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Université d'Angers

Faculté des Lettres, Langues et Sciences humaines


Département de psychologie

Mémoire de Recherche
Master 1 Psychologie

«Parcours transsexuels à travers le récit de vie et l'épreuve des trois arbres»

Présenté par Boivin Thomas pour la validation du Master 1 de Psychologie


Sous la direction de Monsieur Benoit Fromage
Résumé
Le transsexualisme est un état de fait de plus en plus présent dans notre société. Après une
présentation de l'histoire du transsexualisme, nous avons explicité la notion de sexe et celle de
genre, et le développement de cette identité au croisement avec les théories Jungiennes. Nous
avons choisi de rencontrer des personnes transsexuelles et de réaliser deux types d'entretien, le
premier, semi-directif et un second centré autour de l'Epreuve des Trois Arbres. La
combinaison des deux protocoles aura permis de présenter un récit de vie et les valeurs
subjectives conscientes et non conscientes de ces personnes, l'objectif étant d'observer les
caractéristiques de l'affirmation d'une identité de genre non congruente avec le sexe assigné à
la naissance. C'est à travers l'analyse de ces matériaux que nous avons pu mettre en exergue
les éléments nécessaires à l'intégration de la nouvelle identité dans la vie de ces personnes et
la nécessité d'avoir intégré la fin de la précédente identité.
Mots-clés : Transsexualisme - Epreuve des trois arbres - Récits de vie - Nouvelle Identité -

Asbtract :
Transsexualism is a state of affairs which presence is growing in our society. After a
presentation of the history of transsexualism, we defined the notion of “sex” and the one of
“gender”, including the development of its identity through Jung’s theory. We chose to meet
transsexuals and to lead two different kinds of interviews, the first ones being semi-structured
and the other ones focused around the method of the three trees. The combination of both
protocols allowed presenting the life story and subjective conscious and unconscious values
of those people. Our goal was to observe the characteristics of the assertiton of a new gender
identity with no congruity with the sex assigned at birth.Via the data analysis, we underlined
the elements needed to integrate the new identity in trans people’s life and to accept the end of
the previous identity.
Keywords : Transsexualism - Methode of three trees - Life Story - New Identity -

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SOMMAIRE

I. DELIMITATION DU DOMAINE DE RECHERCHE ............................................. 4


A. HISTORIQUE DU TRANSSEXUALISME ................................................................................... 5
B. LE TRANSSEXUALISME A TRAVERS LE DSM ........................................................................ 7
C. VISIBILITE SOCIALE ET TRANSSEXUALISME ......................................................................... 8
D. LE PROTOCOLE DE CHANGEMENT DE SEXE .......................................................................... 9
E. LE SEXE EN QUESTION ....................................................................................................... 10
F. LA NOTION DE GENRE ........................................................................................................ 11
G. LE DEVELOPPEMENT DE L'IDENTITE DE GENRE .................................................................. 12
H. L'APPRENTISSAGE SOCIALE OU L'APPRENTISSAGE DU ROLE SOCIAL .................................. 13
I. APPORT DE LA THEORIE DE JUNG SUR LE DEVELOPPEMENT DU MOI ................................... 14
J. L'IDENTIFICATION A L'AIDE DE L'ARBRE - L'ETA ET LE TRANSSEXUALISME ....................... 18
K. L'ACCOMPAGNEMENT DE LA MISE EN RECIT ...................................................................... 20
L. L'ENTRETIEN D'EXPLICITATION .......................................................................................... 22

II. PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE ............................................................. 23

III. METHODOLOGIE .......................................................................................... 25


A. PROTOCOLE :..................................................................................................................... 26
Première séance :.............................................................................................................. 26
Seconde rencontre : .......................................................................................................... 27
Troisième rencontre : ........................................................................................................ 28
B. MISE EN APPLICATION ....................................................................................................... 28

IV. RESULTATS : ................................................................................................. 29


A. RESULTATS PAR PARTICIPANT : ........................................................................................ 29
1.Nadège ........................................................................................................................... 29
2. Julie ............................................................................................................................... 33
3. Aude .............................................................................................................................. 38
B. RESULTATS DES HYPOTHESES ENONCEES .......................................................................... 41

V. DISCUSSION .................................................................................................... 49

VI. CONCLUSION ................................................................................................ 54

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................. 56

TABLE DES MATIERES DES ANNEXES ........ ERREUR ! SIGNET NON DEFINI.

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I. Délimitation du domaine de recherche
Pré-requis
Dans le cadre de ce travail de recherche sur le transsexualisme, il convient de présenter
au préalable quelques définitions pour instaurer un certain cadre et permettre la
compréhension de l’utilisation de termes spécifiques à la thématique susnommée.

Etymologiquement, Transsexualisme est composé de deux racines : Trans, qui est un


mot latin signifiant "au-delà, par-delà" (Gaffiot et Flobert, 2008, p.134) et Cis signifiant : "en
deçà" (Gaffiot et Flobert, 2008, p.765).C’est deux termes d’étymologie latine permettent de
mieux appréhender les définitions présentées ci-après, étant des termes généraux et présents
dans l’ensemble du travail de recherche. En effet ceux-ci permettent d'intégrer la notion
d'opposé entre trans et cis et de révéler ainsi un continuum allant du concept de transgenre au
cisgenre.

Le terme Cisgenre n’est pas présent dans le dictionnaire Larousse 2015. Selon Serano
(2007 ; cité par Espineira, Thomas et Alessandrin, 2012) c'est une personne dont le genre
coïncide avec son sexe.

Transsexualisme est quant à lui la "conviction qu'a un sujet d'appartenir à l'autre sexe
qui le conduit à tout mettre en œuvre pour que son anatomie et son mode de vie soient le plus
possible conforme à ses convictions."("Transsexualisme", 2014, p.1166)

Transsexualité désigne l’état d'une personne qui a changé de sexe." ("Transsexualité",


2014, p.1166). Le changement de sexe est ici explicité sous la forme d'un changement
physique via opération ou traitement hormonal.

Le terme de Transidentités n’est également pas figuré dans le dictionnaire Larousse


2015. Selon Espineira, Thomas & Allessandrin (2012), c'est un terme qui ne se concentre par
sur l'orientation sexuelle comme pourrait l'exprimer le mot Sexuel de Transsexuel, mais sur
l'identité. Transidentités désigne donc l'autre identité.

Le mot Transgenre se dit quant à lui "d'une personne présentant un transsexualisme et


qui adopte l'apparence et le mode de vie de l'autre genre, mais sans changer de sexe."
("Transgenre", 2014, p.1164). C'est un terme provenant de l'anglais Transgender qui est un

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terme générique regroupant les mouvements temporaires ou permanents d'un changement
d'identité de genre. Par exemple, une personne ne se sentant à la fois ni homme ni femme, ou
bien oscillant selon les moments. Cette notion est plus généraliste, et ne précise pas un statut
particulier.

Avec l’éclairage apporté par ces différentes définitions il est maintenant possible de
présenter l’historique du transsexualisme.

A. Historique du transsexualisme
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, le transsexualisme désigne le « désir de
vivre et d'être accepté en tant que personne appartenant au sexe opposé. Ce désir
s'accompagne habituellement d'un sentiment de malaise ou d'inadaptation par rapport à son
sexe anatomique et du souhait de subir une intervention chirurgicale ou un traitement
hormonal afin de rendre son corps aussi conforme que possible au sexe désiré.» (OMS, 1992,
p. 215)

La différence des sexes est explicitée par Laqueur (1992). Ce dernier explique que de
l'Antiquité au XVIIIème siècle, le genre fonde le sexe : c'est le modèle du sexe unique, les
hommes et les femmes faisant partis d'un même continuum et leurs différences physiques
résultent de différences métaphysiques. Ce modèle est ensuite modifié et les différences
anatomiques et physiologiques sont définies comme "incommensurables". Cette différence va
également justifier des écarts de comportements, de qualités et de défauts des individus : c'est
désormais le physique qui va justifier le métaphysique. Ces points de vue seraient tous deux
des produits de la culture et alterneraient régulièrement selon l'époque.

Lors de la création des premières nosographies, le travestisme et le transsexualisme


n’étaient pas différenciés de l'homosexualité. Esquirol (1838 ; cité par Sironi, 2011) présente
deux cas de transsexualisme dont l'un présente un homme qui se sent femme, et qu'il juge
cependant sain. Il installe le sentiment d'appartenir au sexe opposé sous le terme d’"inversion
génitale" et dans la catégorie « monomanie »

Dans Psychopathia Sexualis , le médecin Krafft-Ebing (1886 ; cité par Sironi, 2011)
rapporte également dans son observation 129, une tendance transsexuelle sous l'appellation
d'homosexualité.

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Freud (1911) dans son ouvrage Cinq Psychanalyses évoque le président Schreber, un
homme qui sous la décision de dieu doit changer de sexe et devenir une femme. Le
transsexualisme est ici considéré comme étant un symptôme du délire.

