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Comment lire intelligemment une

publication scientifique ?
https://devhist.hypotheses.org/3103

Cette note est la version développée d’une fiche synthétique destinée aux étudiant-e-s de licence ou de master
ayant à effectuer une lecture critique d’article scientifique – exercice qui me semble au moins aussi formateur
que le traditionnel exposé, dans le cadre des TD notamment 1 . Les premières années universitaires sont
essentiellement vouées à l’acquisition de connaissances et de méthodes : on apprend beaucoup de choses, mais
pas toujours comment se comporter face aux savoirs tels qu’ils sont élaborés par les auteur-e-s, mis à disposition
par les bibliothèques et par le web, transmis par les enseignant-e-s. Or on pourrait presque soutenir que c’est
lorsque l’on se met à décortiquer les produits (au sens premier du terme) académiques, lorsque l’on cherche à
passer de « ce qui est dit » à « comment l’auteur-e a fait pour le dire », que l’on commence à devenir historien-
ne, sociologue, économiste, géographe, démographe ou encore anthropologue 2 . Dès le master, c’est vous qui
serez en situation de produire de la connaissance, et, au fond, c’est sur le même type de critères que ceux qui
s’imposent aux chercheurs-ses de métier que votre travail sera examiné.
L’enjeu n’est-il d’ailleurs qu’étroitement universitaire ? Évidemment pas. L’enseignement universitaire ne vise
pas seulement à fabriquer des futurs savants ou enseignants ; il prétend former des esprits capables de
discernement, aptes à ne pas confondre une thèse séduisante et une démonstration étayée. Pour que la lecture
d’un texte scientifique soit vraiment profitable, il faut se déprendre de l’attitude passive du consommateur
d’information (tendance tout-à-fait naturelle au demeurant) pour adopter une démarche active et critique au bon
sens du mot : soumettre les « productions humaines à un examen éclairé et un jugement équitable » pour le dire
comme dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Afin de percevoir l’importance de la discussion entre
pairs dans la constitution des sciences sociales, rien de plus éclairant que de parcourir les « notices » publiées,
dans les années 1900, dans L’Année sociologique, la revue fondée par Émile Durkheim.
Je propose de découper l’exercice en trois grandes étapes :
1. présentation du cadre et du contexte de la publication ;
2. analyse de la démarche scientifique ;
3. discussion critique.
On pourrait presque se donner comme objectif, en tant qu’étudiant-e, de maîtriser le mieux possible l’un de ces
trois savoir-faire à la fin de chaque année du premier cycle universitaire. Voici quelques indications pour
comprendre de quoi il retourne. Pour illustrer mon propos, j’ai agrémenté les explications d’exemples puisés,
assez arbitrairement, dans mes souvenirs de lectures. Il y aurait sans doute bien des façons de compléter ou
d’amender ces diverses suggestions.

Présenter le cadre et le contexte de publication


Le premier point à aborder est simple : qui est l’auteur-e ? Cela paraît une évidence, mais on oublie souvent que
la recherche est faite par des hommes et femmes et non par une abstraction lointaine (« des scientifiques ont
montré que »…). Au-delà de l’identité du rédacteur, ce qui importe, c’est son statut (enseignant-e–chercheur-se
(université), chercheur-se ou ingénieur-e3 (organismes de recherche, autres institutions ayant un département
recherche), post-doctorant-e…) et son rattachement institutionnel précis (institution, laboratoire, équipe…), ses
thèmes de recherche et surtout le fait qu’il/elle soit ou non spécialiste du domaine traité dans le texte étudié. Ces
renseignements ne doivent pas biaiser votre lecture en vous chargeant d’a priori positifs (effet d’autorité) ou
négatifs. Il s’agit surtout de savoir si l’auteur-e appartient à la communauté scientifique, avec ce que cette
appartenance fournit comme garanties minimales de professionnalisme (possession de diplômes, recrutement et
évaluation par les pairs, inscription dans une économie du « crédit académique », c’est-à-dire dans un milieu où
le besoin de reconnaissance se traduit par la nécessité de faire du bon travail…) 4 . Évidemment, cela ne suffit
pas. Et évidemment, rien n’empêche par principe un-e chercheur-se non-professionnel-le d’offrir une
contribution essentielle à un champ de connaissance donné. Songeons à Serge Klarsfeld à propos de la
déportation des Juifs de France, à Jean-Luc Einaudi sur la guerre d’Algérie et le 17 octobre 1961, et rappelons-
nous que l’ « historien du dimanche » Philippe Ariès, auteur de L’Enfant et la vie familiale sous l’Ancien régime
– l’un des ouvrages les plus influents des décennies 1960 et 1970 dans le champ de l’histoire de la famille et de
la démographie historique – n’était ni en poste à la Sorbonne, ni à l’INED, ni à l’EHESS, mais documentaliste à

