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DURCISSEMENT PAR DES PRÉCIPITÉS

ORDONNÉS
J. Castagné

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J. Castagné. DURCISSEMENT PAR DES PRÉCIPITÉS ORDONNÉS. Journal de Physique Collo-
ques, 1966, 27 (C3), pp.C3-233-C3-239. �10.1051/jphyscol:1966331�. �jpa-00213141�

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JOURNAL DE PHYSIQUE Colloque C 3, supplément au no 7-8, Tome 27, juillet-août 1966, page C 3-233

DURCISSEMENT PAR DES PRÉCIPITÉS ORDONNÉS


par J. L. CASTAGNÉ
Centre de Recherches de la Société Métallurgique d'Imphy (')

Résumé. - L'étude a porté sur une austénite au nickel-chrome-cobalt-molybdène durcie


par le titane et l'aluminium dont la composition est favorable à l'obtention d'une précipitation
cohérente ordonnée de paramètre très voisin de celui de la matrice.
Des échantillons soumis, après hypertrempe, à des revenus à des températures échelonnées entre
650 et 1 000 OC ont été observés après un faible écrouissage. On constate que le mécanisme de
déformation dépend de la taille des précipités : les dislocations se propagent en cisaillant les nicke-
lures dont le diamètre est inférieur à 400 A alors qu'elles contournent les plus gros précipités par
le mécanisme dYOrowan.
L'étude d'un modèle théorique permet de relier les propriétés élastiques à l'état de la précipita-
tion ;ces relations sont en bon accord avec les résultats expérimentaux particulièrement en ce qui
concerne l'évolution de la limite élastique en fonction de la température de revenu.
Abstract. - The present study deals with a Ni-Cr-Co-Mo-austénite hardened by Ti and Al,
the content of which favours of a coherent precipitation to be obtaineâ with a parameter very close
to that of the matrix.
Some samples were hyperquenched and tempered at temperatures raiiging from 650OC to 1 000OC.
Then they were observed after a slight cold work. It has been found that the deformation mecha-
nism is dependent on the size of the precipitates: the dislocations move along by shearing the
nickelides of diameter less than 400 A, whereas they pass round the larger precipitates by the
Orowan mechanism.
The study of a theoretical mode1 enables one to connect the elastic characteristicswith the state
of precipitation. These relationships are in good agreement with the experimental results, particu-
larly with regard to the evolution of the yield stress as a function of the tempering temperature.

L'étude par microscopie électronique en transmission matériau dont la structure se prête à la définition
du mécanisme de durcissement d'alliages à précipita- d'un modèle théorique simple.
tion cohérente ordonnée nous avait permis de mettre Nous avons choisi l'alliage dont la composition
en évidence que les précipités fins sont cisaillés par les est la suivante :
dislocations alors qu'au-dessus d'une taille critique ils
sont contournés suivant le schéma proposé par Oro- C Ni Cr Co Mo Ti Al
wan [Il. 0,04 55,5 19 14 7 2 2,3
- -
Après avoir rappelé ces résultats expérimentaux Dans cet alliage un revenu effectué après hyper-
nous développerons un modèle simplifié qui nous trempe, à une température inférieure à 1036 OC provo-
permettra de retrouver les deux mécanismes de propa- que une précipitation de nickelures complexes de
gation des dislocations et d'expliquer, en particulier titane et d'aluminium que l'on peut caractériser de la
dans le cas du cisaillement, la dépendance de la manière suivante :
limite élastique en fonction du diamètre des précipités. Les précipités sont ordonnés (Fig. 1) ils sont sphéri-
ques et leur taille est homogène (Fig. 2). Ils sont unifor-
1. Rappel des résultats expérimentaux. mément répartis dans la matrice et les rayons X mon-
1.1 MATÉRIAUX D'ÉTUDE-PRÉPARATION DES &XIAN-
trent, qu'aux erreurs expérimentales près, le paramètre
TILLONS. - Parmi les austénites durcies par une préci- de ces nickelures est égal à celui de la matrice. Effecti-
pitation cohérente ordonnée nous avons cherché un vement, nous n'avons pu observer de contraste en
paire de demi-lune, ce qui d'après Ashby et Brown [2]
(1) Actuellement au Laboratoire de Sidérurgie de 1'Ecole confirme que le paramètre de contrainte est inférieur à
Nationale Supérieure des Mines de Paris. Cette très faible valeur du facteur de taille per-

Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphyscol:1966331


met d'obtenir des précipités cohérents jusqu'à des
rayons de l'ordre de 1000 b [3].
L'étude a porté sur une série d'échantillons lami-
nés à 15/100 de millimètre d'épaisseur. Après hyper-
trempe à l'huile à partir de 1180 OC, les éprouvettes ont
subi un revenu de 16 heures à des températures éche-
lonnées entre 6500et 1000 OC.Tous les traitements ont
été réalisés sous un vide de l'ordre de mm de
mercure. Après traitement les lames ont été déformées
de 5 % par traction à la machine Instron, puis amincies
dans un bain acéto-chromique [4].

TÉS MÉCANIQUES DE L'ALLIAGE. - Une courbe est tra-


cée qui donne le diamètre des précipités en fonction
de la température de revenu (Fig. 3). La figure 4 montre
O
Diamétre (A)

FIG. 1. -Diffraction localisée sur un échan'illon revenu


16 h à 725 OC après hypertrempe. La présence des taches de
surstructure (110) montre que les précipités de Nickelure de
Titane et d'Aluminium sont ordonnés.

FIG. 3. -Diamètre des précipités en fonction de la tempéra-


ture de revenu.

c 700 800 900 1000


9 ("Cl
FIG. 2. -Histogramme de la répartition des taiiles des FIG.4. -Evolution de la dureté et de la limite élastique en
précipités obtenus par revenu de 16 heures à 825 O C après hyper- cisaillement en fonction de la température de revenu (main-
trempe. tien de 16 heures).
DURCISSEMENT PAR DES

I'évolution de la dureté et de la limite élastique en cisail-


lement en fonction de la température de revenu. Nous
constatons que les propriétés mécaniques, après avoir
augmenté, diminuent quand la température de revenu
est supérieure à 825 OC. C'est-à-dire quand les préci-
pités ont un rayon supérieur à 200 A (Fig. 5).

FIG. 7. - Empilement de dislocation dans un échantillon


revenu 16 heures à 725 OC après hypertrempe. Les précipités.
invisibles sur la micrographie ont un diamètre de 100 A environ,
FIG. 5. - Evolution de la dureté et de la limite élastique en
cisaillement en fonction du diamètre des précipités. gne de la tête de l'empilement. Montrons qu'une telle
configuration prouve que les dislocations se propagent
La même évolution est observée quand, à tempéra- en cisaillant les précipités.
ture constante, on fait varier le temps de revenu (Fig. 6). Considérons la première dislocation émise par une
Nous verrons qu'il est possible d'expliquer cette évolu- source. Quand elle pénètre dans un précipité ordonné
tion des propriétés mécaniques en ne faisant intervenir son vecteur de Burgers n'est plus un vecteur de trans-
ni les contraintes de cohérence, ni une éventuelle perte lation du réseau de Bravais, elle laissera donc derrière
de cohérence du précipité. elle une surface de faute de tension y. La dislocation
suivante émise par la même source, va à nouveau cisail-
ler le précipité d'un vecteur b et par suite effacer la
faute derrière elle. Il s'en suit que si l'on compte les
dislocations à partir de la tête d'empilement, des sur-
faces de faute existeront entre la première et la 2e, la
3 e et la 4e, la (2 n + 1)-ième et la (2 n + 2)-ième dislo-
cation. Ces dislocations seront donc soumises à une
force d'attraction due à la tension y et formeront des
paires (Fig. 8). Quand les précipités sont petits par
rapport à la distance entre les partielles d'une paire,
t (minutes)
50 t 1
30 100 1000 10000

FIG. 6. - Evolution de la limite élastique proportionnelle en


fonction de la durée du revenu. La température de revenu est ici
de 750 OC.

