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Cours de chimie Organique. G.

Dupuis - Lycée Faidherbe de Lille

Eléments d'analyse conformationnelle

Définitions

Les stéréoisomères peuvent être classées selon leur mode d'interconversion :

 la configuration d'une molécule est la disposition de ses atomes dans l'espace


indépendamment des rotations autour des liaisons simples ;
 les conformations d'une molécule sont les arrangements des atomes qui ne se
différencient que par des rotations autour de liaisons simples. Ce terme a été introduit
dans les années 30 par N. Haworth lors de son étude des sucres. L'étude systématique
de la conformation des cycles de la famille du cyclohexane a été entreprise par le
chimiste norvégien Odd Hassel. La prise en compte de l'analyse conformationnelle
dans la prévision de la réactivité des stéroïdes a été reconnue dès les années 50 par le
chimiste britannique Sir Derek H. R. Barton [1] (voir aussi [29].)
En 1969, le prix Nobel de chimie a été décerné à O. Hassel et D. Barton pour
l'ensemble de leurs travaux sur ce sujet [36].

On peut aussi classer les stéréoisomères en deux catégories selon des critères de symétrie. On
distingue :

 les énantiomères ;
 les diastéréo-isomères.

Ethane

L'éthane est le deuxième terme de la série des alcanes. Sa molécule a pour formule brute
C2H6.

Le modèle représente la molécule d'éthane dans une conformation décalée (en


anglais : staggered.)
En observant la molécule en mode "spacefill", on constate que les atomes
d'hydrogène ont un rayon de Van der Waals (120 pm) trop faible pour expliquer
la différence d'énergie entre la conformations éclipsée et la conformation
décalée.

L'étude de la capacité thermique molaire de l'éthane en fonction de la température, montre que


la rotation autour de C1C2 n'est pas parfaitement libre. Parmi l'infinité des conformations
possibles, deux d'entre-elles possèdent une géométrie remarquable :
 (deg) 0 60
Conformation II I
Stéréodescripteur synpériplanaire (éclipsée) antipériplanaire (décalée)
Ces conformations remarquables peuvent être représentées en utilisant la projection de
Newman.

La conformation décalée et la conformation éclipsée ne possèdent pas la même énergie.


L'énergie potentielle de la molécule en fonction de l'angle dièdre entre les liaisons C H a
l'allure suivante :

L'énergie potentielle de l'éthane a été étudiée d'un point de vue théorique par R. M. Pitzer et
W. N. Lipscomb [9]. On peut en donner une expression quantitative approchée :
avec k = 0,5 et V0 = 11,7 kJ.mol-1

Des calculs récents menés par Lionel Goodman et Vojislava Pophristic (Rutgers University)
montrent que la préférence pour la conformation décalée peut être interprétée par un effet
d'hyperconjugaison [2] et [25]. En termes d'orbitales moléculaires le résultat précédent peut
être retrouvé à partir de l'examen des orbitales frontières :

 la plus haute orbitale occupée (HO) est (CH) ;


 la plus basse orbitale vacante (BV) est (CH).

Dans la conformation antipériplanaire, l'interaction entre les orbitales frontières est plus
importante que dans la conformation synpériplanaire.

Butane

Le butane, dont la formule brute est C4H10 est le troisième terme de la série des alcanes.

Le modèle de gauche représente la molécule de butane dans sa conformation


antipériplanaire, correspondant à l'énergie la plus basse de la molécule.

La rotation autour de C2C3 n'est pas parfaitement libre. Les conformations suivantes
possèdent une géométrie remarquable :
ou en utilisant la projection de Newman :

les conformations sont désignées en utilisant les stéréodescripteurs introduits par Klyne et
Prelog :