Par la suite, sont apparus des classifications des troubles des conduites sexuelles
comme l'homosexualité, le travestissement et le transsexualisme. Les trois étant bien séparés
et délimités. Hirscheld (1910 ; cité par Chiland, 2011) commença par isoler le travestisme,
qui se rapproche de la définition actuelle, correspondant uniquement à la pulsion de se vêtir
comme le sexe opposé. Selon Abraham (1931), Hirscheld présenta un travestissement extrême
qui correspond au degré le plus élevé du travestissement, se rapprochant du transsexualisme
actuel avec un désir d'obtenir une transformation physique complète. En 1931, il demande la
première chirurgie complète de réassignation de sexe, se traduisant par la transplantation
d'organes sexuels féminins sur un homme. L'opération réussit mais l'année suivante, la
patiente décéda, officiellement d'une crise cardiaque mais des doutes subsistent.

Ensuite Cauldwell (1949) nomma un article Psychopathia Transexualis où il présente


un cas de transsexualisme. Une jeune fille souhaite de façon obsessionnelle devenir un
garçon.

En 1950, un endocrinologue et un chirurgien vont faire équipe pour Christine


Jorgensen née homme. C'est la première opération qui associe ces deux pratiques et qui
bénéficie d'une grande médiatisation : le transsexualisme obtient de surcroit une très grande
visibilité.

Harry Benjamin (1966 ; cité par Mercader, 1994) présente The transsexual
Phenomenon un recueil très fourni sur la question de la transsexualité. Pour Benjamin, le
genre est le coté non sexuel du sexe. Selon lui, le genre se situe au dessus et le sexe au-
dessous de la ceinture. Il présente en partie l'idée que la "maladie" transsexuelle ne pouvait se
soigner qu'à travers un changement de sexe, hormonal et chirurgical et stipule que l'analyse
psychanalytique serait inefficace. C'est un des premiers à se concentrer sur le mal-être des
patients, qui accusent généralement la nature de ne pas leur avoir attribué le bon corps. Une
association lui rendit un hommage, "association du syndrome de Benjamin", qui a pour but
l'aide, la défense et la dignité des personnes transsexuelles.

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B. Le transsexualisme à travers le DSM

En 1989, le DSM III (American Psychiatric Association) introduit le transsexualisme


dans le concept de "troubles psychosexuels" avec les "troubles de l'identité sexuelle". Ce
terme encadre un ensemble de sous groupe intégrant le transsexualisme . En 1983, la
catégorie des troubles psychosexuels disparaît, le transsexualisme se trouvant dans la
catégorie "troubles sexuels".

Dans le DSM IV-TR (American Psychiatric Association, 2000), les troubles de


l'identité sexuelle sont définis par une identification franche et persistante à l'autre sexe
accompagnée d'un sentiment persistant d’inconfort par rapport au sexe déclaré. L'identité
sexuelle correspond alors à la perception par un individu de son propre statut sexuel, masculin
ou féminin.

Le DSM-V (American Psychiatric Association, 2015) intègre la notion de dysphorie


de genre, une non-concordance cognitive ou affective d'un sujet avec son genre associé. Pour
le DSM-V, une personne transsexuelle est une personne qui souhaite ou qui a déjà réalisé une
transition de genre social impliquant des modifications physiques via chirurgie génitale. Le
DSM-V renseigne également la notion de dysphorie de genre qui désigne souffrance vécue
par une personne dont le sexe vécu n'est pas compatible avec le sexe assigné. Le DSM précise
que cette souffrance n'est pas "obligatoire" dans les parcours de ce type mais des difficultés
sont couramment rencontrées. Pour valider le diagnostic, il est nécessaire de présenter :

Critère A : Soit une non congruence entre le genre pendant au moins 6 mois avec au moins 6
symptômes incluant obligatoirement le désir d'appartenir à l'autre genre, ou une assurance de
faire parti de cet autre genre. Parmi les autres critères possibles, il existe une aversion envers
son anatomie, ainsi que d'autres items concernant la préférence pour des éléments
stéréotypiques correspondant au genre opposé.

Critère B : Une souffrance clinique ou altération du fonctionnement social, ou d'autres


domaines importants.

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C. Visibilité sociale et transsexualisme
De nos jours, le transsexualisme est plus exposé que jamais dans les médias et donc
dans notre société. Le transsexualisme obtient une visibilité de plus en plus prégnante, l'accès
à Internet permettant la communication entre personnes transsexuelles. Le mouvement trans
français apparait à la fin de la seconde guerre mondiale. Selon Espineira, Thomas &
Alessandrin (2012), il y aurait 4 grandes tendances organisant l'histoire du mouvement.

La première tendance s'organise autour des années 1960 à 1980 où la répression


policière était très accrue à l'encontre des transidentités, que cela soit contre le
transsexualisme ou le travestissement. Le traitement hormonal est disponible de façon
clandestine et les opérations se réalisent à l'étranger. L'isolement de ces personnes va se
réduire avec la popularité de personnalités transsexuelles de cabaret comme Bambi et
Coccinelle, ainsi que la création d'associations comme l'Aide aux Malades Hormonaux ou
l'association ABC.

La seconde tendance est liée à l'instauration de protocoles spécialisés pour le


changement de sexe dans la fin des années 1970. De plus, avec le développement de
l'épidémie du sida touchant de nombreuses personnes, ceci créé un lien certain entre les
associations trans avec le monde médical, certaines associations sont même créées par des
médecins comme le Groupe de prévention et d'action pour la santé et le travail des
transsexuel(le)s.

Le mouvement devient ensuite un mouvement social et politique mettant en avant la


notion de transophobie au premier rang. La transophobie se traduit par une "Aversion pour les
personnes transsexuelles ou transgenres." ("Transphobie", 2014, p.1166) La popularisation
d'Internet permet de rendre le mouvement international, et offre donc l'accès aux information
du monde entier concernant la question trans, popularisant les parcours hors protocoles.

Différents événements mettent en exergue le mouvement trans. Pour exemple,


l'Existans a pour but de regrouper les trans et ceux qui les soutiennent lors d'une marche, à
l’image de la marche des fiertés homosexuelle mais réservée à la cause trans. La première a
lieu sur Paris en 1997 , le mot d'ordre change chaque année, en lien avec des préoccupations
transidentitaires, en 2015 le mot d'ordre est "Argentine, Colombie, Danemark, Irlande, Malte ,
Quèbec... Papiers et Droits pour les trans et les intersexes : Le monde avance, la France

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recule". Le T-Dor pour "Transgender Day of remembrance" est le jour de commémoration des
actes de transophobie dans le monde.

Le transsexualisme est passé d'un statut de maladie assimilé au travestissement et a


l'homosexualité à une maladie à part entière. Maladie curable par une opération chirurgicale et
dont le travestissement est une façon d'apaiser le mal être. Catégorisé au départ comme une
maladie dites "psychosexuels" elle est enfin séparé du sexuel pour devenir "dysphorie de
genre". La dysphorie met en avant le fait que le transsexualisme est une non congruence entre
le genre et le corps très souvent en lien avec une souffrance. Cette "maladie" s'est donc
intégrée progressivement dans la société, à l'instar de l'homosexualité aujourd'hui retiré des
classifications des troubles mentaux. De plus en plus visible sur la scène sociale, à travers
l'ensemble des médias mais également au corps d'enjeux politique, le transsexualisme se fait
de plus en plus présent, la société prouve sont intégration en punissant les actes transphobes
présent dans le monde et en luttant pour l'acceptation de la différence.

Le changement de sexe chirurgical est intrinsèquement liée au transsexualisme et il convient


maintenant de présenter les étapes nécessaire à cette opération.

D. Le protocole de changement de sexe

En 2010 est né la SOFECT, pour société française d'étude et de prise en charge du


transsexualisme créée par la haute autorité de santé. Elle regroupe des médecins psychiatres et
endocrinologues, des chirurgiens plasticiens, urologues et gynécologues. Cette société est
présente dans plusieurs grandes villes de France. Son but est de faire un diagnostic dans
l'optique d'accéder à une réassignation sexuelle. C'est le passage le plus simple en France pour
accéder à ce type de chirurgie. Il comprend une évaluation psychiatrique pour tenter
d'empêcher des personnes n'étant pas stables psychiquement et qui risqueraient de regretter
leur choix. Une demande d'affection longue durée permettant un remboursement est
également réalisée. Un "Real-life test", qui est une étape primordiale, est aussi demandé. Le
sujet désirant changer de sexe doit vivre son nouveau genre aux yeux de tous et ce malgré une
identification physique parfois ambigüe voire inadéquate. Un bilan endocrinien est exigé,
avec prise d'hormones pour que le corps se modifie de lui-même progressivement. Enfin un
bilan chirurgical pour connaître les besoins du sujet quant à ses futures opérations est

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également proposé. Il y a cependant une opération obligatoire pour obtenir juridiquement le
sexe de son choix, c'est la stérilisation par hystérectomie ou orchidectomie.

