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Editorial
Le Conseil d'administration de la revue est heureux d'annoncer la nomi- Dinu Lipatti
nation de M. J.-J. Eigeldinger au poste de rédacteur en chef. Professeur
à l'Institut Jaques-Dalcroze, au Conservatoire de Genève, et chargé de
cours à l'Université de cette même ville, il va recevoir le titre de Docteur
et Georges Schwob
en musicologie pour une thèse actuellement à l'impression 1. Nous le remer- par André Gendre
cions d'avoir accepté d'assumer la tâche de rédacteur responsable, qu'il a
exercée avec une compétence et une efficacité que nous apprécions depuis
le décès en 1974 du regretté Pierre Meylan. Nous saisissons cette occasion Georges Schwob (1891-1979) a servi la musique exemplairement pen-
pour remercier également tous nos collaborateurs réguliers ou occasionnels, dant plus de soixante-dix ans. Il le fit d'abord en amateur écla_iré. Il con-
en parlliculier M. Jacques Viret, qui continuera de diriger le Courrier suisse vient de prendre ce terme d'« amateur )) dans son sens preiDier, le plus
du disque avec une autorité indiscutée, et M. J.-R. Hippenmeyer dont la riche. Reportons-nous à cette époque heureuse où l'exécution profession-
chronique de jazz est fort appréciée. nelle n'avait pas encore à sa disposition les moyens techniques ~e diffu-
sion et de reproduction qui font d'elle actuellement une souverame tr?P
Donnant suite à notre demande, la Fondation Pro Helvetia et la com- absolue. Dans une ville comme La Chaux-de-Fonds, avant 1945, « cec1 ))
mission des affaires culturelles de la Suisa ont décidé de nous allouer une n'avait pas encore tué « cela)). Au contraire, on avait besoin de très bons
contribution financière pour les années à venir. Nous exprimons notre gra- amateurs. L'OSR venait régulièrement, la radio diffusait les œuvres clas-
titude aux responsables de ces institutions, dont l'appui nous permettra de
siques, des concerts étaient donnés par de grands artiste.~, m~is on atten~ait
suivre de plus près l'activité musciale en terre romande et de favoriser des des amateurs qu'ils ne vécussent pas en vase clos et qu Ils fissent connrutre
échanges avec la Suisse allemande. Nous croyons avec Denis de Rouoemont
à une population toujours très avide les œuvres du répertoire : séan_ces
que la défense culturelle de régions limitées - et la Suisse roma~de en publiques de piano à quatre mains où l'on jouait les grandes symphomes,
est une - est vitale pour le bien du pays tout entier. Défendant notre patri-
les grands quatuors. Georges Schwob n'h~sitai~ pas à s:eng~ger dans . ~t
moine culturel propre, nous ne nous sentons pas moins solidaires des excercice exaltant et je l'entends encore rn expnmer son emot10n et sa JOte
régions alémaniques et tessinoises de notre pays.
Nous relevons aussi avec satisfaction qu'une Section romande autonome
Uusqu'ici rattachée à Berne et Soleure) de la Société ~uisse de musicologie
est en train de se créer, dont notre revue est pressentie pour être l'organe
officiel.
Pour qu'une revue comme la nôtre puisse remplir les rôles qui lui sont
dévolus il faut qu'elle se fasse entendre. Aussi notre Conseil a-t-il décidé
de lanc~r une campagne d'abonnement à l'occasion de la sortie de ce nu-
méro 5 de 1980. Si donc vous approuvez les buts que nous nous sommes
fixés et si vous trouvez de l'intérêt à ce numéro - vous qui recevez pour
la première fois notre revue - nous vous engageons à vous abonner au
moyen du bulletin de versement annexé.
Nous remercions nos anciens abonnés de leur fidélité et de leurs encou-
ragements ; nous serons heureux de recevoir leurs remarques, suggestions
et critiques. Nombreux sont ceux qui nous ont procuré des noms et adresses
pour notre campagne de promotion. Nous leur en sommes reconnaissants.
C'est là un suffrage pour tous les responsables de la Revue musicale de
Suisse romande.
Le Conseil d'administration
Cher Georges,
[ ...] Ma santé continue à aller très bien.
