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SUR LA STRUCTURE DE L’AIMANT ATOMIQUE

DANS LES CORPS FERROMAGNÉTIQUES


par M. ROBERT FORRER.
Faculté des Sciences de Strasbourg.
Sommaire. - La forme du cycle d’hystérèse d’un nickel spécial a suggéré l’hypothèse
des multiplets magnétiques.L’étude de ce nickel spécial et surtout la détermination de la
valeur relative de son aimantation rémanente conduit aux conclusions suivantes : le moment
magnétique du nickel estun doublet rectangulaire. Par un traitement mécanique, ce doublet
peut être orienté sansque les axes cristallographiques prennent une direction privilégiée.
Le champ critique est le champ nécessaire pour le renversement du constituant du doublet
parallèle à ce champ. Dans les corps ferromagnétiques à l’état recuit, le cycle d’hystérèse
est le résultat d’une rotation et d’un renversement par rotation de l’ensemble du multi-
plet sous l’influence du champ. Le multiplet est déformable; sous l’influence d’un champ
très intense, il se ferme et fournit ainsi la saturation.
L’étude du fer électrolytique déposé dans un champ magnétique conduit à l’hypothèse
d’un triplet trirectangle dans le fer; en même temps, elle rend plausible l’hypothèse que
le multiplet magnétique est une propriété atomique. Cette hypothèse est appuyée par le
fait que la rotation du multiplet est très facile, tandis que sa fermeture est très difficile.
En introduisant l’hypothèse de positions normales des multiplets par rapport ou réseau
cristallin, l’aimantation rémanente devient accessible au calcul. L’aimantation rémanente
expérimentale du fer confirme le triplet trirectangle et sa position normale, Quelques
valeurs exceptionnelles rendent évidente l’existence d’un triptet dissymétrique. A la tem-
pérature ordinaire, l’atome de fer pourrait donc se trouver dans deux états différents.

J’ai l’intention, dans cet article, de réunir les éléments de la discussion qui doit démon-
trer l’existence des multiplets magnétiques dans les atomes ferromagnétiques. Cette même
discussion et un vague programme de travail ont été publiés dans plusieurs notes disper-
sées (1). Si, jusqu’à présent c’est surtout l’optique qui a permis d’explorer la structure
interne de l’atome, et surtout à l’état gazeux, ici j’espère démontrer que le magnétisme de
son côté est capable de renseigner sur certaines particularités de l’atome. Et ici il ne s’agit

pas de l’atome isolé des gaz parfaits, mais de l’atome fixé par le réseau cristallin.

~
I. a-
BASE EXPÉRIMENTALE.
Les expériences quisont à la base de la discussion suivante ont été faites en 19~5 et
1926 (2). Il
été montré
a que les phénomènes discontinus de rail11antation qui dans les
autres corps ferromagnétiques, sont infiniment petits peuvent, dans le nickel, atteindre faci-
lement une notable partie de la hauteur du cycle. Et par un traitement spécial on peut
donner au nickel un cycle d’aimantation p,a.:rticulièrement simple, C,~ traitement est le sui-
vant. Le fil de nickel doit être très fin par rapport à la longueur. D’abord rétuit, il est
étiré jusqu’à la rupture. Ensuite, il est plié plusieurs fois avec une faible traction auteur
d’une petite poulie dont le diamètre est environ dix Ms celui du fil. Quant ce fil quitte la
pouline, il a une courbure naturelle.. La dernière opération du traitement c~ar~s~iste à tenir ce
fil droit contre son élasticité, par ex,ern.p~l~, en. l’introduisant dans un tube càpil.làire. Le
cycles de ce nickel spécial est caractérisé par la séparation fresque complète des variations
réversibles et irréversibles de l’aim.anta~tior~.

(:1) Comptes Rendus, t. 181 (1926), p. 12î2; t. 182 (1926x p. 1539 ; t.. 183 (1926), p. 12i ; t, 183 (1926),
p. 5trg; t. tu p- ’~3‘~.
(t) CoMpt,-g Ren1lu$, ~. IIW (i925y, p. S153 jt. 180 (1§f5), p. i3-~4..-..... Jôurnal de Physiqf1ë, t. 7 (1!/29),
po. 0,9.

Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphysrad:01929001007024700


248

La variation réversible est proportionnelle au champ (c ail) dans tout le domaine


~

des champs faibles et moyens. Mais le fait le plus caractéristique est que, quelle que soit
l’amplitude des variations du champ avec laquelle le cycle est décrit, le renversement a
toujours lieu pour une même valeur du champ, que j’ai appelé chariip critique (fig. 1).

Fig.i. o
Fi~. 2. Flg. 3.
II. -
DÉMONSTRATION DE L’BXISTENCE D’UN DOUBLET DANS LE NICKEL.

En réalité, le renversement irréversible de l’aimantation n’est pas tout à fait complet


dans le champ critique. La discontinuité atteint 80 à 95 pour 100 suivant que le traitement
a été plus ou moins réussi et il reste une variation qui donne lieu à la queue BC (fig. fl) . La
figure 2 représente les dernières étapes verts le cycle schématique (fig. 3) et on voit que le
cycle de l’ellipsoïde c se confond presque avec le cycle schématique. Ce cycle schématique
invite à chercher le mécanisme de l’aimantation des corps ferromagnétiques.
On peut imaginer trois modèles simples, qui satisfont à ce cycle schématique (I, II, III,
fig. 4).

Fig. 4.

Modèle I. -
Un moment magnétique fait un certain angle (par exemple 45°) avec le
champ (I, fig. 4). Sa rotation donne la partie réversible et le renversement la partie irré-
versible.
Modèle II. Deux moments se trouvent à angle droit, l’un parallèle et l’autre perpen-
-

diculaire au champ. Le renversement du premier donne la partie irréversible, la rotation du


second moment ou de l’ensemble donne la partie réversible.
Modèle III. Un moment est parallèle au champ, deux autres perpendiculaires, les
-

trois à l’un sur l’autre.


angle droit,
Pour choisir entre ces trois modèles, on peut s’adresser aux cycles réellement obtenus.
Ils se distinguent du cycle schématique par les petits arrondis en A et B et surtout par la
queue C (fig. 2). Les arrondis en A et B peuvent être attribués à une faible influence du
champ démagnétisant, d’aiIleurs très faible; les petites discontinuités (en D, par exemple,
figure 1) proviennent de ce que le champ critique n’est pas tout à fait constant dans toute
l’étendue de la substance. Ces deux effets sont presque négligeables, surtout pour le meilleur
des cycles, celui de l’ellipsoïde C (fig. 2). Reste à expliquer la queue en C. Si les moments
ne sont pas orientés suivant la même direction,
comme nous l’avons admis dans les trois

modèles, et si une certaine quantité est dispersée dans des angles voisins, l’effet de cette
inljJureté de l’orientation est différent suivant les modèles. Le modèle 1 prend l’aspect donné
dans la figure 5, 1. Les moments ont des directions plus ou moins inclinées sur la direction
du champ, ce qui aurait pour effet de donner à la courbe d’hystérèse des branches irréver-
249

sibles inclinées et des arrondis symétriques (voir fige 5, CI). Le modèle 1 est donc incapable
de fournir un cycle comme il a été obtenu réellement.
Dans les modèles lI et III, les moments à renverser sont opposés au champ. Le renver-
sement commence pour un certain champ minimum, qui est pratiquement le même pour
les moments voisins. Les autres moments qui se présentent sous des angles notables sont
renversés par des champs plus forts. Il en résulte une courbe d’hystérèse, telle que C II et
C III, avec une partie irréversible qui commence brusquement au champ critique avec une