Il convient de présenter ici les caractéristiques du sexe, qu'il soit biologique ou


psychologique.

E. Le sexe en question

Chaque humain possède vingt-trois paires de chromosomes, la vingt-troisième


correspond aux chromosomes sexuels. Les gonosomes décident de l'identité biologique, XY
pour un garçon, XX pour une fille pour les schémas les plus courants. En effet, il existe des
variantes XXY, XXXY correspondant à des personnes intersexuées. Ce "choix" est décidé dès
la fécondation de l'ovule par le spermatozoïde portant soit un X, soit un Y. Ces chromosomes
organisent le développement des organes génitaux internes et externes et contrôlent la
fabrication et la libération des hormones. Le sexe est l'une des caractéristiques les plus
prégnantes intra-utéro, les parents connaissent généralement le sexe de leur enfant aux
alentours de 5 mois de grossesse grâce à l'échographie.

Pourtant, comme le montre l’histoire du transsexualisme, définir le sexe n’est pas aussi
aisé. Le sexe est polysémique. Désignant tour à tour un organe reproducteur, une pratique ou
une identité de genre, il peut également être décliné en une variété de définitions bio-psycho-
sociales. Ainsi, certains auteurs ne parlent pas du sexe, mais des sexes.

Money (1969 ; cité par Raymond, 1979) définit 6 sexes différents.

Le premier est celui dont nous parlions précédemment, le sexe chromosomique. Ces
chromosomes sexuels se retrouvent dans toutes les cellules de chaque être humain. Ce sexe
est inchangeable une fois déterminé.

Le second sexe est le sexe anatomique. Il correspond aux caractères sexuels primaires,
les testicules ou les ovaires, et secondaires, le pénis, le scrotum, la pilosité, les caractéristiques
corporelles propres au sexe ainsi que le timbre de la voix, par exemple.

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Le troisième sexe correspond au sexe génital. Il définit uniquement les testicules et les
ovaires, il regroupe uniquement les organes lié à la reproduction.

Troisième et quatrième sexe sont intrinsèquement liés. Le sexe légal est défini dès la
naissance de l’individu et fondé sur la présence ou l’absence de testicules. Un nouveau-né
sera ainsi de sexe masculin s'il présente des testicules ou de sexe féminin s'il n'en possède pas.

Le cinquième sexe est le sexe hormonal. Il correspond à la fabrication et la libération


d'hormones chez l'Homme. Les hormones sont délivrées selon la présence de testicules où
d'ovaire, par les glandes sexuelles mais aussi par les glandes surrénales (reins) et pinéales
(hypothalamus). Chaque glande fabrique œstrogènes et androgènes et sont présentes chez les
deux sexes dans des proportions différentes : chez la femme les œstrogènes dominent alors
que chez l'homme il y a présence d'androgène de façon prépondérante.

Enfin le sexe psychologique correspond aux attitudes, aux comportements plutôt


féminins ou plutôt masculins. Comme nous allons l’exposer, le signifiant de sixième sexe
n’est pas en phase avec son signifié, c’est pourquoi l’utilisation du terme genre doit être
privilégiée.

F. La notion de genre

La notion de genre à été introduite par Money (1955) en évoquant la question des
troubles de l'identité sexuelle chez les enfants. Le genre est en lien avec le sexe social et
psychologique, il n'est ni mâle ni femelle mais masculin ou féminin et ne coïncide pas
forcement avec l'identité biologique de l'individu.

Pour Stoller (1978), le genre correspond à la quantité de masculinité ou de féminité


que l'on trouve chez chaque individu. Généralement chacun des sexes possède un certain
équilibre de chaque genre avec une polarité plus importante de l'une des deux. L'identité de
genre quant à elle correspond à la perception et la connaissance que l'on a de sa propre
identité, de son genre. Dans le schéma classique, un garçon doté de chromosomes XY se
sentira homme. Cependant il peut se sentir femme, homme et femme ou bien aucun des deux.
L'identité de genre est différente du genre sexuel car le terme sexuel renvoie davantage au
biologique qu'au psychologique. Cette identité de genre correspond aux rôles dans la société.

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Cette notion fut intégrée dans la société et dans des textes de lois suite aux différentes théories
tentant d'expliciter son développement et sont impact sur l'individu.

G. Le développement de l'identité de genre

Les principes de Jogjakarta (2007) ont produit une définition de l'identité de genre :
"L’identité de genre est comprise comme faisant référence à l’expérience intime et
personnelle de son genre profondément vécue par chacun, qu’elle corresponde ou non au sexe
assigné à la naissance, y compris la conscience personnelle du corps (qui peut impliquer, si
consentie librement, une modification de l’apparence ou des fonctions corporelles par des
moyens médicaux, chirurgicaux ou autres) et d’autres expressions du genre, y compris
l’habillement, le discours et les manières de se conduire." (Jogjakarta, 2007, p.8)

Cette définition met en avant une différence claire entre le sexe et le genre, et présente
que les deux peuvent être dissociés : il existe d’une part une identité individuelle provenant
d'une "conscience personnelle de son propre corps" et d’autre part une identité individuelle
issue d'une expérience intime.

Selon Lloyd (1994) les représentations de genre correspondent aux premières


constructions de l'enfant. Il catégorisait ainsi les individus selon leur sexe, âge, classe sociale
et apparence ethnique dés le début de leur vie. Les différences entre les hommes et les
femmes s'organisent par le biologique puis par le social, les deux sexes ayant des rôles
sociaux et culturellement différents et attendus. C'est en s'identifiant à un rôle social précis
qu'un enfant construit son identité, pour adhérer à des coutumes de comportements,
intérioriser des attitudes et des réactions d'autrui par rapport a sa propre identité. Ce sont des
rôles préétablis par la société qui sont stéréotypés, permettant à l'enfant de s'en imprégner
facilement.

Cependant d'après Biot et Hoibian (2015) cette universalité se limite à la culture de la


société où vit l'enfant en effet dans la société française pour exemple, les tâches ménagères
sont encore en majorité réalisées par les femmes. Selon Williams, Bennett et Best (1975)
l'entière connaissance des rôles sexués n'advient qu'à l'entrée au collège, cependant il est
notifié qu'à trois ans un enfant est capable de catégorisation des rôles, ce qui lui permet de
s'identifier dans l'un des deux rôles.

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Plusieurs théories tentent d'expliquer l'intégration de ces rôles. Une hypothèse
psychanalytique se centre sur la problématique œdipienne. L'enfant choisirait et construirait
son identité sexuée à l'issue du complexe d'Œdipe. Suite à l'observation de la différence des
sexes, l'enfant entre dans le complexe d'Œdipe et avec la résolution du complexe, l'enfant s'est
identifié à l'un de ses parents après avoir tenter de séduire l'autre.

H. L'apprentissage sociale ou l'apprentissage du rôle social

Nous allons nous pencher sur une théorie correspondant un peu plus à nos inspirations,
celle de l'apprentissage social. Développé par Bandura (1976), cette théorie se concentre
autour de l'observation, dans cette optique l'enfant profite de son environnement pour
apprendre. Cette théorie s'organise en 4 phases d'observations.

La première est un processus attentionnel. L'enfant porte de l'attention à un modèle de


comportement et, plus il accorde d'intérêt à ce modèle, plus son attention est précise. Il
sélectionne et trie dans les informations qu'il observe. Ensuite vient le processus de rétention
où l'enfant intègre le comportement, l'adapte et le convertit en information verbale ou
visuelle. L'étape de reproduction motrice survient suite aux étapes d'intégration. L'enfant est
maintenant capable de reproduire ledit comportement.

Enfin, le processus motivationnel possède un impact très important dans le choix des
comportements à suivre, il faut que l'enfant ait envie d'imiter le modèle observé, un
comportement puni sera évité alors qu'un comportement valorisé sera plus facilement
motivant pour l'enfant. C'est principalement cette dernière étape qui entraine les enfants selon
leurs sexes à suivre des comportements correspondant à des stéréotypes. La petite fille sera
encouragée à aider son prochain, à s'occuper d'un poupon et réprimandée si elle s'engage dans
des comportements appartenant culturellement aux garçons. Ce modèle permet d'expliquer les
comportements, mais n'explique pas le choix de l'enfant par rapport à ses préférences de
comportements, il n'explique par pourquoi un jeune garçon serait plus motivé à reproduire des
comportements principalement féminins, et non masculins.