Le concert de Berne 21 fut très réussi et lundi passé, baptême de la petite
Markevitch 22 chez nous, 18 personnes, agitation, etc.
Ce matin je parle (!) et joue à Sottens, histoire de me faire de la réclame
pour les disques. Quand je vous dis que je suis impossible !
... Nadia Boulanger 2s, en séjour chez nous lors du baptême, m'a chargé
:§.
I.J
.s tn Son état de santé ne permit pas à Lipatti de graver quatre Préludes et Fugues
du Clavecin bien tempéré ainsi que ces Sonates de Scarlatti. Les deux Sonates (L. 23
et L. 413) de Scarlatti furent enregistrées à Londres en février et septembre 1947.
2o A partir de mai 1950, des amis avaient mis à la disposition de Dinu et Made-
leine Lipatti une grande maison entourée d'un jardin à Chêne-Bourg. C'est là que le
pianiste s'éteignit le 2 décembre 1950.
20 • Le Dr Charles Wolf, chirurgien à La Chaux-de-Fonds, et mélomane distingué.
21 Le 15 juillet 1950.
22 Allegra Markevitch, fille d'Igor Markevitch ; Lipatti en était le parrain. La céré-
monie de baptême est perpétuée par une photographie (cf. Hommage à Dinu Lipatti,
Genève, 1951), qui réunit la filleule, le parrain et Nadia Boulanger.
2 3 Nadia Boulanger (1887-1979) fut le professeur de composition de Lipatti à l'Ecole
Normale de Musique de Paris dans les années d'avant-guerre. Des liens amicaux se
tissèrent entre eux. C'est Nadia Boulanger qui a terminé la réalisation du continuo de
L'Offrande musicale, entreprise par Lipatti dans les derniers mois de son existence.
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de mille amicales pensées pour vous. Elle est toujours rayonnante de bonté F errière 31 et sa femme, en voiture. Ce sera très amusant, vous allez voir.
et d'intelligence. Et contre vos migraines je vous prescris dès maintenant le Fortacyl. (For-
Que devient mon Président Wilhelmus 24 ? Aucune nouvelle. Nous aime- midable !) Adieu.
rions tellement l'avoir avec sa femme chez nous. Dinu Lipatti,
Et vous deux, quand venez-vous nous voir? Pardon. Merci. A vec toute 5, av. Bel-Air, Chêne-Bourg, Genève.
ma fidèle et reconnaissante amitié ( + Mad [el eine]) je reste
votre Dinu
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cription du Choral Jésus, que ma joie demeure. transactions au !llljet du Steinway de concert pour La Chaux-de-Fonds.
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Très imparfaitement, je pourrai résumer en quelques attitudes le chemin
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qui, d'après moi, me semble celui qui doit mener à la vérité. Chercher à
découvrir toute l'émotion de l' œuvre en la jouant beaucoup, de différentes
[De Madeleine Lipatti] manières, avant de commencer à la jouer techniquement. En disant « la
Chêne, le 16 nov[embre] 1950.
jouer », je pense surtout ; « en la jouant dans sa tête », comme si elle était
Chers amis, exécutée par le plus parfait des interprètes.
Diou me charge de vous remercier de tout l'intérêt que vous lui portez, Après avoir gardé l'impression de beauté absolue que cette interpréta-
et des livres qu'il se réjouit de lire dès qu'il sera mieux. Il est encore très tion imaginaire a laissée (impression que l'on renouvelle et vivifie constam-
faible, et on lui fait subir des traitements bienfaisants mais exténuants, qu' il ment, en répétant dans le silence de la nuit l'exécution imaginaire) passer,
supporte avec stoïcisme ! Espérons que bientôt nous pourrons vous donner ensuite, au travail réel et technique, en disséquant chaque difficulté en mille
de bonnes nouvelles. morceaux pour éljminer l'entrave physique et technique non pas « en bloc »,
Diou se joint à moi pour vous envoyer nos très sincères amitiés. mais « en détail » . Ce travail doit se faire avec la tête froide, en se gar-
dant de mettre du sentiment.