 (deg) 0 60 120 180


Conformation IV III II I
Nom synpériplanaire synclinale anticlinale antipériplanaire

la courbe donnant l'énergie potentielle de la molécule en fonction de l'angle dièdre  entre les
liaisons CCH3 a l'allure suivante :
 (deg) 0 60 120 180
Energie (kJ.mol1) 18,8 3,8 15,9 0

 la différence d'énergie entre la conformation antipériplanaire et la conformation


anticlinale est essentiellement due à l'énergie de torsion, sa valeur est donc comparable
à celle rencontrée pour l'éthane ;
 la différence d'énergie entre la conformation antipériplanaire et la conformation
synpériplanaire est plus importante car à l'énergie de torsion s'ajoute l'énergie de
répulsion entre les deux groupes méthyle dont les rayons de Van der Waals de 200 pm
sont très supérieurs à celui de l'atome d'hydrogène ;
 il est utile de retenir la différence d'énergie de 3,8 kJ.mol1 entre les conformations
antipériplanaire et synclinale. On l'appelle aussi interaction butane gauche. On
retrouve cette interaction dans de nombreuses structures organiques.

Pour une étude détaillée de l'analyse conformationnelle des alcanes linéaires, voir [20].

Autres alcanes linéaires

On peut reconnaître les enchaînements carbonés des molécules précédentes dans de


nombreuses structures organiques. Le polyéthylène est obtenu par polymérisation de l'éthène
(éthylène). Ses chaînes sont constituées de la succession de milliers de motifs -CH 2-CH2-. Il
existe deux grandes méthodes de polymérisation de l'éthène :

 La polymérisation ordinaire de l'éthène s'effectue par voie radicalaire sous haute


pression (2000 bar). Elle fournit des macromolécules ramifiées car les radicaux
intermédiaires arrachent des atomes d'hydrogène de la chaîne donnant à leur tour
d'autres radicaux. Le polymère obtenu possède une faible densité. En effet les chaînes
ne peuvent pas s'approcher facilement les unes des autres.
 On peut obtenir un polyéthylène possèdant des chaînes linéaires en polymérisant
l'éthylène à basse pression en présence de catalyseurs mis au point par Ziegler et Natta
(prix Nobel de chimie 1963).

L'image de gauche représente un fragment de chaîne de


polyéthylène linéaire.

La macromolécule est constituée d'un enchaînement


régulier d'atomes de carbone dont la conformation la plus
stable est plane et en zigzag. Cette conformation permet
aux chaînes de s'approcher très près les unes des autres ce
qui explique la densité élevée du polymère si on la
compare à celle du polyéthylène ramifié ordinaire.

Systèmes conjugués

Diènes et polyènes
Les conformations dans lesquelles toutes les liaisons sont dans un même plan, sont
privilégiées. Elles permettent un recouvrement maximal des orbitales p perpendiculaires au
plan du système conjugué. Les stéréodescripteurs s-cis et s-trans se réfèrent à la position des
liaisons doubles par rapport à la liaison simple .

 (deg) 0 180
Conformation I II
Stéréodescripteur s-cis s-trans
Les valeurs ci-dessous concernent le buta-1, 3-diène. La valeur 0 correspond à la
conformation s-trans.
 (deg) 90 180
Energie (kJ.mol1) 20,5 10,9

Il faut noter que bien qu'étant la plus stable, la conformation s-trans n'est pas nécessairement
la plus réactive. Dans une réaction de Diels-Alder entre un diénophile tel que le dicyano-1,2-
éthène et le buta-1,3-diène le diène réagit dans la conformation s-cis. En vertu du principe de
Curtin-Hammett, l'équilibre rapide entre les deux conformations n'intervient pas dans la
cinétique de la réaction.

-énones
La conformation la plus stable est la s-trans.

Les valeurs ci-dessous concernent le propénal.


 (deg) 90 180
Energie (kJ.mol1) 29,3 8,6
Dans la molécule de rétinal, les liaisons adoptent une conformations s-trans sauf la première
qui adopte une conformation s-cis du fait de l'interaction avec un groupe méthyle du cycle.
Conformations des cycles

Cyclohexane
La formule brute du cyclohexane est C6H12. La molécule qui appartient à la famille des
cyclanes possède une insaturation. La mesure de la chaleur de combustion indique que la
tension dans le cycle est très faible. Comme l'a prédit Sachse dès 1860, la molécule ne doit
pas avoir la forme d'un hexagone régulier sinon les angles entre deux liaisons adjacentes
seraient 120° et on observerait une contrainte dans le cycle.