Selon Kohlberg (1966 ; cité par Dafflon Novelle, 2010), l'identité sexuée serait le
résultat d'une construction interne suivant plusieurs étapes. Les enfants prennent conscience
de leur propre genre entre 2 et 3 ans, c’est l’identité de genre. Ensuite, jusqu'à 5 ans, il

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étiquette les autres grâce à des indices physique externes c’est la "stabilité de genre". A 7 ans,
la constance du genre s'impose, l'enfant comprend que son genre est définitif et il connait les
comportements inhérents à son genre. Selon Dafflon-Novelle (2006), la construction de
l'identité sexuée est créée via l'influence de l'environnement social dans lequel vit l'enfant. Il
est encore difficile de mettre en avant une égalité de socialisation entre les deux sexes, les
modèles proposés par les parents étant encore marqués de stéréotypes de genre.

Ainsi, aucune théorie n'explique concrètement pourquoi un enfant se concentre sur un


genre et non sur l'autre. Cela ne provient pas d'un conditionnement, ni d'un choix, c'est un fait
qui ne suit pas forcement de logique. Un fait non-expliqué à ce jour.

I. Apport de la théorie de Jung sur le développement du moi

Jung (1952) présente le mandala, un symbole religieux des plus anciens appartenant à
l'orient mais également à l'occident, il y voyais dans ce symbole un archétype du "tout"
présent dans l'inconscient collectif de chacun. Le mandala représente la personne dans toute
son unité, le soi, archétype de la totalité psychique. Il met aussi en avant le symbole de
Mercure.
Mercure dans l'alchimie, liée à l'unification des contraires. Cet élément possède autant
d'élément masculin que féminin, il est représenté sous une forme androgyne. Il possède des
qualités de l'ombre, de la lumière mais également du bien et du mal. Il est connu comme étant
le symbole de l'inconscient, la multiplicité de notre vie psychique interne et externe reposerais
sur cet état dit antinomique, aussi physique que psychique. Mercure est duel, il est composé
de toutes les contradictions existantes, il est le soi, le processus d'individuation et l'inconscient
collectif. Mercure profondément bisexuel car fondamentalement hermaphrodite pourrait
mettre en exergue le fait que chez l'ensemble des humains possède une compétence à être
homme et femme, et que c'est le rapport à l'esprit Mercure libéré qui pourrait guider
l'orientation d'un genre plutôt qu'un autre.
Le moi ignore cet inconscient, il ignore cet esprit Mercure, il est le centre du champs
de la conscience.

Pour Jung, (1933) le moi est développé dès la formation embryonnaire et est lié au
regroupement de deux capitaux génétiques différents faisant de lui quelqu'un de particulier,
d'unique. Le moi est le résultat d'influences internes et externes, de contacts psychophysiques

14
avec son milieu extérieur. La personne est par nature un être de relation, un être basé sur
certains archétypes, sur des formes matricielles innées de l'inconscient collectif conditionnant
le comportement, les instincts et les impulsions. Il existe également un inconscient personnel,
appelé l'ombre. Elle est un archétype, une sorte de refoulé, quelque chose de primitif,
d'inadapté mais inséparable de la lumière, l'un ne peut exister sans l'autre. Il comprend tous
les aspects de la personnalité que nous ne reconnaissant pas comme nous appartenant,
inacceptable, immoral. Mais elle est l'ensemble des potentialités inconsciente de l'individu, ce
qui aurait pu mais n'est pas advenu et n'a pas germé dans la personnalité de l'individu. A
contrario, la persona est l'ensemble des masques porté par l'individu, montrant son adaptation
et ses capacités de relation au monde, une façade sociale.

L'anima et l'animus sont schèmes organisateurs du comportement, principalement


repérable à travers le domaine relationnel qui s'étayent avec l'expérience. Ils sont des
personnifications fondamentale de l'inconscient, des figures inconsciente de l'autre genre.
L'anima, représente le monde émotionnel, de l'éros on y observe labilité, obscurité, intuition,
est l'essence féminine. L'animus quand à lui, essence masculine prend en compte le registre de
la force, de l'action, du sens et du verbe. Ces deux éléments s'étayent au fur et à mesure du
développement. Chez l'enfant animus et anima se développe sur le postulat de la relation
parentale. La mère est la première à porter l'image de l'anima chez le petit garçon, ensuite
cette image est portée par une autre figure féminine et ainsi de suite jusqu'à se poser sur
l'image de la femme aimé. A l'inverse l'animus pour la petite fille est portée par son père puis
évolue et change de porteur avec la maturité jusqu'à l'homme aimé. Jung explique que
l'homme dans son choix de l'objet d'amour choisira la femme qu'il a en lui, la femme qui
coïncide le plus avec son image inconsciente de la femme. Il est intéressant de constater que
ce sont ces archétypes qui permettent de rencontrer l'autre genre et son propre genre, d'en
appréhender inconsciemment les différences.

C'est donc grâce au vécu que ce développe ces images sur lequel s'appuie la psyché de
l'individu, il possède chacun des deux archétypes, qui possède chacun une fonction de
compensation. Une tentative d'obtention d'un équilibre, des deux sexes chez l'individu,
l'équilibre entraine une intégration de l'animus et l'anima. Il existe donc chez chaque être une
bisexualité psychique à priori constitué par ces deux facteurs, qui deviennent idéaux lorsqu'ils
sont conscient (comme dans le processus d'individuation, ou le sujet prend en compte le

15
caractère composite de son soi) et entraine des difficultés lorsqu'il reste inconscient (rejeté) ou
lorsqu'il sont sujet à une identification.
C'est en intégrant des archétypes de son sexe et de celui de l'autre que le sujet peut s'exprimer,
être lui-même grâce a sa connaissance de l'autre, à travers un processus d'individuation.

Jung (1990) le présente comme un processus naturel de transformation interne, qui


peut être vécu consciemment ou non, il permet à "l'être" de devenir un individu, autonome,
indivisible, un tout, le "soi". Il démarre par une compétence à intégrer de ne pas être à
l'origine complet, de ne pas être pris au piège avec la persona et rencontrer ainsi son Ombre,
son champs des possibles. C'est l'intégration de ses propres qualités négatives, possiblement
immoral que le sujet intègre et accepte, permettant ainsi à son moi d'être dans une position ou
le bien et le mal est relativisé.
S'en suit une confrontation à l'anima et à l'animus, ayant pour objectif une perte
d'identification au sexe, l'archétype perdant son pouvoir d'inspiration il sert désormais la
créativité et l'inspiration, le sujet fait l'expérience d'un soi composite, masculin et féminin.
C'est ici que se pose des interrogations quand à notre travail de recherche, pourrions nous
penser que via cet accès à l'ombre et de la confrontation à l'animus ou à l'anima selon le sexe,
il y aurait une certain identification à l'autre sexe? Ou bien est-il possible qu'il y est un rejet de
l'anima (pour une homme) qui entrainerais une identification à l'animus jusqu'à vouloir être
essentiellement féminin ?

Suite au développement de l'enfant et jusqu'à cinquante ans, Jung parle de phase


montante du moi et d'adaptation à la vie, basées sur le développement des instincts, le
positionnement dans les relations affectives, sociale et sur l'expansion de l'individu. Après
cinquante ans, l'entrée dans la seconde moitié de la vie entraîne un bilan et une nécessité de
trouver un sens à sa vie, un sens à sa mort, la réalisation de son être le plus profond. Nous
pouvons aisément faire un lien avec le modèle de Bülher (1966 ; cité par Deleau, 2006) et
sont approche du développement orienté vers le but. Dans son modèle téléonomique, elle met
en avant aux alentours de 12-18ans le développement de l'identité sexuelle et entre 45-65ans ,
une auto-évaluation entraînant une rétrospective concernant les succès et les échecs, une
certaine quête identitaire.

Ces travaux ainsi que ceux de Jung coïncident avec ceux d'Erikson (1959 ; cité par
Deleau, 2006). Celui-ci intègre dans le développement le terme de "crise" dans le sens d'une

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période cruciale de vulnérabilité et de potentialité. Pour Erikson, le développement résulterait
de l'interaction entre le moi du sujet et son environnement social. L'identité ferait partie des
grands enjeux de l'adolescence, cependant présent dans la plupart des premiers stades de la
vie. L'identité personnelle renverrait au "je" et aux différents "soi", champs des possibles de la
personne. Cette conception est proche du concept d'ombre de Jung (1990). Derrière la persona
se cache les différentes possibilités de l'individu, qui ne sont pas mises en avant dans la
persona mais qui peuvent toujours l'être.

Dans chaque stade présenté par Erickson (1959) il y la présence de deux polarités
antagoniste, et chacune de ces crises sont susceptibles d'entraîner un bouleversement interne.
Il y a huit stades, les deux premiers stades concernent respectivement la première et la
seconde année de la vie et mettent en avant le modèle Freudien des stades psychosexuel.

La troisième phase est la phase génitale. Entre 3 et 5 ans, l'enfant découvre les organes
génitaux et le genre, les polarités s'organisent entre initiative et culpabilité, l'enfant "choisit"
son rôle et dans le cas contraire reste dans une phase de culpabilité. S'en suit la période de
latence, puis les quatre périodes profondément sociales, de 6 à 12 ans : les deux polarités
compétence et infériorité font référence aux capacités scolaires et à la capacité de l'enfant à
faire les choses correctement et à en être valorisé et dans le cas contraire l'enfant se sent
inférieur aux autres élèves qui ont investi le scolaire.