Fig. 5.
tangente verticale (grande discontinuité) et qui dans les champs forts s’atténue progressi-
vement (la queue).
Les cycles réellement obtenus sont tout à fait semblables à ce cycle déduit du méca-
nisme des modèles II et III (voir par exemple fig. 2, c). J’appelle ces arrangements de
moments magnétiques à angles droits des multiplets magnétiques,.
,,
L’aimantation dans les champs faibles et moyens (cycle d’hystérèse) a suggéré l’exis-
tence d’un multiplet magnétique. Lequel des deux multiplets faut-il attribuer au nickel2 La
question peut être résolue par la comparaison, dans notre nickel spécial, de l’aimantation
rémanente avec l’aimantation à saturation. En utilisant le multiplet magnétique, on peut
imaginer deux mécanismes différents qui conduisent à la saturation :
1° Le multiplet reste rigide, mais la résultante est amenée par un champ très intense
dans la direction de ce champ. L’aimantation à saturation serait alors égale à la résultante
du multiplet. Si nous attribuons à chaque moment constituant le moment ~, la résultante
du doublet aura comme moment V2;celle du triplet, ~3.
Comme il a semblé plausible que,
dans le cas de l’aimantation rémanente du nickel spécial, un seul constituant soit parallèle
au champ, le moment de l’aimantation rémanente serait égal à 1 dans le cas du doublet
comme dans celui du triplet. Par conséquent, dans le cas du multiplet rigide, le rapport

de l’aimantation à saturation à l’aimantation rémanente serait V2pour le doublet, y3 pour


le triplet. ,

2° Le muliplet est déformable par le champ et, dans un champ infini, tous les consti-
tuants sont rapprochés de la direction du champ. L’aimantation de saturation serait donc
égale à la somme des constituants, c’est-à-dire égale à deux pour le doublet et égale à trois
pour le triplet. Et puisque l’aimaniation rémanente du nickel spécial a été posée égale à un,
le rapport de l’aimantation à saturation à l’aimantation rémanente sera égal à deux pour le
doublet et trois pour le triplet.
Pour obtenir une comparaison fidèle de l’aimantation rémanente avec l’aimantation à
saturation, il m’a semblé nécessaire de faire les deux mesures ayec la même installation.
Pour la mesure de l’aimantation rémanente, la méthode du magnétomètre est tout indiquée;
pour la mesure de la saturation, cette méthode est d’un emploi très difficile, parce qu’une
bonne compensation d’une bobine qui doit produire un champ intense est presque impos-
sible. Une expérience provisoire a été faite en 1926 (loc. cit.) pour le nickel de la figure 2 c.
Après un réglage soigné des compensations nécessaires, j’ai trouvé pour l’aimantation dans
un champ élevé (f~ ‘ 1760 G) une déviation de ~70,~ mm, et pour l’aimantation rémanente,

85,4 mm. Donc le rapport deux à 2 pour 1000 près. Pour des expériences plus complètes,
voir le chapitre suivant.
Puisque ce rapport deux est un des rapports prévus dans la discussion précédente, ce
résultat est une justification des hypothèses faites pour l’interprétation des cycles à grandes
250

discontinuités. Enonçons donc les coïiséqueyïces qu’on peut tirer de cette expérience.
1. Le moment ferromagnétique est un doublet.
2. Par un t,,’aitement J1lécanique, ce être orienté unifo17mérnent sans que la
structure cristalline soit Plus spécialement dans le nickel courbé et tenu droit
contre l’élasticité, le traitement a pour effet de diriger l’un des constituants du doublet
parallèlement, l’autre perpendiculairement à l’axe du fil. Plus ce traitement est réussi, plus
grandes sont les forces qui retiennent le doublet dans cette position. Alors les phénomènes
discontinus atteignent leur plus grande valeur, la queue C (fig. 2) se réduit de plus en plus
et l’inclinaison de la partie réversible diminue. Effectivement les variations de ces trois
quantités, observées au cours des essais (1), sont liées entre elles de cette manière. Par
contre, des radiogrammes (voir le dernier article) ont démontré que la cristallisation est
restée confuse, les axes cristallographiques n’ayant pas de direction privilégiée.
3. Le champ critique est le champ nécessaire et suffisant pour le renversement a’un seul
constituant du doublet, celui qui est orienté comme le champ. J’appelle cette variation irré-
versible de l’aimantation renversement de première espèce. Je montrerai plus tard qu’il y en
a probablement une deuxième. Si l’on attribue le moment constituant d’un doublet à une
orbite électronique, on peut attribuer le renversement de première espèce à un changement
du sens de parcours de l’électron considéré. On peut imaginer, par exemple, que l’électron
considéré est expulsé et remplacé par un autre qui tourne en sens inverse du premier.
.

4. La notion de 1"aimantation spontanée, introduite par M. Pierre Weiss, doit être


modifiées dans le sens suivant. La somme des moments, contenus dans le plus petit élément
magnétique (par exemple du doublet, dans le cas du nickel) est encore égale à l’aimantation
spontanée (aimantation à saturation). Jlais au champ n10ment de l’élément magné-
tique le plus petit est la résultante du multiplet. Pour obtenir l’aimantation spontanée dans
le champ zéro, il faut diviser dans le cas du nickel l’aimantation à saturation par B/2.
Le fait que le rapport entre Faimantatiou à saturation et l’aimantation rémanente du
nickel spécial est égale à deux ne révèle pas seulement le doublet du nickel, il démontre en
même temps que :
5. Ce doublet n"est pas rigide. Dans le champ zéro, les deux moments du doublet (lu
nickel sont à angle droit, un champ croissant raliproche progressivement les constituants du
doublet et tend à les faire coïncider avec sa propre direction.
L’aimantation réversible du nickel spécial peut être considérée comme le commence-
ment de ce rapprochement des constituants du doublet. Puisque son augmentation a été
trouvée à peu près égale à 1 pour 1 000 de l’aimantation rémanente par gauss, on doit
srattendre à ce que l’approche à la saturation se fasse dans des champs supérieurs à
1 000 gauss.
Pour un grand nombre de corps ferromagnétiques, l’approche vers la saturation a été

mesurée par M. P.
en
Weiss, qui a exprimé ses résultats par la loi

général- au-dessus due 1 000 gauss. Cette loi est aussi valable pour le nickel.
a~ ~ (Jo
clans la
(1 2013 _~),Or, valable

même région des champs se produit la dernière étape de la fermeture du doublet. Il est
naturel de trouver dans ce rapprochement le mécanisme de la loi d’approche. Si l’on admet
qu’un moment magnétique constituant est perpendiculaire au plan d’une orbite,que les
deux orbites du doublet ont le même centre et qu’une orbite se comporte comme un anneau
chargé d’électricité négative pour la répulsion des autres orbites, il résulte pour des petits
angles une loi d’approche du premier ordre comme celle de Weiss.
--°
RÉCENTES DU RAPPORT ENTRB
ET A SATURATION PU mCKBL SPIÉCIAL.
La des hypothèses énoncées est la valeur numérique du
justification la plus frappante
rapport entre i’aimantation à saturation et l’aimantation rémanente. J’ai cherché à déter-

(1) de Physique, t. 7 t‘6, p.