1.2 ETUDE DE LA PROPAGATION DES DISLOCA-


TIONS. - Les micrographies effectuées sur les échantil-
lons revenus à 725 OC (rayon des précipités de l'ordre
de 20 b) permettent de mettre en évidence de nombreux
empilements de dislocations (Fig. 7). On peut remar-
quer que dans ces empilements les dislocations se
groupent par paires et que la distance entre les] dislo- FIG.8. - Schéma montrant un empilement analogue
cations d'une même paire augmente quand on s'éloi- à celui de la figure 7.
la force F d'attraction est, en première approximation contraintes thermiques dues au bombardement électro-
proportionnelle à l'aire spécifique des fautes dans le nique permet en outre de préciser que, contrairement
plan de glissement : à ce qui se passe quand les précipités sont petits, les
lignes de dislocations avancent en oscillant autour de
la direction de contrainte maximum (Fig. 10). Ceci
montre que la dislocation touche un précipité avant
Comme s diminue chaque fois qu'une dislocation de s'être échappé des deux précipités sur lesquels elle
cisaille un précipité, on retrouve que la distance entre est ancrée.
les dislocations des paires doit augmenter quand on
s'éloigne de la tête de l'empilement. Des calculs sont en
cours pour essayer de rendre compte de façon plus
précise de la configuration géométrique de l'empile-
ment. Quand le nombre N de dislocations qui sont
passées à travers un précipité de diamètre d est tel
que Nb = d le précipité est complètement cisaillé,
s = O, et les dislocations ne doivent plus être couplées.
0 .
Ceci peut être vérifié sur la micrographie de la
figure
" 7.
Sous l ' a c t i o n de l a c o n t r a i n t e ' m e l i m e de d i s l o c a t i o n
L'observation d'échantillons revenus 16 heures à des e a t p a s s é e de l a p o s i t i o n (1) S l a p o s i t i o n (2)
températures échelonnées entre 725 et 825 OC, c'est-à- A - Les O
p r é c i p i t é s o n t une c e n t a i n e d'A de diambtre
dire d'échantillons pour lesquels le rayon des précipités B - Les p r 6 c i p i t b s o n t un
O
d i a m b t r e de 300 A e n v i r o n
est compris entre 20 et 60 b, montre que les disloca-
tions, se déplacent toujours en cisaillant les précipités
(Fig. 9). Notons cependant que, quand le diamètre des
précipités augmente, les partielles d'une paire devien- Sur les échantillons déformés après un revenu de
nent de moins en moins parallèles : alors que la deu- 16 heures à 850 OC (R = 110 b) on peut constater la
xième dislocation reste à peu près rectiligne la première présence de boucles autour de quelques précipités
a un parcours de plus en plus sinueux. (Fig. 11). Ces boucles montrent que le processus de
L'étude du mouvement des dislocations se dépla- propagation des dislocations commence à changer :
çant, au cours de l'observation, sous Yaction de certains précipités sont contournés par le mécanisme
imaginé par Orowan.
Si, en demeurant en deçà de la température de fin de
mise en solution dilatométrique (1036 OC), on aug-

FIG.9. -Micrographie effectuée sur un échantillon déformé RG.11. - Micrographie effectuée sur un échantillon
de 5 % après un revenu de 16 h à 825 OC. déformé de 5 % après un revenu de 16 h à 850 OC.
DURCISSEMENT PAR DES RRÉCIPITÉS ORDONNÉS

mente encore la température de revenu, les précipités


cohérents continuent à grossir ; seules les dislocations
coupant les précipités assez loin de leur centre
peuvent les cisailler et la densité des boucles augmente
considérablement (Fig. 12). Quand les précipités ont

FIG. 13. -Schéma de l'équilibre d'une ligne de dislocation


cisaillant, sous l'action d'une contrainte, deux précipités cohé-
rents ordonnés.

FIG. 12. - Micrographie effectuée sur un échantillon hors du précipité nous avons de même
déformé de 5 % après un revenu de 16 h à 95.0 OC.
22
BC = - sin 0
ob
un diamètre suffisant (400 b) on peut même constater
que certains précipités sont entourés par un empile- d'où
ment de deux boucles stables.

2. Etude d'un modèle simplifié. - Dans ce


modèle nous considérerons que les intersections des
précipités et du plan de glissement sont des cercles
qui sont tous égaux à r = 4%
R, que les contraintes
de cohérence sont négligeables, que le module du
précipité est le même que celui de la matrice, que le
durcissement est uniquement dû aux précipités ordon- p sin 9 ne peut être supérieur à r. L'équilibre de la
nés, et que les interactions entre les deux dislocations dislocation dans le précipité n'est donc possible que si
d'une paire sont négligeables. la contrainte appliquée est :
Sous l'action d'une contrainte appliquée a, une yr
dislocation prend une forme définie, avec les notations a < -2 = a,.
yb
de la figure 13, par p et 8. Soit y la distance entre les
précipités le long d'une ligne de dislocation. Tc représente la contrainte critique de franchissement.
Dans le précipité : En prenant y = D, où D est la distance moyenne
AB = 2p sin 0 entre deux précipités dans le plan de glissement nous
(1) obtenons,