De 13 à 18ans, le stade d'identité versus confusion d'identité renvoie au sentiment de


cohérence de soi dans le temps qui dans la présente recherche pourrait être le siège des
souffrances de ces personnes possédant une identité non congruente avec leurs corps.

Concernant le cinquième stade allant de 19 à 25 ans, l'intimité et l'isolement


constituent les polarités correspondant à la capacité de nouer une relation intime avec une
autre personne, et dans le cas contraire, l'adulte s'isolerait incapable de lien sociale solide.

Entre 26 et 40 ans, les polarités générativité et stagnation désignent l'intérêt envers les
générations futures et enfin, de 41 ans et plus, intégrité personnelle et désespoir renvoient à la
possibilité de passer sa vie en revue et d'accepter son parcours de vie.
Si nous nous sommes intéressé à ces différents stades c'est pour prendre en
considération les hypothétiques difficultés des individus transsexuels en corrélation avec des

17
bouleversements liés au développement humain, non pas pour les justifier mais pour en
appréhender la différence entre ce qui relève du transsexualisme et ce qui concerne le
développement universel. Derrière chaque personne trans il y a un humain qui comme tout le
monde est régi par des étapes de développement.

A ces fins, l'utilisation de l' épreuve des trois arbres semble particulièrement adapté du
fait des possibilités de développement de l'arbre en tant qu'humain, particulièrement du fait
que l'arbre comme le transsexuel, mue change de peau, peu renaitre.

J. L'identification à l'aide de l'arbre - L'ETA et le transsexualisme

Il existe une certaine analogie entre l'Homme et l'arbre. Comme l'Homme, l'arbre naît,
grandit (pousse), vit et meurt. Il évolue beaucoup tout au long de sa vie et se modifie à l'instar
de la puberté, de la vieillesse. Même si la longévité de l'arbre est beaucoup plus longue, ses
besoins sont très proches de ceux de l'Homme, les principaux étant la lumière et l'eau. De
plus, il est possible de remarquer que les pieds de l'homme sont ancrés dans le sol comme les
racines le sont pour l'arbre. Les bras peuvent être reliés aux branches de l'arbre. Il est
également constaté des points communs vis-à-vis des termes utilisés, communs aux deux
éléments, les pieds, les bras et le tronc. Pour vivre, l'arbre doit s'adapter à son environnement,
aux intempéries et aux attaques du monde extérieur, tout comme l'Homme.

L'Epreuve des Trois Arbres est une création de Fromage (2011). L'arbre dessiné par la
personne représente l'exposition de sa propre organisation psychique. Cette épreuve a pour
but de développer le point de vue d'un individu concernant une situation, identifier les
polarités positive et négative en explicitant les inter-relations entre elles. Le sujet se dessine
lui-même lorsqu'il dessine l'arbre. Parler de l'arbre permet de parler le même langage que
celui qui le dessine. Cette épreuve permet de réaliser un bilan de situation de la personne, se
basant sur le courant humaniste et l'approche phénoménologique.

L’épreuve requiert de la part du psychologue, de l'empathie, du non jugement, de


l'authenticité, et le maintient d'un discours autour de l'arbre, un langage d'arbre. On parle de
l'arbre, de ce qu'il fait, de ce qu'il ne fait pas, mais on ne parle pas de l'homme derrière l'arbre.
Le sujet parle donc de lui à travers l'arbre, parle de soi d'un point de vue indirect.

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Lorsque le sujet parle de son arbre, il l'investit, il donne des informations, il lui donne
une histoire, un sens. L'arbre permet à l'homme de sortir de son horizontalité, l'arbre relié au
sol dirigé vers le ciel et pousse l'homme vers l'avant, l'arbre est tourné vers l'avenir mais
possède un passé ancré dans la terre, marqué sur son tronc. L'épreuve des Trois Arbres place
l'individu dans "une logique biographique ouverte sur l'avenir" (Fromage, 2011, p.24).

L'Epreuve des trois arbres est adaptée à tous les publics, de l'enfant jusqu'à la personne
en fin de vie, mais elle semble également adaptée au public transsexuel du fait de leur
transformation physique. L'arbre change en fonction des saisons, il s'adapte à son
environnement, et c'est ici le point commun avec cette communauté : elle tente de s'adapter à
la société, et tente de s'adapter à son corps à sa nécessité interne, dans l'objectif de d'être en
cohésion avec eux-mêmes et donc avec les autres, dans l'optique de se réaliser. Pour toutes
ces raisons l'analogie entre arbre et transsexuel est prégnante autant qu'à tout autre public si ce
n'est plus.

D'après Fromage (2011) quatre processus sont à l'œuvre dans l'épreuve. Tout d’abord,
l'identification analogique vise l'identification en un support autre et sans danger d'influence
interne, l'arbre est un support inerte, un mannequin vierge de toute personnalité, et le sujet
peut à sa guise s'identifier, faire des liens entre sa propre réalité et celle de l'arbre.
L'identification peut être consciente ou non consciente, mais s'observe toujours, il y a toujours
une partie de soi dans la création de quelque chose d'inexistant, un arbre est à l'instar du moi
pour Jung, quelque chose d'unique, de particulier.

Ce mécanisme d'identification entraine par le biais de l'imagination, le processus de


projection. L'arbre est le support figuratif de la projection, le sujet pose sur le support une part
d'organisation psychique qu'il créé, ouvrant le champ des possibles de façon exponentielle. Si
on se base sur la définition du vocabulaire de la psychanalyse de Laplanche et Pontalis (1967,
p.343), la projection est l'expulsion de soi et localise dans l'autre personne (ici l'arbre) des
qualités, des sentiments, des désirs des "objets" qu'elle méconnait en elle-même. Ici Fromage
(2011) ne parle pas forcement de contenu méconnu. Ce contenu peut provenir de l'imaginaire,
condition sine qua none de l'épreuve des trois arbres, c'est grâce à ce mécanisme que sont
déployées les capacités de mises en places d'histoires d'arbres tout en restant en lien avec le
sujet et sa subjectivité.

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L'enjeu de la verticalité permet de se concentrer également sur l'avenir, sur
l'anticipation mécanisme psychologique mis en exergue par l'épreuve des trois arbres. C'est un
mécanisme ubiquitaire qui permet d'être à deux endroits au même moment, être dans l'ici et
maintenant et également dans le futur via une construction imaginaire. Dans l'anticipation on
retrouve deux éléments, devenir désiré et le devenir refusé et le sujet va s'orienter entre ces
deux tendances opposées, et s'avancer comme un équilibriste entre ces deux mouvement.

Selon Berta (1987), l'anticipation permet d'accéder à un futur anticipé mais surtout à
un futur prévisible. Le sujet qui parle de son avenir parle d'événements qui peuvent arriver, il
le préfigure. Berta présente également le fait que l'anticipation d'un événement du futur
prévisible provient d'une "psycho-synthèse" de trois moments objectifs pour l'homme, sont
passé, représentant son vécu, sont présent, étant sont état actuel et enfin construire son futur
via un biais imaginaire. Ces deux mouvement et l'anticipation du futur nécessitent une
implication intellectuelle et d'action, Berta (1987) indique que "l'anticipation est une notion de
synthèse et de condensation temporelles" (p.28).

Dans le but d'obtenir un récit de parcours de vie, il convient d'accompagner le sujet dans cette
démarche, lui permettant de s'exprimer au mieux.

K. L'accompagnement de la mise en récit

Selon Ricoeur (1990) le récit de vie entraîne la création d'une identité narrative dans
laquelle la personne en racontant sa vie, s'apprend et se construit. Raconter sa vie permet au
sujet de rendre explicite, d'élaborer un système de représentation interne et de le rendre
palpable, réel.

Vargas (2008) précise que le récit de vie permet de saisir pendant l'espace d'un instant,
une photographie de la vie du sujet à un moment donné, une photographie sortant du
dynamisme de la vie psychique pour obtenir une unité provisoire et établie. Le sujet au
moment du récit fait face à son histoire, est capable de situer le manque dans sa situation
actuelle et, d'une certaine façon, de faire le point.
Pour Bertaux (2000) le récit de vie naît d'une rencontre entre deux personnes
historiques lorsque l'un demande à l'autre de se raconter. Le sujet déplie au fur et à mesure son
histoire sur un arrière plan, un background, une succession de plans, de cadres comme autant

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de situations différentes, de temporalités différentes. Il met également en avant l'intérêt des
différences entres les interlocuteurs. Ceci fournit une tension permettant de créer l'énergie
nécessaire à la production du récit. C'est ce qui suscite l'intérêt de celui qui écoute.