Des expériences de diffraction électronique en phase gazeuse ont confirmé que la


conformation de plus basse énergie n'est pas plane. On l'appelle : conformation chaise
(symétrie D3d.)

Parmi l'infinité des conformations possibles, celles dont la géométrie est remarquable sont
classées ci-dessous par énergie croissante :

chaise bateau croisé bateau Enveloppe

La conformation bateau (symétrie C2v.) possède une énergie supérieure d'environ 30 kJ.mol1
à la conformation chaise. La conformation bateau est flexible et les contraintes sont plus
faibles dans la conformation bateau croisé. La conformation enveloppe, dans laquelle cinq
atomes sont dans un même plan, est celle dont l'énergie est la plus haute.

La différence d'énergie entre ces la conformation chaise et la conformation bateau a deux


origines :

 On reconnaît dans la conformation bateau des enchaînements de type butane


synpériplanaire qui n'existent pas dans la conformation chaise où ces enchaînements
sont de type butane synclinal.
 Il existe une répulsion importante entre les atomes d'hydrogène situés sur les mâts de
la conformation bateau.
La différence d'énergie entre les conformations chaise et bateau est telle qu'à la température
ordinaire 99,9 % des molécules de cyclohexane sont sous forme chaise.

Dans cette conformation relativement rigide, les liaisons


peuvent être classées en deux catégories :

 les liaisons axiales sont perpendiculaires au plan


moyen du cycle et pointent alternativement vers
le haut et vers le bas ;
 les liaisons équatoriales pointent légèrement au
dessus et en dessous du plan équatorial,
alternativement vers le haut et vers le bas.

Modèle interactif de la conformation chaise.

Dans la conformation bateau, relativement flexible, on


distingue quatre catégories de liaisons :

 a axiales ;
 e équatoriales ;
 b beaupré ;
 m mât.

Modèle interactif de la conformation bateau.

La constante de couplage 3JHH entre deux protons vicinaux dépend de la valeur de l'angle
dièdre entre les liaisons CH. Cette dépendance peut être exprimée quantitativement grâce à
la formule de Karplus.

Basculement conformationnel
Le passage d'une conformation chaise à une autre, inverse les positions axiales et équatoriales.
A 300 K le passage d'une forme à l'autre s'effectue environ 100 000 fois par seconde.
L'existence de deux catégories d'atomes d'hydrogène peut être mise en évidence par
spectroscopie RMN si la température est suffisamment basse.

L'allure du spectre RMN du cyclohexane


dépend de la température de travail :

 à la température ordinaire, le
spectre de RMN du cyclohexane
donne un signal unique à  = 1,36
ppm pour les 12 atomes
d'hydrogène car la vitesse
d'interconversion entre les
positions axiales et équatoriales est
très rapide, le spectrographe
n'enregistre qu'un signal moyen ;
 lorsque la température diminue, le
signal s'élargit et commence à se
dédoubler à partir de la
température de coalescence TC =
66,7 °C, à cette température le
basculement conformationnel est
suffisamment ralenti pour que le
spectrographe distingue les deux
catégories d'atomes d'hydrogène ;

 à 90 °C, le basculement


conformationnel est bloqué et l'on
observe alors deux pics nettement
séparés. L'un relatif aux atomes
d'hydrogène axiaux à  = 1,12 ppm
et l'autre, relatif aux atomes
d'hydrogène équatoriaux à  = 1,60
ppm.
La durée de vie  de chaque conformation à la température de coalescence est liée à l'écart 
entre les déplacements chimiques (exprimé en ppm), par la relation de Gutowsky-Holm [4].

Dérivés monosubstitués du cyclohexane


Les dérivés monosubstitués du cyclohexane ont été particulièrement étudiés par D. H. R.
Barton et O. Hassel qui ont obtenu le prix Nobel de chimie en 1969. Désignons le substituant
par X. Il existe deux conformations chaise en équilibre :

ces conformations possèdent des énergies différentes. La conformation pour laquelle X est
équatorial (II) est plus stable que celle dans laquelle X est axial (I). Cela est dû à deux facteurs
:

 Dans (II), la liaison CX et les liaisons C2C3 et C5C6 forment un enchaînement de
type butane antipériplanaire. En revanche, dans (I), la liaison CX et les liaisons
C2C3 et C5C6 forment un enchaînement de type butane synclinal.

