, les taxoïdes sont issus de la cyclisation, enzymo-catalysée par
une cyclase, du GGPP (issu de la voie du 2-C-méthyl-D-érythritol phosphate) en
verticillène bicyclique puis en taxa-4(5),11(12)-diène. Celui-ci est ensuite diversement
fonctionnalisé : oxygénation multiple (cytochrome P450), transfert d'acyl, oxydation,
formation de l'oxétane, puis élabotaion de la« chaîne latérale ».

Sources de taxol. Le taxol (paclitaxel [DCI] 9, commercialisé sous le nom de Taxol ®i


depuis 1994 en France), isolé en 1969 des écorces de tronc de l'if du Pacifique (Taxus /
brevifolia Nutt.) n'y est présent qu'en faible quantité (0,01 %) : au mieux, un arbre è
centenaire peut produire 3 kg d'écorces, soit 300 mg de taxol. Même en optimisant le.
processus extractif, la production de 1 kg de taxol nécessiterait environ 7 tonnes
d'écorces. On ne pouvait donc envisager une production industrielle de la molécule •
sans, à terme, détruire l'espèce. Une étude systématique du genre Taxus a abouti à la
sélection de cultivars dont les feuilles constituent une source exploitable et renouvelable J
de taxol : dans le cas du T. x media, la teneur en taxanes des feuilles dépasse 0,1 %,
celle en taxol peut atteindre 0,06 %, notamment chez le cultivar 'hicksii'. Le rendement;
en taxol est étroitement dépendant du processus de séchage (40-50 oC). Une exploi-,
tation durable de gisements canadiens de T. canadensis semble également possible.
La voie classique d'accès au taxol consiste à le préparer, par hémisynthèse, en :
couplant un ~-lactame de la N-benzoyl-phénylisosérine et lalO-désacétylbaccatine III"
convenablement protégée. Cette désacétylbaccatine III est présente, en quantité pluS;
importante (0,02-0,1 %), dans une matière première aisément renouvelable: les feuilles;
de l'if d'Europe, T. baccata, ou encore celles de différents cultivars d'autres espèces;
(wallichiana, cuspidata, x media). !'

Les travaux des organiciens ont aussi conduit à l'élaboration, à partir de la même
10-désacétylbaccatine III, d'esters dans lesquels la N-benzoyl-phénylisosérine est
remplacée par un analogue structural. L'un de ces analogues, le N-débenzoyl-N-tert-:.
butoxycarbonyl-lO-désacétyltaxol (= docétaxel [DCI]), a été commercialisé en Franc~1
en 1996 sous le nom de Taxotère ®. >
En dépit des connaissances accumulées dans le champ des relations structureil
activité et dans celui des modalités de fixation des taxoïdes sur la tubuline, le docétaxe~
reste, en 2008, le seul analogue du paclitaxel commercialisé. D'autres - développés Pat\j
Sanofi-Aventis, Bayer, Bristol-Myers-Squibb, etc. - sont en essai clinique de phase II,'
t
9, Isolé par Wall et Wani sous le nom de taxoI. Mais la firme Bristol Myers a déposé le nom d
sa spécialité sous le même nom de Taxol ®, ce qui rend ambiguë cette dénomination et conduit à lu
préférer celle de paclitaxel (au moins dans le domaine de la thérapeutique).
DITERPÈNES 783

Autres voies d'accès au taxol et à ses dérivés. Deux synthèses totales du taxol ont
été publiées dès 1993. Elles demeurent, à ce jour et comme celles qui ont été
développées depuis, totalement académiques. Les efforts déployés dans le domaine de
la culture de tissus ont conduit à de nombreuses publications et à l'obtention de
rendements significatifs. Il semble qu'une production de taxol par cette voie soit
réalisée en Allemagne la. On a par ailleurs découvert des champignons endophytes des
ifs (Taxomyces andreanae, Pestalotiopsis microspora) capables d'élaborer des taxanes
en faible quantité (60-70 fA g/l dans le meilleur des cas).

docétaxel

Pharmacologie et emplois du paclitaxel et du docétaxel

Le pac1itaxel et ses analogues, comme d'autres substances naturelles, est un poison


du fuseau. Son mode d'action est très particulier: il promeut l'assemblage des dimères
de tubuline en microtubules qu'il stabilise en inhibant leur dépolymérisation Il. Cette
stabilité inhibe la réorganisation dynamique normale du réseau de microtubules,
indispensable au fonctionnement et à la multiplication cellulaire

• Paclitaxel. La première indication de la molécule a été le traitement des


carcinomes de l'ovaire, traitement de première intention chez les patientes présentant

10. D'après Kingston (2007) qui cite: Leistner, E. (2005). Arzneimittel aus der natur. Die Biologie
der taxan, Pharm. Unserer Zeit., 34, 98-103. Confirmé par d'autres sources (non publiées).

Il. Des substances possédant un mécanisme d'action du même type ont été isolées en 1996 d'une
myxobactérie : Sorangium cellulosum. Ces produits, les épothilones A et B, sont des macrolides. Par la
suite, d'autres substances d'origine naturelle appartenant à cette classe des « stabilisants des
microtubules » ont été isolées de bactéries (cyclostreptine) et, surtout, d'organismes marins: éponges
(discodermolide, dictyostatine, laulimalide, peloruside A, cératamines) et coraux (éleuthérobine,
sarcodictyines). Les épothilones et leurs analogues pour lesquels plusieurs voies de synthèse ont été
développées font actuellement l'objet d'essais cliniques de phase II (désoxyépothilone B,
IIminoépothilone B, desméthyl-méthylsulfanylépothilone B) et, pour deux d'entre eux, de phase III :
épothilone B (patupilone) et ixabépilone (analogue lactamique de l'épothilone B). L'ixabépilone
(lxempra ®), associée à la capecitabine, a été approuvée en 2007 par la FDA pour le traitement des
cancers du sein résistants aux taxoïdes et à l'anthracycline.
Voir, entre autres: 1° - Altmann, K.-H. et Gertsch, J. (2007). Anticancer drugs from nature - Natural
products as a unique source of new microtubule-stabilizing agents, Nat. Prad. Rep., 24, 327-357; 2° -
l ,cchleider, RJ., Kaminskas, E., Jiang, X. et al. (2008). Ixabepilone in combination with capecitabine and as
lllonotherapy for treatment of advanced breast cancer refractory ta previaus chematherapies, Clin. Cancer
Iles., 14,4378-4384; 3° - Vahdat, L. (2008). Ixabepilone : a novel antineoplastic agent with low susceptibility
10 multiple tumar resistance mechanisms, Oncalogist., 13, 214-221.
784 TERPÉNOÏDES

une maladie avancée ou résiduelle après laparotomie initiale, en association avec le '
cisplatine; traitement de deuxième intention du cancer de l'ovaire chez les patientes
présentant un carcinome métastatique de l'ovaire après échec du traitement classique à ,
base de sels de platine.
Par la suite, d'autres indications lui ont été reconnues 12 :
- traitement des carcinomes métastatiques du sein pour les patientes en échec, ou "
non candidates, au traitement classique à base d'anthracycline;
- traitement, en association avec le cisplatine du cancer bronchique non à petites:,
cellules chez les patients qui ne sont pas candidats à une chirurgie potentiellement "
curative et/ou une radiothérapie;
- traitement des patients en stade avancé du sarcome de Kaposi lié au SIDA et après
échec d'un traitement antérieur par des anthracyclines liposomales.
La toxicité du paclitaxel est importante: aplasie médullaire (anémie, neutropénie
sévères), infections, neuropathie périphérique (paresthésie), myalgies, arthralgies,
hypotension, alopécie, nausées, vomissements; il s'y ajoute celle du solvant l3 , une huile'
de ricin hydrogénée polyoxyéthylénée.
Pour la posologie et les protocoles de traitement, se reporter aux ouvrages spécialisés.:

• Docétaxel. Les indications thérapeutiques sont actuellement les suivantes l2 :


- traitement du cancer du sein localement avancé ou métastatique, en association à:
la doxorubicine en première ligne ou en monothérapie après échec d'une chimio.. :
thérapie cytotoxique ayant comporté une anthracycline ou un agent alkylant, ou en,
association à la capécitabine après échec d'une chimiothérapie cytotoxique ayant'
comporté une anthracycline ; :
- traitement, en association au transtuzumab, du cancer du sein métastatique avec:;
surexpression tumorale de HER2, chez les patients non prétraités par chimiothérapie;
- traitement adjuvant, en association à la doxorubicine et au cyclophospharnide, du'
cancer du sein opérable, chez des patients présentant un envahissement ganglionnaire; "
- traitement du cancer bronchique non à petites cellules localement avancé ou:
métastatique, après échec d'une chimiothérapie antérieure;
- traitement, en association au cisplatine du cancer bronchique non à petites cenules~'
non resécable, localement avancé ou métastatique, chez les patients n'ayant pas reçu d~'
chimiothérapie antérieure dans cette indication ; ~'
- traitement, en association avec la prednisone ou la prednisolone du cancer de la'
prostate métastatique hormono-résistant; .
- traitement, en association avec le cisplatine et le 5-fluorouracile de l'adéno.•
,'"
..."." carcinome gastrique, chez des patients non prétraités par chimiothérapie pour leu'
'II
maladie métastatique ; ,

12. Sur l'évaluation clinique de ces molécules et des différents protocoles, se reporter aux mét '
, , analyses publiées. Voir en particulier la série d'articles parus depuis 1995 dans la Revue Prescrir'
(rubriques rayon et dossiers principalement). Voir aussi les avis de la HAS.

13. Pour éviter le recours au solvant (huile de ricin polyoxyéthylénée ou polysorbate 80);
différentes stratégies pharmacotechniques font l'objet d'études: nanoparticules, liposome
émulsions, etc. On a aussi mis au point aussi des combinaisons (docosahexaénoate, polyglutamates),
1)ITERPÈNES 785

- traitement, en association avec le cisplatine et le 5-fluorouracile, du cancer de la


lête et du cou chez les patients présentant un cancer de stade avancé et ne pouvant être
traités par chirurgie.
La toxicité du docétaxel est importante: aplasie médullaire (anémie, neutropénie
sévères), réactions d'hypersensibilité, éruption cutanée, fièvre, douleur lombaire,
rétention hydrosodée, anorexie, stomatite, etc.
Pour la posologie et les protocoles de traitement, se reporter aux ouvrages spécialisés.

Utilisation du paclitaxel en cardiologie interventionnelle. Depuis quelques


années, le pac1itaxel constitue, avec le sirolimus, l'un des deux principes actifs utilisés
en France pour l'imprégnation des stents pharmaco-actifs (ou stents « à élution de
médicaments»). L'imprégnation est destinée à diminuer le taux de resténose
endoprothétique après angioplastie.

L'if: une plante toxique 4, p. 777. La toxicité de l'if a été exploitée aussi bien à des
fins guerrières (poison de flèches) que pour commettre des meurtres voire, plus
rarement, au cours de tentatives de suicide. À l'heure actuelle, les centres antipoisons
enregistrent surtout des appels liés à l'ingestion des pseudo-fruits par les jeunes enfants.
Très fréquemment, la graine (qui contient les principes toxiques) est ingérée non
mâchée ou recrachée - son contenu est amer -, ce qui explique la rareté des cas
graves. L'intoxication par les feuilles, annoncée par des signes digestifs (nausées,
vomissements, douleurs abdominales) et neurologiques (somnolence, léthargie), est
earactérisée par de l'hypotension et des troubles du rythme cardiaque: bradycardie et
arythmie ventriculaire généralement fatale en l'absence d'une intervention immédiate en
service spécialisé. Il n'existe pas de traitement spécifique.

OH

acide grindélique teucrineA 13-hydroxyba/lonigrolide glechomafurane

B. Grindélias, Grindelia Spp., Asteraceae

Le grindélia est constituée par la sommité fleurie séchée de Grindelia robusta


Nutt., G. squarrosa (Pursh) Dunal, G. humilis Hook. & Am., G. camporum Greene»
(ph. fse, 10' éd.).

La plante. Les grindélias officinaux sont des plantes herbacées califomiennes qui
possèdent des feuilles semi-amplexicaules, rigides, dentées, vernissées et présentant, à
la face inférieure, un réseau caractéristique formé par les nervures secondaires. Les
786 TERPÉNOÏDES

inflorescences sont des capitules hétérogames de couleur jaune orangé, entourés d'un
involucre de bractées imbriquées, coriaces et armées de pointes recourbées, vernissées
et parsemées de petites lentilles de résine marron. Un examen microscopique met en
évidence des poils sécréteurs massifs et globuleux, des poils tecteurs pluricellulaires,
des éléments rigides à bords munis de dents aiguës, des grains de pollen échinulés.
L'essai comprend une CCM des flavonoïdes (révélation en lumière ultraviolette) et des
diterpènes (révélation par la vanilline sulfurique) ainsi que l'évaluation des matières
insolubles dans l'hexane dont la teneur est au minimum de 6 %.

Composition chimique. La résine des grindélias renferme majoritairement des


acides diterpéniques. L'acide grindélique et une vingtaine d'autres composés à squelette
labdanique ont été caractérisés dans les différentes espèces qui élaborent aussi des
sesquiterpènes. On note également la présence d'acides-phénols, de polyines, de
flavonols et de saponosides à génine de type oléanolide polyhydroxylé.

Pharmacologie, évaluation clinique, toxicité. La pharmacologie des diterpènes des


grindélias n'est pas connue. L'extrait éthanolique prévient partiellement l'œdème aux
carraghénanes (Rat, per os, 100-200 mg/kg). L'activité antibactérienne et anti-
inflammatoire de l'extrait fluide serait due aux composés phénoliques. Le grindélia n'a
pas fait l'objet d'essai clinique. Sa toxicité n'a guère été étudiée.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour la sommité fleurie de grindélia, l'indication
thérapeutique suivante (voie orale) : traditionnellement utilisé dans le traitement
symptomatique de la toux. Si le phytomédicament à base de grindélia est une poudre de
sommité fleurie, le dossier « abrégé» d'AMM doit comporter une étude toxicologique
allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour les teintures et les extraits hydro-alcooliques
de titre ~ 30 %. Les tisanes et les extraits hydro-alcooliques de titre:5 30 % ne sont pas
utilisés de façon traditionnelle.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BjArM précise que
le grindélia est utilisé en cas d'inflammation des voies respiratoires supérieures. Poso-
logie: de 4 à 6 g par jour (plante) ou de 3 à 6 g par jour (extrait fluide), ou de 1,5 à 3 ml
par jour (teinture).

C. Lamiaceae à diterpènes

L'activité de ces Lamiaceae peu utilisées n'est pas démontrée. Rien ne relie
formellement les activités supposées à la présence de ce type de molécules .

• MARRUBE BLANC, Marrubium vulgare L., Lamiaceae

Le marrube blanc est constitué par les parties aériennes fleuries séchées, entières
ou fragmentées, de M. vulgare. Elles contiennent au minimum 0,7 % de marrubiine
(Ph. eur., 6' éd., [01/2008:1835]).
DITERPÈNES 787

La plante. Le marrube est une plante vivace dont les tiges quadrangulaires,
recouvertes d'un abondant duvet blanchâtre quand elles sont jeunes, portent des feuilles
pétiolées (3 cm) à bords crénelés ou dentés. Le limbe (l ,5-4 cm x 1-3,5 cm), à nervation
pennée et saillante à la face inférieure, est recouvert de poils blancs, fins et d'aspect
laineux, surtout sur la face inférieure. Les fleurs, groupées en amas axillaires serrés, ont
un calice persistant à (5 + 5) épines recourbées terminées en crochet. La corolle à 4
lobes est blanc terne.
La poudre de marrube, examinée au microscope (hydrate de chloral), présente de
très nombreux poils tecteurs, tordus ou vrillés, de 100 à 200 !lm de long, 1- ou 2-6-
cellulaire(s), unisériés, à jonction renflée, et des poils en bouquet soit à 15-20 branches
sur un pied court, soit sessiles et à branches moins nombreuses. On note aussi la
présence de poils sécréteurs de plusieurs types, ceux de l'intérieur du calice atteignant
1 mm de long.
L'identité du marrube est confirmée par CCM après extraction méthanolique. Après
extraction par le méthanol chlorhydrique, la bande correspondant à la marrubiine est
plus intense (transformation de la pré-marrubiine).
La marrubiine est dosée par chromatographie liquide après extraction par le
méthanol en milieu chlorhydrique (on dose donc la marrubiine et son précurseur).

Composition chimique. Le marrube renferme des diterpènes, des traces d'huile


essentielle, des flavonoïdes (0- et C-hétérosides de flavones, lactates de flavones
glucosylées), et 3,8 % de phénylpropanoïdes : acide cafféoyl-malique et glycosides
phénylpropanoïdiques - actéoside (= verbascoside), forsythoside B, arénarioside,
ballotétroside, marruboside. Les diterpènes sont principalement représentés par des
dérivés labdaniques : marrubiine et marrubénol. La marrubiine, majoritaire, est présente
en partie sous la forme de son précurseur préfuranique, la pré-marrubiine.

Pharmacologie, évaluation clinique, toxicité. L'extrait aqueux de marrube décroît


la pression systolique chez des rats hypertendus et inhibe les contractions de l'aorte de
Rat induite par le chlorure de potassium. Cette vasorelaxation est due au marrubénol,
inhibiteur des canaux calciques de type L. Les esters phénylpropaniques inhibent la
cyclo-oxygénase-2, ce qui pourrait expliquer l'activité anti-inflammatoire attribuée à
cette plante. Ce sont aussi des antioxydants. Il a également été montré qu'un extrait de
marrube protège, in vitro, les lipoprotéines (LDL) de la peroxydation par le cuivre, que
l'extrait hydroalcoolique est spasmolytique sur organe isolé et que la marrubiine est
analgésique chez la Souris.
Les propriétés attribuées à cette plante n'ont, semble-t-il, fait l'objet d'aucun essai
clinique publié. On ne dispose d'aucune donnée toxicologique sur cette plante. La
présence de diterpènes furaniques incite à une grande prudence dans son utilisation.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


gu' il est possible de revendiquer, pour les parties aériennes fleuries de marrube, les
indications thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 10 dans le
traitement symptomatique de la toux et, 2 0 , au cours des affections bronchiques aiguës
bénignes. Si le phytomédicament à base de marrube blanc est une poudre de parties
788 TERPÉNOÏDES

aériennes, le dossier « abrégé» d'AMM doit comporter une étude toxicologique


allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour le marrube pour tisane, l'extrait aqueux, les
teintures et les extraits hydro-alcooliques, quel que soit leur titre.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
le marrube est utilisé en cas de perte d'appétit et de troubles dyspeptiques (flatulences,
ballonnements). Posologie: plante, 4-5 g par jour; jus pressé, de 2 à 6 cuillerées à soupe;
ou préparations correspondantes.
Aux États-Unis d'Amérique, l'absence de propriétés démontrées pour le marrube a
conduit la FDA à en bannir l'emploi dans les produits OTC à visée antitussive .

• BALLOTE NOIRE (FÉTIDE), Ballota nigra L., Lamiaceae

La ballote noire est constituée par les sommités fleuries séchées de B. nigra. Elle
renferme au minimum 1,5 % de dérivés de l'acide ortho-dihydroxycinnamique totaux,
exprimés en actéoside (Ph. eur., 6" éd., [01/2008:1858]).

La plante. La ballote noire, parfois dénommée marrube noir, est une plante herbacée
très commune dans les décombres et les lieux incultes. Elle est particulièrement
polymorphe: la Flora Europea recense six sous-espèces en Europe dont deux sont.
fréquentes dans nos régions: subsp. nigra et subsp.fœtida (Lam.) Hayek. Les tiges
quadrangulaires striées longitudinalement portent des feuilles vert-gris, fortement
duveteuses sur les deux faces, à limbe ovale, irrégulièrement crénelé sur les bords. Les
fleurs, à calice fortement pubescent et à 10 nervures saillantes, ont une corolle pourpre à •
lèvre supérieure pubescente sur sa face externe et à lèvre inférieure trilobée à lobe
médian échancré.
La poudre de ballote, vert-gris, est floconneuse. Examinée au microscope (hydrate
de chloral), elle présente, outre des fragments d'épiderme foliaire à cellules à parois
sinueuses, un grand nombre de longs poils tecteurs à 4 cellules ou plus, à jonctions
épaissies et renflées et à parois ponctuées et des poils secréteurs moins nombreux et de
deux types (tête uni-, bi-, ou pluricellulaire).
Les esters phénylpropaniques sont mis en évidence par la CCM d'un extrait métha...
nolique et dosés par spectrophotométrie après extraction éthanolique (nitrite de
sodiumlHCl puis molybdate de sodiumlNaOH) .
."

" Composition chimique. Les sommités fleuries de ballote renferment jusqu'à 5,5 %
"1
d'esters de l'acide caféique : acide caféoyl-malique et glycosides phénylpropanoï.
diques (verbascoside [= actéoside], forsythoside B, arenarioside, ballotétrusild
alyssonoside, angoroside A, lavandulifolioside), des flavonoïdes (lactate et
."
"
lactate du lutéolol, vicénine-2, tangérétine) et des dérivés labdaniques furaniques :
composé majoritaire d'échantillons commerciaux est le 13-hydroxyballonigrolide
D'autres analyses ont mis en évidence, dans des échantillons d'origines diverses •
balloténol, 7 -oxo-marrubiine (ballotinone), 7 a-acétoxymarrubiine ainsi qu'
structure préfuranique, la préléosibirine.
DITERPÈNES 789

Pharmacologie, évaluation clinique, toxicité. La sommité fleurie est réputée


antispasmodique, calmante des toux quinteuses, sédative et anxiolytique.
L'expérimentation animale confIrmerait plutôt ces dernières potentialités et l'on sait que
des produits comme le verbascoside exercent une activité sédative chez la Souris et que
plusieurs esters phénylpropanoïdiques peuvent se fIxer sur divers récepteurs centraux.
Les dérivés phénylpropanoïdiques, antioxydants, inhibent in vitro l'oxydation des
lipoprotéines induite par les sels de cuivre. Le verbascoside est antibactérien.
La ballote noire (en monopréparation) n'a fait l'objet d'aucune évaluation clinique
et l'on sait peu de choses sur sa toxicité. Est-elle responsable des atteintes hépatiques
imputées de façon plausible à une spécialité sédative contenant un mélange de plantes?
Cela n'a pas été formellement démontré. La prudence est cependant de mise compte-
lenu de la présence, dans la plante, de diterpènes furaniques.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour la sommité fleurie de ballote, les indications
0
thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 1 dans le traitement
symptomatique des états neurotoniques des adultes et des enfants, notamment en cas de
0
troubles mineurs du sommeil; 2 dans le traitement symptomatique de la toux. Si le
phytomédicament à base de ballote est une poudre de sommité fleurie, le dossier
« abrégé» d'AMM doit comporter une étude toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas
nécessaire pour la ballote pour tisane, l'extrait aqueux, les teintures et les extraits hydro-
alcooliques, quel que soit leur titre.
La ballote ne fait pas l'objet d'une monographie de la Commission E du BfArM
allemand .

• LIERRE TERRESTRE, Glechoma hederacea L., Lamiaceae

Le lierre terrestre est constitué par les parties aériennes séchées de G. hederacea
(Ph. fse, 10' éd.).
Cette plante est placée dans ce chapitre dans la mesure où elle est réputée contenir
de la marrubbine. En renferme-t-elle? C'est ce que laisse supposer l'essai prescrit par la
Pharmacopée (CCM).

La plante. Le lierre terrestre est une petite plante vivace stolonifère, fréquente dans
les sous-bois et au bord des haies. Les feuilles sont cordiformes, crénelées sur les bords
et velues à la face inférieure. Les fleurs ont une corolle bleu-violet. La coupe de la
feuille présente des poils tecteurs lisses, certains à l'allure de petites épines, et de
nombreux poils sécréteurs parfois enfoncés dans des cryptes.

Composition chimiques, propriétés. Divers composés ont été caractérisés dans le


lierre terrestre: alcaloïdes (hédéracines A et B), acide rosmarinique, cistanoside E,
glycosides de propénylphénols, flavonoïdes (glycosides de l'apigénol, du lutéolol et du
chrysoériol), lignanes (glucosides du pinorésinol, du syringarésinol et du laricirésinol),
néolignanes, sesquiterpènes (glechomafurane ou glechomanolide, selon le chimiotype),
790 TERPÉNOÏDES'

triterpènes dérivés de l'acide ursolique et huile essentielle à cétones monoterpéniques '


chez les variétés odorantes. Une lectine, ainsi qu'un acide octadécadiénoïque hydroxylé
activateur de l'adénylate-cyclase plaquettaire et inhibiteur de la migration cellulaire ont
également été isolés.

Pharmacologie, évaluation clinique, toxicité. Le lierre terrestre, dont l'extrait


éthanolique est faiblement anti-inflammatoire sur l'œdème aux carraghénanes (Rat)
inhibe la production d'oxyde d'azote et de TNF-a par les macrophages activés par le
lipopolysaccharide. On ne sait rien de son éventuelle toxicité chez l'Homme. Il n'a fait
l'objet d'aucune évaluation clinique. Selon une référence de 1920 l'ingestion de
grandes quantités de cette plante serait toxique pour les chevaux (?).

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour les parties aériennes fleuries de lierre terrestre,'
les indications thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 10 dans'
le dans le traitement symptomatique de la toux et, 2 0 , au cours des affections,
bronchiques aiguës bénignes. Si le phytomédicament à base de lierre terrestre est une
poudre de parties aériennes, le dossier« abrégé» d'AMM doit comporter une étude
toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour le lierre terrestre pour tisane; ,
l'extrait aqueux, les teintures et les extraits hydro-alcooliques, quel que soit leur titre.
Le lierre terrestre ne fait pas l'objet d'une monographie de la Commission E du
BfArM allemand.

C. Gattilier, Vitex agnus-castus L., Verbenaceae

Le fruit de gattilier est le fruit entier, mûr, séché de V. agnus castus L. Il COJlltH!nti
au minimum 0,08% de casticine (Ph. eur., 6 c éd., [0112008:2147], corr. 6.2).

La plante, le fruit. Le gattilier est un arbrisseau méditerranéen à feuilles palmées


7 foliolées, verticillées, à inflorescences denses de fleurs violacées, roses ou blanches,
drupes de saveur poivrée. Ce fruit, d'un diamètre inférieur à 5 mm, ovale, brun-noir,
entouré sur deux tiers à trois quarts de sa surface par le calice persistant,
pubescent. Il est constitué d'un péricarpe devenant progressivement scléreux jusqu'
l'endocarpe. Sa section montre quatre loges contenant chacune une graine allongée.
.... ,." .... ,'
La poudre de fruit, examinée au microscope (hydrate de chloral), nn',,",p'nTIOJ
-,.. ,,., .. ,,'
notamment: de très nombreux poils tecteurs à 1-3 cellules coudés et flexueux;
., .'
II!-
~ fragments d'épiderme externe des sépales recouverts de poils tecteurs; des cellules
" l'épicarpe à paroi épaissie avec de grandes ponctuations; des poils sécréteurs à tête
'"'''",-" ou pluricellulaire; des fragments de la partie interne du mésocarpe à cellules
.,'] fortement canaliculées à lumière étroite et étoilée et à parois très épaissies; etc.
Le fruit ne doit pas contenir de fruits ayant un diamètre nettement supérieur
negundo). La présence d'agnuside et d'aucubine (CCM d'un extrait u,~"""u~,u",
confirme l'identité de ce fruit. La casticine est dosée par chromatographie liquide.
DI TERPÈNES 791

Composition chimique. Les fruits du gattilier renferment une huile à acides gras
insaturés, des flavonols polyméthoxylés lipophiles (casticine, eupatorine, pendulétine)
des C-flavonoïdes (orientine, vitexine) et des iridoïdes (agnuside, aucuboside). Ils
renferment aussi de nombreux composés terpéniques : monoterpènes et sesquiterpènes
(huile essentielle, spathulénol); diterpènes labdaniques (vitetrifolines, rotundifurane,
vitexilactone) et dérivés du clérodane (incomplètement caractérisés); triterpènes
(viticostérone E, un ecdystéroïde). La sommité fleurie renferme des iridoïdes
(aucuboside, agnuside, agnucastosides et autres dérivés de l'acide mussaenosidique), de
l'huile essentielle et des flavonoïdes.

Pharmacologie. L'extrait du fruit inhibe la sécrétion de prolactine in vitro (culture


de cellules hypophysaires), in vivo (Rat) et chez l'humain par un mécanisme dopa-
minergique. Cette activité a été rapportée, sur la base d'un fractionnement bioguidé,
aux diterpènes qui, en se fixant sur les récepteurs dopaminergiques D 2 inhibent, in
vitro, la sécrétion de prolactine par des cellules pituitaires en culture. L'inhibition de la
sécrétion de la prolactine expliquerait les effets du fruit de gattilier sur le syndrome
prémenstruel, ce dernier étant, selon certains auteurs, associé à une hyperprolactinémie
(laquelle induit chez certaines femmes une mastalgie cyclique plus ou moins
douloureuse). L'extrait contient également des substances présentant une affinité pour
le récepteur à l'œstradiol ~, mais la traduction clinique de cette affinité n'est pas
connue. L'extrait ne modifierait pas les taux de LH et de FSH.

Évaluation clinique. Un essai clinique, conduit chez 178 patientes, randomisé et en


double aveugle versus placebo, a constaté la supériorité d'un extrait de gattilier pour
diminuer significativement, après 3 cycles, les symptômes du syndrome prémenstruel
défini selon les critères du DSM-IIIR. Cinquante-deux pour cent des patientes ont
répondu au traitement (versus 24 % dans le groupe placebo). Des essais ouverts et deux
essais cliniques randomisés versus placebo suggèrent que l'extrait de gattilier est plus
efficace que le placebo pour diminuer les douleurs mammaires, ce qu'il est nécessaire
de confirmer par des essais plus vastes et de plus longue durée. Une éventuelle activité
sur la fertilité et la production lactée n'est pas démontrée.

Toxicité, effets indésirables, interactions médicamenteuses. La toxicité du fruit du


gattilier semble avoir été peu étudiée. Les données recueillies au cours des essais
cliniques et les rapports spontanés, bien qu'insuffisants, montrent que les effets
indésirables liés aux extraits du fruit sont peu fréquents, modérés et transitoires
(nausées, céphalées, démangeaisons, troubles menstruels). Il n'a pas été rapporté
d'interactions médicamenteuses, mais certaines sont théoriquement possibles du fait du
mode d'action supposé: agonistes et antagonistes dopaminergiques, contraceptifs,
substituts hormonaux.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour le fruit et la sommité fleurie de gattillier, les
indications thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 10 dans les
règles douloureuses; 20 dans le traitement symptomatique des états neurotoniques des
792 TERPÉNOÏDES

adultes et des enfants, notamment en cas de troubles mineurs du sommeil. Si le


phytomédicament à base de gattillier est une tisane ou un extrait aqueux de titre faible.
le dossier « abrégé» d' AMM doit comporter une étude toxicologique allégée. La
poudre, les extraits hydro-alcooliques de titre fort et la teinture ne sont pas utilisées de i
façon traditionnelle.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
,II le fruit du gattillier est utilisé en cas d'irrégularités du cycle menstruel, de douleurs
I!' prémenstruelles, de douleurs mammaires. Posologie: extrait hydro-alcoolique
1

correspondant à 30 à 40 mg/j de fruit par jour. On peut parfois observer des réactions ~
cutanées. Un gonflement des seins et des troubles de la menstruation nécessitent la:
consultation d'un médecin.

6. PLANTES À DITERPÈNES AYANT UN INTÉRÊT POTENTIEL

• HERBE SUCRÉE DU PARAGUAY, Stevia rebaudiana Bertoni,


Asteraceae

Cette herbe vivace à feuilles oblongues et crénelées et à saveur sucrée est originaire,~
des zones d'altitude du Brésil et du Paraguay; elle a été introduite et est cultivée dans dé::
nombreuses régions du globe, en particulier en Asie (Japon, Corée, Taïwan). {,
Les feuilles renferment une série d'hétérosides formés à partir d'un acide ent-;
kaurénoïque hydroxylé : le stéviol (stévioside, rébaudiosides A-F, dulcoside A). CeSè
hétérosides, à la fois glycosides (bio- ou triosides) et esters de glucose, différent entre'
eux par la nature et l'enchaînement des sucres. Le stévioside peut représenter plus d '
10 % de la masse de la feuille sèche. On peut l'extraire par l'eau, le réextraire par 1 .
butanol et, généralement, le purifier par filtration sur charbon et cristallisation. Le~
proportions respectives des différents hétérosides sont variables. Le stévioside et 1.•
rébaudioside possèdent un pouvoir sucrant environ 200-250 fois plus élevé que celui d '.
saccharose et peuvent donc constituer des édulcorants.
Couramment utilisé au Japon, le stévioside est également commercialisé au BrésiL'
en Corée, etc. Aux États-Unis d'Amérique, feuille et extraits peuvent être vendu'
depuis 1995, mais uniquement comme supplément alimentaire. Le stévioside n'est pa
'l autorisé dans l'Union européenne.
Le stévioside est dépourvu de toxicité aiguë et à court terme, mais le question':
nement sur son innocuité alimente depuis plusieurs années le débat des spécialistes
.,~
Ainsi, les experts du SCF européen (Scientific Committee on Food) estimaient, en 1999
que les données disponibles étaient insuffisantes pour émettre un avis favorable sur c
édulcorant (carcinogénicité, effet sur la fertilité, tératogénicité) [http://ec.europa.e
food/fs/sc/scf/out34_en.html]. Par la suite, d'autres auteurs se sont montrés plus partagé
sur l'interprétation des données.
En 2008, le JECFA (Joint FAO/WHO Expert Committee on Food Additives) q
avait demandé des études complémentaires, fixait une DJA (dose journalière admissibl
pour le stévioside à 0-4 mg/kg (http://www.fao.orglaglagnlagns/lfiles/jecfa69_final.pdf). Dans
même temps, on a vu paraître plusieurs publications témoignant du développement,
1llTERPÈNES 793

l'intérêt et de l'innocuité du rébaudioside A 14. Ce dernier a été commercialisé la même


1I11née aux États-Unis d'Amérique où, simultanément, des dossiers de demande
d'autorisation en tant qu'additifont été déposés auprès de la FDA.

R1 =glc(1->2) glc, tanshinone 1/


R2 =glc : stévioside

7. AUTRES PLANTES À DITERPÈNES


• Andrographis paniculata (Burm.f.) Wall. ex Nees, Acanthaceae

L'andrographis est constitué par les parties aériennes séchées d'A. paniculata
(pharmacopée de la République Populaire de Chine, 1997).

La plante. L'andrographis est une plante herbacée, à tiges quadrangulaires et à


feuilles opposées, simples, lancéolées, courtement pétiolées. Les fleurs ont une corolle
bilabiée à tube étroit, à lèvre supérieure bordée de jaune et lèvre inférieure blanche et
violacée.

Composition chimique. Les différents organes de cette plante renferment des acides
phénols, des xanthones et, surtout, des flavonoïdes et des diterpènes. Les flavonoïdes
sont notamment représentés par des flavones oxygénées en C-2', souvent méthoxylées
cn C-8 (et polyméthoxylées) : wogonine et dérivés, skullcapflavone et dérivés. Les
ditcrpènes - une vingtaine ont été identifiés - ont un squelette ent-labdane, certains
élant sous une forme hétérosidique : andrographolide, andrographoside, andro-
grapanine, néoandro-grapholide, isoandrographolide, 14-désoxy-l1 ,12-didéhydro-
IIlldrographolide, acide andrographique, andrographisine, etc.

Pharmacologie. De nombreuses propriétés ont été décrites in vitro ou chez l'animal


, l'OUI' cette espèce, ses extraits ou certains de ses composés: hépato- et cardio-
protecteurs, hypoglycémiants, antibactériens, antiviraux, anti-inflammatoires,
Illllllunostimulants, cytotoxiques, etc. Sur organe isolé, les lactones diterpéniques

14. Pour l'infonnation du lecteur, la plupart de ces publications sont co-signées par des employés de
('oca Cola et de Cargill Inc., co-promoteurs du rébaudioside. (Mais, dans ce domaine aussi, il faudrait
pouvoir examiner les conflits d'intérêts potentiels de tous les auteurs et experts ... ). Truvia® et Pure-Via®
(~ base de rébaudioside) ont été commercialisés respectivement par Coca-Cola et Pepsi dans le cadre
de la réglementation nord-américaine en vigueur en 2008, dans l'attente de l'évolution de celle-ci.
794 TERPÉNOÏDES

inhibent la réponse intestinale aux entérotoxines bactériennes inductrices de diarrhée.


Aucune de ces activités n'a été confirmée chez l'humain.

Évaluation clinique, toxicité, effets indésirables. Plusieurs essais cliniques


randomisés en double aveugle versus placebo ont évalué l'andrographis ou une
association avec l'éleuthérocoque dans le traitement du rhume, de la grippe ou de la .
pharyngite. Pour les auteurs de deux synthèses méthodiques publiées en 2004, ces'
médications seraient plus efficaces que le placebo sur la symptomatologie de ces
affections. Cependant, ce constat est atténué par l'hétérogénéité et le manque de
fiabilité des critères de jugements, et par les différences méthodologiques. D'autres
essais sont nécessaires pour apprécier ce que peut apporter cette plante au soulagement •.
du rhume et à sa prévention. .'
La toxicité de la plante ne semble pas avoir fait l'objet d'études approfondies. Des
effets abortifs ont été rapportés chez les rates ainsi que des effets négatifs sur la fertilité·
des rats. Les effets indésirables semblent rares et mineurs. Des réactions allergiques
seraient possibles.

Emplois. Pour l'OMS (2002), l'emploi des parties aériennes dans la prophylaxie et
le traitement symptomatologique du rhume, de la sinusite, de la pharyngite, des'
infections urinaires basses et de la diarrhée aiguë repose sur des données cliniques.
fait, pour ces deux dernières indications, l'assertion de la monographie de l'OMS ne·
repose que sur des essais isolés, non confirmés. Si cette plante est largement proposée
via l'internet (capsules, comprimés), c'est sous la forme de produits au statut le
souvent incertain qui n'apportent aucune garantie au consommateur (y compris
préparations très concentrées en andrographolide, dont on ignore tout des pOltentlaJ.ltéi9!.
toxiques à court et long terme) .

• Salvia miltiorrhiza Bunge, Dan shen, Larniaceae

Les racines de cette plante herbacée aux fleurs pourpres ou violacées groupées
épis constituent un remède traditionnel des médecines orientales. Inscrites à
Pharmacopée de la République populaire de Chine, elles y sont réputées
bactéricides, stimulantes circulatoires (stase, œdème) et utilisées depuis une
d'années dans le traitement de certaines maladies cardiaques.
Il (:~
.
..., '"
,"",.,"'
'l,
Composition chimique. La composition des racines est bien connue, au moins en
If',_
qui concerne les pigments lipophiles qui confèrent aux parties souterraines
coloration brun rouge. Ceux-ci sont des quinones diterpéniques à squelette abiétane :
quinones (tanshinones 1 et II-A,B, V, VI et dérivés [tanshinols, tanshindiols],
tanshinone, przewaquinones, miltirone, miltionones, etc.) et para-quino
(isotanshinones, danshenxinkun A-C) sont accompagnées de dérivés lactoniques.
Des dérivés phénoliques hydrophiles ont également été isolés, dimères
oligomères de l'acide caféique : acide rosmarinique, acides lithospermiques A et
acides salvianoliques (A-K) , dérivé benzofuranique aldéhydique (salvinal), etc.
IliTERPÈNES 795

Pharmacologie. Expérimentalement, les quinones du Dan-shen sont antioxy-


dantes, antiallergiques, bactériostatiques, anti-inflammatoires et, pour la plupart,
cytotoxiques. Tanshinones 1 et lIA et cryptotanshinone sont coronodilatatrices; la
tanshinone liA prévient les troubles induits par l'ischémie myocardique.
Les expérimentations chez l'animal normal et urémique indiquent que les extraits
de la plante peuvent améliorer le fonctionnement rénal (diminution de l'urémie,
uugmentation de la vitesse de filtration glomérulaire, de l'excrétion d'urée et de
créatinine). Cette activité semble être due au lithospermate B (Mg2+). Ce même
composé, pur, testé sur cœur de Lapin ischémié-reperfusé, réduit efficacement l'atteinte
tissulaire. Il est antihypertenseur. Les dérivés phénoliques sont fortement anti-oxydants.

Évaluation clinique, toxicité. De très nombreuses études et essais disent mettre en


évidence une action des racines de S. miltiorrhiza dans de nombreuses affections:
infarctus et autres maladies coronariennes; hypertension; hyperlipidémie; arhythmies;
uccidents vasculaires cérébraux; etc. En réalité, très peu d'essais publiés sont d'une
méthodologie conforme à celle d'un véritable essai clinique. Ainsi, une revue
structurée sur l'efficacité de cette plante dans le traitement de l'infarctus publiée par le
réseau Cochrane en 2008 ne retenait que six études dont une seule pouvait être
considérée comme un véritable essai contrôlé. S'il est possible que les produits issus
du Dan-shen diminuent la mortalité par infarctus, les éléments de preuve sont
insuffisants. Une revue de même type n'a pas pu conclure sur l'impact en cas
d'ischémie cérébrale, là encore du fait des insuffisances méthodologiques. Les auteurs
chinois évoquent l'absence d'effets indésirables majeurs, mais cela n'est pas
clairement démontré. De nombreuses interactions médicamenteuses sont possibles,
notamment avec les anticoagulants .

• SAUGE DIVINATOIRE (SAUGE DES DEVINS),


Sa/via divinorum Epling & Jativa, Lamiaceae

Cette sauge, parfois dénommée « menthe magique », est une espèce pérenne origi-
naire de la province mexicaine d'Oaxaca (Mexique). Ses feuilles étaient tradition-
nellement utilisées par les guérisseurs mazatèques pour le traitement de diverses
ullections organiques et mentales et pour induire, grâce à leurs propriétés
hullucinogènes, des expériences de divination.

Composition chimique. Contrairement à tous les hallucinogènes connus, le principe


IIl'tif de la sauge des devins n'est pas azoté. C'est un di terpène de type néoclérodane, la
Nulvinorine A, dont la concentration dans la feuille sèche varie de 0,9 à 3,7 g/kg. De fait
les feuilles renferment plusieurs molécules de structure voisine: salvinorine B
(= désacétylsalvinorin A), salvinorines C-G, divinatorines A-E (dont le cycle lactonique
est ouvert), salvinicines A et B (à cycle tétrahydrofuranique polyhydroxylé).

Pharmacologie. Les effets psychoactifs de la salvinorine A apparaissent pour une


dose seuil de 200 Ilg. L'effet est très rapide (20 à 60 secondes pour le produit fumé) et
796 TERPÉNOÏDES

maximum au bout d'une à deux minutes. Les effets se dissipent généralement après 20
à 40 minutes.
La prise du produit entraîne à doses fortes des effets psychédéliques - ce qui est
rare pour une molécule non azotée (cf. p. 1119) -, puis des effets déstabilisants : dis-
torsion spatio-temporelle angoissante, perte d'identité, anesthésie; une perte de
connaissance peut survenir. La salvinorine A, inactive sur les récepteurs habituellement
sollicités par les hallucinogènes, est un agoniste sélectif des récepteurs opioïdes kappa
connus pour être impliqués dans l'analgésie et certains troubles psychodysleptiques.

Emplois. Traditionnellement, les feuilles fraîches étaient mastiquées, ou ingérées


sous la forme d'un extrait de feuilles écrasées. Elles pouvaient aussi être pyrolysées et
la fumée rapidement inhalée.
La sauge des devins est actuellement proposée sur internet pour un usage
« récréatif» d'expérience imaginaire, « de stimulation et d'introspection (expérience
mystique, spirituelle, découverte de soi) », selon la terminologie du SINTES (Système
National d'Identification des Toxiques et Substances). L'émergence de l'usage de cette
sauge, fumée en joints, a été signalée en France en juillet 2002 par une note de l'OFDT
(Observatoire Français des Drogues et Toxicomanies). Cet usage serait apparu en 2001
et ne concernerait qu'un petit nombre de personnes (www.ofdt.fr/BDD/sintes/ ir_020
719_salvia.pdf).
Seul un petit nombre de pays a, à ce jour, mis en place une législation restrictive sur
l'usage de cette plante (Australie, Danemark, Italie, Suède, quelques états des États-
Unis d'Amérique). En France, la plante n'est pas répertoriée comme stupéfiant,

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et stéroïdes

Généralités

l,cs triterpènes - plus de 4 000 composés construits sur plus de 40 squelettes différents
connus à la fin du XXc siècle - sont des composés en C 30 issus de la cyclisation du 3S-
2,3-époxydo-2,3-dihydro-squalène ou, plus rarement, du squalène lui-même. Presque
toujours hydroxylés en C-3 (du fait de l'ouverture de l'époxyde), les triterpènes
présentent une très forte unité structurale: les différences majeures sont d'ordre
configurationnel et liées à la conformation adoptée par l'époxysqualène (ou le
squalène) avant la cyclisation; le cation issu de cette cyclisation peut ensuite subir une
série de déplacements 1,2 de protons et de méthyles rationalisant l'existence des
dilférents squelettes tétra- et pentacycliques qui caractérisent ce groupe.
L'unité structurale est également fortement marquée chez les stéroïdes: des
composés aussi différents quant à leurs propriétés que les phytostérols, les saponosides,
les ecdystéroïdes, les glycosides cardiotoniques ou les alcamines stéroïdiques ont tous
le même squelette de base.
30

24
27
21
23
22
26

24 23
29 28
triterpène tétracyclique * stéroïde * triterpène penta cyclique
• des carbones surnuméraires en 24 sont numérotés 24' et 24'
800 TERPÉNOÏDES

En première approximation, on peut estimer qu'il n'y a pas de différences


fondamentales entre les triterpènes et les stéroïdes, ces derniers pouvant être regardés
comme des triterpènes tétracycliques qui ont perdu, au minimum, trois méthyles (c'est
d'ailleurs la présence des méthyles en C-4 et C-14 qui, initialement, servit à distinguer
stéroïdes et triterpènes [OURISSON]). En fait, on doit prendre en compte la biosynthèse
pour séparer les deux groupes: un produit comme le cycloarténol (en C 30 ) doit être
considéré comme un 4,4-diméthyl-stérol (c'est un précurseur des stérols) alors que
l'euphol ou les dammaranes (également en C30) sont des tri terpènes tétracycliques. Il
n'est pas toujours aisé de séparer aussi nettement les deux groupes: ainsi, où placer les
cucurbitacines? À côté des stérols - elles dérivent du protostane - ou, comme la
plupart des auteurs, dans le groupe des triterpènes tétracycliques? Un ouvrage publié en
1991, évoquait les lanostanes au chapitre des triterpénoïdes et le lanostérol dans celui
des phytostérols.

INTÉRÊT DES TRITERPÈNES ET DES STÉROïDES

L'intérêt thérapeutique et l'emploi industriel des triterpènes et des stéroïdes en font


un groupe de métabolites secondaires de première importance :

• intérêt des hétérosides cardiotoniques, auxquels aucun produit synthétique n'a pu


encore se substituer complètement;

• intérêt des sapogénines spirostaniques, du sitostérol ou du stigmastérol qui sont


des matières premières aisément valorisables par des procédés biotechnologiques. Elles
demeurent indispensables pour couvrir les besoins de l'industrie pharmaceutique en
médicaments stéroïdiques (contraceptifs, anabolisants, anti-inflammatoires);

• intérêt thérapeutique de nombreuses plantes à saponosides utilisées pour·


l'extraction de molécules actives (escine, glycyrrhizine), pour l'obtention de formes
galéniques simples ou pour celle de préparations de phytothérapie;

• intérêt des phytosérols pour préparer des margarines et autre produits alimentaires .
pouvant participer à la baisse de la cholestérolémie;

• importance économique de la réglisse, édulcorant peu calorigène, très utilisé dans


les industries agroalimentaires ;

• importance des saponosides dans la mesure où leur présence peut diminuer de


façon importante la valeur nutritive de fourrages (luzerne) ou conférer à des plantes de
notre environnement quotidien une toxicité non négligeable;

• potentialités thérapeutiques dans les domaines les plus divers: cytostatiques,


antiviraux, insecticides, anti-inflammatoires, molluscicides, analgésiques.
TRITERPÈNES ET STÉROÏDES: GÉNÉRALITÉS 801

BIOSYNTHÈSE DES TRITERPÈNES ET DES STÉROÏDES

Si les stéroïdes des animaux, des champignons, des algues et des végétaux
supérieurs sont issus d'un processus commun qui conduit, via le mévalonate, de
l'acétate à l'époxysqualène, un examen plus attentif montre qu'ensuite les voies
hiosynthétiques divergent sensiblement. Le premier stérol synthétisé par les animaux et
les champignons est le lanostérol; celui-ci est ensuite transformé en cholestérol chez la
plupart des animaux et en ergostérol chez les champignons. Dans le cas des eucaryotes
capables de photosynthèse (Algues, Bryophyta, Pteridophyta, Gymnospermae,
!\ngiospermae), tous les stérols (phytostérols, cardénolides, spirostanes, solanidanes)
sont issus de la déméthylation progressive du cycloarténol et de l'ouverture de son
cycle 9~-19-cyclopropanique. Ces organismes végétaux ont en outre la possibilité de
cycliser l'époxysqualène dans une conformation qui conduira spécifiquement aussi bien
!lUX triterpènes tétracycliques libres des laticifères des Euphorbiaceae qu'aux
saponosides à génine tri terpénique pentacyclique ou aux triterpènes modifiés des
Rutales (quassinoïdes, méliacines, limonoïdes).

Cyclisation initiale

L'ouverture de l'époxyde initie la cyclisation. Pour que celle-ci puisse avoir lieu,
l'enzyme de cyclisation doit stabiliser la conformation du polyisoprène de telle sorte
que les impératifs stéréoélectroniques de la cyclisation soient respectés. C'est de la
conformation initiale de l'époxysqualène sur la surface de l'enzyme que dépend
l'orientation de la biosynthèse vers les stéroïdes et les cucurbitacines d'une part et les
1ri terpènes stricto sensu d'autre part :

HO

2,3·époxydo-2,3-dihydrosqualène

1. Si l'époxysqualène est maintenu dans une conformation chaise-bateau-chaise-


hlllcau, la cyclisation conduit à un cation protostane précurseur immédiat, par une suite
de migrations 1,2 de protons et de méthyles, des cycloartanes et des cucurbitanes (ces

h
802 TERPÉNOÏDES

migrations sont rendues possibles par la disposition trans-antiparallèle des protons et '
méthyles en C-17, C-13, C-14 et C-8);

2. Si l'époxysqualène est maintenu dans une conformation chaise-chaise-chaise- ,


bateau, la cyclisation conduit à un cation dammarane (voir, par exemple, les génines
des saponosides du ginseng) qui peut aussi se réarranger:
- soit par des migrations concertées conduisant au tirucallol et à l'euphol,
précurseurs des limonoïdes et quassinoïdes,
- soit, et c'est le cas le plus fréquent, par formation d'un cycle supplémentaire ce
qui conduit aux tri terpènes pentacycliques : oléananes, ursanes, lupanes, friedelanes, ,
taraxastanes, etc.,
- soit, mais c'est un cas marginal, en formant des composés tétracycliques dont
le cycle D est hexacyclique (baccharanes, shionanes);

3. Un cas un peu particulier est constitué par les triterpènes dépourvus d'hydroxyle "
en 3. Ils sont habituellement issus de la cyclisation directe du squalène : hopanes "
(caractéristiques des sédiments naturels), femanes (la conformation du précurseur est de
type chaise-chaise-chaise-chaise-bateau);

4. II peut arriver que la cyclisation ne soit que très partielle (polypodatétraènes"


malabaricanes) ou au contraire totale, entièrement concertée (boehmérol, arborinol :
chaise-bateau-chaise-chaise-bateau) voire même initiée par les deux extrémités du'
précurseur (onocéranes). Quelques structures inhabituelles ont également été décrites
(aldéhydes en C 31 des Iris), surtout dans le règne animal (siphonales des Spongiaires).

o
shionone c,.9(l1i-fernène boehmerol

o
malabaricol ex -polypodatétraène

Triterpènes résultant d'un autre mode de cyclisation


TRITERPÈNES ET STÉROÏDES: GÉNÉRALITÉS 803

Devenir du squalène :
origine des triterpènes
et des stéroïdes

2,3-époxydosqualène

HO
R
fi

III III
protostanes ~R dammaranes
~

H
R ~R

euphol, tirucallol
triterpènes modifiés

cucurbitanes cycloartanes
stéroïdes triterpènes pentacycliques
l
Citrullus colocynthis Arn.
TRITERPÈNES ET STÉROÏDES: GÉNÉRALITÉS 805

Formation des stéroïdes

Comme cela a été dit ci-dessus, les animaux et les champignons élaborent du
lanostérol - le réarrangement se termine par l'expulsion du proton en C-9 - alors que
les végétaux élaborent le cyc1oarténol : le réarrangement se termine par la formation du
cyclopropane, la réaction étant vraisemblablement enzymo-catalysée.
Le passage d'un squelette en C30 à un squelette en C 27 ou moins, c'est-à-dire aux
stéroïdes, implique au minimum une déméthylation progressive en C-4 et en C-14; on
note également une rupture du cyc1opropane et un déplacement de la double liaison
engendrée par cette rupture. Les deux méthyles en C-4 sont perdus par une suite
d'oxydations (CH 3 -> CH 20H -> CHO -> C0 2H) terminée par une décarbo-
xylation. Une oxydation préalable de l'hydroxyle en C-3 conduit à un a-cétoacide, ce
qui facilite la décarboxylation finale. Le méthyle en C-14 est éliminé après oxydation
sous forme d'acide formique.

etc.
Principe de l'élimination des méthyles en 4

Si, chez les animaux, la chaîne latérale reste intacte (cholestane) ou est tronquée
(cholanes en C 24 , prégnanes en C 21 ) voire même éliminée (androstanes en C r9 ,
œstranes en C 18 ), chez les végétaux elle peut être fonctionnalisée et cyclisée
(spirocétals, alcamines, ecdystéroïdes), raccourcie (prégnanes) et fonctionnalisée
(cardénolides, conanines) ou - c'est fréquent - posséder un ou deux carbones
supplémentaires sous la forme d'un groupe méthyle (ou méthylène) ou éthyle (ou
éthylidène) fixé en C-24. Cette caractéristique des phytostérols en C 28 ou C 29 des
végétaux supérieurs se retrouve également chez les algues (fucostérol), chez les
champignons (ergostérol) et chez les organismes marins.

L'introduction du ou des carbones supplémentaires de la chaîne latérale des


stéroïdes est le résultat de transméthylations impliquant la S-adénosylméthionine. La
première transméthylation précède généralement les déméthylations en C-4 et C-14, la
seconde étant habituellement plus tardive. Les 24-méthylène et 24-éthylidène stérols
peuvent s'isomériser en 24-méthyl- et 24-éthyl L1-24(25) stérols dont la réduction
stéréospécifique conduit aux 24a-alkylstérols caractéristiques des végétaux:
ex : sitostérol (éthyle) ou campestérol (méthyle).

Les autres possibilités d'évolution du noyau stéroïde, schématisées sur le tableau de


la page 808, seront évoquées ultérieurement.
806 TERPÉNOÏDES

H3CCS~
H3CCs~ H

\~\
+

\ti\~ la
~ ~
"" +

\ \ \ \
Exemples de modifications de la chaÎne latérale en 17 des phytostérols

Formation des triterpènes

Les principes directeurs qui conduisent à l'élaboration des principaux squelettes


triterpéniques sont schématisés dans le tableau de la page suivante. Si bon nombre des
séquences proposées demeurent hypothétiques, elles sont toutefois rendues plausibles
par la possibilité de réaliser certaines des réactions proposées in vitro en milieu acide, '
biomimétiquement. Qui plus est, un certain nombre d'expériences avec des éléments
marqués - entre autres avec de l'acétate doublement marqué au J3C - ont été
réalisées: elles démontrent la validité de plusieurs des mécanismes proposés.
Les modifications secondaires des triterpènes sont assez limitées: hydroxylations
supplémentaires, insaturations, fonctionnalisation des méthyles angulaires,.'
lactonisations sont les plus usuelles (voir plus loin: saponosides). Une exception est .:
constituée par plusieurs familles de Rutales (Rutaceae, Meliaceae, Simaroubaceae, .
Cneoraceae) chez lesquelles le squelette tétracylique initial peut être profondément,
remanié: oxydation, ouverture-recyc1isation, élimination de la chaîne, etc. (voir p. 915'
et suivantes).

BIBLIOGRAPHIE

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Xu, R., Fazio, G.C., et Matsuda, S.P. (2004). On the origins of triterpenoid skeletal diversity, PhytochemistrYi ,
65,261-291.
TRITERPÈNES ET STÉROÏDES: GÉNÉRALITÉS 807

HO

/
HO

~-amyrine
(poursuite
OLEANANES
réarran ent
(2 migrations 1,2)

o
friedeline taraxastérol a-amyrine
FRIEDELANES TARAXASTANES URSANES
(3 migrations 1,2)

Interconversions dans la série des


triterpènes pentacycliques (exemples)

HO
multiflorénol
TERPÉNOÏDES
808

protostane cucurbitane phytostérols

cycloartane cholestane stigmastane, campestane

solanidane
/ prégnane

spirostane (0), cardanolide conanine


spirosolane (N)
Principaux enchaÎnements stéroïdiques
de base rencontrés chez les végétaux
Saponosides

1. Introduction ......................................................................................................................... 81 0
2. Structure des saponosides ................................................................................................... 810
A. Structure des génines ...........................................................................................811
B. Structure des hétérosides ......................................................................................814
3. Extraction, caractérisation, dosage .....................................................................................815
4. Propriétés biologiques et pharmacologiques ..................................................................... 819
5. Matières premières pour l'hémisynthèse des stéroïdes .....................................................822
A. Sapogénines .......................................................................................................... 823
B. Autres matières premières .................................................................................... 825
C. Conversion des matières premières en stéroïdes d'intérêt thérapeutique ........... 827
6. Principales plantes à saponosides ......................................................................................829
A. Plantes à saponosides principalement anti-inflammatoires ................................ 829
réglisse ................................................................................................... 829
marronnier d'Inde .................................................................................834
B. Plantes à saponosides utilisables en phlébologie et proctologie ......................... 837
fragon ..................................................................................................... 837
ficaire ..................................................................................................... 840
C. Plantes à saponosides utilisables dans le traitement de la toux ..........................841
polygala .................................................................................................841
lierre ....................................................................................................... 842
primevère ............................................................................................... 844
D. Plantes à saponosides utilisables en dermatologie ..............................................846
hydrocotyle ...........................................................................................846
souci ....................................................................................................... 848
E. Plantes à saponosides « adaptogènes » ................................................................850
ginseng ...................................................................................................850
éleuthérocoque ......................................................................................855
810 TERPÉNOÏDES

F. Plantes à saponosides détergents ..........................................................................857


bois de Panama ..................................................................................... 857
saponaire ................................................................................................ 859
gypsophiles ....................................................................................... '" ..860
G. Autres plantes à saponosides ...............................................................................860
Chrysanthellum ..................................................................................... 861
luzerne ................................................................................................... 862
tepescohuite ..........................................................................................863
igname, « yam » ....................................................................................863
7. Bibliographie ...................................................................................................................... 864

1. INTRODUCTION

Les saponosides constituent un vaste groupe d'hétérosides très fréquents chez les
végétaux. Ils sont caractérisés par leurs propriétés tensio-actives: ils se dissolvent dans
l'eau en formant des solutions moussantes. C'est d'ailleurs sur leur tensio-activité
qu'est fondée l'utilisation multiséculaire de certaines plantes qui en renferment: la
saponaire (Saponaria officinalis L.) qui tire son nom du latin sapo, saponis (le savon) a,
pendant longtemps, constitué dans nos régions un détergent ménager d'usage courant
tout comme l'ont été, sous les tropiques, les fruits de divers « savons indiens » (sapo +
lndia ->Sapindus) : S. saponaria L., S. marginatus Willd. La plupart des saponosides
possèdent des propriétés hémolytiques et sont toxiques à l'égard des animaux à sang
froid, principalement les poissons. Ces propriétés n'étant pas communes à tous les'
saponosides, elles ne peuvent pas être prises en compte dans une définition de ces
composés: il est préférable d'en donner une description structurale, à défaut d'une'
définition chimique simple et non ambiguë 1•
Les saponosides retiennent l'attention aussi bien pour leur exploitation industrielle
- certains sont des matières premières destinées à l 'hémisynthèse de molécules'
médicamenteuses stéroïdiques - que pour leurs propriétés pharmacologiques.
Plusieurs plantes à saponosides sont utilisées par l'industrie pharmaceutique pour
l'obtention de formes galéniques, d'autres ont des applications en phytothérapie.'
L'industrie des cosmétiques exploite notamment leurs propriétés détergentes.

2. STRUCTURE DES SAPONOSIDES

Structuralement, les saponosides peuvent être classés en deux groupes selon


nature de leur génine :
- saponosides à génine stéroïdique, presque exclusivement présents chez
Angiospermae Monocotyledonae (Liliopsida) : Alliaceae (Allium), Agavaceae (Agave.

1. Outre le problème posé par la place à accorder aux « alcaloïdes » stéroïdiques, dire - sans
de précisions et comme le font un peu rapidement certains - que les saponosides sont des hèt,éro:SlCl~18.
à génine triterpénique ou stéroïdique reviendrait à considérer la plupart des stéroïdes végétaux
des saponosides ... (ce qui n'est pas le cas, ex. : cardénolides).
SAPONOSIDES 811

Yucca), Asparagaceae, Dioscoreaceae (Dioscorea). On en connaît toutefois chez les


Fabaceae (fenugrec), les Solanaceae (tabac) ou chez des Plantaginaceae (digitales);
- saponosides à génine triterpénique. De loin les plus nombreux, ils existent chez
quelques animaux marins et quelques Pteridophyta. Pratiquement inexistants chez les
Gymnospermae, on les rencontre, pour l'essentiel, chez les Angiospermae
Dicotyledonae (Magnoliopsida) : Araliaceae, Caryophyllaceae, Cucurbitaceae, Fabales,
Primulaceae, Ranunculaceae, Rosaceae, Sapindaceae, etc. On en connaît chez quelques
Poaceae : avénacines des racines des Avena, dont les feuilles élaborent des saponosides
à génine stéroïdiques tels que les avénacosides.
Hostettmann et Marston distinguent une troisième catégorie de saponosides, celle des
hétérosides d'amines stéroïdiques (solasolanes et solanidanes) qui, pour d'autres auteurs,
sont des alcaloïdes. Certes, ce ne sont biogénétiquement que des pseudo-alcaloïdes et, en
tennes de propriétés, leur comportement n'est pas sans rappeler celui des saponosides. Il
n'en demeure pas moins que l'origine de leur atome d'azote les rapproche d'autres
dérivés azotés du métabolisme terpénique que l'on s'accorde à considérer comme des
alcaloïdes (ex.: aconitine). Ils seront donc considérés, ici, comme des alcaloïdes (p. 1201).

A. Structure des génines

.génines stéroïdiques

Les génines stéroïdiques (c'est-à-dire les sapogénines) possèdent toutes un squelette


à 27 atomes de carbone qui comporte habituellement six cycles: les deux cycles E
(furanique) et F (pyranique) sont, formellement, la conséquence d'une cétalisation
intramoléculaire qui intervient après l'oxydation en C-16, C-22 et C-26 d'un précurseur
cholestanique. Compte tenu de la nature spiro du carbone C-22, on désigne couram-
ment ce squelette hexacyclique par le terme de spirostane. Dans les plantes fraîches, il
n'est pas rare que l'hydroxyle en C-26 soit engagé dans une liaison avec un ose, la
structure restant alors pentacyclique : on parle dans ce cas de furostane. Ce type de
structure ne peut exister qu'à l'état hétérosidique : son hydrolyse conduit spontanément
à un dérivé spirostanique. Les hétérosides spirostaniques sont principalement distribués
dans les bulbes, racines et graines.

\ ~""H

l " (:n:;
26 H
néosapogénine: 25 S·spirostane

spirostane

Squelettes et configurations
des génines stéroïdiques des
(
F 0

'oro"" (:n:;
""~""'" "< ",

fi
saponosides isosapogénine : 25 R-spirostane
!

l
812

~"'"

HO tigogénine HO smilagénine
fi H
125 R, H-5 al 125 R, H-5 ~1

HO sarsasapogénine HO yamogénine
H
1 25 S, H-5 ~1 [ 25 S, ,é\-5,6 1
H H

~""" ~"""
HO"".

HO
agigénine digitogénine
OH

Les variations structurales sont limitées:


- si le squelette hexacyclique comporte de nombreux carbones asymétriques,
la configuration du carbone C-25 peut varier, ce qui détermine l'existence de
séries: néosapogénines (25-S, le méthyle est axial) ou isosapogénines (25-R, le
est équatorial), La fusion des cycles B/C et CID est toujours trans, celle des cycles D
E est toujours cis et la configuration des carbones C-20 et C-22, respectivement S et
est également constante chez les sapogénines naturelles;
- la double liaison en 5,6 peut être conservée (ex. : diosgénine) ou réduite, ce
induit l'existence de dérivés à cycles AIE fusionnés en trans (H-5 a, ex. : UF,'JF,'-'UUi'''',
digitogénine) ou en cis (H-5 ~, ex. : smilagénine, sarsasapogénine);
- l'hydroxyle porté par le C-3 est constant, mais l'oxydation peut aussi ""'n",'",,'"
d'autres carbones: possibilité d'hydroxylation en C-l, C-2, C-5, C-6 et, plus rarementi
en C-17 ou C-24 chez les Asparagales (agigénine, convallagénine, c
cépagénine), en C-2 et/ou en C-15 chez les Plantaginaceae (ou Scrophulariaceae
gitogénine, digitogénine), ou encore en C-12 dans le cas des Agavaceae chez
cette oxydation se traduit le plus souvent par l'existence d'un carbonyle (ex.
hecogénine, manogénine);
SAI'ONOSIDES 813

- très exceptionnellement, on peut avoir une lactone (spirostan-26-ones, Solanum),


IIlle déméthylation (l8-norspirostanols, Trillium) ou encore la sulfatation d'un
hydroxyle de la génine .

• génines triterpéniques

Les sapogénines triterpéniques, comme la majorité des triterpénoïdes, sont issues de


ln eyciisation du (3S)-2,3-époxy-2,3-dihydrosqualène. Cette cyciisation conduit en
premier lieu aux dammaranes, molécules tétracyciiques qui existent à l'état d'hétérosides
dans des plantes comme le ginseng, ou, lorsqu'elle implique une conformation
différente du précurseur, aux cucurbÏtanes. Ceux-ci, également tétracyciiques, ont une
distribution restreinte (Cucurbitaceae principalement). Beaucoup plus fréquemment, le
composé tétracyciique de type dammarane n'est qu'un intermédiaire qui évolue vers
des squelettes pentacyciiques : oléananes, ursanes et lupanes qui peuvent eux-mêmes
subir quelques réarrangements comme cela a été détaillé au chapitre précédent (voir
p. 803 et 807 friedelanes, taraxastanes, glutinanes, etc.).
De fait, les sapogénines tri terpéniques de loin les plus nombreuses sont des
molécules pentacyciiques : oléanane (on dit aussi dérivés de la ~-amyrine), ursane (on
dit aussi dérivés de l'a-amyrine) et lupane sont les trois squelettes les plus communs.
30

HO

acide madécassique saikogénine F R =CH 3 : acide oléanolique


R =CH 20H : hédéragénine
R = CH 20H, OH 2~, 16a: acide polygalacique
R =CHO : gypsogénine
R =COOH , OH 2~ : acide médicagénique
R =COOH, OH 2~, 27 : presénégénine

HO

acide bétulinique

exemples de génines
R=H : protopanaxadiol
triterpéniques
abrusogénine R =OH : protopanaxatriol
814 TERPÉNOÏDES

Plus de 50 % des saponosides connus se rattachent à l'oléanane, en particulier à l'acide


oléanolique et à l'hédéragénine.
Les éléments structuraux qui caractérisent ces séries sont :
- l'existence habituelle d'une insaturation en C-12(l3);
- l'oxydation fréquente des carbones des méthyles en C-23 et C-28, mais aussi en '
C-30 (hydroxyméthyle, aldéhyde ou carboxyle);
-l'oxydation d'un plus ou moins grand nombre de carbones cycliques: C-2, C-7,
C-ll, C-15, C-16, C21, C-22. L'oxydation de l'un de ces hydroxyles en cétone n'est
pas rare (surtout au niveau du C-ll) et la polyfonctionnalisation peut entraîner, par
éthérification interne ou lactonisation, la formation de cycles supplémentaires. C'est le •
cas des 13~,28-oxydes, souvent isolés sous la forme artefactuelle d'un 12-én-28-ol;
- il peut arriver que la génine soit partiellement estérifiée, généralement par des
acides aliphatiques de faible masse moléculaire (aescine de la graine du
d'Inde, théasaponine, acides gymnémiques). Parlois, la génine dérive du lanostane, du
cycloartane (Passiflora, Abrus) ou d'un nortriterpène.

B. Structure des hétérosides

Les oses constitutifs des saponosides sont banals: D-glucose (Glc), D-galactose'
(Gal), L-arabinose (Ara), L-rhamnose (Rha), D-xylose (Xyl), D-fucose (Fuc) et,

26~
\ o~
~·D·Glc H

sarsaparilloside
H
bidesmoside de sarsasapogénine
(furostanol)
~·D·Glc

Exemples de structures
de saponosides

",

:\
li
acide primulique A •
J monodesmoside de la protoprimulagénine A

,~
(oléanane)
• D'après Hoslellmann et Marston (1995), op. cit.

mimonoside A
SAPONOSIDES 815

moins chez les saponosides triterpéniques, acide D-glucuronique (GlcA). Les amino-
sucres sont exceptionnels.
L'hétéroside peut ne comporter qu'un ose et une génine, mais cela n'est pas le cas le
plus fréquent. Généralement, la partie sucrée de l'hétéroside est constituée par un ou
deux oligosides, linéaires ou ramifiés (ou par un ose et un oligoside). La molécule peut
compter jusqu'à Il oses (3 à SIe plus souvent). Les oses et oligosides peuvent être liés à
la génine par une liaison de type éther ou par une liaison de type ester et, selon que la
molécule compte un ou deux chaînons saccharidiques, on dit qu'il s'agit d'un mono- ou
d'un bidesmoside.

Monodesmoswes. L'éthérification (c'est-à-dire la formation de la liaison osidique)


implique, classiquement, la fonction réductrice de l'oligoside et l'hydroxyle secondaire
normalement présent en position C-3, aussi bien chez les stéroïdes que chez les
Iriterpénoïdes : on parle alors de monodesmoside.

Bidesmosides. Fréquemment, la molécule comporte, en plus de l'ose ou de


l'oligoside fixé en C-3, une deuxième chaîne osidique liée à la génine par une liaison
ester avec le carboxyle en C-28 des génines triterpéniques : on parle alors de
IJidesmoside. Dans le cas des saponosides à génine stéroïdique, la deuxième chaîne
osidique, quand eUe existe, éthérifie l'hydroxyle porté par le carbone C-26 (hétérosides
dc furostanols). Les bidesmosides sont, et de loin, les saponosides les plus fréquents. Ils
sont facilement convertis, par hydrolyse, en monodesmosides.
Dans quelques cas, les oses et oligosides liés à la génine sont acylés par de petits
acides aliphatiques (C 2 à C6) ou par des acides cinnamiques (ex. : sénégines et onjisa-
ponines des Polygala spp., solidagosaponines). Ces esters forment, avec les hétérosides
de génines acylées évoquées ci-dessus, ce que l'on nomme parfois les esters de
saponines.
On connaît quelques tridesmosides, ainsi que des bidesmosides chez lesquels les
deux chaînes osidiques sont réunies par une double estérification sur un diacide
(tubeimoside 1). Dans de rares cas, la molécule, monodesmosidique, n'est pas un
hétéroside (éther), mais un ester: on parle alors d'acylglycoside monades mas ide (ex. :
asiaticoside). D'autres esters comportent un triterpène acide dont le carboxyle en C-28
est estérifié par un ose et l'hydroxyle en C-3 par un acide hexahydroxydiphénique. Ces
composés, isolés chez un Castanopsis sp. sont-ils des saponosides? Ils en sont sans
doute plus proches que des tanins hydrolysables. D'autres esters triterpéniques d'oses
sont estérifiés, eux aussi au niveau du C-3, par un séco-iridoïde ou par l'acide
sulfurique.

3. EXTRACTION, CARACTÉRISATION, DOSAGE

L'extraction et, surtout, la séparation des saponosides sont délicates. En effet, si les
saponosides sont souvent présents dans les plantes en quantité notable, c'est sous forme
de mélanges complexes. La forte polarité, la relative fragilité et les très faibles
différences structurales entre des constituants de masse moléculaire importante font
JEsculus hippocastanum L.
Si\PONOSIDES 817

qu'il est souvent long et difficile d'obtenir une molécule pure, intacte. De plus, ces
molécules cristallisent très mal, elles sont hygroscopiques et ne donnent que rarement
des points de fusion nets et sans décomposition.

Extraction. Les saponosides sont solubles dans l'eau et donc extractibles par ce
solvant, généralement à l'ébullition. Cela étant, si le milieu aqueux se prête bien à une
lyophilisation ultérieure, il est aussi favorable à 1'hydrolyse des bidesmosides. Il est
donc souvent préférable de recourir à des alcools (méthanol, éthanol) ou à des solutions
hydro-méthanoliques après délipidation préalable par l'éther de pétrole, 1'hexane voire
le chloroforme. Il peut s'avérer judicieux, pour inactiver les estérases généralement
présentes dans le matériau végétal, de mettre en œuvre un traitement initial approprié
(HCI dilué). En faisant varier les proportions d'eau et de méthanol, on peut espérer
obtenir spécifiquement mono- et bidesmosides. Les solvants polaires solubilisant de
Ilombreux composants, on a longtemps procédé, après l'extraction initiale, à un partage
entre l'eau et le n-butanol ; ce dernier solubilise les saponosides qui sont ensuite
précipités par addition au milieu d'un solvant tel que le dioxyde d'éthyle. Pour enrichir
les extraits en saponosides et opérer un préfractionnement, il peut être utile de recourir à
l'utilisation de résines (ex. : Amberlite XAD2®, Diaion HP20®. On peut aussi utiliser la
chromatographie d'exclusion sur gel.

Séparation. La séparation des saponosides est fondée sur l'utilisation des


techniques chromatographiques (colonnes « ouvertes », colonnes basse et moyenne
pression, chromatographie liquide, CCM-centrifuge, flash-chromatographie) sur sup-
ports classiques (silice, alumine, gel de dextranes réticulés) mais aussi sur phases
greffées, sur gels de polymères poreux, sur résines. Les techniques de chromatographie
à contre courant sont également utilisables, surtout la DCCC (= chromatographie à
contre courant de gouttelettes, technique au cours de laquelle les produits se partagent
entre une phase mobile cheminant sous forme de gouttes dans des tubes remplis d'une
phase liquide, non miscible, stationnaire). Pour les saponosides à génine acide, les
échangeurs d'ions sont utiles, sous réserve que les produits à séparer ne soient pas
sensibles aux variations de pH.
Il est exceptionnel qu'un produit pur soit obtenu en une seule étape: presque
toujours, il faut recourir à une succession de séparations chromatographiques sur des
supports différents pour parvenir au résultat escompté.

Caractérisation: indices. La capacité qu'ont les saponosides de provoquer la


rupture des membranes érythrocytaires a conduit plusieurs auteurs à proposer de
détecter leur présence dans une plante ou partie de plante et d'évaluer leur abondance
en mettant cette propriété en évidence: c'est la détermination du pouvoir hémolytique.
En général, on détermine la variation d'absorbance du surnageant d'une suspension
d'hématies après hémolyse par un saponoside ou une plante à saponosides. C'est sur ce
principe qu'était fondé l'essai décrit par la 1le édition de la Pharmacopée européenne
(1971). Selon celle-ci, l'indice hémolytique est égal à 30 000 x a/h, a et b étant
respectivement les quantités (en g) de standard et de substance testée nécessaires pour
obtenir l'hémolyse complète. L'activité du standard - mélange de saponosides extrait
818 TERPÉNOÏDES

de Gypsophila paniculata L. - est, par définition, de 30000. L'unité est la quantité en;
ml de sang de bœuf dilué au 1/50 qui est totalement hydrolysée par 1 g de substance.
L'inconvénient de la méthode est double: IOdes substances tensio-actives non sapono- ,
sidiques peuvent interférer et, 2 0 , certains saponosides ne sont que peu, voire pas, ,
hémolytiques (glycyrrhizine, sarsasaparilloside).
En France, l'arrêté du 7-11-1996 (art. 3) a maintenu en vigueur la détermination de ';
l'indice de mousse (Ph. fse, 10' éd., VA.A). Cet indice est le degré de dilution d'un i
décocté aqueux de la plante ou partie de plante qui, dans des conditions déterminées,
donne une mousse persistante. En pratique, cet indice est déterminé sur un décocté
obtenu par ébullition prolongée (30 minutes) de 1 g de plante dans 100 ml d'eau. On ,
opère dans une série de tubes calibrés, avec des dilutions croissantes de ce décocté. Les .
tubes sont agités: l'indice de mousse est la dilution de la plante dans le tube qui donne,
une hauteur de mousse égale à 1 cm après 15 minutes de repos. Remarquons que;
certains saponosides, notamment des bi- et tridesmosides, ne forment pas de mousse.
stable, et que quelques extraits végétaux, dépourvus de saponosides, peuvent mousser.
après agitation.

Caractérisation: réactions colorées. La caractérisation des saponosides (et des'


sapogénines), nécessaire pour s'assurer de l'identité des plantes et, le cas échéant, pOlit,
contrôler les étapes d'un procédé de séparation, peut faire intervenir des réactions,:
colorées, en particulier pour révéler les CCM. Bien qu'aucune ne soit strictement;
spécifique, on peut toutefois mettre en œuvre l'une des réactions suivantes (liste non"
exhaustive) :
- avec l'anhydride acétique en milieu sulfurique (réaction de LIEBERMANN). Les,.
colorations diffèrent selon que la génine est triterpénique (rose à rouge) ou stéroïdiqu~)
(bleu-vert) ; , ::
- avec la vanilline, l'aldéhyde anisique et d'autres aldéhydes aromatiques en milieu;
acide minéral fort. Il se forme des produits fortement colorés, résultant sans doute de la
réaction des aldéhydes avec les produits de déshydratation des génines ; l
- avec le trichlorure d'antimoine en milieu anhydride a c é t i q u e ; ,
- avec l'acide phosphotungstique ;
- avec le sulfate de cérium en milieu sulfurique .
.,..,) ,i,
~:'I Caractérisation: méthodes chromatographiques. La chromatographie sur couches:,
,JI
.Ii
minces est une méthode de choix, notamment pour le contrôle de routine de la qualité
des plantes à saponosides : CCM normale, CCM sur phase inverse, CCM à deux'
dimensions. Les plaques sont révélées par les réactions colorées évoquées a "
paragraphe précédent. Exemple de solvant de développement: chloroforme-méthanol:.
eau (65 : 35 : 10).
La chromatographie liquide est bien entendu une méthode de choix en dépit d '
l'absence d'un chromophore notable (à l'exception de molécules comme l'acid 1

glycyrrhétique). Il faut donc recourir à des gradients d'acétonitrile aqueux acidifié, s '
phase inverse, avec détection à des courtes longueurs d'onde. On peut aussi utiliser 1
couplage avec la spectrométrie de masse, particulièrement utile pour établir 1 ',
composition de mélanges complexes de structures inconnues. '
SAPONOSIDES 819

Dosage. Le dosage peut être colorimétrique (ex. : marronnier d'inde) ou, plus
l'ouramment, faire appel à la chromatographie liquide (ex. : réglisse, ginseng, petit
houx, etc.). Éventuellement, le dosage peut être spectrophotométrique après séparation
des constituants en CCM et élution des taches ou, directement, densitométrique.

Étude structurale. L'étude structurale des saponosides a beaucoup bénéficié du


développement de la spectrométrie de masse et de RMN : les techniques d'ionisation
douces (par exemple le bombardement par atomes rapides du produit incorporé à une
matrice, c'est-à-dire la FAB-MS) permettent de déterminer masse moléculaire aussi
bien que nature et enchaînement des sucres. La RMN du l3C fournit également des
données sur la génine, sur le mode de liaison, sur le nombre de carbones anomériques
(donc sur le nombre des sucres). Dans certains cas, la RMN 2D, l'analyse des figures de
corrélation obtenues par l'application de séquences multi-impulsionnelles et l'étude des
couplages homo- et hétéronucIéaires à longue distance ont permis de déterminer une
structure complexe sans procéder à l'hydrolyse. Celle-ci reste cependant couramment
pratiquée, conjointement à l'utilisation des méthodes spectrales non dégradatives :
hydrolyse alcaline des bidesmosides, hydrolyse acide (HCI) de la liaison osidique des
monodesmosides combinée à une étude chromatographique (CCM, chromatographie
liquide) des oses, hydrolyse après perméthylation, etc. (voir ouvrages et publications
spécialisées) .

4. PROPRIÉTÉS BIOLOGIQUES ET PHARMACOLOGIQUES

Les saponosides sont habituellement hémolytiques. Cette propriété est attribuée à


leur interaction avec les stérols de la membrane érythrocytaire. L'interaction induit une
augmentation de la perméabilité membranaire et un mouvement des ions: le sodium et
l'eau entrent, le potassium fuit, la membrane éclate, permettant ainsi la fuite de
1'hémoglobine. Les monodesmosides sont beaucoup plus hémolytiques que les
bidesmosides et l'activité décroît lorsque la chaîne osidique s'allonge.
Il n'est pas déraisonnable de penser que, in vivo, certains saponosides assurent la
défense du végétal, notamment contre l'attaque fongique: dans le cas du lierre, il a été
démontré que les feuilles renferment une enzyme capable d'hydrolyser 1'hédéra-
saponine C - un bidesmoside inactif - en a-hédérine, un monodesmoside fortement
antibiotique. On sait aussi que la résistance de l'avoine à l'infestation par certains
champignons est liée à la présence d'avénacines, esters de monodesmosides.
Cette activité à l'encontre des champignons est bien établie in vitro, aussi bien à
l'égard d'espèces phytopathogènes (saponosides de la luzerne) qu'à l'encontre de divers
Candida ou de dermatophytes : c'est le cas des saponosides du lierre ou de ceux de la
verge d'or. Cette activité est, sauf exceptions, le fait des monodesmosides; elle est
maximale lorsque la molécule comporte 4 ou 5 oses. Elle est sans doute la conséquence
de la réaction du saponoside avec les stérols membranaires du micro-organisme.
Souvent dépourvus d'activité antibactérienne, les saponosides sont parfois actifs, in
vitro, sur des virus (glycyrrhizine, saponosides de l'Anagallis arvensis L. ou du souci,
cyclamine).
820 TERPÉNOÏDES

Il n'est pas rare que des saponosides soient cytotoxiques (a-hédérine, astragaloside, .
gracilline, avicines, certains ginsénosides), voire même antitumoraux in vivo:
tubeimoside 1 de Bolbostemma paniculatum (Maxim.) Franquet (Cucurbitaceae),
saponosides de Crocosmia sp. (Iridaceae). D'autres molécules inhibent la formation de
tumeurs induites (par le benzanthracènerrPA, ou le virus d'Epstein-BarrrrPA).
Il est également assez fréquent que ces molécules aient une très forte activité
spermicide (il y a quelques années, il a été procédé à des essais de crèmes pour la voie
vaginale). L'activité est, assez logiquement, corrélée avec l'activité hémolytique.
Chez les homéothermes et par voie orale, la toxicité des saponosides est le plus'
souvent faible 2, leur absorption étant sans doute modérée pour une majorité d'entre
eux. Il n'en est pas de même lorsqu'ils sont administrés par voie parentérale.
La toxicité des saponosides chez les animaux à sang froid est connue depuis .
l'Antiquité. Elle explique l'emploi de certaines plantes pour attraper les poissons
(Serjania [Sapindaceae], Balanites [Zygophyllaceae], Schima [Theaceae], etc.). Des
doses voisines de 1 à 5 ppm sont généralement suffisantes pour faire éclater les capil-
laires branchiaux et, ainsi, interrompre respiration et équilibre osmotique. Dans les •
années 1980, c'est l'activité molluscicide des saponosides qui retenait l'attention. Celle-
ci, souvent très importante (elle est fréquemment de l'ordre de 1 mg/l), est le fait des
seuls monodesmosides. Certaines molécules sont particulièrement toxiques à l'encontre
d'espèces des genres Biomphalaria et Bulinus qui sont les points de passage obligés du .
cycle des schistosomes : les extraits des fruits de Phytolacca dodecandra L'Hérit.
(Phytolaccaceae) et de ceux de diverses Fabaceae (Swartzia sp., Tetrapleura sp.) ont
d'ailleurs été testés en Afrique en vue de leur utilisation éventuelle pour la désinfection
des eaux infestées, en complément de la chimiothérapie des schistosomiases. Encore·
faut-il, entre autres conditions, que l'ichtyotoxicité de ces produits soit minimale et que
leur innocuité à court et à long terme chez l'Homme soit établie.
Plusieurs plantes connues et utilisées pour leur effet anti-inflammatoire et anti-
œdémateux doivent ces propriétés à des saponosides : c'est vrai pour la racine de la
réglisse et la graine du marronnier d'Inde (pp. 829 et 834), ce l'est aussi pour des·
plantes de la médecine traditionnelle chinoise (Bupleurum 3 spp., Apiaceae). Des·
saponosides tels que ceux qui sont isolés de Solidago virgaurea L. (p. 296), Camellia
sinensis (L.) Kuntze (p. 1219) ou Sanicula europaea L. (Apiaceae) ont les mêmes

2. Notons que les saponosides sont tenus pour responsables (ou co-responsables) des photo- .
sensibilisations hépatogènes provoquées chez les moutons par di verses espèces appartenant aux genres
Agave, Bracchiaria, Narthecium, Panicum ou Tribulus. Les génines (diosgénine, yamogénine), .
isomérisées et glucuroconjuguées, cristallisent et obstruent les voies biliaires: il en résulte la rétention:
d'un métabolite de la chlorophylle à propriétés photodynamisantes (et peut-être hépatotoxique), la :
phylloérythrine. Cf. Flapyen, A. (1996). Do steroidal saponins have a role in hepatogenous photosensi;.
tization disease in sheep? Adv. Exp. Med. Biol., 405, 395-404.

3. BUPLEURUM, B. chinense DC., B. scorzonerifolium Willd., B.falcatum L., mais pas


B.longiradiatum Turcz., toxique (œnanthotoxine). Le Bupleurum est une plante de premier plan dans
les médecines orientales, aussi bien en Chine (chaihu) qu'au Japon (saiko). La racine, sédative;
analgésique et antipyrétique, est notamment utilisée dans le traitement des fièvres et des hépatites
infectieuses. Elle entre dans une association classique de la médecine Kampo - le sho-saiko-to - qui·
semble retarder l'apparition d'un hépatocarcinome chez des patients cirrhotiques. La racine renferme de
Si\PONOSIDES 821

propriétés. L'action peut avoir diverses origines (inhibition de la dégradation des


corticoïdes, interférence avec le métabolisme des médiateurs de l'inflammation, etc.).
Beaucoup de plantes à saponosides sont traditionnellement utilisées pour leurs
propriétés antitussives et/ou expectorantes. Le bois de lierre, les organes souterrains du
polygala, de la réglisse et de la primevère continuent d'être employés à cette fin, même
si le mécanisme de leur action demeure très mal expliqué: irritation locale des
muqueuses? C'est également une action irritante qui est mise en avant pour tenter de
justifier l'activité de certaines plantes sur l'élimination rénale de l'eau (mais nombre de
celles-ci contiennent aussi flavonoïdes, potassium et autres molécules potentiellement
actives). Certains auteurs suggèrent que les saponosides du Bacopa (<< brahmi »)
peuvent améliorer la mémoire: cela reste à démontrer 4 •
Parmi les potentialités des saponosides on notera enfin:
-les propriétés analgésiques des saponosides de Platycodon grandiflorum DC.
(Campanulaceae) ou de divers Dianthus (CaryophyIJaceae);
- l'influence des saponosides de la luzerne, du soja ou du bois de Panama sur
l'absorption intestinale du cholestérol: ils la diminuent en formant des complexes non
résorbables et, peut-être, en agissant indirectement sur la synthèse des acides biliaires à
partir du cholestérol;
- l'activité immunomodulatrice : activité mitogène in vitro des saponosides du
Mimosa tenuiflora, intérêt des quillayasaponines adjuvants de vaccins;
- l'activité cytoprotectrice de ginsénosides ou des saponosides des Bupleurum
contre les effets d'agents hépatotoxiques (CCI 4 , galactosamine, hépatocytes en culture).
Une remarque s'impose après cette énumération incomplète: nombre de ces
constatations ont été faites in vitro ou dans des conditions particulières (par exemple
pour les ichtyotoxiques ou les molluscicides). Qu'en est-il in vivo? Dans la plupart des

nombreux saponosides, les saikosaponines A et D étant pharmacologiquement les plus importantes.


Ces saponosides sont des fuco-glucosides de la saikogénine F et de la saikogénine G, c'est -à-dire
d'éthers-13,28 d'oléananes trihydroxylés 3~,16~,23 (saikogénine F) ou3~,16a,23 (saikogénine G). Ces
saponosides sont anti-inflammatoires, inducteurs d'une activité de type corticoïde, hypocholestéro-
lémiants, hépatoprotecteurs (CCI 4 et galactosamine).
Voir, entre autres: Ikegami, F, Sumino, M, Fujii, Y. et al. (2006). Pharmacology and toxicology of Bupleurum
root-containing Kampo medicines in clinicaluse, Hum. Exp. Toxicol., 25, 481-494.

4. Bacopa monniera L. (Plantaginaceae, ou Scrophulariaceae) est, pour la médecine ayurvédique,


un remède des troubles de la cognition, de la dépression, de l'épilepsie. La plante renferme de nombreux
saponosides, glycosides de la jujubogénine et de la pseudojujubogénine (bacosides, bacopasides,
hacosaponines). Selon des recherches indiennes, un extrait de Bacopa facilite l'apprentissage des rats et
s'oppose à l'amnésie induite par la scopolamine. Anticonvulsivant, il exerce chez ce même animal une
activité antidépressive et anxiolytique évaluée par les tests habituels. L'extrait,« modulateur de l'activité
cholinergique» (?) est antioxydant. A-t-il un intérêt chez l'humain? Si les auteurs indiens l'affirment sur
la base d'études et essais divers, les essais cliniques contrôlés conduits hors de l'Inde chez des
volontaires sains ont abouti à des résultats contradictoires, majoritairement en faveur d'une non activité
significative. Aucune évaluation de cette plante chez des sujets souffrant de troubles mnésiques ou
cognitifs n'a été publiée: rien ne justifie actuellement de l'employer à des fins thérapeutiques. Si
l'cxtrait ne semble pas toxique à COUlt terme, le risque à long terme, les possibles effets indésirables et le
risque d'interaction médicamenteuse sont inconnus.
l'our une revue, voir: Russo, A. et Borrelli, F. (2005). Bacopa monniera, a reputed nootropic plant: an
tlvcrview, Phytomedicine, 12, 305-317.
822 TERPÉNOÏDES

cas qui ont fait l'objet d'études chez l'animal, on a constaté que l'absorption intestinale
des hétérosides en l'état était très faible. Si la génine n'est pas en elle-même phannaco-
logiquement active, cela compromet la possibilité d'observer une activité importante.
Cette faible résorption intestinale a au moins un avantage: elle permet que la toxicité de
ces molécules fréquentes dans l'alimentation soit généralement négligeable per os.
En marge du problème - encore très peu étudié - de la pharmacocinétique des
saponosides, on peut penser que leur tensioactivité module l'absorption d'autres
molécules, qu'il s'agisse d'autres constituants de la plante (synergies en phytothérapie)
ou de médicaments (possibilités d'interactions ?) ; là encore, les données disponibles
sont parcellaires.
En dehors des potentialités pharmacologiques des saponosides, on note qu'ils
retiennent aussi l'attention pour les propriétés édulcorantes parfois intenses que
présentent certains d'entre eux. On connaît depuis longtemps celles de la réglisse et de
ses extraits - largement utilisés dans la formulation de boissons ou de confiseries -, .
on connaît moins bien celles d'autres saponosides : mogrosides et siaménoside des
fruits - ils sont utilisés au Japon - de Siraitia grosvenorii (Swingle) C. Jeffrey
(Cucurbitaceae), abrusosides des feuilles du jéquirity (= liane-réglisse = Abrus
precatorius L. [Fabaceae]), périandrines des racines de la réglisse du Brésil (Periandra,
dulcis Mart. [Fabaceae]), cyc1ocaryosides et ptérocaryosides des feuilles de Pterocarya "
paliurus Batal. (Juglandaceae), osladine du rhizome de la fougère-réglisse (Polypodium
glycyrrhiza D. Eaton [Polypodiaceae]). Comme la glycyrrhizine, ces composés ont un ,.
arrière-goût qui rend difficile leur utilisation comme substitut du sucre. Leurs structures
très différentes posent d'intéressants problèmes de relations structure/activité. Une
question tout aussi intéressante est posée par les curieuses propriétés des acides
gymnémiques du Gymnema 5 et des dammaranes des feuilles du jujubier et de l'arbre à
raisin (Ziziphus jujuba Miller, Hovenia dulcis Thunb., [Rhamnaceae]) : ces molécules:
annulent la perception du goût sucré.

5. MATIÈRES PREMIÈRES POUR L'HÉMISYNTHÈSE DES STÉROïDES,

Les premières hormones utilisées en thérapeutique furent extraites d'


animaux (ovaires, testicules) ou d'urine, mais la teneur très faible imposait

5. GYMNEMA. Gymnema sylvestre (Retz.) R. Br. ex Schultes (Asclepiadaceae) est une


tropicale (Inde, Chine) dont les feuilles sont considérées comme antidiabétique par la me'Clecmo,
ayurvédique (ce que tendent à confirmer des études chez les rongeurs et des observations
l'Homme). Ces feuilles ont la propriété de supprimer le goût sucré du saccharose ou de la sac:ch~m~ltI1
Elles doivent cette activité particulière à un mélange complexe de saponosides, glycosides
stéréoisomère en C-4 et C-16 de l'rescine, la gymnagénine. La feuille renferme aussi un
composé de 35 acides aminés (la gurmarine) qui interfère avec la perception du sucré chez le
est sans effet chez l'Homme. En ce qui concerne le contrôle de la glycémie, aucun essai versus
en double aveugle ne confirme la réputation de cette plante. Le Gymnema est assez souvent'
- en particulier au Japon et aux États-Unis - dans des produits (infusions, capsules, etc,)
comme susceptibles d'aider au contrôle de la prise de poids.
Cf. : Porchezhian, E. et Dobriyal, R,M. (2003). An overview on the advances of Gymnema
chemistry, pharmacology and patents, Pharmazie, 58, 5-12.
Si\PONOSIDES 823

manipulations longues et coûteuses. Rapidement, les acides biliaires apparurent plus


intéressants puis, en 1939, fut mise en évidence, à l'Université d'État de Pennsylvanie,
la présence d'une quantité importante d'un précurseur - la diosgénine - dans une
dioscorée mexicaine. La mise au point simultanée d'un processus de dégradation de ce
précurseur permit le démarrage d'une production industrielle. L'intérêt de ce type de
composé se trouva amplifié, dès 1949, par la possibilité d'hydroxyler spécifiquement la
progestérone par voie microbiologique. Depuis, le catalogue des stéroïdes s'est
considérablement élargi et les besoins n'ont cessé de croître. À l'heure actuelle, la plus
grande partie des stéroïdes produits par l'industrie pharmaceutique et utilisés comme
contraceptifs ou en thérapeutique (anti-inflammatoires, androgènes, œstrogènes,
progestagènes) est obtenue par hémisynthèse à partir de substances naturelles:
phytostérols, saponosides, cholestérol, acides biliaires. La synthèse totale, longue et
coûteuse, semble plutôt réservée à certaines séries.
Si la diosgénine produite au Mexique a été pendant longtemps la principale matière
première exploitée pour l'obtention de stéroïdes, des variations brutales de prix ont fait
régresser son utilisation au profit d'autres sources, synthèse totale comprise. Puis,
l'arrivée sur le marché d'autres producteurs de diosgénine (Chine) a de nouveau
modifié l'équilibre entre les différentes sources possibles. Nous indiquerons ci-dessous
les sources exploitables, sans pouvoir préciser leur importance respective mais en
soulignant que les stérols des insaponifiables (ex. : stigmastérol de 1'huile de soja)
occupent une position dominante. (Mais ce qui est valable pour une grande entreprise
nord-américaine ne l'est pas en République Populaire de Chine: dans les années 1990,
la première privilégiait le stigmastérol, la seconde valorisait les dioscorées ou la
tigogénine de certains Agave spp. [Agavaceae]).
D'autres voies s'ouvrent peut-être: l'introduction de gènes remaniés adéquats dans
S. cerevisiae et sa reprogrammation ont conduit en 2003 à la (bio)synthèse totale de
l'hydrocortisone par cette levure à partir de simples sources de carbone et d'oxygène (D.
Pompom; cf. : Szczebara et al., dans la bibliographie [généralités]).

A. Sapogénines

Les sapogénines ont été les premières molécules à être exploitées. Diosgénine -
toujours utilisée - , hécogénine, smilagénine et sarsasapogénine sont les plus
intéressantes.

Sources de diosgénine

.DIOSCORÉES, Dioscorea spp., Dioscoreaceae

Le genre Dioscorea comprend environ 600 espèces, souvent tropicales. Plantes


herbacées à tiges volubiles, vivaces par des racines tubérisées parfois volumineuses, les
dioscorées ont des feuilles cordées, acuminées. Les fleurs sont petites, unisexuées,
trimères.
La plupart des espèces ont un tubercule amylitère : D. batatas Decne., D. esculenta
(Lour.) Burkill, D. alata L. et autres espèces constituent les ignames, largement
824 TERPÉNOÏDES

consommées (après cuisson) dans les régions tropicales du globe. Certaines espèces
renferment des alcaloïdes issus du métabolisme de l'acide nicotinique. Beaucoup
renferment une quantité variable de saponosides à génine stéroïdique. Seules les
espèces ayant une teneur en saponosides supérieure à 2 % peuvent avoir un intérêt·
industriel. On peut utiliser des espèces de l'Amérique centrale: D. composita Hemsl.,
D.floribunda M. Martens. & Galeotti, D. mexicana Gill., D. spiculiflora Hemsl. ainsi
que des espèces indiennes (D. deltoidea Wall.) et des espèces chinoises (D. zingi- .'
berensis C.H. Wright, D. panthaica Prai & Burk.).
La récolte des tubercules sauvages est possible mais elle est très réglementée et tout'
à fait insuffisante. La culture des dioscorées n'est pas particulièrement difficile: elle
nécessite un sol propre, bien drainé et, compte tenu du caractère lianescent de ces
espèces, des supports adaptés (bambous, treillis métalliques). Les tubercules atteignent
une taille suffisante pour la récolte après deux ou trois ans. La récolte prend place à la
chute des feuilles. Rendement moyen: dans le cas de D.floribunda, il est de 16-18 :
tonnes de tubercules par hectare, soit environ 500 kg de diosgénine.

Extraction de la diosgénine

Dans les tubercules, la diosgénine existe sous la forme de dioscine et/ou


d'hétérosides voisins (gracilline), triosides comprenant respectivement deux molécules i
de L-rhamnose et une de D-glucose (dioscine) ou deux molécules de D-glucose et une,
de L-rhamnose (gracilline). Certaines espèces renferment des hétérosides à génine un:;
peu différente (ex. : colletisides, hétérosides de la yamogénine ou néodiosgénine).
Le processus extractif débute habituellement par un traitement en milieu acide;
minéral qui provoque l'hydrolyse des hétérosides. Après filtration, la fraction insoluble
est neutralisée, lavée et traitée par un solvant apolaire (ex. : éther de pétrole, toluèneY:
qui extrait la diosgénine. Un autre procédé fait précéder l'hydrolyse acide par une:
fermentation de 48 à 72 heures des tubercules frais et un séchage. Lors de l'hydrolysè\
acide, les conditions seront telles que la formation d'un diène 3(4), 5(6) par
déshydratation soit évitée. .
H
.1
o p_ --1. ",." .'
J
,"
z;..;::::J J.

~il
1

diosgénine HO hécogénine

Autres sources potentielles de diosgénine

Plusieurs espèces végétales pourraient, dans un contexte économique approprié'


constituer des sources de matières premières utilisables dans l'industrie des stéroïdes. i
C'est le cas d'une Zingiberaceae de l'Inde, Costus speciosus (Koenig) Smith, c'es
celui des fruits d'une Zygophyllaceae (Balanites œgyptica (L.) Delile), c'est surtou
celui du fenugrec (Trigonellafœnum grœcum L., Fabaceae) qui, outre la teneu
Si\PONOSIDES 825

appréciable de ses graines en saponosides à génine stéroïdique, présente l'avantage


d'avoir un cycle de culture court se prêtant à une culture annuelle combinée (ex. : maïs-
fl:l1ugrec). Il renferme également d'autres constituants (protéines, lipides) qui
pourraient être valorisés sous réserve que le processus de récupération des saponosides
IJe les dégrade pas (extraction hydrolysante des graines délipidées).

Sources d'hécogénine

• AGAVES,
Agave sisalana Perrine, A.fourcroydes Lemaire, Agavaceae

L'hécogénine est une génine qui se différencie de la précédente par l'absence


d'il1saturation en 5(6) et la présence d'un groupe oxo en C-12. C'est d'ailleurs cette
oxydation du noyau C qui, en facilitant l'accès à des molécules stéroïdiques substituées
Cil C-ll, a contribué à l'intérêt porté pendant un temps à cette génine. La molécule est
présente - sous forme d'hétéroside - dans les feuilles des agaves, plantes à feuilles
souvent épineuses, charnues, disposées en bouquets et à très grande hampe florale
apparaissant après plusieurs années. En général, la plante ne survit pas à la floraison.
Les agaves sont principalement cultivés en Afrique de l'est (Tanzanie, Kénya) pour
l'obtention de fibres (sisal). Les « jus» obtenus à partir des feuilles lors de la
décortication qui permet de séparer le sisal sont soumis à une fermentation prolongée
puis à un traitement sous pression qui achève l'hydrolyse. Les boues insolubles sont
filtrées et séchées: elles contiennent l'hécogénine et les autres génines habituellement
présentes dans ce type de matière première (tigogénine). L'hécogénine ne semble plus
IIvoir d'intérêt économique dans les pays occidentaux.

Sources de smilagénine et de sarsasapogénine

Ces génines sont constitutives des saponosides présents (1-3 %) dans les racines de
diverses espèces du genre Smilax (Smilacaceae). Les espèces potentiellement utilisables
proviennent de l'Amérique centrale (S. aristolochiaefolia Miller, S. regelii Killib &
Morton) ou du nord de l'Amérique du Sud (S.febrifuga Kunth.). On retrouve des
saponosides du même type dans diverses espèces du genre Yucca, Agavaceae de
l'Amérique centrale et du sud des États-Unis d'Amérique qui ne semblent pas
6:onomiquement intéressantes (sur les yuques, voir la note 17, p. 861).

B. Autres matières premières

Stérols. La principale source de phytostérols actuellement exploitée est


l'insaponifiable de l'huile de soja (Glycine soja Siebold & Zucc., Fabaceae). Ce sous-
produit renferme du stigmastérol et du sitostérol. Après extraction et purification, ces
stérols sont transformés par voie microbiologique en stéroïdes d'intérêt pharmaceutique:
l'élimination de la chaîne latérale conduit directement à des dérivés androstaniques.
D'autres sources de stérols peuvent, le cas échéant, être exploitées: huile de graine
de coton (le sitostérol y est très largement majoritaire), taU-oil (résidu du traitement
826 TERPÉNOÏDES

alcalin des bois de résineux pour l'obtention de la pâte à papier), matières cireuses de la
canne à sucre.

Alcaloïdes stéroïdiques de type spirosolane. Ces glycoalcaloïdes stéroïdiques sont


caractéristiques des Solanaceae, principalement du genre Solanum. Il en existe deux
groupes. Le premier, celui des spirosolanes, est structuralement très proche des
saponosides du type diosgénine : noyau hexacyclique à 27 atomes de carbone,
enchaînement spiroaminocétalique (l'atome d'oxygène est remplacé par un atome
d'azote; il n'est d'ailleurs pas rare que la même plante renferme simultanément
saponosides spirostaniques et spirosolanes). La solasodine (génine de la solasonine) est
l'équivalent azoté de la diosgénine. Dans les alcaloïdes du deuxième groupe, celui des
solanidanes, l'atome d'azote est inclus dans un noyau indolizidine (ex. : solanidine, .
génine de de la solanine).
Comme les saponosides, ces composés peuvent constituer une matière première
intéressante pour l'hémisynthèse de stéroïdes. Les espèces exploitables appartiennent
au genre Solanum : S. aviculare Forst. (feuille), S. laciniatum Ait. et S. khasianum
Clarke (fruit). L'extraction de ce type de composé tient compte à la fois de leur.
caractère hétérosidique (extraction alcoolique) et de leur caractère alcaloïdique : .
insolubilisation de la génine par alcalinisation.

Autres composés stéroïdiques : matières premières d'origine animale. Deux sources·


sont disponibles: la bile des animaux de boucherie pour les acides biliaires en C24 ,
(acide cholique, acide désoxycholique) et les graisses de ces mêmes animaux pour le
cholestérol.

t;::J"'" Principe de l'élimination des cycles


E et F de la diosgénine

HO

l~~'tt5:~~'OH AcO

OAc
* en 3: DAc diosone acétate de déhydroprégnénolone
Si\PONOSIDES 827

OH
Schéma (simplifié) des interconversions
possibles en série stéroïdique
La plupart sont la résultante o
de biotransformations

IACO
1 acétate de déhydroprégnénolone
o

OH

-N 0 0
1
OH

AcO 0 0
acétate de déhydro-
prégnénolone oxime progestérone hydrocortisone

l OH

AcO o
testostérone

phytostérols androstadiènedione estrone

C. Conversion des matières premières en stéroïdes


d'intérêt thérapeutique
Cet aspect de la chimie des stéroïdes ne relève pas de la phytochimie : il est
habituellement envisagé dans les ouvrages de chimie thérapeutique ou de chimie
organique_ Le schéma ci-contre et le tableau ci-dessus résument - très schémati-
quement - les principales étapes qui permettent l'obtention d'un squelette en C2l et qui
l'onduisent aux intermédiaires clés de la synthèse de ces molécules. L'utilisation de
lllicro-organismes, en raccourcissant les processus, en créant des conditions
expérimentales douces et en permettant une stricte stéréospécificité, a considérablement
facilité l'accès à toutes ces molécules.
..:,;,.;1
. 1

Glycyrrhiza glabra L.
SAPONOSIDES 829

6. PRINCIPALES PLANTES À SAPONOSIDES

A. Plantes à saponosides principalement anti-inflammatoires

.RÉGLISSE, Glycyrrhiza glabra L., Fabaceae

La racine de réglisse est constituée par la racine et les stolons séchés, entiers ou
coupés, mondés ou non, de G. glabra L. et/ou de G. inflata Batalin et/ou de G.
uralensis Fischer. Elle contient au minimum 4 % d'acide glycyrrhizique (Ph. eur., 6'
éd., [01/2008:0277]).
La racine de réglisse sert à préparer l'extrait fluide éthanolique titré de réglisse,
titré entre 3 et 5 % d'acide glycyrrhizique (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:1536). La
Pharmacopée décrit également le glycyrrhizate d'ammonium (01/2008:1772),
mélange des isomères 18a et 18~ (majoritaire).

La plante. La réglisse est une plante vivace, à tiges dressées (1-1,5 m), striées,
garnies de feuilles alternes, composées, imparipennées à 7-17 folioles entières. Les
inflorescences - des grappes dressées - sont composées de fleurs de teinte lilas plus
ou moins foncé. Le fruit est une petite gousse aplatie (l,5-2,5 cm), étranglée entre les
graines.

La racine. La racine et les stolons de la réglisse ont une odeur et une saveur
typiques. La racine est peu ramifiée. Les stolons, cylindriques, peuvent atteindre
plusieurs mètres. Ils sont habituellement coupés en fragments de longueur variable et
d'un diamètre de 1 à 2 cm. Comme la racine, ils ont une écorce gris-brun, striée
longitudinalement. Leur cassure, grenue et fibreuse, fait apparaître: un suber mince,
une écorce interne épaisse, jaune clair et striée radialement et un cylindre ligneux
compact, jaune, rayonné. Les stolons se différencient des racines par la présence d'une
mœlle centrale. La racine mondée est dépouvue de la partie externe de l'écorce.
L'examen microscopique de la poudre (hydrate de chloral) révèle la présence de
fragments de fibres jaunes, allongées (700-1200 x 10-20 !lm), à parois épaisses et à
lumen ponctiforme, souvent accompagnées de files de cellules cristallifères à prismes
d'oxalate de calcium (10-35 x 2-5 }lm). On remarque également la présence de
vaisseaux du bois dont les parois, jaunes, lignifiées, présentent des ponctuations
aréolées avec fente. L'absence de fragments de suber caractérise la racine mondée.
Examinée dans un mélange d'eau et de glycérol, la poudre présente de nombreux grains
d'amidon simples, arrondis ou ovales, mesurant de 2 à 20}lm de diamètre.
On vérifie, par CCM et après hydrolyse chlorhydrique et extraction (dioxyde
d'éthyle) de la poudre de racine, la présence de l'acide glycyrrhétique (UV) et celle de
l'isoliquiritigénine (aldéhyde anisique). L'acide glycyrrhizique (= glycyrrhizine) est
dosé par chromatographie liquide après extraction par une solution d'ammoniaque.
Traditionnellement, les différentes variétés de réglisse (d'Espagne [typica Regel &
Herder], de Russie [glandulifera Waldst. & Kit.] , de Perse [d'Iran, de Turquie, violacea
Boiss.]) proviennent de plantes sauvages et de cultures qui sont souvent « semi-
sauvages» au Proche-Orient (Irak, Syrie), en Afghanistan, etc. L'Espagne a cultivé la
830 TERPÉNOÏDES

réglisse depuis plusieurs siècles. Le marché mondial (environ 40 000 tonnes par an) est
approvisionné en racines et/ou en extraits par l'Espagne, la Turquie, l'Irak, la Syrie, la
Russie. La réglisse en provenance d'Orient est surtout fournie par G. uralensis Fischer
(gan cao, réglisse de l'Oural, réglisse de Sibérie) et par G. inflata (zhang guo gan cao),
largement cultivées en République Populaire de Chine et en Mongolie. États-Unis
d'Amérique et Royaume-Uni sont actuellement les plus gros importateurs.
Plusieurs présentations commerciales sont disponibles: réglisse en bâtons (on peut
encore en trouver dans les officines et sur les marchés), réglisse en sorte, racine brute
destinée à l'extraction, réglisse ratissée (pelée). L'extrait brut de réglisse (suc de
réglisse) est obtenu par décoction des racines préalablement lavées, filtration puis
concentration sous pression réduite. Il peut être en blocs ou en poudre.

Composition chimique des réglisses. À côté d'une forte proportion de sucres


(amidon, glucose, saccharose), d'arylcoumarines, de benzofuranes, de stilbénoïdes, de
stérols, etc., les racines des réglisses inscrites à la Pharmacopée renferment des
flavonoïdes et des saponosides auxquels on rapporte l'activité pharmacologique.
Les saponosides sont très majoritairement représentés par l'acide glycyrrhizique (ou
glycyrrhizinic acid, ou encore glycyrrhizine, terme qui pour certains serait « historique»
car désignant un produit impur, tel que le dosaient les anciennes méthodes). La teneur
en acide glycyrrhizique serait de 3 à 5 %, mais ce chiffre varie selon l'origine de
l'échantillon, certains auteurs citant des limites à 12, voire 14 % et plus (mais le résultat
est fonction de la méthode employée). Cette molécule est un monodesmoside qui, par
hydrolyse, libère deux molécules d'acide D-glucuronique et une molécule d'acide
glycyrrhétique (l8~-glycyrrhétique). Ce dernier est un acide carboxylique à squelette
oléanane caractérisé par la présence d'une cétone a,~-insaturée (ll-oxo [l12,13).
D'autres molécules de structure proche sont présentes dans les différentes espèces du
genre (licorice-saponines, uralsaponines, etc.)
De très nombreux flavonoïdes et isoflavonoïdes ont été isolés de G. glabra,
uralensis et inflata : flavanones (ex. : liquiritoside, rhamnoside et apioside de la liqui-
ritigénine, glabrol, etc.), chalcones (ex. : isoliquiritoside, apiosyl-isoliquiritigénine,

OR
?'

HO ?' OH ~

°
~OR

HOWO,,"'V
H 1
glycyrrhizine

~ 1 : isoliquiritigénine (R = H) et isoliquiritoside (R = glucose)


2 ° 2 : liquiritigénine (R =H) et liquiritoside (R =glucose)
SAPONOSIDES 831

Iicochalcones, etc.), rétrochalcones, flavones et flavanones (simples ou isoprénylées),


isoflavones (formononétine, glabrone, licoricone, etc.), isoflavanes (glabridine,
Iicoricidine, etc.), isoflavènes (glabrène). Les composés majoritaires (liquiritoside et
isoliquiritoside) sont en partie hydrolysés au cours du séchage (-> liquiritigénine et
isoliquiritigénine). Si les composés majoritaires sont communs aux trois espèces
retenues par la Pharmacopée européenne, certains composés minoritaires sont
spécifiques (ex. : glabridine et glabrène de G. glabra, glycycoumarine de G. uralensis).

Pharmacologie. Traditionnellement, la réglisse est présentée comme antitussive.


Pour certains, les pastilles de réglisse atténueraient le réflexe de toux en stimulant la
sécrétion salivaire (donc la déglutition).
L'extrait de réglisse exerce, expérimentalement, une activité anti-ulcéreuse
gastrique. Cette activité serait due à la glycyrrhizine et à sa génine mais, pour certains
auteurs, le suc de réglisse privé de glycyrrhizine conserve son activité anti-ulcéreuse,
d'où l'implication partielle postulée des flavonoïdes dans cette action (spasmolytiques?
inhibiteurs de la sécrétion ?). Le mécanisme de l'action demeure mal compris: l'effet
anti-inflammatoire, l'inhibition de la sécrétion acide et d'autres facteurs interviendraient.
On a aussi suspecté l'augmentation de la production de mucus, le rôle de l'activité anti-
oxydante et une inhibition d'He/icobacter pylori. Des substances hémisynthétiques
comme la carbenexolone (ou hémisuccinate de l'acide glycyrrhétique) ont été
développées à partir de l'acide glycyrrhétique. L'activité anti-ulcéreuse de cette
carbénoxolone serait notamment liée à une augmentation de la sécrétion du mucus et de
sa viscosité; malheureusement cette molécule n'est pas dénuée d'effets indésirables
(hypokaliémie, hypertension, œdèmes).
L'activité anti-inflammatoire de l'acide glycyrrhétique est mise en évidence sur
plusieurs modèles expérimentaux. Il est admis que cet acide triterpénique agit
indirectement en potentialisant les corticoïdes: il inhibe la désactivation du cortisol par
la Il ~-hydroxystéroïde-déshydrogénase-2 (le cortisol urinaire est significativement
augmenté en cas d'intoxication par la réglisse). On a également montré qu'il inhibe, in
vitro, la L'l4(5 ~Lréductase responsable de l'inactivation hépatique des hormones
stéroïdiques à enchaînement 3-oxo L'l4(5), d'où une plus grande disponibilité de ces
dernières. Son action inhibitrice concerne également la 3~-hydroxydéshydrogénase.
L'augmentation du cortisol au niveau du tissu rénal induit une activité
minéralocorticoïde normalement non exprimée du fait de son oxydation en cortisone
(voir ci-dessous: toxicité).
La réglisse, ses extraits et ses différents constituants présentent, du moins in vitro ou
sur des modèles animaux, de nombreuses autres propriétés: antimicrobienne et
antivirale, anti-hépatotoxique, immunostimulante et cicatrisante, anti-oxydante.
Certains composés de la racine sont des inhibiteurs de la tyrosinase, ce qui fait de la
réglisse un éclaircissant de la peau potentiel.
L'acide glycyrrhizique est édulcorant, 50 fois plus sucrant que le saccharose.

Évaluation clinique. Les emplois actuels de la réglisse en thérapeutique s'appuient


plus sur une longue tradition que sur une évaluation clinique fournie. L'efficacité de la
réglisse sur les troubles digestifs n'a pas été évaluée (en dehors d'essais concernant des
832 TERPÉNOÏDES

mélanges de plantes). Celle du suc sur l'ulcère se résume à un essai des années 1980 de
méthodologie sommaire et qui a mis en œuvre, versus cimétidine, un association du suc
avec des ... anti-acides.
L'intérêt de la réglisse en tant qu'adjuvant au traitement de l'hépatite C n'est pas
démontré par des essais rigoureux. Un patch à la réglisse semble plus efficace qu'un
placebo pour traiter les aphtes. De possibles effets sur l'eczéma n'ont pas été confirmés
de façon solide.

Toxicité. La réglisse est dépourvue de toxicité, aiguë ou chronique. Toutefois, une


consommation excessi ve 6 et prolongée de produits à base de réglisse (boissons
édulcorées au réglisse ou à base de concentrés, confiseries, pastilles médicamenteuses,
infusions, etc.), peut entraîner des troubles consécutifs à l'action minéralocorticoïde
exercée au niveau du tissu rénal par le cortisol qui s'accumule du fait de l'inhibition de
la 11~-hydroxystéroïde-déshydrogénase-2 par l'acide glycyrrhétique. La rétention
sodée, chlorurée et hydrique et l'excrétion accrue du potassium qui en résulte entraînent
l'apparition d'œdèmes, d'hypokaliémie, de troubles du rythme du cardiaque,
d'hypertension artérielle et de troubles de la contractilité musculaire. Les troubles
induits par la réglisse sont réversibles, mais une consommation régulière peut entraîner
une hypertension durable.
Dénué d'effet tératogène, mutagène ou cancérogène, l'acide glycyrrhizique
s'oppose à l'action d'agents mutagènes comme le benzo[a]pyrène. La consommation
régulière et en excès d'acide glycyrrhizique pendant la grossesse augmenterait la
fréquence des accouchements prématurés. Elle diminuerait le taux de testostérone.

Interactions médicamenteuses. La prise concomitante de médicaments hypo-


kaliémiants et de réglisse peut aggraver la perte potassique. En théorie, une interaction
est possible avec les corticostéroïdes et autres stéroïdes, y compris avec les cardénolides
dont la réglisse peut augmenter l'effet. La consommation régulière de réglisse est l'un
des facteurs possibles d'une absence d'effet d'un traitement antihypertenseur.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour les organes souterrains de réglisse, les
indications thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 10 dans le
traitement symptomatique de troubles digestifs tels que ballonnement épigastrique,
lenteur à la digestion, éructations, flatulence; 20 dans le traitement symptomatique de la
toux. En usage local, une indication est autorisée: traditionnellement utilisé (collutoire,

6. Il est difficile de définir la notion de consommation excessive, car il existe une grande
variabilité individuelle dans la susceptibilité à l'acide glycyrrhizique. Certaines personnes ont une
activité 11 ~-hydroxystéroide déshydrogénase-2 réduite (polymorphisme génétique 7).
Sont particulièrement concernés les consommateurs de boissons à base de concentrés (diabétiques,
sportifs, certains patients en cure de désintoxication alcoolique) et les amateurs de confiseries à base de
réglisse. Hypertension et insuffisance rénale favorisent J'intoxication.
La teneur en acide glycyrrhizique varie de 5 à 40 g/kg dans les confiseries (soit de 90 à 480 mg par
boîte selon la marque). Elle est de 23 g/l dans les concentrés liquides, de 0,5 g/l dans les boissons à
diluer (soit pour ces dernières une concentration finale de 65 à 100 mg/l de boisson préparée).
SAPONOSIDES 833

pastille) comme antalgique dans les affections de la cavité buccale et/ou du pharynx. La
Note Explicative énumère diverses précautions d'emploi: ne pas utiliser en cas
d'hypertension sauf avis médical; ne pas associer à un traitement corticoïde; dose
maximale: infusion, 8 g par jour (racines); extrait, 3 mg/kg d'acide glycyrrhizique par
jour; poudre, 5 g par jour. Tenir compte d'ingestion simultanée de réglisse (boisson,
confiserie 6). Aucune évaluation toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un
dossier « abrégé» d'AMM (poudre, racine pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-
alcooliques quel qu'en soit le titre).
La racine de réglisse peut être employée en nature: c'est souvent un aromatisant
dans les mélanges pour infusion. Elle est principalement utilisée pour la préparation
d'extraits: extrait fluide éthanolique titré de réglisse, suc de réglisse, extrait sec, etc.
utilisés en pharmacie comme aromatisants et pour leur activité propre.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BJArM précise que
la racine de la réglisse est utilisée en cas d'inflammation des voies respiratoires
supérieures et en cas d'ulcère gastroduodénal, l'action cicatrisante de l'ulcère ayant été
démontrée cliniquement. Posologie: racine, de 5 à 15 g par jour, soit de 200 à 600 mg
d'acide glycyrrhizique; suc, de 0,5 à 1 g par jour en cas d'infection respiratoire - de 1,5
à 3 g par jour en cas d'ulcère gastroduodénal. Contre-indications: troubles hépatiques,
cirrhose du foie, hypertension, hypokaliémie, insuffisance rénale sévère, grossesse.
Effets indésirables: effet minéralocorticoïde en cas d'usage prolongé. Interactions
médicamenteuses: la perte potassique due aux diurétiques thiazidiques peut être
augmentée; la réglisse peut accroître la sensibilité aux digitaliques. La durée du
traitement de doit pas dépasser 4 à 6 semaines sans avis médical. Il n'y a pas
d'inconvénient à utiliser la réglisse comme correcteur du goût jusqu'à une dose
quotidienne maximale de 100 mg d'acide glycyrrhizique.
Selon l'European Scientific Cooperative on Phytotherapy (ESCOP), l'extrait fluide
de réglisse (Pharmacopée) s'utilise à la dose de 5 à 15 ml par jour en plusieurs prises en
cas d'ulcère gastroduodénal et de gastrite, et à la dose de 1,5 à 5 ml en cas de toux ou
d'encombrement bronchique. La réglisse ne peut être utilisée chez l'enfant (de plus de
4 ans) que dans le traitement de la toux, sous forme de préparation aqueuse et avec une
posologie adaptée à la masse corporelle.
L'acide glycyrrhétique (= acide glycyrrhétinique = enoxolone [DCI]) est princi-
palement utilisé par voie locale pour ses propriétés anti-inflammatoires. Il entre dans la
composition de crèmes (protecteurs cutanés, crèmes solaires), de suppositoires (utilisés
en proctologie), et de préparations destinées au traitement des inflammations de la
cavité buccale. Selon l'indication thérapeutique, il peut être associé à un vasoprotecteur,
à un antibactérien, ou à un anesthésique local.
La réglisse est largement employée dans les industries du secteur agroalimentaire
qui apprécient, entre autres, son pouvoir sucrant et son rôle de renforçateur de goût. Elle
est notamment présente dans les boissons: apéritifs anisés avec ou sans alcool, sodas,
bières brunes, etc., ainsi que dans les produits de confiserie. L'étiquette doit mentionner:
a - « contient de la réglisse» (à la suite de la liste d'ingrédients, sauf si le terme
« réglisse» y figure déjà ou s'il figure dans la dénomination sous laquelle le produit est
commercialisé) pour les confiseries ou boissons dont la concentration de ces substances
(acide glycyrrhizique ou son sel d'ammonium) est ~ 100 mg/kg ou 10 mg/l;
834 TERPÉNOÏDES

b- « contient de la réglisse - les personnes souffrant d'hypertension doivent éviter


toute consommation excessive» (à la suite de la liste d'ingrédients ou à défaut près de la
dénomination) pour les confiseries dont la concentration en réglisse est 2: 4g/kg et pour
les boissons dont la concentration est 2: 50mg/l ou 2: 300 mgll pour les boissons
alcoolisées (adapté du Code de la consommation, article R. 112-9-1).
Gros emplois également dans l'industrie des tabacs: la grande majorité de la
réglisse importée par les États-Unis d'Amérique serait utilisée par celle-ci .

• MARRONNIER D'INDE, ./Esculus hippocastanum L., Hippocastanaceae

Les graines de cette espèce ornementale sont utilisées depuis la fin du XIX' siècle
en phlébologie et en proctologie. Elles font l'objet d'une monographie dans la dernière
édition de la Pharmacopée française (10 éd.).
C

La plante, la graine. Ce grand arbre (20-30 m) est caractérisé par de gros


bourgeons visqueux, par des feuilles composées palmées, 5-7 foliolées, longuement
pétiolées. Les fleurs, irrégulières et odorantes, à pétales blancs tachés de rose, sont
groupées en grappes de cymes. Le fruit est une capsule épineuse loculicide, assez
souvent monosperme. La graine, globuleuse ou ovoïde (0 = 2-4 cm), est pourvue d'un
tégument luisant, marron, marqué par une large tache blanchâtre correspondant au hile.
Le tégument séminal, blanc crème dans le marron non mûr, devient acajou au cours de
la maturation. Les cotylédons, charnus, huileux et amylacés, sont souvent soudés, avec
une ligne de suture plus ou moins visible. La saveur est âcre et amère.
L'identité de la graine est confirmée par la présence de flavonoïdes (réaction de la j
cyanidine). Une CCM d'un extrait à l'éthanol à 70 % met en évidence l'aescine (révé-
lation par l'aldéhyde anisique). Le dosage des saponosides est effectué par colorimétrie
(FeCI 3 en milieu acéto-sulfurique) après extraction par l'éthanol à 70 %.

Composition chimique
Les cotylédons de la graine, très riches en amidon (40-50 %) et autres sucres,
renferment des lipides (6-8 %), des hétérosides de flavonols, di- et triglycosides du
quercétol et du kaempférol, des cyclitols et des saponosides. Ces derniers représentent
jusqu'à 10 % de la masse des cotylédons. Les saponosides « totaux », connus sous le
nom d'aescine (= escine), sont un mélange de plusieurs hétérosides dérivés de deux
génines triterpéniques de la série de l'oléan-12(l3)-ène : la proto-aescigénine et le
baringtogénol-C (aescines Ia,b, Ha,b, III, etc.). Les deux génines sont polyhydroxylées
(en C-3, C-16, C-21, C-22, C-28 et, dans le cas de la proto-aescigénine, en C-24) et
leurs hydroxyles secondaires en C-21 et C-22 sont estérifiés par des acides aliphatiques
de faible masse moléculaire (acide éthanoïque, acide tiglique, acide angélique). La
liaison osidique s'établit entre l'hydroxyle en C-3 de la génine et l'acide D-
glucuronique d'un trisaccharide variable.
Les téguments de la graine renferment des proanthocyanidols, oligomères du (-)-
épicatéchol. Le procyanidol B-2, majoritaire, est accompagné d'autres dimères
monopontés (B-5) et dipontés (A-2, A-4 [4~ ->6], A-6, A-7 [4~ ->8]), différents entre
SAPONOSIDES 835

eux par leur 2' pontage, 2p ->5 ou 2p ->7. Les téguments renferment aussi des trimères
simples (monopontés : C-l) ou construits à partir d'une unité dipontée de type A (4P
->8, 2p ->7), les aesculitanins (A-D), ainsi que des tétramères (aesculitanins E-G).
L'écorce du tronc, particulièrement riche en tanins, renferme 2-3 % de coumarines
(esculoside, voir p. 313).

Ose =glucose, Hétérosides du marron d'Inde:


galactose, xylose formule générale

R1 =OH (protoescigénine)
~ OH
ou H (baringtogénol) OH
~---3
~~O
R2 =angéloyl, tigloyl,
a-méthylbutyryl,
~2
isobutyryl. ~

Pharmacologie. Les propriétés anti-inflammatoires, anti-œdémateuses et anti-


exsudatives de l'extrait de marron d'Inde et de l'aescine sont clairement mises en
évidence par l'expérimentation sur plusieurs modèles inflammatoires de type œdème de
la patte du Rat induit par des agents phlogogènes. Expérimentalement, l'activité de
l'extrait de marron d'Inde sur le tonus veineux - il l'augmente, par exemple sur la
saphène isolée de Chien - s'accompagne d'une action antiradicalaire et d'une action
au niveau des capillaires: renforcement de la résistance et diminution de la perméabilité
(induite, par exemple, par l'histamine ou la sérotonine chez le Rat). L'effet anti-
inflammatoire de l'aescine, surtout marqué dans la phase initiale de l'inflammation,
pourrait être liée à son action sur le réseau capillaro-veineux, ainsi qu'à une interférence
avec les enzymes Iysosomiales (in vitro, l'aescine exerce une activité anti-hyaluronidase
mais pas d'activité anti-élastase). Une action de type corticomimétique a également été
envisagée et l'on sait que l'intégrité surrénalienne est nécessaire à l'activité. Pour
d'autres auteurs, l'action de l'aescine sur le tonus veineux pourrait trouver son origine
dans une interférence de celle-ci avec la production de prostaglandines. Dans le cas des
extraits totaux, il faut aussi prendre en compte le rôle des proanthocyanidols dont on
connaît les propriétés au niveau des capillaires aussi bien que l'activité antioxydante et
inhibitrice d'enzymes impliquées dans la dégradation des protéoglycanes de
l'endothélium des capillaires et de la matrice extravasculaire (élastase, hyaluronidase).

Évaluation clinique. Une synthèse méthodique publiée en 2006 par la Cohrane


Collaboration a recensé 29 essais randomisés concernant un extrait standardisé de
marron d'Inde en monopréparation. Dix-sept d'entre eux, satisfaisant aux critères
minimaux retenus pour l'analyse, ont évalué cet extrait (soit de 50 à 150 mg/jour
d'aescine) chez des patients souffrant d'insuffisance veineuse. Chez 82 % des patients
inclus, l'insuffisance était peu ou moyennement prononcée (stades 1 et II). Dix essais
comparaient l'extrait de marron d'Inde versus placebo, 2 versus placebo et contention
836 TERPÉNOÏDES

élastique, 5 versus un autre traitement (hydroxyéthylrutoside [4], pycnogénol [1]). La


méta-analyse de 6 essais (502 patients) a montré que l'extrait de marron d'Inde diminuait
le volume de la jambe plus que le placebo (32 ml). De plus, l'extrait de marron d'Inde
réduisait, mieux que le placebo et de façon statistiquement significative, la douleur (6
essais), le prurit (4 essais), l'œdème (4 essais) et la circonférence de la cheville et du
mollet (5 essais). Il n'a pas été constaté de différence significative d'efficacité entre
l'extrait de marron d'Inde, les flavonoïdes et la compression (2 essais, 479 patients,
mais les conclusions de ces 2 essais sont discordantes 7). L'extrait de marron d'Inde a
été moins efficace que le pycnogénol pour réduire l'œdème (un essai).
La plupart des essais sont de petite taille, la qualité de certains est faible, divers
aspects sont peu évalués (notamment la compliance), la méthode de randomisation
rarement précisée et un biais de publication ne peut être exclu. Les auteurs de la
synthèse ont conclu à l'efficacité à court terme, et à la nécessité de disposer d'essais
plus rigoureux, de bonne puissance statistique, évaluant notamment l'effet à long terme
et l'intérêt en tant qu'adjuvant à la compression élastique.
L'atténuation constatée des symptômes de l'insuffisance veineuse chronique - du
moins dans les formes les moins sévères - peut, semble-t-il, être intéressante pour le
confort des patients.

Toxicité, effets indésirables, interactions médicamenteuses. L'aescine est toxique


par voie intraveineuse (hémolyse), beaucoup moins par voie orale (DLso = 100 mg/kg,
Rat). Sa toxicité chronique est faible, et elle est sans effet sur la reproduction, la fertilité
et le fœtus. Les effets indésirables relevés au cours des essais cliniques (14 essais) ont
été peu fréquents et mineurs (troubles digestifs, nausées, douleurs abdominales). Il n'a
pas été rapporté à ce jour d'interaction médicamenteuse.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour la graine et pour l'écorce de tige du marronnier
d'Inde, les indications thérapeutiques suivantes (par voie orale aussi bien qu'en usage
local) : traditionnellement utilisé 1° dans le traitement symptomatique des troubles
fonctionnels de la fragilité capillaire cutanée, tels que ecchymoses, pétéchies; 2° dans
les manifestations subjectives de l'insuffisance veineuse telles que jambes lourdes; 3°
dans la symptomatologie hémorroïdaire. Si le phytomédicament à base de marronnier

7. Dans l'essai le plus vaste, publié en 2000 (355 patients: marron d'Inde, 143; compression,
142; placebo, 70), la compression a été plus efficace que le placebo pour diminuer le volume de la
jambe de façon statistiquement significative (p < 0,01), alors que l'extrait de marron d'Inde ne l'a pas
été (p = 0,115). Il est intéressant de remarquer que lorsque c'est l'évolution des symptômes subjectifs
qui est évaluée, la différence (non statistiquement significative) est en faveur de l'extrait de marron
d'Inde ... L'analyse en sous-groupes a montré que la différence de réduction de volume est d'autant plus
grande en faveur de la compression que l'insuffisance veineuse est prononcée. Selon les auteurs qui ont
analysé ces deux essais, la non différence entre l'extrait de marron et la compression constatée lors du
premier essai publié en 1996 serait liée au fait que les patients inclus présentaient une insuffisance
veineuse légère (stade 1: dilatation des veines du pied, tendance à l'œdème) contrairement à l'essai de
2000 (stades II : troubles trophiques divers [284 patients] et IlIa : ulcère cicatrisé [71 patients])
[Ottilinger et Greeske, 2001, op. cit., voir p. 865].
SAPONOSIDES 837

est une poudre (de graine ou d'écorce de tige), le dossier « abrégé» d'AMM doit
comporter une étude toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour le
marronnier pour tisane, l'extrait aqueux, les teintures et les extraits hydro-alcooliques,
quel que soit leur titre.
Ces phytomédicaments sont, le plus souvent, des associations de la graine ou de son
extrait avec d'autres plantes ou avec leurs extraits (hamamélis, hydrastis, vibumum,
etc.). L'aescine entre actuellement dans la composition de spécialités destinées à la voie
orale (traitement des hémorroïdes) ou à la voie locale; topiques en phébologie, traite-
ment des aphtes et affections buccodentaires.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
la graine du marronnier est utilisée en cas de symptômes d'insuffisance veineuse
chronique (douleur et sensation de pesanteur des jambes, crampes nocturnes dans les
mollets, prurit et œdèmes des jambes). Posologie quotidienne: 100 mg, exprimés en
aescine (soit 2 fois 250 à 312,5 mg d'un extrait titré à 16-20 % d'aescine). La même
Commission E a estimé que les propriétés attribuées à lafeuille, à l'écorce et à lafleur
de marronnier ne sont pas démontrées et qu'elle ne pouvait pas en recommander
l'usage dans un but thérapeutique.
Au niveau européeen, le projet de monographie communautaire élaborée par
l'HMPC reconnaît un usage bien établi pour l'extrait sec (4,5-5,5,50 % éthanol-eau)
titrant de 16 à 20 % d'aescine. La proposition de posologie est, en cas d'insuffisance
veineuse chronique et après diagnostic médical, de 240 à 290 mg d'extrait (50 mg
d'aescine), deux fois par jour, pendant au moins 4 semaines. Cet extrait est réservé à
l'adulte et n'est pas recommandé chez la femme enceinte ou allaitante. Le projet de
monographie détaille également les formes, posologies et indications correspondant à
l'usage traditionnel (réf. EMEA/HMPC/2253 1912008, 4 septembre 2008).

B. Plantes à saponosides utilisables en phlébologie


et proctologie

.FRAGON (PETIT HOUX), Ruscus aculeatus L., Ruscaceae

Le petit houx est constitué par les organes souterrains entiers ou fragmentés
séchés de R. aculeatus. Il contient au minimum 1 % de sapogénines totales, exprimées
en ruscogénines (mélange de néoruscogénine et de ruscogénine) (Ph. eur., 6' éd. - 6.1,
[04/2008: 1847]).

La plante, les organes souterrains. Le petit houx est une plante ligneuse, vivace par
un rhizome, à tiges en touffes dressées robustes portant des cladodes, fausses feuilles
terminées par un aiguillon acéré. La fleur, verdâtre, est insérée au centre d'une petite
bractée, sur le cladode. Le fruit est une baie écarlate conférant aux rameaux une certaine
valeur décorative. La plante, très commune en Europe, est caractéristique des bois et
des taillis.
Le rhizome est formé de fragments noueux, ramifiés, articulés, jaunâtres, d'environ
5 mm d'épaisseur pour 5 à 10 cm de longueur. La surface est marquée d'anneaux
838 TERPÉNOÏDES

minces séparés les uns des autres, de 1-3 mm d'épaisseur. Le rhizome porte de
nombreuses racines longues et sinueuses.
L'examen microscopique des organes souterrains pulvérisés (hydrate de chloral)
montre en particulier des amas de scléréides aux cellules de formes variées, un
parenchyme aux parois fines contenant des raphides d'oxalate de calcium, des groupes
de fibres et de petits vaisseaux à ponctuations en fentes, et un endoderme de cellules
irrégulièrement épaissies.
Une CCM met en évidence les ruscogénines après reflux en milieu chlorhydrique et
extraction (CH2 Cl2 ). Les sapogénines sont dosées par chromatographie liquide après
extraction éthanolique en milieu alcalin, hydrolyse chlorhydrique et réextraction
(butanol).

Composition chimique. À côté de stérols, d'acides gras et d'oses, le rhizome de


petit houx renferme une très faible quantité d'huile essentielle, des dérivés
benzofuraniques et des flavonoïdes. Les composés auxquels est rapportée l'activité
pharmacologique sont des saponosides à génine stéroïdique qui peuvent représenter
plus de 6 % de la masse sèche. Les hétérosides principaux sont des hétérosides de la
ruscogénine (= l~-hydroxydiosgénine [un spirostènediol]) et de lanéoruscogénine
(= 25 (27)-déhydroruscogénine [un spirostadiénol]) : le rhizome renferme en fait les
quatre hétérosides correspondant aux formes spirostaniques et furostaniques de ces
deux génines, ruscoside, ruscine et dérivés d'hydrolyse partielle. Ils sont accompagnés
de dérivés sulfatés: ester sulfurique en C-l de la ruscogénine et ester sulfurique en C-l
d'un furost-5-ène trihydroxylé en C-l, C-3 et C-22. On y a également caractérisé les
aculéosides A et B, diglycosides vrais (diéthers en C-l et C-23 ou C-24) d'une génine
dihydroxylée en C-23 et C-24.

O~

ruscoside

'"."