1
l’Institut des fruits et agrumes coloniaux 5 … Le critère essentiel reste bien la rigueur et la scientificité du travail
mené.
Savoir de quel type de publication relève le texte est de la plus grande importance. A-t-on affaire à une étude
empirique originale (article de recherche publié dans une revue scientifique, mémoire, thèse de
doctorat…), nourrie de sources brutes et d’un rapport direct au « terrain » ? À un essai ou une synthèse critique,
essentiellement appuyés sur des travaux préexistants (matériaux de seconde main) ? À une note (critique) de
lecture6 ? À un manuel ou un ouvrage de synthèse destiné aux étudiant-e-s (cf. les collections du type « Que
sais-je ? », « Repères », etc.) ? À un texte de vulgarisation scientifique ou visant un lectorat étendu (cf. les
« quatre pages » comme Insee Première ou Population et sociétés) ?… On n’attend pas la même chose de ces
différentes catégories d’écrits, et on n’apprécie pas non plus leur qualité de la même manière. Le genre « essai »
est souvent déprécié par les chercheurs qui se méfient du manque d’ancrage empirique mais certains ouvrages de
cette catégorie, parce qu’ils élargissent la réflexion et prennent de la hauteur, sont reconnus comme des livres
majeurs7 . Le vrai problème concerne surtout les produits marketing dont les signataires peuvent être de pures
créations médiatiques ou, parfois, de membres de la communauté académique délaissant le travail ingrat du
« terrain » au profit de gains plus rapides et éventuellement plus matériels. Généralement, un rapide coup d’œil à
la bibliographie permet de se faire une idée du temps passé à écrire l’ouvrage en question.
Venons-en au support éditorial : l’éditeur et la collection s’il s’agit d’un livre ; la revue s’il s’agit d’un article.
Je vais insister ici sur le type « article ». Avec les colloques et les séminaires de recherche, les
revues spécialisées sont les piliers de l’activité scientifique. Pour un-e chercheur-se, publier régulièrement dans
de « bonnes revues » est une nécessité – le must en terme de visibilité, de diffusion et de prestige étant d’accéder
aux plus cotées d’entre elles. L’une des raisons qui font qu’un énoncé scientifique est autre chose qu’une opinion
déguisée ou qu’une poignée de considérations jetées à la va-vite réside précisément dans le fonctionnement de
ces institutions8 . Un texte publié est en effet le résultat d’un processus collectif et itératif parfois très long. Il
arrive fréquemment que le temps se compte en années entre le début d’une recherche et la parution finale. C’est
souvent après avoir déjà présenté ses recherches dans différents cercles scientifiques (séminaires, colloques,
conférences internationales…) que l’auteur-e soumet son « papier » à la revue ; lorsque celle-ci possède un
comité de lecture, l’article proposé passe entre les mains de relecteurs désignés comme « experts » (referees ou
peer reviewers), opérant généralement en double-aveugle (anonymat de l’auteur et des experts) et qui peuvent
refuser un article jugé insatisfaisant ou exiger des révisions parfois substantielles et réitérées. Cette organisation