Selon De Ryckel & Delvigne (2010) raconter est le moyen le plus courant et le plus universel
pour expliciter une expérience vécu et de la rendre intelligible pour l'autre. L'homme raconte
pour faire connaitre et par ce biais apprend lui-même à se connaitre. Ces auteurs parlent de "la
permanence de soi" d'un sentiment d'une continuité dans le temps, d'être un individu
particulier ayant évolué et changé à travers le temps. Sentiment plus ou moins présent,
entrainant une certaines compréhension de ses propres actes passés ou non.

Le récit requiert une capacité à réfléchir et à comprendre sa vie, et entraine le


développement d'une nouvelle compréhension de soi-même et de sa vie, celui qui fait récit
donne du sens à son histoire, il élabore à voix haute et c'est ce mécanisme qui entraine cette
sensation d'insight.

Le récit ne peut exister uniquement s'il s'adresse à quelqu'un. Pour que le récit soit
bénéfique pour le locuteur, il est nécessaire d'obtenir une rétroaction, une écoute attentive, à
travers une écoute bienveillante, aimante et chaleureuse. L'écoutant doit vivre l'événement à
travers un mouvement empathique dans le but d'appréhender du mieux qu'il peut le vécu de
l'autre. De plus, les auteurs mettent en avant l'intérêt du "Qui suis-je ?", question ouverte qui à
travers l'écoute bienveillante permet au sujet d'étayer sa réponse sur sa propre connaissance de
lui-même. De Ryckel et Delvigne (2010) précise que l'explication causale doit être écartée à
l'instar de l'entretien d'explicitation.

Dans la présente recherche, il convient de rencontrer des sujets uniques qui, par leurs
récits de vie, vont expliciter leurs existences et simultanément prendre connaissance de tout ce
qui est établi pour eux. Il existe un certain nombre de techniques visant à l'explicitation de la
personne en tant que sujet comme par exemple, les techniques de l'entretien d'explicitation
(Versmersch, 2014).

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L. L'entretien d'explicitation

L'entretien est l'outil le plus utilisé par les psychologues. Parmi les différentes
techniques d’entretien, l’entretien d’explicitation permet d'accompagner la personne à décrire
des savoirs procéduraux. Difficilement accessibles à la conscience, Vermersch (2014) a
développé un certain nombre des techniques permettant d’amener la personne à une prise de
position de parole incarnée où elle restitue plus aisément ses savoirs. Les travaux de
Vermersch présentent la particularité d’être transférables à la clinique, d’être des outils
favorisant le discours du sujet.

La condition essentielle à ce type d'entretien et la suspension du jugement. Ce dernier


bloque l'expression naturelle et franche de l'explicitation. Pour favoriser ce discours, il
convient de se concentrer sur plusieurs techniques de relances et d'en bannir d'autres. Pour
commencer, il est important de rayer le "pourquoi" de tout entretien à visée d’explicitation.
Le "pourquoi" induit une recherche de la causalité et une pensée rationnelle qui n'est pas
pertinente avec la communication du vécu.

Il prévaut d'utiliser le comment qui permet de déplier le discours. Pour favoriser la


parole dite incarnée, parole formelle, vivante où le sujet revit la situation. Il convient
également de privilégier la remémoration des faits par la sollicitation des modalités
sensorielles dans l’emploi des verbes. L’entretien d’explicitation doit également privilégier
l’utilisation des questions descriptives telles que les "quoi", "les comment" et les "qu'est-ce
que". L’emploi des mots interrogatifs relatifs à la localisation temporelle et spatiale est de
plus préconisé. Ainsi, les "où" et "quand" sont à privilégier.

L’ensemble de ces techniques permet au sujet d’exprimer sa propre expérience


subjective, en relatant une expérience subjective de plus en plus précise grâce aux
interventions du psychologue.

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II. Problématique de Recherche
Quelles sont les caractéristiques de l'affirmation d'une identité de genre non congruente avec
le sexe assigné à la naissance ? Et comment une démarche de récit , alliée à la médiation par
le protocole de l'épreuve des trois arbres, permet de mettre en exergue ces éléments ?

L'identité des personnes Trans nécessite une émergence outrepassant une identité
biologique prépondérante. Il serait intéressant d'observer des points fondateurs, les aspects de
revendications liées à cette identité encore peu connue.

Dans cet objectif, nous avons mis en place un protocole de recueil de données dans le
but de vérifier diverses hypothèses. Ce travail tente d'observer à travers une démarche
analogique du récit de vie, des éléments prégnants aux parcours de vie transsexuel extrinsèque
du protocole de ré assignement de sexe.

La mise en récit de sa propre histoire permet de présenter sa vie, de faire un point, de


l'investir et permet une nouvelle compréhension de soi-même à travers une élaboration à voix
haute. En racontant son parcours de vie, l'individu commence de l'origine des souvenirs vers
l'actuel, l'instant présent.
Ce travail, couplé avec l'épreuve des trois arbres, permet à l'auteur de se positionner comme
acteur de son propre parcours. L'épreuve des trois arbres (ETA) et les lectures partagées
permettent d'obtenir une élaboration secondaire via l'analogie de l'arbre, le sujet raconte une
partie de lui-même à travers l'arbre.
L'intérêt de travailler sur deux supports, l'un direct via le récit autobiographique et l'autre
indirect via l'épreuve des trois arbres, permet un approfondissement des valeurs conscientes et
non conscientes de la personne, ainsi que de l'analyse personnelle que la personne possède a
propos d'elle-même.

En contant son récit de vie, la personne rend explicite son système de représentation
réel, produit une photographie provisoire de sa propre vie, induisant une nouvelle
compréhension de sa propre histoire. La médiation autour de l'arbre permet quant à elle, non
pas une photographie à un moment précis, mais une identification à l'arbre, entraînant une
certaine anticipation. Cette anticipation par l'addition du passé et de l'avenir permet d'accéder
à des valeurs subjectives de la personne. Elle nous permet d'entrevoir les éléments

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antagonistes de sa vie psychique, mettant simultanément en exergue les éléments saillants et
fondateurs de sa problématique.
De ce duo naît un récit complet de la personne vis-à-vis de la thématique, de part son vécu
explicite et des éléments implicites qu'elle-même exprime.

La variable dépendante est constituée du récit de vie obtenu par le biais d'un entretien
semi-directif, des étapes de l'ETA et des lectures partagées, permettant l'accès à un ensemble
global de la vie du sujet et donc de pouvoir constituer une analyse.

La variable indépendante correspond ici à l'ensemble des données, des informations


transmises par le sujet, son ressenti vis-à-vis de sa propre existence, le regard sur son passé et
sur son avenir futur.

Notre hypothèse générale établit qu'il existe des similitudes dans les récits de vie de
personnes transsexuelles et ce malgré leurs différents degrés d'avancement dans le protocole
de changement de sexe. De plus nous établissons que chez chacune de ces femmes, le regard
de l'autre est le décisionnaire de l'acceptation ou du rejet de la nouvelle identité et qu'il est
nécessaire pour celle-ci d'être attestée par l'autre pour exister.

Notre seconde hypothèse générale se concentre sur le fait qu'il est nécessaire
d'accepter l'identité précédente pour accéder de façon sereine à une identité nouvelle. De fait,
l'intégration de la polarité masculine doit être inscrite dans l'histoire de la personne qui change
d'identité. De plus, un travail de deuil doit être réalisé, autant par la personne que par son
entourage. Cette identité pourra ainsi être établie comme l'unique identité de ce corps.

Enfin, notre hypothèse opérationnelle met en avant l'idée d'un surinvestissement de la


polarité féminine pour compenser le pendant biologique masculin avant l'opération de
changement de sexe. Notre troisième hypothèse générale est que l'utilisation de l'épreuve des
trois arbres contribue de manière analogique à la mise en récit de soi d'un sujet transsexuel.
Plusieurs hypothèses opérationnelles en émanent.

La première met en avant le fait que l'ETA permet de créer une biographie analogique
permettant au sujet d'exprimer ses attentes et ses possibilités subjectives. Entraînant une
identification importante observable à travers le discours.

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La seconde concerne le fait que l'association des deux types de récit permet d'observer
des thématiques permettant un approfondissement du récit de vie avec des valeurs subjectives
plus explicites que dans le récit direct.

III. Méthodologie
Le protocole de recherche nécessite de rencontrer un public Trans et la première
difficulté fut de rencontrer un public qui se fait discret ou qui est totalement invisible, fondu
dans la masse. Nous avons donc choisi de nous tourner vers des associations LGBT
(Lesbienne, Gay, Bi , Trans) venant en aide, fournissant de l'information au public, il semblait
donc judicieux de se renseigner directement là-bas. Nous y avons fait la connaissance de
bénévoles très intéressés par la recherche scientifique sur le sujet de la transsexualité. Ce qui
justifie leur intérêt est l'attirance de la part d'un domaine scientifique quel qu'il soit ainsi que
la visibilité qu'un travail comme celui-là peut proposer. Le but de leur association est de
fournir des informations, aider et soutenir mais aussi rendre visible des populations existantes
mais totalement ignorées, non reconnues, comme l'est selon eux la population transsexuelle.