HO
R =o-~-D-Glcp-(1->3)-o-a-L-Rhap-(1->2)-O-a-L-Arap-(1-»

Pharmacologie. La tradition attribue au petit houx diverses propriétés, en :


particulier une activité diurétique qui reste à démontrer. L'expérimentation, sur organes
isolés et sur l'animal, montre que l'extrait de fragon s'oppose à la distension du réseau;
veineux en surcharge. L'activité des saponosides, effectivement absorbés lorsqu'ils,
sont administrés par voie orale, serait pour partie liée à leur effet stimulant au niveau:
des récepteurs a-adrénergiques post-jonctionnels de la cellule lisse de la paroi,'
vasculaire et, pour une autre part, à leur action directe sur les fibres de la paroi veineuse. '
La contraction des veinules peut être obtenue par application locale; l'effet dépend de la
température.
SAPONOSIDES 839

Évaluation clinique, effets indésirables. Il n'existe que très peu d'essais cliniques
évaluant des monopréparations de petit houx. Un essai randomisé versus placebo et en
double aveugle, conduit pendant 12 semaines chez 166 patientes souffrant
d'insuffisance veineuse chronique, a été publié en 2002 en Allemagne. Au terme de
l'essai, l'extrait de fragon diminuait plus que le placebo le volume de la jambe, son
diamètre et celui de la cheville de façon statistiquement significative. Les symptômes
subjectifs étaient également améliorés. Plus d'une trentaine d'essais de qualité
méthodologique inégale ont été réalisés avec un mélange d'extrait de fragon,
d'hespéridoside-méthylchalcone et d'acide ascorbique: si ce mélange a une efficacité
réelle et modeste en tant que traitement des symptômes de l'insuffisance veineuse ou de
la crise hémorroïdaire, on ne peut pas préciser la contribution du petit houx à cet effet.
Toutefois, certains essais ont montré la supériorité du mélange sur la di os mine dans le
cas de certains symptômes. Les préparations à base de petit houx ne semblent pas avoir
été comparées à la contention élastique.
Le petit houx n'est pas connu pour induire des effets indésirables sévères. Ces
dernières années, les centres de pharmacovigilance français ont enregistré une douzaine
de cas de diarrhée chronique et de colite lymphocytaire consécutifs à la prise d'une
spécialité contenant (entre autres) du petit houx.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour les organes souterrains du petit houx, une seule
indication thérapeutique pour la voie orale et l'usage local: traditionnellement utilisé 1°
dans les manifestations subjectives de l'insuffisance veineuse telles que jambes lourdes;
2° dans la symptomatologie hémorroïdaire. Si le phytomédicament à base de petit houx
est une poudre d'organes souterrains, le dossier« abrégé» d'AMM doit comporter une
étude toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour le petit-houx pour tisane,
l'extrait aqueux, les teintures et les extraits hydro-alcooliques, quel que soit leur titre.
Des formes pour la voie orale associent un extrait de fragon à d'autres « veinoto-
niques» (marron d'Inde, viburnum, hespéridoside méthylchalcone, etc.) et/ou à l'acide
ascorbique; indications: traitement des symptômes en rapport avec une insuffisance
veineuse chronique Gambes lourdes, lourdeurs, impatiences du primodecubitus) et,
pour certaines de ces formes, traitement des métrorragies lors de la contraception par
microprogestatif et des métrorragies dues au port du stérilet, après leur exploration
clinique ou paraclinique; utilisées dans le traitement des signes fonctionnels liés à la
crise hémorroïdaire.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
le petit houx (rhizome et racine) est utilisé comme traitement adjuvant des troubles de
l'insuffisance veineuse chronique tels que douleur et lourdeur, crampes, prurit, œdème.
Il est aussi utilisé dans le traitement des douleurs hémorroïdaires. Posologie de
l'extrait: dose correspondant à 7 à Il mg de ruscogénines totales.
Au niveau européen, la monographie communautaire élaborée par l'HMPC liste des
indications tradionnelles identiques à celles de la Note de 1998 et précise la posologie:
350 mg de poudre de racine, 3 fois par jour. Elle fixe également la posologie des
différents types d'extraits possibles, par référence à une posologie quotidienne de 7 à
Il mg de ruscogénines. L'usage du fragon, réservé à l'adulte, n'est pas recommandé
840 TERPÉNOÏDES

aux femmes enceintes ou allaitantes. En cas de persistance des symptômes au-delà de 2


semaines, un professionnel de santé doit être consulté (réf. EMEA/HMPC/261938/
2007,4 septembre 2008).
Les ruscogénines et le ruscoside seuls ou associés (par exemple avec un anes-
thésique local), entrent dans la composition de suppositoires et de pommades indiqués
dans le traitement symptomatique des manifestations douloureuses et prurigineuses
anales, des syndromes fissuraires, en particulier dans la crise hémorroïdaire. Le
traitement doit être de courte durée et la persistance des symptômes doit conduire à un
examen proctologique .

• FICAIRE, Ranunculus ficaria L.


= Ficaria ranunculoides Roth., Ranunculaceae
La ficaire est constituée par la racine tubérisée de Ficaria ranunculoides (Ph. fse,
10' éd.).

La ficaire est une petite herbe vivace à feuilles ovales cordées et luisantes, à fleurs à
6-12 pétales à onglet d'un jaune brillant, s'épanouissant dès le mois de mars. La partie
utilisée est formée de tubercules charnus en forme de massue; elle est riche en amidon
(grains lenticulaires à hile excentrique et linéaire) et doit renfermer au moins 20 % de
« saponines brutes» déterminées par simple gravimétrie après extraction par l'éthanol à
80 %. L'essai comprend également l'analyse en CCM des saponosides - elle met en
évidence deux taches principales - et celle des génines qui ne montre qu'une tache
principale (acide oléanolique).

Composition chimique, propriétés. Structuralement, les saponosides de la ficaire


sont des hétérosides de l'hédéragénine et de l'acide oléanolique. Selon divers ouvrages
qui n'indiquent pas leurs sources, la plante renfermerait de la protoanémonine, une
lactone irritante de la peau et des muqueuses, formée par hydrolyse d'un précurseur
glucosylé, la ranunculine. De fait, la protoanémonine est inactivée par dimérisation
spontanée en anémonine. La pharmacologie de la ficaire n'a guère été explorée et
aucune étude clinique ne valide les indications traditionnelles qui lui sont attribuées.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour la racine tubérisée de ficaire, deux indications
thérapeutiques pour la seule voie locale: 10 dans les manifestations subjectives de
l'insuffisance veineuse telles que jambes lourdes et, 2 0 dans la symptomatologie
hémorroïdaire. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée pour la constitution
d'un dossier « abrégé» d'AMM (racine pour infusion, extrait aqueux et extraits hydro-
alcooliques quel qu'en soit le titre). La poudre de racine n'est pas utilisée de façon
traditionnelle.
La ficaire ne fait pas l'objet d'une monographie de la Commission E du BfArM
allemand.
SAPONOSIDES 841

C. Plantes à saponosides utilisables


dans le traitement de la toux

.POLYGALA DE VIRGINIE, Polygala senega L., Polygalaceae

La racine de polygala est constituée par la racine et la souche séchée et générale-


ment fragmentée de P. senega ou de certaines autres espèces apparentées ou d'un
mélange de ces espèces de Polygala (Ph. eur., 6° éd., [01/2008:0202]).

La plante, les organes souterrains. Le polygala de Virginie est une petite (20-30
cm) plante herbacée vivace à feuilles lancéolées sessiles, à épis serrés de fleurs blanches
irrégulières à sépales pétaloïdes de taille inégale. L'espèce senega est spontanée dans
l'est du Canada et dans les états du nord-est des États-Unis d'Amérique. L'espèce est
devenue rare mais d'autres sont utilisables: c'est en particulier le cas de la variété
latifolia Torr. & Gray, cultivée au Japon.
La souche, irrégulière, brun-gris, est prolongée par une racine de couleur jaune à
brun, simple ou multiple, d'une dizaine de centimètres de longueur et d'un diamètre de
1 mm à 8 mm au collet diminuant régulièrement vers l'extrémité. Cette racine est
généralement tortueuse, sans racines secondaires (sauf dans les variétés et espèces
japonaises riches en radicelles); elle est marquée par une crête longitudinale décurrente
en hélice étirée, plus ou moins distincte.
L'analyse microscopique de la coupe transversale de la racine permet de voir un
phelloderme dont les cellules contiennent des gouttelettes d' huile, un liber
particulièrement développé dans la région de la crête et, parfois, des structures
secondaires anormales formant un ou deux rayons cunéiformes dans le liber et le bois.
La poudre, examinée au microscope (hydrate de chloral) montre de nombreux
fragments, notamment du tissu lignifié à trachéides ponctuées, des cellules à gouttelettes
li' huile, etc. ; on note l'absence de cellules scléreuses et de cristaux.
La CCM des saponosides extraits par l'alcool à 70 % complète l'identification faite
par l'analyse de la poudre et de la coupe (révélation par l'aldéhyde anisique, puis par
l'acide phosphomolybdique).

o
HO

"'OH 0

OCH 3
sénégine III
OCH 3
842 TERPÉNOÏDES

Composition chimique. La racine de polygala est connue pour renfermer des


lipides, du salicylate de méthyle, des acides-phénols, des oligosaccharides et de 5 à
10 % de saponosides. Ceux-ci sont des hétérosides de la présénégénine, 01éan-12 (13)-
ène polyhydroxylé (2~, 3~, 27) et dicarboxylique (C-23, C-28). Les constituants
majoritaires sont des bidesmosides, les sénégines II, III (= onjisaponine B) et IV.
Glucosides en 3 de la présénégine, ils diffèrent entre eux par le nombre d'oses (4, 5 ou
6) de la chaîne osidique qui estérifie le carboxyle en C-28.

Pharmacologie, évaluation clinique. La pharmacologie du polygala a été assez peu


étudiée: une expérimentation chez le Chien montre que le sirop de polygala augmente
le volume de la sécrétion bronchique, peut-être par un mécanisme réflexe. Les
propriétés attribuées à cette plante n'ont, semble-t-il, fait l'objet d'aucun essai clinique
publié. Il n'a pas été rapporté d'effet indésirable pour le sirop de polygala.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour les organes souterrains du polygala, une seule
indication thérapeutique (voie orale) : traditionnellement utilisé dans le traitement
symptomatique de la toux. Si le phytomédicament à base de polygala est une poudre
d'organes souterrains, un extrait hydro-alcoolique de titre alcoolique> 30 % ou une
teinture, le dossier « abrégé» d'AMM doit comporter une étude toxicologique allégée.
Celle-ci n'est pas nécessaire pour le polygala pour tisane, l'extrait aqueux et les extraits
hydro-alcooliques de titre inférieur à 30 %. La Note précise que: « les espèces à podo-
phyllotoxine sont à exclure ».
Le polygala est généralement utilisé sous forme de sirop de polygala et, le plus
souvent, inclus dans des associations avec des substances ou des extraits végétaux
antitussifs (pholcodine, sulfoguaiacol, grindélia, etc.).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
la racine du polygala est utilisée en cas d'inflammation des voies respiratoires.
Posologie: racine (pour décoction) et extrait fluide, de 1,5 à 3 g par jour; teinture, de 2,5
à 7,5 g par jour. L'usage prolongé peut entraîner une irritation gastro-intestinale .

• LIERRE, Hedera helix L., Araliaceae

La feuille de lierre est constituée par les feuilles séchées, entières ou fragmentées
d'Hedera helix, récoltées au printemps. Elle contiennent au minimum 3 %
d'hédéracoside C (Ph. eur., 6c éd., [01/2008:2148]).

La plante, lafeuille. Cette plante très commune pousse jusqu'à 1200 m d'altitude
dans les bois, les haies et les rochers frais. Affectionnant les zones ombragées ou semi-
ombragées, le lierre grimpe en s'attachant sur les arbres ou les murs 8. Il possède des

8. L'adhésion sur le support mettrait en œuvre des nanoparticules sécrétées par les disques
adhésifs (et des liaisons faibles type liaison hydrogène). Cf Zhang, M., Liu, M., Prest, H. et Fischer, S,
(2008). Nanoparticles secreted from ivy rootlets for sUlface climbing, Nano Let/., 8, 1277-1280.
SAPONOSIDES 843

liges sarmenteuses couchées et radicantes ou grimpantes et munies de crochets. Les


rIeurs sont groupées en ombelles terminales. Les fruits sont des baies globuleuses
noirâtres cerclées vers le sommet.
Les feuilles, coriaces et cordées à la base, ont un limbe palmatilobé comportant 3 à
5 lobes triangulaires (4-10 x 4-10 cm). La face supérieure du limbe, vert sombre, est
marquée par une nervation rayonnante plus claire. Le pétiole est long et garni de poils
blancs. Quelques feuilles ovales et entières provenant des rameaux florifères héliophiles
peuvent être présentes.
Examinée au microscope (hydrate de chloral), la poudre de feuille présente: des
fragments de limbe comportant, à la face inférieure, de nombreux stomates; des poils
lecteurs dispersés en forme d'étoile à 4-8 branches; des macles d'oxalate de calcium.
La feuille, dont l'identité est confirmée par la CCM d'un extrait méthanolique
(saponosides), ne contient pas plus de 10 % d'éléments décolorés et pas plus de 10 %
de tiges. L'hédéracoside C est dosé par chromatographie liquide.

Composition chimique. La composition du bois n'est quasiment pas connue. Les


feuilles fournissent des stérols, une faible quantité de produits hydrodistillables
(germacrène B, élémènes), des esters caféiques de l'acide quinique, des flavonoïdes
(rutoside) et, comme d'autres Araliaceae, des polyines : falcarinol, falcarinone, 11,12-
déhydro-fa1carinol. La teneur en saponosides varie de 5 à 8 %. Ceux-ci - les
hédérasaponines B à 1 - sont des bidesmosides de l'acide oléanolique, de
l'hédéragénine (hydroxylée en C-23) ou de la bayogénine (dihydroxylée en C-2~ et C-
23). L'hédérasaponine C (= hédéracoside C) est largement majoritaire et sa teneur varie
scion la saison de 5 à 7 %. Les baies renferment également des saponosides : helixosides
A et B, staunoside A et autres hétérosides de l'hédéragénine ou de l'acide oléanolique.

O~=~4-1
~G·~R~
o 28~- 1
1--" 2 1-- 3

(~O

hédéracoside C

a·hédérine

hédérag énine

Pharmacologie. L'extrait de bois de lierre, traditionnellement considéré comme


expectorant, prévient le bronchospasme à l'acétylcholine chez le Cobaye. Un extrait de
feuilles (éthanol à 30 %) s'est révélé spasmolytique in vitro (iléon de Cobaye stimulé
par l'acétylcholine) et son fractionnement a montré que l'a-hédérine était le principal
responsable de cette activité (mais elle n'est pas anti-inflammatoire). Les propriétés
IIntifongiques de l'extrait titré en hédérasaponine C ont été établies in vivo (Souris
parasitée par Candida albicans, 50 mg/kg) ; il en est de même des propriétés douvicides
844 TERPÉNOÏDES

(Mouton, Dicrocœlium, 800 mg/kg). Des propriétés amœbicides, trichomonacides et


leishmanicides (L. infantum, L. tropica) ont été rapportées, in vitro, pour les sels de
sodium des monodesmosides. L'extrait des feuilles est également cytotoxique et anti-
bactérien. Les saponosides des baies sont molluscicides.

Évaluation clinique, effets indésirables. Plusieurs essais cliniques ont évalué


l'extrait de lierre chez des enfants et adolescents souffrant d'asthme bronchique. Un
seul essai randomisé croisé de petite taille (24 patients) a comparé, sur une durée de 3
jours, cet extrait à un placebo et a conclu à la supériorité de l'extrait pour diminuer les
résistances au passage de l'air. D'autres essais ont montré un effet bénéfique sur la
toux, mais ils mettaient en jeu des mélanges (lierre + thym) et l'un d'entre eux était un
essai ouvert. D'autres essais, indépendants, sont nécessaires.
Aucun effet indésirable autre que bénin dû à des préparations contenant du lierre ou
un extrait de lierre ne semble avoir été signalé. Par contact, le lierre est connu pour
induire des dermites caractérisées par de l'érythème avec lésions vésiculeuses ou par un
œdème. Cette dermite de contact est due au falcarinol.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer des indications thérapeutiques pour le bois et pour le
feuille du lierre grimpant. Pour le bois, ces indications ne concernent que la voie orale:
traditionnellement utilisé 10 dans le traitement symptomatique de la toux et, 2° au cours
des affections bronchiques aiguës bénignes. Les indications retenues pour lafeuille
concernent uniquement la voie locale: traditionnellement utilisé 1° comme adjuvant
des régimes amaigrissants et, 2° comme traitement d'appoint adoucissant et
antiprurigineux des affections dermatologiques, comme trophique protecteur dans le
traitement des crevasses, écorchures, gerçures et contre les piqûres d'insectes. Si le
phytomédicament à base de bois de lierre est une poudre, le dossier « abrégé» d' AMM
doit comporter une étude toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour le bois
pour tisane, l'extrait aqueux, les teintures et les extraits hydro-alcooliques, quel que soit
leur titre. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée dans la cas de la feuille
(feuille pour infusion, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le
titre). La poudre de feuille n'est pas utilisée de façon traditionnelle en usage local.
Les préparations à base de lierre sont utilisées dans les produits cosmétiques:
crèmes, lotions, shampooings, préparations « anti-cellulitiques ».
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que la
feuille du lierre est utilisée en cas d'inflammation des voies respiratoires, comme trai-
tement symptomatique des bronchites chroniques. Posologie: 0,3 g de feuilles par jour .

• PRIMEVÈRE, Primula veris L. =P. officinalis (L.) Hill.


Primula elatior (L.) Hill., Primulaceae

La racine de primevère est constituée par la racine et le rhizome séchés, entiers ou


fragmentés, de P. veris L. ou de P. elatior (L.) Hill. (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:1364]).
La fleur séchée figure toujours à la Pharmacopée française (Ph. fse, 10' éd.)
SAPONOSIDES 845

La plante, les organes souterrains. La primevère est caractérisée par des feuilles
presque ovales brusquement rétrécies en un pétiole large, par une hampe florale
couverte de duvet et par des fleurs jaune vif à calice tubuleux et renflé à dents obtuses;
la corolle, concave, présente 5 taches orangées au sommet du tube. P. elatior possède
des fleurs à corolle large et plane,jaune pâle, sans taches et à calice aux dents aiguës.
Le rhizome, brun-gris et noueux, est accompagné de fines racines cassantes, jaune
clair à blanc-jaune (P. veris) ou brun clair à brun-rouge (P. elatior). La présence, dans
la poudre, de groupes de cellules scléreuses fortement ponctuées est caractéristique de
P. elatior. Les tissus de revêtement portent des poils absorbants. Examinée au
microscope dans le glycérol, la poudre présente des grains d'amidon. Il est prescrit de
rechercher l'éventuelle présence de racine de Vincetoxicum hirundinaria (CCM).

Composition chimique, propriétés. La fleur renferme des flavonoïdes (hétérosides


du kaempférol et du quercétol), des caroténoïdes, une trace d'huile essentielle et, dans
le calice, près de 2 % de saponosides (hétérosides de l'acide primulique A). Les parties
souterraines contiennent de 5 à 10 % de saponosides représentés, chez P. veris, par
l'acide primulique A (= acide primulacique A), tétrasaccharide d'un éther interne
(28,13) dérivé d'un acide oléanolique 13~,16a,28-trihydroxylé - la protoprimula-
génine A - et par des composés de structure très voisine: 16-acétylprivérogénine A,
22-acétylprivérogénine B. Les deux espèces ont une composition sensiblement assez
proche (différences qualitatives; P. elatior renferme aussi des hétérosides de l'acide
échinocystique et de la 28-déhydro-primulagénine A).
Les saponosides sont bactériostatiques in vitro. Les propriétés thérapeutiques
attribuées tant à la fleur qu'à la racine ne sont confirmées par aucun essai clinique.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour la fleur et la racine de primevère, les mêmes
indications thérapeutiques pour la voie orale (traditionnellement utilisé dans le
Iraitement symptomatique de la toux) et pour la voie locale: 10 comme traitement
d'appoint adoucissant et antiprurigineux des affections dermatologiques, comme
Irophique protecteur dans le traitement des crevasses, écorchures, gerçures et contre les
piqûres d'insectes; 2 0 en bain de bouche pour l'hygiène buccale. Si le phytomédi-
cament à base de primevère est une poudre de fleur, le dossier « abrégé» d'AMM doit
comporter une étude toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour la fleur
pour tisane, l'extrait aqueux, les teintures et les extraits hydro-alcooliques, quel que soit
leur titre. Dans le cas de la racine, le dossier doit comporter une étude toxicologique
allégée pour la poudre et pour un extrait hydro-alcoolique de titre alcoolique> 30 %,
mais pas pour la racine pour tisane ou pour les extraits aqueux et les extraits hydro-
alcooliques de titre inférieur à 30 %.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BJArM précise que
la racine et la fleur de primevère sont utilisées en cas d'inflammation des voies
respiratoires. Posologie: fleur, de 2 à 4 g par jour - teinture, de 2,5 à 7,5 g par jour;
racine, de 0,5 à 1,5 g par jour - teinture, de 1,5 à 3 g par jour. Des troubles gastriques et
des nausées peuvent survenir. La fleur est contre-indiquée en cas d'allergie aux
primevères (cf. p. 496).
846 TERPÉNOÏDES

D. Plantes à saponosides utilisables en dermatologie

.HYDROCOTYLE, Centella asiatica (L.) Urban, Apiaceae

L'hydrocotyle est constitué par les parties aériennes fragmentées, séchées de


C. asiatica. Il contient au minimum 6 % de dérivés triterpéniques totaux, exprimés en
asiaticoside (Ph eur., 6c éd., [01/2008:1498]).

Les parties aériennes. Les feuilles, de cette herbe vivace largement distribuée en
Inde et dans l'océan Indien, de Madagascar à l'Indonésie, sont alternes et à bords
crénelés, réniformes, orbiculaires ou oblongues, palminerves à 7 nervures. Elles sont
parfois réunies aux nœuds. L'inflorescence, si elle est présente, est généralement
réduite à une ombelle simple de 3 fleurs pentamères, très petites (2 mm). Le fruit est un
diakène comprimé.
La poudre d'hydrocotyle, examinée au microscope (hydrate de cloraI) présente de
nombreux fragments d'épiderme à stomates paracytiques, des poils tecteurs
pluricellulaires I-sériés, de l'oxalate de calcium en prismes et macles, etc.
La CCM d'un extrait par l'alcool à 30 % confirme l'identité (triterpènes révélés par
l'aldéhyde anisique). Les parties aériennes renferment au maximum 5 % de parties
souterraines et 2 % de matières étrangères. Le dosage des triterpènes est mis en œuvre
après extraction méthanolique (chromatographie liquide).

Composition chimique. L'hydrocotyle renferme des traces d'huile essentielle (~- '
caryophyllène, a-humulène, germacrène-D, trans-~-farnésène, a-copaène, etc.), des'
stérols, des hétérosides de flavonols, des polyines et des saponosides : asiaticoside
(0,3 %) et madécassoside (1,5-2 %). De fait, ceux-ci ne sont pas des hétérosides vrais, .
mais des esters: esters en C-28 d'un trisaccharide (a-L-Rha 1->4 ~~D-Glc 1->6~­
D-Glc 1-» et d'acides triterpéniques dérivés de l'ursane : acide asiatique (= acide 2a,
3~, 24-trihydroxy-urs-12 (l3)-én-28-oïque) et acide madécassique (= acide 6~"
hydroxy-asiatique = 2a, 3~, 6~, 24-tétrahydroxy-urs-12(13)-én-28-oïque). Quelle que
soit l'origine géographique des échantillons, les analyses les plus récentes ne retrouvent'
pas les composés mineurs anciennement mentionnés dans certains échantillons indiens. '

madécassoside

Pharmacologie. Les préparations d'hydrocotyle accéléreraient la cicatrisation


plaies superficielles. Cette activité est confirmée par des tests chez les rongeurs. Elle
attribuée à l'asiaticoside et aux dérivés du même type qui stimuleraient la synthèse
SAPONOSIDES 847

collagène et des mucopolysaccharides : testées in vitro sur des cultures de fibroblastes


humains, de faibles doses d'asiaticoside aussi bien que d'acides asiatique et
madécassique augmentent effectivement - et spécifiquement - la production de
collagène, indispensable au processus de cicatrisation. Pour d'autres auteurs, seul l'acide
asiatique stimulerait cette production (ainsi que la prolifération des fibroblastes), les
autres constituants agissant seulement sur la synthèse de la proline. Une action sur
l'angiogenèse a également été évoquée

Évaluation clinique, effets indésirables. L'action de l'hydrocotyle sur la


cicatrisation n'a pratiquement pas été évaluée chez l'humain. Il semble qu'une crème
contenant un extrait de la plante prévienne l'apparition de vergetures chez les femmes
enceintes qui en ont déjà eues. Plusieurs études et essais, tous conduits par la même
équipe et de niveau méthodologique variable (et souvent faible), soulignent les effets
bénéfiques des fractions triterpéniques d'hydrocotyle en cas d'insuffisance veineuse et
de microangiopathies. Pour autant, l'intérêt thérapeutique de la plante dans ces
indications n'est pas démontré. Il n'y a pas d'essai clinique attestant de l'intérêt de
l'hydrocotyle dans le traitement de l'anxiété (affection pour laquelle elle est parfois
recommandée, sur la base de tests effectués chez des rongeurs). Il n'existe pas non plus
de preuve que l'hydrocotyle puisse améliorer un psoriasis. Par voie cutanée,
l'hydrocotyle ne semble pas induire d'effet indésirable notable. Quelques cas de
dermite allergique ont été signalés. Trois cas d'hépatoxicité ont été notifiés en
Argentine en 2005, consécutifs à la prise prolongée par voie orale d'un produit censé
contenir du Centella.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour l'hydrocotyle, cinq indications thérapeutiques,
loutes pour la voie locale: traditionnellement utilisé 1° dans le traitement sympto-
ll1atique des troubles fonctionnels de la fragilité capillaire cutanée, tels que ecchymoses,
pétéchies; 2° dans les manifestations subjectives de l'insuffisance veineuse telles que
jambes lourdes; 3° dans la symptomatologie hémorroïdaire; 4° comme traitement
d'appoint adoucissant et antiprurigineux des affections dermatologiques, comme
trophique protecteur dans le traitement des crevasses, écorchures, gerçures et contre les
piqûres d'insectes; 5° en cas d'érythème solaire, de brûlures superficielles et peu
étendues, d'érythèmes fessiers. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée pour
ln constitution d'un dossier« abrégé» d'AMM (plante, extrait aqueux et extraits hydro-
alcooliques quel qu'en soit le titre). La poudre d'hydrocotyle n'est pas utilisée de façon
traditionnelle. L'hydrocotyle ne fait pas l'objet d'une monographie de la Commission E
du BJArM allemand.
L'extrait hydroalcoolique titré à 40 % d'asiaticoside et 60 % d'acides madécassique
ct asiatique est utilisé comme vasculoprotecteur et veinotonique (voie orale). Par voie
locale, il est utilisé comme protecteur cutané.
L'hydrocotyle est anciennement utilisée par la médecine ayurvédique pour le
traitement de maladies de la peau et pour celui de troubles nerveux (épilepsie, hystérie).
Hile est officinale en République Populaire de Chine (jixuecao) où elle est prescrite, par
voie orale, dans de nombreuses indications (diarrhée, ulcères, eczémas).
848 TERPÉNOÏDES

.SOUCI DES JARDINS, Calendula officinalis L., Asteraceae

Le souci est constituée par lafleur entièrement épanouie, détachée du réceptacle et


séchée, entière ou coupée, des formes cultivées à fleurs doubles de C. officinalis. Il
contient au minimum 0,4 % de flavonoïdes, exprimés en hypéroside (Ph. eur., 6' éd.
[01/2008:1297]).

La plante, lafleur. Le souci des jardins est une petite plante herbacée cultivée, à
tiges robustes et anguleuses, à feuilles sessiles. Les fleurs tubulées ont une corolle à 5
lobes jaune, rouge orangé ou violet-rouge et un tube brun-jaune ou brun orangé. Les
fleurs ligulées ont un ligule jaune tridenté et un tube velu plus ou moins falciforme.
L'examen microscopique de la poudre de fleur (hydrate de chloral) met en évidence
des fragments de corolles contenant des gouttelettes huileuses ou des prismes et de
petites macles d'oxalate de calcium, de longs poils pluricellulaires bisériés, des poils
glanduleux à tête ovoïde et des grains de pollen 3-porés à exine finement échinulée.
Le taux de bractées est < 5 % et celui des autres éléments étrangers est < 2 %. Les
flavonoïdes sont dosés colorimétriquement (AICI 3).

Composition chimique. La composition des fleurs de souci est assez bien connue:
flavonoïdes (0,3-1,5 % d'oligosaccharides en C-3 de l'isorhamnétol et du quercétol),
acides-phénols, carotènes (lycopène) et xanthophylles, huile essentielle (2-3 ml/kg) à
dérivés sesquiterpéniques oxygénés (cadinols), polysaccharides. On n'y a pas
caractérisé de lactones sesquiterpéniques, mais du loliolide et des ionones. Les
composés triterpéniques sont particulièrement abondants: dérivés mono-, di- et
trihydroxy lés, libres et estérifiés, du lup-20 (29)-ène, de l' 01éan-12 (13 )-ène, du tarax -20
(30)-ène, du tarax-20(21)-ène [=\/f], de l'urs-12(13)-ène: (J.- et ~-amyrine, arnidiol,
faradiol, ursadiol, calenduladiol, héliantriols. Plusieurs saponosides ont également été
isolés et identifiés (calendulagl ycosides, calendulosides). Ce sont des bidesmosides
(esters du glucose en C-28) et des monodesmosides de l'acide oléanolique : la liaison
osidique se fait avec un glucose ou un acide D-glucuronique qui peuvent être seuls ou, '
au contraire, le premier élément d'un di- ou d'un trisaccharide, linéaire ou ramifié. La
teneur en saponosides varierait de 2 à 10 % en fonction de la variété et de l'époque de la .
récolte.

Pharmacologie. L'extrait éthanolique à 80 % obtenu à partir de la fleur sèche aussi


bien que la teinture-mère homéopathique possèdent, in vitro, des propriétés
antibactériennes. Appliquées localement, les préparations de souci exercent un effet
anti-inflammatoire qui a été objectivé sur plusieurs modèles animaux. Elles:
favoriseraient la cicatrisation.
L'utilisation d'un modèle expérimental (inflammation de l'oreille de Souris induite
par l'huile de croton) révèle, à partir d'un extrait au dioxyde de carbone supercritique,
que c'est la fraction lipophile - dépourvue de saponosides et de polysaccharides - qui
est anti-inflammatoire. Le fractionnement bioguidé de cette fraction montre
l'activité est le fait des triterpènes (mono-ols et esters de diols), principalement les
SAPONOSIDES 849

monoesters du faradiol (laurate, palmitate, myristate). Le faradiollibre, préparé par


hydrolyse, est sensiblement aussi actif que l'indométacine sur ce même modèle.
Certains extraits de souci présentent également des propriétés antivirales et
cytotoxiques in vitro.

Évaluation clinique, toxicité. Réputé anti-inflammatoire cutané, le souci n'a pas


fait l'objet d'essais randomisés en double aveugle versus placebo ou comparateur. Dans
un essai en simple aveugle (l'évaluateur), une pommade au souci a paru plus efficace
qu'une émulsion à base de trolamine pour prévenir les réactions cutanées radiques
(radiodermite exsudative, réaction de type nécrose chez des patientes traitées pour
cancer du sein par radiothérapie).
Par voie externe, le souci ne semble pas toxique chez les rongeurs. On a parfois noté
des irritations cutanées. Par voie orale chez le Rat, il n'a été noté ni toxicité aiguë pour
des doses de 5 g/kg, ni toxicité manifeste à court terme d'un extrait hydroalcoolique
(1 g/kg pendant 30 jours). Toutefois, un cas d'élévation de l'urée et des transaminases a
été enregistré. Aucune allergie n'a été notée lors des essais cliniques. Les données sur la
génotoxicité et la cancérogénicité manquent ou sont parcellaires. La plupart des auteurs
s'accordent pour réserver les préparations à base de capitule de souci au seul usage par
voie locale.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


l\u'il est possible de revendiquer, pour le capitule de souci, cinq indications thérapeu-
tiques, uniquement pour la voie locale : traditionnellement utilisé 1° pour le traitement
des petites plaies après lavage abondant (à l'eau et au savon) et élimination des
souillures; 2° comme traitement d'appoint adoucissant et antiprurigineux des affections
dermatologiques, comme trophique protecteur dans le traitement des crevasses,
écorchures, gerçures et contre les piqûres d'insectes; 3° en cas d'érythème solaire, de
brûlures superficielles et peu étendues, d'érythèmes fessiers; 4° en cas d'irritation ou de
gêne oculaire due à des causes diverses (atmosphère enfumée, effort visuel soutenu,
bains de mer ou de piscine, etc.); 5° comme antalgique dans les affections de la cavité
buccale et/ou du pharynx (collutoire, pastille). Aucune évaluation toxicologique n'est
demandée pour la constitution d'un dossier« abrégé» d'AMM (poudre, capitule pour
tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
le capitule du souci est utilisé comme anti-inflammatoire des muqueuses buccales et
pharyngées, en cas de plaies cicatrisant difficilement, en cas d'ulcères variqueux.
Posologie: de 1 à 2 g pour 150 ml d'eau, ou de 2 à 4 ml de teinture pour 250 à 500 ml
d'cau, ou préparations à appliquer sur la peau correspondant à 2 à 5 g pour 100 g.
Au niveau européen, la monographie communautaire élaborée par l'HMPC ne
retient que l'usage traditionnel local (inflammations mineures de la peau, de la cavité
buccale, blessures superficielles) : applications d'une infusion à 1-2 gl150 ml ou
d'autres préparations (extraits liquides [1-1, 1-2, 1-10], teinture [1-5], pommade). La
teinture s'utilise diluée au 1/3 dans l'eau bouillie. Ne pas utiliser sur la peau avant 6 ans,
dans la bouche avant 12 ans. Non recommandé chez la femme enceinte ou allaitante
(réf. EMEAlHMPC/179281/2007, 4 mai 2008).
850 TERPÉNOÏDES

Le souci est largement utilisé par l'industrie des cosmétiques comme adoucissant,
cicatrisant, hydratant (laits, crèmes, savons, produits après-soleil, etc.). Il est dans ce cas
plus connu sous le nom de « calendula ».

E. Plantes à saponosides « adaptogènes »

• GINSENG , Panax ginseng C.A. Meyer et autres espèces, Araliaceae

Les ginsengs 9 sont des plantes qui, dans la médecine orientale, jouissent d'une
réputation très ancienne de tonique, de reconstituant, de « générateur d'une jeunesse
nouvelle» même si, pharmacologiquement, il est difficile de cerner ces propriétés. Cette
activité supposée explique le nom générique de Panax, formé à partir des mots grecs pan
(tout) et akos (remède). Cette panacée (panakeia) 10 serait le remède universel.

Le ginseng est constitué par la racine séchée entière ou coupée, désignée sous le
nom de ginseng blanc ou soumise à la vapeur et séchée, désignée sous le nom de
ginseng rouge de P. ginseng. Le ginseng contient au minimum 0,4 % de la somme de
ginsénosides Rgl et Rbl (Ph. eur., 6< éd., [01/2008:1523]).

La plante. Le ginseng sauvage « de Corée» (shanshen), officinal en République:


Populaire de Chine, est devenu très rare. Il a laissé la place, pour l'essentiel, à un •
ginseng de culture (Corée). Ce « vrai» ginseng n'est pas le seul à être employé. Sont'
notamment utilisés:
- le ginseng à cinq feuilles cultivé en Amérique du Nord, P. quinquefolius L.;
- le ginseng san-chi, P. notoginseng (Burkill) F.H. Chen, officinal en République:
Populaire de Chine où il jouit d'une réputation de tonique et d'hémostatique;
- le ginseng du Japon (chikusetsu-ninjin, zhijieshen) P. pseudoginseng Wall. subsp.,
japonicus (C.A. Meyer) C. Ho & Tseng (= P.japonicus C.A. Meyer), cultivé en Chine, ~
au Vietnam et au Japon, considéré comme antipyrétique, stomachique et expectorant;
- les variétés bipinnatifidus (Seem) Li et angustifolius (Burkill) Li du
P. pseudoginseng, etc.

9. Seules les espèces du genre Panax sont des ginsengs. Le « ginseng de Sibérie» est, certes,
Araliaceae, mais d'un genre différent (voir éleuthérocoque, p. 855). On a vu fleurir dans UllJllOl<;m~,
réseaux commerciaux des plantes affublées du nom de ginseng qui n'ont strictement rien à voir avec
Panax et qui n'en présentent pas les « supposés» effets: ginseng du Brésil (Pfaffia paniculata
Kuntze, Amaranthaceae), ginseng péruvien, «< maca », Lepidium meyenii Walp.,
ginseng indien ('ashwagandha', Withania somnifera [L.J Dunal, Solanaceae), ginseng des femmes,

ID. Pierre Delaveau rappelle que Panacée, sœur d'Hygie 0, est la fille d'Asclépios, dieu de
Médecine. Le « caducée» des pharmaciens montre le serpent d'Épidaure se désaltérant dans la
d'Hygie. Le même serpent s'entoure autour du bâton d'Asclépios pour former l'attribut des médecinS.
Quant au vrai caducée, emblème d'Hermès à deux serpents, c'est une toute autre histoire ...
Delaveau, P. [1992]. La mémoire des mots en médecine, pharmacie et sciences, Louis Pariente, Paris, p.
et suivantes.). 0 (Hygie -> hygiène).
SAPONOSIDES 851

Le ginseng est une petite plante à feuilles palmatilobées, à ombelles de fleurs


hl anches et à baies rouges. Il est spontané dans les zones montagneuses du Népal à la
Mandchourie, de la Sibérie orientale à la Corée, mais ses gîtes ont été surexploités.

La racine. La racine de ginseng, fusiforme ou cylindrique, parfois ramifiée, peut être


arquée et même recourbée de façon prononcée; elle porte à la partie inférieure de nom-
hreuses radicelles fines (absentes dans le ginseng rouge). La surface est de couleur jaune
pflle ou crème, striée longitudinalement. La coupe transversale présente une large zone
l'xteme à canaux à résine rouge orangé dispersés et une partie interne finement radiée.
La poudre de racine, examinée au microscope, présente des fragments de cellules
parenchymateuses et de larges canaux sécréteurs contenant une résine brun-jaune
(hydrate de chloral), ainsi que de très abondants grains d'amidon, simples ou composés
ct de diamètre variant de 1 à 10 }lm (eau-glycérol); ces grains sont déformés et souvent
détruits dans le ginseng rouge (ou sont absents).
On s'assure de la non substitution par P. quinquefolium (absence de ginsénoside Rf
en chromatographie liquide). La teneur en ginsénosides est déterminée par chromato-
graphie liquide après extraction méthanolique.
Certains échantillons ont un aspect anthropomorphe très suggestif: ce sont les plus
IIppréciés et leur forme n'est sans doute pas étrangère à l'intérêt porté au ginseng, en
particulier à sa réputation - fondée 11? - de stimuler les « forces du vieillard». Le
ginseng est cultivé en Asie (Corée, Chine, plus de 10000 tonnes annuelles), mais le
marché est également approvisionné par les cultures mises en place en Amérique du
Nord: en 1994,1200 tonnes ont été produites au Canada et aux États-Unis et, pour
l'essentiel, exportées vers la République populaire de Chine, Taïwan, Hong-Kong et
Singapour. Traditionnellement, le ginseng « blanc» est la racine lavée, débarrassée de
ses racines secondaires, séchée au soleil ou dans un four et le plus souvent pelée; le
ginseng « rouge» doit sa couleur brun-rougeâtre à un étuvage préalable; aux États-Unis
d'Amérique, la racine est lavée puis séchée à l'air chaud pendant 12-14 jours.

O-~-D-Glc-(6<-1 H-D-Glc
"::

ginsénoside Rb1
~-D-Glc-(1->2)-~-D-Glc-O

Composition chimique. De très nombreux composés ont été caractérisés dans la


racine: polysaccharides, glycopeptides (panaxanes), vitamines, stérols, acides aminés
et peptides, huile essentielle (5 ml/kg, caractérisée par sa richesse en carbures
sesquiterpéniques), polyines (panaxynol, panaxytriol). Les très nombreux saponosides
isolés de la racine (une trentaine) sont, à l'exception d'un seul, des hétérosides de

Il. Pas dans l'état actuel du niveau de preuve: Jang, D.1., Lee, M.S., Shin, B.e. et al. (2008). Red
fl,inseng for treating erectile dysfunction : a systematic review, Br. 1. Clin. Pharmacol., 66, 444-450.
852 TERPÉNOÏDES

génines tétracycliques de la série du dammarane, l'une trihydroxylée 3~, 12~, 20(S)


(protopanaxadiol), l'autre tétrahydroxylée 3~, 6a, 12~, 20(S) (protopanaxatrioI 12 ). Les
différences entre les saponosides (ginsénosides) Ra-I-2, Rbl-3, Rc-f-I-2, Rg-I-5, Rh-I-4,Rs-
1-3) résident dans la nature mono, bi- ou trisaccharidique des deux chaînes osidiques
liées en C-3 et C-20 ou en C-6 et C-20. Exceptionnellement, les trois hydroxyles en C-
3, C-6 et C-12 du protopanaxatriol peuvent être engagés dans une liaison osidique
(ginsénoside 20-gluco-Rf). Des malonyl-ginsénosides ont également été caractérisés
(rnRbl-2, etc., dans le seul ginseng blanc).
Tous les ginsengs n'ont pas la même composition: s'ils renferment pour la plupart
certains des ginsénosides présents dans la racine du ginseng de Corée (mais dans des
proportions différentes), ils renferment également des saponosides spécifiques,
hétérosides du protopanaxadiol et du protopanaxatriol : pseudoginsénoside FIl et
quinquenoside RI du ginseng à cinq feuilles, gypénoside XVII et notoginsénosides RI-4
du ginseng San-chi, etc. La différence est plus sensible dans le cas du ginseng du
Japon: la moitié des « chikusetsusaponines » sont des bidesmosides (C-3, C-28) de
l'acide oléanolique. Quant au ginseng de l'Himalaya il aurait une composition
intermédiaire entre celui de Corée et celui du Japon, différente de celle des variétés de
ginseng du Japon poussant au Yunan ! Quand on aura signalé que le ginseng rouge a
une composition légèrement différente de celle du ginseng blanc (déglucosylation
partielle de certains saponosides), que la composition quantitative et qualitative des
radicelles ou des racines latérales diffère de celle de la racine principale et qu'elle varie
en fonction de l'âge de l'échantillon, de l'origine et d'autres facteurs, on comprendra
qu'il est difficile de parler de la composition du ginseng (sans compter que les produits
du commerce sont parfois grossièrement falsifiés ... ). La teneur en saponosides de la
racine du ginseng de Corée peut varier de 1 à 3 % et les saponosides Rbl, Rb2 (diols),
RgI (triol) et Ra (oléanane) y sont généralement les plus abondants. Plusieurs études
analytiques portant sur des échantillons commerciaux ont montré, et ce dans plusieurs
pays, que la teneur en ginsénosides des produits offerts au consommateur peut varier
dans des proportions considérables. Il peut aussi arriver (dans certains circuits) que ces
ginsengs soient remplacés, additionnés ou contaminés par d'autres plantes.

Pharmacologie. Il n'est guère aisé de faire la synthèse d'une bibliographie plé-


thorique (plusieurs milliers de références), hétérogène et de qualité scientifique assez.
inégale. De nombreux effets des extraits et des ginsénosides ont été décrits et explorés
in vitro et chez l'animal: effets biochimiques, endocrinologiques, neurophysiologiques,
immunologiques (immunostimulant, activateur de la phagocytose, inducteur de la
production d' interféron-y par les lymphocytes et les macrophages, etc.). La racine de

12. L'apparente distorsion entre la


nomenclature habituelle et le nombre
d'hydroxyles vient du fait que l'hydro-
H'
lyse des saponosides conduit au
panaxadiol et au panaxatriol dans
lesquels la fonction alcool tertiaire en
20 est bloquée dans un cycle tétra-
R = H : protopanaxadlol R = H : panaxadiol
hydropyranique. R = OH : protopanaxatriol R = OH : panaxatriol
SAPONOSIDES 853

ginseng aurait un effet stimulant sur le SNC, elle augmenterait la résistance à la fatigue
et au stress, améliorerait la mémoire, aurait un effet anabolisant, serait un aphrodisiaque
et agirait en complément des thérapeutiques des affections cardiovasculaires et des
cancers. C'est du moins ce qui est rapporté sur la seule base d' « obvervations » chez
l'humain et de différentes études réalisées chez l'animal avec de fortes doses souvent
administrées par voie parentérale. Périodiquement, des articles de synthèse tentent de
résumer l'essentiel de ces données.

Évaluation clinique. Il n'y a que peu de travaux de bonne qualité qui évaluent
l'intérêt thérapeutique du ginseng: évaluations de multi-préparations, et/ou de produits
mal définis, études non comparatives, protocoles d'essais de qualité méthodologique
insuffisante, critères de jugement mal définis, etc., la rigueur est rare.
- ginseng et activité physique et mentale. Sauf exception, le ginseng n'a été évalué
que chez des volontaires sains (bicyclette ergométrique). La majorité des essais
randomisés versus placebo et en double aveugle publiés n'a pu mettre en évidence un
effet statistiquement significatif d'un extrait de ginseng (200 à 400 mg/j x 3 à 8
semaines) sur les paramètres mesurés (consommation en oxygène, rythme respiratoire,
etc.). Dans le cas des performances cognitives, certains essais ont détecté une
amélioration des performances aux tests psychométriques, d'autres n'ont mesuré aucun
effet, voire l'effet inverse. Chez des patients âgés, hospitalisés, l'administration de
ginseng (versus placebo) n'a modifié ni la durée d'hospitalisation, ni les résultats des
tests cognitifs et psychométriques.
- ginseng et glycémie. Plusieurs études canadiennes versus placebo ont montré que
la prise de ginseng américain 13 pouvait diminuer la glycémie au cours d'une épreuve
d'hyperglycémie provoquée chez des sujets diabétiques de type Il et chez des sujets
sains. Un essai randomisé en double aveugle de 12 semaines versus placebo chez des
sujets diabétiques, réalisé par les mêmes auteurs, n'a mis en évidence aucune efficacité
clinique du ginseng en complément du traitement (ou régime) habituel (critère de
jugement: hémoglobine glyquée HbAlc). Il a toutefois été noté une amélioration de la
tolérance au glucose et de l'index de sensibilité à l'insuline.
- ginseng et affections des voies respiratoires supérieures. Trois essais cliniques
versus placebo randomisés et en double aveugle ont montré, chez 198 personnes âgées
d'une part et chez 323 patients âgés de 18 à 65 ans d'autre part, qu'une fraction
polysaccharidique standardisée du ginseng américain était plus efficace qu'un placebo
pour prévenir la survenue d'affections respiratoires aiguës d'origine virale chez les
premiers, et diminuer (modestement) la fréquence, la durée et la sévérité des rhumes
chez les seconds (mais cette étude a été critiquée, et la pertinence clinique de la
réduction de fréquence est inconnue).
- ginseng et risque cardiovasculaire. En 2006, une synthèse méthodique de la
hibliographie a relevé des résultats contradictoires quant aux effets du ginseng sur le

13. L'effet est étroitement dépendant de l'espèce et de la provenance du ginseng utilisé: il peut être
IIbscnt, voire s'inverser. Cf. : Sievenpiper, J.L, Amason, J.T., Leiter, L.A. et Vuksan V. (2004). Decrea-sing,
lIlill and increasing effects of eight popular types of ginseng on acute postprandial glycemic indices in healthy
IlIlinans : the role of ginsenosides, J. Am. Coll. Nutr., 23, 248-258.
854 TERPÉNOÏDES

bilan lipidique tandis que des études suggéraient la possibilité d'une faible activité
hypotensive. Dans le même temps, les auteurs d'un essai contrôlé de 12 semaines ont
conclu à l'absence d'effet du ginseng sur la pression artérielle systolique de sujets
hypertendus. Aucun élément solide ne justifie l'utilisation du ginseng pour prévenir le
risque cardiovasculaire.
- autres effets. Il n'existe pas de preuve solide de l'intérêt du ginseng pour atténuer
les symptômes associés à la ménopause. Son action en cas de dysfonction érectile est
envisageable: les essais disponibles, de faible qualité méthodologique, ne permettent
pas de conclusion tranchée.

Toxicité, effets indésirables, interactions médicamenteuses. La toxicité aiguë du


ginseng chez les rongeurs est négligeable, et l'on n'a pas noté de signe de toxicité
chronique chez le Chien (90 jours). On n'a pas non plus rapporté d'effet sur la
reproduction et le développement (rats).
Il n'a pas été rapporté d'effet indésirable grave au cours des essais cliniques
(diarrhée, insomnie, céphalées, réactions cutanées). Dans les années 1970, on a décrit
un syndrome d'abus de ginseng, plus que douteux, ainsi que des épisodes maniaques et
des céphalées difficiles à interpréter. Le ginseng serait susceptible de provoquer une
hausse tensionnelle. On a aussi suspecté un lien entre la prise de ginseng et des
écoulements et saignements vaginaux, des tensions mammaires, des réactions cutanées,
voire un syndrome suspect de STEVENS-JOHNSON. Le lien de causalité entre ces
événements et le ginseng est souvent ténu, voire douteux: quelle était l'identité du
ginseng utilisé 7 (était-ce d'ailleurs un ginseng 7). S'agissait-il d'un mélange 7 Le
produit était-il falsifié 7 Ou, cela peut se produire, était-il « additionné» de substances
médicamenteuses ou toxiques (phénylbutazone, aminopyrine, germanium, etc.) 7
Ji.
Existait-il un traitement associé 7 Ces questions ne sont que trop rarement posées.
Les interactions médicamenteuses parfois décrites sont tout aussi délicates à
interpréter. L'interaction avec les anticoagulants est possible.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour la racine de ginseng, l'indication thérapeutique
suivante (voie orale) : traditionnellement utilisé dans les asthénies fonctionnelles. La
posologie du ginseng ne doit pas dépasser 2 grammes de racine par jour et la durée du
traitement doit être limitée à trois mois au maximum. Aucune évaluation toxicologique
n'est demandée pour la constitution d'un dossier « abrégé» d'AMM (poudre, ginseng
pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
le racine du ginseng est utilisée comme tonique fortifiant en cas de sensation de fatigue
ou de faiblesse, de baisse de capacité de concentration et d'activité, et en période de
convalescence. Posologie: de 1 à 2 g par jour de racine ou préparation équivalente.
Selon l'European Scientific Cooperative on Phytotherapy (ESCOP), le ginseng
peut réduire légèrement la glycémie et les patients diabétiques devraient consulter un
médecin avant de recourir à cette plante. Un avis médical préalable est également
nécessaire pour les femmes enceintes ou allaitantes.
St\PONOSIDES 855

• ÉLEUTHÉROCOQUE,
Eleutherococcus senticosus (Rupr. & Maxim.) Maxim., Araliaceae

L'éleuthérocoque est constitué par les organes souterrains, séchés, entiers ou


coupés, d'E. senticosus (Rupr. et Maxim.) Maxim. Il contient au minimum 0,08 % pour
la somme de l'éleuthéroside B et de l'éleuthéroside E (Ph. eur., 6< éd., [0112008:1419]).

La plante, les organes souterrains. E. senticosus (= Acanthopanax senticosus


1Rupr. et Maxim.] Harms) est un buisson épineux fréquent en Sibérie orientale, de
l'Amour à l'île de Sakhaline et jusqu'à la Corée et au Shanxi. Ses racines ont été
proposées par des auteurs russes comme succédané du ginseng, sous le nom évocateur
de «ginseng de Sibérie ».
Le rhizome, noueux, à surface brun-gris à brun noir, rugueuse et sillonnée, porte de
nombreuses racines pouvant atteindre 15 cm de long et 1,5 cm de diamètre.
Cylindriques, noueuses et à surface lisse, ces racines ont, comme le rhizome, une
écorce qui adhère étroitement au xylème.
Examinée au microscope (hydrate de chloral), la poudre d'éleuthérocoque présente:
de nombreux groupes de fibres lignifiées à paroi épaisse; des groupes de canaux
sécréteurs; des cellules à macles d'oxalate de calcium de 10 à 50 }lm de diamètre. De
petits grains d'amidon sont visibles lorsque la poudre est examinée dans un mélange
eau-glycérol. Les éleuthérosides sont identifiés (CCM) et dosés (chromatographie
liquide) après extraction par l'alcool à 50 %.

Composition chimique. La racine de l'éleuthérocoque renferme des poly-


saccharides (hétéroglycanes), des composés phénoliques (coumarines, lignanes, acides
phényl-propaniques) et des éleuthérosides. Ce terme, mal choisi (involontairement ?),
évoque une classe homogène et originale, ce qui n'est pas le cas: si certains sont
spécifiques et tri terpéniques (éleuthérosides I-M), les autres sont banals et rattachés à
diverses séries: isofraxoside (éleuthéroside BI), glucosides du syringarésinol
(éleuthérosides D-E) et de l'alcool sinapylique, ester méthylique du galactose
(éleuthéroside C); certains ne sont même pas des hétérosides (daucostérol [éleuthé-
!"Oside A], sésamine [éleuthéroside B4]) ...

Évaluation clinique, effets indésirables, interactions médicamenteuses.


« Adaptogène » (comme le ginseng) l'éleuthérocoque préviendrait et soulagerait les
épisodes d'asthénie fonctionnelle, accroîtrait la résistance à l'effort et au stress: ce
serait un « normalisateur des situations pathologiques», ce qui est à peu près
invérifiable ... La capacité de l'éleuthérocoque à améliorer les performances physiques
n'a pas été établie au cours d'essais versus placebo chez des volontaires sains. Un essai
contrôlé a été conduit chez des sujets souffrant d'un « syndrome de fatigue chronique» :
éleuthérocoque et placebo ont eu, après 2 mois, un effet ne différant pas de façon
statistiquement significative. L'action « tonique» observée lors d'un essai chez des
personnes agées a été transitoire et peut être liée à un insu mal contrôlé. Les autres
essais publiés concernent des mélanges divers, ou n'apportent aucune information
pet1inente du fait d'une méthodologie inappropriée.
Quillaja saponaria Mol.
SAPONOSIDES 857

On ne dispose pas de données fiables sur les effets indésirables posssibles de


l'éleuthérocoque. Il en est de même pour les interactions médicamenteuses.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour les organes souterrains de l'éleuthérocoque,
l'indication thérapeutique suivante (voie orale) : traditionnellement utilisé dans les
asthénies fonctionnelles. Si le phytomédicament à base d'éleuthérocoque est une
poudre d'organes souterrains, le dossier« abrégé» d'AMM doit comporter une étude
toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour l'éleuthérocoque pour tisane,
l'extrait aqueux, les teintures et les extraits hydro-alcooliques, quel que soit leur titre.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
la racine d'éleuthérocoque est utilisée comme tonique fortifiant en cas de sensation de
fatigue ou de faiblesse, de baisse de capacité de concentration et d'activité, et en
période de convalescence. Posologie: de 2 à 3 g par jour de racine ou préparation
équivalente. Contre-indication: hypertension artérielle.
Au niveau européen, la monographie communautaire élaborée par l'HMPC précise
que la racine d'éleuthérocoque est utilisée traditionnellement, sur la seule base d'un
lisage ancien, pour traiter les symptômes de l'asthénie. Posologie quotidienne (adulte et
adolescent de plus de 12 ans) : racine fragmentée, de 0,5 à 4 g; racine en poudre, de 0,75
à 3 g; extrait liquide (1: 1), de 2 à 3 ml; extrait aqueux sec (15-17: 1), de 90 à 180 mg;
teinture (1 :5), de 10 à 15 ml. Traitement limité à 2 mois. Contre-indiqué en cas d'hyper-
tension. Non recommandé avant 12 ans et chez la femme enceinte ou allaitante (réf.
EMEAlHMPC/244569/2006, 8 mai 2008).
Dans certains pays, l'éleuthérocoque est utilisé, associé à l'andrographis, dans la
prophylaxie et le traitement du rhume (cf. p. 793).

F. Plantes à saponosides détergents

.BOIS DE PANAMA, Quillaja saponaria Molina, Rosaceae

Le panama est l'écorce séchée du tronc privée de suber de Q. saponaria ou de


Q. smegmadermos DC. (Ph. fse, 10' éd.).

L'écorce. Improprement dénommée« bois », l'écorce se présente sous la forme de


très longs morceaux aplatis (10-15 x 0,3-1 cm) pour une longueur qui peut atteindre
1 m). La cassure, examinée à la loupe, montre des cristaux brillants. Ceux-ci sont de
volumineux (50-170 ]lm) prismes d'oxalate de calcium que l'on retrouve, à l'examen
microscopique de la poudre, mélangés à de très longues fibres sc1érifiées, tordues.
L'écorce a un indice de mousse qui n'est pas inférieur à 3 000, renferme moins de 5 %
de suber et doit être analysée en CCM (caractérisation des génines après hydrolyse).

Composition chimique. Le pouvoir moussant des décoctés de bois de Panama est


dû à 9-10 % de «quillayasaponine », mélange de saponosides à génine triterpénique
acylée de structures très complexes. Exemple: le composé QS-III (C I04 Hl68 0 55 , M+· =
858 TERPÉNOÏDES

2296) est un bidesmoside comprenant dix oses, deux molécules d'acide 3,5-dihydroxy-
6-méthyl-octanoïque et un oléanène polyfonctionnalisé, l'acide quillayique .

• ou ~·D·Xyl [65:35J

saponoside 08·21 A

Propriétés biologiques. Les extraits de quillaya, titrés en saponosides et administrés


sur une longue période, sont hypocholestérolémiants chez l'animal; les saponosides
forment un complexe insoluble avec le cholestérol, ce qui inhibe son absorption intes-
tinale. Ces saponines ont également été testées en pharmacotechnie pour leur capacité à
favoriser la pénétration, au travers des muqueuses, de peptides médicamenteux.
Les saponosides du bois de Panama potentialisent la réponse aux antigènes de
divers agents infectieux. Cette propriété en fait des adjuvants potentiels pour la
formulation de vaccins, notamment pour l'animal (ex. ; potentialisation du pouvoir
immunogène des protéines de surface de Borrelia burgdorferi, le spirochète
responsable de la maladie de Lyme). Ils sont d'autant plus intéressants que les protéines
recombinantes virales produites par les techniques de la biologie moléculaire,
généralement peu immunogènes, doivent être formulées avec un adjuvant (hydroxyde
d'aluminium). Certains vaccins à usage véterinaire utilisent actuellement des complexes
immunostimulants (ISCOMS, Immuno Stimulating COMplexeS) qui sont des
nanoparticules en forme de cage de 35-40 nm formées de l'antigène, d'un saponoside de
Quillaya (QS-21, QH703, etc.), de cholestérol et de phospholipides. D'autres feraient
actuellement l'objet d'essais cliniques chez l'humain. Ces formes, dont l'activité
immunomodulatrice varie selon la structure du saponoside utilisé, mettent en jeu moins
de saponoside pour une même efficacité adjuvante, ce qui diminue d'autant leur
toxicité. Les saponosides des Quillaya pourraient également faciliter le passage
d'agents agrochimiques au travers des membranes cuticulaires des végétaux. Différents
dérivés hémisynthétiques de fractions saponosidiques font actuellement l'objet
d'études.
Aucune évaluation clinique ne valide les indications traditionnelles de la plante.
L'écorce du panama est-elle toxique? C'est ce que laissent entendre plusieurs ouvrages
classiques. Il faut cependant remarquer que l'administration prolongée d'un extrait
aqueux à des rats (l,5 g/kg/j x 2 ans) ne met en évidence aucune action néfaste. On note
aussi que si certains saponosides du quillaya sont très toxiques par voie parentérale
(DL; 25 }lg/kg, Souris, saponine commerciale [mélange]), ils le sont peu par voie orale
SAPONOSIDES 859

en aigu (DUo = 1,625 g/kg, Souris) et à long terme (pas d'effet pour une dose de 0,7
g/kg/j x 84 semaines, Souris). Plusieurs pays autorisent d'ailleurs l'emploi de ce bois de
Panama comme additif.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour l'écorce de tronc de panama, l'indication
thérapeutique suivante: traditionnellement utilisé en usage local comme traitement
d'appoint, adoucissant et anti-prurigineux des affections dermatologiques, comme
trophique protecteur dans le traitement des crevasses, écorchures, gerçures et contre les
piqûres d'insectes. Le quillaya ne fait pas l'objet d'une monographie de la Commission
E du BfArM allemand.
Le bois de Panama - moussant, détergent, émulsifiant - est principalement utilisé
pour la formulation de shampooings et produits pour le « traitement» du cheveu, et pour
celle de divers produits du secteur hygiène et cosmétique (produits pour bain et douche,
démaquillants, masques, etc.). Le bois de Panama est également un ingrédient utilisé en
nutrition animale (avec la "justification" : « favorise» la digestion des animaux de
compagnie ...) .

• SAPONAIRE, Saponaria officinalis L., Caryophyllaceae

Deux parties de la saponaire sont utilisées: les parties aériennes, c'est à dire la tige
feuillue, éventuellement fleurie et séchée et la souche radicante, c'est-à-dire les
rhizomes et les racines séchés (Ph. fse, lO'éd.).

La plante. La saponaire est une plante herbacée à tiges rondes, à feuilles ovales ou
lancéolées, opposées décussées, sessiles et à 3 nervures principales, à fleurs blanches ou
rose pâle rassemblées en panicules, à calice très allongé et strié de rouge, à capsule
monoloculaire.
L'identification de la saponaire passe par un examen microscopique des coupes et
des poudres. L'indice de mousse est supérieur à 1000 (parties aériennes) ou à 2000
(souche radicante). Dans les deux cas, le contrôle comprend une CCM, soit des
sapogénines après hydrolyse sulfurique des saponosides et extraction chloroformique
(souche radicante), soit des flavonoïdes après extraction par l'alcool à 60 % (parties
aériennes). Cette dernière CCM permet de détecter une éventuelle falsification par
Silene vulgaris (Moench) Garcke (= S. inflata L.).

Composition chimique, propriétés. La plante entière renferme de nombreux


saponosides. Ceux-ci sont des bidesmosides de l'acide quillayique (saponariosides A-
B, des acides gypsogénique ou 16a-hydroxygypsogénique (saponariosides C-I, L-M) et
de leurs dérivés (saponariosides J-K). La pharmacologie de cette espèce n'a pas été
étudiée, pas plus que ses supposées propriétés thérapeutiques.

Emplois. Réputée diurétique et « dépurative », la saponaire n'a pas été inscrite, en


France, sur la liste des plantes pouvant faire l'objet d'une demande d'autorisation de
860 TERPÉNOÏDES

mise sur le marché selon la procédure simplifiée (annexe 1 de la Note explicative de


1998 de l'Agence du médicament [1998]).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BjArM précise que
la racine de la saponaire est utilisée en cas d'inflammation des voies respiratoires
supérieures. Posologie: 1,5 g de racine par jour (ou préparation équivalente) .

• GYPSOPffiLES, Gypsophila spp., Caryophyllaceae

Traditionnellement, et compte tenu de leur richesse en saponosides tensioactifs


(souvent plus de 10 %), les parties souterraines de diverses espèces du genre sont
employées comme source de saponines commerciales (saponaires d'Orient, d'Espagne,
d'Égypte; G. paniculata L., G. arrostii Guss., G. struthium Loefl.).
Pas complètement connue, la « saponine» de G. paniculata contient surtout des
bidesmosides d'acides oléanoliques aldéhydiques en C-23 : gypsogénine (gypsoside A,
saponaside D [= saponaroside D]) et acide quillayique (= 16a-hydroxygypsogénine).
En France, la gypsophile n'a pas été inscrite sur la liste des plantes pouvant faire
l'objet d'une demande d'autorisation de mise sur le marché selon la procédure simplifiée
(annexe 1 de la Note explicative de 1998 de l'Agence du médicament [1998]).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BjArM précise que
la racine de la gypsophile est utilisée en cas d'inflammation des voies respiratoires
supérieures. Posologie: de 30 à 150 mg de racine par jour ou de 3 à 15 mg de saponine,
ou préparation équivalente.
Particulièrement tensioactive, la saponine de gypsophile est, selon Hostettmann et
Marston [1995], incorporée dans des formulations pour extincteurs 14. Les gypsophiles
sont principalement utilisées pour l'obtention d'extraits destinés à la formulation de
produits cosmétiques

G. Autres plantes à saponosides

Diverses plantes réputées diurétiques mais d'intérêt très limité comme l'asperge
(Asparagaceae, Ph. fse, 10' éd.) ou l'herniaire 15 (Herniaria glabra L., H. hirsuta L.,

14. Au Japon, ce sont des extraits du péricarpe du fruit de l'arbre à savon (Sapindus mukorossi
Gaertn., Sapindaceae) qui sont utilisés dans les extincteurs. Antifongiques et antibactériens, ces extraits
sont autorisés par le Ministère de la santé japonais comme ingrédient pour les formulations cosmétiques,
Les saponosides de cette espèce sont, majoritairement, des glycosides de l'hédéragénine. Cette « noix de
lavage» est actuellement vendue en France comme lessive biologique dans les magasins spécialisés.
15. L'herniaire ne figure pas à l'annexe 1 de la Note explicative de l'Agence du médicament (1998),
Pour la Commission E du BfArM allemand, H. glabra est faiblement spasmolytique mais, son
efficacité n'étant pas démontrée, elle n'en recommande pas l'usage. La plante est utilisée par certains
dans différentes affections (troubles rénaux, arthrite, rhumatismes, troubles respiratoires). La plante est
riche en dérivés triterpéniques, esters oligosidiques en C-28 des acides médicagénique, 16-hyctroxy.
médicagénique et gypsogénique. Cf. 10 - Freiler, M., Reznicek, G., Schubert-Zsilavecz, M. et al. (1996),
Struktur der Triterpensaponine aus Herniaria glabra, Sei. Pharm., 64, 359-365; 20 - Rhiouani, H., El-Hilaly,
J., Israili, Z.H. et Lyoussi, B. (2008). Acute and sub-chronic toxicity of an aqueous extract of the leaves of.
Herniaria glabra in rodents, J Ethnopharmacol., 118, 378-386.
St\PONOSIDES 861

Caryophyllaceae) doivent - du moins certains l'affirment-ils sans preuve - leurs


vertus à des saponosides. Il en est peut-être de même pour des plantes qui furent en
vogue au XIXe siècle et dont l'utilisation actuelle est très restreinte comme, par exemple,
la salsepareille 16 (Smilax spp., Smilacaceae, Amérique centrale, Extrême-Orient).
Il existe sur le marché quelques préparations à base de yuques (Yucca spp.,
i\gavaceae 17) ou de luzerne qui, chez l'animal, ont une activité hypocholestérolémiante
manifestement liée à la présence de saponosides. Beaucoup d'autres plantes renferment
dcs saponosides dont on mesure mal l'éventuelle participation aux activités qui leur sont
attribuées: verge d'or (p. 296), bouillon blanc (p. 127n) et autres.

• CHRYSANTHELLUM, Chrysanthellum indicum ne.,


subsp. afroamericanum B.L. Turner, Asteraceae

Cette plante, originaire du Pérou et de la Bolivie, est commune en Afrique où elle


noÎt au bord des chemins, dans les friches et autour des habitations, surtout dans les
zones de hauts plateaux. Des feuilles bi- et tripennatiséquées, des fleurs jaunes groupées
cn petits capitules (8-10 mm) de type radié à 1-2 bractées linéaires, des akènes ovoïdes
plus ou moins comprimés à aile membraneuse caractérisent cette espèce. Elle peut être
falsifiée par des espèces voisines telles que C. americanum (L.) Vatke, à feuilles plus
ou moins lobées, ou par d'autres Asteraceae telles que Parthenium integrifolium L.,
d'où l'intérêt d'un examen morphologique attentif et d'une CCM (flavonoïdes).
On utilise la plante entière. Elle est connue pour renfermer des flavonoïdes de
distribution assez restreinte: 7-0-glucosyl-ériodictyiol, 7-0-glucosyl-iso-okanine,
maritméine [une aurone], maréine [une chakone] et des saponosides, les chrysan-
thellines A et B. L'étude structurale de ces molécules a montré que ce sont des
hidesmosides et que leurs génines - acide échinocystique et caulophyllogénine - sont
dcs dérivés hydroxylés de l'acide 0Iéan-12(l3)-énoïque.
La plante est présentée, sur la base d'un petit nombre de données expérimentales,
comme hépatoprotectrice et anti-œdémateuse et, sur la base d'observations effectuées

16. La Commission E du BfArM allemand ne recommande pas l'usage de la salsepareille, son


('ITicacité n'étant pas démontrée. Au Royaume-Uni, l'édition 1990 de la BH? consacrait une mono-
~raphie à la racine séchée de salsepareille. Cet ouvrage précisait que la salsepareille commerciale est
principalement issue d'espèces américaines - S. aristolochiaefolia Miller, S.febrifuga Kunth, S.
II/'llata Hook.f. et S. regelii Killib & Morton - et qu'elle est anti-inflammatoire. Les différentes
espèces du genre renferment des hétérosides de la sarsasapogénine et de la smilagénine tels que la
parilline (peut-être sous la forme de bidesmosides de furostanols [ex. : sarsaparilloside]). La
pharmacologie de ces espèces reste à peu près inexplorée. Des saponosides comme la parilline sont, in
I·i/ro, fortement antifongiques et antibactériens. Au XIX' siècle, les salsepareilles furent utilisées
comme antisyphilitique et dans le traitement d'affections cutanées diverses, y compris la lèpre.
Diverses espèces sont utilisées par la médecine chinoise (S. glabra Roxb., S. china L.).
17. Les yuccas (Yucca schidigera Roezl ex Ortgies ([yuque de Mohave], Agavaceae) et leurs
l'xtraits sont utilisés en alimentation animale pour réduire les mauvaises odeurs et les émissions
d'ammoniac, mais l'intérêt de cette pratique fait l'objet d'interrogations (du moins chez le Porc). Cf. :
l'anetta, D.M., Powers, W.J., Xin, H. et al. (2006). Nitrogen excretion and ammonia emissions from pigs fed
lIlodified diets,J. Environ. Quai., 35,1297-1308.
862 TERPÉNOÏDES

en médecine de ville, comme antilithiasique et hypolipémiante. Inscrite ni à la


Pharmacopée ni sur la liste des plantes pouvant faire l'objet d'une AMM à dossier
« abrégé », le chrysanthellum est parfois utilisé en phytothérapie (infusion, nébulisat,
poudre) en cas d'insuffisance de la sécrétion biliaire ou de dysmétabolisme
lipoprotéique ainsi que dans l'amélioration des symptômes de l'insuffisance veineuse.
Une crème au Chrysanthellum semble améliorer les formes modérées de rosacée mieux
qu'un placebo (un seul essai). Certains fabricants d'ingrédients cosmétiques présentent
l'extrait de Chrysanthellum comme un produit« anti-âge » .

• LUZERNE , Medicago sativa L., Fabaceae

La luzerne (alfalfa) est plus connue comme plante fourragère que pour ses
(éventuelles) vertus médicinales. Tous les organes de l'espèce type, des espèces
voisines et de leurs hybrides renferment des saponosides, glycosides de soyasapo-
génoIs, bidesmosides et tridesmoside d'oléanènes acides (acide médicagénique, 16a-
hydroxymédicagénique, hédéragénine) estérifiés par un oligosaccharide sur le
carboxyle en C-28 et glycosylés en C-3 (et en C-16 dans le cas du tridesmoside). La
luzerne renferme également des composés phénoliques (coumestrol) ainsi que de la L-
canavanine, surtout concentrée dans les graines (0,8-1,5 % contre 0,1 % dans les
feuilles).

Propriétés, évaluation clinique. Comme beaucoup d'autres saponosides, ceux de la


luzerne sont hypocholestérolémiants (Lapin, Singe); ils favoriseraient l'élimination
fécale du cholestérol (Souris). Chez l'humain, aucun essai clinique publié n'a évalué
l'efficacité des parties aériennes et/ou de leurs extraits sur la cholestérolémie. Aucun
essai réalisé avec de la luzerne en monopréparation n'a été conduit pour évaluer ses
prétendus effets bénéfiques sur les manifestations vasomotrices qui peuvent.
accompagner la ménopause. Les essais cliniques avec les graines étant limités en •.
nombre et en pertinence (essais ouverts, doses massives), l'efficacité thérapeutique de
ces graines n'est pas démontrée.
La consommation de graines de luzerne pourrait induire ou réactiver des manifes-
tations de type lupus érythémateux. Ces manifestations d'origine auto-immune seraient
liées à la L-canavanine. Depuis une vingtaine d'années, aucun élément original n'a.
toutefois été publié sur cette question étudiée initialement chez les primates. Un fort
dosage peut entraîner des troubles digestifs. Un cas de pancytopénie a été notifié.

Emplois. La luzerne semble très peu employée en France (à des fins médicinales ...).
Plante fourragère (ca 600 000 ha en France [2004]) en partie utilisée sous forme
deshydratée (100000 tonnes/an), la luzerne fournit par coagulation des jus de pressage·
des feuilles un concentré protéique utilisé en alimentation avicole. Sa richesse en .
xanthophylles permet la coloration de la chair des poulets et des œufs. Les feuilles de.
luzerne sont utilisées pour l'obtention d'une large gamme de produits pour l'alimenta-
tion animale, la diététique, l'industrie pharmaceutique, etc. (en particulier des protéines
« blanches»). Les graines germées, crues, sont utilisées en alimentation humaine.
Si\I'ONOSIDES 863

L'éventuel consommateur de luzerne devra faire preuve de circonspection face aux


produits étiquetés « alfa» ou « alfalfa ». L'alfa (une matière première pour la papeterie)
l'si en principe Stipa tenacissima L. (Poaceae) et le terme d'alfalfa est parfois utilisé
pour désigner une autre Poaceae, Phleum pratense L.

• TEPESCOHUITE, Mimosa tenuiflora (Willd.) Poiret, Mimosaceae

L'écorce de cette espèce latino-américaine est, sur la base des traditions héritées des
Mayas, utilisée au Mexique dans le traitement de diverses affections dermatologiques.
l,a poudre d'écorce, saupoudrée sur les brûlures, serait analgésique et favoriserait la
n:génération tissulaire comme cela a été rapporté lors d'accidents (explosions,
Iremblements de terre).
M. tenuiflora, « l'arbre de peau », est un petit arbre endémique en Amérique
l'Cntrale et dans le nord de l'Amérique du Sud, caractérisé par des feuilles bipennées,
des épis denses de fleurs blanches et une gousse lancéolée inerme comprimée entre les
graines. La poudre d'écorce, d'odeur faible et de saveur farineuse, renferme de
Ilombreux grains d'amidon, des fibres libériennes et des cellules scléreuses entourées
de cellules cristallifères, des cellules de suber à contenu brun rouge.
L'analyse chimique de l'écorce a montré qu'elle renferme de la N,N-diméthyl-
Iryptamine, des 2-phénoxychromones, des hétérosides de phytostérols et des mono- et
hidesmosides de l'acide oléanolique et de l'acide machérinique (= acide 21~-hydroxy­
oléanolique) : les mimonosides A-C. ln vitro, les mimonosides ont une action
cytotrophique sur les fibroblastes murins et humains, activant et prolongeant la
multiplication cellulaire pendant une dizaine de jours. Ceci pourrait expliquer, au moins
partiellement, les effets que l'on reconnaît à l'écorce. On note également un effet de
synergie avec divers immunostimulants (concanavaline A, lipopolysaccharides).
Il ne semble pas que cette espèce soit utilisée en France à des fins thérapeutiques;
elle entre toutefois dans la formulation de préparations « cosmétologiques » dont les
allégations sont à la limite de la thérapeutique .

• IGNAME, « YAM », Dioscorea villosa L., Dioscoreaceae

Les dioscorées (ignames) constituent, dans les zones tropicales du globe, l'une des
hases de l'alimentation. Certaines espèces sont considérées comme médicinales,
Ilotamment en Extrême-Orient. La plupart renferment des saponosides (furostanols,
spirostanols, prégnanes), ce qui peut leur conférer différentes propriétés pharmaco-
logiques et conduit à leur utilisation dans l'industrie des stéroïdes (cf. p. 823).
Depuis une quinzaine d'années de nombreux compléments alimentaires et autres
crèmes ou lotions au statut incertain à base de « yam » sont offerts au consommateur
pour des « indications» variées, et ce sans aucune justification scientifique.
Certaines firmes, relayées par des sites aux motivations variées, laissent en effet
entendre que la plante est une source de progestérone et de DHEA (déhydroépi-
androstérone) et, qu'à ce titre, cette «biohormone » soulagerait, entre autres, les
864 TERPÉNOÏDES

symptômes de la ménopause. Cela est faux: si, chimiquement, on peut réaliser la


synthèse de diverses hormones (progestagènes et autres) à partir des sapogénines des
dioscorées, cette transformation dans l'organisme humain n'a, à ce jour, pas été décrite.
De plus, elle semble improbable. De fait, un petit essai en double aveugle versus placebo
a montré l'inefficacité d'une crème à base d'extrait d'igname sur les symptômes de la
ménopause. De même, l'allégation « hypocholestérolémiante » n'est justifiée par aucune
étude chez l'humain (en dépit des observations faites chez le Rat avec de la diosgénine).
Si les tubercules de diverses espèces de dioscorées sont parfaitement comestibles
après cuisson 18, il est hasardeux d'en inférer l'innocuité des saponosides qu'ils renfer-
ment. On ne sait rien des effets indésirables que peut entraîner la consommation de
produits concentrés en saponosides (la composition n'est pas toujours indiquée sur
l'étiquetage) et pendant des durées importantes. On ne sait rien non plus des
interactions (probables) de ces substances avec les médicaments. Les préparations
cosmétiques titrant jusqu'à 3,5 % de diosgénine sont considérées comme non toxiques.

7. BIBLIOGRAPHIE
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stéroïdes

Hétérosides cardiotoniques

1. Introduction ...........................................................................................................................870
2. Distribution ............................................................................................................................870
3. Structure .................................................................................................................................871
A. Structure des génines .................................................................................................871
B. Structure de la partie osidique ...................................................................................873
C. Structure des hétérosides ...........................................................................................874
relations structure-activité ......................................................................875
4. Origine biosynthétique ..........................................................................................................875
5. Propriétés physico-chimiques, caractérisation, dosage ........................................................ 877
A. Caractérisation ...........................................................................................................877
réactions colorées: des sucres, des génines ..........................................877
réactions de fluorescence .......................................................................878
B. Dosage ........................................................................................................................878
6. Pharmacologie .......................................................................................................................879
7. Emplois des plantes à hétérosides cardiotoniques ...............................................................880
8. Indications thérapeutiques .................................................................................................... 880
9. Principes de la prescription ................................................................................................... 881
10. Plantes utilisables pour l'extraction d'hétérosides ............................................................... 882
digitales ....................................................................................................................... 882
scille ........................................................................................................................... 888
strophanthus ................................................................................................................ 890
Il. Plantes toxiques à hétérosides cardiotoniques ...................................................................... 891
laurier-rose ..................................................................................................................891
thevetia, muguet .......................................................................................................... 893
hellébores .................................................................................................................... 894
12. Bibliographie ....................................................................................................................... 894
870 STÉROÏDES

1 . INTRODUCTION

Les glycosides cardiotoniques constituent un groupe bien individualisé et d'une grande


homogénéité tant structurale que pharmacologique. Malgré une marge thérapeutique
étroite, ces molécules naturelles d'origine végétale demeurent des médicaments
intéressants pour le traitement au long cours de l'insuffisance cardiaque: la digoxine
reste, à côté de certains inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine, de la
spironolactone et de certains beta-bloquants, un médicament de référence de
l'insuffisance cardiaque chronique. Si l'on excepte la scille (Drimia maritima [L.]
Stearn), connue et employée par les médecins de l'Antiquité pour ses propriétés
diurétiques, les plantes de ce groupe ont été très longtemps inutilisées. L'activité '
« fortifiante du cœur» du muguet n'a été reconnue qu'au XVI' siècle, les propriétés de la
digitale à la fin du XVIII' et les Strophanthus ne sont devenus officinaux qu'au début
du XX', après que LIVINGSTONE en eut éprouvé les effets.
Cette méconnaissance des potentialités thérapeutiques des plantes de ce groupe
n'empêche pas que plusieurs d'entre elles aient été connues et exploitées pour leur,
cardiotoxicité et ce depuis les temps les plus reculés: en Afrique, mais aussi en Asie,
elles entraient - et elles entrent encore parfois 1 - dans la composition de poisons de
flèches qui associaient fréquemment cardiotoxiques et substances irritantes favorisant
leur diffusion tissulaire. C'était le cas, en Afrique, d'Apocynaceae : graines des!
Strophanthus spp. (voir p. 890); bois et racines d'Acokanthera spp. (ex.: A. schimperi '
[A. DC.] Schweinf, de Tanzanie [= A. ouabaio Poisson]); latex des Adenium (ex. : i
A. boehmianum Schinz de Namibie, A. obesum [Forssk.] Roemer & Schultes de la
corne de l'Afrique). C'était aussi le cas, sur le même continent, d'Asclepiadaceae,'
comme Parquetina nigrescens (Afzel.) Bullock. dont on utilisait, au Zaïre, le latex. En, ,;
Malaisie et dans une grande partie du sud-est de l'Asie on se servait surtout du latex
d'une Moraceae, Antiaris toxicaria (Pers.) Leschen., mais aussi de l'écorce d'une,
Celastraceae, Lophopetalumjavanicum (Zoll.) Turcz. En Amérique du Sud, c'est à des:
espèces appartenant aux genres Naucleopsis et Maquira (Moraceae) que l'on avait,
recours. D'autres espèces ont constitué des poisons d'épreuve (ex. : Menabea venenata'
Baillon, Asclepiadaceae, Cerbera spp., Apocynaceae).

2. DISTRIBUTION

Les hétérosides cardiotoniques ont une distribution assez restreinte: quelques;


dizaines de genres répartis inégalement dans une quinzaine de familles. Si le nombre de
genres concernés est assez important chez les Asclepiadaceae (Asclepias, Calotropis, ,

1. En 1996, l'hôpital de Kuala Lumpur a enregistré un décès consécutif à l'ingestion de pokok'


ipoh, un poison de flèches principalement constitué du latex d'Antiaris toxicaria (Pers,) Leschen. Cf.
Ho, LM., Cheong, 1. et Jalil, HA (1996). Rhabdomyolysis and acute renal failure following blowpipe'
dart poisoning, Nephron, 72, 676-678. À la fin des 1960, on enregistrait, au Kénya, de multiples cas
d'usage criminel des poisons de flèche Cf. Maitai, C.K., Muraguri, N. et Patel, HA (1973). A survey on
the use of poisoned arrows in Kenya during the period 1964-1971, East African Med. J., 50, 100-104.
1Il'n'(iROSIDES CARDIOTONIQUES 871

('ryptostegia, Menabea, Pachycarpus, Periploca, Xysmalobium) , ou les Apocynaceae


(!\cokantera, Adenium, Apocynum, Cerbera, Nerium, Strophanthus, Thevetia), dans la
plupart des cas la faculté d'élaborer ces structures ne concerne qu'un nombre de genres
tri.~s limité par famille: Cheiranthus, Erysimum (Brassicaceae), Euonymus, Lophope-
(ltil/Il1 (Celastraceae), Cotyledon, Kalanchoe (Bryophyllum), Tylecodon (Crassulaceae),
('ownilla (Fabaceae), Homeria, Moraea (Iridaceae), Boweia, Convallaria, Drimia
(1 ,iliaceae s.l.), Antiaris, Antiaropsis, Castilla, Maquira, Naucleopsis (Moraceae),
IIdonis, Helleborus (Ranunculaceae), Digitalis (Plantaginaceae), Nierembergia
(Solanaceae), Mansonia (Sterculiaceae), Corchorus (Tiliaceae). Tous les organes peu-
vent en renfermer mais, sauf rares exceptions, les teneurs sont faibles, inférieures à 1 %.
('cs composés sont exceptionnels chez les animaux. Certes, il existe des bufadiénolides
l'hcz les crapauds (Bufo) et des cardénolides chez des Lépidoptères mais, dans ce cas
précis,ils proviennent de la nourriture, les chenilles se nourrissant sur des Asclepiada-
l'cac, Apocynaceae ou Brassicaceae : ces insectes se trouvent ainsi protégés de leurs
prédateurs habituels. Ce n'est toutefois pas une règle générale : quelques Coléoptères
synthétisent leurs génines cardiotoniques à partir des phytostérols (Chrysolina sp.).

3. STRUCTURE
Remarquablement homogène, cette structure comporte une génine stéroïdique de
type cardénolide (en C 23 ) ou bufadiénolide (en C 24 ) et une partie osidique, le plus
souvent oligosidique.

A. Structure des génines

Toutes les génines possèdent en commun le noyau tétracyclique habituel des


stéroïdes. L'enchaînement des cycles A, B, C et D est normalement du type ci.~-trans-
o
o
H

digitoxigénine
A/B cis - BIC trans - CID cis

CARDÉNOLIDES : b
digitoxigénine (H-S~)
uzarigénine (H-Sa) o o
BUFADIÉNOLIDE :
scillarénine

HO HO
872 STÉROÏDES

o o o

sarmentogénine digoxigénine oléandrigénine

o o o o

k-strophantidine ouabaigénine sarvérogénine


:= cymarigénine

cerberligénine strogogénine hellébrigénine

cis (digitoxigénine) ou, plus rarement, frans-frans-cis (uzarigénine, génines


d'Asclepiadaceae)_ Dans quelques cas (rares: scillarénine), une double liaison 4,5 intro-
duit une certaine planéité dans la molécule. Commune également à toutes les génines
est la présence de deux hydroxyles: l'un, secondaire en C-3~, l'autre, tertiaire en C-
14~. Le dernier élément de cette structure de base commune à toutes les génines est la
substitution du carbone C-17 par une lactone a~-insaturée en orientation ~.
La taille du cycle lactonique permet de distinguer deux groupes de génines : les
cardénolides en C23 à y-lactone a~-insaturée (= buténolide) et les bufadiénolides en C24
à o-lactone di-insaturée (= pentadiénolide).

Variations structurales. Elles sont assez restreintes et consistent en la présence de


fonctions hydroxyle supplémentaires en C-lla (sarmentogénine), en C-12~ (digoxi-
génine), en C-16~ (gitoxigénine), en C-5~ (k-strophanthidine), en C-I (ouabaïgénine)
ou sur plusieurs de ces positions (ouabaïgénine, diginatigénine). L'un de ces hydroxyles
peut, ce qui est rare, être estérifié par l'acide formique (gitaloxigénine) ou par l'acide
III~TÉROSIDES CARDIOTONIQUES 873

acétique (oléandrigénine). L'oxydation peut également se manifester par l'existence


d'une cétone en C-12 comme chez la sarvérogénine ou par celle d'un époxyde, qu'il soit
cn 11,12 dans le cas de la cerbertigénine ou bien en 7,8 dans celui de la sarvérogénine.
Il n'est pas rare que le méthyle angulaire en C-lO soit oxydé en hydroxyméthyle
(ouabaïgénine) ou en aldéhyde (k-strophanthidine, hellébrigénine); il peut alors être à
l'origine d'une lactonisation avec l'hydroxyle en C-11 (strogogénine). Exception-
nellement, le cycle C peut être insaturé (L'l") et, chez les Thevetia, on connaît des C-nor-
D-homo-cardénolides (ex. : homologues de la cannogénine).

B. Structure de la partie osidique

La majorité des oses rencontrés dans les hétérosides cardiotoniques sont quasiment
spécifiques de ces molécules. Ce sont des 2,6-didésoxyhexoses comme le D-digitoxose
(= 2,6-didésoxy-D-allose) et des 2,6-didésoxy-3-méthylhexoses comme le L-
oléandrose (= 2,6-didésoxy-3-méthyl-L-mannose) ou le D-diginose (= 2,6-didésoxy-3-
méthyl-D-galactose) .
À côté de ces oses particuliers on rencontre également des 6-désoxyhexoses (L-
rhamnose, D-fucose) et des 6-désoxy-3-méthylhexoses tels que le L-thévétose ou 6-
désoxy-3-méthyl-L-glucose) et le D-digitalose (= 6-désoxy-3-méthyl-D-galactose).

H~ H~
HO

CH 3 0 OH HO
OH
OH CH 3 0~ OH
OH

~-D-diginose ~-D-fucose ~-D-digitalose (3-0-méthylfucose)

H3 C OH OH

HO~OH
HO
HOH~
H3 CO
HO
~ HO
OH
~-D-digitoxose ex -L -oléandrose ex -L -rhamnose

OH

H~OH H~ OH HOH~
H3 CO
OCH 3 OH OH

~-D-sarmentose ~-D-boivinose ex-L -thévétose

Le glucose peut également être présent dans les structures hétérosidiques ; il est
alors généralement à l'extrémité d'un oligoside. Notons enfin qu'un hydroxyle d'un ose
peut être acétylé (voir plus loin: acétyldigoxine).
874 STÉROÏDES

o
HO _ <OHO

H~~ o
HOo o
H~h-o~O\
~ HO
0

OCH 3

K-strophantoside
OH

R =P-D-glc-(1->4)-a-L-rha-(1-»: convalloside
o R = a-L-rha-(1-» : con valla toxine
o

o
H3C/",-O-/
HO~
bryophylline A (= bryotoxine G) HO OH ouabaïne

o
o
o

)î+O"H

"",lo+o
H FI
orbicuside A usharidine

c. Structure des hétérosides

La partie osidique est habituellement liée à la génine par l'intermédiaire de


l'hydroxyle en C-3, Cette partie osidique peut être constituée d'un ose (l'ouabaïne est la
3-rhamnosyl-ouabaïgénine) ou, ce qui est très fréquent, d'un oligosaccharide. Celui-ci .
peut comporter de deux à quatre oses. Quand le glucose est présent, il est toujours en
position terminale. On distingue classiquement les hétérosides primaires et les
hétérosides secondaires. Les premiers, présents dans la plante fraîche, comportent une
molécule terminale de glucose qui est facilement éliminée (notamment au cours du
séchage) pour conduire aux seconds. Exemple: convalloside et convallatoxine, (voir
aussi, au chapitre suivant, les hétérosides des digitales ou de la scille).
III~TÉROSIDES CARDIOTONIQUES 875

Les structures sont un peu différentes chez les Asclepiadaceae et les Crassulaceae.
('hez ces familles, l'existence de génines hydroxylées en C-2 autorise la formation d'une
structure cyclique (tylédoside A, uscharidine, calotropine). Dans le cas des Crassu-
laceae, la liaison avec le sucre peut même être triple (orbicuside). Chez cette même
ramille, la structure peut ne pas être hétérosidique : la bryophylline A des Kalanchoe est
un l ,3,5-ortho-acétate et d'autres bufadiénolides sont de simples esters (acétate ou
gluconate).

Relations structure-activité.

L'activité cardiotonique est liée à la génine. La partie osidique n'intervient pas


directement mais sa présence l'augmente et la module en faisant varier la polarité de la
molécule. La présence d'un certain nombre d'éléments structuraux est nécessaire ou, au
moins, favorable à l'activité:
• la lactone insaturée en C-17. L'existence d'un enchaînement X=C-C= (où X est
un hétéroatome) a longtemps été considérée comme obligatoire; de fait, certains déri-
vés nitrés non insaturés sont actifs. Dans tous les cas la substitution du carbone C-17
doit se faire en P;
• la configuration des cycles. L'activité est maximale lorsque l'enchaînement des
l:ycles A, B et C est cis, trans, cis. L'activité est théoriquement fortement diminuée
lorsque les cycles A et B sont en trans (ex. : uzarigénine), mais demeure lorsque le
l:ycle A est partiellement insaturé comme c'est le cas avec les hétérosides de la scille
dont la génine est du type 4,5-déhydro. Les cycles C et D doivent obligatoirement être
rusionnés en cis;
• les substituants. L'inversion de la configuration du carbone C-3 diminue
l'activité, mais les composés 3-désoxy ne sont pas complètement inactifs. Dans le cas
de l'hydroxyle tertiaire en C-14, sa présence est un élément très favorable mais c'est
peut-être moins son existence que la configuration du carbone C-14 qui est importante:
la 14-épidigitoxigénine est inactive alors que la 14-désoxydigitoxigénine (C-14P-H) est
légèrement active (mais les dérivés 8,14-PP-époxy sont inactifs).
Aucune des nombreuses modifications structurales mises en œuvre dans cette série
Il 'a permis d'améliorer les performances des hétérosides naturels; en particulier, il n'a
pas été possible d'obtenir une meilleure marge thérapeutique.

4. ORIGINE BIOSYNTHÉTIQUE

On admet actuellement que les cardénolides sont issus de la condensation, par une
malonyl-CoA transférase, d'un dérivé de la série du prégnane (un 20-cétoprégnane
ronctionnalisé tel que la 5p-prégnan-3,14,21-triol-20-one) avec une unité malonyl. La
réduction de la double liaison en 4,5 fait intervenir une 5p-réductase spécifique. Le
mécanisme de l'introduction de l'hydroxyle en C-14 avec inversion de la configuration
reste à préciser.
Drimia maritima (L.) Stearn
HÉTÉROSIDES CARDIOTONIQUES 877

5. PROPRIÉTÉS PHYSICO-CHIMIQUES, CARACTÉRISATION, DOSAGE

En règle générale, les hétérosides sont plutôt solubles dans l'eau, légèrement
solubles dans l'éthanol et le chloroforme: la digitoxine est beaucoup plus soluble dans
le chloroforme que la digoxine, laquelle est assez soluble dans l'éthanol dilué et le
mélange éthanol-chloroforme. Les deux sont très peu solubles dans l'acétate d'éthyle.
Des hétérosides primaires comme le lanatoside C sont hydrosolubles, solubles dans le
dioxane, très peu solubles dans le chloroforme (l g dans 2 litres), quasiment insolubles
dans le méthanol. La présence de la lactone fragilise la molécule: possibilité
d'ouverture en milieu alcalin.

A. Caractérisation

La faible teneur habituelle en hétérosides cardiotoniques interdit la mise en œuvre


directe des différentes méthodes de caractérisation : il est nécessaire de préparer des
extraits purifiés et concentrés. La technique habituelle (mais elle est incompatible avec
la présence de dérivés formylés) pour préparer ces extraits est celle de la « défécation
plombique» : extraction de la plante pulvérisée par un mélange d'éthanol à 50 % et de
solution d'acétate de plomb. Après ébullition puis refroidissement et élimination du
marc par centrifugation, les hétérosides cardiotoniques présents dans le liquide
surnageant sont extraits par du chloroforme. C'est sur cette solution chloroformique
que sont réalisées les réactions de caractérisation et les analyses chromatographiques.

Réactions colorées. Elles peuvent être dues aux sucres ou aux génines.

Réactions des sucres. Les seules réactions des sucres présentant un intérêt sont
celles qui sont spécifiques des 2,6-didésoxyhexoses. La réaction couramment mise en
œuvre est celle au xanthydrol, également connue sous le nom de réaction de PESEZ:
addition de xanthydrol à une solution d'hétérosides dans l'acide acétique concentré puis
chauffage au bain-marie; il se développe une coloration rouge.
On peut aussi utiliser la réaction de KELLER-KILIANI : addition d'acide sulfurique
concentré contenant des traces de sels ferriques à une solution d'hétéroside dans l'acide
acétique concentré contenant également des sels ferriques; il se forme un anneau brun-
rouge et la solution acétique se colore lentement en bleu-vert. À noter que des
hétérosides comme l'ouabaïne (dont la partie osidique est un rhamnose, c'est-à-dire un
6-désoxyhexose) ne donnent pas cette réaction, mais que d'autres hétérosides de 2,6-
didésoxyhexoses non cardiotoniques donnent une réaction positive: c'est le cas des
digitanol-hétérosides à D-diginose (c'est-à-dire à 2,6-didésoxy-3-méthyl-D-galactose)
comme le diginoside ou la digifoléine.

Réactions dues aux génines. On peut mettre en œuvre les réactions classiques des
stéroïdes, mais leur manque de spécificité en limite l'intérêt. Dans le cas des
cardénolides, il est beaucoup plus intéressant de recourir à des réactions relativement
878 STÉROÏDES

spécifiques, liées à l'existence de la y-Iactone a,~-insaturée de type cardénolide; ,


réaction de KEDDE et réaction de BALlET. Le point commun de ces réactions est
d'employer un dérivé aromatique nitré qui, en milieu alcalin (hydroxyde de sodium),
s'additionne sur la lactone pour former un dérivé fortement coloré. La réaction de
KEDOE utilise l'acide 3,5-dinitrobenzoïque ; la coloration obtenue est rouge violacé et
assez stable. La réaction de BALlET utilise l'acide picrique et donne une coloration
orangée stable. Ces réactions sont négatives avec les saponosides, négatives ou
beaucoup moins sensibles avec les bufadiénolides. Les digitanol-hétérosides peuvent
donner des réactions faiblement positives.

Réactions de fluorescence

Les hétérosides cardiotoniques donnent, en milieu acide, des dérivés déshydratés


fluorescents; formation de dérivés 14(15)-déhydro et, dans le cas des génines
substituées en C-16, de dérivés 14(15)-16(17)-didéhydro; les fluorescences sont,
beaucoup plus intenses dans ce dernier cas, la triénone formée ayant trois doubles '
liaisons conjuguées au carbonyle. Ces réactions sont surtout intéressantes pour révéler
les chromatogrammes (CCM).
En pratique on emploie la réaction de JENSEN; pulvérisation sur les plaques d'acide
trichloracétique en solution dans l'éthanol. L'utilisation simultanée d'un oxydant
(chloramine) permet d'observer des fluorescences de couleur différente ce qui facilite,
l'interprétation des chromatogrammes. On peut aussi recourir à l'acide phosphorique,
seul ou mélangé à l'acide sulfurique et au chlorure ferrique; après chauffage on obtient'
une coloration rouge (réaction de TATTlE). Là encore, la réaction est beaucoup plus
sensible avec les hétérosides à génine substituée en C-16 qu'avec ceux du type'
digitoxine ou digoxine. '
Les digitanol-hétérosides ne donnent aucune de ces réactions de fluorescence.

B. Dosage

La complexité habituelle de la composition des plantes à hétérosides cardiotoniques;


et la faiblesse des teneurs rendent le dosage délicat. Les Pharmacopées prescrivent le:
plus souvent un dosage des génines.
Ces dosages, colorimétriques dans la plupart des cas, mettent à profit les réactions
caractéristiques de la lactone (cardénolides) ; dans le cas du dosage des hétérosides purSy
(digitoxine, digoxine), la Pharmacopée européenne utilise la réaction de BALJET (acide\"
picrique); dans celui du dosage des génines dans la digitale elle a recours à la réaction:
de KEOOE (acide 3,5-dinitrobenzoïque). r
Dans le cas du dosage des génines, les hétérosides présents dans le surnageant après;:
défécation plombique sont hydrolysés en milieu chlorhydrique et les génines extraites ~
plusieurs reprises par le chloroforme. Les solutions chloroformiques sont évaporées e ';
le résidu, repris par l'éthanol, est additionné d'acide 3,5-dinitrobenzoïque; on mesur .
ensuite l'absorbance à 540 nm. On prépare simultanément un témoin en utilisant u~
hétéroside pur que l'on traite dans des conditions strictement identiques.
HÉTÉROSIDES CARDIOTONIQUES 879

Le dosage colorimétrique direct des hétérosides commence par une extraction à


l'aide d'une solution aqueuse ou hydro-alcoolique et se poursuit par une purification:
défécation plombique et/ou épuisement de la liqueur extractive par un solvant non
miscible. Au cours des dernières années plusieurs méthodes ont été développées en
chromatographie liquide: elles permettent de déterminer teneur en hétérosides totaux et
proportions relatives des différents hétérosides, ce qui est indispensable pour une
appréciation correcte de la valeur extractive de la plante.

6. PHARMACOLOGIE

Les hétérosides cardiotoniques exercent leur activité sur le cœur à plusieurs


niveaux: force et vitesse de contraction, fréquence, conductibilité. Ces effets se
traduisent par des modifications électrocardiographiques couramment observées au
cours du traitement:
- augmentation de la contractilité. Les hétérosides cardiotoniques augmentent la
force et la vitesse de contraction du myocarde. Chez l'insuffisant cardiaque, cet effet
inotrope positif se traduit par une augmentation du débit cardiaque, une augmentation
du travail myocardique sans élévation de la consommation en oxygène, un
ralentissement de la fréquence et, indirectement, par une diminution des résistances
artérielles. Les hétérosides agiraient au niveau membranaire en inhibant la Na-K
ATPase ce qui aurait pour conséquence une augmentation de la concentration
intracellulaire en calcium ionisé. On postule également qu'ils diminuent l'activation du
système rénine-angiotensine-aldostérone, qu'ils abaissent le taux de catécholamines
circulantes et qu'ils restaurent la sensibilité du baro-réflexe;
- chez l'insuffisant cardiaque, les hétérosides cardiotoniques diminuent la fréquence
(effet chronotrope négatif) par modification de la régulation neurovégétative (effet
indirect parasympathomimétique);
- action au niveau de la conductibilité. L'action dromotrope négative, d'origine
cholinergique, se traduit par un ralentissement de la vitesse de conduction à la jonction
auriculo-ventriculaire et par un allongement de la période réfractaire du nœud auriculo-
ventriculaire (d'où l'utilisation dans les troubles du rythme supraventriculaires). Il n'y a
pas d'action sur la conduction intraventriculaire.
Chez les insuffisants cardiaques, la contractilité est diminuée, le débit cardiaque
s'abaisse (réduction de la fraction d'éjection), le résidu post-systolique et la
consommation d'oxygène s'accroissent, la fréquence augmente; la diminution de
contractilité entraîne une activité vasoconstrictrice sympathique réflexe. Le débit rénal
diminue, rétention hydro-sodée et œdèmes s'installent. Les cardiotoniques, en
améliorant le débit myocardique, font régresser l'activité constrictrice sympathique
réflexe; la résistance à l'éjection ventriculaire diminue, le retour veineux s'améliore, la
fréquence tend à ralentir.
La pharmacocinétique des hétérosides cardiotoniques est étroitement dépendante de
la polarité de la molécule, en particulier du degré d'hydroxylation de la génine. Cet
aspect de la connaissance des cardiotoniques, comme d'ailleurs leurs propriétés
pharmacodynamiques ou leur métabolisme, ne concerne pas directement la pharmaco-
880 STÉROÏDES

gnosie et est traité en détail dans des ouvrages spécialisés. Nous noterons simplement
ici qu'une molécule peu hydroxylée comme la digitoxine est lipophile: administrée par
voie orale, elle est rapidement et entièrement résorbée; elle est fortement fixée par les
protéines plasmatiques et son élimination par voie biliaire et rénale est lente (1/2 vie> 6
jours, très variable selon le patient). La digoxine, moins lipophile, est moins bien
résorbée au niveau intestinal (80 %) ; peu liée aux protéines plasmatiques, elle diffuse
rapidement dans les tissus; peu métabolisée, elle s'élimine principalement et assez
rapidement par voie rénale (1/2 vie = 36 heures). Une molécule très polaire comme
l'ouabaïne ne peut être administrée que par voie IV (la résorption digestive est très
mauvaise), et son élimination rénale est rapide. Les concentrations plasmatiques non
toxiques se situent respectivement entre 10 et 25 ng/ml et 0,8 à 2 ng/ml pour la ,
digitoxine et la digoxine.

7. EMPLOIS DES PLANTES À HÉTÉROSIDES CARDIOTONIQUES

Ces plantes ne sont pas utilisées en nature et les formes galéniques, du fait de leur ;
activité inconstante, ont été abandonnées au profit des hétérosides purs fournis par '
l'industrie extractive. En France, ce sont les différents hétérosides obtenus par :,
extraction des feuilles de la digitale laineuse qui sont employés en pratique médicale ;
courante. L'ouabaYne des Strophanthus, longtemps recherchée pour l'urgence, n'est plus;
commercialisée.

8. INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES

L'utilité des digitaliques dans le traitement de l'insuffisance cardiaque chronique a "


fait l'objet de longues polémiques que de multiples études randomisées ont cherché à"
clore. L'une de ces études - elle a concerné 7 788 patients - a montré que la digoxine ;
en prescription quotidienne (0,25 mg pour 70 % des patients, durée moyenne du suivi: \
37 mois; patients traités par ailleurs par un IEC et/ou un diurétique) réduit la mortalité,
par aggravation de l'insuffisance cardiaque chronique, mais ne modifie pas la mortalité
globale (alors que les autres inotropes l'augmentent). Elle a également mis en évidence
une diminution très nette (> 20 %) des hospitalisations pour aggravation de,'
l'insuffisance cardiaque chronique. Des études antérieures avaient pour leur part:
démontré l'efficacité des digitaliques pour améliorer les symptômes et la qualité de vie;
des insuffisants cardiaques. Cela est aussi vrai chez les malades recevant simultanément
un inhibiteur de l'enzyme de conversion et des diurétiques : une étude randomisée 8::
montré que l'arrêt des digitaliques conduisait, le plus souvent, à une détérioration de'
l'état de ces patients. lI:
L'efficacité des digitaliques ne doit pas occulter le fait que les inhibiteurs de:
l'enzyme de conversion de l'angiotensine et certains diurétiques sont actuellement'
considérés comme le traitement de base de l'insuffisance cardiaque: ils ralentissent hl'
progression de la maladie et diminuent la mortalité. C'est, habituellement, l'évolution dé,
l'insuffisance qui conduit à associer les digitaliques au traitement de base. !
III~TÉROSIDES CARDIOTONIQUES 881

Les indications thérapeutiques des hétérosides cardiotoniques sont actuellement les


suivantes: 1 l'insuffisance cardiaque à bas débit (généralement en association aux
0

diurétiques), en particulier lorsqu'il existe une fibrillation auriculaire; 20 les troubles du


rythme supraventriculaire : ralentissement ou réduction de la fibrillation auriculaire ou
du flutter auriculaire.
Le prescripteur devra tenir compte des assez nombreuses contre-indications:
hyperexcitabilité ventriculaire (extrasystoles), blocs auriculo-ventriculaires non
appareillés, calcithérapie IV, etc. Prescripteurs et responsables de la délivrance
tiendront compte également des possibilités multiples d'interactions médicamenteuses
communes à tous les hétérosides cardiotoniques et qui imposent des précautions
d'emplois:
• sels de calcium IV induisant des troubles graves, voire mortels, du rythme (c'est
de fait une contre-indication) ;
• substances adsorbantes (charbon, colestyramine, antiacides) modifiant
l'absorption digestive des cardiotoniques: les prendre à distance (c'est-à-dire plus de
deux heures après);
• hypokaliémiants (diurétiques, mais aussi laxatifs stimulants, corticoïdes ou
amphotéricine B) augmentant leur toxicité (1 'hypokaliémie favorise les troubles du
rythme).
D'autres interactions, communes ou propres à chaque cardiotonique, sont
également à prendre en compte: avec les inducteurs enzymatiques (phénobarbital,
rifampicine) [digitoxine, acétyldigitoxinel, avec la quinidine, la salazosulfapyridine, le
vérapamil, etc. [digoxine], avec l'amiodarone [tous], avec la midodrine et le brétylium
Idigitoxine], etc.
Des interactions sont également possibles avec des plantes utilisées en phyto-
thérapie, parfois à l'insu du prescripteur: c'est le cas du millepertuis.

9. PRINCIPES DE LA PRESCRIPTION

Le choix du cardiotonique (d'action rapide, lente ou intermédiaire) est fonction du


type et du stade de la cardiopathie, de l'état rénal et de l'équilibre électrolytique du
malade. Il est habituel que la prescription - c'est normalement une forme pour la voie
orale - débute par une dose d'attaque permettant une « digitalisation» optimale et
qu'elle se poursuive par une dose d'entretien hebdomadaire à répartir sur plusieurs
jours de la semaine (ou tous les jours, selon 1'hétéroside choisi). Les posologies
moyennes doivent être adaptées pour chaque malade en fonction des données cliniques
(retour à une fréquence stable à 70 par minute) et électrocardiographiques.
Les posologies habituelles seront réduites chez le sujet âgé. Chez l'insuffisant
hépatique ou rénal, il est recommandé de procéder à une surveillance régulière de la
diurèse, de la pression artérielle, de la fréquence cardiaque, de la kaliémie: tout dépend
de la nature du cardiotonique et donc du fait qu'il est - ou n'est pas ou peu -
métabolisé par le foie; sa voie d'élimination principale est également à prendre en
considération. Il peut être opportun d'utiliser le dosage plasmatique du médicament
pour ajuster la posologie.
882 STÉROÏDES

Les premiers signes d'un éventuel surdosage sont d'ordre digestif (nausées,
vomissements, parfois diarrhées) puis, souvent, visuels (coloration jaune de la vision,
scotomes scintillants) et neuro-sensoriels (confusion, névralgies). Les troubles
cardiaques sont surtout des blocs auriculo-ventriculaires et des bradycardies sinusales,
plus rarement des tachysystolies auriculaires ou des fibrillations ventriculaires, etc. En
cas de surdosage le traitement doit être suspendu et des mesures adéquates mises en
œuvre. Les intoxications, favorisées par l'insuffisance rénale et certaines associations
médicamenteuses, nécessitent l'hospitalisation en service spécialisé. Les fragments Fab ï
d'anticorps anti-digoxine constituent un antidote efficace à l'intoxication massive.

10. PLANTES UTILISABLES POUR L'EXTRACTION D'HÉTÉROSIDES

.DIGITALES, Digitalis spp., Plantaginaceae (ou Scrophulariaceae)

Le genre Digitalis comprend une vingtaine d'espèces essentiellement européennes


et herbacées. Si toutes les espèces du genre renferment des hétérosides de cardénolides,:
deux seulement sont utilisables pour l'extraction de la digitoxine, de la digoxine et de .~
dérivés voisins: la digitale laineuse, Digitalis lanata Ehrh. (digoxine et autres) et la ~
digitale pourprée, Digitalis purpurea L. (digitoxine). Seule la digitale pourprée fait:
l'objet d'une monographie à la Pharmacopée européenne (6' éd.) pour sa feuille séchée,
(liste 1) également inscrite dans de nombreuses pharmacopées nationales.
La digitale pourpre, décrite sous ce nom en 1542, préconisée au XVII' siècle par'
PARKINSON et réputée antiépileptique, ne fut réellement utilisée qu'après 1785, année où ~
W. WITHERING en décrivit les effets bénéfiques dans le traitement de « l'hydropisie »,' (
Elle ne devint véritablement un médicament qu'après l'isolement du premier composé;
supposé pur: la digitaline (C. NATIVELLE, 1868).
La digitale laineuse est largement cultivée. Industriellement, elle constitue - de,
façon quasi exclusive - la matière première utilisée pour l'extraction des hétérosides,'
actuellement commercialisés, essentiellement la digoxine.

La feuille de digitale pourprée est constituée par lafeuille séchée de D. purpurea,)


Elle contient au minimum 0,3 % d'hétérosides cardénoliques exprimés en digitoxine et)
calculés par rapport à la feuille desséchée à 100-105 oC (Ph. eur., 6' éd., [0112008:,
0117]).

Les plantes: morphologie, localisation .


La digitale pourpre est une espèce herbacée bisannuelle ou pluriannuelle. La'
première année, la plante est réduite à une rosette dense de feuilles, la hampe florale:
(0,5-1,5 m) n'apparaissant, au mieux, que la deuxième année. Les feuilles, pétiolées à là'
base de la tige et sessiles au sommet, sont alternes. Le limbe, longuement décurrent à la
base et à marge grossièrement et irrégulièrement crénelée, possède un réseau de:
nervures très saillant sur la face inférieure, cette dernière étant très pubescente.
L'inflorescence est une longue grappe unilatérale de fleurs 5-mères, gamopétalesr
zygomorphes, hypogynes. La corolle est faiblement bilabiée, pourpre marquée d~,
Il (~TÉROSIDES CARDIOTONIQUES 883

laches rouge vif cernées de blanc. L'androcée est didyname, le style filiforme. Le fruit
l'st une capsule 2-loculaire ovoïde entourée d'un calice persistant; il libère, par
déhiscence septicide, des graines nombreuses et minuscules. L'espèce est spontanée sur
les terrains siliceux de l'Europe occidentale où elle se développe dans des stations rni-
ombragées; elle est absente des régions méditerranéennes. Son habitat est assez dense
dans certaines régions pour avoir permis un ramassage des plants sauvages. En fait
l'espèce a longtemps été cultivée.
La digitale laineuse est une espèce vivace, calcicole, à feuilles sessiles, lancéolées,
acuminées au sommet, glabres, à marge entière. Les fleurs sont groupées en une longue
grappe dense. Les bractées de l'inflorescence et le calice sont très velus; la corolle, de
couleur blanc crème veinée de brun, est fortement bilabiée, la lèvre inférieure étant de
même longueur que le tube alors que le lobe supérieur bifide est très court. L'espèce est
originaire des régions centrales et méridionales de l'Europe où elle pousse sur les
pentes calcaires ensoleillées. La digitale laineuse utilisée pour l'extraction provient
uniquement de la culture. L'espèce, assez peu exigeante, se cultive bien, même sur des
terrains peu calcaires. Des variétés sélectionnées sont cultivées en Hollande.

Les plantes: caractères macroscopiques et microscopiques des feuilles


La feuille de digitale pourpre est grande (10-40 x 4-15 cm). Le limbe, ovale à
extrémité subaiguë et bords irrégulièrement crénelés dentés ou dentés en scie, est
longuement décurrent le long du pétiole, vert et rugueux à la face supérieure, vert-gris
et très pubescent à la face inférieure. La nervation est pennée et anastomosée sur les
bords du limbe; elle forme un réseau proéminent à la face inférieure. Une petite nervure
aboutit à chaque dent du bord de la feuille et les nervures inférieures descendent le long
du pétiole ailé. La feuille sèche, friable, est fréquemment brisée.
La feuille de digitale laineuse est ovale-lancéolée à lancéolée (10-30 x 1-4 cm). Le
limbe, vert foncé, est glabre et sa marge est entière. Les nervures secondaires forment
un angle très aigu avec la nervure centrale; elles ne forment pas de réseau saillant à la
face inférieure.
La poudre de digitale pourpre, examinée au microscope (hydrate de chloral),
présente principalement 2 types de poils : poils tecteurs à pointe émoussée, 1-sériés,
formés généralement de 3 à 5 cellules dont une ou plusieurs sont souvent collabées, à
parois finement verruqueuses ou légèrement striées; poils glanduleux à pédicelle 1-
cellulaire et à tête généralement 1- ou 2-cellulaire. Les cellules de l'épiderme ont des
parois anticlinales droites ou légèrement sinueuses selon leur localisation. Les stomates,
anomocytiques, sont absents ou très rares sur la face supérieure et nombreux à la face
inférieure. Les épidermes de la feuille de digitale laineuse ne portent que des poils
sécréteurs à pied 1-cellulaire et à tête bicellulaire. L'épiderme supérieur est caractérisé
par des cellules épidermiques à épaississements en forme de chapelet.

Les feuilles: identification et essai de la digitale pourpre.


L'identité de la feuille de digitale pourpre est confirmée, après extraction des
hétérosides, par une double caractérisation et par une CCM :
- caractérisation des cardénolides (coloration violet-rouge avec l'acide
dinitrobenzoïque en présence d'hydroxyde de sodium);
Digitalis purpurea L.
III'iTÉROSIDES CARDIOTONIQUES 885

- caractérisation des 2,6-didésoxyhexoses (coloration rouge en présence de


xanthydrol) ;
- CCM : les hétérosides sont visualisés par leur fluorescence à 365 nm après pulvé-
risation d'acide trichloracétique et de chloramine et chauffage à 100-105 oC.
Caractérisation et CCM sont mises en œuvre après extraction préalable à l'aide d'un
mélange d'alcool à 50 % et d'une solution d'acétate de plomb puis épuisement de la
solution hydro-alcoolique sumageante par le chloroforme.
La digitale pourpre ne doit pas contenir de feuilles de digitale laineuse: absence de
kuilles glabres dont les cellules épidermiques, vues de face, présentent des parois
anticlinales ayant l'aspect d'un chapelet.
Le dosage est un dosage des génines : extraction des hétérosides (eau froide),
purification (acétate de plomb), hydrolyse (acide chlorhydrique au reflux), extraction
des génines (chloroforme), coloration (acide dinitrobenzoïque et hydroxyde de
sodium), mesure de l'absorbance. On mesure en parallèle l'absorbance d'une solution
de digitoxine ayant subi la même séquence opératoire.

Composition chimique. La feuille des digitales renferme de nombreux composés:


l1avonoïdes (flavones et hétérosides de flavones); anthraquinones (dérivés de la 2-
méthylanthraquinone et de l'alizarine); saponosides; digitanols-hétérosides et
hétérosides cardiotoniques.
Les saponosides, présents dans les feuilles, sont surtout abondants dans les graines.
Leur génine est spirostanique (digitogénine, tigogénine) : digitonoside, tigonoside
Les digitanol-hétérosides - digitalonine, diginoside, digifoléine - sont des
hétérosides comportant une génine prégnanique en C 21 et un désoxy-sucre (D-
digitalose, D-diginose, L-oléandrose). La diginigénine est caractérisée par la présence
d'un cycle tétrahydrofuranique (éther 12,20) et par celle de deux carbonyles (en C-11 et
C-15); elle peut être hydroxylée en C-2 (digifologénine -> digifo1éine). La génine
peut aussi ne pas comporter de pont éther 12,20 (ex: la purprogénine est la 5-prégnène-
3p, 14p, 15a-triol-15,20-dione). La teneur en ces composés est toujours très faible;

z;d"",
R-O

R =H : diginigénine HO digitogénine
R =digitalose : digitalonine H
R =diginose : diginoside

La composition des deux espèces en hétérosides cardiotoniques diffère sensi-


blement, quantitativement et qualitativement.
Digitale pourprée. La teneur en cardénolides des feuilles des digitales sauvages
oscille entre 0,1 et 0,4 %. Près d'une trentaine d'hétérosides ont été caractérisés dans la
Icuille. Les proportions relatives des différentes séries sont variables (chimiotypes).
886 STÉROÏDES

Les hétérosides primaires, connus sous le nom de purpuréaglucosides, sont présents


dans la plante fraîche; ils comportent une partie osidique liée à la génine par l'intermé-
diaire de l'hydroxyle en C-3 et constituée de quatre sucres: une molécule de D-glucose
(terminale) et trois molécules d'un 2,6-didésoxy-hexose, le D-digitoxose. Si la
dessiccation de la feuille est réalisée sans précautions particulières, les hétérosides
primaires sont rapidement hydrolysés par la digipurpidase, une ~-glucosidase présente
dans les feuilles. Les produits d'hydrolyse ont perdu leur glucose terminal: on parle
alors d'hétérosides secondaires. Ceux-ci sont insensibles à l'action des ~-glucosidases,
mais peuvent être hydrolysés en milieu acide.
Les cardénolides majoritaires de la feuille de D. purpurea se répartissent en trois
séries définies par la structure de leur génine :
• série A : la génine est la digitoxigénine (3~,14~-dihydroxylée). L'hétéroside
primaire est le purpuréaglucoside A, l'hétéroside secondaire est la digitoxine (ou
digitoxoside 2) également connue sous le nom de digitaline;
• série B : la génine est la gitoxigénine (3~,14~,16~-trihydroxylée). L'hétéroside
primaire est le purpuréaglucoside B, l 'hétéroside secondaire est la gitoxine ;
• série E : la génine est la gitaloxigénine (= 16-formyl-gitoxigénine). L'hété-
roside primaire est le purpuréaglucoside E ou glucogitaloxine, l'hétéroside secondaire
est la gitaloxine.
À côté de ces composés principaux, on isole de la plante des hétérosides très
minoritaires ayant des génines identiques à celles des précédents (A, B ou E) mais dont
la partie osidique est constituée d'un ose simple ou d'un disaccharide: strospéside (D-
digitalosyl-gitoxigénine), digiproside (D-fucosyl-digitoxigénine) odoroside (D-
digitalosy l-digitoxigénine), gluco-strospéside, etc.
o o

R =H : digitoxigénine
R =OH : gitoxigénine
R =O·CHO : gitaloxigénine o o

purpureaglucoside A

digitoxine (= digitoxoside = digitaline)

2. La nature hétérosidique de ces molécules impose naturellement une désinence ·oside ; toutefois!
l'usage et la Pharmacopée conduisent à retenir la désinence ·ine.
IIÉTÉROSIDES CARDIOTONIQUES 887

Digitale laineuse. Comme la précédente, cette espèce renferme des saponosides


(tigonoside) et une petite quantité de digitanol-hétérosides dont certains sont
spécifiques (oléandrosyl-3-digifologénine). La teneur en cardénolides peut être
supérieure à 1 %. Comme dans le cas précédent de très nombreux composés ont été
identifiés (une soixantaine) et leur structure est voisine. Les hétérosides de la série A et
de la série C sont largement majoritaires. La sélection privilégie les clones à série C
dominante (de plus de 50 à près de 75 %).
Les hétérosides primaires sont ici les lanatosides. Comme les purpuréaglucosides,
leur partie osidique comporte quatre oses (trois D-digitoxoses et un D-glucose, toujours
en position terminale), mais - c'est ce qui les caractérise - la molécule de digitoxose
la plus proche du glucose est O-acétylée en C-3.
L 'hydrolyse des lanatosides par la ~-glucosidase conduit à des hétérosides
secondaires acétylés. Exemple: le lanatoside A, hétéroside de la digitoxigénine,
conduit à l'acétyldigitoxine (en fait à un mélange d'a et de ~-acétyldigitoxine, la
première étant acétylée sur l'OH en C-3 et la seconde sur l'OH en C-4). Ces mêmes
lanatosides peuvent être hydrolysés facilement en milieu alcalin: dans de telles
conditions le lanatoside A conduit au purpuréaglucoside A (= désacétyl-lanatoside A);
dans le même temps il y a un risque d'ouverture simultanée de la lactone. L'expérience
montre qu'au cours de l'extraction industrielle, une partie du lanatoside A peut être
dégradée en digitoxine.
Les principaux cardénolides de la feuille de D. lanata se répartissent en cinq séries
d'importance inégale:
• séries A, B et E. Les lanatosides A, B et E présents dans la plante fraîche sont
accompagnés, dans la feuille sèche, des hétérosides secondaires correspondants:

o
OH O~ OH

HO~O
HO
~O~O\ ~O
OH~é' ~~é
.0
H
OH

l I/anatoside C désacétyl-Ianatoside C

o l~ ~-D-glucose
O~ OH
~==~. ~O/R* ~ digoxine
HO~O/R* 0
r 0
~é ' 'lcH 3C02H
1 1

1 a-acétyldigoxine 1 1 ~-acétyldigoxine 1 'R = dox-dox-digoxigénine


888 STÉROÏDES

acétyldigitoxine, acétylgitoxine, acétylgitaloxine. Une proportion variable de produits


dés acétylés peut être présente dans les produits d'extraction;
• série C. La génine caractérisant cette série est la digoxigénine (3~, 12~, 14~ -
trihydroxylée). L'hétéroside primaire est le lanatoside C, l'hétéroside secondaire est
l'acétyldigoxine. L'hydrolyse alcaline de cette dernière conduit à la digoxine;
• série D. Cette série, peu importante quantitativement, correspond aux
hétérosides (lanatoside D, acétyldiginatine) de la diginatigénine (3~, 12~, 14~, 16~­
tétrahydroxylée).
Comme dans la cas de la digitale pourpre, la feuille renferme également des
hétérosides ne comportant qu'un ou deux sucres.

Emplois des digitales. La digitale pourpre a servi autrefois à préparer des formes
galéniques simples (poudre, teinture); en Europe, elle n'est pratiquement plus utilisée
pour l'extraction des hétérosides.
Sont actuellement commercialisés en France: la digitoxine (digitaline), la digoxine
et le désacétyl-lanatoside C (DCI : deslanoside). Quelques pays utilisent un dérivé
hémisynthétique, la ~-méthyldigoxine (médigoxine).

Posologies
Digoxine (liste 1). Disponible en comprimés à 0,25 mg ou 0,125 mg, en solution
buvable (0,05 mg = 1 ml) ainsi qu'en solution injectable IV (1 ampoule = 0,5 mg) et
solution injectable pédiatrique (1 ampoule = 0,05 mg). La dose d'attaque, chez l'adulte,
est de 1 à 2 mg/jour en plusieurs prises, la dose d'entretien de 0,25 mg/ jour en une ou
deux prises. Posologies à diminuer en fonction de la créatininémie chez l'insuffisant
rénal (il y a une bonne corrélation entre la clairance rénale de la créatinine et celle de la
digoxine). DM: 1 mg/prise; 2 mg/jour.

Digitoxine (liste 1). La digitoxine (ou digitaline) est disponible en comprimés


(0,1 mg). Chez l'adulte, la digitalisation initiale est généralement obtenue par
l'administration de 0,8 à 1,2 mg en 2 à 4 jours. La dose d'entretien se situe entre 0,4 et
0,8 mg (soit 4-8 comprimés) à répartir sur plusieurs jours de la semaine. Posologies à
réduire chez l'insuffisant hépatique. DM: 1 mg/prise; 2 mg/jour.

Désacétyl-lanatoside C, (liste 1). Il est disponible en solution injectable (IV) :


1 ampoule =0,4 mg. Digitalisation: 0,8 mg/j; urgence (œdème aigu du poumon) : 0,4- ,
1,6 mg/jour; entretien: 0,4-0,6 mg/jour (adulte) .

• SCILLE, Drimia maritima (L.) Stearn


=Urginea maritima (L.) Baker, Hyacinthaceae (ex Liliaceae)
Jusqu'au début des années 1990 l'industrie pharmaceutique française commer-
cialisait la proscillaridine, hétéroside secondaire préparé à partir des bulbes de diverses
scilles, Drimia maritima, mais aussi D. indica (Roxb.) Jessop (= U. indica [Roxb.]
Kunth).
HÉTÉROSIDES CARDIOTONIQUES 889

On a longtemps considéré qu'il existait deux variétés de scille, la scille blanche à


hétérosides de la scillarénine et la scille rouge à scilliroside. En réalité, V. maritima est
un agrégat d'au moins six espèces. Certaines ont un bulbe blanc: c'est le cas
d' V. maritima (L.) Baker stricto sensu, hexaploïde de la péninsule ibérique, c'est aussi
celui de V. hesperia Webb. & Berth. (tétraploïde de Teneriffe), de V. pancration
(Steinh.) Philippe, diploïde de l'Italie méridionale et d'un tétraploïde égyptien. D'autres
ont un bulbe rouge (V. numidica [Jord. & Fourr.] Grey, tétraploïde tunisien) ou un
bulbe variant du blanc au rouge (u. aphylla [Forskal] Speta, tétraploïde de Grèce et de
Turquie). On verra ci-dessous que ces espèces ont une composition différente et que la
distinction traditionnelle scille blanche/ scille rouge est insuffisante.

La plante, le bulbe. La scille est une plante méditerranéenne, vivace par un bulbe
volumineux formé d'écailles emboîtées et dont la masse peut atteindre 3 à 4 kg. Les
feuilles sont entières, lancéolées; les fleurs, 3-mères à sépales pétaloïdes, sont disposées
en une longue grappe serrée sur une hampe florale de 1 à 2 m de hauteur. Le bulbe de
scille faisait l'objet d'une monographie à la 8' édition de la Pharmacopée française; elle
est officinale dans plusieurs pays. Les écailles moyennes, épaisses et charnues, sont
découpées transversalement pour faciliter le séchage. De ce fait, la scille commerciale
se présente en lanières cornées de coloration variable; hygroscopique, elle se conserve
mal. La coupe et la poudre sont caractérisées par la présence de grosses raphides
d'oxalate de calcium (200-500 x 5-15Ilm), isolées ou groupées en paquets.

Composition chimique. Le bulbe renferme des fructanes, des tanins condensés, des
flavonoïdes, et jusqu'à 4 % de bufadiénolides. Les constituants majoritaires sont des
hétérosides de la scilIarénine ou scillarigénine (glucosciIlarène A et sciIlarène A) ou de
son dérivé hydroxylé en C-l1 p, la scilliphaeosidine (scillaphaeoside et glucoscillaphae-
oside). On note également la présence de scillicyanoside. Par hydrolyse enzymatique, le
scillarène A perd une molécule de glucose pour conduire à la proscillaridine A.
L'hydrolyse en milieu acide de la proscillaridine A ne conduit pas à la génine, la
scillarénine, mais au produit de déshydratation de celle-ci, la scillaridine.
Les autres espèces du groupe maritima ont une composition différente
qualitativement ou quantitativement: V. hesperia a une composition voisine, mais est
beaucoup moins riche (1-2 % de bufadiénolides totaux); V. pancration ne contient pas
de sciIlarène A, mais du scillirubroside et du scilliroside (alors que c'est une espèce à
bulbe blanc), ce dernier constituant étant également présent chez les tétraploïdes
égyptiens à bulbe blanc. A contrario, des espèces à bulbe rouge ne contiennent pas (V.
aphylla) ou peu (u. numidica) de scilliroside.
La forme tétraploïde de D. indica, espèce indienne utilisable pour l'extraction
industrielle, a une composition très voisine de celle de D. maritima : elle s'en distingue
cependant par l'absence de glucoscillarène A et par la présence de 3-rhamnosyl-
sciIIiglaucosidine ; elle s'en distingue également par la coloration rouge qui se
développe lorque l'on additionne la poudre d'une goutte d'iode.

Pharmacologie, emplois. La proscillaridine est un cardiotonique actif par voie


orale, rapidement éliminé. Inotrope positif, dromotrope et chronotrope négatif faible, la
890 STÉROÏDES

scillaridine

OH 0

HO~O H
3C
T-----O-J
OH ~OH
scillarèneA
proscillaridine A

R =H : scillirubroside o R =H : scilliglaucoside o
R =OCOCH 3 : scilliroside R =OCOCH 3 : scillicyanoside
o o

~-D-Glc-O
O-~-D-Glc

proscillaridine A exerce des effets diurétiques spécifiques se surajoutant à ses propriétés


tonicardiaques. Traditionnellement, la scille" rouge" est considérée comme douée de
propriétés raticides. À ce titre, le scilliroside entre dans la composition de granulés,
concentrats et autres blocs destinés à lutter contre les rongeurs. Toxiques, ces produits
sont très régulièrement responsables d'accidents chez les carnivores domestiques, en
particulier les chiens, très sensibles à ce cardiotonique. Les symptômes de l'intoxication
sont ceux de l'intoxication digitalique (nausées, vomissements, troubles du rythme) .

• STROPHANTHUS, Strophanthus spp., Apocynaceae

Buissons sarmenteux ou grandes lianes, les Strophanthus africains ont longtemps


constitué une source importante de poisons destinés à enduire les flèches. Les fruits des
Strophanthus sont constitués par 2 follicules qui peuvent dépasser 30 cm de longueur et
renfermer plusieurs centaines de graines. Celles-ci, surmontées d'une grande aigrette à
poils soyeux disposés en éventail (5-10 cm), peuvent renfermer, selon l'espèce, de 3 à 8
% de cardénolides.
Principales espèces: S. hispidus De. et S. gratus (Wall. & Hook.) Baillon présents
du Golfe de Guinée jusqu'au Zaïre; S. kombe Oliver, de la Tanzanie et du Kénya; S.
sarmentosus De.; S. eminii Asch. & Pax; S. tholonii Franchet; etc.
HÉTÉROSIDES CARDIOTONIQUES 891

D'utilisation très restreinte, les strophanthus - en particulier le S. gratus -


demeurent une source d'ouabaïne. Cette molécule, très polaire, pratiquement non
résorbée, est un cardiotonique d'action très rapide et brève (IV en urgence).

11. PLANTES TOXIQUES À HÉTÉROSIDES CARDIOTONIQUES

Pour une étude détaillée de ces espèces toxiques, voir: Bruneton, J. (2005). Plantes toxiques - Végétaux
dangereux pour l'Homme et les animaux, 3' éd., Tee & Doc, Paris. Entre autres: pp. 139-145 (Nerium),145-
148 (Thevetia), 401-402 (Convallaria) , 479 (Helleborus) et 518-523 (Digitalis). Pour des références plus
récentes, voir la bibliographie ci-dessous.

Plusieurs plantes de notre environnement constituent un danger potentiel compte


tenu de leur capacité à biosynthétiser des hétérosides cardiotoniques. Certaines sont
parfois utilisées dans un but suicidaire (laurier-rose, mais aussi, en Inde et au Sri Lanka
des Apocynaceae des genres Thevetia [laurier jaune] et Cerbera). Les mêmes, et
d'autres, sont à l'origine d'ingestions accidentelles, peu fréquentes et rarement très
graves : l'amertume marquée des hétérosides et les vomissements précoces fréquem-
ment déclenchés par leur absorption empêchent le plus souvent que soient ingérées des
quantités susceptibles d'être mortelles. Le danger n'en est pas moins réel et la plus
grande vigilance s'impose, en particulier dans le cas des très jeunes enfants.
L'intoxication est caractérisée par des vomissements, des nausées, des perturbations
visuelles et des troubles marqués du rythme cardiaque. Le traitement peut faire appel, si
nécessaire, aux fragments Fab d'anticorps spécifiques antidigoxine .

• DIGITALES

Les intoxications par la plante chez l'Homme sont plutôt exceptionnelles


(amertume très dissuasive). Parfois volontaires, elles se produisent généralement à la
suite d'une confusion (avec la consoude, la bourrache, etc.) .

• LAURIER-ROSE, Nerium oleander L., Apocynaceae

Cette espèce est un arbuste ou un petit arbre à feuilles persistantes, coriaces et


lancéolées, parcourues par des nervures secondaires pennées, très nombreuses, serrées.
Les fleurs, roses, régulières et 5-mères, groupées en corymbes, ont une corolle
infundibuliforme. Spontané en région méditerranéenne, le laurier-rose est souvent
cultivé dans des zones plus septentrionales (mais il faut alors le rentrer en serre l'hiver).
Les feuilles renferment environ 1,5 % de cardénolides : le constituant majoritaire est
l'oléandrine ou 3-0-a-L-oléandrosyl-16-acétylgitoxigénine. Il est accompagné de
dérivés voisins (ex: hétéroside de la gitoxigénine et du 4-0-(~-D-glucosyl)-~-D­
digitalose). On note aussi la présence de cardénolides faiblement actifs (hétérosides de
l'uzarigénine) voire même inactifs (hétérosides de l'adynérigénine, du D-diginose et du

!::oz
Strophanthus hispidus De.

1
,
HÉTÉROSIDES CARDIOTONIQUES 893

o
thévétioside HO~ oléandrine
H3 CO
o o o o

a-L-Rha-O a-L-Rha-O
OH OH
R =CHO : con val/a toxine lokundjoside
R =CH 20H : conval/atoxol

D-digitalose). L'intoxication par le laurier-rose n'est pas rare chez l'animal, surtout
dans les zones géographiques ou l'espèce est abondante. Elle n'est pas exceptionnelle
chez l'Homme, qu'elle soit volontaire ou consécutive à une confusion .

• THEVETIA, Thevetia neriifolia Juss.


=T. peruviana K. Sehum., Apoeynaceae
Parfois appelé « laurier-jaune », cet arbuste originaire de l'Amérique tropicale a été
introduit dans la plupart des régions chaudes du globe en raison de son caractère
ornemental. Sa composition est complexe: thévétosides; gentiobiosyl-thévétosides de la
digitoxigénine (ex. : thévétine B), de l'uzarigénine et de la cannogénine; thévétiosides
(C-nor-D-homo-cardénolides). Au Sri-Lanka, il est fréquent que les graines soient
utilisées dans un but d'auto-destruction (3-4 graines peuvent entraîner la mort). Le fruit,
une drupe globuleuse de la taille d'une prune, tente parfois les jeunes enfants .

• MUGUET, Convallaria majalis L., Convallariaceae (ex Liliaceae)

La sommité fleurie de muguet renferme des saponosides et 0,1-0,5 % de


cardénolides (plante sèche); ceux-ci, absents de la pulpe du fruit, sont surtout
concentrés dans les fleurs et dans les graines.
La composition est complexe (près de 40 hétérosides construits sur une dizaine de
génines) et étroitement dépendante de l'origine géographique. Les principaux
hétérosides ont une génine hydroxylée en C-5p dont le méthyle angulaire en C-lO peut
être oxydé en aldéhyde (k-strophanthidine : convalloside, convallatoxine, desgluco-
894 STÉROÏDES

cheirotoxine), en hydroxyméthyle (convallatoxol) ou non fonctionnalisé comme dans le


cas du lokundjoside (à génine hydroxylée en C-ll a).
L'ingestion de muguet n'est suivie de symptômes que dans moins de 10 % des cas.
Les intoxications graves sont très exceptionnelles (ex. : confusion des parties souter-
raines avec celles d'une espèce comestible) .

• HELLÉBORES, Helleborus spp., Ranunculaceae

Les hellébores - H. niger L. (rose de Noël), H. viridis L., H.fœtidus L. -


renferment des hétérosides à génine de type bufadiénolide Les intoxications, connues
chez l'animal, sont exceptionnelles. Ces hellébores ne doivent pas être confondus avec
l'ellébore blanc ou vératre (Melanthiaceae), toxique par ses alcamines stéroïdiques.

12. BIBLIOGRAPHIE

Généralités - digitales - digoxine


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Autres stéroïdes
autres triterpènes

1. Introduction ..........................................................................................................................898
2. Autres stéroïdes ....................................................................................................................898
A. Plantes à stéroïdes .................................................................................................898
guggul .....................................................................................................898
condurango .............................................................................................900
B. Plantes pouvant devoir tout ou partie de leur activité à des phytostérols ............901
grande ortie .............................................................................................90 1
/3-sitostérol ..............................................................................................904
extraits de pollen .....................................................................................905
courge ......................................................................................................906
C. Phytostérols hypocholestérolémiants ....................................................................907
3. Autres triterpènes .................................................................................................................909
A. Cucurbitacines .......................................................................................................909
B. Triterpènes divers ..................................................................................................910
bouleau ....................................................................................................910
actée à grappes ........................................................................................911
Salai guggal ............................................................................................914
C. Triterpènes modifiés ..............................................................................................915
limonoïdes ...............................................................................................915
Rutaceae ............................................................................................915
Meliaceae, lilas de Perse ...................................................................916
quassinoïdes ............................................................................................917
4. Bibliographie ........................................................................................................................918
898 STÉROÏDES

1 . INTRODUCTION

Peu de stéroïdes végétaux, en dehors des sapogénines et des hétérosides cardiotoniques,


ont un réel intérêt thérapeutique. Sur un plan strictement phytochimique, on peut
mentionner ici l'existence des ecdystéroïdes. Ces composés, apparentés à l'ecdysone (=
2~, 3~, 14a, 22R, 25-pentahydroxy-5~-cholest-7-én-6-one), sont caractérisés par un
enchaînement 6-céto-7,8-déhydro et une polyhydroxylation. Plus d'une centaine de
structures ont été décrites chez les végétaux, notamment chez les Podocarpaceae. Chez
les Arthropodes, l'ecdysone et ses métabolites sont des hormones qui interviennent
dans la régulation de la mue et d'autres phénomènes vitaux (reproduction,
métamorphose, etc.). La présence des analogues structuraux de l'hormone de mue est
surprenante chez les végétaux : ils pourraient jouer un rôle défensif à l'encontre des
prédateurs et/ou jouer un rôle dans la physiologie de la plante. Certaines de ces
molécules sont, potentiellement, des insecticides; on commence également à leur
reconnaître diverses activités pharmacologiques. Nous regrouperons ici - ce qui est un
choix arbitraire - des plantes dont l'activité est liée, de façon certaine ou probable, à
des stéroïdes, à des phytostérols ou à des composés apparentés.
o
o
HO
25
22
OH

HO ajugalactone
ecdysone
o o

2. AUTRES STÉROïDES

A. Plantes à stéroïdes

• GUGGUL, Commiphora wightii (Am.) Bhandari,


= C. mukul (Hook. ex Stocks) Engl., Burseraceae
Le guggul (ou guggulu) est la gommo-oléorésine sécrétée par cette plante des
régions désertiques de l'Inde. Il est anciennement utilisé par la médecine ayurvédique
pour traiter, entre autres affections, rhumatismes, obésité et désordres lipidiques divers.
Divers produits à base de guggul présentés comme hypocholestérolémiants sont
disponibles, en particulier aux États-Unis d'Amérique et sur l'internet.