 Il existe des répulsions entre le groupe X et les atomes d'hydrogène situés en position
axiale (interaction 1, 3 diaxiales) dans (I) qui n'existent pas dans (II). Leur intensité
dépend de l'encombrement stérique du groupe X.

Désignons respectivement par XA et XE, les fractions molaires de I et II. A une température
donnée, l'équilibre entre les conformations est caractérisé par une constante K :
l'opposé de l'enthalpie libre standard de l'équilibre de conformation est appelé préférence
équatoriale du groupe X. Cette grandeur est généralement notée A.

A = R.T ln K

On peut déterminer expérimentalement la valeur de A en utilisant différentes techniques,


notamment la RMN. Soit P une propriété physique du système en équilibre, par exemple le
déplacement chimique du proton porté par l'atome de carbone 1. Supposons que la vitesse
d'interconversion soit beaucoup plus rapide que la vitesse de mesure du spectromètre. Celui-ci
enregistre alors une grandeur moyenne telle que :

avec évidemment :

on obtient donc successivement :

d'où l'expresson de K :

Winstein a eu l'idée de déterminer les valeurs de PA et de PB sur des cycles en conformation


chaise, rendus rigides par la présence d'un groupement tert-butyle.

Le tableau suivant donne les valeurs de A pour quelques groupes X carbonés. Plus la valeur de
A est grande, plus la préférence équatoriale du substituant est prononcée. Des tables plus
complètes existent dans la littérature.

Groupe X méthyle isopropyle hydroxyle tert-butyle


A (kJ.mol1) 7,5 9 3,3 (AcOH 75 %) 23,5

A partir de la valeur de A du méthyle, on montre facilement que le pourcentage de conformère


pour lequel le méthyle est équatorial constitue 95 % du mélange à la température ordinaire.
La valeur de A très élevée pour le groupe tert-butyle montre que dans le cas du tert-
butylcyclohexane seule la conformation plaçant ce groupe en équatoriale est possible.
Le groupe tert-butyle est si volumineux qu'il ne peut
exister qu'en position équatoriale.

Modèle interactif du tert-butylcyclohexane.

Les dérivés substitués du tert-butylcyclohexane en position 4 ont souvent été utilisés comme
substrats modèles dans l'étude de l'influence de la conformation en stéréochimie dynamique.

Lorsque le cycle est disubstitué, on peut considérer en première approximation que les valeurs
de A relatives à chaque substituant sont additives. On peut ainsi déterminer par le calcul la
constante d'équilibre de l'interconversion entre les cycles disubstitués.

rGo =  7,5  (3,3)


rGo =  4,2 kJ.mol1
K = [II]/[I]
on calcule donc :
K = exp (rGo/R.T)
à la température de T = 298 K :
K = 5, 42

cela montre que les molécules qui adoptent la conformation II sont en plus grand nombre que
celles qui adoptent la conformation I.

Comme dans le cas du cyclohexane, la vitesse du basculement conformationnel diminue


quand la température diminue. On donne ci-dessous quelques valeurs des temps de demi-
réaction  pour l'inversion de conformation du chlorocyclohexane.

Température (°C) Temps de demi-réaction 


25 1,3 105 s
120 23 min
160 22 ans

Lorsque la température est suffisamment basse, le basculement conformationnel est bloqué.


Cette propriété a permis en 1966 à F. R. Jensen et C. H. Bushweller de Université de
Californie à Berkeley de séparer les conformations avec respectivement un chlore axial et un
chlore équatorial [3]. A la température de T = 150 °C, le conformère à chlore équatorial
cristallise en premier. Ce solide, une fois isolé, est dissous dans un solvant à cette
température. Son spectre RMN est à alors caractéristique du conformère à chlore équatorial.
Lorsqu'on élève la température, le spectre de RMN redevient celui du mélange des
conformères en équilibre.