du travail scientifique ne suffira jamais à l’établissement de « vérités absolues et définitives » mais limite au
moins le risque d’affirmations grossièrement fausses ou malhonnêtes et de non-sens flagrants. Ce n’est déjà pas
si mal.
Lorsque vous lisez un article et que vous le passez au crible, il est essentiel de bien identifier de quelle revue il
est extrait. Vous acquerrez au fil de vos études une sorte de culture du paysage éditorial, et saurez par exemple
que Sociologie, SociologieS et la Revue française de sociologie sont trois revues tout-à-fait distinctes.
L’existence ou non d’un comité de lecture, le degré de légitimité de la revue, et surtout ses orientations
théoriques sont autant d’éléments à prendre en considération. L’irruption depuis quelques années de l’open
access fait l’objet de débats intenses : vous croyiez peut-être jusqu’ici que les auteur-e-s d’articles étaient payé-
e-s pour leur tâche, un peu comme les pigistes, ou si vous préférez les feuilletonistes du XIXe siècle, ce qui n’est
heureusement pas le cas. Vous saurez désormais que certain-e-s auteur-e-s payent, et parfois très cher (le coût
étant en général supporté par le laboratoire), pour voir leurs articles publiés dans ces revues électroniques, avec
des procédures d’expertise accélérées… et parfois pas d’expertise du tout. Connaître les différents modèles de
libre accès, dont certains sont parfaitement légitimes, savoir ce qu’est une mise en ligne d’article sur le mode
« archive ouverte » (ex : HAL-SHS), constituent une nécessité.
Les tours d’ivoire n’existent pas et toute publication s’inscrit, explicitement ou non, dans une époque traversée
par des débats sociaux, sociétaux, politiques, dont les débats scientifiques sont pour la plupart indissociables. On
ne comprend pas la curiosité de Pierre Vidal-Naquet pour l’historien Flavius Josèphe (37/38 – c.100) si l’on ne
connaît pas la trajectoire et les engagements du premier. On ne comprend pas le sens de l’affrontement entre
Roland Mousnier et Ernest Labrousse sur la stratification sociale de l’Ancien régime (« ordres ou classes ?»), les
controverses violentes déchirant les historiens de la Révolution française à peu près à la même époque, ou encore
l’apport théorique essentiel que représente un livre comme celui d’Edward P. Thompson, La Formation de la
classe ouvrière (1963)9 , si l’on ignore tout de l’histoire du marxisme et de la guerre froide. Pour réaliser une
analyse de lecture satisfaisante, vous serez donc souvent amené à effectuer quelques recherches sur ce contexte
de publication – sans aller nécessairement jusqu’à transformer l’exercice en commentaire de document
historique. Si par exemple vous avez à traiter une publication récente sur la Grande guerre, vous ne pourrez pas
échapper aux controverses entre « école de Péronne » et historien-ne-s du Crid 14-18 : il ne s’agira pas d’avaler
toute l’historiographie du sujet depuis vingt ans, encore moins de prendre parti, mais de résumer en quelques
phrases le débat, en faisant état des enjeux idéologiques, générationnels et institutionnels sous-jacents. Cela
amènera à mieux saisir le texte, parfois même à lire entre les lignes.