La plante, la résine. Le guggul est un arbrisseau buissonnant à branches épineuses,


à écorce cendrée se détachant en fins rouleaux, à feuilles 1,3-foliolées, à fleurs à calice
velu et corolle rouge brunâtre, à drupes ovoïdes, rouges à maturité. L'espèce croît dans
les zones arides du nord-ouest de l'Inde (Rajasthan, Gujarat) ainsi qu'au Pakistan
AUTRES STÉROÏDES 899

(Baluchistan). La « gomme» est récoltée à intervalles réguliers dans les semaines qui
suivent l'incision superficielle de l'écorce du tronc et des grosses branches. Sèche et de
bonne qualité, elle se présente en fragments vermicellés translucides, jaune pâle ou
verdâtres, de saveur aromatique et amère, d'odeur balsamique.

Composition chimique. Le polysaccharide constitutif de la fraction gommeuse du


guggul est une molécule très ramifiée constituée de D-galactose, de L-arabinose et de
l'éther méthylique en C-4 de l'acide D-glucuronique. La fraction volatile de l'oléo-
résine est principalement composée de monoterpènes (myrcène). La fraction résineuse
proprement dite renferme des lignanes diarylfuranofuraniques (sésamine et composés
apparentés), des diterpènes macro cycliques (cembranes), des tri terpènes bicycliques
dérivés du polypodane (myrrhanol, myrrhanones), des esters de l'acide férulique et de
carbures généralement saturés en C 18 , C l9 et C 20 polyhydroxylés (des tétraols, les
« guggultétrols ») et des stéroïdes dérivés du prégnane et du cholestane. Les composés
pharmacologiquement les plus intéressants sont les E- et Z-guggulstérones, isomères
géométriques de la prégna-4, 17 (20)-diène-3, 16-dione. Ils sont accompagnés de
guggulstérols, dérivés di- ou trihydroxylés en C2l (prégnanes) et en C27 (cholestanes).

o
Z-guggulstérone E-guggulstérone

Pharmacologie. Le « guggulipide » (c'est-à-dire le produit standardisé résultant de


l'extraction de la gommo-oléorésine par l'acétate d'éthyle) est, chez l'animal, hypo-
cholestérolémiant, hypolipémiant. L'activité est liée aux guggulstérones; elle est
potentialisée par les autres constituants de l'extrait. Ces cétones, comme le guggulipide,
diminuent la cholestérolémie et la triglycéridémie chez diverses espèces animales; elles
diminuent les LDL- et VLDL-cholestérol et augmentent le ratio HDL-cholestérol/cho-
lestérol total. Plusieurs mécanismes d'action ont été proposés pour expliquer les effets
du guggul. Les guggulstérones agiraient en stimulant la fonction thyroïdienne, sans
doute par un effet direct (pas confirmé chez l'humain) ; elles activeraient également les
récepteurs membranaires de fixation des LDL au niveau hépatique, accroissant ainsi
leur métabolisme. Plus récemment, il a été montré que les guggulstérones sont, in vitro,
des antagonistes du récepteur FXR (Farnesoid X activator Receptor =BAR, Bile Acide
Receptor), un récepteur nucléaire essentiel au rétrocontrôle négatif de la synthèse des
acides biliaires (par arrêt de la transcription de la cholestérol-7a-hydroxylase). Dans
certaines conditions, ils stimulent les systèmes d'excrétion des acides biliaires.

Évaluation clinique. Plusieurs études et essais réalisés en Inde ont montré que des
produits à base de guggul réduisaient la cholestérolémie totale de 10 à près de 30 %. De
900 STÉROÏDES

fait, et deux synthèses méthodiques récentes l'ont souligné, ces études n'apportent pas
une preuve de bon niveau de l'effet (pas d'insu, pas de randomisation, faible effectif,
etc.). Un essai randomisé en double aveugle versus placebo a été conduit par une équipe
de Philadelphie chez 103 patients qui ont reçu, quotidiennement pendant 8 semaines, 3
x 1 g ou 3 x 2 g d'extrait standardisé à 2,5 % de guggulstérones. Les patients des
groupes guggul ont vu leur taux de LDL-cholestérol augmenter de 4 et 5%. Le
cholestérol total, le HDL-cholestérol et les triglycérides n'ont pas été modifiés (ces
derniers ont été abaissés chez les patients qui avaient un LDL-cholestérol initial> 1,6
g/l). Des différences de comportement alimentaire expliquent-elles la contradiction
entre cet essai et les essais indiens? Aucun essai n'a comparé directement le guggul à
un traitement de référence (statines). Par ailleurs, l'intérêt du guggul dans le traitement
des algies articulaires n'est pas démontré.

Toxicité, effets indésirables, interactions médicamenteuses. Le produit purifié


semble dépourvu de toxicité aiguë, subaiguë ou chronique (Rat, Chien, Singe); il ne
serait ni mutagène, ni tératogène. La gomme brute peut donner lieu à quelques effets
indésirables (démangeaisons, diarrhées) 1. Au cours de l'essai clinique nord-américain
cité ci-dessus 15 % des patients recevant la posologie la plus forte ont présenté une
réaction d'hypersensibilité (ce qui pourrait être lié à la nature de l'extrait). Des cas
d'allergie ont été rapportés avec une crème dite amincissante et avec une crème
destinée à effacer la cellulite. En théorie, le guggul pourrait augmenter le risque de
saignement chez des patients recevant un anticoagulant ou un antiagrégant plaquettaire.
Le guggul pourrait diminuer la biodisponibilité du propranolol et du diltiazem.

Emplois. Commiphora wightii ne figure pas à l'annexe 1 de la Note explicative de


l'Agence du médicament (1998). Cette espèce ne fait pas non plus l'objet, en Allema-
gne, d'une monographie de la Commission E du BfArM .

• CONDURANGO, Marsdenia condurango Rchb.f., Asclepiadaceae

L'écorce séchée du tronc et des rameaux, encore inscrite à VII' édition de la


Pharmacopée helvétique - pour celle-ci, elle devait contenir au moins 1,8 % de
glycosides amers -, fut officinale en France jusqu'en 1949. Son usage est maintenant
très restreint en Europe. Cette espèce lianescente provenant de la Cordillère des Andes
(Équateur, Pérou) était utilisée pour son écorce contenant des phytostérols, des
triterpènes, des acides-phénols et environ 1-3 % d'une substance amère, mélange de
génines prégnaniques polyhydroxylées partiellement estérifiées et osylées par un tri-,
un tétra- ou un pentasaccharide comprenant des 2-6-didésoxy-hexoses : les
condurango-glycosides (A, AO_I' B, Co' Do, EO_3' etc.). La structure des génines est
assez proche de celle des digitanol-hétérosides et leur pharmacologie n'est pas connue

1. Il a également été rapporté, pour l'extrait (0,9 g/j), un cas possible de rhabdomyolyse . Cf. :
Bianchi, A., Cantù, P., Firenzuoli, F. et al. (2004). Rhabdomyolysis caused by Commiphora mukul, a natural
lipid-Iowering agent, Ann Pharmacother., 38, 1222-1255.
AUTRES STÉROÏDES 901

(on sait seulement que les hétérosides sont toxiques, in vitro, sur des cellules tumorales
1sarcome 180]). L'écorce stimulerait les sécrétions salivaires et gastriques.

P-o
H

Cin =cinnamoyl ; P =pentasaccharide


(D-Glc-D-Glc-[3-0Me-6-désoxy-D-Allose]-D-Olé-D-Cym) :
Condurangoglycoside A1

Emplois. Marsdenia condurango ne figure pas à l'annexe 1 de la Note explicative de


l'Agence du médicament (1998). En Allemagne, la monographie établie par la Commis-
sion E du BfArM précise que l'écorce du condurango est utilisée en cas de perte d'appétit.
Posologie: écorce, de 2 à 4 g; extrait aqueux, de 0,2 à 0,5 g; teinture, de 2 à 5 g.

B. Plantes pouvant devoir tout ou partie de leur activité


à des phytostérols

La plupart des végétaux supérieurs élaborent des stérols substitués en C-24a (24-
méthyl- et 24-éthyl stérols) 2. Les formes ~ ne sont généralement présentes qu'à l'état de
traces, sauf chez les trachéophytes les plus primitifs, les Bryophyta et les Hepaticophyta 3 .
Si les phytostérols jouent un rôle important dans la physiologie du végétal, leurs
éventuelles propriétés pharmacologiques ne retiennent guère l'attention .

• ORTIES - GRANDE ORTIE, Urtica dioica L.


ORTIE BRULANTE, Urtica urens L., Urticaceae

La feuille d'ortie est constituée par les feuilles séchées, entières ou fragmentées
d'Urtica dioica L., d' Urtica urens ou du mélange de ces deux espèces. Teneur: au

2. Les règles internationales de nomenclature recommandent de désigner les carbones substituant


le carbone C-24 24 1 et 24 2 et non plus 28 et 29 comme c'était le cas jusqu'en 1989. Cette nomen-
clature présente l'avantage d'être, pour le squelette, homologue à celle des triterpènes (les méthyles en
CA sont numérotés en 28 et 29, le méthyle en C-14 étant numéroté 30). Anciennement, ces mêmes
carbones étaient respectivement 30, 31 et 32. Par ailleurs la nomenclature RIS pour le C-24 est
préférable à a/~. Le nom du composé est construit à partir de celui de quelques squelettes de base:
cholestane, lanostane, ergostane, campestane : le campestérol est le 24R-24-méthylcholesta-5,22-dién-
3~-ol ou, plus simplement maintenant, le campest-5-én-3~-ol.

3. En première approximation, les 24~-méthyl (ou éthyl) stérols sont caractéristiques des
Champignons et de certaines Algues. Les 24-méthylène stérols sont présents chez les algues brunes
mais aussi dans certaines familles de végétaux supérieurs (Asteraceae, Cucurbitaceae, etc.).

ft
902 STÉROÏDES

minimum 0,3 % pour la somme d'acide caféoylmalique et d'acide chlorogénique (Ph.


eur.,6' éd., [0112008:1897]).

La plante, la feuille. Cette mauvaise herbe étant nitrophile, elle est très commune
autour des habitations, dans les décombres et les fossés. La tige quadrangulaire porte des
feuilles vert sombre. Le limbe, à bords découpés en dents de scie, peut mesurer jusqu'à
10 cm de longueur et 5 cm de largeur. Il porte, sur les 2 faces, des poils urticants 4 et des
poils tecteurs, plus abondants sur les nervures et les bords de la face inférieure. Pétiole
et tiges portent aussi des poils urticants. Les fleurs, généralement unisexuées, sont
disposées en longues grappes ramifiées insérées à l'aisselle des feuilles.
Examinée au microscope (hydrate de chloral), la poudre de feuille d'ortie présente
des poils urticants de 2 mm de long constitués d'une seule cellule allongée et fuselée à
pointe cassante, issue d'une base multicellulaire saillante. Les poils tecteurs sont plus
petits « 700 f..lm). On note la présence de nombreux cystolithes à masses denses de
carbonate de calcium.
La feuille d'ortie, dont l'identité est confIrmée par CCM, ne renferme ni plus de 5 %
de tiges, ni plus de 5 % d'autres éléments étrangers (en y incluant les inflorescences).
Les acides sont dosés par chromatographie liquide après extraction méthanolique.

Composition chimique. Les feuilles d'ortie sont riches en sels minéraux, en


protéines, en vitamines, en carotènes et en composés phénoliques (flavonoïdes, acides- )
phénols, scopolétol). On note la présence de faibles quantités d'histamine, de sérotonine
et d'acétylcholine.
Les racines de l'ortie dioïque renferment des polysaccharides (glucanes, gluco-
galacturonanes), de l'acide (lOE,12Z)-9-hydroxy-l0,12-octadécadiénoïque, une lectine
de faible masse moléculaire et de nombreux composés phénoliques en C 6 -C 3 (acides-
phénols, scopolétol, aldéhydes et alcools phénylpropaniques) ou en C 6 -C 2 (alcool
homovanillique libre et glucosylé) ainsi que des phénylpropanes dimères: lignanes
diaryl-butaniques comme le sécoisolaricirésinol et des composés voisins ou diaryl-
furaniques comme le néo-olivil. On note aussi la présence de stérols: sitostérollibre et
3-0-glucosylé, 7a- et 7~-hydroxysitostérols et leurs glucosides, palmitate du 3-0-
glucosyl sitostérol.

Pharmacologie. La racine d'ortie est réputée diminuer la symptomatologie de


l'hypertrophie bénigne de la prostate. Les substances actives ne sont pas formellement
identifiées: la fraction polysaccharidique est anti-inflammatoire mais quelle peut être
l'activité biologique des stérols? Ou de leurs métabolites? D'autant que leur
concentration dans la racine est faible. L'éventualité d'une action via l'inhibition de ;
l'aromatase, établie in vitro pour une fraction lipophile et l'acide 9-hydroxy-10,12-
octadécadiénoïque, a été envisagée, mais celle-ci est très faible. Il a aussi été supposé '.

4. L'action urticante est due au liquide contenu dans les poils et qui est libéré au moindre choc qui;
casse leur extrémité, les transformant ainsi en une véritable aiguille hypodermique. Ce liquide contient
de l'acétylcholine, de l'histamine et, d'après des travaux publiés en 1990, des leucotriènes. Cf: Oliver, .
F., Amon, E.U., Breathnach, A. et al. (1991). Contact urticaria due to cornrnon stinging nettIe (Urtica dioica) "
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AUTRES STÉROÏDES 903

que l'extrait d'ortie interagirait (faiblement) avec la globuline sérique transportant la


testostérone. L'extrait de racine d'ortie n'inhibe ni la Sa-réductase ni la fixation de la
dihydrotestostérone sur ses récepteurs prostatiques. Un extrait de racine réduit à faible
dose la prolifération de cellules prostatiques en culture et une lectine (Jlrtica dioica
agglutinine = UDA) bloquerait la fixation du facteur de croissance épidermique sécrété
par le tissu prostatique sur son récepteur. Chez l'homme, l'effet de l'extrait sur les taux
hormonaux sériques n'est pas clair et son action sur les cellules prostatiques reste à
préciser. La biodisponibilité des différents constituants de l'ortie ne semble pas avoir
été étudiée.

Évaluation clinique. Parmi les dizaines d'essais publiés, seul un nombre restreint
évaluent la racine d'ortie en monopréparation, versus placebo, en double aveugle et
avec randomisation. Les deux essais les plus anciens, de faible puissance statistique, ont
conduit à des résultats contradictoires. Les deux plus récents ont évalué, conformément
aux recommandations actuelles, l'impact sur le score IPSS 5. Ils ont concerné des patients
il symptomatologie moyenne (IPSS voisin de 18). Dans les deux cas, l'extrait a été plus
efficace que le placebo de façon statistiquement significative, mais faiblement, du moins
dans l'essai le plus vaste et le plus long (246 patients, durée: un an; IPSS : - 5,7 ± 0,8
versus - 4,7 ± 0,8, P = 0,023). Dans ce même essai, il n'a pas été constaté d'effet statisti-
quement significatif ni sur le débit maximal, ni sur le résidu postmictionnel. Tous les
autres essais, en double aveugle ou non, ont été réalisés avec des mélanges d'un extrait
d'ortie et d'un extrait d'une autre plante, par exemple le Serenoa repens. On ne peut
donc pas en tirer de conclusions claires quant à l'effet spécifique de l'extrait de racines
d'ortie. Sur l'intérêt des extraits végétaux dans le traitement de l'hypertrophie bénigne de
la prostate, voir les remarques de l' ANAES, p. 186.
Plusieurs essais cliniques, en majorité méthodologiquement inapropriés, suggèrent
que l'extrait de feuille est efficace en cas de douleurs articulaires. En l'état actuel des
données, la preuve de l'(éventuelle) existence d'une telle activité reste à apporter. Il n'y a
pas non plus de preuve solide d'une activité diurétique.

Toxicité, effets indésirables. Les données publiées sur la toxicité des extraits de
feuilles d'ortie concernent surtout des voies spécifiques (intrapéritonéale, intraveineuse).
La DLSO per os serait de 1,3 g/kg chez le Rat. Dans le cas de la racine, elle serait> 30
g/kg. Il n'a pas été rapporté d'effet indésirable autre que mineur lié à l'emploi des
extraits d'ortie dans les conditions habituelles de posologie et de durée.

Emplois: 1 - racine. En France, la Note explicative de l'Agence du médica-ment


(1998) admet qu'il est possible de revendiquer, pour les organes souterrains d'ortie, les
indications thérapeutiques suivantes: traditionnellement utilisé 10 comme adjuvant
dans les troubles de la miction d'origine prostatique et, 20 pour favoriser l'élimination

5. Le score IPSS (International Prostate Symptom Score) est fondé sur la réponse à sept questions
évaluant la sévérité des symptomes urinaires. Il varie de 0 à 35. Un IPSS de 8 à 19 correspond à un
patient moyennement symptomatique. Un score supérieur à 20 à des symptômes sévères. On évalue
IIl1ssi couramment la qualité de vie (score de 1 à 6).
904 STÉROÏDES

rénale d'eau. Si le phytomédicament à base d'ortie est une poudre d'organes


souterrains, le dossier « abrégé» d' AMM doit comporter une étude toxicologique
allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour l'ortie pour tisane, l'extrait aqueux, les
teintures et les extraits hydro-alcooliques, quel que soit leur titre.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
la racine de l'ortie est utilisée en cas de difficultés urinaires liées aux stades 1 et II de
l'hypertrophie prostatique bénigne. Posologie: de 4 à 6 g de racine, ou préparation
équivalente. L'ortie améliore les symptômes, mais ne modifie pas l'hypertrophie elle-
même. Par conséquent, une consultation médicale régulière s'impose. Les spécialités à
base d'ortie sont, très souvent, des mélanges d'extraits de plantes.

Emplois: 2 - feuille. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament


(1998) admet qu'il est possible de revendiquer, pour lafeuille et les parties aériennes
d'ortie, deux indications thérapeutiques aussi bien pour la voie orale que pour la voie
locale: traditionnellement utilisé 1° dans les états séborrhéiques de la peau; 2° dans le
traitement symptomatique des manifestations articulaires douloureuses mineures.
Aucune évaluation toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un dossier
« abrégé» d'AMM (poudre, feuille pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-
alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que la •
feuille de l'ortie est utilisée 1° comme thérapeutique complémentaire des états
rhumatismaux (voie orale ou locale); 2° comme traitement des maladies inflammatoires'
des voies urinaires (voie orale); 3° comme traitement et prévention des lithiases rénales;
(voie orale). Posologie: de 8 à 12 g de feuille par jour, ou préparation correspondante.
Au niveau européen, l'HMPC a, en 2008, publié une monographie communautaire;
pour les parties aériennes (réf. EMEA/HMPC/17026112006) et a proposé un projet
pour lafeuille (réf. EMEA/HMPC/50801512007). Les deux sont traditionnellement:
utilisées en cas de douleurs articulaires et de problèmes urinaires. Les parties aériennes.
peuvent aussi être utilisées dans les états séborrhéiques de la peau. Les deux textes,
détaillent les posologies et conditions d'emploi des nombreuses formes possibles.

~-SITOSTÉROL

Des phytomédicaments majoritairement constitués de ~-sitostérol sont disponibles


depuis plusieurs années dans différents pays. Ils sont prescrits ou conseillés pour
améliorer les symptômes de l'hypertrophie bénigne de la prostate. Chimiquement les
« ~-sitostérols » commerciaux sont des mélanges de phytostérols 6 dans lesquels le ~.,
sitostérol est largement majoritaire. Une partie des stérols peut être à l'état de:

6. Le phytostérol tel qu'il est défini par la Phannacopée européenne (6' éd., 01/2008:1911) est un,
mélange naturel obtenu à partir de plantes des espèces [sic] Hypoxis, Pinus et Picea. Il contient au';
minimum 70 % de P-sitostérol. Il contient en outre au maximum: 15 % de sitostanol et de campestérol;;
5 % de campestanol, de L'l.7-stigmastérol et de stigmastérol, 0,5 % de brassicastérol et de cholestérol,
(dosés par ePG après silylation).
AUTRES STÉROÏDES 905

glucosides. Ils sont en général préparés à partir de plantes appartenant au genre Hypoxis
(cf. p. 339), Picea ou Pinus. Le mécanisme d'action de ces stérols est inconnu.

Évaluation clinique. Des quatre essais randomisés versus placebo et en double


aveugle publiés retenus par une synthèse méthodique publiée en 2000, deux (377
patients) ont testé l'action de 60 ou 120 mg/j x 6 mois de « P-sitostérol » sur la
symptomatologie de l'hypertrophie bénigne de la prostate évaluée sur l'échelle IPSS
reconnues. La différence d'abaissement de ce score, statistiquement significative, a été
de 4,9 (lC95 - 6,3, - 3,5) en faveur du traitement par le P-sitostérol (score initial: 15,2).
Le débit urinaire a été augmenté de 3,91 ± 3 ml/mn et le résidu post-mictionnel diminué
de 28,6 ± 12,8 ml (4 essais, 519 patients). Le volume prostatique est resté inchangé. Il
n'a pas été observé d'effet indésirable. L'efficacité et la sûreté d'emploi à long terme
n'ont pas été spécifiquement explorées. Ces phytostérols n'ont pas été évalués versus
un a-bloquant. Sur l'intérêt des extraits végétaux dans le traitement de l'hypertrophie
bénigne de la prostate, voir les remarques de l' ANAES, p. 186.

/" /"

~
H H H

exemple de glucoside de L'l.7-stérol sitostérol

EXTRAITS DE POLLEN

Quelques pays européens, le Japon, la Corée ou encore les États-Unis d'Amérique


commercialisent (ou ont commercialisé) un extrait de pollen de seigle destiné à traiter
les symptômes de l'hypertrophie bénigne de la prostate. Deux fractions de cet extrait
sont le support de l'activité, l'une est hydrosoluble, l'autre est soluble dans l'acétone et
renferme des stérols. La fraction hydrosoluble inhibe in vitro la croissance de cellules
prostatiques tumorales aussi bien que normales. Le fractionnement bioguidé a conduit à
l'isolement d'un acide hydroxamique cyclique, la 2,4-dihydroxy-2H-l ,4-benzoxazin-
3(4H)-one, qui présente les mêmes propriétés inhibitrices. L'extrait total diminue
l'hypertrophie prostatique chez le Rat. Il pourrait abaisser le tonus musculaire urétral,
accroître la contraction vésicale, ou encore agir sur les récepteurs alpha-adrénergiques.

Évaluation clinique. Administré chez l'humain, l'extrait de pollen ne modifie pas


les taux sanguins de LH, de FSH, de testostérone ou de dihydro-testostérone. Un
nombre limité d'essais cliniques versus placebo ou versus un autre extrait de plante
(Prunus africana) ou un mélange d'acides aminés, de durée inférieure ou égale à 6
mois (444 patients) et parfois rapportés de façon incomplète, suggèrent que des extraits
(de composition non précisée) améliorent la nycturie, mais ne modifient ni le débit
906 STÉROÏDES

urinaire, ni le résidu post-mictionnel, ni le volume prostatique. Aucun de ces essais n'a


eu recours à des questionnaires normalisés (IPSS). Un essai japonais aurait constaté une
efficacité inférieure à celle de la tamsulosine (via Medline®). Un autre extrait (de pollen
de Poaceae) a été présenté comme utile pour atténuer les symptômes de l'inflammation
chronique non bactérienne de la prostate (un seul essai publié). Il n'a pas été noté
d'effet indésirable .

• COURGE (citrouille), Cucurbita pepo L., Cucurbitaceae

Les graines de courge furent officinales jusqu'au début du XXc siècle. Elles ont été '
longtemps utilisées pour leurs propriétés vermifuges (une spécialité tcenicide à base de
graines de courge a été commercialisée en France jusqu'au début des années 1980).
Depuis quelques années, certains pays européens commercialisent l'huile de semences ,
de courge comme traitement médicamenteux de l'hypertrophie bénigne de la prostate.
Cette grande plante annuelle à très longues tiges couchées est caractérisée par de
grandes feuilles couvertes de poils raides, par des vrilles ramifiées, par de grandes (5-10
cm) fleurs 5-mères, unisexuées (2 paires d'étamines unies + 1; ovaire 3-carpellé),
gamopétales, jaunes, et par une baie très volumineuse renfermant de nombreuses
graines dans une pulpe spongieuse. La graine est aplatie, blanchâtre (15-20 x 8-10 x 2-
3 mm). Amincie en goulot oblique à l'une de ses extrémités, elle est bordée d'un ','
bourrelet arrondi.

Composition chimique. La graine est riche (30-50 %) en huile insaturée (acide;


linoléique 43-55 %). Ses propriétés vermifuges sont attribuées à un acide aminé .'
cyclique: la 3-amino-3-carboxypyrrolidine (0,4-0,8 %). C'est la composition stérolique .i
de l'insaponifiable qui a retenu l'attention des chimistes. Les composés majoritaires '-
sont, comme dans beaucoup d'autres Cucurbitaceae, des ~7-stérols et leurs glucosides :;
glucoside du spinastérol, 3-0-(~-D-glucopyranosyl)-24~-éthyl-5a-cholesta-7 ,25(27)- ,
dién-3~-ol et le triénol ~7.22E.25(27) correspondant; ces glucosides sont accompagnés de;
~5-stérols (clérostérol, isofucostérol, stigmastérol, campestérol, etc.), de squalène, etc.

Pharmacologie, évaluation clinique. L'activité de la semence de courge sur les:'


symptômes liés à l'hypertrophie bénigne de la prostate est attribuée aux ~7-stérols, mais'
son mécanisme n'est pas élucidé. En dehors d'une étude de suivi (sans placebo ou ,
comparateur) il ne semble pas que les semences de courge aient fait l'objet d'essaL
clinique (du moins en monopréparation). '

Emplois. La graine de courge ne figure pas à l'annexe 1 de la Note explicative de'


l'Agence du médicament (1998).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise qué
la graine de courge est utilisée par voie orale en cas d'irritation de la vessie et de~
problèmes de miction associés à un adénome prostatique de stades 1 et II. La graine de';
courge améliore les symptômes, mais ne modifie pas l'hypertrophie elle-même. Par;:
conséquent, une consultation médicale régulière s'impose.
AUTRES STÉROÏDES 907

c. Phytostérols hypocholestérolémiants

Les phytostérols végétaux les plus fréquents ont une structure proche de celle du
cholestérol animal. Ils en diffèrent par leur chaîne latérale qui comporte un ou deux
carbones supplémentaires. Les plus fréquents sont des 24-éthylstérols (sitostérol) et des
24-méthyl-stérols (campestérol) qui peuvent aussi être insaturés en C-22-23 :
stigmastérol (24-éthyl) et brassicastérol (24-méthyl).
Ces phytostérols sont présents en quantité notable dans les huiles où ils constituent,
avec les tocophérols, l'essentiel de la fraction insaponifiable 7. On en trouve aussi dans
certaines graines et, dans une moindre mesure, dans les fruits et les légumes. L'apport
alimentaire journalier moyen varie, pour l'alimentation occidentale, entre 150 et
:l00 mg (pour un apport moyen de cholestérol de 400 mg/j). Si l'apport alimentaire en
phytostérols et en cholestérol est du même ordre de grandeur, il n'en est pas de même
de leur concentration plasmatique, celle des phytostérols étant < 0,5 % de celle du
cholestérol (ce qui est dû à une très faible absorption des phytostérols, et à la synthèse
endogène du cholestérol).

Propriétés. Lorsqu'ils sont ingérés en quantité importante, les phytostérols


diminuent la cholestérolémie comme cela a été montré chez l'animal au début des
années 1950 et étudié par la suite chez 1'humain. Les stanols, c'est-à-dire les produits de
réduction des stérols (sitostanol, stigmastanol), présentent la même propriété. Les
phytostérols entravent l'absorption intestinale du cholestérol, principalement en
diminuant de façon compétitive son incorporation dans les micelles mixtes, le rendant
ainsi moins disponible pour son absorption. Mauvais substrats pour l'ACAT (Acyl
Cholestérol Acyl Transferase), les phytostérols et les phytostanols sont très peu
estérifiés et peuvent être ré-excrétés avec le cholestérol libre vers la lumière intestinale
via des transporteurs actifs (ABC ATP-Binding Cassette). Ils pourraient aussi accroître
l'efflux du cholestérol hors des entérocytes par induction de l'expression d'un autre
transporteur (ABC-Al). La faible fraction de phytostérols absorbée au niveau intestinal
est transportée par les lipoprotéines. Non métabolisés en acides biliaires, les
phytostérols sont excrétés par voie biliaire.
Stérols et stanols étant particulièrement insolubles, on augmente leur biodispo-
Ilibilité en les estérifiant avec des acides gras à longue chaîne provenant des huiles
végétales comestibles (ex. : colza, tournesol). Sous cette forme, ils peuvent être plus
facilement incorporés dans divers aliments, en particulier dans des margarines, et plus
récemment dans des yogourts et des aliments pauvres en graisses.

Évaluation clinique. Plusieurs dizaines d'études et d'essais comparatifs versus


placebo, souvent de durée courte, ont conduit à des résultats convergents, analysés dans

7. Les phytostérols sont présents dans les bois. Ils peuvent donc être récupérés dans les sous-
produits issus du traitement des pins en vue de la production de la pâte à papier (tall-oil). La seule
différence entre les phytostérols issus de cette source et ceux provenant des huiles alimentaires réside
dans les proportions respectives des stérols (voir au chapitre« Lipides: huiles végétales », pp. 156-175).
Dans le cas des bois, le sitostérol est largement majoritaire. Les produits de réduction des phytostérols
de bois sont principalement constitués de sitostanol.
908 STÉROÏDES

plusieurs synthèses d'auteurs récentes. Il ressort de ces synthèses et de méta-analyses


que la consommation quotidienne de (environ) 2 g de stérols ou de stanols diminue de 8
à 10 % le taux de LDL-cholestérol chez des patients hypercholestérolémiques, sans
modifier la HDL-cholestérolémie. L'effet est un peu moins marqué chez des sujets
ayant une cholestérolémie normale ou modérément élevée. L'augmentation de la dose
n'accroît pas substantiellement l'efficacité. L'effet hypocholestérolémiant des stérols et
des stanols s'additionne avec celui des mesures diététiques (ex: régime riche en acides
gras insaturés) et/ou médicamenteuses (statines, par complémentarité des mécanismes
d'action). L'efficacité des esters de stérols et des esters de stanols ne diffère pas de
façon statistiquement significative sur le court terme. Toutefois, il a été récemment
suggéré qu'à plus long terme l'efficacité des esters de stérols diminuerait, ce qui ne
serait pas le cas des esters de stanols. Presque tous les essais ont été réalisés avec des
véhicules gras (margarines). Plus récemment, il a été montré que les préparations à
faible teneur en graisse et des yogourts formulés avec des esters de stérols ou de stanols
avaient une efficacité identique à celle des margarines.
Il n'y a pas d'évaluation clinique à long terme de ces stérols (les essais les plus
longs ont duré un an). Il ne semble pas que des essais de l'alimentation enrichie en
phytostérols ayant pour critère de jugement la survenue d'accident cardiovasculaire
aient été publiés à ce jour.

Effets indésirables. Les stérols et les stanols sont considérés comme sûrs : on ne
leur connaît que de très rares effets indésirables (troubles du transit, réactions
allergiques). Il a été noté que la consommation régulière de ces produits (aux doses
habituellement préconisées) entraîne une diminution de la concentration plasmatique en
p-carotène et, dans une moindre mesure, en tocophérols. Toutefois, aucune consé-
quence de cette baisse du p-carotène n'est actuellement connue et l'on en ignore les"
effets à long terme.
Quel peut-être le risque de la présence des phytostérols dans le plasma? Il demeure :
très hypothétique. Toutefois, une étude suggère que des patients ayant une sitostérolémie
modérément élevée voient leur risque d'événement cardiovasculaire accru (mais ne
faut-il pas alors mettre en balance la diminution du risque liée à la diminution de la
cholestérolémie?). Ces produits ne conviennent pas aux sujets souffrant d'une anomalie
génétique particulièrement rare, la phytostérolémie héréditaire. Il n'a pas été publié
d'interaction des phytostérols avec l'absorption ou la biodisponibilité de médicaments.

Emplois. La commercialisation des margarines enrichies en phytostérols 8 a été:


autorisée par la Commission européenne en juillet 2000 avec des allégations explicitant·

8. D'autres denrées alimentaires peuvent être concernées en Europe: sauces salade, laits, laits fer-
mentés, yogourts, boissons lactées, certains fromages, boissons au soja et sauces épicées, à condition que
ces aliments soient conditionnés de façon à être divisés en portions apportant 3 g maximum par jour.
En France, l'Afssa n'est pas favorable à l'ajout de phytostérols dans les fromages et les spécialités:
fromagères car l'aliment vecteur est inapproprié et il existe un risque de cumul de doses avec d'autres
produits (tels que les margarines allégées) enrichis en phytostérols. L'Agence s'est par contre montrée:
favorable à l'ajout dans les yogourts, sur la base d'une enquête de consommation fournie par le!
pétitionnaire (fabricant).
/\ UTRES TRITERPÈNES 909

la « diminution significative de la cholestérolémie» qu'entraîne leur consommation


régulière. Une allégation identique est aussi possible pour les esters de stanols. Des
règles d'étiquetage précises ont été édictées. L'étiquetage doit rappeler, entre autres: que
les margarines enrichies en phytostérols s'utilisent uniquement en tartine et en cuisine
« à cru » ; que les personnes sous traitement médicamenteux hypocholestérolémiant ne
doivent les utiliser qu'après avis médical; que leur consommation n'est pas adaptée aux
femmes enceintes ou allaitantes et aux enfants de moins de cinq ans; que cettte
consommation doit s'inscrire dans la cadre d'une alimentation saine comprenant une
consommation régulière de fruits et légumes. Il n'est pas opportun que des sujets hypo-
ou normocholestérolémiques à risque cardiovasculaire bas consomment ces produits.
Une consommation journalière de 20 à 30 g de margarine (de 1,6 à 2,4 g de stérols
(soit de 2,2 à 3,3 g d'esters) est généralement recommandée (mais quelle est la consom-
mation réelle ?). Cette pratique, dont l'intérêt à long terme reste à évaluer, ne saurait
remplacer un traitement médicamenteux validé, quand celui-ci s'avère nécessaire.

3. AUTRES TRITERPÈNES

A. Cucurbitacines

Les cucurbitacines sont des triterpènes tétracyc1iques issus du réarrangement du


cation protostane en 19-(1 0->9~)-abeo-lOa-lanost-5-ène (ou 9~-méthyl-19-nor
lanosta-5-ène, voir p. 803). Insaturées et polyfonctionnalisées - elles peuvent compter
jusqu'à neuf atomes d'oxygène -, les cucurbitacines existent le plus souvent à l'état
d 'hétérosides et sont caractéristiques de plusieurs genres de la famille des Cucur-
bitaceae. Elles ont également été isolées de façon sporadique dans une douzaine
d'autres familles (Plantaginaceae [ex Scrophulariaceae, ex. : Gratiola], Rubiaceae,
Rosaceae, Primulaceae, etc.) et chez de rares champignons.
Substances particulièrement toxiques (DLso voisine de 1 mg/kg chez la Souris en
IP), amères, cytotoxiques (mais sans spécificité), elles confèrent aux plantes qui en
renferment des propriétés purgatives drastiques: les graines de coloquinte (Citrullus
l'Olocynthis [L.] Schrad.), le suc du fruit du concombre d'âne (Ecballium elaterium [L.]
Â. Rich.) et la racine de bryone (8ryonia cretica et autres espèces) ont été autrefois
utilisés comme purgatifs. Si ces espèces sont délaissées depuis longtemps par
l'allopathie et la phytothérapie, certaines, comme la bryone, sont employées couram-

OCOCH 3

HO

acide bétulinique cucurbitacine E


910 STÉROÏDES

ment en homéopathie. Les intoxications liées à ces plantes sont le plus souvent dues à
des confusions (par exemple de la coloquinte avec une courgette ou un concombre), ou
à une utilisation médicinale traditionnelle (suc d'Ecballium en instillation nasale, etc.).
La bryone, Bryonia cretica L. subsp. dioica (Jacq.) Tutin est fréquemment incriminée
pour ses fruits, des baies rouges à maturité, qui peuvent provoquer la convoitise des
enfants, et des symptômes le plus souvent digestifs. La bryone figure sur la liste B des
plantes médicinales inscrites à la Pharmacopée (IOC éd., IV.7.b), c'est-à-dire que c'est
une espèce « dont l'évaluation du rapport bénéfice/risque est négative ».

B. Triterpènes divers

.BOULEAU, Betula spp., Betulaceae

La feuille de bouleau est constituée par lafeuille, entière ou fragmentée, séchée, de


Betula pendula Roth et/ou de B. pubescens Ehrh. ou des hybrides des deux espèces.
Elle contient au minimum 1,5 % de flavonoïdes, exprimés en hypéroside (Ph. eur., 6"
éd. - 6.2, [07/2008:1174]).

Lafeuille. La feuille de B.pendula, à limbe triangulaire ou rhomboïdal, est


terminée en une pointe longue et acuminée; elle est glabre et ponctuée. Le limbe de la:
feuille de B. pubescens, ovale ou rhomboïdal plus arrondi, est légèrement velu sur les'
deux faces et plus grossièrement denté; sa pointe n'est ni allongée, ni acuminée.
L'examen microscopique de la poudre de feuille de bouleau (hydrate de chloral):
montre, entre autres, des glandes peltées de 100-120 ~m de diamètre, des fragments de: ,j

mésophylle à macles d'oxalate de calcium et des poils tecteurs unicellulaires à parois


très épaissies (B. pubescens).
La feuille, dont l'identité est confirmée par CCM (acides-phénols, flavonoïdes) ne :
renferme pas plus de 3 % de châtons femelles et le taux d'autres éléments étrangers est,
inférieur à 3 %. Les flavonoïdes sont dosés par colorimétrie (AICI 3).

Composition chimique. La feuille renferme de nombreux flavonoïdes (2-3 %) :.'


quercitroside, hypéroside, rutoside et autres glycosides du quercétol (3-0-g1ucuronyl,
3-0-arabinosyl), hétérosides du kaempférol et du myricétol (3-0-galactosyl), flavones'
méthylées lipophiles, etc. ainsi que des acides-phénols et des triterpènes dérivés du
lupane (bétulinol, acide bétulinique) et du dammarane (ceux-ci pouvant être libres ou,
estérifiés par l'acide malonique).
L'écorce renferme une très forte quantité de triterpènes dérivés du lupane (bétulinol,~
acide bétulinique, esters de bétulinol, etc.) ainsi qu'une petite quantité d'acide
oléanolique. Elle contient aussi des arylbutanoïdes et des diarylheptanoïdes
hétérosidiques. L'écorce de bouleau passe pour diurétique, comme la feuille qui élève,';
chez l'animal, la diurèse aqueuse.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet'


qu'il est possible de revendiquer, pour la feuille de bouleau, les indications
i\ UTRES TRITERPÈNES 911

thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 10 pour faciliter les


fonctions d'élimination urinaire et digestive et, 2 0 pour favoriser l'élimination rénale de
l'eau 9. Si le phytomédicament à base de bouleau est une poudre de feuille, le dossier
« abrégé» d'AMM doit comporter une étude toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas
nécessaire pour le bouleau pour tisane, l'extrait aqueux, les teintures et les extraits
hydro-alcooliques, quel que soit leur titre.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
lafeuille du bouleau est utilisée: 10 comme thérapie de drainage dans les pathologies
bactériennes et inflammatoires des voies urinaires et les lithiases rénales; 2 0 comme
traitement d'appoint antirhumatismal. Posologie: de 2 à 3 g de feuilles, plusieurs fois
par jour (ou préparation équivalente).
Au niveau européen, la monographie communautaire élaborée par l'HMPC ne
retient que l'indication (traditionnelle) d'augmentation du volume urinaire. Posologie
chez l'adulte (exemples, dose par prise) : poudre de feuille, 650 mg (DM, 1,3 g); extrait
sec, de 0,25 à 1 g (DM, 4 g) (réf. EMEAIHMPC/2600l9/2006, 2 mai 2008).

L'acide bétulinique est cytotoxique in vitro et in vivo: il inhibe, en induisant l'apo-


ptose, la croissance de mélanomes humains développés sur souris, ainsi que celle
d'autres types de cellules tumorales. Certains amides de l'acide bétulinique (amide de
l'acide ll-amino-undécanoïque et RPR 103611) sont des inhibiteurs puissants et
sélectifs de la réplication du virus HIV -1. Leur ICso sur certaines souches est de l'ordre
de 10 nM. Inactifs sur les enzymes du virus (protéase, transcriptase inverse), ils
empêchent la formation du syncitium, ils bloquent l'entrée du virus dans les cellules.
D'autres dérivés, comme l'acide 3-0-(3' ,3'-diméthylsuccinyl)-bétulinique inhibent les
étapes terminales de la formation du virus (formation des protéines de la capside). Ce
dérivé a fait l'objet d'essais cliniques de phase 1 et II. L'acide bétulinique et le bétulinol
sont faiblement anti-inflammatoires in vitro et in vivo. L'acide bétulinique, atoxique, est
cn cours d'évaluation dans le traitement par voie externe des naevi dysplasiques .

• ACTÉE À GRAPPES, Actaea racemosa L.


= Cimicifuga racemosa (L.) Nutt., Ranunculaceae

Actaea racemosa ne figure ni à la Pharmacopée européenne ni à la Pharmacopée


française. La racine, utilisée en Europe - en particulier en Allemagne - depuis une
cinquantaine d'années, est présentée comme un traitement des symptômes de la

9. Des indications identiques peuvent être revendiquées en France pour la racine de bugrane
(Note explicative de 1998). Cette Fabaceae d'Europe également connue sous le nom d'arrête-bœuf
(Ononis spinosa L.) renferme un triterpène issu d'une« double » cyclisation du squalène, l'onocérine.
Rien ne prouve que cette substance intervienne dans l'activité - elle reste d'ailleurs à démontrer,
pharmacologiquement et cliniquement. La racine d'ononis renferme aussi des stérols, des iso-
flavonoïdes (isoflavones [glycosides de la formononétine et de la biochanine-A et leurs dérivés
malonylés], ptérocarpanes) et moins de 1 ml/kg d'huile essentielle. En Allemagne la Commission E du
lyArM approuve l'emploi de la bugrane dans la prévention et le traitement des lithiases rénales et
wmme lavage du système urinaire lors de poussées inflammatoires. Posologie: de 6 à 12 g par jour
Quassia amara L.
 UTRES TRITERPÈNES 913

ménopause et du syndrome prémenstruel. Les doutes formulés à l'encontre du traitement


hormonal substitutif en font un produit en vogue en Amérique du Nord. Cette plante
était utilisée de longue date par les Améridiens dans les douleurs menstruelles et de
l'accouchement et dans d'autres indications (rhumatismes, maux de gorge, etc.).
L'actée à grappes est une plante herbacée de grande taille (l à 2 m) à grandes
feuilles découpées, dentées. Les fleurs, blanches et malodorantes, sont groupées en
longues grappes. Les organes souterrains son récoltés dans le nord-est des États-Unis
d'Amérique, notamment sur la partie orientale des Appalaches.

Composition chimique. Les parties souterraines de l'actée à grappes renferment


principalement des tri terpènes tétracycliques dérivés du 9,19-cycloartanol et des dérivés
phénoliques : furanochromones (cimifugine et son glucoside en 3), acides caféique,
Icrulique et leurs esters comme les acides fukinolique, cimicifugiques et piscidiques.
Les triterpènes - on en connaît une quarantaine - ont une chaîne latérale fortement
oxydée et, souvent, cyclisée par cétalisation : actéine, 23-epi-26-désoxyactéine, (ex 27-
désoxyactéine), cimicifugoside, cimigénols-glycosides, etc. Tous ces triterpènes sont
glycosylés en 3, le D-xylose et le L-arabinose étant prédominants. La présence de
formononétine (une isoflavone œstrogénique), un temps affirmée, n'est pas confirmée.
La 23-épi-26-désoxyactéine est généralement utilisée comme standard pour
exprimer la teneur en glycosides triterpéniques. Le cimigénol-3-0-arabinoside et la
cimifugine pourraient constituer de bons marqueurs pour distinguer, par chromato-
graphie liquide, l'actée à grappes des autres espèces du genre Actaea.

Pharmacologie. L'expérimentation, in vitro et chez l'animal, fournit des résultats


contradictoires. Alors que certaines études démontrent un effet œstrogénique, les
données les plus récentes ne montrent aucun effet sur les taux sériques de LH, FSH,
prolactine ou estradiol, pas plus que des manifestations œstrogéniques chez le Rat. Il
semble maintenant admis que cette plante n'a pas d'activité œstrogénique. Il est par
contre postulé qu'elle aurait un effet sérotoninergique.

Évaluation clinique. Plusieurs dizaines d'essais évaluant l'effet de l'actée sur les
symptômes de la ménopause ont été publiés. Très souvent de méthodologie sommaire,
ils ne sont pas toujours indépendants et, majoritairement, concluent en faveur de l'extrait
d'actée. Certaines synthèses récentes font de même - ou soulignent le caractère mitigé
des résultats -, mais elles ne définissent pas clairement leurs critères d'inclusion. Une
synthèse méthodique publiée en 2008 n'a recensé que 6 essais (1112 patientes) randomi-
sés et en double aveugle évaluant une monopréparation d'actée à grappes, dont 5 versus
placebo. Des produits et des doses très différents, des critères de jugement disparates ne
prenant qu'une fois sur deux en compte la fréquence journalière des bouffées de chaleur
et le bilan contrasté des résultats conduisent à conclure à l'absence de preuve
convaincante de l'efficacité des extraits d'actée à grappe pour réduire les symptômes de
la ménopause. Il demeure envisageable que ces extraits exercent un modeste effet sur la
se vérité des symptômes à court terme. Un essai rigoureux de longue durée (un an, 351
patientes) n'a pas établi de différence d'effet statistiquement significative entre un
placebo et un extrait standardisé d'actée sur la fréquence des bouffées de chaleur. Un
914 STÉROÏDES

essai chez des femmes ayant eu un cancer du sein a conduit au même constat. Aucun
essai clinique ne valide l'emploi en cas de dysménorrhée. Les essais évaluant les extraits
d'actée sur l'anxiété et les perturbations psychologiques sont ininterprétables dans la
mesure où ils ont mis en œuvre un mélange d'actée et de millepertuis.

Toxicité, effets indésirables, interactions médicamenteuses. L'actée à grappe n'est


pas dangereuse aux doses habituelles. Au cours des essais cliniques aucun effet
indésirable autre que mineur n'a été signalé (malaises gastro-intestinaux, céphalées,
éruptions cutanées). L'innocuité au long cours n'est pas établie. Des cas d'atteinte
hépatique habituellement réversible ont été rapportés en France (2 cas) et dans divers
pays: Royaume-Uni (14 cas), Australie, Allemagne (7 cas), Suède, États-Unis d'Amé-
rique, etc. La plupart de ces cas sont insufisamment documentés et la responsabilité de
la plante n'est possible que dans un nombre très limité d'entre eux. La suspicion est
toutefois suffisante pour être prise en compte (voir ci-dessous: emplois). À ce jour, il
n'a pas été rapporté d'interaction médicamenteuse.
~~
Emplois. Actaea racemosa ne figure pas à l'annexe 1 de la Note explicative de ~
l'Agence du médicament (1998). L'Afssaps, comme l'EMEA, recommande aux J
patients d'arrêter la prise de médicaments ou de produits à base d'actée à grappes en cas 1
de symptômes évocateurs d'une atteinte hépatique et de consulter leur médecin
(Afssaps, 20-7-2006). Des recommandations d'étiquetage en ce sens ont été prises au ,
Royaume-Uni et aux États-Unis d'Amérique.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que;
la racine de l'actée à grappes est utilisée en cas de troubles prémenstruels, de·
dysménorrhée, et dans les troubles neurovégétatifs de la ménopause. Posologie: extrait
hydro-alcoolique (60-40 à 40-60), correspondant à 40 mg de feuille. ':

OH

~-D-Xyl-O

C0 2H ,
cimicifugoside acide 3-0-acétyl-ll-cétoboswe/lique \,

• SALAI GUGGAL - ACIDES BOSWELLIQUES


i
L'acide boswellique (acide 3a-hydroxy-12-urs-én-23-oïque), l'acide 3-0-acétyl-l 1-
céto-boswellique (= AKBA) et les dérivés voisins sont les constituants biologiquement'
actifs du salai guggal, c'est-à-dire de la gommo-oléorésine élaborée par Boswellid
serra ta Roxb. ex Colebr. (= B. glabra Roxb., Burseraceae). Ces acides boswelliques
sont également présents dans l'oliban (encens), gommo-oléorésine sécrétée par B
carteri Birdw. (cf. p. 694). L'activité anti-inflammatoire des acides boswelliques a é~
fi. UTRES TRITERPÈNES 915

étudiée sur différents modèles animaux (arthrites induites et œdèmes) et il a été établi
que l'AKBA et, dans une moindre mesure, l'acide boswellique, sont, in vitro, des
inhibiteurs spécifiques de la 5-lipoxygénase, donc de la synthèse des leucotriènes. Un
extrait enrichi en AKBA freine, in vitro et chez le Rat, la production des cytokines pro-
inflammatoires
Des études préliminaires chez le Rat ont souligné l'absence de toxicité, aussi bien en
aigu qu'en chronique (lg/kg/j x 6 mois) de ces acides triterpéniques. Des observations
cliniques réalisées chez des patients souffrant d'arthrite rhumatoïde - la méthodologie
de ces essais n'est pas précisée - ont conduit certains à penser que ce produit, bien
toléré, pourrait constituer une thérapeutique d'appoint. Un seul essai clinique randomisé
en double aveugle versus placebo testant une monopréparation a constaté la supériorité
d'un extrait de Boswellia sur le placebo chez des patients souffrant d'arthrose du genou
(75 patients, 90 jours, 100 ou 250 mg/j d'extrait titré à 30 % d'AKBA). Ce possible
effet doit être confirmé par d'autres équipes. Tous les autres travaux cliniques publiés
ont été conduits avec des mélanges de plantes.
Les données cliniques susceptibles de valider l'emploi des préparations à base de
Boswellia serrata dans le traitement de l'asthme, de la colite ulcéreuse ou encore de la
maladie de Crohn sont très insuffisantes.
Boswellia serrata ne figure pas à l'annexe 1 de la Note explicative de l'Agence du
médicament (1998). Cette espèce ne fait pas non plus l'objet, en Allemagne, d'une
monographie de la Commission E du BfArM. Remède traditionnel de la médecine
ayurvédique, il est utilisé en Inde pour le traitement de divers états inflammatoires,
notamment sous la forme d'un extrait (douleurs rhumatismales, inflammation du tube
digestif et des voies respiratoires, affections cutanées diverses).

c. Triterpènes modifiés

De nombreux genres appartenant à des familles de l'ordre des Rutales (Rutaceae,


Meliaceae, Simaroubaceae, Cneoraceae) sont capables de dégrader profondément le
squelette triterpénique. Les modifications principales sont une cyclisation (limonoïdes)
ou une élimination de la chaîne latérale en C-17 (chez la plupart des quassinoïdes) ainsi
qu'une ouverture oxydante du cycle D (quassinoïdes) et/ou du cycle A (limonoïdes).
Dans un certain nombre de cas, les modifications sont plus profondes: ouverture des
eyc1es B ou C, suivie éventuellement de recyclisation, etc.

Limonoïdes

Plus de 300 limonoïdes issus du métabolisme d'un 4,4,8-triméthyl-17-furanylstéroïde


sont actuellement décrits. Celui-ci se forme à partir du L'l7-tirucallol (ou du L'l7-euphol) :
l'ouverture d'un époxyde 7(8) permet la migration C-14 -> C-8 du méthyle et la genèse
d'une insaturation 14(15) par départ d'un proton en 15; elle rend compte de la présence
eonstante d'un hydroxyle en C-7. L'oxydation des cycles A et/ou D se fait selon un
processus voisin, ex. : oxydation en a de l'insaturation et réaction de BAEYER-VILLIGER.
Les réarrangements et oxydations peuvent se poursuivre (voir schéma, page suivante).
916 STÉROÏDES

HO HO HO

tirucalla-7,24-dién-3~-ol apotirucallol

0 0 0
OH
C02H
a a
HO
acide limonoique obacunone gédunine ~
î
~l
j
Rutaceae. Les limonoïdes des Citrus n'ont pas d'intérêt pharmaceutique. Ils sont!
responsables de l'amertume qui se développe graduellement dans les jus de fruits après .1
leur préparation. Cette amertume est commune à tous les Citrus alors que l'amertume)
immédiate, spécifique à certaines espèces (pamplemousse), est due à des hétérosides dei
flavanones. Dans le fruit frais et intact, l'acide limonoïque monocarboxylique existe J
sous la forme d'un sel, non amer. Après expression du jus, il y a acidification et l
lactonisation en limonine, amère. Commercialement cette amertume différée peut poserj
divers problèmes qui pourraient justifier l'élimination biotechnologique des substances 1
qui en sont responsables. '.

Meliaceae. L'intérêt économique principal de la famille est de fournir des bois~


d'œuvre de haute qualité: acajous d'Afrique (Khaya grandifolia De., K. ivorensis A.l j

Chev., K. anthotheca (Welw.) De., etc), acajou du Honduras (Swietenia macrophylla;j


King), sipo (Entandophragma utile [Dawe & Sprague] Sprague) et diverses espèces de~
Turraeanthus, Guarea, Cedrelus, etc. ·1 "

Très souvent, la manipulation de ces bois provoque des phénomènes allergiques :1


dermites de contact, réactions pulmonaires. Dans la plupart des cas la responsabilité de
ces manifestations peut être attribuée à des triterpènes modifiés (ex. : anthothecol) .

• LILAS DE PERSE,« neem », Azadirachta indica A. Juss., Meliace~

Azadirachta indica est un arbre fréquent en Inde, acclimaté en Afrique tropicale~


Écorce, feuilles et huile retirée des graines sont largement mises à contribution par le .
systèmes de médecine traditionnels: l'écorce est réputée tonique, feuilles et huile de
graines sont préconisées comme anthelminthiques, antiseptiques, antiparasitaires, et
De nombreux constituants terpéniques ont été isolés des différentes parties de l'arbre
diterpènes (dérivés de l'abiétane) et, surtout, plus de cinquante tétranortriterpénoïde

j
J
AUTRES TRITERPÈNES 917

l()J'tement oxydés: azadirachtine, nimbolide, acide nimbidinique, azadirone, nimbine,


etc. Si certaines des activités attribuées à cette espèce ont fait l'objet d'investigations
(antimalarique, anti-inflammatoire, action sur le SNC, etc.), ce sont les propriétés de
l'azadirachtine qui retiennent surtout l'attention. Cette molécule se comporte comme un
facteur antinutritif à l'encontre des insectes. Par ailleurs et à faibles doses,
l'azadirachtine, par une action complexe au niveau des régulations neuro-hormonales
dc l'insecte, interfère fortement avec la croissance larvaire et le développement des
insectes: elle induit un retard de croissance, une inhibition de la mue et des
malformations qui en font un insecticide d'autant plus intéressant que son impact sur
l'cnvironnement est beaucoup plus faible que celui des pesticides synthétiques. Divers
produits insecticides renferment de l'azadirachtine et, éventuellement, de l'huile de
graine d'Azadirachta, ce qui potentialiserait l'activité.

o
o

quassine
Origine (schématique) des quassinoïdes

HO

brucéantine azadirachtine

Quassinoïdes

La plupart de ces principes amers des Simaroubaceae ont un squelette en C20 (ou en
C 19); un certain nombre conservent une partie de la chaîne latérale de leur précurseur
commun et, de ce fait, ont un squelette à 25 carbones. Toutes les molécules du groupe
sont fortement oxygénées et lactoniques.
Diverses plantes à quassinoïdes ont été utilisées autrefois pour des propriétés
Ioniques ou insecticides (pucerons, poux). C'est le cas des quassias: quassia du
Suriname (Quassia amara L.) et quassia de la Jamaïque (Picrasma excelsa [Sw.]
Planchon), grands arbres des Caraïbes dont on utilisait le bois, riche en quassine,
considérée comme amère et apéritive 10. L'intérêt potentiel des Simaroubaceae est lié
uux activités biologiques marquées d'un certain nombre de quassinoïdes. C'est
918 STÉROÏDES

notamment le cas des quassinoïdes en C20 isolés des Brucea, Ailanthus, Simarouba,
Castela et autres Simaba qui possèdent des propriétés cytostatiques. Cette activité est le
fait des structures pontées (8,11 ou 8,13), estérifiées (en C-15 ou en C-6), insaturées au
niveau du cycle A et hydroxylées en C-11 et C-12 comme, par exemple, la brucéantine.
Plusieurs quassinoïdes, pour la plupart en C 20 et pontés sont, in vitro et à très faible dose
(IC50 < 0,02 f..lg/ml), antimalariques. Certains sont également amœbicides.

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10. L'une des rares spécialités à renfermer du bois de Quassia sous forme d'extrait
hydroa\coolique est commercialisée depuis 1910. Il s'agit de la Quintonine®, qui renferme également aussi
l'extrait fluide hydro-a\coolique de racine de gentiane, de la teinture de cannelle, de la teinture de (l111In(ll1inn·!
de la teinture de kola et de la teinture d'orange amère.
/\ UTRES TRITERPÈNES 919

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terpénoïdes

Caroténoïdes

1. Généralités ............................................................................................................................ 921


2. Origine biosynthétique, distribution, fonctions ..................................................................922
3. Intérêt des caroténoïdes, emplois ........................................................................................924
4. Principaux végétaux à caroténoïdes utilisés pour l'obtention d'extraits colorants ............927
piments ........................................................................................................................927
rocouyer ......................................................................................................................930
safran ...........................................................................................................................931
huile de palme .............................................................................................................933
5. Bibliographie ........................................................................................................................933

1. GÉNÉRALITÉS

Le groupe des caroténoïdes comprend plusieurs centaines de molécules tétrater-


péniques formées par l'enchaînement de huit unités isopréniques. Leur chromophore
caractéristique - il compte au moins dix doubles liaisons conjuguées - explique leur
coloration jaune ou orangée et leur très grande sensibilité à l'oxydation.
Lorsque la molécule est un hydrocarbure, on parle, collectivement. de carotène;
lorsqu'elle porte des fonctions hydroxyle, on parle de xanthophylle. Du fait de la poly-
insaturation de la molécule, il devrait exister de nombreux isomères géométriques: de
fait, la plupart des caroténoïdes sont poly-E. Les caroténoïdes peuvent être acycliques
(ex. : lycopène) ou comporter un ou deux cycles penta- ou hexacycliques à l'une des
extrémités (ex. : p,o/-carotène), ou aux deux extrémités, (ex. : p,p-carotène).
Pour faciliter la désignation de ces molécules (dont le nom commun est souvent
inspiré par l'origine botanique), on a coutume de considérer les deux moitiés de la
molécule initialement symétriques par rapport à la liaison 15,15' et de les nommer en se

L
922 STÉROÏDES

référant à la structure de l'extrémité de la chaîne. Il existe sept possibilités pour celle-


ci: non cyclisée (\jI), cyclopentanique (K), cyc10hexénique (P,E), cyc10hexanique (y) ou,
mais ces composés sont spécifiques des bactéries photosynthétiques, benzénique (<il, X) .....1
On nomme par ailleurs les différents substituants. Exemples: le lycopène est le \jI,\jI- ~
carotène, le p-carotène est le p,p-carotène, le O-carotène est le (6R)-E,\jI-carotène et la .~
capsanthine est la (3R,3'S,5'R)-3,3'-dihydroxy-p,K-caroten-6'-one, etc. .~ ]

2. ORIGINE BIOSYNTHÉTIQUE, DISTRIBUTION, FONCTIONS

Biosynthétiquement, les carotènes sont formés selon un processus analogue à celui


l J
j
qui conduit au squalène : la condensation « queue à queue» de deux molécules de 1
géranylgéranyl-diphosphate forme un intermédiaire cyclopropanique, le diphosphate de l
;~

préphytoène. Contrairement à ce qui se passe dans le cas du diphosphate de

17 1B 19 20

9 11 15 14' 12' 10' B' 6' 4' 2'


5 1 l'
~
16 ~2 ~ ~ ~
10
~
12
~
14
~
15'
~
13'
~
11'
~
9'
~
7'
~
5' 3'
16'

20' 19' 18' 17'

Iycopène = \jI, \ji-carotène

Cl èX eX 2
"~" 1 ___
,
'~

l
3 4 6 ,î
~ Y E- K 1
1
19 i
16 17 j

~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~

1B
~-carotène =~,~-carotène

o-carotène = (6R)-E,\jI-carotène

o canthaxanthine =~,~-carotène-4,4'-dione
( 't\ROTÉNOÏDES 923

présqualène, l'ion carbonium n'est pas stabilisé par l'apport d'un proton d'un NADPH
Illais par le départ d'un proton; il se forme un carbure 15,15'- insaturé, le phytoène. Le
phytoène est ensuite progressivement dé saturé en phytofluène, ç-carotène,
neurosporène et, infine, lycopène. La ou les extrémités insaturées peuvent se cycliser à
la suite de la protonation de la double liaison terminale et, ultérieurement, les composés
formés peuvent être oxydés (hydroxylation en C-3), époxydés, voire partiellement
dégradés (apocaroténoïdes, acides caroténiques). L'enchaînement cyclopentanique de
type K trouve son origine dans le réarrangement d'un 5,6-époxy-~-carotène. Pour
Illémoire, on notera que quelques bactéries non photosynthétiques élaborent des
homologues en C45 et C50 des caroténoïdes.
Ces pigments sont largement répandus dans la nature : ils s'accumulent en effet
dans les chloroplastes de tous les tissus photosynthétiques. ~-Carotène, lutéine,
violaxanthine et néoxanthine sont présents dans les feuilles de presque tous les
végétaux. Les caroténoïdes s'accumulent aussi dans des pétales de fleurs (souci,
Origine biosynthétique
des carotènes

o-pp

'voir aussi la formation


du squalène (généralités)

phytoène

phytofluène

ç-carotène

000_00 j
Iycopène ------ ------- cyclisation de la ou des extrémités
924 STÉROÏDES

pensée, œillet d'Inde), dans des fruits qui peuvent renfermer les caroténoïdes
chloroplastiques ou accumuler d'autres dérivés (capsanthine des piments;
apocaroténoïdes des Citrus; lycopène de la tomate), dans des racines (carotte:
carotènes), dans des graines (maïs: zéaxanthine) où leur concentration peut, parfois,
être très élevée (rocou). Beaucoup plus rarement, on les rencontre chez des
Champignons. Localisés dans les complexes protéiques des photosystèmes de la
membrane des thylakoïdes, les caroténoïdes interviennent dans la photosynthèse: leur
système polyénique à électrons délocalisés permet la collecte et la transmission des
quanta bleu-vert (450-500 nm) de l'énergie lumineuse. Ils sont aussi (et surtout?)
photoprotecteurs à l'égard des radiations nocives (réaction avec l'oxygène singulet,
prévention de la photo-oxydation). La conjugaison des doubles liaisons de ces
molécules en fait de très efficaces piégeurs de l'oxygène monomoléculaire singulet
produit au cours des processus photochimiques. Ce sont par ailleurs des molécules ;,
susceptibles d'agir comme des antioxydants : ils captent le radical peroxy qui
s'additionne sur le polyène avant de conduire à divers produits oxygénés.

Q;:
a ,

~
H+
~'" ~",
élimination de Ha : type ~
X-Enz ellmlnallon de Rb: • type E
• X-Enz
Hb

HO
'(lIT 0
Principe de la formation
des cycles terminaux

3. INTÉRÊT DES CAROTÉNOïDES, EMPLOIS

L'intérêt des caroténoïdes est multiple:

• Le p-carotène et des molécules voisines sont dégradés au niveau de la muqueuse


intestinale de l'Homme en rétinol (vitamine A) : on comprend ainsi l'intérêt de certains
fruits et légumes riches en carotène (carottes, épinards, mangues, tomates, poivrons,
courges, agrumes, melons), mais aussi celui de quelques produits animaux (œufs, foie,
poissons) ou de l'huile de palme (margarines). L'activité vitaminique A du p-carotène
est de 1 600000 V.I./g (1 V.1. de vitamine A correspond à 0,3 flg de rétinol et à 0,6 flg
de p-carotène) .

• Les caroténoïdes exerceraient une action préventive à l'égard des affections


dégénératives et des affections cardiovasculaires. De nombreuses études épidémio-
logiques réalisées pour évaluer l'association entre la consommation de fruits et légumes
contenant - entre autres - des carotènes (ou l'ingestion de carotènes) et les différents'
( 't\ROTÉNOÏDES 925

cancers ont suggéré, globalement, la possibilité d'un rôle protecteur des caroténoïdes
alimentaires à l'encontre de divers cancers.
Au cours des dernières années, des études prospectives et plusieurs essais
d'administration journalière et pendant plusieurs années de carotènes à l'Homme ont été
entrepris: globalement, ils ont montré l'absence d'effet du ~-carotène sur l'incidence des
néoplasmes malins. Dans le cas du cancer du poumon, une synthèse méthodique
publiée en 2008 a agrégé six essais cliniques randomisés impliquant le ~-carotène et 25
études prospectives. Ses auteurs ont constaté l'absence de corrélation statistiquement
significative entre les caroténoïdes et le risque de cancer du poumon (RR = 1,10, IC95 :
0,89-1,36). Ces résultats confirment ceux d'une analyse antérieure qui avait concerné
400000 sujets suivis pendant 7 à 10 ans, et avait conclu à l'absence d'association entre
Ics caroténoïdes de la ration alimentaire et le risque de cancer du poumon (RR = 0,98,
le 95 : 0,87-1,11). Dans les études de cohorte qui ont trouvé une relation inverse, celle-
ci est généralement modeste et peut résulter d'autres facteurs (par exemple de la
consommation globale de fruits et de légumes).
D'autres études ont, au contraire, établi que la supplémentation en carotènes
augmentait le risque de cancer du poumon chez les fumeurs (méta-analyse: 4 études,
109000 sujets, RR = 1,24, IC95 :1,10-1,39).
La relation négative que certains suspectaient entre l'apport en carotènes et la
morbidité cardiovasculaire n'a pas été non plus confirmée. Plus globalement, les
carotènes n'ont pas d'incidence statistiquement significative sur la mortalité globale.
C'est ce qu'a montré l'étude Su.vi.max, après un suivi de 7,5 ans de 13000 adultes
consommant quotidiennement un complément à base de carotène, de vitamines C et E
ct de sélénium. C'est aussi ce qu'ont démontré d'autres études de grande ampleur: une
méta-analyse rassemblant 68 essais d'intervention et regroupant 232 000 sujets a mis en
lumière l'absence d'effet des carotènes seuls ou associés à d'autres antioxydants sur la
mortalité (toutes causes confondues: RR = 1,02, IC95 : 0,98-1,06).
Le lycopène et sa principale source alimentaire, la tomate, sont-ils utiles pour
prévenir le cancer de la prostate? Les études épidémiologiques évaluant l'incidence de
la consommation de tomates et/ou de lycopène sont nombreuses et leurs résultats
contradictoires. Si certaines études montrent qu'une forte consommation de tomates est
liée à une diminution très modeste de la fréquence des cancers de la prostate, d'autres,
de grande taille (suivi de 29 000 hommes pendant 4 ans) ne constatent pas de lien
statistiquement significatif entre la supplémentation en lycopène ou la consommation
d'aliments riches en lycopène et le risque de cancer prostatique. Répondant à la
demande d'industriels de la tomate qui souhaitaient revendiquer une allégation
« anticancer » pour leurs produits, la FDA a estimé que les preuves étaient insuffisantes
pour justifier une telle allégation sans un avertissement clair des consommateurs sur
l'insuffisance des preuves (cancer de la prostate), ou sur le caractère improbable de la
réduction du risque (autres cancers). Les résultats des essais sur le rôle du lycopène
dans la prévention des maladies cardiovasculaires sont tout aussi contradictoires.
Toutes ces données ne changent en rien les conclusions que l'on est par ailleurs
conduit à tirer des études sur le rôle d'une consommation régulière et significative de
fruits et de légumes sur la santé (fruits et légumes qui ont, rappelons-le, une
composition complexe ... et qui se substituent alors pour partie à d'autres aliments).

b
Capsicum annuum L.
( 't\ROTÉNOÏDES 927

• Les caroténoïdes peuvent, dans la mesure où ils interfèrent avec les processus de
photo-oxydation, présenter un intérêt en cas de photosensibilisation liée aux différentes
l'ormes de porphyries ainsi qu'en cas de photodermatose : photosensibilité médica-
menteuse, urticaire solaire, poussée estivale de lupus érythémateux. Ces produits (~­
carotène et canthaxanthine, en association) sont utilisés par voie orale; ils sont contre-
indiqués en cas d'atteinte rétinienne et de glaucome. Le risque de cristallisation de la
canthaxanthine au niveau rétinien impose une surveillance médicale de la vue
lorsqu'elle est utilisée pendant plus de deux mois par an. Les porteurs de lentilles de
contact doivent tenir compte du risque de coloration.
Ni le lycopène, ni les autres caroténoïdes testés dans des essais contrôlés, n'ont eu
d'effet préventif dans la dégénérescence maculaire liée à l'âge.

• Les carotènes sont également utilisés dans la formulation des « pilules à bronzer» :
ils provoquent, à dose suffisante, une coloration de la peau au niveau de laquelle ils
s'éliminent (sans pour autant protéger la peau du rayonnement UV).

• En pharmacie, comme dans les industries agroalimentaires, un autre intérêt des


caroténoïdes est d'être des colorants naturels, efficaces, non toxiques. On utilise actuel-
lement, pour la coloration des denrées alimentaires, soit des extraits naturels (rocou
E160b, paprika E160c), soit des carotènes extraits de sources naturelles (carottes
1carotène], peau de tomate [lycopène], Tagetes erecta, luzerne [xanthophylles], soit des
caroténoïdes synthétiques : ~-carotène E160a, lycopène E160d, ~-apo-8'-caroténal E160e,
xanthophylles E161 (ex. : canthaxanthine E16Ig).
Les caroténoïdes purs sont disponibles sous deux formes: suspensions micro-
cristallines dans une huile végétale et poudres hydrodispersibles (dispersion dans un
support polysaccharidique, atomisat d'émulsion H/E). Les applications principales,
outre les domaines du médicament et des cosmétiques, sont alimentaires: produits et
enveloppes de charcuterie, produits laitiers, condiments, potages, confiseries,
pâtisseries, liqueurs, boissons, sirops, etc. Si des produits comme l'extrait de paprika
n'ont pas de limites quantitatives d'autorisation, la dose journalière autorisée pour la
majorité des carotènes est de 5 mg/kg. L'alimentation animale utilise également les
caroténoïdes (ex. : intensification de la pigmentation de la chair des volailles et des
poissons d'élevage, et de la coloration des œufs).

4. PRINCIPAUX VÉGÉTAUX À CAROTÉNOïDES UTILISÉS POUR


L'OBTENTION D'EXTRAITS COLORANTS

.PIMENTS, Capsicum spp., Solanaceae

Le piment de Cayenne est le fruit mûr desséché de C. annuum L. var. minimum


(Miller) Heiser et des variétés à petits fruits de C.frutescens L. Il contient au minimum
0,4 % de capsaïcinoïdes totaux (Ph. enr., 6' éd. - 6.2, [07/2008: 1859]).
Le piment de Cayenne sert à préparer l'oléorésine raffinée et quantifiée de piment
de Cayenne titrant entre 6,5 et 8 % de capsaïcinoïdes totaux (Ph. eur., 6' éd.
928 STÉROÏDES

[01/2008:2336]) et la teinture titrée de piment de Cayenne, titrant de 90 à 110 % de la


teneur nominale en capsaïcinoïdes indiquée sur l'étiquette, teneur qui est comprise entre
0,02 et 0,06 % (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:2337]).

Le fruit. Le fruit du piment de Cayenne, de couleur orange-jaune à brun-rouge, a la


forme d'un cône oblong à apex obtus (1-3 cm x 1 cm dans la partie la plus large). Le
péricarpe renferme de 10 à 20 graines réniformes aplaties, libres ou adhérentes à un
septum rougeâtre.
La poudre de piment de Cayenne, examinée au microscope (hydrate de chloral),
présente notamment des cellules parenchymateuses contenant souvent des gouttelettes
huileuses rouges et un endocarpe à cellules sc1érenchymateuses en îlots. On note aussi
la présence de divers éléments provenant des tissus des graines et celle de quelques
fragments de calice.
Au titre de l'essai, il convient de rechercher et de doser le nonivamide (un analogue
synthétique de la capsaïcine : < 5 %, par chromatographie liquide). La chromatographie
liquide permet aussi de doser les capsaïcinoïdes par addition des aires (capsaïcine +
dihydrocapsaïcine + nordihydrocapsaïcine). Éléments étrangers < 2 % (absence de
fruits de la var. longum [Sendt.] de C. annuum). Sur les différents essais des piments,
voir aussi les différentes normes: matières colorantes, cendres, capsaïcinoïdes (NF 32-
070:1989 - chromatographie liquide; NF ISO 7543-1:1995 - spectrométrie).
Nous n'envisagerons pas ici la distinction des différentes espèces et variétés:
comme le signale la norme française « piments dits" piments enragés" et piments forts
entiers ou en poudre» (norme NF V 32-065: 1985 [-> NF ISO 972: 1997]), « les
dimensions, la forme et la couleur sont très variables et aucune classification
significative n'est possible par ces critères traditionnels ». La norme précise que deux.
genres sont concernés: C. annuum L. et C.frutescens L. ainsi que leurs croisements,
C. chinense, C. pubescens et C. pendulum; elle souligne également que les espèces de
piments enragés « contiennent toutes un principe piquant principalement constitué de
capsaïcinoïdes ». Précisant les critères de différenciation entre les piments forts et les
piments enragés, elle propose une liste non exhaustive d'espèces piquantes et très
piquantes. Le paprika fait également l'objet d'une norme (NF ISO 7540:2007).

HO
~ ~ ~ ~ ~

capsanthine
~ ~ ~ ~

+r . OH

H041 0

"1
0
~ ~ ~ ~ ~

capsorubine
~ ~ ~ ~

+r . OH
CAROTÉNOÏDES 929

Composition chimique. Les piments sont riches en acide ascorbique; ils contien-
nent également des flavonoïdes, des oligosaccharides, des hétérosides diterpéniques
(capsianosides), un hétéroside de furostanol (capsicoside) et divers produits volatils.
Leur coloration est due à la présence de 0,1 à 0,8 % de caroténoïdes à terminaison
cyclopentanique dont la teneur augmente au cours de la maturation: la capsanthine (35
Ù 50 %) est une 3,3'-dihydroxy-~,K-carotén-6'-one; elle est accompagnée de
capsorubine (6 à 10 % = 3,3'-dihydroxY-K,K-carotèn-6,6'-dione), de violaxanthine (7 à
10 %), de ~-carotène (10 à 18 %), de capsanthinone, de cryptocapsine, de lutéine, de
zéaxanthine, etc. La saveur piquante des piments forts et enragés est due à une teneur
très variable en amides: les capsaïcinoïdes. Le composé majoritaire de cette série est la
capsaïcine, vanillamide de l'acide 8-méthyl-non-6-énoïque; elle est accompagnée de
dihydrocapsaïcine, de nordihydrocapsaïcine et de divers homologues. La teneur en
capsaïcinoïdes, très faible chez les poivrons, est d'autant plus élevée que l'espèce est
piquante.

Pharmacologie. Les potentialités thérapeutiques de la capsaïcine ont fait l'objet de


multiples travaux, en particulier dans le domaine de l'exploration des fonctions de
certains types de neurones: elle induit la dégénérescence sélective des neurones
sensoriels afférents amyéliniques primaires. La capsaïcine se lie avec des récepteurs
spécifiques (récepteur aux vanilloïdes TRPV1) et, ainsi, excite les neurones nociceptifs
périphériques responsables de la perception de certains stimuli douloureux. Dans un
second temps le contact prolongé désensibilise ces récepteurs, induisant une analgésie
De plus, la capsaïcine induit la libération de substance P et inhibe son recaptage, ce qui
provoque la déplétion complète de celle-ci et participe à l'action analgésique.
Appliquée sur la peau, la capsaïcine provoque une sensation de brûlure qui laisse place
ù une anesthésie, principalement par inhibition de la transmission par les fibres C
(amyélinisées, fines, responsables de la sensibilité non discriminative). Elle ne modifie
pas la sensibilité au toucher et à la chaleur. Certaines fibres de type A delta sont, dans
une moindre mesure, sensibles aux vanilloïdes.

Évaluation clinique. L'interprétation des essais cliniques est délicate car la brûlure
initiale due à la capsaïcine rend très difficile l'expérimentation en aveugle. En dépit de
quelques discordances, les essais cliniques versus placebo randomisés et en double
aveugle publiés montrent que cette molécule exerce une action analgésique faible ou
modérée, mais supérieure à celle du placebo et ce dans les différentes formes d'algies
neuropathiques (diabétiques, consécutives à une intervention chirurgicale, à un cancer,
ctc.). Pour les spécialistes elle serait donc un appoint intéressant, ou un palliatif en cas
d'insensibilité ou d'intolérance à d'autres traitements. Des organismes comme la FDA
ont approuvé l'utilisation de la capsaïcine en application locale, pour ces indications et
pour le soulagement des douleurs arthrosiques et arthritiques: la spécialité corres-
pondante (Zostrix") est utilisable en France dans le cadre d'une ATU. Au vu des essais
publiés, il semble que les préparations à base de capsaïcine pour la voie externe exercent
un effet bénéfique modeste en cas de lombalgie; elles pourraient donc être utiles au
moins comme adjuvant. Ces préparations soulageraient les patients arthrosiques mieux
qu'un placebo. L'efficacité en cas de douleur post-zona doit être confirmée.
930 STÉROÏDES

Toxicité. La toxicité aiguë de la capsaïcine dépend de la voie d'administration


(DUo [Souris] de 0,56 mg/kg [IV] à 60-75 mg kg [voie intragastrique, dans l'éthanol]),
les animaux décédant par paralysie respiratoire. Par voie locale, la capsaïcine peut
provoquer des irritations et des brûlures douloureuses, en particulier au niveau des
muqueuses ou des yeux. Par voie interne, l'administration prolongée d'extraits de
piment ou de capsaïcine altère la muqueuse gastrique et favorise la formation d'ulcères.
D'autres études suggèrent au contraire un effet protecteur sur la muqueuse gastrique ...
Quelques études, mais pas toutes, ont décelé un effet carcinogène de la capsaïcine et
des extraits de piment chez la Souris. Chez l'humain, de rares données suggèrent que le
piment favorise le cancer de l'estomac et des voies aéro-digestives supérieures (mais
pas avec des ingestions modérées). Des effets génotoxiques ont été observés in vitro.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour lefruit de piment, l'indication thérapeutique (voie
locale) : traditionnellement utilisé dans le traitement symptomatique des manifestations
articulaires douloureuses mineures. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée
pour la constitution d'un dossier « abrégé» d'AMM (poudre, piment pour infusion,
extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre). Une teneur limite
en constituant actif doit être proposée.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
le fruit du piment est utilisé dans les algies musculaires des épaules et de la colonne
vertébrale chez les adultes et les adolescents. Posologie: formes semi-solides
correspondant à 0,02-0,05 % en capsaïcinoïdes; formes liquides correspondant à 0,005-
0,01 % en capsaïcinoïdes ; emplâtres à 10-40 Ilg par cm 2 de capsaïcinoïdes. Le
traitement ne doit pas dépasser deux jours, ni être renouvelé à moins de 14 jours J

d'intervalle sur la même zone. Le traitement est contre-indiqué sur la peau lésée et en .
cas d'allergie aux produits à base de paprika.
Les fruits de diverses espèces et cultivars du genre Capsicum (poivrons, paprika,
piment de Cayenne, chillies) sont très largement consommés à des fins alimentaires,
surtout pour relever des alimentations monotones (riz, maïs, cassave, etc.) ; ils sont
aussi utilisés comme épice, seuls ou en mélange. Les industries agroalimentaires
utilisent le paprika et l'oléorésine de paprika comme agent de coloration et
d'aromatisation. La capsanthine et la capsorubine, comme l'extrait de paprika, sont des
pigments autorisés (E160c).
L'oléorésine peut être utilisée pour la confection de bombes aérosols pour
l'autodéfense et la dispersion de manifestants .

• ROCOUYER , Bixa orellana L., Bixaceae

Le rocouyer est un arbre originaire de l'Amérique tropicale, naturalisé dans tous les
pays tropicaux (Inde, Afrique de l'Est), exploité en Amérique du Sud et Centrale, mais 1
aussi en Afrique de l'Est. Certains en font l'espèce unique d'une famille mono-
générique à laquelle d'autres rattachent aussi les genres Cochlospermum et Amoreuxia.
Ses fleurs, roses, rappellent celles de l'églantier. Ses fruits, capsules ovoïdes d'environ
CAROTÉNOÏDES 931

3 cm de diamètre hérissées de pointes rouges, molles et flexibles, renferment quelques


dizaines de graines engluées dans une sorte de pulpe rouge vif.
La matière colorante appelée annatto ou encore rocou (roucou, urucu) fut utilisée
comme peinture corporelle dans la zone des Caraïbes. Ce colorant, concentré dans
l'enveloppe des graines, représenterait jusqu' 6 % de celles-ci. Il est principalement
constitué de 9'-cis-bixine, ester méthylique liposoluble d'un acide dicarboxylique en
C 24 , la 9'-cis-norbixine; la cis-bixine est accompagnée de faibles quantités de trans-
bixine et de cis-norbixine. La composition des extraits varie selon le procédé extractif
(ex. : isomérisation cis-trans à la chaleur, hydrolyse dans les milieux alcalins, etc.).
Le produit brut sert à la préparation d'extraits huileux à 0,2-0,3 % de bixine, de
formes solubles à 0,5-4 % de norbixine (sels sodiques ou potassiques de norbixine
produits par hydrolyse alcaline), d'atomisats sur gomme, maltodextrine ou amidon
modifié (la teneur en norbixine peut alors atteindre 14 %). On utilise également de la
bixine synthétique. Relativement stables à la chaleur et à la lumière, les extraits sont
sensibles à l'oxygène. La norbixine - acide - ne peut pas être utilisée en milieu acide,
ce qui induirait sa précipitation. Les extraits sont surtout employés comme colorant
alimentaire, notamment dans les produits laitiers (E160b, dose journalière acceptable: 2
mg/kg); ils sont parfois utilisés pour recolorer des huiles de table que les procédés de
désodorisation ont rendues trop pâles.

HOOC~ "'::: "'::: "'::: "'::: '-':: "'::: '-'::

"':::
bixine
C0 2CH 3

ROOC "'::: "'::: "'::: "'::: '-':: "'::: '-'::


COOR

~-D-Glc-O
;XHO1

R =H : crocétine
R =~-D-Glc-(1->6)-~-D-Glc-(1-» : crocine picrocrocine

• SAFRAN , Crocus sativus L. [stigmate], Iridaceae

La plante. Le safran une petite plante herbacée, vivace par un « corme» ("bulbe")
d'où partent, regroupées dans une gaine membraneuse, des feuilles très étroites
parcourues par une lame blanchâtre. Les fleurs, solitaires, régulières, de type 3, ont un
périanthe longuement tubuleux (15 cm), rose violacé. Le style est divisé en 3 stigmates
filamenteux, rouge foncé, à extrémité distale fendue longitudinalement, enroulés en
cornet étroit, à bords finement crénelés. L'odeur du stigmate est aromatique, sa saveur
légèrement amère et piquante. La production mondiale de safran (environ 200 tonnes
par an) est principalement couverte par l'Iran et, secondairement par le Maroc, la
Grèce, l'Espagne.
932 STÉROÏDES

Le prix particulièrement élevé du safran induit des substitutions ou des ajouts


frauduleux: au moins 30 % des échantillons ne seraient pas conformes aux normes,
voire ne seraient pas du safran. L'essai est particulièrement important: caractères
microscopiques et recherche de curcuma (grains d'amidons piriformes), de piment
(cellules scléreuses), de souci ou de carthame (grains de pollen 3-porés), teneur en
éléments étrangers « 2 %), analyse chromatographique, etc. La chromatographie
liquide et les méthodes couplées permettent un contrôle très précis du safran (CPG/SM
et autres). Sur les spécifications et les méthodes d'essais, se reporter aux normes en
vigueur: NF V32-120-1 et 2:2000; ISOrrS 3632-1 et 2:2003.

Composition chimique. La coloration du stigmate est due à des dérivés de


caroténoïdes, principalement représentés par la crocine (2 %), diester de la crocétine (=
acide 8,8' -diapocarotén-8 ,8' -oïque) et du gentiobiose. On note aussi la présence de
picrocrocine (4 %), glucoside du 4~-hydroxy-cyclocitral responsable de l'amertume du
stigmate, de flavonoïdes et de caroténoïdes (carotènes, lycopène). Le stigmate renferme
également une huile essentielle (0,4 - 1,3 %) où domine le safranai (formé par dés-
hydratation du 4~-hydroxycyc1ocitrallors de l'hydrolyse de la picrocrocine),
accompagné de cyclohexanones, cyclohexaénones, cyclohexadiénones et cyclohexane-
diones triméthylées (ex. : isophorone). ,!
~\,
Pharmacologie, évaluation clinique, toxicité. Des extraits de safran montrent des .1
propriétés cytotoxiques sur différentes lignées de cellules tumorales en culture. Une
action hypocholestérolémiante a été notée chez le Lapin. Des cliniciens iraniens ont
!
publié une série de petits essais cliniques randomisés, de courte durée, évaluant le J'.
safran (stigmate ou pétale, 30 mg d'extrait par jour), versus placebo ou versus,
antidépresseur, comme traitement de la dépression modérée. Les rapports d'essais
suggèrent que le safran est plus actif que le placebo et aussi efficace que l'imipramine
(100 mg/j) ou la fluoxétine (20 mg/j) pour traiter la dépression. Toutefois, ces résultats ,1.:;

doivent être confirmés par d'autres essais et d'autres équipes. Des doses massives de
safran seraient toxiques (1,5 g et plus). Le risque allergique, connu, semble
exceptionnel. Dans les conditions habituelles d'utilisation, le safran ne présente pas de
risque.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admeti


qu'il est possible de revendiquer, pour le stigmate de safran, l'indication thérapeutique: 1
traditionnellement utilisé chez l'enfant dans les poussées dentaires douloureuses (voie]
locale). Aucune évaluation toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un ',1
dossier « abrégé» d'AMM (poudre, safran pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro- j
alcooliques quel qu'en soit le t i t r e ) . . '
En Allemagne, la Commission E du BfArM a estimé que les propriétés attribuées au l
safran ne sont pas démontrées. Et que la safran est toxique à forte dose. :
Le safran est surtout utilisé comme épice et colorant dans l'alimentation (ex. : 1
bouillabaisse, paëlla, zarzuela, risoto, pillaws). Dans cet usage, il lui est le plus souvent 1
substitué des produits moins coûteux.
( :AROTÉNOÏDES 933

.HUILE DE PALME pour coloration

L'addition de colorants à la margarine est interdite en France, mais la coloration du


produit peut résulter de l'emploi dans sa fabrication de corps gras naturellement
colorés. On peut donc utiliser, pour colorer la phase grasse de la margarine, des huiles
de palme dont la couleur est standardisée : elles titrent, après raffinage et
désodorisation, de 300 à 500 ppm de caroténoïdes totaux.
L'huile de palme peut également constituer une bonne source de carotènes. L'huile
est transestérifiée par le méthanol ce qui autorise la séparation des esters (destinés à
l'industrie des détergents) et d'une fraction enrichie en carotènes. Ceux-ci (60-70 % de
~, 30-35 % de a) sont ensuite purifiés par chromatographie.

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Partie 4

ALCALOïDES

»
Généralités

1. Définition .............................................................................................................................937
2. Historique .............................................................................................................................940
3. État naturel, distribution, localisation ..................................................................................942
4. Propriétés physico-chimiques ..............................................................................................944
5. Détection, caractérisation ....................................................................................................945
6. Extraction des alcaloïdes .....................................................................................................947
7. Dosage .................................................................................................................................. 951
8. Origine biosynthétique .........................................................................................................953
9. Action pharmacologique et emplois ...................................................................................953
10. Bibliographie ........................................................................................................................954

Le nombre des produits décrits, leur diversité structurale et l'éventail de leurs activités
pharmacologiques font des alcaloïdes l'un des groupes les plus importants de substances
d'origine naturelle d'intérêt thérapeutique: dans un ouvrage traduit il y a une quinzaine
d'années, G. RICHTER écrivait que leur nombre « est à peine concevable 1 ». Sur le plan
de la variété structurale et biosynthétique la réflexion n'est pas aussi exagérée qu'on
pourrait le penser. .. et le nombre de structures décrites continue de croître.

1. DÉFINITION

Le terme d'alcaloïde a été introduit par W. MEISNER au début du XIX' siècle pour
désigner des substances naturelles réagissant comme des bases, comme des alcalis (de

1. Richter, G. (1993). Métabolisme des végétaux - Physiologie et biochimie, Presses polytechniques


et universitaires romandes, Lausanne (traduction française de StojjWechselphysiologie der Pflanzen, 1988,
Georg Thieme Verlag, Stuttgart).
938 ALCALOIDES

l'arabe al kaly, la soude et du grec eidos, l'aspect). Il n'existe pas de définition simple et
précise des alcaloïdes et il est parfois difficile de situer les frontières qui séparent les
alcaloïdes des autres métabolites azotés naturels.
Initialement définis comme des substances azotées, basiques, d'origine naturelle et
de distribution restreinte, les alcaloïdes ont une structure complexe. Leur atome d'azote
est inclus dans un système hétérocyclique et ils possèdent une activité pharmacologique
significative; pour certains auteurs, ils sont issus du seul règne végétal. Ils existent à
l'état de sels et ils sont biosynthétiquement formés à partir d'un acide aminé.
Ces éléments caractérisent ce que l'on peut appeler les alcaloïdes vrais. Nombre
d'auteurs distinguent par ailleurs les proto-alcaloïdes et les pseudo-alcaloïdes.

Les pseudo-alcaloïdes présentent le plus souvent toutes les caractéristiques des


alcaloïdes vrais, mais ne sont pas des dérivés des acides aminés. Il s'agit dans la
majorité des cas connus d'isoprénoïdes et l'on parle alors d'alcaloïdes terpéniques:
alcaloïdes monoterpéniques (ex. : ~-skytanthine), sesquiterpéniques des Nymphaeaceae,
diterpéniques comme l'aconitine du tubercule d'aconit ou stéroïdiques (ex. : paraval-
larine), pour ne citer que quelques exemples. On connaît également des substances
azotées hétérocycliques issues du métabolisme de l'acétate: c'est le cas de la coniine,
principe toxique de la ciguë.

'è9~' N
1 a"",~
1 H
CH 3 H
CH 3-NH
~-skytanthine paravallarine (+)-coniine

Les proto-alcaloïdes sont des amines simples dont l'azote n'est pas inclus dans un
système hétérocyclique ; ils ont une réaction basique et sont élaborés in vivo à partir
d'acides aminés. Diverses substances répondent à cette définition: des amines simples
comme la sérotonine, la mescaline du peyotl ou la cathinone du thé des Abyssins, mais
aussi les bétaïnes (qui résultent de la quatemarisation de l'azote des acides aminés) ;
certains auteurs incluent les bétalaïnes (parfois appelées chromo-alcaloïdes) dans ce
groupe (ex. : bétanine).
GIC-O~

CH 30 r y J HO
~~A0
N CO 2 NH
H0'():J 2
1 1
CH30~ NH 2 '0-. N
OCH 3 H

mescaline
Ho,e"&eo,HH sérotonine
bétanine
GÉNÉRALITÉS 939

Si la distinction alcaloïdes vrais, proto-alcaloïdes et pseudo-alcaloïdes peut sembler


séduisante, elle n'est pas toujours facile à appliquer: où classer la colchicine dont
l'azote amidique n'est pas inclus dans un hétérocycle? Comment considérer la caféine
ct la théophylline? Ne doit-on voir dans des glycosides aminés comme les chaconines
que des saponosides azotés? Et où classer les amides diterpéniques des ifs?

caféine (-)-cathinone

a-L-Rha (1->4)-~-D-Glc (1-» 0

(1-&m!Rha
frangulanine a-chaconine

En pratique, il est admis par tous que ne sont pas des alcaloïdes: les amines simples,
les bétalaïnes, les peptides 2, les acides aminés, les amino-sucres, les porphyrines, les
alkylamines et les arylalkylamines, au moins celles qui sont largement distribuées (a
contrario des produits de distribution restreinte comme l'éphédrine sont le plus souvent
reconnus comme alcaloïdes). Pour tous les autres composés on parle couramment
d'alcaloïde: il ne viendrait à l'esprit de personne de dénier cette qualité à la colchicine,
à la coniine ou à l'aconitine.
On peut donc dire qu'un alcaloïde est un composé organique d'origine naturelle (le
plus souvent végétale), azoté, plus ou moins basique, de distribution restreinte et doué,
à faible dose, de propriétés pharmacologiques marquées. Le regroupement d'un tel
ensemble est par ailleurs confIrmé par des réactions communes de précipitation avec les
« réactifs généraux des alcaloïdes» (voir ci-dessous).
On notera pour clore ce paragraphe l'intéressante défInition donnée par PELLETIER 3:
« An alkaloid is a cyclic organic compound containing nitrogen in a negative oxidation
.I·tate which is of limited distribution among living organisms. » Dans ces conditions, les

2. Mais la limite est parfois subtile: il n'y a pas de différence majeure entre les polypeptides
cycliques des amanites (amatoxines, phallotoxines, etc.) et des a/ca/aides peptidiques tels que la
frangulanine : les seconds voient leur macrocyc1e fermé en 1,3 ou 1,4 sur un noyau benzénique, alors
que les premiers sont généralement classés comme polypeptides stricts. Une remarque du même
ordre justifie l'appartenance des macrocycles dérivés de la spermidine ou de la spermine au groupe
des alcaloïdes (leur cycle comporte au moins une liaison non peptidique).
940 ALCALOIDES

amines et leurs oxydes, les amides et les ammoniums quaternaires sont inclus, les
dérivés nitrés (ex. : acide aristolochique) sont exclus, ainsi que les amides acycliques et!
4
les polyamines. Cette définition permet, selon son auteur , d'inclure caféine, colchicine, .,•: 1.•·,
éphédrine ou ricinine dans le groupe des alcaloïdes. On notera que cette définition .
exclut le critère d'activité, l'auteur faisant remarquer que n'importe quel composé
administré à dose suffisante aura un effet sur un organisme vivant (ce que l'on a parfois "
peut-être trop tendance à oublier...).

2. HISTORIQUE

Si la notion d'alcaloïde est assez récente, la connaissance de la toxicité et des


propriétés des plantes à alcaloïdes est très ancienne: opium, coca, aconit, belladone,
colchique aussi bien que quinquina, ipéca ou curares sont employés depuis plusieurs
siècles, voire pour certains depuis plusieurs millénaires.
C'est vraisemblablement DEROSNE qui, en 1803, extrayant un mélange de narcotine
et de morphine de l'opium, fut le premier à isoler un alcali végétal. En 1806,
SERTURNER reconnaît la nature alcaline du principe somnifère de l'opium, principe qu'il
dénommera morphine une dizaine d'années plus tard et que MERCK commercialisera
peu après. Dans le même temps, deux pharmaciens français, PELLETIER et CAVENTOU, «
découvrent» une impressionnante série de composés actifs: entre 1817 et 1820 caféine,
émétine de l'ipéca, strychnine de la noix vomique, quinine et cinchonine de l'écorce de
quinquina seront isolées; un peu plus tard il en sera de même pour la coniine. Les
chimistes tentent très tôt d'élucider la structure de ces molécules: ils y parviendront
dans les cas les plus simples (coniine, SCHIFF, 1870), mais pour d'autres il faudra
attendre la seconde moitié du XXc siècle: l'édifice polycyclique de la strychnine a «'
résisté» près de 130 ans aux investigations des chimistes. Aujourd'hui, les techniques
avancées de résonance magnétique nucléaire (proton et carbone) et la spectrométrie de
diffraction des rayons X permettent de venir à bout des structures les plus complexes.
La synthèse de ces composés a également constitué très tôt un défi pour les chimistes :
de la synthèse de la coniine à la fin du siècle dernier à celle de la morphine (1952), ce
défi a joué - et joue encore - un rôle de premier plan dans le développement de la
chimie organique.
L'isolement, au début des années 1950, de la réserpine et le succès thérapeutique de
celle-ci comme antihypertenseur et antipsychotique (du moins jusqu'à ce que ses effets
indésirables et sa faible marge thérapeutique conduise à son abandon) ont incité les
phytochimistes à explorer systématiquement ce vaste domaine des alcaloïdes: le
nombre des structures décrites n'a cessé de progresser et les données structurales, .
biosynthétiques, synthétiques ou pharmacologiques sont maintenant tout à fait
considérables. Dans quelques cas, des molécules originales ont été introduites en

3. Pelletier, S.w. (\983). The nature and definition of an alkaloid, in « Alkaloids, chemical and i
biological perspectives », op. cit., 1, p. 26 sq. ~
\~
4. Qui prend la précaution de préciser, à propos du qualificatif de « cyclic » : « a cyclic structure in
.1:

some part of the molecule », ce qui élargit singulièrement la d é f i n i t i o n . '

.,
1
( ; ÉNÉRALITÉS 941

Hygrine A N-Methyl coniine B Seneciphylline C Matrine D

hyoscyamine E H-armepavine F morphine F

Ct;Ç
~
liN
~ N -0

nitidine F harmane G
Du plus simple '"
quinine J '" au plus complexe:
CH 3

<~J""'C=o
Exemples de structures
alcaloïdiques illustrant
N 0 les principaux systèmes
hétérocycliques rencontrés,
Pilocarpine H
L'hétérocycle de base est surligné :
A : pyrrolidine

(X? OH
B : pipéridine
C : pyrrolizidine
D : quinolizidine
E : tropane
CH 3 0

leurosidine G

vasicine F : isoquinoléine
G: indole
H : imidazole
J : quinoléine
L nOCH3

'r"'o~
""II." 0
"OH
o OCOCH 3
)
o
cusparine J aconitine

1
t

l
942 ALCALOIDES

clinique - c'est celui des alcaloïdes binaires des Catharanthus -, dans beaucoup
d'autres des analogues structuraux ont été synthétisés et commercialisés (dérivés des
alcaloïdes de l'ergot de seigle) et des potentialités pharmacologiques intéressantes ont
été mises au jour, suscitant des développements dans les directions les plus variées
(synthèse, relations structure/activité, étude de récepteurs, etc.).

3. ÉTAT NATUREL, DISTRIBUTION, LOCALISATION

Les alcaloïdes, rares chez les bactéries (pyocyanine de Pseudomonas aeruginosa,


toxines des cyanobactéries) sont assez rares chez les Champignons (psilocine des
champignons hallucinogènes de l'Amérique centrale, ergolines des Claviceps et autres
Actinomycètes, sporidesmines, roquefortine, etc.). Les Pterydophyta sont rarement
alcaloïdifères, les Lycopodiaceae constituant la principale exception (alcaloïdes dérivés
de la lysine) ; la même remarque s'applique aux Gymnospermae (alcaloïdes des
Cephalotaxus 5). Les alcaloïdes sont donc des composés essentiellement présents chez
les Angiospermae, certains auteurs estimant que 10 à 15 % d'entre elles synthétisent ce
type de produit. Certaines familles ont une tendance marquée à élaborer des alcaloïdes:
c'est vrai aussi bien chez les Monocotyledonae (Amaryllidaceae, Colchicaceae) que
chez les Dicotyledonae (Annonaceae, Apocynaceae, Lauraceae, Loganiaceae, ;
Magnoliaceae, Menispermaceae, Papaveraceae, Ranunculaceae, Rubiaceae, Rutaceae,
Solanaceae, etc.). Chez ces familles certains genres contiennent des alcaloïdes, d'autres
en sont dépourvus. Plus rarement, ils sont présents dans tous les genres (Papaveraceae).
Certains alcaloïdes existent dans plusieurs genres appartenant à des familles
différentes, parfois très éloignées taxonomiquement (caféine), le plus souvent assez
proches (réticuline, yohimbine). D'autres sont caractéristiques d'un nombre limité de
genres à l'intérieur d'une famille (hyoscyamine) ou d'un groupe d'espèces à l'intérieur
d'un genre (thébaïne) ; certains sont étroitement spécifiques (morphine).
La teneur en alcaloïdes varie dans de larges limites: de quelques ppm comme dans
le cas des alcaloïdes antitumoraux de la pervenche de Madagascar (Catharanthus
rose us : la teneur atteint à peine 3 g de vinblastine pour une tonne de feuilles) à plus de
15 % pour les écorces de tronc du quinquina (Cinchona ledgeriana). Les plantes à .'
alcaloïdes ne renferment que très rarement un seul alcaloïde: certes, elles peuvent
parfois contenir un composé très majoritaire (ex. : hyoscyamine de la feuille de
belladone) mais, le plus souvent, elles livrent un mélange complexe, éventuellement
dominé par un composé majoritaire. Il n'est pas rare que plusieurs dizaines d'alcaloïdes
soient présents dans une même plante (presque une centaine dans le cas de la pervenche
de Madagascar). En règle générale tous les alcaloïdes d'une même plante ont une
origine biogénétique commune, même si leurs structures peuvent paraître assez
différentes. Pour une plante donnée, la teneur en alcaloïdes peut être très inégale selon
les organes, certains pouvant en être dépourvus. On remarquera des variations
qualitatives fréquentes: il n'est pas rare que les différents organes d'une plante

5. Remarquons à ce propos que les amides des Taxaceae (ex. : taxol) sont souvent traités dans les
ouvrages généraux consacrés aux alcaloïdes ... et parfois considérés comme des diterpènes.
GÉNÉRALITÉS 943

renferment des alcaloïdes dissemblables. C'est l'exemple de la quinine, qui s'accumule


dans les écorces de tronc des Cinchona, mais qui est absente des feuilles des mêmes
espèces; de la même façon, la conessine s'accumule dans les graines et les écorces du
kurchi (Holarrhena pubescens) alors qu'elle est absente des feuilles. On notera
également que l'existence de chimiotypes n'est pas exceptionnelle (Rauwolfia,
Duboisia).

Pendant longtemps, les alcaloïdes ont été considérés comme des produits du
métabolisme des seuls végétaux. En fait, les structures alcaloïdiques existent également
chez les animaux. Dans certains cas ce sont des produits formés à partir des alcaloïdes
contenus dans les végétaux inclus dans la ration alimentaire de l'animal: c'est le cas de
la castoramine issue de la métabolisation des alcaloïdes des nénuphars que consomme
le castor, c'est celui des alcaloïdes pyrrolizidiniques présents chez certains papillons.
Dans d'autres cas, les alcaloïdes isolés semblent être des produits du métabolisme de
l'animal: c'est en particulier le cas chez des Amphibiens Urodèles (salamandres), ou

~N
lA.)l",
N
1
CH 3

histrionicotoxine glomérine pyocyanine


(Dendrobates histrionicus) (Glomeris marginata,
Myriapodes)

OH

OH

solénopsine A samadérine o // castoramine


(fourmis) (salamandre)

~;:J
o

H 1 N\\
:?' 1 N ~ l
~ N H
H 0

roquefortine
944 ALCALOIDES

Anoures (Bufo, Phyllobates, Dendrobates, etc. [crapauds]). Les structures alcaloïdiques


sont assez fréquentes chez les Arthropodes qui les sécrètent en très faible quantité dans
leurs glandes exocrines. Ils sont bien connus chez les Hyménoptères (ex. : solenopsines
des Myrmicidés), mais sont également élaborés et utilisés par des Coléoptères, des
Neuroptères et certains Myriapodes. De masse moléculaire peu élevée (pyrrolidines,
pipéridines, pyrroles, indolizidines, pipéridines, pyrazines), ils sont assez volatils pour
constituer des signaux chimiques, éléments de défense (allomones) et de
communication (phéromones). Depuis une vingtaine d'années, le développement des
connaissances sur les organismes marins a conduit à l'isolement de nombreuses
structures hétérocycliques azotées, en particulier chez les éponges, certaines d'entre
elles ayant de réelles potentialités thérapeutiques, notamment anticancéreuses.

Localisation
Chez le végétal, les alcaloïdes existent sous la forme, soluble, de sels (citrates,
malates, tartrates, méconates, isobutyrates, benzoates) ou sous celle d'une combinaison
avec les tanins. La microchimie permet de montrer que les alcaloïdes sont le plus
souvent localisés dans les tissus périphériques : assises externes des écorces de tige et
de racine, tégument des graines, etc. La basicité et les actions antimétabolites de la
plupart de ces molécules imposent leur compartimentation: elles sont normalement
stockées dans les vacuoles cellulaires, que ces dernières soient spécifiques (dans les
laticifères) ou non. Le plus souvent la synthèse de ces alcaloïdes s'effectue au niveau de
sites précis (racine en croissance, cellules spécialisées de laticifères, chloroplastes) ; ils
sont ensuite transportés dans leur site de stockage.

Fonction
Comme pour beaucoup d'autres métabolites secondaires, on ne sait pratiquement
rien du rôle des alcaloïdes dans les végétaux. Certains pourraient intervenir dans les
relations plantes-prédateurs en protégeant les premières contre l'agression des seconds:
si l'on admet que la diversité structurale est le reflet d'une adaptation constante, cette
hypothèse s'en trouve confortée. Si certains auteurs estiment que ce sont des
métabolites terminaux, des « déchets» inutilisables, c'est très peu probable: dans
plusieurs cas il a été montré qu'ils se comportent comme des métabolites
intermédiaires. Substances de réserve? Régulateurs de croissance? La question reste
sans réponse.

4. PROPRIÉTÉS PHYSICO-CHIMIQUES

Les alcaloïdes ont des masses moléculaires variant de 100 à 900. Si la plupart des
bases non oxygénées sont liquides à température ordinaire (nicotine, spartéine, coniine),
celles qui comportent dans leur formule de l'oxygène - et c'est le cas de la quasi
totalité des structures connues - sont normalement des solides cristallisables, rarement
colorés (berbérine). Presque toujours capables de dévier la lumière polarisée, les bases
cristallisées donnent des points de fusion nets, sans décomposition surtout au dessous
de 200 oc. En règle générale, les alcaloïdes bases sont insolubles ou très peu solubles
GÉNÉRALITÉS 945

dans l'eau, solubles dans les solvants organiques apolaires ou peu polaires, solubles
dans les alcools de titre élevé.
La basicité des alcaloïdes est très variable, cette propriété étant étroitement fonction
de la disponibilité du doublet libre de l'azote. Des groupements électro-attracteurs
adjacents à l'atome d'azote diminuent la basicité, des groupements électro-donneurs
l'exaltent: la colchicine et la pipérine sont, du fait de l'existence du carbonyle de
l'amide, pratiquement neutres. Le système hétérocyclique peut lui-même être de
basicité variable: chez la pyridine - à six électrons 1t - , mais aussi chez la quinoléine
et l'isoquinoléine, le doublet de l'azote est disponible et la basicité est nette. Dans le cas
du pyrrole ou de l'indole, le doublet de l'azote participe à l'aromaticité, ils ne sont pas
basiques (ils ont même un caractère acide). Autre exemple: la pyrrolidine, insaturée,
est une base forte. La basicité est également influencée par des contraintes stériques (au
moins dans les molécules polycycliques complexes). Soulignons enfin que la basicité
est un facteur d'instabilité pour ces molécules qui, à l'état de base et en solution, sont
sensibles à la chaleur, à la lumière, à l'oxygène.

0 N
1
Q
H
1
0 1
0 N
1
CO
~ N
\
H H H H
pyrrole pyrrolidine pipéridine pyridine indole

CO
~
N
.---;
CO
::::-... 1 .---;N (~O
quinoléine isoquinoléine pipérine

La basicité des alcaloïdes permet de former des sels avec des acides minéraux
(chlorhydrates, sulfates, nitrates) ou organiques (tartrates, sulfamates, maléates). Les
sels d'alcaloïdes sont généralement solubles dans l'eau et les alcools dilués, ils sont,
sauf rares exceptions, insolubles dans les solvants organiques. Les sels cristallisés se
conservant plutôt bien, ils constituent la forme commerciale habituelle pour ces
molécules.

5. DÉTECTION, CARACTÉRISATION

Une technique de détection doit être, autant que faire se peut, rapide, simple,
reproductible, sensible; elle doit pouvoir être mise en œuvre sur un échantillon
minimal. Les méthodes de détection actuellement employées sont précédées d'une
extraction et consistent, dans le cas le plus général, en une précipitation des alcaloïdes
par des réactifs d'une assez bonne spécificité: les réactifs généraux des alcaloïdes.
L'extraction préliminaire peut être une extraction « classique» des alcaloïdes (vide
infra) ou, plus rapidement, une macération dans un alcool: la solution alcoolique est
Conium maculatum L.
GÉNÉRALITÉS 947

évaporée et le résidu repris par de l'eau acidifiée; après filtration les alcaloïdes sont
recherchés dans le filtrat.
Ces réactions générales de précipitation sont fondées sur la capacité qu'ont les
alcaloïdes de se combiner avec des métaux et des métalloïdes: bismuth, mercure,
tungstène, iode, etc. Dans la pratique, on emploie la solution iodo-iodurée, le tétra-
iodomercurate de potassium - il est connu sous le nom de réactif de MAYER - et le
tétraiodobismuthate de potasium, plus connu sous le nom de réactif de DRAGENDORFF. Il
est également possible d'utiliser le réactif silico-tungstique (mélange d'oxydes de
tungstène et de silicium) ou des solutions d'iodo-platinates alcalins. La spécificité de
ces réactifs n'est pas absolue: des protéines, des a-pyrones, certaines coumarines et des
hydroxy-flavones, des lignanes et autres composés peuvent donner des réactions
faussement positives avec le réactif de DRAGENDORFF.

D'autres réactifs peuvent être utilisés pour mettre en évidence les alcaloïdes, notam-
ment ceux qui donnent des réactions colorées caractéristiques de groupes d'alcaloïdes:
-le p-diméthylaminobenzaldéhyde pour les alcaloïdes de l'ergot de seigle;
- le sulfate de cérium et d'ammonium qui différencie les indoles Gaunes), les
dihydroindoles (rouges), les ~-anilinoacrylates (bleus), les oxindoles;
-la ninhydrine pour les arylalkylamines;
-la réaction de VITALI-MORIN pour les esters de l'acide tropique;
- les réactifs au chlorure ferrique en milieu chlorhydrique (tropolones) ou
perchlorique (Rauwolfia).
Les réactions citées ci-dessus permettent de caractériser la présence des alcaloïdes,
mais sont insuffisantes pour vérifier l'identité d'une plante ou partie de plante; elles ne
donnent pas non plus de renseignements sur la composition d'un mélange. Dans ce but et
comme pour la plupart des autres métabolites secondaires des végétaux, les méthodes
couramment mises en œuvre sont la CCM et la chromatographie liquide, en phase
normale ou en phase inverse (avec des solvants de type eau-méthanol ou eau-
acétonitrile). Le réactif de DRAGENDORFF, la solution iodo-iodurée (ou les vapeurs
d'iode), l'iodo-platinate de potassium ou le sulfate de cérium et d'ammonium sont
couramment utilisés pour la révélation des plaques de CCM. La non-volatilité de la quasi
totalité des alcaloïdes limite l'utilisation de la CPG à quelques cas particuliers. Pour des
exemples, on se reportera à la Pharmacopée et à la bibliographie spécialisée.

6. EXTRACTION DES ALCALOïDES

L'extraction des alcaloïdes est fondée, en règle générale, sur le fait qu'ils existent
habituellement dans la plante à l'état de sels et sur leur basicité, c'est-à-dire sur la
solubilité différentielle des bases et des sels dans l'eau d'une part, dans les solvants
organiques d'autre part.
Le matériel végétal renferme souvent des quantités appréciables de graisses (c'est
particulièrement vrai pour les graines), mais aussi de cires, de terpènes, de pigments et
autres substances lipophiles qui peuvent perturber le processus extractif, notamment en
induisant la formation d'émulsions. On évitera plus ou moins totalement ces problèmes

Ir
948 ALCALOIDES

technologiques en procédant à une délipidation préalable de la plante broyée. L'éther de


pétrole, l'hexane conviennent bien pour cette opération: il est exceptionnel que les
alcaloïdes soient extractibles par ces solvants lorsqu'ils sont employés en milieu neutre.

Extraction proprement dite

A. Extraction par un solvant en milieu alcalin

• 1re Étape: la plante ou partie de plante pulvérisée et délipidée est mélangée à une
solution aqueuse alcaline qui déplace les alcaloïdes de leurs combinaisons salines; les
bases ainsi libérées sont ensuite solubilisées dans un solvant organique.

L'agent d'alcalinisation est très souvent l'ammoniaque. Si la structure des


alcaloïdes à extraire comporte un élément fragile, par exemple une fonction ester,
l'ammoniaque sera remplacée par un carbonate alcalin. Dans certains cas particuliers
on aura recours à un mélange d'hydroxyde de calcium et d'hydroxyde de sodium: c'est
par exemple ce que l'on fait avec les écorces de quinquina dans lesquelles les alcaloïdes
sont combinés avec des tanins. Lorsque l'on est amené à utiliser l'hydroxyde de
sodium, il ne faut pas oublier que les alcaloïdes qui ont une fonction phénol dans leur
structure se trouvent solubilisés sous forme de phénates hydrosolubles: on peut, si
besoin est, en tirer partie pour fractionner un totum alcaloïdique.
Le solvant organique peut être un solvant chloré (dichlorométhane, chloroforme), le
benzène, le dioxyde d'éthyle. Dans l'industrie extractive, des critères de toxicité, de
sécurité d'emploi, de prix de revient, de facilité de récupération et de recyclage seront
généralement déterminants dans le choix du solvant à utiliser (un mélange de gazole et
de kérosène peut constituer un solvant efficace).
L'extraction peut se faire par simple contact ou, et c'est de loin préférable, par
contacts multiples dans des installations fonctionnant sur le principe de l'appareil de
Soxhlet. Industriellement, on utilise ce type d'appareil ou, plus efficacement encore,
des extracteurs solide-liquide fonctionnant sur le principe du contre-courant.

• 2e Étape: le solvant organique contenant les alcaloïdes bases est séparé du marc
et, si nécessaire, concentré partiellement par distillation sous pression réduite. Le
solvant est alors agité avec une solution aqueuse acide : les alcaloïdes se solubilisent
dans la phase aqueuse sous forme de sels tandis que les impuretés neutres restent dans
la phase organique. L'opération est répétée autant de fois qu'il est nécessaire jusqu'à ce
que la phase organique ne contienne plus d'alcaloïdes.
Les acides utilisés sont très variables (chlorhydrique, sulfurique, sulfamique,
tartrique, etc.), mais sont toujours employés en solutions très diluées (1-5 %).

• 3e Étape: les solutions aqueuses de sels d'alcaloïdes, réunies et le cas échéant


« lavées» par un solvant apolaire (hexane, oxyde de diéthyle), sont alcalinisées par une
base en présence d'un solvant organique non miscible à l'eau. Les alcaloïdes bases
précipitent et se dissolvent dans la phase organique. L'épuisement de la phase aqueuse
GÉNÉRALITÉS 949

plante pulvérisée

solvant organique non .----base


miscible à l'eau --------- (NH4 0H, Na2C03' etc.)
(CHC1 3, C6H6' Et 20, etc.)

solution extractive organique


marc épuisé (alcaloïdes, lipides,
pigments ... )

concentration
épuisement par un
Principes de acide dilué - - - - - - - -..
l'extraction (HCl, H 2S04 , etc.)
des alcaloïdes
en milieu alcalin

solution aqueuse acide solvant épuisé


(sels d'alcaloïdes)

------- épuisement par un solvant


organique non miscible à l'eau
(CHC1 3, C6H6' Et20, etc.)

solution organique solution aqueuse


épuisée
d'alcaloïdes

; hapomtion
ALCALOïDES TOTAUX
950 ALCALOIDES

est poursuivi jusqu'à ce que tous les alcaloïdes soient repassés en phase organique (ce
qui peut se vérifier aisément par la négativité de la réaction de MAYER effectuée sur la
phase aqueuse). Cette étape de purification peut se faire, comme la précédente et selon
les quantités mises en jeu, dans une ampoule à décantation ou dans des appareils plus
ou moins complexes: perforateurs, extracteurs centrifuges .

• En dernier lieu, le solvant organique contenant les alcaloïdes bases est décanté,
débarrassé des traces d'eau qu'il peut renfermer par déshydratation sur un sel anhydre ,
(par exemple le sulfate de sodium) et évaporé sous pression réduite. Il reste alors un i

résidu sec: les alcaloïdes totaux (AT).

B. Extraction en milieu acide

Deux cas peuvent se présenter: dans le premier la plante ou partie de plante


pulvérisée est directement épuisée par de l'eau acidifiée; dans le second c'est avec une
solution alcoolique ou hydro-alcoolique acidifiée qu'est réalisé l'épuisement. Dans ce
cas de figure l'extraction est suivie d'une distillation sous vide qui élimine l'alcool et
laisse une solution aqueuse acide de sels d'alcaloïdes.
Dans les deux cas on a donc une solution aqueuse de sels d'alcaloïdes qu'il faut ;,
purifier. Pour ce faire on peut:
1. Alcaliniser la solution et extraire les bases par un solvant organique non miscible:
on est ramené au cas précédent;
2. Fixer sélectivement les alcaloïdes contenus dans la solution sur une résine
échangeuse d'ions puis les éluer à l'aide d'un acide fort ;
3. Précipiter les alcaloïdes sous la forme d'iodomercurates. Le complexe formé est
récupéré par filtration, solubilisé dans un mélange hydro-alcoolo-acétonique et ;
décomposé par passage sur une résine échangeuse d'ions. Cette technique peut être
intéressante pour extraire des ammoniums quaternaires.

On n'évoquera pas ici les techniques spéciales adaptées à un type particulier


d'alcaloïdes (entraînement à la vapeur d'eau de la spartéine, extraction des bases très
faibles des Rauwolfia, décaféination des cafés marchands), à des cas difficiles
(adsorption sur une résine styrène-divinylbenzène, sur des terres de diatomées) ou
encore aux milieux biologiques (extraction par paires d'ions).

Isolement des alcaloïdes

Quelle que soit la méthode choisie pour extraire les alcaloïdes ce ne sont pas des
produits purs qui sont obtenus mais des alcaloïdes totaux, mélanges complexes de bases
qu'il est nécessaire de séparer. Dans le meilleur des cas l'un des alcaloïdes est
majoritaire et peut être obtenu par cristallisation directe: c'est l'exemple de la quinine
qui est cristallisée sous forme de sulfate basique par simple neutralisation des liqueurs
acides d'extraction par du carbonate de sodium jusqu'à pH 6. Dans d'autres cas les '
divers alcaloïdes du mélange ont des basicités différentes ce qui permet d'envisager des
GÉNÉRALITÉS 951

réextractions par une phase non miscible et ce à des pH variables. Dans de très
nombreuses circonstances il est obligatoire de recourir aux méthodes classiques de
résolution d'un mélange complexe, en particulier aux techniques chromatographiques
(sur silice, sur alumine, sur résines échangeuses d'ions, etc.). Au laboratoire ces
techniques, mais aussi la CLHP et la CCM préparatives, sont les plus utilisées.

7. DOSAGE
Il faut distinguer le dosage des alcaloïdes totaux et celui d'un alcaloïde particulier
dans une plante ou partie de plante donnée .

• Le dosage des alcaloïdes totaux (AT) commence obligatoirement par leur


extraction à l'aide d'une méthode générale: on préfère généralement la méthode en
milieu alcalin, en s'assurant à chaque étape que l'épuisement a été total.
Le résidu d ' AT peut ensuite être apprécié par une méthode gravimétrique ou par un
dosage volumétrique. Les méthodes gravimétriques sont facilement mises en œuvre,
mais la simple pesée du résidu d'AT manque de précision: l'erreur par excès n'est pas
négligeable et la méthode est avantageusement remplacée par d'autres procédés. Dans
le cas des méthodes volumétriques on opère soit par acidimétrie directe, soit, le plus
souvent, par acidimétrie en retour: dissolution du résidu dans un excès d'acide titré et
dosage en retour de l'excès d'acide par une base de titre connu en présence d'un
indicateur coloré (Solanaceae mydriatiques, boldo, etc.). Le cas échéant on peut
recourir à la protométrie en milieu non aqueux (bases faibles) .

• Pour le dosage d'un constituant ou d'un groupe de constituants dans une plante
ou partie de plante déterminée, on aura recours à des techniques spectrophotométriques,
colorimétriques, fluorimétriques, densitométriques. Les méthodes spectrophoto-
métriques sont très sensibles et assez fréquemment préconisées: dosage des alcaloïdes
de type quinine et de type cinchonine par mesure de l' absorbance à deux longueurs
d'onde dans les écorces de quinquina, dosage de la caféine dans la feuille de thé, etc. Si
le dosage ne peut être effectué directement, il est possible de séparer le composé à doser
par CCM et de procéder à la mesure de l'absorbance après élution des taches (ex. :
dosage de l'ajmalicine dans les racines de Catharanthus). Les méthodes
colorimétriques peuvent également être appliquées au dosage d'un alcaloïde (ou d'un
groupe), ex. : dosage des bases faibles dans le Rauwolfia.
Bien entendu, la chromatographie liquide remplace le plus souvent avantageusement
ces méthodes « classiques ». Cela est vrai dans la pratique quotidienne des laboratoires
spécialisés et de l'industrie mais aussi pours les méthodes de contrôle imposées par les
Pharmacopées: elles ont, par exemple, la Pharmacopée européenne a remplacé le
dosage gravimétrique (complexe) de la morphine dans l'opium ou celui, acidimétrique,
des alcaloïdes de la feuille de boldo par une technique de ce type. Toutefois, les dosages
« classiques» demeurent en vigueur pour de nombreuses plantes (belladone,
ipécacuanha, etc.), en particulier celles dont les monographies sont encore en vigueur
dans la 10' édition de la Pharmacopée française.

b
952 ALCALOIDES

PYRIDINE N
o PYRROLIDINE
Q 1 PYRROLIZIDINE
CO
TROPANE

INDOLIZIDINE

acide a-cétoglutarique acide a-aminoadipique ,.,


r-------'----''--''---_ _Q_U---.INOLIZI DINE J

D
H2N H2N
lysine
C0 2H
1

acide aspartique acide diamino-pimélique 1,


C0 2 H
~NH2
Ho,50H-- 5)lC;H - V (0
1'-':::
~ N""
acide anthranilique
QUINOLÉINE
"''' 'z~m;qoo / , ; :""'",m;qoo

, -_ _ _---. H0 2 "". I~ C02H


CO,H jQH
~~yYOP
ro N

Acides aminés
01 V 0 OH
QUINAZOLINE
et origine des
principaux
hétérocycles
.
-
acide
OH préphénique t ((0) N

I~ ~N:~
1

BENZOXAZINE ;

R ~
~ 1 NH
C02H

2
lX; H ~~
I ~
(JO
tryptophane N
phénylalanine - tyrosine
\
INDOLE
/
0=) ~nUCléOtides}- ~N) ~C02H
NH2 ~ ~1:
N

H histidine 1

ISOQUINOLÉINE PURINE IMIDAZOLE:


GÉNÉRALITÉS 953

8. ORIGINE BIOSYNTHÉTIQUE

Elle ne saurait être traitée en termes généraux : on l'évoquera pour chaque grand
groupe d'alcaloïdes dans les chapitres correspondants. Notons simplement ici que le
précurseur est - pour les alcaloïdes vrais - un acide aminé: ornithine, lysine,
phénylalanine, tyrosine, tryptophane, histidine, acide anthranilique. Le tableau de la
page 952 rassemble les principaux systèmes hétérocycliques de base et les relie à leurs
précurseurs. On notera également que la formation du système hétérocyclique passe
généralement par un processus inter- ou intramoléculaire simple: formation d'une base
de Schiff ou, fréquemment, réaction de MANNICH. On remarquera que la formation de
l'alcaloïde peut nécessiter l'intervention d'une seule molécule d'acide aminé (hygrine,
cathine), de deux molécules du même acide aminé (quinolizidines, benzyliso-
quinoléines), plus rarement de deux acides aminés différents (tubulosine) ou de
plusieurs molécules du même (spartéine). Quand la molécule comporte des carbones
supplémentaires, ils sont apportés par des éléments largement impliqués dans d'autres
métabolismes : acétate (tropanes), diméthy lallyldiphosphate (ergolines, furo-
quinoléines) ou plus spécifiques à un groupe particulier de végétaux comme le
sécologanoside (alcaloïdes indolo-monoterpéniques). Oxydations allyliques, couplages
oxydatifs, oxydation des noyaux aromatiques, estérifications, éthérifications, etc.,
justifient l'existence des nombreuses variations structurales. Dans le cas particulier des
alcaloïdes terpéniques, les précurseurs ont une origine strictement terpénique et
l'amination de la molécule est tardive.

9. ACTION PHARMACOLOGIQUE ET EMPLOIS

Les alcaloïdes sont des substances particulièrement intéressantes pour leurs activités
pharmacologiques qui s'exercent dans les domaines les plus variés:
- au niveau du système nerveux central, qu'ils soient dépresseurs (morphine,
scopolamine) ou stimulants (strychnine, caféine) ;
- au niveau du système nerveux autonome: sympathomimétiques (éphédrine) ou
sympatholytiques (yohimbine, certains alcaloïdes de l'ergot de seigle), parasympatho-
mimétiques inhibiteurs des cholinestérases (ésérine [= physostigmine], pilocarpine,
galanthamine), anticholinergiques (atropine, hyoscyamine, scopolamine), ganglio-
plégiques (spartéine, nicotine).
On notera aussi l'existence de curarisants, d'anesthésiques locaux (cocaïne),
d'antifibrillants (quinidine), d'antitumoraux (vinblastine, camptothécine), d'anti-
paludiques (quinine), d'amoebicides (émétine).
Ces différentes activités (et d'autres) conduisent à une utilisation pharmaceutique
des plantes à alcaloïdes. Si certaines ne sont employées que sous la forme de
préparations galéniques (belladone, stramoine, jusquiame noire), beaucoup ne sont que
des matières premières pour l'extraction industrielle des alcaloïdes qu'elles renferment:
morphine de la paille de pavot ou de l'opium 6, scopolamine des Duboisia, ajmalicine

6. Une très faible quantité sert encore à la préparation de formes galéniques.


954 ALCALOIDES

des racines de Catharanthus, vincamine de la feuille de pervenche, quinine des écorces


de quinquina 6. Une partie des alcaloïdes extraits peut être transformée: l'essentiel de la
codéine est obtenu par méthylation de la morphine, la quinine est convertible en
quinidine, la serpentine en ajmalicine, la tabersonine en vincamine ; les alcaloïdes
tropaniques peuvent être quaternarisés, etc. Dans quelques rares cas, l'industrie
préférera produire directement ces produits par synthèse: théophylline, papavérine sont
facilement obtenues ainsi. On remarquera que le souci d'améliorer l'efficacité
thérapeutique conduit parfois à opérer des transformations plus profondes, voire à des
synthèses parteilles ou totales de molécules analogues, utilisant ou non des matières
premières d'origine naturelle, végétale ou fermentaire (dérivés des alcaloïdes de l'ergot
de seigle, des alcaloïdes binaires des Catharanthus, etc.). Notons enfin que les structures
a1caloïdiques naturelles ont inspiré la mise au point de nombreuses familles de
composés synthétiques (anesthésiques locaux, anticholinergiques, curarisants, etc.).

10. BIBLIOGRAPHIE

Articles et ouvrages généraux


Cordell, GA. (1981). Introduction to alkaloids, a biogenetic approach, John Wiley, New York.
Dalton, D.R. (1979). The alkaloids - The fundamental chemistry, a biogenetic approach, Marcel Dekker,
New York.
Facchini, P.J. (2001). Alkaloid biosynthesis in plants: biochemistry, cell biology, molecular regulation, and
metabolic engineering applications, Annu. Rev. Plant Physiol. Plant Mol. Biol., 52, 29-66.
Fattorusso, E, et Tagliatela-Scafati, O., éds. (2008). Modern alkaloids - Srructure, isolation, synthesis and
biology, Wiley-VCH Weinheim.
Hesse, M. (2002). Alkaloids : nature '.1' curse or blessing ? Wiley-VCH, Weinheim.
Mothes, K., Schütte, H.R. et Luckner, M., éds. (1985). Biochemistry of alkaloids, VCH, Berlin.
Phillipson, J.O., Roberts, M.F. et Zenk, M.H., éds. (1985). The chemistry and biology of isoquinoline
alkaloids, Springer Verlag, Berlin.
Roberts, M.F. et Vink, M. (1998). Alkaloids. biochemistry, ecology, and medicinal applications, Plenum
Press, New York.
Zenk, M.H. et Juenger, M. (2007). Evolution and current status of the phytochemistry of nitrogenous
compounds, Phytochemistry, 68, 2757-2772.

Séries
The alkaloids - Chemistry and physiology, 1950 ->, (devient The alkaloids - Chemistry and biology en 1983
[vol. 21 -> 49, 51-52] puis The alkaloids - Chemistry and biology [vol. 50, 53->]). Édité initialement
par Manske, R.H. (1-16), puis par Manske, R.H. et Rodrigo, R.G. (17-20), Brosssi, A. (21->36 puis
38-->40), Brossi, A. et Suffness, M. (37), Brossi, A. et Cordell, G.A. (41,45) et Cordell, G.A. (42-44,
46-», Academie Press, New-York,San Diego, etc.
Le dernier volume paru est le nO 66 (2008).
Alkaloids - Chemical and Biological Perspectives, 1983 ->, (Pelletier, S.w., éd.), John Wiley, New York.
Le dernier volume paru est le n° 15 (2001).

Voir aussi
Alkaloids, The Royal Society of Chemistry, Londres, 13 volumes de 1972 à 1983; depuis 1984, la série est
intégrée à : Natural Product Reports (tome 26 en 2009) : plus de 150 articles dans le domaine des.
alcaloïdes (sources, structure, synthèse, etc.).
alcaloïdes
dérivés
de l'ornithine et de la lysine

Introduction

Les acides aminés en C 4 et Cs - ornithine et lysine - sont à l'origine de


nombreux alcaloïdes dont la structure peut être simple (pyrrolidines comme l'hygrine
de la coca, pipéridines comme la pelletiérine du grenadier) ou plus complexe. La
complexité structurale se traduit dans ce groupe par la formation, à partir de plusieurs
molécules de l'acide aminé, d'édifices polycycliques: pyrrolizidines, indolizidines,
quinolizidines (bi-, tri-, tétra-, pentacycliques). La complexité peut également trouver
son origine dans l'intervention d'autres précurseurs: acétate (tropanes, homotropanes,
élaeocarpine), phénylalanine (phénanthroindolizidine, phénanthroquinolizidine),
tryptophane (élaeocarpidine), acide nicotinique (nicotine, anabasine), acide
phénylpropanoïque (alcaloïdes des Lythraceae).
Pour mémoire, on notera que l'on connaît des molécules dans lesquelles un cycle
issu de l'omithine (pyrrolidine) ou de la lysine (pipéridine) se trouve combiné à des
structures complexes de type flavone 1 (buchenavianine de Buchenavia sp.,
Combretaceae ou ficine du Ficus pantoniana King., Moraceae), benzylisoquinoléine
(macrostomine du Papaver macrostomum Boiss. & E. Huet, Papaveraceae) ou encore
harmane (brevicolline d'une Cyperaceae du genre Carex).

1. Des structures du même type se forment par interaction de ['acide nicotinique : c'est le cas des
chromones pyridiniques d'une plante médicinale de l'ouest de l'Afrique, Schumanniophyton
lIIagnificum (K. Schumann) Harms (Rubiaceae).
956 ALCALOIDES

HO

buchénavianine brévicolline macrostomine

L'utilisation d'acides aminés marqués à l'azote 1sN montre que c'est l'azote
terminal (8 ou ë) qui est incorporé et le marquage au tritium permet de démontrer qu'en
règle générale le proton en C-2 est retenu, ce qui exclut que les a-cétoacides (2-oxo-5-
aminopentanoïque ou 2-oxo-6-aminohexanoïque) soient les précurseurs des cycles: ce
sont plus vraisemblablement les aldéhydes (4-aminobutanal et 5-aminopentanal), en
équilibre avec les formes cycliques (L'1 1-pyrrolidéine et L'1 1-pipéridéine) qui sont les
véritables précurseurs des structures pyrrolidiniques et pipéridiniques.

Pour rendre compte des résultats obtenus au cours de différentes expériences


d'incorporation de précurseurs marqués, un schéma global a été proposé; il fait
ressortir le rôle majeur d'enzymes dont le coenzyme est le phosphate de pyridoxal.
Celui-ci forme une base de SCHIFF intermédiaire dont l'hydrolyse en diamine (putrescine
ou cadavérine) est moins rapide que la cyc1isation, ce qui explique l'incorporation très
souvent asymétrique du précurseur. Il n'est cependant pas rare que le marquage initial
(en C-6 de la lysine ou en C-5 de l'omithine) soit également distribué (respectivement
en C-2 et C-6 de la pipéridine et en C-2 et C-5 de la pyrrolidine), ce qui montre que
chez certaines plantes les diamines, cadavérine et putrescine, sont des intermédiaires de 1

la biosynthèse (voir, entre autres, l'origine des alcaloïdes tropaniques, p. 963 et les
références citées p. 981).

phosphate de pyridoxal

* le même mécanisme

H2N~O
pourrait être appliqué
à l'ornithine
GÉNÉRALITÉS 957

~
0&9
~I
0

o
alcaloïdes des
Elaeocarpaceae
N
N
1

pyrrolidines
simples phénanthroindolizidines
(Asclepiadaceae)

H'C-N~H
o N
OR
nicotine tropanes
11 (Solanaceae)

!(6!OCO..R->------I
~o
pyrrolizidines Principales possibilités
(Asteraceae, Boraginaceae ... ) biosynthétiques de la
D,' -pyrrolidéine et de la
D,' -pipéridéine

indolizidines

o
(Fabaceae)

N l-------4--~~1
quinolizidines ~J~
des Fabaceae
11
sécurinine
(Euphorbiaceae)

~ r"î '(
R~N~R-------;;J
1

a R

0lR~ b
Ry()
o
pipéridines : a, Lobeliaceae amides alcaloïdes des alcaloïdes des
b, Crassulaceae ex. : Piperaceae Lythraceae Lycopodiaceae

..
958 ALCALOIDES

Ultérieurement, des réactions chimiques simples (formation de bases de SCHIFF,


condensation de MANNICH, condensation aldolique) permettent de rationaliser les
processus qui doivent conduire aux structures plus complexes. Les groupes N-méthyle,
souvent présents, sont généralement apportés par la S-adénosylméthionine.

/CH 2 -
type Mannich
R-N-C
(
H "CH-COSCOA
9 1
CH-COSCoA CO-R
1
CO-R Réactivité des
bases de Schiff

R-OC-CH-
H 1\-" G G
R-N=C-CH-

~TdH-R'
H 1 1
-C-NH-R'
1
cocaïne
type aldol

o N
H
o
G~ ~
__ YxCOSCOA
_ C~+
~ COSCoA __ ~
~
o 9 CO~
H2 C 0 0

-.>,
L'intérêt pharmacologique et thérapeutique des alcaloïdes dérivés de l'ornithine et
de la lysine est très inégal. Si certains sont d'un emploi courant en thérapeutique
(atropine, scopolamine), d'autres ont maintenant une utilisation restreinte ou historique
(spartéine, lobéline, arécoline). Beaucoup doivent être connus pour leur toxicité:
pyrrolizidines de Boraginaceae et Asteraceae souvent parées de vertus médicinales,
quinolizidines de Fabaceae fréquentes dans notre environnement du fait de leur
caractère ornemental, sans oublier la nicotine du tabac. Un petit nombre présente des
propriétés pharmacologiques intéressantes: cela est le cas de certaines indolizidines
(castanospermine) qui agissent efficacement contre les rétrovirus ou de l'huperzine
testée dans le contexte de la maladie d'Alzheimer.
Le tableau de la page 957 regroupe les types structuraux les plus fréquents
biosynthétiquement rattachés à 1'ornithine et à la lysine.
Alcaloïdes tropaniques

1. Structure des alcaloïdes tropaniques ...................................................................................960


A. Alcools tropaniques ...............................................................................................960
B. Acides ....................................................................................................................961
c. Alcaloïdes ..............................................................................................................961
2. Origine biosynthétique ........................................................................................................963
3. Solanaceae officinales à alcaloïdes tropaniques .................................................................965
belladone, stramoine, jusquiame noire ......................................................................965
les plantes, les feuilles ............................................................................967
composition chimique ............................................................................968
pharmacologie ........................................................................................969
toxicité (969), effets indésirables ...........................................................971
emplois des plantes et des alcaloïdes .....................................................971
4. Sources industrielles d'alcaloïdes tropaniques ...................................................................973
Brugmansia ................................................................................................................973
Duboisias ...................................................................................................................973
5. Anticholinergiques hémisynthétiques et synthétiques .......................................................974
6. Autres Solanaceae ................................................................................................................975
7. Erythroxylaceae à alcaloïdes: cocaier ................................................................................975
8. Polyhydroxynortropanes .....................................................................................................981
9. Bibliographie .......................................................................................................................981

Les alcaloïdes tropaniques ont en commun un élément structural bicyclique azoté,


l'azabicyclo[3,2,1]octane: ce sont des 8-méthyl-8-azabicyclo[3,2,1]octanes.
Les alcaloïdes de ce groupe sont surtout élaborés par des Solanaceae. Ils sont aussi
présents: 1° chez les Erythroxylaceae (cocaïne des Erythroxylum); 2° chez les Protea-
ceae (Agastachys, Bellendena, Darlingia et Knightia qui sont caractérisés par des
tropanes disubstitués en C-2/C-3 et par des pyranotropanes); 3° chez les Convolvulaceae
960 ALCALOÏDES

(convolvine des Convolvulus, calystégines des Convolvulus, Calystegia et Ipomoea,


nor-tropanes des Ericybe); 4° chez les Rhizophoraceae (brugine - un dithiolane
carboxylate de tropanol - des Bruguiera) et 5° chez des genres isolés: Peripentadenia
(Euphorbiaceae) ou Cochlearia (Brassicaceae).
Chez les Solanaceae, ils sont surtout présents dans la sous-famille des Solanoideae.
Les genres Acnistus, Anthocercis, Atropa, Brugmansia, Cyphantera, Datura, Duboisia,
Hyoscyamus, Mandragora, Przewalskia, Scopolia, Solandra renferment majori-
tairement de l'hyoscyamine et/ou de la scopolamine, c'est-à-dire des esters de l'acide
tropique et du tropanol. D'autres genres renferment d'autres esters du tropanol (ex. :
Physalis, Schizanthus) ou des polyhydroxynortropanes (Solanum). D'autres enfin, les
plus nombreux, en sont dépourvus (Capsicum, Cestrum, Nicotiana, Petunia, etc.).
Du point de vue pharmacologique, la (-)-hyoscyamine et son racémique, la (±)-
atropine, sont des substances d'intérêt thérapeutique: douées de propriétés para-
sympatholytiques, elles sont aussi le point de départ à partir duquel la chimie de
synthèse a conçu, entre autres, la majeure partie des anticholinergiques. De la même
façon, la cocaïne a été à l'origine de la conception des anesthésiques locaux de synthèse.

1. STRUCTURE DES ALCALOïDES TROPANIQUES

À quelques exceptions près, notamment celles constituées par les pyrano- et


dihydropyranotropanes des Proteaceae et par les calystégines (cf. p. 981), les alcaloïdes
tropaniques sont des esters d'alcools tropaniques et d'acides de structure variable,
aliphatiques ou aromatiques.
j
A. Alcools tropaniques

Ces alcools peuvent être répartis en deux séries selon l'orientation de l'hydroxyle
porté par le carbone C-3. On distingue ainsi les dérivés du 3a-hydroxytropane 1 (ex. :
8

H3C-:~2
'~
6 3
tropanol OH pseudo-tropanol
tropane (3a-hydroxytropane) (3p-hydroxytropane)

scopanol ecgonine

1. On tend à généraliser la notation endo/exo pour ces structures: le tropanol est le 8-méthyl-8- 1

azabicyclo[3,2,l]octane-3-endo-ol (le y-tropanol étant 3-exo-ol).