251

miner ce rapport avec la plus grande précision possible par de nouyelles expériences ut j’ai

piréfé,réune méthode qui donne les deux termes du rapport, pour m’affranchir de détermi-
nations absolues peu sures.
Comme méthode, j’ai choisi celle du magnétomètre, la seule qui puisse donner une
mesure exacte de l’aimantation rémanente vraie et qui se prête aussi, quoique moins bien,
à la mesure de l’aimantation à saturation.
Le nickel soumis au traitement spécial provient de la « Mound Co » et ne continent que
0,2 pour 100 de fer.
Pour éviter un champ démagnétisant appréciable qui effacerait les grandes disc=onti-
nuités et qui fausserait la mesure de l’aimantation rémanente, j’ai opéré avec des fils très
fins de 0,2 mm de diamètre et de 44 mm de longueur. Le traitement, pour obtenir des
cycles purs, c’est-à-dire la plus grande discontinuité possible et un champ critique unique,
consiste à étirer le fil doux jusqu’à la rupture, à tirer ce fil durci plusieurs fois autour
d’une petite poulie avec la moindre traction possible et à tenir ce fil droit contre son élasti-
cité, ce qui se réalise le plus simplement, en l’introduisant dans un tube capillaire aussi fin
que possible.
Il s’agit ici de la mesure de l’aimantation rémanente vraie qui s’obtient dans un champ
intérieur nul à partir cle l’aimantation à satn.ration par une variation réversible pure sans
trace de variation irréversible (1). En général, les corps ferromagnétiques ordinaires possè-
dent au voisinage du champ nul une forte variation réversible : le moindre champ démagné-
tisant fausse la mesure de l’aimantation rémanente; on peut en tenir compte. Mais, une
correction est impossible, si la substance possède dans les champs faibles positifs une
aimantation irréversible. L’aimantation rémanente brute, résultat de l’expérience, est alors
plus petite que l’aimantation rémanente vraie.
Dans notre cas, l’expérience fournit immédiatement l’aimantation rémanente vraie,
d’abord parce qu’il n’y a pas trace d’aimantation irréversible, même jusqu’à un champ
négatif de l’ordre de 10 gauss et, par suite de la petitesse de la variation réversible (environ
i pour ~i 000 par gauss), un champ démagnétisant, dans notre cas d’ailleurs très petit,
fausse très peu l’aimantation rémanente vraie. Pour ce qui concerne la mesure de l’aiman-

tation à saturation, il est impossible avec la méthode du magnétomètre d’employer des


champs si intenses que la différence entre l’aimantation obtenue et la saturation complète
soit négligeable. Il faut se contenter de champs moins forts, mais pourtant assez forts pour
se trouver dans la région où la dernière partie de la courbe d’aimantation permette l’extra-
polation vers le champ infini. Cette loi est la loi d’approche de M. Pierre Weiss
valable pour la plupart des corps ferromagnétiques, le nickel y compris, à

partir de 1 000 gauss en général. Je me suis ;donc proposé d’aller jusqu’à un champ de
l’ordre V V V G. e

Le magnétomètre qui avait servi (2) à décrire les cycles à grandes discontinuités était
astatique à courte durée d’oscillation (fig. 6). Cette courte durée est avantageuse; elle
permet d’abréger le temps où la bobine magnétisante est parcourue par le courant intense,
ce qui évite un écha.uffement excessif. Cet échauffement est nuisible surtout parce que la
dilatation des spires de cuivre rend imposslble une compensation exacte de l’action directe
de la bobine. En outre, il y a une deuxième action désagréable de la bobine parcourue par .

de forts courants sur le magnétomètre : le moment des petits aimants du système mobile du
magnétomètre varie avec le courant dans la bobine, et par conséquent la sensibilité ne reste
pas constante. Une bobine plus longue, refroidie à l’intérieur et à l’extérieur par une circu-
lation d’eau, n’a pas donné davantage des résultats satisfaisants. Pour éviter l’action capri-
cieuse de la bobine magnétisante, il faudrait la construire aussi uniforme que possible et
la présenter symétriquement au magnétomètre. Mais l’emploi d’un magnétomètre simple
est interdit dans un Institut où l’on travaille avec ung,rand nombre d’éLectro-aimants.

(~) Voir aussi A. FERMER et G. BALACHOWSgY. Arch. d. Sc. phys. nat., 58 période, t. 2 (i920).
(2) Journal de Physique, t. 7 (1926), p. 109.
252

Par la méthode suivante,s’affranchit des inconvénients mentionnés. J’ai employé


on
un dont le système mobile porte 4 aimants,
111agnétolnètre astatique symétrique (fig. 7),
deux dans le même sens en haut et en bas et deux autres en sens inverse au milieu. Ce
magnétomètre astatique symétrique a en outre le grand avantage d’être
astatique non seulement pour des champs uniformes, mais encore pour des
champs noir uniformes du premier degré. On peut ainsi travailler avec ce
magnétomètre à une distance de quelques mètres d’un grand électro-aimant,
sans être gêné. Le magnétomètre est amorti par une petite palette qui
plonge dans de l’huile de paraffine, le système mobile est tendu entre deux
fines bandes métalliques. Si une longue bobine est placée symétriquement
par rapport au système mobile, l’action des bouts se compense automa-
tiquement. Un léger déplacement vertical permet de parfaire la compensation.
Dans cette bobine le fil de nickel à étudier est placé de telle sorte que le bout
supérieur est à la hauteur de l’aimant supérieur et le bout inférieur à la hauteur Fig, 6.
19.,°

des deux aimants du milieu. Pour la déviation on utilise donc trois quarts
des aimants présents.
Pour obtenir une assez grande sensibilité, la bobine est très près du magné-
tomètre ; la distance de leurs axes était de I6 mm seulement. Dans ce cas, uno
légère influence du champ de la bobine sur les aimants du magnétomètre est
inévitable; elle s’exprime par une faible variation de la sensibilité. Il en résulte .
la nécessité d’étalonner chaque fois et dans les conditions de la mesure. Cela a
été fait au moyen d’une petite bobine fine de la longueur du fil de nickel par-
courue par un courant constant, donc de moment constant, qui remplace le
fil de nickel dans la bobine. On satisfait à ces conditions, en faisant varier
le courant magnétisant au moyen de résistances électrolytiques tournantes
dont la vitesse est imprimée par un mouvement d’horlogerie.
La figure 8 donne le schéma des résistances tournantes. Il y en a dux :
Fig. 7. l’une Ri, à grande résistance, tourne régulièrement (à raison de 1 tour par
minute), elle donne une variation lente entre -
50 et + 50 G, intervalle qui
permet l’inscription sûre de l’aimantation rémanente, du champ critique, en somme du
cycle d’hystérèse. L’autre Rz ne tourne qu’à l’instant où la première est au minimum
-

de sa résistance, elle fait à ce moment seulement un demi-tour en 4 secondes, en passant

