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de l’Empire américain
Le mythe
de l’exceptionnalisme
Ouvrage publié sous la direction d’Arno Mansouri
Éditions Demi-Lune
26, Menez Kerveyen • 29710 Plogastel Sant-Germain
Tél. : 02 98 555 203
www.editionsdemilune.com
Photo de l’auteur :
© Ingo Woesner • https://www.ingo-woesner-photographie.de/
Édition originale parue en allemand, sous le titre Imperium USA. Die skrupellose
Weltmacht, aux éditions Orell Füssli (Zurich) sous l’ISBN 978-3-280-05708-7
10 9 8 7 6 5 4 3 2 1
Le mythe
de l’exceptionnalisme
Illustrations
Dirk Wächter & Alexandre Robaulx de Beaurieux
Éditions Demi-Lune
Collection Résistances
Sommaire
Préface ............................................................................. 15
Introduction ................................................................... 21
Documentaire :
• Les Armées secrètes de l’OTAN, documentaire d’Emmanuel Amara,
TV5, 2014.
Sites Internet :
www.siper.ch/en/
et
www.danieleganser.ch/en
15
Préface
** L’Empire du chaos (2002) et Les Guerres de l’empire global (La Découverte, 2012).
**** http://observer.guardian.co.uk/worldview/story/0,11581,680117,00.html
***** https://www.theguardian.com/world/2002/apr/07/1
18 UNE BRÈVE HISTOIRE DE L’EMPIRE AMÉRICAIN
Former et informer
le public français
* https://www.youtube.com/watch?v=ZyicdFoanSU
** https://www.liberation.fr/checknews/2019/04/19/parly-mentait-elle-en-declarant-ne-
rien-savoir-de-l-utilisation-d-armes-francaises-au-yemen_1722173
*** De nombreux dirigeants politiques français de tous bords sont passés, depuis 1981,
par le programme « Young Leaders » organisé par la French-American Foundation, créée
en 1976, sous les auspices des Présidents Valéry Giscard d’Estaing et Gerald Ford.
***** Vincent Jauvert, La Face cachée du Quai d’Orsay, Robert Laffont, 2016.
Préface 19
Dr Gabriel Galice,
Président du GIPRI,
l’Institut International de Recherches pour la Paix à Genève,
décembre 2020.
21
Introduction
Ils ont rejeté la guerre et ses mensonges et l’ont dit publiquement, même
lorsqu’ils étaient minoritaires. Certains ont été assassinés, comme Martin
Luther King. D’autres ont été dénigrés comme traîtres, comme Jeannette
Rankin. D’autres encore, comme Edward Snowden, qui vit maintenant
à Moscou, ont dû quitter leur pays. Ils ont, par leur exemple, incité leurs
semblables à prendre position contre la guerre, la terreur et la propagande
de guerre, même lorsque cela est difficile et nécessite du courage. Les
USA sont la plus grande menace pour la paix mondiale. Mais malgré
toutes les critiques faites aux 300 000 Américains super-riches qui dirigent
l’Empire US, le mouvement pacifiste ne doit jamais prôner la haine entre
les nations. Parmi les 330 millions d’habitants des États-Unis, nombreux
sont ceux qui sont attachés à la paix et s’opposent à l’impérialisme.
Mais j’ai également écrit cet ouvrage car même dans les écoles et les
universités, l’impérialisme américain – que j’ai dénoncé à de nombreuses
occasions dans mes livres et conférences – est rarement enseigné et
discuté. Je l’ai donc aussi rédigé pour les jeunes de 15 à 25 ans qui veulent
en savoir plus sur ce sujet. Mon ambition était d’exposer les faits de telle
sorte que n’importe qui puisse comprendre sans connaissance préalable.
J’ai traduit moi-même tous les textes anglais cités. Chaque fois que j’ai
utilisé une citation ou des chiffres, j’en ai indiqué la source dans une note
de fin d’ouvrage, afin que tout le monde puisse vérifier chacune des infor-
mations.
Un exemple de ce type de rejet a été révélé en avril 2004, après que des
soldats américains eurent torturé des Irakiens à la prison d’Abou Ghraib.
