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Iconographie musicale L1/ Esthétique musicale comparée L3

 Objectifs du cours

-Acquérir une connaissance de l’iconographie musicale européenne à travers le temps, à


travers plusieurs sujets montrant l’apport de l’iconographie musicale du Moyen Age au 20è
siècle.

-Savoir situer des œuvres par rapport à quelques grands courants artistiques européens

-Savoir identifier quelques genres picturaux essentiels pour la représentation de sujets


musicaux.

-Comprendre les enjeux esthétiques de l’iconographie musicale.

-Connaître quelques ressources bibliographiques en iconographie musicale (pour pouvoir les


utiliser par la suite à des fins d’illustration dans des contextes divers, de l’exposé universitaire
à l’affiche pour un concert).

-Maîtriser les bases de l’analyse d’une image fixe.

 Evaluation

-Un QCM de 40 questions évaluant la connaissance factuelle du cours. Le QCM (coef.


2)portera uniquement sur le cours (notes et Powerpoint en ligne).

-Un travail personnel d’analyse, présenté à l’oral, portant sur l’iconographie d’une œuvre,
d’un auteur, d’un instrument, d’un mythe ou d’un événement musical : présentation factuelle,
analyse des supports iconographiques, étude de l’éclairage apporté par la représentation
iconographique et/ou de l’esthétique sous-jacente. Ce travail (coef. 1) pourra être fait en
binôme ou en trinôme.
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 Plan de cours

Séquence 1 (1-2h) : Qu’est-ce que l’iconographie musicale ?

Bases méthodologiques pour l’analyse d’une image fixe

Séquence 2 Représentations symboliques. Le luth dans l’iconographie musicale du Moyen


Age à l’âge baroque

Séquence 3 Musique et société. Représenter le concert (notamment au 18è siècle)

Séance 4 Inspirations musicales, inspirations picturales. La musique comme inspiration pour


les peintres/ la peinture comme inspiration pour les musiciens (notamment chez les
musicalistes français du 20è siècle)

Quelques sites-ressources

Centre de documentation en iconographie musicale : Iconographie musicale | IReMus (cnrs.fr)

C’est le principal centre de recherches français en iconographie musicale. Prenez le temps de


vous promener dans le site… Porté par l’IREmus, le centre de recherches en musicologique
de l’université Paris Sorbonne, il permet la mise en contact avec le RIdIM (Répertoire
international d’iconographie musical) et l’ensemble des autres acteurs français et étrangers
dans le domaine de l’iconographie musicale. Sa base de données Euterpe, la musique en
images, permet l’accès à l’analyse de plus de 10 000 images musicales et à des milliers de
notices descriptives scientifiquement documentées. Vous y trouverez aussi un projet
iconographique autour de Jean-Philippe Rameau et une base de données sur les tableaux à
sujets musicaux dans les collections du Louvre.

L’IREmus comprend aussi le projet Musiconis : soutenu par l’Agence nationale de la


Recherche, il a permis de rassembler des chercheurs et des acteurs variés autour de la
représentation du son au Moyen Âge.

Site de l’INHA (Institut National d’Histoire de l’Art, QR code ci-dessous): inclut une base de
donnée des très riches publications d’Albert Pomme de Mirimonde, pionnier français de
l’iconographie musicale.
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Séquence 1
Qu’est-ce que l’iconographie musicale ?
Bases pour l’analyse d’une image fixe

Qu’est-ce que l’iconographie musicale ?


L’iconographie musicale est une autre manière d’aborder l’organologie et l’histoire de
la musique, dont elle éclaire les soubassements théoriques, esthétiques et culturels. C’est une
discipline qui touche aussi à la sociologie de la musique et à l’étude du très riche rapport entre
les arts (musique et image, musique-texte-image).

NB : Ce passage est une version pédagogisée du début d’un excellent article de Florence Gétreau que
je vous conseille vivement de lire en ligne (gratuit) : « L’iconographie musicale : définition,
constitution de corpus et outils d’exploitation ». A portée de notes. Musique et mémoire. Colloque de
Grenoble. 14-15 octobre 2003. Mois du patrimoine écrit 2003., 2004, Grenoble, France. pp.87-101.
Suivre le lien :
L'iconographie musicale: définition, constitution de corpus et outils d'exploitation (archives-
ouvertes.fr)