Fig. 8. Fig. 9.

par un minimum très aigu de sa résistance, qui donne un champ maximum de 2 000 G
environ. Par la courte durée du courant intense la bobine s’échauffe assez peu : la com-
pensation se dérègle peu. Pendant le demi-tour du premier inverseur tournant (26 s), la
circulation d’eau a le temps d’enlever la chaleur de joule et, au maximum ;suivant, la
bobine se trouve de nouveau à l’état initial. La figure 9 donne la variation du courant en
fonction du temps.
L’ampèremètre qui porte le prisme (1) donnant la déviation proportionnelle au champ, a
lui aussi deux sensibilités. Au milieu, pour la courbe d’hystérèse, la sensibilité est grande,

(~1 Journal de t, 7 (1926), p. 109.


253

la déviation atteint la moitié du parcours pour un champ de 30 s, A cet endroit, le système


est arrêté par une lame élastique, qui diminue ia sensibilité dans le rapport de 1 à 40.
L’autre moitié du parcours dessine donc les champs intenses entre 50 et 2 000 G.
La courbe d’hystérèse complète, dessinée automatiquement par l’installation sur papier
photographiqne, a donc l’allure suivante (fig. 10). Au milieu se trouve la courbe d’hystérèse
connue du nickel traité entre les champs de 50 G et + 50 G. En dehors des limites de la
-

grande sensibilité a... a se trouvent les courbes allant vers la saturation S. Sur la mème
feuille sont tracées, sans que les inver .
seurs tournants aient cessé de tra-
vailler, deux courbes du moment con-
stante donné par la bobine parcourue
par un courant constant, positif et
négatif. Les opérations que comporte
une mesure se font donc de la manière
suivante : Les inverseurs tournants
marchent constamment : l’électrolyte
et la bobine magnétisante sont en
régime. On commence par tracer une
courbe de zéro avec la bobine de mo-
ment constant, mais sans y faire passer
de courant, ensuite une courbe de mo-
ment constant, après une nouvelle
courbe de zéro sans substance, et fina-
lement la courbe de la substance. La Fig. 10.
distance des deux premières courbes
donne la sensibilité pour chaque champ ; la distance des deux dernières, l’aimantation du
corps à étudier après division par la sensibilité en chaque point du champ.
La grandeur de l’aimantation rémanente peut être prise telle quelle. Pour trouver
l’aimantation à saturation, on déduit des courbes l’aimantation dans plusieurs champs forts,
on les porte en fonction de l’inverse du champ et, si l’on trouve une droite, son extrapolation
vers le champ infini donne la saturation. Dans les expériences faites sur plusieurs échan-
tillons de nickel traité spécialement, j’ai trouvé un bout de droite seulement à partir de
1300 G environ. On voit donc qu’il était nécessaire d’aller jusqu’aux champs de 2 000 gauss.
Que la limite inférieure de la loi d’approclie. soit si élevée (1300 G)ne surprend pas, puisque
le nickel traité est extrêmement dur et l’on a déjà trouvé que la limite inférieure de la vali-
dité de la loi d’approche est située dans les champs plus faibles, quand le corps est plus

doux, c’est à-dire le coefficient a dans


l’équation a 60 1-
B H a)
petit (1). Ici j’ai trouvé
un coefficient a très grand de l’ordre de 80 (Pour des corps ferromagnétiques recuits, a est
de l’ordre de 10). Cette grandeur exceptionnelle de a rend l’extrapolation vers la saturation
assez peu sure. La partie extrapolée est de 4 pour 100 environ.
Puisque cette extrapolation dépend du coefficient a, j’ai fait vérifier la loi d’approche
de mes nickels traités par M. Birch (expériences inédites), dans des champs allant
jusqu’à 20 000 G, par.la méthode d’induction dans l’entrefer d’un grand électro-aimant (2).
Les valeurs de a trouvées par M. Birch (a 63) ont confirmé celles que j’ai trouvées ici par
=

la méthode du magnétomètre.
Le entre l’aimantation rémanente et l’aimantation à saturation est
rapport trouvé
0,482 moyenne. La divergence entre les valeurs individuelles n’est que de quelques
en

pour mille. (On se rappelle que les A rapports entre lesquels l’expérience doit décider
étaient . Les différences entre le rapport
1,

(~) PBSCHARD. These, Strasbourg (192~).


(2) Cette installation sera décrite dans le mémoire de P. WEiss et R. FORRRE.Annales de Physique (i929).
254

trouvé et les 4 rapports des différentes hypothèses sont de .3, 32, 45 et 16 pour 100, La
première différence est incomparablement plus petite que les autres. Cette expérience vicient
donc confirmer la détermination provisoire (’). En outre, un fil de nickel, que je n’ai pas
traité, avec intention, avec les précautions nécessaires en le tirant autour de la poulie avec
une forte traction a donné comme rapport 0,43. Ce nombre s’éloigne davantage du nombré

théorique 0,5. Un traitement idéal augmenterait le nombre trouvé, il le rapprocherait donc


du nombre théorique 0,5.
J’ai tenté encore une deuxième vérification de l’expérience provisoire. La saturation du
nickel à la température ordinaire est très bien connue (~). Si l’on sait mesurer l’aimantation
rémanente de notre nickel spécial en valeur absolue, on peut s’affranchir de la mesure de
la saturation, qui est, comme nous l’avons vu, la principale difficulté de cette expérience.
Cette mesure a été faite dans une installation analogue à celle qui a été décrite plus haut,
mais exécutée à une échelle plus grande. Le fil de nickel traité a une longueur de 10 cm et
un diamètre de 1 mm. Il est logé dans une bobine avec une cavité assez grande pour pou-
voir le remplacer par une bobine de faible diamètre (4 mm) et de même longueur que le fil
de nickel (10 cm), formée d’une seule couche de fil de §cuivre. Par la déviation d’un magne-
tomètre astatique symétrique (voir plus haut), l’aimantation rémanente du nickel peut être
comparée avec le moment magnétique de la petite bobine. Celui-ci peut être calculé avec
une précision suffisante à partir des dimensions de la bobine. Une expérience préliminaire
a donné le champ nécessaire pour produire l’aimantation rémanente maximum. Pour
l’aimantation rémanente de trois fils, on a trouvé TR ! 25,4, 25,6 et ~~,8~ à
saturation d’un fil de la même espèce est à la même
température (20°) Js ~~,’ï. Leur rapport est donc de
---