La propagande de guerre américaine avait inculqué aux soldats que les
Irakiens étaient des gens détestables, les excluant ainsi de la famille
humaine. Cela a eu des conséquences concrètes. La soldate américaine
Lynndie England s’est amusée à promener à travers la prison un détenu
irakien nu attaché à une laisse comme un chien. Un autre prisonnier
irakien, une capuche noire sur la tête, a dû se maintenir en équilibre
sur une caisse pendant que des fils étaient attachés à son corps. On l’a
convaincu que des décharges électriques mortelles lui seraient infligées
s’il tombait de la caisse. « Pour l’Europe, les images d’horreur du sexe,
de la torture et de l’humiliation étaient tout simplement un choc », a
commenté Die Welt. Le scandale d’Abou Ghraib a montré de façon
drastique ce qui peut arriver si le peuple de toute une nation, en l’occur-
rence les Irakiens, est exclu de la famille humaine.3
24 UNE BRÈVE HISTOIRE DE L’EMPIRE AMÉRICAIN
1.
Les États-Unis
sont la plus grande menace
pour la paix mondiale
« Quel est le pays qui représente la plus grande menace pour la paix
mondiale aujourd’hui ? » C’est la question passionnante posée par Gallup,
un institut de sondage basé à Washington qui, depuis 1977, réalise chaque
année une étude sur l’état du monde. Mais ce n’est que dans le nouveau
millénaire que les chercheurs d’opinion américains ont osé aborder ce
problème explosif après que les auditeurs de radio l’eurent demandé.
L’enquête, menée pendant le mandat du Président Barack Obama, a porté
sur plus de 67 000 personnes dans 65 pays entre septembre et décembre
2013. La question a donc été posée dans le monde entier. Et le résultat a
été clair.
La même étude voulut aussi savoir : « S’il n’y avait pas de frontières,
dans quel pays aimeriez-vous le plus vivre ? » La grande majorité des
personnes interrogées, 38 %, a déclaré qu’elle aimerait surtout vivre là
où elle se trouvait déjà. La plupart des gens ne veulent pas émigrer, mais
plutôt vivre avec leur famille, et presque tous se sentent liés à la culture,
à la langue, aux paysages et à la nourriture de leur pays d’origine. Mais
pour ceux qui désiraient émigrer, les États-Unis étaient la destination la plus
recherchée avec 9 %, suivis par l’Australie et le Canada (7 %), la Suisse, la
France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne (4 %), et l’Italie (3 %).
Le fait que les USA aient été classés comme la plus grande menace
pour la paix mondiale en 2013 n’est pas totalement nouveau. « Je crois
que pour la plupart des Européens, l’Amérique apparaît actuellement
comme le pays le plus dangereux du monde », avait déjà déclaré l’histo-
rien britannique Arnold Toynbee en 1971, sans pouvoir s’appuyer sur les
données empiriques d’une enquête.
historiques, vous verrez que les USA ont eu recours à la violence ouverte
ou secrète contre les pays suivants après 1945, (et il faut souligner
que cette liste n’est pas exhaustive) : Grèce (1946), Corée (1950), Iran
(1953), Guatemala (1954), Congo (1961), Cuba (1961), Vietnam (1964),
Indonésie (1965), Cambodge (1969), Laos (1970), Chili (1973), Grenade
(1983), Libye (1986), Nicaragua (1981), Panama (1989), Koweït (1991),
Soudan (1998), Serbie (1999), Afghanistan (2001), Pakistan (2001), Irak
(2003), Libye (2011), Syrie (2014), Ukraine (2014).
# 1. Les États-Unis ont mené le plus grand nombre de guerres contre d’autres pays.
* NdE : Ceci dit, le PIB des États-Unis était de 4 600 milliards de dollars en 1986, soit
une augmentation de 8 fois par rapport à celui de 1961. En fait, les dépenses de défense en
pourcentage du PIB étaient légèrement en dessous de 10 % sous la présidence Eisenhower,
alors qu’elles avoisinaient les 6 % sous celle de Reagan ; toujours en pourcentage du PIB,
elles furent au plus bas sous Clinton avant de remonter (à moins de 5 %) sous Bush fils et
le premier mandat d’Obama.
Les États-Unis sont la plus grande menace pour la paix mondiale 33
l’Air ont été acquis pour près de 100 milliards, dont 38 nouveaux avions
de chasse F-35 de la société Lockheed Martin, 86 hélicoptères Black
Hawk de la société Sikorsky et 9 avions de chasse P-8 Poséidon de la
société Boeing, qui peuvent être utilisés pour traquer les sous-marins.