Pour l'étude détaillée des cycles à six atomes de carbone, voir [22].

Décalines

Les décalines sont des hydrocarbures de formule brute C10H18. Ces molécules sont constituées
de deux cycles cyclohexaniques accolés. On peut donc les considérer comme des dérivés
disubstitués particuliers du cyclohexane.

A partir de l'un des cycles, les liaisons constituant l'amorce du deuxième cycle peuvent être de
stéréochimie trans (I) ou bien de stéréochimie cis (II). Le passage de (I) à (II) nécessite la
rupture et la reformation de liaisons. Ce sont des isomères de configuration et plus
précisément des diastéréo-isomères.

Le cas rappelle celui des diastéréo-isomères cis et trans du 1, 2-diméthylcyclohexane qu'il est
conseillé d'étudier avant d'aborder ce paragraphe.

Comme on peut s'y attendre, les décalines possèdent des propriétés physiques et chimiques
différentes.

Composé (trans)-décaline (I) (cis)-décaline (II)


TF (°C) 32 42
Indice de réfraction (raie D, 1,4690 1,480
Na)

La nature de la jonction des cycles dans la décaline trans, empêche le basculement


conformationnel. La molécule est rigide.
La décaline trans possède un centre de symétrie au
milieu de la liaison C1C2.

Il s'agit donc d'une molécule achirale.

La situation est différente dans la décaline cis ou la jonction des cycles permet aisément le
passage d'une chaise à l'autre. La molécule est flexible.
La décaline cis, considérée comme une structure figée est
chirale. Cependant, le basculement conformationnel fait
passer d'une conformation à son image dans un miroir.
L'énergie séparant les deux conformations énantiomères
est d'environ 25 kJ.mol1. A la température ordinaire le
passage d'une conformation à l'autre est très aisé et l'on
observe le mélange racémique des deux énantiomères.

Notons que la trans décaline est plus stable que la cis décaline. Une estimation qui néglige la
contribution entropique, de cette différence de stabilité, consiste à mesurer l'enthalpie
standard de la réaction d'isomérisation suivante :

rHo = 11,3 kJ.mol1

L'une des causes principales de l'instabilité de la cis décaline par rapport à son isomère trans
vient du fait que les atomes d'hydrogène portés par la face concave sont à une distance de
0,217 nm qui est inférieure à la somme de leurs rayons de Van der Waals 0,240 nm.

Stéroïdes
Les stéroïdes sont des composés comportant un squelette carboné constitué d'un système de
type phénantrène (cycles A, B, C) avec un cycle cyclopentane accolé (cycle D).

Ce sont des composés extrêmement importants en raison notamment de leurs applications


dans le domaine pharmaceutique. Ils sont obtenus par synthèse ou par hémisynthèse à partir
de sources naturelles.

Par déshydratation suivie d'une hydrogénation du cholestérol, on peut obtenir deux


hydrocarbures diastéréo-isomères représentés ci-dessous. A l'image de ce qui se passe pour
les décalines, la jonction entre les cycles A et B est de type trans dans le premier et cis dans le
second.
Effet anomère
Lorsqu'on étudie l'équilibre conformationnel des tétrahydropyrannes substitués en position 2
par un groupe électronégatif, on constate que la conformation dans laquelle X est en position
axiale est majoritaire à l'équilibre. Ce phénomène porte le nom d'effet anomère.

On peut l'interpréter par l'interaction entre un doublet non liant n (O) porté par l'atome
d'oxygène négatif du cycle et l'orbitale antiliante * de la liaison CX du susbstituant. Au lieu
d'occuper l'orbitale n (O) les électrons occupent l'orbitale  telle que :

 = n (O) + .*(CX)
.
l'interaction entre les orbitales est maximale pour une disposition axiale de l'orbitale décrivant
le doublet non liant et de l'orbitale antiliante *(CX). Il s'agit d'un exemple
d'hyperconjugaison.
Chez les 2-alcoxy tétrahydropyrannes comme celui qui
est représenté à gauche, l'effet anomère se traduit par la
disposition axiale adoptée par le groupe alcoxy situé en
position 2. L'effet est très répandu dans la chimie des
sucres.