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Résumer en un ou deux paragraphes le contenu de la publication, en mettant en relief son argument
principal et/ou ses principaux résultats, est une bonne façon de conclure la première étape avant de passer à la
seconde.

Analyser la démarche scientifique


On entre désormais dans le cœur de l’analyse, disons dans l’étude « interne » de la publication. Chaque auteur-e
a son propre style malgré le caractère relativement codifié de l’écriture académique : l’exposition de la démarche
adoptée et des ressources mobilisées est, selon les cas, plus ou moins formalisée. Le facteur disciplinaire est à cet
égard assez déterminant : la santé publique et l’épidémiologie tendent à imposer la norme de rédaction dite
« IMRAD » (pour Introduction, Method, Results and Discussion) mais les sciences humaines restent dans
l’ensemble rétives à l’idée d’une telle standardisation des articles, propice au formatage de l’écriture sinon de la
pensée. Il faut donc parfois, pour recomposer les étapes d’un raisonnement, être capable de s’abstraire de la
lecture ligne à ligne. Notons qu’en général, les études de type « quantitatif » (surtout en économie et en
démographie) reposent sur des protocoles un peu plus normés que les travaux « qualitatifs ».
Pour qu’une enquête scientifique soit digne d’intérêt il faut qu’elle repose sur un objet construit de manière
raisonnée, une problématique féconde et, même si elles ne sont pas toujours indiquées noir sur blanc, sur des
hypothèses de départ (le dispositif de recherche étant une mise à l’épreuve de leur validité). À vous de les
repérer, et d’apprécier leur richesse et leur pertinence. Lorsque des économistes d’aujourd’hui cherchent à
évaluer l’impact des cycles menstruels sur les comportements économiques ou les préférences sociales, vous êtes
en droit de vous interroger, même si le protocole expérimental peut paraître impressionnant 10 … Une
problématique s’inscrit dans un cadre théorique de référence, ou tout au moins un cadre d’analyse lui-même
issu d’un courant, d’une « école », au minimum d’un corps de concepts et/ou de méthodes. On parvient à deviner
ce cadre via différents indices (auteur-e-s cité-e-s, vocabulaire utilisé…), le laboratoire d’appartenance étant pour
les connaisseurs une indication forte, mais surtout en observant la liste des références bibliographiques. Pas de
bon travail scientifique sans une « littérature secondaire » à la fois étoffée et à jour, laquelle atteste une
maîtrise de l’acquis scientifique et garantit un minimum de cumulativité de la recherche.
La question des (res)sources empiriques (ou matériaux « primaires ») utilisées est sans conteste la plus
importante à aborder. Si vous êtes en début de cursus, c’est sur cette dimension que vous focaliserez tout
particulièrement votre attention. C’est pourquoi je m’étendrai un peu plus sur ce point qui, là encore, touche aux
fondements de nos disciplines et à la crédibilité de nos démonstrations. Lisez simplement l’avant-propos du
premier tome, ainsi que l’Annexe C du second tome de La destruction des Juifs d’Europe de Raul Hilberg
(1985), et vous vous ferez une idée de ce que furent les trente années de travail ayant abouti à cette œuvre qu’il
faut bien qualifier de monumentale11 . Contrairement au journaliste, l’auteur-e, en sciences humaines, cite ses
sources. Il/elle le fait au fil du texte, généralement selon un système de notes (de bas de page ou de fin), souvent
après avoir présenté ces sources en introduction ou en première partie. Ces dernières sont ensuite inventoriées en
fin d’ouvrage. Les matériaux de base de la recherche peuvent être de plusieurs natures. Si je les présente d’un
seul tenant, c’est que l’évolution de la transdisciplinarité a contribué à estomper les spécificités propres à chaque
discipline ou sous-discipline (caricaturalement : archives pour les historiens, entretiens ou observation
participante pour les socio-ethnographes, bases statistiques pour les démographes, les économistes ou les
sociologues quantitativistes, etc.). De façon très synthétique et nécessairement incomplète on peut distinguer :
 les sources imprimées (la « littérature primaire »), ainsi que les images, œuvres audiovisuelles, etc.
 les archives, c’est-à-dire tous les documents bruts conservés sans finalité de publication (ajoutons, pour
certaines époques, les matériaux archéologiques)
 les entretiens oraux (témoignages, récits d’expérience ou de vie…) et observations in situ
 les données statistiques (statistiques publiques, enquêtes originales)
Les approches quantitatives sont traditionnellement fondées sur des sources aussi homogènes que possible (y
compris dans le cas d’études sur archives : v. le corpus-monstre d’archives judiciaires constitué par Anne-Marie
Sohn dans sa thèse d’État12 ). La tendance à diversifier les matériaux d’enquête n’est pas si récente que cela (v.
Louis Chevalier, Classes laborieuses et classes dangereuses (1958)13 ), mais l’actuel décloisonnement
disciplinaire se traduit par l’existence désormais plus fréquente de travaux multipliant les terrains d’investigation
(v. Alexis Spire, Étrangers à la carte : l’administration de l’immigration en France (1945-1975) ou encore
Alain Dewerpe, Charonne, 8 février 1962 : anthropologie historique d’un massacre d’État14 ). Une fois le
corpus identifié, intéressez-vous à la critique à laquelle les sources sont soumises par l’auteur-e. La
« réflexivité » savante consiste notamment à s’interroger sur les écarts entre les sources et la réalité étudiée, de
manière à ne pas être « dupe » des limites du corpus15 et à en tirer le meilleur parti possible (v. comment Thomas
Piketty, dans Les hauts revenus en France au XX e siècle. Inégalités et redistributions 1901-1998, présente son
matériel d’analyse16 ).