ALCALOÏDES TROPANIQUES 961

tropanol, de loin les plus fréquents) et ceux du 3P-hydroxy-tropane quasi spécifiques


des Erythroxylaceae. En l'absence d'autre substitution, les 3-hydroxy-tropanes sont
optiquement inactifs: ils sont mesa, les deux carbones de jonction étant de chiralité
opposée. Ces alcools sont fréquemment hydroxylés en C-6 et/ou C-7, voire époxydés
(ex. : scopanol). Les alcaloïdes des Erythroxylaceae sont, presque tous, des esters d'un
alcool substitué en C-2p par un carboxyle: l'ecgonine.

B. Acides

Les acides peuvent être aliphatiques: acétique, butyrique, isovalérique, 2-méthyl-


butyrique, 2E,2-méthyl-2-buténoïque (plus communément dénommé acide tiglique),
angélique, ... ou aromatiques. Dans ce dernier cas, il peut s'agir d'acides spécifiques
comme l'acide (S)-(-)-tropique ou d'acides plus largement distribués dans le règne
végétal comme les acides benzoïque, phénylacétique, cinnamique et leurs dérivés. Ils
sont rarement hétérocycliques.

(/'CO,"
acide tropique acide apotropique
(acide atropique)

acide a-truxillique

acide angélique acide tiglique acide isovalérique

c. Alcaloïdes (esters)

Les structures les plus représentatives sont regroupées dans les tableaux ci-après. Les
deux configurations (axiale et équatoriale) sont possibles pour le groupe N-méthyle.
Chez la plupart des alcaloïdes étudiés, c'est la position équatoriale qui est largement
prédominante à l'équilibre, mais chez des alcaloïdes comme la scopolamine, la double
substitution en C-6 et C-7 favorise la configuration axiale de ce méthyle. De plus, la
nature du solvant peut être déterminante. Un petit nombre d'alcaloïdes improprement
appelés dimères sont des diesters tropaniques d'acides dicarboxyliques (truxillines,
belladonines, schizanthine D). Exceptionnellement, les alcaloïdes tropaniques peuvent
avoir une structure pyronique (chez les Proteaceae, ex. : bellendine)
De tels alcaloïdes esters sont particulièrement fragiles. Ainsi, la (-)-hyoscyarnine
conduit rapidement, aussi bien en milieu acide qu'en milieu alcalin, au tropanol et à
l'acide (-)-tropique, lequel, par déshydratation intramoléculaire, est transformé en acide
apotropique (= acide atropique) optiquement inactif. Dans le cas de la (-)-scopolarnine
962 ALCALOÏDES

o /
H'C-NRH H'C-N~:yO
H:C~~~
apoatropine
Oro o 1
~
H

cocaïne
0
= H
H

meteloïdine
0
~

o
1

knightinol schizanthine 0

(appelée aussi hyoscine par les anglo-saxons), l'hydrolyse acide ou alcaline conduit aux
acides (-)- et (±)-tropique et à l'oscine. Celle-ci est un composé optiquement inactif,
dédoublable sous forme de benzoates, résultant de l'attaque nuc1éophile de l'OH en C-3
sur l'un ou l'autre des carbones de l'époxyde. Dans les conditions douces d'une
hydrolyse enzymatique, il se forme du scopanol instable, facilement converti en oscine.

OH
/

ro o H
HO

hyoscyamine
acide apotropique
(acide atropique)

H3 C-N
~ H3 C-N

0- iftHt:
o
)\~H
l "" ~O~
o ~ a
scopolamine
acide tropique,
acide atropique oscine

Dans les mêmes conditions la cocaïne, elle, est hydrolysée en ecgonine, méthanol et
acide benzoïque; son hydrolyse ménagée conduit à la benzoylecgonine.
ALCALOÏDES TROPANIQUES 963

Les alcaloïdes optiquement actifs comme la (-)-hyoscyamine sont très facilement


racémisés via la formation d'un énol : un simple reflux dans le chloroforme suffit à la
transformer en (±)-atropine (la formation de l'énol est favorisée par la conjugaison de la
double liaison avec le cycle aromatique). Bien que cette atropine ait été souvent décrite
- et ce chez plusieurs espèces végétales - on est en droit de se demander si elle est
vraiment, dans tous les cas connus, un produit naturel.

2. ORIGINE BIOSYNTHÉTIQUE

Plusieurs précurseurs interviennent au cours de l'élaboration des alcaloïdes


tropaniques :
- la phénylalanine est à l'origine des acides aromatiques en C6-C] et C6-C 3 ainsi
d'ailleurs que de l'acide tropique;
- la leucine et l'isoleucine sont les précurseurs des acides aliphatiques en Cs
comme l'acide tiglique;
- l' omithine est à l'origine du cycle pyrrolidinique du noyau tropane;
- l'acétate (sous forme d'acétoacétyl-coenzyme A) apporte les carbones
supplémentaires nécessaires à l'élaboration du cycle pipéridinique du tropane.

Formation du noyau tropane

L'ornithine, précurseur du noyau tropane, est rapidement décarboxylée en


putrescine; celle-ci est ensuite méthylée. La putrescine peut également être formée à
partir de l'arginine : décarboxylation, puis transformation du système guanidine en
amidine et hydrolyse finale de la N-carbamoyl-putrescine. La désamination oxydative
de la N-méthyl-putrescine conduit au 4-méthyl-aminobutanal qui est ensuite cyclisé
(formation de base de Schiff) en cation N-méthyl-~I-pyrrolinium.
L'incorporation de l'amino-acide n'est pas symétrique. Ainsi, l'incorporation de 5-
I·C omithine conduit, chez Datura stramonium, à la seule 1_'4C hyoscyamine. Cette
asymétrie ne constitue pas pour autant une règle générale: dans le cas de Erythroxylum
coca, la radioactivité est également distribuée sur les carbones C-I et C-5 du tropane de
la cocaïne; la même constatation a été faite avec l'hyoscyamine élaborée par
Hyoscyamus aibus et avec la scopolamine biosynthétisée par Duboisia ieichhardtii. Les
incorporations asymétriques trouvent leur origine dans le fait que la décarboxylation de
l'ornithine et la méthylation de la putrescine impliquent une forme « liée» de la
putrescine. (Si, au contraire, la putrescine ne reste pas liée à la décarboxylase, la N-
méthylation est symétrique).
L'étape clé de la biosynthèse du noyau tropane, étudiée chez les Solanaceae et les
Erythroxylaceae, est l'attaque nucléophile du C-2 de l'acétoacétyl-coenzyme A sur le
cation N-méthyl-~I-pyrrolinium. Le ~-cétoester est incorporé aussi bien dans la cocaïne
que dans l'hyoscyamine ou la cuscohygrine alors que l'hygrine, longtemps considérée
comme un précurseur de l'hyocyamine n'est, dans les mêmes conditions, que très
faiblement incorporée. Une réaction de Mannich intramoléculaire conduit ensuite à la
carbométhoxytropanone. Dans la cas de la cocaïne, la carbométhoxytropanone est

b
964 ALCALOÏDES

réduite stéréo spécifiquement en méthylecgonine. Dans celui de l'hyoscyamine elle est


d'abord décarboxylée en tropanone, laquelle est ensuite réduite en tropanol. Les
oxydations en C-6 et en C-7 ont lieu après l'estérification de l'alcool secondaire en C-3 ;
l'époxydation en 6,7 (ex. : scopolamine) implique un intermédiaire 6~-hydroxylé et
l'attaque directe de l'hydroxyle en C-6 sur le C-7 (dioxygénase).

--;NVH3 C
1
HN~H
H3 C
1
o
Œl~
CH 3
ornithine N-méthylputrescine 4-méthylaminobutanal

+ acéto
acétyl GoA

tropanone carbométhoxytropanone 1

o /
H'C-

NR H3C~N\~O

~OH
"
OH

tropanol méthylecgonine

Origine biosynthétique des structures tropaniques (principe)

Origine de ['acide tropique. Le précurseur de l'acide tropique est la (S)-phényl-


alanine. Les techniques de marquage ont montré la réalité d'une migration
intramoléculaire du carboxyle de C-2 à C-3, puis que l'acide (R)-phényllactique est
également un précurseur, ce qui a conduit à postuler - et à vérifier - le rôle de la
littorine dans la biosynthèse des esters tropiques (la littorine est le (R)-phényllactate de
tropanol). Les hypothèses succesives sur le mécanisme de la transformation de la
littorine en hyoscyamine ont été invalidées: il demeure inconnu à ce jour.
y0 H
2

ObH
(S)-phénylalanine acide (R)-phényllactique acide (S)-tropique
ALCALOÏDES TROPANIQUES 965

Caractérisation des esters de J'acide tropique, dosage

Les alcaloïdes esters de l'acide tropique sont aisément caractérisés par la réaction de
VITALI-MoRIN: après traitement par l'acide nitrique fumant et reprise du résidu par
l'acétone, il se développe une coloration violet foncé en présence d'une solution
éthanolique d'hydroxyde de potassium. On peut utiliser cette réaction pour réaliser un
dosage colorimétrique : la sélectivité de la réaction permet l'évaluation des seuls esters
tropiques dans un mélange d'esters du tropanol (un alcaloïde comme la littorine ne
donne pratiquement aucune réaction).
Les alcaloïdes tropaniques peuvent être facilement mis en évidence en CCM,
éventuellement quantifiable (densitométrie après réaction de DRAGENDORFF ou autre). La
chromatographie gazeuse donne de bons résultats, avec des colonnes capillaires et une
détection classique ou un couplage à la spectrométrie de masse. Le cas échéant, la faible
volatilité des alcaloïdes peut être améliorée par formation de dérivés triméthylsilylés.
Cette technique est en particulier utilisable pour l'analyse de la feuille de coca et, après
extraction, pour celle des produits susceptibles de contenir de la cocaïne. La
chromatographie liquide donne de bonnes séparations sur phase inverse (CI8), si
nécessaire avec un système de paires d'ions (ex. : sulfate de dodécyle). La détection
peut faire appel à l'UV (ou aux barrettes de diodes), à la réfractométrie ou, là encore et
sous certaines conditions, à un couplage (LC/MS, LC/UV/MS). Plusieurs protocoles
recourant à l'électrophorèse capillaire et aux techniques dérivées ont été publiés.

3. SOLANACEAE OFFICINALES À ALCALOïDES TROPANIQUES

Si les alcaloïdes tropaniques sont fréquents chez les Solanaceae le nombre


d'espèces à être ou à avoir été utilisées en thérapeutique est faible. Il s'agit
essentiellement, en Europe, de la belladone, de la stramoine et de la jusquiame noire,
généralement connues sous le nom de« Solanacées parasympatholytiques officinales ».
De fait, seules les deux premières font encore l'objet d'une monographie de la
Pharmacopée européenne. La jusquiame reste décrite par la 10' édition de la
Pharmacopée française. Ces trois plantes ne sont pas utilisées à des fins extractives par
l'industrie qui leur préfère, pour la production d'atropine et de scopolamine, des
espèces appartenant aux genres Brugmansia et Duboisia .

• BELLADONE, Atropa belladonna L.,


STRAMOINE (= datura officinal), Datura stramonium L.,
JUSQUIAME NOIRE, Hyoscyamus niger L.

La feuille de belladone est constituée par les feuilles seules ou mêlées de sommités
florifères et, parfois, fructifères, séchées d'A. belladonna. Elle contient au minimum
0,3 % d'alcaloïdes totaux, exprimés en hyoscyamine. Parmi ces alcaloïdes,
l'hyoscyamine nettement prépondérante est accompagnée de faibles quantités de
scopolamine (hyoscine) (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:0221]).

br
Datura stramonium L.
ALCALOÏDES TROPANIQUES 967

La feuille de stramoine est définie de la même façon, à ceci près que le minimum
spécifié pour les alcaloïdes totaux est de 0,25 % et que « l'hyoscyamine est accompa-
gnée de quantités variables de scopolamine» (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:0246]).
La feuille de jusquiame noire est la feuille seule ou mêlée de sommité florifère et
parfois fructifère, séchée, de H. niger. La teneur en alcaloïdes totaux est au minimum
de 0,05 % (Ph. fse, 10' éd. [2007]).

Les plantes
La belladone est une plante indigène, assez rare en France. Plante vivace par une
souche rhizomateuse, à tiges dressées (1-1,5 m), elle croît dans les clairières et les
décombres, de préférence en terrain calcaire. Les fleurs, habituellement solitaires, ont
une corolle campanulée à lobes brun violacé ou jaune brun. Le fruit, une baie
subglobuleuse à 2 loges de la taille d'une cerise et d'un noir brillant, est entouré à la
base par le calice persistant et développé.
La stramoine est abondante en Europe où elle affectionne terrains incultes et bords
des chemins. C'est une espèce annuelle vigoureuse de 0,8-1,2 m de hauteur. Les fleurs,
solitaires, grandes (8-10 cm de long), ont un calice à cinq sépales plissés longitudi-
nalement et une corolle tubuleuse, plissée, blanche. Le fruit, une capsule tétraloculaire à
déhiscence multiple, est couvert d'épines rudes.
La jusquiame noire peut être annuelle ou bisannuelle selon la variété. D'origine
asiatique, elle pousse de préférence sur des sols sablonneux: terrains vagues, talus et
décombres de toute l'Europe et de l'Amérique du Nord. La tige est velue et visqueuse,
simple ou ramifiée. Les fleurs, groupées en une courte grappe à l'aisselle d'une grande
bractée, ont une corolle à cinq lobes d'actinomorphie incomplète, jaune grisâtre veinés
de violet ou de pourpre noirâtre. Le fruit est une capsule biloculaire s'ouvrant par un
couvercle (= pyxide) entourée par un calice persistant, accru, durci et à dents épineuses.

Les feuilles
Les feuilles de belladone, souvent froissées et agglomérées, ont un limbe elliptique,
à base atténuée et à bords entiers (5-25 x 3-12 cm). Les tiges florifères aplaties portent
des feuilles géminées de taille inégale à l'aisselle desquelles sont insérées des fleurs
solitaires.
Examinée au microscope (hydrate de chloral), la poudre de feuille de belladone
présente des cellules épidermiques à parois sinueuses et à cuticule striée; de nombreux
stomates principalement anisocytiques; des poils tecteurs pluricellulaires, unisériés à
cuticule lisse; des cellules de parenchyme contenant des microcristaux cunéiformes
d'oxalate de calcium; etc.
Les feuilles de stramoine ont un limbe ovale ou ovale triangulaire, acuminé,
souvent asymétrique à la base, profondément découpé en lobes inégaux pointus. La
feuille âgée est pratiquement glabre, les nervures des feuilles jeunes sont pubescentes.
Les tiges, vert à vert pourpre, courbées et tordues, ridées, souvent ramifiées, portent, à
l'aisselle des rameaux, une fleur solitaire à corolle infundibuliforme blanc-brun ou
pourprée ou un fruit immature.
L'examen microscopique de la poudre de feuille de stramoine montre (hydrate de
chloral) des cellules épidermiques à cuticule lisse, des poils tecteurs coniques unisériés
968 ALCALOÏDES

à 3-5 cellules aux parois verruqueuses, des cellules du parenchyme lacuneux contenant
des macles d'oxalate de calcium et, éventuellement, des éléments provenant de la tige,
des fleurs et des semences.
Les feuilles de jusquiame peuvent être sessiles, elle sont alors cordées à la base, ou
courtement pétiolée et atténuées à la base. Le limbe est fortement pubescent et visqueux
sur les deux faces, notamment au niveau des nervures principales; ses bords,
irréguliers, sont découpés en lobes irrégulièrement dentés. Les nervures latérales
forment un angle prononcé avec la nervure principale et se poursuivent jusqu'au
sommet des lobes.
Examinée au microscope (hydrate de chloral), la poudre de feuille de jusquiame
noire présente des poils tecteurs pluricellulaires unisériés, des poils sécréteurs à tête
claviforme bi- ou pluricellulaire, un parenchyme lacuneux à macles d'oxalate de
calcium, éventuellement des éléments de l'inflorescence, etc.
Dans tous les cas (belladone, stramoine, jusquiame), l'identité est confirmée:
- par une CCM des alcaloïdes totaux (révélation par une solution d'iodobismuthate
de potassium, puis par une solution de nitrite de sodium. La bande correspondant à
l'hyoscyamine vire du brun au brun-rouge mais pas au bleu-gris (atropine);
- par la caractérisation des esters de l'acide tropique par la réaction de VITALI-MORIN:
nitration à chaud du résidu d'alcaloïdes totaux (acide nitrique) et coloration d'une
solution acétonique du produit nitré par une solution alcoolique d'hydroxyde de
potassium. Il se développe une coloration violette.
Les feuilles ne renferment pas plus de 3 % de tiges d'un diamètre supérieur à 5 mm
(belladone, stramoine) ou pas plus de 2,5 % de tiges d'un diamètre supérieur à 7 mm.
Le dosage est classique: acidimétrie en retour après extraction des alcaloïdes totaux.

Composition chimique. Les trois espèces sont riches en substances minérales: 12- "
15 % (belladone), 15-18 % (datura officinal), 18-20 % (jusquiame noire). La feuille de
belladone renferme de petites quantités d'une coumarine, le scopolétol; les autres
plantes n'en renferment que des traces. L'odeur nauséabonde de la jusquiame noire est
due à de la tétraméthylputrescine.

(-)·hyoscyamine (-)-scopolamine

La teneur en alcaloïdes totaux de la feuille varie selon l'espèce: de 0,3 à 0,6 % chez la
belladone, de 0,2 et 0,5 % chez le stramoine et de 0,04 à 0,15 % chez la jusquiame noire.
Chez la belladone, l'hyoscyarnine représente au moins 90 % des alcaloïdes, la teneur en
scopolamine étant très faible. Chez le datura et la jusquiame, les proportions hyos-
cyarnine/scopolamine sont très variables: généralement voisines de 2/3-113 à 3/4-1/4.
ALCALOÏDES TROPANIQUES 969

Pharmacologie
1. Atropine. Atropine et hyoscyamine ont la même activité: ce sont des parasym-
patholytiques. L'hyoscyamine est plus active que l'atropine racémique, mais c'est cette
dernière qui est habituellement préparée et utilisée. L'atropine est un inhibiteur des
récepteurs muscariniques localisés dans les organes périphériques innervés par les
fibres post-ganglionnaires du parasympathique, ainsi que dans le système nerveux
central. Elle inhibe de façon compétitive et réversible la fixation de l'acétylcholine sur
ses récepteurs et cet antagonisme entraîne, au niveau des organes concernés, des effets
d'apparence sympathomimétique :
- au niveau cardiaque et après une bradycardie temporaire, l'atropine élève le
rythme par suppression de l'action freinatrice du vague;
- au niveau vasculaire, les effets tensionnels sont peu marqués (mais, aux doses
toxiques, on observe une vasodilatation des vaisseaux capillaires cutanés, surtout au
niveau de la face);
- au niveau des fibres lisses, l'atropine induit un relâchement des fibres, une
inhibition motrice: diminution du tonus, de l'amplitude et de la fréquence des
contractions péristaltiques intestinales, paralysie des uretères, induction d'une rétention
urinaire, diminution du tonus des voies biliaires, opposition à l'activité broncho-
constrictrice de l'acétylcholine;
- au niveau de l'ensemble des sécrétions. Les sécrétions salivaire, sudorale,
bronchique, lacrymale et gastrique sont freinées (aux doses toxiques, l'inhibition de la
production de sueur provoque une fièvre importante);
- au niveau oculaire, l'alcaloïde induit une mydriase passive, par paralysie des
muscles constricteurs iriens. On note également une paralysie de l'accommodation
(cycloplégie) consécutive à la perte de tonus des muscles ciliaires (l'œil reste réglé pour
la vision d'objets lointains) et une augmentation de la pression intra-oculaire.
À côté de ces effets sur le système nerveux autonome, l'atropine exerce des effets
consécutifs à son interaction avec les récepteurs muscariniques centraux. Ces effets ne
se manifestent généralement qu'aux doses toxiques: excitation importante, agitation,
désorientation, exagération des réflexes, hallucinatio,ns, délire, confusion mentale,
insomnie.
2. Scopolamine. L'activité parasympatholytique de cet alcaloïde est identique à
celle de l'atropine, du moins quant à ses effets périphériques. Ses effets sur le SNC sont
nets et différents: action sédative, tranquillisante, hypnotique, amnésiante. Potentiali-
satrice des neuroleptiques, elle est, à haute dose, « incapacitante ». Chez certains
patients, elle peut provoquer des hallucinations.

Toxicité. La belladone, la stramoine et la jusquiame noire sont des plantes toxiques.


Utilisées (en particulier le datura) par les malandrins pour « endormir» le passant avant
de le détrousser, elles furent aussi à la base des onguents dont les « sorcières» de
l'époque médiévale s' enduisaint les muqueuses et les aisselles pour provoquer des
scènes de lévitation et des états léthargiques peuplés d'animaux fantastiques. De nos
jours, les intoxications perdurent. Si, avec la belladone, il s'agit le plus souvent
d'accidents dus à des fruits consommés par erreur (confondus, par exemple, avec des
myrtilles), dans le cas de la stramoine, il s'agit d'intoxications consécutives à un usage
Atropa belladonna L.
ALCALOÏDES TROPANIQUES 971

délibéré. Cette plante est en effet, comme d'ailleurs les Brugmansia, recherchée par
certains - en règle général des individus jeunes - pour sa réputation d'« halluci-
no gène » (ce qu'elle n'est pas vraiment). Infusions de feuilles (ou macérations
alcooliques), graines en l'état, feuilles ou fleurs en cigarettes, etc. sont régulièrement la
cause d'intoxications signalées par les services hospitaliers spécialisés.
L'ingestion de datura ou de belladone provoque, tout comme le surdosage médi-
camenteux, une symptomatologie caractéristique: après un délai très court on note une
rougeur de la face, une sécheresse de la bouche et des muqueuses, une soif intense et
une faiblesse musculaire. L'accélération cardiaque est importante (120-150
battements/minute), la mydriase et l'hyperthermie constantes. Les hallucinations
visuelles et auditives et le délire s'accompagnent d'agitation, d'incoordination motrice,
d'agressivité, parfois de convulsions; somnolence ou coma s'installent. La récupération
est longue (1-3 jours). L'état mental de l'intoxiqué peut le conduire à des gestes
inconsidérés, mettant parfois sa vie en péril. L'intoxiqué est obligatoirement mis en
observation, et éventuellement traité (charbon, sédatifs, etc.). L'emploi de la
physostigmine (= ésérine, un inhibiteur des cholinestérases, cf. p. 1127) serait justifié
dans quelques cas particuliers.

Effets indésirables. Les effets indésirables de l'atropine sont fonction de la


posologie: sécheresse buccale, diminution de la sécrétion sudorale (0,5mg) puis
tachycardie (1 mg). Avec l'augmentation de la dose, apparaissent les troubles de
l'accomodation, les troubles digestifs et enfin les perturbations du SNC (surdosage). En
fait, il existe de grandes variations interindivuelles de la sensibilité, notamment chez les
enfants et les personnes âgées chez lesquelles une symptomatologie marquée peut
apparaître pour des doses plutôt faibles. Les effets indésirables des collyres, en premier
lieu oculaires, sont aussi systémiques (rougeur de la face, tachycardie, etc.) avec, chez
le jeune enfant et le vieillard, une prédominance des effets neuropsychiatriques.

Emplois de la belladone, de la stramoine et de la jusquiame noire. Ces trois


espèces, qui entraient dans la composition de nombreuses spécialités à la balance
bénéfices-risques défavorable, ne sont quasiment plus utilisées en France, en dehors de
préparations à caractère homéopathique. Elles permettent l'obtention de poudres,
teintures et extraits titrés en alcaloïdes totaux (titre calculé en hyoscyammine) :
poudre titrée de belladone, 6' éd., [01/2008:0222], titrant de 0,28 à 0,32 %;
extrait sec titré de feuille de belladonne, 6c éd. - 63, [01/2009:1294], titrant de 0,95
à 1,05 %;
teinture titrée de belladone, 6' éd., [01/2008:1812], titrant de 0,027 à 0,033 %;
poudre titrée de stramoine, 6' éd., [01/2008:0247], titrant de 0,23 à 0,27 %;
teinture de jusquiame, (Ph. fse, Hr éd.) titrant de 0,009 à 0,011 %;
extrait de jusquiame, (Ph. fse, 10c éd.) titrant de 0,36 à 0,44 %;
extrait ferme titré de belladone, (Ph. fse, 10c éd.), titrant de 2,3 à 2,7 %.

Emplois des alcaloïdes.


1. Atropine. Les indications des solutés injectables de sulfate d'atropine sont
actuellement les suivantes:
972 ALCALOÏDES

- bloc auriculoventriculaire ou atrioventriculaire;


- dans l'infarctus du myocarde: prévention et traitement des blocs auriculo-
ventriculaires et des bradycardies sinusales;
- pré-anesthésie: protection des manifestations vagales (bradycardie à l'induction);
- traitement symptomatique des manifestations douloureuses aiguës liées aux
troubles fonctionnels du tube digestif et des voies biliaires;
- traitement symptomatique des manifestations spasmodiques et douloureuses des
voies urinaires;
- antidote spécifique dans les intoxications aiguës par les anticholinestérasiques
(insecticides organo-phosphorés et carbamates) ou par les médicaments parasympa-
thicomimétiques ou cholinomimétiques
Administré en collyre, le sulfate d'atropine possède les indications suivantes:
- traitement des inflammations uvéales : uvéites antérieures (iritis, iridocyclites) et
postérieures, réactions uvéales secondaires à une agression ou à un traitement
chirurgical;
- cycloplégie pour réfraction (indispensable chez un enfant strabique) en particulier
en présence d'un strabisme accomodatif.
Par voie orale, l'association de l'atropine et du diphénoxylate est proposée pour le
traitement symptomatique des diarrhées aiguës.
Le sulfate d'atropine (liste 1) est disponible en solution injectable (ampoules à 0,25,
0,5 ou 1 mg) et en collyre (0,3, 0,5 et 1 %). La forme injectable est utilisée en SC, IV
lente ou lM (selon l'indication). La posologie habituelle (comme antispasmodique) par
voie SC est, chez l'adulte, de 0,25-0,5 mg par prise; la dose maximale de 2 mg par jour
ne doit, en principe, pas être dépassée. Chez l'enfant, chez lequel l'administration doit '
demeurer exceptionnelle, la dose journalière s'établit à 0,5 mg (> 6 ans), 0,25 mg (> 2
ans et < 6 ans). En préanesthésie : 1 mg (adulte). En cas d'intoxication par les anticho-
linestérasiques : 1 mg répété toutes les 5 à 10 minutes pour obtenir la dilatation des
pupilles, l'arrêt de la sécrétion salivaire et de la transpiration.
Contre-indications et précautions d'emploi. L'action au niveau oculaire détermine
une contre-indication absolue: le risque de glaucome par fermeture de l'angle
(glaucome aigu). Le risque de rétention urinaire lié à des troubles urétroprostatiques et
l'allaitement constituent également des contre-indications. L'hypertrophie prostatique
doit conduire à une utilisation prudente. Il en est de même en cas d'insuffisance rénale,
hépatique ou coronarienne, de troubles du rythme, d'hyperthyroïdie, de bronchite
chronique (en raison de l'accroissement de la viscosité des sécrétions bronchiques), i
d'iléus paralytique, d'atonie intestinale chez le sujet âgé, de mégacôlon toxique.
Il est préférable de ne pas utiliser l'atropine au cours de la grossesse.

2. Scopolamine. Le bromhydrate de scopolamine est utilisé par voie SC dans le i

traitement symptomatique des râles agoniques liés à une accumulation des sécrétions
dans le pharynx et la trachée (0,2 à 0,6 mg de scopolamine base par injection).
La scopolamine est également utilisée dans la prévention des symptômes du mal
des transports. Dans cette indication, pour laquelle les essais cliniques versus placebo
ont démontré son eficacité, on utilise un système adhésif à appliquer sur la peau et
libérant progressivement la scopolamine au travers d'une membrane.
ALCALOÏDES TROPANIQUES 973

La scopolamine est contre-indiquée en cas de risque de glaucome par fermeture de


l'angle, en cas de risque de rétention urinaire lié à des troubles urétroprostatiques et
chez l'enfant de moins de quinze ans. Elle peut induire des effets indésirables
atropiniques (sécheresse de la bouche, troubles de la vision) et, éventuellement, de la
somnolence.

4. SOLANACEAE SOURCES INDUSTRIELLES D'ALCALOïDES


TROPANIQUES

Atropine, hyoscyamine et scopolamine proviennent exclusivement de l'extraction,


laquelle met en œuvre des espèces riches en alcaloïdes appartenant aux genres
Brugmansia et Duboisia. Selon Grynkiewicz et Gadzikowska (2008), la production de
scopolamine aurait été, en 2005, de 600 kg, celle d'hyoscyamine de 140 kg et celle
d'atropine de 1000 kg .

• Brugmansia sanguinea (Ruiz & Pav.) D. Don


(= Datura sanguinea Ruiz & Pavon)

Ce« datura arborescent» est un petit arbre caractérisé par de grandes fleurs (17-25
cm de longueur) à corolle tubuleuse jaune orangé veinée de rouge. L'arbre est assez
fréquemment planté dans les zones villageoises ou urbaines de plusieurs pays andins :
Colombie, Équateur, Pérou.
Reproduite par micropropagation in vitro de clones sélectionnés, cette plante a été
cultivée en Équateur à partir des années 1970 dans des zones d'altitude élevée (3 000
m). Les feuilles renferment environ 0,8 % d'alcaloïdes totaux à scopolamine très
majoritaire. La production équatorienne, destinée à l'extraction de la scopolamine, a été
estimée à 400 tonnes de feuilles sèches par an en 1990. D'autres daturas arborescents
ou leurs hybrides sont également utilisés à des fins extractives. Selon Griffin et Lin
(2000), le rendement annuel atteindrait 16,2 kg de scopolamine à l'hectare (pour B.
sanguinea). B. sanguinea, comme d'ailleurs d'autres espèces américaines (Datura
inoxia Mill. du Mexique, Brugmansia suaveolens [Humb. & Bonp!. ex Willd.] Bercht
& J. Pres!., Brugmansia arborea [L.] Lagerh. de l'Amazonie et de la Colombie, et
autres espèces) est connu en Amérique du Sud pour ses propriétés hallucinogènes.
Cultivés çà et là à des fins ornementales, les Brugmansia ("angel's trumpet") sont
régulièrement impliqués dans des intoxications (voir ci-dessus: toxicité) .

• DUBOISIAS, Duboisia myoporoides R.Br.,


D.leichhardtii (F. Muell.) F. Muell

Les duboisias sont des petits arbres à feuilles alternes, étroites, à panicules de fleurs
blanches tubulées, à baies noires. Les deux espèces sont australiennes: D. myoporoides
est largement répandu sur toute la côte est du continent, D. leichardtii est localisé à la
974 ALCALOÏDES

région de Brisbane. Les feuilles des deux espèces, ainsi que celles de leurs hybrides,
sont riches en alcaloïdes. On peut les cultiver, ainsi que leurs hybrides. L'influence de
la saison est particulièrement nette chez les hybrides interspécifiques : la teneur en
scopolamine décroît de janvier à juin et augmente de juin à septembre. Cette
scopolamine est très largement majoritaire (de 1,5 à 2,5 %), accompagnée, chez les
hyrides d'une petite quantité de 6-hydroxyhyoscyamine. Dans les années 1990, la
production australienne avoisinait 500 tonnes (rendement: 10 à 15 tonnes de feuilles
fraîches par hectare et par récolte, 3 récoltes par an) .

• autres voies d'accès aux alcaloïdes tropaniques

Plusieurs synthèses des alcaloïdes naturels sont possibles, mais elles ne concur-
rencent pas l'extraction. De nombreux travaux ont également été effectués dans le
domaine des cultures tissulaires in vitro. Les faibles taux obtenus ne permettent pas, à ce
jour, d'envisager une production industrielle. Il faut toutefois remarquer que de réelles
possibilités existent via la mise en culture en fermenteur des « hairy roots », formes
particulièrement productives obtenues par infection à l'aide d'Agrobacter rhizogenes.

5. ANTICHOLINERGIQUES SYNTHÉTIQUES OU HÉMISYNTHÉTIQUES

Leur étude ne relève pas de la pharmacognosie. On notera simplement que l'une


des premières modifications apportées aux structures naturelles a été celle de l'amine
tertiaire: formation de N-oxydes ou quaternarisation (méthyl, but yi, éthyl, etc.). La . J

quaternarisation ralentit le passage des membranes biologiques, d'où une forte


diminution des effets centraux. Dans ce groupe on accède actuellement, par des
précédés adaptés, au bromure de N-butyl-scopolamine et au bromure de N-isopropyl
atropine (ipratropium). Le premier est un antispasmodique utilisé dans le traitement
symptomatique des douleurs aiguës en gynécologie et dans les troubles fonctionnels
digestifs et biliaires, ainsi que comme traitement en soins palliatifs de l'occlusion
intestinale, le second est indiqué (entre autres), dans la crise d'asthme aigu grave.
D'autres analogues ne conservent de la molécule naturelle que le tropanol ou le
scopanol : l'acide tropique est remplacé par un autre acide, l'azote du tropanol (ou du
scopanol) étant, là encore, quaternarisé. Appartiennent à ce groupe le trospium et le
tiotropium : le trospium est utilisé dans le traitement symptomatique de l'incontinence
urinaire par impériosité et/ou de la pollakiurie; le tiotropium est indiqué comme
traitement bronchodilatateur continu destiné à soulager les symptômes des patients
présentant une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). La modification
structurale peut changer fortement l'activité: l'indolecarboxylate de tropanol !
(tropisétron) est un antagoniste 5HT3 anti-émétique utilisé dans la prévention et le
traitement des nausées et vomissements retardés induits par la chimiothérapie
cytotoxique. On a égalemnent mis au point d'autres esters de tropanol, utilisés dans
certains pays: deptropine (anticholinergique antihistaminique), benztropine (inhibiteur
sélectif du transporteur membranaire de la dopamine et anticholinergique), etc.
ALCALOÏDES TROPANIQUES 975

6. AUTRES SOLANACEAE

.Anisodus tanguticus (Maxim.) Pasch

Cette plante chinoise (zang qie) est un constituant des préparations anesthésiques
traditionnelles. Ses racines renfennent des alcaloïdes, l'anisodine et l'anisodamine.
L'anisodamine [(- )-3a-tropoyloxy-6~-hydroxytropane], stimulante du SNC,
anticholinergique et antispasmodique, est utilisée pour le traitement des entérites aiguës
et des chocs septiques (dysenterie bacillaire); dilatant les capillaires, elle augmente la
microcirculation. L'anisodine [(- )-3a-(2' -hydroxy-tropoyloxy)-6~,7~-époxytropanel,
est un dépresseur du SNC, antagonisé par la physostigmine, principalement utilisé dans
les céphalées migraineuses .

• Datura metel L.

Cette espèce annuelle d'origine indienne est naturalisée dans tout le bassin
méditerranéen. Ses feuilles renferment environ 0,5 % d'alcaloïdes totaux majoritai-
rement constitués de scopolamine, accompagnée de norscopolamine, d'hyoscyamine,
de météloïdine. Elles peuvent être utilisées à des fins extractives .

• Hyoscyamus muticus L.

Cette espèce vivace - la jusquiame d'Égypte -, répandue de l'Égypte à l'Iran, est


botaniquement très proche de la jusquiame noire. Il en existe 2 sous-espèces, ssp.
muticus et spp.faleslez (Coss.) Maire, cette dernière étant réputée pour sa toxicité. Ses
feuilles, utilisables pour l'extraction des alcaloïdes, renferment plus de 1 % d'alcaloïdes
totaux, le groupe hyoscyamine + atropine étant très largement majoritaire.

anisodamine anisodine

7. ERYTHROXYLACEAE À ALCALOïDES: COCAIER

L'usage de la coca en Amérique du Sud est bien antérieur à l'empire inca: il y a


près de cinq mille ans que les populations andines ont mis en culture, amélioré et utilisé
le cocaier pour la production de feuilles. Celles-ci sont traditionnellement mâchées pour
abolir la faim et la fatigue. Les Incas lui attribuaient une origine divine et en réservaient
l'usage à des cérémonies religieuses et à des classes sociales privilégiées. Aujourd'hui,
la feuille du cocaier continue d'être mastiquée par des centaines de milliers d'habitants
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Erythroxylum coca Lam.


ALCALOÏDES TROPANIQUES 977

des régions andines; elle est aussi la source de la cocaïne, alcaloïde actuellement sans
intérêt thérapeutique, mais qui alimente un trafic et un usage illicite en expansion. Si
l'usage que faisaient les indiens de la feuille de coca est connu en Europe depuis le
début du XVI" siècle, la coca n'a eu aucune application avant l'isolement, en 1859, de
la cocaïne. La thérapeutique a alors utilisé cet alcaloïde pour ses propriétés
anesthésiques et, compte tenu de ses propriétés stimulantes, elle caressa l'espoir d'en
faire un traitement de la morphinomanie. L'intérêt porté à la cocaïne fut sans doute en
partie dû à la monographie que lui consacra S. FREUD en 1884, même si ce dernier prit
par la suite ses distances avec cet alcaloïde. L'accumulation des données sur ses effets
néfastes conduisit à limiter son usage à l'anesthésiologie, à la mise au point d'anesthé-
siques locaux synthétiques (xylocaïne, 1906) et à la mise en place, dès le début du
siècle, des premières législations restrictives. Les dernières décennies du XX' siècle ont
été marquées par l'apparition de nouvelles formes et voies d'administration (pâte,
crack) et, dans de nombreux pays, par une expansion rapide de l'utilisation illicite 2.
L'histoire de la coca ne peut être évoquée, même sommairement, sans évoquer la
mise au point en 1885, par un pharmacien américain, J.S. PEMBERTON, du «french wine
of Coca, ideal tonic », imitation d'une préparation commercialisée en France depuis
1863 et internationalement connue, le vin Mariani. Rapidement, Pemberton changea sa
formule, remplaçant l'alcool par de l'extrait de cola et substituant de l'eau gazeuse à
l'eau plate: le Coca-Cola® était né (A.G. CANDLER, 1892), il ne restait plus qu'à
enlever la cocaïne de la formule initiale ce qui fut fait au début du siècle (1903) .

• COCAIER, Erythroxylum spp.

Jusqu'en 1972 (9' édition), la Pharmacopée française a consacré une monographie


aux feuilles «cueillies après leur plein développement d'E. coca [ ... ] dont il existe
plusieurs sous-espèces et variétés ... ».

La plante, lafeuille. Le cocaier est un arbuste cultivé, taillé à une hauteur variable
selon les régions de production (70-80 cm dans les Yungas de Bolivie). Les rameaux,
de coloration rougeâtre (d'où le nom générique: erutros - xulon), portent des feuilles
ovales, entières, courtement pétiolées. Les fleurs, pentamères, sont blanc jaunâtre. Le
fruit est une petite drupe rouge. La feuille de l'espèce type a un limbe légèrement
acuminé (2,5-7,5 x 1,5-4 cm), marqué plus ou moins nettement sur la face inférieure par

2. En 2008, l'office des Nations unies contre la drogue et le crime (UN-ODC) a estimé à 994
tonnes la production potentielle de chlorhydrate de cocaïne pour l'année 2007. La production était
concentrée sur 181600 hectares répartis entre trois pays: Colombie (61 %), Pérou (29 %) et Bolivie
(10 %). La même année et en Europe, la prévalence de consommation au cours de la vie a été estimée à
au moins 12 millions de personnes (3,6 % des adultes européens). Consommation au cours de l'année
précédente: 4 millions d'adultes européens ou un tiers des usagers au cours de la vie. Consommation
au cours du mois précédent: environ 2 millions d'Européens. Ces chiffres masquent de grandes
variations selon les pays et les âges. Principaux pays concernés: Royaume-Uni, Espagne, Italie,
Irlande, etc. ; principale catégorie concernée: adultes de 15 à 34 ans. (OEDT, Rapport annuel 2008,
chapitre 5, Cocaïne et crack, p. 63-72, op. cit.).

b
978 ALCALOÏDES

deux lignes courbes qui délimitent un espace ovalaire de part et d'autre de la nervure
centrale. La saveur est faiblement amère; l'odeur faible (feuille fraîche) est nettement
aromatique (feuille sèche); la mastication entraîne plus ou moins rapidement une
sensation d'anesthésie de la langue et des muqueuses. L'examen microscopique révèle
la présence, dans la coupe et dans la poudre, d'un épiderme à cuticule à protubérances
serni-circulaires m a r q u é e s . l
Dans le cas des Erythroxylum cultivés pour la production de feuilles riches en 1
cocaïne, il apparaît que l'on peut distinguer trois taxons morphologiquement très l
proches - trois variétés - rattachés à deux espèces, E. coca et E. novogranatense :1
• E. coca Lam. var. coca, originaire des Andes péruviennes et boliviennes: c'est le :l
1
cocaier actuellement cultivé dans la région orientale humide de la Cordillère, dans les 1
zones de Cusco et de Huanuco au Pérou et, en Bolivie, dans les Yungas et dans la zone
de Cochabamba. Les feuilles sont vert sombre, le limbe est elliptique, large; sa nervure
centrale forme une crête aiguë à la face supérieure; les stipules sont persistants; l'écorce
de la tige est verruqueuse. Une autre variété, la var. ipadu Plowman, est cultivée dans
les basses-terres du bassin amazonien par des ethnies semi-nomades : cette forme serait
en fait un cultivar multiplié par voie végétative et non un taxon isolé;
• E. novogranatense (Morris) Hieron var. novogranatense. Cette variété forestière
croît en Colombie et au Venezuela. Les feuilles, d'un vert jaunâtre brillant, ont un limbe
elliptique et allongé; les stipules se désintègrent;
• E. novogranatense (Morris) Hieron var. truxillense (Rusby) Plowman. La variété
est caractéristique des zones sèches du nord du Pérou et de l'Équateur. Les feuilles ont ;
un limbe elliptique, très étroit, vert pâle; les stipules sont marcescents ou persistants.
Comme dans la variété précédente, l'écorce de tige est lisse, les lignes latérales du limbe
sont plus ou moins visibles, la crête de la nervure est aplatie.
L'étude de la composition en flavonoïdes et des expériences d'hybridation suggèrent' \
que E. novogranatense truxillense est intermédiaire entre E. coca et E. novogranatense \
novogranatense, mais que ce n'est pas un hybride. Les trois taxons représenteraient une
série évolutive dont l'ancêtre serait E. coca coca: c'est en effet la seule forme qui puisse '
se reproduire sans l'intervention de l'Homme.

R= \ ~
d~
cocaïne ~ N
1

R= CHa
hygrine

cinnamylcocaïne

Composition chimique. La feuille renferme une quantité variable d'huile essentielle


à salicylate de méthyle (elle n'est peut-être pas étrangère à la préférence que marquent,
les coqueiros pour tel ou tel cultivar de coca), des flavonoïdes, des tanins. :,
La teneur en alcaloïdes varie entre 0,5 et 1,5 % selon l'espèce, la variété, l'origine;:
géographique, etc. Le constituant principal (30 à 50 %) est un alcaloïde ester, volatil à;
ALCALOÏDES TROPANIQUES 979

l'état de base, la cocaïne (méthyl-benzoyl-ecgonine, cf généralités). Elle est accompa-


gnée d'autres dérivés de l'ecgonine : E- et Z-cinnamylcocaïnes (méthyl-cinnamyl-
ccgonines), tropacaïnes et truxillines (esters isomères d'un acide dicinnamique) ainsi
que de plusieurs pyrrolidines (hygrine, cuscohygrine).

Pharmacologie. La cocaïne est un anesthésique local. Anesthésique de surface, elle


bloque les échanges ioniques au travers de la membrane neuronale, ce qui interrompt la
propagation des potentiels d'action correspondant au message sensitif. La cocaïne est
par ailleurs un sympathomimétique: elle provoque une stimulation adrénergique en
bloquant, par fixation sur leurs transporteurs, le recaptage de la dopamine et de la
noradrénaline par le neurone présynaptique (mais, pour certaines activités, des auteurs
postulent l'intervention d'un sevrage en inhibition parasympathique).
Cette stimulation adrénergique se traduit par une hyperthermie, une mydriase et une
vasoconstriction de la plupart des lits vasculaires laquelle, en augmentant les
résistances, participe à l'induction d'une hausse tensionnelle. Au niveau cardiaque, on
note une augmentation du rythme. Au niveau central, la stimulation se traduit par une
sensation d'euphorie avec stimulation intellectuelle, désinhibition, hyperactivité et
autres effets recherchés dans la consommation toxicomaniaque.
La déplétion consécutive à l'inhibition du recaptage explique l'effet dépresseur à
court terme (asthénie psychique et physique, dépression respiratoire et vasomotrice) et
l'installation rapide d'une dépendance psychique très intense à renforcement positif
(surtout avec les formes IV et fumées). La cocaïne induit une dépendance psychique
importante, le besoin d'en reprendre étant très difficile à apaiser.

Emplois. Les feuilles sont uniquement utilisées pour l'extraction de la cocaïne. Le


chlorhydrate de cocaïne a longtemps constitué l'élément actif du mélange de BONAIN
(anesthésique en ORL [phénol, menthol, cocaïne]). Il n'est plus utilisé en thérapeutique.
Aux États-Unis d'Amérique, on utilise des associations de cocaïne (ex. : tétracaïne,
adrénaline, cocaïne) pour l'anesthésie locale, par exemple pour suturer de petites plaies.

Utilisations traditionnelles de lafeuille de coca. L'utilisation de la feuille comme


masticatoire est très ancienne. Attesté par des statuettes retrouvées à l'occasion de
fouilles archéologiques, cet usage est bien antérieur à la domination inca. Traditionnel-
lement, la feuille de coca est mâchée, l'addition d'agents alcalins facilitant la libération
de la cocaïne 3. La feuille de coca est également utilisée, dans des pays comme la Bolivie,
en infusion 4; la forme habituelle est le sachet infusette qui permet l'obtention d'une
infusion au caractère aromatique marqué, consommée comme le café ou le thé.

3. La mastication de 20 g de coca (soit 48 mg de cocaïne) conduit rapidement à une concentration


plasmatique en alcaloïde de 150 ng/ml. L'alcaloïde est encore présent dans le sang après 7 heures.
L'expérience a été conduite avec de l'ipad!i, mélange de feuilles de coca et de cendres de feuilles de
Cecropia. Voir: Holmstedt, B. et al. cités par Holmstedt, B. (1991). Historical perspective and future of
cthnopharmacology, l. Ethnopharmacol., 32, 7-24.
4. Une partie de la cocaïne passe dans l'infusion (Siegel, R.K., EISohly, M.A., Plowman, T. et al.
11986]. Cocaine in herbai tea, lAMA, 255, 40).
i
t

l
980 ALCALOÏDES

Utilisation illicite de la cocaïne


• Le chlorhydrate de cocaïne est habituellement utilisé « sniffé» par prise nasale,
moins fréquemment par voie intraveineuse. Lors de l'utilisation en IV la dysphorie qui
suit la brève euphorie est très marquée, ce qui conduit certains à l'utilisation simultanée
d'héroïne (speed-ball). La prise de cocaïne entraîne une sensation d'euphorie, un
sentiment de toute puissance intellectuelle, d'hyperlucidité et d'accélération idéique,
une diminution de la sensation de fatigue. L'usage peut entraîner de l'insomnie, de
l'anorexie, de l'irritabilité, une instabilité d'humeur et des troubles de la perception, un
épuisement physique et une dépression émotionnelle. L'usage de la cocaïne provoque
très souvent des céphalées sévères, parfois des crises convulsives; on décrit aussi des
illusions et des hallucinations évoquant une psychose paranoïde grave. On peut noter
également une activité compulsive de grattage (délires à ectoparasites) et, fréquem-
ment, des troubles de l'expression verbale et de la mémorisation. En levant les
inhibitions, la consommation de cocaïne peut conduire à des actes agressifs.
Les complications les plus importantes liées à l'usage chronique sont d'ordre
cardiovasculaire : la cocaïne peut entraîner une crise hypertensive paroxystique, de
l'athérosclérose, une cardiomyopathie, des arrythmies et une ischémie myocardique.
L'hypertension peut aussi être à l'origine d'accidents vasculaires cérébraux. On peut
observer des lésions tissulaires (perforation de la cloison nasale). Les surdosages
massifs sont caractérisés par un coma convulsif et des troubles cardiaques.
La consommation d'alcool combinée à celle de la cocaïne augmente la
concentration sanguine de celle-ci et la formation de cocaéthylène par transestérifi-
cation au niveau hépatique pourrait augmenter les risques S potentiels.
• La pâte de coca, premier produit de l'extraction des feuilles, titre de 40 à 70 % en
cocaïne (extraction par l'acide sulfurique, a1calinisation [carbonate], dissolution de la î
base dans le kérosène). D'abord utilisée en Amérique du Sud, cette pâte a diffusé hors '1
de c: con~ine?t et est sans doute à l'origin: .de l'utilisation du « crack ». La. ~â~e,esti
fumee. Kerosene et/ou d'autres solvants reslduels apportent leur propre toxlclte a la l
préparation.
• La cocaïne est également fumée (<< freebasing »). Certains utilisent une base pure,
extraite par l'éther après le traitement à l'hydrogénocarbonate. D'autres, plus
nombreux, ont recours au crack qui est une cocaïne base, obtenue en mélangeant le
chlorhydrate avec de l'hydrogénocarbonate 6 (<< caillou»). La base est parfois mélangée
à du tabac, à du chanvre ou à d'autres herbes. Les formes fumées produisent très
rapidement des effets plus intenses que ceux du chlorhydtae (absorption pulmonaire
rapide, concentration plasmatique très élevée), mais de plus courte durée; la profonde
dépression qui suit pousse à la réutilisation, la dépendance s'installe très rapidement.
Les effets secondaires sont très marqués: dommages rapides au cerveau, accidents
cardiaques, hallucinations, comportements violents, etc.

5. En termes de risque, il faut aussi prendre en compte des risques induits par les substances qui
coupent généralement (et parfois massivement) la cocaïne. S'y ajoute, en cas d'administration IV, le
risque infectieux.
6. C'est l'excès de ce sel qui produit des craquements lors du chauffage, d'où le nom de crack.
ALCALOÏDES TROPANIQUES 981

8. POLYHYDROXYNORTROPANES
Les polyhydroxynortropanes sont des molécules qui, à ce jour, ont été isolées chez
les Solanaceae, les Erythroxylaceae, les Convolvulaceae, les Moraceae et les
Brassicaceae. Les calystégines - elles sont caractérisées par la présence d'un
hydroxyle sur le C-l - peuvent être tri-, tétra- ou pentahydroxylées (calystégines A, B
ou C). Dans le cas des Solanaceae, elles ont été isolées dans les genres Atropa, Datura,
Duboisia, Scopolia, Solanum et Physalis ainsi que dans des fruits alimentaires
(calystégine B2 : piment, tomate). Alcaloïdes très hydrosolubles, ils ne sont pas isolés
par les méthodes classiques, mais à l'aide de résines échangeuses d'ions après
extraction hydro-méthanolique. Les calystégines sont présentes, parfois en quantité
importante (de 5 à 316 mg/kg de matière sèche), dans le tubercule de pomme de terre,
mais leur incidence sur la santé n'est pas connue.
OH

):""OH A ""OH

kNJ-OH
~ H ~ calystegine A3
~N~OH
~ H ~ calystegine BI
HOr------:

Comme les polyhydroxy-indolizidines, les polyhydroxynortropanes sont des


inhibiteurs de diverses glycosidases (a- et ~- glucosidases, a- et ~- galactosidases,
tréhalase), la sélectivité et l'intensité de l'inhibition variant selon la structure de
l'alcaloïde. Par analogie avec les hydroxy-indolizidines des Swainsona, il a été postulé,
mais pas démontré, que ces polyhydroxynortropanes seraient responsables de la
toxicité nerveuse de certains Solanum qui provoquent, chez l'animal, une
dégénérescence cérébelleuse. On doit cependant remarquer qu'une récente étude menée
chez la Souris a montré que l'effet des calystégines, comparé à celui de la swainsonine
et de la castanosperrnine, était minimal.

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Cocaïne
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ngls.org/site/article_fr.php3?id_article=250
OEDT (Observatoire européen des drogues et des toxicomanies) (2008). Rapport annuel 2008. État du
phénomène de la drogue en Europe, 112 pages, téléchargeable sur le site de l'EMCDDA
http://www .emcdda.europa.eu/publications/annual-report/2008

Pour la France, voir également:


OFDT (Observatoire français des drogues et des toxicomanies) : http://www.ofdt.fr/(nombreux rapports en
ligne et liens).

Polyhydroxynortropanes
Asano, N., Kato, A., Matsui, K. et al.(l997). The effects of calystegines isolated from edible fruits and
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Griffiths, D.W., Shepherd, T. et Stewart, D. (2008). Comparison of the calystegine composition and content
of potato sprouts and tubers from Solanum tuberosum group phureja and Solanulll tllberosum group
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Stegelmeier, B.L., Molyneux, R.J., Asano, N. et al. (2008). The comparative pathology of the glycosidase
inhibitors swainsonine, castanospermine, and calystegines A3, B2, and CI in mice, Toxieol Pathol., 36,
651-659.

l
Tussilago farfara L.
Alcaloïdes pyrrolizidiniques

1. Introduction ..........................................................................................................................985
2. Structure générale des alcaloïdes ........................................................................................986
3. Biosynthèse ..........................................................................................................................988
4. Toxicité .................................................................................................................................988
A. Chez les animaux ...................................................................................................988
B. Chez l'Homme .......................................................................................................989
C. Structure et toxicité ................................................................................................989
5. Principales plantes à alcaloïdes pyrrolizidiniques ..............................................................990
bourrache ....................................................................................................................990
consoude .....................................................................................................................993
tussilage ......................................................................................................................995
séneçon commun ........................................................................................................996
crotalaire .....................................................................................................................997
6. Bibliographie ........................................................................................................................997

1 . INTRODUCTION

C'est essentiellement chez les Asteraceae et les Boraginaceae qu'ont été isolés des
alcaloïdes pyrrolizidiniques. Dans les deux cas, de nombreux genres sont concernés:
Adenostyles, Cineraria, Doronicum, Erechtites, Eupatorium, Farfugium, Gynuria,
Kleinia, Ligularia, Petasites, Senecio, Tussilago, etc. (Asteraceae), Alkanna, Amsickia,
Anchusa, Borago, Cynoglossum, Echium, Heliotropium, Lithospermum, Myosotis,
Nonea, Rindera, Symphytum, Trichodesma, etc. (Boraginaceae). Ils ont également été
caractérisés, plus sporadiquement, dans une dizaine d'autres familles: Fabaceae
(Crotalaria) , Apocynaceae, Euphorbiaceae, Orchidaceae, Poaceae, Santalaceae, etc.
986 ALCALOÏDES

L'intérêt thérapeutique de ces alcaloïdes est nul, même si certains sont cytostatiques
in vitro. En fait, c'est leur toxicité qui retient l'attention. Ils sont en effet à l'origine de
manifestations toxiques graves observées sporadiquement chez l'Homme (utilisation
inconsidérée de plantes dites médicinales, consommation de céréales contaminées) et,
plus fréquemment, chez les animaux. La plupart des alcaloïdes de ce groupe sont
également mutagènes et inducteurs de tumeurs hépatiques. La présence de molécules
hépatotoxiques et cancérogènes dans des plantes dont l'usage est recommandé par les
médecines traditionnelles, mais dont l'intérêt thérapeutique n'est pas démontré
(tussilage, consoude, bourrache, crotalaires, héliotropes, cynoglosse, séneçons, etc.),
conduit à s'interroger sur le bien-fondé de leur utilisation.

2. STRUCTURE GÉNÉRALE DES ALCALOïDES

La grande majorité de ces alcaloïdes sont des esters formés entre des amino-alcools
et un ou deux acides aliphatiques carboxyliques.
Les amino-alcools, désignés également sous le nom de nécines, sont des dérivés de
la pyrrolizidine, c'est-à-dire de l'azabicyclo[3,3,O]octane. La configuration en C-8 est
variable, le plus souvent H-8a. Le cycle n'est pas obligatoirement insaturé en 1,2, mais
il est toujours substitué par un groupe hydroxyméthyle en C-l. On peut distinguer
plusieurs types de nécines en fonction du degré d'hydroxylation de la molécule:
hydroxylation réduite au seul alcool primaire du groupe hydroxyméthyle
(isorétronécanol, supinidine, labumine), présence d'une fonction alcool secondaire en
C-7 (rétronécine, héliotridine, platynécine) et plus rarement d'un troisième hydroxyle,
en C-2 (rosmarinécine) ou en C-6 (crotanécine). Dans quelques cas l'oxydation en C-8
conduit à une ouverture de l'édifice bicyclique (otonécine).

pyrrolizidine isorétronécanol supinidine rétronécine platynécine

H~OH
1
CHa
rosmarinécine crotanécine otonécine

Les acides (acides néciques lato sensu) sont des acides aliphatiques en Cs' C7 , Cs
ou CJO. Ces acides, parfois simples (acide angélique, acide tiglique, en Cs), sont le plus
souvent spécifiques de ce type d'alcaloïdes, qu'il s'agisse des acides mono-
carboxyliques à structure hydroxyisopropylbutanoïque en C7 (acides lasiocarpique,
ALCALOÏDES PYRROLIZIDINIQUES 987

e0 2 H

~
acide angélique
HO

~ ,,'
HO'

acide (+)-trachélanthique
Ho~H HO'"

acide (-)-viridiflorique

~e02H
'" OH

acide tiglique
~e02H
HOOe "H

acide sénecique
~:-
e0 2 H
e0 2H

acide isatinécique

trachélanthique, viridiflorique) ou des acides dicarboxyliques en Cs (acide mono-


crotalique) ou en CIO (acides sénécique,jacobinécique, rétronécique).
La combinaison des amino-a1cools et des acides néciques offre de nombreuses
possibilités:
- esters d'acides monocarboxyliques. Mono- ou diesters, ces composés ont leur
hydroxyle en C-9 estérifié par un acide hydroxyisopropylbutanoïque (lycopsamine,
intermédine). Si une deuxième fonction ester est présente, ce peut être l'acide angélique
ou l'acide tiglique qui estérifie l'hydroxyle en C-7 de l'amino-a1cool (échimidine,
symphytine) ;
- diesters macrocycliques. Les pyrrolizidines 7,9-diols peuvent être estérifiées par
un acide dicarboxylique, ce qui conduit à un macrocycle (sénécionine, monocrotaline).

)?J HO W ~OH
R
1'".OH

m :ru
0

rij
1
1 /...

-.. ::::: 0
O ~ 0
o tt
o . \:
N

z
symphytine trichodesmine R =H : sénécionine
R =OH : rétrorsine

Z
intermédine R =H : sénéciphylline échimidine
R =OH : ridelliine
988 ALCALOÏDES

Les mono- et diesters d'acides monocarboxyliques sont caractéristiques des


Boraginaceae et les diesters macrocycliques sont, dans leur grande majorité, des
constituants des Asteraceae. Exceptionnellement, les ami no-alcools peuvent être
estérifiés par des acides aromatiques ou arylalkylés (Orchidaceae).
Sur le plan analytique, il est possible de caractériser ces molécules en les oxydant
(chloranil, peroxyde d'hydrogène), puis en faisant réagir le pyrrole formé avec le para-
diméthylaminobenzaldéhyde (condensation en a de l'azote). Les alcaloïdes étant
souvent présents sous forme de N-oxydes, la transformation en pyrroles nécessite alors
l'action d'un complexe ferreux en solution ascorbique. Le dosage des alcaloïdes fait
appel à la chromatographie liquides ou à la CPG.

3. BIOSYNTHÈSE

Une étude fine de la biosynthèse des nécines a montré que la formation de ces
composés ne passe pas par la condensation (théorique) d'une molécule de putrescine
avec son produit de désamination. En fait, la condensation NAD+ dépendante de deux
molécules de putrescine (ou d'une molécule de putrescine et d'une molécule de
spermidine) conduit à un intermédiaire symétrique, l'homospermidine (= N-(4-
aminobutyl)-l ,4-diaminobutane). Cette dernière est ensuite cyclisée selon une séquence
classique: désamination oxydative, formation d'une base de Schiff, nouvelle
désamination oxydative et réaction de Mannich intramoléculaire.

putrescine x 2

Biosynthèse de la
rétronécine .'
1 .' désamination oxydative
2 .' formation d'une base de Schiff +
3 .' réaction de Mannich rétronécine

4. TOXICITÉ

A. Chez les animaux

Si les Boraginaceae et les Asteraceae à alcaloïdes pyrrolizidiniques sont


habituellement délaissées par les animaux, l'absence d'autre nourriture et, surtout, la
contamination des fourrages et ensilages peuvent conduire à une consommation
accidentelle et donc à des intoxications chroniques. La toxicité s'exerce principalement
au niveau hépatique (fibrose et occlusion veineuse visibles à l'autopsie.Les
ALCALOÏDES PYRROLIZIDINIQUES 989

manifestations de l'intoxication peuvent varier en fonction de la structure des alcaloïdes


impliqués, du caractère subaigu ou chronique de l'intoxication et de l'espèce animale
considérée. Ainsi, les chevaux montrent surtout un syndrome neurologique lié à
l'hyperammoniémie : l'animal presse la tête contre les obstacles et ses mouvements
sont désordonnés. De nombreuses espèces végétales peuvent être à l'origine de ces
intoxications: Senecio jacobaea L. (Europe, Amérique du Nord, Nouvelle-Zélande) et
autres espèces du genre; Crotalaria divers (Amérique, Afrique du Sud) qui provoquent
des intoxications marquées par une toxicité hépatique et pulmonaire; Heliotropium
europaeum L. qui, contaminant les céréales, constitue, en Australie, un réel danger pour
les porcs et les volailles; Echium spp. (Australie); etc.

B. Chez l'Homme

Les diverses plantes de ce groupe n'ont, semble-t-il, jamais été à l'origine d'une
intoxication aiguë chez l'Homme. Elles sont par contre à l'origine d'intoxications
chroniques marquées par une perte d'appétit, des douleurs et une distension
abdominales, de l'ascite, une hépatomégalie. Biochimiquement, l'élévation des
transaminases, de la phosphatase alcaline et de la y-GT est importante. La biopsie
révèle un syndrome veino-occlusif : les veines centro-Iobulaires sont oblitérées par une
fibrose réticulée.
De telles intoxications chroniques ont été décrites avec des plantes « d'usage
traditionnel» (ex. : consoude, voir plus loin) et ce dans toutes les régions du monde, par
exemple avec les fleurs du « thé à sonnettes» (Crotalaria retusa L.) traditionnellement
utilisées en cas de syndromes grippaux et pulmonaires à la Guadeloupe. En 1988,
l'OMS a recensé 280 espèces appartenant à 40 genres différents contenant des
alcaloïdes pyrrolizidiniques. Une soixantaine de ces espèces étant, dans leurs pays
d'origine, considérées comme des « plantes médicinales », il est probable que les
intoxications qu'elles provoquent sont plus nombreuses que ne le laisse supposer
l'analyse de la bibliographie internationale.
Le syndrome veino-occlusif peut aussi être consécutif à l'ingestion de céréales
contalinées, ou d'infusions de plantes mal identifiées (Gnaphalium/ Senecio, Tussilago/
Adenostyles, etc.) ou falsifiées.

C. Structure et toxicité

Tous les alcaloïdes pyrrolizidiniques n'ont pas la même toxicité. En règle générale,
les monoesters sont moins toxiques que les diesters acycliques, eux-mêmes moins
toxiques que les diesters macrocyc1iques. Pour être toxique, l'alcaloïde doit être
déshydrogéné en 1,2 et, au moins, monoestérifié. Les vrais responsables de la toxicité
sont les dérivés pyrroliques résultant de l'oxydation des pyrrolizidines au niveau des
microsomes hépatiques : les structures pyrroliques se comportent comme des agents
alkylants à l'encontre de ces nucléophiles biologiques que sont les macromolécules
nucléiques et protéiques. Sous certaines conditions, les N-oxydes peuvent être réduits
990 ALCALOÏDES

et, ainsi, conduire à des pyrrolizidines toxiques. La nécrose des cellules endothéliales
des veines centrolobulaires conduit à l'infiltration et à l'œdème de leurs parois. Il en
résulte une hypertension portale et, secondairement, une fibrose: c'est la maladie
veino-occlusi ve.

Formation des pyrroles impliqués dans la toxicité des pyrrolizidines

L'expérimentation chez le Rat a montré que plusieurs alcaloïdes (rétrorsine,


senkirkine, monocrotaline, lasiocarpine, symphytine) et plusieurs plantes (Tussilago
farfara L., Symphytum officinale L., Petasites japonicus Maxim., etc.) provoquent des
tumeurs hépatiques lorsqu'ils sont administrés régulièrement par voie orale. Les j

propriétés mutagènes et tératogènes de plusieurs alcaloïdes du groupe ont également été


prouvées expérimentalement. À l'opposé, certains alcaloïdes comme la platiphylline ne
sont pas toxiques et l'on pourrait envisager de mettre à profit leurs propriétés
antispasmodiques et mydriatiques. D'autres, comme la N-oxyindicine, sont
expérimentalement antitumoraux, mais ne sont pas utilisables chez l'Homme.

5. PRINCIPALES PLANTES À ALCALOïDES PYRROLIZIDINIQUES

.BOURRACHE, Borago officinalis L., Boraginaceae

On utilise la fleur séchée et la sommité fleurie séchée de bourrache (Ph. fse., Hl" éd.).

La plante. Cette plante annuelle, qui serait originaire du Proche-Orient, est


fréquente dans tous les lieux incultes; ses graines constituent une source d'huile à
acides gras insaturés (cf. p. 181). Ses feuilles alternes, au limbe recouvert de poils rudes,
sont elliptiques-oblongues, sessiles ou pétiolées selon leur point d'insertion. Le bord du
limbe est ondulé, les nervures saillantes à la face inférieure (la bibliographie fait état
d'accidents liés à une de confusion avec la feuille de digitale). Les fleurs sont groupées i
ALCALOÏDES PYRROLIZIDINIQUES 991

en une crosse inclinée (une« cyme unipare scorpioïde »). Des pétales bleu vif, des
sépales velus et des étamines conniventes à filets noirs appendiculés en come rendent
l'identification aisée. Celle-ci est confirmée par une étude microscopique (mise en
évidence de nombreux poils cystolithiques dégageant du dioxyde de carbone après
traitement par l'acide lactique) et une caractérisation des alcaloïdes. Les oses
constitutifs du mucilage sont caractérisés en CCM après extraction et hydrolyse acide
de celui-ci.

Composition chimique, pharmacologie. Tiges et feuilles renferment du mucilage


(11 %), des acides-phénols (acides rosmarinique et chlorogénique) et, déterminés par
CPG, de 2 à 8 mg/kg d'alcaloïdes pyrrolizidiniques : lycopsamine,7-acétyl-
Iycopsamine, amabiline, supinine, ainsi que des traces d'intermédine et de son dérivé
acétylé en 7. Les alcaloïdes sont également présents dans les fleurs sous forme d'un
dérivé non insaturé, la thésinine, libre et glycosylée. Cette thésinine est le principal
alcaloïde des graines de bourrache. Aucune expérimentation pharmacologique ne
semble avoir été effectuée sur les fleurs de cette espèce qui jouissent d'une réputation
(non démontrée) de « sudorifique », d'adoucissant, de diurétique.

('(OH

ët> ~
o H<._. OH

Ht~JO
. H .f0~
N '\
HO'
Iycopsamine
cb N
0
Ihésinine

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour la fleur de bourrache, les indications théra-
0
peutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 1 au cours des affections
bronchiques aiguës bénignes; 20 pour favoriser l'élimination rénale d'eau. Si le phyto-
médicament à base de bourrache est une poudre de fleur, le dossier « abrégé» d' AMM
doit comporter une étude toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour la
fleur pour tisane, l'extrait aqueux, les teintures et les extraits hydro-alcooliques, quel
que soit leur titre.
En Allemagne, la Commission E du BfArM a estimé que, compte tenu du risque et
de l'absence de preuves d'efficacité, l'usage de la fleur et des parties aériennes de la
bourrache dans un but thérapeutique ne pouvait pas être justifié.
Cette position de la Commission E semble d'autant plus sage que, comme De Smet
l'a souligné, la consommation de 4 tasses/jour d'infusion peut apporter jusqu'à 64 Jlg
d'alcaloïdes pyrrolizidiniques : 6 fois plus que la dose maximale tolérée dans le cas de
l'infusion de feuille de tussilage (cf. p. 996).
L'hépatotoxicité et la cancérogénicité des alcaloïdes pyrrolizidiniques conduisent à
ne pas recommander les utilisations culinaires traditionnelles des feuilles de bourrache.
Symphytum officinale L.
ALCALOÏDES PYRROLIZIDINIQUES 993

.CONSOUDE, Symphytum officinale L.


=S. consolida Gueldenst. ex Ledeb., Boraginaceae
La plante. Cette grande plante (0,5-1 m), vivace par un rhizome volumineux et
charnu, possède de larges feuilles, épaisses, longuement décurrentes sur une tige
anguleuse garnie de poils raides. Les fleurs blanches, rosées ou violacées, sont groupées
en cymes scorpioïdes. Très commune dans toute l'Europe, notamment sur les sols
humides, elle est recherchée pour sa racine et sa feuille (qui ne sont inscrites ni à la
Pharmacopée européenne, ni à la Pharmacopée française).

Composition chimique. La racine de consoude passe pour renfermer de l'allantoïne


et de l'acide rosmarinique. Elle renferme en outre des fructanes, des mono- et
bidesmosides triterpéniques et 0,2-0,4 % d'alcaloïdes pyrrolizidiniques : lycopsamine,
intermédine (monoesters de la rétronécine) et leurs dérivés acétylés en 7, et symphytine,
qui seraient en partie sous la forme de N-oxydes. La présence de quantités notables
d'échimidine, souvent rapportée, serait liée à une confusion entre S. officinale (qui n'en
contient pas) et des espèces morphologiquement très proches comme S. asperum
Lepechin et S. x uplandicum Nyman (hybride de S. consolida et S. asperum). Les
différences qualitatives et quantitatives parfois observées sont sans doute aussi à mettre
en relation avec l'existence de plusieurs cytotypes : 2n = 24, à fleurs blanches,
tétraploïdes (2n = 48) à fleurs blanches (dans l'ouest de l'Europe) ou rouges (dans l'est du
même continent), 2n = 40 (en Hollande). Les feuilles renferment aussi des alcaloïdes,
mais en plus faible quantité (0,003-0,02 %), les jeunes feuilles étant les plus riches.

Pharmacologie. La racine de consoude passe, comme le rappellent aussi bien le nom


générique que l'épithète latine consolida, pour avoir des propriétés cicatrisantes qui ont
été attribuées sans preuve à l' allantoïne et aux polysaccharides. La tradition prête
également à cette racine le pouvoir de soulager les douleurs articulaires ou les gastrites.
L'extrait aqueux des feuilles augmente fortement la production de prostaglandines
(PgF2a, 6-céto-PgFla) d'un homogénat de muqueuse gastrique de Rat.

Évaluation clinique. Un essai clinique randomisé (méthode de randomisation non


décrite) en double aveugle versus placebo a évalué l'efficacité d'une pommade à base
d'extrait de consoude dans l'éthanol à 60 % contenant 0,2 à 0,5 % d'allantoïne et une
très faible teneur en pyrrolizidines chez 142 patients souffrant d'une entorse de la
cheville, pendant 8 jours. Cette pommade a été plus efficace qu'une pommade placebo
pour soulager la douleur, diminuer l'enflure et augmenter la mobilité de l'articulation.
Un essai en simple aveugle (l'investigateur. ..) réalisé, comme le précédent, par la firme
commercialisant cette pommade, a mis en évidence l'absence de différence d'effet de
cette pommade et d'un gel au diclofenac, sur la réaction douloureuse à la pression de la
zone de l'entorse et sur l'enflure. La même firme a publié en 2007 les résultats d'un
essai qui a constaté la supériorité de cette même pommade sur le placebo pour diminuer
l'algie ressentie par des patients souffrant d'arthrose du genou. Une équipe tchèque,
utilisant une crème à base d'extrait hydro-éthanolique de S. x uplandicum fraîche a, dans
une série d'essais, conclu à l'efficacité de cette préparation dans le traitement des
994 ALCALOÏDES

entorses, des myalgies dorsales et comme cicatrisant (les essais, sans placebo,
comparaient une crème à 10 % versus une crème à 1 %).
Ces divers éléments permettent-ils de faire pencher favorablement la balance
bénéfices-risques des préparations de consoude? Sans doute non, compte-tenu du
niveau limité de la preuve, de la cancérogénicité des pyrrolizidines, et de l'existence de
moyens de prise en charge reconnus des entorses et de la douleur associée (immobili-
sation partielle, paracétamol, etc.).

Toxicité. La racine et les feuilles de consoude provoquent, lorsqu'elles sont


administrées par voie orale et sur une longue période à des rats, l'apparition de tumeurs
au niveau du foie chez près de la moitié des animaux; il en est de même pour la
symphytine. Chez l'Homme, plusieurs cas de syndromes veino-occlusifs (voir ci-
dessus) attribués à la consommation régulière et prolongée (pendant plusieurs mois)
d'infusions ou de capsules de consoude ont été publiés: dans l'un des cas, le patient est
décédé. La réalisation chirurgicale d'un shunt artério-veineux a été nécessaire chez la
plupart des autres sujets atteints.
La pénétration percutanée des alcaloïdes, étudiée chez l'animal, est faible et le
risque semble a priori faible.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour la seule racine de consoude, une seule indication
thérapeutique, par voie locale: traditionnellement utilisé comme traitement d'appoint
adoucissant et antiprurigineux des affections dermatologiques, comme trophique
protecteur dans le traitement des crevasses, écorchures, gerçures et contre les piqûres
d'insectes. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un,
dossier « abrégé» d' AMM (racine pour infusion, extrait aqueux et extraits hydro-
alcooliques quel qu'en soit le titre); la poudre de racine n'est pas utilisée de façon
traditionnelle.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
la racine ou la feuille , fraiches ou sèches, de la consoude sont utilisées par voie externe
en cas de contusion ou d'entorse. Posologie: pommades ou autres préparations pour la
voie externe contenant de 5 à 20 % de racine (ou de feuille) séchée. La dose journalière ,
(en alcaloïdes 1,2-insaturés et pour cette voie, N-oxydes inclus) doit être au maximum
de 100 /-lg; ne pas utiliser pendant plus de 4 à 6 semaines par an. La Commission
précise en outre que la peau doit être intacte. L'utilisation en cas de grossesse requiert
l'avis préalable d'un médecin.
Au Canada, Santé Canada a, en décembre 2003, recommandé aux consommateurs
d'éviter de consommer de la consoude ou un produit de santé qui en contient au motif
qu'ils pourraient contenir de l'échimidine, et de ne pas appliquer de produits contenant
de la consoude sur une lésion cutanée. Il a en outre été demandé aux fabricants de
crèmes et autre produits pour la voie externe à base de consoude de prouver que leurs
produits de contiennent pas de pyrrolizidines. Dans ce même pays, les consoudes (à
l'exception de S. officinale) ont été ajoutées en 2004 à la liste critique des ingrédients
dont l'utilisation est restreinte ou interdite dans les cosmétiques (risque déraisonnable
pour les consommateurs).
ALCALOÏDES PYRROLIZIDINIQUES 995

La consommation des feuilles en potage - certains en vantent les vertus nutritives


- est à déconseiller formellement.

• TUSSILAGE , Tussilago farfara L., Asteraceae

La fleur de tussilage est constituée par le capitule de T.farfara (Ph. fse, 10' éd.).
Elle fait partie des espèces pectorales et est utilisé à ce titre. Dans plusieurs pays
européens, on utilise la feuille: c'est notamment le cas en Allemagne.

La plante, le capitule. Le tussilage est une petite plante vivace très commune en
Europe et en Asie septentrionale qui, dès le début du printemps, fournit des capitules de
t1eurs jaunes portés par une hampe écailleuse et d'odeur agréable rappelant celle de la
cire jaune. Les feuilles apparaissent plus tard: disposées en rosette, cordiformes et
coriaces, elles sont velues à la face inférieure. Le capitule est constitué d'un involucre
de bractées linéaires disposées sur 2 rangs, de fleurs périphériques ligulées (femelles) et
de fleurs tubuleuses centrales, fonctionnellement mâles.

Composition chimique. Les capitules renferment un mucilage acide, des


t1avonoïdes, des caroténoïdes, des triterpènes et des alcaloïdes pyrrolizidiniques : deux
esters de nécine insaturée en 1,2, la senkirkine (majoritaire) et la sénécionine (traces)
ainsi que deux pyrrolizidines saturées qui ne seraient que des artefacts dus à l'extraction
par le méthanol, la tussilagine et l'isotussilagine. Ils renferment aussi des sesquiterpènes :
tussilagone, tussilagonone et dérivé méthylbutyryloxy-, ainsi qu'une bisaboladiénone.
Les feuilles contiennent de 6 à 10 % de mucilage et les mêmes alcaloïdes que les
capitules. La composition en alcaloïdes du tussilage semble varier selon l'origine
géographique : les plantes européennes seraient moins riches en alcaloïdes totaux que
les plantes orientales. La teneur en alcaloïdes totaux, mesurée sur un échantillon nord-
américain, atteint 150 ppm dans le capitule avant épanouissement puis décroît ensuite
jusqu'à 50 ppm (plante entière).

~
° 0y0"-

CHa
OYOH
senkirkine tussilagine tussilagone

Pharmacologie. Le tussilage est un inhibiteur de l'agrégation plaquettaire et du


métabolisme de l'acide arachidonique. La tussilagone est, chez le Chien, un stimulant
respiratoire qui accroît la ventilation et élève la pression artérielle (0,02-0,3 mg/kg, IV).
996 ALCALOÏDES

Cette cétone sesquiterpénique inhibe le PAF-acéther, la production de prostaglandine E2


et celle de l'oxyde d'azote induite par le lipopolysaccharide. On a également rapporté
une activité antioxydante et neuro-protectrice de l'extrait par l'acétate d'éthyle. Les
sesquiterpènes inhibent l'acyl-CoA diacylglycérol acyltransférase.
Aucune étude clinique ne valide les indications traditionnelles de cette plante.
Comme son nom l'indique (tussis, is, accès de toux, ago (agere), chasser, pousser) la
plante est réputée antitussive. Les médecines orientales lui attribuent les mêmes vertus
et l'utilisent pour traiter asthme, bronchites et autres affections respiratoires. Certains
voient dans l'action qu'ils constatent sur la toux la simple conséquence d'un effet
calmant du mucilage sur les muqueuses irritées du larynx.

Emplois. Le capitule de tussilage ne figure pas à l'annexe 1 de la Note explicative


de l'Agence du médicament (1998). En Allemagne, la monographie établie par la
Commission E du BfArM précise que lafeuille du tussilage est utilisée en cas: 10
d'inflammation aiguë des voies respiratoires accompagnées de toux et d'enrouement;
2 d'inflammation modérée des muqueuses de la gorge. Posologie quotidienne: de 4,5
0

à 6 g de feuille. L'apport journalier en pyrrolizidines doit être inférieur à 10 Ilg. Pour les
extraits et les jus pressés de plante fraîche, la teneur en alcaloïdes pyrrolizidiniques à
squelette déhydro-l ,2-nécine doit être inférieure à 1 Ilg (N-oxydes compris). Le
tussilage ne doit pas être utilisé plus de 4 à 6 semaines par an. Il est contre-indiqué chez
la femme enceinte ou allaitante.
Le tussilage continue d'être utilisé en phytothérapie (espèces pectorales, tisanes
composées). La consommation de préparations à base de tussilage est-elle dangereuse?
Les avis sont partagés. Pour certains auteurs, une tasse d'infusion de capitules
renfermant en moyenne 1 ppm d'alcaloïdes, il n'y a pas lieu de condamner cette plante.
Pour d'autres, la présence d'alcaloïdes hépatotoxiques, même en très faible quantité,
doit inciter à en proscrire l'usage régulier. Pour trancher, il faut tenir compte du fait que
le bénéfice n'est pas cliniquement établi ...

• SÉNEÇON COMMUN, Senecio vulgaris L., Asteraceae

Cette petite herbe « 40 cm) annuelle est l'une des plus abondantes « mauvaises
herbes» de nos jardins. Elle fleurit et se resème presque toute l'année. Les fleurs, toutes
tubuleuses, sont groupées en capitules plus hauts que larges et entourés sur toute leur
hauteur d'un rang de bractées tachées de noir au sommet. Toute la plante renferme des
alcaloïdes (0,05 -0,1 %) : sénéciphylline, sénécionine, rétrorsine, spartioidine,
usaramine, intégerrimine. La plante entière fut officinale en France. Elle est présentée,
sans preuve pharmacologique (et encore moins clinique) comme susceptible
d'améliorer la circulation veineuse. C'est surtout une espèce dangereuse qui, comme
d'autres espèces du genre Senecio, a été impliquée dans la survenue de maladie veino-
occlusive.
Le séneçon commun ne figure pas à l'annexe 1 de la Note explicative de l'Agence
du médicament (1998). Cette espèce ne fait pas non plus l'objet, en Allemagne, d'une i

monographie de la Commission E du BfArM.


ALCALOÏDES PYRROLIZIDINIQUES 997

HO ~ ~OH

O 0
1
1 11 ,.

o tb o 1::1

N
, ~
0

R1 :OH, R2 : H : amabiline E
R1 : H, R2 : OH : supinine monocrotaline R: H : intégerrimine
R : OH : usaramine

• CROTALAIRES, Crotalaria retusa L. et autres espèces

Plusieurs espèces de ce genre de Fabaceae sont communément utilisées dans la


zone des Caraibes à des fins médicinales (ex. : en Guadeloupe, comme antitussif). La
présence d'alcaloïdes pyrrolizidiniques rend cette habitude ancestrale dangereuse, en
particulier chez l'enfant. Plusieurs cas d'hépatopathies ont été publiés: l'utilisation de
cette plante est à proscrire impérativement. Les graines peuvent aussi contaminer les
céréales et, ainsi, intoxiquer les troupeaux aussi bien que les populations.

6. BIBLIOGRAPHIE

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Alcaloïdes quinolizidiniques

La quinolizidine est un hétérocyc1e azoté bicyc1ique particulièrement fréquent dans les


structures alcaloïdiques. Il faut cependant distinguer les composés qui comportent ce
motif structural comme élément d'un édifice complexe - cela est le cas des
protoberbérines -, de la plupart des alcaloïdes indoliques ou des solanidanes, et ceux,
dits « quinolizidines simples », qui sont issus du métabolisme de la lysine: cette
restriction biogénétique permet de ne pas considérer ici les furanoquinolizidines des
Nuphar (ce sont en fait des sesquiterpènes azotés).
D'autres structures ne sont pas abordées ici: leur pharmacologie est dénuée d'intérêt
ou, le plus souvent, n'est pas connue. C'est le cas de la myrtine (de Vaccinium myrtillus,

OCH a
H
CHaO

cryptopleurine poranthéridine épimyrtine


CHaO

lasubine 1 OCHa
Iycopodine nupharidine (Lythraceae) OCH 3
1000 ALCALOÏDES

Ericaceae), c'est celui de la poranthérine et de ses analogues isolés de Poranthera


corymbosa Brongn. (Euphorbiaceae), c'est aussi celui de la plupart des alcaloïdes des
Lythraceae, c'est enfin celui des phénanthroquinolizidines, même si un composé
comme la cryptopleurine est connu pour ses propriétés antimicrobiennes.
Les seules quinolizidines à mentionner ici sont donc celles, bi-, tri- ou tétra-
cycliques, qui caractérisent la famille des Fabaceae et qui, dans un certain nombre de
cas, sont responsables de leur activité et/ou de leur toxicité. On en connaît près de 200,
réparties en sept groupes structuraux selon le nombre et l'arrangement des cycles. On
évoquera aussi celles, anticholinestérasiques, de diverses espèces de Lycopodiaceae
(Pterydophyta).

Biosynthèse. Biogénétiquement, l'hypothèse (évidente) du rôle de précurseur joué


par la cadavérine est clairement démontrée par des expériences de marquage. Ainsi,
l'incorporation de [1 ,2-l3C]-cadavérine chez Lupinus luteus conduit à de la (-)-lupinine
et à de la (-)-spartéine marquées dans les positions attendues comme le révèle l'analyse '
du spectre de RMN du l3C. L'intermédiaire clé semble être la L\l-pipéridéine dont les
deux formes tautomères (énamine et iminium) se condenseraient entre elles. L'iminium

Biosynthèse (simplifiée) des quinolizidines

L-Lysine --
c: C NH
NH2

2
--
CHO
NH 2
~CI
~NH+
Sl" cJP"
ÇHO CHO ÇHO

cbd:: +
dy
/O"~
o

cb cUc-
/1
Â'~~
H~~ çOP
o
N
N

=
H

cytisine (-)-spartéine (+)-Iupanine


ALCALOÏDES QUINOLIZIDINIQUES 1001

est ensuite hydrolysé, l'azote éliminé (désamination oxydative). La formation d'une


hase de SCHIFF conduit à la quinolizidine intermédiare vers la lupinine ou, par un
couplage supplémentaire, à la spartéine et aux composés apparentés .

• GENÊT À BALAI, Cytisus scoparius (L.) Link., Fabaceae

La fleur de genêt à balai est la fleur séchée de C. scoparius (L.) Link. (= Sarotham-
/lUS scoparius [L.] Wimm. ex W. D. J. Koch) (Ph. fse, 10' éd.).

La plante. Cette espèce est un arbrisseau buissonnant silicicole (50-250 cm), très
commun dans toute l'Europe. Il est caractérisé par des rameaux dressés anguleux,
glabres, au sommet desquels sont insérées des feuilles simples et sessiles alors qu'à leur
base ils portent des feuilles pétiolées et trifoliolées. La fleur a un calice court, bilabié,
scarieux et un style enroulé. Le fruit est une gousse velue, aplatie, noire à maturité.
Ce genêt est souvent confondu avec le genêt d'Espagne, Spartium jU/lceum L.,
espèce très commune dans la zone méditerranéenne, largement utilisée en
ornementation et connue pour la toxicité de ses graines (elles renferment de la cytisine).
Le genêt d'Espagne se distingue du genêt à balai par sa taille plus élevée, ses rameaux
cylindriques, ses fleurs à calice à une seule lèvre et à style droit. Il n'est pas utilisé en
médecine, mais ses fleurs sont employées pour l'obtention d'une absolue de
composition complexe utilisée en parfumerie.

Composition chimique. La plante doit son odeur à la 4-mercapto-4-méthylpentan-


2-one. Elle est riche en amines, flavonoïdes et alcaloïdes. Les amines sont surtout
concentrées dans les fleurs Uusqu'à 2 % de la masse sèche) : tyramine, dopamine,
épinine. Les flavonoïdes, présents dans tous les organes, sont des isoflavones et des C-
hétérosides de flavones. Le constituant majoritaire est le scoparoside, C-glucoside en C-
8 de la 5,7,4'-trihydroxy-3'-méthoxy-flavone. L'alcaloïde majoritaire des rameaux est
la (-)-spartéine (isomère 6R, 7S, 9S, lIS). Les autres alcaloïdes sont la lupanine et ses
dérivés hydroxylés, l'ammodendrine, etc.

Pharmacologie. La spartéine est un ganglioplégique léger, bloquant la transmission


et empêchant la dépolarisation de la membrane post-synaptique. Au niveau cardiaque,
elle soustrait le myocarde à la modulation neuro-végétative centrale, diminue
l'excitabilité, la conductibilité ainsi que la fréquence et l'amplitude des contractions.
L'alcaloïde est également ocytocique : il augmente modérément le tonus et la vigueur
des contractions de l'utérus.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour lafleur de genêt à balai, les indications
thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé par voie orale 1° pour
faciliter les fonctions d'élimination urinaire et digestive; 2° pour favoriser l'élimination
rénale d'eau. Si le phytomédicament à base de genêt à balai est une poudre de fleur, un
extrait hydro-alcoolique de titre alcoolique> 30 % ou une teinture, le dossier « abrégé»
1002 ALCALOÏDES

d'AMM doit comporter une étude toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire
pour la fleur pour tisane, l'extrait aqueux et les extraits hydro-alcooliques de titre
inférieur à 30 %.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
les rameaux du genêt à balai sont utilisés en cas de troubles fonctionnels cardiaques et
circulatoires. Posologie quotidienne: extrait hydro-alcoolique en quantité équivalente à
1-1,5 g de rameau. La présence de tyramine rend possible une interaction avec les
IMAO. En ce qui concerne lafleur, utilisée dans des mélanges, la Commission a estimé
que son utilisation thérapeutique n'était pas justifiée, du fait du risque d'interactions et
de l'absence de preuve d'efficacité. La fleur peut toutefois être utilisée dans les
mélanges pour amélioration l'aspect (teneur maximale 1 %).
Les rameaux de genêt peuvent servir à l'extraction de la spartéine. Le sulfate de
spartéine (Ph. fse, 10' éd.) a été utilisé en cas de tachycardie sinusale d'origine neuro-
tonique, d'éréthisme cardiaque, ainsi qu'en obstétrique (ocytocique).

çbP
o
cytisine (-)-spartéine (-)-Iupanine

• CYTISE, Laburnum anagyroides Medikus, Fabaceae


(= Cytisus laburnum L.)

Le cytise est un arbuste des coteaux calcaires dont de nombreuses variétés sont
cultivées à des fins ornementales. Feuilles trifoliolées, fleurs jaune d'or en grappes
pendantes et gousses noires, velues à l'état jeune, sont caractéristiques de l'espèce. Les
alcaloïdes sont surtout concentrés dans les graines. La cytisine et les composés voisins 1
sont responsables de la toxicité. Le plus souvent, les symptômes de l'intoxication sont;
limités à des brûlures de la bouche et de la gorge et surtout à des vomissements
précoces et persistants qui empêchent une absorption massive des alcaloïdes.

Cytisine. La cytisine est un agoniste partiel des récepteurs nicotiniques neuronaux à ,


l'acétylcholine, plus précisément de la sous-unité a4p2 dont la stimulation serait
impliquée dans la dépendance tabagique. On pense en effet que la dépendance:
tabagique serait principalement liée à la libération de dopamine au niveau méso-
limbique, libération augmentée par l'activation, par la nicotine, de ces récepteurs à
l'acétylcholine. Au cours du sevrage avec un agoniste partiel, on pense que l'on
pourrait maintenir un niveau de dopamine suffisant pour diminuer le besoin obsédant'
de fumer, sans atteindre des taux où risquent de survenir les troubles psychomoteurs qui;
caractérisent une libération excessive de monoamines comme la dopamine.
La cytisine pourrait remplir ce rôle. De fait, on ne dispose que d'un nombre limité'
de données sur la pharmacologie, la pharmacocinétique, les relations dose/effet,
ALCALOÏDES QUINOLIZIDINIQUES 1003

l'efficacité, les effets indésirables, l'innocuité à moyen et long terme de cet alcaloïde.
Le dossier clinique comporte une dizaine d'essais mais, sauf exception, ceux-ci n'ont
pas été réalisés selon une méthodologie de qualité minimale (versus placebo et/ou
versus un traitement reconnu). L'efficacité, possible, et la balance bénéfices-risques,
doivent être mieux évaluées par des essais bien conduits et de durée suffisante. En dépit
de la faiblesse de l'évaluation, la cytisine est utilisée dans des pays de l'est de l'Europe
pour le sevrage tabagique, à la dose de 9 mg par jour (comprimés à 1,5 mg, fabriqués en
Bulgarie, où près de 80000 traitements auraient été vendus en 2006).
Travaillant sur les relations structure-activité de la cytisine, des chimistes organi-
ciens ont exploré l'impact du remplacement du cycle pyridonique par un cycle
aromatique et, après élimination d'un carbone, évalué l'activité d'une benzazapine.
L'activité cholinergique de celle-ci est faible, mais sa double nitration, suivie de la
condensation du dérivé réduit (diaminé) avec le glioxal conduit à une quinoxaline,
puissant agoniste partiel des sous-unités a4~2 du récepteur à l'acétylcholine. Ce produit
(une tétrahydropyrazinobenzazépine) est commercialisé depuis peu (varénicline, DCI)
pour le sevrage tabagique. Son efficacité semble du même ordre que celle de la nicotine
(pas d'essais comparatifs directs). Divers effets indésirables ont été notifiés pour cette
substance, troubles digestifs et troubles neuropsychiatriques (céphalées, rêves
anormaux et cauchemars, insomnies, dépressions et idées suicidaires) .

• LUPINS, Lupinus spp., Fabaceae

Les lupins sont des plantes herbacées à feuilles composées palmées, à


inflorescences denses de fleurs de coloration variable. Leurs graines sont riches en
protéines, mais plusieurs variétés sont amères, c'est-à-dire riches en alcaloïdes
(lupanine, lupinine) et donc toxiques. La graine du lupin blanc fournit une farine
autorisée en alimentation humaine; cette farine est parfois à l'origine d'allergie.
Plusieurs espèces de lupins, surtout en Amérique du Nord, doivent leur toxicité à
l'anagyrine, responsable d'une activité tératogène chez les bovins.

o ~rJ
yN~A~ CO
o
huperzine A anagyrine lupinine

• Huperzia serrata (Thunb.) Trevis.


=Lycopodium serratum Thunb., Lycopodiaceae
Huperzia serra ta est une espèce de la médecine traditionnelle chinoise (Qian Ceng
Ta) utilisée traditionnellement dans le traitement des entorses, des contusions, des
fièvres et états inflammatoires, de la schizophrénie, de la myasthénie et, plus
1004 ALCALOÏDES

récemment, des intoxications par les organo-phosphorés. Elle renferme des triterpènes
et 0,2 % d'alcaloïdes en C 16-N 2 (flabellidanes) : huperzines A et B, lycodine,
lycodoline, serratinidine, etc.

Pharmacologie. L'huperzine A est un inhibiteur réversible de l'acétylcholinestérase,


comme la physostigmine ou la galanthamine. L'huperzine A se lie spécifiquement et
solidement à l'acétylcholinestérase; elle franchit la barrière hématoencéphalique. Sa
demi-vie est longue, le complexe formé avec l'enzyme se dissociant lentement. Testé
sur des cultures de neurones, l'alcaloïde montre une action protectrice à l'égard de la
toxicité du glutamate. D'autres travaux, conduits chez l'animal, montrent que
l'huperzine A est potentiellement intéressante dans le traitement des intoxications par le
soman et d'autres gaz de combat, et qu'elle s'oppose aux déficits mnésiques provoqués
par la scopolamine.

Évaluation clinique. En bloquant la dégradation de l'acétylcholine, l'huperzine '


pourrait accroître la disponibilité de ce médiateur et donc améliorer transitoirement
l'état de certains patients souffrant de la maladie d'Alzheimer ou d'autres formes de 1

démence. Ces démences sont, en effet, caractérisées - entre autres - par un déficit 1
cholinergique des systèmes de neurotransmission centraux. Près d'une vingtainej
d'essais cliniques ont été conduits en République Populaire de Chine pour évaluer cette!
potentialité. Tous ont été publiés dans des revues en langue chinoise. Les auteurs d'une ~
revue structurée publiée en 2008 par la Cochrane Library ont analysé 6 essaisl
comparatifs d'une durée de 8 à 36 semaines, regroupant 454 patients âgés, pour 5 'i
essais, de 66 à 78 ans, souffrant de maladie d'Alzheimer diagnostiquée selon des,
critères reconnus (DSM, etc.), mais de durée et de sévérité non ou mal rapportées. À
l'issue de ces essais, il est apparu que l'huperzine (0,2 - 0,4 mg par jour) était plus
efficace que le placebo pour améliorer (modestement) les scores mesurant les fonctions·
cognitives (MMSE, ADAS-Cog), l'impression clinique globale, les perturbations'
comportementales ou les performances fonctionnelles. .
De fait, comme le soulignent eux-mêmes les auteurs de la revue, ces données:
n'autorisent aucune conclusion quant à l'efficacité et à l'intérêt clinique de l'huperzine::
pour cinq des six essais la qualité méthodologique est très faible (pas de double aveugle "
pour trois d'entre eux, critères d'inclusion et d'exclusion disparates, méthode de'
randomisation inadéquate ou non précisée, sorties d'essai non détaillées, absence'
d'analyse en intention de traiter, effectif faible, etc.). S'il est possible que l'huperzine,:'
comme d'autres anticholinergiques, améliore transitoirement l'état des patients,'
d'autres essais cliniques, rigoureux et de puissance statistique adéquate, sont'
nécessaires pour l'affirmer. Un essai multicentrique actuellement en cours aux États- .
Unis d'Amérique devrait apporter des éléments d'information complémentaires:,
http://www.clinicaltrials.gov/show/ NCT00083590).

Effets indésirables. Peu d'effets indésirables ont eté rapportés: vertiges, nausées et,
vomissements, insomnie, anorexie, etc. Il faut toutefois mentionner que les anti-:
cholinestérasiques peuvent occasionner des effets indésirables graves (des cas mortels:
ont été enregistré en France ces dernières années. Il n'a pas été publié de cas~
ALCALOÏDES QUINOLIZIDINIQUES 1005

d'interactions médicamenteuses, mais celles-ci ne peuvent être exclues et sont poten-


tiellement dangereuses (bradycardisants, atropiniques, certains antidépresseurs, etc).

Emplois. L'Huperzia et l'huperzine ne sont pas utilisés en France.

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il

1
Alcaloïdes indolizidiniques

Les alcaloïdes indolizidiniques, principes toxiques de la peau de certains Amphibiens


(ex. : pumiliotoxines), sont assez rares chez les végétaux: alkylindolizidines et bis-
indolizidines des Dendrobium (Orchidaceae), arylindolizidines de certains Ipomœa
(Convolvulaceae). Si aucune plante produisant des alcaloïdes dérivés de cet hétérocyc1e
bicyc1ique n'est actuellement utilisée en thérapeutique, des composés comme la
swainsonine et la castanospermine suscitent un intérêt certain compte tenu de leurs
propriétés inhibitrices à l'encontre des glycosidases. On n'évoquera ici ni les
phénanthroindolizidines des Tylophora (Asc1epiadaceae) et de certaines Moraceae
(issus d'un métabolisme mixte: tyrosine-ornithine), ni les alcaloïdes des Elaeo-
carpaceae, pas plus que les alcaloïdes des Securinega (Euphorbiaceae).

B Ba 1 H

:0)2 ""CO
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CH 3 0

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CH 3 0 tylophorine élaeokanine C sécurinine


OCH 3
1008 ALCALOÏDES

Depuis quelques années, ce sont les dérivés polyhydroxylés indolizidiniques qui


retiennent l'attention. Comme les polyhydroxypipéridines, les nécines libres ou les
polyhydroxynortropanes, ils n'ont été isolés, pour la plupart, qu'assez récemment: très
hydrosolubles, ils ne sont pas extraits par les procédés habituels mis en œuvre pour
isoler les alcaloïdes, mais par des mélanges d'alcools et d'eau. Leur purification passe
par le recours à la chromatographie sur résines échangeuses d'ions et à la CCM
préparative. Non détectés par les réactifs classiques des alcaloïdes, ils peuvent l'être,
dans certaines conditions, après formation de pyrroles. On peut aussi utiliser des
méthodes fondées sur la mise en évidence d'une activité inhibitrice des glycosidases. La
méthode retenue pour leur caractérisation, leur dosage et leur étude structurale est le
plus souvent la chromatographie gazeuse de leurs esters triméthylsilylés, éventuel-
lement couplée à la spectrométrie de masse. Depuis peu, des procédures mettant en
œuvre la chromatographie liquide couplée (LC/MS) sont régulièrement publiées.
Biosynthétiquement, les indolizidines dériveraient de la L-lysine, via l'acide
pipécolique; les autres carbones du cycle pyrrolidinique seraient apportés par une
molécule d'acétyl-CoA.

H:à)H Hoq HOn: OH OH OH OH

2±> N .' ·""OH


HO"" N HO'"
' 0
OH
HO"" N-H

swainsonine castanospermine glucose désoxynojirimycine

• (-)-SWAINSONINE ET (+)-CASTANOSPERMINE

La (-)-swainsonine a été isolée de plusieurs Fabaceae : Swainsona canescens


(Benth.) F. Muell. d'Australie, Astragalus lentiginosus Dougl., Oxytropis sericea Nutt.
d'Amérique du Nord et autres espèces de ces trois genres. Elle est également élaborée
par des champignons (Rhizoctonia, Metarhizium) et, en 1999, elle a été détectée, en
même temps que les calystégines B2 et Cl' chez un Ipomoea (Convolvulaceae). La (+)-
castanospermine, tétrahydroxylée, est isolée des graines d'une autre Fabaceae
australienne introduite en Californie (Castanospermum australe A. Cunn. ex Mudie) et
des feuilles et gousses de diverses espèces d'Alexa de l'Amérique du Sud.
C'est à ces deux alcaloïdes que l'on rapporte les symptômes observés chez le bétail
intoxiqué par ces espèces. Dans le cas de la swainsonine, les symptômes (incoordi-
nation, troubles de la démarche et autres troubles neurologiques) sont liés à des
altérations axonales au niveau du système nerveux central. Ils rappellent ceux que l'on
observe en cas de déficit congénital en a,-D-mannosidases lysosomiales alors que les
intoxications par la castanospermine sont essentiellement caractérisées par des troubles
digestifs. Les deux alcaloïdes sont de puissants inhibiteurs des glycosidases,
spécialement de celles qui sont responsables des modifications structurales de la partie
oligosaccharidique des glycoprotéines, modifications nécessaires à l'acquisition par les
glycoprotéines de leurs propriétés biologiques : a,-mannosidase (inhibées par la swain-
ALCALOÏDES INDOLIZIDINIQUES 1009

sonine) et (X- et ~-glucosidases (inhibées par la castanospermine). Ce sont, de ce fait,


des outils précieux pour l'étude de la formation et du rôle des glycoprotéines dans les
systèmes biologiques. La forte analogie structurale avec les oses explique ce type
d'activité qui, par ailleurs, s'observe de la même façon avec des polyhydroxy-
pipéridines comme la désoxynojirimycine isolée de Morus sp. Biologiquement, ces
alcaloïdes ont peut-être un rôle écologique.
En termes d'activité pharmacologique, les potentialités de molécules comme la
swainsonine sont multiples: inhibition de la prolifération et de la dissémination
tumorale (antimétastatique), action immunomodulatrice, stimulante de la production
d'interleukine-2 et de la prolifération des lymphocytes T, etc.
La castanospermine, molécule assez peu toxique (DUo> 0,5 g/kg, Souris), est
active contre le cytomégalovirus humain et son activité sur les rétrovirus n'est pas
négligeable. Sa capacité à interférer avec les fonctions de l'enveloppe glycoprotéique
du virus de l'immunodéficience humaine (HIV) a été démontrée: elle induit des
perturbations importantes dans la synthèse des glycoprotéines de l'enveloppe dont le
rôle est fondamental dans l'expression de la cytopathogénicité (lymphocytes CD4+). In
vitro, on note que la castanospermine et l'AZT (3'-azido-3'-désoxythymidine) agissent
en synergie sur la réplication du HIV (types 1 et 2). La faible liposolubilité a conduit à
la synthèse d'épimères et d'analogues structuraux, en particulier des dérivés acylés en
C-6 comme la 6-butanoylcastanospermine qui, pénétrant mieux dans la cellule, sont des
inhibiteurs beaucoup plus efficaces de la réplication virale. Seule ou en association, elle
a été testée chez l'animal comme inhibitrice du rejet de greffes.

BIBLIOGRAPHIE

Michael, J .P. (2008). Indolizidine and quinolizidine alkaloids, Nat. Prad. Rep., 25, 139-165 ; (2007),24, 191-
222 ; 22, 603-626 ; etc.
Molyneux, RJ., Lee, S.T. et Gardner, D.R. et al. (2007). Phytochemicals : the good, the bad and the ugly?
Phytochemistry, 68, 2973-2985.
Alcaloïdes pipéridiniques

.LOBÉLIE ENFLÉE, Lobelia inflata L., Lobeliaceae

Employée initialement par les indiens de l'Amérique du Nord comme succédané du


tabac (indian tobacco), la lobélie fait son apparition en Europe au début du XIX' siècle:
elle y était recommandée dans le traitement de l'asthme.

La plante. La lobélie enflée, originaire des Appalaches, est une plante herbacée
annuelle de petite taille (20-50 cm) à tige dressée, fortement ramifiée. Les feuilles,
sessiles, ont un limbe dentelé sur les marges. Les fleurs, bleu pâle, sont accompagnées
de bractées foliacées et réunies en grappes terminales; leur calice renflé devient
vésiculeux après la floraison (inflata).

Composition chimique. La lobélie contient de 0,2 à 0,5 % d'alcaloïdes: (-)-(2R, 6S,


8S)-lobéline, meso-lobélanine, meso-lobélanidine et pipéridéines. Biosynthétiquement,
ces alcaloïdes pourraient être formés par une double réaction de MANNICH impliquant
deux molécules de phénylalanine (via l'acide cinnamique puis le benzoylacétyl-
coenzyme A) et un cation ~I-pipéridinium formé, via la cadavérine, à partir de la lysine.

Pharmacologie, évaluation clinique. Pharmacologiquement, la lobéline est un


analeptique respiratoire, renforçant et accélérant les mouvements respiratoires en
exaltant la réactivité des centres bulboprotubérantiels au dioxyde de carbone et aussi
par un processus réflexe à partir des chimiorécepteurs carotidiens. Secondairement,
c'est un excito-ganglionnaire. Il n'y a pas de preuve, fondée sur des essais cliniques de
longue durée, que la lobéline soit utile pour aider à cesser de fumer.

Emplois. Utilisée autrefois pour les reprises de ventilation en cas d'asphyxie,


notamment dans le traitement des apnées du nouveau-né, la lobéline n'est plus employée
eu égard à ses effets indésirables importants et à sa faible marge thérapeutique. Pendant
1012 ALCALOÏDES

un temps, certains pays l'ont préconisé, sans preuve, pour le sevrage tabagique. Son rôle
potentiel dans le traitement de la dépendance à la métamphétamine fait l'objet d'études.

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1 H

lobéline pelletiérine

• GRENADIER, Punica granatum L., Punicaceae

Le grenadier est un arbuste abondant en Afrique du Nord. Ses fleurs à 5-7 pétales
rouge écarlate et son fruit - une baie cortiquée arrondie surmontée des dents du
calice - le rendent facilement identifiable. La pulpe du fruit est la matière première du
véritable sirop de grenadine. Les écorces de racine ont été employées comme anthel-
minthique (surtout tœnicide) jusqu'à la première moitié du XX· siècle. Elles renferment j
0,5-0,7 % d'alcaloïdes totaux: (-)-pelletiérine, isopelletiérine et analogues méthylés sur
l'azote. Elles ne sont plus utilisées.
Le jus du fruit ("pomegranate", très en vogue) est particulièrement riche en poly-'
phénols antioxydants, en particilier en flavanols et ellagitanins (punicalagine,
granatines, punicacortéines, etc.), flavonoïdes et anthocyanosides. La consommation
régulière de ce jus pourrait limiter certains facteurs de risque cardiovasculaire, en
particulier l'athérosclérose. Concentré, il pourrait améliorer le bilan lipidique de sujets
hypercholestérolémiques et protéger les lipides sanguins de l'oxydation. Toutefois, il
n'existe pas d'études publiées établissant une quelconque relation entre la consom- • :jj
mation de jus de grenade et la fréquence de survenue d'un accident cardiovasculaire. '
De possibles effets protecteurs à l'encontre de processus tumoraux (cancer de la
prostate notamment) ne sont à ce jour confirmés par aucune étude prospective
contrôlée. Quelques données recueillies chez la Souris ne permettent pas de préjuger de
l'intérêt de ce jus en cas de maladie neurovégétative.

BIBLIOGRAPHIE

Damaj, M.l., Patrick, G .S., Creasy, K.R. et Martin B.R. (1996). Pharmacology of lobeline, a nicotinic
receptor ligand,J. Pharmacol. Exp. Ther., 282, 410-419.
Gil, M.l, Tomâs-Barbenin, FA., Hess-Pierce B. et al. (2000). Antioxidant activity of pomegranate juice and
its relationship with phenolic composition and processing, J. Agric. Food Chem., 48, 4581-4589.
Lansky, E.P., Newman, R.A. (2007). Punica granatum (pomegranate) and its potential for prevention and
treatment of inflammation and cancer, J. Ethnopharmacol., 109, 177-206.
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Pantuck, AJ., Lepper!, J.T., Zomorodian, N. et al. (2006). Phase II study of pomegranate juice for men with
rising prostate-specifie antigen following surgery or radiation for prostate cancer, Clin. Cancer Res., 12, ;,
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Stead, L.F. et Hughes, J.R. (2000). Lobeline for smoking cessation, Cochrane Database Syst. Rev., (2), 1
CDOOOI24. '1
Amides pipéridiniques : Piperaceae

.POIVRIER COMMUN, Piper nigrum L.

Le poivre est l'une des épices les plus anciennement connues. Utilisé depuis des temps
immémoriaux en Inde, il était connu en Grèce et dans la Rome antique. C'est le fruit du
poivrier, plante vivace peut-être originaire du sud-ouest de l'Inde (côte de Malabar) et
cultivée maintenant en Inde (Kerala), au Vietnam, en Indonésie (Kalimantan, Sumatra),
en Chine, en Malaisie (Sarawak), au Sri Lanka, mais aussi en Amérique du Sud
(Brésil).
Le poivrier est une liane à tige ligneuse volubile fixée sur son support par ses
rameaux latéraux. Les feuilles à limbe ovale aigu et parcouru par 3-4 nervures presque
parallèles sont alternes, les fleurs apérianthées et sessiles sont groupées en épis
pendants de 20-30 unités. Le fruit est une baie de 4-8 mm de diamètre, passant du vert
au rouge au cours de la maturation. On distingue classiquement:
• le poivre vert. C'est la baie entière fraîche cueillie verte. Généralement conservé
en solution aqueuse acide (ou surgelé, ou pasteurisé), il est très aromatique;
• le poivre blanc. C'est le fruit récolté à pleine maturité. Après plusieurs jours
d'immersion dans l'eau, les fruits sont débarrassés du péricarpe et de la partie externe
du mésocarpe puis séchés;
• le poivre noir. Les épis sont récoltés dès que les premières baies virent au rouge.
Après séchage, les fruits sont séparés des rafles. Le fruit séché est sphérique (3-6 mm),
particulièrement dur. Sa surface, brun noir, est très ridée.
Le poivre doit son odeur à la présence de 10 à 35 ml/kg d'huile essentielle riche en
carbures terpéniques et sa saveur brûlante à des amides (5-10 %). Le principal
constituant est la pipérine, amide de la pipéridine et de l'acide pipérique. Les autres
amides sont pipéridiniques (pipéranine, pipérettine, pipéronéines), pyrrolidiniques (ex. :
pipéryline), ou isobutylaminiques (pipercine, guinéensine). L'acide qui les constitue
possède une chaîne latérale de longueur variable (de 5 à 13 atomes de carbones).
Les poivres 1 (P. longum, P. nigrum) sont fréquemment employés par la médecine
ayurvédique; dans plusieurs cas, il semble qu'ils augmentent la biodisponibilité des
composés actifs avec lesquels ils sont absorbés (par inhibition enzymatique). Chez le
Rat, l'absorption de poivre augmente la sécrétion biliaire et, à long terme, l'activité des

pipérine
1014 ALCALOÏDES

enzymes pancréatiques. Chez la Souris, elle augmente l'activité de la glutathion


transférase. L'huile essentielle et l'extrait éthanolique sont antibactériens, mais non
antifongiques. La pipérine, anti-inflammatoire (Rat), antioxydante et antimutagène in
vitro, est un dépresseur du système nerveux central, un anticonvulsivant (Rat). La
pipérine et certains de ses homologues sont insecticides. Le poivre n'est pas toxique
dans les conditions habituelles de son utilisation dans l'alimentation.

BIBLIOGRAPHIE
Srinivasan, K. (2007). Black pepper and its pungent principle-piperine: a review of diverse physiological
effects, Crit. Rev. Food. Sei. Nutr., 47, 735-748.

Alcaloïdes pipéridiniques
non issus du métabolisme de la lysine

Ces alcaloïdes forment un groupe restreint qui comprend des pipéridines substituées par
une chaîne aliphatique latérale courte (coniine, pinidine) ou longue (carpaïne, cassine,
prosopine). Ces alcaloïdes sont élaborés à partir d'un polyacétate qui incorpore un atome J

d'azote: dans le cas de la conicéine, il y a transamination entre l'alanine et le 5-céto-


octanal formé à partir de l'acide caprique. Cette voie biosynthétique existe d'ailleurs pour
d'autres séries (ex. : alcaloïdes des Himantandraceae) ainsi que chez certains Insectes
(fourmis, coccinelles). L'intérêt thérapeutique de ces alcaloïdes est nul, même si certains
ne sont pas dépourvus de propriétés pharmacologiques (activité amœbicide et
bradycardisante de la carpaïne des feuilles du Carica papaya L.). Certains sont toxiques:
c'est le cas de la coniine et de la conicéine de la grande ciguë.

1. Un certain nombre d'espèces du genre sont employées comme substitut du poivre noir: sauf
exceptions, elles sont consommées sur place et ne font pas l'objet d'exportation. Exemples: P.longum L.
(poivre long du Bengale), mais aussi P. retrofractum Vahl (= P. officinarum [Miq.] e. DC., poivre long
de Java), P. saigonense De. ou encore, en Afrique, le poivre des Aschantis, P. guineense Thonn. et en
Amérique du Sud, P. aduncum L. (cordoncillo), etc.
D'autres ont des propriétés médicinales comme le cubèbe P. cubeba L.f., d'Indonésie, réputé
antiseptique et employé comme tel en aromathérapie, ou encore le matico P. angustifolium Lam., épice
et plante médicinale en Amérique du Sud.
Remarque: divers « poivres » ne sont pas des Piper. Ainsi le poivre de Guinée est une
Annonaceae : Xylopia œthiopica (Dunal) A. Rich., le poivre de Cayenne est un Capsicum (Solanaceae)
et le poivre (ou piment) de la Jamaïque un Pimenta (Myrtaceae). On connaît aussi le poivre d'eau
(Persicaria [Polygonum] hydropiper [L.] Opiz), le poivre du Japon ou du Sichuan dit aussi poivre anisé
(Zanthoxylum spp.), le poivre rose (ou pepper tree : Schinus molle L.), etc. Pour l'anecdote, on connaît
aussi la « poivrette », graine de Nigella saliva L. (Ranunculaceae) également appelée cumin noir...
ALCALOÏDES PIPÉRIDINIQUES 1015

cassine prosopine

o
carpaïne cryptophorine

• GRANDE CIGUË, Conium maculatum L., Apiaceae

Célèbre pour avoir provoqué la mort de Socrate, le fruit de la ciguë a été utilisé
pendant deux millénaires pour ses propriétés antinévralgiques. Si la plante est
actuellement délaissée, il faut rappeler sa toxicité importante, même si les cas
d'empoisonnement chez l'humain sont exceptionnels.
Les principaux alcaloïdes de la ciguë sont la coniine, la conhydrine et leurs dérivés
N-méthylés, la y-conicéine, etc. Le fruit mûr peut renfermer plus de 1,5 % d'alcaloïdes,
surtout de la coniine. Dans les parties végétatives, c'est la y-conicéine qui est
prépondérante, surtout en début de végétation (de plus elle est 6 à 8 fois plus toxique).
La coniine bloque la transmission nerveuse au niveau des ganglions et de la jonction
neuro-musculaire, ce qui entraîne une paralysie musculaire progressive et infine, la
mort par asphyxie. Tous les animaux peuvent être intoxiqués par la plante, mais la
sensibilité au poison varie selon les espèces. Chez les femelles gestantes, la ciguë peut
induire des malformations congénitales.
o

HOJ~~--oH0
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t y-conicéine
Origine de la coniine,

~ ~ a",,~
alcaloïdes de la grande ciguë

1 H
H 0 H OH H

conhydrinone (+)-conhydrine (+)-coniine

BIBLIOGRAPHIE
Bruneton, J, (2005), Grande ciguë. in « Plantes toxiques - Végétaux dangereux pour l'Homme et les
animaux »,3' éd" p, 120-125, Tec & Doc, Paris.
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enantiomers, Chen!. Res. Toxico/" 21, 2061-2064.
Nicotiana tabacum L.
Alcaloïdes dérivés de
l'acide nicotinique

Chez les végétaux, c'est la condensation de l'acide aspartique et du glycéraldéhyde-


phosphate qui conduit, via l'acide quinolinique, à l'acide nicotinique, précurseur de
substances alcaloïdiques : pipéridéines de la noix d'Arec, nicotine, anatabine et
analogues des tabacs, pyridone de la graine de ricin, mais aussi anibine ou dioscorine,
sans oublier la présence de l'acide nicotinique, constitutif des esters de polyols présents
chez certaines Celastraceae.

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OCH 3
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CH 3 -N ~ 1 0 0
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N N 0 N
1

CH 3
analabine dioscorine ricinine anibine

• TABACS, Nicotiana spp., Solanaceae

Les tabacs, N. tabacum L., N. rustica L. et leurs nombreux cultivars, sont cultivés
pour la production de feuilles destinées à être fumées. Plantes toxiques, ils contiennent
des alcaloïdes dont le principal, la nicotine, est utilisable en phytopharmacie; cet
alcaloïde est actuellement proposé dans le traitement de la dépendance tabagique.
Bien que cette plante soit économiquement et socialement d'une grande importance
nous ne mentionnerons ici que quelques points essentiels: l'histoire des tabacs, leur
production marchande (agronomie, traitement, préparation, commercialisation), leur
1018 ALCALOÏDES

toxicité, leur impact sur la santé publique et les réglementations qu'ils ont suscitées font
l'objet d'une multitude d'ouvrages et d'articles auxquels on se reportera utilement.
On rappelera ici que le tabac était - en 1492 - fumé, prisé et chiqué en Amé-
rique, mais également employé comme plante médicinale et au cours de pratiques
magico-religieuses. Initialement utilisé en Europe comme médicament, semé en France
par André THÉVET 1 en 1556, conseillé à Catherine de MÉDICIS par Jean NICOT, il eut un
succès et une diffusion très rapides: prisé, chiqué et, à partir du XVII' siècle, fumé. Les
accusations formulées par certains médecins (déjà, mais il faut dire que son décocté fut
testé en lavements), l'excommunication entraînée par son usage dans les églises (en
1628, soit 364 ans avant l'interdiction de fumer dans les lieux publics en France) et la
création d'un impôt sur le tabac (RICHELIEU, 1629) n'enrayèrent pas la progression de
son usage. L'État comprit alors que son intérêt était sans doute de contrôler ce produit:
le monopole des tabacs naquit en 1674; il résistera trois siècles (à l'origine le privilège
de vente fut affermé par COLBERT à la Compagnie des Indes). Si la consommation de
tabac baisse régulièrement, elle reste considérable: en 2008, 54,4 milliards de cigarettes
ont été vendues en France (contre 80,5 milliards en 2002).

La plante, Ce sont surtout les variétés améliorées de N tabacum qui sont cultivées.
Ce tabac, le grand tabac, est une plante annuelle atteignant 2 m de hauteur, caractérisée
par de très grandes (50-70 x 30-45 cm) feuilles alternes, sessiles ou embrassantes et des
panicules de fleurs à corolle tubuleuse évasée, rosée à rouge carminé,

-C0 2
-2[H] O,"'{)
0..
N
1 H 1
CH 3

acide nicotinique nicotine

0 "",0
~C02H

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N
1 H 1
CH 3 ~..N~ C0 H 2

anabasine acide quinolinique

Composition chimique. Les feuilles de tabac vert sont riches en glucides (40 % :
amidon, pectine, cellulose, sucres solubles), en protéines et en acides organiques (15-
20 %). La teneur en alcaloïdes, très variable, est sous la dépendance des pratiques

l, Si l'Histoire a retenu le nom de J, NICOT, ambassadeur de France au Portugal (nicotine,


Nicotiana), les botanistes ont en partie réparé l'injustice en créant le genre Thevetia (cf hétérosides
cardiotoniques), En tout état de cause, c'est Christophe COLOMB qui a rapporté la plante lors de son
premier voyage,
ALCALOÏDES PYRIDINIQUES 1019

culturales et de la variété mise en culture (2-10 %, plus de 15 % chez certains cultivars


de N. rustica). L'alcaloïde majoritaire est la (S)-(-)-nicotine.
Les autres alcaloïdes des tabacs, très proches structuralement, sont - mais la
composition varie selon l'espèce et la variété considérées - l'anabasine, la nomicotine,
les dérivés N-oxydés de la nicotine, les N-acylnornicotines, la nicotyrine, la myosmine,
l'anabaséine, l'anatabine, etc.
La nicotine est une base forte, volatile. Structuralement, elle comporte une
pyrrolidine et une pyridine, respectivement biosynthétisées à partir de l'omithine via la
putrescine et de l'acide nicotinique. La formation de l'anabasine et des autres analogues
pipéridiniques implique la lysine, via la cadavérine. Comme le montre le schéma ci-
contre, la formation de la nicotine nécessite la condensation du cation N-méthylpyrro-
linium et d'une 1,2-dihydropyridine (énamine). Le produit résultant, décarboxylé, subit
ensuite une oxydation qui régénère le cycle pyridinique.

Pharmacologie. La toxicité immédiate des tabacs est liée à la présence de la


nicotine: la responsabilité de la genèse de cancers incombe aux produits de combustion,
notamment aux nitrosamines formées à partir de la nicotine. À long terme la
responsabilité de la nicotine est engagée dans la genèse d'affections cardiovasculaires et
pulmonaires, autres que tumorales. La dose mortelle de nicotine est voisine de 60 mg
(per os) pour un adulte: la vitesse d'élimination de l'alcaloïde et la tolérance qui
s'installe rapidement expliquent que le fumeur ne soit pas sujet à une intoxication aiguë
et que, seuls, le fumeur débutant ou le non-fumeur dans une atmosphère tabagique
éprouvent un malaise lié à l'action de la nicotine (tachycardie, nausées, etc.). On estime
qu'un fumeur absorbe, par voie pulmonaire, deI à 3 mg des 6 à Il mg de nicotine que
contient, en moyenne, une cigarette; une consommation d'un paquet/jour apporterait
donc de 20 à 50 mg de l'alcaloïde.
Excito-ganglionnaire puis ganglioplégique, la nicotine est facilement absorbée par
les muqueuses et par voie pulmonaire. Elle agit:
- sur le système nerveux central qu'elle stimule en provoquant, si la dose est
suffisante, tremblements et convulsions; elle stimule également centres respiratoires et
centre du vomissement (aux fortes doses il y a paralysie respiratoire);
- au niveau de la musculature lisse intestinale dont elle accroît le tonus et l'activité
motrice;
- au niveau de la jonction neuro-musculaire la phase initiale de stimulation est
brève, elle cède rapidement la place à une phase de blocage;
- au niveau cardiovasculaire, elle induit (par un mécanisme complexe) une
tachycardie, une vasocontriction et une élévation de la pression artérielle.
On peut aussi noter que l'absorption de nicotine peut entraîner des modifications de
l'activité de divers médicaments: inducteur enzymatique, elle abaisse leur taux sanguin.

Évaluation clinique de la nicotine: sevrage tabagique. Une synthèse méthodique


avec méta-analyse portant sur 108 essais comparatifs a montré, en 2001, que le taux de
fumeurs devenus abstinents un an après le début du traitement (associé au moins à des
conseils réguliers) avait été de 18 % avec les gommes à mâcher (51 essais) et de
14 % avec un dispositif trandermique (33 essais) alors que le taux d'abstinents au long
1020 ALCALOÏDES

cours avait été de 10 % en cas de prise de placebo ou d'absence de traitement. Des


données plus récentes (2008,43000 sujets fumant plus de 15 cigarettes par jour)
confirment que la nicotine augmente de façon statistiquement significative les chances
d'arrêter de fumer de 50 à 70 %, mais montrent, entre autres, que la différence
d'efficacité entre les différentes formes n'est pas statistiquement significative, même si
elle est plutôt en faveur des dispositifs transdermiques : gommes, RR = 1,43, (IC95 :
1,33-1,53, 53 essais) ; dispositifs transdermiques, RR = 1,66 (IC95 : 1,53-1,81, 41
essais); toutes formes, RR = 1,58 (IC95 : 1,50-1,66).
L'efficacité ne semble pas être influencée par la durée du traitement (inférieure ou
supérieure à huit semaines). Chez les fumeurs très dépendants, l'augmentation de la
dose (gomme à 4 mg versus 2 mg) augmente les chances de réussite du traitement (ce
qui n'est pas solidement établi dans le cas des dispositifs transdermiques). Selon une
étude britannique, l'efficacité (versus placebo) s'atténuerait avec le temps. Le risque
d'addiction est très faible. L'efficacité reste conditionnée par la motivation du patient et
un soutien psychologique 2.

Emplois. La seule utilisation médicale actuelle de l'alcaloïde est le traitement de la


dépendance à la nicotine, lors du sevrage tabagique. Différentes formes sont
actuellement disponibles en France :
- comprimés sublinguaux à 2 mg;
- comprimés et pastilles à sucer (l, 1,5, 2 ou 4 mg), à sucer en 20 à 30 minutes;
- gommes à mâcher contenant 2 ou 4 mg de nicotine combinée à une résine catio-
nique et tamponnée avec un carbonate (pour améliorer l'absorption de la nicotine base). ,.
Cette formulation permet la libération lente de l'alcaloïde et son absorption perlinguale:
environ 50 % de la nicotine est ainsi absorbée, c'est-à-dire qu'une gomme à 4 mg induit
une nicotinémie voisine de celle obtenue avec une cigarette (moyenne par heure);
- dispositifs transdermiques (patchs). De surface variable (10 à 30 cm 2), ces
dispositifs permettent de libérer 5-7 à 15-21 mg/24 heures de nicotine et d'obtenir, avec
les dispositifs les plus grands, une concentration plasmatique de nicotine équivalente à
celle apportée par une consommation moyenne de 10 cigarettes/jour.
En cas de pathologie cardiovasculaire, d'hypertension artérielle sévère, d'ulcère
gastro-duodénal, de diabète ou d'hyperthyroïdie, un avis médical préalable à la prise de
ces différentes formes est nécessaire.
Si le fumeur chronique est accoutumé, il n'en est pas de même chez le non-fumeur
et l'enfant: il est donc important de ne pas laisser à la portée des plus jeunes les
produits nicotinés, notamment les dispositifs transdermiques, même après utilisation:
un dispositif utilisé peut encore contenir jusqu'à 30 mg de nicotine, beaucoup plus qu'il
n'en faut pour constituer un risque majeur.

Réglementation. Au fil des années, et depuis 1997, des exonérations successives


ont facilité l'accès aux substituts nicotiniques. Sont ainsi exomérés (donc dispensés de
prescription médicale) :

2 Le conseil bref d'un soignant est associé à un taux d'arrêt pendant au moins un an de 6 %
versus 4 % en l'absence de conseil.
ALCALOÏDES PYRIDINIQUES 1021

- les gommes à mâcher contenant jusqu'à 4 mg par gomme;


- les comprimés sub-linguaux contenant jusqu'à 4 mg par unité de prise;
-les cartouches pour inhalation délivrant jusqu'à 10 mg par unité de prise; pour ces
trois formes, et depuis 2005, les quantités maximales autorisées ont été uniformisées à
420 mg par boîte.
- les dispositifs transdermiques délivrant jusqu'à 15 mg de nicotine sur une période
de 16 heures (ou 21 mg sur 24 heures), en boîtes de 28 au maximum.

Utilisation non médicale. La nicotine en tant qu'agoniste des récepteurs


nicotiniques de l'acétylcholine est un insecticide: la dépolarisation membranaire
induite interrompt la conduction nerveuse, provoquant la mort de l'insecte. Elle est
traditionnellement utilisée en phytopharmacie pour lutter contre les pucerons et autres
insectes (jus nicotinés titrés à 10-20 g/l de sulfate de nicotine; extraits concentrés).
Si la nicotine demeure utilisée, sa toxicité importante pour les Mammifères (dont
l'Homme) et son manque de sélectivité en limitent fortement l'emploi. Depuis une
vingtaine d'années, des agonistes sélectifs des récepteurs post-synaptiques de
l'acétylcholine du système nerveux central des insectes, produits par synthèse, ont été
mis au point. Ceux-ci, les néonicotinoïdes, représentent maintenant plus de 15 % du
marché mondial des insecticides. Développés à partir de la nithiazine, ils présentent des
éléments structuraux qui les rapprochent de la nicotine, au moins pour les produits de
première génération, des pyridines substituées par une courte chaîne azotée,
hétérocyclique ou non (imidaclopride, thiaclopride, nitenpyram, etc.). Particulièrement
efficaces, ces produits sont aussi source de polémique, du moins le premier d'entre eux,
l'imidaclopride (Gaucho®) qui pourrait être l'un des facteurs à l'origine de la diminu-
tion actuellement constatée des populations d'abeilles.

Le tabac, une plante toxique. Le passage transdermique aisé de la nicotine - il est


facilité par l'humidité (rosée, sudation) - explique les manifestations cliniques que l'on
observe parfois chez les récolteurs de tabac: vomissements, céphalées, faiblesse
musculaire, éventuellement difficultés respiratoires (<< maladie du tabac vert »). Le
vomissement est le principal symptôme qui caractérise le début d'intoxication
consécutif à l'ingestion, par l'enfant, de mégots ou de fragments de cigarettes .

• ARÉQUIER, Areca catechu L., Arecaceae (ex Palmae)

La graine de ce palmier, connue sous le nom de noix d'Arec, entre dans la


composition de la chique de bétel, masticatoire couramment employé en Inde et dans le
sud-est asiatique où il est très cultivé (Inde, Bangladesh). En 2003, la chique de bétel, et
de noix d'arec, avec ou sans tabac, a été déclarée cancérogène pour l'Homme par
l'IARC (International Agency for Research and Cancer).

La graine, origine et composition. L'aréquier est un palmier à stipe élancé terminé


par un bouquet de feuilles penninerves. Le fruit est une drupe fibreuse, rouge à
maturité, mono-séminée. L'arbre est largement cultivé, de l'Inde et du Sri Lanka
1022 ALCALOÏDES

jusqu'au sud de la Chine et aux Philippines, ainsi qu'en Malaisie et en Indonésie; il est
également présent dans l'est de l'Afrique (Tanzanie). La graine, masse dure ovoïde de 2
cm de diamètre et de couleur brun cannelle, peut être consommée fraîche ou après
traitement dans l'eau bouillante ou bien encore après séchage précédé ou non d'un
découpage. C'est parfois le fruit frais, entier, qui est utilisé (Taïwan).
Chimiquement, la graine contient 50-60 % de glucides, 15 % de lipides, des flavan-
3-01s et des tanins condensés et 0,2-0,5 % d'alcaloïdes: arécoline, arécaïdine, guvacine
(= acide tétrahydronicotinique), guvacoline. Le fruit vert, entier, est particulièrement
riche en substances phénoliques : tanins condensés (9 % de la masse sèche), tanins
hydrolysables (7 %), flavanes (8,4 %) et phénols simples (5,6 %).

Pharmacologie. L'arécoline est un parasympathomimétique, agoniste au niveau des


récepteurs muscariniques puis, lorsque la dose augmente, à celui des récepteurs
nicotiniques. Il en résulte des actions multiples: vasodilatation, hypotension et
tachycardie réflexe aux faibles doses, stimulation du tonus et du péristaltisme intestinal,
augmentation des sécrétions (hypersalivation, sudation), myosis, contraction vésicale.
Connue et utilisée comme trenicide par les médecines orientales, la noix d'arec a été
utilisée à ce titre, surtout en médecine vétérinaire.

Utilisation. Sans doute originaire de Malaisie (Penang), l'habitude de mastiquer le


bétel s'inscrit dans des pratiques sociales, religieuses et culturelles très anciennes. Elle
est attestée il y a plus de deux millénaires en Chine et en Inde, pays ou l'arec est par
ailleurs paré de nombreuses vertus thérapeutiques par la médecine ayurvédique. La,
« chique de bétel» traditionnelle est une composition parfois complexe: la noix d'arec!
coupée, additionnée d'un agent alcalinisant (chaux, coquillages ou coraux calcinés, j
cendre végétale), est enroulée dans une feuille de bétel (Piper betle L., Piperaceae). '1
De fait, pour faciliter l'exportation, des formes fabriquées industriellement en Inde 1
ne comportent plus de feuille de bétel, périssable, mais uniquement de la noix d'arec et
de la chaux: poudre en vrac, sachets, etc. (pan masala, guthka). On ajoute généralement j
à la préparation du cachou et des épices ou des aromatisants artificiels, voire des i
édulcorants (pan masala); on peut aussi ajouter à ce mélange du tabac (guthka). Ces !
formes, faciles d'accès, présentées à tort comme inoffensives (sans tabac) et socialement j
bien acceptées, ont considérablement augmenté le nombre de consommateurs, YÎ
compris des jeunes adolescents. Cela est vrai dans les pays d'origine (Inde, Sud-Est 'l1
asiatique, etc.), mais aussi en dehors de ceux-ci, par exemple au Royaume-Uni, aux!
États-Unis d'Amérique ou en Australie, où ils sont surtout employés dans les)
ri
communautés migrantes venant d'Asie. Certains états de l'Inde tentent, depuis 2001, de 'l
limiter la consommation de ces produits (en particulier par l'interdiction du guthka) l
Réputée psychoactive, la chique de bétel serait utilisée par 600 millions del
personnes dans le monde auxquelles elle apporterait sensation de bien-être et de plus ~
grande capacité à agir. Son usage colore la cavité buccale en rouge et le mâcheur crache •. j":,.l

fréquemment une salive également colorée en rouge par les produits d'oydation des
polyphénols contenus dans la noix d'arec. Chez les mâcheurs invétérés, gencives et
d"," ,e colorent en muge VITant au nOIT avec le temp'o 1
ALCALOÏDES PYRIDINIQUES 1023

Cancérogénicité. L'usage de la chique de bétel peut provoquer l'apparition d'une


fibrose submuqueuse des tissus de la bouche et de l'oropharynx qui, dans un stade
ultime, constitue un obstacle à la déglutition aussi bien qu'à la parole. L'apparition de
cancers de la bouche, du pharynx et de l'œsophage est corrélée avec l'usage régulier du
bétel et, fréquemment, avec la fibrose submuqueuse qui constitue une lésion pré-
cancéreuse. La cancérisation pourrait être liée à l'alcalinité, aux tanins et/ou aux N-
nitrosamines cytotoxiques et génotoxiques formées à partir des alcaloïdes de la noix
d'arec, en particulier le 3-(N-nitrosométhylamino)-propionaldéhyde (NMPA) qui, sur
des cellules de l'épithélium buccal en culture in vitro, provoque des altérations de la
morphologie, de la croissance et de la différenciation cellulaire et induit des altérations
de l'ADN. La consommation de tabac étant fréquemment associée à celle du bétel, le
potentiel cancérogène de la chique de bétel s'en trouve augmenté.
Alors que certains considèrent ces produits sans tabac comme une alternative sans
danger au tabac, l'épidémiologie montre que leur consommation est dangereuse. Dans
certaines zones géographiques, le triplement (en une vingtaine d'années) de l'incidence
du cancer buccal coïncide avec la très forte augmentation de la consommation de la
chique de bétel sans tabac (Taïwan).

BIBLIOGRAPHIE

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Chelidonium majus L.
ALCALOïDES
dérivés
de la phénylalanine et de la
tyrosine

GÉNÉRALITÉS

Un très grand nombre de structures alcaloïdiques sont issues du métabolisme des acides
aminés aromatiques et, en première approximation, il s'agit presque toujours
d'alcaloïdes isoquinoléiques. En effet, nous ne prenons pas ici en considération des
structures comme celle de l'halfordinol ou de l'annuloline, oxazoles issus de la
cyclisation interne de cinnamamides, comme celle de la withasomnine, dérivé pyrazolé
rare, ou comme celles des dicétopipérazines qui sont des mycotoxines.
En ce qui concerne les alcaloïdes élaborés à partir de plusieurs acides aminés, ils
seront préférentiellement - et arbitrairement - considérés comme des dérivés de ces
autres précurseurs azotés: c'est le cas des phénanthroindolizidines des Tylophora 1 et
autres Asclepiadaceae formés à partir de l'ornithine, c'est aussi celui de la sécurinine (un

~C02H

sécurinine
Ho,,,,~o,H H
indicaxanthine

1. Les phénanthroindolizidines ont des propriétés anti-amibiennes et sont actives contre les
Candida. La tylophorine, extraite d'une plante traditionnellement utilisée en Inde (Tylophora
asthmatica Wight. & Am. (Asc1epiadaceae), a été testée dans le traitement de l'asthme, mais se révèle
être toxique. Des alcaloïdes du même type sont présents chez les Vincetoxicum.
1026 ALCALOÏDES

antagoniste de l'acide gamma-aminobutyrique-A) et de ses dérivés dans le métabolisme


desquels interviennent lysine et Li'-pipéridéine.
D'autres substances - les bétalaïnes -, biosynthétiquement élaborées à partir de la
phénylalanine et de la tyrosine, ne sont habituellement pas considérées comme des
alcaloïdes: elles ne seront donc pas envisagées dans ce chapitre (cf. p. 247).
Pour des raisons de commodité, nous incluons ici certaines amines aromatiques
comme l'éphédrine ou la mescaline, suivant en cela la plupart des auteurs: elles ne
répondent pas strictement à la définition des alcaloïdes, mais sont habituellement
considérées comme tels. De plus, elles sont souvent présentes dans des plantes qui,
simultanément, renferment des alcaloïdes vrais dont elles sont les précurseurs (ex. :
peyotl).
Les alcaloïdes dérivés de la phénylalanine et de la tyrosine qui retiendront notre
attention sont donc des composés dont le motif structural de base est l'isoquinoléine ou,
beaucoup plus fréquemment, la 1,2,3,4-tétrahydroisoquinoléine.
Biosynthétiquement, ces structures proviennent de la réaction du produit de
décarboxylation de l'acide aminé (phényléthylamine, tyramine) ou de l'un de ses
homologues (dopamine) avec une autre molécule qui est, le plus souvent, une deuxième
molécule d'acide aminé sous sa forme désaminée (aldéhyde ou équivalent, c'est-à-dire
un a-céto-acide). Plus rarement, une unité isoprénique peut intervenir dans le processus
biosynthétique : c'est en particulier le cas chez les Rubiaceae (Psychotria).
Nous distinguerons, en dehors des phénéthylamines, cinq groupes d'alcaloïdes
principaux et ce en fonction de la nature du ou des précurseurs qui réagissent avec
l'acide aminé aromatique pour former la structure finale.