0,464, 0,467 et 0,472. Ces rapports, trouvés par cette


expérience tout à fait indépendante (exécutée par
M. Schneider), ne sont pas très différents de la valeur
0,482, trouvée par la comparaison directe.
On peut essayer de reconstruire, d’après la forme
de la courbe d’hystérèse de notre nickel spécial, le
nombre relatif des moments constituants du doublet,
situés sous différents angles par rapport à l’axe du
Fig. 11. champ (et du fil). Nous avons vu que le cycle réel-
lement obtenu diffère du cycle schématique par la
queue G. Dans le nickel du cycle schématique, la moitié des moments constituants est

parallèle au champ, l’autre moitié est perpendiculaire au champ. Pour le renversement


des moments parallèles au champ, le champ critique Acr est nécessaire. Pour un moment
(1) R. FORRBR. C. R., t. 181 (’1926), p. 1272.
(2) P. WEISS et R. FOIRER. C. R., t, 1~6 ~4~2~), p. 89-1.
255

constituant sousl’angle a, le champ nécessaire au renversement est H = cos 2013~L fi g. 1i)..)


0152
Si nous appelons m le moment constituant, son moment projeté sur l’axe du champ est
M = 1n cosx. Or, dans la courbe d’hystérèse réellement obtenue. à chaque champ H
correspond un angle a, sous lequel se trouve le nombre des moments constituants in,
dont la projection sur l’axe du champ est 111, distance verticale des deux branches de
courbe (fig. 12). J’ai déterminé de cette façon, pour un fil de nickel traité, cette réparti-
tion des moments constituants et j’ai obtenu le résultat suivant (fig, 13) : La plupart des
moments sont situés au voisinage des angles 0° et 90° : courbe a (fig. 13), confirmation de
notre point de vue, doublet à angle droit, dont un des constituants est parallèle au champ.
Mais le nombre des moments situés sous des angles très différents de 0° et 90° n’est pas
négligeable; même sous un angle de 45B il y a enclore 17 pour 100 de la quantité qui s’y
trouverait si les moments étaient répartis uniformément dans l’hémisphère (courbe b) (1).

LE TRIPLET DANS LE FER.

Nous avons attribué la loi d’approche de M. Weiss, trouvée expérimentalement, au


mécanisme de la fermeture du doublet du nickel. Or, cette loi s’applique également au fer,
à la. magnétite et à beaucoup d’alliages ferromagnétiques et même le coefficient a est, en
général, du même ordre de grandeur (a - 10). Sile mécanisme de cette loi consiste, dans le
nickel, dans la fermeture du doublet, on peut supposerque partout où on la rencontré, il s’agit
d’un phénomène analogue, lafermeture d’un multiplet, et l’on peut se proposer de chercher
quel est le multiplet du fer. A cet effet, je me suis d’abord adressé aux mêmes déformations
qui ont produit les grandes discontinuités du nickel, mais aucune espèce de déformation
n’a permis d’augmenter sensiblement la grandeur des discontinuités des fils de fer. J’ai donc
cherché ailleurs. On se rappelle que Maurain (l~ a trouvé des cycles presque rectangulaires
en déposant du fer par électrolyse dans un champ magnétique. On a mesuré la hauteur du

cycle, donc l’aimantation rémanente, en s’attendant à trouver une valeur voisine de la satu-
ration. Mais elle était beaucoup plus petite.
J’admets que l’atome de fer possèder ai moment où il se dépose, le même multiplet
que celui qui existe dans la couche toute formée et que la résultante de ce multiplet est
dirigée dans le sens du champ magnétique. L’aimantation rémanente de ce dépôt possède
donc un moment égal à la résultante du multiplet et nous admettons que l’aimantation à
saturation est donnée par la fermeture complète du multiplet. Leur rapport dépendra de
l’espèce du multiplet. Prenons les multiplets les plus simples, le doublet et le triplet trirec-
tangle. Si l’on attribue au moment constituant le moment i, leur saturation sera 2 et 3, et
leur résultante pour H = 0 sera et §/lil N/à.
Le rapport entre Faimantation à saturation et
l’aimantation rémanente sera donc et2/V2 3/~3.
La saturation du fer est maintenant très
bien connue (3) crs = 217,9 à 20°. La résultante d’un doublet amura donc :

celle d’un triplet :-.

Les meilleures mesures en valeur absolue de l’aimantation rémanente du fer électroly-


Le
(1 j rapport =
0,3 du cycle en forme de parallélogramme pourrait trouver aussi une autre
explication. On sait en effet, par les expériences anciennes el?Ewing que le nickel comprimé dans la
direction du champ prend sous l’iniluence de champs faibles une aimantation voisine de la saturation et
le conserve même dans un champ nul. Au contraire, dans. le nickel tendu dans la direction du champ,
l’aimantation rémanente, mesurée dans la direction du champ est nulle. Je reviendrai plus tard sur cette

question à l’occasion de la discussion des propriétés du nickel.


(2) Ch. MAURUN. L’éclairage électrique, t. 26 (février 1901 ).
(3‘ P. WEISS et R. FORRER. C. R., t. 186 (1928), p. 82i. ,
256

tique déposé dans un champ magnétique ont été faites par Schild (1). L’aimalllation réma-
nente est fonction du champ appliqué, elle tend vers une limite supérieure. Pour le plus
fort champ II - ~9,‘~ G, I, rapporté à l’unité de volume, est donné par Schild égal à 982 ; en
divisant par la densité ~~ _ 7,86 du fer, on trouve pour l’unité de masse c = 124,9. Cette
valeur expérimentale est très voisine de celle qui a été calculée pour un triplet (125,8) et très
éloignée de celledu doublet Schilda déterminéles 1 rémanents pour plusieurs valeurs
du champ et trouve des valeurs d’autant plus fortes que H est plus grand. Puisque cette
dépendance a une allure hyperbolique, on peut essayer de la représonter en fonction de 1 /H
(fig. 14). Si l’on trace une droite passant par les points, de
telle sorte que les erreurs se compensent (erreur moyenne
égale à 0,8 pour 100), elle passe pour i/H = 0 par
le point I= 991 ou a = ~~6,~. Cette valeur déduite de toute
la série, se rapproche encore davantage de la valeur calculée
- 125,7) pour un triplet (différence + 0,2 pour 100).
6. Le lnomenL lnagnétique du fer se présente donc sous l’as-
pect d’un triplet trirectangle, au moins dans le fer électroly-
tique. Mais puisque, comme on sait, le dépôt électrolytique
est cristallisé comme le métal venant de la fusion, le triplet
~

