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Lumière polarisée
Introduction
Certaines propriétés de la lumière sont celles d'une onde électromagnétique. Il s'agit d'une
onde transversale. Le vecteur champ électrique E de l'onde est perpendiculaire à la direction
de propagation. Celle-ci se confond, avec le rayon lumineux dans l'approximation de l'optique
géométrique.
Une lumière est polarisée rectilignement quand E vibre toujours dans un même plan appelé
plan de vibration. Le plan perpendiculaire à E dans lequel vibre le champ magnétique B est
appelé plan de polarisation.
Dans la lumière naturelle, le vecteur E peut prendre toutes les directions perpendiculaires à la
direction de propagation.
Figure I II III
Lumière naturelle polarisation verticale polarisation horizontale
Loi de Malus
Le physicien français E. Malus découvrit en 1808 le phénomène de polarisation de la lumière
en observant, à travers un cristal de tourmaline biréfringent, la réflexion du Soleil couchant
sur les fenêtres du palais du Luxembourg.
Un polariseur est un instrument d'optique qui sélectionne parmi toutes les directions permises
pour le champ électrique celles qui sont parallèles à son axe de polarisation.
Plaçons deux polariseurs l'un derrière l'autre, le second est alors appelé analyseur, et envoyons
sur le polariseur un faisceau de lumière naturelle :
l'intensité de la lumière I qui traverse l'ensemble est maximale lorsque les axes des
polariseurs sont les mêmes ;
lorsque les axes sont perpendiculaires, on dit que les polariseurs sont croisés,
l'intensité de la lumière transmise est nulle ;
lorsque les axes de polariseurs font entre eux un angle , l'intensité est comprise entre
les valeurs extrèmes précédentes. Sa variation avec l'angle est donnée par la formule
de Malus.
Comment polariser la lumière ?
Plusieurs phénomènes physiques peuvent être mis à profit pour polariser la lumière :
pour une certaine incidence appelée incidence de Brewster, un verre ne réfléchit que la
lumière pour laquelle E possède une direction particulière, cependant l'intensité de la
lumière réfléchie est faible ;
certains cristaux comme le spath d'Islande donnent, pour un même rayon incident,
deux rayons réfractés polarisés à angle droit. Le prisme de Nicol est conçu de façon à
éliminer l'un des rayons. La lumière transmise est alors polarisée.
Les feuilles Polaroïds mises au point par l'inventeur américain E. Land en 1932, sont
constituées d'une matière plastique dans laquelle sont noyés des cristaux de molécules
organiques. Ces feuilles ne sont transparentes que pour une direction particulière du
champ électrique. Elles jouent le rôle de filtre à lumière.
Activité optique
Définitions
L'activité optique est la propriété que possède une structure chirale d'interagir avec un
rayonnement électromagnétique . Elle se manifeste par l'existence du pouvoir rotatoire, le
phénomène de dispersion optique (DRO), le dichroïsme circulaire (DC) et la polarisation
circulaire d'émission.
Le terme chiroptique qualifie les techniques optiques utilisées pour l'étude de la chiralité des
molécules. Il s'applique, à la polarimétrie, aux mesures de la dispersion rotatoire optique et du
dichroïsme circulaire.
Remplissons la cuve d'eau. L'intensité de la lumière transmise est nulle. On dit que
l'eau est un composé optiquement inactif ;
Introduisons une solution aqueuse de saccharose dans la cuve. L'intensité de la lumière
transmise n'est pas nulle. Le saccharose est un composé optiquement actif.
On peut retrouver une intensité nulle, en tournant l'analyseur d'un angle .
Dans un milieu inactif (figure I) les champs se déplacent à la même vitesse. A la sortie du
milieu, le plan dans lequel vibre E n'a pas changé de direction.
Un milieu actif possède des propriétés physiques dissymétriques pour les champs EG et ED.
Cette dissymétrie se traduit, à l'échelle macroscopique, par des indices nG et nD différents. La
vitesse de EG est alors différente de celle de ED.
VG = c/nG et VD = c/nD
A la sortie du milieu optiquement actif, on peut montrer que l'un des champs présente un
certain déphasage par rapport à l'autre. La lumière est toujours polarisée rectilignement mais
le plan de vibration a tourné d'un angle . La formule de Fresnel relie les grandeurs
suivantes :
Par convention est mesuré positivement dans le sens des aiguilles d'une montre pour un
observateur recevant le rayon lumineux. On peut classer les substances optiquement actives
en deux catégories selon le signe de .
Les composés dextrogyres (du latin dexter : droit) font tourner le plan de polarisation
vers la droite ;
Les composés lévogyres (du latin laevus : gauche) font tourner le plan de polarisation
vers la gauche.
