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MAT145

Fractions partielles

Méthode des fractions partielles


Michel Beaudin1

Commençons avec l’exemple suivant. Nous voulons calculer l’intégrale


Z
x
I0 = 2
dx.
x + 6x + 8
Si le numérateur était une constante, la technique de complétion du carré serait tout à fait
appropriée puisque la table d’intégrales (formule no17) permettrait de calculer I0 . À cause
de la présence du terme linéaire au numérateur, compléter le carré du dénominateur et ef-
fectuer ensuite le changement de variable u = x + 3, va nous donner un résultat valide mais
inutilement compliqué. En effet, en posant u = x + 3, nous avons du = dx et x = u − 3 et
alors
u−3
Z Z Z
x x
I0 = 2
dx = 2
dx = du.
x + 6x + 8 (x + 3) − 1 u2 − 1
Maintenant, le changement de variable v = u2 − 1 implique dv = 2u du et nous permet
d’écrire que Z Z
u 1 1 1 1
2
du = dv = ln( v|) = ln(|u2 − 1 ).
u −1 2 v 2 2
Et notre table d’intégrales nous donne
 
u−1
Z
1 1
du = ln .
u2 − 1 2 u+1
Par conséquent, en retournant à la variable x et en ajoutant une constante d’intégration, nous
trouvons
Z  
x 1 2 3 x+2
I0 = dx = ln( x + 6x + 8 ) − ln + C.
x2 + 6x + 8 2 2 x+4
La réponse obtenue est correcte (on pourrait la vérifier en la dérivant) mais on peut faire
beaucoup mieux et trouver une primitive qui sera plus compacte. Pour cela, décidons de faire
un peu d’algèbre en factorisant x2 + 6x + 8 et en écrivant que
x A B
= + .
(x + 2)(x + 4) x+2 x+4
Notons que la dernière égalité est justifiée par la mise sous un dénominateur commun du
membre de droite: en effet, le dénominateur commun de x + 2 et x + 4 est le produit de
ces deux expressions. En remettant sous un dénominateur commun, nous obtenons l’égalité
suivante :
1x + 0 A(x + 4) + B(x + 2) (A + B)x + 4A + 2B
= = .
(x + 2)(x + 4) (x + 2)(x + 4) (x + 2)(x + 4)
Les dénominateurs étant les mêmes, cela force l’égalité des numérateurs. Et la définition
d’égalité de deux polynônes nous mène au systène suivant de deux équations à deux incon-
nues A et B : (
A+B =1
4A + 2B = 0
Bien que cela soit facile, on n’a pas besoin de résoudre ce système. Il y a une méthode
beaucoup plus simple que nous expliquons ici. Pour trouver la valeur de A, on revient à
l’égalité
x A B
= + .
(x + 2)(x + 4) x+2 x+4
et on multiplie de chaque côté par x + 2 pour obtenir

x B(x + 2)
=A+ .
(x + 4) x+4

Maintenant plus rien ne nous empêche de remplacer x par −2, ce qui a pour effet d’éliminer
le terme contenant B et de nous permettre de trouver A:

x −2
A= = = −1.
x+4 x=−2 −2 + 4

De la même manière, on va trouver la valeur de B en multipliant l’égalité de part et d’autre


par x + 4:
x A(x + 4)
= + B.
(x + 2) x+2
On remplace ensuite x par −4, ce qui élimine A et nous permet de trouver la valeur de B:

x −4
B= = = 2.
x+2 x=−4 −4 + 2

En résumé, on a trouvé que


x −1 2
= + .
(x + 2)(x + 4) x+2 x+4

Ce qui nous donne la réponse suivante pour I0 :

−1
Z Z Z
x 2
I0 = 2
dx = dx − dx = − ln(|x + 2|) + 2 ln(|x + 4|) + C.
x + 6x + 8 x+2 x+4

L’égalité que nous avons trouvée, à savoir


x −1 2
= + ,
(x + 2)(x + 4) x+2 x+4

est, en fait, une application de la méthode des fractions partielles. Expliquons maintenant
cette méthode de façon générale en commençant par le cas d’une fonction rationnelle de type
polynôme de degré un divisé par un polynôme de degré deux. Donc pour une expression du
type
ax+b
.
A x2 + B x + C
Notez que nous distinguons ici les lettres minuscules des lettres majuscules. Nous supposons
aussi que le dénominateur A x2 + B x + C possède des racines réelles. Commençons par le
cas où les racines sont distinctes, donc le cas où le discriminant B 2 − 4A C > 0. Si r1 et r2
désignent ces racines, alors
ax + b ax + b
= ,
A x2 +Bx+C A(x − r1 )(x − r2 )
et on cherche des constantes α1 et α2 pour satisfaire l’égalité suivante :
ax + b α1 α2
= + .
A(x − r1 )(x − r2 ) x − r1 x − r2
Pour trouver la valeur de α1 et α2 , aucun besoin de résoudre un système d’équations : on
fait comme dans l’exemple d’introduction du calcul de I0 . Pour trouver α1 , on multiplie la
dernière égalité de chaque côté par x − r1 pour obtenir
ax + b α2 (x − r1 )
= α1 + .
A(x − r2 ) x − r2
Et on substitue x par r1 . Donc
ax + b a r1 + b
α1 = = .
A(x − r2 ) x=r1 A(r1 − r2 )