Pour un bilan détaillé sur le sujet à un niveau avancé, voir [37] et [38].

Cyclènes

La molécule de cyclohexène est représentée ci-dessus.

Dans la molécule de cyclohexène, on distingue quatre catégories d'atomes d'hydrogène :

 axiaux a ;
 pseudo-axiaux a' ;
 équatoriaux e ;
 pseudo-équaoriaux e'.

Si le cycle est suffisamment tendu pour que les conformations chirales ne s'interconvertissent
pas, il est possible de séparer deux énantiomères. C'est le cas pour le transcyclooctène.
Chez certains sytèmes conjugués comme les énamines, la conjugaison entre le doublet de
l'azote et la liaison éthylénique impose aux atomes dont les orbitales p se recouvrent d'être
dans un même plan. Cette condition ne peut pas être réalisée dans B du fait de la tension
allylique A1,3 qui se développerait entre le méthyle et une branche du cycle pyrrolidine.

Cela explique la formation préférentielle de l'énamine A par réaction entre la


méthylcyclohexanone et la pyrrolidine. Notons que la conformation privilégiée de A est celle
qui place le groupe méthyle en position pseudo-axiale en raison de la tension allylique
développée dans la molécule.
Les énamines sont des intermédiaires de synthèse utilisés dans l'alkylation régiosélective des
cétones.

Tension allylique
La tension allylique (en anglais : allylic strain) résulte d'une interaction au sein d'une
molécule entre substituants d'une double liaison. L'un de ces substituants étant en position
allylique. A l'origine le phénomène a été décrit chez les dérivés substitués du cyclohexène. On
distingue deux types appelés respectivement tension allylique A1,2 et tension A1,3 (selon les
notations de S. K. Malhotra et F Johnson [8].)

Exemple 1 : dans la conformation I, le substituant R', pseudo-équatorial interagit avec le


substituant lié à la double liaison. L'équilibre est déplacé en faveur de la conformation II dans
laquelle R' est en position pseudo-axiale.

Exemple 2 : dans la molécule suivante, la tension A1,3 rend la conformation II plus stable que
la I.

Le phénomène se rencontre également en série acyclique. La conformation II est plus stable


que la I.
Pour une étude détaillée de la tension allylique, voir [21].

Systèmes pontés

L'existence du pont permet d'isoler des molécules dans lesquelles un cycle à 6 chaînons
adopte les géométries variées rencontrées chez le cyclohexane.

molécule I II III IV
nom adamentane bicyclo [2, 2, 2]-octane twistane bicyclo [3, 1, 1]-
heptane
cycle chaise bateau twist chaise et bateau

Règle de Bredt
Cette règle d'origine expérimentale affirme l'impossibilité d'existence d'une double liaison en
tête de pont d'un composé bicyclique. On en retrouve la manifestation chez certaines cétones
bicycliques dont le taux d'énolisation est nul. Lorsque les cycles sont assez grands il est
possible de préparer des composés comportant une double liaison en tête de pont. Le premier
composé de ce type a été préparé grâce à la réaction d'aldolisation par Prelog en 1950.

Si vous disposez de Firefox ou I.E ver > 6.0 associés au plug-in Chime 2.6 SP4 (MDL) vous
pouvez compléter l'étude du cyclohexane et de ses dérivés en ouvrant la page suivante :
dérivés monosubstitués du cyclohexane.