14. est attribuable au fer en général. (Voir plus loin pour une
Fie
restriction).
On comprend maintenant facilement le cycle presque rectangulaire du fer électrolytique
déposé dans
champ magnétique.
un La résultante est orientée dans le sens du champ; les
trois moments constituants font le même angle avec le champ ; la faible variation réversible
est due au rapprochement commençant des composantes.
L’interprétation que j’ai donnée suppose essentiellement que les trois moments consti-
tuants du triplet interviennent par leur résultante au moment du dépôt, c’est-à-dire qu’ils
sont contenus dans le même atome. J’en conclus que le triplet du fer est atomique. Par suite
de la parenté du doublet du nickel avec le triplet du fer, on peut attribuer aussi le doublet
du nickel à un même atome. On est amené ainsi à cette hypothèse de travail :
7. Le nîultlplet nlag1létiq..1e est une propriété atomique. Or, la variation de l’aiman-
-

tation dans les champs forts a toujours été trouvée réversible. Le rapprochement des cons-
tituants du multiplet ferromagnétique (ou plus brièvement : la fermeture du multiplet) est
donc considéré comme phpnonlèlte intraatomique réversible.

On peut appuyer cela par la considération suivante : la loi d’approche


est valable général à partir de 1 000 G. Pour le nickel, est de l’ordre de 1U.
en a ,

Considérons d’autre part le rapprochement des constituants 0 A, 0 B d’un doublet par


un champ H jusqu’à un angle 2 x (fig. 15). Dans ce cas, on trouve

donc : s

Pour a = 10 et pour un champ très intense Il = 10 000 G, l’angle 2 ce entre les moments

constituants est encore de 5°. On peut voir dans cette difficulté de fermeture du multiplet
un appui pour l’hypothèse que le multiplet est de structure atomique et que les forces entre
les constituants sont intraatomiques. Ces forces sont incomparablement plus grandes que
dans le cas de la rotation de l’ensemble du multiplet qui s’effectue dans des champs faibles,
et qui donne lieu à l’aimantation initiale, contre des forces provenant d’actions mutuelles
entre les atomes.

(1) SCHILD. Ann. der Physik, t. 25 (1908), p. 612.


257

V. -
LA POSITION NORMALE DU MUL’HPLET PAR RAPPORT AU RÉSEAU CRISTALLIN.
LE MECANISME DE ET LE RÔLE DE L’AIMANTATION RÉ)IANENTE.
Il résulte de nombreuses expériences (1) qu’un traitement mécanique et surtout la
déformation élastique peuvent orienter le multiplet magnétique du nickel. En l’absence de
ces causes de changement d’orientation et d’un champ extérieur, l’orientation du multiplet
est soit due au hasard, soit donnée par l’orientation du réseau. Parce que le réseau
cristallin et le multiplet magnétique possèdent une certaine symétrie, j’admets que le

16. h,ig, 17.


Fig. 15.
multiplet magnétique prend spontanément une orientation définie, symétrique par rapport
au réseau. J’appelle cette olientation du multiplet sa oormale.
Dans le nickel dont le système cristallin est le cube à face centrée, il y a, pour des
raisons de symétrie, deux positions normales possibles:
1° les constituants du doublet sont parallèles à des axes
quaternaires et leur résultante est dirigée suivant un
axe binaire (fig. 16.). A une direction de la résultante

correspond une position définie du doublet; un doublet


possède donc dans ce cas douze positions normales équi-
valentes. 2° Les constituants du doublet sont parallèles à
des axes binaires, qui font entre eux un angle droit et
sont situés dans un plan perpendiculaire à un axe qua-
ternaire ; leur résultante est dirigée suivant un axe qua-
ternaire (fig. 17) Ici, la même résultante peut être fournie
par deux positions différentes du doublet. Il y a donc six
positions normales de la résultante, mais douze positions Fig. 18.
normales du multiplet. On verra plus tard qu’on peut
espérer établir quelle est la véritable position normale du doublet du nickel par la déter-
mination du rapport de l’aimantation rémanente à la saturation.
Pour le fer, dont le système cristallin est le cube centré, le triplet ne peut prendre par
raison de symétrie qu’une seule position normale : les constituants sont parallèles aux
axes quateroccires et la résultante est dirigée suivant un axe ternaire (fig. f8). A chacun
des quatre axes ternaires correspondent deux orientations opposées possibles de la résul-
tante du triplet. Il y a donc huit positions normales équivalentes.
Esquissons maintenant le mécanisme de l’aimantation en nous basant sur les nouvelles
hypothèses (un multiplet magnétique, déformable dans les champs intenses, possède, au
champ zéro, des positions normales dans le réseau cristallin) (2) :1 Dans une substance
complètement désaimantée, les multiplets se trouvent dans différentes positions normales,
distribués au hasard; leur moments se compensent. Appliquons un champ très faible :
les multiplets tourneront légèrement, retenus par des forces interatomiques. On peut
attribuer la variation de l’aimantation proportionnelle au champ dans les champs faibles
(aimantation initiale) à cette rotation du multiplet sans déformation sensible.
(l) Journal de t. 7 (1926), p. i 02.
Pfiysique,
(2~ En réalité, le mécanisme de l’aimantation est encore plus compliqué, comme la suite des publiea-
tions le démontrera.
. 17.
258

Si FM augmente le champ, les multiplets cherchent, par renversement, des positions


normales plus rapprochées de la direction du champ (régions du champ coercitif).
Ce renversement par rotation du multiplet entier est une aimantation irréversible de
deitxièiîte espèce :En effet, nous avons rencontré (page 250) un renversement de première
espèce, renversement d’un seul moment constituant,
attribuable à l’inversion du sens de
parcours de l’électron sur l’orbite. Par une nouvelle augmentation du champ, la résultante
se placera parallèlement au champ contre les forces interatomiques : La valeur de l’aiman-
tation sera celle de la résultante du multiplet. Et dans les champs plus intenses, la
fermeture du multiplet s’accomplira. Dans cette
branche de la courbe, aucun point ne peut être
calculé, parce que, dans tout intervalle du champ
nul au champ infini, deux mécanismes se super-
posent : la rotation (et le renversement par ro-
tation) et la fermeture du multiplet.
Le cycle limite est beaucoup plus intéres-
sant (1). Dans les champs très intenses, les
constituants du multiplet sont rapprochés et di-
rigés suivant le champ (saturation relative à la
température considérée), voir aussi fige9 et 20,
point A. Quan 1 le champ décroit, le multiplet
s’ouvre, l’aimantation diminue et srappro-
cherait, pour le champ zéro, de la résultante du
multiplet (pointD. fig. 19) si la résultante restai-
Fig. i9. dans la direction du champ. La courbe qui cor-
respond à l’ouverture du multiplet devrait dont
rejoindre, extrapolée vers le champ zéro, la valeur de la résultante du multiplet accessible
au calcul. Mais l’aimantation rémanente est plus petite que cette résultante : dans les