1. Tétrahydroisoquinoléines 2 simples

C'est ici l'acide pyruvique ou la leucine qui réagit avec l'arylalkylamine issue de la
décarboxylation de l'acide aminé aromatique pour former une l-alkyltétrahydro-
isoquinoléine. La réaction avec le formaldéhyde (ou son équivalent) conduit à une
tétrahydroisoquinoléine. Ces tétrahydroisoquinoléines sont relativement rares: on les
trouve surtout chez les Caryophyllales : Cactaceae (Lophocereus, Pachycereus,

2. On exclut ici les alcaloïdes naphtylisoquinoléiques. Ces alcaloïdes, présents chez les
Ancistroc1adaceae et les Dionchophyllaceae (Ancistrocladus, Triphyophyllum, Dionchophyllum) sont
biosynthétiquement formés à partir de l'acétate via un poly-~-cétoester. Plusieurs naphtylisoquino-
léines inhibent fortement la croissance de Protozaoires (Plasmodium, leishmanies et trypanosomes).
Cf. : Bringmann, G., (2003). From tropicallianas to novel antiplasmodial agents: the naphthylisoquinoline
alkaloids, in « Drugs against parasitic diseases " R&D methodologies and issues. Discoveries and drug
development» (Fairlamb, AH., Ridley, R.G. et Vial, H., éds.), pp. 145-152. WHO, Genève (en ligne sur le
site de l'université de Dundee: www.personal.dundee.ac.ukJ-ahfairla/R026%20full.pdf).
On note que d'autres naphtylisoquinoléines, les michellamines A-F (dimères atropoisomères),
inhibent complètement l'effet cytopathique du HIV-l et du HIV-2 à l'égard de cellules lymphoïdes
humaines in vitro. Les michellamines agissent en inhibant la transcriptase-inverse et, plus tardivement,
en inhibant la formation du syncitium. Cf. : McMahon, J.B., Currens, MJ., Gulakowski, RJ. et al. (1995).
Michellamine B, a nove! plant alkaloid, inhibits human immunodeficiency virus-induced cell killing by at
least two distinct mechanisms, Antimicrob. Agents Chemother., 39, 484-488.
ISOQUINOLÉINES 1027

Lophophora, Dolichotele, etc.) ou Chenopodiaceae (Salsola). On en trouve aussi chez


certaines Fabaceae (Desmodium, Mucuna). Elles sont également présentes chez la
plupart des espèces connues pour élaborer des benzyltétrahydroisoquinoléines : qu'il
s'agisse d'isoquinolones, d'isoquinoléines ou de tétrahydroisoquinoléines, il est
vraisemblable que, dans la majorité des cas, elles sont formées (secondairement) par
oxydation des benzyltétrahydroisoquinoléines.

xy~
~ 1 N ~ 1 N
"'- "'-

phénéthylamines tétrahydroisoquinoléines simples


+ Ct, C2 ou Cs

~
C02H (HO)~

(HO)
~ 1 NH
2
---1
(Ho)N ~m2
phénylalanine
tyrosine

!
benzyltétrahydro-
bétalaïnes isoquinoléines

O-Glc

alcaloïdes
phénéthylisoquinoléines isoquinoléino-
monoterpéniques
t
'/-I
W
tropolones o
alcaloïdes des
Amaryllidaceae
XLl?
Pour plus de clarté, les substituants sont volontairement Principaux types d'alcaloïcles isoquinoléiques
omis (H ou CH 3 sur l'azote; OH, OCH 3, O-CHZ-0, ou
H sur les carbones aromatiques)
1028 ALCALOÏDES

2. Benzyltétrahydroisoquinoléines (voir tableaux p. 1044-1045)

Caractérisé par un enchaînement C6C 2 -N-C 2C 6 , c'est le sous-groupe le plus


important numériquement (plus de 2500 composés décrits), mais aussi par sa variété
structurale et sa richesse en potentialités pharmacologiques. L'enchaînement de base
résulte de la réaction de l'arylalkylamine avec un deuxième acide aminé, la tyrosine.
Les différents alcaloïdes de ce sous-groupe sont caractéristiques d'un certain nombre de
familles de l'ordre des Magnoliales (sensu Cronquist), des Laurales ou des Papaverales
(Annonaceae, Magnoliaceae, Lauraceae, Monimiaceae, Papaveraceae, Fumariaceae,
etc.). Ils sont également présents chez plusieurs familles de Ranunculales (Berberi-
daceae, Menispermaceae, Ranunculaceae, etc.) ainsi que plus sporadiquement dans
d'autres familles (Euphorbiaceae, Fabaceae).

3. Phénéthylisoquinoléines

Ici, et comme précédemment, c'est une deuxième molécule d'acide aminé


aromatique qui participe à l'élaboration d'un enchaînement C6C2 -N-C 3C6 mais cette
fois sous la forme d'un acide phénylpropanoïque (ex. : un acide cinnamique).
Homologues des précédents - phénéthylisoquinoléines, bisphénéthylisoquinoléines,
homoaporphines, homomorphinanediénones, homoérythrinanes, dibenz[d,f] azé-
cines - ou réarrangés en tropolones (cf. colchique), ils sont assez spécifiques de la
famille des Colchicaceae (Androcymbium, Bulbocodium [Colchicum], Gloriosa,
Kreysigia [Schelhammera], etc.).

4. Alcaloïdes des Amaryllidaceae

Là encore, deux molécules d'acides aminés aromatiques sont nécessaires à la 1

formation des alcaloïdes, mais l'une des deux perd un atome de carbone pour former un
enchaînement C6C 2 -N -C]C 6 qui n'existe que dans cette seule famille botanique
(Clivia, Crinum, Galanthus, Haemanthus, Leucojum, Sprekelia, Sternbergia, etc.).

5. Alcaloïdes isoquinoléino-monoterpéniques

Ces composés incorporent une unité monoterpénique, le sécologanoside, selon un


processus qui les rapproche des alcaloïdes indolo-monoterpéniques; ils sont d'ailleurs
présents chez certaines espèces de Rubiaceae, famille par ailleurs connue pour sa
capacité à former, à partir de ce séco-iridoïde, des structures alcaloïdiques très variées
(voir p. 1113).
Le tableau de la page précédente résume les différentes possibilités de formation
d'alcaloïdes à partir de la phénylalanine ou de la tyrosine.
Phénéthylamines

1. Introduction ....................................................................................................................... 1029


2. Plantes à phénéthylamines ................................................................................................ 1030
éphédras .................................................................................................................... 1030
khat ........................................................................................................................... 1034
3. Bibliographie ..................................................................................................................... 1036

1. INTRODUCTION

Les phénéthylamines sont présentes dans de très nombreux végétaux. Certaines sont
spécifiques (éphédrine, mescaline, cathinone) et ont des propriétés pharmacologiques
marquées, d'autres sont des produits habituels du métabolisme des acides aminés
aromatiques: tyramine, phényléthylamine. Si la concentration de ces produits de
décarboxylation dans les plantes alimentaires ou médicinales est en général trop faible
pour induire des manifestations néfastes, elle est parfois suffisante pour jouer un rôle
dans la survenue d'épisodes migraineux. Analogues structutaux des catécholamines
(adrénaline, noradrénaline), les phénéthylamines végétales développent des propriétés
pharmacologiques voisines.
Les effets de ces phénéthylamines - en particulier de la tyramine - peuvent
devenir graves chez les patients traités par les IMAO : la tyramine n'est plus
métabolisée au niveau intestinal et hépatique, il y a alors un risque de poussée
hypertensive. Il conviendra donc, chez ces personnes, d'être attentif à l'emploi de
certaines plantes ou parties de plantes riches en tyramine et substances apparentées
(ex. : les fleurs du genêt à balais), voire à celui de certains légumes (avocat, choux,
concombre, épinard) et de certains aliments élaborés (fromages).
1030 ALCALOÏDES

2. PLANTES À PHÉNÉTHYLAMINES

• ÉPHÉDRAS , Ephedra spp., Ephedraceae

Si l' éphédrine fait l'objet de monographies à la 6' édition de la Pharmacopée


européenne (éphédrine anhydre et hémihydratée, chlorhydrates de (-)-éphédrine et du
racémique), l'éphédra n'est plus décrit par la plupart des pharmacopées depuis
longtemps. Seule l'éphédrine, d'extraction ou synthétique, conserve quelques emplois.

Les plantes. Les éphédras sont des sous-arbrisseaux dioïques à port de prêles à
rameaux grêles, anguleux et striés. Leurs feuilles sont réduites à des écailles mem-
braneuses. Les fleurs femelles, réduites à l'ovule, sont entourées de bractées rouges et
charnues à maturité. Les fleurs mâles sont groupées en châtons jaunâtres.
Les espèces qui renferment des quantités notables d'alcaloïdes sont pour la plupart
asiatiques: E. equisetina Bunge et E. sinica Stapf de Chine, E. intermedia Schrenk &
C.A. Meyer et E. gerardiana Wal. ex Stapf de l'Inde et du Pakistan. Une dizaine
d'espèces sont présentes en Amérique du Nord: c'est le cas du thé des Mormons,
E. nevadensis S. Watson. En Europe, le genre est peu représenté (E. major Host.,
E. procera Fisch. & C.A. Meyer, E. campylopoda C.A. Meyer ou encore E. distachya
L. des côtes atlantiques [raisin de mer]) et, à l'exception de E. major, la plupart de ces
espèces, comme d'ailleurs les espèces nord-américaines, auraient une teneur en
alcaloïdes nulle ou négligeable.

Composition chimique. Si l'on a identifié dans la plante des flavonoïdes et des ,i


proanthocyanidols, ce sont surtout les substances azotées - des protoalcaloïdes - qui ,
retiennent l'attention. Ce sont des dérivés de type phénéthylamine et leur teneur,
variable en fonction de l'espèce, peut dépasser 2 %. Le constituant majoritaire est
presque toujours la (-)-éphédrine qui représente de 40 à 90 % des alcaloïdes totaux.
Cette (-)-éphédrine - c'est le (lR,2S)-1-phényl-2-méthylamino-propan-l-ol - est
accompagnée de (+)-pseudoéphédrine (de configuration IS, 2S) ainsi que des dérivés

~
"
en,
c:/'
en'1
H OH

CH 3
NH-CH3
""'H c:/'
~
1
H pH

CH 3
NH-CH 3
""'H

(-)-éphédrine (+)-pseudoéphédrine éphédroxane D-amphétamine

a:
~
1
OH

CH 3CO-SCoA

;dl
/'
l
H OH

'<" 0_ _ _ _
CH 3NH 2
en'"
c:/'

~
H OH

l ' ' ' ' HNH-CH


CH3
3

Saccharomyces sp,
PHÉNÉTHYLAMINES 1031

nor et N,N-diméthyl correspondants. Tous les éphédras orientaux contiennent des


alcaloïdes, mais leur teneur varie grandement selon l'espèce: E. sinica (l,3 %),
E. equisetina (2,2 %), E. monosperma (2,8 %), E. intermedia (1,1-1,6 %). L'éphédrine
est habituellement majoritaire, sauf chez E. intermedia chez laquelle domine la
pseudoéphédrine. La plante renferme également de très faibles quantités de dérivés
cyclisés: 5-phényloxazolidines et éphédroxane (une 3,4-diméthyl-5-phényloxa-
zolidone). Les rameaux d'éphédra renferment aussi de faibles quantités d'un alcaloïde
dérivé de la spermidine, l'orantine, dont la structure est très proche de celle des dérivés
macrocycliques décrits dans les organes souterrains de certaines espèces du genre.
Les racines de plusieurs espèces renferment un dérivé imidazolique (la féruloyl-
histamine), des macrocycles alcaloïdiques dérivés de la spermine (les éphédradines A-
D) et des flavonoïdes dimères: bisflavanols (mahuannines) et flavano-flavonols.

Pharmacologie. L' éphédrine est un sympathomimétique indirect. Structuralement


très proche de l'adrénaline, elle provoque la libération des catécholamines endogènes
des fibres sympathiques post-ganglionnaires. Elle stimule l'automatisme cardiaque et
exerce une activité inotrope positive; l'action sur le myocarde et la vasoconstriction
périphérique entraînent une élévation de la pression artérielle. L'éphédrine accélère les
mouvements respiratoires et augmente leur intensité; elle est bronchodilatatrice et
stimulante du centre respiratoire bulbaire; elle affaiblit les capacités contractiles de la
vessie. Difficilement dégradée, elle est utilisable par voie orale et son action est plus
durable que celle de l'adrénaline. Bien résorbée, fortement lipophile, l'éphédrine
franchit la barrière hémato-encéphalique et, libérant les médiateurs au niveau central,
induit une action psychostimulante de type amphétaminique : stimulation de l'attention
et de la capacité de concentration, diminution de la sensation de fatigue et du besoin de
sommeil, etc. L'éphédrine peut provoquer céphalées, angoisse, tremblements, insomnie
ct troubles psychotiques. L'éphédrine induit un phénomène de tachyphylaxie, c'est-à-
dire à une disparition rapide des effets lors d'administrations répétées.

Évaluation clinique, toxicité, effets indésirables. L'intérêt des décongestionnants à


base d'alcaloïdes de l'éphédra utilisés en oto-rhino-laryngologie par voie générale n'est
pas solidement établi. Par administration locale, ils améliorent temporairement et
modestement quelques symptômes du rhume, non sans risque (voir ci-après). Les
compléments alimentaires à base d'éphédra ou d'éphédrine, énergisants, anorexigènes,
stimulants de la thermogénèse, ont été jusqu'à une date récente utilisés comme produits
amaigrissants et pour améliorer les performances athlétiques. En 2003, une méta-analyse
des essais cliniques randomisés, en double aveugle, versus placebo et d'une durée
supérieure à huit semaines a montré que l'éphédrine (5 essais), le mélange éphédrine-
caféine (12 essais), l'éphédra (1 essai) et le mélange d'éphédra et de plantes à caféine
(4 essais) ont un effet sur la perte de poids à court terme supérieur à celui du placebo, de
manière statistiquement significative. Cette différence est modeste, variant en moyenne
de 600 g à 1 kg/mois. Il n'existe pas de donnée sur l'efficacité à long terme. La
stimulation de l'activité physique n'est pas justifiée par des preuves suffisantes.
Si le bénéfice est modeste (à court terme), le risque encouru est certain, fréquent, et
parfois mortel. L'analyse des rapports d'essais cliniques et de centaines d'observations
1032 ALCALOÏDES

montre que les préparations à base d'éphédra peuvent provoquer des accidents
cardiovasculaires (infarctus), des accidents vasculaires cérébraux, des troubles
psychiatriques, etc. Plusieurs dizaines de décès et d'accidents cardiovasculaires graves
ont été recensés juqu'en 2002, notamment en Amérique du Nord.
Les préparations à base d'éphédrine ou de pseudoéphédrine utilisées en pulvérisation
nasale comme décongestionnant exposent à des effets indésirables graves, en particulier
chez l'enfant. L'association de ces décongestionnants à des sympathomimétiques par la
même voie ou par deux voies différentes (orale et nasale) expose à un risque d'accident
vasculaire grave.

Emplois des éphédras. Les éphédras ne figurent pas à l'annexe 1 de la Note


explicative de l'Agence du médicament (1998). En Allemagne, la monographie établie
par la Commission E du BfArM en 1991 précisait que l'éphédra est utilisé en cas de
maladies respiratoires avec bronchospasme modéré, chez l'adulte et l'enfant de plus de
six ans. Contre-indications: anxiété, hypertension artérielle, glaucome, adénome
prostatique avec résidu vésical, pheochromocytome. Interactions médicamenteuses
avec les cardiotoniques, l'halothane, la guanéthidine, les IMAO et les alcaloïdes de
l'ergot de seigle. La posologie préconisée par voie orale doit correspondre à
l'équivalent de 15 à 30 mg d'éphédrine par jour chez l'adulte (300 mg maximum par
jour). L'usage doit être limité dans le temps (tachyphylaxie et risque addictif). La
médecine chinoise utilise les rameaux d'éphédra (ma huang), notamment en cas
d'asthme, d'allergie respiratoire, etc.

Réglementation. L'importation, la préparation, la prescription et la délivrance des


préparations magistrales officinales et hospitalières contenant de l'éphédra ou de •
l'éphédrine est interdite en France depuis le 22 octobre 2003 (y compris les -Ji
préparations homéopathiques de dilution inférieures à 5CH). Des interdictions et/ou des
législations contraignantes ont été prises dans la plupart des pays européens et en
Amérique du Nord.

Obtention de l'éphédrine. L'éphédrine peut être extraite des éphédras. Elle peut
aussi être obtenue par synthèse. Par exemple par une conversion biologique du
benzaldéhyde en (R)-I-phényl-l-hydroxy-2-propanone (= L-phényl-acéty1carbinol) par
une levure (Saccharomyces sp.). Le carbinol est ensuite traité par la méthylamine.

Emplois de l'éphédrine. L'éphédrine (chlorhydrate, 0,3%) reste disponible en


seringues pré-remplies (voie IV) pour l'usage hospitalier. Elle est indiquée dans
l'hypotension au cours de l'anesthésie générale et de l'anesthésie loco-régionale,
qu'elle soit rachidienne ou péridurale et pratiquée pour un acte chirurgical ou
obstétrical, ainsi que dans le traitement préventif de l'hypotension au cours de
l'anesthésie rachidienne pour un acte chirurgical ou obstétrical (médicament de,
première intention).
Le chlorhydrate d'éphédrine n'est plus utilisé dans l'asthme à dyspnée paroxystique.
Les solutions pour pulvérisation ou instillations nasales proposées dans le traitement
local antiseptique et vasoconstricteur des états congestifs aigus au cours des rhinites,
PHÉNÉTHYLAMINES 1033

sinusites et rhinopharyngites ont pratiquement toutes été retirées du marché français


Elles ne doivent pas être utilisées chez l'enfant; elles sont également contre-indiquées
en cas d'hypertension artérielle, d'insuffisance coronarienne, d'antécédents d'accident
vasculaire cérébral ou de convulsions, de risque de glaucome par fermeture de l'angle,
de risque de rétention urinaire. Déconseillées chez la femme enceinte ou allaitante. Ne
pas associer aux sympathomimétiques, aux IMAO et aux médicaments susceptibles
d'abaisser le seuil épileptogène, etc. Eu égard au caractère mineur de la
symptomatologie des rhinites, la balance bénéfices-risques de l'éphédrine apparaît
comme négative dans cette indication.
Il est par ailleurs possible de transformer chimiquement l'éphédrine et la
pseudoéphédrine en métamphétamine, un produit illégal (ice, crystal, etc.), d'où
l'existence de détournements de ce précurseur. Ainsi (exemples) près de 7 tonnes
d'éphédrine ont été saisies en 2006 dans une trentaine de pays et, la même année, les
Pays-Bas ont saisi 94 tonnes d'éphédra. Très récemment, des contrôles renforcés ont,
semble-t-il, limité fortement les possibilités de détournement de l'éphédra (pour des
détails, voir: OIeS, www.incb.org/pdf/precursors-reportl 2007 /fr/precursors-report-2007 .pdf).
Administrée par voie parentérale, l'éphédrine est inscrite sur la liste 1 des substances
vénéneuses. L'éphédrine administrée par une autre voie est inscrite sur la liste II.
Exonération pour une concentration maximale de 5% en poids ou une dose maximale
d'éphédrine par unité de prise de 0,100 g et une quantité maximale d'éphédrine remise
au public de 1 g, sauf pour les aérosols et les préparations pour la voie nasale et
rhinopharyngée.
L'éphédrine est interdite par le Code mondial antidopage 1 quand sa concentration
dans l'urine dépasse 10 f.ll/ml.

Emplois de la pseudoéphédrine. Le chlorhydrate de pseudoéphédrine, seul ou


associé (à l'ibuprofène, au paracétamol, à la cétirizine et/ou la triprolidine), entre pour sa
part dans la composition de formes destinées au traitement symptomatique de la
congestion nasale au cours des affections rhinopharyngées aiguës. Ces produits sont
contre-indiqués chez l'enfant, ainsi qu'en cas de prise d'IMAO. Ils sont à éviter chez la
femme enceinte ou qui allaite. L'hypertension ou les troubles mictionnels doivent inciter
à une utilisation prudente. La pseudoéphédrine, assez peu toxique, peut malgré tout
entraîner des effets indésirables parfois graves et disproportionnés: sécheresse buccale,
insomnie, sueurs, anxiété, troubles neuropsychiques et cardiovasculaires. Certains pays
ont mis en place des réglementations encadrant la délivrance des médicaments à base de
pseudoéphédrine. En France, cette substance n'est pas soumise à la réglementation des
substances vénéneuses, mais la Commission nationale des stupéfiants et des
psychotropes s'est prononcée en faveur de l'interdiction de mettre les médicaments
d'automédication contenant de la pseudoéphédrine en accès libre dans les pharmacies
(06-2008). La pseudoéphédrine n'est plus considérée par le Code mondial antidopage

1. Les autres substances naturelles interdites par le Code 2009 sont la cathine (5 J..ll/ml dans
l'urine), la cocaïne, la strychnine, la morphine et les cannabinoïdes. Sont également interdits (par voie
intraveineuse) le dextran et le mannitol (produits de masquage). La caféine et la synéphrine sont,
comme la pseudoépéhédrine, inscrites dans le programme de surveillance de la prévalence d'usage.
1034 ALCALOÏDES

comme une substance interdite, mais est inscrite sur le programme de surveillance 2009
(pour en déterminer la prévalence d'usage), cf http://www.wada-ama.org/fr/prohibitedlist.ch2

.KHAT, Catha edulis (Vahl) Forssk. ex Endl., Celastraceae

Le khat (ou cath, chat,jat, tschatt, etc.) est un arbuste dont la taille, modeste dans les
zones arides (1-2 m), peut atteindre 10 m et plus en zone tropicale. Les feuilles, très
polymorphes, sont persistantes. Également dénommé thé des Abyssins, il serait
originaire de la come de l'Afrique (mais certains pensent qu'il est originaire du Yémen).
Reproduit habituellement par voie végétative, il est cultivé dans le sud-est de la
péninsule arabique (Ta'izz, Yémen), en Somalie, au Soudan, en Éthiopie (Harrar) et
jusqu'au Kenya (district de Meru) et à Madagascar. Les feuilles des extrémités des
branches sont récoltées le matin et soigneusement emballées (feuilles de bananier,
papier humide, plastique) pour éviter le séchage et le flétrissement.

Composition chimique. Chimiquement, la feuille renferme des flavonoïdes, de


l'huile essentielle, des stérols, des triterpènes, des tanins, des polyesters complexes de
dihydroagarofuranes polyhydroxylés (cathédulines) et des arylalkylamines (les
khatamines) responsables de l'activité de la feuille. Dans la feuille jeune et fraîche, le
constituant majoritaire est la cathinone, c'est-à-dire la (S)-a-aminopropiophénone. Dans
la feuille sèche et dans la feuille âgée, cette (-)-cathinone est convertie par réduction en
un mélange 80-20 de (lS,2S)-(+)-norpseudoéphédrine (cathine) et de (lR,3S)-(-)-
noréphédrine. La feuille fraîche provenant du nord du Kenya contient également des
phénylpenténylamines, homologues en C6-CS de ces phénylpropylamines: (3R,4s)-(+)- -J"

merucathine, (S)-(+)-merucathinone, (3SAS)-(-)-pseudomerucathine. La teneur en '


phénylpropylamines, maximale dans les jeunes poussses, semble dépendre de l'origine
géographique: la teneur en cathinone varie de 8 à 340 mg/lOO g selon le lieu de
cueillette. Des variations tout aussi importantes ont été observées dans le cas de la
noréphédrine et de la norpseudoéphédrine.
Les cathédulines (KI, K2, Ks, ... EI-6, etc.) sont des molécules complexes dont la
structure varie en fonction de l'origine géographique de la feuille. Leur masse molécu-

(-)-cathinone (+)-norpseudoéphédrine
:;?lYyo 0

~ 1 ~H 0
~ CH 3 ~ 1

merucathine D-amphétamine cathéduline E2 ~


PHÉNÉTHYLAMINES 1035

laire est comprise, selon la nature des acides estérifiant le sesquiterpène polyhydroxylé,
entre 600 et 1200. Structuralement, elles sont très proches des constituants à compor-
tement alcaloïdique présents chez les fusains et chez certaines espèces de May tenus .

Pharmacologie, toxicité. Pharmacologiquement, la (-)-cathinone a une activité


qualitativement tout à fait comparable à celle de la D-amphétamine : anorexigène,
hyperthermisante, stimulante de la respiration, mydriatique, tachycardisante et
arythmisante, hypertensive, etc. Cette amine induit la libération des catécholamines de
leur sites de stockage. Les effets sur le système nerveux central sont en partie
dépendants de l'environnement du sujet; ils sont surtout marqués par une sensation
subjective et euphorisante d'énergie accrue, de bien-être, de confiance en soi, d'acuité
intellectuelle et de facilité d'idéation. Objectivement, on peut constater une légère
euphorie chez un sujet loquace et parfois hyperactif. Tardivement, des effets
indésirables peuvent apparaître: insomnies, nervosité, cauchemars. Exceptionnel-
lement, le khat peut induire une psychose toxique, sans doute par potentialisation d'une
situation pré-psychotique. On observe alors une dépression réactionnelle, voire une
symptomatologie shizophréniforme ou paranoïde. La consommation régulière de khat
augmente le risque d'accident cardiovasculaire.
La consommation de khat induit une dépendance psychique modérée, mais
fréquente - l'usage devient compulsif. En revanche, elle n'engendre ni dépendance
physique, ni tolérance (au moins aux effets centraux) bien que l'on puisse parfois noter
un syndrome d'abstinence chez les gros consommateurs. La présence de tanins dans la
feuille serait en partie à l'origine de la constipation observée chez les utilisateurs
réguliers.

Utilisation du khat. Les feuilles fraîches - elles sont généralement vendues dans
les 24 heures qui suivent leur récolte - constituent un masticatoire connu et utilisé
pour ses propriétés stimulantes. Dans des pays comme le Yemen, l'usage du khat
constitue une pratique culturelle très ancienne qui, en accompagnant différents
événements de la vie sociale, participait au renforcement des liens sociaux. Dans
d'autres pays, la consommation vise principalement à rechercher les effets
pharmacologiques des alcaloïdes (utilisation comme coupe-faim et/ou pour réduire la
sensation de fatigue, etc.). Traditionnellement, les feuilles (50 à 200 g) sont mâchées,
une à une, conservées un temps dans la bouche puis, le plus souvent, recrachées.
Les estimations les plus récentes (2002, 2006) fixent le nombre d'usagers réguliers
à plus de 20 millions de personnes (nord-est de l'Afrique, Yemen). Son usage,
officiellement interdit dans certains états, est plus ou moins toléré dans d'autres. Parfois,
il contribue massivement à l'économie nationale (Ethiopie). Le khat fait l'objet d'une
exportation aérienne vers les grandes métropoles occidentales, essentiellement à
destination des communautés émigrées.
L'emploi du khat pose, dans la mesure où il a très souvent débordé le cadre des
traditions socio-culturelles, des problèmes socio-économiques importants liés aussi
bien à la malnutrition que peut entraîner la mastication (et à ses conséquences en termes
de santé publique) qu'à l'induction de comportements axés sur la recherche du produit
(désintégration familiale, absentéisme, etc.). Et ce, sans oublier l'impact sur l'activité
1036 ALCALOÏDES

agricole (rentabilité supérieure de la culture par rapport à des cultures vivrières). Cette
plante n'étant pas utilisée en thérapeutique, on se reportera à (l'abondante)
bibliographie qu'elle a suscitée. (Voir, entre autres, les synthèses citées ci-dessous).
En France, la cathinone figure sur la liste des substances dont la production, la mise
sur le marché et l'emploi sont interdits (cf. : arrêté du 10 septembre 1992 et textes
antérieurs, J. O. Rép.fr., 20-09-1992, p. 13039 sq.). Le khat est contrôlé par Il pays
européens; au Royaume-Uni, une évaluation des risques réalisée en 2005
recommandait de ne pas le contrôler.

3. BIBLIOGRAPHIE
Éphédra
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Alcaloïdes isoquinoléiques
'k tétrahydroisoquinoléines simples

• PEYOTL , Lophophora williamsii (Salm-Dyck) J. Coulter, Cactaceae

Considéré comme plante divine par les Aztèques, ce cactus est un hallucinogène
particulièrement actif. C'est la« plante quifait les yeux émerveillés », les hallucinations
visuelles étant dues à l'action d'une phénéthylamine, la mescaline, sur le système
nerveux central.
Le peyotl est une cactacée globuleuse, charnue, mamelonnée et non épineuse,
atteignant au maximum 20 cm de hauteur et 5-10 cm de diamètre. La tige charnue est
divisée en 5-14 côtes saillantes elles-mêmes fragmentées en « tubercules». Ces
derniers portent à leur sommet une aréole inerme d'où émerge, sur un coussinet pileux,
une fleur solitaire, rose, blanche ou jaune. Le peyotl croît du nord du Mexique au
Texas, sur de hauts plateaux calcaires. On utilise la partie aérienne, découpée en
tranches qui sont séchées au soleil (mescal buttons). Sa récolte fait, traditionnellement,
l'objet d'un rite religieux complexe.
Le peyotl renferme une grande quantité de mucilage et une cinquantaine de dérivés
azotés: phénéthylamines et tétrahydroisoquinoléines (plante fraîche: 0,5-1 %, mescal
buttons: 6 %). Les phénéthylamines sont la mescaline (= 3,4,5-triméthoxy-
phénéthylamine) et ses dérivés N-substitués (N-formyl, N-acétyl, N-méthyl),
l'hordénine, la 3-déméthyl- et la 3,4-déméthylmescaline, la tyramine et ses dérivés
méthylés à l'azote, la dopamine, etc. Les tétrahydroisoquinoléines principales sont
l'anhalamine, l'anhalonidine, l'anhalidine, la pellotine, la lophophorine. Elles sont
issues de la condensation d'une phénéthylamine avec un a-cétoacide (acide
glyoxylique, acide pyruvique).
1038 ALCALOÏDES

dopamine

ex. : R = CH 3 : anhalonidine Phénéthylamines et


R =H : anhalamine alcaloïdes du peyotl

L'ingestion de peyotl provoque essentiellement des effets psychiques 1, la mescaline


ayant des effets cliniques proches de ceux du LSD : psychiques, perceptuels et
physiques. On note en particulier une distorsion de la perception des formes, une
intensification des couleurs, des hallucinations auditives et un ralentissement de la
perception du temps; l'intensité et la nature des effets sont très dépendantes de J,
l'environnement et de l'intellect du sujet (par exemple de sa sensibilité artistique). Les
symptômes physiques accompagnant l'expérience hallucinatoire sont une mydriase, de
la tachycardie, une bradypnée, une sensation de variation de température, des nausées,
éventuellement de l'agitation et de l'anxiété. À haute dose on peut noter une diminution
de la mémoire, une encéphalopathie hypertensive, des hémorragies intracrâniennes.
Aucune indication thérapeutique n'est actuellement reconnue pour ce psychodys-
leptique qui a été testé en psychiatrie et qui figure maintenant sur la liste des substances
dont la production, la mise sur le marché et l'emploi sont interdits.

BIBLIOGRAPHIE

Gennaro, M.C., Gioannini, E., Giacosa, D. et Siccardi, D. (1996). Determination of mescaline in '
hallucinogenic cactaceae by ion-interaction HPLC, Analyt. Letters, 29, 2399-2409.

1 Des effets identiques sont observés à la suite de la consommation d'un breuvage (la cimora)
préparé à partir d'un cactus cierge, le cactus de San Pedro ou aguacolla, Echinopsis pachanoi (Britton
& Rose) Friedrich & Rowley (= Trichocereus pachanoi Britton et Rose) traditionnel-Iement utilisé
dans les Andes (Pérou, Bolivie). Beaucoup d'autres Cactaceae renferment des substances azotées
hallucinogènes (Carnegiea, Coryphantha, Gymnocactus, etc.).
Alcaloïdes isoquinoléiques
'te benzyltétrahydroisoquinoléines

1. Introduction: couplage oxydatif ..................................................................................... 1040


II. Benzylisoquinoléines simples ......................................................................................... 1042
1. Origine biosynthétique ......................................................................................... 1042
2. Papavérine ............................................................................................................. 1043
III. B isbenzyltétrahydroisoquinoléines ................................................................................. 1047
1. Généralités ............................................................................................................ 1047
2. Curares .................................................................................................................. 1047
3. Autres curarisants d'origine naturelle ................................................................. .1 055
4. Bibliographie ........................................................................................................ 1055
IV. Aporphinoïdes ................................................................................................................. 1057
1. Origine biosynthétique ......................................................................................... 1057
2. Apomorphine ........................................................................................................ 1059
3. Boldo ..................................................................................................................... 1060
4. Bibliographie ........................................................................................................ 1062
V. Protoberbérines et dérivés ............................................................................................... 1063
1. Généralités ............................................................................................................ 1063
2. Plantes à protoberbérines et alcaloïdes dérivés .................................................. .1065
hydrastis ................................................................................................ 1065
fumeterre ............................................................................................... 1067
chélidoine .............................................................................................. 1068
sanguinaire ............................................................................................ 1069
pavot de Californie ............................................................................... 1070
1040 ALCALOÏDES

coquelicot .............................................................................................. 1071


3. Autres plantes à alcaloïdes isoquinoléiques ........................................................ 1072
plantes de la Pharmacopée chinoise .................................................... 1072
4. Bibliographie ........................................................................................................ 1074
VI. Morphinanes .................................................................................................................... 1077
1. Introduction - Origine biosynthétique ................................................................. 1078
2. Pavot somnifère - Opium .................................................................................... .1081
A. La plante .......................................................................................... 1081
B. Production ........................................................................................ 1083
production de l'opium .............................................................. .1083
production de la paille de pavot ................................................ 1084
données quantitatives ................................................................. 1084
C. L'opium ............................................................................................ 1085
D. Composition chimique du pavot.. .................................................. .1086
E. Pharmacologie des principaux alcaloïdes ...................................... .1088
F. Extraction des alcaloïdes ................................................................ .1090
G. Emplois ........................................................................................... 1090
opium ......................................................................................... 1090
morphine ................................................................................... 1091
codéine ....................................................................................... 1094
noscapine .................................................................................... 1095
H. Alcaloïdes hémisynthétiques et synthétiques ................................ .1096
3. Bibliographie ........................................................................................................ 1099

1. Introduction

Les alcaloïdes dérivés de la I-benzylisoquinoléine ne sont dépassés, dans leur diversité


structurale, que par les alcaloïdes indolo-monoterpéniques : les deux tableaux ci-après
(p. 1044-1045) donnent une vue d'ensemble des principaux squelettes rencontrés et de
leur filiation biogénétique à partir d'un précurseur commun.

Couplage oxydatif

Cette diversité structurale est liée à la possibilité qu'ont ces molécules phénoliques
de se prêter à diverses réactions et, en particulier, à des réactions de couplage via des
radicaux: c'est le couplage oxydatif classique des phénols. Le radical phénoxy formé
par oxydation de l'ion phénate, stabilisé par résonance, est en effet très réactif: selon
ISOQUINOLÉINES 1041

que le couplage implique le radical phénoxy et ses formes mésomères ou uniquement


ces dernières, sa résultante sera soit la formation d'une liaison biphényléther de type Ar
-O-Ar, soit celle d'une liaison carbone-carbone biphénylique: HO-Ar-Ar-OH.

Si le couplage est généralement intramoléculaire comme dans le cas de la


biosynthèse de la morphine, des aporphinoïdes ou des cularines, il peut aussi être inter-
moléculaire: c'est ce qui explique la formation des alcaloïdes bisbenzyltétrahydro-
isoquinoléiques ou celle des alcaloïdes binaires aporphine-benzyltétrahydroiso-
quinoléiques. Ces réactions de couplage sont habituellement suivies d'un retour à
l'aromaticité de la structure (voir: aporphines). Dans quelques cas cependant cela n'est
pas possible simplement: il s'ensuit des réarrangements qui peuvent induire de
nouvelles variations structurales plus ou moins marquées (voir, entre autres:
morphinanes, érythrinanes) .
. o o
R~ R~
V
-e, -H+
V
a
-RD ~R'6 b c
OH
R R
Formation du radical
phénoxy, mésomérie.
Exemple de couplage
OH oxyda tif

R
c+d

La substitution du site de couplage par un reste alkyle entraîne


un réarrangement: le retour à l'aromaticité est alors possible.
OH OH

OH OH
R' R'

-- réduction

réarrangement réarrangement OH
diénol-benzène diénone-phénol

D'autres variations structurales s'expliquent par des ruptures oxydatives de cycles


suivies de refermetures (voir: benzophénanthridines, rhœadines).

BIBLIOGRAPH lE, généralités, voir p. 1062,


II. Benzylisoquinoléines simples

La presque totalité de ces molécules simples sont des dérivés 1,2,3 ,4-tétrahydrogénés :
des benzy 1tétrahydro isoquinoléines. Dans quelques cas, exceptionnels, elles sont
aromatiques: c'est le cas de la papavérine. Presque toutes ces molécules sont, pour des
raisons biogénétiques, 6,7-disubstituées sur le noyau isoquinoléique et mono-, di- ou
trisubstituées sur le benzyle: les dérivés les plus fréquents sont les dérivés du type
coclaurine (12-monosubstitués) et ceux du type réticuline (lI ,12-disubstitués). On
connaît quelques produits substitués en C-lO (ce sont sans doute des catabolites d'autres
isoquinoléines). Dans la mesure où elles sont précurseurs de tous les autres alcaloïdes
isoquinoléiques, ces benzyltétrahydroisoquinoléines sont présentes dans la quasi totalité
des végétaux capables d'élaborer des structures isoquinoléiques plus complexes.
Potentiellement, certaines d'entre elles ont des propriétés pharmacologiques
intéressantes: c'est le cas de l'higénamine de Annona squamosa L. et de Aconitum
japonicum Thumb., stimulante du myocarde.

CH 3 0 CH 3 0 CH 3 0

HO HO
H
a '-':::

CH 3 0 1~ ~ OH
13
OH

(+)- et (-)-réticulines (+)- et (-)-coclaurines (-)-norcanelilline

1. ORIGINE BIOSYNTHÉTIQUE

Molécules charnières du métabolisme des alcaloïdes isoquinoléiques, les


benzyltétrahydroisoquinoléines sont formées par une condensation de type Mannich
entre deux métabolites de la phénylalanine: on a longtemps pensé que la condensation
de la dopamine et de l'acide 3,4-dihydroxyphénylpyruvique conduisait, via la
norlaudanosoline, à la réticuline, plaque tournante du métabolisme des alcaloïdes
isoquinoléiques. En fait, l'utilisation de précurseurs marqués et de cultures cellulaires
montre que les précurseurs réels sont la dopamine d'une part et le 4-hydroxy-
ISOQUINOLÉINES 1043

phénylacétaldéhyde d'autre part. La condensation de ces deux molécules conduit à la


(S)-norcoc1aurine qui est ensuite méthylée sur le phénol en C-6 ([S]-coc1aurine) puis sur
l'azote ([S]-N-méthylcoc1aurine) avant d'être hydroxylée sur le carbone C-11 et, infine,
méthylée sur le phénol en C-12 pour former la (S)-réticuline.

HO~ HO

~ CO\H HO~ 2
NH N'H
~
:
1 NH dopamine \
HO/' H""
HO ~ 2 CHO ; - - -
~ norcoclaurine 1 ""
/

HO N \
OH

tyrosine 4·hydroxy-
phénylacétaldéhyde CH 3 0
;/

Origine biosynthétique des ::::.... N'H


benzyltétrahydroisoquinoléines HO
H'\"

/ 1""
/
OH

CH~:~~ l "N'CH
"H
3
CH~:~/"'CH, C::~~ 1 .
"H
l "N'CH3coclaurine
"H
HO ;/ HO ;/ ;/
1 ...-.-- l' 1
CH 3 0 ::::.... HO ::::.... HO ::::....

réticuline N·méthylcoclaurine

Un seul alcaloïde de ce groupe est actuellement utilisé en thérapeutique, la


papavérine. S'il est présent dans l'opium et les différents organes du pavot somnifère,
cet alcaloïde simple est, en pratique, obtenu par synthèse totale.

2. PAPAVÉRINE

Obtention. De nombreuses méthodes de synthèse de cet alcaloïde ont été décrites.


La plus simple d'entre elles est fondée sur la condensation de l'homovératrylamine et
de l'acide homovératrique suivie d'une condensation selon BISCHLER-NAPIERALSKI
(POCI 3) et d'une aromatisation du produit de cyc1isation (Pd/tétraline). Les deux
matières premières sont préparées par chlorométhylation du vératrole, passage à
l'homovératronitrile, lequel conduit aussi bien à l'amine qu'à l'acide. Une variante de
cette méthode utilise le diméthoxynitrostyrène sur lequel est additionnée une molécule
de méthanol. Après réduction et condensation avec le chlorure de l'acide
homovératrique, la papavérine est obtenue directement par cyc1isation en présence
d'anhydride phosphorique. Il existe également des voies d'accès «biomimétiques ».
1044 ALCALOÏDES

çg-::------a---~--~
aporphinoïde
x:&1 ~ 1

:
.."N

érythrinane
/N

1
/

'-'::
;;
"""" ~

~
----Q------~'

bisbenzyltétrahydroisoquinoléines
1

1
N~

et alcaloldes binaires mixtes (benzyltétrahydrOlso-


qUlnolélnes-aporphlnes, aporphlnes-pavlnes, bls-aporphlnes )

o '-'::

o
promorphinane,
morphinanediénone

~, ~N- ~-
XI ~
benzyltétrahydroisoqui oléine morphinane

hasubanane
(le précurseur est trisubstitué
OH sur le noyau benzylique).

pa vine

Principales structures dérivées de benzopyrrocoline


la benzyltétrahydroisoquinoléine

1
BENZYLISOQUINOLÉINES 1045

N"

o
o

cularine phtalyltétrahydroisoquinoléine sécophtalide-


tétrahydroisoquinoléine

tétrahydro-
protoberbérine

benzyltétrahydroisoquinoléine
protoberbérine

protopine

rhoeadine
spirobenzyltétra-
hydroisoquinoléine

benzophénanthridine
Principales structures dérivées de la
benzyltétrahydroisoquinoléine (suite).
indénobenzazép ine
Pour plus de clarté,les substituants sont volontairement omis (H ou CH 3
sur l'azote; OH, OCH 3, O-CH 2-O, ou H sur les carbones aromatiques).
1046 ALCALOÏDES

Pharmacologie. Pratiquement inactive sur le système nerveux central, cette


molécule est un spasmolytique musculotrope qui relâche les fibres musculaires lisses,
surtout au niveau des vaisseaux des territoires cérébral, pulmonaire et périphérique
(vasodilatateur), mais aussi au niveau bronchique, intestinal, urétéral ou biliaire.
L'action spasmolytique est d'autant plus prononcée qu'il y a un état spastique pré-
existant. La papavérine agit aussi au niveau cardiaque, déprimant la conductibilité et
l'excitabilité, allongeant la période réfractaire, augmentant le débit coronarien. La
papavérine agit, au moins partiellement, par inhibition des phosphodiestérases et
augmentation de la concentration intracellulaire d'AMP cyclique.

1. POCI 3
CH30~1 2. Pd/C CH 30 :/'

CH 30 ~nOu_)N'H
décalille'
CH 30 "'"

'-':: OCH 3 '-':: OCH3


I/- /-
OCH 3 OCH3
papavérine

CH30~ CH30~

CH 30
N N0 2
CH 3 0
N COCI

1 t OCH 3 OCH 3
CH30~,-,:: 2 CH30m
"",1 NO- NH "",1
CH 30 2 CH 30 2
Synthèse de la papavérine
1. NaOCH 3 ; 2. Na/Hg, AcOH (exemples)

Emplois. La papavérine est indiquée comme spasmolytique musculotrope (soluté


injectable à 4 %, voie sous-cutanée). Contre-indiquée en cas de troubles de la
conductibilité intracardiaque, la papavérine expose à divers effets indésirables:
possibilité de tachycardie, d'hypersudation, de somnolence.
Associée à du charbon activé, cet alcaloïde est un traitement symptomatique
d'efficacité mal établie des manifestations fonctionnelles intestinales, notamment avec
météorisme (voie orale, réservé à l'adulte). Pendant un temps, la papavérine a été
utilisée en traitement d'appoint à visée symptomatique du déficit pathologique cognitif
et neurosensoriel du sujet âgé, mais son activité sécifique dans ce domaine n'a jamais
été clairement démontrée.
III. Bisbenzylisoquinoléines

1. GÉNÉRALITÉS

Les bisbenzyltétrahydroisoquinoléines et les « dimères» aporphine-benzyltétrahydro-


isoquinoléiques représentent plusieurs centaines de molécules réparties dans une dizaine
de familles, principalement les Menispermaceae (Abuta, Albertisia, Cocculus,
Stephania, Tiliacora, etc., au total environ 25 genres), les Ranunculaceae (Thalictrum),
les Berberidaceae (Berberis, Mahonia), mais aussi les Monimiaceae (Daphnandra), les
Annonaceae (Phaeanthus, Popowia, Pseudoxandra, Uvaria., etc.) ou les Lauraceae.
On distingue une trentaine de classes de composés (voir tableau page suivante) :
- selon que le « dimère» est de type « tête-à-queue» ou bien « queue-à-queue »
c'est-à-dire selon que la liaison se fait entre le noyau benzylique d'une moitié et le
noyau benzénique de la tétrahydroisoquinoléine de l'autre ou qu'elle s'établit entre les
deux noyaux benzyliques;
- selon le nombre de pontages (mono-, di- ou triponté);
- selon que la liaison entre les deux parties de la molécule est de type biphénylique
ou de type éther;
- selon le type de substitution.
La présence de deux centres asymétriques (en C-l et C-l') augmente d'autant la
complexité de ces molécules. Presque toutes les bisbenzyltétrahydroisoquinoléines
connues proviennent du couplage oxydatif intermoléculaire de deux unités de type
coclaurine (ou N-méthyl-coclaurine); rarement, ce sont des bis-réticulines (Hernandia).
Pharmacologiquement, l'intérêt de ces molécules dimères est limité: si plusieurs
présentent des potentialités intéressantes, aucune n'est actuellement commercialisée en
Europe. On peut noter les propriétés antitumorales de la tétrandrine (leucémies),
l'activité antituberculeuse de la cépharanthine et celle, antimalarique, de la pycnamine
ou de la nortiliacorinine A. Plusieurs molécules du groupe sont hypotensives (ex. :
penduline). Un certain nombre sont également actives au niveau de la plaque motrice :
leur action curarisante est toujours utilisée, mais les produits actuellement commer-
cialisés sont des dérivés hémisynthétiques ou synthétiques.

2. CURARES

Le mot curare, transcription phonétique du mot cara·lbe d'origine guyanaise ourari,


est un terme général qui s'applique à un grand nombre de produits complexes, d'origines
1048 ALCALOÏDES

OH HO

~ OCH~O ~ ~ OCH 3 CH 3 0

tha/igrisine
~ OH 0
~ :;/

~ OCH~O ~
/imacine

OH
OH~O ~
oxyacanthine

OCH 3 CH 3 0

5'-hydroxyapate/ine
OCH 3 0
:;/

~
OH CH 3 0
tunit érine

j OCH
3(O :
OCH 3 HO
séco-antioquine

~ o
~
OCH 3 CH 3 0

curine

Bisbenzyltétrahydroisoquinoléines :
~
exemples de structures mono-, bi- et tripontées
OCH 3 \ CH 3 0/ 1
>1' la thalicarpine est un ({ dimère benzyl-
1) OCH 3 ~
lélrahydroisoquinoléique-aporphinique
tha/icarpine'
BISBENZYLISOQUINOLÉINES 1049

géographique et botanique variables, mais présentant des activités pharmacologiques


identiques. Les Indiens de l'Amérique du Sud utilisaient ces préparations pour enduire
des pointes de fléchettes destinées à être propulsées au moyen d'une sarbacane ou,
moins fréquemment, celles de flèches tirées à l'aide d'un arc. Pour le chasseur, l'intérêt
de ces curares est multiple : 1° l'effet est très rapide, le gibier ne peut pas fuir; 2° le
relâchement musculaire induit par le poison interdit aux perroquets, petits singes et
autres gibiers de s'agripper aux branches des grands arbres: généralement, ils tombent
à terre; 3° la toxicité du curare ne s'exprime que par voie parentérale, le gibier ainsi
capturé peut être consommé.
Poison de chasse des zones forestières, les curares n'étaient, en principe, pas utilisés
comme poison de guerre : « des prescriptions rigoureuses ne permettent en aucun cas
de l'utiliser contre l'homme» (J. VELLARD). Les symptômes de la curarisation - para-
lysie progressant rapidement et entraînant, en gagnant le diaphragme, la mort par arrêt
respiratoire sans qu'à aucun moment la conscience et la sensibilité de l'intoxiqué
n'aient été altérées - distinguent très nettement les curares des poisons de guerre très
couramment utilisés en Amérique du Sud à l'époque de la conquête: à base le plus
souvent de latex d'Euphorbiaceae 1, ils provoquaient une mort particulièrement
douloureuse et lente (parfois après plusieurs jours). On peut se demander pourquoi la
« mort qui tue tout bas» a été reliée si longtemps aux curares, alors même que les effets
des poisons de guerre ont été correctement décrits dès le début du XVI' siècle et que les
curares, spécifiques des parties profondes de la forêt amazonienne, n'ont été connus des
explorateurs et missionnaires que beaucoup plus tard ...
L'action des curares sur la musculature striée a fait l'objet d'études détaillées au
XIX' siècle (C. BERNARD) alors même que leur origine botanique restait mystérieuse.
Celle-ci fut longue à déterminer; il en fut de même pour la structure des alcaloïdes,
élucidée depuis une soixantaine d'années seulement.

Classification des curares. Pendant longtemps et compte tenu de l'absence de


données sur leur origine botanique, les différents curares furent classés d'après la forme
des récipients dans lesquels ils étaient conservés. On distinguait ainsi:
- les curares en tube, ou tubocurares, provenant du Brésil et du Pérou, coulés dans
les entre-nœuds de bambou, destinés à enduire des fléchettes;
- les curares en pot, coulés dans des pots d'argile de formes variées, rares et
spécifiques du haut Orénoque et du haut Amazone;
- les curares en calebasse coulés dans des fruits de diverses Bignoniaceae,
originaires de la Colombie, du Venezuela et du Guyana, destinés à enduire des flèches.
D'autres classifications furent également utilisées: curares préandins, curares
guyanais, curares des savanes, etc.
Les curares ont ensuite été préparés pour les besoins de la pharmacie à partir des
écorces de plantes fraîches macérées dans l'eau. Après une opération de type
lixiviation, le soluté extractif était concentré jusqu'à consistance d'extrait mou et coulé
dans des boîtes en fer renfermant un kilogramme d'extrait destiné à l'extraction des

1. Notamment le latex du mancenillier, Hippomane mancenilla L. mais aussi des espèces de


Sapium, Euphorbia, Colliguaja, Hura ; certaines Thymelaeaceae ont également été utilisées comme
poison dans le nord-ouest de l'Amazonie (Schoenobiblus peruvianus Standley).
1050 ALCALOÏDES

substances actives. Ultérieurement, ces dernières ont été directement extraites à partir
des plantes. Il y a peu, on commercialisait encore en France la diallylnortoxiférine,
molécule dimère qui peut être obtenue par transformation de la toxiférine ou par
hémisynthèse à partir d'alcaloïdes monomères du type strychnine extractibles de
diverses espèces de Strychnos (voir ci-dessous).

Origine botanique. Les curares en tube du haut Amazone (Brésil, Pérou) sont
principalement constitués d'extraits de tiges de Menispermaceae appartenant au genre
Chondrodendron (C. tomentosum RuÎz. & Pavon) et au genre Curarea très proche
(C. toxicofera [Wedd.] Bameby & Krukoff, C. candicans [Rich.] Bameby & Krukoff).
On sait aussi qu'occasionnellement ces curares pouvaient renfermer des extraits
d'autres Menispermaceae appartenant aux genres Sciadotenia Miers, Ahuta AubIet,
Telitoxicum Mold. et Cissampelos L. 2.
Les curares en calebasse doivent leur activité aux extraits d'écorces de tronc de
différentes espèces arbustives ou lianescentes appartenant au genre Strychnos
(Loganiaceae) : S. toxifera R. Schomb. (Guyanes, Colombie, Venezuela), S. castel-
naeana Wedd. (Pérou, Brésil), S. letalis Barb., S. guianensis (AubI.) Mart. (Brésil,
Guyanes, Équateur, Colombie), S. rondetelioides Spruce ex Benth., S. hrachiata Ruiz
& Pav., S. amazonica Krukoff et d'autres espèces 3.
Les curares en pot renferment presque toujours un mélange d'extraits de
Menispermaceae et de Loganiaceae.
Dans les curares tels que les préparaient les Indiens du bassin amazonien, il a été
rapporté que les extraits végétaux à alcaloïdes actifs (Chondrodendron, Strychnos)
étaient mélangés à des produits toxiques ou supposés tels - crochets et foies de
serpent, etc. -, ainsi qu'à des extraits végétaux épaisissants destinés à favoriser
l'adhérence du poison sur les flèches et/ou à d'autres végétaux censés accroître la
toxicité (Capsicum annuum par exemple). On connaît cependant des cas où l'extrait
actif est utilisé seul: Strychnos des Nambikwaras du Mato Grosso, extraits de Curarea
des Waorani de l'est de l'Équateur, etc.

Composition chimique. Les principes actifs des curares de Menispermaceae et de


Loganiaceae sont très différents: les premiers sont de nature isoquinoléique, les

2. Si tous ces genres sont connus pour élaborer des alcaloïdes bisbenzyltétrahydroiso-
quinoléiques, les fractions étudiées et publiées ne livrent, le plus souvent, que des bases tertiaires.
Seul C. tomentosum fournit de la (+)-tubocurarine.
3. Une vingtaine d'espèces ont été utilisées pour l'obtention de curares. Elles ne sont pas
uniquement liées au continent sud-américain: S. usambarensis Gilg. (au Rwanda), et S. ignatii P.
Bergius (en Malaisie) entrent dans la composition de poisons curarisants.
A contrario, en Amérique du Sud, les plantes à alcaloïdes ne sont pas les seules à être mises à
contribution pour fabriquer des poisons de flèches: différentes ethnies de la Colombie, de
l'Équateur et de l'ouest du Brésil ont utilisé le latex de divers Naucleopsis spp. et d'un Maquira.
Ces Moraceae renferment des hétérosides cardiotoniques toxiques proches de ceux des
Strophanthus des poisons de chasse africains. Cf. : Shrestha, T., Kopp, B. et Bisset, N.G. (1992). The
Moraceae-based dart poisons of South America. Cardiac glycosides of Maquira and Naucleopsis species,
J. Ethnopharmacol., 37,129-143.
BISBENZYLISOQUINOLÉINES 1051

seconds indoliques; dans les deux cas toutefois, ce sont des dimères, bis-ammoniums
quaternaires. Leur activité pharmacologique étant identique nous ne les dissocierons
pas, même si, biosynthétiquement, les alcaloïdes des Loganiaceae sont des dérivés du
tryptophane (cf p. 1163).

Curares des Menispermaceae


Ces curares contiennent de 2 à 10 % d'alcaloïdes bisbenzyltétrahydroisoquino-
léiques, structures très fréquentes dans cette famille. La molécule curarisante, spécifique
de Chondrodendron, possède une structure bipontée « tête-à-queue» ammonium
quaternaire, dissymétrique, la (+ )-tubocurarine : les deux ponts éther reliant les deux
unités élémentaires de type cocIaurine sont 8-0-12' et 11-0-7'. Les autres alcaloïdes
sont des bases tertiaires: (-)-curine, (+)-isochondrodendrine, (+)-chondrocurine. Les
différentes espèces de Menispermaceae occasionnellement incorporées dans les curares
renferment surtout des bisbenzyltétrahydroisoquinoléines tertiaires dipontées « tête-à-
tête, queue-à-queue » (limacine, limacusine, etc.) ainsi que d'autres structures
isoquinoléiques (oxoaporphines, azafluoranthènes, etc.).

6:(0 OH
:/

0-.
H
'-'::::
0 N/ CH3
:/
/ 0-.
GJ "H
OH CH 30
(t)-tubocurarine

go OH
:/

0-.

'-'::::
HO

/ C-toxiférine
0 CH 30

(t)-isochondrodendrine

Curares des Loganiaceae


Les constituants actifs sont ici des alcaloïdes bis-indoliniques symétriques, bis-
ammonium quaternaires, provenant du «doublement» d'une unité de type strychnane :
C-toxiférine, C-dihydrotoxiférine, C-curarine, C-alcaloïde-G et E, C-calebassine, etc.
(cf alcaloïdes indoliques). Ces alcaloïdes représentent 8 à 10 % de la masse du curare;
ils sont accompagnés d'alcaloïdes « monomères» de type strychnane ou apparenté. On
a également caractérisé des bis-indoles quaternaires non symétriques beaucoup moins
actifs (guaiachrysine, guaiflavine, S. guaianensis).
1052 ALCALOÏDES

Pharmacologie. Les curares naturels sont des curares non dépolarisants, longtemps
dénommés pachycurares 4. Uniquement actifs par voie parentérale, acétylcholino-
compétitifs, ils bloquent la conduction de l'influx nerveux au niveau de la plaque
motrice, sans modifier la conduction nerveuse ni empêcher la contraction musculaire
par stimulation directe. Les curares non dépolarisants, dépourvus d'action propre, se
fixent compétitivement sur les récepteurs nicotiniques cholinergiques de la plaque
motrice: le potentiel d'action ne peut donc plus apparaître et la contraction musculaire
est inhibée.
L'action des curares se manifeste en plusieurs étapes: hypotonie musculaire, atonie
avec perte du tonus puis paralysie progressive. Les curares non dépolarisants exercent
une action myorelaxante sur les muscles striés: la paralysie touche en premier les
muscles du cou, puis ceux des membres; elle gagne ensuite les muscles abdominaux et
respiratoires et, infine, s'étend au diaphragme. Le sujet curarisé éprouve une grande
fatigue, ne peut plus fixer le regard, ses membres deviennent lourds et progressivement
sa tête puis ses membres se paralysent complètement, le diaphragme est atteint en
dernier (soit en 3-5 minutes à la dose minimale retenue pour l'intubation). L'effet des
curares est temporaire et, si l'arrêt respiratoire est évité (respiration artificielle), les
muscles redeviennent fonctionnels selon une séquence inverse. La durée de la
curarisation est variable selon la structure du curare: la récupération de 25 % de la force
musculaire est obtenue en 90 minutes dans le cas de l'alcuronium; cette durée est
considérablement raccourcie avec des curares non dépolarisants synthétiques comme
l'atracurium ou le mivacurium (curarisation en 2-4 minutes, durée d'action clinique, 15
minutes, récupération à 95 %,30 minutes). Un curare comme la tubocurarine ne
provoque ni perte de conscience, ni analgésie, ni perte des sensations; la molécule ne
franchit pas la barrière hémato-encéphalique. Elle n'est que très peu ganglioplégique.

Emplois. Si la tubocurarine demeure le produit de référence pharmacologique de


cette classe, elle n'est plus utilisée en France depuis une trentaine d'années. On a
également employé un dérivé hémisynthétique de la C-toxiférine : la diallyl-
nortoxiférine (= alcuronium, DCI), comme adjuvant de l'anesthésie, notamment
comme myorelaxant dans les opérations chirurgicales.

Autres curares non dépolarisants. On préfère actuellement utiliser des curares


non dépolarisants synthétiques. Ce sont certes des molécules synthétiques, mais on
remarquera leurs analogies structurales avec les curares naturels: atomes d'azote
quaternarisés et séparés par une longue chaîne carbonée ou un motif stéroïdique,
molécules volumineuses et substituants encombrants sur les azotes ce qui favorise un
mécanisme d'action de type non dépolarisant, etc. Les molécules actuellement
disponibles sont:
- des molécules symétriques constituées de deux benzyltétrahydroisoquinoléines
reliées par une chaîne aliphatique et quaternarisées, comme le dibésylate d'atracurium

4. Pachy- évoquant le fait que ce sont de grosses molécules, par opposition aux leptocurares ou
curares dépolarisants, à chaîne carbonée courte et flexible comme le suxaméthonium (=
succiny1choline) .
BISBENZYLISOQUINOLÉINES 1053

et le chlorure de mivacurium, le second ayant une durée d'action réduite de moitié par
rapport à celle du premier. Le dernier produit de ce type commercialisé en France est le
dibésylate de cisatracurium, c'est-à-dire l'un des isomères de l'atracurium, le (IR-cis,
l'R-cis) obtenu par condensation de la (R)-tétrahydropapavérine et du diacrylate de 1,5-
pentanediol et purification chromatographique;

~
CH 3

pancuronium, DCI O={o


N,N-diallylnortoxiférine
(alcuronium, DCI).
o ~
CH 3

vécuronium, DCI
O={o

rocuronium, DCI

CH30 OCH 3
G> "CH3 CH 3 "
N
G>
CH 3 0 N'(CH2h·CO-O-(CH2)s-O-CO- (CH 2h/ OCH 3

"::

atracurium, DCI ~
CH 30 OCH 3
OCH 3 OCH 3

CH 30 OCH 3
::/ "::
~
G> "CH3 CH 3 "
N
G>
~
CH 30 N,(CH2h-O-CO-(CH2h-CH=CH-(CH2)2-CO-O- (CH 2h/ OCH 3
::/

~ mivacurium, DCI
CH 30 OCH 3 CH 30 OCH 3
OCH 3 OCH 3
1054 ALCALOÏDES

- des stéroïdes substitués par des hétérocycles azotés, mono- ou bis-ammoniums


quaternaires: bromure de vécuronium ou, plus récemment introduit en thérapeutique,
bromure de rocuronium d'action rapide et de durée d'action intermédiaire.
La recherche d'analogues structuraux a comme objectif (non complètement
atteint) d'élaborer un curare non dépolarisant, d'installation rapide, de durée
d'action courte, ne s'accumulant pas, dépourvu d'effets cardiovasculaires et non
allergisant. Plusieurs ont été développés (pipécuronium, doxécurium), voire
commercialisés, comme le rapacurium, un stéroïde rapidement retiré du marché
nord-américain pour risque de bronchospasme. D'autres curares non dépolarisants
sont en développement, en particulier un dimère constitué d'une benzylisoquinoléine et
d'une phénylisoquinoléine pentaméthoxylées liées par une longue chaîne comportant
un motif central chlorofumarique (GW280430A, gancuronium). Ce produit est
inactivable par administration de cystéine. D'autres dérivés font l'objet d'études
(stéroïdes quaternarisés [SZ1677J, bis-tropiniums, etc.).

Indications et conditions d'emplois des curares (principes). Les indications des


curares non dépolarisants sont les suivantes: adjuvant de l'anesthésie générale au cours
des interventions chirurgicales afin de relâcher les muscles striés et pour faciliter
l'intubation trachéale et la ventilation assistée. Certains sont aussi indiqués pour faciliter
la ventilation assistée en unité de soins intensifs.
En règle générale, les curares non dépolarisants sont contre-indiqués en cas
d'hypersensibilité préalable au produit: des réactions anaphylactiques, très rares,
graves, parfois mortelles, ont été décrites pour l'ensemble des myorelaxants. Ce sont
des réactions à type de bronchospasme, de modifications cardiovasculaires (hypo-
tension, tachycardie, collapsus, etc.).
Les curares ne peuvent être administrés que par des médecins spécialisés en
anesthésie-réanimation ou en médecine d'urgence et familiarisés avec l'utilisation des
anesthésiques, ou sous leur contrôle, et disposant de tout le matériel d'anesthésie-
réanimation nécessaire (monitorage instrumental de la curarisation, matériel
d'intubation trachéale, d'assistance respiratoire et d'oxygénation artérielle adéquat, etc.).
Les interactions médicamenteuses sont nombreuses et des incompatibilités
chimiques, variables selon le produit utilisé, doivent être prises en compte. En cas de
surdosage, le patient doit être obligatoirement maintenu sous ventilation assistée et
oxygénation artérielle; lorsque la décurarisation est suffisante, il est possible
d'administrer par voie IV un anticholinestérasique (néostigmine, pyridostigmine),
généralement associé à un anticholinergique pour prévenir les effets indésirables
muscariniques de l'anticholinestérasique, sauf pour des produits comme le mivacurium
qui est hydrolysé par les pseudocholinestérases : la néostigmine, inhibiteur des
cholinestérases, produirait l'effet inverse de l'effet recherché. La décurarisation après
bloc neuromusculaire induit par le rocuronium ou le vécuronium peut être obtenue avec
une cyclodextrine, le sugammadex (non encore commercialisé en France, AMM
europénne,2008).
BISBENZYLISOQUINOLÉINES 1055

3. AUTRES CURARISANTS D'ORIGINE NATURELLE

Alcaloïdes des Erythrina

Ces alcaloïdes ont une structure très différente ce celle des curares stricto sensu. Ils
ne sont donc cités ici que dans un souci d'homogénéité pharmacologique. Cela étant, ce
ne sont que des I-benzyltétrahydroisoquinoléines ayant subi un couplage oxydatif
intramoléculaire un peu particulier.
Le genre Erythrina (Fabaceae) est un genre tropical représenté en Amérique
centrale et du Sud par environ 70 espèces, souvent arborescentes. Il est également
présent en Afrique (30 espèces) et en Asie tropicale (12 espèces). Plusieurs espèces du
genre sont employées pour leur valeur décorative et leurs graines bicolores peuvent
servir à confectionner colliers et bracelets. Comme le rappelle le nom générique, leurs
fleurs sont le plus souvent d'un rouge écarlate. La plupart des espèces du genre
renferment des alcaloïdes isoquinoléiques tétracyc1iques, structuralement très proches
les uns des autres: diénoïdes (ex. : érysotrine, érythraline), alcénoïdes (ex.: érythratine)
et lactones issues de l'oxydation du noyau benzénique (ex. : érythroïdines).
Pharmacologiquement, ces alcaloïdes sont curarisants per os et très toxiques.

0:» HO:» CH,CH'O~


O
~
<~
0 '
l ",N ~
CH 30 " _
1
"N ~I; o . ",N

CH 30"" / CH 3 0"" / CH 3 0" ~ CH 3 0"" /


OH
érythra/ine érysodine érythratidine ~·érythroidine

Des alcaloïdes de structure voisine (cocculine, cocculidine, coccoline, coccolinine,


coccuvinine) ont été isolés chez divers Cocculus (ex. : C. laurifolius DC.,
Menispermaceae); ce sont expérimentalement et chez l'animal, des ganglioplégiques,
des hypotenseurs.
Biosynthétiquement (schéma page suivante), ces alcaloides sont des spiroamines
tétracyc1iques issues, comme tous les alcaloïdes isoquinoléiques, du métabolisme de la
phénylalanine, Les expériences de marquage montrent que la nor-protosinoménine est
incorporée et que la biosynthèse doit passer par un intermédiaire symétrique
dibenzazonique (l'isolement de telles structures et celui de l'érysodiénone confirment
cette hypothèse).

4. BIBLIOGRAPHIE

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1056 ALCALOÏDES

HO 0

CH 3 0 CH 3 0 CH 3 0

OH
CH 30 CH 3 0 CH 3 0
OH 0 OH

Biosynthèse des alcaloïdes


des Erythrina (Fabaceae)

CH 3 0
OH OH
HO CH 3 0
/
CH 3 0
N-H

0 CH 30 CH 3 0
0 OH

Bowman, W.c. (2006). Neuromuscular block, Br. J. Pharmacol., 147 (suppl. 1), S277-S286.
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Vellard, J. (1965). Histoire du curare, Gallimard, Paris.
IV. Aporphinoïdes

Très vaste groupe de plus de 500 alcaloïdes (pro-aporphines, aporphines et dérivés),


les aporphinoïdes sont particulièrement fréquents chez certaines familles assez
archaïques: Annonaceae, Lauraceae, Magnoliaceae, Monimiaceae, Menispermaceae,
Hemandiaceae, Ranunculaceae, etc.
Les aporphines (N-méthylées) et les nor-aporphines sont pratiquement toujours
substituées en C-l et C-2 par des hydroxyles, des méthoxyles ou un méthylène-dioxyle;
elles sont souvent substituées en C-9, C-l 0 et/ou C-ll, plus rarement en C-8 et C-3. Les
aporphines peuvent être oxydées en C-7 (7-hydroxy et 7 oxo-aporphines), plus
rarement en C-4. On connaît aussi des 7-alkyl-aporphines et les différents produits qui
sont issus de la dégradation d'aporphines (ex. : phénanthrènes).
CH 3 0 0 3 4 HO
< 2 ~
CH 3 0 0 1~ CHaO
HO ~
11

CH 3 0 CH 3 0 10~ CH 3 0
9
OCH 3 HO

S (t)-glaucine S (t)-bulbocapnine déhydroboldine

~ O~
CHaO

<o
, ~
N
'CH HO
H 3

: ,"'IOH

R (-)-ushinsunine mélosmine OH

oxocrébanine Aporphinoïdes : exemples de structures guacolidine

1. ORIGINE BIOSYNTHÉTIQUE.

Plusieurs voies conduisent à ces structures aporphiniques. La plus simple est un


couplage oxydatif direct (ortho-ortho ou ortho-para, cf. schéma, ci-dessus). Les mêmes
1058 ALCALOÏDES

CH~:27~
Principales voies biogé-
nétiques conduisant aux
alcaloïdes aporphiniques
CH30WN 1 1 N'CH 3
o ') 'CH3
o '-. --_ HO ;/
1

CH 3 0 ~
1
CH 3 0 ~
corytubérine

1 N
HO ~ 'CH3
HO ;/ CH 3 0 CH 3 0

CH,O " 1 \ o HO

réticuline

CH 30 CH 30
0 OH

CH 30
CH'O~
1 N CH'0;g?
1 N
HO ~ 'CH3 o '":) 'CH3 HO
CH30 ; / - CH30 ;/ ~
1 CH 30
HO ~ 0'" /
0
orientaline

CH~:~~
CH 3 0

HO 1 N'CH 3
CH 3 0 ;/

CH 3 0 ~I
isothéba ïne
~ 1
l
.1
molécules peuvent aussi provenir d'un réarrangement (diénol-benzène, diénone-l
1
phénol) d'une pro-aporphine (c'est-à-dire de la spirodiénone issue d'un couplage'l
oxydatif impliquant le carbone C-9 d'une benzyltétrahydroisoquinoléine). ,I ~
Expérimentalement et chez l'animal, certaines aporphines montrent un assez large i
éventail de potentialités pharmacologiques: dépresseur du SNC (corydine), antagoniste ;l
dopaminergique (bulbocapnine), antitussif (glaucine), antifongiques (certaines "
oxoaporphines), etc. :l
Deux aporphines seulement sont à l 'heure actuelle incluses dans des spécialités ~1
pharmaceutiques disponibles sur le marché français: l'une, la boldine, est extraite des 'l
feuilles et des écorces d'un arbre d'Amérique du Sud - le boldo - l'autre, . ~
)
;t
l
'1
1
i
1
APORPHINOÏDES 1059

l'apomorphine, est un produit synthétique qui n'existe pas à l'état naturel et qui,
originellement, résulte du traitement, en milieu acide et à chaud, de la morphine.

2. APOMORPHINE

Le schéma ci-dessous résume le mécanisme du réarrangement qui conduit de la


morphine à l'apomorphine. Cette molécule peut également, comme la plupart des
aporphines, être obtenue par synthèse totale.

HO HO

~
150'

morphine
HOY)

) HO~
~(±)

g? ~ ~
c±!+ (±)
1 ~ N-CH 3
+ (±) (±) H 1
~ ~ ~
1 1
N-CH 3 , 3
N-CH , 3
N-CH H
H H HH HH
HO ~ HO ~ HO ~
1 --- 1 -- 1 Réarrangement de la
HO ~ HO ~ HO ~ morphine en milieu acide:
formation de l'apomorphine
apomorphine

L'apomorphine est un agoniste dopaminergique D2. Son action au niveau nigro-strié


en fait un antiparkinsonien potentiel: son administration améliore objectivement mais
transitoirement le tremblement et la rigidité (voir par ailleurs: bromocriptine, p. 1144 et
1147); elle agit en synergie avec la lévodopa, améliorant surtout l'akinésie (= anomalie
de l'initiation et de l'exécution du mouvement caractérisant la rareté et la lenteur des
gestes; d'où les difficultés fonctionnelles à la marche et dans l'exécution des tâches
quotidiennes). C'est par ailleurs un émétique, stimulant directement la trigger zone,
structure centrale qui active ensuite le centre du vomissement.

Emplois. Le chlorhydrate d'apomorphine (liste 1) est utilisé par voie sous-cutanée


(solution injectable ou stylo-doseur) pour supprimer les phases paroxystiques de
blocage qui persistent chez certains parkinsoniens traités au long cours par la lévodopa
« comme traitement d'appoint des fluctuations sévères d'activité de la dopathérapie au
cours de la maladie de PARKINSON (phénomène "on-off") » (c'est-à-dire les fluctuations
soudaines de la motricité). Contre-indiquée en cas de psychose et de confusion mentale,
d'insuffisance hépatique ou de déficience intellectuelle, l'apomorphine peut entraîner
1060 ALCALOÏDES

somnolence, troubles digestifs (nausées, vomissements), prurit au point d'injection,


hypotension orthostatique et troubles psychiques qui peuvent limiter son utilisation; il
est en fait nécessaire de prévenir ses effets émétisants par l'administration avant et
pendant le traitement d'un dopaminobloquant périphérique (dompéridone).
Comme avec d'autres dopaminergiques, il a été rapporté des cas de jeu
pathologique (compulsion au jeu) et d'hypersexualité avec l'apomorphine à dose forte.
À la suite d'un avis favorable émis en 2001 par le Comité européen des spécialités
pharmaceutiques quant à l'enregistrement de l'apomorphine par voie sublinguale dans le
traitement des dysfonctions érectiles, des comprimés sublinguaux ont, pendant un temps,
été commercialisés en France et proposés dans cette indication. Les essais cliniques
versus placebo en double aveugle ont tous montré une différence statistiquement
significative en faveur de l'apomorphine, mais les doses faibles semblent peu efficaces.
Des effets indésirables (sueurs profuses, nausées, hypotension, syncope) peuvent parfois
avoir des conséquences graves. L'apomorphine n'a pas été évaluée versus sildénafil et la
marge entre ses effets attendus et ses effets indésirables est étroite.
Le soluté injectable à 0,5 % a aussi été employé pour provoquer le vomissement en
cas d'intoxication, du moins lorsque ceux-ci ne sont pas contre-indiqués. Le risque de
vomissements incoercibles, de choc cardiovasculaire et de dépression respiratoire - et
l'absence d'études cliniques démontrant sans ambiguïté son efficacité - ont conduit à
l'abandon de son emploi dans cette indication (en France et en médecine humaine).

3. BOLDO, Peumus boldus Molina, Monimiaceae

La feuille de boldo est constituée par la feuille entière ou fragmentée séchée, de P.


boldus. La feuille de boldo contient au minimum 0,1 % d'alcaloïdes totaux, exprimés
en boldine (Ph. eur., 6< éd., [01/2008:1396]).

La plante. Le boldo est un petit arbre à feuilles persistantes strictement localisé dans
la partie du Chili qui bénéficie d'un climat de type méditerranéen. C'est une espèce
dioïque: fleurs mâles à périanthe jaune pâle, fleurs femelles uniovulées coriduisant à
une drupe glauque, translucide.

Lafeuille. La feuille, qui a une odeur aromatique, mesure environ 5 cm de long.


Son limbe, ovale, vert-gris, épais, coriace, cassant, est légèrement émarginé ou mucroné
à l'apex et ses bords, entiers, épaissis, sont plus ou moins enroulés vers la face
inférieure. La face supérieure du limbe est couverte de protubérances lui donnant un
aspect grenu, rugueux au toucher. La face inférieure, finement pubescente, a une
nervation pennée à nervures saillantes.
La poudre de feuille, examinée au microscope (hydrate de chloral), présente princi-
palement des poils tecteurs unicellulaires simples, bifurqués ou en bouquets, à parois
plus ou moins épaisses et lignifiées; des débris de parenchyme lacuneux à grandes
cellules oléifères; des fragments épidermiques à stomates entourés de 4 à 7 cellules, etc.
La feuille, dont l'identité est confirmée par CCM des alcaloïdes totaux, renferme au
maximum 4 % de rameaux et sa teneur en huile essentielle, déterminée sur la feuille
APORPHINOÏDES 1061

récemment fragmentée, est au maximum de 40 ml/kg. La teneur en alcaloïdes est


déterminée, par chromatographie liquide, à partir de la somme des surfaces des pics des
six alcaloïdes identifiés sur le chromatogramme: isoboldine, boldine, isocorydine-N-
oxyde, laurotétanine, isocorydine, N-méthyl-Iaurotétanine.

Composition chimique. La feuille sèche renferme de 10 à 30 ml/kg d'huile


essentielle à composés monoterpéniques (carbures [limonène, ~-pinène, p-cymène],
linalol, cinéole, camphre, ascaridole, etc.). On note également la présence de catéchol et
d'hétérosides de flavonols banals (dérivés du rhamnétol, de l'isorhamnétol et du
kaempférol). Les alcaloïdes de la feuille (0,2-0,5 %) sont des aporphinoïdes : boldine
(majoritaire, elle représente jusqu'à 20 % des alcaloïdes totaux), isoboldine,
isocorydine, norisocorydine, N-méthyl-Iaurotétanine, laurolitsine, etc., accompagnés de
quelques benzyltétrahydroisoquinoléines (réticuline, coclaurine, etc.).

Pharmacologie. De fortes doses d'extrait hydro-alcoolique inhibent la peroxydation


lipidique (hépatocytes de Rat en culture) et protègent, in vitro, les hépatocytes contre
les dommages causés par différents xénobiotiques. La boldine, puissant antioxydant, est
en partie responsable de ces activités et sa capacité à protéger in vitro les systèmes
biologiques contre l'action peroxydante des radicaux libres a été confirmée sur
différents modèles expérimentaux. Cette action antioxydante pourrait expliquer les
actions anti-inflammatoires, antiathéromateuses ou antiagrégantes plaquettaires
observées in vitro. De fait, il a été montré qu'une partie de l'activité antioxydante des
extraits est liée aux polyphénols, en particulier au catéchol. Par ailleurs, la boldine
exerce, in vitro, un effet relaxant sur la musculature lisse (iléon isolé de Rat) en
interférant directement avec le mécanisme cholinergique impliqué dans la contraction.
La boldine passe pour cholérétique, mais cette activité, qui n'a pas été confirmée par
tous les expérimentateurs, serait liée pour partie aux polyphénols.

Évaluation clinique, toxicité, effets indésirables. Les propriétés attribuées à cette


plante et à la boldine n'ont, semble-t-il, fait l'objet d'aucun essai clinique publié. La
boldine est assez peu toxique (DUo = 250 mg/kg, IP, Souris). L'extrait éthanolique
induit quelques altérations du tissu hépatique à moyen terme (Rat, 90 jours, 50 mg/kg)
La boldine n'est pas génotoxique, mais de très fortes doses d'extrait sont abortives et
tératogènes. Il n'a pas été rapporté d'effet indésirable notoire consécutif à l'utilisation
de la feuille de boldo chez l'humain. Un cas isolé de choc anaphylactique a été signalé.
Une interaction avec la warfarine ne peut être exclue.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour lafeuille de boldo, les indications thérapeutiques
suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé pour 1° faciliter les fonctions
d'élimination urinaire et digestive; 2° comme cholérétique ou cholagogue. Une teneur
limite en constituant actif doit obligatoirement être proposée pour ce type de produit.
Aucune évaluation toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un dossier
«abrégé» d'AMM (poudre, feuille pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-
alcooliques quel qu'en soit le titre).
1062 ALCALOÏDES

En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que la


feuille du boldo est utilisée en cas de spasmes gastro-intestinaux légers ou de problèmes
dyspeptiques. Posologie: 3 g par jour (feuille pour infusion), ou préparation équivalente.
Contre-indications: obstruction des voies biliaires, maladies hépatiques sévères. En cas
de lithiase, la feuille de boldo ne peut être utilisée qu'après avis médical. Il convient de
n'utiliser ni l'huile essentielle, ni des distillats de boldo (ascaridole toxique).
Au niveau européen, la monographie communautaire élaborée par l'HMPC fait de
tous les troubles biliaires des contre-indications et précise que l'usage, justifié unique-
ment par l'ancienneté d'utilisation, n'est recommandé ni avant 18 ans, ni chez la femme
enceinte ou allaitante. Elle fixe la posologie à 2-3 x 1-2 g/j de feuille en infusion ou à 2
x 400 mg/j d'extrait aqueux (5:1) (réf. EMEAlHMPC/591648 /2007,14 janvier 2009).
La boldine entre dans la composition de spécialités à visée laxative (association
avec le séné ou l'aloès), ou« digestive» (association avec du sulfate et du phosphate de
sodium). Les extraits de boldo entrent également dans des associations: avec
l'artichaut, le kinkéliba, la camomille, le curcuma pour le traitement des troubles
fonctionnels digestifs, avec des extraits de séné, de bourdaine, de cascara, d'anis, etc.
dans des spécialités laxatives. Le boldo (feuille) est fréquemment associé à d'autres
plantes dans des tisanes composées à visée laxative (séné, bourdaine, matricaire,
pomme, fenouil, cannelle, etc.), diurétique (cassis, bouleau) ou digestive (menthe,
mélisse, coriandre, fumeterre, tilleul, aspérule, pissenlit, etc.).

4. BIBLIOGRAPHIE
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v. Protoberbérines et dérivés

1 . GÉNÉRALITÉS
Les protoberbérines sont des alcaloïdes tétracycliques quaternaires ou tertiaires (on
parle alors de tétrahydroprotoberbérines) assez largement distribués: Berberidaceae,
Menispermaceae, Ranunculaceae mais aussi Annonaceae ou Papaveraceae. Leurs
possibilités biogénétiques sont importantes, en particulier via les protopines, issues de
la rupture de la liaison entre le C-14 et l'azote.
Comme les autres alcaloïdes isoquinoléiques, les protoberbérines sont formées à
partir d'une benzyltétrahydroisoquinoléine : le carbone C-8 provient de la cyclisation
oxydative du N-méthyle d'une molécule de ce type. Cette cyclisation, catalysée par une
« berberine bridge enzyme» (BBE), ferait intervenir un ion méthylène iminium
(correspondant à l'oxydation du N-méthyle) qui, réagissant en ortho ou en para du
phénol libre porté par le cycle C, conduit à une tétrahydroprotoberbérine 2, 3, 9, 10-
tétrasubstituée ou à son homologue pseudo (2, 3, 10, II-tétrasubstitué).
Parmi les nombreux dérivés issus de l'oxydation et du réarrangement des tétrahydro-
protoberbérines, certains présentent des propriétés pharmacologiques intéressantes.

0 0
?'

H\\'"
<0 '0.. <0 0
OH OCH 3 OCH 3
9
~
11 10 OCH 3 OCH 3 OCH 3

scoulerine berbérine allocryptopine

0 0 0

<0 <0 \0
OCH 3 OCH 3

OCH 3 OCH 3 OCH 3


O~O
canadaline OCH 3
(sécoberbine) (-)·~-hydrastine orientalidine
Hydrastis canadensis L.
PROTOBERBÉRINES 1065

C'est le cas des phtalyltétrahydroisoquinoléines : propriétés antitussives de la narcotine


(= noscapine, voir p. 1095), activité antagoniste de l'acide gamma-aminobutyrique de
la bicuculline, etc. C'est aussi celui des benzophénanthridines quaternaires : propriétés
antitumorales de la nitidine et de la fagaronine, inhibition de la transcriptase-inverse
virale par ces mêmes molécules par liaison sur des paires de bases spécifiques; elles
réagissent avec les biopolymères par réaction de la liaison iminium, par intercalation, et
du fait de leur nature cationique.
Bien que de nombreux composés appartenant aux différentes séries dérivées des
protoberbérines développent des activités pharmacologiques non dépourvues d'intérêt,
rares sont ceux qui ont, à ce jour, trouvé une place dans l'arsenal thérapeutique. Il faut
toutefois remarquer qu'un certain nombre d'espèces qui en renferment sont
actuellement utilisées soit sous la forme de préparations galéniques - c'est le cas de
l'hydrastis ou de la fumeterre - soit, directement ou après une transformation
sommaire, sous la forme de phytomédicaments, résurgences de la médecine
traditionnelle: dans les deux cas, la relation entre l'activité que la tradition attribue à
ces plantes et les alcaloïdes qu'elles contiennent est loin d'être démontrée (comme n'est
pas toujours clairement démontré l'intérêt clinique de la plupart d'entre elles).

2. PLANTES À PROTOBERBÉRINES ET ALCALOïDES DÉRIVÉS

.HYDRASTIS, Hydrastis canadensis L., Ranunculaceae

L'hydrastis est constitué par le rhizome et la racine séchés, entiers ou coupés d'Ho
canadensis. Il contient au minimum 2,5 % d'hydrastine et 3 % de berbérine (Ph. eur.,
6' éd. - 6.1, [04/2008:1831]).

La plante. L'hydrastis est une plante herbacée pérenne à court rhizome horizontal
portant de nombreuses racines grêles. La tige, dressée, porte deux ou trois feuilles
palmatilobées et une seule fleur terminale, blanc verdâtre. La plante, connue sous le
nom de sceau d'or, est indigène dans l'est de l'Amérique du Nord où elle était utilisée
par les indiens Cherokee.

Le rhizome. Le rhizome tortueux et noueux est jaunâtre à gris-brun en surface.


Celle-ci, sillonée irrégulièrement, porte les restes de nombreuses racines minces et
drues, la marque des bases de tiges et des écailles foliacées. La cassure est courte et
résineuse, brun-jaune; l'écorce est épaisse, la moelle large.
Examinée au microscope (glycérol), la poudre d'hydrastis présente d'abondants
grains d'amidon, le plus souvent simples et petits (10 ]lm).
L'identité est confirmée par la CCM des alcaloïdes extraits par du méthanol à 80 %
(caractérisation des fluorescences de l'hydrastine, de l'hydrastinine et de la berbérine).
Les deux alcaloïdes majoritaires sont dosés par chromatographie liquide après
extraction par l'alcool en milieu ammoniacal.
1066 ALCALOÏDES

Composition. Les composants principaux du rhizome et des racines sont des


isoquinoléines : hydrastine - c'est une phtalyltétrahydroisoquinoléine - et berbérine,
une protoberbérine ammonium quaternaire fortement colorée en jaune. Ils sont
accompagnés de canadine, de canadaline, d'hydrastinine, de berbérastine, etc. Une
analyse soignée des alcaloïdes permet de détecter des falsifications ou ajouts (Coptis,
Mahonia, Berberis, etc.).

Pharmacologie. La berbérine est douée de propriétés bactériostatiques à faible


dose, bactéricides à dose plus forte. In vitro, elle est active sur de nombreux germes
(staphylocoques, streptocoques, mais aussi salmonelles, proteus, vibrions, etc.). Elle est
également fongicide et toxique à l'égard de divers protozoaires (leishmanies,
Plasmodium). Pour certains auteurs, l'alcaloïde inhiberait l'adhésion des bactéries
pathogènes. La berbérine diminue le péristaltisme intestinal. C'est aussi un immuno-
stimulant (in vitro).

Évaluation clinique, toxicité, effets indésirables. Quelques essais cliniques ont


suggéré que la berbérine est efficace pour traiter les infections gastro-intestinales
infectieuses. En cas d'inflammation des voies biliaires ou urinaires, aucun essai
clinique ne valide l'intérêt de la berbérine; il en est de même pour le traitement du
trachome (essais sans insu ou mal contrôlés). L'utilité de la berbérine en cas d'insuf-
fisance cardiaque, établie par des médecins chinois, n'a pas été confirmée.
La toxicité de la plante est assez mal connue; on ignore tout des conséquences d'un
emploi prolongé. La berbérine est toxique chez l'animal (DLso, 24 mg/kg, IP, Souris).
Chez le Chat ou le Chien, la mort survient par paralysie respiratoire, on note aussi une
action au niveau myocardique. D'après la Commission E allemande (monographie
Berberis vulgaris), 0,5 g de berbérine et plus peuvent provoquer léthargie, épistaxis,
dyspnée, irritations cutanées et oculaires, néphrite, troubles digestifs, nausées,
vomissements, diarrhée, etc. À forte dose, des décès auraient été notifiés.
Certains auteurs préconisent d'éviter l'exposition aux UVA après application
cutanée de produits à base d'hydrastis (risque phototoxique). L'inhibition par la
berbérine de certaines isoformes du cytochrome P4S0 peut, en théorie, modifier
l'efficacité de divers médicaments (non rapportée à ce jour en clinique). ;1'
"

,~
Emplois. Hydrastis canadensis ne figure pas à l'annexe 1 de la Note explicative de
l'Agence du médicament (1998). Cette espèce ne fait pas non plus l'objet, en
Allemagne, d'une monographie de la Commission E du BfArM.
La teinture et la teinture-mère homéopathique sont encore utilisées dans quelques
associations destinées au traitement des manifestations subjectives de l'insuffisance
veineuse (hamamélis, fragon, marron d'Inde, viburnum). L'hydrastis entre dans la
composition de diverses préparations homéopathiques. Il est très utilisé en Amérique du
Nord, particulièrement en usage local: inflammation des voies nasales et des oreilles,
infections oculaires, inflammations des muqueuses ou de la peau.
L'hydrastis est parfois associé à l'échinacée dans des préparations destinées à
prévenir et soigner rhume et grippe. Cet usage ne repose sur aucune donnée validée.
AUTRES ISOQUINOLÉINES 1067

• FUMETERRE , Fumaria officinalis L., Fumariaceae

La plante. La fumeterre officinale et les espèces voisines sont des plantes herbacées
annuelles à feuilles vert glauque bi- à tripennatiséquées. Les fleurs irrégulières ont un
pétale supérieur prolongé par un éperon. Le fruit est une silicule indéhiscente. On utilise
les parties aériennes fleuries. La diagnose de ces espèces envahissantes des terrains
cultivés est difficile; l'espèce officinalis est d'ailleurs divisée en deux sous-espèces qui
se distinguent par le nombre de fleurs de l'inflorescence et la taille des sépales (ssp.
officinalis Sell et ssp. wirtgenii [Koch] Arcangeli).

Composition chimique. La plante est surtout connue pour ses alcaloïdes (0,3 %) :
une centaine de composés ont été décrits dans les différentes espèces du genre qui ont
été étudiées. L'alcaloïde principal de F. officinalis est la protopine; on note aussi la
présence de cryptopine, de sinactine, de spirobenzyltétrahydroisoquinoléines
(fumaritine, fumariline, parfumine), celle de tétrahydroprotoberbérine et peut-être celle
d'indénobenzazépines comme la fumaritrine ou la fumarofine. On note aussi la
présence de malates d'acides hydroxy-cinnamiques (acide caféique, acide férulique) qui
ne sont présents en quantité notable (1,2 % pour le dérivé caféique) que dans une plante
soigneusement séchée ou lyophilisée.

to
o
CHaO

)
o
protopine fumaritrine

Pharmacologie, évaluation clinique. Plusieurs expérimentateurs ont cherché à


vérifier la réputation de la fumeterre: le nébulisat serait un « ampho-cholérétique » (?),
un régulateur du flux biliaire. C'est aussi un spasmolytique, notamment au niveau du
sphincter d'ODD!. La pharmacologie de la protopine est mieux connue: spasmolytique,
anticholinergique, antiarythmique et antibactérienne, elle augmente la fixation de
l'acide gamma-aminobutyrique sur ses récepteurs centraux. Les esters maliques
participent-ils à l'activité attribuée à la fumeterre?
Un essai randomisé en double aveugle versus placebo a montré que la fumeterre
n'était pas plus efficace que le placebo pour améliorer les symptômes du syndrome du
côlon irritable.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour les parties aériennes fleuries de fumeterre, les
indications thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé pour 10
faciliter les fonctions d'élimination urinaire et digestive; 2 0 comme cholérétique ou
cholagogue. Si le phytomédicament à base de fumeterre est une poudre de parties
1068 ALCALOÏDES

aériennes, le dossier « abrégé» d'AMM doit comporter une étude toxicologique


allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour la fumeterre pour tisane, l'extrait aqueux, les
teintures et les extraits hydro-alcooliques, quel que soit leur titre.
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
les parties aériennes fleuries de la fumeterre sont utilisées en cas de spasmes de la
vésicule, des voies biliaires et du tractus gastro-intestinal. Posologie: 6 g par jour de
plante ou préparation correspondante .

• CHÉLIDOINE , Chelidonium majus L., Papaveraceae

La chélidoine est constituée des parties aériennes, séchées, entières ou


fragmentées, de C. majus, récoltées pendant la floraison. Elle contient au minimum
0,6 % d'alcaloïdes totaux, exprimés en chélidonine (Ph. eur., 6 c éd, [01/2008:1861]).

La plante. La chélidoine est une herbe vivace commune dans les murailles, les
décombres et les fossés. Elle est caractérisée par une souche épaisse et des feuilles
molles, vert-bleu et glabre à la face supérieure, irrégulièrement pennées (folioles ovales
à oblongues, foliole terminale souvent trilobée). Les fleurs ont 2 sépales profonds se
détachant facilement et 4 pétales jaunes. Le fruit est une silique glabre et bosselée. La
rupture des tissus de la plante provoque l'écoulement d'un latex orangé réputé
caustique.
Examinée au microscope (hydrate de chloral), la poudre de chélidoine montre des
stomates anomocytiques sur la face inférieure des fragments de feuille, des poils
tecteurs à paroi fine et fragmentée, des tubes laticifères associés, etc. L'identité est
confirmée par une CCM des alcaloïdes totaux. Ceux-ci sont dosés par spectrométrie
après addition d'acide chromotropique en milieu sulfurique.

o
N <o
o
)
o
sty/opine

o
)
sanguinarine
Origine des benzophénanthridines
AUTRES ISOQUINOLÉINES 1069

Composition chimique. Toute la plante renferme une trentaine d'alcaloïdes (surtout


concentrés dans les parties souterraines : jusqu'à 2 %). Les principaux alcaloïdes sont
des benzophénanthridines : chélidonine, chélérythrine, sanguinarine; celles-ci sont
accompagnées de protopines et de protoberbérines (berbérine, stylopine, coptisine) et
de magnoflorine. Les autres alcaloïdes ne sont présents qu'en faible quantité. Comme la
fumeterre, la chélidoine renferme des esters d'acides hydroxy-cinnamiques et d'acides-
alcools (acides malique, thréonique, glycérique).

Propriétés, toxicité. Pour la médecine populaire, le latex de chélidoine est un


remède contre les verrues. L'extrait est antibactérien et antiviral. Il serait faiblement
antispasmodique et cholérétique. Les benzophénanthridines sont cytotoxiques. Aucune
étude clinique ne valide les indications traditionnelles de cette plante.
Plusieurs cas d'hépatite ont été enregistrés depuis 1990, notamment en Allemagne,
directement imputés à la prise de produits à base de chélidoine.

Emplois. En France, la chélidoine ne figure pas à l'annexe 1 de la Note explicative


de l'Agence du médicament (1998). En Allemagne, la monographie établie par la
Commission E du BfArM précise que la chélidoine est utilisée en cas de spasmes des
voies biliaires et du tractus gastro-intestinal. Posologie: de 2 à 5 g par jour de plante
correspondant à 12 à 30 mg d'alcaloïdes totaux .

• SANGUINAIRE , Sanguinaria canadensis L., Papaveraceae

La sanguinaire est une herbe vivace à latex rouge commune en Amérique du Nord,
de la Floride au Québec et jusqu'aux rives du Mississipi. Les alcaloïdes, présents dans
toutes les parties de la plante, sont surtout concentrés dans le rhizome (4-7 %). Le
constituant majoritaire (50 %) est une benzophénanthridine, la sanguinarine; il est
accompagné de dérivés du même type: chélérythrine (25 %), sanguilutine,
sanguirubine, chélirubine, chélilutine et autres alacaloïdes isoquinoléiques.
La sanguinarine est douée de propriétés antimicrobiennes, antifongiques et anti-
inflammatoires (œdème de la patte du Rat). Inhibiteur de l'ATPase Na/K dépendante et
inotrope positif, c'est une molécule qui interagit avec les acides nucléiques. Le chlorure
de sanguinarine est utilisé en bains de bouches et dentifrices, en particulier aux États-
Unis d'Amérique: se fixant électivement sur la plaque dentaire, il en inhibe 98 % des
bactéries à des concentrations variant de 1 à 161lg/m1 (activité voisine de celle de la
chlorhexidine) .

sanguinarine ché/érythrine
1070 ALCALOÏDES

• PAVOT DE CALIFORNIE,
Eschscholtzia californica Cham., Papaveraceae

La partie utilisée est constituée par les parties aériennes fleuries séchées. Elles
contiennent au minimum 0,5 % et au maximum 1,2 % d'alcaloïdes totaux, exprimés en
californidine (Ph. fse, 10' éd.).

La pùmte. Cette petite plante qui égaye très fréquemment nos jardins de ses corolles
orangées est originaire de la Californie où elle colonise de vastes étendues, aussi bien
sur les dunes côtières que dans les plaines et les vallées arides. C'est une plante
annuelle, caractérisée par des tiges cannelées, des feuilles vert glauque découpées très
profondément en segments linéaires et par des fleurs à 2 sépales caducs dont la corolle,
le soir venu, se referme en redressant ses 4 pétales libres, jaunes à jaune orangé. De
nombreuses étamines entourent un ovaire uniloculaire conduisant à une capsule linéaire
s'ouvrant par deux valves.
L'identité de la plante est confirmée par la CCM des alcaloïdes totaux, lesquels
sont titrés par protométrie en milieu non aqueux après extraction par le méthanol,
précipitation sous forme d'iodomercurates en milieu chlorhydrique et décomposition du
complexe sur un gel de silice échangeur d'ions .

Composition chimique. La composition de la plante est assez bien connue, au


moins pour ce qui concerne les alcaloïdes. À côté des pavines majoritaires et
caractéristiques du genre (eschscholtzine, californidine, etc.), on isole de la protopine,
des aporphines (N-méthyl-Iaurotétanine); les benzophénanthridines (sanguinarine,
chélérythrine) ne sont présentes qu'à l'état de traces dans les feuilles et les tiges, mais
sont, avec l'allocryptopine et la protopine, les principaux alcaloïdes des racines
(lesquelles sont beaucoup plus riches en alcaloïdes totaux que les tiges [> 2,5 %D.

Pharmacologie, évaluation clinique. La teinture d'Eschscholtzia prolonge la durée


du sommeil induit chez la Souris et réduit l'activité motrice de cet animal (voie IP). In
vitro, c'est un spasmolytique. Un extrait hydro-alcoolique est sédatif et anxiolytique
chez la Souris (induction du sommeil, situations conflictuelles). Cette double activité
est antagonisée par le flumazénil, un antagoniste du récepteur aux benzodiazépines.
Si des observations ponctuelles chez l'Homme montrent que le nébulisat
d'Eschscholtzia diminue le délai d'endormissement, cela n'a pas été confirmé par des
essais cliniques. Un essai clinique a évalué les propriétés anxiolytiques d'un mélange
d'Eschscholtzia, d'aubépine et de magnésium, mais ses conclusions, pour modestement
positives 5 qu'elles soient, ne peuvent être prises en compte pour apprécier l'activité du
seul Eschscholtzia.

5. Il est intéressant de comparer cet essai de 3 mois, 264 patients, publié en 2004, à un essai sur un
mélange de même nature pris en compte en 2002 par la Commission de la transparence pour rendre un
avis sur un produit de même composition. Selon cet avis, et après inclusion de 203 patients (61 étant
exclus pour non respect des bonnes pratiques cliniques dans les centres correspondants), « aucun
élément ne démontre une différence cliniquement significative par rapport au placebo ». Essai: Hanus
et al., op. cit.; avis de la Commission: www.has-sante.fr/portail/ jcms/c_244359/avismedicamentct031330pdf
AUTRES ISOQUINOLÉINES 1071

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour les parties aériennes fleuries d'Eschscholtzia
l'indication thérapeutique suivante (voie orale) : traditionnellement utilisé dans le
traitement symptomatique des états neurotoniques des adultes et des enfants,
notamment en cas de troubles mineurs du sommeil. Si le phytomédicament à base
d'Eschscholtzia est une poudre de parties aériennes, un extrait hydro-alcoolique de titre
alcoolique> 30 % ou une teinture, le dossier « abrégé» d'AMM doit comporter une
étude toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour l' Eschscholtzia pour
tisane, l'extrait aqueux et les extraits hydro-alcooliques de titre inférieur à 30 %. Une
teneur limite en constituant actif doit être proposée.
En Allemagne, la Commission E du BfArM a estimé qu'il n'existait pas de données
cliniques ou autres sur l'utilisation phytothérapeutique de l'Eschscholtzia et que les
propriétés attribuées à cette plante n'étant pas démontrées, elle ne pouvait pas en
recommander l'usage dans un but thérapeutique.

\
rhoeadine eschscholtzine

• COQUELICOT, Papaver rhœas L., Papaveraceae

Les pétales de coquelicot sont les pétales séchés, entiers ou fragmentés de P.


rhoeas (Ph. eur., 6' éd., [01/2005:1881]).

Le pétale, rouge foncé à brun-violet fonçé, est très fin et souvent chiffoné. Réduit en
poudre, il présente (en microscopie) de nombreux faisceaux vasculaires à vaisseaux
spiralés. Les pétales ne doivent pas contenir plus de 2 % de capsules. Le pouvoir
colorant est déterminé par une mesure d'absorbance sur un extrait à l'éthanol dilué.
Les pétales de cette petite plante herbacée commune au bord des chemins et dans
les lieux incultes de toute l'Europe jouissent d'une réputation de sédatif léger et
d'antitussif. On sait qu'ils renferment des anthocyanosides et une faible quantité
d'alcaloïdes (0,07 %) du même type que ceux qui sont présents dans le reste de la
plante: l'alcaloïde majoritaire est une tétrahydrobenzazépine, la rhœadine. La
pharmacologie de cet alcaloïde n'est pas connue, mais on peut noter que des dérivés
voisins sont des antagonistes dopaminergiques, neuroleptiques. Aucune étude clinique
ne valide les indications traditionnelle de cette plante.
En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet qu'il est
possible de revendiquer, pour le pétale de coquelicot les indications thérapeutiques
suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé dans 10 les troubles de l'éréthisme
cardiaque de l'adulte (cœur sain); 2 0 le traitement symptomatique des états
1072 ALCALOÏDES

neurotoniques des adultes et des enfants, notamment en cas de troubles mineurs du


sommeil; 3° le traitement symptomatique de la toux. Aucune évaluation toxicologique
n'est demandée pour la constitution d'un dossier« abrégé» d'AMM (poudre, pétale
pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
Les pétales de coquelicot entrent dans la composition des espèces pectorales, et
dans celle du sirop d'ipecacuanha composé.
En Allemagne, la Commission E du BfArM a estimé que les propriétés attribuées au
coquelicot ne sont pas démontrées et qu'elle ne pouvait pas en recommander l'usage
dans un but thérapeutique. Le coquelicot peut toutefois être utilisé comme agent de
coloration dans les tisanes.

3. AUTRES PLANTES À ALCALOïDES ISOQUINOLÉIQUES

.PLANTES DE LA PHARMACOPÉE CHINOISE

Plusieurs plantes de la Pharmacopée traditionnelle chinoise sont présentées comme


ayant des propriétés qu'elles devraient à des alcaloïdes isoquinoléiques. C'est en
particulier le cas de plantes renfermant des protoberbérines :

.Coptis sinensis Franchet et autres espèces de Coptis (Ranunculaceae). Connue


sous le nom de huanglian, elle est utilisée pour son le rhizome qui contient 5-8 % de
berbérine, accompagnée de coptisine, de columbamine, de jatrorrhizine, etc. Le
rhizome est utilisé en nature et comme source de berbérine. Les propriétés
antibactériennes de la berbérine justifieraient l'utilisation du Coptis dans le traitement
des dysenteries bacillaires et de diverses affections bactériennes. Il faut toutefois
remarquer que des essais cliniques n'ont pas apporté de preuve solide de l'intérêt des
sels de berbérine dans le traitement des diarrhées d'étiologies diverses .

• Berberis soulieana Schneider, B. wilsonae Hemsley et autres espèces. Les


racines de ces Berberidaceae (sankezhen, cihuanglian) ont des propriétés anti-
bactériennes et antifongiques marquées qui, selon certains auteurs, sont confirmées
chez l'Homme (dysenterie, infections gynécologiques). Les principales espèces
concernées renferment majoritairement de la berbérine (0,5 à 6 %) et d'autres
protoberbérines (palmatine, jatrorrhizine, etc.) ainsi que des bisbenzyltétrahydro-
isoquinoléines (berbamine, oxyacanthine, isotétrandrine, etc.). La palmatine est
fortement antifongique. La plante possède également des propriétés hypotensives dues
aux différents alcaloïdes, en particulier à la berbamine .

• Corydalis turtschaninovii Bess. f. yanhusuo Y.H. Chou & C.C. Hsü. Cette
Fumariaceae et d'autres espèces du genre sont utilisées dans le traitement de douleurs
d'origine diverses (neuralgies, dysménorrhées, céphalées). L'activité analgésique du
tubercule (yanhusuo) est principalement liée à une tétrahydroprotoberbérine, la
tétrahydropalmatine. Cet alcaloïde est sédatif, hypnotique et tranquillisant comme
AUTRES ISO QUINOLÉINES 1073

plusieurs représentants du groupe des protoberbérines tétrahydrogénées 6; il bloquerait


les récepteurs doparninergiques post-synaptiques. Il est extractible d'autres sources plus
facilement accessibles, en particulier diverses espèces de Stephania (ex. : S. sinica
Diels, Menispermaceae) .

• Menispermun dauricum DC. (Menispermaceae). La plante (beiduogen) ainsi


que les alcaloïdes totaux que l'on peut en extraire (beiduogen pian) sont considérés
comme analgésiques et antipyrétiques. La plante renferme des bisbenzyltétra-
hydroisoquinoléines : dauricine (majoritaire), daurisoline, dauricinoline, ainsi que des
aporphines et des isoaporphines. Les activités de la dauricine sont proches de celles de
la tétrandrine (hypotensive, antiarythmique) .

• Stephania tetrandra S. Moore (hanfangJi,fangJi, Menispermaceae). Tradition-


nellement utilisée comme antirhumatismal, analgésique, anti-inflammatoire, ainsi que
dans le traitement de l'hypertension, cette espèce - on utilise la racine séchée - est
connue pour renfermer plusieurs alcaloïdes bisbenzyltétrahydroisoquinoléiques :
tétrandrine (0,7-1,3 %), fangchinoline, oxofangchirine, cyclanoline, déméthyl-
tétrandrine, etc. La tétrandrine est un antagoniste calcique. Elle déprime la contractilité
myocardique, relâche les fibres musculaires artérielles et s'oppose à leur contraction;
elle est hypotensive et coronodilatatrice. On notera aussi l'utilisation de ses dérivés
quaternarisés en anesthésiologie: l'iodure de diméthyltétrandrine, pachycurare non
dépolarisant, est employé comme myorelaxant en combinaison avec différentes
techniques d'anesthésie (y compris l'acupuncture).

Néphropathie à l'acide aristolochique. S. tetrandra a été distribué en France et en


Belgique à la fin des années 1980. Il entrait dans des compositions à visée amaigris-
sante. L'utilisation de ces produits a conduit à plusieurs dizaines de cas d'insuffisance
rénale par néphrite interstitielle fibreuse évoluant rapidement vers une insuffisance
rénale terminale. Une partie des patientes a dû subir une transplantation rénale et des
évolutions en carcinome urothélial ont été notifiées. L'origine de cette intoxication
grave semble être due à une substitution dufangji (S. tetrandra) par la racine d'une
autre espèce utilisée en Chine (Aristolochiafangchi Y.c. Wu & L.D. Chou ex S.M.
Wang), connue pour renfermer des acides aristolochiques. Ces acides de structure
phénanthrénique, néphrotoxiques et cancérogènes chez les rongeurs, forment des
adduits sur l'ADN. Plusieurs espèces du genre Aristolochia ont été impliquées dans des
néphropathies identiques (plus d'une centaine de cas connus au début des années 2000).

6. Ces propriétés ont été décrites et étudiées par plusieurs auteurs. Elles sont à rapprocher de
l'utilisation, au Vietnam, des racines de Stephania rotunda Lour. comme sédatif. Notons au
passage que, dans ce pays, on a recours à divers Coptis, Berberis et Thalictrum pour le traitement
des dysenteries et autres infections intestinales; elles renferment toutes de la berbérine [cf.
Khuong-Huu, Q. (1986). The importance of medicinal plants in Vietnam, in« Advances in
medicinal phytochemistry », (Barton, D. et Ollis, W.D., éds), John Libbey Ltd., Londres] ; voir
aussi: Dung, N .-X., et Loi, D.-T. (1991). Selection of traditional medicines for study, J.
Ethnopharmacol., 32, 57 -70, qui mentionnent également, dans les mêmes indications, un
Fibraurea à berbérine (Menispermaceae).
1074 ALCALOÏDES

S. tetrandra et A.fangchi ont été interdits à la vente en France en 1998 (décret 98-
397 du 20-05-1998). Par la suite, d'autres plantes ont été interdites d'importation, de
prescription, de délivrance et d'administration à l'Homme: Aristolochia clematitis et
Asarum europaeum (sauf l'importation pour l'obtention de médicaments homéo-
pathiques à des dilutions supérieures à la 12' dilution centésimale hahnemanienne
(décision du 29 janvier 2001). À la même date une décision 7 a interdit la préparation, la
prescription, la délivrance et l'administration de préparations magistrales, hospitalières,
officinales contenant des Aristolochiaceae, d'autres plantes contenant des acides
aristolochiques ou des aristolactames et des plantes pouvant être substituées par des
espèces contenant de tels dérivés, notamment du fait de leur dénomination chinoise,
mutong oufangji.
La décision a inclus, dans la première catégorie: Sausurrea cernuus (Saururaceae),
Schefferomitra subaequalis et Goniothalamus sesquipedalis (Annonaceae), Stephania
cepharantha (Menispermaceae), Doryphora sassafras (Monimiaceae) et plusieurs
Piperaceae : Piper longum (sauf le fruit), P. boehmerifolium, P. attenuatum et Piper
hamiltonii. Dans la deuxième catégorie figurent: Akebia quinata et A. trifoliata
(Lardizabalaceae), Clematis amandii et C. montana (Ranunculaceae), Cocculus
laurifolius, C. orbiculatus et C. trilobus (Menispermaceae) .

• Stephania cepharantha Hayata. Les tubercules de cette espèce renferment des


aporphines et des alcaloïdes dimères: isotétrandrine, berbamine, cépharanthine. Cette
dernière est un inhibiteur de l'agrégation plaquettaire ; elle réduit la leucopénie liée à
l'utilisation d'antitumoraux et s'oppose au développement des silicoses expérimentales
(interdit en France).

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7. Cette décision a été intégrée et précisée dans la version consolidée le 5 novembre 2003 du
décret 98-397 (voir sur legifrance). Sur le sujet, voir aussi: Inspection régionale de la pharmacie
(2007). Préparations concernant certaines plantes, in « Plaquette destinée aux professionnels exerçant
en officine »,6" éd., DRASS Ile-de-France, pp. 62-64 (téléchargeable sur www.ordre.pharmacien.fr/
upload/ActuStrucI760.pdf - 91 pages).
Sur les acides aristolochiques (notamment leur répartition), voir: Kumar, V., Poonam, Prasad A.K.
et Parmar, V.S. (2003). Naturally occurring aristolactams, aristolochic acids and dioxoaporphines and
their biological activities, Nat. Prod. Rep., 20, 565-583. (Accès gratuit pour cet article sur le site de la
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VI. Morphinanes

1. INTRODUCTION - ORIGINE BIOSYNTHÉTIQUE

Si les alcaloïdes isoquinoléiques sont particulièrement fréquents chez les Papaveraceae


(Argemone, Bocconia, Chelidonium, Eschscholtzia, Glaucium, Meconopsis, Papaver,
Roemeria, etc.), les morphinanes vrais sont spécifiques des Papaver: encore convient-
il de préciser que, sur près de cent espèces que compte ce genre à la taxinomie
complexe, une dizaine seulement biosynthétisent la thébaïne (P. bracteatum Lindley,
P. orientale L. et autres) et que la morphine n'est élaborée que par P. somniferum et P.
setigerum De. (ou ssp. setigerum, voir ci-dessous).
Structuralement, il est possible de distinguer les morphinanes vrais, alcaloïdes
caractéristiques des Papaver ou, différemment substitués, de rares Menispermaceae
(Stephania, Sinomenium, Strychnopsis), des morphinanediénones un peu plus fré-
quentes et dont la distribution, sans être très large, est toutefois moins spécifique:
Papaveraceae, Menispermaceae, Lauraceae, Euphorbiaceae, etc.
L'examen de la structure de ces composés montre qu'il s'agit bien de benzyltétra-
hydroisoquinoléines : on verra sur le schéma ci-dessous que leur précurseur biogéné-
OH
CH 3 0
CH 3 0Y)
HO HO~
~N-CH3
CH 3 0 CH30~ CH 3 0
OH OH o
réticuline (-)-pallidine

OH OCH 3
nudaurine morphine erromangine
1078 ALCALOÏDES

tique ne peut être que la réticuline, sa substitution étant la seule à autoriser le couplage
oxydatif ortho-para conduisant au motif phénanthrénique.

Biosynthèse. La biosynthèse des morphinanes n'est complexe qu'a priori. Diverses


expériences de marquage prouvent sans ambiguïté que la morphine est formée à partir
de la norlaudanosoline, elle même issue du métabolisme de la tyrosine.
Comme le résume le tableau de la page suivante, après 0- et N-méthylation de la
norlaudanosoline en réticuline, l'isomère R( -) de cette dernière est cyclisé en
salutaridine (mais l'isomère S(+) l'est également via le 1,2-déhydroréticulinium) et
cette diénone est réduite en diénol ; la déshydratation du salutaridinol 1 et la formation
du pont éther 4,5 conduisent à la thébaïne. À partir de ce premier représentant de la
série du morphinane, toutes les étapes biosynthétiques sont irréversibles :
déméthylation de l'éther d'énol en néopinone, isomérisation de cette dernière en
codéinone, réduction en codéine, déméthylation de la codéine en morphine. La
morphine est également formée en partie via l'oripavine (c'est-à-dire la 3-déméthyl
thébaïne) selon la séquence: thébaïne -> oripavine -> morphinone (hydrolyse de
l'éther d'énol) -> morphine (réduction).
On peut noter que plusieurs pavots à thébaïne renferment également de l'oripavine :
la spécificité du P. somniferum réside donc bien dans sa capacité à désalkyler l'éther
d'énol (en néopinone ou en morphinone).

2. PAVOT SOMNIFÈRE - OPIUM

Le pavot somnifère (feuilles, capsules [liste 1] et graines) était inscrit à la 8' édition
de la Pharmacopée française. La 9' édition consacrait une monographie à l'opium de
l'Inde et la IO c défmissait l'opium brut. C'est aussi ce que fait le texte maintenant en
vigueur, c'est-à-dire la 6' édition de la Pharmacopée européenne: l'opium brut est le
latex séché à l'air, obtenu par incision des capsules encore vertes de P. somniferum L. Il
contient au minimum 10 % de morphine et au minimum 2 % de codéine (par rapport au
latex desséché). L'opium brut n'est destiné qu'à servir de matière première dans la
fabrication de préparations galéniques. Il n'est pas délivré tel quel [01/2008:0777].

Le concentré de paille de pavot 1, l'opium (y compris les préparations d'opium et de


P. somniferum renfermant jusqu'à 20 % de morphine à l'exception des préparations
relevant d'un autre classement), la morphine et les dérivés morphiniques à azote
pentavalent (tels la N-oxymorphine, la N-oxycodéine, etc), l' oripavine, la thébàine et la l
plupart de leurs dérivés hémisynthétiques (dihydromorphine, héroïne, hydromorphone,
!
j
oxycodone, etc.) et synthétiques structuralement apparentés sont inscrits sur la liste des 1
1
substances classées comme stupéfiants (annexe 1); la codéine, la pholcodine, l'éthyl- .~

morphine relèvent du même régime (annexe II) 1.

1. Ou : « matière obtenue lorsque la paille de pavot a subi un traitement en vue de la


concentration de ses alcaloïdes (capsules, tiges) ». Cf. arrêté du 22-02-1990; mis à jour le II août
2008 : http://afssaps.sante.fr/htm/IO/pharma/listup.htm
MORPHINANES 1079

CH30~1 CH30:(\1

HO ~ 0

~N-C~
1 -
rYPN-CH3
CH30~ .. CH30~ n

OH 0 o

CH 3 0 CH 3 0

HO HO

HO CH 3 0
o
réticuline salutaridinoll salutaridine

o
thébaïne néopinone codéinone

morphine
codéine

HO HO

Biosynthèse
de la morphine

CH 30 0
oripavine morphinone
1080 ALCALOÏDES

L'intérêt de l'Homme pour le pavot remonte à plus de 4500 ans. L'exploitation des
capsules est attestée en Europe (Suisse, Allemagne, Jura, sud de l'Espagne) au Néo-
lithique récent : elles y étaient sans doute employées pour la valeur alimentaire des
graines qu'elles contiennent. Un peu plus tard, le pavot apparaît en Méditerranée
orientale (Crète) où il est utilisé (de 1600 à 1400 av. J.-c.) pour d'autres usages, sans
doute religieux, peut-être médicinaux, comme le suggère une statuette du mycénien
ancien où apparaissent des capsules de pavot scarifiées. Le pavot continue sa
progression vers l'est, pour partie transporté 2 dans des vases en forme de capsules vers
Chypre et l'Égypte. Bijoux, épingles et autres objets, ainsi d'ailleurs que la décoration
des tombes et de divers monuments 3 attesteraient de son usage en Égypte à partir de la
XVIII' dynastie (à partir de 1500 av. J.-C.). Des objets du même type sont également
présents, aux mêmes époques, en Anatolie. L'opium (la graisse de lion) et le pavot (la
plante de la joie) auraient également été connus des Assyriens. Plus près de nous, la
médecine grecque l'emploie pour soulager les douleurs et DroSCORIDE distingue
l'opium, suc de la capsule, et le meconium, obtenu en faisant infuser la plante coupée.
Ingrédient de la thériaque de GALIEN dont l'usage devait se perpétuer au cours des
siècles, l'opium devient, au XVII' siècle, le principe actif du laudanum de SYDENHAM
(teinture d'opium safranée) qui demeurera, jusqu'à la généralisation de l'usage du
chlorhydrate de morphine, l'analgésique le plus utilisé. Introduit très tôt en Orient par
les Arabes, il Y est connu et utilisé pendant plusieurs siècles pour ses vertus
médicinales, l'habitude de le fumer n'apparaissant qu'à la fin du XVII'siècle : on sait
comment le développement fulgurant du commerce de l'opium organisé par les
Britanniques aboutit à la première guerre de l'opium (1839-1842), point de départ de
l'ouverture (forcée) de la Chine aux nations occidentales. Pour sa part, l'Occident ne
sera touché par l'opiomanie qu'à la fin du XVIII" siècle: l'opium y sera mangé
(opiophagie) ou fumé et ce jusqu'à la mise en place de législations restrictives (France:
1908 ; première convention internationale: La Haye, 1912) 4. La morphinomanie en

2. Sous forme d'opium? C'est une hypothèse: les résultats des analyses laissent subsister le doute
(pas de recherche d'alcaloïdes). D'autres auteurs ont également établi la présence de morphine dans des
vases d'albâtre égyptiens retrouvés dans une tombe de la XVIII' dynastie. En réalité, un travail très
documenté publié par N.G. Bisset en 1994 met très sérieusement en cause la validité de cette assertion
émise au début du siècle: les méthodes les plus modernes (chromatographie gazeuse couplée à la
spectrométrie de masse, radio-immunologie) n'ont pas permis la caractérisation de la morphine dans
ces vases. Il est également peu probable que ce type de vase ait été connu à cette époque en Égypte. Si
cette analyse n'apporte pas la preuve absolue que ces vases n'ont pas servi à contenir de l'opium, elle
permet aux auteurs une intéressante mise au point sur l'histoire du pavot en Méditerranée orientale.
Voir: Bisset, N.G., Bruhn, J.G., Curto, S. et al. (1994). Was opium known in 18'" dynasty ancient Egypt? An
examination of materials from the tomb of the chief royal architect Kha, J. Ethnapharmacal., 41, 99-114.

3. La publication de Bisset et al. souligne que la stylisation rend, dans quelques cas, l'identification
douteuse et que « rnany pictures in tarnbs bear sarne sirnilarity ta P. rhoeas and are accepted as
representing that species ».

4. Sur l'histoire de la consommation d'opium dans l'empire de Chine et la mise en place des
conventions internationales successives, voir: ONU-Office on drugs and crime (2008). A century of
international drug control, in «2008 Warld drug repart », pp. 173-222. Document téléchargeable sur le site
de l'UN-ODC: http://www.unodc.org/
MORPHINANES 1081

vogue à la fin du XIX' siècle a maintenant cédé la place à une pratique parfois mortelle
et en expansion, l'héroïnomanie.
La production liciteS de l'opium, limitée dès les années 1950 à 7 pays, est à l'heure
actuelle circonscrite à l'Inde, les besoins de l'industrie pharmaceutique mondiale en
alcaloïdes étant principalement couverts par l'extraction directe à partir de la paille de
pavot (cf. p. 1084). La plus grande partie de la morphine produite industriellement est
transformée, surtout en codéine. La consommation de morphine est en augmentation
constante depuis la généralisation de l'emploi des formes destinées à la voie orale et les
incitations répétées des autorités sanitaires à mieux prendre en charge la douleur. Il faut
toutefois noter que la croissance actuelle et à venir de la consommation totale d'opiacés
est de plus en plus due à la croissance rapide du marché des opioïdes de synthèse .

• PA VOT SOMNIFÈRE, Papaver somniferum L., Papaveraceae

A. La plante

Le pavot est une plante annuelle à tige principale dressée de 1 m - 1,5 m, à feuilles
alternes, amplexicaules, glabres et le plus souvent vert glauque, celles de la base
pennatiséquées, celles du sommet simplement dentées. La fleur, solitaire, est
actinomorphe: son calice comprend deux sépales qui tombent lorsque s'épanouissent
les quatre pétales de la coroBe. CeBe-ci, blanche, rouge ou violacée selon le cultivar,
entoure de très nombreuses étamines à anthères noires et un ovaire supère uniloculaire
par fusion des 8-12 carpelles. Cet ovaire, divisé par des cloisons incomplètes et
surmonté par un plateau stigmatique aplati, conduit à une capsule ovoïde ou sphérique,
parfois indéhiscente, renfermant une multitude de graines minuscules. Après incision,
toutes les parties de la plante laissent s'écouler un latex blanc.
La taxinomie du genre est complexe, une centaine d'espèces étant réparties, selon
les auteurs, en 9 ou 12 sections. Initialement rangés dans la section Mecones Bernh.,

5. Les cultures illicites de pavot sont en expansion rapide, retrouvant presque les niveaux atteints
à la fin des années 1990. Cela est dû à un développement massif des cultures afghanes qui avaient été
drastiquement réduites en 2001. En 2007, les surfaces consacrées dans le monde à la culture du pavot
étaient estimées à 236000 ha (1930000 ha en Afghanistan, 28000 ha au Myanmar [Birmanie]). La
production mondiale illicite d'opium était évaluée la même année à environ 8900 tonnes, 92 % étant
fournis par les pavots de l'Afghanistan dont le rendement atteint 42,5 kg/ha, 5 % par le Myanmar. La
production d'opium au Mexique et en Colombie a considérablement diminuée depuis quelques années.
En 2006, les saisies mondiales déclarées ont été de 384 tonnes d'opium (principalement en Iran), celles
de morphine de 46 tonnes, celles d'héroïne de 58 tonnes.
Le nombre d'usagers d'opiacés a été estimé (pour 2006) à 16,5 millions dans le monde, plus de
70 % d'entre eux consommant de l'héroïne (15-64 ans - prévalence de 0,4 % - répartition: Asie 57, %;
Europe, 22 %, ensemble du continent américain: 13 %). En Europe, la prévalence atteint 0,7 %, soit
3,6 millions d'usagers (170000 en France).
Source: ONU-Office on drugs and crime (2008). OpiurnlHeroin market, in« 2008 World drug report»
pp. 37-63. Document complet (310 pages) téléchargeable sur le site de l'UN-ODe: http://www.unodc.org/
On peut voir aussi, du même organisme, le Résumé analytique enfrançais, 16 pages: en ligne: http://www.un-
ngls.orglsite/article_fr.php3?id_article=250
Papaver somniferum L.
MORPHINANES 1083

P. somniferum L. et P. setigerum DC. sont maintenant isolés dans une section Papaver
caractérisée par la présence d'alcaloïdes rattachés au squelette morphinane. S'agit-il de
deux espèces différentes? Les avis des spécialistes sont partagés: au vu des très
nombreuses publications consacrées au genre Papaver, il ressort que si certains auteurs
parlent de deux espèces, d'autres considèrent P. setigerum comme une sous-espèce de
P. somniferum : P. somniferum L. ssp. setigerum (De.) Corb. Pour quelques auteurs -
et c'est la position adoptée par la Flora Europœa - il Y aurait trois sous-espèces de P.
somniferum : deux cultivées (ssp. somniferum et ssp. songaricum Basil) et une
sauvage: ssp. setigerum (De.) Corb., à capsule plus petite. Sans entrer dans le détail on
peut souligner que les spécialistes sont également partagés sur l'origine de
P. somniferum, la majorité estimant toutefois que la sous-espèce (ou l'espèce)
setigerum est la forme ancestrale.
Peut-on parler de variétés? L'ancienneté de la mise en culture du pavot par
l'Homme est à l'origine d'une très grande variabilité morphologique (couleur des fleurs
et des graines, déhiscence, etc.). Plusieurs systèmes de classement ont été proposés et la
prolifération des cultivars issus de l'effort d'amélioration entrepris depuis une trentaine
d'années ne simplifie pas les choses. La Pharmacopée européenne a d'ailleurs supprimé
toute référence à la notion de variété 6.
À titre d'exemple, on peut citer ici les distinctions qu'opéraient les anciens ouvrages
classiques de Pharmacognosie 7 :
- le pavot à fleurs et graines blanches, cultivé en Inde. Les capsules, ovoïdes, sont
dépourvues de pores de déhiscence; on parle traditionnellement de variété album;
- le pavot noir, traditionnellement cultivé en Europe pour ses graines. Les fleurs de
ce « pavot œillette» sont violacées, les graines sont grises. La capsule, plus globuleuse
que celle du pavot blanc, est déhiscente par des pores sur le bord du plateau
stigmatique; il est connu sous le nom de variété nigrum ;
- le pavot d'Asie mineure, à fleurs pourpres. La capsule est large (10-12 cm)
globuleuse; les graines sont noir violacé (variété glabrum).

B. Production

Production de ['opium. Dans les régions septentrionales de l'Inde (Rajasthan,


Madhya Pradesh, Uttar Pradesh), les graines de pavot sont semées à la fin de l'automne.
Après la levée, les pieds sont éclaircis. La floraison a lieu en avril-mai et les capsules,
au nombre de 6 à 8 par pied, sont formées en mai-juin. Leur maturation est marquée par
un changement de couleur: d'abord vert bleuté, elles jaunissent. C'est à ce stade, avant
le dessèchement, que se pratique la collecte du latex. Les capsules sont incisées avec

6. Les choses sont loin d'être simples: une étude assez ancienne portant sur 1600 spécimens a
montré une très grande variabilité des caractères morphologiques et a conduit son auteur à distinguer
sept sous-espèces et trente-six variétés; pour d'autres botanistes, il convient de distinguer des
« convariétés » elles-mêmes subdivisées en variétés. D'autres auteurs estiment même « qu'il est
impossible d'un point de vue botanique de distinguer des variétés précises ».

7. a - Paris, R.-R. et Moyse, H. (1981). Précis de mntière médicale (2' éd.), Masson, Paris, 2, p. 186;
b - Evans, W.c., (1996). Trease and Evans'pharmncognosy (14' éd.), W.B. Saunders, Londres.,p. 367.
1084 ALCALOÏDES

précautions, une à une: l'incision, simple ou multiple, doit être suffisante pour
sectionner les laticifères, mais ne doit pas atteindre l'endocarpe, sous peine de voir le
latex s'écouler à l'intérieur de la capsule. Les capsules peuvent être incisées à plusieurs
reprises. Le latex blanc qui s'écoule coagule et brunit rapidement. Le matin suivant
l'incision, les écoulements de latex sont recueillis par raclage, agglomérés et séchés à
l'air libre. Après plusieurs jours de séchage, l'humidité résiduelle est de l'ordre de
10 %; finalement le produit est façonné en pains d'environ 5 kg. En 2007, l'Inde
cultivait environ 6000 ha de pavot, surface en forte diminution du fait de stocks très
importants.

Production de la paille de pavot. Si la culture du pavot est ancienne en Europe, son


but se limitait à produire des graines, source d'une huile insaturée. La mise au point de
procédés d'extraction directe des alcaloïdes à partir des capsules avec un rendement
satisfaisant, et l'amélioration des variétés productrices aussi bien que celle des pratiques
culturales ont permis d'envisager la production d'alcaloïdes sans passer par l'opium.
Cette amélioration du pavot a permis de multiplier très fortement sa teneur en alcaloïdes
et, à la fin des années 1990, elle a conduit à la mise en culture de variétés permettant
l'obtention de concentrés riches en morphine, mais aussi riches en thébaine (Australie,
France), certains pavots à thébaïne étant aussi riches en oripavine (Australie).
Il existe deux possibilités de récolte: soit la récolte à maturité complète, lorsque les
feuilles sont desséchées et les graines riches en huile, on obtient alors la « paille de
pavot» (au sens strict, c'est « toutes les parties du pavot à opium après fauchage à
l'exception des graines »), soit la récolte en vert, trois semaines environ après la
floraison. Ce «pavot vert» est riche en alcaloïdes, mais doit être déshydraté rapidement.
Lorsque les capsules sont récoltées mûres ou presque mûres, elles peuvent être séchées
par simple ventilation. La paille de pavot est exclusivement destinée à l'extraction d'un
produit intermédiaire, le « concentré de paille de pavot », puis à la séparation des
alcaloïdes contenus dans ce concentré.
En France, le pavot est cultivé dans la Mame, l'Aube et la région Poitou-Charentes.
Entre 2003 et 2005, environ 9400 hectares ont été effectivement récoltés, 10 à 15 % des
surfaces étant, selon les années, consacrées à des variétés riches en thébaïne. En 2007,
les principaux pays producteurs de paille de pavot ont été la Turquie (24000 ha),
l'Australie - qui a récolté, en Tasmanie, 8500 ha (moitié moins qu'en 2003) - , la
France (5 900 ha, dont 2 700 ha de pavot à thébaïne), l'Espagne (7 000 ha) et la
Hongrie (3 200 ha) 8, [surfaces effectivement récoltées]. La récolte et le rendement
fluctuent largement en fonction des conditions météorologiques.

Données quantitatives. La production mondiale de matières premières opiacées a


été, en 2007, de 252 tonnes d'équivalent morphine 9 (en diminution) et de 110 tonnes
d'équivalent thébaïne. Cette dernière production, en constante augmentation, est

8. Source: OICS (2008). Stupéfiants - Évaluations des besoins du monde pour 2009 - Statistiques pour
2007,429 pages, téléchargeable sur http://www.incb.org/incb/fr/narcotic_drugs_2008.html. Voir en
particulier la 4' partie: Renseignements statistiques sur les stupéfiants (offre de matières premières
opiacées et demande d'opiacés pour les besoins médicaux et scientifiques - observations - tableaux
statistiques - etc. [pp. 109-140]). Et rapports des années antérieures (téléchargeables sur le même site).
MORPHINANES 1085

principalement le fait de l'Australie. Au fil des ans, la part de l'opium dans le total des
matières premières utilisées a diminué et cette lente régression devrait se poursuivre :
81 % de la morphine et 92 % de la thébaïne utilisées provenaient en 2006 de
l'extraction des pailles. Celles-ci ont permis la production de 330 tonnes de morphine,
92 tonnes de thébaïne, 22 tonnes d'oripavine et 15 tonnes de codéine.
En 2007, la production mondiale d'opium a été de 282 tonnes (soit 31 tonnes
d'équivalent morphine) dont 95 % étaient produite en Inde, une faible quantité étant
produite en Chine (12,8 tonnes destinées au seul marché intérieur). Trois pays (l'Inde,
les États-Unis d'Amérique et le Japon) ont extrait 98 % de l'opium indien (642 tonnes
extraites en 2007, soit 70 tonnes d'équivalent morphine).

c. L'opium 10

L'opium est constitué par des masses brun-noir de taille variable, de saveur
piquante et amère, d'odeur caractéristique et de consistance variable (devenant dures et
cassantes par séchage).
L'examen microscopique, pratiqué sur un échantillon séché et mis en suspension
dans une solution d'hydroxyde de potassium, montre des granulations de latex
agglomérées en masses irrégulières et des filaments allongés brun-clair. On peut
observer des fragments d'épicarpe, des débris de vaisseaux, des cristaux réfringents et
quelques rares grains d'amidon.
L'identité de l'opium peut être vérifiée en additionnant directement l'extrait aqueux
de chlorure ferrique : il apparaît une coloration rouge qui ne disparaît pas par addition
d'acide chlorhydrique (caractérisation de l'acide méconique). On met également en
œuvre une caractérisation en CCM des principaux alcaloïdes contenus dans un extrait
réalisé avec de l'alcool à 70 % (révélation à l'iodobismuthate de potassium).
Les alcaloïdes sont dosés par chromatographie liquide après extraction des
alcaloïdes. Cette extraction est réalisée par macération sous agitation ultrasonique dans

9. Pour l'opium, comme pour la paille, l'équivalent morphine (ou thébaïne) est calculé par l'OICS
sur la base du rendement industriel. Les alcaloïdes minoritaires convertibles en morphine ou en
thébaïne sont pris en compte et ajustés par des taux de conversion appropriés (codéine, oripavine).

10. Les autres parties de la plante (capsules, graines) sont volontairement négligées ici. À propos
des graines, qui constituent une source d'huile insaturée, on note qu'elles sont traditionnellement
utilisées en Europe centrale dans la fabrication de pains et de gâteaux; il en est de même en Amérique
du Nord. La teneur en huile des graines peut atteindre 40 %, l'acide linoléique étant largement
dominant (70 %). Les esters éthyliques des acides gras de l'huile d'œillette sont utilisés comme
opacifiant en radiologie (lymphographie, fistulographie, sialographie).
Les graines de pavot contiennent des quantités variables (mais faibles) d'alcaloïdes: morphine (4-
250 mg/kg) et codéine (0,4-60 mg/kg), une grande partie de ces alcaloïdes provenant en fait de la
contamination par le latex. L'expérience a montré que l'ingestion de graines, dans les conditions
habituelles de consommation, n'engendre aucun des symptômes caractérisant la prise d'opiacés. Par
contre ces derniers sont détectables dans l'urine des consommateurs, ce qui peut conduire à des
difficultés d'interprétation de contrôles positifs. L'usage de quantités massives de graines comme
stupéfiant est exceptionnelle. Cela n'est pas le cas des capsules et de la paille, parfois détournées à cette
fin dans certains pays de l'est de l'Europe.
1086 ALCALOÏDES

l'alcool à 50 % et purification de l'extrait obtenu par chromatographie sur une colonne


de kieselguhr. L'éluat, évaporé à siccité, est redissous dans la phase mobile et un
volume approprié est injecté sur une colonne garnie de silice greffée. Outre la teneur en
morphine et en codéine, on détermine la teneur en thébaïne (au maximum 3 %).

D. Composition chimique du pavot

L'opium peut renfermer de 10 à 15 % d'eau. Les sucres sont abondants (20 %) ainsi
d'ailleurs que les acides organiques: acides lactique, fumarique, oxaloacétique, et
surtout acide méconique (plus de 5 %). Ce dernier (une pyrone dicarboxylique) n'existe
que chez un nombre très limité de pavots et peut être utilisé comme marqueur
d'identité. Les principes actifs sont représentés par 10 à 20 % d'alcaloïdes. La
concentration en morphine de l'opium actuellement exporté par l'Inde varie entre 9,5 et
12 %, la concentration en codéine est d'environ 2,5 % et la concentration en thébaïne se
situe entre 1 et 1,5 %.
La teneur en alcaloïdes et la composition des pailles de pavot varie selon l' origgine
et les variétés (à morphine [ML à thébaïne [TL etc.). Pendant la période 2004-2006, le
rendement industriel moyen en morphine anhydre (concentré de paille de pavot)
obtenue à partir de la paille de pavot (M) a été de 1,81 % en Australie, 1,09 % en
France, 1,01 % en Espagne et 0,38 % en Turquie (OICS, 2007 8).

Morphinanes
La morphine, alcaloïde majoritaire du groupe des morphinanes est aussi l'alcaloïde
le plus abondant dans l'opium (10-12 %). C'est une molécule pentacyclique qui
possède cinq centres asymétriques: seul l'énantiomère naturel (lévogyre) est actif (5R,
6S, 9R, 13S, 14R). La présence d'un hydroxyle phénolique (en C-3) confère à cet
alcaloïde des solubilités particulières: solubilité dans les solutions d'hydroxydes
alcalins ou alcalino-terreux par formation de morphinates et solubilité classique des
alcaloïdes (mais la morphine base est très peu soluble dans l'éther). La fonction
phénolique est également à l'origine des propriétés réductrices de la molécule:
possibilité de caractériser la molécule en présence de sels ferriques.
Le phénol en C-3 et l'hydroxyle en C-6 peuvent être éthérifiés ou estérifiés: à côté
de dérivés naturels comme la codéine ou la thébaïne on peut ainsi accéder à des dérivés
hémisynthétiques (voir ci-dessous); il faut toutefois remarquer que l'estérification ou

",~
-j
1

R =H : morphine thébaïne
R =CH 3 : codéine


~.l,
1
MORPHINANES 1087

l'éthérification de l'hydroxyle en C-3 diminuent l'activité analgésique. En termes de


relations structure activité on peut noter que l'inversion de la configuration en C-9 et C-
13 fait disparaître l'activité, mais que ni l'alcool en C-6 ni l'insaturation en 7,8 ne sont
strictement indispensables. La substitution sur l'azote est déterminante : le
remplacement du méthyle par des petits radicaux alkyle (allyle, cyclopropylméthyle,
cyclobutylméthyle, etc.) transforme la molécule en antagoniste pur ou partiel de la
morphine. Un moyen d'augmenter l'action analgésique consiste à introduire un
hydroxyle en C-14.
Les autres morphinanes sont présents dans l'opium en quantité variable: codéine
(2,5-5 %) - c'est l'éther méthylique en C-3 de la morphine -, thébaïne (moins de
2 %) - c'est l'éther méthylique de la forme énolique de la codéinone -, néopine,
codéinone, oripavine, etc.
La thébaine présente un intérêt synthétique: les deux insaturations 6(7) et 8(14)
permettent d'accéder à des adduits de Diels-Alder : on forme ainsi des structures
complexes et rigides qui, agonistes (ex. : étorphine) ou agonistes-antagonistes (ex. :
buprénorphine), sont extrêmement actives. C'est aussi une matière première pour
l'obtention de la codéine et un point de départ possible pour accéder aux 14-hydroxy-
morphinanes (ex. : oxycodone). L'oripavine est aisément transformable en thébaïne.

CH 3
1
CH 3 0 0 0
N'CH 3

CH 3 0 <
0 < 0
OCH 3 CH 3 0 CH 3 0 OCH 3
'-'::

~
OCH 3 OCH 3 OCH 3
papavérine noscapine narcéine
(= narcotine) OCH 3

CH'O~
CH 3 0 0 -;/

< ~ ~ N, 1
CH 3 0 0 HO ""H CH 3
H'"
OCH 3 0 HO -;/
'-'::

~
) CH 3 0 ~
1

OCH 3 0

laudanosine coptisine corytubérine

0 CH 3 0

< 0 CH 3 0
0
Opium:
autres alcaloïdes
OCH 3 0

canadine cryptopine
)
OCH 3 0
1088 ALCALOÏDES

Autres alcaloïdes
Un autre alcaloïde pondéralement important dans l'opium est la (-)-noscapine
(= narcotine). Ce composé est une base très faible, ses sels sont peu solubles et sa
structure lactonique le rend sensible aux pH alcalins. D'autres dérivés du même groupe
(des phtalyltétrahydroisoquinoléines) sont présents en quantités plus faibles
(narcotoline); ils sont accompagnés de sécophtalylisoquinoléines : narcéine, nor-
narcéine, narcéinirnide.
On trouve dans l'opium des benzyltétrahydroisoquinoléines (laudanine, lauda-
nosine, laudanidine, codamine, réticulines, etc.) ainsi qu'un dérivé isoquinoléique, la
papavérine (teneur moyenne: 0,5-1,5 %). P. somniferum élabore également d'autres
types structuraux: aporphines (isoboldine, corytubérine), tétrahydroprotoberbérines et
protoberbérines (coreximine, canadine, berbérine, coptisine), benzophénanthridines
(sanguinarine), protopines (protopine, cryptopine, allocryptopine), morphinanediénones
((- )-salutaridine).