>0 <0
substance dextrogyre (+) lévogyre ()
Par le passé, le nom de certains composés a été donné en référence explicite au signe de leur
pouvoir rotatoire. Ainsi, le D-glucose est également appelé dextrose car ses solutions dévient
le plan de polarisation de la lumière vers la droite. Le fructose, isomère cétonique du glucose
est appelé lévulose pour la propriété inverse. L'hydrolyse du saccharose (composé dextrogyre)
en glucose et fructose s'accompagne d'une inversion du signe du pouvoir rotatoire de la
solution ce qui permet d'en effectuer l'étude cinétique par polarimétrie.
Lorsque la solution contient plusieurs substances actives, et que les interactions entre les
énantiomères purs sont identiques à celles qui existent dans le mélange, on constate
expérimentalement que le pouvoir rotatoire du mélange est la somme des pouvoirs rotatoires
des constituants :
Cette loi est généralement très bien vérifiée, surtout aux faibles concentrations, en l'absence
d'effet Horeau.
Pour mesurer de façon précise les angles de rotation, on
utilise un polarimètre. Le modèle le plus simple et le plus
répandu est le polarimètre de Laurent représenté sur la
photographie ci-contre (du nom du physicien français Léon
Laurent).
Il est impossible de déterminer le signe du pouvoir rotatoire à
partir d'une seule mesure puisqu'on ne peut pas distinguer les
angles et 180° + . Pour déterminer le signe sans
ambiguité, on fait varier l’un des paramètres dont dépend :
la concentration ou la longueur du tube polarimétrique puis
on effectue une deuxième mesure.
Les pouvoirs rotatoires spécifiques de deux énantiomères sont opposés. Ainsi, le pouvoir
rotatoire d'un mélange racémique est nul par compensation.
Dispersion rotatoire
Lorsqu'on réalise l'expérience de mise en évidence de l'activité optique d'un composé actif
entre polariseurs croisés, avec une lumière non monochromatique, on constate qu'il n'est pas
possible d'obtenir une extinction complète en tournant l'analyseur. Cela vient du fait que le
pouvoir rotatoire spécifique de la substance dépend de la longueur d'onde. Autrement dit, les
radiations de différentes longueurs d'ondes dont est composée la lumière ne tournent pas du
même angle lors de la traversée de l'échantillon.
Les courbes représentant les pouvoirs rotatoires spécifiques respectifs de deux énantiomères
en fonction de la longueur d'onde peuvent être monotones ou présenter un point d'inflexion
pour les courtes longueurs d'ondes. Elles ont alors l'allure suivante :
La présence d'un point d'inflexion dans ces courbes traduit ce qu'on appelle un effet Cotton,
du nom du physicien français A. Cotton qui a découvert ce phénomène en 1895.
Deux énantiomères donnent des courbes opposées :
la courbe (a) dont la tangente d'inflexion a une pente positive correspond à un effet
Cotton positif ;
la courbe (b) dont la tangente d'inflexion a une pente négative correspond à un effet
Cotton négatif.
Une théorie correcte de la dispersion rotatoire doit être basée sur la mécanique quantique. Une
approche phénoménologique classique, permet d'obtenir la relation suivante entre le pouvoir
rotatoire spécifique [] et la longueur d'onde (A et sont des constantes).
Il n'existe a priori aucune relation évidente entre le signe de l'effet Cotton et la configuration
absolue d'une molécule. Cependant l'analyse des courbes de dispersion rotatoire apporte des
renseignements précieux sur la structure des molécules. Elle a été appliquée à partir des
années 50 par C. Djerassi et son équipe à la résolution de problèmes stéréochimiques. Il est en
effet possible de relier le signe de l'effet Cotton avec la stéréochimie lorsqu'il existe des
chromophores (comme le groupe carbonyle), se trouvant à proximité d'un élément de
chiralité. Grâce à la règle dite des octants, l'étude des spectres de dispersion rotatoire apporte
des informations très précieuses sur la stéréochimie de ces composés. Elle permet ainsi de
compléter d'un point de vue stéréochimique les résultats concernant la constitution obtenus en
spectroscopie UV par application des règles de Woodward et de Woodward-Fieser. Cette
méthode a largement contribué à l'élucidation de la structure de nombreuses molécules
stéroïdes dans les années 1950 à une époque où les méthodes spectrales étaient encore
balbutiantes [32].
Dichroïsme circulaire
Une approche classique simplifiée, consiste à rendre compte du dichroïsme circulaire par
l'existence de deux coefficients d'extinction différents G et D pour les ondes polarisées
circulairement droite et gauche. Après la traversée du milieu, les extrémités des projections
des champs ED et EG sur le plan perpendiculaire à la direction de propagation, décrivent des
cercles de rayons différents.
Posons :
En pratique, la grandeur mesurée est l'ellipticité . Elle est liée aux coefficients d'extinction G
et D par la relation :
Il existe une relation très nette entre la propriété structurale qu'est la chiralité
et l'une de ses manifestations la plus spectaculaire, le pouvoir rotatoire.