-Iconographie musicale = l’étude des représentations figurées de la musique dans les arts
visuels, quelle qu’en soit la technique.
Un texte fondamental : les Essais d’iconologie (Studies in Iconology) publiés en 1939
par Erwin Panofsky. Sa méthode d’analyse comporte en effet trois niveaux de signification
qui pourront s’appliquer à l’iconographie musicale (dont le deuxième, la signification
secondaire, se confond souvent avec la troisième dans l’analyse car elle en représente une
étape préliminaire, raison pour laquelle je ne la donne pas ici, voir Panofsky pour + de détails.
Ex : Orphée : motif culturel très normé, et en même temps très symbolique, donc à deux
niveaux)
1. La signification primaire ou naturelle : celle des formes comme représentations
d’objets, celle d’êtres humains (mais j’ajouterais, d’instruments de musique et de
musiciens), et celle des motifs qui permettent une description pré-iconographique
de l’œuvre. Quelques exemples :
SLIDES : Portrait d’Antonio Vivaldi + Violoniste
=Représentations du violon au 18è siècle

SLIDE : « Le violoniste vert », de Chagall


L’intérêt de Chagall pour Bach et Mozart est bien connu, et ses collaborations en musique classique
sont légendaires : il créa les décors et les costumes de L’Oiseau de Feu (Stravinsky) pour le New
York City Ballet (les costumes sont encore utilisés, 68 ans plus tard), les costumes du ballet Daphnis
et Chloé de Ravel pour l’Opéra de Paris en 1959, le tableau du plafond de l’Opéra Garnier à Paris et
les fameux panneaux du Metropolitan Opera au Lincoln Center : la liste est infinie.
L’un des motifs d’inspiration musicale préférés de Chagall est celui du violoneux errant. Chagall
provenait d’une petite communauté juive hassidique près de Vitebsk (Belarus) et le violon, si
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important en musique klezmer, l’intéressa dès le plus jeune âge. Le fait d’avoir vécu les effets de la
diaspora juive des deux guerres mondiales l’ont amené à s’identifier à ce violoneux errant, se
déplaçant de village en village, sans repos.

Durant sa vie, Chagall incorpora l’image du violoneux errant dans plusieurs de ses œuvres, souvent
comme un petit personnage accessoire, et le plus fameux de ces tableaux, Le Violoniste vert de 1912-
1919, au musée Stedelikj d’Amsterdam, est considéré comme l’inspiration directe de
l’opérette Fiddler on the Roof.

SLIDE : « En écoutant Schumann », de Khnopff


Fernand Edmond Jean Marie Khnopff (1858-1921) fut l’un des plus importants chefs de file du
mouvement symboliste. Dans le manifeste Le symbolisme publié dans Le Figaro en 1886, Jean Moréas
affirme :
» Dans cet art, les tableaux de la nature, les actions des humains, tous les phénomènes concrets ne
sauraient se manifester eux-mêmes ; ce sont là des apparences sensibles destinées à représenter leurs
affinités ésotériques avec des Idées primordiales. »
Khnopff, qui a d’abord appartenu à l’école naturaliste, établit ici une scène en apparence réaliste, mais
y insère des motifs et idées empruntés à toute l’histoire. Même dans ses séries de portraits, Khnopff ne
se contente pas de la simple description picturale d’une scène – il se livre à des évocations et non à des
observations.
En écoutant Schumann en est un très bon exemple : on voit en arrière-plan un personnage qui joue du
piano. La main droite étendue suggère qu’il y a du son, mais nous ne savons pas si c’est le début, le
milieu ou la fin de la pièce. Le pianiste, en fait, n’est même pas dans l’image, et nous ne pouvons que
supposer qu’il y a quelqu’un, mais cette personne est représentée comme une abstraction.
Le visage de la femme assise dans le fauteuil nous reste aussi caché. Nous ne pouvons dire si la
musique jouée est joyeuse ou triste, ni même si la femme écoute. La seule chose qui soit clairement
représentée par le peintre est l’émotion à fleur de peau. Tout le reste est laissé à l’imagination de
l’observateur.

SLIDE : « Le Mélodrame »
Voir l’analyse de Nathalie de LA PERRIÈRE-ALFSEN, « Les loges au théâtre », Histoire par l'image [en ligne],
consulté le 16 janvier 2022. URL : http://histoire-image.org/etudes/loges-theatre. J’en cite ici un extrait :