3
L’usage qui est fait de ce corpus relève-t-il bien d’une démonstration logique, conforme aux règles
d’ « administration de la preuve » (l’auteur-e prouve-t-il/elle ce qu’il/elle affirme?) ? Cette question vous
conduit à vous pencher attentivement sur la démarche mise en œuvre : analyse documentaire, croisement
d’informations, classement ou élaboration d’une typologie, traitements statistiques, réalisation de cartes, etc. Il
est difficile de détailler davantage cet aspect qui se prête moins aux remarques transversales. L’idée sur laquelle
on pourrait insister est la suivante : nul n’est compétent sur tous les sujets, dans toutes les disciplines, capable
d’émettre un avis sur toutes les techniques existant pour transformer des données en résultats… mais on ne doit
jamais pour autant se laisser intimider par un texte. Le caractère rigoureux ou au contraire approximatif, limpide
ou confus, riche ou creux d’une démonstration peut être assez facilement repéré par un-e non-spécialiste un tant
soit peu exercé. L’honnêteté intellectuelle, la prudence quand elle s’impose, le refus des outrances et des
règlements de compte, laissent généralement présumer le sérieux d’une étude. Un article publié par le sociologue
Mathieu Ichou dans la Revue française de sociologie est selon moi un excellent exemple17 . La transparence de la
démarche, la capacité à se situer dans un débat scientifique sensible (tout en le désamorçant) et à expliquer
simplement une méthode sophistiquée, le sens de la nuance, n’ont pas pour seul effet de rendre un propos plus
convaincant. Ils permettent aussi de clarifier les points d’opposition, de mieux poser les problèmes, de faire
évoluer les controverses au lieu de les figer, etc. Cela nous amène au dernier stade, celui de la « discussion ».

Discuter le texte
J’ai évoqué en introduction le principe d’une acquisition graduelle des compétences. Il n’y a pas lieu d’exiger
d’un-e étudiant-e en premier semestre de licence qu’il/elle se lance dans une « discussion » hyper-technique qui
nécessiterait des années de spécialisation. Être capable de dire si le texte vous a paru clair, convaincant et
surtout intéressant (et en quoi) est déjà une première forme d’appropriation. Mieux encore, vous pouvez
indiquer ce que la lecture vous a apporté : vous sentez-vous un peu plus savant après cette lecture ? Avez-vous
l’impression d’avoir revu grâce à celle-ci certaines idées reçues ou clichés (ou l’article reste-t-il lui-même
prisonnier d’un certain nombre d’a priori ?) ? Dire en quoi le texte étudié s’insère dans votre enseignement ou
peut le compléter est peut-être ce qu’il y a de plus utile.
Les questions plus pointues sont de divers ordres. Le texte est-il plutôt classique ou novateur sur plan empirique
(connaissances), méthodologique ou théorique (questions générales) ? Y a-t-il des biais d’analyse flagrants ou
des « oublis » évidents (ex : l’auteur-e n’a pas mentionné une thèse contradictoire, a évoqué mais déformé les
arguments adverses, a occulté un fait établi qui fragiliserait ses arguments, etc.)? Des aspects factuels,
méthodologiques, interprétatifs ou plus théoriques sont-ils en contradiction avec ce que l’on peut savoir par
ailleurs ? Quelles sont les limites de l’étude et comment pourrait-on y remédier ? Ne pas développer ces
éléments de discussion ne vous interdit pas d’y réfléchir de votre côté. En osant exprimer vos commentaires,
même brefs, il n’est pas impossible que vous fassiez découvrir à vos enseignant-e-s des choses qu’ils/elles
n’avaient pas vues.
1. J’évite le terme de « fiche de lecture » qui, compris dans un sens trop scolaire, donne généralement lieu