On trouverait de même que


a r2 + b
α2 = .
A(r2 − r1 )
Pour résumer, si le dénominateur de la fonction rationnelle
ax+b
A x2 + B x + C
possède deux racines réelles distinctes r1 et r2 , alors il existe des constantes α1 et α2 telles
que la décompostion en fractions partielles soit de la forme
ax + b α1 α2
= + .
A x2 + B x + C x − r1 x − r2
Maintenant, supposons que le dénominateur A x2 + B x + C possède une racine double,
donc que le discriminant B 2 − 4A C = 0. Soit r cette racine. Nous allons alors montrer que
le développement en fractions partielles prend la forme suivante en trouvant des constantes
β1 et β2 telles que
ax + b β1 β2
= + .
A x2 + B x + C x − r (x − r)2
En effet :
   
ax + b ax + b 1 a (x − r + r) + b 1 a ar + b
2
= 2
= = + .
Ax + Bx + C A(x − r) A (x − r)2 A x − r (x − r)2
Ainsi on voit que
a ar + b
β1 = , β2 = .
A A
Contrairement au cas de deux racines distinctes, les fractions partielles s’obtiennent ici di-
rectement de la complétion du carré.

Le cas général pour la méthode des fractions partielles sera celui d’une fonction

p(x)
R(x) =
q(x)

où p et q sont deux polynômes à coefficients réels. On suppose que le degré de p est inférieur
à celui de q (ce qu’on appelle une fraction propre), sinon on effectue d’abord la division. Si q
est de degré n, alors q possède exactement n racines (zéros) selon le théorème fondamental de
l’algèbre. Il est possible que certaines racines soient multiples, voire complexes. La méthode
des fractions partielles s’applique encore mais il n’est pas utile de développer davantage ici
pour nos besoins. Des détails additionnels sont quand même donnés dans l’exercice 5 à la
fin de ce document. Disons quand même qu’une difficulté additionnelle se présenterait si le
dénominateur q n’était pas déjà factorisé à facteurs quadratiques irréductibles près. Mais si
q est déjà factosisé ou facilement factorisable, alors le candidat pour le développement en
fractions partielles est facile à poser. Reste à calculer les coefficients (ou les obtenir via un
logiciel de calcul symbolique).

Nous allons plutôt nous concenter sur les fonctions rationnelles propres R(x) = p(x)/q(x)
avec q de degré deux et nous allons établir une procédure pour le calcul de
Z
ax + b
I= dx.
A x2 + B x + C
Cette procédure nous permettra de réviser la technique du changement de variables, celle de
la complétion du carré ainsi que celle des fractions partielles.
• Si a = 0, alors on complète le carré du dénominateur et on fait un changement de
variable. Cela nous ramène à une forme incluse dans la table d’intégrales. Voir les
intégrales I1 , I2 et I3 plus loin.
• Si a 6= 0 mais que la dérivée du dénominateur est un muliple du numérateur, alors un
simple changement de variable u = A x2 +B x+C suffit. Voir l’exemple de l’intégrale
I4 plus loin.
• Si a 6= 0 mais que la dérivée du dénominateur n’est pas un muliple du numérateur : on
calcule le discriminant B 2 − 4A C.
– Si le discriminant est négatif ou nul, on complète le carré du dénominateur et fait
un changement de variable. Voir les intégrales I5 et I6 plus loin.
– Si le discriminant B 2 − 4A C est positif, on ne complète pas le carré du dénom-
inateur mais fait plutôt des fractions partielles comme l’a montré l’exemple de
l’intégrale I0 et comme le montrera l’intégrale I7 plus loin.
Voici des exemples du cas où a = 0. Il s’agit des trois intégrales I1 , I2 et I3 . (Note
pour Gen : il y a déjà à la question 4.52 des exercices semblables à chacune des ces
trois intégrales). Le changement de variable utilisé est toujours u = x + 3 de telle sorte que
du = dx. Considérons Z
3
I1 = 2
dx.
x + 6x + 9
La complétion du carré est facile puisque le dénominateur est un carré parfait x2 + 6x + 9 =
(x + 3)2 . On a donc
Z Z  
1 1 1 3
I1 = 3 dx = 3 du = −3 =− + C.
(x + 3)2 u2 u x+3

