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Le début du IIe millénaire av. J.-C.

voit le début de la rédaction de récits en


akkadien mettant en scène Gilgamesh, qui aboutissent finalement à l'élaboration
d'un seul récit massif, appelé Épopée de Gilgamesh par ses traducteurs
contemporains9. Elle rencontre un très grand succès dans tout le Proche-Orient
ancien : des versions sont retrouvées jusqu'à Megiddo au Levant, Tell el-Amarna en
Égypte, et Hattusha en Anatolie centrale. Sur ce dernier site, on a même retrouvé
des fragments de traduction de l'œuvre en hittite et en hourrite. La version la
plus complète est celle retrouvée à Ninive dans la bibliothèque d'Assourbanipal,
appelée parfois « version standard »10. Elle se compose de onze tablettes, et est
notre meilleure source pour connaître le déroulement du texte.

L'Épopée se divise en deux parties principales. Le début présente Gilgamesh, roi


tyrannique d'Uruk. Pour faire cesser ses excès, les dieux créent Enkidu, un être
capable de le combattre. L'affrontement qui a finalement lieu entre les deux ne
voit aucun vainqueur, et au contraire les deux deviennent des camarades. Ils
accomplissent ensuite deux grands combats, repris des anciens mythes sumériens :
ils défont le géant Humbaba de la Forêt de cèdres du Liban, puis le Taureau céleste
envoyé par le dieu Anu à la demande de sa fille Ishtar que Gilgamesh avait
éconduite brutalement. Humbaba (ou Huwawa), aux pouvoirs magiques exagérés, est un
monstre aux pattes de taureau et gueule de lion. Après l'avoir tué, Gilgamesh et
Enkidu repartent glorieux à Uruk avec le bois précieux. En représailles, les dieux
provoquent la mort d'Enkidu. C'est le tournant de l'œuvre. Mortifié par le décès de
son ami, Gilgamesh décide de partir pour trouver un moyen d'éviter la mort. Cela
l'amène sur l'île où vit l'immortel Uta-napishtim, survivant du Déluge, qui lui
raconte cet événement dramatique et lui apprend qu'il ne pourra jamais obtenir la
vie éternelle. Gilgamesh rentre alors à Uruk, cherchant à mener une vie heureuse
jusqu'à sa mort et à prodiguer aux mortels la sagesse qu'il a acquise au cours de
ses aventures, en particulier le récit du Déluge, et plus largement refonder la
civilisation autour de sa capitale, Uruk.

Les autres sources du Proche-Orient ancien


D'autres sources sumériennes et akkadiennes fournissent des informations sur
Gilgamesh, parfois en tant que divinité des Enfers et pas seulement en tant que
personnage héroïque11 :

d'après la Liste royale sumérienne12, Gilgamesh est le cinquième roi de la première


dynastie d'Uruk, présenté comme le fils d'un démon-lilū, seigneur de Kullab (un
village qui devient un des deux quartiers principaux d'Uruk), qui aurait régné 126
années ;
un hymne du roi Shulgi de la Troisième dynastie d'Ur (2094-2047 av. J.-C.)
mentionne les exploits de Gilgamesh13. Il évoque notamment les combats de Gilgamesh
contre la cité rivale de Kish, dont il défait le souverain Enmebaragesi ;
plusieurs tablettes administratives retrouvées sur des sites de la période
archaïque (Fara, Girsu) et de la Troisième dynastie d'Ur enregistrent des
mouvements de biens offerts au dieu Gilgamesh en diverses occasions14 ;
d'après la Chronique de Tummal, un texte racontant la reconstruction d'un temple
d'Enlil à Nippur, Gilgamesh et son fils Ur-lugal feraient partie des anciens rois
ayant fait restaurer cet édifice15 ;
une prière akkadienne est dédiée à Gilgamesh en tant que divinité infernale16 ;
la Ballade des héros des temps jadis, une prière datant de la première moitié du
IIe millénaire av. J.-C., mentionne Gilgamesh ainsi qu'Enkidu et Humbaba parmi une
liste d'illustres personnages héroïques de la Mésopotamie17 ;
Gilgamesh apparaît dans des listes de présages et des incantations du IIe et du Ier
millénaire18 ;
une « Lettre de Gilgamesh » datant du viie siècle av. J.-C. a été exhumée à
Sultantepe : il s'agit peut-être de l'œuvre d'un scribe se mettant dans la peau du
héros, au ton légèrement humoristique19. Gilgamesh demande à un autre roi de lui
envoyer des pierres précieuses pour faire réaliser une statue d'Enkidu après la
mort de ce dernier, allusion à un passage de l'Épopée ;
Héros maîtrisant un lion, souvent présenté comme étant Gilgamesh, mais cela reste
incertain20. Bas-relief de la façade N du palais de Khorsabad, fin du viiie siècle
av. J.-C. Musée du Louvre.
des passages de l'Épopée de Gilgamesh font probablement l'objet de représentations
iconographiques, mais en l'absence d'inscriptions, il est difficile de savoir avec
certitude si c'est bien ce héros qui est représenté21. Ainsi une sculpture du
palais de Khorsabad représentant un personnage maîtrisant un lion est souvent
présentée comme une image de Gilgamesh, mais cela n'est pas assuré20. On a
longtemps pensé que le héros nu aux longs cheveux représenté souvent sur des
sceaux-cylindres et accompagné d'un homme-taureau représentait Gilgamesh accompagné
d'Enkidu, mais il s'est avéré qu'il s'agissait probablement de la divinité
protectrice Lahmu. Seules quelques plaques d'argile, voire quelques sceaux-
cylindres pourraient représenter des passages de combats de l'Épopée, à savoir ceux
contre Humbaba et contre le Taureau Céleste.
En dehors de la sphère culturelle mésopotamienne
Le nom de Gilgamesh et sa renommée ne sont pas oubliés après la fin de la
civilisation mésopotamienne au début de notre ère. On le retrouve mentionné dans
des documents plus tardifs élaborés hors de Mésopotamie. Sa figure ne correspond
alors que vaguement à l'image laissée par la tradition mésopotamienne :

Gilgamesh est mentionné dans deux parchemins des Manuscrits de la mer Morte datant
du ier siècle av. J.-C., retrouvés dans la grotte 4 de Qumran, écrits en araméen.
Ce personnage est un des « géants » nés de l'union entre des démons et des
mortelles, symbolisant peut-être pour les sectes à l'origine de ces textes la
pensée des Gentils (i.e. les Grecs), qui seraient issus de démons22 ;
une œuvre grecque de l'époque romaine mentionne le héros : il s'agit du De natura
animarum de Claude Élien (début iiie siècle)23. Un passage de l'œuvre (XII, 21)
parle du roi Seuchoros de Babylone, auquel il est fait le présage que sa sœur
enfantera un garçon qui le détrônera. Il décide donc de l'enfermer dans une tour,
où elle accouche d'un fils, nommé Gilgamos, que des gardes précipitent du haut de
l'édifice pour le tuer. Mais un aigle le rattrape, et le confie à un jardinier qui
l'élève, ce qui permet à la prophétie de s'accomplir, Gilgamos devenant roi de
Babylone. Ce mythe semble faire référence à une légende relative à la naissance de
Sargon d'Akkad ;
l'Épopée de Gilgamesh a peut-être influencé le Récit de Buluqiya dans les Mille et
une nuits, les héros des deux récits étant chacun un jeune roi partant à l'aventure
pour obtenir l'immortalité24.

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