à un résumé-paraphrase suivi d’un « avis personnel » sans grand intérêt [ ]


2. Le lecteur aura noté que cette note embrasse différentes disciplines. Le but, en effet, n’est pas de faire
un cours de méthodologie spécialisée, mais de fournir des clés valables pour toutes ces disciplines,

celles-ci relevant de principes généraux identiques [ ]


3. Les ingénieur-e-s d’étude (recrutés au niveau licence au minimum) et de recherche (niveau doctorat)
collaborent aux activités de recherche, sous des formes allant de l’appui technique et méthodologique à

la réalisation de tâches analogues à celles des chercheur-se-s [ ]


4. Rappelons à ce sujet que les métiers de la recherche en sciences sociales ne sont pas des professions
réglementées : l’usage du titre d’ « économiste » ou encore d’« historien-ne » n’est pas protégé par la
loi. Bien des personnalités médiatiques savent en jouer et entretenir la confusion, au besoin en se

réclamant de tel ou tel obscur « institut » ou « observatoire » [ ]


5. Philippe Ariès, L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, Paris, Plon, 1960 ; Philippe Ariès, Un

historien du dimanche, Paris, Seuil, 1980 [ ]


6. En voici un exemple : François-Joseph Ruggiu, « Histoire de la parenté ou anthropologie historique de
la parenté ? Autour de Kinship in Europe. », Annales de démographie historique 1/2010 (n° 119) , p.

4
223-256 URL : www.cairn.info/revue-annales-de-demographie-historique-2010-1-page-223.htm [
]
7. Robert Castel, Les métamorphoses de la question sociale : une chronique du salariat, Fayard, 1995 [

]
8. Cela suppose bien-sûr que l’on ait affaire à de véritables revues faisant correctement leur travail – voir

ici et là par exemple [ ]

9. Edward P. Thompson, La formation de la classe ouvrière, Paris, Le Seuil, 2012 [1ère ed. 1963] [ ]
10. L’éternel retour du déterminisme biologique – sous des visages sans cesse renouvelés : génétique des
comportements, comportementalisme, psychologie évolutionniste, etc. – appelle une vigilance
constante. Je remercie Yann Giraud de m’avoir indiqué l’existence de ces articles qui évoquent, en

beaucoup moins drôle, les parodies de Georges Perec dans Cantatrix sopranica L. [ ]
11. Raul Hilberg, La Destruction des Juifs de France , Fayard, 1988, rééd. Gallimard, « Folio-Histoire »,

2006, 3 vol [ ]
12. Anne-Marie Sohn, Chrysalides. Femmes dans la vie privée (XIXe-XXe siècles), Publications de la

Sorbonne, 1, 1996 [ ]
13. Louis Chevalier, Classes laborieuses et classes dangereuses à Paris pendant la première moitié du

XIXe siècle, Perrin, 1958, rééd. Plon, 2002 [ ]


14. Alexis Spire, Étrangers à la carte : l’administration de l’immigration en France (1945-1975), Grasset,
2005 ; Alain Dewerpe, Charonne, 8 février 1962 : anthropologie historique d’un massacre d’État,

Gallimard, 2006 [ ]
15. V. Joanie Cayouette-Remblière, « Reconstituer une cohorte d’élèves à partir de dossiers scolaires. La

construction d’une statistique ethnographique », Genèses, n°85, 2011, p. 115-133 [ ]


16. Thomas Piketty, Les hauts revenus en France au XX e siècle. Inégalités et redistributions 1901-1998,

Grasset, 2001 [ ]
17. Mathieu Ichou, “Différences d’origine et origine des différences : les résultats scolaires des enfants
d’émigrés/immigrés en France du début de l’école primaire à la fin du collège”, Revue française de

sociologie, 54(1), 2013, p. 5-52 [ ]

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