Considérons maintenant l’intégrale


Z
2
I2 = dx.
x2 + 6x + 13

On complète le carré : x2 + 6x + 13 = (x + 3)2 + 4 et alors


Z Z  
1 1 u x+3
I2 = 2 dx = 2 du = arctan = arctan + C.
(x + 3)2 + 4 u2 + 4 2 2

Passons à la troisième intégrale :


Z
8
I3 = dx.
x2 + 6x + 8

La complétion du carré donne x2 + 6x + 8 = (x + 3)2 − 1 de telle sorte que


   
u−1
Z Z
1 1 x+2
I3 = 8 dx = 8 du = 4 ln = 4 ln + C.
(x + 3)2 − 1 u2 − 1 u+1 x+4

Considérons maintenant le cas où a 6= 0. Les intégrales I4 , I5 , I6 et I7 vont nous per-


mettre d’illustrer les différentes situations. (Note pour Gen : sauf I7 , ce sont encore des
exemples qui ont pu être pratiqués à la question 4.52). Soit
Z
x+5
I4 = 2
dx.
x + 10x + 29

Puisque la dérivée de x2 + 10x + 29 est égale à 2x + 10 = 2(x + 5), alors on pose simplement
u = x2 + 10x + 29, du = 2(x + 5)dx et ainsi
Z Z
x+5 1 1
du = ln x2 + 10x + 29 + C,

I4 = dx =
x2 + 10x + 29 2u 2
la valeur absolue n’étant pas nécessaire ici. Considérons maintenant l’intégrale suivante :

3x − 1
Z
I5 = 2
dx.
4x + 12x + 9
Nous avons encore a 6= 0 sauf que la dérivée du dénominateur n’est pas un muliple du
numérateur. En effet, 8x + 12 = 4(2x + 3) n’est pas un multiple de 3x − 1 mais c’est un
carré parfait (le discriminant 122 − 4(4)(9) = 0). On complète carré et pose u = 2x + 3,
 le 3u
d’où du = 2dx et x = u−3 2 . Mais alors 3x − 1 = 3 u−3
2 − 1 = 11
2 − 2 et
Z  
3u/2 − 11/2 du
Z Z
3 1 11 1 3 11
I5 = = du− du = ln(|2x+3|)+ +C.
u2 2 4 u 4 u2 4 4(2x + 3)

Considérons maintenant l’intégrale suivante :


Z
x
I6 = 2
dx.
x + 8x + 25
Nous avons encore a 6= 0 et la dérivée du dénominateur n’est pas un muliple du numérateur.
Le discriminant du dénominateur est négatif, nous complétons le carré et posons u = x + 4
de telles sorte que du = dx et alors

u−4
Z Z Z Z
x u 1
I6 = 2
dx = 2
du = 2
du − 4 2
du.
x + 8x + 25 u +9 u +9 u +9

Le changement de variable v = u2 + 9, dv = 2udu nous permet d’écrire que


Z Z
u 1 1
dv = ln u2 + 9 = ln x2 + 8x + 25 .
 
du =
u2 + 9 2 v
Et on sait que
Z  
1 1 u 1 x+4
du = arctan = arctan .
u2 + 9 3 3 3 3

Mais alors
Z  
x 1  4 x+4
I6 = 2
dx = ln x2 + 8x + 25 − arctan + C.
x + 8x + 25 2 3 3

Pour terminer, calculons l’intégrale I7 suivante:

1−x
Z
I7 = 2
dx.
2x + 9x + 4
Nous avons encore a 6= 0 et la dérivée du dénominateur n’est pas un muliple du numérateur.
Le discriminant du dénominateur est 92 − 4(2)(4) = 36 − 32 = 4, donc positif. Nous ne
complétons donc pas le carré mais faisons une fraction partielle. Le dénominateur se factorise
en (2x + 1)(x + 4) et on écrit alors

1−x A B
= + .
(2x + 1)(x + 4) 2x + 1 x + 4

Pour trouver A, on substitue la valeur x = − 21 dans l’expression 1−x 3


x+4 pour obtenir A = 7 . En
effet :
1−x 1 − −1 3
A= = 1 2 = .
x + 4 x=− 1 −2 + 4 7
2
1−x
Tandis que pour trouver B, on substitue la valeur x = −4 dans l’expression 2x+1 pour
5
obtenir B = − 7 . Ainsi, on a
Z Z
3 1 5 1 3 5
I7 = dx − dx = ln|2x + 1|) − ln|(x + 4|) + C
7 2x + 1 7 x+4 14 7
puisque chacune des deux dernières intégrales se calcule par un changement de variable (pour
la première, u = 2x + 1 et pour la seconde u = x + 4) et le fait que u1 du = ln(|u|) + C.
R

Quelques exercices pour se pratiquer. (Note pour Gen : ici, ce sont tous des exercices
pour pratiquer les fractions partielles).