Deux sous-marins d’attaque nucléaires de classe Virginia ont également
été achetés pour 6 milliards chacun, et de nouveaux missiles et systèmes
de défense et munitions pour 17 milliards. Près de 6 milliards ont été
consacrés aux dispositifs d’information et de surveillance, et plus de 7
ont été investis dans les satellites et autres systèmes spatiaux. 135 ont
été affectés au paiement et à l’entretien du personnel militaire. Et le
montant important de 195 milliards de dollars a été comptabilisé par les
bureaucrates du Pentagone pour le fonctionnement et la maintenance.24
# 2. Les dix pays ayant les dépenses militaires les plus élevées au monde
(2018).
Les États-Unis ayant de loin les dépenses militaires les plus élevées, il
n’est pas surprenant que les plus grandes entreprises d’armement y aient
leur siège social. Elles profitent de l’immense marché intérieur, et sont
présentes dans tous les États, car les membres du Congrès ne votent pour
un nouveau programme que si leur circonscription reçoit des commandes.
Chaque année, l’Institut SIPRI publie une liste des 100 plus grandes
firmes d’armement du monde ; 42, soit près de la moitié, ont leur siège
aux États-Unis. Ces géants américains, avec un chiffre d’affaires cumulé
de 246 milliards de dollars en 2018, représentaient 59 % des ventes
d’armes du top 100 du secteur (un « marché » global – hors Chine – de
près de 420 milliards de dollars). La guerre est un business florissant. Et
aucun autre pays au monde ne domine ce commerce mondial autant que
les États-Unis. « Les entreprises américaines bénéficient directement de
la demande actuelle du ministère américain de la Défense », commente
l’experte du SIPRI, Aude Fleurant.29
* NdE : En 2018, BAE Systems étant redescendue à la 6e place, les 5 premières entre-
prises étaient donc toutes américaines.
** NdE : Pour la France, 6 sociétés figurent dans ce top 100 : Safran, Thalès, EADS
(Airbus), Dassault Aviation, Naval Group (21e), et Nexter (83e).
Les États-Unis sont la plus grande menace pour la paix mondiale 39
modèle de bombe A, sur Nagasaki. Les deux villes ont été complètement
détruites. À Hiroshima, au moins 140 000 personnes sont mortes dans
les secondes qui ont suivi l’explosion, et à Nagasaki 70 000 civils, dont
de nombreuses femmes et enfants. Selon l’historien américain Howard
Zinn, les radiations et les maladies qu’elles ont engendrées ont causé le
décès de 130 000 autres habitants des deux villes au cours des cinq années
suivantes. Le mouvement pour la paix a toujours condamné l’usage de
ces armes. La philosophe britannique Elizabeth Anscombe, profes-
seur d’éthique à l’université d’Oxford, a qualifié à juste titre Truman de
criminel de guerre en raison de l’utilisation des deux bombes atomiques
contre des civils.32
Outre les nombreuses bombes atomiques, les dépenses militaires les plus
élevées et les plus grandes entreprises d’armement, l’Empire américain
possède également plus de bases militaires que tout autre pays. Sur
celles-ci, stationnent des troupes américaines, qui peuvent être activées à
tout moment. Les civils ne sont pas autorisés à y entrer, comme j’ai pu en
faire l’expérience au Qatar, il y a quelques années. Si l’on ne compte que
les grandes infrastructures d’une valeur d’au moins 10 millions de dollars,
le Pentagone en possède, selon ses propres informations, plus de 4 000
aux États-Unis et plus de 500 à l’étranger.
Comme l’armée de l’Air US est répartie sur des bases dans le monde
entier, Washington peut bombarder presque tous les pays du monde. Dans
le même temps, les navires de guerre US dominent les océans. « Les
États-Unis contrôlent tous les océans du monde. Aucune puissance ne l’a
jamais fait », a déclaré le stratège américain George Friedman à Chicago
en 2015. « Nous pouvons donc envahir d’autres pays, mais ils ne peuvent
pas nous envahir. C’est une très belle chose. »37
Les États-Unis entretiennent plus de 200 000 de leurs soldats sur leurs
bases militaires à l’étranger. Aucun autre pays n’en a envoyé autant hors
de son territoire national. Il est certain que le monde serait plus pacifique
si chacun déployait ses contingents, comme une simple armée de défense,
uniquement à l’intérieur de ses propres frontières. Le Japon est actuelle-
ment le pays le plus fortement occupé avec 39 600 soldats américains. Le
deuxième est l’Allemagne, avec un effectif de 34 400. La Corée du Sud
en compte 23 300, l’Afghanistan environ 10 100, l’Irak 6 100, selon les
chiffres publiés par le Pentagone (2018).38