E. Pharmacologie des principaux alcaloïdes

Morphine. La morphine exerce ses activités en se fixant de façon stéréo-


spécifique, réversible, et avec une grande affinité sur des récepteurs spécifiques
présents principalement à divers niveaux du système nerveux central. On distingue
classiquement des effets centraux et des effets périphériques.

effets au niveau du système nerveux central

• effet analgésique. La morphine induit une analgésie sélective: elle déprime très
fortement la perception nociceptive, elle élève le seuil de perception de la douleur.
L'activité psychodysleptique de l'alcaloïde participe également à l'action analgésique:
elle entraîne, de la part du sujet, une certaine indifférence à l'égard de sa douleur. Les
activités psychomotrices de la morphine varient selon l'espèce animale et, chez
l'Homme, sont fonction de l'existence préalable de douleurs. Ainsi, alors que l'on
observe chez le sujet souffrant une sédation, une indifférence aux sensations physiques
ou psychiques et, parfois, un état d'euphorie lié à une diminution de la réaction
psychoaffective à la douleur, il est fréquent que l'administration de morphine entraîne,
chez le sujet normal, une agitation plus ou moins intense, du délire, de l'anxiété, des
nausées, etc.
La morphine, agoniste pur (/-1 et faiblement K), agit en reproduisant l'action des mor-
phinopeptides endogènes au niveau des récepteurs présynaptiques des fibres myélinisées
de faible diamètre véhiculant les informations d'origine nociceptive : il s'ensuit une
inhibition de la libération de la substance P, neurotransmetteur de la douleur.
Ce mécanisme d'action permet également de comprendre l'origine de la
dépendance: la morphine inhibe la production d'enképhalines et, parallèlement, le
nombre de récepteurs augmente, d'où la tolérance. Lors du sevrage, les récepteurs ne
peuvent être saturés par leurs ligands naturels: ainsi s'explique le « syndrome de
sevrage », expression clinique de la dépendance physique.
MORPHINANES 1089

• effets respiratoires. La morphine déprime les centres respiratoires bulbaires: elle


diminue, proportionnellement à la dose, la sensibilité de ces centres au dioxyde de
carbone et à l'hypoxie; si la dose est plus élevée, une bradypnée importante et un
rythme irrégulier s'installent. Ces effets s'atténuent en cas d'administration chronique.

• autres effets centraux. La morphine déprime le centre de la toux. Elle provoque


un myosis, au moins chez l'Homme et les espèces « narcotisables ». Ce myosis
d'origine centrale est un signe important de l'imprégnation morphinique. Une action
complexe au niveau du centre du vomissement se traduit le plus souvent par
l'apparition de vomissements. On note enfin une dépression de l'activité hypophysaire:
diminution de la sécrétion de FSH, de LH, d'ACTH.

• dépendance. Les effets psychodysleptiques de la morphine sont importants.


L'activité euphorisante, la sensation de bien-être transitoire ou de somnolence
expliquent l'apparition de la dépendance psychique (pulsion à prendre le produit pour
retrouver ce climat psychique particulier) bientôt suivie de tolérance (nécessité
d'augmenter les doses et la fréquence d'administration pour obtenir le même effet). La
cessation brutale de l'administration du produit provoque - chez l'intoxiqué chronique
- un syndrome d'abstinence (alias de sevrage) : rhinorrhée, sueurs, larmoiement puis
agitation, mydriase; algies articulaires et musculaires accompagnent anxiété et
insomnie; plus tardivement tachycardie, polypnée, nausées et diarrhée apparaissent. Cet
« état de manque» qui justifie une intervention médicale est, le plus souvent, compensé
par la poursuite de l'administration de l'alcaloïde: c'est la dépendance physique
caractéristique de l'intoxication aux opiacés, c'est-à-dire un état adaptatif caractérisé
par l'apparition de troubles physiques lorsque l'administration est suspendue
brutalement (l'individu dépendant consomme alors pour éviter le malaise de privation).

effets périphériques

On signalera particulièrement les effets digestifs: vomissements (inconstants) et


action sur les fibres musculaires lisses. Cette action, pour partie d'origine enképhali-
nergique, est la résultante d'une diminution du tonus des fibres longitudinales et d'une
augmentation de celui des fibres tissulaires et des sphincters. Il en résulte une
constipation durable, peu sujette au développement de la tolérance.
On notera aussi que la morphine induit une rétention urinaire (là encore
consécutivement à son action sur les fibres lisses et les sphincters). Antidiurétique, elle
est également, à doses fortes, bradycardisante, vasodilatatrice, hypotensive.

Codéine. La codéine exerce une action antitussive, mise en évidence chez


l'Homme sain par l'utilisation d'aérosols tussigènes. Cette activité s'accompagne d'une
légère dépression des centres respiratoires, d'une faible bronchoconstriction par effet
direct sur le muscle lisse, d'un ralentissement des sécrétions et d'un effet histamino-
libérateur.
La codéine est partiellement O-déméthylée en morphine dans l'organisme: cette
transformation en morphine explique ses propriétés analgésiques. Analgésique efficace
1090 ALCALOÏDES

per os, son effet s'additionne avec celui d'antalgiques tels que le paracétamol; il est de
plus assez prolongé dans le temps. En raison du polymorphisme génétique de
l'isoforme du cytochrome P450 impliquée dans la dégradation de la codéine en
morphine (CYP2D6), la réponse analgésique peut varier d'un individu à l'autre, certains
(7 à 10 % en Europe) étant des métaboliseurs déficients, d'autres des métaboliseurs
ultra-rapides. Chez les premiers, la codéine est donc relativement ou totalement
inefficace. Chez les seconds, le risque de surdosage est augmenté.

Noscapine. N'étant pas dérivée du morphinane, la noscapine est une molécule


dépourvue d'effet toxicomanogène. Elle n'est ni analgésique ni inductrice de
dépression respiratoire. Elle est spécifiquement antitussive par action centrale
(inhibition du passage du stimulus tussigène) et périphérique (spasmolytique).

F. Extraction des alcaloïdes

Il existe plusieurs méthodes pour réaliser cette extraction. Le procédé traditionnel


commencait par une macération aqueuse de l'opium qui solubilise tous les alcaloïdes
sauf la noscapine. La solution de sels était ensuite additionnée de chlorure de calcium
qui précipite les acides organiques sous forme de sels calciques alors que les alcaloïdes,
transformés en chlorhydrates, restent en solution. Par concentration de la solution
aqueuse, des cristaux se formaient, mélange de chlorhydrate de morphine et de
chlorhydrate de codéine (sel de GREGORY), les autres alcaloïdes restant en solution. Le
sel de GREGORY était redissous dans l'eau et la morphine était précipitée sélectivement.
Les procédés actuels feraient appel à l'utilisation des résines échangeuses d'ions et
aux précipitations sélectives. Il en serait de même pour les méthodes industrielles
permettant la préparation des alcaloïdes à partir de la paille de pavot via le concentré de
paille de pavot obtenu par extraction solide-liquide à l'aide d'un solvant. Selon l'OICS,
certains pays soumettent le concentré de paille de pavot à des procédés en continu pour
la fabrication d'autres stupéfiants, sans qu'il faille au préalable isoler la morphine.

G. Emplois

Opium. L'opium et ses préparations ainsi que le concentré de paille de pavot sont
classés comme stupéfiants (annexe 1, à l'exception des préparations relevant d'un autre
classement) .
L'opium et la paille de pavot sont utilisés pour l'extraction des alcaloïdes. L'opium
reste utilisé pour l'obtention de formes galéniques et de quelques spécialités, mais la
consommation mondiale de ces préparations d'opium (incluses au tableau III de la
Convention de 1961) est maintenant faible (16,6 tonnes/an en moyenne selon l'OICS).

1- la poudre titrée d'opium, opium brut pulvérisé et séché, titré à 10 % de


morphine (10 ± 0,2), contenant au minimum 1 % de codéine et au maximum 3 % de
thébaïne (Ph. eur., 6' éd. [0112008: 1840]) (DM: 0,2 g/p - 0,5 g/j).
MORPHINANES 1091

La poudre d'opium entre dans la composition d'associations: avec la colchicine et


le tiémonium, ou avec le paracétamol et la caféine, mais nombre d'auteurs jugent la
balance bénéfices-risques de cette dernière association défavorable.
La poudre d'opium entre également dans la formulation de comprimés dosés à
0,5 mg de morphine et associant poudre d'opium, acide benzoïque, huile essentielle
d'anis et camphre. Ces comprimés sont la forme solide correspondant à la très ancienne
teinture d'opium benzoïque, connue sous le nom d'elixir parégorique (dilué à 50 % au
sirop de sucre - liste 1). Ces produits sont utilisés dans le traitement symptomatique des
diarrhées; le traitement doit être limité dans le temps.

2- l'extrait sec titré d'opium, titré à 20 % de morphine (20 ± 0,4), contenant au


minimum 2 % de codéine et au maximum 6 % de thébaïne (Ph. eur., 6' éd.
[01/2008:1839]), (DM: 0,1 g/p - 0,25 g/j).
L'extrait permet de préparer le sirop d'opium fort (0,05 % de morphine), maintenu
au Formulaire national (2008). L'extrait est utilisé en suppositoires, associé avec le
paracétamol et la caféine dans le traitement symptomatique des douleurs d'intensité
modérée à intense et/ou ne répondant pas à l'utilisation d'antalgiques périphériques
utilisés seuls (voir remarque ci-dessus).

3- la teinture titrée d'opium, titrée à 1 % de morphine (1 ± 0,05), contenant au


minimum 0,1 % de codéine et au maximum 0,3 %de thébaïne (Ph. eur., 6' éd.
[01/2008:1841]).

Morphine (stupéfiant, annexe 1).


Si la consommation thérapeutique mondiale de morphine a été multipliée par 6 en
une vingtaine d'années, seule une faible quantité de ce qui est extrait est destinée à cet
usage, l'essentiel de la production étant transformé en diverses molécules actives. Ainsi,
en 2007,440 tonnes de morphine (toutes origines confondues) ont été produites et 39
tonnes seulement ont été utilisées directement en thérapeutique. La plus grande partie a
été transformée, en particulier en codéine (349 tonnes produites, tous procédés
confondus). Par comparaison, la production mondiale de thébaïne (entièrement
transformée) a été de 112 tonnes, celle d'oripavine de plus de 7 tonnes et il a été fabriqué
38 tonnes d'hydrocodone - avec 30 tonnes consommées directement, c'est, en doses
quotidiennes « déterminées à des fins de statistiques », le premier antalgique utilisé dans
le monde -,32 tonnes de dihydrocodéine, 75 tonnes d'oxycodone (dont 51 tonnes
directement consommées), 9,5 tonnes de pholcodine, 5 tonnes de bupénorphine, 9,5
tonnes d'antagonistes morphiniques, etc. Hydrocodone et oxycodone sont presque
exclusivement utilisées sur le continent nord-américain (source: OICS, 2008 8).

Indications thérapeutiques. La morphine est un antalgique non spécifique utilisé


dans la prise en charge de la douleur persistante intense et/ou rebelle aux antalgiques de
niveau plus faible: c'est l'opioïde de niveau 3 de l'OMS Il de première intention
(douleurs d'origine cancéreuse, douleurs post-traumatiques, post-opératoires, etc.). La
morphine est prioritairement prescrite par voie orale (comprimés ou gélules de sulfate,
1092 ALCALOÏDES

solutions de sulfate ou de chlorhydrate). Si la voie orale est impossible, la voie


parentérale continue avec antalgie autocontrôlée est privilégiée. Le traitement ne doit
pas être interrompu brutalement. Les autres voies sont d'indications rares.

Règles de prescription et de délivrance. Les formes pour la voie orale à libération


immédiate ou à libération prolongée ainsi que les formes injectables administrables
avec un système actif de perfusion peuvent être prescrites sur 28 jours. La durée de
prescription des formes injectables administrables sans système actif de perfusion
demeure limitée à 7 jours.
Dans tous les cas, la prescription, la gestion et la dispensation se font conformément
aux règles en vigueur pour les stupéfiants (se reporter notamment aux différents alinéas
de l'article 5-5132 du Code de la santé publique, en particulier 30, 33 et suivants).

Morphine par voie orale. La gamme, large, des produits disponibles comprend
différentes formes et présentations contenant principalement du sulfate de morphine
sous divers dosages:
- des formes à libération immédiate:
• solutions buvables en ampoules de 10 mg, 20 mg, 30 mg ou 100 mg, sirop
(aromatisé) à 5 mg/ml (30 ml),
• gélules à 5 mg, 10 mg, 20 mg et 30 mg,
• comprimés à 10 mg et 30 mg ;
- des formes à libération prolongée:
• gélules à 10 mg, 20 mg, 30 mg, 50 mg, 60 mg, 100 mg et 200 mg (certaines
administrables toutes les 12 heures, d'autres toutes les 24 heures),
• comprimés à 10 mg, 30 mg, 100 mg et 200 mg.
Les microgranules contenus dans les gélules, le contenu des ampoules buvables et
le sirop de sulfate de morphine peuvent être administrés dans une alimentation fluide
(malades dysphagiques) ou dans une sonde de nutrition entérale. Comprimés et
granules ne doivent être ni écrasés, ni croqués (risque de surdosage).

Posologie (voie orale). Doses usuelles: adultes, 10 mg/prise, 60 mg/24 heures;


enfant à partir de 6 mois: 1 mg/kg, à répartir sur 24 heures.
Les textes en vigueur précisent 1° que les doses indiquées correspondent à la
posologie initiale au cours de traitement chronique qui doit être adaptée selon les
sujets; 2° que la posologie est augmentée jusqu'à antalgie satisfaisante; 3° qu'il n'y a
pas de posologie maximale tant que les effets indésirables sont contrôlés. (La relation
dose-efficacité tolérance est très variable d'un patient à l'autre). La posologie initiale est
réduite chez les patients âgés.
En pratique, l'évaluation de la douleur doit être fréquente, surtout en début de
traitement (titration) et la posologie augmentée significativement si nécessaire. Cette

Il. L'OMS définit 3 paliers d'intervention en cas de douleur: palier (ou niveau) n° 1, antalgiques
non morphiniques : paracétamol, acide acétylsalicylique et autres AINS; palier n° 2, antalgiques
morphiniques mineurs: codéine, dihydrocodéine, dextropropoxyfène, tramadol; palier n° 3, morphine,
hydromorphine, oxycodone, etc.
MORPHINANES 1093

augmentation, qui peut être de l'ordre de 50 %, est obtenue soit par diminution de
l'intervalle de prise, soit par augmentation de la dose. Chez les patients recevant des
formes à libération prolongée, l' ajustement de la posologie (de 10 à 50 %) peut être
obtenu par des interdoses de formes à libération immédiate. La posologie est ajustée
périodiquement, sans limite supérieure tant que les effets indésirables peuvent être
maîtrisés. Pour les formes à libération immédiate, la dose journalière est généralement
répartie en six prises. Le traitement par les formes à libération prolongée est géné-
ralement mis en place après initiation du traitement par une forme à libération
immédiate. Pour les traitements en aigu, la posologie répond à des protocoles
spécifiques.

Morphine par voie parentérale. Les formes injectables sont (sauf deux exceptions)
des solutions de chlorhydrate de morphine. Une dizaine de dosages sont disponibles (en
ville), entre 0,5 mg et 500 mg. Il existe en outre des spécialités d'usage hospitalier
(certaines sont rétrocédables).
La voie parentérale n'est pas la mieux adaptée au traitement des douleurs
chroniques, sauf si la voie orale est inefficace ou n'est pas possible: dysphagie,
déglutition impossible, occlusion intestinale, vomissements incontrôlés. On a alors
recours à la voie SC continue (pousse-seringues, pompes, diffuseurs) ou à la voie IV en
perfusion continue. Ces voies permettent l'administration auto-contrôlée.

Posologie (voie parentérale). Doses usuelles pour la voie voie SC (la moitié des
doses pour la voie orale) : adulte, 5 mg/prise - 30 mg/24 heures; enfant: 0,5 mg/kg à
répartir sur 24 heures, uniquement à partir de 6 mois. Dans le cas de la voie IV, les
doses usuelles sont divisées par 3 par rapport aux doses pour la voie orale (3,33
mg/prise et 20 mg/24 heures chez l'adulte; 0,3 mg/kg chez l'enfant à partir de 6 mois, à
répmtir sur 24 heures). La voie intramusculaire, douloureuse, n'est pas recommandée

Morphine par voie péridurale et sous-arachnoïdienne. Cette voie est justifiée par
la localisation des récepteurs morphiniques dans les cornes postérieures de la mœlle
épinière. Elle permet d'obtenir une analgésie médullaire de longue durée. L'analgésie la
plus longue est obtenue par injection intrathécale : l'injection directe dans le LCR
raccourcit le délai d'action et la très faible absorption sanguine conduit à une analgésie
qui dépasse souvent 24 heures. Le risque de dépression respiratoire semble faible, mais
il existe, décalé dans le temps. Aux autres effets indésirables s'ajoutent les risques
inhérents à la technique d'administration.

Contre-indications. Les contre-indications de la morphine sont nombreuses:


insuffisance respiratoire décompensée, insuffisance hépatocellulaire sévère,
traumatisme crânien et hypertension intra-crânienne, épilepsie non contrôlée, trouble de
la coagulation, infection, allaitement. Insuffisance rénale ou hépatique, insuffisance
respiratoire non décompensée, âge avancé, imposent une grande prudence d'utilisation.
L'utilisation au cours de la grossesse n'est pas recommandée, sauf en l'absence
d'alternative thérapeutique et après évaluation du bénéfice attendu pour la mère et des
risques encourus par le fœtus.
1094 ALCALOÏDES

Interactions médicamenteuses. L'association avec les agonistes-antagonistes


morphiniques (ex. : buprénorphine) est contre-indiquée (risque d'apparition d'un
syndrome de sevrage). L'association avec l'alcool est déconseillée. La prise simultanée
de benzodiazépines, de barbituriques ou d'autres morphiniques augmente le risque de
dépression respiratoire. Les dépresseurs du système nerveux central majorent la
sédation centrale. Les anticholinestérasiques potentialisent l'effet dépresseur
respiratoire. La rifampicine diminue la concentration plasmatique de la morphine.

Effets indésirables. Les principaux effets indésirables qui peuvent survenir sont:
- une constipation, presque inévitable, elle doit être prise en charge préventivement
(mesures hygiéno-diététiques, laxatifs, etc.);
- des nausées et des vomissements qui cèdent généralement après 4-5 jours de
traitement;
- de la somnolence, qui cède également en quelques jours;
- chez le sujet âgé, de l'agitation ou une sédation, des cauchemars et des hallucinations.
La somnolence croissante est un signe précoce de l'apparition d'une dépression
respiratoire; elle s'accompagne progressivement d'une bradypnée. Le surdosage
nécessite un arrêt du traitement et des mesures appropriées (oxygène, naloxone,
transfert éventuel en réanimation).
Dans le contexte du traitement de la douleur, l'augmentation des doses ne relève pas
le plus souvent, d'un processus d'accoutumance. Le demande réitérée du patient
témoigne presque toujours d'un besoin d'antalgique: l'addiction est exceptionnelle
chez les malades traités par des opioïdes. Le risque de survenue d'un syndrome de
sevrage est prévenu par la diminution progressive de la posologie.

Codéine (stupéfiant, annexe 1).


Indication thérapeutique: 1. comme antalgique. La codéine et ses associations
sont indiquées dans le traitement symptomatique des affections douloureuses de
l'adulte, y compris dans les algies des affections cancéreuses (douleurs d'intensité
modérée, niveau 2 de l'OMS). La dose minimale (adulte) est de 30 mg toutes les
4 heures (soit 180 mg/24 heures); elle peut être portée à 60 mg toutes les 4 heures. Les
dosages inférieurs à 30 mg de codéine ne sont pas considérés comme niveau 2 de
l'OMS. La Pharmacopée française a fixé les doses maximales de codéine base à
100 mg par prise et à 300 mg par 24 heures (adulte); pour le phosphate de codéine, ces
doses sont respectivement de 150 et 400 mg.
Pour l'adulte, il n'existe pas en France de spécialité à base de codéine seule, mais uni-
quement des associations, par exemple avec le paracétamol (cela étant, le recours à la
préparation magistrale est toujours possible). L'association est logique: une méta-analyse
d'esssais cliniques montre que l'effet antalgique d'une association de 60 mg de codéine
et de 600-650 mg de paracétamol est plus important que la même dose de paracétamol
seul. Mais les effets indésirables sont plus importants aussi. Pour divers auteurs, le dosa-
ge en paracétamol de la majorité des spécialités disponibles en France ne permettrait pas
la prescription de doses de codéine suffisantes pour obtenir une analgésie satisfaisante
sans dépasser 4 g/j de paracétamol (20 à 30 mg de phosphate de codéine par prise).
MORPHINANES 1095

Pour l'enfant de plus de 12 mois, on dispose en France d'un sirop aromatisé dosé à
1 mg de codéine base par ml (sous forme de phosphate) : 2 à 4 mg/kg124 heures (en 4 à
6 prises), sans dépasser 1 mg/kg/prise et 6 mg/kg124 h.

Indication thérapeutique: 2. comme antitussif. La codéine (le plus souvent sous


forme de sel) entre dans la formulation de diverses spécialités indiquées ou proposées
dans le traitement symptomatique des toux non productives gênantes. Ces spécialités -
très fréquemment des sirops 12 - renferment uniquement de la codéine ou, dans
quelques cas, une association de codéine et d'autres substances ou préparations
réputées exercer leur activité au niveau bronchopulmonaire (antiseptique, antitussif) :
éthylmorphine, cinéole, teinture de serpolet, extrait d'Erysimum, concentré d'espèces
pectorales, sulfogaiacol. Au titre des excipients, il est parfois utilisé d'autres
préparations à base de produits d'origine végétale (ex. : concentré pour sirop de tolu).

Contre-indications et effets indésirables. La codéine est contre-indiquée en cas


d'insuffisance respiratoire et dans les toux asthmatiques; on évitera, par prudence, de
l'utiliser chez la femme en période d'allaitement ainsi que pendant le premier trimestre
de la grossesse.
Aux doses thérapeutiques, les effets indésirables qui peuvent survenir sont ceux des
autres opiacés (cf. morphine). Nausées, vertiges, sensation de tête vide, constipation,
réactions cutanées allergiques ne sont pas rares. L'absorption d'alcool est à éviter
pendant le traitement.
Le risque de surdosage existe, principalement chez l'enfant, très sensible à cet
alcaloïde. Seuil toxique: 2 mg/kg. Symptômes du surdosage: bradypnée, myosis,
convulsions, flush et œdème du visage, urticaire, rétention urinaire (en cas de besoin:
ventilation assistée et traitement par la naloxone). Le risque de pharmacodépendance
est faible en l'absence d'une dépendance physique pré-existante.

Noscapine
La noscapine, qui a été peu évaluée, est utilisée dans le traitement des toux non
productives gênantes en particulier à prédominance nocturne (60 mg/j chez l'adulte, 0,5
mg/kg/j chez l'enfant, répartis en 4 prises). Traitement à limiter à quelques jours.
Disponible sous la forme d'un sirop associant un antihistaminique et la noscapine fixée
sur une résine carboxylique. Contre-indiquée dans la toux de l'asthmatique et en cas
d'insuffisance respiratoire. Peut entraîner constipation et somnolence, voire, rarement,
nausées et états vertigineux. Interactions médicamenteuses avec les morphiniques.

12. Certains sirops destinés au traitement symptomatique de la toux sont parfois détournés de leur
usage à des fins de toxicomanie. Cela est rendu aisé du fait de l'exonération des spécialités concernées
(il y a exonération lorsque la quantité de codéine remise en une fois ne dépasse pas 300 mg avec un
maximum de 20 mg par prise ou une concentration inférieure ou égale à 0,1 % pour les formes non
divisées en prises). En 2005, le 6' rapport national du dispositif TREND notait que cette pratique
semblait devenue marginale en France (Bello, P.- Y, Toufik, A., Gandilhon, M. et Evrard, 1. (2005).
Phénomènes émergents liés aux drogues en 2004. OFDT, 178 pages. Téléchargeable sur le site de l'OFDT :
http://www.ofdt.fr/ofdtdev/live/publi/rapports/rap05/epfxpble.html
1096 ALCALOÏDES

H. Alcaloïdes hémisynthétiques et synthétiques

Ne seront évoqués ici - et très succinctement - que les dérivés conservant le


squelette morphinane : les autres analgésiques centraux font l'objet de développements
dans les ouvrages de chimie thérapeutique et de pharmacologie (phénylpipéridines, 3,3-
diphényl-propylamines, 4-anilino-pipéridines, etc.). On n'évoquera pas non plus les
produits en développement (ex. : méthynaltrexone, antagoniste des récepteurs Il).

Buprénorphine (liste 1). Il s'agit d'un dérivé N-cyc1opropylméthyl hexacyc1ique


(c'est-à-dire résultant d'une cyc1oaddition sur une molécule de type thébaïne). Cet
agoniste-antagoniste 13, antalgique puissant de longue durée, stimule exclusivement les
récepteurs mu cérébraux et sa liaison est lentement réversible, ce qui minimiserait de
façon prolongée le besoin des toxicomanes en stupéfiants. Son activité agoniste
partielle lui confère une bonne marge de sécurité d'emploi.

Indications thérapeutiques. La buprénorphine (liste 1) est actuellemnt prescrite


dans deux indications:
a- La solution injectable du chlorhydrate (0,3 mg/ml, usage hospitalier) et les
comprimés sublinguaux à 0,2 mg sont utilisés comme antalgique (réservés à la prise en
charge des douleurs intenses d'origine cancéreuse [Afssaps, 2004]). Contre-indications :
traitement par un morphinique, insuffisance respiratoire ou hépatocellulaire graves,
intoxication alcoolique aiguë. Effets indésirables: insomnie, céphalée, lipothymie,
vertige, hypotension orthostatique, constipation, somnolence, etc.


HO~
0
~
1
~Br HO~
• 0
~
1

~'. ~ N-H '-" ~ N~


HO"'" / H HO"'" / H
morphine normorphine nalorphine

~. ~. ~.
. ~ N-CH3 . ~ N-CH3 . ~ N-CH3
H H H
HO"" / HO'.... / CH CO-O"'· /
codéthyline pholcodine 3 diacétylmorphine
(héroïne)

13. Les agonistes-antagonistes ont une affinité plus forte que celle de la morphine pour les récepteurs,
mais leur activité antalgique est plus faible. Leurs propriétés antagonistes ne se manifestent qu'en présence
d'un morphinique agoniste qu'ils déplacent de son récepteur, diminuant ainsi son action. Leur activité est
caractérisée par un effet plafond. Les agonistes activent les récepteurs et entraînent une réponse dose-
dépendante. Les antagonistes, peu ou pas intrinsèquement actifs, lèvent l'action des agonistes.
MORPHINANES 1097

b- Les comprimés de chlorhydrate pour la voie sublinguale (à 0,4 mg, 1 mg, 2 mg, 6
mg et 8 mg) sont utilisés, comme la méthadone, pour le traitement substitutif des
pharmacodépendances majeures aux opiacés, dans le cadre d'une prise en charge
médicale, sociale et psychologique. Elle est utilisée à grande échelle en France depuis
1996 dans ce but (80000 personnes recevaient ce traitement en 2003). La prescription
doit être faite sur ordonnance sécurisée (pour les dosages supérieurs à 0,2 mg [voie
orale] pour une durée maximale de 28 jours ; fractionnement à 7 jours, sauf mention
expresse du prescripteur).

Dihydrocodéine (stupéfiant, annexe II). Commercialisé en France sous une forme à


libération prolongée, le tartrate de dihydrocodéine est un analgésique central dont la
puissance est environ le dixième de celle de la morphine. La dihydrocodéine est
indiquée dans le traitement symptomatique des affections douloureuses d'intensité
moyenne (palier n° 2 de l'OMS, en alternative à la codéine). Opiacé faible employé
depuis longtemps dans d'autres pays, cette molécule provoque de nombreux effets
indésirables (nausées, vomissements, somnolence, constipation, brochospasme,
réactions allergiques). Elle ne doit pas être utilisée en même temps que les IMAO.

Éthylmorphine (stupéfiant, annexe II). Cet éther éthylique en 3 de la morphine est


indiqué dans le traitement symptomatique des toux non productives génântes.
L'éthylmorphine peut être utilisée seule (20 à 50 mg/j chez l'adulte; 0,6 mg/kg/j chez
l'enfant de 8 à 15 ans), ou associée à la codéine ou au sulfogaiacol et à la teinture de
grindélia (comprimés, sirops). Contre-indications, effets indésirables et précautions
d'emplois identiques à ceux de la codéine.

Hydromorphone (dihydromorphinone, stupéfiant, annexe 1). Cet agoniste est


disponible en gélules à libération prolongée. Elle est indiquée comme antalgique « en
cas de résistance ou d'intolérance à la morphine ». Un mg d'hydromorphone est
équianalgésique à 7,5 mg de morphine. Pour l'Afssaps (2004), cette molécule doit être
réservée aux douleurs intenses d'origine cancéreuse.

Méthylnaltrexone (N-méthylnaltrexone, liste 1). Cet ammonium quaternaire est un


antagoniste morphinique qui ne franchit pas la barrière hémato-encéphalique, actif au
niveau des récepteurs périphériques. Il est indiqué dans le traitement de la constipation
liée aux opioïdes chez les patients présentant une pathologie à un stade avancé et
relevant de soins palliatifs, lorsque la réponse aux laxatifs habituels a été insuffisante.

Nalbuphine (N-cyc1obutylméthyl-14-hydroxynordihydromorphine, liste 1).


L'activité analgésique de cet agoniste-antagoniste, utilisé pour ses propriétés agonistes,
est équivalente à celle de la morphine. La dépression respiratoire induite est modérée,
du moins lorsque les doses sont augmentées (plafond).

Nalorphine (N-allyl-normorphine, liste 1). C'est un agoniste-antagoniste utilisé


pour ses propriétés antagonistes. Déplaçant la morphine des récepteurs où elle se fixe,
elle en interrompt les effets, notamment la dépression respiratoire profonde due à de
1098 ALCALOÏDES

HO~
N~ o~:Nf
Agonistes et antagonistes HO
morphiniques :
structures et 0"" '" 1 é 1 ;

principes d'obtention
HO H HO H

O~
~Br ~
t na/oxone 11 B:a/trexone

CHao~
H~NH
HO~ 1. AC20
~I •.~ 1 2. BreN.
HBr-H 20
3. H30+

~
0\ . Q,.. .
. ~ N-CH a . ~ N-CH a
HO H HO H
o o o
oxycodone oxymorphone ~ noroxymorphone

1.HA,tH HO 1
CHao~~

~
2. H2/Pdl'
1 I
~ ~ Y
'---
Q Q,... N

~ À N-CH a
HO H

--
~O
CHao"" 1

thébaïne
L -_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _~
HO""
na/buphine

l' \
étorPhine diprénorphine

CHaO CHaO HO
/ /

CHaO CHaO
buprénorphine
HO

fortes doses ou à des doses répétées. Elle a été utilisée, sous forme de chlorhydrate,
dans le traitement de l'insuffisance respiratoire liée aux opiacés. On lui préfère
actuellement un antagoniste pur, la naloxone.

Naloxone (N-allyl-14-hydroxynordihydromorphinone, liste 1). C'est un antagoniste


pur(f.l, K), 1 mg bloque complètement les effets de 25 mg d'héroïne. Elle est indiquée, en
soluté injectable, dans le traitement des dépressions respiratoires secondaires aux
morphinomimétiques en fin d'intervention chirurgicale à but thérapeutique ou
MORPHINANES 1099

diagnostique; dans celui des intoxications secondaires à des morphinomimétiques; pour


le diagnostic différentiel des comas toxiques (mais la durée d'action est courte). Autre
indication (qui, pour de très nombreux auteurs, n'est ni utile, ni souhaitable) : le « test à
la naloxone » de confirmation de non-dépendance aux opiacés chez le toxicomane sevré
depuis suffisamment longtemps, comme préalable éventuel à la mise en place d'un
traitement par un antagoniste morphinique de longue durée d'action.
Récemment, une spécialité à base de buprénorphine et de naloxone a obtenu une
AMM européenne. Son but est de réduire le risque de détournement des comprimés pour
l'auto-injection comme cela a été constaté avec le buprénorphine chez certains patients
suivant un traitement de substitution: la naloxone, très peu absorbée par voie orale (donc
non antagoniste), devrait, en cas d'injection, neutraliser les effets de la buprénorphine.
L'évaluation de cette association se poursuit.

Naltrexone (N-cyclopropy Iméthyl-14-hydroxynordihydromorphinone, liste I).


Comme la précédente, cette molécule est un antagoniste pur. Son affinité est suffisante
pour qu'elle ne soit pas déplacée des récepteurs par des opiacés administrés
subséquemment (de ce fait ils ne peuvent agir). La naltrexone a donc été préconisée
dans le cadre de la toxicomanie aux opiacés, après la cure de sevrage (sinon la première
administration induit un syndrome de manque). Indications: traitement de soutien, de
longue durée, consolidation du sevrage, prévention tertiaire pour éviter les rechutes.

Oxycodone (l4-hydroxy-dihydrocodéinone, stupéfiant, annexe 1). Agoniste pur,


disponible en gélules à libération immédiate ou à libération prolongée et en solution
injectable (usage hospitalier), cet opioïde a une action antalgique qualitativement
semblable à celle de la morphine et un profil d'effets indésirables du même type. Elle
est indiquée dans les douleurs d'origine cancéreuse, intenses ou rebelles aux
antalgiques de niveau plus faible, chez l'adulte.

Pholcodine (3-morpholinyléthylmorphine, stupéfiant, annexe II). Comme la


codéine et l'éthylmorphine, la pho1codine est un antitussif. Plus spécifique que la
codéine, elle est très peu analgésique et agit de façon plus prolongée et n'induit pas de
pharmacodépendance. Substitut de la codéine, elle entre - c'est surtout vrai en France
- dans la composition de plusieurs sirops et autres formes destinées au traitement de
courte durée des toux sèches et des toux d'irritation (durée maximale de traitement :
5 jours). De plus en plus souvent utilisée seule, elle est aussi associée à l'érysimum, à
l'acide ténoïque, à la chorphénamine, à l'isomyrtol, au bicyclothymol ou au cinéole
(mais divers produits d'origine végétale subsistent au titre des excipients: extrait de
Dessesartz, de Tolu, eau distillée de laurier-cerise, huile essentielle d'eucalyptus, etc).

Cas particulier: héroïne (O-O-diacétyl-morphine). Non utilisée en thérapeutique.


La production, la mise sur le marché et l'emploi de cette molécule sont interdits en
France (Art. R. 5179, CSP, et arrêté du 10-09-92). Elle est utilisée ou évaluée dans
certains pays (Suisse, Royaume-Uni).
1100 ALCALOÏDES

3. BIBLIOGRAPHIE

Afssaps (2004). Mise au point sur le bon usage des opioïdes forts dans le traitement des douleurs chroniques
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Liste des stupéfiants (2008) : http://afssaps.sante.fr/htmIIO/pharma/listup.htm


Durées de prescription (2008): http://afssaps.sante.fr/htm/lO/pharn1a/phastu.htm
Alcaloïdes isoquinoléiques
* phénéthylisoquinoléines

• COLCHIQUE , Colchicum autumnale L., Colchicaceae (ex Liliaceae)

Le colchique, connu des Grecs pour sa toxicité, est utilisé dans l'empire byzantin dès le
V' siècle pour le traitement de la goutte. Rejeté par « la Faculté» au début du XVI'
siècle, il réapparaît à la fin du XVIII' siècle sous forme de teinture: « deux onces de
racine dans quatre onces de vin rectifié». Il faudra attendre un siècle pour que les
chimistes parviennent à cristallliser la colchicine (LABORDE et HOUDÉ, 1884), soixante
ans de plus pour établir sa formule (DEWAR, 1945) et une vingtaine d'années
supplémentaires pour qu'une première synthèse soit publiée (WOODWARD, 1963). La
synthèse de la (-)-(aS, 7S)-colchicine continue de stimuler l'imagination et les efforts
des chimistes: la colchicine naturelle présente en effet une asymétrie moléculaire liée à
la non-coplanéité des cycles benzénique et tropolonique. Ces deux cycles forment entre
eux un angle de torsion d'environ 53° et l'hélicité est dans le sens inverse des aiguilles
d'une montre. La torsion de la molécule est indispensable à l'établissement de la liaison
avec la tubuline : l'énantiomère (aR) ne se lie pas. Or cette liaison, en empêchant la for-
mation des microtubules, conditionne l'activité antimitotique de l'alcaloïde.

La plante, les graines. Plante herbacée des prés humides de l'Europe, le colchique
serait originaire des rives orientales de la mer Noire (Colchide, actuellement partie de la
Géorgie). Également dénommé safran des prés, il est caractérisé par un cycle végétatif
particulier. En octobre, le bulbe tuniqué émet un groupe de 2 à 6 fleurs trimères à
périanthe coloré en rose violacé s'épanouissant en six lobes étalés terminant un très
long tube étroit (10-15 cm), à ovaire restant au niveau du bulbe, sous le sol; après le
Colchicum autumnale L.
PHÉNÉTHYLISOQUINOLÉINES 1103

repos végétatif hivernal apparaissent des feuilles oblongues, linéaires et, dans le même
temps, l'ovaire fécondé (le fruit) sort de terre et poursuit sa maturation: c'est une petite
capsule septicide triloculaire rappelant vaguement une noix (d'où, chez l'enfant, une
possibilité d'intoxication). La pérennité de l'espèce est assurée par un bulbe de
remplacement qui, chaque année, se développe aux dépens de l'ancien.
La graine de colchique est petite: son diamètre ne dépasse pas trois millimètres.
Globuleuse, elle est particulièrement dure. Son tégument, brun rougeâtre et finement
ponctué, se développe anormalement sur un côté de la graine en formant un strophiole
qui renferme de l'amidon.
L'extraction de la colchicine, pratiquée habituellement sur les graines, peut aussi
concerner les bulbes. Une autre source potentielle de colchicine est constituée par une
Colchicaceae d'origine indienne, Gloriosa superba L., dont les graines renfermeraient
en moyenne 0,9 % de colchicine.

CHaO

2~
CHaO HO

autumnaline

colchicine androcymbine
HO OCH a
OCH a

Composition chimique. La teneur en alcaloïdes totaux de la graine de colchique est


très variable, de 0,3 à 1,2 %. Une vingtaine de composés alcaloïdiques ont été isolés. La
plupart n'existent qu'en très faible quantité. Ce sont presque tous des amides non ou
faiblement basiques, formant difficilement des sels. Certains d'entre eux existent à
l'état d 'hétérosides (colchicoside : 0,4 %). Structuralement ils ont en commun un noyau
tropolone, c'est-à-dire une structure tricyclique comportant deux cycles heptagonaux;
leur atome d'azote est extracyclique.
Le principal composé est la colchicine (0,6 % en moyenne). Sa structure amidique
lui confère des solubilités particulières: elle est en effet soluble dans l'éthanol, le
chloroforme et l'eau (surtout l'eau froide). Sensible à la lumière, elle est photoiso-
mérisée en lumicolchicines (pharmacologique ment inactives) sous l'influence du
rayonnement ultraviolet. L'extraction est donc possible par l'eau. À titre d'exemple, on
peut citer la méthode (historique) de HOUDÉ : la colchicine est extraite par une solution
hydro-alcoolique; la réextraction par le chloroforme après élimination de l'alcool
permet de séparer colchicoside (dans l'eau) et alcaloïdes non hétérosidiques (dans le
chloroforme). La colchicine peut être cristallisée à partir de la phase chloroformique
après lavage de celle-ci par une solution alcaline.

Origine biosynthétique. La biosynthèse de ces alcaloïdes est complexe. Certes, la


phénylalanine est incorporée: elle est à l'origine - via un acide cinnamique - du noyau
A et des carbones C-5, C-6 et C-7, mais la tyrosine l'est aussi et un marquage spécifique
1104 ALCALOÏDES

prouve qu'elle est le précurseur du noyau tropolone. Si les carbones C-3 et C-4' de la
tyrosine deviennent respectivement les carbones C-12 et C-9 de la colchicine (cf.
schéma), cela implique une expansion de cycle avec inclusion du carbone benzylique
de la tyrosine dans le cycle heptagonal ainsi formé.
C'est l'isolement d'une diénone heptacyclique, l'androcymbine, à partir d'une plante
botaniquement proche du colchique (Androcymbium sp.) qui a permis de reconstituer le
schéma probable de la biosynthèse. La réalité du processus est confortée par
l'incorporation de la O-méthyl-androcymbine marquée. On note aussi que le précurseur
supposé de l'androcymbine, c'est-à-dire l'autumnaline, a été isolé d'un Colchicum et
qu'elle est également incorporée. La perte du carbone C-2 de la tyrosine au cours du
réarrangement rend bien compte de la fragmentation postulée (elle est sans doute
consécutive à une hydroxylation).

CHaO + 1H
N
CHaO
y
phénylalanine 0

0
CHaO

tyrosine
biogenèse de la colchicine: origine des différents carbones

Pharmacologie. La colchicine bloque la mitose au stade de la métaphase en


empêchant la formation du fuseau mitotique. Cette action est liée à la capacité de
l'alcaloïde de se fixer sur la tubuline de manière prolongée et donc d'inhiber la
formation des microtubules, indispensables à la formation du fuseau. Chez les cellules
végétales l'inhibition de la séparation des deux lots de chromosomes fils - ils restent
attachés par leur centromère commun - aboutit à la formation de tétraploïdes: la
recherche agronomique a souvent eu recours à la colchicine pour créer des lignées
polyploïdes. La toxicité cellulaire de la colchicine, trop importante, ne permet pas de
l'utiliser comme médicament antitumoral.
La colchicine est un traitement de la crise aiguë de goutte et d'autres arthrites
microcristallines provoquées par des cristaux d'urate de sodium. Cette activité serait
liée à l'action sur les polynucléaires neutrophiles dont la responsabilité est primordiale
dans l'accès goutteux: diminution de la mobilité, du chimiotactisme et de l'adhésivité,
diminution de la phagocytose et de la dégranulation lysosomiale responsable de la
libération d'un contenu fortement phlogogène entretenant l'inflammation. La
colchicine est sans action sur le métabolisme de l'acide urique: le traitement de fond de
l'hyperuricémie fait appel à la mise en place de mesures hygiéno-diététiques et, entre
autres, à un inhibiteur de la synthèse de l'acide urique (allopurinol).

Évaluation clinique. La colchicine a été très peu évaluée dans le traitement de la


crise de goutte. Un essai randomisé en double insu versus placebo mené chez 43 patients
PHÉNÉTHYLISOQUINOLÉINES 1105

(~
C02H)_HO ~
1 NH 1
R ~ 2 CH 0
3
~
2 CH 3 0
autumnaline
CH 3 0
CH 3 0

CH 3 0

3
\ CH 0

CH 3 0

CH 3 0 CH 3 0

CH 3 0
o
CH 3 0 \
CH 3 0

CH 3 0

a montré que la douleur était réduite de 50 % chez 73 % des patients recevant de la


colchicine (l mg puis 0,5 mg toutes les 2 heures) versus 36 % dans le groupe placebo
après 48 heures. Aucun essai n'a comparé la colchicine aux anti-inflammatoires non
stéroïdiens.

Effets indésirables, interactions médicamenteuses. La diarrhée est très fréquente,


ainsi que les vomissements. Dans l'essai cité-ci-dessus tous les patients du groupe
colchicine ont éprouvé un effet indésirable de ce type. Les signes hématologiques sont
rares aux doses thérapeutiques. Les accidents de surdosage ne sont cependant pas
exceptionnels, en particulier chez les personnes âgées. Le risque est d'autant plus grand
qu'il existe une insuffisance rénale ou des interactions médicamenteuses: les macrolides
(sauf la spiramycine) augmentent le risque de pancytopénies fatales; la cyc1osporine
augmente les effets indésirables neuromusculaires et les statines voient leur effets
indésirables musculaires majorés. L'association avec des anticoagulants oraux nécessite
une surveillance de l'INR.

Toxicité du colchique et de la colchicine. Le colchique est très toxique: « ingéré, il


{le bulbe] tue par suffocation, comme les champignons» notait déjà Dioscoride au
1106 ALCALOÏDES

premier siècle après J.-C. L'ingestion, exceptionnelle, de tout ou partie de la plante


provoque très rapidement vomissements, douleurs abdominales et diarrhée qui
constituent le premier signe de l'intoxication. Il peut s'en suivre une déshydratation
avec hypotension et état de choc.
Après les signes digestifs, et si la dose est suffisante (de 0,5 à 0,8 mg/kg de
colchicine) des troubles hématologiques apparaissent, liés à l'aplasie médullaire,
entaînant risque infectieux et risque hémorragique. On note aussi troubles hydro-
électrolytiques et neuromyopathies. Les doses fortes ( > 0,8 mg/kg) induisent le plus
souvent une défaillance cardiaque précoce en moins de 72 heures. Il n'existe pas
d'antidote commercialisé. Le pronostic, lié aux possibilités de réanimation, est souvent
sombre. L'intoxication est mortelle dans 30 à 40 % des cas.

Emplois. La colchicine est indiquée dans l'accès aigu de goutte. Posologie (per os) :
3 mg le 1" jour (en 3 prises), 2 mg en 2 prises le 2' et le 3' jour, 1 mg les jours suivants.
Autres indications: prophylaxie des accès aigus chez le goutteux chronique
notamment lors de l'instauration du traitement hypo-uricémiant; autres accès aigus
microcristallins (chondrocalcinose et rhumatisme à hydroxyapatite) ; maladie
périodique (alias fièvre familiale méditerranéenne) ; maladie de Behçet (1 mg/j dans
ces autres indications). La colchicine est contre-indiquée en cas d'insuffisance rénale
grave et d'insuffisance hépatique sévère.
Actuellement, nombreux sont ceux qui estiment que, compte-tenu de sa balance
bénéfices-risques défavorable, la colchicine ne devrait être employée qu'en cas d'échec
d'un anti-inflammatoire (paracétamol ou ibuprofène).

Dérivé apparenté à la colchicine: thiocoIchicoside. Préparé par hémisynthèse, c'est


l'analogue soufré d'un alcaloïde naturel hétérosidique, le colchicoside. Ce composé, à
balance bénéfices risques plutôt défavorable, est un myorelaxant utilisé en rhumatologie
comme traitement d'appoint des contractures musculaires douloureuses.

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Alcaloïdes isoquinoléiques
~ alcaloïdes des Amaryllidaceae

À l'exception de la galanthamine, ces alcaloïdes ne sont pas utilisés en thérapeutique,


pas plus que les différentes espèces qui en contiennent. Certains confèrent aux espèces
qui en contiennent, souvent utilisées à des fins ornementales pour leur floraison précoce
dans les parcs et jardins, mais aussi comme plantes d'appartement, une toxicité qui peut
entraîner désagréments et incidents de gravité modérée.
Plusieurs centaines d'alcaloïdes ont été isolés dans cette famille: les principales
variations structurales sont illustrées ci-après (page suivante).

Origine biosynthétique
La biosynthèse de ces composés est assez complexe mais, dans ses grandes lignes,
découle d'un couplage oxydatif intramoléculaire qui intervient sur un précurseur du
type C6C r N-C]C 6 . Selon que ce couplage est para-ortho', ortho-para' ou para-para',
il justifie l'existence des différents types structuraux connus (une quinzaine) : type
galanthamine (P-o'), type lycorine (o-p'), type haemanthamine, crinine(p-p'), etc. Des
réarrangements secondaires peuvent intervenir (par exemple, à partir du type crinine :
homolycorine, tazettine, graciline, gracilamine, etc.).
L'unité en C6C2 est directement issue d'une molécule de tyrosine alors que l'unité en
C 6C] trouve son origine dans une molécule de phénylalanine. Cette dernière est
transformée en acide cinnamique puis hydroxylée (acide caféique); après élimination
de deux carbones, le 3,4-dihydroxybenzaldéhyde formé se condense avec la tyramine
pour former la norbelladine puis la méthylnorbelladine sur laquelle interviendront
ultérieurement les couplages oxydatifs précités.
Narcissus sp.
AMARYLLIDACEAE 1109

A
lJjJ\
H0Y)
CH,0Y)"~)
H0xY'N-R HO~\H
/'1
CH 3 0
""'-
O-méthyl-norbelladine et dérivés: différentes possibilités de couplage

Chez toutes les espèces incriminées dans les intoxications (Amaryllis, perce-neige
[Galanthus], jonquille, narcisse [Narcissus], etc.), les alcaloïdes sont surtout concentrés
dans les bulbes. Les accidents (autres que les dermites de contact) sont de fait assez
rares et presque toujours dus à la confusion entre les bulbes d' Alliaceae comestibles
(oignon, échalote) et ceux des Amaryllidaceae communes des jardins (ex. : narcisse, N.
pseudonarcissus L. et autres espèces). L'ingestion de ces bulbes, comme celle des
feuilles qui peuvent être confondues avec celles des poireaux, induit assez rapidement
nausées et vomissements, puis diarrhée profuse. L'évolution est normalement favorable
et rapide. Le principe toxique le plus fréquent est la lycorine, un inhibiteur des
cholinestérases qui, à faible dose, provoque salivation, vomissements, diarrhées et, à
plus forte dose, paralysie et collapsus. Parmi les potentialités thérapeutiques offertes par
ces alcaloïdes, on note les propriétés antitumorales de la narciclasine (Narcissus tazetta
L. ) et de la pancrastatine (Hymenocallis) et de structures voisines.

Iycorine crinine tazettine


OH

o
homolycorine galanthamine isocraugsodine

• GALANTHAMINE (galantamine, DCI)

Isolé au début des années 1950 de divers perce-neige (Galanthus, en particulier G.


woronowii Losinsk.) et présent dans plusieurs genres de la famille (Narcissus, Lycoris,
Leucojum, Hippeastrum) , cet alcaloïde peut être extrait de Leucojum aesfÏvum L. dont il
1110 ALCALOÏDES

peut représenter jusqu'à 2 % de la masse sèche et de certaines espèces de Narcissus. Il


peut aussi être préparé par synthèse totale, plusieurs méthodes ayant fait l'objet de
brevets et publications.

Pharmacologie. La galanthamine est un inhibiteur compétitif et réversible de


l'acétylcholinestérase. Modulateur allostérique des récepteurs nicotiniques, elle
amplifierait la réponse à l'acétylcholine. Injectée à des animaux (ou à l'Homme)
curarisés par l'alcuronium ou la gallamine, elle lève le blocage neuromusculaire (le
bromhydrate de galanthamine a été utilisé dans les pays de l'est européen en
anesthésiologie). Franchissant la barrière hémato-encéphalique, cet alcaloïde exerce des
effets centraux et, chez l'animal, améliore les résultats des tests de comportement et de
mémorisation. La galanthamine, en inhibant l'acétylcholinestérase des synapses
corticales, renforce la transmission cholinergique centrale chez les personnes atteintes
de la maladie d'ALZHEIMER (chez lesquelles la production d'acétylcholine diminue).

Évaluation clinique. Plusieurs méta-analyses des essais cliniques randomisés en


double aveugle versus placebo, conduits chez des patients atteints d'une forme légère,
modérée ou modérément sévère de démence de type ALZHEIMER, ont été publiées. Ces
analyses confirment que les effets symptomatiques à court terme de 16 à 32 mg/j de
galantamine sont réeels, mais modestes. Ainsi, la quantité d'effet sur les échelles
d'évaluation des fonctions cognitives est statistiquement significative, mais faible:
- 2,45 points (IC95 , - 1,42 - - 3,48) sur l'échelle ADAS-Cog 1 selon la plus récente
méta-analyse [6 essais], -1,8 à - 3 selon d'autres analyses). Cette amélioration retentit
positivement sur les activités quotidiennes. L'effet est également statistiquement
significatif sur l'échelle d'impression clinique globale. L'effet sur les troubles du
comportement est moins bien établi. De fait, le nombre de répondeurs au traitement
(diminution de l'ADAS-Cog > - 4 points et scores d'impression clinique globale et
d'activité quotidienne inchangés ou améliorés) est généralement faible, de 5 à 15 % des
patients traités. Les essais pris en compte dans les méta-analyses ont eu une durée
inférieure à 6 mois, l'efficacité à long terme n'est pas établie. Le nombre élevé de
sorties d'essai réduit la pertinence des résultats. Il n'est pas établi que la galantamine
ralentisse le passage à un degré de sévérité supérieure chez l'ensemble des patients, ou
retarde le placement de ceux-ci en institution spécialisée.

Effets indésirables, interactions médicamenteuses. Les effets indésirables de la


galantamine sont ceux des autres anticholinestérasiques : nausées, vomissements,
anorexie, vertiges, céphalées, syncopes. En 2005, l'Afssaps a mis en garde contre une
mortalité accrue constatée lors de deux essais cliniques de longue durée (deux ans) de

1. Alzheimer's Disease Assessment Scale-Cognitive subscale fondé sur des tests évaluant la
mémoire, le langage, l'orientation et les praxies. Le score varie de 0 à 70. Les experts considèrent
qu'il y a probabilité de réponse clinique lorsque le patient a une amélioration d'au moins 4 points sur
l'échelle ADAS-Cog, mais cette définition ne fait pas consensus, et la HAS souligne que l'intérêt
d'une telle variation« n'est pas clairement établi aux yeux du patient et de son entourage ». Tous les
essais n'utilisent pas les mêmes échelles. Ceci, joint à la difficulté de classement des patients lors de
l'inclusion, rend difficile l'appréciation de l'apport du produit en termes cliniques.
AMARYLLIOACEAE 1111

la galantamine chez des patients (2048) souffrant d'une altération modérée de la


fonction cognitive (par ailleurs, ces essais ont constaté que la galantamine n'était pas
plus efficace que le placebo pour retarder la survenue de la démence). La cause du
décès était souvent cardiovasculaire. On note aussi que plusieurs dizaines d'accidents
graves, cardiologiques ou neurologiques, dus aux anticholinestérasiques, ont été
notifiés ces dernières années aux Centres français de pharmacovigilance. La
Commision de la transparence a estimé que la balance bénéfices-risques de la
galantamine était « modeste».
La galantamine est métabolisée par les isoformes CYP2D6 et CYP3A4 du
cytochrome P450, d'où un fort potentiel d'interactions médicamenteuses avec les
inducteurs et les inhibiteurs de cette enzyme. Par ailleurs, il y a un risque d'addition
d'effets avec les substances bradycardisantes, dépressives de la conduction,
génératrices de torsades de pointes ou convulsivantes.

Emplois. Traitement symptomatique de la maladie d'ALZHEIMER dans ses formes


légères à modérément sévères (patients présentant un score> 10 au MMSE 2 et/ou un
CDR 2 de niveau 1 ou 2. Selon des experts de la BAS, l'intérêt de la prescription de la
galantamine (et des autres médicaments du même type) réside, entre autres, dans leur
possible intérêt « structurant» dans la prise en charge du patient... (ce qui, aux yeux de
certains, pourrait être dit pour d'autres substances, médicamenteuses ou non).

BIBLIOGRAPHIE

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capillary gas chromatography-mass spectrometry in plants, Phytochem. Anal., 19, 285-293.
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for treating dementia : evidence review for a clinical practice guideline, Ann. Imel'n. Med., 148, 379-397.

2. Mini-Mental State Examination, outil standardisé pour évaluer les fonctions cognitives; le score
varie de 0 à 30 et est d'autant plus bas que l'atteinte est sévère. Les patients inclus dans les essais de la
galantamine ont généralement un score MMSE de IO à 25. COR: échelle clinique de démence.
Cephaelis sp.
Alcaloïdes isoquinoléiques
~ isoquinoléino-monoterpéniques

.IpÉCA, Cephaelis 1 spp., Rubiaceae

La racine d'ipécacuanha est constituée par les parties souterraines, fragmentées et


séchées de Cephaelis ipecacuanha (Brot.) A. Rich. connue sous le nom d'Ipécacuanha
de Matto Grosso, ou de Cephaelis acuminata Karsten, connue sous le nom
d'Ipécacuanha de Costa Rica ou par un mélange des deux (?) 1 espèces. Elle contient au
minimum 2 % d'alcaloïdes totaux, calculés en émétine [ ... ] Les principaux alcaloïdes
sont l'émétine et la céphéline (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:0094]).

Le terme ipécacuanha - on dit fréquemment et plus simplement ipéca - est


d'origine indienne. Il s'applique aux Cephaelis officinaux mais aussi, et improprement,
à diverses racines à propriétés émétiques appartenant à la famille des Rubiaceae
(Psychotria emetica LI., Richardia scabra L. ou faux ipéca) ou à d'autres familles:
Asclepiadaceae (Asclepias curassavica L. ou ipéca bâtard), Araceae (Cryptocoryne
spiralis [Retz.] Wydler ou ipéca de l'Inde), Rosaceae (Gillenia stipulata [Willd.]
Baillon ou ipéca américain), Violaceae (Hybanthus calceolaria [L.] Oken ou ipéca
blanc), Meliaceae (Naregamia), etc.

1. On conserve ici, par souci d'homogénéité, les dénominations de la Pharmacopée. Signalons


toutefois que, pour DJ. MABBERLEY, l'ipécacuanha est un Psychotria, P. ipecacuanha (Brot.) Stokes (=
Cephaelis ipecacuanha [Brot.] Tussac). ln: The plant book - A portable dictionary of the vascular plants,
[2' éd., 1997], University Press, Cambridge. Le Germplasm Resources Information Network de l' USDA
pour sa part, sur la base d'un travail publié en 2002, préconise la dénomination unique: Carapichea
ipecacuanha (Brot.) L. Andersson. Réf. : Andersson, L. (2002). Re-establishment of Carapichea
(Rubiaceae, Psychotrieae), Kew Bull., 57, 363-374.
1114 ALCALOÏDES

Les plantes. Sous-arbrisseaux vivaces de faible dimension (20-40 cm), les ipécas
ont des feuilles opposées décussées à stipules interpétiolaires laciniées, des fleurs
blanches groupées en une cyme compacte (étymologiquement: réunies en tête).
L'ipéca annelé mineur (ipéca du Matto Grosso, ipéca de Rio, ipéca du Brésil) est
spontané dans les zones forestières humides du sud du Brésil (et de la Bolivie). Les
racines sont séchées (soleil, feu) et coupées avant d'être exportées. Des cultures ont été
tentées aussi bien au Brésil que dans d'autres zones tropicales (Malaisie, Birmanie,
Inde), mais avec un succès relatif (conditions pédologiques strictes, délai de 3-4 ans
avant la récolte. L'ipéca annelé majeur (ipéca de Costa Rica, ipéca de Carthagène, ipéca
de Colombie) provient essentiellement de l'Amérique centrale: Costa Rica, Nicaragua.

HO

HO

ipécoside

OR

R =H: psycho trine R = CH 3 : émétine


R =CH 3 : O-méthylpsychotrine R =H: céphéline

Les parties souterraines. La racine de C. ipecacuanha se présente en fragments


tortueux de couleur brun-rouge foncé à brun très foncé, dépassant rarement 15 cm,
d'épaisseur inférieure à 6 mm, à renflements annulaires externes rapprochés et à
étranglements arrondis qui l'entourent complètement. La racine de C. acuminata, de
couleur brun-gris à brun-rouge, est beaucoup plus épaisse - elle atteint souvent 9 mm
d'épaisseur. Elle est couverte d'étranglements transversaux distants de 1 à 3 mm, qui
n'occupent que la moitié environ de la circonférence et disparaissent aux extrémités.
L'examen microscopique de la poudre de racine (hydrate de chloral) montre: des
cellules parenchymateuses; des raphides d'oxalate de calcium mesurant jusqu'à 80 /-lm
de longueur, isolées ou en faisceaux ; des fragments de trachéides et de vaisseaux à
ponctuations aréolées. Dans le glycérol à 50 %, le contenu des cellules parenchy-
mateuses apparaît: grains d'amidon composés de 2 à 8 éléments et grains simples
atteignant 15 /-lm (C. ipecacuanha) ou 22 /-lm (c. acuminata).
L'identité est confirmée par CCM des alcaloïdes; l'appréciation de la dimension de
la bande de fluorescence bleu clair due à la céphéline permet de distinguer les deux
espèces de Cephaelis. Le dosage des alcaloïdes totaux est classique: extraction et
acidimétrie en retour.
ISOQUINOLÉINO-MONOTERPÉNIQUES 1115

Composition chimique. Les principes actifs, localisés dans la zone corticale de la


racine et du rhizome, sont des alcaloïdes isoquinoléiques dont la teneur varie de 2 à
2,5 % pour l'ipéca du Matto Grosso, et de 2 à 3,5 % pour l'ipéca de Costa Rica.
L'émétine, très nettement majoritaire chez l'ipéca du Matto Grosso (60-75 % des AT)
ne représente que 30 à 50 % des AT de l'ipéca de Costa Rica. Les autres alcaloïdes ont
une structure voisine: céphéline (monophénolique), psychotrine et O-méthyl-
psychotrine, insaturées en 1',2'. La racine renferme également une grande quantité
d'amidon (30-40 %), une glycoprotéine allergisante et des hétérosides isoquinoléino-
monoterpéniques comme l'ipécoside : la structure de ce composé permet d'entrevoir
l'origine biosynthétique des alcaloïdes.

Origine biosynthétique des alcaloïdes des ipécas.


Ces alcaloïdes - isoquinoléino-monoterpéniques - sont rares: présents chez les
Cephaelis et chez d'autres Rubiaceae (ex. : Pogonopus), ils sont également connus chez
des Alangiaceae et des Icacinaceae. Leur mode de formation les rapproche beaucoup
des alcaloïdes indolo-monoterpéniques caractéristiques des Apocynaceae, des
Loganiaceae mais aussi de nombreuses Rubiaceae (Corynanthe, Pausinystalia, etc.).
L'étape initiale du processus est la condensation d'une molécule de dopamine avec un
séco-iridoïde, le sécologanoside, pour former le désacétylipécoside. L'isomère 3~ est
acétylé (ipécoside). L'hydrolyse de l'isomère 3a (désacétylipécoside) conduit à une
génine instable: le cycle dihydropyranique s'ouvre, l'aldéhyde réagit avec l'amine
secondaire pour former le cycle C. Ultérieurement la molécule perd son carbo-
méthoxyle et se condense avec une deuxième molécule de dopamine.

HO
?'

HO ~

Tyr
MVA CH 3 0 2 C

désacétylisoipécoside

dopamine
H

N
H

protoémétine
CHO
1116 ALCALOÏDES

Pharmacologie. Les préparations d'ipéca sont, à doses faibles et par voie orale, des
émétiques. L'action vomitive sans doute due une stimulation directe périphérique et à
une stimulation au niveau des centres bulbaires (CTZ), impliquerait les récepteurs HT3
à la sérotonine.
L'émétine est un amœbicide qui détruit les formes tissulaires de l'amibe, Entamœba
histolytica, responsable de la dysenterie amibienne; elle n'est active sur les kystes qu'à
des concentrations toxiques pour l'Homme. L'émétine inhibe la synthèse protéique des
cellules animales et végétales et des protozoaires. Elle perturbe - et peut même
inhiber - la synthèse de l'ADN.
L'émétine, qui s'élimine lentement, est toxique pour l'Homme: cardiotoxicité
(arythmies), hypotension, faiblesse musculaire, troubles gastro-intestinaux caractérisent
l'intoxication.

Emplois. L'ipéca ne figure pas à l'annexe 1 de la Note explicative de l'Agence du


. médicament (1998). Cette espèce ne fait pas non plus l'objet, en Allemagne, d'une
monographie de la Commission E du BfArM. L'émétine n'est plus utilisée en
thérapeutique en France. On a aussi utilisé la déhydroémétine (synthétique) pour le
traitement de l'amibiase intestinale aiguë et d'autres affections parasitaires. Les parties
souterraines de l'ipéca servent à préparer:
• la poudre titrée d'ipécacuanha (01/2008:0093) ajustée au titre de 1,9 à 2,1 %
d'alcaloïdes totaux calculés en émétine;
- la teinture titrée d'ipécacuanha (01/2008:1530) qui contient de 0,18 à 0,22 %
d'alcaloïdes totaux calculés en émétine;
- l'extrait fluide titré d'ipécacuanha (01/2008:1875) contenant 1,8 à 2,2 %
d'alcaloïdes totaux calculés en émétine.
L'ipéca, qui demeure utilisé en homéopathie, entre dans la composition du sirop
d'ipéca et du sirop d'ipécacuanha composé 2 (Formulaire national [2008]). Ce dernier,
plus connu sous le nom de sirop de DESESSARTZ, entrait dans la composition du sirop de
bromoforme composé. On en trouve encore dans la formulation de certains sirops, où il
joue le rôle d'excipient. Le sirop d'ipéca n'est plus utilisé comme vomitif en cas
d'intoxication, il ne figure plus sur la liste modèle des médicaments de l'OMS (2007).

BIBLIOGRAPHIE

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2. Racines d'ipécacuanha (30 g), folioles de séné (100 g), serpolet (30 g), fleurs de coquelicot
(125 g), sulfate de magnésium (100 g), vin blanc (750 g), eau de fleur d'oranger (750 g), eau potable
(3000 g), sucre (q.s.) ; liste II, exonéré à 650 g (disponible sous forme d"'extrait pour" sirop).
ALCALOïDES
dérivés
du tryptophane

INTRODUCTION

Très vaste groupe d'alcaloïdes - sans doute le plus vaste de tous -, le groupe des
alcaloïdes issus du métabolisme du tryptophane a été particulièrement étudié à la suite
de l'isolement, en 1953, de la réserpine, constituant antihypertenseur et tranquillisant
des racines d'une Apocynaceae, Rauvolfia serpentina. Quelques années plus tard,
l'intérêt thérapeutique de ces structures indoliques s'est trouvé confirmé par la mise en
évidence des propriétés antitumorales des alcaloïdes binaires de la pervenche de
Madagascar, Catharanthus roseus. L'intérêt pharmacologique de ce groupe
d'alcaloïdes se double d'un intérêt chimique évident: la variété structurale qu'il offre,
les questions biosynthétiques qu'il soulève et les défis synthétiques qu'il propose sont
autant de thèmes stimulants; la masse de publications disponibles traduit bien les
interrogations qu'il a suscitées.

Le tryptophane est le précurseur de ces alcaloïdes mais, si l'on excepte les amines
(assimilées par habitude à des alcaloïdes bien qu'elles ne répondent pas à la stricte
définition que l'on donne habituellement de ceux-ci), il n'est pas le seul: acétate,
mévalonate, sécologanoside et autres éléments peuvent se combiner à la tryptamine,
d'où la variété structurale évoquée précédemment.

Nous pouvons donc distinguer quatre groupes d'alcaloïdes, tryptamines incluses:

1. Amines simples et carbolines


Les seules évoquées dans ce chapitre seront les dérivés de la tryptamine à propriétés
hallucinogènes (la gramine [= 3-diméthylaminométhylindole] ne présente en effet
aucun intérêt pharmacologique); les ~-carbolines et tétrahydro-~-carbolines coexistent
1118 ALCALOÏDES

souvent avec les tryptamines et ont, pour la plupart d'entre elles, les mêmes propriétés:
elles seront évoquées simultanément.

2. Indolines issues de la cyclisation de la tryptamine


Il s'agit essentiellement des alcaloïdes de l' éséré, même si les oligomères des
Calycanthaceae et des Rubiaceae (Psychotria) ne sont pas dépourvus d'intérêt.

3. Dérivés de l'ergoline
Ils sont très spécifiques de quelques rares végétaux supérieurs (Convolvulaceae) et
de champignons Ascomycètes. Bien que majoritairement d'origine fongique, ils seront
évoqués dans cet ouvrage, eu égard à leur impact thérapeutique.

4. Alcaloïdes indolomonoterpéniques
Ce sont de loin les plus nombreux. Incorporant une unité monoterpénique en CIO
(ou C 9 ), ils ont une distribution restreinte à un petit nombre de familles d'Angio-
spermae, les principales étant les Apocynaceae, les Rubiaceae et les Loganiaceae. Sur
la base de leur biosynthèse, on inclura dans ce groupe d'alcaloïdes indoliques les
alcaloïdes quinoléiques des Cinchona (quinquinas) : ils dérivent en effet du même
précurseur, la strictosidine.

L'absence d'applications (voire de propriétés intéressantes) conduit à ne pas


évoquer ici les carbazoles des Rutaceae pas plus que les canthin-6-ones des Rutaceae et
des Simaroubaceae. Comme dans le cas des métabolites de la phénylalanine et de la
tyrosine, on exclut également les mycotoxines formées à partir du tryptophane, à
l'exception des ergolines (sporidesmine, paspalicine, etc.)
.---CHa
(Je:)~
;/

~
1

N
1

CHa
H

R =H : tryptamine
R =C02H : tryptophane gramine girinimbine

CS9
11"::
~
N
.---;N o
o /-
o--+--
canthin-6-one borre/ine paspa/icine

BIBLIOGRAPHIE

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unit, Nat. Prad. Rep., 24,843-868; id., (2005). ibid., 22, 761-793.
Tryptamines, ~-carbolines

« végétaux à alcaloïdes indoliques hallucinogènes»

1. Généralités ......................................................................................................................... 1119


2. Agaricaceae ........................................................................................................................ 1121
3. Myristicaceae ..................................................................................................................... 1122
4. Mimosaceae ....................................................................................................................... 1122
5. Malpighiaceae .................................................................................................................... 1123
6. Zygophyllaceae .................................................................................................................. 1124
7. Convolvulaceae ................................................................................................................. 1124

1. GÉNÉRALITÉS

Les hallucinogènes (psychédéliques, enthéogènes), substances capables de produire des


«modifications importantes, transitoires, de la perception, de la pensée et de l'humeur,
mais rarement de la confusion mentale, des troubles de la mémoire, ou une
désorientation à l'égard des personnes, de l'espace et du temps» sont classés panni les
psychodysleptiques, terme moins restrictif appliqué aux hallucinogènes, mais aussi à
l'opium, à l'alcool ou aux solvants, voire à la composante psychoactive de l'action des
alcaloïdes délirogènes des Solanaceae.
À l'exception du chanvre (p. 533) - dont les propriétés sont d'ailleurs sensiblement
différentes - et de la sauge des devins (p. 795), les végétaux hallucinogènes doivent
leurs propriétés à des substances azotées (on écarte ici volontairement le kava,
anxiolytique, p. 357). Dans la plupart des cas, les structures en cause sont indoliques 1,
indolalkylamines ou alcaloïdes vrais: tryptamines, carbolines, ergolines. Plus rarement,
ce sont des arylalkylamines (cf. mescaline, p. 1038) dans lesquelles certains auteurs
1120 ALCALOÏDES

voient des indoles « virtuels ». Dans les deux cas, on remarque d'emblée l'analogie
structurale étroite avec les neuromédiateurs (sérotonine, adrénaline, noradrénaline).
L'interaction de ces molécules avec les récepteurs à la sérotonine entraîne des
modifications des perceptions physiologiques (colorations différentes et « sonorisations»
troublées). Elle entraîne aussi une modification de la conscience qui induit des change-
ments des émotions, construit des significations modifiées des perceptions, et provoque
un surgissement de productions de l'inconscient et de rêves « éveillés », en lien avec
l'abaissement des filtres psychiques qui organisent le refoulement habituel. L'halluci-
nogène induit un état modifié de conscience [Sueur et al.,1999].
L'expérimentation des végétaux hallucinogènes (essentiellement des champignons,
«psilos » ou « champis» indigènes et d'origines diverses) n'est pas rare en France. Le
nombre de personnes âgées de 12 à 75 ans ayant consommé des champignons
hallucinogènes au moins une fois au cours de leur vie est estimé à environ l ,5 million
de personnes, et celui des usagers au cours d'une année à environ 200 000 (données
2003). Les consommateurs sont essentiellement des jeunes (4,2 % des jeunes de 17 ans
ont expérimenté une fois les champignons), et tout spécialement le milieu festif
« alternatif» [Beck et al., cités par Reynaud-Maurupt, 2006]. Les hallucinogènes
n'entraînent ni dépendance ni tolérance. Leurs effets indésirables possibles (hors
Datura) sont plutôt mal connus.

Principaux végétaux hallucinogènes

Les plantes et les champignons hallucinogènes sont connus depuis la nuit des temps,
et leur utilisation, enracinée dans la vie sociale de la plupart des civilisations connues, a
été la source de pratiques magico-religieuses (chamanisme) et le support de rites
initiatiques. Dans certaines civilisations, leur utilisation aurait participé au fondement
de leur « culture». Chez les ethnies qui considèrent que la maladie est la résultante de
forces spirituelles, elles constituent un remède, au moins dans le cas de maladies

1. Il faut toutefois remarquer que l'amanite tue-mouches (Amanita muscaria [L. ex Fr.] Hooker)
traditionnellement utilisée en Sibérie par les chamans « pour entrer en contact avec les esprits »
provoque des effets (hallucinations auditives et visuelles, excitation transitoire puis état stuporeux) qui
ne doivent rien à des structures indoliques. La toxicité de ce champignon - qui pour certains serait le
dieu Soma de l'Inde antique - est due non seulement à la muscarine et à ses diastéréoisomères dont
les effets sont liés à leur affinité pour les récepteurs cholinergiques, mais surtout à des composés de
structure apparentée: muscimol,
acide iboténique et muscazone qui
sont des agonistes du GABA (ce qui HO~\
N,O NH,
s'explique par l'analogie structurale
avec cet acide aminé). Sur l'amanite HO 0
L·(+)·muscarine
tue-mouches, voir: Michelot, D. et muscazone acide iboténique muscimol
Melendez-Howell, L.M. (2003). Ama-
nita muscaria : chemistry, biology, toxicology, and ethnomycology, Mycol. Res., 107,131-146. Voir aussi:
Wasson, R.G. (1995). Ethnomycology : discoveries about Amanita muscaria point to fresh perspectives, in
«Ethnobotany. Evolution of a discipline », (Schultes, R.E. et von Reis, S., éds.), p. 385-390, Chapman &
Hall, Londres.
TR YPT AMINES 1121

« mentales» : en entrant en contact avec l'esprit qui « possède» le patient, le sorcier


(chaman, etc.) tente de l'entraîner hors de sa victime et de le fixer sur un objet ou un
animal; on n'est pas loin de l'exorcisme ... Plus généralement, elles aident le praticien à
poser un diagnostic et à prescrire un remède. Ailleurs, elles ont constitué un médiateur
entre l'homme et les dieux, un moyen de rencontrer le monde-autre, un révélateur de
l'existence d'un « monde des esprits et du dedans des êtres» au delà de la perception et
des apparences quotidiennes 2. C'est parfois un retour à l'origine de toutes choses:
comme l'écrit R.E. SCHULTES,« l'usager voit les dieux de la tribu et revit la création de
l'univers, de l'homme et des animaux { ...J. C'est ce que l'on voit sous l'influence {de la
drogue J qui est la vraie réalité».

2. AGARICACEAE hallucinogènes

Le teonanacatl des Aztèques de l'Amérique précolombienne, encore utilisé dans


certains endroits du Mexique, n'est pas une drogue bien définie, mais un ensemble de
champignons qui appartiennent aux genres Conocybe, Panaeolus, Psilocybe et
Stropharia. Les plus fréquemment employés sont S. cubensis Earle et Psilocybe
aztecorum Heim. Le culte de ces champignons est sans doute ancien: sinon comment
interpréter l'existence de statuettes à figure humaine ou animale en forme de
champignon retrouvées au Guatemala et datées de 1000 av. J.-c.? Ce culte a été com-
battu par les Espagnols qui voyaient dans ces champignons « dangereux et ennivrants
comme le vin» un frein à la diffusion du christianisme. Le culte n'en a pas moins per-
sisté dans la clandestinité, ce qui a rendu difficile l'identification des espèces impliquées.

psi/ocine psilocybine

Les substances actives de ces Agaricaceae sont des dérivés de la tryptamine : la


psilocine et la psilocybine. La psilocybine - c'est la 4-hydroxy N,N-diméthyl-
tryptamine phosphorylée - est active par voie orale (elle est déphosphorylée en
psilocine active). Elle ne provoque que peu d'effets physiques (mydriase, tachycardie,
congestion faciale, faiblesse musculaire), mais induit des effets psychiques importants:
les phases dépressives alternent avec les phases d'euphorie. Les hallucinations
rapportées sont visuelles et habituellement complexes avec déformation des contours,
accentuation des couleurs, parfois auditives ou tactiles. Il est noté une distorsion de la
perception du temps et de l'espace. L'intensité et la nature des effets sont fonction de la
dose, de l'état psychologique du sujet et de son environnement.

2. Pour une approche de l'usage dans les sociétés traditionnelles et le chamanisme, voir Sueur et al.
(l re partie, 1999, pp. 15 sqq.) et réf. citées. Voir aussi, à titre d'exemple, le travail de S. Baud (2008).
1122 ALCALOÏDES

Plusieurs genres de champignons renfermant de telles amines sont représentés dans


les régions tempérées (Psilocybe, Panaeolus, Copelandia, Conocybe, Inocybe, Pluteus,
etc.). Les principaux champignons hallucinogènes de nos régions sont Psilocybe
semilanceata (Fr.) Kummer et Panaeolus cinctulus (BoIt.) Saccardo. Ces « champis»
sont mangés crus, frais ou secs, ou bien préparés en infusion, voire en macération
alcoolique ou dans du miel. D'autres espèces, exotiques, notamment disponibles via
l'internet (sites de smartshops), sont également utilisées (ex. : Psilocybe cubensis et
autres espèces d'Amérique centrale). Une partie des champignons consommés serait
produite par les consommateurs eux-mêmes (boîtes à spores). Les quantités ingérées
peuvent être très variables. Les hallucinations surviennent après l'ingestion de 5 à 15 g
de champignons, soit de 4 à 25 mg de psilocybine. Les effets indésirables le plus
fréquemment signalés semblent être l'angoisse et la paranoia. Les cas publiés et
prouvés d'intoxication chez l'Homme sont très rares. La psilocine et la psilocybine sont
classées comme stupéfiants (annexe III). Depuis 2001, une demi-douzaine de pays
européens ont renforcé leur législation sur les champignons.

3. MYRISTICACEAE de l'Amérique du Sud

Il s'agit ici d'arbres à fleurs jaunes appartenant au genre Virola comme, par
exemple, V. elongata (Benth.) Warb. (= V. theiodora Warb.), V. calophylloidea
Markgraf, ou V. calophylla (Spruce) Warb. dont l'écorce de tronc est recherchée par
quelques tribus du cours supérieur de l'Orénoque. Le mode de préparation peut varier
sensiblement. Souvent, la poudre est préparée à partir de l'écorce imprégnée de la
résine rouge qui s'écoule après l' écorçage : les couches internes et la résine sont
grattées, séchées au feu et réduites en poudre; parfois, l'écorce est bouillie et la résine
recueillie puis concentrée. Connue sous divers noms (yakee, parica [Colombie], epéna,
nyakwana [Brésil, Venezuela]), la drogue était, selon les tribus, réservée aux sorciers ou
prisée par tous les hommes adultes. La poudre contient, parfois en quantité considérable
- jusqu'à II % dans certains échantillons -, des dérivés de la tryptamine : N,N-
diméthyltryptamine et son dérivé 5-méthoxylé, ainsi que des traces de carbolines. Le
mécanisme de l'effet par voie orale demeure mal compris: autres constituants actifs?
ou inhibiteurs de la dégradation des amines? L'effet de la drogue est particulièrement
marqué: agitation et excitabilité intenses suivies d'une dépression voire d'une perte de
conscience.

4. MIMOSACEAE de l'Amérique du Sud

C'est également dans le bassin de l'Orénoque (Brésil, Venezuela, Guyana) que l'on
trouve cette drogue, le yopo ou niopo, constituée par les graines d'Anadenanthera
peregrina (L.) Speg. (Piptadenia peregrina [L.] Benth.). La N,N-diméthyltryptamine,
son homologue mono-méthylé à l'azote et ses dérivés 5-hydroxylé (bufoténine) et 5-
méthoxylé constituent les principes actifs des « fèves ». Les graines sont torréfiées,
broyées et inhalées à l'aide de tubes de bambou ou d'os creux d'oiseaux. Comme avec
TRYPTAMINES 1123

l'epéna, on note une incoordination motrice du sujet et, assez souvent, celui-ci perçoit
les objets grossis (macropsie). Une autre espèce, A. colubrina (Vell.) Benth. (vi/ca,
hui/ca), de composition chimique voisine, a été utilisée de la même façon depuis au
moins trois millénaires dans le nord du Chili et de l'Argentine. Comme celles de la
précédente, ses graines continuent d'être utilisées par les chamans, mélangées à de la
cendre végétale.

t
~
;/

0..
1

N
H
1 R2
HO~NH2
0..
1

N
H
1
.

tryptamine , N-mono- et
N,N-diméthyltryptamine sérotonine bufoténine

5. MALPIGHIACEAE de l'Amérique du Sud

Une espèce sud-américaine de cette famille, l'ayahuasca (= liane des morts, liane
amère), fournit un breuvage hallucinogène connu sous le même nom d'ayahuasca, et
utilisé dans le nord-ouest de l'Amazonie (Brésil, Pérou, Équateur, Colombie). Des
tronçons de cette liane à petites fleurs roses sont nettoyés, grattés et écrasés pour séparer
les fibres du bois. Les morceaux sont portés à ébullition dans l'eau pendant plusieurs
heures, plus rarement mis à macérer dans l'eau froide. La base de la préparation est
Banisteriopsis caapi (Spruce ex Griseb.) C.V. Morton, plante purgative, médicinale et
psychoactive. La teneur en alcaloïdes totaux de l'écorce varie de 0,05 à près de 2 %, et
les alcaloïdes identifiés sont presque tous des dérivés de la ~-carboline : harmine,
tétrahydroharmine, harmaline, harmol, etc. Si elle est parfois utilisée seule, l'écorce de
Banisteriopsis est habituellement mélangée à d'autres Malpighiaceae (yagé ou
chagropanga = Diplopterys cabrerana [Cuatrec.] Gates), et à des plantes appartenant à
d'autres familles: Rubiaceae (feuilles de chacruna =Psychotria viridis RUIZ & Pavon)
et plus occasionnellement des Solanaceae comme Brunfelsia grandiflora D. Don (=
chiric sanango). Dans certaines régions, on ajoute aussi des feuilles de Brugmansia
suaveolens (cf. p. 970-73), ou de tabac (Nicotiana sp.). La nature des plantes ajoutées
est fonction du but recherché.

Rn;ç 0..
l
N
H
I~
./ON
R = H: harmane
R =OH : harmol
R =OCH 3 : harmine
n;ç
R 0..
l
N
H
1

./0
N
R =OH : harmalol
R =OCH 3 : harmaline

Le breuvage utilisé pourrait contenir jusqu'à 400 mg de carbolines et 25 -40 mg de


N,N-diméthyltryptamine (provenant du Diplopterys et du Psychotria). Pour les
pharmacologues, l'activité IMAO des carbolines expliquerait que les tryptamines soient
actives par voie orale (elles sont normalement inactivées lorsqu'elles sont prises par
1124 ALCALOÏDES

cette voie), mais cette seule explication est peut-être insuffisante, la plante étant parlois
utilisée seule. Réputée pour ses propriétés « télépathiques », ce breuvage était employé
pour purger et pour enseigner, pour accéder à la connaissance de « la vraie réalité». Son
usage a survécu çà et là, y compris en milieu urbain, aussi bien comme panacée que
pour permettre aux guérisseurs pratiquant la médecine traditionnelle métisse de
déterminer les causes de la maladie, de traiter des affections psychosomatiques ou
d'accéder à la connaissance des plantes à utiliser pour traiter le patient. On note
également une utilisation dans le cadre de syncrétismes religieux (ex. : culte du Santo
Daime au Brésil). L'intoxication par l'ayahuasca entraîne des nausées et des
vomissements, des vertiges, puis des visions colorées et des modifications visuelles, une
« capacité paranormale de relation avec "l'autre monde", ou de communication à
distance» [Sueur et al. 1999].
Depuis quelques années, l'ayahuasca a diffusé en Amérique du Nord aussi bien
qu'en Europe, mais son usage serait extrêmement rare en France 3. En outre, l'attirance
pour les pratiques chamaniques susciterait un « tourisme chamanique » vers l'Amérique
du Sud. Si aucun décès lié à l' ayahuasca n'est connu, ce breuvage peut être à l'origine de
soumission involontaire (soumission chimique) et, potentiellement, d'accidents comme
on en connaît avec les Datura et Brugmansia (du fait de la conscience perturbée).
En 2005, un arrêté a classé Banisteriopsis caapi, B. rusbyana 4, Psycho tria viridis,
Diplopterys cabrerana, Mimosa hostilis 4, Peganum harmala, 1'harmine, 1'harmaline, la
tétrahydroharmine, l'harmol et l'harmalol sur l'annexe IV de la liste des substances
classées comme stupéfiants (Arrêté du 20 avril 2005, J.O. du 3 mai 2005). La diméthyl-
tryptamine est également classée comme stupéfiant (annexe III).

6. ZYGOPHYLLACEAE : harmel, Peganum harmala L.

Cette plante herbacée à feuilles très divisées croît dans le nord du continent africain
et jusqu'au nord des Indes et en Mandchourie. Ses graines renferment 3-4 %
d'alcaloïdes identiques à ceux de l'ayahuasca : harmine, harmol, harmaline et dérivés
voisins. La drogue est réputée stimulante du système nerveux central et, dans certaines
régions de l'ouest de l'Asie, il est connu que les graines jetées dans le feu dégagent des
vapeurs enivrantes.

7. CONVOLVULACEAE

Bien que les principes actifs de diverses Convolvulaceae ne soient pas des
tryptamines, on peut les évoquer ici, compte tenu de leurs propriétés hallucinogènes,
comparables à celles des drogues précédemment citées.

3. OFDT (2008). Toxicomanie et usages de drogues à Paris: état des lieux en 2007 et évo-
lutions. Téléchargeable sur: http://www .ors-idf.org/etudes/pdf/rapporctrendparis2007 .pdf
4. Banisteriopsis rusbyana (Nied.) C.V. Morton = Diplopterys longialata (Nied.) W.R. Anderson &
C. Davis: Mimosa hostilis (Mart.) Benth. = Mimosa tenuijlora (Willd.) Poir. [USDA-GRIN].
TR YPT AMINES 1125

Les espèces impliquées - les volubilis sacrés du Mexique - ont une importance
historique comparable à celle des champignons sacrés. Décrites initialement sous leurs
noms aztèques d' ololiuqui et de tlitlitzin, les plantes employées au cours des pratiques
religieuses, médicales et magiques, ont été identifiées à Turbina corymbosa (L.) Raf.
(ololiuqui, coaxihuitl) et à Jpomoea tricolor Cav. (= J. violacea auct. = tlitlitzin). On
continue d'y recourir dans certaines régions du Mexique pour prédire l'avenir,
diagnostiquer et guérir les maladies.
Les substances actives des graines de ces volubilis sont, comme les précédentes,
issues du métabolisme du tryptophane, via la tryptamine : l'ergine, le lysergol et
diverses c1avines (élymoclavine, chanoc1avine, etc.) sont des alcaloïdes également
décrits chez certains Ascomycètes 5 dont les propriétés hallucinogènes sont connues
depuis longtemps (cf. ergot de seigle, p. 1135). Les teneurs en alcaloïdes totaux sont
généralement faibles (T. corymbosa : 0,012 %, J. violacea : 0,06 %). Les propriétés
pharmacologiques de ces composés sont bien connues, elles ont été particulièrement
étudiées dans le cas d'un dérivé synthétique, le diéthylamide de l'acide lysergique ou
LSD 25 (voir au chapitre suivant).

OH OH

Iysergal lysergamide =ergine chanaclavine 1 LSD

Les graines d'une espèce voisine, Argyreia nervosa (Burm.f.) Bojer (Hawaian
baby woodrose, rose des bois, "graine à LSA"), diffusées sur l'Internet, sont parfois
utilisées en Europe, comme celles des volubilis. Quelques cas de psychose avec
hallucinations ont été récemment publiés (Suisse, Allemagne).

BIBLIOGRAPHIE

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ligne: http://www.ethnographiques.org/2008/Baud.html (consulté le 10 janvier 2009).

5. Des alcaloïdes du même type ont été caractérisés chez lpomoea asarifolia Roem & Schult.
Toutefois, lorsque la plante est traitée au cours de sa croissance par des fongicides, elle ne contient plus
ces alcaloïdes. Ce fait, et la disparition du champignon confirmée par microscopie, ont conduit les
auteurs à supposer que la présence des dérivés lysergiques dans cette Convolvulaceae pourrait être liée
à l'infestation fongique (Kucht , S., GroB, J., Hussein, Y. et al. (2004). Elimination of ergoline alkaloids
following treatment of Ipomoea asarifolia (Convolvulaceae) with fungicides, Planta, 219, 619-625. C'est
peut-être aussi une symbiose qui explique que l'on ait trouvé une ergoline bromée sur le C-2 dans un
organisme marin du genre Eudistoma.
1126 ALCALOÏDES

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Toxibase, dossiers Thema en ligne: http://www.toxibase.orglRevue/Dossiers.asp
Alcaloïdes de l'éséré

.FÈVE DE CALABAR, Physostigma venenosum Balf., Fabaceae

La graine de cette liane africaine fut officinale. Elle constitue une source d'un inhibiteur
des cholinestérases, la physostigmine (également dénommée ésérine). Il a été
récemment établi que cet alcaloïde peut aussi être obtenu par voie fermentaire : il est
élaboré, avec un rendement qui peut atteindre 0,88 g/l par un Streptomyces (S.
griseofuscus NRRL 5324).

La plante, la graine. Cette liane volubile dont les feuilles trifoliolées rappellent un
haricot grimpant est spontanée sur le bord des cours d'eau du golfe de Guinée (Nigeria,
Cameroun, Gabon). La graine, longue de 2-3 cm et large de 12-15 mm, a un tégument
brun et brillant. Inodore, insipide et très dure, elle est marquée sur sa face convexe par
un sillon clair de 2-3 mm de largeur.

Composition chimique. Les graines renferment des alcaloïdes (0,2-0,3 %),


principalement représentés par la (-)-physostigmine (ou ésérine), accompagnée de nor-
physostigmine, d'éséramine, de physovénine, d'oxyde d'ésérine et de substances non
identifiées. La physostigmine, instable, s'oxyde rapidement à l'air et à la lumière. En
solution, son groupe uréthane est rapidement hydrolysé: elle est transformée en
éséroline. En milieu ammoniacal, elle conduit à une phénoxazone colorée en bleu.

éséridine
Physostigma venenosum Balf.
PHYSOSTIGMINE 1129

Propriétés et emplois. Traditionnellement, les fèves de Calabar étaient employées


(dans les régions où elle est spontanée) comme poison d'épreuve. Réduites en poudre,
elles étaient administrées aux individus soupçonnés d'avoir commis un délit: seuls les
innocents devaient survivre, la mort étant considérée comme preuve de culpabilité. En
fait, si des vomissements précoces n'intervenaient pas rapidement, les sujets - qu'ils
fussent innocents ou coupables - mouraient par paralysie respiratoire.
La physostigmine est un inhibiteur réversible des cholinestérases : son affinité pour
ces dernières est 10000 fois supérieure à celle de l'acétylcholine. Elle se comporte donc
comme un parasympathomimétique provoquant myosis, sialorrhée, rhinorrhée,
bradycardie, hypotension, bronchospasme, nausées, vomissements, crampes
abdominales et effets centraux. Elle normalise la contraction des muscles striés par
facilitation de la transmission de l'influx nerveux au niveau de la plaque motrice (d'où
les fasciculations et soubresauts musculaires observés aux doses toxiques - et
l'utilisation de dérivés synthétiques dans le traitement de la myasthénie).
La physostigmine peut être utilisée comme antidote de l'intoxication par les
parasympatholytiques (ex. : par des Solanaceae comme le datura ou la belladone). De
nombreux auteurs soulignent toutefois que ce traitement, du fait du risque de surdosage
générateur d'effets indésirables sévères, doit être mis en œuvre avec discernement.

Autres dérivés. En thérapeutique, la physostigmine a laissé la place à des


anticholinestérasiques synthétiques, néostigmine et pyridostigmine, qui conservent,
dans leur structure, le groupement méthyluréthane caractéristique des alcaloïdes
naturels. Les indications thérapeutiques de ces molécules sont la myasthénie, l'atonie
intestinale ou vésicale post-opératoire, la constipation opiniâtre, la décurarisation post-
opératoire après pachycurares. Asthme, maladie de PARKINSON et obstruction des voies
digestives et urinaires constituent des contre-indications. Les effets muscariniques et
nicotiniques peuvent entraîner hypersalivation, myosis, crampes abdominales et
musculaires, fasciculations musculaires.
Le salicylate de l'oxyde d'ésérine est utilisé, en granules ou en gouttes, dans le
traitement d'appoint des troubles dyspepsiques (renforcement du tonus vagal et donc de
la motricité et des sécrétions). Les interactions médicamenteuses sont multiples:
médicaments ayant un effet atropinique ou bradycardisant, anticholinestérasiques, etc.

Dérivés de la physostigmine, analogues structuraux. Comme d'autres inhibiteurs


des cholinestérases, la physostigmine a été testée dans le traitement des déficits
cognitifs caractéristiques de la démence sénile de type ALZHEIMER. Sa demi-vie courte
et sa faible biodisponibilité ont conduit à la préparation d'analogues synthétiques.
Plusieurs dérivés (ex. : eptastigmine) et analogues ont été synthétisés et évalués.
Depuis une dizaine d'années, un phénylcarbamate est commercialisé en France: la
rivastigmine (= (S)-N-éthyl-N-méthyl-3-[(diméthylamino)éthyl]-phénylcarbamate).
La rivastigmine est indiquée (gélules, patchs) dans le traitement symptomatique des
formes légères à modérément sévères de la maladie d'ALZHEIMER. Ses effets sont
modestes, chez une minorité de patients et au prix de divers effets indésirables,
comme ceux des autres anticholinestérasiques commercialisés dans cette indication,
(voir: galantamine, p. 1109).
1130 ALCALOÏDES

BIBLIOGRAPHIE

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sur http://www.has-sante.fr/portail/jcms/L5/accueiI.Voirentreautres:rivastigmine(p.23-27).in
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Ergolines

1. Généralités .......................................................................................................................... 1131


2. Distribution des alcaloïdes dérivés de l' ergoline .............................................................. 1132
3. Origine biosynthétique ...................................................................................................... 1133
4. Ergot de seigle .................................................................................................................... 1135
A. Le champignon, le sclérote ................................................................................. 1137
B. Production des alcaloïdes .................................................................................... 1138
obtention des ergots de culture ............................................................ 1138
fermentation industrielle ...................................................................... 1139
C. Composition chimique ........................................................................................ 1140
D. Pharmacologie ..................................................................................................... 1142
E. Emplois des alcaloïdes de l'ergot.. ...................................................................... 1145
A. Alcaloïdes naturels ou modifiés ...................................................... 1145
B. Analogues des alcaloïdes de l'ergot... ............................................. 1147
5. Bibliographie ...................................................................................................................... 1149

1. GÉNÉRALITÉS

Tous les alcaloïdes de ce groupe sont des dérivés d'un noyau tétracyclique octahydro-
indoloquinoléique,l'ergoline.
Si l'on sépare très couramment les clavines, les dérivés lysergiques simples et les
ergopeptines, il est également possible - et moins ambigu - de classer les différents
alcaloïdes connus en fonction de leur noyau de base. On est ainsi amené à distinguer:

1. Les ergolines. Elles peuvent être substituées en C-8, le plus souvent par un
méthyle (ex. : festuclavine) ou un hydroxyméthyle (ex. : dihydrolysergol) ou, rarement,
en C-8 et C-9 ;
1132 ALCALOÏDES

2. Les 8-ergolènes. Le substituant en C-8 peut être un méthyle (ex. : agroclavine),


un hydroxyméthyle (ex. : élymoclavine) ou un carboxyle (ex. : acide paspalique);

3. Les 9-ergolènes. C'est à ce groupe que sont rattachés les principaux alcaloïdes
de l'ergot de seigle, qu'ils aient une structure d'amino-acide (ex. : ergométrine), de
peptide à motif cyclol (ergopeptines) ou de peptide sans motif cyclol (ergopeptames);

4. Les 6,7-sécoergolines, leur cycle D est ouvert (ex. : chanoclavine 1);

5. Les structures apparentées, parfois dénommées proergolines. On place ici le


précurseur biosynthétique de ces molécules, c'est-à-dire le diméthylallyltryptophane, et
des produits comme les acides clavicipitiques.

OH OH

festuclavine dihydrolysergol agroclavine acide paspatique

O-R OH

14

ergotine acide lysergique acides


et ergopeptines norchanoclavine 1 c/avicipitiques 1et 1/

2. DISTRIBUTION DES ALCALOïDES DÉRIVÉS DE L'ERGOLINE

Ces alcaloïdes ont été initialement caractérisés dans l'ergot du seigle, Claviceps
purpurea. En fait, le genre Claviceps comprend une cinquantaine d'espèces et plusieurs
d'entre elles sont susceptibles de parasiter des Poaceae, céréalières ou non, le plus
souvent des Paniceae. Ex. : C. purpurea sur Secale cereale, C. paspali sur Paspalum
sp., C.fusiformis sur Pennisetum, etc. Si C. purpurea élabore surtout des ergopeptines
et C. paspali des dérivés lysergiques simples, la plupart des autres Claviceps
synthétisent des clavines. Les Claviceps peuvent aussi parasiter des Juncaceae et des
Cyperaceae.
ERGOLINES 1133

Ces c1avines sont également synthétisées par d'autres champignons (Aspergillus,


Balansia, Penicillium, Rhizopus) qui n'élaborent que rarement des structures plus
complexes (dihydroergosine de Sphacelia sorghi, ergobalansine de Balansia spp.).
Curieusement, certains végétaux supérieurs ont la capacité de produire des c1avines,
des amides simples (ergine, hydroxyéthylamide) et même de l'ergosine : c'est le cas de
plusieurs espèces de la famille des Convolvulaceae appartenant aux genres Argyreia,
Ipomoea, Turbina et Strictocardia.

3. ORIGINE BIOSYNTHÉTIQUE

La possibilité de réaliser des cultures saprophytiques de l'ergot de seigle a


grandement facilité l'étude de la biogenèse de ces molécules et, si quelques points
restent à préciser, les grandes étapes qui conduisent, chez ce champignon, à
l'élaboration des alcaloïdes sont maintenant bien décrites.
Les expériences de marquage montrent que les précurseurs de l'enchaînement
ergolinique sont le tryptophane, l'acide mévalonique et la méthionine: le premier
apporte le noyau indolique, les carbones CA et C-5 et l'azote N-6; le deuxième, via le
di phosphate de diméthylallyle, est à l'origine des carbones C-7, C-8, C-9 et C-1O et du
substituant en C-8; la méthionine quant à elle assure (via la S-adénosyl-méthionine) la
méthylation de l'azote N-6.

Ctt3 (SAM)

PP~~". f

Eléments constitutifs d'un


alcaloïde peptidique :
ex. ergotamine

Même si plusieurs points d'ordre mécanistique restent à résoudre, on connaît assez


bien la séquence qui conduit, chez Claviceps purpurea, aux alcaloïdes.
Plusieurs mécanismes ont été proposés pour rationaliser la première étape de
l'élaboration de l'ergoline, c'est-à-dire la formation du diméthylallyltryptophane
(DMAT), autrement dit l'alkylation du tryptophane par le diphosphate de
diméthylallyle, catalysée par une enzyme spécifique, la DMAT synthétase, directement
en CA (qui n'est pas la position la plus propice à la substitution). L'étape suivante
conduit à la chanoc1avine : le DMAT est méthylé à l'azote et décarboxylé, le méthyle
(Z) oxydé en hydroxyméthyle (sans doute via un époxyde) et la double liaison
1134 ALCALOÏDES

diméthylallyl-
tryptophane

OH H

chanoclavine agroclavine

OH H OH OH

elymoclavine acide lysergique


ergopeptines
_ _ _ _...j Biosynthèse des alcaloïdes
de l'ergot de seigle: principales étapes

o y[(
HO
N
H 1
H
_ 0

Enz-S
y[( N
H 1
H
_
Enz-S
H2 N
)+)
0 N

. 0
H ~
Rl

A. Lys-N'
Enz-S H H
R2f<1HNX~O
,,'=
)+).L
H
Rl
R,
A. LyS-N~
H
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0
"arR n
.
=
Fil
0

H 0
ERGOLINES 1135

isomérisée. Au cours de l'étape suivante, c'est-à-dire la formation de l'agroclavine par


fermeture du cycle D, la double liaison est une deuxième fois isomérisée : le méthyle Z
devient E, l'hydroxyméthyle est oxydé en aldéhyde puis réagit avec l'amine secondaire.
Ultérieurement, une mono-oxygénase induit 1'hydroxylation du méthyle en C-8
(élymoc1avine). Une hypothèse, appuyée sur l'utilisation de 18 0, suggère que les
alcaloïdes peptidiques se forment à partir de l'aldéhyde issu de l'oxydation de
l'hydroxyméthyle de l'élymoclavine, sans passer par un intermédiaire acide (lysergique
ou paspalique). En ce qui concerne l'élaboration du tripeptide caractéristique des
alcaloïdes de l'ergot, l'isolement d'ergopeptames (sans cyclol) démontrerait que
l'hydroxylation en C-2', nécessaire pour la formation du cyclol, est tardive (0 2),

4. ERGOT DE SEIGLE, Claviceps purpurea (Fries) Tulasne

C'est avant l'an mille qu'apparaissent les premières descriptions précises du « feu
sacré» ou « feu de Saint Antoine», c'est-à-dire des épidémies d'ergotisme qui, pendant
des siècles, ont ravagé une partie de l'Europe ' . L'ergotisme, conséquence de l'ingestion
de céréales contaminées par le champignon, se présentait couramment sous deux
formes: dans la forme gangréneuse l'atteinte commençait par une inflammation
douloureuse des extrémités et se poursuivait par un engourdissement, un noircissement,
un dessèchement des tissus pouvant aboutir à la pel1e spontanée des membres au niveau
d'une articulation; dans la forme convulsive ou « mal des ardents» des mouvements
involontaires des membres, l'agitation mentale, le délire, les perturbations sensorielles,
voire des spasmes et des convulsions épileptiformes douloureuses dominaient la
symptomatologie. Certains auteurs ont noté une relation entre la géographie et la forme
que prenait l'intoxication, ce qui pourrait être lié à des variations de composition
chimique de l'ergot. La fréquence de l'ergotisme a diminué rapidement avec les progrès
de l'agriculture et la diversification de l'alimentation; des épidémies d'ergotisme ont
toutefois eu lieu dans le nord et l'est de l'Europe jusqu'au XIX' siècle et en Russie, ou
plus de Il 000 cas ont été recensés en 1926-27. Plus récemment (1977 -1978),47 décès
liés à la consommation de céréales contaminées ont été rapportés en Éthiopie 2.

1. L'activité des alcaloïdes de l'ergot a-t-elle influencé l'évolution de la démographie européenne?


Une étude très documentée postule l'existence d'une relation entre la consommation de farines ergotées
et la diminution de la fetiilité des populations. Cf. Matossian, M.K. (1989). Poisons of the pasto Molds,
epidemic and history, Yale University Press, New Haven. Voir aussi, dans le même ouvrage, l'allusion à
l'incidence éventuelle (?) de la consommation de seigle ergoté sur l'apparition du vent de panique qui, à
l'été 1789, souleva plusieurs provinces françaises.

2. Demeke, T., Kidane, Y. et Wuhib, E. (1979). Ergotism - A repOli on an epidemic, 1977-78, Ethiop.
Med. J., 17,107-113. Il faut aussi noter que le bétail est encore périodiquement victime des ergots (c.
purpllrea) qui se développent sur diverses Poaceae. Les principaux troubles observés sont une
diminution ou un arrêt de la lactation (porcins, bovins, chevaux). On observe fréquemment des diar-
rhées, de la fièvre, de la boîterie (bovins), des gangrènes (volailles). Chez les chevaux, l'intoxication
est rare mais souvent aiguë (agalactie et motiinatalité). Un cas de gangrène chez un chat a été publié.
Voir, entre autres: (a) - Copetti, M.V., Santurio, J.M., Boeck, A.A. et al. (2002). Agalactia in mares
fed with grain contaminated with Claviceps pllrpllrea, Mycopathologia, 154,199-200; (b) - Ilha, M.R,
B

Claviceps purpurea (Fries) Tulasne


A: épi ergoté, B : sc1érote avec stromas ( C)
D : détail : périthèces et asques
ERGOLINES 1137

La responsabilité du pain fabriqué à partir de grains de seigle corrompus n'est


entrevue qu'à la fin du XVII' siècle: elle ne sera démontrée, chez l'animal, qu'un siècle
plus tard. La nature fongique de l'ergot est reconnue en 1711, mais le mystère de son
cycle de développement ne sera élucidé qu'en 1853. Le XX' siècle sera celui de
l'isolement des alcaloïdes (ergotamine, STOLL, 1918), de la mise en évidence de leurs
propriétés pharmacologiques et, plus tardivement, de la production d'un grand nombre
d'entre eux par voie fermentaire. Les propriétés ocytociques de l'ergot sont
anciennement connues (LONlCER, 1582) et ont été longtemps utilisées à ce titre 3 (pulvis
parturiens) avant d'être, au XIX' siècle, réservées au contrôle des hémorragies du post-
partum (ce qui a permis de diminuer le nombre des enfants morts-nés !).

A. Le champignon, le sclérote

À première vue, le champignon existe sous deux formes: la forme végétative qui
est un stroma conidiogène appelé sphacélie et la forme de résistance qui est le sclérote.
La sphacélie est formée du mycélium dont les hyphes ont envahi l'ovaire de la fleur de
seigle. C'est à l'extrémité de certains hyphes que se différencient les conidiospores,
organes de la reproduction asexuée. Le tout baigne dans un miellat sucré et visqueux, la
« miellée» du seigle. Le sclérote est une masse allongée, arquée, pourpre noirâtre,
destinée à passer l'hiver sur le sol. Ces deux formes alternent selon un cycle complexe:
- le cycle sexué commence au printemps avec la formation, sur le sclérote, de
masses stromatiques pédicellées contenant chacune de nombreuses ascothécies, c'est-à-
dire des follicules ouverts par un ostiole et contenant les asques. Les ascospores
filamenteuses (60-70 x 2 !lm) libérées et emportées par le vent vont infester les fleurs
du seigle. Le mycélium se développe alors en un stroma conidiogène, des phialides
atypiques produisant les conidiospores ;
- les conidiospores, véhiculées par les insectes, assurent une reproduction asexuée
du gamétophyte haploïde mycélien.
Le sclérote mesure de 1 à 4 cm de longueur pour un diamètre de 3 à 8 mm; il est
aminci aux extrémités. La surface est noirâtre, légèrement crevassée. La cassure est
nette, blanchâtre. L'odeur, aminée, s'accentue avec le vieillissement.

Données analytiques. Les alcaloïdes de l'ergot réagissent avec le para-diméthyl-


aminobenzaldéhyde en milieu acide pour donner une coloration bleue (réaction de van
URK). La coloration obtenue peut être mise à profit pour réaliser un dosage

Loretti, A.P. et Barros, C.S. (2003). Hyperthermie syndrome in dairy cattle associated with con-
sumption of ergots of Claviceps purpurea in southern Brazil, Veto Hum. Toxicol., 45,140-5.
Des intoxications peuvent survenir avec d'autres espèces, et d'autres Claviceps, ex.: mycotoxicoses
à Paspalum distichum L, ou contamination d'ensilages de maïs par des Cyperus ergotés. Cf. Naudè,
T.W., Botha, Cl., Vorster, J.H. et al. (2005). Claviceps cyperi, a new cause of severe ergotism in dairy
caule consuming maize silage and teff hay contaminated with ergotised Cyperus esculentus (nut sedge)
on the Highveld of South Africa, Onderstepoort J. Veto Res., 72, 23-37.
3. Des ethnies de l'Amérique du Sud ont utilisé, de la même façon (c'est-à-dire pour provoquer
l'accouchement) des Cyperus infectés par un champignon producteur d'ergopeptines, Balansia cyperi.
1138 ALCALOÏDES

colorimétrique : c'est un dosage de ce type que préconisait la 9' édition de la


Pharmacopée francaise, après extraction des alcaloïdes totaux à l'état de tartrates.
L'analyse des mélanges alcaloïdiques complexes (alcaloïdes totaux, milieux de
fermentation, formes pharmaceutiques, milieux biologiques) peut être conduite en
CCM, en chromatographie liquide (détection en ultraviolet ou fluorescence) ou gazeuse
(capture d'électrons). La détection dans les céréales est possible par des techniques
immunologiques et, surtout, par des des techniques chromatographiques, en particulier
la chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse tandem qui permet en
outre le dosage et l'identification des alcaloïdes. À ce jour, il n'existe pas de méthode
officielle et la limite admissible est toujours mesurée en proportion pondérale d'ergot:
elle est de 0,05 % dans l'Union européenne, pour les lots destinés à l'intervention
(alimentation humaine). En alimentation animale, la limite est de 1 g par kg de céréales
non moulues. D'autres pays ont des contraintes plus sévères (Canada, Suisse).

B. Production des alcaloïdes

Pendant longtemps, les besoins de l'industrie pharmaceutique ont été couverts


exclusivement par l'extraction à partir de sclérotes obtenus par infestation artificielle de
seigle. Ultérieurement, une partie de la demande internationale en alcaloïdes a pu être
satisfaite grâce à la culture saprophytique de souches sélectionnées de diverses espèces
de Claviceps, les alcaloïdes extraits des milieux de culture étant employés directement
ou après transformation chimique (hémisynthèses). Quelle est la source privilégiée? Les
informations sont rares et parfois contradictoires. En 2006, P.L. SCHIFF 4 évoquait une
production d'ergopeptines comprise entre 5 et 8 tonnes et une production d'acide
lysergique comprise entre 10 et 15 tonnes, 60 % de la production étant couverte par la
culture saprophytique (fermentation), le reste par la« culture de l'ergot », c'est-à-dire
l'infestation artificielle de céréales adaptées (triticale)

Obtention des ergots de culture


Ces ergots sont obtenus par infestation artificielle de céréales à l'aide de souches du
champignon sélectionnées pour leur virulence et pour leur productivité en alcaloïdes.
Initialement pratiquée sur du seigle, l'infestation peut maintenant être mise en œuvre
sur un hybride du blé et du seigle, le triticale (x Triticosecale sp.) : hexaploïde qui
possède la sensibilité du seigle au Claviceps et la productivité du blé.
La méthode traditionnelle comporte plusieurs étapes. Dans un premier temps on
procède à une culture en milieu liquide de la souche sélectionnée et ce dans un milieu
propre à induire la formation de conidiospores. Au moment de l'infestation on prépare
un inoculum en mettant les spores en suspension dans l'eau (3 000-5 000 spores par
mm'). On inocule ensuite précocement les épis à l'aide de l'inoculum (au tout début de
la floraison au plus tard). L'injection se fait par des systèmes analogues à des seringues
hypodermiques reliées à un réservoir contenant la suspension de conidies; un système
mécanique approprié contraint les épis à venir au contact des aiguilles. Six à sept

4. Schiff, PL (2006). Ergot and its alkaloids, Am. J. Pharm. Educ., 70, 98 (en ligne, 10 pages).
ERGOLINES 1139

semaines après l'inoculation, la récolte peut commencer. Le rendement en sclérotes,


très variable, pourrait atteindre 300 kg/ha.
Il semble que des méthodes plus complexes aient été mises au point: le progrès de
la technique, le gain de virulence, l'abandon de la technique traditionnelle d'inoculation
et le changement de support permettraient une multiplication des rendements par un
facteur 8 à 10 (et jusqu'à 4 tonnes pour certains essais).

Fermentation industrielle
• Il Y a une centaine d'années que l'on sait développer les Claviceps sur milieu
synthétique mais de nombreuses difficultés, en particulier la dégénérescence des
souches de C. purpurea, ont empêché la mise au point d'un procédé commercialement
rentable jusqu'aux années 1960-70. Les différents Claviceps se cultivent à des pH
voisins de 5,5 qu'il est souhaitable d'ajuster avec des sels d'ammonium des acides du
cycle de Krebs (succinate, citrate). Fréquemment, la production d'alcaloïdes est
conditionnée par la concentration du milieu en phosphates et, pour beaucoup de
souches, par des concentrations précises en éléments minéraux (fer, zinc, cuivre, bore)
qui influencent directement la productivité. L'oxygénation des cultures doit être
intense. La différenciation cellulaire et la production d'alcaloïdes sont contrôlées par
l'apport en nutriments: un milieu riche provoque la formation d'hyphes mycéliens
abondants, sans production d'alcaloïdes. La production de ceux-ci est déclenchée par
un appauvrissement du milieu en certains nutriments. Pour beaucoup de souches, c'est
la teneur en phosphates qui conditionne le passage de la trophophase (prolifération
mycélienne) à l'idiophase (différenciation biochimique). Le tryptophane, ajouté en
début de fermentation, se comporte comme un inducteur enzymatique et, de ce fait,
augmente la quantité d'alcaloïdes formés.
Alcaloïdes produits. Deux démarches sont utilisables. La première consiste à
produire des ergolènes simples, l'acide paspalique ou l'hydroxy-éthylamide de l'acide
lysergique, ces deux composés étant biosynthétisés par Claviceps paspali Stevens et
Hall avec des rendements largement supérieurs à 2 g/l. D'autres Claviceps sont
susceptibles de produire des clavines avec des rendements beaucoup plus élevés.
Une fois isolés des jus de culture, les dérivés de type ergolène sont transformés -
le premier par isomérisation, le second par hydrolyse - en acide lysergique, matière
première pour la synthèse des alcaloïdes non peptidiques utilisés en thérapeutique
(ergométrine, etc.). Certaines clavines peuvent également être des matières premières
pour la synthèse de produits plus complexes.
La seconde démarche, plus récente, aboutit à la production directe d'ergopeptines,
en particulier d'ergocryptine, à partir de souches de C. purpurea et, peut-être, à partir
d'autres espèces. La fermentation est longue et les ergopeptines seraient obtenues avec
un rendement de l'ordre du g/l. La culture peut être orientée par l'adjonction au milieu
des acides aminés précurseurs du peptide tricyclique souhaité.
La spécificité du système de synthèse n'étant pas très marquée, il est possible
d'introduire dans le milieu des amino-acides abiogènes et d'obtenir ainsi des composés
alcaloïdiques non naturels, nouveaux, en vue de tests pharmacologiques.
Dans tous les cas, il faut extraire les produits en tenant compte qu'une partie reste
intracellulaire (résines échangeuses d'ions).
1140 ALCALOÏDES

C. Composition chimique

La composition de l'ergot de seigle est complexe. Outre des glucides et de très


nombreux amino-acides, le sclérote renferme une forte proportion de lipides: 20 à 40
% de sa masse sont constitués par une huile qui rancit aisément, d'où une très mauvaise
conservation. On note également la présence de stérols (ergostérol et composés
apparentés), celle d'amines issues de la décarboxylation d'amino-acides (tyramine,
histamine) et celle de pigments. Les uns, minoritaires, sont de nature anthraquinonique
(clavorubine, endocrocine), les autres, nettement majoritaires, sont des xanthones
dimérisées : les ergochromes.
La teneur en substances actives, c'est-à-dire en alcaloïdes ergoliniques, est très
variable: 0,15 - 0,5 %. Elle pourrait atteindre 1 % chez les souches destinées à
l'infestation artificielle de céréales. La composition des ergots sauvages varie selon leur
origine. Dans le cas des ergots mis en culture, ils peuvent être sélectionnés pour un
alcaloïde ou un groupe d'alcaloïdes bien définis.

OH 0 OH

HO $
~ 1
OH 0
clavorubine
~
1---::
C02H

&.x\ CH a0 2 C OH
xanthone monomère, constitutive des ergochromes

Alcaloïdes du Claviceps purpurea. À côté de traces de clavines on distingue deux


groupes principaux d'alcaloïdes:

l. Les amides simples de l'acide lysergique. Ils représentent environ 20 % du


totum alcaloïdique. L'alcaloïde majoritaire du groupe est l'ergométrine (= ergobasine =
ergonovine), amide de l'acide lysergique et du 2-amino-propanol; l'ergot renferme
également une petite quantité d'ergine (lysergamide), peut-être issue de la décom-
position spontanée du 2-hydroxyéthylamide de l'acide lysergique;

2. Les ergopeptines. Insolubles dans l'eau, largement majoritaires (80 % des


alcaloïdes totaux), leur hydrolyse fournit de l'acide lysergique, de la proline, de
l'ammoniac, un amino-acide qui peut être de la phénylalanine, de la leucine, de
l'isoleucine ou de la valine, et un a-céto-acide (acide pyruvique, acide diméthyl-
pyruvique, acide a-cétobutyrique). L'élément structural caractéristique de ces ergo-
peptines est le cyclol formé par la réaction entre un hydroxyle porté par le carbone a
d'un amino-acide (celui qui, par hydrolyse du peptide, conduit à l'a-céto-acide) et le
groupe carboxylique de la proline Pour simplifier la nomenclature d'un tel édifice on
retient le terme d'ergopeptine pour le squelette de base et, dans la pratique courante, on
utilise les dénominations communes telles qu'elles découlent de l'usage.
Les principaux alcaloïdes de ce groupe sont l'ergotamine et 1'« ergotoxine »,
mélange d'ergocomine, d'ergocryptine (a + ~) et d'ergocristine. Les autres alcaloïdes
(voir le table~u page suivante) sont peu abondants et n'ont pas d'intérêt thérapeutique.
ERGOLINES 1141

Principaux alcaloïdes de l'ergot de seigle, Claviceps purpurea

10' g'

. 'r ?ç0-fR
H11 '
1'm-
~
«i;
N
7' 8'
N'" N 5, 0 N'" N Hl"'0
?(
H 3' ..
Fio H H 0 i H
R

A : ergotamines B : ergoxines C : ergotoxines

ergotamine ergostine ergocristine

a-ergosine a-ergoptine a-ergocryptine

p-ergosine p-ergocryptine

ergovaline ergonine ergocornine

ergobine ergobutine ergobutyrine

* non connu à l'état natu~rel


H 0YR
N)(l-o
N'"

H 06
exemple d'ergopeptame :
ergométrine ergine ergocristame
1142 ALCALOÏDES

Remarque: instabilité des dérivés lysergiques.


Les dérivés de l'acide lysergique s'épimérisent facilement en C-8 pour former les
dérivés de l'acide isolysergique. Cette épimérisation, favorisée par les solvants polaires,
fait intervenir un intermédiaire énolique. La nomenclature des deux séries consiste à
modifier la terminaison du nom de l'alcaloïde quand celui-ci est épimérisé : les dérivés
de l'acide lysergique ont, classiquement, un suffixe en -ine, leurs épimères en C-8
dérivés de l'acide iso-lysergique ont eux un suffixe en -inine (ex. : ergométrine,
ergométrinine, ergosine, ergosinine, etc.).
La conséquence majeure de l'épimérisation en C-8 est d'ordre pharmacologique:
les dérivés de l'acide isolysergique sont en effet dépourvus d'activité. Fort
heureusement, ces dérivés sont des produits d'altération: ils sont pratiquement absents
du résidu extractif lorsque l'extraction a été réalisée dans de bonnes conditions.
Les solutions aqueuses d'alcaloïdes dérivés de l'acide lysergique sont sensibles aux
rayonnements UV: l'addition d'une molécule d'eau sur la double liaison en 8,9 conduit
à des lumi-dérivés stéréoisomères.
OH OH

o HO

acide lysergique acide isolysergique

D. PHARMACOLOGIE
L'action pharmacologique des alcaloïdes de l'ergot, complexe, trouve son origine
dans l'analogie structurale qu'ils présentent avec la noradrénaline, la dopamine, et la
sérotonine (voir ci-dessous). Cette parenté structurale explique l'affinité des alcaloïdes
et de leurs dérivés pour les récepteurs à ces ligands et leur capacité à y exercer des effets
agonistes ou antagonistes. Elle explique également que si ces alcaloïdes développent
une activité préférentielle au niveau d'un type précis de récepteur (a-adrénergique,
dopaminergique ou sérotoninergique) ils agissent aussi, au moins partiellement, sur les
autres types de récepteurs: on comprend ainsi la complexité de leur action.
N N N

XH'" 0yH," 0"

(1
N'H JC{?N'H
W
1

1~
~ I/,
HO /, HO /,

nor-adrénaline dopamine sérotonine


ERGOLINES 1143

Ergométrine. Cet alcaloïde est un puissant ocytocique : il augmente le tonus de


base, la fréquence et les contractions de l'utérus et ce d'autant plus que celui-ci est dans
un état de gravidité avancé. Cette activité serait liée à la stimulation des récepteurs a-
adrénergiques du myomètre. L'hypertonie utérine est à l'origine des effets anti-
hémorragiques de l'ergométrine. En pratique, on préférera utiliser la méthylergométrine
qui est l'amide de l'acide lysergique et du 2-aminobutanol : ce dérivé hémisynthétique
est plus actif au niveau de l'utérus: son action est maximale 2 à 5 minutes après
l'injection; elle dure de 4 à 6 heures; il possède également une activité vasoconstrictrice
artérielle (à dose forte).

'.' Ergotamine. À doses faibles, l'ergotamine est fortement vasoconstrictrice par


stimulation des récepteurs a-adrénergiques (et, pour ce qui est des vaisseaux crâniens,
par stimulation des récepteurs sérotoninergiques). La réaction tonique vasculaire est
particulièrement marquée au niveau périphérique et à celui du réseau carotidien
externe; cette réaction s'accompagne d'une fermeture des shunts artério-veineux.
L'action vasoconstrictice explique l'action antimigraineuse de cet alcaloïde, action
d'autant plus marquée qu'il est administré au tout début de la crise. Des doses plus
élevées font apparaître une activité antagoniste, adrénolytique (faible), témoin du
dualisme de l'action de cette molécule. Par ailleurs, l'ergotamine est ocytocique.

dérivés hydrogénés des alcaloïdes naturels

9,lO-Dihydroergotamine. L'hydrogénation de la double liaison en 9,10 diminue


fortement l'activité agoniste au niveau des récepteurs adrénergiques a (l'intensité de
l'activité dépendrait du tonus vasculaire préexistant) et sérotoninergiques et renforce
son pouvoir antagoniste, adrénolytique et antisérotonine à dose forte. Plus active sur les
veines que sur les artères, c'est un vasorégulateur, un «stabilisant du tonus vasculaire ».

9,lO-Dihydroergotoxine. La pharmacologie complexe de cette molécule


(stimulation des récepteurs centraux, vasodilatation périphérique, action régulatrice du
métabolisme neuronal) permettrait d'expliquer ses effets bénéfiques dans ce qu'il est
convenu d'appeler les troubles comportementaux de la sénescence cérébrale.

autres dérivés hémisynthétiques ou synthétiques

Méthysergide. La méthylation de l'azote indolique de la méthylergométrine


conduit au méthysergide, très puissant antagoniste des récepteurs sérotoninergiques,
dépourvu d'effet vasoconstricteur intrinsèque. Toutes ses activités (inhibition de la
perméabilisation provoquée par la sérotonine, freinage de la libération d'histamine par
les mastocytes, etc.) concourent à en faire un traitement de fond de la migraine.

Nicergoline. Ce dérivé synthétique est un ester du lOa-méthoxylysergol (le noyau


ergoline est hydroxyméthylé en C-8). a-I-Adrénolytique presque pur, la nicergoline est
1144 ALCALOÏDES

présentée comme un « vasodilatateur cérébral» : elle accroît le débit artériel


encéphalique et favorise l'utilisation du glucose et de l'oxygène par la cellule cérébrale;
c'est aussi un antiagrégant plaquettaire.

2-Bromo-a-ergocryptine (bromocriptine, DCI). L'introduction d'un atome de


brome sur le carbone en a de l'atome d'azote indolique exacerbe les propriétés
agonistes doparninergiques postsynaptiques : au niveau hypothalamo-hypophysaire, la
molécule inhibe la sécrétion de prolactine et, au niveau des noyaux gris, pallie la
déplétion de dopamine consécutive à la dégénérescence des voies nigro-striées
observée au cours de la maladie de PARKINSON. D'autres effets dopaminergiques sont à
noter: action hypotensive, émétisante et, à doses fortes, induction de troubles
psychiques par stimulation des récepteurs dopaminergiques du système limbique.

Lisuride. Ce composé synthétique est un dérivé de type 8a-amino-ergoline.


Comme la 2-bromo-a-ergocryptine, c'est un agoniste dopaminergique à action centrale
prédominante, freinant la sécrétion de prolactine, palliant la déplétion en dopamine au
niveau nigro-strié. Son action sur les récepteurs sérotoninergiques n'est pas nulle.

lisuride pergolide

Diéthylamide de l'acide lysergique, LSD. Ce dérivé hémisynthétique, non utilisé


en thérapeutique, est un puissant psychodysleptique: il interférerait avec la transmission
normale des voies sérotoninergiques. Ses effets psychiques, très marqués, se traduisent
par une altération des perceptions (formes, couleurs, sons), une déformation de la
perception du temps, une dépersonnalisation, une augmentation de la suggestibilité,
l'émergence de souvenirs oubliés, etc. Physiologiquement, on note une mydriase, une
tachycardie, des tremblements, des nausées, une sécheresse de la bouche, des
paresthésies et de l'incoordination. Le milieu et l'état du sujet (expérience antérieure,
attentes) sont déterminants dans l'apparition des désordres psychopathologiques
consécutifs à l'usage de cet hallucinogène: vulnérabilité à la panique, angoisse pouvant
aller jusqu'à la terreur, peur de la mort et de la folie, modifications de la personnalité,
états psychotiques aigüs et/ou puis chroniques, passage à l'acte (automutilation ou
hétéroagressif), récurrence spontanée (parfois pendant une longue période) de
l'expérience psychédélique sans ingestion du produit. Le LSD induit une tolérance mais
pas de dépendance physique (pas de syndrome de sevrage). Ces effets renvoient à ceux
des amides simples hydrosolubles présents dans l'ergot (et chez des Convolvulaceae
[cf. p. 1125]), et au délire qui caractérisait la forme convulsive de l'ergotisme.
ERGOLINES 1145

E. EMPLOIS DES ALCALOïDES DE L'ERGOT

A. Alcaloïdes naturels ou modifiés

Méthy~rgométrine

Évaluation clinique. Une méta-analyse des essais cliniques versus placebo ou


absence de traitement portant sur près de 4 000 femmes a montré que l' ergométrine ou
la méthylergométrine administrées à titre prohylactique en lM ou en IV à la fin du
travail diminuait de façon statistiquement significative le saignement (- 83 ml, IC95 :
- 67 ml à - 100 ml) et le risque d'une hémorragie du post-partum supérieure à 500 ml
(RR = 0,38, IC95 : 0,21-0,69). Par voie orale, l'effet de l'alcaloïde n'a pas été différent
de celui du placebo (un seul essai).

Effets indésirables, interactions médicamenteuses. Les effets indésirables les plus


fréquents sont des vomissements, une poussée hypertensive et des douleurs. La
méthylergométrine ne doit pas être associée à la phénylpropanolamine, aux triptans, et
aux inhibiteurs du cytochrome CYP3A4 : macrolides, tels que la troléandomycine,
l'érythromycine ou la c1arithromycine, inhibiteurs de la protéase ou de la transcriptase
inverse du VIH (ritonavir, indinavir, etc), antifongiques azolés (kétoconazole,
itraconazole, etc.). Toutes ces associations peuvent entraîner une vasoconstriction et/ou
des poussées hypertensives. L'association à la sulprostone entraîne un risque de
vasoconstriction coronaire pouvant être fatale. Il est déconseillé d'associer la
méthylergométrine aux autres alcaloïdes dopaminergiques à noyau ergoline.

Indications thérapeutiques
a- Par voie intramusculaire, le maléate de méthylergométrine (liste 1) est indiqué en
cas d'urgence obstétricale: 10 en cas d'hémorragie de la délivrance et du post-partum,
après césarienne, après curetage et interruption de grossesse par aspiration ou curetage,
en cas de subinvolution ou atonie utérine, après expulsion de l'enfant. L'administration
doit se faire sous contrôle tensionnel strict.
La méthylergométrine est contre-indiquée au cours de la grossesse; au cours du
travail jusqu'au dégagement de l'épaule postérieure de l'enfant dans les présentations
céphaliques ou, en cas de présentation anormale, jusqu'à son dégagement total; en cas
de pré-éclampsie ou d'éclampsie, d'hypertension artérielle sévère, d'affection
vasculaire oblitérante, etc. Sauf indication formelle et pour une courte durée « 3 jours),
la méthylergométrine n'est pas utilisable chez la femme qui allaite.
b- Par voie orale (solution buvable, comprimés), la méthylergométrine est utilisée:
10 dans les hémorragies de la délivrance et du post-partum (en relais des ocytociques
par voie parentérale); 20 dans les métrorragies d'origines diverses: suites de couches
liées à une atonie utérine ou avortement spontané, en l'absence de rétention placentaire
- interruption de grossesse par aspiration ou curetage - retours de couche hémorra-
0
giques; 3 en traitement d'appoint des ménorragies en dehors de la grossesse après bilan
étiologique (mais, dans cette dernière indication, certains estiment que le rapport
bénéfices/risques est défavorable).
1146 ALCALOÏDES

Ergotamine et dihydroergotamine. Ces deux alcaloïdes sont utilisés dans le


traitement de la migraine, mais ils ont des effets indésirables importants.
- L'ergotamine, sous forme de tartrate (liste 1) et associée à la caféine (ce qui
renforce son absorption digestive) est indiquée dans le traitement symptomatique de la
crise de migraine. Posologie usuelle: 2 mg dès les prodromes de la crise. En cas de
persistance après une demi-heure ou de réapparition des symptômes une nouvelle prise
est possible; il est toutefois recommandé de ne pas dépasser 6 mg par jour et, en cas de
crises pluri-hebdomadaires, 10 mg par semaine. Il est conseillé de ne pas l'utiliser en cas
de grossesse et d'allaitement, ainsi que chez l'enfant de moins de dix ans. L'efficacité
de l'ergotamine est inférieure à celle des triptans, c'est un traitement de deuxième
intention.
- La dihydrergotamine, sous forme injectable ou sous la forme d'une solution pour
pulvérisation nasale est également indiquée dans le traitement de la crise migraineuse.
- La dihydroergotamine (liste II), qui a été peu évaluée, est indiquée par voie orale
dans le traitement de fond (préventif) de la migraine. Elle est aussi destinée à
l'amélioration des symptômes en rapport avec l'insuffisance veino-Iymphatique
Uambes lourdes, douleurs, impatience du primodecubitus), et proposée dans le
traitement de l'hypotension orthostatique (comprimés, gélules, capsules, Iyophilisat oral
ou solution buvable de mésilate de dihydroergotamine).
La prise de ces ergopeptines peut provoquer nausées et vomissements, hyperten-
sion artérielle, paresthésies et cyanose au niveau des extrémités, vertiges, céphalées
auto-entretenues. Si le risque d'ergotisme (ischémie des extrémités) est faible, un
certain nombre de pathologies l'augmentent et sont, de ce fait, des contre-indications à
l'emploi de ce produit. C'est le cas des affections prédisposant à des réactions
angiospastiques : insuffisance coronarienne, affections vasculaires oblitérantes,
maladies vasculaires périphériques, hypertension artérielle, antécédents d'accident
vasculaire cérébral; mais aussi états infectieux sévères, insuffisances hépatique ou
rénale sévères.
Interactions médicamenteuses. Les interactions possibles de l'ergotamine et de la
dihydroergotamine sont sensiblement identiques à celle de la méthylergométrine (voir
plus haut, en particulier le risque de l'association avec les triptans). L'association à des
sympathomimétiques directs ou indirects est déconseillée. Diltiazem et association
quinupristine-dalfopristine peuvent aussi augmenter les concentrations plasmatiques
des ergopeptines vasoconstrictrices.

Dihydroergotoxine (codergocrine) et dihydroergocristine (liste II). L'évaluation


clinique de ces deux dérivés n'apporte pas de preuve de leur intérêt clinique chez les
personnes âgées souffrant d'un « déficit cognitif et neurosensoriel ». Les études
randomisées en double insu versus placebo conduites avec la dihydroergocristine en
association avec la raubasine ont inclus des patients relativement jeunes et atteints de
troubles très variés. Ils ont utilisé des critères de jugement multiples, parfois flous, mais
aucune des échelles actuellement reconnues pour évaluer les capacités cognitives et
comportementales. Le service médical rendu (SMR) de ces deux alcaloïdes a été jugé
insuffisant par la Commission de la transparence et la HAS a récemment rappelé (2008)
que: « Les vasodilatateurs cérébraux n'ont pas fait la preuve de leur efficacité. Une
ERGOLINES 1147

plainte mnésique persista'1l? doit conduire à la recherche d'une dépression et des


troubles cognitifs peuvent conduire à un bilan neuropsychologique. »
Le mésilate de dihydroergotoxine (liste II) est disponible sous différentes formes
galéniques destinées à la voie orale (solution buvable, comprimés, capsules). Le mésilate
de dihydroergocristine (liste II) est habituellement associé à un adréno-sympatholytique
tel que la raubasine (= ajmalicine).
Ces deux alcaloïdes ont des utilisations voisines: ils sont proposés, par voie orale,
1° comme traitement d'appoint à visée symptomatique du déficit pathologique et
neurosensoriel chronique du sujet âgé à l'exclusion de la maladie d'ALZHEIMER et des
autres démences; 2° comme traitement d'appoint des baisses d'acuité et troubles du
champ visuel présumés d'origine vasculaire. En évitant la prise à jeun, les effets
indésirables sont rares (syndrome nauséeux). En solution injectable, la dihydro-
ergocristine est utilisée dans le traitement des accidents vasculaires cérébraux constitués
et proposée dans les rétinopathies aiguës d'origine vasculaire.

Méthysergide. L'hydrogénomaléate de méthysergide (liste II) est indiqué dans le


traitement de fond de la migraine et des algies vasculaires de la face. Il est réservé à
l'adulte et son administration doit être progressive. Il est contre-indiqué en cas
d'hypertension sévère, d'insuffisance coronaire, de troubles de la circulation
périphérique, d'insuffisance hépatique ou rénale grave, de grossesse et en période
d'allaitement. L'administration continue ne doit pas dépasser 6 mois. Le traitement par
le méthysergide expose au risque de fibrose rétropéritonéale et doit être réservé aux
migraineux sévères résistants aux autres traitements.

B. Analogues des alcaloïdes de l'ergot

Ces composés de synthèse ne seront abordés ici que très succinctement.

Nicergoline. Comme dans le cas de la dihydroergocristine et de la dihydro-


ergotoxine, le SMR des spécialités à base de nicergoline a été jugé insuffisant par la
Commission de la transparence.
La nicergoline (liste II) est indiquée comme 1° traitement d'appoint à visée
symptomatique du déficit pathologique cognitif et neurosensoriel chronique du sujet
âgé (à l'exclusion de la maladie d'ALZHEIMER et des autres démences); 2° traitement
d'appoint de la claudication intermittente des artériopathies chroniques oblitérantes des
membres inférieurs (au stade 2); 3° traitement d'appoint des baisses d'acuité et troubles
du champ visuel présumés d'origine vasculaire.

2-Bromo-ergocryptine = bromocriptine (DCI). Trois groupes d'indications


principales pour cette molécule inscrite sur la liste 1 :
1° • prolactinomes : traitement de fond des prolactinomes, préparation à l'acte
chirurgical en cas de macroadénome, en cas d'échec précoce ou tardif de la chirurgie:
réapparition d'une hyperprolactinémie;
1148 ALCALOÏDES

• conséquences cliniques de l'hyperprolactinémie : troubles sévères du cycle


menstruel, stérilité, galactorrhée et, chez l'homme, gynécomastie et impuissance;
2° inhibition de la lactation: prévention ou inhibition de la lactation physiologique
pour des raisons médicales dans le post-partum immédiat (ablactation) et le post-partum
tardif (sevrage);
3° traitement de la maladie de PARKINSON en première intention: a- seule; b-
associée avec la lévodopa (afin de diminuer la dose de chacun des produits actifs et de
retarder l'apparition des fluctuations d'efficacité et des mouvements anormaux) ; c -
association en cours d'évolution de la maladie en cas de diminution de l'effet de la
lévodopa, de fluctuations de l'effet thérapeutique de la dopathérapie et autres
phénomènes apparaissant après plusieurs années de traitement par la lévodopa
(dyskinésies, dystonies douloureuses), d'inefficacité d'emblée de la dopathérapie.
Les effets indésirables régressent généralement assez rapidement (nausées,
vomissements, constipation, hypotension orthostatique); aux fortes doses et en cas de
détérioration mentale préexistante, des troubles psychiques peuvent apparaître.

Br bromocriptine nicergoline LSD

Lisuride. Le maléate de lisuride (liste 1) a comme indication principale le traitement


de la maladie de Parkinson soit en association précoce avec la dopathérapie, ce qui
permet de diminuer la dose de chacun des produits et de retarder l'apparition des
fluctuations d'activité et des mouvements anormaux, soit en association en cours
d'évolution de la maladie lorsque l'effet de la dopathérapie s'épuise ou devient
inconstant et qu'apparaissent des fluctuations de l'effet thérapeutique (fluctuations de
type« fin de dose» ou effet « on-off»).
Les indications endocriniennes du lisuride sont les mêmes que celles de la
bromocriptine : 1° conséquences cliniques de l'hyperprolactinémie (troubles sévères du
cycle menstruel, stérilité, galactorrhée et, chez l'homme, gynécomastie et impuissance)
et, 2° en période de lactation, inhibition de la montée laiteuse, arrêt de la lactation,
engorgement mammaire, symptomatologie mammaire inflammatoire.
Les effets indésirables sont voisins de ceux induits par la bromocriptine (nausées,
vomissements, hypotension orthostatique, confusion mentale, hallucinations, risque
d'accident vasculaires, etc.).

Pergolide (Liste 1 -prescription initiale réservée aux neurologues). Ce dérivé est


indiqué dans le traitement de la maladie de PARKINSON, uniquement en cas d'échec des
ERGOLINES 1149

autres traitements agonistes dopaminergiques. Le bénéfice de la poursuite du traitement


doit être régulièrement réévalué compte tenu du risque de réactions fibreuses et de
val vulopathies.

Cabergoline. Cet autre dérivé synthétique, stimulant dopaminergique, anti-


parkinsonien et inhibiteur de la prolactine a des indications endocriniennes identiques
aux molécules précédentes : hyperprolactinémie idiopathique; hyperprolactinémie liée
à la présence d'un microadénome ou d'un macro adénome hypophysaire, et leurs
manifestations cliniques, lOchez la femme: galactorrhée, oligo- ou aménorrhée,
infertilité; 2 chez l'homme: gynécomastie, impuissance.
0

Lysergide ou LSD 25. La production, la mise sur le marché et l'emploi de cette


molécule sont interdits en France (arrêté du 10-09-92, J.O. Rép.fr., 20-09-1992, p. 10
039 sq.).