champs tendant vers zéro, la résultante ne reste pas dirigée suivant le champ qui a agi,
elle tourne (C-D-E, fig. 19) et tend à occuper la position normale la plus voisine, donnée
par l’orientation du réseau par rapport au champ (point D). La courbe C. D. s’obtient donc
par superposition de la rotation du multiplet à son ouverture.
Si l’on fait agir un champ négatif faible, la rotation du multiplet continue (D-E),
jusqu’à ce que le multiplet rencontre une zône instable(dans une substance à cristallisation
confuse, cette zone sera située sous différents angles, les coudes en C. E. F. G. (figure 19)
seront donc arrondis par l’effet de la répartition statistique), où il se renverse par rotation
en cherchant une nouvelle position normale, pour laquelle la résultante est plus près de
la direction du champ négatif (E-F). Le renversement proprement dit est de T, mais, sous
l’influence du champ faible négatif, ce renversement irréversible est suivi d’une rotation
réversible du multiplet (voir tig. 20, E-F). Dans les champs croissants la rotation s’achève
et en même temps la fermeture commence (F G) et dans les champs plus intenses, le
multiplet continue à se fermer (2).
Dans la branche E F G H (fig. 19), lreffet de la rotation du multiplet, de son
renversement et de sa fermeture se superposent: aucun point de la courbe ne peut être
calculé.
L’aimantation rémanente vraie s’obtient donc en appliquant d’abord un champ assez
fort, pour renverser tous les moments qui étaient dans une direction négative, et en
(1) Pour &implifier l’exposé du schéma suivante, il s’applique à. un cristal unique dans une direction
uelconque.
Ce mécanisme de l’aimantation, schématise pour faciliter son exposé, es[ valable à la condition qut
(2)
dans un cristal unique tous les multiplets soient pa-palllèleg. Ceci parait évident. Cependant, plus tard on
ikera amené à envisager des cas aù, sous l’action d’un champ, il se produit des positions no7rmales diffé-
rentes de celles du champ nul. Nous Écartons ici cette possibilité d’altération des positions normales par
le champ.
.
Nous admettons aussi qu’il n’y a aucun autre champ que le champ extérieur et qu’aucun renversement
n’a lieu dans les champs encore positifs.
259

àiminuàat ce champ jusqu’à ce que le eliamp à la soit nnl, Pour


calculer cette aimantation rémanente, il fauli c(!)Dnaitre la position des nmItipLets. En
connaissant la fürme du multiplet et sa position normale dans le réseau, il sa§fit de connaître
encorne, dan& des échantillons formés d’un cristal unique,,. l’onientation du cristal par
rapport au champ, et la valeur de la saturation, pour en déduire l’aimantatio.,n
les Mét»X ier- 1

romagnétiques, venant de
l ft)sioJn ou récits, qui se
composent de petits cris-
taux, orienté8 au hasardat
la position anormale du
multiplet 1at plus voisine
êe la dïBection du champ
dépendra de l’oriertt&tion
du cristal considéré. La
soMnïe dites projections de’s
moments su-r la directio’n
dl1l champ sera égate à
l’aimantation rémanente.
Considérions,
faire le calcul, trois,
moments congtituantsd’un
triplet trirerlangle. Dè
u’il’S sont renversés pré-
liminairement ffl
champ, ils appartiennent
à trois catégories : La
catégorie Ilt des moments
qui sont l’es plus voisins ~’ 0. °

de la direction du champ,
la catégorie B intermédiaire et la catégorie C de ceux qui cff les pins éloignas.
Si nous posons le moment constituant égal à l’unité, les moyennes des projections des
trois catégories sur la direction du champ seront les suivantes (1) :

Dans le cas du triplet du fer, chaque catégorie sera occupée par un moment égfd à
l’unité, l’aimantation rénlanente sera donc égale à 1,5, la saturation étant égale à 3. Leur

rapport (JJRI as cl.o,mc. 0,S’.

VI. w
ÔADiIANT.àlI0N DE ET LES- FERMES DEf gON MIPL.ER.

Pour vérLfier ce rapport ^


0,5, il faut se procurer l’aimantation rémanente CIR
et l’a saturation es. Mais, on sait combien l’aimantation rémanente dépend même des plus
faibles impuretés, des recuits préliminaires’ et des trai1emenfs mécaniques (laminage,
(1 D’repris le e&leHïlfa’i’b par M. NÉEl1. J. t. 1,& p. 63.
260

traction etc.). Je me suis donc borné à rassembler autant de ces rapports (de 120 échan-
tillons) quej’ai pu en trouver dans la littérature (’) et à porter leur fréquence en fonction
de leur grandeur (fig. 21).
Cette courbe montre un maximum marqué (I) pour le rapport =
0,49, ce qui
semble confirmer nos hypothèses (triplet et position normale).
La plus grande quantité des échantillons possède urne, aimantation plus petite que la
valeur calculée (0,5).
On peut expliquer cette valeur trop faible par un renversement qui se fait déjà dans
des champs faibles positifs quand on descend à partir des champs forts. Mais l’aimantation
rémanente ne devrait pas être trouvée plus grande que la valeur calculée. En réalité, la
courbe des fréquences des rapports (fig. 21) a un aspect tout fait particulier. Un
à
assez
grand nombre possède un rapport entre 0,50
et 0,58. Aucun échantillon ne présente des
valeurs entre 0, ~9 et 0,65 et un nombre crois-
sant a des valeurs entre 0,66 et 0,70(11, fig. 21).
Il n’y a plus aucune valeur entre 0,70 et 1,0.
Faisons, pour expliquer cet état de
choses, une nouvelle hypothèse que nous ren-
drons plausible par le raisonnement suivant,
mais qui est en réalité une hypothèse de tra-
Fig. ci
.
vail exigeant une démonstration plus com-
plète. Nous y reviendrons dans d’autres tra-
vaux.Par une influence encore inconnue, le triplet du fer peut prendre une forme dissymé-
trique : deux moments sont parallèles et le troisième est à angle droit sur les deux autres.
Si l’on pose le moment constituant égal à 1 , la résultante (le moment existant dans les champs
faibles) sera Nl’5 =
beaucoup plus grande que la résultante du triplet symétrique
2,236, donc
(B/3). On pourrait admettre que, dans le champ nul, les moments constituants de ce
triplet dissymétrique sont encore parallèles à des axes quatérnaires comme les moments
du triplet symétrique. En réalitâ, par raison de symétrie, quatre positions normales
différentes du triplet dissymétrique sont possibles, entre lesquelles la première et la
troisième sont les plus probables, parce que les moments constituants choisissent tous les
axes de la même espèce.
Les deux moments constituants parallèles et le troisième à angle droit sont dirigés
suivant des axes quaternaires (fig. 22, 1).