d'où

AB = - 2 2 sine Nous retrouvons une formule analogue à celle


y - ab établie par Kelly [5] montrant que la limite élastique
est indépendante de la taille des précipités. Ceci n'est Cette relation n'est valable que quand les précipités
pas conforme aux résultats expérimentaux. L'erreur sont cisaillés. Pour que le cisaillement soit possible il
vient du fait que y est une fonction de la contrainte faut que ~ / ( r- Tb) qui représente le rayon de courbure
appliquée. Quand la contrainte augmente la disloca- de A B sous l'action de la contrainte appliquée soit
tion prend une forme en zig-zag et s'appuye sur un constamment supérieur au rayon r du précipité d'où
nombre croissant de précipités. Pour évaluer y = f (0
nous allons utiliser la méthode établie par Friedel pour
l'étude du franchissement d'une forêt d'arbres non
attractifs [3]. Nous supposerons que (Fig. 14), quand Au-delà de rc les précipités seront contournés.
la dislocation quitte le précipité B elle touche un seul L'étude du contournement nous montrera que la
précipité B' et que l'aire balayée A est égale à D2. condition r < rc est également suffisante pour assurer
le franchissement c'est-à-dire que pour ces tailles de
précipités le franchissement demande une contrainte
inférieure au contournement.
Etudions la configuration des dislocations quand
r = rc. Avec les notations de la figure 14.
y2 = 2 x p
d'où
xly = y12 P = rlrc
Nous retrouvons que, quand r augmente la dislocation
prend une forme en zig-zag de plus en plus accentuée
et pour r = rc x = y = D.
d'où pour le contournement

soit avec

FIG.14. - Positions successives d'une ligne de dislocations On constate bien que oc < a,* tant que r < rc et que
cisaillant un groupe de précipités. pour r = rc

o3
Comme A = -,que y ci p 0 et que p =
Z
-,
2 oc b
3. Discussion. - Nous avons vu que le durcisse-
ment maximum est obtenu pour des précipités de
rayon de l'ordre de 200 A soit 80 b. Soit dans le plan de
glissement rc = 60 b avec z = 4 pb2 nous obtenons :
En remplaçant Tcpar sa valeur dans (5) et en écri-
vant que A = D2 on obtient :

= 4 zr/yf
En considérant que tout le soluté a précipité (f = 0,3)
d'où nous avons
DURC~SSEMENT PAR DES PRÉCIPITÉS ORDONNÉS c 3 - 239
alors que la valeur maximum obtenue expérimentale- tale. Le faible écart obtenu semble montrer que ces
ment est de 31 kg/mm2. interactions n'ont pas sur la limite élastique une influ-
L'accord est meilleur que ne le laisserait prévoir à ence prépondérante.
priori le modèle. En effet, le calcul de y = f (O) n'est
valable que si la dislocation ne pénètre pas dans un Bibliographie
précipité avant de s'échapper des deux précipités sur
lesquels elle est ancrée. [l] WACHE(X.) et CASTAGNÉ (J. L.), Communication
présentée lors de la 4e journée des Aciers spé-
Le calcul de N, nombre de précipités rencontrés par ciaux. Nancy le 20 mai 1965.
les dislocations avant son échappement, montre que N [2] ASHBY (M. F.) et BROWN (L. M.), Phil. Mag., 1083
est indépendant de f et est une fonction croissante de et 1649, 8, 2.
8. Quel que soit f, le modèle ne sera donc valable que [3] FRIEDEL (J.), Les dislocations. Gauthfer-Villars, 1956.
[4] CASTAGNÉ (J. L.), LEGENDRE (P.) et WACHE (X.), Mem.
pour les faibles contraintes appliquées. Pour le durcis- Sc. rev. Met. LXII, nos7-8, 65.
sement maximum (N = +) on pourrait s'attendre à un [5] KELLY (A.) et NICHOLSON (R. B.), Précipitation harde-
écart sensible entre la valeur théorique et expérimen- ning. Pergamon Press, 1963, p. 333.

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