Bibliographie

Ouvrages théoriques
J. March - Advanced organic chemistry, Wiley Interscience.
F. A. Carey, R.J. Sundberg - Advanced organic chemistry, 3d edition (Plenum Press, 1990).
H. Kagan - La stéréochimie organique (PUF, 1975).
J. L Pierre - Principes de stéréochimie organique statique (A. Colin, 1971).
Eliel, E. L., S. H. Wilen, et al. Stereochemistry of Organic Compounds. Wiley (1994).
D. H. R. Barton, Some recollections of gap jumping (American Chemical Society, 1991).
A. Kirmann, J. Cantacuzène, P. Duhamel - Chimie organique T 1 (A. Colin, 1971).
K. Mislow - Introduction to stereochemistry (W. A Benjamin, New York, 1966).
J. Jacques - La molécule et son double (Hachette, 1992).
V. Pellegrin - Les représentations graphiques bidimensionnelles des molécules en chimie organique (Bulletin de
l'Union des Physiciens, février 1999).

Articles

[1] The conformation of the steroid nucleus, by D.H.R. Barton, Cambridge, Mass.
[2] Pophristic, V., and L. Goodman. Hyperconjugation not steric repulsion leads to the staggered structure of
ethane. Nature 411 2001, May 31, 565. (voir aussi : [25])
[3] F. R. Jensen, C. H. Bushweller, J. Am. Chem. Soc.91, 3223 (1969).
[4] H. S. Gutowsky and C. H. Holm, J. Chem. Phys. 25. 1228. (1956).
[5] F. Weinhold, Angew. "A New Twist on Molecular Shape" Nature 2001, 411, 539-541.
[6] J. R. Wiseman, J. Am. Chem. Soc. 1967, 89, 5966 (exception Bredt.)
[7] J. A. Marshall, H. Faubl, J. Am. Chem. Soc. 1967, 89, 5965 (exception Bredt.)
[8] Francis Johnson, Sudarshan K. Malhotra J. Am. Chem. Soc., 1965, 87 (23), pp 5492–5493
[9] Pitzer R M and Lipscomb W N, "Calculation of the Barrier to Internal Rotation in Ethane", J. Chem. Phys.,
39, 1995-2004 (1963)

Sur la toile

Un cours de D. Evans sur l'analyse conformationnelle en quatre parties


(ces quatre cours donnés en 2006, couvrent à un niveau avancé les principaux thèmes de l'analyse
conformationnelle.
Ils ont été mis en libre accès par leur auteur : D. A. Evans, professeur à l'Université de Harvard.)
[20] Conformational analysis (I) Ethane, Propane, Butane & Pentane Conformations ; Simple Alkene
Conformations
[21] Conformational analysis (II) Introduction to Allylic Strain
[22] Conformational analysis (III) Conformational Analysis of C4 - C6 Rings
[23] Conformational analysis (IV). Ground State Torsional Effects (Conformational Transmission) ;
Conformational Analysis of C6 - C8 Rings continued ; Transition State Torsional Effects
[24] Retrosynthesis, Stereochemistry, Conformations M. B. Smith, (Extrait de : Organic Syntheses, University of
Connecticut.)
[25] Steric Effects Don't Explain Ethane Conformation
[26] Termes utilisés en stéréochimie Commission générale de terminologie et de néologie (CNRS.)
[27] The principles of conformationnal analysis (Sir D. Barton, The Nobel Prize in Chemistry 1969)
[28] Sir N. Haworth, The Nobel Prize in Chemistry 1937
[29] Derek Harold Richard Barton Biographie sur le site de l'ICSN.
[30] A-values Tableau donnant les valeurs des "préférences conformationnelles" de substituants variés.
[31] Dynamic NMR----
[32] Martin Karplus
[33] K. Ziegler and G. Natta the Nobel Prize in Chemistry 1963
[34] Aspects of the determination of equilibration rates by NMR spectroscopy. by J. D. Roberts, California
Institute of Technology, Pasadena, California, USA.
[35] A synthetic attack on the oestrone problem Woodward, R. B. (Robert Burns), Thesis (Ph. D.)--
Massachusetts Institute of Technology, Dept. of Chemistry, 1937.
[36] The Nobel Prize in Chemistry 1969. D. Barton and O. Hassel (la conférence que Barton donna à l'occasion
de la remise de son prix Nobel s'intitule : The principles of conformational analysis.)
[37] The Anomeric effect Baran Group, Scripps Research Institute.
[38] The Anomeric effect

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Gérard Dupuis - Lycée Faidherbe - LILLE
décembre 2012

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