Cependant on connait des composés énantiomériquement purs qui ne
possèdent pas de pouvoir rotatoire décelable.
C'est le cas du (4R)-4-Ethyldécane synthétisé par H. Wynberg qui est
représenté sur l'image de gauche. Ce type de composé est qualifié de
"cryptochiral" [33]
Bien avant l'expérience de Bijvoet, on avait pu montrer, par des réactions de corrélation
purement chimiques, que la configuration de l'acide (+)-tartrique était la même que celle du
(+)-glycéraldéhyde. Ces composés conduisent en effet tous les deux à l'acide ()-glycérique
au terme de réactions qui ne modifient pas la configuration absolue de l'atome de carbone C2.
Il devint ainsi possible de vérifier l'hypothèse que Fischer avait faite sur la configuration de ce
composé et connaître du même coup celle de tous les composés dont le lien avec le
glycéraldéhyde avait été déjà établi.
Il n'existe pas de relation simple entre la configuration absolue d'une molécule et le signe du
pouvoir rotatoire. Une modification, même minime en apparence de la structure, peut
modifier complètement le pouvoir rotatoire.
L'acide lactique dextrogyre est l'acide (S)-2-hydroxypropanoïque pour lequel [] = 3,3
°.dm1.g1.cm3. L'estérification avec le méthanol conduit au (2S)-2-hydroxypropanoate de
méthyle, lévogyre pour lequel : [ ] = 8,2 °.dm1.g1.cm3.
Le pouvoir rotatoire spécifique de certains corps comme l'acide aspartique, change de signe
avec la température.
Faisons l'hypothèse que la loi d'additivité des pouvoirs rotatoires est applicable. On a :
soit :
po = ee
il y a donc dans ce cas particulier mais fréquemment rencontré égalité entre pureté optique et
excès énantiomérique.
Bibliographie
Ouvrages théoriques
[1] J. March, Advanced organic chemistry, Wiley Interscience.
[2] F. A. Carey, R. J. Sundberg, Advanced organic chemistry, 3d edition, Plenum Press, 1990.
[3] André Collet, Jeanne Crassous, Jean-Pierre Dutasta, Laure Guy. Molécules chirales : stéréochimie et
propriétés. EDP Sciences, CNRS Editions.
[4] Morrison J. D, Mosher H. S. Asymmetric Organic Reactions. Prentice-Hall ; Englewood Cliffs, NJ : 1971.
[5] E. L. Eliel, S. H. Wilen, Stéréochimie des composés organiques, Tec et Doc.
[6] H. Kagan, La stéréochimie organique, PUF, 1975.
[7] J. -L. Pierre, Principes de stéréochimie organique statique, A. Colin, 1971.
[8] P. Laszlo, P. J. Stang, Spectroscopie organique, Hermann 1972.
[9] A. Kirmann, J. Cantacuzène, P. Duhamel - Chimie organique T 1, A. Colin, 1971.
[10] K. Mislow, Introduction to stereochemistry, W. A Benjamin, New York, 1966.
[11] J. Jacques, La molécule et son double, Hachette, 1992.
[12] E. Charney, The Molecular Basis of Optical Activity, Optical Rotatory Dispersion and Circular Dichroïsm,
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[13] Nina Berova, Koji Nakanishi, Robert W. Woody, Circular dichroism : principles and applications. Wiley,
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[14] Enantiomers, racemates, and resolutions, Jean Jacques, André Collet, Samuel H Wilen 1981
[15] D. B. Cline, Physical Origin of Homochirality in Life (American Institute of Physics, New-York, 1996)
[16] P. Drüde : The theory of optics. Dover, New York (U.S.A.) (1959).
Liens
[20] Animation à propos de la polarisation rectiligne (Université de Liège)
[21] Applet Java illustrant la décomposition de Fresnel
[22] A tribute to Carl Djerassi : Reflexions on a Remarkable Scientific Entrepreneur
[23] Do the Terms “% ee” and “% de” Make Sense as Expressions of Stereoisomer Composition or
Stereoselectivity ? by Robert E. Gawley
[24] Détermination expérimentale de puretés énantiomériques
[25] Fresnel vu par les chimistes par J. Crassous, [26] Polarisation de la lumière Patrick Kohl.
Articles
[30] Krow G, Hill R. K. Chem Commun. 1968 : 430–431.
[31] A. Horeau, Tetrahedron Letters, 1969, 3121-3124.
[32] Moffit W, Woodward R B, Moscowitz A, Klyne W, Djerassi C. Structure and the optical rotatory dispersion
of saturated ketones. J. Am. Chem. Soc. 83 ; 4013-18, 1961.
[33] Wynberg, H.; Hekkert, G. L.; Houbiers, J. P. M.; Bosch, H. M. J. Am. Chem. Soc. 1985, 87, 2635–2639.
[34] Peerdeman, A. F., van Bommel, A. J., Bijvoet, J. M. Nature 168, 1951, 271.