Apparu durant la Révolution, le mélodrame a conquis la scène populaire et s’est imposé au début du XIX e siècle
comme un genre phare. Avec des pièces comme Victor ou l’Enfant de la forêt (1799), Coelina ou l’Enfant du
mystère (1800) ou La Femme à deux maris, R. C Guilbert de Pixérécourt a créé l’archétype du genre grâce à des
personnages manichéens, à un recours permanent à l’emphase, au pathétique, et à l’utilisation d’effets de scène
pour souligner l’intensité dramatique ; les dialogues sont grandiloquents et la mise en scène ne recule devant
aucune outrance. Tout est fait pour procurer au public de fortes émotions. En 1823, le célèbre comédien
Frédérick Lemaître, que l’on peut voir sous les traits de Pierre Brasseur dans Les Enfants du
paradis, révolutionne la conception du mélodrame en parodiant la pièce L’Auberge des Adrets : les figures
traditionnelles de la vertu ne sont plus les seules à susciter l’admiration ; désormais les humbles et les marginaux
peuvent acquérir une stature de héros à l’exemple de Robert Macaire, bandit de grand chemin, mais surtout
truculent baladin qui ne craint pas de tourner en dérision les convenances sociales. Même si cette forme de
théâtre connaît un relatif déclin après la monarchie de Juillet, à Paris, le boulevard du Temple rassemble de
nombreux théâtres spécialisés dans le genre, ce qui lui vaut le surnom de « boulevard du crime ».
ANALYSE DES IMAGES
Chroniques de la vie parisienne qui se déroulent dans une loge de théâtre à l’époque de Louis-Philippe, ces deux
tableaux, de petit format, ont été conçus en pendant. Dans L’Effet du mélodrame, la scène est organisée autour
d’une femme qui s’est évanouie, en réaction à la pièce qui se joue devant elle. Tout le monde l’entoure,
préoccupé, voire effrayé comme l’enfant au premier plan. Dans Une loge, un jour de spectacle gratuit, c’est tout
le contraire ; pas de sollicitude mais un intérêt hilare devant cette faiblesse. La foule entassée dans l’espace
réduit se moque et commente avec force rires et regards appuyés cette femme qui fait bien des manières. Les
traits sont grossiers, les visages rougeauds et grimaçants. Le spectacle n’est plus sur la scène du théâtre, mais
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bien dans l’autre loge. Les personnages se penchent, sortent du tableau et nous engagent dans le spectacle de leur
spectacle. L’œil passe d’un tableau à l’autre, d’une moyenne bourgeoisie peinte dans une matière
« porcelainée », aux subtils accords de couleur, à la description d’un peuple traité de façon quasi caricaturale, à
la manière de William Hogarth (1697-1764), à l’aide une technique plus rapide et fluide.

On a là une idée de l’ambiance qui régnait dans les salles de théâtre : atmosphère survoltée, mondanités,
échanges entre les spectateurs, interruptions et adresses aux acteurs, manifestation bruyante du plaisir ou de la
désapprobation quant à la pièce qui se joue. Le public s’exprime, le spectacle se déroule autant dans la salle que
sur la scène.
Méprisé par les élites, le mélodrame apparaît aujourd’hui comme précurseur des formes d’industries culturelles
qui émergent dans la seconde moitié du XIX e siècle. Le tableau de Boilly témoigne de son immense succès, qui
s’est décliné dans une multitude de genres au gré de l’air du temps : mélodrame policier, d’aventure, de mœurs,
mais aussi mélodrame patriotique dans les années 1880-1890

On étudiera principalement dans ce cours la signification primaire à travers les thèmes 3


(musique et société) et 4 (peintres et musiciens).
2. La signification intrinsèque, ou contenu. C’est celle des valeurs « symboliques
», des symptômes culturels : en diverses conditions historiques, les tendances
essentielles de l’esprit humain ont été exprimées par des thèmes et concepts
spécifiques. Ce stade est celui de l’interprétation iconologique. On l’étudiera à
travers le thème 2 (symbolique du luth), mais les différents niveaux
(iconographique et iconologique) sont souvent présents dans la même image ou par
les emplois qu’on en fait (par ex. l’iconographie du luth utilisée en organologie).
(Différence entre iconologie et iconographie : cf article de D’Alembert et Diderot,
« iconographie »)
ICONOGRAPHIE, s. f. iconographia, (Antiq.) description des images ou statues
antiques de marbre & de bronze, des bustes, des demi-bustes, des dieux pénates, des
peintures à fresque, des mosaïques & des miniatures
anciennes. Voyez ANTIQUE, STATUE, &c.
Ce mot est grec, εἰκονογραφία, & vient d’εἰκὼν, image, & γράφω, je décris.