Madeleine Enfin la dernière phase, celle où l'œuvre, entièrement dominée physi-
quement, doit être construite dans ses grandes lignes, jouée d'un bout à
l' autre pour avoir « la perspective de loin » et à l'exécution de laquelle
15 participe l'être froid, lucide et insensible qui a présidé le travail, ainsi que
l'artiste plein d'émotion, de fantaisie, de vie et de chaleur qui l'a crée men-
Grotrian 48 talement et qui retrouve, maintenant, les moyens d'expression qu'il n'avait
alors.
1) Raser les marteaux. Je m'excuse de devoir si mal exprimer un acte aussi solennel et dans
2) Egaliser les marteaux, en renforçant le discant 49 et en adoucissant le l'espoir que cela ne vous semblera pas trop incompréhensible, je vous
médium et la basse. adresse l'expression de mes cordiaux sentiments.
3) Sortir tous les étouffoirs, les brosser légèrement avec une brosse à dents Dinu Lipatti
ou avec les aiguilles d'intonation, les remettre en place et faire très
attention qu'ils s'ouvrent seulement à partir de la moitié de la course du
marteau.
4) Graphiter le dessous de la mécanique (ou talquer à défaut de graphite) ÉCHOS ET NOUVELLES
pour que la sourdine puisse glisser plus fidèlement. Charmante visite zurichoise voix et orchestre fut exécutée à cette oc-
au Château d'Yverdon casion par l'Orchestre de la Tonhalle sous
Marie-Louise Ott, violoncelle, Marie- la direction de Kurt Brass, avec Philippe
Louise Meister, piano, Christina Vital, flû- H11ttenlocher en soliste.
te, et Jacques Trezzini, flûte, ont donné à
Yverdon, le 27 septembre, une soirée mu- Une musique suisse à l'honneur
Il nous a paru opportun de terminer cet hommage à Lipatti en repro- sicale de haute qualité. à Londres
duisant ici le texte d'une profession de foi artistique, qu'il adressait en 1946 Ces anciens élèves du Conservatoire et Depuis 1900 sont organisées à Londres,
de l'Académie de musique de Zurich, qui chaque année, les prestigieuses fêtes des
à la musicienne Marie-Madeleine Tschachtli so : ont joué des œuvres de Nardini, Schu- musiques de cuivre. Le brass band valai-
mann, Mozart, J.-S. Bach, Haydn, Fauré san Treize Etoiles a remporté le 5 octobre
Chère Mademoiselle, et Quantz, se sont révélés des interprètes le troisième prix du concours européen,
Je vous remercie pour vos aimables lignes et pour toutes vos bonnes enthousiastes, sérieux et sympathiques. devant un public enthousiaste de plusieurs
Nous pensons qu'il est heureux que les milliers de personnes, à l'Albert Hall. Les
pensées concernant mon récital de Fribourg, qui m'ont vivement touché. Romands puissent entendre de jeunes artis- Valaisans avaient interprété avec leur chef
Que vous dire sur l' interprétation ? Il me faudrait parler et non pas tes suisses allemands et constater l'excel- G.-P. Moren, l'ouverture des Francs-Juges
écrire, car autrement il me faudrait trente pages. lence de la formation instrumentale don- de Berlioz et une œuvre imposée du con-
née à Zurich. C. temporain Néo-Zélandais Philip Sparke:
« Aotearoa ». Ce succès est d'autant plus
48 Ces notes sont destinées à assurer un meilleur entretien et réglage du piano Armin Sc hible r lauréat du prix de la flatteur pour la Suisse que Treize Etoiles
Grotrian-Steinweg de Georges Schwob. Elles témoignent de l'intérêt et des connaissan- musique 1980 de la Ville de Zurich a obtenu le plus grand nombre de points
ces de Lipatti en matière de technique, aspect inséparable de son amour de la perfec- C'est au cours d'une cérémonie à la de tous les ensembles étrangers partici-
tion . Tonhalle de Zurich, le 18 octobre, que ce pants, les deux premiers prix ayant été
49 Soit le dessus, l'aigu. décernés à des musiques de Grande-Bre-
prix a été remis. La composition d'A.
&o Texte publié pour la première foi~ par M.-M. Tsch~c~tli dans le Bulletin du tagne.
Schibler, Huttens letzte Tage (op. 84) pour
Conservatoire de La Chaux-de-Fonds, Muszque, 1951, No 2 (fevner).
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