L'association nous à proposé de transmettre notre projet et nos coordonnées dans leurs
listes de diffusion mais également de nous présenter à " l'accueil convivial ", qui nous
permettrait de nous présenter, de donner un " visage " aux chercheurs. Cet accueil convivial
est une réunion ouverte à tous mais est une sorte de rendez-vous mensuel où les trans
(transgenre-transsexuel) peuvent se retrouver. Là-bas nous avons pu nous présenter à
l'ensemble du groupe, et échanger avec certaines personnes, transmettant nos coordonnées
respectives pour ceux qui étaient intéressés pour participer notre recherche. Aucune sélection
n'était faite dans le choix des individus que nous avons rencontrés, le seul pré-requis était
d'avoir engager un processus de changement de genre. Nous avons choisi de ne pas intégrer
de critères d'âges et de sexe, cependant nous avons choisi de présenter le caractère difficile
que peut prendre un récit de vie. Certaines personnes Trans ou non peuvent avoir des choses
qu'elles ne souhaitent pas divulguer et qui les mettraient en souffrance lors d'une
remémoration, il semblait donc pertinent d'évacuer ce risque en l'explicitant dès le départ.

Concernant le lieu des entretiens, il fut proposé aux sujets de se rencontrer soit au
centre LGBT (que les bénévoles ont accepté de partager avec nous), soit à l'université, sachant
que nous pouvions nous déplacer chez les personnes si jamais ils le souhaitaient, de plus nous
avions la possibilité de les recevoir dans nos lieux de vie. L'objectif était ici de proposer un

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lieu qui permettrait au sujet de se sentir en situation de confiance, facilitant l'expression et la
parole.

A. Protocole :
Il est très important d'avoir un schéma précis du protocole prévu pour permettre de
présenter aux sujets le contenu des entretiens futurs. Permettant aux sujets de se projeter dans
les futurs entretiens, permettant de poser un cadre, lié au nombre de séances et au travail
demandé.
Nous avons donc proposé un minimum de trois entretiens, sachant que selon la durée
de ceux-ci, nous pourrions rajouter une ou deux séances.

Première séance :
La première séance s'est organisée autour d'une présentation et du récit de vie de la
personne. Cette première rencontre a permis une mise en confiance, il était demandé à
l'individu de lire attentivement, enfin de signer le formulaire de consentement libre et éclairé,
bien sûr nous nous engagions a répondre à la moindre question concernant ce formulaire.(cf
Annexe 1, p.62) De plus nous avons enregistré l'ensemble des entretiens grâce à un matériel
audio.

Dans le cadre de notre recherche nous avons donc décidé de nous tourner vers un entretien
semi-directif permettant de recueillir un maximum d'informations quant au vécu du
transsexualisme par le sujet. Semi-directif pour cadrer l'ensemble du récit autour de la
transsexualité, incluant toutes les expériences de vie annexes du sujet. L'identité de genre
faisant partie inhérente de la vie du sujet, il était donc assuré que l'individu parle de son
expérience du transsexualisme à travers son expérience de vie.

L'idée globale proposée aux individus était une formulation générale de ce type :
" On se rencontre aujourd'hui pour échanger à propos du transsexualisme à travers votre vécu,
vous pouvez parler librement de ce qui vous paraît important, dans l'ordre que vous le
voulez".
Permettant un récit suffisamment large et permettant de recouvrir l'ensemble des domaines de
vie. Dans le cas où le sujet ne parviendrait pas à exprimer un récit prolixe, nous avions prévu
quelques phrases types permettant de guider le sujet dans son expression.
"Comment le transsexualisme à commencer pour vous ?"

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"Comment le vivez-vous ?"
"Comment l'avez-vous vécu ?"
"Comment voyez-vous votre avenir"
L'intérêt était de réaliser un entretien naturel où le sujet ne serait pas en difficulté et ce genre
de phrase type nous a paru nécessaire pour pallier une difficulté, une angoisse une gêne de la
part de la personne.

Cette première séance ne possède pas de limite de temps, nous avons prévu une séance
d'environ deux à trois heures pour obtenir un récit assez global permettant de rentrer en
contact avec l'autre. De plus, comme convenu lors de la rencontre à l'accueil convivial, stipulé
dans le formulaire de consentement libre et éclairé et rappelé au début de l'entretien à l'oral,
l'entretien était entièrement enregistré à l'aide d'un matériel audio.
À la fin, nous avons proposé une nouvelle rencontre centrée sur l'épreuve des trois arbres,
nous avons explicité son objectif pour rassurer d'une hypothétique appréhension. Concernant
les délai nous avions décidé de ne pas fixer de limites quand à la future rencontre, et de nous
adapter à leurs emplois du temps.

Seconde rencontre :
Cette seconde séance s'est concentrée autour de l'épreuve des trois arbres (ETA) de
Fromage (2011). Au départ, nous avons souhaité revenir sur le vécu de l'entretien précédent,
pour obtenir des remarques quand à notre rencontre, éventuellement des informations
complémentaires.

Ensuite nous avons commencé le protocole de l'ETA. On invitait donc le sujet à faire
un exercice de pleine conscience en se concentrant sur le présent, sur l'ici et maintenant avec
une prosodie volontairement ralentie. Cet exercice permettait de se concentrer sur soi-même
et permettait de faciliter le retour sur sa propre expérience de façon objective et favorisait
donc la mise en récit de soi. Puis nous avons commencé le protocole. En amont nous avons
rappelé que la qualité du dessin n'était pas ce qui importait, qu'il ne s'agissait pas d'interpréter
les éléments graphiques contenus dans le protocole.

Une à deux séances devraient suffire pour terminer le protocole, ensuite nous avons
fixé une date un peu plus lointaine pour nous permettre de pouvoir travailler sur ledit
protocole.

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Troisième rencontre :
Cette troisième et dernière rencontre s'est concentrée sur un retour sur la production
réalisée durant la seconde rencontre. Nous avons commencé par demander si la personne avait
repensé à ses créations, et si c'était le cas, qu'est-ce qui en ressortait. Nous avons rappelé
également qu'il n'y avait dans notre démarche aucun jugement, ni interprétation lors de
l'analyse du protocole. Il nous semblait important de le repréciser pour mettre en confiance
l'individu dans sa démarche d'approfondissement de son récit. Nous lui avons demandé de se
concentrer sur l'instant présent, à l'instar de l'exercice de pleine conscience de la seconde
rencontre.

Nous lui avons fourni une consigne de type :


" Pourriez-vous reprendre contact avec votre protocole, vos arbres et les textes associés ?
N'hésitez pas à nous dire si vous modifieriez des choses, si vous en ajouteriez ou en
enlèveriez, si des choses attirent votre attention, prenez le temps qu'il vous faut ".
Cette démarche a permis de repartir d'un point qu'elle choisissait dans son protocole, nous
permettant de l'accompagner dans son approfondissement par des phrases de relance
explicitées dans l'entretien d'explicitation. En amont nous aurons réalisé une analyse, et créé
un ensemble de questions vis-à-vis du protocole pour pallier un manque d'inspiration de la
part de l'individu. Permettant ainsi de débloquer une parole inhibée ou hésitante.
Nous nous sommes également intéressés à la mise en avant de la polarité positive
versus négative qui permet d'exprimer une activité psychique, une tension provenant de
l'opposition de ces deux polarités qui génère des comportements. Ces comportements orientés
vers le futur, une anticipation qui articule le futur désiré et le futur refusé de la personne et
faisant partie consciemment ou non de ses valeurs subjectives.

B. Mise en application
Suite à notre rencontre lors de l'accueil convivial, nous avons eu plusieurs contacts
avec des individus transsexuels, les rencontres physiques ont facilité l'acceptation de notre
proposition de rencontre, cependant lors de la relance, nous avons rencontré plusieurs refus.
Manque de temps pour certaines, difficultés pour parler de sa vie personnelle pour d'autres,
nous avons rencontré quatre femmes. Néanmoins l'une d'elle à souhaité annuler sa
participation suite au premier entretien, celui-ci ne figurera donc pas dans ce travail de
recherche comme convenu dans la fiche de consentement libre et éclairé.