ICONOLOGIE, s. f. (Antiq.) science qui regarde les figures & les représentations, tant
des hommes que des dieux.
Elle assigne à chacun les attributs qui leur sont propres, & qui servent à les
différencier. Ainsi elle représente Saturne en vieillard avec une faux ; Jupiter armé d’un
foudre avec un aigle à ses côtés ; Neptune avec un trident, monté sur un char tiré par
des chevaux marins ; Pluton avec une fourche à deux dents, & traîné sur un char attelé
de quatre chevaux noirs ; Cupidon ou l’Amour avec des fleches, un carquois, un
flambeau, & quelquefois un bandeau sur les yeux ; Apollon, tantôt avec un arc & des
fleches, & tantôt avec une lyre ; Mercure, un caducée en main, coeffé d’un chapeau
ailé, avec des talonnieres de même ; Mars armé de toutes pieces, avec un coq qui lui
étoit consacré ; Bacchus couronné de lierre, armé d’un tirse & couvert d’une peau de
tigre, avec des tigres à son char, qui est suivi de bacchantes ; Hercule revêtu d’une
peau de lion, & tenant en main une massue ; Junon portée sur des nuages avec un
paon à ses côtés ; Vénus sur un char tiré par des cignes, ou par des pigeons ; Pallas le
casque en tête, appuyée sur son bouclier, qui étoit appellé égide, & à ses côtés une
chouette qui lui étoit consacrée ; Diane habillée en chasseresse, l’arc & les fleches en
main ; Cérès, une gerbe & une faucille en main. Comme les Payens avoient multiplié
leurs divinités à l’infini, les Poëtes & les Peintres après eux se sont exercés à revêtir
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d’une figure apparente des êtres purement chimériques, ou à donner une espece de
corps aux attributs divins, aux saisons, aux fleuves, aux provinces, aux sciences, aux
arts, aux vertus, aux vices, aux passions, aux maladies, &c. Ainsi la Force est
représentée par une femme d’un air guerrier appuyée sur un cube ; on voit un lion à
ses piés. On donne à la Prudence un miroir entortillé d’un serpent, symbole de cette
vertu ; à la Justice une épée & une balance ; à la Fortune un bandeau & une roue ; à

Première trace d’une définition de l’iconographie musicale : apparaît d’ailleurs dans un traité
d’iconologie, l’ Iconologia de Cesare Ripa, publié en 1593 à Rome et dont une édition
française de 1643 porte pour sous-titre :
Explication de plusieurs images, emblèmes, et autres figures ... des Vertus, des Vices, des
Arts, des Sciences, des Causes naturelles, des Humeurs différentes et des Passions Humaines
[...] nécessaires aux Orateurs, poètes, sculpteurs, peintres, ingénieurs, auteurs de médailles,
de devises, de ballets et de poèmes dramatiques.
SLIDE : Iconologia de Ripa
L’Iconologia est un recueil d’emblèmes (on reviendra à la musique dans les livres
d’emblèmes) qui donne la clef symbolique de nombreux personnages et objets symboliques
présents dans la peinture d’histoire et dans les arts du spectacle jusqu’à la fin du XIXe siècle.
Parmi ceux-ci, les régions du monde (Europe, Asie, Afrique…), les régions d’Italie, les vices,
les vertus, les sciences, les arts (les arts libéraux, à l’époque), la représentation allégorique de
la guerre, de la paix, de l’abondance… Comme toujours dans les livres d’emblèmes, les
représentations allégoriques s’appuient beaucoup sur les grands textes latins (Virgile,
Ovide…) et sur une moralisation judéo-chrétienne de la mythologie gréco-latine.
SLIDE : Crepuscula di mattino
SLIDE : Poesia
Le commentaire précise que le manteau de la jeune femme représente l’origine divine de l’inspiration
poétique ainsi que son visage inspiré et ses seins pleins de lait. Les trois instruments (trompette, syrinx et lyre)
représentent les trois modes de création poétique : lyrique, héroïque et pastorale. Cet emblème montre comme
toujours à cette période la conception beaucoup plus large de la musique, qui n’était pas limitée à la musique
instrumentale mais constituait un cadre épistémologique essentiel (notion de musique des sphères).

SLIDE : S. Stoskopff, Grande vanité

Conclusion

L’iconographie musicale constitue donc une source importante pour témoigner -


d’objets musicaux tangibles : instruments de musique (dans leur morphologie et leur tenue de
jeu), notations musicales manuscrites ou imprimées, - d’acteurs faisant ou écoutant la
musique : ensembles musicaux et groupements témoignant de pratiques musicales, musiciens
anonymes ou identifiés, conditions de la musique dans la société - du rôle de la musique dans
les sociétés (cf séquence 3), les thèmes musicaux étant porteurs de symboliques spécifiques
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tout en étant symptômes de cultures données (cf séquence 2). + rapport individuel entre les
musiciens et les peintres (et inversement) : s’inscrit également dans un contexte culturel et
esthétique où les peintres cherchent les outils pour exprimer leur vision des œuvres musicales.
(cf séquence 4 : Charles Blanc-Gatti et le musicalisme, Gustave Klimt et la musique).

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