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Alcaloïdes
indolo-monoterpéniques

1. Introduction ........................................................................................................................ 1152


2. Origine biosynthétique ...................................................................................................... 1153
A. De la tryptamine à la strictosidine, origine du précurseur commun .................. 1153
B. De la strictosidine aux alcaloïdes, principaux types structuraux ....................... 1155
C. Biosynthèse des alcaloïdes indoliques de type I.. ............................................... 1157
D. Biosynthèse des alcaloïdes indoliques de type II et III ...................................... 1159
E. Cas particuliers ..................................................................................................... 1159
alcaloïdes binaires des Catharanthus .................................................. 1159
alcaloïdes quinoléiques des quinquinas ............................................... 1160
3. Distribution des alcaloïdes indolo-monoterpéniques ....................................................... 1161
4. Plantes à alcaloïdes indoliques .......................................................................................... 1163
Loganiaceae : vomiquier (1163),jasmin de la Caroline ......................................... 1165
Rubiaceae : yohimbe ................................................................................................ 1165
Apocynaceae ............................................................................................................. 1167
pervenche tropicale ............................................................................... 1167
dérivés hémisynthétiques, vindésine (1170), vinorelbine ..... 1171
accès aux alcaloïdes binaires: hémisynthèse ......................... II72
petite pervenche .................................................................................... 1173
rauwolfias ............................................................................................. 1175
iboga ..................................................................................................... 1177
5. Plantes à alcaloïdes quinoléiques ..................................................................................... .1178
quinquinas ............................................................................................................... 1178
Camptotheca ............................................................................................................. 1184
6. Bibliographie ...................................................................................................................... 1185
1152 ALCALOÏDES

1 . INTRODUCTION

Comme cela a été dit dans l'introduction générale aux alcaloïdes dérivés du
tryptophane, la distribution de ce très vaste groupe d'alcaloïdes est pratiquement limitée
à trois familles de l'ordre des Gentianales : Apocynaceae, Loganiaceae et Rubiaceae,
celle des Apocynaceae étant la plus importante eu égard au nombre d'alcaloïdes isolés,
au nombre de ceux qui sont ou ont été commercialisés et à leurs potentialités
pharmacologiques, exploitées ou non.
La caractéristique la plus remarquable des alcaloïdes de ce groupe est sans doute
leur origine biosynthétique commune: tous les composés connus proviennent d'un
précurseur unique, la strictosidine. Encore hétérosidique, cette molécule est issue de la
condensation d'une molécule de tryptamine et d'un aldéhyde monoterpénique, le
sécologanoside, lequel - cela a été explicité au chapitre « iridoïdes » (cf. p. 711) -
provient, via les diphosphates de diméthylallyle et d'isopentényle, le géraniol et
l'iridodial, de l'acide mévalonique.

gS H

H
~
/00
OH

10-oxogéranial iridodial loganoside

tryptamine strictosidine

Origine de la strictosidine

La diversité structurale de ce groupe qui compte sans doute plus de 3 000 composés
différents est trop importante pour être prise en compte dans le présent ouvrage: on ne
donnera ici que quelques exemples parmi les plus représentatifs.
Une première source de variabilité structurale est liée au fragment tryptaminique.
Exemple: le tryptophane qui, dans la très grande majorité des cas, est incorporé sous
forme de tryptamlne peut ne pas se décarboxyler - c'est le cas des alcaloïdes des Adina
et autres Rubiaceae (voir ci-contre: adifoline). Autre exemple: la chaîne éthanamine de
la tryptamine peut perdre un carbone, c'est ce que l'on observe chez les ellipticines ou
chez l'uléine. Dans quelques cas, rares, un réarrangement intervient qui transforme
l'indole initial en quinoléine (cf. quinquinas).
ALCALOÏDES INDOLO-MONOTERPÉNIQUES 115~

corynanthéine OCH 3 cinchonamine vobasine

HO

ajmaline icajine

OH

;NI'''",,,C
'- . .'. .-'. '.., /' 2

C0 2CH 3
CH 3 0
vindolinine

CH30

CH 3 0 0
C02CH3 -to
ervatamine conopharyngine vincathicine

L'autre source de variabilité structurale - de fait c'est la plus importante - est liée
au fragment monoterpénique qui est susceptible de réarrangements multiples: les
exemples du tableau de la p. 1156 illustrent quelques unes des possibilités parmi les
plus caractéristiques (la partie monoterpénique des molécules provenant du séco-
loganoside est figurée en traits épaissis).

2. ORIGINE BIOSYNTHÉTIQUE

A. De la tryptamine à la strictosidine,
origine du précurseur commun

La conversion du loganoside en alcaloïdes, c'est-à-dire sa condensation avec la


tryptamine, nécessite la rupture du noyau cyc1opentanique, rupture qui conduit au
Uncaria gambir (Hunter) Roxb.
ALCALOÏDES INDOLO-MONOTERPÉNIQUES 1155

sécologanoside. Le mécanisme de cette ouverture demeure obscur, l'intervention de


dérivés hydroxylés en C-7 et C-IO ou en C-6 ayant été exclue par l'utilisation de pré-
curseurs marqués. La condensation du sécologanoside avec la tryptamine conduit
théoriquement à deux hétérosides épimères : le vincoside (3-~) et la strictosidine (3-a).
En réalité, l'enzyme (la strictosidine-synthase) catalyse la formation exclusive de
strictosidine, précurseur de tous les alcaloïdes indolomonoterpéniques.

B. De la strictosidine aux alcaloïdes: principaux types structuraux

Il est possible de classer les alcaloïdes indoliques en différentes catégories et ce en


fonction de leur biogenèse: alcaloïdes de type 1 : corynanthéanes (la), strychnanes (lb)
et autres squelettes dans lesquels l'unité monoterpénique n'est pas réarrangée;
alcaloïdes de type II (aspidospermanes et squelettes apparentés) et de type III (iboganes
et squelettes apparentés) incorporant une unité monoterpénique réarrangée. Des
systèmes plus complexes (et plus précis) de classification ont été proposés, leur étude
détaillée relève d'ouvrages spécialisés 1. Le schéma ci-dessous et le tableau ci-après
résument les caractéristiques fondamentales de ces groupes et des principaux squelettes
qui y sont rattachés 2 :
- groupe I-A : fermeture C-21-> Nb; ensuite il peut y avoir une cyclisation C-17 -C-
18 (yohimbanes), C-17-0-C-19 (hétéroyohimbanes), C-16-C-7, etc.;
- groupe I-B : l'unité monoterpénique reste intacte, la liaison C-2-C-3 est rompue
et remplacée par deux nouvelles liaisons: C-2-C-16 et C-3-C-7 (strychnanes);

[
~OPP~
Jl .
Ct;(
X' --> ':~'"
(~
l',-CCRYNANTHEANE
lb - STRYCHNANE
1
V 17

17->20 / \ 17->14

[ASPIDOSPERMANE 1 3~~~
14 15

16 17
<8
19
... ~
\
16 . 141

17
3 21
1 20

19
18
I/BOGANE

1. La simplification opérée ici est volontaire et centrée sur les alcaloïdes qui présentent un intérêt
thérapeutique. On peut en particulier voir une publication ancienne mais qui demeure intéressante
même si de nombreuses structures ont été décrites depuis: Kisakürek, M.V., Leeuwenberg, AJ.M. et
Hesse. M. (1983). A chemotaxonomic investigation of the plant families of Apocynaceae, Loganiaceae, and
Rubiaceae by their indole alkaloid content, in «Alkaloids - Chemical and biological perspectives », (Pelletier,
S.W., éd.), vol. 1, p. 211-376, John Wiley, New York. On pourra également voir les ouvrages cités dans
l'introduction générale, en particulier celui de Geoffrey CORDELL.
2. La numérotation utilisée ici est celle, dite biogénétique, proposée en 1965 par LE MEN et
TAYLOR; elle présente l'avantage de bien mettre en évidence la remarquable homogénéité structurale
masquée par une diversité qui n'est qu'apparente.
1156 ALCALOÏDES

Homogénéité biogénétique des alcaloïdes indolique

La partie du polycycle issu du sécologanoside est


figuré en traits épaissis.
Dans un but de simplification, seuls les squelettes
sécologanoside auxquels se rattachent des molécules actuellement
+ utilisées sont représentés.
alcaloïdes des Cinchona tryptamine

O-Glc 17
type
" ellipticine "

N
H

hétéroyohimbane 17

17 17 0

strychnane
corynanthéane
3
yohimbane
14

~
21 15
16 20 ----.. 15
N
H
17

ibogane

14

15

14

alcaloïdes binaires
aspidospermane éburnane des Catharanthus
ALCALOÏDES INDOLO-MONOTERPÉNIQUES 1157

- groupes II et III: la liaison C-2-C-3 est rompue ainsi que la liaison C-15-C-16
de l'unité monoterpénique. La refermeture peut intervenir par établissement d'une
liaison C-17-C-20 (groupe II, aspidospermane, éburnanes, etc.) ou d'une liaison C-17
-C-14 (groupe III, iboganes).
En termes de chimiotaxinomie l, p. 1155, il est intéressant de noter qu'un accroissement
de complexité structurale entraîne une plus grande spécificité de distribution. Ainsi, les
alcaloïdes intégrant une unité monoterpénique réarrangée sont plus évolués que ceux
chez lesquels elle n'est pas remaniée: ils n'existent que chez les seules Apocynaceae
alors que les Loganiaceae (considérées comme l'ancêtre commun des Rubiaceae et des
Apocynaceae) ne renferment que des alcaloïdes du type l (corynanthéane, vallesia-
chotamane, strychnane).

c. Biosynthèse des alcaloïdes indoliques de type 1

type la : corynanthéanes et squelettes apparentés


Formellement, la formation du squelette corynanthéane nécessite, dans un premier
temps, l'élimination enzymatique du glucose. La génine libérée, hémi-acétalique, est en
fait une espèce dialdéhydique hautement réactive: une condensation intramoléculaire
conduit à une carbinolamine qui se déshydrate en aldéhyde 4,21-déhydrocorynanthéique.
La cathénamine, isolée d'une espèce de Rubiaceae, s'avère être un précurseur
efficace de l' ajmalicine : elle se formerait via une diénamine et la 4,21-déhydro-
geissochizine. La formation d'épimères en C-19 et C-20 s'explique par l'existence,
pour la cathénamine, d'un équilibre entre l'ènamine et l'iminium.
Le tableau de la page suivante résume le processus qui aboutit aux alcaloïdes
rattachés au yohimbane et à l'hétéroyohimbane. La réactivité importante des
intermédiaires explique l'existence de nombreux squelettes dérivés du corynanthéane
(cf. vobasine, sarpagine, ajmaline, oxindoles, mais aussi ervatamine ou quinine) ou
d'un stade plus primitif (vincosane : adifoline). Ex. : la liaison C-5 -C-16 caracté-
ristique de la vobasine ou de l'ajmaline implique l'attaque du C-16 (activé par les
carbonyles) sur un iminium : la 4,5-déhydrogeissoschizine.

type lb : strychnanes
Dans ces structures (ex. : strychnine) une liaison C-3-C-7 remplace la liaison C-3
-C-2 : il est envisagé qu'une ~-oxydation de l'indole en hydroxyindolénine conduise à
un oxindole à partir duquel l'établissement d'une liaison C-2-C-16 devient possible
(formation de la préakuammicine). La suite des transformations est plus évidente: perte
du carbométhoxyle et passage à la méthylène indoline (nor-C-fluorocurarine). Cette
dernière conduit aussi bien à l'aldéhyde de WIELAND-GUMLICH (= Na-désacétyl
diaboline, cf. noix-vomique, p. 1163) qu'à son dérivé déshydroxylé en C-18. Dans les
deux cas, il y a réduction de la double liaison 2,16. Ces deux aldéhydes peuvent se
dimériser: c'est le processus qui conduit aux ammoniums quaternaires curarisants (cf.
curares, p. 1051). La strychnine elle-même est issue de l'alkylation par l'acéto-acétyl-
CoA de l'aldéhyde de WIELAND-GUMLICH sous sa forme hémi-acétalique, suivie d'une
cyc1isation sur l'azote indolidinique.
1158 ALCALOÏDES

H
O-Gle

OH OH
strictosidine dialdéhyde 4,21-déhydrocorynanthéine
~ aldéhyde

OH
cathénamine déhydrogeissoschizine diènamine

H'\'"
~
CH 3 0 2C
OH OH
hétéroyohimbanes geissoschizine yohimbanes

o:'~
3 N

o
H

CH 30 2C 1~
H
OH strychnanes
type sarpagine
et dérivés
t
type ajmaline

Origine biosynthétique
\
des alcaloïdes indoliques
de type ,.
Formation de quelques
squelettes dérivés (/a, lb)
[schéma très simplifié]
stemmadénine préakuammicine
ALCALOÏDES INDOLO-MONOTERPÉNIQUES 1151)

D. Biosynthèse des alcaloïdes de type Il et III

On ne connaît que partiellement les étapes et les mécanismes qui conduisent d'un
intermédiaire de type corynanthéane aux squelettes aspidospermane et ibogane. Il faut
toutefois remarquer que l'évolution qui a conduit à la préakuammicine et à la
stemmadénine peut se poursuivre: après migration de la double liaison 19-20 en
position 20-21, la coupure C-15 -C-16 donne naissance à un ester acrylique, la
déhydrosécodine. L'intervention d'un intermédiaire comme la déhydrosécodine dans la
formation des aspidospermanes aussi bien que dans celle des iboganes n'est qu'une
hypothèse: encore faut-il souligner que des transformations de ce type réalisées in vitro
laissent présager de sa validité.

OH
stemmadénine

I~
0yÇ
0-
1
N
N
~
H
1 Co,cH,

type 1/ : iboganes type 1/1: aspidospermanes

Passage aux types 1/ et /II : cyclisations de la déhydrosécodine

E. Cas particu liers

.Alcaloïdes binaires des Catharanthus

Il est admis que le premier aspidospermane formé, la tabersonine, est le précurseur


de la vindoline selon la séquence: hydroxylation et O-méthylation du noyau
aromatique, Na-méthylation, 16,17 -dihydroxylation et O-acétylation.
Il est également démontré que les deux moitiés de la molécule sont incorporées
intactes: la vindoline et la catharanthine marquées conduisent à la formation
1160 ALCALOÏDES

d'anhydrovinblastine et de leurosine marquées et l'intermédiaire pourrait être la 7-


peroxyindolénine correspondant à la catharanthine. Plusieurs mécanismes sont
envisageables pour expliquer la formation de vinblastine à partir de son dérivé
anhydro : hydratation directe de la double liaison ou bien réduction puis hydroxylation
avec ou sans inversion de configuration.