1. Calculez intégrale définie suivante en utilisant la méthode des fractions partielles.


Z 3
x
dx.
−2 x2 + 9x + 20

Tracez ensuite, dans une fenêtre appropriée, le graphique de l’expression à intégrer et


utilisez l’outil d’analyse graphique de votre calculatrice pour confirmer (numérique-
ment) la valeur trouvée.
2. Calculez l’intégrale indéfinie suivante :
Z
x+3
dx.
x2 + 8x + 16
Dans un premier temps, complétez le carré du dénominateur et effectuez un change-
ment de variables afin d’obtenir la réponse. Dans un second temps, puisque les deux
racines de x2 + 8x + 16 = 0 sont x = −4 et x = −4 (racines doubles), posez une
décomposition en fractions partielles de la forme
x+3 A B
= + .
x2 + 8x + 16 x + 4 (x + 4)2

Trouvez immédiatement la valeur de B en multipliant de chaque côté par (x + 4)2


et en remplaçant ensuite x par −4. La valeur de B étant trouvée, trouvez celle de
A en posant x égal à n’importe quel nombre sauf −4. Confirmez la réponse obtenue
précédemment.

3. Calculez l’intégrale définie suivante :


Z 1
100(x + 1)
dx.
0 6x2 + 17x + 12

Faites un peu d’algèbre pour trouver la décomposition en facteurs du dénominateur.


Tracez ensuite le graphique de l’expression à intégrer dans une fenêtre appropriée et
utilisez l’outil d’analyse graphique de votre calculatrice pour confirmer (numérique-
ment) la valeur trouvée.
4. Soit a > 0. En appliquant la méthode des fractions partielles, montrez que
 
1 1 1 1
= − .
a2 − x2 2a x + a x − a

En déduire la formule no16 de la table d’intégrales :


Z  
1 1 x+a
dx = + C.
a2 − x2 2a x − a

5. La méthode des fractions partielles s’étend à des fonctions rationnelles plus complexes.
Par exemple, pour calculer une intégrale comme

2x2 + 1
Z
dx,
(x − 1)(x + 1)2 (x2 + 1)

il faudrait commencer par effectuer une décomposition en fractions partielles. On peut


démontrer que le développement doit êre de la forme suivante (voir l’annexe A.3 du
volume 2 des notes de cours de MAT265 pour plus de détails) :

2x2 + 1 A B C Dx+E
= + + + 2 .
(x − 1)(x + 1)2 (x2 + 1) x − 1 x + 1 (x + 1)2 x +1

Autrement dit, il existe des constantes réelles uniques A, B, C, D et E satisfaisant la


derniére égalité.
(Notons que cela est justifié par les faits suivants. Le nombre 1 est un zéro simple du
A
dénominateur, d’où la présence d’un terme de la forme x−1 ; le nombre −1 est un zéro
B C
double du dénominateur, d’où la présence des deux termes x+1 + (x+1) 2 ; le facteur
2
x + 1 ne se décompose pas dans l’ensemble des réels, d’où la présence du terme
D x+E
x2 +1 ).
Trouvons les valeurs des constantes A, B, C, D et E. La méthode présentée dans ce
texte permet de trouver rapidement presque toutes les constantes. En effet, il est facile
de trouver à la main la valeur de A ainsi que celle de C. On a

2x2 + 1 2+1 3
A= = = ,
(x + 1)2 (x2 + 1) x=1
2
(1 + 1) (1 + 1) 8
2
2x + 1 2+1 3
C= = =− .
(x − 1)(x2 + 1) x=−1 (−1 − 1)(1 + 1) 4
L’utilisation des nombres complexes permet de trouver D et E très rapidement. En
effet, puisque x2 + 1 s’annule lorsque x = i, alors

2x2 + 1
= D i + E.
(x − 1)(x + 1)2 x=i

On calcule et obtient
1 i
− = D i + E.
4 4
L’égalité de deux nombres complexes implique alors D = − 14 et E = 41 . Il ne resterait
qu’à trouver la valeur de la constante B. On remplace x par n’importe quel nombre
(sauf 1 et -1), disons 0, et on trouverait facilement B = − 81 .
L’exercice consiste à se familiariser avec la commande expand de la calculatrice, com-
mande dont la syntaxe est expand(expr, var) pour voir le développement en fractions
partielles de l’expression expr en fonction de la variable var. Cela permettra de con-
firmer les valeurs des cinq constantes A, B, C, D et E. Et ensuite, il vous suffira
intégrer chacun des termes pour obtenir la réponse de l’intégrale puisque ce sont tous
des termes faciles à intégrer.

1
SEG mathématiques
ÉTS
michel.beaudin@etsmtl.ca

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