Fig. 22.

2. Les deux moments parallèles suivant un axe quaternaire et le troisième suivant un


axe binaire à angle droit sur l’axe quaternaire considéré (fig. 22, II).
3. Les deux moments parallèles et le troisième suivant deux axes binaires qui font un

angle droit (fig. 22, III).


4. Les deux moments parallèles suivant [un axe binaire et le troisième suivant un
axe quaternaire à angle droit sur l’axe binaire considéré (fig. 22, IV).
.

(1 Voir surtout : E. GUMLICU, i.’Jfagnetische Messungen (1918) et GUMLICH Handbuch der Physik, t. 15.
26i

En utilisant les facteurs calculés par Néel (loc. cit. ), on peut calculer l’aimantation
pour des corps à cristallisation confuse. Il est plausible que le moment double choisisse la
position la plus rapprochée de la direction du champ et que le troisième moment choisisse
la deuxième position disponible. On trouve donc pour les quatre dispositions énumérées
ci-dessus les valeurs suivantes pour l’aimantation rémanente : *

Et puisque la saturation est égale à 3, le rapport entre l’aimantation rémanente et


l’aimantation à saturation pour les quatre positions est :

Ces quatre valeurs du rapport sont si voisines qu’il est impossible d’en tirer une
conclusion en ce qui concerne la position normale du triplet dissymétrique. Mais leur
moyenne est si exactement placée à la limite ,supérieure des rapports 0,70 donnés par
l’expérience (voir fige 20) qu’on peut trouver dans cette concordance une bonne vérification
de l’hypothèse ,d’un triplet dissymétrique dans le fer. En particulier, le rapport le
plus élevé, est fourni par une lame de fer, avec 1,03 pour 100 de Si. Gumlich (i j donne
BR --_. i4 800, B,s ~ ~1 160, leur rapport est 0,700.
On peut donc conclure :
Le multiplet ma,qnétique du f er existe, à la tenipérature sous deux formes,
le triplet symétrique et le triplet dissymétrique. De ces deux formes du triplet, la forme
-

symétrique semble, à la température ordinaire du moins, être la plus fréquente, comme le


démontre le grand maximum des rapports situé à 0,50 (voir fig. 20). Toutefois les
deux formes du triplet peuvent exister dans la même échantillon de fer : nous avons un
mélange de deux espèces d’atomes de fer. Le rapport entre l’aimantation rémanente et
l’aimantation à saturation est alors situé entre 0,5 et 0,7. En particulier, il semble que
dans beaucoup des aciers doux une petite partie du fer possède le triplet dissymétrique :
De là les rapports relativement fréquents situés entre 0,50 et 0, 58. De l’autre côté existent
quelques fers qui possèdent en grande partie le triplet dissymétrique et le triplet
symétrique seulement en petite quantité. B varie entre 0,66 et 0,70. Il est intéressant de
constater l’absence complète des rapports Rentre 0,59 et 0.65, ce qui semble indiquer une
tendance à la formation d’un fer où l’un ou l’autre triplet prédomine. La formation de ces
deux espèces de triplets dépend très probablement de la température de recuit, peut-être
des impuretés chimiques, mais aussi du traitement mécanique préliminaire, comme le
montre l’exemple d’un ferrosilicium à 1 pour 100 de Si (2) qui, à l’état de barre, possède
un rapport =
0,~7, et à l’état de lame d’une épaisseur de 0,5 mm, un rapport
BOIB_ == 0,70, quoique les deux échantillons aient subi le même traitement thermique
(recuit à 800° dans le vide suivi d’un refroidissement lent) (3).
(1) GUMLICH..JIagnelische Messungen..
(2) GUMLICH. Magnetische Messungen, Tableau III.
~2) Un travail qui a pour objet l’étude de la formation des deux espèces de fer est en voie d’exécution.
262

VII. -

L’AIMANTATION REMANENTE DU TECKEL ET LA POSITION NORMALE DE SON DOUBLET.

Comme nous F avons déjà vu, pïi peut, par raison de symétrie, attribuer au ,dûublBt
magnétique du nickel deux portions normales différentes :
1. Les moments constituants sont parallèle.5 à .des axes qualernaice6, leur résultante
est alors dirigée suivant un axe binaire. 2. Les moments constituants sont parallèles à
des axes binaires, leur résultante est dirigée suivant un axe quaternaire. Dans le cas
du nickel, l’étude de l’aimantation rémanente ne peut donc servir à confirmer ou infirmer
l’existence du doublet, mais elle permet peut-être de choisir entre les deux positions
normales possibles. Nous avons vu (page 26i) que, dans une substance à cristallisation
confuse, on peut calculer les projections des moments, parallèles aux trois axes quaternaires,
sur la direction du champ. Dans le premier cas de position normale du nickel, seules les
deux premières catégories portent des moments égaux.
L’aimantation rémanente sera donc

et puisque l’aimantation à saturation est égale à 2, sera égale à 0,6450. Dans le


deuxième cas, où les moments constituants sont parallèles à des axes binaires, la résultante
(= %/2) sera parallèle à l’axe quaternaire, et seule la première catégorie avec la valseur
de V-2 fournira les projections, On aura donc :

sera donc égal à (l, ~~78. On peut espérer, par l’expérience, choisir entre cers deux
valeurs, différentes de 10 pour 100 environ.
°

VIII. -
LES MULTIPLETS, LE N03IBRE DE MAGNÉTONS ET LA i’ALFNC.E.

Comme on voit, l’étude sur les multiplets magnétiques conduit à un ensemble assez
cohérent. Il est intéressant de rapprocher ces faits des seules autres données quantitatives
sur les moments atomiques des ferromagnétiques : les nombres de magnétons.
On sait, par les travaux de M. P. Weiss (1), qu’au zéro absolu les moments atomiques
ont une commune mesure, le magnéton expérimental, égal à i~~0 cgs. Or, ’le fer en possède
Il et le nickel 3. Il n’existe aucun rapport numérique simple entre le triplet du fer, le
doublet du nickel et ces nombres de magnétons. On peut, peut-être, faire la distinction sui-
vante : le nombre de magnétons ne donne que la valeur totale du moment atomique, le
multiplet désigne l’endroit, la distribution du moment dans l’atome.
D’autre part, on peut rapprocher l’existence d’un doublet dans le nickel, d’un triplet
dans le fer, de la valenc,e de ces deux éléments. Or, le nickel est divalent, et le fer, dîvalent
et trivalent Mais on sait que, ,dans la magnétite Fe2Û3, c’est J’atome de fer trivalent
qui est ferromagnétique, puisque on peut remplacer le fer divaient par des atomes de
Pb,Mg, sans que le ferromagnétisme se perde. ,

(1) Voir aussi le travail récent P. Wpiss et R. Fomer. - Ann.. de (t:929p.

Manuscrit reçu avrîl1929.

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-

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-..-.

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