~v
N
H
~~~ H C0 2 CH 3

tabersonine j Origine des


alcaloïdes binaires
des Catharanthus
j déhydrosécodine

HO
C0 2 CH 3
catharanthine

HOO

vindoline

vinblastine

leurosine

anhydrovinblastine
CH 3 0

• Alcaloïdes quinoléiques des quinquinas

L'existence d'alcaloïdes indoliques dans les feuilles des Cinchona laissait présager
une biosynthèse à partir du tryptophane: des expériences de marquage montrent que cet
amino-acide, ainsi d'ailleurs que le géraniol, le loganoside ou la strictosidine, sont
effectivement incorporés. L'incorporation de la strictosidine et la rétention du proton en
C-3 montrent que le réarrangement est tardif; l'utilisation de l'azote 15N indique que
l'azote de la quinoléine est l'azote indolique Na du tryptophane et celle du 14C démontre
ALCALOÏDES INDOLO-MONOTERPÉNIQUES 1161

que le carbone de jonction entre le noyau quinoléique et le noyau quinuclidique est le


carbone C-2 de l'indole. Ces éléments (et d'autres) ont permis de proposer le schéma
reproduit ci-dessous, l'expansion du cycle passant vraisemblablement par l'intermé-
diaire d'une indolénine.

~H
~N)J ~ 2
N N

o"M~,,"O-G'C
H H

H +
H"" CH 30 2 C CHO
~ 0
tryptamine CH 3 0 2C
sécologanoside strictosidine corynanthéal

X
H
CHO 0
N
X
H :?'
"'",ç ~ CHO
NH 2
fi
cinchonaminal

R R

Origine biosynthétique
quinine quinidine des alcaloïdes des quinquinas
cinchonidine cinchonine

3. DISTRIBUTION DES ALCALOïDES INDOLO-MONOTERPÉNIQUES

Loganiaceae

Si certains Gardneria et Mostuea renferment des alcaloïdes, seul un nombre réduit


d'espèces appartenant aux genres Gelsemium et Strychnos présentent un (très faible)
intérêt pharmaceutique.
Plus de 200 alcaloïdes ont été isolés à partir de diverses espèces de Strychnos, genre
majoritairement représenté dans les régions tropicales de l'Afrique et de l'Amérique du
Sud. Certains de ces alcaloïdes présentent des potentialités pharmacologiques
1162 ALCALOÏDES

intéressantes, d'autres ont permis la mise au point de dérivés hémi-synthétiques qui


furent employés en anesthésiologie: c'est le cas des bis indoles bisammoniums
quaternaires du type alcuronium (cf. curares, p. 1051). Parmi les espèces - essentiel-
lement originaires du sud-est asiatique - qui renferment de la strychnine, une seule, le
vomiquier, a été utilisée en thérapeutique. D'autres, non utilisées actuellement,
constituaient autrefois des poisons de flèches (Indo-Malaisie) ou des poisons d'épreuve
(Afrique).

Rubiaceae

Dans l'état actuel des connaissances, on peut dire que moins de 10 % des genres
que comprend cette famille élaborent des alcaloïdes à partir d'une unité mono-
terpénique. Ce sont surtout des genres appartenant aux tribus les plus primitives de la
sous-famille des Rubioideae (Psychotrieae : Cephaelis [Psychotria]) et de celle des
Cinchonoideae (Naucleae : Adina, Nauclea; Cinchoneae : Cinchona, Corynanthe,
Pausinystalia, Remijia, Mitragyna, Uncaria, etc.).

Dans cette famille, le sécologanoside peut se combiner avec:


• deux molécules de dopamine (formation de l'émétine - isoquinoléique - chez
les Psychotria : voir le chapitre précédent) ;
• une molécule de dopamine et une de tyrosine (ex. : tubulosine, de Pogonopus sp.) ;
• une molécule de tryptophane (ex. : alcaloïdes d'Adina rubescens Hemsl.);
• deux molécules de tryptamine (ex. : roxburghines de Uncaria sp.);
• une seule molécule de tryptamine : c'est le cas le plus fréquent. Il se forme alors
des alcaloïdes du type la (yohimbanes, hétéroyohimbanes) comme chez les Logania-
ceae et les Apocynaceae.

Chez certaines espèces la strictosidine peut évoluer en incorporant un atome


d'azote, formant alors des pyridino-indoloquinolizidinones et des dérivés pyridiniques
de l'harmane (Pauridiantha). Un cas particulier est constitué par les Cinchona et les
Remijia chez lesquels l'indole est transformé en quinoléine (vide infra).
Les Rubiaceae peuvent également élaborer des structures alcaloïdiques indoliques
dont la biosynthèse n'implique pas le sécologanoside, c'est le cas des polyindolénines
des Psychotrieae (Palicourea, Psychotria) , c'est aussi celui des harmanes (Pavetta,
Ophiorrhiza) ou des isopentényltryptamines des Borreria.

Apocynaceae

Tous les genres de cette famille qui renferment des alcaloïdes indoliques
appartiennent aux différentes tribus de la seule sous-famille des Plumerioideae :
Carisseae (Hunteria, Melodinus, Picralima, etc.), Plumerieae (Alstonia, Aspido-
sperma, Catharanthus, Vinca, etc.), Tabernaemontaneae (Crioceras, Tabernanthe,
Tabernaemontana, Voacanga), Rauwolfieae (Kopsia, Ochrosia, Rauwolfia, Vallesia,
etc.). Si tous ces genres élaborent des alcaloïdes de type 1 (corynanthéane), ils ne sont
pas tous capables de procéder au réarrangement de la partie non tryptaminique vers le
ALCALOÏDES INDOLO-MONOTERPÉNIQUES 1163

type II (aspidospermane) ou III (ibogane). Exemples: à quelques exceptions près


(Catharanthus entre autres) les seules espèces élaborant le squelette ibogane
appartiennent à la tribu des Tabernaemontaneae; les Rauwolfieae élaborent
principalement des corynanthéanes et leurs dérivés; les aspidospermanes sont fréquents
chez la plupart des Plumerieae (rares chez les Alstonia), souvent présents chez les
Carisseae et les Tabemaemontaneae, etc.

CH 3 0

CH 3 0

roxburghines

OH

pauridianthine

4. PLANTES À ALCALOïDES INDOLIQUES

Loganiaceae

• VOMIQUIER, Strychnos nux-vomÎca L.

La monographie de la noix vomique - graine séchée de S. nux vomica L. -, source


de strychnine, a été supprimée de la Pharmacopée française en 2000 (add. n046).
Le vomiquier est un arbre du sud-est asiatique à feuilles persistantes dont le fruit,
baie cortiquée à épicarpe orangé, renferme 2 à 5 graines noyées dans une pulpe blanche.
La graine est discoïde, légèrement renflée sur les bords. D'un diamètre de 20-25 mm et
d'une épaisseur moyenne de 5 mm, elle a une teinte généralement gris clair et un aspect
satiné dû à un duvet soyeux de poils serrés rayonnant autour d'un point central sur
chacune des faces. L'une des faces est marquée par une crête radiale, le raphé.
La graine renferme de 1 à 3 % d'alcaloïdes totaux majoritairement représentés par
la strychnine et son dérivé diméthoxylé, la brucine. Ils sont accompagnés de structures
voisines: colubrines, icajine, vomicine, novacine, pseudo- et isostrychnine, etc.
Strychnos nux-vomica L.
ALCALOÏDES INDOLO-MONOTERPÉNIQUES 1165

La strychnine est un stimulant médullaire et bulbaire, elle bloque l'action inhibitrice


post-synaptique de la glycine. L'intoxication par la strychnine rappelle les symptômes
du tétanos; elle est marquée par de l'anxiété, des crises convulsives périodiques
déclenchées par le bruit ou un faible contact, d'intensité croissante. La mort intervient
par asphyxie à la suite de la contracture du diaphragme.
La strychnine a surtout été employée comme rodenticide. Les préparations
galéniques obtenues à partir de la graine étaient incluses dans des préparations
« toniques» et « reconstituantes» : à la fin du XIX' siècle, elle fit les premiers morts du
dopage. On a également utilisé dans le passé une espèce voisine, la fève de Saint-
Ignace, S. ignatii Berg qui, comme la noix vomique, est toujours utilisée en homéo-
pathie (ignatia amara, nux-vomica), ainsi que par les médecines orientales.

R,
nor-C-fluorocurarine

R1 =R2 =H: strychnine


R1 =R2 =OCH 3 : brucine

aldéhyde de Wieland·Gumlich OH
(Na·désacétyldiaboline)

• JASMIN DE LA CAROLINE, Gelsemium sempervirens (L.) Ait.!.

Cette espèce est un arbrisseau à feuilles persistantes et à fleurs jaunes, spontané


dans les bois humides du sud-est des États-Unis d'Amérique. Les parties souterraines,
rhizome et racines, sont actuellement très peu utilisées. Les alcaloïdes qu'elles
contiennent (0,5 %) ont une structure complexe, oxindolique : gelsémine, gelsémicine,
gelsédine et leurs dérivés hydroxylés.
La gelsémine et les préparations à base de gelsémium ont été utilisées comme
antinévralgiques, analgésiques et antispasmodiques (névralgies faciales et dentaires).
Le jasmin de la Caroline demeure utilisé en homéopathie

Rubiaceae

• YOHIMBE, Pausinystalia yohimbe (K. SChUffi.) Pierre ex Beille

Le yohimbe est un grand arbre répandu dans les forêts du Cameroun, du Gabon et
du Congo dont on utilise l'écorce du tronc. Celle-ci se présente en fragments cintrés à
surface externe brun rouge recouverte de plaques grisâtres de lichen, à face interne
satinée, finement striée, brun fauve.
1166 ALCALOÏDES

Composition chimique. La majorité des 1 à 6 % d'alcaloïdes indoliques que


renferme l'écorce du tronc sont des yohimbanes. À côté de la yohimbine, majoritaire
(série normale, 3-<x, 15-<x, 20-~), on note la présence de plusieurs de ses isomères:
appartenant à la même série (corynanthine, épi mère en C-16) ou à d'autres séries:
pseudo-yohimbine (épimère en C-3), allo-yohimbine (épimère en C-20), etc. L'écorce
renferme aussi des hétéroyohimbanes comme l'ajmalicine et des dérivés tétracycliques
(corynanthéine et structures voisines).

CH 3 0 2C""
OH OH
yohimbine corynanthine

Pharmacologie. La yohimbine est un antagoniste sélectif des récepteurs <x-2-


adrénergiques présynaptiques, un adrénolytique. Aux doses faibles, c'est un hyper-
tenseur et, à des doses plus fortes, un hypotenseur, un vasodilatateur des territoires
vasculaires périphériques: c'est la vasodilatation du corps caverneux qui est à l'origine
de la réputation aphrodisiaque du yohimbe. Son action sur la musculature lisse se
traduit par une augmentation du tonus et des mouvements de l'intestin.

Évaluation clinique. La plupart des essais qui ont évalué la yohimbine dans le
traitement de l'impuissance sont anciens et de méthodologie insuffisante, ce qui a
conduit à considérer que son efficacité clinique spécifique n'était pas clairement
démontrée. Toutefois, les auteurs d'une méta-analyse de sept petits essais randomisés
en double insu versus placebo publiée à la fin des années 1990 ont conclu que la
yohimbine était plus efficace que le placebo. Quoiqu'il en soit, ces données demeurent
très limitées. Par ailleurs la yohimbine n'a pas démontré son intérêt dans le traitement
de l'obésité.

Effets indésirables, interactions médicamenteuses. Aux posologies élevées, la


yohimbine peut provoquer une chute tensionnelle, de la tachycardie, un priapisme
durable, des troubles du système nerveux central (irritabilité, insomnie, tremblements,
vertiges, migraine), des troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhées).
Des interactions médicamenteuses seraient possibles avec les IMAO, certains
antidépresseurs, les béta-bloquants et la clonidine, les stimulants du SNC, la caféine et
l'éphédrine.

Emplois. Le yohimbe ne figure pas à l'annexe 1 de la Note explicative de l'Agence


du médicament (1998). En Allemagne, la Commission E du BfArM a estimé ne pas
pouvoir recommander l'administration d'écorce de yohimbe à des fins thérapeutiques
du fait de l'insuffisance de preuves de son efficacité et d'une balance bénéfices-risques
imprévisible.
ALCALOÏDES INDOLO-MONOTERPÉNIQUES 1167

De nombreux produits à base d'écorce de yohimbe ou de yohimbine sont proposés


via l'internet. Les dosages de yohimbine effectués sur certains d'entre eux ont montré
des différences de composition importantes: alors que beaucoup n'en contiennent pas,
d'autres exposent le consommateur à des doses journalières variant de 1 à 18, d'où un
risque important de surdosage.
La yohimbine (liste 1) est utilisée comme traitement d'appoint du dysfonction-
nement érectile et de l'hypotension orthostatique, en particulier celle induite par les
antidépresseurs tricycliques. Elle est contre-indiquée en cas d'insuffisance hépatique et
rénale sévères.

Apocynaceae

.PERVENCHE TROPICALE
=PERVENCHE DE MADAGASCAR, Catharanthus roseus (L.) G. Donj.
Les parties aériennes de cette espèce pan tropicale sont employées depuis une
quarantaine d'années à des fins extractives: elles renferment des alcaloïdes prescrits en
chimiothérapie anticancéreuse, le plus souvent dans le cadre d'un protocole de poly-
chimiothérapie.
La racine séchée de pervenche tropicale contient au minimum 0,4 % de serpentine
et d'ajmalicine (Ph. fse, 10' éd.). Elle constitue une source industrielle d'ajmalicine
(comme d'ailleurs les racines d'autres espèces du genre Catharanthus).

La plante. C. rose us (= Vinca rosea L.) est un sous-arbrisseau vivace à tiges


ligneuses à la base, à feuilles opposées dont le limbe, ovale, entier, est généralement
arrondi au sommet. Les fleurs, très décoratives, rappellent celles de la petite pervenche:
construites sur le type 5, elles sont roses, pourpres, blanches, parfois ocellées
(littéralement, Catharanthus, c'est la fleur [anthos] pure [katharos]). C. roseL/S, sans
doute originaire de Madagascar, est répandu dans toutes les régions intertropicales du
globe; il est planté dans nos régions à des fins ornementales, mais la rigueur du climat
oblige à le cultiver comme une plante annuelle. De nombreux pays le cultivent pour
approvisionner l'industrie extractive.

La racine. La racine de la pervenche tropicale est peu ramifiée, cylindrique. Son


écorce, ocre à brun rougeâtre, est finement ridée longitudinalement. Le bois est jaune
pâle, la cassure est nette. L'ajmalicine totale, c'est-à-dire celle qui préexiste aussi bien
que celle qui peut être formée à partir de la serpentine, est dosée en CCM après
extraction par le méthanol suivie d'une réduction de la serpentine par le tétrahydruro-
borate de sodium (recueil par grattage de la tache correspondant à l'ajmalicine, élution
et mesure de l' absorbance).

Composition chimique. Les parties aériennes renferment de 0,2 à 1 % d'alcaloïdes.


Ceux-ci forment un mélange très complexe à partir duquel ont été identifiés près de 100
constituants différents. Tous ceux-ci ont une structure indolique ou dihydroindolique
1168 ALCALOÏDES

(vindoline [majoritaire], catharanthine, ajmalicine, akuammine, lochnérine,


tétrahydroalstonine, etc.). Les substances pharmacologiquement intéressantes sont des
alcaloïdes formés par le couplage de deux alcaloïdes « monomères», un indole et un
dihydroindole. Cette structure particulière a conduit à les dénommer alcaloïdes
« dimères» ou alcaloïdes « bisindoliques ». Chimiquement, ce ne sont pas des dimères,
il est donc préférable de parler d'alcaloïdes «binaires ».
Une vingtaine d'alcaloïdes binaires ont été isolés des Catharanthus (c. roseus mais
aussi C. lance us [Boj.] ex De., C. ovalis Markgraf., C. longifolius Pichon). Plusieurs
sont doués de propriétés cytostatiques et, en particulier:
• la vincristine (DCI), (= leurocristine), sa teneur n'excède pas 0,0003 % (soit trois
grammes pour une tonne de plante sèche, souvent moins);
• la vinblastine (DCI), (= vincaleucoblastine), un peu plus abondante.
Ces deux alcaloïdes sont, formellement, constitués d'une molécule dihydro-
indolique de type « aspidospermane » (vindoline) et d'une molécule indolique, la
velbanamine 3 • Ils diffèrent par la nature du substituant sur l'azote Na de la partie
dihydroindolique : formyle (vincristine) ou méthyle (vinblastine).
D'autres alcaloïdes binaires sont actifs (ex. : leurosidine [épi-20 1-vinblastine],
leurosine [15 1 ,20 1-époxy]) ; d'autres peuvent être extraits et transformés, ce qui
augmente les rendements (ex. : formylation de la déméthylvinblastine en vincristine).

C0 2 CH 3

catharanthine

R =CH3 : vinblastine
R =CHO : vincristine * numérotation biogénétique vindoline

Phannacologie. La vinblastine et la vincristine sont des antimitotiques. Ils se fixent


sur la tubuline, empêchant ainsi la formation des microtubules dont on connaît le rôle
dans la formation du fuseau mitotique: ils bloquent le processus mitotique et
provoquent une accumulation des cellules en métaphase; l'appareil microtubulaire joue
également un rôle à d'autres niveaux, notamment à celui de la neurotransmission
(microtubules axonaux), d'où la neurotoxicité de ce type de composé. Ces alcaloïdes
sont également, in vitro, des inhibiteurs de la biosynthèse des protéines et des acides

3. Issue en réalité de la fragmentation d'un « ibogane» vrai, la catharanthine (voir au paragraphe


hémisynthèse) .
ALCALOÏDES INDOLO-MONOTERPÉNIQUES 1169

nucléiques. Le traitement de populations cellulaires par la vincristine ou la vinblastine


aboutit à l'accumulation de cellules en phase M et 02 et l'on peut noter un effet létal en
phase S.

Toxicité. Comme la plupart des molécules exerçant une activité antitumorale, les
alcaloïdes binaires du Catharanthus ont une toxicité élevée.
La vinblastine est fortement leucopéniante, ce qui limite la posologie. Elle induit par
ailleurs des troubles gastro-intestinaux (nausées, vomissements, constipation d'aspect
occlusif, etc.). On peut également observer des troubles neurologiques (céphalées,
neuropathies périphériques, troubles auditifs et vestibulaires et effets neurovégétatifs),
des troubles respiratoires et cardiovasculaires, ainsi qu'une alopécie.
La vincristine exerce surtout des effets neurotoxiques centraux (crises convulsives
possibles), périphériques (paresthésies, douleurs névritiques, myalgies) et
neurovégétatifs (constipation pouvant aller jusqu'à l'iléus paralytique. Beaucoup
d'autres effets indésirables peuvent être observés: alopécie (fréquente), dyspnée,
céphalées, cécité transitoire, ulcération buccale, azoospermie, etc.

Emplois. Les parties aériennes de la pervenche de Madagascar ne sont utilisées que


pour l'extraction des alcaloïdes. Les alcaloïdes binaires sont commercialisés sous la
forme d'un Iyophilisat ou d'une solution de sel destinés à la seule voie intraveineuse
(voie IV directe ou intratubulaire; risque de cellulite, voire de nécrose tissulaire en cas
d'extravasation; préparation des solutions dans un local réservé à cet usage, avec
dispositifs et matériels de protection). L'établissement de la posologie, l'administration
de ces alcaloïdes, la conduite et la surveillance du traitement, le respect des contre-
indications, la prise en compte des interactions médicamenteuses, le respect des
précautions d'emploi ainsi que la prévention des effets indésirables relèvent de la
compétence de services spécialisés et de personnels qualifiés. Dans la plupart des cas
vincristine et vinblastine sont incluses dans des protocoles complexes de
polychimiothérapie (sur tous ces aspects, voir la bibliographie spécialisée) .

• La vinblastine (sulfate, liste 1) dont l'efficacité est bien établie, est en général
utilisée dans la cadre de protocoles de polychimiothérapie en association, le cas
échéant, à la chirugie et à la radiothérapie. Elle est indiquée dans le traitement de la
maladie de HODGKIN et des lymphomes non hodgkiniens, des cancers du testicule, du
sein, de l'ovaire, du rein et de la vessie, du sarcome de KAPOSI, des choriocarcinomes et
dans certains cas d'histocytose, en 1rc, 2' ou 3' intention en fonction du type de cancer.
D'après l'expertise de l'Institut national du cancer, la vinblastine garde une place
importante en cancérologie, sauf dans le cas du cancer de l'ovaire. Dose usuelle: 5-7
mg/m2 de surface corporelle/semaine, (adulte). La vinblastine ne s'utilise que par voie
intraveineuse stricte en perfusion, car elle est nécrosante pour les tissus.

• La vincristine (sulfate, liste 1) est indiquée la en monochimiothérapie, dans les


leucémies aiguës lymphoblastiques (en association avec des corticoïdes) et dans le
0
purpura idiopathique résistant aux traitements usuels; 2 en polychimiothérapie, dans
les leucémies aiguës lymphoblastiques, la maladie de HODGKIN, les lymphomes non
1170 ALCALOÏDES

hodgkiniens, le myélome, les cancers du sein, du col de l'utérus et du poumon, les


rhabdomyosarcomes, les neuro- et néphroblastomes, les sarcomes d'EwING et les
ostéosarcomes, les tumeurs embryonnaires de l'enfant. D'après l'extertise de l'Institut
national du cancer, la vincristine garde une place importante en cancérologie, sauf dans
les ostéosarcomes et cancers du poumon et du col utérin pour lesquels il existe des
alternatives et pour le cancer du sein pour lequel elle n'est plus utilisée. Dose usuelle:
administration hebdomadaire de 1,4 mg/m 2 de surface corporelle (adulte); en
polychimiothérapie le rythme des injections est fonction du protocole, généralement
mensuel.

Dérivés hémisynthétiques des alcaloïdes binaires

1 - VINDÉSINE (Del)

Des très nombreux analogues structuraux étudiés au cours des trente dernières
années un seul, la vindésine, est commercialisé. Cet alcaloïde peut être préparé à partir
de la vinblastine (formation de l'hydrazide de 16-désacétylvinblastine [hydrazine] et
réduction de l'acylhydrazide par le nickel de Raney dans le méthanol; une variante
consiste à former l'acylazide [par action de l'acide nitreux] puis l'amide [traitement par
NH3 anhydre]).
,-------'---. ,-------'---. ,-------'---. ,-------'---.

OH OH OH OH
~ ~ ~ ~
16 ~
C0 2 CH 3 A oAN 3 OANH
o NH-NH 2
vinblastine
1
t 2
(pour simplifier, seul le
C·16 est représenté ici).

La vindésine est un antimitotique puissant. Commercialisé sous forme de sulfate


(liste 1), il est indiqué dans le traitement des leucémies aiguës lymphoblastiques et des
lymphomes réfractaires à d'autres agents cytostatiques. Certaines tumeurs solides sont
également des indications: sein, œsophage, voies aérodigestives supérieures, cancer
bronchopulmonaire. Dose usuelle: 3 mg/m 2 de surface corporelle tous les 7-10 jours
pendant 1 mois en monochimiothérapie, puis tous les 15 jours (adulte); toutes les 3 ou 4
semaines dans les protocoles de polychimiothérapie (voie IV stricte).
Les effets indésirables se manifestent notamment par une leucopénie transitoire (qui
limite la posologie), par des effets gastro-intestinaux identiques à ceux provoqués par
les alcaloïdes naturels (nausées, vomissements), par des effets neurologiques moins
marqués que ceux induits par la vincristine, par une constipation et des douleurs
abdominales, par une alopécie réversible, une perte de poids, des dyspnées et un
bronchospasme, etc.
Modalités de manipulation, précautions d'emplois identiques à celles des alcaloïdes
naturels. Comme ces derniers, la vindésine est uniquement utilisée en mileu spécialisé
par des personnels qualifiés.
ALCALOÏDES INDOLO-MONOTERPÉNIQUES 1171

2 - VINORELBINE (Del) = 5'-noranhydrovinblastine

Il s'agit d'un dérivé hémisynthétique qui est caractérisé par le remplacement du


motif tryptaminique de la « moitié supérieure» (indole - CH 2 - CH2 -N -) par un motif
de type« gramine» (indole-CH 2 -N-), c'est-à-dire par l'élimination d'un carbone. Ce
dérivé est obtenu, via un bisiminium, par une réaction de POLONOVSKI 5 (p. 1173) sur
l'anhydrovinblastine (voir schéma) ou par l'intermédiaire de la bromoindolénine de
cette dernière.

a- La vinorelbine, commercialisée sous forme de bitartrate pour solution injectable


(liste 1), agit préférentiellement sur les microtubules mitotiques et peu sur les micro-
tubules axonaux. Ses indications actuelles sont le cancer du sein métastatique et le
cancer bronchique non à petites cellules. Dose usuelle hebdomadaire en monothérapie :
25/30 mg/m 2 (adulte), voie IV stricte (voir ci-dessus). Si la toxicité neurologique est
plutôt limitée (constipation par parésie intestinale, perte des réflexes ostéotendineux) et
la fréquence des effets sévères plus faible qu'avec des produits comme la vindésine, la
toxicité hématologique (granulopénie) est importante et limitante de la posologie.

h- La vinorelbine (bitartrate) est également disponible en capsules dosées à 20 mg,


destinées à la voie orale pour la seule monochimiothérapie du cancer du poumon non à

Vi
* Vi = vindolinyl anhydrovinblastine

1. RC03H
) 2. (CF3COhO
1172 ALCALOÏDES

petites cellules et du cancer du sein métastatique (dose usuelle hebdomadaire en une


prise unique 60 mg/m' de surface corporelle). L'efficacité ne semble pas différente de
celle de la vinorelbine par voie IV dans le cas du cancer du poumon non à petites
cellules, mais inférieure dans le cas du cancer du sein métastatique. Le profil d'effets
indésirables est légèrement différent, les troubles digestifs (nausées, vomissements)
étant particulièrement fréquents avec cette forme pour la voie orale.
Médicament de prescription hospitalière, réservée aux spécialistes en oncologie ou
hématologie et nécessitant une surveillance particulière pendant le traitement, la forme
orale de vinorelbine a été sortie de la réserve hospitalière en 2004. Le pharmacien remet
au patient (en emballage isotherme) le nombre de boîtes nécessaires pour chaque prise
hebdomadaire. Le patient dispose d'un livret de suivi.

Accès aux alcaloïdes binaires: hémisynthèse

Outre la possibilité, actuellement exploitée, de tranformer la vinblastine en


vincristine par oxydation du Na-méthyle en Na-formyle [oxydation chromique à très
basse température], la possibilité d'accéder aux dérivés binaires par une synthèse
biomimétique a fait l'objet de multiples travaux: il est maintenant envisageable

1. vindoline
• par un coenzyme;
2. réduction * NaBH 4 conduit à la 15',20'·anhydro·
vinblastine, oxydable en vinblastine.

OH
* Vi = vindolinyl

OH

+ leurosidine (épimère en 20')

+ 15',20'-anhydrovinblastine
ALCALOÏDES INDOLO-MONOTERPÉNIQUES 117:~
---------------------------------------------------------,

d'obtenir la vinblastine à partir de matières premières non rares et assez peu chères
comme la catharanthine et la vindoline 4.
Théoriquement, on peut espérer obtenir les alcaloïdes binaires en activant la
position 16 d'un ibogane tétracyclique adéquat pour permettre l'attaque nucléophile du
carbone C-lO de la vindoline. Biosynthétiquement - on l'a vu ci-dessus - , les
alcaloïdes binaires sont issus du couplage d'un aspidospermane (la vindoline) avec un
ibogane (la catharanthine) : la réaction s'accompagne de la rupture de la liaison C-16-
C-21 de la partie ibogane.
C'est sur la base de cette constatation qu'a été développée la méthode d'accès la
plus efficace: une réaction de POLONOVSKI modifiées appliquée au O-trifluoroacétate du
N'b-oxyde de catharanthine entraîne la rupture de la liaison C-16-C-21; en présence de
vindoline il y a attaque du C-1 0 de celle-ci et, si les conditions sont bien choisies (basse
température, conditions anhydres), la réaction conduit à la configuration en 16'
souhaitée. Après réduction régiosé1ective à très basse température du dihydro-
pyridinium intermédiaire, l'énamine résultante peut être directement oxydée dans la
position souhaitée par simple aération en présence de perchlorure de fer et en milieu
dilué. La réduction du mélange d'iminiums conduit à un mélange de vinblastine
(majoritaire), de leurosidine (épi mère en C-20') et d'une faible quantité d'anhydro-
vinblastine. Ce procédé se distingue des synthèses antérieurement publiées par
l'absence d'utilisation de réactifs toxiques pour l'oxydation de l'anhydro-vinblastine
(dérivés de l'osmium ou du thallium).
L'un des intérêts de ce type de réaction est d'ouvrir une voie d'accès à des
structures binaires variées qui peuvent présenter un intérêt pharmacologique.
Un dérivé bifluoré (20',20') préparé à partir de la vinorelbine - la vinflunine -,
est actuellement en développement clinique .

• PETITE PERVENCHE, Vinca minor L.

La feuille de cette espèce (Ph. fse, 10' éd.) est une source industrielle de vincamine.

La plante, lafeuille. La petite pervenche est une plante herbacée à tiges couchées
s'enracinant par places, portant des feuilles persistantes, opposées, coriaces, à limbe
luisant et à nervation pennée (50 x 20 mm). Les fleurs, solitaires et 5-mères, ont une
corolle en tube à la base, à 5 lobes d'un bleu soutenu, étalés, tronqués. Le fruit est formé
de deux follicules. Commune dans toute l'Europe, la petite pervenche croît préférentiel-
lement dans les bois frais et les rochers ombragés. La feuille est identifiée par ses

4. La synthèse est dite biomimétique car elle reproduit le schéma de biogenèse tel qu'il se produit
in vivo (dans la plante). Voir aussi la note 6, page suivante.
5. La réaction de POLONOVSKI est une réaction entre un anhydride d'acide et un N-ox.yde ; elle
induit soit la rupture d'une liaison C-H, soit la rupture d'une liaison C-C ; elle est gouvernée par des
facteurs stériques et électroniques. Dans le cas du Nb-ox.yde de catharanthine les liaisons C-16 - C-21
et C-S - C-6 sont antiparallèles à la liaison N -> 0 et peuvent donc être rompues. L'ion immonium
formé au cours de la réaction étant conjugué dans le cas d'une rupture C-16 - C-21, c'est celle-ci qui
est favorisée.
1174 ALCALOÏDES

caractères macro- et microscopiques et par la présence d'alcaloïdes (épidermes


cuticularisés, poils tecteurs trapus l-cellulaires au niveau de la nervure, etc.).

Composition chimique. La feuille renferme de 0,3 à 1 % d'alcaloïdes totaux. La


vincamine - elle représente environ 10 % des alcaloïdes totaux - est accompagnée
d'une trentaine d'autres alcaloïdes indoliques de type éburnane (vincine, épi-
vincamine, éburnamonine), de type aspidospermane et apparentés (vincadifformine,
minovincine, québrachamine, vincadine) ou de type corynanthéane

C0 2CH 3
vincamine vinpocétine vincadifformine

Pharmacologie. Chez l'animal, la vincamine augmente le débit circulatoire


cérébral. Cette activité circulatoire pourrait découler d'une activité métabolique:
augmentation de la consommation en oxygène et en glucose. Cette augmentation de la
glycolyse, en entraînant une augmentation de la pC0 2 , serait à l'origine de la
vasodilatation.

Évaluation clinique, effets indésirables. L'évaluation clinique de la vincamine est


limitée et ancienne. Elle ne fournit pas une preuve solide de la capacité de cette
molécule à apporter un bénéfice tangible aux personnes âgées souffrant d'un « déficit
intellectuel pathologique », à améliorer leur autonomie de vie et à réduire la morbi-
mortalité. La vincamine peut provoquer des modifications du rythme cardiaque
(arythmies, bradycardie, torsades de pointes et diverses modifications de l'électro-
cardiogramme).

Emplois. La petite pervenche ne figure pas à l'annexe 1 de la Note explicative de


l'Agence du médicament (1998). En Allemagne, la Commission E du BjArM a estimé
qu'il n'est pas justifié d'utiliser cette plante à des fins thérapeutiques du fait de
l'insuffisance des preuves dans les indications revendiquées, de l'impossibilité
d'obtenir des concentrations plasmatiques en vincamine suffisantes et de la suspicion
d'une toxicité hématologique observée chez l'animal.
La vincamine 6 est utililisée, seule ou en association avec du rutoside, comme
traitement d'appoint à visée symptomatique du déficit pathologique cognitif et

6. La vincamine peut être produite par extraction, par synthèse totale ou par une synthèse
« biomimétique » à pattir de la tabersonine. Celle-ci est un alcaloïde de type aspidospermane présent en
quantité importante dans les graines d'Apocynaceae appartenant au genre Voacanga. La tabersonine
(formule p.1160), insaturée en 14-15, est hydrogénée en vincadifformine. On induit ensuite un
« basculement » à 90° des carbones non tryptaminiques, formant ainsi la vincamine et son épimère en
C-16. Le procédé est dit biomimétique, car il reproduit le mécanisme par lequel la vincamine se forme
dans la plante: on voit là l'un des intérêts qu'il y a à comprendre ces mécanismes biogénétiques .
ALCALOÏDES INDOLO-MONOTERPÉNIQUES 117~

neurosensoriel chronique du sujet âgé (à l'exclusion de la maladie d'Alzheimer et des


autres démences). Elle est contre-indiquée en cas de néoformation cérébrale avec
hypertension intra-crânienne. Elle ne doit pas être associée à des médicaments
susceptibles de provoquer des torsades de pointes (amiodarone, brétylium,
disopyramide, quinidiniques, sotalol, bépridil, sultopride, etc.). Il est déconseillé de
l'associer aux médicaments hypokaliémiants et aux laxatifs stimulants. Un alcaloïde
voisin, la vinbumine, est proposé dans les mêmes indications.

Remarques. Dès 1996, l'ANDEM soulignait, pour l'ensemble des « vasodilatateurs


et anti-ischémiques », qu'ils n'ont pas fait la preuve de leur efficacité dans la prévention
d'un accident vasculaire cérébral, ni dans le traitement de la phase aiguë, ni dans celui
de récupération des séquelles. En 2008, la RAS, estimant le SMR de l'ensemble des
« vasodilatateurs nootropes » insuffisant, rappelait que ces produits n'ont pas fait la
preuve de leur efficacité et « qu'une plainte mnésique persistante doit conduire à la
recherche d'une dépression et des troubles cognitifs peuvent conduire à un bilan
neuropsychologique » .

• SARPAGANDHA, Rauvolfia serpentina (L.) Benth. ex Kurz

La plante, la racine. Le sarpagandha de l'Inde est un arbrisseau toujours vert à


grosse racine pivotante et à tiges grêles (0,5-1 m). Les feuilles, verticillées par 3-5, ont
un limbe membraneux. Les fleurs, petites, blanches ou rosées, 5-mères, sont groupées
en cymes. Le fruit est une drupe noire habituellement l-séminée. Spontané en Inde, au
Pakistan, au Myanmar, en Thaïlande, en Malaisie et jusqu'en Indonésie, le
R. serpentina est une espèce forestière qui peut être cultivée. Les racines, tortueuses et
de faible densité, ont un suber souvent exfolié, une couleur jaunâtre, une section
montrant un bois important et finement radié et une zone corticale mince.

Composition chimique. Les alcaloïdes totaux (0,5-2,5 %) constituent un mélange


complexe de près d'une trentaine de composés différents:
- dérivés de type yohimbane : réserpine et rescinnamine (esters du réserpate de
méthyle), déserpidine; yohimbine, corynanthine et isomères. La réserpine et la
rescinnamine sont des bases très faibles: le sulfate de réserpine est soluble dans le
chloroforme;

CH 3 0 N
HH
o ~I 0
YO~~ OCH
E 18
:/ 3 3
0 VOCH
b 17 1

OCH 3 ""
OCH 3 1 ./-
OCH 3 OCH 3
réserpine OCH 3 rescinnamine OCH 3
1176 ALCALOÏDES

- dérivés de type hétéroyohimbane (leur noyau E est hétérocyclique) : l'ajmalicine


(alias raubasine) est accompagnée de ses dérivés méthoxylés (réserpinine, 10,11-
diméthoxy-ajmalicine), de certains de leurs isomères (réserpiline, isoréserpiline) et des
bases quaternaires correspondantes, serpentine et alstonine;
- dérivés dihydroindoliques : ajmaline, une indoline polycyclique.

HO

ajmalicine (raubasine) serpentine ajmaline

Pharmacologie
Réserpine. En provoquant une déplétion périphérique en catécholamines, cet
alcaloïde induit une chute durable de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque.
La déplétion en médiateurs au niveau central expliquerait une action sédative et
neuroleptique. La rescinnamine et la déserpidine ont les mêmes activités.
Ajmalicine (= raubasine). Spasmolytique a-bloquant, inversant à dose forte les
effets de l'adrénaline, l'ajmalicine (raubasine) est un modérateur de l'activité des
centres vasomoteurs, surtout du centre bulbaire. Elle augmente transitoirement le flux
sanguin cérébral et est légèrement anxiolytique.
Ajmaline. Antiarythmique ralentissant de façon importante la vitesse de
dépolarisation des cellules auriculaires et ventriculaires (diminution de l'excitabilité,
ralentissement de la conduction, allongement de la période réfractaire dans le tissu
contractile), l'ajmaline est un composé toxique.

Emplois. Si la mise en évidence des propriétés antihypertensives et tranquillisantes


de la réserpine a beaucoup contribué au renouveau de l'intérêt porté aux substances
naturelles dans les années 1950, son impact thérapeutique est devenu négligeable. Elle
peut être extraite de R. serpentina, mais aussi de R. vomitoria Afzel. (espèce africaine)
ou de R. tetraphylla L. (espèce américaine).
La réserpine demeure commercialisée en France, dans une association avec un
diurétique thiazidique (bendrofluméthiazide) pour le traitement de l'hypertension
artérielle. De nombreux effets indésirables possibles (hypersialorrhée, hypersécrétion
gastrique, nausées, vomissements, anorexie, diarrhées, congestion nasale, somnolence,
cauchemars, anxiété paradoxale et syndromes dépressifs, diminution de la libido,
impuissance, troubles de l'éjaculation, vision floue) et de nombreuses contre-indications
- états dépressifs (surtout avec tendance suicidaire), association aux IMAO et à la
lévodopa, ulcère gastro-duodénal en évolution, hypersensibilité aux alcaloïdes des
rauwolfias - en limitent fortement l'intérêt et conduisent à une prescription prudente.
L'ajmalicine (raubasine), dont l'efficacité n'est pas clairement établie par des
essais cliniques méthodologiquement satisfaisants, est associée à la dihydroergocristine
dans le traitement à visée symptomatique du déficit pathologique cognitif et
ALCALOÏDES INDOLO-MONOTERPÉNIQUES 1177

neurosensoriel chronique du sujet âgé (à l'exclusion de la maladie d'Alzheimer et des


autres démences) chez l'adulte. Cette association est aussi un traitement d'appoint des
baisses d'acuité auditive et de certains syndromes vertigineux et/ou acouphènes
présumés d'origine vasculaire, ainsi que des baisses d'acuité et troubles du champ visuel
présumés d'origine vasculaire (voir, à ce propos, les remarques faites p. 1146-47) .

• IBOGA, Tabernanthe iboga H. Bn.

L'iboga est un arbrisseau de l'Afrique équatoriale, en particulier des clairières de la


forêt ombrophile congolaise et gabonaise (delta et rives de l'Ogoué). Il est recherché
pour ses racines pivotantes, volumineuses, dont l'écorce renferme de 5 à 6 %
d'alcaloïdes indoliques : ibogaïne (majoritaire), tabemanthine, ibogaline, ibogamine.

CH30~
liN
~ N
H

ibogaïne

Au Gabon, la racine est utilisée pour ses propriétés hypnofuges et sa capacité à


augmenter la résistance à la fatigue. Réputée aphrodisiaque, elle a été utilisée au cours
de cérémonies initiatiques. L'ibogaïne est un stimulant du système nerveux central,
amphétaminique (psychostimulant) ou hallucinogène selon la dose; les hallucinations
qu'elle induit sont parfois très anxiogènes et pourraient conduire à un comportement
suicidaire. Des doses fortes peuvent, chez l'Homme, provoquer des manifestations de
paralysie, voire un arrêt respiratoire. Sa neurotoxicité est également bien connue chez
l'animal (les doses fortes induisent une dégénérescence des cellules de PURKINJE).
L'ibogaïne a été présentée par certains comme étant susceptible d'être utilisée dans
le traitement de la dépendance aux opiacés et à la cocaïne 7 , mais l' Afssaps a souligné qu'
« aucun intérêt thérapeutique n'est démontré ni pour l'/boga ni pour l'ibogaïne ».
L'utilisation de cette plante, diffusée via l'Internet, « tend à se développer dans le cadre
d'activités sectaires au travers de séminaires de "revalorisation de soi" et de "voyage
intérieur" ») et des accidents graves ont été enregistrés (un décès en France en 2006).
En 2007, T. iboga, T. manii, l'ibogaïne, ses isomères, esters, éthers et leurs sels ont été
inscrits sur la liste des stupéfiants (annexe IV, arrêté du 12 mars 2007).

7. Une autre plante à alcaloïdes indoliques présentée comme possédant des propriétés du même
type est largement promue sur l'Internet et a été signalée en région parisienne en 2005-2006 (et saisie
en 2008), le kratom. Il s'agit d'une Rubiaceae, Mitragyna speciosa Korth. Ses alcaloïdes, de type
corynantheane (mitragynine, 7-hydroxymitragynine) sont des analgésiques agonistes des récepteurs
opioïdes Il et K. Cf, entre autres: Takayama, H. (2004). Chemistry and pharmacology of analgesic indole
alkaloids from the rubiaceous plant, Mitragyna speciosa, Chem. Pharm. Bull., 52, 916-928; Boyer, E.W.,
Babu, K.M., Adkins, ] .E. et al. (2008). Self-treatment of opio id withdrawal using kratom (Mitragyna
;peciosa korth), Addiction, 103, 1048-1050.
Sur l'ibogaïne, voir aussi Sueur et al., (2000). 2, 27-30 et réf. citées (voir p. 1126).
1178 ALCALOÏDES

5. ALCALOïDES QUINOLÉIQUES (QUINQUINAS)

.QUINQUINAS, Cinchona spp., Rubiaceae

Le quinquina est constitué par l'écorce séchée, entière ou fragmentée, de C.


pubescens Vahl (C. succirubra Pavon), de C. calisaya Weddell ou de C.ledgeriana
Moens ex Trimen ou de ses variétés ou de ses hybrides. Il contient au minimum 6,5 %
d'alcaloïdes totaux dont 30 % à 60 % sont constitués par des alcaloïdes du type de la
quinine (Ph. eur., 6' éd., [01/2008:0174]).

D'après des travaux publiés à la fin des années 1970 8 , c'est en observant des
mineurs indiens frissonnants après avoir été exposés au froid et à 1'humidité
consommer de la poudre d'écorce macérée dans l'eau que les missionnaires jésuites
eurent l'idée, au début du XVII' siècle, d'utiliser cette poudre pour traiter les fièvres.
Quelques années plus tard, la « poudre de la Comtesse 9» arrive en Espagne où l'on
reconnaît rapidement les vertus des écorces de cet « arbre de la fièvre de la région de
Loxa ». Rapidement, et sous l'impulsion des membres de la Compagnie de Jésus, la
« poudre des jésuites» est connue dans toute l'Europe. Le crédit accordé par les
médecins à l'écorce et la spécificité de son action sur le paludisme conduisirent à sa
reconnaissance officielle alors même que l'identité de l'espèce productrice demeurait
inconnue: le genre Cinchona sera créé par C. LINNÉ en 1742 au vu des échantillons
rapportés du Pérou par CM. DE LA CONDAMINE quelques années plus tôt.
En 1820, PELLETIER et CAVENTOU isolent la quinine, ouvrant ainsi la voie à
l'isolement d'autres alcaloïdes: près d'une trentaine ont été décrits chez les divers
quinquinas. La quinine a été synthétisée en 1944. Depuis lors, d'autres synthèses -
académiques - ont vu le jour et la biogenèse a été en grande partie élucidée.
15 19 10

20 18 11
21

/: 5 numérotation /: 2' numérotation


13 N biogénétique 10' N habituelle
12 1 8' l'

Les plantes. Le genre Cinchona comporte une quarantaine d'espèces, des arbres
qui, dans leur habitat naturel, atteignent 15 à 20 mètres de hauteur. Les feuilles,
opposées décussées, ont une nervation pennée souvent rougeâtre, comme le pétiole. Les

8. Guerra, F. (1977), cité par: Gramiccia, G. (1987). Notes on the early history of Cinchona
plantations, Acta Leidensia, 55, 5-13.
9. L'écorce aurait guéri la comtesse de Chinchon, femme du Vice-Roi du Pérou. Si l'histoire
n'est qu'une légende, la comtesse passera malgré tout à la postérité: Linné lui dédiera - en
oubliant malencontreusement le h - le genre Cinchona.
ALCALOÏDES INDOLO-MONOTERPÉNIQUES 1179

fleurs régulières, blanches ou rosées, 5-mères, ont une corolle à lobes couverts de poils
blancs; elle sont groupées en grappes de cymes terminales.
Tous les quinquinas sont originaires du versant oriental de la Cordillère
amazonienne où ils sont localisés entre 1500 et 3000 m d'altitude de part et d'autre de
l'équateur (de la Colombie à la Bolivie, du 10' degré de latitude nord au 20' degré de
latitude sud) dans des zones de forte pluviosité, d'hygrométrie élevée, de température
moyenne et relativement constante.

L'écorce. L'écorce des tiges et des branches de quinquina se présente en fragments


tuyautés ou courbés à surface externe gris-brun ou grise, rugueuse, fissurée
tranversalement, sillonnée ou ridée longitudinalement, fréquemment garnie de lichens;
la surface interne, striée, est brun-rouge foncé. Certaines variétés présentent une
exfoliation de l'écorce externe.
Examinée au microscope (hydrate de chloral), la poudre d'écorce montre des fibres
libériennes striées fusiformes, jaunes, à parois très épaisses, à lumen irrégulier
(longueur jusqu'à 1300 Jlm et largeur jusqu'à 90 /-lm), avec des canalicules
infundibuliformes. Des idioblastes parenchymateux sont remplis de microprismes
d'oxalate de calcium. Examinée dans le glycérol à 50 %, la poudre présente un petit
nombre de grains d'amidon de diamètre de 6 Jlm à 10 Jlm.
L'identité de l'écorce est confirmée par la CCM d'un extrait chlorométhylénique en
milieu ammoniacal (alcaloïdes). La mesure de l'absorbance à deux longueurs d'onde
différentes (316 et 348 nm) d'une solution chlorhydrique des alcaloïdes totaux permet
de doser les alcaloïdes de type quinine et ceux de type cinchonine.

Origine de l'écorce. L'écorce provient exclusivement de quinquinas de culture.


C'est au cours de la deuxième moitié du XIX' siècle que des cultures furent mises en
place en Inde et à Java. Les premières concernaient C. pubescens Vahl (= succirubra
Pav. ex Klotzsch, alias quinquina rouge) et C. officinalis L. (alias quinquina gris), les
secondes C.ledgeriana (Howard) Bern. Moens ex Trimen (= C. calisaya Wedd. alias
quinquina jaune) : la richesse en quinine de cette espèce originaire du nord de la Bolivie
assura le développement rapide des seules plantations hollandaises. Les bouleverse-
ments géopolitiques induits par la seconde guerre mondiale ont conduit à de profondes
modifications du marché: au cours des années 1990, l'Indonésie cultivait encore des
quinquinas, mais le Zaïre était devenu le premier fournisseur d'un marché mondial
également approvisionné par d'autres pays africains (Burundi, Cameroun, Kenya) et
divers pays américains (Pérou, Bolivie, Équateur). Les écorces sont obtenues par
battage et écorçage des arbres; l'écorce se régénère partiellement et, après quelques
années et plusieurs écorçages, les arbres sont arrachés.

Composition chimique. Les écorces des quinquinas sont souvent riches en


composés phénoliques. Ainsi, celles de C. pubescens renferment des cinchonaïnes la-d
(flavan-3-ols substitués par un acide caféique), des cinchonaïnes lIa et lIb,
(cinchonaïnes la (ou b)-(4->8) épicatéchol) et des proanthocyanidols dimères (B-2, B-
5, A-2) et trimères (C-I). Elles contiennent également des acides organiques (acide
quinique), des saponosides à génine triterpénique dicarboxylique et de l'huile
Cinchona pubescens Vahl.
ALCALOÏDES INDOLO-MONOTERPÉNIQUES IIX 1

essentielle. Cette dernière est présente en quantité très faible dans les échantillons
commerciaux (0,005 %); à côté de l'a-terpinéol, du linalol, du limonène et autres
terpènes elle renferme Il % d'anhydride 2-hexyl-3-maléique.
La teneur en alcaloïdes totaux et en quinine varie selon l'espèce: 3-7 [0-4]
(quinquina jaune), 4,5-8,5 [1-3] (quinquina rouge), 5-8 [2-7,5] (quinquina gris), 5-14
[3-13] (quinquina ledgeriana) 10. Les principaux alcaloïdes des écorces ont une structure
quinoléique: un noyau quinoléique, éventuellement substitué en C-6', est relié par un
carbone porteur d'un hydroxyle secondaire à un noyau bicyc1ique : une quinuclidine.
Les alcaloïdes majoritaires sont des stéréoisomères, la quinine et la quinidine et leurs
homologues déméthoxylés en C-6' : (-)-quinine et (-)-cinchonidine (8S, 9R), (+)-
quinidine et (+ )-cinchonine (8R, 9S). On connaît également les épibases (inversion de la
configuration en C-9), les hydrobases (réduction de l'insaturation vinylique 10(11» et
les épihydrobases. Les carbones asymétriques C-3 et C-4 ont toujours la même confi-
guration (3R, 4S). À côté de ces alcaloïdes quinoléiques, on note la présence
d'alcaloïdes minoritaires, de structure indolique (ex. : cinchonamine); ces dérivés
indoliques sont largement majoritaires dans les feuilles des quinquinas.

R =OCH 3 : (-)-quinine (88, 9R) R =OCH 3 : (t)-quinidine (8R, 98)


R =H: (-)-cinchonidine (88, 9R) R = H: (t)-cinchonine (8R, 98)

épiquinidine

Propriétés physicochimiques des alcaloïdes. La quinine donne deux séries de sels,


les sels « basiques» et les sels « neutres ». Les sels « basiques» ont en fait une réaction
neutre en solution: ils correspondent à la formule Q2+, X- (acide monovalent) ou
(Q2+)z, X2- (acide divalent) et sont peu solubles dans l'eau. Pour leur part les sels «
neutres» ont, en solution, une réaction acide: ils correspondent à la formule Q2+, 2X-

10. D'après Paris, R.-R. et Moyse, H. (1971). Précis de matière médicale, 3, p. 341, Masson, Paris.
Mais ces auteurs considèrent les quinquinas jaune et ledgeriana comme deux entités différentes?
1182 ALCALOÏDES

(acide monovalent) ou Q2+, X 2- (acide divalent) et sont beaucoup plus solubles dans
l'eau que les sels «basiques ». Cette différence de solubilité entre les deux séries de sels
est mise à profit pour l'extraction et la purification de la quinine. Les solutions de
quinine dans les acides oxygénés présentent une fluorescence bleue intense en lumière
ultraviolette; cette fluoresence disparaît par addition d'acide chlorhydrique.

Pharmacologie

Qu i n i n e. Cet alcaloïde est avant tout un antimalarique. Il est actif sur les formes
intra-érythrocytaires, jusqu'au stade trophozoïte jeune (in vitro, les trophozoïtes âgés et
les schizontes sont résistants). Active sur Plasmodium vivax,falciparum, malariae et
ovale, elle est inactive sur les sporozoïtes et les formes tissulaires; son action sur les
gamétocytes est pratiquement nulle.
Au niveau myocardique la quinine, comme la quinidine, mais à un degré moindre,
diminue l'excitabilité, la conductibilité et la contractilité. La quinine n'est que très
modestement antipyrétique et analgésique; elle est faiblement curarisante au niveau de
la plaque motrice.

Qu i nid i ne. Cette molécule, produite essentiellement par hémisynthèse à partir


de la quinine, est un antifibrillant que les pharmacologues rangent dans la classe 1, sous-
classe la, c'est-à-dire dans la catégorie des « stabilisants de membrane ». Intervenant
directement au niveau des propriétés électrophysiologiques des cellules cardiaques, elle
déprime le courant entrant sodique rapide, elle rend les cellules moins excitables,
ralentit la repolarisation, allonge les périodes réfractaires; elle diminue l'automaticité,
déprime la contractilité et diminue la vitesse de conduction auriculaire et
intraventriculaire.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour l'écorce de tige de quinquina, les indications
thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 10 dans les états
grippaux; 20 pour stimuler l'appétit; 3 0 pour faciliter la prise de poids. En usage local,
l'écorce de quinquina est traditionnellement utilisée dans les démangeaisons et
desquamations du cuir chevelu avec pellicules. Aucune évaluation toxicologique n'est
demandée pour la constitution d'un dossier « abrégé» d'AMM (poudre, écorce pour
tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
l'écorce du quinquina et de ses hybrides est utilisée en cas de perte d'appétit, de
dyspepsie, de flatulences et de ballonnements. Posologie quotidienne: écorce, de 1 à
3 g; extrait à 4-5 % d'alcaloïdes, de 0,6 à 3 g; extrait à 15-20 % d'alcaloïdes, de 0,15 à
0,6 g. Contre-indiquée en cas de grossesse ou d'hypersensibilité aux alcaloïdes.
L'écorce pourrait accroître l'effet des anticoagulants.
L'écorce de quinquina sert à préparer l'extrait fluide titré de quinquina, extrait
dont la teneur en alcaloïdes totaux est comprise entre 4 et 5 % et dont 30 à 60 % des
alcaloïdes sont représentés par des alcaloïdes du type quinine (Ph. eur., 6' éd.,
[01/2008: 1818]).
ALCALOÏDES INDOLO-MONOTERPÉNIQUES IIH~

Une grande partie de la production de quinquinas est destinée à l'industrie


agroalimentaire, et une part de la quinine produite est transformée en quinidine.

Qu i n i n e. L'indication actuelle de la quinine est le traitement du paludisme:


accès pernicieux et accès palustre en particulier en cas de résistance aux 4-amino-
quinoléines avec impossibilité d'utiliser la voie orale. La quinine reste active sur la très
grande majorité des souches de P.falciparum (quelques résistances en Asie du sud-est
et en Amazonie).
On emploie en thérapeutique des sels de quinine (chlorhydrate, formiate, sulfate) et
aussi des mélanges de sels (gluconates) d'alcaloïdes extraits du quinquina (quinine,
quinidine, cinchonine, cinchonidine). Selon le cas, la posologie est exprimée en quinine
base ou en alcaloïdes bases. La posologie classique est de 24 mg/kg par 24 heures de
quinine base (8 mg/kg toutes les 8 heures) par voie orale ou, selon les cas, en perfusion
lente (24 heures ou 3 x 4 heures) avec surveillance de la quininémie. Le traitement de
l'accès palustre dure de 5 à 7 jours. En dehors du contexte de l'urgence de l'accès grave
ou pernicieux, la quinine est contre-indiquée en cas de trouble de la conduction
intraventriculaire ou d'antécédent de fièvre bilieuse hémoglobinurique.
La quinine peut provoquer du « cinchonisme », c'est-à-dire des troubles neuro-
sensoriels (hypoacousie, acouphènes, troubles oculaires), une hypoglycémie (par
augmentation de la sécrétion d'insuline, surtout chez les femmes enceintes), des
manifestations digestives et une toxicité cardiaque, dose-dépendante, qui apparaît aux
posologies élevées (arythmies, blocs auriculo-ventriculaires, blocs de branche). La
quinine est utilisable au cours de la grossesse, et l'allaitement est possible pendant le
traitement. Les effets indésirables de la cinchonine et de la cinchonidine (donc du
mélange d'alcaloïdes) sont mal connus.
La quinine, généralement associée (acide ascorbique, extrait d'aubépine) est
proposée comme myorelaxant, dans le traitement d'appoint des crampes musculaires
essentielles. Si des essais cliniques semblent indiquer que des doses élevées diminuent
faiblement le nombre de crampes, la balance bénéfices-risques est défavorable (risque
de réactions cutanées, photosensibilisation, thrombopénies, anémies hémolytiques,
pancytopénies) dans une affection ou, en règle générale, aucun traitement médica-
menteux n'est justifié

Qu i nid i ne. Différents sels de quinidine (sulfate et dérivés à action prolongée)


ont été utilisés en France pour maintenir le rythme sinusal après régularisation d'une
fibrillation auriculaire, d'un flutter, d'une tachysystolie auriculaire, ainsi qu'en cas
d'extrasystoles auriculaires et ventriculaires et dans le traitement préventif des tachy-
cardies paroxystiques supraventriculaires. Les contre-indications et interactions
médicamenteuses nombreuses en limitaient l'emploi.

Dérivé hémisynthétique : hydroquinidine. La molécule possède les


mêmes propriétés que la quinidine. Elle continue d'être utilisée: 1° pour la prévention
et le traitement des récidives des troubles du rythme ventriculaire documentés,
symptomatiques et invalidants; 2° pour la prévention des récidives de tachycardies
supraventriculaires documentées; 3° pour la prévention des chocs cardiaques
1184 ALCALOÏDES

électriques chez certains patients porteurs de défibrillateurs implantables.


L 'hydroquinidine expose à un risque de cinchonisme et est à l'origine de très
nombreuses interactions médicamenteuses .

• CAMPTOTHECA ACUMINATA Decn., Nyssaceae

La plante, composition. Le genre Camptotheca est un genre monotypique de la


famille des Nyssaceae, petite famille de l'ordre des Comales (Rosidae). Les écorces de
tronc, les écorces de racines et les fruits de cet arbre du sud-est de la Chine renferment
respectivement 0,01,0,02 et 0,03 % de camptothécine, composé dont la présence a
également été signalée chez une Rubiaceae (Ophiorrhiza mungos L.) et chez une
Icacinaceae (Nothapodytes nimmoniana [1. Graham] Mabb. = N.foetida [Wight]
Sleumer), dont les racines constituent une source exploitable pour l'extraction de la
camptothécine.
Ce lactame neutre (il ne réagit pas avec les réactifs généraux des alcaloïdes et ne
forme pas de sels stables) est particulièrement insoluble dans les solvants usuels. La
camptothécine est caractérisée par la présence d'un enchaînement pyrrolo[3,4b]qui-
noléique et, en dépit des apparences, est biogénétiquement rattachée au groupe des
indoles: la strictosidine et le strictosamide (c'est-à-dire le lactame correspondant) en
sont les précurseurs; le passage indole -> quinoléine pourrait faire intervenir un céto-
lactame macrocyclique à 10 atomes.

camptothécine

Pharmacologie. L'activité cytotoxique et antitumorale reconnue à la camptothécine


a conduit, dans les années 1970, à des essais cliniques préliminaires qui furent
rapidement interrompus eu égard à l'importante toxicité observée alors. Ultérieurement,
la mise en évidence d'une activité de cette molécule sur la topoisomérase 1 (enzyme
impliquée dans la détorsion spatiale de l'ADN, nécessaire à sa réplication et à sa
transcription) a conduit à reprendre les travaux de recherche, notamment en vue de
l'obtention d'analogues synthétiques à toxicité réduite.
Plusieurs produits ont retenu l'attention et ont fait l'objet d'investigations cliniques.
Deux sont actuellement commercialisés :
• la 9-diméthylaminométhyl-1O-hydroxy-20(S)-camptothécine, (topotécan);
• la 7-éthyl-IO-[4-(1-pipéridino)-l-piperidino]carbonyloxy-camptothécine, (CPT 11,
irinotécan). De fait, ce composé est une prodrogue qui est hydrolysée dans l'organisme
par une carboxylestérase en 7-éthyl-1O-hydroxycamptothécine, un métabolite particu-
lièrement actif (SN38).
ALCALOÏDES INDOLO-MONOTERPÉNIQUES

. Emplois. L'irinotécan (chlorhydrate) est indiqué 10 dans le traitement des cancers


colorectaux avancés: en association avec le 5-fluorouracile (5FU) et l'acide folinique
(AF) chez les patients n'ayant pas reçu de chimiothérapie antérieure pour le stade
avancé de leur maladie; 2 0 en monothérapie après échec d'un traitement ayant
comporté du 5-FU. En association avec le cetuximab, l'irinotécan est indiqué dans le
traitement des patients présentant un cancer colorectal métastatique exprimant le
récepteur du facteur de croissance épidermique (EGFR) après échec d'une
chimiothérapie à base d'irinotecan. L'irinotécan est particulièrement toxique:
neutropénie, syndrome cholinergique aigu, nausées, vomissements, diarrhée retardée
sont les principaux effets indésirables, sévères et très fréquents. Il ne peut être
administré que dans des structures spécialisées et par des personnels qualifiés.
Le topotécan est indiqué dans le traitement: 10 du carcinome métastatique de
l'ovaire après échec d'une ou plusieurs lignes de chimiothérapie; 2 0 du cancer du
poumon à petites cellules (eppC) en rechute lorsque la réintroduction de la première
ligne de traitement n'est pas appropriée. En association au cisplatine, le topotécan est
indiqué chez les patientes présentant un carcinome du col de l'utérus en rechute après
radiothérapie ou chez les patientes présentant un stade IV-B de la maladie. Sa toxicité,
essentiellement hématologique (neutropénie, thrombopénie sévères), implique une
surveillance hématologique régulière. Il ne peut être administré (en perfusion) que dans
des structures spécialisées et par des personnels qualifiés. En décembre 2008, la forme
gélules a été sortie de la réserve hospitalière. Le traitement par cette forme orale doit
être prescrit et surveillé par un médecin expérimenté dans l'utilisation d'agents
chimiothérapiques.

6. BIBLIOGRAPHIE
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alcaloïdes
dérivés
de l'acide anthranilique

Quinoléines,
acridones, quinazolines

L'acide anthranilique, issu de l'amination de l'acide isochorismique, est à l'origine


d'alcaloïdes variés: quinoléines simples (rares), 2- et 4-quinolones sim-pies et
prénylées, furo-et pyranoquinoléines, acridones simples et leurs dérivés prénylés, furo-
et pyranoacridines, quinazolinones, pyrrolo-quinazolines, etc.
Cet acide est également le précurseur des 1,4-benzoxazin-3-ones, métabolites
impliqués dans la résistance des Poaceae à l'encontre de prédateurs (champignons,
bactéries, insectes) et dans leurs effets allélopathiques. On peut aussi noter qu'il est à
l'origine de benzodiazépines mais ces composés, élaborés par certains Champignons,
semblent inconnus chez les végétaux supérieurs.

Biosynthèse. La condensation de l'acide anthranilique avec une unité d'acétate


conduit à la 4-hydroxy-2-quinolinone; la prénylation de celle-ci en C-3 par le pyro-
phosphate de diméthylallyle puis la cyclisation sur la fonction oxygénée en C-2 ou C-4
conduit logiquement à une suite de composés: hydroxyisopropyldihydrofuro-
quinoléines et dérivés voisins, furo- et pyranoquinoléines, linéaires ou angulaires,
dérivés de la quinolinone, etc. Il est vraisemblable que les 2-alkyl-4-hydroxy-
quinoléines proviennent de la condensation d'une molécule d'acide anthranilique et d'un
acyl-CoA (ou de son équivalent dans le cas des dérivés 2-arylalkylés).
Dans le cas des acridones, l'acide anthranilique (sous forme de N-méthyl
anthraniloyl-coenzyme A) est à l'origine d'un seul des deux cycles benzéniques, l'autre
1188 ALCALOÏDES

ro
40H

6:/ 1":3
7 ~ 1
N 2 0
8 H
acide
anthranilique 4-hydroxy-2-quinolinone chimanineB

~
y~Aol~
CH 3 0
OH

H
:m
/
CH 3 0
I'
o

N
1
CH 3
0

glycophylone isobalfourodine platydesmine

~
O~H3

1 + OH
~ N-0 0
1 _

HO CH 3 CI

dictamnine chlorure de ptéléatinium acronycine

étant élaboré à partir de trois unités d'acétate (c'est-à-dire de trois molécules de


malonyl-coenzyme A) : elles sont presque toujours l ,3-dioxygénées. Souvent
isoprénylées en C-2 et/ou C-4, ces acridones peuvent aussi se dimériser. Le cas des
quinazolines est un peu particulier: c'est le plus souvent un acide aminé qui réagit avec
l'acide anthranilique pour former les alcaloïdes (ex. : phénylalanine dans le cas de
l'arborine, omithine [ou acide aspartique] dans celui de la vasicine).

Distribution. La distribution des quinoléines est assez restreinte et centrée sur la


famille des Rutaceae, aussi bien pour les molécules simples (Eisenbeckia, Galipea) que
pour celles qui incorporent un élément isoprénique (Choisya, Dictamnus, Haplophyllum,
Ptelea, Zanthoxylum, etc.). Les acridones sont également caractéristiques des Rutaceae.
Les quinazolines sont, quant à elles, connues dans plusieurs familles: Acanthaceae
(Adhatoda), Rutaceae (Glycosmis, Zanthoxylum) , Plantaginaceae (ou Scrophulariaceae :
Linaria), Zygophyllaceae (Peganum) , ou encore Araliaceae, Fabaceae, etc.

OCr( OH
vasicine fébrifugine
ALCALOÏDES QUINOLÉIQUES 11Hl)

Propriétés. Si l'on a identifié à ce jour un grand nombre d'alcaloïdes quinoléiques,


leur intérêt pharmacologique apparaît faible. Aucun d'entre eux n'est actuellement
utilisé en clinique (en Europe).
Au titre des potentialités pharmacologiques des quinoléines, on peut noter les
propriétés antimicrobiennes d'une plante traditionnelle de l'Amérique du Nord, Ptelea
trifoliata L. : elles sont dues au chlorure de ptéléatinium. Des dérivés voisins sont
cytotoxiques. On remarquera aussi que certaines quinoléines simples (2-alkyl et 2-
arylquinoléines) sont leishmanicides chez la Souris, que des furoquinoléines comme la
skimmianine ou la dictamnine sont phototoxiques, comme les furocoumarines et que
l'acronycine (une pyranoacridone) présente des propriétés antitumorales. Cette
molécule, initialement isolée d'Acronychia baueri Schott (Sarcomelicope simplicifolia
[Endl.] Hartley), a fait l'objet d'essais cliniques de phase 1 et II dans le traitement de
myélomes multiples résistants. L'étude des structures apparentées a conduit à la
synthèse d'analogues, en particulier celle d'un diester de benzo[b]acronycine capable
d'alkyler l'ADN, qui a fait l'objet d'une investigation clinique de phase 1 (S23906-l).
L'activité des quinazolines est tout aussi mal connue: on sait cependant que les
propriétés antipyrétiques d'une plante considérée comme antimalarique par la médecine
chinoise, Dichroafebrifuga Lour. (Saxifragaceae) sont dues à une quinazoline-4-one
N Tsubstituée, la fébrifugine.

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Pilocarpus pennatifolius Lemaire
alcaloïdes
dérivés
de l'histidine

Imidazoles

Si l'histidine et l'histamine sont des composés universels, les alcaloïdes possédant un


noyau imidazole sont très peu nombreux. On en trouve chez des Rutaceae : feuilles des
Pilocarpus d'Amérique du Sud, graines de Casimiroa edulis L1ave & Lex. (une espèce
aux fruits comestibles du Mexique). On en trouve aussi chez des Cactaceae
(Mammillaria [::: DolicotheleJ) ou des Fabaceae. Dans quelques cas, le cycle imidazole
est vraisemblablement formé par un processus différent: c'est par exemple celui de
l'aIchornéine (Alchorneafloribunda Muel\. Arg., Euphorbiaceae) qui peut être
considérée comme un alcaloïde« hémiterpénique ».

histidine dolicotheline alchornéine

• JABORANDI, Pilocarpus microphyllus Stapf ex Wardleworth, Rutaceae

La 9' édition de la Pharmacopée française donnait la description du jaborandi de


Maranham et précisait que « l'on trouve également dans le commerce P.jaborandi et P.
pennatifolius [...] moins riches en alcaloïdes ». En 1982, KAASTRA précisait: «les sources
de l'alcaloïde sont P. microphyllus et les espèces voisines, P. trachylophus et P.
jaborandi». Les feuilles des arbustes spontanés sont récoltées uniquement pendant la
1192 ALCALOÏDES

saison sèche pour permettre leur régénération, mais celle-ci serait insuffisante pour éviter
l'extinction des espèces exploitées. Les feuilles sont ensuite séchées au soleil et triées en
catégories commerciales. Depuis une dizaine d'années, des cultures irriguées ont été
mises en place dans l'état de Maranhi'io, état qui assure 95 % de la production brésilienne.
La culture simultanée de Pilocarpus avec des Tagetes (ou des Sesamum) permettrait de
contrôler efficacement les nématodes qui constituent le principal danger pour les cultures
de Pilocarpus. Les feuilles sont récoltées mécaniquement, séchées et expédiées vers les
installations d'extraction qui assurent, à Pamaîba, la production des sels de pilocarpine.
En Amérique du Sud, le terme de jaborandi est utilisé pour désigner diverses plantes
appartenant à des familles variées et notamment plusieurs espèces de Rutaceae. Les
jaborandis vrais appartiennent au seul genre Pilocarpus :

• jaborandi de Maranham, jaborandi à petites feuilles, P. microphyllus Stapf.


Cette espèce est un arbuste grêle à feuilles imparipennées comptant habituellement 7
folioles de petite taille (2-5 x 1-2,5 cm). Les folioles, subsessiles (sauf la foliole
terminale), ont un limbe asymétrique nettement échancré au sommet, à nervure
saillante sur la face supérieure, presque glabre. La feuille est amère et aromatique, sa
mastication déclenche une augmentation de la salivation;

• jaborandi de Pernambouc, P.jaborandi Bolmes. Les folioles sont grandes (4-


12 x 2-4 cm), leur nervure médiane est saillante à la face inférieure;

• jaborandi du Paraguay, P. pennatifolius Lem. Le limbe des folioles, gris vert,


non asymétrique à la base, a une texture papyracée; il est glabre (var. pennatifolius) ou
pubescent à la face inférieure (var. pilosus Kaastra). Les nervures sont peu anasto-
mosées sur les bords du limbe;

• jaborandi de Ceara, P. trachylophus Bolmes. Les folioles sont plus petites que
celles du P.jaborandi, leur limbe est coriace et recouvert, surtout sur la face inférieure,
de poils recourbés;

• jaborandi de la Guadeloupe, P. racemosus Vahl. dont les sous-espèces et


variétés sont caractéristiques de la zone caraibe.

Composition chimique. L'odeur de la feuille est liée à la présence de 5 ml/kg


d'huile essentielle. La teneur en alcaloïdes totaux est voisine de 0,7-0,8 %; le composé
principal est la (3S, 4R)-( +)-pilocarpine. Celle-ci, lactonique, est fragile: en milieu
aqueux, elle s'hydrolyse aisément en acide pilocarpique et s'isomérise en isopilocarpine
(3R, 4R). L'épimérisation, très rapide en milieu alcalin, fait intervenir une forme
énolate stabilisée par mésomérie. Cette fragilité de la molécule impose une méthode
d'extraction adaptée et rapidement conduite (dégraissage en milieu acide, extraction en
milieu alcalin, cristallisation du nitrate de pilocarpine). La fragilité complique les
méthodes de contrôle et limite la conservation des solutions. L'hydrolyse aussi bien que
l'épimérisation ont pour conséquence une perte d'activité pharmacologique.
ALCALOÏDES IMIDAZOLlQUES 1193

H'~J"~O
H3 C

(\NJ"",û=0
\

N 0
'

N 0
(38,4R)-(+)-pilocarpine isopilocarpine

Pharmacologie. Parasympathomimétique, la pilocarpine provoque une hypersé-


crétion salivaire, gastrique et sudorale; elle accroît la mobilité intestinale, induit une
bronchoconstriction et de la bradycardie. Au niveau oculaire, la pilocarpine provoque
une contraction du sphincter iridien et un myosis, ce qui conduit à une ouverture de
l'angle irido-cornéen intéressante en cas de glaucome par fermeture de l'angle; la
contraction du muscle ciliaire quant à elle augmente la facilité d'écoulement en cas de
glaucome à angle ouvert. En diminuant la résistance à l'écoulement de l'humeur
aqueuse, la pilocarpine abaisse très nettement la pression intra-oculaire.

Emplois. Les feuilles du jaborandi sont utilisées pour l'extraction de la pilocarpine.


Celle-ci est utilisée sous forme de nitrate (collyres à 1 et 2 %) ou de chlorhydrate
(collyres à 0,5, 1 et 2 %). Indications: glaucome chronique simple, crises aiguës de
glaucome par fermeture de l'angle, diagnostic des causes de mydriase. La pilocarpine
est contre-indiquée en cas d'iridocyclite. L'utilisation chez les myopes nécessite un
examen rétinien préalable (risque de décollement rétinien). Les effets indésirables
(myosis entraînant difficulté d'adaptation à l'obscurité, spasme de l'accommodation,
etc.) expliquent que cet alcaloïde est généralement prescrit en dernière intention.
Les associations de pilocarpine et de ~-bloquants (timolol, cartéolol) sont indiquées
en cas d'hypertonie oculaire et de glaucome chronique à angle ouvert chez des patients
dont le tonus oculaire est mal équilibré sous monothérapie par ~-bloquant ou
pilocarpine ou bien justiciables du traitement associé.
La pilocarpine est utilisable par voie orale pour le traitement: IOdes hyposialies et
0
xérostomies post-radiothérapiques chez l'adulte; 2 des sécheresses buccales et
oculaires au cours du syndrome de GOUGEROT-SJOGREN, en cas d'inefficacité des
traitements locaux. Les essais cliniques ont effectivement montré qu'il existe quelques
éléments de preuve de la supérioriré de la pilocarpine sur le placebo, notamment en
termes d'amélioration perçue par le patient souffrant de sécheresse buccale.

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Aconitum napellus L.
alcaloïdes
dérivés
du métabolisme terpénique

Alcaloïdes terpéniques

1. Alcaloïdes mono- et sesquiterpéniques ............................................................................. 1196


nénuphars .................................................................................................................. 1196
fusain ......................................................................................................................... 1197
2. Alcaloïdes diterpéniques .................................................................................................... 1197
aconit napel ............................................................................................................... 1198
autres Ranunculaceae ............................................................................................... 1200
3. Alcaloïdes triterpéniques ................................................................................................... 1201
4. Alcaloïdes stéroïdiques ...................................................................................................... 1201
A. Apocynaceae à alcaloïdes stéroïdiques ............................................................... 1204
B. Melanthiaceae (Liliaceaae s ./.) à alcaloïdes stéroïdiques .................................. .1205
C. Solanaceae à alcaloïdes stéroïdiques ................................................................... 1207
5. Bibliographie ...................................................................................................................... 1210

De nombreux alcaloïdes - les chapitres précédents l'ont montré - procèdent d'une


origine biogénétique mixte: c'est le cas des alcaloïdes indolo-monoterpéniques
(tryptophane et sécologanoside), c'est aussi celui des furoquinoléines (acide
anthranilique et diphosphate d'isopentényle). Dans d'autres cas, l'alcaloïde n'est pas
issu du métabolisme d'un acide aminé: c'est en fait un terpénoïde (mono-, sesqui-, di-
ou triterpène, stéroïde) qui, tardivement, incorpore un atome d'azote. Si leur origine
isoprénique a conduit certains auteurs à ne voir dans ces composés que des « pseudo-
alcaloïdes» (cf généralités, p. 938), il demeure en usage de les considérer comme des
alcaloïdes.
1196 ALCALOÏDES

1. ALCALOïDES MONO- ET SESQUITERPÉNIQUES

Les plantes à alcaloïdes monoterpéniques sont peu nombreuses et leur intérêt


phannacologique et médicinal est plus que limité. Avant d'affirmer l'existence native de
telles structures, il importe de procéder à leur extraction selon un protocole adapté pour
éviter la formation d'artefacts: l'action de l'ammoniaque sur un iridoïde peut parfois
conduire facilement à des structures azotées .

• NÉNUPHARS , Nuphar luteum (L.) Sibth. & Sm.


Nymphaea alba L., Nymphaeaceae

Les Nymphaeaceae de nos régions sont des plantes aquatiques herbacées rhizoma-
teuses, à feuilles cordées généralement flottantes, à grandes fleurs solitaires, émergées,
régulières, jaunes (Nuphar) ou blanches (Nymphaea). Le rhizome de ces espèces
renferme des alcaloïdes sesquiterpéniques ; la plupart ont une structure quinolizidinique
(désoxynupharidine, nupharolidine, nuphacristine), certains sont pipéridiniques
(nuphamine), d'autres sont des dimères et incorporent un atome de soufre (thiobinu-
pharidine, 1- et l'-épithiobinupharidine, dérivés hydroxylés de la thiobinupharidine).
Les nénuphars sont susceptibles de concentrer des métaux, y compris les métaux lourds
toxiques. In vitro, la 6,6' -dihydroxythiobinupharidine inhibe la croissance de divers
champignons (Histoplasma sp., Trichophyton sp., Blastomyces sp., etc.). Les propriétés
attribuées aux nénuphars ne semblent pas avoir fait l'objet d'étude pharmacologique.
Aucun essai clinique ne valide les indications traditionnelles du nénuphar jaune.

désoxynupharidine nuphamine thiobinupharidine

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour le rhizome de nénuphar jaune, les indications
thérapeutiques suivantes (usage local) : traditionnellement utilisé comme traitement
d'appoint adoucissant et antiprurigineux des affections dermatologiques, comme
trophique protecteur dans le traitement des crevasses, écorchures, gerçures et contre les
piqûres d'insectes, et en cas d'érythème solaire, de brûlures superficielles et peu
étendues, d'érythèmes fessiers. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée pour
la constitution d'un dossier« abrégé» d'AMM (rhizome pour infusion, extrait aqueux
et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre). La poudre n'est pas utilisée de
façon traditionnelle. Le nénuphar ne fait pas l'objet d'une monographie de la
Commission E du BJArM allemand.
ALCALOÏDES TERPÉNIQUES 1197

• FUSAIN D'EUROPE, Euonymus europœus L., Celastraceae

Ce petit arbuste commun dans les bois est dépourvu d'intérêt médicinal mais peut
être signalé pour ses fruits réputés toxiques. Ceux-ci, des capsules, sont très
caractéristiques: les quatre lobes de la capsule, roses à maturité, lui ont valu
l'appellation populaire de «bonnet d'évêque ». Les graines, amères, sont entourées
d'un arille charnu et coloré. Elles renferment une petite (0,1 %) quantité d'alcaloïdes et
des hétérosides cardiotoniques, glycosides de la digitoxigénine (évonoside, évobioside,
évonomoside). Les alcaloïdes sont des polyesters de polyols sesquiterpéniques :
l'hydrolyse de l'évonine fournit cinq molécules d'acide acétique, un acide pyridinique
dicarboxylique (l'acide évonique) et un sesquiterpène octahydroxylé, l'évoninol.
Ce type d'alcaloïdes n'est pas rare chez les Celastraceae : on en trouve chez le cath
(Catha edulis, p. 1034), ainsi que dans les genres May tenus et Tripterygium.

CAc
!
'OUJfh[
Ac? CAc

o~J)i~"i",
2. ALCALOïDES DITERPÉNIQUES

Les bases azotées diterpéniques actuellement connues sont, en majorité, isolées de


diverses Ranunculaceae (Aconitum, Consolida, Delphinium). Sporadiquement, elle ont
également été caractérisées chez des Rosaceae (Spiraea), des Garryaceae, des
Escalloniaceae (Anopterus). La plupart d'entre elles sont caractérisées par une grande
toxicité. Leur structure est toujours complexe et leur squelette peut compter 19 ou 20
atomes de carbone: on parlera respectivement d'alcaloïdes norditerpéniques et
d'alcaloïdes diterpéniques.
Les alcaloïdes norditerpéniques ont une structure complexe et l'on distingue
habituellement le type aconitine (non substitué en C-7, comme la delphinine), le type
lycoctonine (substitué en C-7), le type pyro-norditerpénique (8,15-déhydro) et le type
lactone, dans lequel le cycle C est transformé en lactone par une séquence réactionnelle
de type BAEYER-VILLIGER (ex.: hétératisine).
Dans le cas des alcaloïdes diterpéniques stricto sensu (en C 20 ), il existe trois
possibilités principales d'agencement des cycles selon la position du carbone sur lequel
vient se lier le pont dicarboné C-15-C-16 (types atisine, veatchine et delnudine)
auxquelles se rattachent plusieurs sous-types (dénudatine, napelline, anoptérine, etc.).
1198 ALCALOÏDES

"",,,(OCH 3
CH 3 9
"'['OCH 3
.. ,\\\

CH 3 0
delphinine Iycoctonine hétératisine

Alcaloïdes diterpéniques :
exemples de structures

veatchine atisine

La biosynthèse de tous ces alcaloïdes est assez mal connue: le mécanisme de l'intro-
duction de l'atome d'azote, le stade où celle-ci se réalise et l'origine du groupe N-éthyle
demeurent hypothétiques .

• ACONIT, Aconitum napellus L., Ranunculaceae

La plante, la racine. L'aconit napel est une plante herbacée assez polymorphe,
vivace par une racine tubérisée. La tige, dressée, porte des feuilles alternes fortement
pennatiséquées en 3 à 7 segments eux-mêmes divisés en lobes étroits. Les fleurs sont
groupées en grappes. Le calice est formé de 5 sépales bleu violacé; le sépale postérieur,
très caractéristique par sa forme de casque, enveloppe les sépales latéraux. Les pétales
sont réduits (cornets nectarifères et languettes).
La racine encore utilisée provient de la récolte de la plante dans ses gîtes naturels :
essentiellement dans les zones montagneuses de l'ouest de l'Europe et jusqu'à
l'Himalaya. On récolte normalement le tubercule latéral (tubercule de remplacement)
au moment de la floraison.
La racine est napiforme, pointue (5-8 x 2-3 cm). Sa surface est brun noirâtre, striée
longitudinalement; sa cassure est nette, blanchâtre. La racine est inodore, sa saveur est
douce puis âcre et accompagnée d'une sensation de fourmillement et d'engourdissement
de la langue.

Composition chimique. La racine d'aconit, riche en glucides (50-60 %, surtout de


l'amidon), renferme de 0,5 à 1,5 % d'alcaloïdes. L'alcaloïde principal est l'aconitine.
Cet alcaloïde ester de structure complexe est un diester : c'est le dérivé acétylé et
ALCALOÏDES TERPÉNIQUES 1199

benzoylé d'une a1camine norditerpénique pentahydroxylée, l'aconine. Les autres


alcaloïdes ont une structure voisine: hypaconitine, jesaconitine, pseudaconitine, lyca-
conitine, néopelline, napelline, néoline.
OH OH

OC~
OCH
CH 3 <?
"'' ' f
'''''11110
3
~
1
CH 3<?
"""F.
"""OH '
"''''''''OH O
",II."
. "OH
OH
6CH 3
CH 3 0 aconitine CH 3 0 aconine

CH30

R =H: hypaconitine
R =OH: mesaconitine

Pharmacologie - toxicité. L'aconitine excite puis paralyse aussi bien les termi-
naisons nerveuses périphériques que les centres bulbaires. Elle induit ralentissement
respiratoire et dissociation auriculo-ventriculaire. Son activité la rapproche d'autres
neurotoxines (grayanotoxine 1, batrachotoxine) qui agissent au niveau des canaux
sodiques et entravent la repolarisation.
L'aconit est l'une des plantes les plus toxiques 1 connues: 25 fig/kg (IV) provoquent
chez le Rat des contractions ventriculaires chez 100 % des animaux et un taux de
mortalité de 90 %. La dose moyenne mortelle d'aconitine chez l'Homme serait de 3 mg
(soit de 2 à 4 g de racines). Le genre Aconitum est d'ailleurs l'un des genres qui a été le
plus employé dans la fabrication des poisons de flèches et ce depuis au moins trois
millénaires, en Orient aussi bien qu'en Occident. La dénomination de certaines espèces
(aconit tue-loups, A. vulparia, A. lycoctonum, ou encore wolfsbane des Anglo-Saxons)
rappelle d'ailleurs l'usage qui en était fait pour éliminer les animaux sauvages: loups,
renards, ours, mais aussi rongeurs. Les auteurs latins rapportent l'utilisation de la racine
d'aconit à des fins moins avouables: c'était un moyen efficace d'éliminer des
personnes indésirables.

1. Pour une présentation détaillée détaillée des espèces toxiques citées dans ce chapitre, voir:
Bruneton, J, (2005). Plantes toxiques - Végétaux dangereux pour l'Homme et les animaux, 3' éd., Lavoisier,
Paris: aconits et dauphinelles, pp. 466-473, morelle douce-amère, pp. 546-550, morelle noire, pp. 551-
552, généralités et pommes de terre, pp. 543-546.
1200 ALCALOÏDES

Emplois. En France, la monographie de la racine d'aconit a été supprimée de la


Pharmacopée en 1984. Cette racine sert essentiellement à l'obtention de préparations
homéopathiques. En Allemagne, la Commission E du BfArM a estimé que l'admi-
nistration de la racine d'aconit n'était pas justifiée en raison de la faible marge
thérapeutique et du risque d'intoxication.

Emplois en Orient. La médecine chinoise fait souvent appel aux aconits auxquels
elle attribue des propriétés antirhumatismales et analgésiques, anesthésiques et
antinévralgiques. Elle utilise en particulier: 1° le chuanwu, racine séchée de Aconitum
carmichaeli Debx.; 2° le caowu, racine séchée de Aconitum kusnezoffi Rchb.; 3° le
zhichuanwu et le zhicaowu, racines « préparées» de ces deux espèces; 4° le fuzi,
racines latérales de A. carmichaeli. Ces espèces renferment toutes des alcaloïdes
diterpéniques : aconitine, hypaconitine, mesaconitine, etc., l'alcaloïde majoritaire
variant selon l'espèce considérée. Toutes ces plantes, inscrites à la Pharmacopée de la
République Populaire de Chine, sont prescrites, après préparation, sous forme de
mélanges pour décoctions dont les indications sont les suivantes; rhumatisme, arthrite,
douleurs post-traumatiques, fractures, hémiplégies.
La « préparation» des racines consiste à les tremper dans l'eau, puis à les cuire
pendant 4 à 6 heures ou à les traiter par la vapeur durant 6 à 8 heures. Seules les racines
préparées doivent être utilisées. La préparation des aconits est une pratique commune
aux médecines orientales et indiennes. Ainsi, au Japon, le procédé de traitement est du
même type: l'aconit préparé (le kako-bushi-matsu) est obtenu par passage des racines à
l'autoclave à 110 oC, pendant 40 minutes. Il se forme des composés l5-céto-pyro,
beaucoup moins toxiques. En Inde, les tubercules d'aconit (A.ferox Wall. ex Ser.) sont
traditionnellement mis à macérer dans de l'urine de vache et à la lumière du soleil
pendant 3 jours; l'urine est renouvelée chaque jour. Ce traitement réduit la quantité
d'alcaloïdes de 60 %.
La préparation des aconits provoque l'hydrolyse partielle des composés natifs, ce
qui diminue fortement la toxicité: la DUo de l'aconitine est de 0,12 mg/kg (Souris, voie
IV) alors que, dans les mêmes conditions, celle de la benzoylaconine est de 23 mg/kg et
celle de J'aconine de 120 mg/kg
Le fuzi exerce une action cardiotonique (inotrope positif) qui ne disparaît pas
lorsque l'aconitine est hydrolysée; cette activité, mise à profit par les cliniciens chinois,
serait due à une I-benzylisoquinoléine triphénolique, l'higénamine. Cette molécule,
synthétisée, possède effectivement de telles propriétés.

Autres Ranunculaceae à alcaloïdes diterpéniques

.DAUPHINELLES Consolida regalis S.F. Gray


(= Delphinium consolida L.) et autres espèces

Ces plantes ornementales (pied d'alouette) sont toutes des plantes potentiellement
toxiques. Il en est de même de la staphysaigre (D. staphysagria L.) dont les graines
étaient encore recherchées au début du XX' siècle pour les propriétés parasiticides
ALCALOÏDES TERPÉNIQUES 1201

externes de leurs décoctions (herbe aux poux, survivance d'un usage plus que bi-
millénaire). L'un des alcaloïdes fréquents chez les Delphinium, la méthyllycaconitine,
est un curarisant qui bloque la conduction cholinergique au niveau post-synaptique. En
Amérique du Nord, les Delphinium sont régulièrement responsables de pertes dans les
troupeaux.

Autres plantes à alcaloïdes diterpéniques

Pour mémoire, on peut signaler ici que la toxicité des Erythrophleum (Cresal-
piniaceae) est due à des diterpènes azotés. Ces molécules (cassaïne et composés
apparentés) sont des esters d'amino-éthanols (ex. : N-méthyléthanolamine) et d'acides
diterpéniques tricycliques (cassanes). Ces plantes sont connues aussi bien pour la
toxicité de leurs feuilles pour le bétail (E. chlorostachys [F. Muell.] BailI., Australie)
que pour celle de leurs écorces de tronc traditionnellement utilisées comme poison de
guerre et pour des ordalies (E. suaveolens [Ouill. & Perr.] Brenan et autres espèces du
genre, Afrique tropicale). Ces diterpènes azotés sont des cardiotoxiques de type
digitalique; leur toxicité disparaît par saponification.
o o
'>(0 0
1

cassaïne daphniphylline

3. ALCALOïDES TRITERPÉNIQUES

Ils sont très rares: la daphnyphylline et les alcaloïdes voisins (yuzurimine) semblent
être les seules molécules connues de ce groupe. Elles ont été isolées d'espèces
asiatiques du genre Daphniphyllum classé par certains auteurs dans la famille des
Euphorbiaceae et par d'autres dans celle, monogénérique, des Daphniphyllaceae.

4. ALCALOïDES STÉROïDIQUES

Il est possible de classer simplement (mais arbitrairement) les alcaloïdes


stéroïdiques en trois groupes selon qu'ils dérivent d'un squelette à 21,24 ou 27 atomes
de carbone (sachant que l'on n'envisage pas ici les alcaloïdes stéroïdiques qui existent
chez les animaux comme ceux des Salamandra et des Phyllobates).

• Les alcaloïdes en C21 sont des dérivés du prégnane possédant un substituant azoté
en C-3, en C-20 ou dans ces deux positions. L'azote peut être extracyclique avec un
1202 ALCALOÏDES

R =OH : iréhine
holaphyllamine R = N(CH 3)2 : kurchessine conessine

substituant aminé en C-3 et/ou en C-20 : holaphyllamine, iréhine, kurches-sine, ou


intracyc1ique (substituant aminé en C-20 : conessine). Si ces alcaloïdes caractérisent les
Apocynaceae - Apocynoideae (Funtumia, Holarrhena, Kibatalia, Malouetia), ils
existent également chez les Buxaceae (Pachysandra) mais dans ce cas leur carbone C-4
est substitué (OH, =0). On connaît aussi des dérivés de type digitoxigénine éthérifiés
en C-3 par un 2,6-didésoxyhexose aminométhylé en C-5 (mitiphylline).

H mitiphylline

• Les alcaloïdes en C24 , directement dérivés du cyc1oarténol, sont spécifiques de la


famille des Buxaceae. Aminés en C-3 et en C-20, ils peuvent conserver le squelette
initial (cyc1oartane) ou avoir un cycle à sept carbones issu de la coupure du
cyc1opropane en 9,10. On distingue de ce fait deux groupes de composés, les dérivés du
9~,19-cyc1o-4,4,l4a-triméthyl-5a-prégnane et ceux de l'abeo-9(9-> 19)-4,4,14a-
triméthyl-5a-prégnane. Les principales variations structurales sont une oxydation
éventuelle de l'un des méthyles en C-4 - il peut d'ailleurs être éliminé -, la présence
d'in saturations et l'oxydation de la molécule sur diverses positions (ex. : en C-15). Le
méthyle en C-4 peut conduire à un exométhylène. Divers alcaloïdes isolés des genres
Buxus et Sarcococca sont des inhibiteurs puissants de l'acétylcholinestérase. D'autres
alcaloïdes de la série sont antimicrobiens ou potentiellement antiparasitaires.

• Les alcaloïdes en C27 sont présents chez les Solanaceae et les Melanthiaceae :

a- Dans le cas de la famille des Solanaceae ce sont des stéroïdes vrais, dérivés
azotés du (22R, 25S)-solanidane comme la solanine ou la chaconine (ce sont des
glycosides de la solanidine) ou du spirosolane qui peut être soit (22R, 25R) - cela est
le cas de la solasonine et de la solamargine (des glycosides de la solasodine) -, soit
(22S, 25S) comme dans le cas de la tomatine ou de la sisunine (des glycosides de la
ALCALOÏDES STÉROÏDIQUES

N-(CH3h

(CH 3h-N (CH 3h-N

cyclobuxine buxamine

tomatidine). Dans tous les cas le méthyle en C-25 est équatorial. Ces alcaloïdes
existent, dans les plantes, sous la forme d'hétérosides et sont étroitement apparentés,
structuralement et biogénétiquement, aux saponosides à génine stéroïdique avec
lesquels ils partagent bon nombre de propriétés physico-chimiques et biologiques.

b- Dans le cas de la famille des Melanthiaceae, le squelette en C 27 subit, outre


l'amination et la cyclisation de la chaîne latérale (type solanidane, ex. : rubijervine, épi-
rubijervine), un réarrangement de ses cycles pour former un C-nor-D-homo-stéroïde,
c'est-à-dire que le cycle C perd un carbone qui est gagné par le cycle D : ce
réarrangement impliquerait l'élimination d'un groupe partant en C-12 et la migration 1,2
de la liaison 13,14 (WAGNER-MEERWEIN). La rupture de l'indolizidine en ex de l'azote
conduit ensuite à des composés comme la vératramine ou la jervine (voir schéma ci-

R =H: solasodine R =H: solanidine


R= ~-D-Glc (1->3)-~-D-Gal (1-»: solasonine R = ~-D-Glc (1->3)-~-D-Gal (1-»: a-solanine
(1->2) t (1->2) t
a-L-Rha a-L-Rha

R = a-L-Rha (1->4)-~-D-Glc (1-»: solamargine R = ~-D-Glc (1->3)-~-D-Gal (1-» : ~-solanine


(1->2) t R =~-D-Gal (1-»: y-solanine
a-L-Rha

R = a-L-Rha (1->4)-~-D-Glc (1-»: a-chaconine


l'enchaînement Glc(Rha)·Gal est le solatriose ; par
perte du rhamose il donne le solabiose. (1->2) t
a-L-Rha
l'enchaînement Rha(Rha)· Glc est le chacotriose ; par
perte d'un rhamose il donne le chacobiose.
(- Rha-1 =~-chaconines ; - Rha-1 et -2 : y-chaconine)
1204 ALCALOÏDES

épirubijervine

\ proto vératrine A

Alcaloïdes des Liliaceae :


principaux types et origine supposée

HO

dessus). Une recyc1isation impliquant l'azote pipéridinique et le carbone initialement C-


18 (c'est-à-dire le méthyle angulaire) pourrait expliquer la formation d'alcaloïdes
hexacyc1iques comme la protovératrine.

A. Apocynaceae à alcaloïdes stéroïdiques

Elles sont actuellement sans intérêt, du moins en France. Pendant un temps on a


utilisé le bromhydrate de conessine, toxique à l'encontre des protozoaires. La conessine
est l'un des principaux alcaloïdes des écorces de tronc d'une espèce asiatique, le kurchi
(Holarrhena pubescens Wall. ex G. Don =H. antidysenterica [G. Don] Wall ex ADe.)
et d'une espèce africaine, le séoulou (H.floribunda [G. Don] T. Durand & Schinz). Le
kurchi est le principal ingrédient du Kutajarista, un remède antidysentérique et
fébrifuge de la médecine ayurvédique. La conessine est aussi un antagoniste des
récepteurs H3 à l'histamine.
ALCALOÏDES STÉROÏDIQUES 1205

B. Melanthiaceae (ex Liliaceae) à alcaloïdes stéroïdiques

• VÉRATRE, (ellébore blanc), Veratrum album L.

La plante, le rhizome. Vivace par un rhizome, le vératre blanc (dit d'Europe,


également appelé ellébore blanc ou varaire) est une plante herbacée robuste des régions
montagneuses de l'Europe et de l'Asie septentrionale. Les feuilles sont alternes,
linéaires, engainantes, ovales, et leur limbe plissé est parcouru par des nervures
parrallèles et convergentes au sommet. Les fleurs à périanthe blanchâtre intérieurement
et verdâtre extérieurement (ou verdâtre sur les deux faces) sont réunies en panicule. Le
fruit est une capsule.
Le rhizome de vératre, court, brun foncé - il est vraiment (vere) noir (ater) -, est
complètement entouré de racines tortueuses brun fauve à brun noirâtre. Il peut
éventuellement être confondu avec le rhizome et les racines de la valériane : le vératre
n'étant plus utilisé ce risque a disparu.

Composition chimique. Les alcaloïdes totaux du rhizome (1,5 %) constituent un


mélange complexe d'alcaloïdes stéroïdiques qui sont presque tous des C-nor-D-homo-
stéroïdes et qui peuvent être répartis en deux groupes:
• les alcaloïdes du groupe jer-veratrum qui contiennent de 1 à 4 atomes d'oxygène
et qui existent généralement à l'état d'alcamines libres ou de monoglucosides : jervine,
rubijervine, vératramine et les glucosides correspondants;
• les bases du groupe cé-veratrum. Fortement oxygénées (on compte de 7 à 9
atomes d'oxygène dans leur structure), elles existent dans la plante à l'état d'esters:
protovératrines A et B.

Pharmacologie. Les alcaloïdes du vératre, très toxiques sur les animaux à sang
froid 2, augmentent la perméabilité du canal sodique rapide au niveau des membranes
des cellules excitables, ce qui engendre la survenue de décharges itératives après une
stimulation unique. Les terminaisons des fibres vagales afférentes au niveau du sinus
coronaire et du ventricule gauche sont les plus sensibles à la dépolarisation : leur
stimulation entraîne, par un mécanisme réflexe, une augmentation du tonus
parasympathique qui se traduit par une bradycardie et une hypotension sévère. La
stimulation des barorécepteurs du sinus carotidien et celle des centres vasomoteurs
accroît l'effet hypotenseur. Les alcaloïdes du vératre sont également émétisants et, à
haute dose, ont une action directe (toxique) au niveau du myocarde.

Toxicité. Autrefois utilisé pour traiter l'hypertension artérielle, la toxémie gravidique


et l'insuffisance cardiaque, le vératre est aujourd'hui complètement abandonné. Sa

2. On employait autrefois la poudre de vératre comme parasiticide externe. On peut d'ailleurs noter
qu'un emploi identique était fait d'une autre Melanthiaceae renfermant des alcaloïdes stéroïdiques de
structure voisine (cévadine, vératridine) : la cévadille (Schoenocaulon officinale A. Gray), espèce
d'origine américaine (Mexique, Venezuela) particulièrement toxique. Ces espèces étaient employées
en mélange avec les graines de staphysaigre et les feuilles de tabac (poudre des Capucins).
Veratrum album L.
ALCALOÏDES STÉROÏDIQUES 1207

toxicité 1 (p. 1199) doit être connue des praticiens de santé, même si les intoxications qu'elle
suscite sont devenues très rares. L'origine de l'intoxication est presque toujours la
consommation d'un vin de gentiane artisanal: la confusion est fréquente entre ces deux
espèces qui partagent le même habitat.
L'intoxication se traduit très rapidement par un engourdissement des extrémités, des
signes digestifs (nausées, vomissements) puis de la bradycardie, de l'hypotension et de
l'arythmie .

• AUTRES VÉRATRES

La plante n'étant pas indigène, on notera simplement pour mémoire les propriétés
tératogènes de la cyclopamine et des alcaloïdes voisins présents dans le vératre des
Montagnes rocheuses (V. californicum Durand) : ils sont la cause de malformations
cranio-faciales (en particulier de la cyclopie) observables chez les brebis. Les vératres ne
sont pas les seules Melanthiaceae qui doivent leur toxicité à des alcaloïdes stéroïdiques :
les Zigadenus de l'Amérique du Nord provoquent des accidents qui se traduisent par une
symptomatologie identique à celle qui résulte de l'ingestion de racines de vératre.

c. Solanaceae à alcaloïdes stéroïdiques (voir aussi p. 826).

Les alcaloïdes stéroïdiques des Solanaceae sont rattachés à deux groupes, celui du
solanidane - il est caractérisé par un enchaînement indolizidinique - et celui du
spirosolane chez lesquels l'azote est inclus dans un enchaînement oxoazaspirodécane,
ce qui justifie que certains auteurs les considèrent comme des « saponosides azotés».
Comme ces derniers, les alcaloïdes stéroïdiques existent d'ailleurs sous la forme
d'hétérosides dont la partie osidique est généralement un oligoside : trios ide (solatriose,
chacotriose) ou tétroside (commertétraose, lycotétraose).
Biosynthétiquement, ces alcaloïdes sont issus du métabolisme du cholestérol:
l'isolement de structures cholestaniques oxydées en C-22 et C-26 et de dérivés
pipéridiniques hydroxylés en C-16p (ex. : étioline, teinémine) permet de reconstituer
les étapes probables de la formation des deux types, solanidane et spirosolane. L'azote
est vraisemblablement apporté par transamination d'un 26-hydroxycholestérol avec un
acide aminé (arginine). La formation de la pipéridine implique une oxydation préalable
de l'amino-26-cholestérol sur le carbone C-22. Dans le cas des oxoaza-spirodécanes, on
remarque que les deux configurations sont possibles pour le carbone C-22 :
tomatididénol et solasodine, tomatidine et soladulcidine. Il est possible que le motif
spiro soit la résultante de l'addition nucléophile d'un hydroxyle en C-16 sur l'imine (ou
l'iminium) issu de l'oxydation de l'amine pipéridinique secondaire.

Les gluco-alcaloïdes sont solubles dans l'eau et, comme les saponosides, ce sont des
tensioactifs. Moins sensibles que les alcaloïdes vrais à l'action précipitante des réactifs
généraux (DRAGENDORFF, MAYER), ils peuvent être mis en évidence sur les plaques de
CCM par des réactifs comme le trichlorure d'antimoine, la vanilline chlorhydrique ou
1208 ALCALOÏDES

l'aldéhyde anisique en milieu sulfurique. Ils sont extractibles par une solution aqueuse
acide, précipitables par l'ammoniaque et cristallisables (difficilement) dans un alcool.

HO etioline
so/anocapsine

RO RO
R =H: tomatidéno/ R =H : tomatidine
R =solatriose : a-so/amarine R =Iycotétraose " tomatine

Biologiquement, les glycoalcaloïdes stéroïdiques provoquent des altérations des


membranes cellulaires, sans doute en interagissant avec les stérols membranaires
(comme les saponosides). À des degrés variables, ces molécules sont des inhibiteurs
des cholinestérases mais l'expérimentation chez le Rat et le Hamster ne permet pas de
relier formellement cette activité aux symptômes observés lors d'intoxications: les
effets toxiques observés chez l'animal pourraient n'être que la conséquence des
altérations pathologiques provoquées au niveau de l'intestin. Biologiquement, il est
vraisemblable que les glycoalcaloïdes stéroïdiques participent, entre autres fonctions, à
la défense des plantes qui les élaborent à l'encontre de divers prédateurs (helminthes,
insectes) et agents pathogènes (champignons phytopathogènes). Leur activité est en
partie la résultante de leur tensio-activité sur les membranes cellulaires.
Potentiellement molluscicides et insecticides et, pour certains, cytotoxiques, les
glycoalcaloïdes des Solanaceae ne sont pas utilisés en thérapeutique. Ils doivent être
connus pour leur toxicité potentielle .

• MORELLE DOUCE-AMÈRE, Solanum dulcamara L.

Cette espèce, dont la tige fut longtemps considérée par la médecine populaire
comme diurétique et « dépurative », est très commune dans nos régions. C'est une
plante herbacée grimpante facilement identifiée par ses fleurs à étamines saillantes en
tube dont les cinq pétales violets sont tachés de jaune à leur base ainsi que par ses fruits,
petites baies rouges réunies en grappes. Il existe plusieurs races chimiques chez
S. dulcamara et la teneur en alcaloïdes varie en fonction de l'organe: elle est maximale
ALCALOÏDES STÉROÏDIQUES 1209

dans le fruit vert (jusqu'à 0,65 % de la masse sèche) et devient très faible dans le fruit
mûr comme cela s'observe couramment dans d'autres espèces de la famille (tomate,
aubergine, etc.). La plante renferme aussi des saponosides, bidesmosides d'un
furostanol, la protoyamogénine (solayamacinosides A et B) ou monodesmosides d'une
spirostan-26-one (soladulcosides). Les cas d'ingestion correspondant à une réelle
intoxication sont très raresl.p.1l99.

Emplois. En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM


précise que les tiges de la morelle douce-amère sont utilisées comme traitement
d'appoint de l'eczéma chronique. Posologie (voie externe) : infusion ou décoction
correspondant à 1 à 2 g de tiges pour 250 ml d'eau. Par voie orale: de 1 à 3 gpar jour.

.MORELLE NOIRE, Solanum nigrum L.

Autrefois officinale - elle passait pour antinévralgique - , cette mauvaise herbe


des cultures et des décombres est particulièrement fréquente dans nos régions. C'est
une espèce annuelle à corymbes de petites fleurs blanches rappelant celles de la pomme
de terre, et à baies jaune verdâtre devenant noires à maturité. Tous les organes peuvent
renfermer des alcaloïdes stéroïdiques : solanine, solasonine, solamargine.
C'est le petit fruit vert qui est le plus riche en alcaloïdes (l % et plus), alors que le
fruit mûr en est dépourvu. En cas d'ingestion de baies, les statistiques rapportées par
divers auteurs font état, au pire, de troubles digestifs mineurs, éventuellement de
mydriase et de troubles neurologiques l.p.1199 .

• POMME DE TERRE, Solanum tuberosum L.

Les glycoalcaloïdes sont présents dans les feuilles (30-90 mgIlOOg), les fruits (40-
100 mg/100 g), les fleurs (200-500 mgllOO g) et surtout les germes (500 mg/100 g et
plus). Les principaux (a-solanine et a-chaconine) sont accompagnés de leurs
homologues partiellement hydrolysés (P et y-solanines, Pet y-chaconines) et, parfois,
de produits voisins (a et p-solamarine, tomatidénol). Dans les conditions normales, les
tubercules entiers ne renferment que de faibles quantités de glycoalcaloïdes (25-100
mg/kg de masse fraîche), concentrés dans la « peau» et les couches cellulaires sous-
jacentes 3. L'épluchage en élimine de 60 à 95 %. La germination, le verdissement,
l'illumination et les traumatismes (chocs, coupures 4, etc.) entraînent une élévation de la
teneur en alcaloïdes qui peut devenir très importante. Les alcaloïdes, stables à la
cuisson, sont toxiques: nécrosants des muqueuses gastriques et intestinales (activité de
type saponoside au niveau des membranes ?), ce sont aussi des inhibiteurs des
cholinestérases. Les intoxications, particulièrement rares, sont marquées par des

3. Rappelons que les tubercules renfennent aussi des calystégines (cf. p. 981).
4. D'où l'élévation constatée (290 mg/kg) dans les « chips» et les frites si le délai entre la prépa-
ration et la cuisson (ou la surgélation) est trop important.
1210 ALCALOÏDES

troubles digestifs, de la fièvre, plus rarement par un état confusionnel, une respiration
rapide et une baisse de la pression sanguine l,p. 1199,

5. BIBLIOGRAPHIE

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Alcaloïdes
à structures diverses

Dérivés de la spermidine et de la spermine

Ces polyamines formées par transfert d'un (ou de deux) reste(s) propylamine sur la
putrescine (sans doute via la S-adénosylméthionine décarboxylée) ne sont pas
exceptionnelles chez les végétaux, qu'elles soient libres ou amidiques (ex. : tricouma-
roylspermidine des fleurs d'aubépine). Dans un nombre plus restreint d'espèces, elles
sont à l'origine de la formation de composés macrocyc1iques réagissant comme des
alcaloïdes: au moins l'un des atomes d'azote se condense avec le carboxyle d'un acide
carboxylique, fréquemment un acide cinnamique (lunarine, pleurostyline, périphylline,
homaline). Leur intérêt pharmacologique est mal connu.

Peptides macrocycliques - alcaloïdes peptidiques

Ces molécules, plus peptidiques qu'alcaloïdiques, forment un groupe assez restreint


de composés isolés d'Asteraceae, de Celastraceae, de Pandaceae, de Rubiaceae,
d'Urticaceae et, surtout, de Rhamnaceae : Ceanothus, Rhamnus, Ziziphus, etc. On
restreint habituellement le groupe des « alcaloïdes peptidiques » à des macrocyc1es à 10
ou 12 atomes, fermés en 1,3 ou 1,4 sur un noyau benzénique.
On exclura donc ici les polypeptides responsables de la toxicité des amanites
(phalloides, verna, virosa) et présentes chez certaines lépiotes (helveola) : amatoxines
(octapeptides), phallotoxines (heptapeptides) et virotoxines (nonapeptides). Ce ne sont
pas des alcaloïdes et, qui plus est, leur structure, leurs effets aussi bien que leur mode
d'action sortent du cadre assigné à cet ouvrage.
1212 ALCALOÏDES

Aucune molécule de ce groupe n'est actuellement utilisée, même si certaines ne


sont pas dépourvues d'activité: propriétés antibactériennes et antifongiques des
scutianines, propriétés sédatives de la sanjoinine des Ziziphus, etc.

CH 3 0
)H-0
may/ansine ~~
-
/;
/ sanjoinine A
(frangufoline)

~
H O~
IH ~
N~N--J
H
HO"'"
7-hydroxypleurocorine H palus/rine

• JUJUBIER, Ziziphus jujuba Miller (= Z. vulgaris Lam.), Rhamnaceae

Le jujubier est un petit arbre souvent épineux. Ses fruits, ronds ou ovoïdes, rouges à
maturité, sont comestibles. Originaire de Chine, le jujubier est acclimaté dans les zones
méridionales de l'Europe et dans le sud des États-Unis d'Amérique. Les jujubes
renferment des acides tri terpéniques et des saponosides ; les graines renferment des
saponosides et des f1avonoïdes. Les feuilles contiennent des saponosides et des
alcaloïdes isoquinoléiques. Écorces de tiges et graines de plusieurs espèces du genre
renferment de petites quantités d'alcaloïdes peptidiques. L'extrait du fruit du jujubier
pourrait exercer un effet favorable sur la constipation.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour lefruit de jujubier privé de la graine, une seule
indication: traditionnellement utilisé par voie locale (collutoire, pastille), comme
antalgique dans les affections de la cavité buccale et/ou du pharynx. Aucune évaluation
toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un dossier « abrégé» d'AMM
(fruit pour infusion, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre).
La poudre n'est pas utilisée de façon traditionnelle. Le jujubier ne fait pas l'objet d'une
monographie de la Commission E du BfArM allemand.
ALCALOIDES À STRUCTURES DIVERSES 1213

Le fruit du jujubier et les graines des variétés épineuses (sanjoin [Corée],


suanzaoren [Chine]) sont employés en Chine où la tradition précise que les graines
doivent être rôties avant d'être utilisées, notamment comme sédatif et dans le traitement
de l'insomnie. Cette activité serait liée à la sanjoinine, un alcaloïde peptidique qui
interfère, in vitro, avec les récepteurs au GABA. La sanjoinine et ses dérivés sont aussi
des inhibiteurs de l'activation de la Ca-ATPase par la calmoduline.

Maytansinoïdes

Désignés initialement sous le terme, au demeurant impropre, d'ansamacrolides, ces


substances sont étroitement apparentées aux ansamycines (antibiotiques élaborés par
des micro-organismes).
Isolés de diverses Celastraceae africaines des genres May tenus et Puterlickia, ces
« alcaloïdes» ont une structure complexe, caractérisée par un macrocycle à 19 atomes:
une longue chaîne aliphatique comportant une liaison amidique relie deux carbones non
adjacents d'un noyau aromatique chloré. L'intérêt de ces composés (maytansine,
maytanbutine, maytanprine, etc.) réside dans leur activité antitumorale : actifs sur le
sarcome 180, sur les leucémies L 1210 et P 388 et d'autres modèles, ils agissent sur la
croissance cellulaire à des concentrations voisines du ng/ml. Leur concentation faible
dans les plantes et leur toxicité ont suscité de très nombreux travaux de synthèse. Des
essais cliniques n'ont toutefois pas confirmé leur intérêt comme antitumoral.

BIBLIOGRAPHIE

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Camellia sinensis (L.) O. Kuntze
Bases puriques

1. Généralités .......................................................................................................................... 1215


2. Pharmacologie des bases puriques .................................................................................... 1216
3. Emplois des bases puriques .............................................................................................. .1217
4. Thé, café, cacao .................................................................................................................. 1218
théier .......................................................................................................................... 1219
caféier ....................................................................................................................... 1223
cacaoyer .................................................................................................................... 1225
5. Autres plantes à bases puriques ......................................................................................... 1228
kolatiers, noix de kola .............................................................................................. 1228
maté ........................................................................................................................... 1229
guaranâ ...................................................................................................................... 1230
6. Bibliographie ...................................................................................................................... 1232

1. GÉNÉRALITÉS

Les bases puriques sont des composés à noyau purine, hétérocycle qui, formellement,
résulte de l'annellation d'un noyau pyrimidine à un noyau imidazole. Leur origine
biosynthétique qui n'implique pas un acide aminé, leur caractère amphotère ainsi que
leurs solubilités particulières (solubilité dans l'eau chaude et dans les solvants chlorés)
font que ces composés sont, le plus souvent, considérés comme ne faisant pas partie de
la classe des alcaloïdes. C'est évident pour les nucléotides, de distribution universelle,
ce l'est moins pour certains composés aux propriétés pharmacologiques marquées
comme la caféine, la théophylline ou la théobromine: nombreux sont les auteurs et les
ouvrages qui traitent des « alcaloïdes puriques ». En dehors des nucléotides constitutifs
des acides nucléiques (adénine, guanine) et des esters phosphoriques des nucléosides
(ATP, etc.), le noyau purine n'est pas très fréquent chez les végétaux.
1216 ALCALOÏDES

La caféine ou 1,3,7-triméthylxanthine - la xanthine est la 2,6-dioxopurine - a été


isolée dès 1820. Elle est présente dans les graines des caféiers (1-2 %), dans celles des
kolatiers (1-3 %) ainsi que dans les feuilles du théier (2-4 %). On la trouve également
dans la feuille du maté et dans la graine du guaraml, deux espèces sud-américaines
utilisées pour la préparation de boissons stimulantes. La théophylline (1,3-
diméthylxanthine) est présente en faible quantité dans la feuille du théier et la graine du
kolatier; elle est facilement produite par synthèse. La théobromine (3,7-diméthyl-
xanthine) s'accumule (0,9-3 %) dans les téguments des graines du cacaoyer. Les autres
bases puriques connues ne seront pas envisagées ici, qu'il s'agisse de la (E)-zéatine
(une cytokinine) et de ses dérivés, de la triacanthine de Gleditsia triacanthos L. ou bien
encore des dérivés puriques isolés à partir d'Éponges ou de micro-organismes.

La kola est décrite par la Pharmacopée européenne, le thé noir (feuille), le thé vert
(feuille), le café vert (graine), le maté (feuille) et le guarana font l'objet d'une
'monographie de la 10' édition de la Pharmacopée française.

Biosynthèse. La caféine est formée à partir de la xanthosine : celle-ci est d'abord


méthylée puis elle perd son ribose pour fonner la 7-méthyl-xanthine. Deux méthylations,
en 3 puis en 1, conduisent ensuite à la théobromine, puis à la caféine. La théophylline est,
de fait, le premier produit du catabolisme de la caféine (déméthylation en 7). Celui-ci
peut se poursuivre, il se forme alors successivement de l'acide urique, de l'allantoïne, et
enfin de l'acide allantoïque qui se décompose. Chez certaines espèces, on a isolé aussi le
dérivé tétraméthylé (1,3,7,9) de l'acide urique: la théacrine.

o
~lH3
H

H'C1Jc~)
H3C"

o1 . Jl~
N
1
N o N
1
N
CH 3 CH 3

caféine théophylline

2. PHARMACOLOGIE DES BASES PURIQUES

Caféine
Elle agit principalement au niveau du système nerveux central et du système
cardiovasculaire :
- sur le système nerveux central. Stimulant cortical, la caféine stimule l'état d'éveil,
facilite l'idéation, diminue la sensation de fatigue. Des doses très fortes peuvent induire
de la nervosité, de l'insomnie, des tremblements. Elle stimule le centre respiratoire
bulbaire, accroissant la sensibilité de celui-ci à l'action du dioxyde de carbone;
- sur le système cardiovasculaire. La caféine développe une action inotrope positive,
une tachycardie et une augmentation du débit cardiaque, une légère action
vasodilatatrice périphérique, une discrète activité diurétique.
BASES PURIQUES
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -_ _ _~"..,.....,..~.,:"eèF.
1217
.~'\I;!IIj·'B~Ii'.lI!'.UfKjl!;

La capacité de la caféine à améliorer les performances physiques cl h « 131'1'111,)01' ,. 1"


fatigue n'est pas démontrée (en dehors des conséquences de l'action still1ullll1lC3 du SNe
et des actions cardiovasculaires). Un effet économiseur de glycogène a été susptlclé,
Depuis 2004, la caféine n'est plus inscrite sur la liste des substances interdites pUI'
l'Agence mondiale antidopage, mais elle est simplement surveillée en vue de détecter
d'éventuels signes d'abus.
Il faudrait au moins 60 mg de caféine pour obtenir un effet physiologique notable,
mais l'on observe un phénomène d'accoutumance. Un organisme comme Santé Canada
a estimé que la consommation de 400 à 450 mg de caféine par jour ne présente pas de
danger notable pour la santé humaine (quantités à diminuer pour la femme enceinte
[300 mg] et les enfants [85 mg pour les 10 à 12 ans, 62,5 mg pour les 7 à 9 ans, 45 mg
pour les 4 à 6 ans]).
En France, l'Afssa préconise aux femmes enceintes de modérer leur consommation
de caféine et leur déconseille l'usage des boissons dites « énergisantes» (ces boissons,
surveillées par l'Afssa mais non interdites, peuvent aussi renfermer de la taurine, de la
D-glucuronolactone, etc.). Pour cette même Agence, des effets indésirables de la
caféine peuvent apparaître chez certains individus à partir de 100 à 160 mg.

Théophylline
La théophylline est un inhibiteur des récepteurs Al de l'adénosine et un inhibiteur
de la phosphodiestérase. C'est surtout son action au niveau bronchopulmonaire et
respiratoire qui retient l'attention. La théophylline induit une relaxation non spécifique
sur le muscle lisse bronchique en s'opposant aux effets des divers médiateurs
bronchoconstricteurs. Elle interfère également avec les mouvements calciques
intracellulaires et stimule la musculature striée. On note aussi une stimulation
respiratoire, par augmentation de la sensibilité des centres bulbaires au dioxyde de
carbone. Les autres activités sont de même nature que celles de la caféine: activité
psychostimulante, effets cardiovasculaires modestes (légèrement inotrope et
vasodilatateur); l'activité diurétique, liée à une augmentation de la filtration
glomérulaire et à une diminution de la réabsorption tubulaire du sodium et de l'eau, est
beaucoup plus marquée que celle de la caféine.
Caféine et théophylline sont très rapidement absorbées après administration orale;
leur métabolisme est hépatique, leur élimination urinaire. La demi-vie plasmatique de la
théophylline varie dans de larges proportions selon les individus ce qui nécessite une
adaptation individuelle de la posologie.

3. EMPLOIS DES BASES PURIQUES

Caféine. La caféine est disponible en solution injectable pour l'indication suivante:


traitement de l'apnée du nouveau-né prématuré. Par ailleurs, cette substance entre dans
la formulation de nombreuses spécialités. La majorité de celles-ci sont des associations
avec l'acide acétylsalicylique, la codéine, le paracétamol, le dextropropoxyfène, l'acide
ascorbique; la majorité de ces associations sont proposées comme antalgique ou
1218 ALCALOÏDES

antalgique/antipyrétique. La présence de la caféine dans la fonnule de la spécialité peut


aussi avoir une raison plus spécifique, par exemple augmenter l'absorption intestinale
de l'ergotamine, ou atténuer la somnolence induite par le phénobarbital. La caféine est
également proposée (en applications locales) dans le traitement symptomatique des
surcharges adipeuses sous-cutanées localisées (elle activerait localement la lipolyse).
Les effets indésirables de la caféine per os se manifestent pour des doses fortes :
tachycardie sinusale, douleurs épigastriques, nausées, vomissements, céphalées,
nervosité, insomnie, tremblements. Il y a peu d'interactions entre la caféine (médica-
menteuse ou alimentaire) et les médicaments: on peut toutefois noter que la prise
simultanée d'énoxacine (une fluoroquinolone) et de caféine est déconseillée.
L'énoxacine diminuant fortement le métabolisme hépatique de la caféine, il en résulte
une augmentation importante du taux de caféine dans l'organisme.

Théophylline. La théophylline est généralement utilisée sous forme de base


. anhydre, en comprimés ou en gélules de microgranules à libération prolongée (50, 100,
200,300,400 mg).
La théophylline constitue un traitement symptomatique de l'asthme persistant et des
autres bronchopathies obstructives. Sa marge thérapeutique est étroite et elle est
actuellement moins utilisée. La posologie habituelle (de 7 à 12 mg/kg/24 heures; sans
dépasser 800 mg par jour) est à ajuster progressivement jusqu'à obtention d'un effet
thérapeutique sans effet indésirable (théophyllinémie efficace: 8-20 flg/ml ; seuil
toxique 20 flg/ml). Les formes fortement dosées sont réservées à l'adulte. Chez l'enfant
- elle est nonnalement contre-indiquée chez l'enfant de moins de trente mois - des
précautions d'emploi s'imposent. Contre-indications: intolérance à la théophylline,
insuffisance hépatocellulaire, porphyrie.
Les effets indésirables liés à l'emploi de la théophylline sont neuropsychiques
(nervosité, troubles du sommeil, tremblements, céphalées, convulsions), cardiaques
(tachycardie), digestifs (nausées, vomissements, douleurs épigastriques). Ils peuvent
traduire un surdosage. L'apparition de convulsions est parfois le premier signe
d'intoxication.
L'administration simultanée de f1uoroquinolones telle que l'énoxacine est à proscrire
(risque de surdosage en théophylline par inhibition du CYPIA2); les macrolides, la
cimétidine, la f1uvoxamine, le tric1abendazole engendrent une interaction de même
nature. Les inducteurs enzymatiques peuvent au contraire provoquer une diminution de
la théophyllinémie et, à l'arrêt de leur prescrition, un surdosage en théophylline. Les
effets indésirables de la théophylline s'additionnent avec ceux des médicaments qui
abaissent le seuil convulsivant, avec les hypokaliémiants, les hyperuricémiants, etc.

4. THÉ, CAFÉ, CACAO


Le thé, le café et le cacao sont des productions agricoles de première importance. Ils
ont suscité d'innombrables travaux que reflète une bibliographie pléthorique:
historique, botanique, amélioration, pratiques culturales, préparation des produits
commerciaux, transfonnation, circuits commerciaux et marchés, composition, aspects
BASES PURIQUES 1219

sociologiques et diététiques, impact sur la santé publique, etc. Il n'est donc pas qucstion
de prétendre apporter ici des données originales Toutefois, la théophylline et la caféinc
sont des substances pharmacologiquement actives utilisées dans la formulation de
médicaments et les plantes à caféine usuelles sont inscrites à la Pharmacopée : ces
raisons justifient leur présentation sommaire, selon le plan habituel.

• THÉIER , Camellia sinensis (L.) O. Kuntze, Theaceae


(= Thea sinensis L. = C. thea Link)

Le thé vert est constitué par la feuille jeune, non fermentée, soumise à une dessic-
cation rapide à chaud, puis séchée de C. sinensis et de ses variétés cultivées. Il contient
au minimum 2 % de caféine (Ph. fse, 10' éd.).
Le thé noir est constitué par lafeuille jeune,fermentée, soumise à une dessiccation
rapide à chaud, puis séchée de C. sinensis et de ses variétés cultivées. Il contient au
minimum 2, 5 % de caféine (Ph. fse, 10' éd.).

Vert ou noir (simplement séché ou fermenté), oolong, en feuilles, en sachets,


soluble, nature ou diversement aromatisé, le thé est l'une des boissons les plus
consommées dans le monde avant d'être une plante médicinale. En est-elle d'ailleurs
une? Depuis quelques années, le thé vert retient surtout l'attention pour les propriétés
antioxydantes de ses constituants phénoliques et son éventuel rôle préventif de la
survenue d'affections cardiovasculaires ou cancéreuses.

La plante. Originaire des forêts asiatiques pluvieuses (Chine, Myanmar, Laos,


Thaïlande, Vietnam), le théier est actuellement cultivé en Inde (950000 tonnes), au Sri
Lanka (305000 tonnes), en Chine Cl 186000 tonnes), dans les pays du sud-est asia-
tique (Indonésie, 192000 tonnes - Vietnam, 150000 tonnes), mais aussi sur le continent
africain (Kenya, 315000 tonnes), en Turquie (191 000 tonnes) ou encore en Argentine.
La production mondiale aurait dépassé 3,8 millions de tonnes en 2007 [FAO, 2008].
Spontané, le théier est un petit arbre de 5 à 10 m de hauteur, très rameux, à feuilles
persistantes, molles et duveteuses lorsqu'elles sont jeunes, coriaces et presque glabres
lorsqu'elles sont âgées. Les feuilles peuvent être petites (Chine) ou plus développées
("var." assamica de l'Inde). Les fleurs, solitaires ou par 2-3, sont régulières à 6-9 pétales
blancs. En culture, les théiers sont taillés régulièrement et maintenus à environ 1,2 m de
hauteur pour faciliter la récolte. Celle-ci nécessitant un choix - du moins pour les thés
de qualité supérieure - , elle est le plus souvent manuelle: on récolte en effet
uniquement le bourgeon terminal non épanoui (pekoe) et les premières feuilles, jeunes
et souples. En Inde et en Corée, on pratique aussi une récolte mécanisée.
Il existe de très nombreuses sortes de thés commerciaux (selon les variétés
botaniques, l'âge des feuilles, la variété des traitements, l'origine géographique, etc.).
Commercialement, on distingue:
• le thé vert, stabilisé par la chaleur sèche ou par la vapeur, roulé, séché rapidement
et plus ou moins torréfié. Il est consommé en Chine, au Japon, en Afrique du Nord et au
Moyen-Orient;
1220 ALCALOÏDES

o le thé noir, flétri une vingtaine d'heures, roulé, fermenté en atmosphère humide
puis séché à l'air chaud. Il représente 80 % du marché mondial;
ole thé 0010ng. Peu connu en Europe, il n'est que partiellement fermenté.
La« fermentation» de la feuille du théier, en permettant qu'agissent les polyphénol-
oxydases, modifie sa composition, son aspect, son odeur ainsi que le goût et l'arôme de
l'infusion qu'il sert à préparer (on devrait sans doute plutôt parler d'oxydation
enzymatique partielle que de fermentation). La teneur en caféine n'est pratiquement pas
modifiée par la fermentation.

La feuille. La feuille de thé vert, vert grisâtre, est généralement roulée, repliée,
tordue sur elle-même. Les bords des 3/4 supérieurs du limbe présentent des dents
composées d'un coussinet portant une pointe noirâtre recourbée en griffe. De grosses
sclérites jaune vif, ramifiées, et des macles d'oxalate de calcium incluses dans les
parenchymes palissadique et lacuneux sont visibles au microscope dans la poudre
. (réactif lactique). Même si la feuille de thé noir commercial se présente généralement
en fragments roulés et cassants, on peut y reconnaître des éléments caractéristiques, en
particulier la dentelure de la partie supérieure du limbe; les caractères microscopiques
de la poudre (et de la coupe) sont identiques. Les bases puriques extraites par l'alcool à
60 % sont identifiées par CCM (révélation par de l'alcool iodo-ioduré après
pulvérisation d'alcool chlorhydrique). La caféine est dosée par chromatographie
liquide, après extraction méthanolique.

Composition chimique. La feuille de théier non fermentée contient des protéines


(15-20 %) et des acides aminés (3 %, principalement de la théanine, c'est-à-dire
l'éthylamide de l'acide glutamique), des glucides (5 %), de l'acide ascorbique, des
vitamines du groupe B, du fluor, et des bases puriques principalement représentées par
la caféine (2 à 4 % selon les variétés). Cette caféine du thé est encore parfois dénommée
(à tort) théine. On note également la présence d'hétérosides d'alcools terpéniques,
aliphatiques et aromatiques: leur hydrolyse libère des constituants qui contribuent à
l'arôme de l'infusion.
Les composés phénoliques du thé vert sont particulièrement abondants (plus de
20 % de la masse sèche), mais leur teneur varie selon la variété, l'âge de la feuille (les
plus jeunes sont les plus riches) et la saison (la teneur est plus élevée en été qu'au
printemps). À côté d'acides phénols (acide chlorogénique, acide caféique), d'esters
galliques de glucose (tanins galliques) et de flavonoïdes (O-hétérosides de flavonols et,
dans certaines variétés, C-hétérosides), les constituants majoritaires sont de nature
flavanique : gallate du (-)-épigallocatéchol (EGCG, 5-12 %), gallate du (-)-épi-
catéchol (ECG, 1-5 %), 3,5-digallates des mêmes, (-)-épicatéchol (0,2-2 %), (+)-
catéchol, (+)-gallocatéchol, etc. Plusieurs proanthocyanidols ont également été
caractérisés: procyanidols B-2, B-4, C-1, 3-0-gallates et 3,3' -O-digallates de
prodelphinidols, théasinensines (des gallates biflavaniques à liaison 6'->2" et 6'-> 6''')
et, dans certaines variétés, des dimères de type chalcane-flavane, les assamicaïnes. Une
tasse de thé vert apporterait 300 à 400 mg de polyphénols.
Après fermentation, la composition change: l'infusé passe du jaune pâle (thé vert)
au rouge brun (thé noir), l'odeur devient nettement aromatique. Outre le développement
BASES PURIQUES 1221

OH

HO
HO
OH OH
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théasinensine C théaflavine

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EGCG OH
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théaflagal/ine 3-0-gal/ate de (--)-épigal/ocatéchol

de l'arôme par formation de produits volatils (dérivés cétoniques par dégradation de


carotènes, hexénal par oxydation d'acides gras insaturés, hétérocycles divers par
oxydation et réarrangement de monoterpènes), on remarque une oxydation des
polyphénols (d'où la couleur de l'infusé) en particulier la formation de benzo-
tropolones : théaflavine et ses esters 3-0- ou 3'-0-mono- et 3,3'-0-digalliques (1-2 %),
mais aussi théaflagalline et épithéaflagalline, Les produits les plus abondants sont des
produits d'oxydation et de polymérisation des théaflavines, les théarubigines et leurs
dérivés (10-20 %),
Le thé partiellement fermenté renferme aussi des produits d'oxydation (théa-
flavines) ; on y note la présence de plusieurs théasinensines et celle de bisflavanes
(natifs ?) à liaison 4 - CH 2 - 8' (homobisflavanes).

Propriétés. Diverses propriétés sont attribuées au thé. Il fut d'ailleurs, en Orient, une
plante médicinale avant d'être une boisson. On connaît ses effets stimulants, liés à la
caféine, et son action sur la diurèse. Certains estiment qu'il exercerait un effet protecteur
contre la carie dentaire. Les supposées vertus amaigrissantes du thé vert n'ont pas été
confInnées par des essais cliniques en double insu versus placebo chez des sujets obèses.
Les flavanols du thé vert sont antimutagènes in vitro et s'opposent à la formation de
mutagènes (nitrosamines) ou à l'expression de leur mutagénicité (hydrocarbures
polycycliques aromatiques). Chez l'animal, il a été établi que les infusions et extraits de
thé vert et l'EGCG s'opposent à la cancérisation expérimentale de différents organes
(peau, poumon, duodénum, côlon, etc.). Comme beaucoup d'autres phénols structura-
1222 ALCALOÏDES

lement voisins, les flavanes de la feuille de théier sont des antioxydants, des piégeurs de
radicaux libres. In vitra, ils s'opposent aux réactions de peroxydation des lipides. La
biodisponibilité de ces polyphénols est faible.
La bibliographie sur les effets bénéfiques supposés du thé vert chez l'Homme,
pléthorique, est souvent peu convaincante. Dans le domaine du risque cardiovasculaire, les
données actuelles sont plutôt en faveur d'une action bénéfique mais, en dépit de l'intérêt
de certaines études, elles demeurent contradictoires. Des études épidémiologiques
rétrospectives tendent à relier consommation de thé et diminution de la fréquence de
plusieurs types de cancers, mais elles ne constituent pas une preuve suffisante. Seules
des études d'intervention prospectives, rigoureuses, sur de larges cohortes, pourront
confirmer ou infirmer le possible intérêt de cette boisson largement consommée.

Effets indésirables. La survenue d'une douzaine de cas d'atteinte hépatique recensés,


en France et en Espagne, chez des patients recevant un extrait hydra-alcoolique fort de
'thé vert supposé amaigrissant a conduit, en 2003, au retrait du marché du produit
correspondant. L'intoxication est rare (1 cas pour 100000 boîtes) et en général réversible
à l'arrêt du traitement. Depuis cette date, quelques cas analogues ont été publiés, presque
toujours avec un extrait ou une poudre de thé vert. En 2008, l'US Pharmacopeia Dietary
Supplement Informations Expert Committee (DSI-EC) a publié une synthèse de l'ensemble
des effets indésirables signalés dans la bibliographie depuis les années 1960 et par les
systèmes de vigilance nord-américains, européens et australien: 34 cas d'hépatite ont été
recensés, 27 d'imputabilité possible, 7 d'imputabilité probable. En conséquence, cet
organisme recommande qu'un avertissement soit mentionné sur l'étiquetage. Il est
possible que le gallate d'épigallocatéchol soit à l'origine de ces accidents.
Le théier est une plante connue pour accumuler le fluor. La teneur en cet élément
croît avec la maturité et est inversement proportionnelle à la qualité du thé. La consom-
mation de vieilles feuilles (brick tea) est à l'origine de fluoroses dentaires que l'on
observe dans des régions d'altitude et de faible développement économique du Tibet et
dans certaines zones du Sichuan. En Europe, on a signalé des cas, très exceptionnels,
d'ostéosclérose (fluorose osseuse) chez des individus consommant journellement des
quantités très importantes de thé (plus de 4 litres pour une patiente).

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour lafeuille du théier, les indications thérapeutiques
suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisée par voie orale 1° dans le traitement
symptomatique des diarrhées légères; 2° dans les asthénies fonctionnelles; 3° comme
adjuvant des régimes amaigrissants; 4° pour favoriser l'élimination rénale d'eau. Deux
indications sont également possibles pour l'usage local: adjuvant des régimes
amaigrissants et traitement d'appoint adoucissant et antiprurigineux des affections
dermatologiques, comme trophique protecteur dans le traitement des crevasses,
écorchures, gerçures et contre les piqûres d'insectes. Si le phytomédicament à base de
théier est une poudre de feuille, le dossier « abrégé» d'AMM doit comporter une étude
toxicologique allégée. Celle-ci n'est pas nécessaire pour la feuille pour tisane, l'extrait
aqueux, les teintures et les extraits hydro-alcooliques, quel que soit leur titre. Le thé ne
fait pas l'objet d'une monographie de la Commission E du BfArM allemand.
BASES PURIQUES 1223

• CAFÉIER, Coffea Spp., Rubiaceae

La partie utilisée du café vert est constituée par la graine, privée du tégument et
séchée de C. arabica L., de C. canephora Pierre ex Frëihner et leurs variétés. Le café
vert contient au minimum 1 % de caféine (Ph. fse, 10' éd).
C. arabica est originaire des zones montagneuses du sud-ouest de l'Éthiopie.
Cultivé initialement par les Arabes, son emploi s'est rapidement étendu à l'ensemble du
monde islamique. Introduit en Europe par les Vénitiens (1615), il arrive en France en
1644 (Marseille), à la Cour en 1669 et est vendu au public dès 1672. Peu après, le
premier « café» ouvre à Paris (le Procope). R.-R. PARIS et H. MOYSE rapportent que
380 établissements de ce type étaient ouverts dans la capitale en 1720 (mais il y en avait
plus de 2 000 à Londres en 1715) : la banalisation de son usage n'avait pu être enrayée
par les condamnations médicales plus inspirées par les pressions ... des marchands de
vin 1 que par des observations objectives! Malgré les précautions prises (aucun grain de
café ne pouvait être exporté hors des zones sous influence arabe sans avoir été chauffé,
et donc sans avoir perdu son pouvoir germinatif) quelques pieds furent introduits aux
Antilles, au Brésil 2 (qui devait devenir le premier producteur mondial), en Inde, à
Ceylan. Les difficultés sanitaires des plantations asiatiques conduisirent ultérieurement
à la mise en culture d'autres espèces - en Afrique tropicale (c. canephora, C.liberica)
- puis à celle d'hybrides.

La plante. Les caféiers sont des petits arbres à feuilles entières (10-15 x 4-6 cm)
persistantes, coriaces, luisantes. Les fleurs, blanches et odorantes, sont groupées en
verticilles à l'aisselle des feuilles. Le fruit est une drupe verte, devenant rouge à
maturité, renfermant habituellement deux graines plan-convexes accolées par leur face
plane. Si deux espèces seulement fournissent l'essentiel du café marchand (C. arabica
et C. canephora) il existe de nombreuses espèces de caféiers à l'état sauvage dans les
forêts tropicales de l'est de l'Afrique.

La graine. La graine est ovale (10-15 x 6-8 mm), convexe sur la face dorsale,
aplatie sur la face ventrale, laquelle est parcourue par un sillon longitudinal, le hile.
Dure et verdâtre, elle est dépourvue d'odeur. L'examen microscopique de la poudre de
café vert met surtout en évidence des fibres fusiformes provenant du tégument et des

1. En France. En Italie l'opposition fut surtout celle des prêtres. Au Royaume-Uni, son usage
déclencha l'ire de ligues de femmes dont les maris fréquentaient davantage les cafés que le domicile
conjugal. CHARLES II s'associa à cette méfiance ... très provisoirement: onze jours après la
proclamation interdisant les coj/ee houses, la proclamation inverse était publiée! Ailleurs, les édits
autoritaires de FRÉDÉRIC de Prusse (avec comme raison que lui-même buvant de la bière les autres
devaient en faire autant) n'eurent pas plus de succès. Le plus raisonnable fut sans doute GUSTAVE III de
Suède qui ordonna la réalisation d'un essai clinique (versus thé) sous contrôle médical sur des jumeaux
condamnés à mort pour meurtre: las! Juges, médecins et roi moururent bien avant les heureux
condamnés qui durent au café (et au thé) de vivre tranquillement plus de 83 ans ... Cf. Smith, R.F.,
(1985). A history of coffee, in Clifford, M.N. et Willson, K.C., op. cit., p. 1-12.
2. Où il fut apporté par un officier qui l'avait obtenu, caché dans un bouquet de fleurs, en
témoignage d'affection de la part de la femme du gouverneur de la Guyane française.
1224 ALCALOÏDES

cellules de l'albumen: polyédriques, leur paroi est nacrée et irrégulièrement épaissie en


chapelet; elles renferment des gouttelettes huileuses. Les bases puriques extraites par
l'alcool à 60 % sont identifiées par CCM (révélation par de l'alcool iodo-ioduré après
pulvérisation d'alcool chlorhydrique). La caféine est dosée par chromatographie
liquide, après extraction méthanolique.

Production. Le café «en grain» est obtenu par voie humide (fermentation, lavage)
ou par voie sèche (séchage puis décorticage mécanique) à partir du café « en cerise »,
c'est-à-dire à partir des drupes. Le dépulpage élimine l'épicarpe rouge et le mésocarpe
charnu; il conduit au café « en parche ». C'est après déparchage (élimination de
l'endocarpe sc1érifié) que l'on obtient le café « en grain» (ou fève). La production
mondiale de café (7,74 millions de tonnes en 2007 selon la FAO) est principalement le
fait de l'Amérique du Sud (Brésil, 2178000 tonnes; Colombie, 710000 tonnes; Pérou,
230000 tonnes) et de l'Amérique centrale (Mexique, 320000 tonnes, Guatemala,
216000 tonnes, Honduras, 200000 tonnes, etc.). Les caféiers sont également cultivés
en Asie (Vietnam (l 060000 tonnes), Indonésie, 665000 tonnes, Inde, 275000 tonnes,
etc.) et en Afrique (Éthiopie, 325000 tonnes, Côte d'Ivoire, 170000 tonnes, etc.).

Composition chimique. Plus de 50 % de la matière sèche du grain de café vert sont


représentés par des glucides, essentiellement des polysaccharides. Les protéines
représentent 10-12 % de cette masse, les lipides 10 à 18 %. La fraction insaponifiable
des lipides bruts est importante (plus de 10 %) : à côté de stérols, d'hydrocarbures, de
tocophérols, on note la présence d'alcools diterpéniques (cafestol, kahweol, et dérivés
kauraniques) qui existent à l'état libre et, surtout, à l'état d'esters d'acides gras. Le grain
de café contient environ 5 % d'acides phénols: acide quinique, acide caféique, acide
chlorogénique. La teneur en caféine est variable: de 0,6 à 2 % et au delà de 3 % pour
certains canephora (variété robusta).
Lors de la torréfaction, la texture et la composition du grain changent de façon
importante. La teneur en eau baisse, le grain gonfle, les polysaccharides sont très
dégradés (formant notamment des produits solubles), des pigments se forment (furanes
polycondensés) et l'arôme se développe, extrêmement complexe (plusieurs centaines
de composés: alcools, phénols, aldéhydes, dérivés furaniques et pyrroliques, carbures,
thiophènes, etc.). L'étude de la torréfaction et de la genèse de l'arôme sortant du cadre
de la pharmacognosie, le lecteur intéressé se reportera aux publications spécialisées
(ex. : Clifford, M.N., in Clifford, MN. et Willson, K.C., op. cit., p. 305-374 et réf. citées).

Propriétés. La consommation de café pourrait diminuer le risque de survenue d'une


maladie de PARKINSON chez l'humain du fait de l'action des bases puriques sur les
récepteurs à l'adénosine; on suspecte également un lien entre la consommation de café
et la réduction d'apparitions d'un diabète de type II, sans pour autant pouvoir attribuer à
la caféine cette constatation. La consommation de café élève très faiblement la pression
artérielle et semble sans impact sur le risque cardiovasculaire. La consommation
prolongée de café provoquerait chez les grands consommateurs une dépendance; on
peut observer une tolérance et, peut-être, un syndrome de sevrage. Sur les symptômes
de l'intoxication et des troubles liés à la caféine (trouble anxieux, trouble du sommeil,
BASES PURIQUES 122~
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - , . _ - - '.... ...
"'.~",-".,"' ',.".

etc.) voir, entre autres, le Manuel diagnostique et statistique des troubles I11CllluliX
(DSM-IV-TR,2004).

Emplois. En France, le café ne figure pas à l'annexe 1 de la Note explicative de


l'Agence du médicament (1998). En Allemagne, la Commission E du BfArM a établi
une monographie pour le « charbon de café» (obtenu par carbonisation des parties
externes du grain et broyage). Ce produit constitue un traitement non spécifique de la
diarrhée aiguë, et un traitement local des inflammations modérées des muqueuses de la
bouche et du pharynx. Posologie: 9 g par jour. Compte tenu de son pouvoir adsorbant,
ce charbon peut modifier l'absorption des médicaments qui seraient ingérés
simultanément.
Une partie de la caféine utilisée en thérapeutique provient de la décaféination des
cafés (par le dioxyde de carbone supercritique) .

• CACAOYER , Theobroma cacao L., Malvaceae

Le cacaoyer est un arbre originaire des forêts tropicales de l'Amérique centrale et


des forêts équatoriales de l'Amérique du Sud. Il est surtout cultivé en Afrique de
l'Ouest, de part et d'autre de l'équateur: la Côte d'Ivoire produit à elle seule 32 % (1,3
millions de tonnes) de la production mondiale (4 millions de tonnes), le Ghana en
produit 17 % (690000 tonnes), le Nigeria 500000 tonnes, le Cameroun 180000 tonnes.
Le cacaoyer est également cultivé en Amérique du Sud (Brésil: 220000 tonnes) et, en
quantités croissantes, en Indonésie [620000 tonnes] (estimations FAO, 2007).

La plante. Le cacaoyer est caractérisé par l'insertion directe de ses fleurs sur le
tronc et sur les grosses branches ainsi que par ses fruits très typiques : indéhiscentes et
volumineuses (15-20 x 10-12 cm), les cabosses - c'est leur nom - ont une paroi
coriace jaune à rouge marquée par des sillons verruqueux. Elles renferment 20 à 40
graines, les fèves, enfermées dans une pulpe blanche.
À l'état frais les fèves sont inodores, très astringentes et amères: elles ne prendront
leur couleur brune qu'après fermentation prolongée et dessiccation. La torréfaction et le
laminage ultérieurs feront apparaître les qualités gustatives remarquables du cacao et
des produits dérivés (<< chocolats» du commerce).

Composition chimique. L'amande de la graine de cacaoyer contient environ 50 %


de lipides. Ceux-ci, le « beurre de cacao », sont constitués à 75 % de triacylglycérols
symétriques ayant un acide oléique en position 2. La composition en acides gras varie
peu selon l'origine géographique: saturés en C 16 (25-29 %) et C 18 (32-37 %) et
insaturés en C 18 : 1 (33-37 %). On note la présence de composés phénoliques, flavan-3-
ols ([-]-épicatéchol, [+]-catéchol), glycosides d'épicatéchol, procyanidols dimères B-l,
B-2, B-5, trimère C-I et oligomères. C'est l'oxydation de ces polyphénols au cours du
processus fermentaire qui explique la couleur caractéristique de la fève. Les
polyphénols natifs sont en partie dégradés au cours de la préparation du chocolat:
l'influence des procédés de préparation est déterminante sur la teneur et la composition
Theobroma cacao L.
BASES PURIQUES 1227

finale en polyphénols, ainsi d'ailleurs que la forme ultime: poudre de cacao (la plus
riche), chocolat noir, chocolat au lait, "chocolat" blanc. Le chocolat noir constitue
malgré tout l'un des apports alimentaires potentiels les plus importants en flavanols et
proanthocyanidols (avec les pommes, le vin rouge et le thé). Les bases puriques sont
représentées dans la fève par la théobromine 3 (1-3 %) et la caféine (0,05-0,3 %).

Propriétés biologiques. Les polyphénols du cacao sont de puissants antioxydants. In


vitro, ils inhibent la lipoxigénase et, chez les rongeurs, ils s'opposent à l'oxydation des
LDL. Chez l'Homme, la consommation d'un chocolat riche en polyphénols augmente la
capacité antioxydante du plasma, réduit l'agrégabilité plaquettaire, augmente la
production de NO et améliore la fonction endothéliale vasculaire, diminue le taux de
leucotriènes vasoconstricteurs, augmente celui des prostacyclines vasodilatatrices, mais
modifie apparemment très peu le bilan lipidique. En théorie, les polyphénols du cacao
pourraient donc participer à la prévention du risque d'accident cardiovasculaire. Il est
vraisemblable que l'apparente activité du chocolat est liée à sa richesse en épicatéchol
(absorbable), la biodisponibilité des proanthocyanidols étant particulièrement faible
(mais quelles sont la nature et les propriétés de leurs produits de dégradation ?).

Évaluation clinique. La consommation de chocolat participe-t-elle à la diminution


de la pression artérielle? C'est possible. Récemment, les auteurs de deux synthèses
avec méta-analyse d'essais randomisés (5 essais pour chaque synthèse) ont constaté que
la consommation de chocolat diminuait de façon statistiquement significative la
pression systolique (de l'ordre de 5 mm Hg) et la pression diastolique (de l'ordre de 3
mm Hg). On note que les essais inclus avaient un effectif faible, une durée très limitée,
pas d'insu, et un apport journalier en chocolat massif (100 g le plus souvent...).
Toutefois, ces données sont en accord avec les conclusions d'une étude qui, ayant suivi
pendant 15 ans une cohorte de 470 sujets, a constaté qu'une diminution de la pression
artérielle et de la mortalité était reliée à une augmentation de la consommation de
chocolat.
Sur le plan diététique, il faut remarquer que la consommation de chocolat entraîne
une consommation accrue de sucre et de graisses saturées (mais l'acide stéarique
d'origine végétale semble neutre quant à la cholestérolémie). De ce fait, certains
estiment que les poudres de cacao seraient plus intéressantes que le(s) chocolat(s).
À ce jour, le bénéfice que l'on peut attendre de la consommation de chocolat en
termes de santé (risque cardiovasculaire notamment) reste à démontrer par des essais
d'intervention vastes et de longue durée, indépendants, utilisant des doses acceptables
de chocolats titrés en polyphénols.

Emplois. Le beurre de cacao n'est plus guère utilisé comme excipient gras; il est
avantageusement remplacé par des produits hémisynthétiques plus faciles d'emploi et

3. Cette teneur en théobromine explique la toxicité du chocolat et des coques du fruit pour certains
animaux, en particulier les chiens: une dose supérieure à 0,3 g/kg peut être mortelle chez cet animal.
L'intoxication est marquée par de la diarrhée, de l'incontinence urinaire, des symptômes neurologiques
(convulsions, coma).
1228 ALCALOÏDES

de meilleure conservation. En Allemagne, la Commission E du BfArM précise que les


propriétés attribuées aux téguments de la graine n'étant pas démontrées, elle n'en
recommande pas l'utilisation thérapeutique. Il en est de même pour la graine qui est
incorporée dans des mélanges. Par contre l'usage comme correcteur de goût est
possible.
Le principal utilisateur du cacao est bien entendu le secteur agroalimentaire : chaque
Français consommerait 7 kg de chocolat par an (DGCCRF, 2008). Rappelons (cf. 9 p.
176 ) que six graisses végétales peuvent être incorporées dans le chocolat dans la limite
de 5%. Dans ce cas, la réglementation exige l'inscription de la mention « contient des
matières grasses végétales en plus du beurre de cacao» sur le produit.

5. AUTRES PLANTES À BASES PURIQUES

.KOLATIERS, Cola spp., Malvaceae

La kola est constituée par la graine privée de tégument, entière ou fragmentée,


séchée de C. nitida (Vent.) Schott & Endl. (c. vera Schum.) et de ses variétés ainsi que
de C. acuminata (P. Beauv.) Schott & Endl. (Sterculia acuminata P. Beauv.) Elle
contient au minimum 1,5 % de caféine. (Ph. eur., 6c éd., [01/2008:1504]).

Les plantes, la graine. Les kolatiers sont des arbres de moyenne grandeur (10-15
m) croissant dans les zones équatoriales de l'Afrique de l'Ouest: de la Sierra Leone au
Nigeria et jusqu'au Gabon. L'espèce la plus utilisée est Cola nitida. On cultive aussi
des espèces voisines telles que C. acuminata, C. verticillata (Thonn.) Stapf ex A.
Chev., etc. Les fruits comportent 2-6 follicules ligneux, volumineux (8-12 x 4-8 cm),
groupés en étoile; ils sont généralement cueillis avant maturité. Les follicules sont
ouverts et les graines (5-10 par follicule) récupérées sont laissées quelques jours en tas
ou immergées dans l'eau. On élimine alors le tégument pulpeux qui s'est désagrégé.
Dans ses régions d'origine, la noix de cola est consommée fraîche (mastication).
Selon l'espèce et la variété, la graine est blanche, rosée ou rouge clair à l'état frais; à
l'état sec elle est brun acajou foncé et, chez C. nitida, se partage en deux cotylédons
sensiblement plan-convexes, presque toujours séparés dans la graine commerciale
(<< kolas-demi », 3-4 x 2-2,5 x 1-2 cm). Chez C. acuminata, la graine se fragmente en 4-
6 morceaux irréguliers, plus petits que chez C. nitida (<< kola-quart»).
La poudre de kola est riche en grains d'amidon, observables au microscope dans
une solution de glycérol à 50 % : ovoïdes ou réniformes, mesurant de 5 Jim à 25 Jim,
ces grains ont un hile étoilé excentique et sont striés concentriquement.
La morphologie de la kola, les caractères microscopiques de sa poudre et la
présence des bases puriques dans un extrait par l'alcool à 60 % (CCM révélée par de
l'alcool iodo- ioduré après pulvérisation d'alcool chlorhydrique) permettent
l'identification. La caféine est dosée par chromatographie liquide, après extraction
méthanolique.
BASES PURIQUES 1229

Composition chimique et emplois. Outre les bases puriques principalement


représentées par la caféine (l,8 à 2,5 % de caféine pour la graine sèche), on note la
présence dans la graine de polyphénols, surtout des flavan-3-ols : (+)-catéchol (3-3,5
%), (-)-épicatéchol (2 %) et proanthocyanidols dimères du groupe B (B-l, B-2, 2-3 %).
La caféine forme une association moléculaire avec les dérivés catéchiques et, de ce fait,
les proportions de caféine libre et combinée varient selon que la graine est fraîche,
sèche ou stabilisée.

Propriétés. Les propriétés attribuées à la kola sont celles qui sont habituellement
revendiquées pour la caféine: stimuler le SNC et diminuer la sensation de fatigue.

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour la graine de kola, une indication thérapeutique
pour la voie orale: traditionnellement utilisé dans les asthénies fonctionnelles. Aucune
évaluation toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un dossier « abrégé»
d'AMM (poudre, graine pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques quel
qu'en soit le titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
la graine de kola est utilisée en cas de fatigue mentale ou physique. Posologie
journalière: de 2 à 6 g de graines .

• MATÉ, Ilex paraguariensis St Hilaire, Aquifoliaceae

Le maté vert est constitué par lafeuille d'I.paraguariensis, soumise à une dessic-
cation rapide à chaud et incisée (Ph.fse, 10' éd.). Sa teneur en caféine est au minimum
de 0,8 %.

La plante, la feuille. Le maté est un grand arbre au feuillage persistant,


actuellement cultivé sur de grandes surfaces dans le sud du Brésil, au Paraguay, en
Uruguay et dans le nord de l'Argentine, régions dans lesquelles il est également
spontané. Industriellement, les feuilles fraîches sont traitées pendant un temps très court
à haute température - ce qui inactive les polyphénol-oxydases - puis séchées et
souvent fumées et stockées sur une longue durée au cours de laquelle l'arôme se
développe. La production mondiale avoisine 1 million de tonnes (FAO, 2007) et la
consommation est essentiellement locale.
La feuille, coriace, a un limbe ovale elliptique à bords dentés, à nervures pennées
saillantes à la face inférieure. Elle est identifiée par les caractères microscopiques de sa
section transversale. Une CCM révélée par de l'alcool iodo-ioduré après pulvérisation
d'alcool chlorhydrique permet d'identifier caféine et théobromine dans un extrait par
l'éthanol à 60 % et la caféine est dosée par chromatographie liquide sur un extrait
méthanolique.

Composition chimique. La feuille de maté ne contient pas de tanins au sens strict,


mais jusqu'à 10 % d'acides chlorogéniques totaux (acides mono- et dicaféylquiniques,
1230 ALCALOÏDES

féruloyl- et p-coumaroyl-quiniques) et des flavonoïdes (rutoside). Elle renferme en


outre des saponosides - les matésaponines 1-5, et les saponines na-b, J2a-b, Ba-b
sont des mono- et des bidesmosides de l'acide ursolique et de l'acide oléanolique. Les
bases puriques (1,4-2,6 %) sont majoritairement représentées par la caféine (0,9-1,7 %)
et la théobromine (0,4-0,9 %). L'arôme particulier de la feuille est dû à un mélange
complexe de plus de 250 constituants (aldéhydes, cétones et alcools aliphatiques,
dérivés furaniques et pyrroliques, dérivés soufrés, monoterpènes, ionone, etc.).

Pharmacologie, évaluation, toxicité. Les extraits de maté sont antioxydants


(polyphénols) et stimulants du SNC (caféine). Par leur teneur en caféine, ils pourraient
participer à l'action amaigrissante revendiquée par les promoteurs de préparations
diverses. Aucun essai clinique évaluant une monopréparation de maté ne valide cette
allégation.
Plusieurs études épidémiologiques ont suggéré qu'il existe un lien entre la
. consommation régulière et massive de maté et l'augmentation de fréquence de certains
cancers en Amérique du Sud (vessie, tête et cou, poumon). Pour certains auteurs, cela
pourrait s'expliquer par la présence d'hydrocarbures polycycliques aromatiques issus
du traitement des feuilles par la fumée de bois (les composants du maté ont plutôt une
action protectrice in vitro).

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour la feuille de maté, les indications thérapeutiques
suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé 1° dans les asthénies fonctionnelles;
2° comme adjuvant des régimes amaigrissants; 3° pour favoriser l'élimination rénale
d'eau. En usage local, l'indication « adjuvant des régimes amaigrissants» est également
autorisée. Aucune évaluation toxicologique n'est demandée pour la constitution d'un
dossier « abrégé» d' AMM (poudre, feuille pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-
alcooliques quel qu'en soit le titre).
En Allemagne, la monographie établie par la Commission E du BfArM précise que
lafeuille du maté est utilisée en cas de fatigue mentale ou physique. Posologie: 3 g de
feuilles par jour (ou préparation équivalente) .

• GUARANÂ,
Paullinia cupana Kunth ex H.B K. var. sorbilis (Mart.) Ducke
(= P. sorbilis C. Mart.), Sapindaceae

La graine de guarana est constituée par la graine soumise à une rapide dessiccation
à chaud de P. cupana. Elle contient au minimum 5,5 % de caféine (Pf. fse, lOc éd.).
La pâte de guarana est constituée par la pâte séchée, obtenue par écrasement de
l'amande, soumise à une rapide dessiccation à chaud et humidifiée, de P. cupana. Elle
contient au minimum 3 % de caféine (Pf. fse, 10' éd.)

La plante, la graine, la pâte. Paullinia cupana est une plante grimpante à petits
fruits rouge vif dont on utilise la graine. Traditionnellement, celle-ci est débarrassée de
BASES PURIQUES 1231

son tégument, grillée, et broyée avec de l'eau pour former une pâte qui est roulée en
bâtons (bastêio), séchée au soleil, puis soumise au fumage: on l'utilise râpée.
La graine est plus ou moins sphérique, glabre et luisante. Examinée au microscope
(réactif lactique), la poudre de graine présente de nombreux grains d'amidon, des
cellules de l'épisperme à bords lobés et des cellules scléreuses à parois canaliculées.
La pâte de guarana se présente en cylindres de couleur brune; sa saveur, astringente
et amère, rappelle celle du cacao. Après extraction par le dichlorométhane en milieu
ammoniacal, les bases puriques sont caratérisées par la coloration rouge que prend le
résidu extractif chauffé à sec en présence d'acide chlorhydrique et de peroxyde
d'hydrogène (réaction dite de la murexide).
L'identité de la graine ou de la pâte est confirmée par la CCM d'un extrait par
l'alcool à 60 % (caféine, théobromine, révélation par de l'alcool iodo-ioduré après
pulvérisation d'alcool chlorhydrique). La caféine est dosée par chromatographie liquide
après extraction méthanolique.

Composition chimique. La graine renferme de la caféine (3,6-5,8 %, concentrée


dans les cotylédons), des saponosides et des polyphénols (catéchol, épicatéchol,
proanthocyanidols) .

Pharmacologie, évaluation, toxicité. Les propriétés attribuées au guarana sont


celles qui sont habituellement revendiquées pour la caféine: stimulant du SNC, il
augmente l'attention et s'oppose à la somnolence et à l'endormissement. Son action sur
les performances cognitives de sujets sains reste à confirmer; si elle était confirmée,
elle ne serait peut-être pas due à la seule caféine. Aucun essai clinique évaluant le
guarana en monopréparation n'ayant été publié, sa contribution à l'action de
suppléments amaigrissants - dont l'intérêt n'est pas solidement démontré - n'est pas
connue. Le guarana n'est, semble-t-il, pas toxique. Certaines boissons commerciales
apportent toutefois une quantité de caféine telle qu'il appartient à certains
consommateurs d'en tenir compte (hypertendus, insomniaques, etc.).

Emplois. En France, la Note explicative de l'Agence du médicament (1998) admet


qu'il est possible de revendiquer, pour la graine de Paullinia et pour l'extrait (pâte de
guarana) les indications thérapeutiques suivantes (voie orale) : traditionnellement utilisé
1° dans le traitement symptomatique des diarrhées légères; 2° dans les asthénies
fonctionnelles; 3° comme adjuvant des régimes amaigrissants (dans cette dernière
indication, il peut aussi être utilisé en usage local). Aucune évaluation toxicologique
n'est demandée pour la constitution d'un dossier « abrégé» d'AMM (poudre, graine
pour tisane, extrait aqueux et extraits hydro-alcooliques quel qu'en soit le titre). Il en est
de même pour la pâte de guarana, à ceci près que les extraits hydro-alcooliques de titre
élevé et la teinture ne sont pas utilisés de façon traditionnelle.
Paullinia cupana ne fait pas l'objet d'une monographie de la Commission E du
BfArM allemand.
Le principal emploi du guarana est la préparation de diverses boissons gazeuses
dites « boissons énergisantes». Il est également présent dans diverses préparations
présentées comme susceptibles de faire perdre du poids.
1232 ALCALOÏDES

6. BIBLIOGRAPHIE

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Annexe
glossaire des termes botaniques
1236 PHARMACOGNOSIE, PHYTOCHIMIE, PLANTES MÉDICINALES

Abaxial Situé du côté opposé à l'axe (qui se rapporte à la partie inférieure d'une
feuille).
Acaule Se dit d'un végétal dont la tige, réduite, semble absente.
Aciculaire En forme d'aiguille.
Adaxial Situé du côté de l'axe (qui se rapporte à la partie supérieure d'une feuille).
Accrescent Une pièce florale est accrescente lorsque sa croissance continue après la
fécondation.
Actinomorphe Se dit d'une fleur à symétrie radiale.
Acuminé Le limbe d'une feuille est acuminé lorsqu'il se termine brusquement en
une pointe effilée.
Adventice Se dit d'une plante originaire d'une autre contrée et non volontairement
introduite; espèce « indésirable » dans une culture.
Adventif, ve Se dit d'un organe qui apparaît dans une présentation inhabituelle (ex. :
racines adventives sur la tige du lierre).
Aigrette Faisceau de poils portés par certains fruits ou graines pour faciliter leur
dispersion par le vent.
Akène (litt: qui ne s'ouvre pas) Fruit sec indéhiscent dont la graine n'est pas
soudée au péricarpe. [S'il est soudé, c'est un caryopse; ex : grain de blé].
Amplexicaule Feuille ou bractée dont la base élargie embrasse la tige à son point
d'insertion.
Androcée Ensemble des organes mâles (étamines) d'une fleur.
Anthère Partie terminale de l'étamine, formée de loges polliniques.
Anthèse Épanouissement de la fleur.
Arille Production d'origine tégumentaire qui se développe au niveau ou autour
d'une graine après la fécondation et jamais adhérente à celle-ci.
Axillaire Qui se situe à l'aisselle d'un organe.
Baie Fruit charnu à pépins.
Bilabié Qualifie un calice ou une corolle dont les pièces sont soudées en deux
lots constituant chacun une lèvre.
Bisannuelle Se dit d'une plante dont le cycle végétatif s'étale sur deux années (elle
fleurit, fructifie et meurt la 2' année).
Bractée Petite feuille (plus ou moins modifiée) à l'aisselle de laquelle se différencie
une fleur ou une inflorescence. Elles peuvent être nombreuses (entourant le
capitule des Asteraceae), développées et enveloppantes (spathe des
Araceae), etc.
Caduc, uque Se dit d'un feuillage qui tombe en cours d'année.
Calice Ensemble des pièces externes (les sépales) du périanthe.
Calicule Pièces vertes doublant le calice chez certaines Angiospermes
(Malvaceae, Rosaceae).
ANNEXE: GLOSSAIRE 1237

Capitule Inflorescence à fleurs sessiles ou subsessiles portées par le sommet élargi


du pédoncule (réceptacle) (ex: marguerite, chardons, etc).
Capsule Fruit sec déhiscent s'ouvrant par des fentes ou des pores.
Carpelle Feuille spécialisée sur laquelle sont portés les ovules. Les carpelles,
uniques ou multiples, clos, plus ou moins soudés entre eux, constituent le
pistil ou gynécée des fleurs d'Angiospermes.
Caulinaire Qui appartient (qui est inséré sur) à la tige (feuilles caulinaires : par
opposition à feuilles basilaires).
Cespiteux Qui forme des touffes.
Chagriné D'aspect grenu.
Chaton Épi de fleurs unisexuées, sessiles ou subsessiles (caractéristique de la
plupart des espèces ligneuses indigènes).
Connectif Partie de l'anthère située entre les deux loges polliniques.
Connées Se dit de feuilles opposées et soudées par leurs bases (ex.
chèvrefeuilles) .
Cordé En forme de cœur (= cordiforme).
Corolle Partie interne du périanthe, formée des pétales.
Cortical Qui se rapporte au cortex (à l'écorce).
Corymbe Inflorescence indéfinie. Les points d'insertion des pédoncules
s'échelonnent sur le rameau et leur longueur inégale permet aux fleurs
d'être situées approximativement dans le même plan.
Cultivar (Cultivated variety) Variété créée par la sélection et propagée pour son
intérêt économique (cv.).
Cuticule Revêtement imperméable recouvrant l'épiderme.
Cyme Inflorescence définie portant une fleur (la plus ancienne) à l'extrémité de
son axe principal. Les rameaux latéraux peuvent se développer sur un
seul côté (cyme unipare) ou, opposés, sur les deux côtés de l'axe (cyme
bipare). La cyme en forme de crosse est dite scorpioïde.
Décurrent Se dit du limbe d'une feuille quand il se prolonge, sur le pétiole, par de
petites ailes.
Décussé Se dit de feuilles dont les paires successives sur l'axe forment entre elles
un angle droit.
Déhiscent Qui s'ouvre spontanément (fruit, anthère, sporange).
Dioïque Se dit d'une plante à fleurs unisexuées, les mâles et les femelles sur des
pieds différents.
Drupe Fruit charnu indéhiscent renfermant une seule graine enfermée dans un
noyau dur (endocarpe sclérifié).
Endocarpe Partie la plus interne du péricarpe d'un fruit (l'endocarpe d'une drupe est
sclérifié [paroi du noyau]).
1238 PHARMACOGNOSIE, PHYTOCHIMIE, PLANTES MÉDICINALES

Épi Inflorescence indéfinie formée d'un axe portant des fleurs ou des groupes
de fleurs (épillets) sessiles échelonnés sur l'axe (le rachis) (Poaceae,
Polygonaceae).
Épiphyte Se dit d'un végétal qui se développe sur un autre végétal (sans relation
trophique) (ex: Bromeliaceae, Orchidaceae).
Étamine Organe mâle de la fleur.
Filet Partie inférieure de l'étamine portant l'ovaire.
Fleuron Fleur unitaire d'un capitule.
Foliole Nom donné à chacune des divisions d'une feuille composée.
Follicule Fruit sec, constitué par chacun des carpelles non soudés d'un gynécée
pluricarpellé, déhiscent par une seule fente.
Glomérule Inflorescence formée de nombreuses fleurs sessiles fixées au même
niveau sur un axe.
""Gousse Fruit sec normalement déhiscent, formé d'un seul carpelle et s'ouvrant
par deux fentes
Grappe Inflorescence indéfinie formée d'un pédoncule portant, de façon alterne,
des fleurs pédicellées s'épanouissant de la base au sommet.
Gynécée Ensemble des organes femelles de la fleur, c'est-à-dire des carpelles.
Hile Petite plaque à la surface d'une graine, marquant l'emplacement de la
formation (le funicule) qui reliait l'ovule à la paroi de l'ovaire.
Hispide Qui possède des poils longs.
Imparipennée Se dit d'une feuille composée pennée possédant une foliole terminale,
donc un nombre impair de folioles.
Indéhiscent Qui ne s'ouvre pas spontanément (cf. akène).
Indusie Formation membraneuse protégeant, chez les Fougères, les sores de
sporanges.
Inflorescence Ensemble des fleurs regroupées sur le même axe. Elle peut être indéfinie
(l'apex est occupé par un bourgeon, les fleurs les plus âgées se trouvent à
la base de l'axe) ou définie (l'apex est occupé par une fleur, les fleurs
s'épanouissent de l'apex vers la base). Inflorescences indéfinies: grappe
(et épi), corymbe, ombelle, capitule. Inflorescence définie: cyme.
Involucre Ensemble des bractées groupées à la base d'une ombelle ou d'un
capitule.
Lenticelle Pore permettant les échanges gazeux à travers le suber.
Ligule Corolle de certaines Asteraceae dont les 5 pétales soudés forment une
languette déjetée latéralement (les « pétales blancs» de la marguerite
sont en fait les ligules des fleurs périphériques du capitule).
Limbe Partie plate et élargie de la feuille.
Monoïque Plantes à fleurs mâles et femelles séparées, mais portées par le même individu.
ANNEXE: GLOSSAIRE 1239

Obtus Atténué en un sommet arrondi.


Ombelle Inflorescence indéfinie dont les fleurs, situées dans le même plan, sont
portées par des pédoncules partant du même point. L'ombelle peut être
simple ou composée d'ombellules. Chaque pédoncule étant axillé par une
bractée, on observe généralement un involucre à la base de l'ombelle (et
un involucelle à la base de l'ombellule).
Palmé Se dit d'une feuille dont le limbe est découpé en segments tous réunis au
sommet du pétiole comme les doigts de la main (ex: feuille du
marronnier). Le découpage plus ou moins profond des lobes est précisé
par les qualificatifs de palmatiséqué, -partite, -lobé, -fide.
Panicule Inflorescence indéfinie dérivée de l'épi (fleurs isolées ou groupées,
pédonculées) .
Pédoncule Axe portant la fleur, puis le fruit.
Peltée Une feuille est peltée quand le pétiole est uni au limbe au milieu de celui-
ci (nénuphar, capucine).
Pennatiséqué, -partite, -lobé, -fide. Adjectifs utilisés pour caractériser le degré de
découpage des lobes d'une feuille pennée. S'applique aussi pour qualifier
une nervation.
Pennée Se dit d'une feuille composée dont les folioles sont disposées de part et
d'autre de l'axe principal.
Périanthe Ensemble des pièces protectrices de la fleur.
Péricarpe Paroi du fruit (épicarpe + mésocarpe + endocarpe).
Pétiole Partie amincie de la feuille reliant le limbe à la tige.
Pistil Gynécée.
Pyxide Capsule s'ouvrant par un opercule qui se détache.
Pubescent Qui est couvert de poils.
Racème Grappe
Rachis Prolongement du pétiole sur lequel sont insérées les folioles (feuille
composée-pennée) .
Raphide Cristal d'oxalate de calcium en forme de très fine aiguille.
Réceptacle Extrémité élargie du pédoncule floral (plan, concave, convexe, etc.).
Réfléchi Recourbé à 180 0 (à l'opposé du sens d'insertion).
Rhizome Tige souterraine vivace émettant annuellement des tiges aériennes et des
racines adventives.
Samare Akène pourvu d'une aile membraneuse.
Scarieux Membraneux, mince et transparent.
Scléreux À parois imprégnées de lignine (sclérifié) ..
Sessile Se dit d'un organe qui s'insère directement sur l'axe (sans l'intermédiare
d'un pétiole ou d'un pédoncule).
1240 PHARMACOGNOSIE, PHYTOCHIMIE, PLANTES MÉDICINALES

Spadice Inflorescence indéfinie à fleurs sessiles unisexuées portées sur un axe


plus ou moins charnu (Araceae, Palmae).
Spathe Grande bractée entourant l'inflorescence des Araceae.
Stigmate Partie terminale du gynécée, réceptrice du pollen.
Stipe Chez les Angiospermes : formation mimant un tronc. Ex : axe
cylindrique marqué par les cicatrices des feuilles tombées des palmiers
ou des yuques.
Stipule Appendices foliacés ou membraneux, parfois épineux, placés au point
d'insertion de la feuille sur la tige. Généralement par 2, les stipules
peuvent être caduques ou persistantes.
Stomate Pore permettant les échanges gazeux, ouvert dans l'épiderme.
Style Partie rétrécie placée entre l'ovaire et le stigmate.
Taxon Unité systématique de rang quelconque. Les taxas courants sont le genre,
le sous-genre, l'espèce, la sous-espèce, la variété.
Tépale Pièce d'un périanthe dans lequel pétales et sépales sont semblables
(tulipe).
Tomenteux Recouvert de poils longs et doux, cotonneux.
Tubercule Organe généralement souterrain de nature caulinaire, renflé, au niveau
duquel sont stockées des réserves.
Verticille Ensemble d'organes (rameaux, feuilles, pièces florales) disposés en
cercle autour d'un axe, au même niveau.
Zygomorphe Se dit d'une fleur « irrégulière », c'est-à-dire à symétrie non axiale. La
symétrie est souvent bilatérale; elle est parfois inexistante.
TABLE DES ILLUSTRATIONS

A G
Acacia senegal ............................ .104 Gentiana lutea .............................720
Achillea millefolium ............... ..... .398 Gigartina sp ...................................58
Aconitum napellus .................... .1194 Glycyrrhiza glabra ...................... 828
Aesculus hippocastanum ......... ..... 816 Gossypium herbaceum .. ................. 80
Allium sativum ............................. 240
Aloe sp ......................................... 516 H
Arctostaphylos uva-ursi ......... .278 Hydrastis canadensis ................. 1064
Arnica montana ...........................706
Atropa belladona ......................... 970 1
Inula helenium .............................762
c Ipomoea sp .................................. .210
Came Ilia sinensis ...................... .1214
Cannabis sativa .......................... .532 J
Capsicum annuum ....................... 926 Juglans regia ...............................498
Cassia senna ............................... .510 Juniperus communis ....................702
Cephaelis sp ............................... 1112
Chamaemelum nobile .................. 392 K
Chamomilla recutita .................... 616 Krameria lappacea ......................464
Chelidonium majus ................... .1024
Chondrus crispus .......................... .58 L
Cinchona pubescens ................. .l180 Laurus nobilis ..............................568
Citrullus colocynthis .................... 804 Lobelia iriflata ............................ 1006
Citrus limon ................................. 376
Claviceps purpurea ................... .1136 M
Cocos nucifera ............................ .l50 Melilotus officinalis .................... .312
Colchicum autumnale ............... .l102 Melissa officinalis ........................ 582
Conium maculatum ...................... 946 Mentha piperita ...........................630
Menyanthes trifoliata ...................730
D Myristicafragrans .......................678
Datura stramonium ...................... 966 Myroxylon balsamum ................. .298
Digitalis purpurea ....................... 884
Drimmia maritima ....................... 876 N
Narcissus sp .............................. .l108
E Nicotiana tabacum ..................... 10 16
Erythroxylum coca .......................976
o
F Olea europaea ............................ .l58
Fumaria officinalis ................... .l076
1242 PHARMACOGNOSIE, PHYTOCHIMIE, PLANTES MÉDICINALES

p Strychnos nux-vomica .... " .... "" ..1164


Papaver somniferum ........ "."" .. .1082 Sylibum marianum .......... " .... """.326
Physostigma venenosum """"" ..1128 Symphytum officinale ...... " .... """.992
Pilocarpus pennatifolius """"" ..1190 Syzygium aromaticum .............. ",,658
Pimpinella anisum """"""""""".598
Plantago major """"""""""""",,120 T
Podophyllum peltatum """""""".332 Tamarindus indica " .... " .... """" ..... 22
Prunus laurocerasus """"""""",,224 Taraxacum officinale .. " .... """" ..... 90
Psychotria sp. """"""""""""" ..1112 Taxus baccata ...... "" ....................780
Theobroma cacao .. ................... .1226
Q Tilia cordata ............ " ................. .128
Quassia amara ........ " .. " .. ".""".".912 Tropaeolum majus " .............. " .. ".232
Quercus robur"""" .. " .. "" .......... ,,266 Tussilago farfara ........ " ...... """ ...984
Quillaja saponaria" .. "."" ....... " ... 856
u
R Uncaria gambir .... " ............ " .... .1154
Rosa canina """""""""" .. " .... " ..... 10 Urginea maritima .... " .... " ............ 876
Rosa gallica ...................... "" .. "".454
Ricinus communis ............ " .... " ... .168 v
Rosmarinus officinalis ................ .554 Valeriana officinalis " ........... " .....736
Veratrum album ........................ .1206
5 Vitis vinifera ............................... .422
Salvia officinalis "" ........ " ............642
Sassafras albidum .......... " ............650 z
Strophanthus hispidus .................. 892 Zingiber officinalis ..................... .348
Index

Pour faciliter la consultation de l'index, les noms communs des plantes sont en caractères gras. Les
dénominations latines (et les termes en langue étrangère) sont en italique. Les titres de chapitres sont en
GRANDES CAPITALES. Les familles botaniques sont en PETITES CAPITALES. Le signe« *» suivant le nO de page
renvoie à la représentation de la formule développée du produit cité. Lorsque le terme cité est inclus dans une note
infrapaginale, le nO de la page est suivi de la lettre« n ».

A Acer saccharum, 32 acide ascorbique, 23, 24*


acérola,25 asiatique, 846
acétate de lavandulyle, 731 * azétidine-carboxylique,216*
abaca, 84 ACÉTOGÉNINES,209 béhénique,143
Abies balsamea, 701 ache des marais, 595 benzoïque, 271,274,299-
Abies sibirica, 700 Achillea millefolium, 399 301
abrasin (huile de), 778n achillée, 399 bétalamique,248*
abricots, 164,226 achillicine, 397* bétulinique, 909*, 910-911
abrine,251 acide abiétique, 774* boswellique,914
Abrus precatorius, 822 agrimonique,447* caféique, 203, 283, 788
abrusogénine,813* alginique, 51,53* caprique,143
absinthe, 611 a-linolénique, 144, 163, caproïque, 143
absinthine,612* 172,178-180 caprylique, 143
absolue, 569 anacardique,489* cérotique, 143
Abuta,1050 angélique, 961* chau1moogrique,146n
Acacia catechu, 481 anthranilique, 1188* chébulagique,448*
Acacia mearnsii, 482 apotropique,962* chébulique,443*
Acacia senegal, 103 arachidonique,143-44, chlorogénique, 283, 284*
acajous, 916 177*,178- chorismique,268*
acalyphine, 221 * arogénique,269* cinnanlique,269,275,
ACANTHACEAE,793 artéannuique,756* 299-302
1244 PHARMACOGNOSIE, PHYTOCHIMIE, PLANTES MÉDICINALES

acide cis-vaccénique, 144 acide oléique, 144 ACIDES PHÉNOLS, 273


crépénynique, 144 palmitique, 143 ackees, 218
dédydroquinique, 267* palmitoléique,l44 Acokanthera spp., 870
déhydroshildmique,268* paspalique, 1132*, 1134* aconine, 1199*
éléostéarique,l44 pétrosélinique,l44 aconit, 1198
ellagique,443* phényllactique,964* aconitine, 1199*
érucique, 144, 162, 167n phénylpyruvique,269* Aconitum napel/us, 1198
férulique,274* phytique,28 acorane,739*
gadoléique,l44 pipécolique,216* acore, 681
gallique, 443* polygalacique,813* acorénone,682*
ginkgolique,388 préphénique,269* Acorus calamus, 681
y-linolénique, 144, 178-82 primulique A, 814* ACRIDONES,1187
glycyrrhétique, 830 propène-sulfénique, 241 * Acronychia baueri, 1189
gorlique,146n protocatéchique,274* acronycine, 1188*, 1189
grindélique,785* quillayique, 858, 859, 860 Actaea racemosa, 911
hexahydrodiphénique, quinique,275 actée à grappes, 911
443* ricinoléique, 167 actéoside, 724, 726*,787-88
homogentisique,274* rosmarinique, 286*,286- Actinidia spp., 25
hydnocarpique,146n 289 Adenium spp., 870
iboténique,1120* salicylique, 270* Adenostyles,989
isatinécique,987* sénécique,987* Adhatoda,1188
isocupressique, 776* shikimique,268* adifoline, 1153*
isolysergique,1142* sinapique,262* Adina, 1162
isovalérique, 961 * sorbique,28 ADOXACEAE,436
kaïnique,216* stéarique, 143 adragante (gomme), 107
kojique,282 tannique, 462 aescine, 834, 835*
laurique,143 tartrique, 203 JEsculus hippocastanum, 834
lesquérolique, 167n téréphtalique, 721 * aesculitanin,453
lignocérique,143 tiglique, 961 * Aframomum spp., 353
limonoïque,916* trachélanthique, 987* Afssa, 17n, 94,113, 143n,
linoléique, 144, 156, 159-60, tragacanthique,108 163, 179n,417,908, 1217
162-66,170-72,174,178- tropique, 961 * Afssa (réf.), 29,190, 143n,
lithosperrnique,275* truxillique, 961 * 419n
lunularique,355* undécylénique,169 Afssaps, 480, 594, 639, 664,
lysergique, 1132* ursolique,279* 914,1096,1097,1177
madécassique, 813*,846 usnique,263n Afssaps (réf.), 683, 981,1100,
mannuronique, 13* valérénique, 741 * 1149
médicagénique, 813*, 862 vanillique,274* afzéléchol,450*
mélissique,143 vemolique,l44 agar-agar, 61,62*
mévalonique 553 viridiflorique,987* AOARICACEAE, 1121
montanique,143 ACIDES AMINÉS, 215 Agathosma spp., 670
myristique,143 acides gras essentiels, 176, AOAVACEAE,84, 825, 861n
myristoléique,l44 179 Agave sisalana, 84, 825
nordihydro-guaiarétique, acides gras trans, 143n AGCC, 85, 87, 88
339 acides organiques, 27,28 agigénine,812*
INDEX 1245

AGPI, 176, 179 terpéniques, 1195 amandier, 156


Agrimonia eupatoria, 468 tropaniques, 959 Amanita muscaria, 1120
agrimoniine, 468* ALCANES,ALCANOLS,193 amanite tue-mouches, 1120
agroc1avine, 1132*,1134* alcanols, 185, 187 AMARANTHACEAE, 850n
Ahnfeltia, 57 Alchemilla vulgaris, 469 amarogentioside, 721 *
aigremoine, 468 alchémille, 469 AMARYLLIDACEAE, 1107
ail,239 alchoméine, 1191 * ambrevade, 74
airelle myrtille, 431 alcool coniférylique, 329* Ambrosia spp., 754n
ajmalicine, 1176* alcool salicylique, 274* ambrosine, 753*
ajmaline, 1153* alcool sinapylique, 274* ambrox,646
ajoènes, 241 * alcuronium, 1053* amentoflavone, 369*
ajugalactone, 898* ALCYNES, 198 amidon, 68-79
ajugose, 36* aldéhyde salicylique, 290 Ammi visnaga, 311,319
AKBA,914* Alexa, 1008 Amomum, 353
Akebia spp., 1074 Aleurites,778n Amorphophallus konjac, 114
alantolactone, 763* alginates, 51 amphétamine, 1030*
ALCALOÏDES (généralités), alfa, 863 amygdaloside, 221 *
937 alfalfa, 862 amylopectine, 76
ALCALOÏDES: algarobille, 442 amylose, 76
aporphinoïdes, 1057 ALGUES (POL YSACCHA- Amyris balsamifera, 576,668
benzy lisoquinoléiques, RIDES des), 49 anabasine, 1018*
1039 alizarine, 496 ANACARDIACEAE, 176n, 482,
bisbenzylisoquinoléiques, Alkanna,496,985 544
1047 alkannine, 494 *,496 Anadenanthera spp., 1122
des Amaryllidaceae, 1107 alli icine , 241 Anagallis, 819
diterpéniques, 1197 ALLIACEAE, 239, 244 anagyrine, 1003*
divers, 1211 Allium cepa, 244 Anamirta cocculus, 754
imidazoles, Allium sativum, 239 Ananas comosus, 257
indolizidiniques, 1007 allocryptopine, 1063* anandamide, 537
indolomonoterpéniques, allose, 8* anatabine, 10 17*
1151 allyl-cystéine-sulfoxyde, 241 * ANCISTROCLADACEAE,1026n
isoquinoléinomonoterpéni Alocasia, 73 Ancistrocladus, 1026n
ques, 1113 Aloe spp., 518 androcymbine, 1103*
isoquinoléiques, 1037 aloe-émodol,503* Andrographis paniculata, 793
morphinanes, 1077 aloès,518 andrographolide, 793
phénéthylamines, 1029 aloesaponarine, 494* androstadiènedione, 827*
phénéthylisoquinoléines, aloïne, 517n androstènedione, 827*
1101 aloïnoside, 519* aneth,596
pipéridiniques, 1001 Aloysia citriodora, 677 anéthole, 592, 599, 601 *,606,
protoberbérines, 1063 Alpinia spp., 353 680
pyridiniques, 10 17 atstonine, 1176 Anethum graveolens, 596
pyrrolizidiniques, 985 Althœa officinalis, 125 angélates volatils, 397
quinoléiques, 1178 Althœa rosea,129 angel's trumpet, 973
quinolizidiniques, 999 altrose,8n Angelica archangelica, 317
stéroïdiques, 1201 amabiline, 997* Angelica spp., 318
1246 PHARMACOGNOSIE, PHYTOCHIMIE, PLANTES MÉDICINALES

angélicine, 309*,320* arabique (gorrnne), 103 artéméther,758*


angélique, 317 ARACEAE, 114,681 artémisane,560*
angole,74 arachide, 157 Artemisia absinthium, 611
anhalamine, 1038* Arachis hypogaea, 157 Artemisia annua, 755
anhalonidine, 1038* ARALIACEAE, 206, 842, 850, Artemisia cina, 754n
anhydrogalaetose, 61 * 855 Artemisia dracunculus, 614
anhydrovinblastine, 1160*, arborine,1188* Artemisia vulgaris, 613
1172* arbre à laque, 544 artémisia-eétone, 73 1*
Aniba rosaeodora, 657 arbre à pain, 68 artémisinine,756*-759
anibine, 10 17* arbre à raisin, 822 artémisitène,756*
anis, 599 arbre à savon, 860n artémorine,765*
anisaldéhyde, 601 * arbre à thé, 665 artésunate,758*
anisatine, 680* arbre de Judée,1l0 artichaut, 283
anisodamine,975* arbre de peau, 863 Artocarpus communis, 68
, 'anisodine, 975* arbutoside,279* ar-turmérone,345*
Anisodus tanguticus, 975 aretinal, 201 * aryl-alcanones,344
Annona,209n Arctium lappa, 200, 207 asarones,682*
ANNONACEAE, 209, 759, Arctostaphylos uva-ursi, 279 Asarum europaeum, 1073
1014n,1074 Areca catechu, 1021 asearidol,572*
Anogeissus latifolia, 109 ARECACEAE,32, 109, 167n, ASCLEPIADACEAE, 822n, 870,
Antennaria dioica, 127n 175,186,194,933,1021 900
Anthemis nobilis, 396 aréeoline, 1022 Ascophyllum nodosum, 50
ANTHOCY ANOS IDES ,423 aréquier, 1021 ase fétide, 697
Anthoxanthum odoratum, 316 Argania spinosa, 176 asiatieoside,846
anthraeénosides,502 arganier,176 asimieine,211
anthranilate de méthyle, 574* argousier, 25 Asimina triloba, 209n
anthraquinones, 502 Argyreia nervosa, 1125 Aspalathus linearis, 405
Antiaris toxicaria, 870n Aristolochiafangchi,1073 ASPARAGACEAE,97
antirhinoside,710* armoise vulgaire, 613 asperge, 97
Aosa,51 armoise annuelle, 755 aspérule,318
Aphloia madagascariensis, Armoracia rusticana, 236 aspéruloside,726*
146n Arnica montana, 759 ASPHODELACEAE,518
APIACEAE, 206, 311, 317, 320, arnica, 759 aspic, 624, 626
595,696,820,846,1015 amidiol,848 aspidospermane,1156-59*
apigénol,367* amifolines,760* Aspilia,199
apio1e, 601* aromathérapie 593 assamicaïnes,453
apiose,13* arôme, 569 ASTERACEAE,95, 127n, 149,
Apium graveolens, 595 arrête-bœuf, 711n 160,167,174,197-202,
apoatropine,962* arrow root, 73 285,294,296,308,316,
ApOCYNACEAE, 870,871, 890, Artabotrys uncinatus, 759 336,396,399,438,611,
891,893,1167-1177,1204 artabsine,612* 746,754,755,759,763,
apomorphine, 1059-59* artéannuine B, 756* 764,785,792,848,861,
apotirueallol,916* artééther,758* 985,995,996
AQUIFOLIACEAE,1229 artéflène,758* Astragalus gummifer, 107
arabinose, 8*, 12* artéglasine,768 Astragalus lentiginosus, 1008
INDEX 1247

atisane (ent-), 774* BAPN,218 beyerane (ent-), 774*


atisine, 1198* barbaloïne,517n bibenzyls, 354
Atractylis gummifera, 778 bardane, 200 Bidens, 199
atractyloside, 776* baringtogénol,835* bidesmosides, 815
atracurium, 1053* Barosma spp., 670 biflavonoïdes, 370
Atropa bel/adonna, 965 ~-asarone 592 BIGNONIACEAE,497
atropine, 969, 972 BASES PURIQUES, 1215 bilobétol, 369*
aubépine, 473 basilic, 287,620 BISBENZYLTÉTRAHYDRO
aucuboside, 709* bassorine,108 ISOQUINOLÉINES, 1047
aunée,763 bauerénol,807* bisabolane, 739*
auraptène, 309* baume de Tolu, 300 bisabolène, 573*
Aureobasidium, 47 baume du Pérou, 297 bisabolol,617*
aurones, 370 bayogénine, 295 bistorte,471
autumnaline, 1103* bdellium, 695 Bixa orellana, 930
Avena sativa, 71 beiduogen, 1073 BIXACEAE,930
avocatier, 182 belladone,965 bixine, 931 *
avoine, 71 bellendine, 962* blé,69, 74,163
ayahuasca, 1123 bellidifoline, 356* bleuet, 431 n, 438
Azadirachta indica, 916 benjoin de Sumatra, 301 Blighia sapida, 218
azadirachtine, 917* benjoin du Laos, 301 BMAA,226
azulènes, 400 benoîte, 469 Boehmeria nivea, 84
benzaldéhyde, 157 boehmerol,802*
benzoates (plantes à), 297 bois chandelle, 668
B benzopyrrocoline, 1044* bois de Panama, 857
benzyle (cinnamate), 299* bois d'Inde, 577
babassu, 175n BENZYLISOQUINOLÉINE boivinose, 873*
baccatine III (désacétyl) , 781 * 1042 Bolbostemma paniculatum,
Bacopa monniera, 821 n BERBERIDACEAE, 333,1072 820
badianier de Chine, 679 berbérine, 1063* boldine, 1061
badianier du Japon, 681 Berberis soulieana, 1072 boldo, 1060
baicaline,779 bergamote, 322, 672 Bombax ceiba, 84
baishao,564 bergaptène, 320* bonnêtd'évêque, 1191
baizi,318 Bergenia crassifolia, 282 BORAGINACEAE, 181,496,
Balanites aegyptica, 824 Beta vulgaris, 33 985,990,993
Balansia,1133 bétacyanines,247 Borago officinalis, 181, 990
baldrinal, 741 * betadex,37 bomane,560*
Baljet (réaction de), 878 BÉTALAINES,247 boméol,572*
ballonigrolide, 785* bétanidine,248* Boronia megastigma, 668
Ballota nigra, 788 bétanine, 248* borreline, 1118*
ballote noire, 788 bétaxanthines,247 Borreria, 1162
ballotinone,776* bétel, 1022 Boswellia carteri, 694
~-amyrine, 813 berce (grande), 320 Boswellia erythraea, 695
banane plantain, 68 betterave sucrière, 33 Boswellia serrata, 914
Banisteriopsis caapi, 1123 Betula spp., 291,910 bouillon blanc, 127n
Banisteriopsis rusbyana, 1124n BETULAcEAE,291,910 bouleau, 910
1248 PHARMACOGNOSIE, PHYTOCHIMIE, PLANTES MÉDICINALES

bourdaine,513 C canadine, 1087*


bourgeon de sapin, 700n Cananga odorata, 209n
bourrache, 181,990 cabergoline,1149 Canarium,694
bourse-à-pasteur,236 cabreuva-oxyde, 575* Canavalia,74n
Bracchiaria, 820n cacaoyer, 1225 canavanine, 216*,862
brahmi,821n cachou noir, 481 candelilla, 194
Brassica napus, 161 CACTACEAE,248, 1037, 1038n canéficier, 522
Brassica nigra, 234 cactus de San Pedro, 1038n canine, 765*
BRASSICACEAE, 149, 161,162, cade, 701 Canna indica, 73
167n,229-236,871 cadinane, 738* CANNABACEAE,533,541
brassicastéro1,907 Caesalpinia spp., 116,482 cannabidio1,536*
brévicolline, 956* CAESALPINIACEAE, 27, 110, cannabigérol,536*
brick tea, 1222 116,386,482,511,522 cannabinol,536*
brocolis,233 caféier, 1223 CANNABACEAE,533, 541
. bromélaïnes, 257 caféine, 1216*, 1224-1231 Cannabis sativa, 533
BROMELIACEAE,257 caille-lait, 726 cannabis, 180
bromocriptine, 1144, 1147, cajaflavanone, 369* CANNACEAE,73
1148* Cajanus cajan, 74 canne à sucre, 34, 195
Broussonetia papyrifera, 282 cajeput, 667 canneberge à gros fruits, 477
brucéantine, 917* calament, 622 cannelier de Ceylan, 651
brucine, 1165* Calamintha sylvatica, 622 cannelier de Chine, 654
Brugmansia spp., 973,1123 calanolide, 420*,421 canthaxanthine, 922*
Bruguiera gymnorhiza, 482 Calendula officinalis, 848 canthinone, 1118*
Brunfelsia grandiflora, 1123 Callilepis, 778 caowu, 1200
bruyère cendrée, 281 Calluna vulgaris, 281 CAPPARIDACEAE,249
bryone,909 callune vulgaire, 281 Capparis masaikai, 249
Bryonia cretica, 909 Caloncoba echinata, 146n capsaïcine, 929
bryophylline, 874*,875 Calophyllum inophyllum, 421 capsanthine, 928*
Bryophyllum,871 ca1ophyllolide, 421 Capsella bursa-pastoris, 236
buchénavianine,956* Calotropis,870 capsianoside, 772*
buchu,670 calystegines,981* Capsicum spp., 927
bufadiénolide, 871 Camellia sinensis, 1219 capsorubine,928*
bufoténine, 1122, 1123* camelliatanin, 448* capucine, 237
buisson ardent, 320 camomille allemande, 615 carane,560*
bulbocapnine, 1057* camomille (grande), 764 Carapichea ipecacuanha,
Bupleurum spp., 820n camomille romaine, 396 1113n
buprénorphine, 1096, 1098* CAMPANULACEAE,821 CARBOLINES, 1119
BURSERACEAE,694,898,914 campestane, 808* carboxyméthylcellulose,83
busserole, 279 campestérol,907 cardamomes, 353
butéine,367* camphène, 562* cardanolide, 808*
Butyrospermum parkii, 176 camphre, 561 *,590,655 cardénolide, 871
BUXACEAE,194,1202 camphrier, 655 CARDIOTONIQUES
buxamine, 1203* Camptotheca acuminata, 1184 (HÉTÉROSIDES),869
Byrsonima,453 camptothécine,1184* carène, 572*
canadaline, 1063* Carica papaya, 255
INDEX 1241,)

Carlina aeaulis, 199 Ceeropia,979n chaparrul, ~BI!


carline, 199 cédrane,739* chardon à glu, 771!
carmellose, 83 cèdre, 704 chardon-Marie, 336
carnauba, 194 Cedrelus,916 châtaigner, 482
Carnegiea,I038n Cedrus,704 chélérythrine, 1069*
camosol, 286* Ceiba pentandra, 84 chélidoine, 1068
CAROTÉNOIDES,921 CELASTRACEAE,775,1034, Chelidonium majus, 1068
carotènes, 922-23* 1197 chênes, 461
carotol,573* céleri, 595 chêne de Ceylan, 176
caroubier, 110 cellulose, 79, 81, 83 chénopode, 590,591
carpaïne, 1015* cembrane,772* CHENOPODIACEAE, 33, 590
Carpotroehe brasiliensis, 146n cembrène,695* eherimoya,209n
carragaheen, 57 Centaurea eyanus, 438 chicorée, 17,95
carraghénanes,57,59* Centaurium erythraea, 722 chiendent, 96
carthame, 159 Centella asiatiea, 846, 866 chimanine,1188*
Carum carvi, 602 cépaènes,245 ehirie sanango, 1123
carvacrol, 577*,640 Cephaelis spp., 1113 chocolat, 176n, 1227
carvéol, 563*,633* cépharanthine,1074 cholestane,808*
carvi, 602 céphéline,1114* Chondrodendron
carvone, 563*, 633* céramides,71 tomentosum, 1050
CARYOPHYLLACEAE,859,860 Ceratonia siliqua, 110 Chondrus crispus, 50, 57
caryophyllène,738* Cerbera, 870 choux (divers), 233, 285
cascalote,482 cerbertigénine,872* Choysia,1188
cascara, 515 Cercis siliquastrum, 110 chrysaloïne,517n
cassaïne, 120 1* céréales, 68,71,331 chrysanthellum,861
Cassia spp., 511,522 cerise du Brésil, 25 Chrysanthemum
cassine, 10 15* cerises, 164n cinerariaefolium,731
cassioside,654* Cetraria islandica. 263n CHRYSOBALANACEAE,I44
cassis, 180,434 cévadille, 1205n chrysophanol,503*
castalagine,447* cévadine.1205n chymopapaïne, 256
Castanea,482 cé-veratrum,105 chysanthémane,560*
castanospermine, 1008* C-glycosylflavonoïdes, 371 chuanwu,1200
Castanospermum australe, 394-95,474 Ciehorium intybus, 95
1008 chaconine, 1203* cichoriine,308
castoramine.943* ehacruna,1123 cicudiol,207*
casuarictine,447* ehagropanga,1123 Cieuta virosa, 206
catalpol, 709* ehaihu, 820n cicutol, 207*
catéchol,450* chalcones, 370, 542 cicutoxine,207*
Catha edulis, 1034 chalepensine, 309* ciguë aquatique, 206
catharanthine, 1160*,1168* Chamaemelum nobile, 396 ciguë, 1015
Catharanthus roseus, 1167 chamazulène,617* cihuanglian, 1072
cathéduline, 1034* charnissonolides,760* Cimieifuga racemosa, 911
cathénamine,1158* Chamomilla reeutita, 615 cimicifugoside,914*
cathinone,1034* chanoclavine,1125* Cinehona spp., 1178
CBD,524-536 chanvre indien, 533 cinchonaïnes,452*
1250 PHARMACOGNOSIE, PHYTOCHIMIE, PLANTES MÉDICINALES

cinchonaminal, 1161 * Cocos nucifera, 160 conopharyngine,1153*


cinchonamine,1153* cocotier, 160 Consolida regalis, 1200
cinchonidine, 1181 * codéine, 1079*, 1089, 1094 consoude, 993
cinchonine, 1181 * codéinone, 1079* CONVALLARIACEAE,893
cinéole, 572*,662 codergocrine, 1146 Convallaria majalis, 893
Cineraria,985 codéthyline, 1096* convallatoxine,893*
cinérines, 731 * Coffea spp., 1223 convalloside,874*
cinnamaldéhyde,652-654* cognassier, 134 CONVOLVULACEAE, 73, 211,
Cinnamomum aromaticum, 654 Cola spp, 1228 1124
Cinnamomum camphora, 655 colchicine, 1103* Convolvulus scammonnia, 211
Cinnamomum verum, 651 Colchicum autumnale, 1101 Copelandia, 1122
cinncassiol,654* colchique, 1101 Copernicia prunifera, 194
cires, 193 Coleusforskohlii,775 coprah, 160
cirsimaritine,369* colforsine,775n Coptis sinensis, 1072
Cissampelos,1050 Colliguaja,1049n coptisine, 1087*
citral, 628, 677 Colocasia,73 coque du Levant, 754
citroflavonoïdes,384 colophane, 698 coquelicot, 1071, II 16n
citron, 672, 673, 674, 677 coloquinte, 909 CORALLINACEAE, 51 n
citronellal, 572*,628,677 Colpoon compressum, 576 Corchorus capsularis, 84
citronellol,572* columbianine,310* coriamyrtine,755*
citronnelles, 682 colupulone, 542 coriandre, 604
citrouille, 906 colza, 161 Coriandrum sativum, 604
Citrullus colocynthis, 909 COMBRETACEAE, 105n, 109, Coriaria myrtit"olia, 754
Citrus aurantium, 668 356,402,482 Coriolus,47
Citrus, 320, 384, 580, 668, combretastatines, 355*,356 corossol, 209n
915 Combretum micranthum, 402n corozo, 109
Cladonia,263n Combretum spp., 105n, 356 Corydalis turtschaninovii,
Clausena,668 Commiphora mukul, 898 1072
Claviceps purpurea, 1135 Commiphora spp. (myrrhe), Corydothymus capitatus, 576
cIavines, 1131-1135, 1139 695 CORYLACEAE,156,471
cIavorubine,1140* Commiphora wightii, 898 Corylus avellana, 156,471
Clematis spp., 1074 COMPOSÉES, cf. ASTERACEAE corynanthéal, 1161 *
CLUSIACEAE, 421,523 conanine, 808* corynanthéane,1156*
cnicine,753* concombre d'âne, 909 corynanthéine,1153*
Cnicus benedictus, 753 concrète, 567,581 corynanthine,1166*
coaxihuitl,1125 condurango,900 Coryphantha, 1038n
cocaïer, 975 condurangoglycoside, 901* corytubérine, 1087*
cocaïne, 978*,979-980 conessine, 1202*, 1204 costunolide,765*
Cocculus spp., 1074 conhydrine,1015* Costus speciosus, 824
cochenille, 496 conhydrinone, 1015* coton, 81,163
cochléaire, 236 conicéine,1015* Cotoneaster spp, 225
Cochlearia spp., 236 coniféryle (benzoate), 299* cotonnier, 81
Cochlospermum gossypium, coniine, 1015* Couepia, 144
102n Conium maculatum, 1015 coumarine, 313, 315
cocIaurines, 1042* Conocybe,1121 COUMARINES, 307
INDEX 1251

coumestane,412* curcumène, 350* Dalbergia spp., 497


couplage oxydatif, 264, 1040, curculine,249 dalbergiones, 496*,497
1058 curcumine, 345* damascénone,575*
courge, 906 curcuminoïdes, 345, 349 dammarane,803*
crack, 980 curdlane (gomme), 48 danggui,318
Crambe abyssinica, 162 curine, 1048* danshen,714
cranberry, 477 curry, 347 Daphne spp., 777n
CRASSULACEAE, 871 curzérénone,695* daphniphylline, 1201 *
Crataegus spp., 473 cusparine,941* Datura metel, 975
creosote bush, 338 Cyamopsis tetragonolobus, 112 Datura stramonium, 965
cresson de cheval, 236 cyanidine (réaction), 377 dauphinelles, 1200
crinine, 1109* cyanidol,425* dawamesk,533
crocétine, 931 * CYCADALES,226 décanolides, 317
crocine,932 Cycas, 217, 226 déhydroboldine, 1057*
Crocosmia,820 cyclitols,28 déhydroellagitanins,446
Crocus sativus, 931 cycloartane, 808* déhydrogeissoshizine, 1158*
crosne, 36 cyclobuxine,1203* déhydrosécodine,1160*
Crotalaria spp., 989, 997 cyclocaryoside,822 delphinidol,425*
crotanécine,986* cyclodextrines,37 delphinine,1198*
croton, 778n cyclodopa,248* Delphinium consolida, 1200
cryptophorine, 10 15* cyclopenténylglycine,216* Delphinium staphysagria,
cryptopine, 1087$ Cyclopia intermedia, 405n 1200
cryptopleurine,999* Cydonia vulgaris, 134 deltaméthrine,735*
cubèbe,1014n cymarigénine,872* déméthylsubérosine, 310*
Cucurbita pepo, 217n, 906 Cymbopogon spp., 683 dendroprimine, 1007*
CUCURBITACEAE, 217n, 253, cymène, 572* dérivés acétyléniques, 197
906 Cynara scolymus, 283 Derris,418
cucurbitacine E, 909* cynarine,283 désacétylbaccatine III, 781 *
cucurbitacines,909 cynaropicrine,284* désacétyldiaboline, 1165*
cucurbitane,808* Cynodon dactylon, 96 Desessartz (sirop), 1116
cucurbitine, 216*, 217n Cynoglossum,985 désoxyhexoses, 13
cularine, 1045* cynorrhodon,25 désoxylapachol,496*
cumin,604n cyperméthrine,734 désoxynojirimycine,1008*
Cuminum cyminum, 604n Cyperus,1137n désoxynupharidine, 1196*
cuparane,739* cyprès, 481,701 deutzioside,709*
Cuphea,167n cytise, 1002 dextranomère,45
CUPRESSACEAE, 481 , 701,704 cytisine, 1002* dextrans,43
Cupressus sempervirens, 481 , Cytisus laburnum, 1002 dextrine, 16
701 ; sp. 778 Cytisus scoparius, 1001 DHHDP,443
Curarea, 1050 DHNA,493
curares, 1047 dhurrine, 221 *
Curcuma angustifolia, 73 D Dianthus, 821
Curcuma domestica, 344 DIARYL-HEPTANOÏDES,
Curcuma spp., 353 Dactylopius, 496 344
Curcuma xanthorrhiza, 347 daidzéine, 413*, 414 diastase, 72
1252 PHARMACOGNOSIE, PHYTOCHIMIE, PLANTES MÉDICINALES

Dichroa jebrifuga , 1189 dioscorine, 1017* E412,113


dicoumarol,314* diosgénine, 820, 823, 824* E417,116
dictamnine, 1188* diosmétol,385* E418,48
Dictamnus albus, 320 diosmoside, 385* E420-421, 19
dictyostatine, 783n diosphénol, 671 * E425,114
didésoxyhexose,13 Diospyros, 497 &40,136
diénol-benzène (rééarr.) 1041 Diplopterys cabrerana, 1123 E471-475,174
diénone-phénol, 1041, 1058 Diplopterys longialata, 1124n E959,383
Diester", 162 diprénorphine, 1098* E965,34
diginigénine, 885* DœTERocARPAcEAE,176n,694 EBENACEAE,497
diginose, 873* Dipterocarpus, 694 ébènes,497
diginoside, 885* disaccharides, 32 ébuloside, 709*
digitales, 882 discodermolide, 783n ébumane, 1156*
Digitalis, 882 disulfures, 241 Ecballium elaterium, 909
. digitalonine, 885* DITERPENES, 388 ecdysone, 898*
digitalose, 873* divi-divi,482 ecgonine, 960*
digitanols-hétérosides, 885 DMAPP, 550*-556 échimidine, 987*
Digitaria, 71 docétaxel, 782, 783*-785 Echinacea spp., 202
digitogénine, 885* docosanol,185 échinacées, 202
digitoxigénine, 871 * dolicotheline, 1191 * échinacoside, 203, 275*
digitoxine, 886*, 888 doliques,74n Echinochloa, 71
digitoxose, 873* Doryphora sassafras, 1074 Echinopsis, 1038n
digoxigénine, 872* douce-amère, 1208 Echium spp., 989
digoxine, 886*, 888 Dragendorff (réaction de), 947 Ecklonia, 52
dihydrocodéine, 1097 Drimia maritima, 888 édulcorant, 17, 19,23,34,94,
dihydroergocristine, 1146 dronabinol,540 822,831
dihydroergotamine, 1146 Drosera spp., 497 EGCG,1220
dihydroergotoxine, 1146 DROSERACEAE, 497 églantier, 25
dihydroflavonols, 370 droséras, 497 Eisenbeckia, 1188
dihydrométhysticine, 358* Duboisia spp., 973 ELAEAGNACEAE,25
dihydroœnanthétol,207* Durvillea, 52 Elaeis guineensis, 175
dihydrovaltrate, 741 * élaéokanine, 1007*
dili-éther, 572* élémanolide, 752*
diméthyallyldiphosphate 553 E élémi,694
Dimorphandra, 386 élémol,695*
Dimorphotheca pluvialis, E120,496 Elettaria cardamomum, 353
167n EI60, 927, 930 Eleusine, 71
D10NCHOPHYLLACEAE, 1026n E161,927 éléuthérobine, 783n
dioscine, 824 E162,247 Eleutherococcus senticosus, 855
Dioscorea spp., 823 E300-304,24 éleuthérocoque, 855
Dioscorea villosa, 863 E306,184 éleuthérosides, 855
DroscoREACEAE,72,823,863 E322,173 ellagitanins, 10 12
dioscorées, 823 E400-405 , 56 ellébore, 1205
Dioscoreophyllum cuminsii, E407,61 ellipticine, 1156*
250 E410,111 elymoc\avine, 1134*
INDEX 1253

Elymus repens, 96 ergot de seigle, 1135 clIgénol. ~7401<. MI), Ml?


Elytrigia repens, 96 ergotalIÙne, 1133*,1143,1146 Euo/l'yI/II/,I' ('//1'11/'1/'//'\', Il ln
EMEA, cf. HMPC ergotoxines, 1141 * Eupatorium.l)H~
émétine, 1114* ergovaline, 1141 * Euphorhia {/lItlsyphllltlt'lI, I l)4
émodol, 503* ergoxines, 1141 * EUPHORBIACEAE,73, 166. 194,
encens, 694 Erica cinerea, 281 226, 776, 778
Encephalartos, 226 ERICACEAE, 279, 281 , 291, euphraise,712n
Entandophragma utile, 916 431,477 Euphrasia rostkoviana, 712n
entérodiol, 331 ériodictyol,367* évonine,1197*
entérolactone,331 erromangine,I077* Excoecaria,778
entérolignane,330 ervatarrùne, 1153 *
Enteromorpha,50 érysimum,235
enzymes, 255 érysodine,1055* F
epastigmine, 1129 érythraline,1055*
epéna,1122 érythratidine, 1055* FABACEAE, 107, 112, 114,
Ephedra spp., 1030 Erythrina,1055 157,171,197,217,297,
EPHEDRACEAE, 1030 érythroïdine,1055* 300,314,319,32In,385,
éphédrine, 1030*, 1032 Erythrophleum,1201 405,414,418,911n,824,
éphédroxane, 1030* érythrose-phosphate, 267* 829,862,997,1001-1003,
épiafzéléchol,450* ERYTHROXYLACEAE,975 1055,1127
épicatéchol,450* Erythroxylum spp., 977 facteurs P, 378
épicéa, 700n, 701 Eschscholtzia californica, 1070 FAGACEAE,461
épices, 569 eschscholtzine, 1071 * fagaronine, 1065
épigaliocatéchol,1220 escine, 834,835* Fagopyrum esculentum, 386
épimyrtine,999* esculétol,308* fangji,1073
épiquinidine, 1181 * esculoside, 309*, 311n, 313 faradiol,848
épiquinine, 1181 * éséralIÙne, 1127 farinha,73
épirubijervine,1204* éséré,1127 farnésol,573*
épothilones,783n ésérine, 1127* fébrifugine,1188*
époxydosqaulène,801* espèces pectorales, 127n fécule, 74
EQUISETACEAE,402 essence de Wintergreen, 291 fenchane, 560*
Equisetum arvense, 402 essences, 567 fenchone,572*,606
érable à sucre, 32 estragole, 592,601 *,620 fenouil, 605
érémophilanolide,752* estragon, 614 fenugrec, 114
ergine, 1125* estrone, 827* femène,802*
ergobasine, 1140 éthylmorphine, 1097 Ferula spp., 696-697
ergobutine, 1141 * étioline, 1208* festuc1avine,1132*
ergocomine, 1141 * étoposide, 333*, 335 fêve de Calabar, 1127
ergocryptine, 1141 * étorphine, 1098* fêve Jack, 74n
ergolines, 1131, 1132* eucalyptine, 369* févier, 116
ergométrine, 1141*, 1143 eucalyptol, 662 Fibraurea, 1073n
ergonovine, 1140 eucalyptus, 661 fibres alimentaires, 84-92
ergopeptame, 1141 * Eucalyptus spp., 661 ficaire, 840
ergopeptines,ll40 Eucheuma,57 Ficaria ranunculoides, 840
ergostine, 1141 * eudesmanolide,752* ficine,258
1254 PHARMACOGNOSIE, PHYTOCHIMIE, PLANTES MÉDICINALES

Ficus carica, 320 Fumaria officinalis, 1067 gel d'aloès, 519


Ficus sp, 258 F~ARlACEAE, 1067, 1072 Ge lidie /la, 61
figuier de Barbarie, 247 fumaricine, 1067* Gelidium, 61
fil de lin, 84 fumaritrine, 1067* gellane,47
Filipendula ulmaria, 290 fumeterre, 1067 gélose, 61
FLACOURTIACEAE, 144, 146n, funiférine, 1048* Gelsemium sempervirens, 1165
776 Funtumia, 1202 gemme,698
flavanones,370 furcellarane, 63 genêt à balai, 1001
flavones, 368 furostane, 811 genévrier, 701
FLA VONOIDES, 365 fusain d'Europe, 1197 géniposide, 709*
flavonols, 368 fuzi,1200 génistéine, 414
flouve odorante, 316 Gentiana lutea, 719
Fœniculum spp., 605 GENTIANACEAE, 719, 722
forskoline, 773*,775 G gentiane, 719
. forsythiaside, 275* gentiobiose,32
fougère-réglisse, 822 gaiac, 339n gentiopicroside, 721 *,722
FPP, 550*-556, 737-38 gaillet, 726 gentiséine, 264*
Fragaria vesca, 469 galactanes sulfatés, 61 * gentisine, 721 *
fragon, 837 galactoglucomannanes,110 GERANIACEAE, 471
fragransol,675* galactomannane,llO, 112, géranial,673
fraisier, 469 115 géraniine, 448*
framboisier, 470 galactose, 8*,12* géraniol,572*
frangufoline, 1212* galanga, 353 Geranium robertianum, 471
Frangula alnus, 513 galanolène, 695* géranyldiphosphate, voir GPP
Frangula purshiana, 515 galantamine, 1109 germacranolide, 396, 752*
frangulanine, 939* galanthamine, 1109* germacrolide, 752n
fraxétol,308* Galanthus woronowii, 1109 germandrées, 778
fraxinelle, 320 galbanum, 696 gesses, 217
Fraxinus ornus, 21 Galipea, 1188 Geum urbanum, 469
Fraxinus spp., 311n Galium odoratum, 318 ghatti (gomme), 109
fraxoside, 308 Galium spp., 726 GIGARTINACEAE,57
French paradox, 460 gallate d'épicatéchol, 1221 * Gillenia, 1113
frêne à manne, 21 gallocatéchol,450* gingembre, 349
frêne commun, 311n gambir, 481 gingérols, 350*
frêne rhynchophylle, 311 n gan cao, 830 Ginkgo biloba, 387
friedélane, 807* gancuronium, 1054 ginkgolides, 388*
fromager, 84 Ganoderma, 47 ginseng du Brésil, 850n
fructanes, 93 garance,496 ginseng indien, 850n
fructo-oligosaccharides, 36, 94 Garcinia indica, 176n ginseng péruvien, 850n
fructose, 11*, 17 gardénoside, 710* ginseng, 850
Frullania, 768 garou,777 ginsénosides, 851 *, 852
FUCACEAE, 52 gattilier, 790 girinimbine, 1118*
fucanes, 63 Gaultheria procumbens, 291 giroflier, 657
fucose, 873* gédunine, 916* gitaloxigénine, 886*
Fucus spp., 50, 52 geissoschizine, 1158* gitoxigénine, 886*
INDEX 1255

glabrène, 831 Gossypium spp., 81,163,748 H


glaucaflorine, 209* gossypol,748*
glaucine, 1057* GPP, 550*-556, 561 haemanthamine,1107
Glechoma hederacea, 789 gracilline, 824 halfordinol, 1025*
glechomafurane,785* graines de paradis, 354 hallucinogènes, 533, 795,
Gleditsia triacanthos,116 gramine,1118* 1119
glomérine,943* GRAMINÉES, cf POACEAE HAMAMELIDACEAE,463
Gloriosa superba, 1103 grande berce, 320 Hamamelis virginiana, 463
glucanes,47 grande camomille, 764 hamamélis, 463
GLUCIDES, 3 gratteron, 726 hamamélitanin,465*
glucobrassicine, 230, 234 grayanotoxine,776* hanjàngji,1073
glucofranguloside,515* grenadier, 10 12 Haplophyllum,1188
glucogalline,445* Grifola,47 haricots divers, 74n
glucomannanes,109,114 griffe du diable, 713 harmal-ol, -ine, 1123*
gluconasturtine,230 Grindelia spp., 785 harmane,1123*
glucose, 11*, 16 grindélia,785 harmel,1124
GLUCOSINOLATES,229 griottier, 164n harm-ol, -ine, 1123*
glucotropéoline, 230, 237 GROSSULARIACEAE,434 harpagophyton,713
Glycine max, 171,825 guacolidine, 1057* Harpagophytum procumbens,
glycophilone,1188* Guaiacum officinale, 339n 713
Glycosmis,1188 guaianolides, 400, 752* harpagoside,715*
Glycyrrhiza glabra, 829 guar (gomme), 112 hashab (acacia), 105
glycyrrhizine, 830* guarana, 1230 haschich, 535
glycytéine, 414 Guarea,916 hastatoside,726*
Gnaphalium, 127n, 989 guggul,898 hasubanane, 1044*
goitrine, 231 * guggulipide, 899 hécogénine,824*,825
gomme adragante, 107 guggulstérone, 899* Hedeoma pulegioides, 649
arabique, 103 gui,252 Hedera helix, 206, 842
combretum, 105n Guiacum officinale, 339n hédéracoside,843*
curdlane, 48 guimauve, 125 hédéragénine,813*
de guar, 112 gulose, 8* hédérine,843*
de Sterculia, 102 gurjun,694 helangiolide, 752n
du Pérou, 116 gutte (gomme), 694 hélénaline,760*
gellane,48 GUTTIFERAE, 176n Helianthus annuus, 174
ghatti,109 Gymnema sylvestre, 822n Heliotropium, 985
gutte,694 Gymnocactus,1038n hellébores, 894
karaya,102 Gymnogongrus,57 Helleborus spp, 894
kutira,102n gynocardine,293 hellebrigénine, 872*
m'hep, 102 gypsogénine, 813* hellicoside,275*
tara, 116 Gypsophila spp, 860 hémicelluloses,86
xanthane,45 gypsophiles, 860 henné, 501
gommes, 100 gypsoside A, 35* HÉPATIQUES, 354
gommes-résines, 694 Heracleum,320
gommo-oléorésines,694 herbe à Robert, 471
Goniothalamus,1074 herbe aux chantres, 235
1256 PHARMACOGNOSIE, PHYTOCHIMIE, PLANTES MÉDICINALES

herbe aux chats, 708 hordénine, 72 hypaconitine, 1199*


herbe aux poux, 1201 Hordeum vulgare, 72 hyperforine, 524*
herbe sucrée du Paraguay, houblon, 541 HYPERICACEAE, 523
792 houx,220 hypericine,524*
herbes de Provence, 287 Hovenia dulcis, 822 Hypericum perforatum, 523
Hernandia,1047 huanglian, 1072 hypéroside, 290, 372,474
herniaire, 860n huile de " x ", voir "x " hypoglycine A, 216*,218
Herniaria glabra, 860n huile de cade, 701 HYPOXIDACEAE, 249, 339
hemiarine, 308* huiles (obtention), 147 Hypoxis hemerocallidea, 339
héroïne, 1096*, 1099 huiles (contrôle), 148 hypoxoside, 339
hespérétol,385* HUILES ESSENTIELLES, hypromellose, 83
hespéridoside,385* 565 hysope 622
hétératisine, 1198* contrôle, 585 Hyssopus officinalis, 622
HÉTÉROSIDES CARDIO- obtention, 576
TONIQUES, 869 toxicité, 590
HÉTÉROSIDES CY ANO- HUILES VÉGÉTALES, 155
GENES, 219 humulène,738*
hétéroyohimbane, 1156-58* humulone, 541 * iboga,ll77
hexacosanol,187 Humulus lupulus, 541 ibogaïne, 1177*
hexahydroxydiphénoyl,446* Hunteria,1162 ibogane, 1156-59*
hexénol,575* Huperzia serrata, 1003 ICACINACEAE,1184
HFCS,17 huperzine, 1003* icajine, 1153*
HHDP,443 Hura,1049n idose,8n
Hibiscus sabdariffa, 26 H y ACINTHACEAE, 888 ifs, 779
Hieracium pilosella, 316 Hybanthus, 1113 igname, 72,823,863
Himanthalia elongata, 50 Hydnocarpus kurzii, 146n Ilex aquifolium, 220
hinokiflavone, 369* hydrangénol,355* Ilex paraguariensis, 1229
HIPPOCASTANACEAE,834 hydrastine, 1063* ILLICIACEAE, 679,681
Hippomane, 778, 1049n Hydrastis canadensis, 1065 Illicium anisatum, 681
Hippophae rhamnoides, 25 hydrastis, 1065 Illicium verum, 679
hispidol,367* hydrocortisone, 827* ilIipé, 176n
histidine, 1191 * hydrocotyle, 846 imidac1opride, 1021
histrionicotoxine,943* hydromorphone,1097 IMIDAZOLES,1191
HMPC ( monographies), 71, hydroquinidine, 1183 impératorine, 309*
72, 119,127, 127n,129, hydroquinone, 279*,281 impila,778
133,205,294,297,316, hydroxyanthracénosides indénobenzazépine, 1045*
396,404,466,509,528, (plantes à), 502-523 indicaxanthine, 248*
543,600-1,608,631,636- hydroxyapatéline, 1048* indian tobacco, 1011
7,717,723,745,837,839, hydroxymusizine,513* indice (des huiles), 152
849,857,904,911 hydroxypleurocorine, 1212* indice de mousse, 818
holaphyllamine, 1202* hydroxypropylcellulose,83 indice hémolytique, 817
Holarrhena spp., 1204 hyénanchine,755* indole-3-carbinol,233
Homalanthus nutans, 776 hyoscyarrtine, 962*, 969 INDOLIQUES (ALCALOI-
homolycorine, 1109* Hyoscyamus muticus, 975 DES), 1119, 1151
homosperrrtidine,988* Hyoscyamus niger, 965 INDOLIZIDINES,1007
INDEX 1257

ingénol,777* isoliquiritoside, 830 jujubier, 1212


insaponifiable,182 isomalt,35 jujubogénine, 821 Il
intergerrimine, 997* isomellibiose,36* Juniperus communi.\', 701
intermédine,987* isomenthol,633* Juniperus oxycedru.\', 701
Inula helenium, 763 isomenthone,633* Juniperus spp., 704
inuline, 93-96 isoorientine,394* jusquiame d'Égypte, 975
iode (algues), 56 isopavine, 1044* jusquiame noire, 965
ionone, 575* isopentényldiphosphate 553 jute, 84
ipadu,979n isopilocarpine, 1193*
ibalpidine, 1007* isopinocamphone,623
ipe,497 isopipériténone,563* K
ipécacuanha,l113 isopulégone,633*
ipécoside,1114* isoquercitroside,372* kadsurénone, 330*
Ipomoea batatas, 73 isorétronécanol,986* kaempférol,367*
Ipomœa orizabensis, 211 isosapogénine, 811 *,812 Kalanchoe, 871,875
Ipomoea purga, 211 isoshaftoside,394* kapokier, 84
Ipomoea tricolor, 1125 isoteuflidine,773* karaya,102
IPP, 550, 553, 555 isothébaïne, 1058* karité, 176
ipratropium,974 isothiocyanates,233 karkadé,26
iréhine, 1202* isothuyone,563* katha,481
IRIDACEAE, 820,931 isovaltrate, 741 * kaurane (ent-), 774*
iridane,560* isovitexine,394* kava, 357
iridodial,708* ispaghul, 117, 122 kavalactones,358
IRIDOIDES,707 ixabépilone,783n kawaïne,358*
irigermanal,575* Kedde (réaction de), 878
irinotécan,1185 Keller-Killiani (réaction de), 878
Iris spp. 575 J kénaf,84
irone, 575* kermès, 496
ISCOMS,858 jaborandi, 1191 Kermococcus,496
isoalantolactone,763* jaboticaba,25 kestose,93*
isobalfourodine, 1188* jalap, 211 khat, 1034
isoboldine, 1058* Jansen (réactif de), 878 Khaya spp., 916
isobutylamide, 203 jasmin, 574 khella,311
isocamphane,560* jasmin de la Caroline, 1165 Kibatalia,1202
isochondrodendrine, 1051 * jasminlactone,575* kinkéliba,402n
isocraugsodine,1109* Jasminum grandiflorum, 574 kiwi, 25
Isodon rubescens, 775 jasmolines, 731 * knightino1,962*
isoflavanes,831 jasmonate de méthyle, 575* kokum,176n
isoflavanones,542 jequirity,251 kola, 1228
isoflavène,412* jervine, 1204* kombu,50
isoflavones, 831 jojoba,194 konjac,114
ISOFLA VONOIDES, 411 jonquille, 1109 konyaku,114
isofraxoside, 855 JUGLANDACEAE,499 konzo,226
isokestose,93* Juglans regia, 499 Kopsia, 1162
isoliquiritigénine, 830*, 831 juglone, 497* ,500 Krameria lappacea, 466
1258 PHARMACOGNOSIE, PHYTOCHIMIE, PLANTES MÉDICINALES

KRAMERIACEAE,466 lathyrisme,217 1101,1205, 1227n


kratom, 1177n lathyrose, 32 limacine, 1048*
krestin,47 Lathyrus, 217 Limnanthes alba, 167n
kretek (cigarettes), 660 laudanosine, 1087* limonène, 601 *,633*,673-74
k-strophantidine,872* laulimalide,783n limonoïdes,915
k-strophantoside,874* LAURAcEAE,182,657,681 lin, 84,131,163
kudzu,414n laurier commun, 656 LINACEAE, 84, 131, 163
kurchessine,1202* laurier-cerise, 223 linalol, 620*,625
kurchi,1204 laurier-jaune, 893 linamaroside, 221 *,226
kutira (gomme), 102n laurier-rose, 891 Linaria,1188
Laurus nobilis, 656 linter, 82
lavandes, 624, 626 Linum usitatissimum, 84, 131,
L lavandins, 624,627 163
Lavandula spp., 624 linustatine,132
. Lablab, 74n lavandulane,560* LIPIDES:
Laburnum anagyroides, 1002 lawsone, 497*,501 GÉNÉRALITÉS, 141
lactitol, 35 Lawsonia inermis, 501 LIPIDES:
lactones macrocycliques, 317 Lecanora esculenta, 20 HUILES VÉGÉTALES, 155
LACTONES SESQUITER- lécithines, 173 Lippia citriodora, 677
PÉNIQUES,751 lectines, 251 Lippia graveolens, 576
lactones sesquiterpéniques, léiocarposide, 293*,297 Liquidambar orientalis, 302
396,400,612,615,751, lentinane,47 1iquiritoside,830
775,779,786-89,794,795 Lentinus edodes, 47 lisuride, 1144*, 1148
lactulose,35 Lepidium meyenii, 850n Litchi sinensis, 144
lamalbide,726* Leptospermum,665 Lithothamnion corallioides,
LAMIACEAE, 36, 275, 285, Lesquerellafendleri,167n 51n
288,620,708,725,775, LESSONIACEAE, 52 Litsea cubeba, 657
779,786-89,794,795 leucocyanidol,367* livèche, 609
lamier blanc, 725 Leucojum aestivum, 1109 LOBELIACEAE, 10011
laminaires, 52 Leuconostoc sp., 44 Lobelia inflata, 1011
Laminaria, 50, 52 leucopélargonidol,367* lobélie, 10 Il
lamioside,709* leucotriènes, 178 lobéline, 1012*
Lamium album, 725 leurosine, 1160, 1168 LOGANIACEAE, 1050, 1163
lampourdes, 778 leurosidine, 941 *, 1168 loganoside, 709-711 *, 1142*
lanatosides,887 Levisticum officinale 609 lokundjoside,893*
lapacho,497 liane-réglisse, 822 lomatine,310*
lapachol,497 Licania, 144 Lonchocarpus, 418
lapachonone,497* Lichens, 263n, 274 longifolane,739*
lappaphène, 201 * lierre terrestre, 789 longifolène,573*
laque,544 lierre, 206, 842 Lophopetalum, 870
LARDIZABALACEAE, 1074 LIGNANES,325 Lophophora williamsii, 1037
laricirésinol,329* lignine, 86 Loranthus,252
Larrea divaricata, 338 lilas de Perse, 916 lotaustraline, 221 *
lasubine,999* LILIACEAE (s.l.), 239, 244, LSD, 1125*,1144,1149
lathyrine,216* 825,837,861n,888,893, Luffa, 253
INDEX 1259

lupane, 807* maltol,394* Melaleuca cajuputi, 667


lupinine, 1003* maltose, 32, 33* Melaleuca quinquenervia,
lupins, 1003 Malva sylvestris, 125 666
Lupinus spp., 1003 ~ALVACEAE,26,84, 102, mélampolide, 752n
lupulone, 541 * 124-126,129,139,144, ~LANTHIACEAE, 1202, 1205-7

lutéolol,367* 748,1225,1228 ~ELIACEAE, 916

luzerne, 862 malvidol,425* mélilot, 314


Iycoctonine, 1198* ~AM,227 mélilotoside, 314*
Iycopène, 925 Mammea,420 Melilotus officinalis, 314
LYCOPODIACEAE, 1003 mandarine, 674 Melissa officinalis, 628
Iycopodine, 999* Mangifera indica, 176n mélisse, 628
Lycopodium serratum, 1003 mangiférine, 262* Melodinus, 1162
Iycopsamine, 991 * mangostine, 356* mélosmine, 1057*
Iycorine, 1109* mangue, 176n Menabea, 870
lysergamide, 1125* maniguette, 354 ménisdaurine, 221 *
lysergol,1125* Manihot esculenta, 73, 226 ~ENISPERMACEAE, 250,1050,

LYTHRAcEAE,167n,471,501 manioc, 73, 226 1073,1074


Lythrum salicaria, 471 manne, 20 Menispermun dauricum, 1073
lyxose,8n mannitol,14*,20 Mentha arvensis, 638
mannose, Il * Mentha pulegium, 649
manool,773* Mentha spicata, 637n
M Maquira, 870,1050 Mentha x piperita, 631
~ARANTACEAE,73,249 menthane, 560*
maca,850n Marchantia, 354 menthe crépue, 637
macaranoyl,446* marijuana, 535 menthe magique, 795
Macassar (huile de), 176 marjolaine 579, 627 menthe poivrée, 631
macis, 675 marmésine, 310* menthe pouliot, 649
macrocarpal,662* marronnier d'Inde, 313, 834 menthe verte, 637n
Macrocystis pyrifèra, 52 marrube blanc, 786 menthiafoline, 721 *
macrostomine, 956* Marrubium vulgare, 786 menthol, 633*,638
Macrozamia, 226 marrubiine, 787-88 menthone, 633*
madécassoside, 846* Marsdenia condurango, 900 11ENYANTHACEAE,723
Madhuca longifolia, 176n massoialactone, 575* ményanthe, 723
maërl,5ln matairésinol, 132,329*,331 Menyanthes trifoliata, 723
magnoliol,262* maté,1229 merucathine, 1034*
mahuang, 1030 matico,1014n mesaconitine, 1199*
màis, 69, 74,164 matricaire, 615 mescal buttons, 1037
Majorana, 627 matricine, 617* mescaline, 1038*
malabaricol,802* mauve, 125, 127 Mesua, 420
Malouetia, 1202 11ayer (réaction de), 947 meteloïdine, 962*
Malpighia, 25 maytansine, 1212* méthamphétamine, 1033
~ALPIGHIACEAE, 25, 453,1123 maytansinoïdes, 1213 méthylchavicol, 601 *
ma1t,72 May tenus, 1213 méthylcoclaurine, 1043*
maltitol,34 Medicago sativa, 862 méthylergométrine, 1145
maltodextrine, 17 Melaleuca alternifolia, 664 méthylesculétol,313
1260 PHARMACOGNOSIE, PHYTOCHIMIE, PLANTES MÉDICINALES

méthyleugénol, 620* mucilages neutres, 109 narcéine, 1087*


méthyllycaconitine, 1199* mucilages, 100, 126, 130, 132 Narcissus, 1109
méthylsélénocystéine, 216* mudampi,564 Naregamia, 1113
méthysergide, 1143, 1144*, muguet, 893 naringénine, 373*
1147 multiflorénol,807* naringoside, 385
Metroxylon, 68 Musa textilis, 84 Narthecium, 820n
mezeréine, 777* Musa x paradisiaca, 68 natto, l71
michellamines,1026n MUSACEAE, 68, 84 Nauclea, 1162
millefeuille, 399 muscadier, 675 Naucleopsis, 870,1050
millefine, 397* muscarine, 1120* navet du diable, 206
millepertuis, 523 muscazone, 1120* NDGA,339
Milletia, 418 muscimol, 1120* nécines, 986
miltionone, 492* Myosotis, 985 neem, 916
mimonoside, 814*,863 myrcane, 560* nénuphars, 1196
, Mimosa tenuiflora, 863, myrcène, 572* néo-clérodane, 779
1124n myrcénol,577* NÉOFLA VONOIDES, 420
M~OSACEAE, 103,863, 1122, Myrciaria cauliflora, 25 néohespéridine
1124n Myrica esculenta, 482 dihydrocha1cone, 383
mimosine, 216* MYRICACEAE,482 néohespéridose, 32
miraculine, 250 Myristicafragrans, 675 néoisomenthol,633*
miso,171 MYRISTICACEAE, 675,1122 néokestose, 93*
mitiphylline, 1202* myristicanols, 675* néolignanes, 325
Mitragyna speciosa, 1177n myristicine, 601 *,675 néomenthol,633*
mivacurium, 1053* myrobalan, 482 néonicotinoïdes, 1021
Mnium,354 myrosinase, 230 néopelline, 1199
mogroside, 822 Myroxylon balsamum, 297, néopinone, 1079*
Molineria latifolia, 249 300 néosapogénine, 811 *
Momordica, 253 myrrhe,695 Nepeta cataria, 708
monelline, 250 MYRTACEAE,25,657,667, népétalactone, 708*
MONIMIACEAE, 1060, 1074 1014n népétariaside, 709*
monocrotaline, 997* myrte,667 néral,673
monodesmosides, 815 myrtille, 431 Nereocystis, 52
monoglycérides, 174 Myrtus communis, 667 Nerium oleander, 891
MONOTERPENES, 559 néroli (h,e,), 673
monotropéoside, 709* nérolidol, 666, 673
monotropitoside, 290* N nerprun,523
5-MOP, 8-MOP, 319, 321-22 neurosporène, 923*
MORACEAE,68,258,282, nabilone, 540 niaouli, 666
320,871,1050 nalbuphine, 1097 nicergoline, 1143, 1147, 1148*
morelle douce-amère, 1208 nalorphine, 1096*, 1097 Nicotiana spp., 1Ol7, 1123
morelle noire, 1209 naloxone, 1097, 1098* nicotine, 1018*
morphine, 1079*, 1086-1093 naltrexone, 1098*, 1099 Nigella,1014n
mousses, 354 naphtodianthrones, 523 nitidine, 941 *
moutan,564 naphtoquinones, 497 -501 nitrosamine, 1019,1023
moutarde,234,590,591 naphtylisoquinoléines, 1026n nobiline, 396
INDEX 1261

noisetier, 156, 157n,471 œnothéine,448* origan (s), 576, 6:11)


noix de cajou, 544 Œnothera biennis, 180 Origanul11 I11qjm'(/I/II, 57 1), 627
noix de coco, 160 oignon, 244 Origanum spp., 639
noix vomique, 1163 oïticica (huile de), 144 oripavine, 1079*
nootkatone,573* Olea europaea, 717 ORoBANcHAcEAE,712n
norbelladine, 1109* OLEAcEAE,21,165,717 Orthosiphon aristatus, 288
norbixine, 931 oléacine,718* orthosiphon,288
norcanelilline, 1042* oléanane, 807*, 813 ortie, 901
norchanoc1avine,1132* oléandrigénine,872* Oryza,69
norcoc1aurine, 1043* oléandrine, 891,893* oscine,962*
noréphédrine,1034* oléandrose, 13* oseille de Guinée, 26
norfluorocurarine,1165* OLÉORÉSINES,693 OSES SIMPLES, 7
nori,50 oléoside,710* osthol,309*
nonnorphine, 1096* oleuropéoside,718 Osyris tenuifolia, 576
noroxymorphone, 1098* oliban,694 otonécine,986*
norpseudoéphédrine,1034* oligofructoses,94 ouabaigénine,872*
noscapine, 1087*, 1090, 1095 OLIGOSACCHARIDES,35 ouabaïne, 874*,891
Nothapodytes nimmoniana, olivétol,537* oxazolidine-thione,231
1184 olivier, 165,717 oxocrébanine, 1057*
noyaux (huile de), 164 ololiuqui,1125 oxyacanthine, 1048*
noyer, 499 ombelliférone, 310* oxycodone, 1098*, 1099
nudaurine, 1077* oméga-3,176- oxymorphone, 1098*
nuphamine,1196* oméga-6,176- Oxytropis, 1008
Nuphar luteum, 1196 ONAGRACEAE,180
nupharidine, 999* onagre, 180
nyakwana,1122 onjisaponine,842 p
Nymphaea alba, 1196 onocérine,91ln
NYMPHAEACEAE, 1196 Ononis spinosa, 911n pachycurares, 1052
NYSSACEAE,1184 Opereulina turpethum, 211 Paehysandra,1202
Ophiorrhiza mungos, 1184 pac1itaxel,782-785
opium, 1078, 1083, 1090 Paeonia spp. 564
0 opopanax, 695 PaEONIACEAE,564
Opuntia spp., 248 paeonol,564
obacunone,916* orange douce, 672 paeonilactone, 564
obliquine,309* oranger amer, 668-673 paille de pavot, 1084
Oehrosia,1162 orbicuside,874* Palieourea,1162
ocimène,572* Orbignya phalerata, 175n palissandres, 497
Oeimum basilieum, 620 orcanette, 496 pallidine, 1077*
Oeimum gratissimum, 621 ORCHIDACEAE, 354 PALMAE, 32,109, 167n, 175,
Oeotea odorifera, 657 ORCINOLS,533 186,194,933,1021
octacosanol, 187 orge, 72 Palmaria palmata, 50
ODAP,218 oridonine,776* palmier à huile, 175
œnanthe safranée, 206 orientalidine, 1063* palmier dattier, 32
œnanthotoxine, 207* , 820n orientaline, 1058* palmier de Floride, 186
Œnanthus eroeata, 206 orientine,394* palmiste, 175
1262 PHARMACOGNOSIE, PHYTOCHIMIE, PLANTES MÉDICINALES

palustrine, 1212* peloruside A, 783n Phœnix dactylifera, 32


pamplemousse, 674 peltatine, 333* pholcodine, 1096*, 1099
pan masala, 1022 Pennisetum, 71 phorbol (esters), 777*
Panaeolus, 1121 pennyroyal, 590, 649 phtalides, 595, 609
panais, 320 Pentadiplandra brazzeana, 249 Phymatolithon calcareum, 51 n
Panama (bois de), 857 pentagalloylglucose, 445* physcion, 262*
Panax ginseng, 850 péonidol,425* Physostigma venenosum, 1127
pancuronium, 1053* pépins de raisin, 175n physostigmine, 1127*
pandine, 1153* pergolide, 1144*,1148 Phytelephas macrocarpa, 109
Panicum, 820n Periandra dulcis, 822 phytoène, 923*
papaYne, 256 Periploca, 871 phytofluène, 923*
Papaver rhœas, 1071 perméthrine, 735* Phytolacca dodecandra, 820
PAPAVERACEAE, 1068, 1069, Persea americana, 182 PHYTOLACCACEAE,820
1070,1071,1081 Persicaria spp, 471, 1014n phyto-oestrogènes, 331,414,
papavérine, 1043, 1046* persil, 285, 610 542
papayer, 255 pervenche (petite), 1173 phytostérol, 187,808*,901-
paprika, 927 pervenche tropicale, 1167 906
paradols, 350 Petasites hybridus, 746 phytostérols hypocholestéro-
paravallarine, 938* pétasol,747* lémiants, 907
paricâ,1122 petit houx, 837 Picea spp., 701
PARMELIACEAE,263n petite centaurée, 722 Picralima, 1162
Parquetina nigrescens, 870 petite pervenche, 1173 Picrasma excelsa, 917
Parthenium,202n petitgrain, 674 picrocrocine, 931 *
parthénolide,765* Petroselinum crispum, 610 picrotoxinine, 755*
paspalicine, 1118* pétudinol,425* pied d'alouette, 1200
Paspalum distichum, 1137n peucédanol,309* pied de chat, 127n
PASSIFLORACEAE, 220, 393 Peumus boldus, 1060 pilocarpine, 1193*
passiflore, 393 peyotl, 1037 Pilocarpus microphyllus, 1191
Pastinaca sativa, 320 Pfaffia paniculata, 850n piloselle, 316
patate douce, 73 PHAEOPHYCEAE,50,52,63 pimaranes, 774*
patupilone,783n Phaseolus, 74 piment de Cayenne, 927
Paullinia cupana, 1230 PHÉNÉTHYLAMINES, 1029 piment de la Jamaïque, 667
pauridianthine, 1163* PHÉNÉTHYLISOQUINO- Pimenta racemosa, 577,667
Pausinystalia yohimbe, 1165 LÉINES, 110 1 Pimpinella anisum, 599
Pavetta, 1162 PHÉNOLS (généralités), 261 pimpinelline, 320*
pavine, 1044* phénols, caractérisation, 265 pin de Sibérie, 700
pavot de Californie, 1070 PHÉNOLS SIMPLES, 273 pin du Canada, 700
pavot somnifère, 1078 phénylalanine, 269* pin maritime, 480
pawpaw,209n phénylheptatryine, 199* pin sylvestre, 700
pectines, 85,134 phénylpropaniques (esters), 276 PINACEAE, 480, 697, 700
PEDALIACEAE, 169,713 phénylpropanoïdes, 787 pinane, 560*
pédunculagine, 447* phénylpyruvate, 269 pinènes, 572*,699
Peganum harmala, 1124 phlobaphènes,456 pinocamphone, 620*,623
pélargonidol, 373* phloroglucinol, 130,274* pinorésinol,329*
pelletiérine, 1012* PHLOROGLUCINOLS, 533 pinosylvine, 355*
INDEX 1263

Pinus spp.,480,697, 700, 778 POLYGONACEAE,386,471, prodelphinidol,452*


Piper betle, 1022 521,522 promorphinane,I044*
Piper methysticum, 357 Polygonum bistorta, 471 propénylcystéine,216*
Piper nigrum, 1013 polyhydroxynortropanes,981 proscillaridine, 890*
Piper spp., 1014n, 1074 POLYINES, 197, 198* prosopine,1015*
PIPERACEAE, 357,1074,1013, polyols, 14 prostratine,776*
1022 polypodatétraéne,802* protéines édulcorantes, 249
pipérine, 1013* POLYPODIACEAE, 822 proto-alcaloïdes, 938
pipériténone,633* Polypodium glycyrrhiza, 822 PROTOBERBÉRINES,1063
pipéritone,633* POLYSACCHARIDES protoescigénine, 835*
pipéritone oxyde, 671 * des ALGUES, 49 protopanaxadiol,852*
Piptadenia peregrina, 1122 des BACTÉRIES, 39 protopanaxatriol, 852*
pissenlit, 95 des CHAMPIGNONS, 39 protopine,1067*
pivoine,564 HÉTÉROGENES,99 protostane, 803*,808*
PLANTAGINACEAE, 117-, 712n, HOMOGENES,67 protovératrine, 1204*
82In,882,1188 polysorbates,20 prunasoside, 221 *,223
Plantago spp., 117-122 pommade florale, 569 pruneau,21n
plantains, 123 pomme de terre, 72, 74,1209 prunier d'Afrique, 184
plantamajoside,275* pomme-cannelle, 209n Prunus africana, 184
Platycodon grandijlorwn, 821 populine,292 Prunus armeniaca, 226
platydesmine,1188* poranthéridine, 999* Prunus cerasus, 146n
platynécine, 986* Porphyra umbilicalis, 50 Prunus domestica, 21
Plectranthus barbatus, 775 Potentilla erecta, 470 Prunus dulcis, 156
plumbagone, 497*,499 potentilline,447* Prunus laurocerasus, 223
pluméricine,709* poudre des Capucins, 1227n Prunus spp., 164
POACEAE,34,68-70,74,93, praecoxines,447* pseudo-alcaloïdes, 938
94,96,164,316,682 préakuammicine, 1158* pseudo-anisatine,755*
podophylle,333 prégnane,808* pseudoéphédrine, 1030*-33
podophyllotoxine,333* pregnénolone (der.), 827* pseudoguaianolide,752*
Podophylium peltatum, 333 prêle, 402 pseudo-tropanol,960*
Pogonopus, 1162 prémarrubiine,773* psilocine,1121*
pois chiches, 36 prénylnaringénine,542 Psilocybe,1121
pois, 74, 74n présénégénine, 813* psilocybine, 1121 *
poivre (vert, gris, noir), 10 13 primevère, 844 Psoralea, 319,321 n
poivre divers, 1014n primevérose,32 psoralène, 320*
poivre rose, 1014n primine,496* Psychotria ipecacuanha, 1I13n
poivrette, 1014n Primula obconica, 496 Psychotria viridis, 1123
Polianthes tuberosa, 574 Primula spp., 844 psychotridine,1163*
policosanol,195 PRIMULACEAE, 496,844 psychotrine, 1114*
poliumoside,275* principe amer, 751n psyllium, 117, 121
pollen, 905 proanthocyanidols, 450, 452*, Ptelea,1188
polyacétates,487 473,479,834-35 ptéléatinium, 1188*
polygala de Virginie, 841 proaporphine,I044* ptérocarpane,412*
Polygala senega, 841 procumbide,715* Pterocarya paliurus, 822
POLYGALACEAE, 841 procyanidols B, 451 * Pterocladia,62
1264 PHARMACOGNOSIE, PHYTOCHIMIE, PLANTES MÉDICINALES

Pueraria montana, 414n radis noir, 234 Rhamnus purshianus, 515


pulégone, 633*, 649 Radula, 354 rhapontic, 522
Punica granatum, 1012 raffinose, 36* Rhaponticum, 522n
PUNICACEAE,1012 raifort, 236 rhéine, 503*
PURINES, 1215 raisins, 175n, 355,460n rhéinosides, 503*
purpureaglucoside A, 886* ramie, 84 Rheum spp., 521,522
putrescine, 989* ~NCULACEAE,840,894, Rhizophora mucronata, 482
puvathérapie, 321 911,1065,1072,1074, RHIZOPHORACEAE,482
Pygeum africanum, 184 1198,1200 RHODOPHYCEAE,57,61
pyocyanine, 943* Ranunculus ficaria, 840 rhoeadine, 1071 *
Pyracantha spp, 225 rapacurium, 1054 rhubarbe des jardins, 522
pyrazolylalanine, 216* Raphanus sativus, 234 rhubarbe, 521
pyrèthre de Dalmatie, 731 ratanhia, 466 Rhus spp., 482, 544
PYRÉTHRINES, 731 Rauvolfia serpentina, 1175 Ribes nigrum, 434
pyréthrines, 732* réaction de Baljet, 878 ricin, 166
pyridostigmine, 1127* réaction de Dragendorff, 947 ricine, 169
PYRROLIZIDINES, 985 réaction de Gibbs, 265 ricinine, 10 17*
réaction de Kedde, 878 Ricinus communis, 166
réaction de Keller-Kiliani, ridelline, 987*
Q 877 rioc1arine, 209*
réaction de Mayer, 947 rivastigmine, 1129
qian ceng ta, 1003 réaction de Tattje, 878 riz,69
qinghao, 755 réaction de Vitali-Morin, 965 rocouyer, 930
qinghaosu, 756 Reboulia,355 rocuronium, 1053*
Quassia amara, 917 redoul,754 Rollinia,209n
quassine, 917* réglisse du Brésil, 822 romarin, 285
quassinoïdes, 917 réglisse, 829 ronce, 470
quercétol, 262* reine des prés, 290 rooibos rea, 405
quercitroside, 372* rescinnamine, 1175* roopérol,339
Quercus spp, 461,482 réserpine, 1175* roquefortine, 943*
Quillaja saponaria, 857 résines, 30 l , 697 Rosa canina, 25
QUINAZOLINES, 1187 résinoïde, 569, 581 Rosa spp., 469
quinin-e, -idine 1181 *-1183 resméthrine, 734* ROSACEAE,25, 134, 156, 184,
QUINOLÉINES, 1187 resvératrol,355 223,225,274,290,468,
quinoléines (quinquina), 1172 réticulines, 1042*, 1077*, 857
QUINOLIZIDINES, 999 1079* rose des bois, 1125
QUINONES, 491 rétronécine, 986* rose trémière, 129
quinovose, 13 rétrorsine, 987* rose(s), 469
quinquina, 1178 reynosine, 765* rosmanol,776*
RHAMNACEAE, 513, 523, 822, rosmarinécine, 986*
1212 Rosmarinus officinalis, 285,
R rhamnogalacturonane,135 304
rhamnose, 13* roténone, 418, 552
Rabdosia,775 Rhamnus catharticus, 523 rotrockène, 731 *
radicaux libres, 379 Rhamnus frangula, 513 roxburghines, 1163*
INDEX 1265

Rubia tinctorium, 496 salutaridine,1079* sannentose,873*


RUBIACEAE, 318,481,496, Salvia divinorum, 795 Sarothamnus scoparius, 1001
726, 1113, 1165, 1177n, Salvia fructicosa, 641 sarpagandha,1175
1178, 1184, 1223 Salvia lavandulaefolia, 645 sarrasin, 386
Rubus spp., 470 Salvia miltiorrhiza, 794 sarriette, 287,640
Rudbeckia,768 Salvia officinalis, 641 sarsaparilloside, 814*
rue, 320,591 Salvia sclarea, 645 sarsasapogénine,812*
rugosine-D,448* Salvia spp. 641 sarvérogénine, 872*
rungiose, 32 salvinorine A, 776*,795 Sassafras albidum, 656
ruscine,838* sambubiose, 32 sassafras de Chine, 655
ruscogénines, 838, 839 Sambucus nigra, 436 sassafras, 590, 591,592,656
ruscoside,838* sambunigroside, 221 * satularidinol, 1079*
Ruscus aculeatus, 837 sanguinaire, 1069 Satureja calamintha, 622
RUTACEAE, 320, 384,576, Sanguinaria canadensis, 1069 Satureja montana, 640
668,1188,1191 sanguinarine,1068* sauge d'Espagne, 645
Ruta graveolens, 320, 591 Sanguisorba officinalis, 470 sauge des devins, 795
rutinose,32 sanguisorbe,470 sauge officinale, 641
rutoside, 385 Sanicula europaea, 820 sauge sclarée, 645
Ryania speciosa, 776 sanjoinine,1212* sauge trilobée, 643
ryanodine,776 sankezhen, 1072 sauges, 641
San Pedro (cactus), 1038n saule, 291
santal (s), 576 Sausurrea cernuus, 1074
S santalane,739* SAXIFRAGACEAE, 282, 1189
santalol,573* saxifrage de Sibérie, 282
Sabal serrulata, 186 Santalum spp. 576 scammonée,21 1
sabine, 591 , 704 santamarine,765* Scenedesmus,555
sabin-ène, -01, -one, 563* santolinane,560* Schefferomitra subaequalis,
saccharose, 32,33* santolinatriène, 731 * 1074
Saccharum officinarum, 34 santonine,753* Schima,820
safran des Indes, 160 sapin, 700 Schinopsis spp., 482
safran, 931 SAPINDACEAE, 144, 176,218, Schinus molle, 1014n
safrole, 592, 656 576, 860n, 1230 Schisandra, 330, 340
sagou, 68 Sapindus mukorossi, 860n schizanthine D, 962*
saiko,820n sapium, 1049n schizophyllane,47
saikogénine, 813* saponaire, 859 Schleichera oleosa, 176
sai, 176n Saponaria officinalis, 859 Schoenocaulon officinale,
salai guggal, 914 saponarine,372* 1205n
SALICACEAE, 291 saponoside QS21, 858* Sciadotenia,1050
salicaire, 471 SAPONOSIDES,809 scillarène A, 890*
salicortine,293* SAPoTAcEAE,176,250 scillarénine, 871 *
salicoside, 293* Sarcococca, 1202 scille, 888
salicyladéhyde,290* Sarcomelicope simplicifolia, scillicyanoside, 890*
salicylate de méthyle, 291,591 1189 scilliglaucoside, 890*
Salix spp., 291 sarcodictyine,783n scilliroside, 890*
salsepareilles, 861 n sannentogénine,872* scillirubroside, 890*
1266 PHARMACOGNOSIE, PHYTOCHIMIE, PLANTES MÉDICINALES

sclaréol,646* sésamoline, 170* Solanum dulcamara, 1208


scléroglucane, 47 Sesamum indicum, 169 Solanum nigrum, 1209
scolymoside, 284 SESQUITERPENES, 737 Solanum spp" 826
scopanol,960* Setaria, 71 Solanum tuberosum, 72, 1209
scoparoside, 1001 shaftoside, 372* solasodine, 1203*
scopolamine, 962*,969,973 SHIKlMATES, 267 solénopsine A, 943*
scopolétol,308* shikonine, 494*,496 solidage,294
scopolioside, 712 shionone, 802* Solidago spp" 294, 296
scoulérine, 1063* shogaols, 350 son de blé, 86
scrofulaire,717n Shorea robusta, 176n Sophora japonica , 385
Scrophularia nodosa, 712, 717n shoyu, 171 sophorose, 32
SCROPHULARIACEAE,127n, shyobunone,682* Sorangium cellulosum, 783n
712n,717n, 821n, 882 silybine, 336* sorbier, 19
scutellaire, 779 Silybum marianum, 336 sorbitan, 20, 174
Scutellaria lateriflora, 779 silychristine, 336* sorbitol, 14*,18
séco-antioquine, 1048* silydianine, 336* Sorbus aucuparia, 19
séco-iridane, 560* silymarine, 337 Sorghum, 71
sécoisolaricirésinol, 132, SIMAROUBACEAE,917 souci des jardins, 848
329*,331 Simmondsia sinensis, 194 soulatrolide, 420*
sécologanoside, 710*, 1152* simmondsine, 194 spartéine, 1002*
sécotanapartholide, 765* sinalbine, 230 Spartiumjunceum, 1001
Securinega, 1007 sinensétine, 289 SPERMI(DI)NES, 1211
sécurinine, 1025* sinigroside, 230, 234 spiréoside, 290*
sédanolide, 601 * sipo,916 spirosolane, 808*,826
semen contra, 754n Siraitia grosvenorii, 822 spirostane, 808*,811
séné,511 sirop d'ipéca, 1116 spiruline, 50
Senecio jacobaea, 989 sirops de glucose, 17 squalène, 550*
Senecio vulgaris, 996 sisal,84 stachyose, 36*
sénécionine, 747, 987* Sisymbrium officinale, 235 Stachys tuberifera, 36
sénéciphylline, 987* sitostanol, 907 staphysaigre, 1200, 1227n
séneçon commun, 996 sitostérol,902-905*-907 Stemmacantha, 522
séneçon de Jacob, 989 Skimmia laureola, 668 stemmadénine, 1158-59*
sénégine III, 841 * skimmine,308 Stephania cepharantha, 1074
senkirkine, 747,995* skytanthine, 938* Stephania tetrandra, 1073
sennidines, 503* smilagénine, 812* Stercu/ia spp., 102
sennosides, 513* Smilax spp., 825, 861n (ex) STERCULIACEAE, 102,
séoulou, 1204 soja, 171,414,825 144,1225,1228
Serenoa repens, 186 solamargine, 1203* Stevia rebaudiana, 792
Serjania, 820 solamarine, 1208* stévioside, 793*
sérotonine, 1123* SOLANACEAE,72,850n,927, stigmastane,808*
serpentine, 1176* 965,975,1017,1207 Stipa tenacissima, 863
serpolet, 646, 1116n solanidane, 808*,826 storax,302
sésame, 169 solanidine, 1203* stramoine, 965
sésarnine, 855 solanine, 1203* strictosidine, 1142*, 1158*,
sésamol,170* solanocapsine, 1208* 1161*
INDEX 1267

strogogénine, 872* tamarin,27 terpin-l-én-4-o1, 579*, 665


strophantidine, 872* Tamarindus indica, 27 terpinènes, 579*
Strophanthus spp, 890 Tamus communis, 354 terpinéol,572*
Stropharia, 1121 Tanacetum cinerariifolium, terpinolène, 577*
strychnane, 1156-58* 731 terthiényl,199*
strychnine, 1165* Tanacetum parthenium, 764 testostérone, 827*
Strychnos nux-vomica, 1163 tanin officinal, 461 tétracosanol, 185
Strychnos spp. (curares), 1050 tanins condensés, 450 tétradécanoylphorbol-13-
styles de maïs, 69n tanins ellagiques, 446 acétate, 777
stylopine, 1068* tanins galliques, 444 tétrahydrocannabinol,534,
STYRACACEAE,301,302 tanins hydrolysables, 444 536*-540
Styrax spp., 301 TANINS,441 TÉTRAHYDROISOQUINO
styrène, 302 tannia,73 LÉINES, 1037
STYRYLPYRONES, 357 tanshinone, 793* tétraméthrine, 734*
subérosine, 309* tapioca, 73 tétraphylline, 221 *
suc d'aloès, 519 tara (gomme), 116n Tetrapleura, 820
sujù,171 tara (tanin de), 450 teucrine A, 785*
sugammadex, 37 Taraxacum officinale, 95 teucrines, 779
sumacs,544 taraxastane, 807* Teucrium spp., 778
supinidine; 986* taraxérol,807* thalicarpine, 1048*
sureau,436 taros, 73 Thalictrum, 1073n
Swainsona canescens, 1008 T AXACEAE, 779 thaligrisine, 1048*
swainsonine, 1008* taxifoline, 336* Thapsia, 754
Swartzia, 820 taxine, 781 * thaumatine, 249
swéroside, 721 * taxiphylline, 221 * Thaumatococcus danielli, 249
symphytine, 987* taxol,781* THe, 534-540
Symphytum officinale, 993 Taxus spp., 779 thé à sonnettes, 989
Synsepalum dulcificum, 250 taxusine, 781 * thé de Java, 288
syringarésinol, 330*, 855 tazettine, 1109* thé hong-cha, 405n
Syzygium aromaticum, 657 tea tree, 664 thé rouge, 405n
teck,497 thé,1219
Tecoma, 497 THEACEAE,1219
T Tectona grandis, 497 théaflagalline, 1221 *
Telitoxicum, 1050 théaflavine, 1221 *
tabacs, 1017 tellimagrandine, 447* théasinensine, 1221 *
Tabebuia, 497 temoe lawacq, 347 thébaïne, 1079*, 1086*
Tabernanthe iboga, 1177 tempeh,171 Theobroma cacao, 1225
tabersonine, 1160*, 1174n téniposide, 333* théobromine, 1227
Tacca,73 ténuline, 753* théophylline, 1216* ,1217
TACCACEAE,73 teonanacatl, 1121 thésinine, 991 *
Tagetes, 199 tepescohuite, 863 Thevetia neriifolia, 893
tagetone, 572* térébenthines, 697 thévétose, 873*
taU oil, 698 tergalloyl,446* thévétosides, 893
tallose,8n Terminalia chebula, 482 thiarubrine, 199*
tamanu (huile de), 421 tematine A2, 425* thiobinupharidine, 1196*
1268 PHARMACOGNOSIE, PHYTOCHIMIE, PLANTES MÉDICINALES

thiocolchicoside, 1106 Trifolium pratense, 417 Vrginea maritima, 888


thiophènes, 199 triglochinine, 221 * ursane, 807*,813
thiosulfinate, 241 Trigonellafoenum graecum, Vrtica spp., 901
thuyane, 560* 114,824 URTICACEAE, 84, 901
thuyones, 612,643* Triphyophyllum,1026n urushiol,489*
thym, 287,647 Tripterygium wilfordii, 775 usaramine, 997*
THYMELAEACEAE,777 Triticum, 69,163 usharidine, 874*
thymol, 577*,646,648 Triumfetta, 84 ushinsunine, 1057*
Thymus serpyllum, 646 TROP~OLACEAE,237 Vsnea,263n
Thymus vulgaris, 647 Tropœolum majus, 237 Vvaria, 1047
Thymus zygis, 647 tropanol,960* uzarigénine, 871 *
tigliane, 772* tropisetron, 974
tigogénine, 812* trospium, 974
Tilia spp., 129 tryptamine, 1118* V
(ex) TIUACEAE, 84,129 tryptamines, 1119
tiliroside, 372* tryptophane, 270* Vaccinium macrocarpon, 477
tilleul, 129 tubeimoside, 820 Vaccinium myrtillus, 43 J
tinevelline, 513* tubéreuse, 574 valépotriates, 741 *
tiotropium, 974 tubocurarine, 1051 * valéranone, 741 *
tirucalladiénol,916* tubuline, 334, 356 Valeriana officinalis, 740
tirucalline, 447* tubulosine, 1163* VALERIANACEAE,740
tlitlitzin, 1125 tung (huile de), 778n valériane, 740
tocophérol,183* Turbina corymbosa, 1125 Vallesia, 1162
tofu,171 turbith,211 valonéoyl,446*
tomatidénol,1208* turmérone, 345 valtrate, 741 *
tomatidine, 1208* Turraeanthus, 916 vanilline, 574*
tonyu, 171 tussilage, 127n, 995 varech,52
topinambour, 17 tussilagine, 995 * varénic\ine, 1003
topotécan, 1185 Tussilago farfara, 990, 995 vasicine, 1188*
tormentille, 470 tussilagone, 995* veatchine, 1198*
tournesol, 174 tutine, 755* vécuronium, 1053*
Toxicodendron, 544 Tylecodon, 871 veinotrope, 378, 384
toxiférine, 1051 * Tylophora,1025n vératramine, 1204*
TPA,777 tylophorine, 1007* vératre, 1205
tragacanthine, 108 tyrosine, 269* vératridine, 1205n
trèfle des marais, 723 Veratrum album, 1205
trèfle rouge, 417 verbascose, 36*
trémuloïdine, 292 U verbascoside,275*
triacontanol, 187 Verbascum spp., 127n
triacylglycérols,142 ulmaire, 290 Verbena officinalis, 724
Tribulus, 820n Vlva, 50 Verbena triphylla, 677
Trichocereus pachanoi, 1038n umbelliférose, 36* VERBENACEAE,497,677,724,
trichodesmine, 987* Vncaria gambir, 481 790
Trichosanthes kirilowi, 253 Vndaria pinnatifida, 50, 51 verbénaloside, 709*,724
trichosanthine, 253 Vrena lobata, 84 verek (acacia), 105
INDEX 12(1)
------------------------- ...-~-~~-~ .. ~-.~"~-

verge d'or, 296 vitamine P, 378 yakee,1122


vemolépine,753* Vitellaria paradoxa, 176 yam,863
Vernonia galamensis, 167n Vitex agnus-castus, 790 yamogénine, 812*, 820
Vernonia,200n vitexine,394* yangonine, 358*
Veronica officinalis, 712n Vitis vinifera, 355, 435, 479 yanhusuo, 1072
véronique, 712n Voacanga,1174n yingzhaosu, 758*,759
verticillène, 781 * Voandzeia,74n ylang-ylang,209n
verveine odorante, 677 vobasine, 1153* yohimbane, 1156-58*
verveine officinale, 724 volubilis, 1125 yohimbe,1165
vescalagine,447* vomiquier, 1163 yohimbine, 1166
vesces, 218 yopo,1122
vétivone,573* Yucca, 861n
vicénine-2,394* w yuques,861n
Vicia, 218
Vigna spp., 74n wakame,50
vigne, 435, 479 Wedelia,778
widdrane,739*
z
vi/ca, 1123
vimaline,292 wintergreen 590 Zamia,226
vin, 355, 460n Withania somnifera, 850n Zanthoxylum,1188
vinblastine,1168* withasomine,1025* Zea mais, 69,164
Vinca minor, 1173 wogonine,793 zédoaire, 353
vincadifformine, 1174*, zhang guo gan cao, 830
1174n zhicaowu,1200
vincamine,I174* x zhichuanwu,1200
vincathicine, 1153* Zigadenus,1207
vincristine,1168* xanthane (gomme), 45 Zingiber officinale, 349
vindésine, 1170 Xanthium,778 ZINGIBERACEAE, 344-353, 824
vindoline, 1160*, 1168* xanthohumol, 541 * zingibérène, 345*
vindolinine,1153* Xanthomonas campestris, 45 Zizania,71
vinflunine, 1173 xanthones,356 Ziziphusjujuba, 822,1212
vinorelbine, 1171,1171 * xanthorhizol,350* zoapatanol,772*
vinpocétine,1174* Xanthosoma,73 ZOE, 660
vinyl-dithiine, 241 * xanthotoxine,320* zoopharmacognosie,200n
Viola spp., 127n xanthoxyline,262'" zwiebelane,244*
VIOLACEAE,127n xanthydrol,877 ZYGOPHYLLACEAE,338,824,
violette, 127n xanthylétine,309'" 1124
Virola spp., 1122 xylitol, 14*,21
VISCACEAE,252 Xylopia œthiopica, 101411
viscotoxines,252 xylose,8*, 12'"
Viscum album, 252 xylulose (phosphate), 555
visnadine, 309*, 311
VITACEAE, 435, 479
Vitali-Morin (réaction de), 965 y
vitamine C, 23, 24*
vitamine E, 183 yagé,1123

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