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Dans l'ensemble du travail de recherche nous parlerons de femme pour respecter
l'identité de genre de la personne, sauf lorsque cette personne parlera d'elle en tant qu'homme.
Nous avons rencontré uniquement des femmes donc M to F pour Male to Female traduisant
des hommes biologiquement masculin revendiquant une identité de genre féminine. Le fait
d’avoir rencontré uniquement des femmes provient sans doute du fait que nous n'avons
rencontré qu'un seul homme (FtoM, Female to Male) lors de l'accueil convivial et que celui-ci
n'a pas donné suite à nos relances.
Nous sommes donc convenus d'un rendez-vous, dans des endroits différents selon les
préférences des sujets.
Pour respecter l'anonymat mais pour donner un caractère humain à ces sujets de
recherche, nous avons choisis de leur fournir un nom d'emprunt, et c'est celui-ci qui sera
présenté tout au long de la présente recherche. De plus, les lieux explicités sont modifiés par
des lieux analogues aux originaux.

Nous avons donc récupéré trois entretiens audio concernant la première rencontre.
Nous avons également trois protocoles de l'épreuve des trois arbres ainsi que leurs analyses,
de plus nous avons restitué les éléments de l'entretien audio du troisième rendez-vous dans
l'analyse de l'épreuve des trois arbres .
Nous avons commencé par réaliser une analyse thématique, mettant en exergue pour
chaque participante les thèmes et sous-thèmes présents dans son récit de vie.

IV. Résultats :
A. Résultats par participant :
1.Nadège
Nadège a trente-sept ans, elle paraît assez timide, nos regard ne se sont croisés que
deux ou trois fois dans l'ensemble des rencontres. Cependant elle s'est montrée, dès l'accueil
convivial, très motivée à l'idée de parler de son expérience du transsexualisme. Elle parle avec
hésitation et demande régulièrement à être guidée, elle est anxieuse à l'idée de se tromper ou
d'être hors-sujet. Plusieurs fois elle a explicité le fait de ne plus savoir quoi dire, nécessitant
que nous la relancions via une question. Comme présenté précédemment nous nous sommes
rencontrés sur son lieu de travail, dans son bureau. Elle fait état de trois éléments très
importants dans la problématique Trans : le versant psychologique, le versant administratif et
le versant médical.

29
Concernant le versant médical, Nadège a entamé son protocole de réassignation de
sexe en format simplifié grâce à une motivation certaine et une préparation en amont de ses
entretiens. Elle est suivie par un psychiatre comme l'oblige le protocole ainsi que par une
endocrinologue pour obtenir le traitement hormonal et entraîner la transformation physique.
Une fois l'acceptation de son dossier réalisée, comme ce fut le cas, il y a un délai d'attente de
deux ans pour accéder à la chirurgie de réassignation de sexe, phase finale du protocole de la
Sofect.
Les versants psychologique et juridique seront quant à eux décryptés par la suite.
Nadège est également suivie par une psychologue sous sa propre volonté sans obligation par
le protocole. Nadège a du mal à se projeter dans le futur, elle vit sa transition au jour le jour,
elle souhaite rester proche de sa famille et ses parents acceptent de plus en plus avec l'avancée
des changements physique.

Le tableau suivant présente les résultats de l'analyse thématique ainsi que les éléments
importants mis en exergue par de l'épreuve des trois arbres.

Thèmes et valeurs subjectives :


Les thèmes et valeurs proviennent des actions réalisées et explicitées lors du protocole. Elles
sont en lien avec les conduites de l'arbre mais également avec conduites de la personne. Ces
valeurs permettent à la personne de s'orienter dans l’ensemble des choix de sa vie. C'est un
référentiel interne. Chaque valeur est intrinsèquement lié à une contre-valeur, elles
correspondent à un couple tonique qui rythme la vie psychique du sujet. Cette relation
nécessite un équilibre dans les conduites, un équilibre de la tension entre le positif et le
négatif.

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Première rencontre et Analyse Thématique Seconde rencontre et Epreuve des trois arbres
Travestissement Actions Arbres Arbres
Mal être Positif(A+,AR) Négatif (A-,AC)
Aspects Corporel A+ : longévité, robustesse, sur, rassurant, observe
A- : vulnérable, fragile, supporte, seul
Passing des générations
Actions Réalisées (récits)
Travail AR : Partage, grandir, évoluer avec d'autres, AC : coupé en deux, tronçonné, transformé bois de
Annonce longévité et altruisme chauffage
Famille A+ : être taillé, être attentif, grand et imposant, A- : L'arroser, pousser à l'écart des autres, être
Juridique Actions potentielles (matrices tronçonné et finir dans la cheminée beau, coupé par l'orage
Sexualité d’explicitation, c, d, e, f et récits) AR : Entretien, pas trop grand, être accessible, du AC : Plus de besoin, repousser, redevenir ce qu'il
Expression de la féminité bois pour la cheminée était, du bois pour la cheminée
Soutien VS Rejet
Regard de l'autre Registre d'activation de valeur Valeur Contre-Valeur
Solitude Relation à soi Robuste - Rassurant -Grandit /Joie Fragile-Vulnérable /Tritesse
Clivage Homme/Femme Relation à autrui Atruisme Egoisme
Délivrance Espace Solitude Entouré
Conformité Temps Longévité Mort
Reconnaissance du nom
Protection
Prise de decision
Changement de poste
Impact sur l'autre
Affirmation
Timidité
Usage de l'alcool
Trahison
Jalousie
(cf. Annexe 2a et 2b , p.63 et 70)

31
Combinaisons de l'entretien et du protocole de l'épreuve des trois arbres
On repère dans l'ETA de Nadège, l'existence et même la coexistence de ces deux
arbres A+ et A-, qui luttent pour vivre et refusent de mourir, à l'instar de Nadège qui lutte
elle-même contre une souffrance la conduisant à avoir des idées noires. La présence de la
polarité Fragilité VS Robustesse est sans doute à relier à cet état de fait. Nadège exprime le
fait de lutter régulièrement contre ces idées et sa nécessité d'être entourée pour être protéger.
Ces arbres A+ et A- présentent une grande rivalité, liée à une présence plus ancienne
sur un territoire. Cette rivalité qui peut s'apparenter à une certaine jalousie est possiblement
approchée de la tendance qu'avait Nadège auprès de sa petite sœur, à qui elle reprochait d'être
une fille.
On pourrait également rapprocher cette rivalité au dualisme interne existant chez
Nadège : la partie homme prenant excessivement trop de place et la féminité tentant au fur et
à mesure de s'exprimer au dépend de l'autre. L'histoire des arbres se termine avec la cohésion
des deux arbres, cohésion que Nadège finit par obtenir par le biais de son état d'homme
biologique mais de femme physique.
Cette femme explique à plusieurs reprises son besoin de soutien pour vivre mais aussi
dans l'épreuve de sa transition. Ce soutien moral se réfère explicitement via ses amis, sa
famille mais également son psychologue et plus implicitement dans l'ETA par le biais de
l'action de l'autre pour subvenir à ses besoins vitaux. En effet, les besoins des arbres A+ et A-
doivent être satisfait par un tiers.
Les polarités Égoïsme versus Altruisme sont observables à travers le récit
autobiographique de Nadège, à travers le fait qu'elle puisse agir uniquement pour elle et
décider de "changer " uniquement dans son propre intérêt. Et l'altruisme car elle explique que
l'amitié et le partage font partie de ses valeurs de prédilections. En lien avec le fait de
rassembler les personnes malgré leurs différences.
La polarité Solitude versus Entouré, est également explicitement exprimée par Nadège
dans le fait qu'elle s'est longtemps sentie seule vis-à-vis de sa différence et que désormais, elle
souhaite rester entourée par sa famille. C'est le cœur de son objectif de vie après celui de
devenir femme.

Si on se réfère à l'étape 11 de l'ETA, ou est contée l'histoire commune de l'arbre de


rêve (AR) et l'arbre de cauchemar (AC), nous observons que ces deux arbres ont les mêmes
rêves mais pas le même destin. Dans l'histoire qui les relie nous observons une difficulté pour
AC de continuer à vivre. Il subit la foudre. La foudre est présentée ici comme le signe du

32
destin ou bien comme celui d'une aide à mourir. Cet événement empêche toute possibilité de
suite. Le terme "finir" dans le protocole coupe toute possibilité d'avenir pour cet arbre, qui
deviendra du bois de chauffage. Ici, il serait aisé de pouvoir faire un lien entre ces arbres et les
deux possibilités de genre qui coexistent chez Nadège. L'une qui lui est imposée à travers le
fait d'être homme et l’autre à laquelle elle se sent appartenir. AR pourrait donc être assimilé à
la part féminine de son identité, un arbre qui partage ses valeurs personnelles qu'elle exprime
volontairement, celle du partage et de l'altruisme.
Cette arbre lui évoque de la joie et du plaisir à l'instar de l'épanouissement qu'elle
explique lorsqu'elle put ressentir le fait de vivre femme. AC, quant à lui, est rejeté. Il est
tronçonné et évoque le temps passé à grandir et la tristesse. Cette tristesse est évoquée
également dans l'entretien direct de Nadège. Elle explique sa souffrance d'être garçon,
souffrance qui la poursuit encore. AC semble donc assimilé à sa part de masculinité,
totalement rejetée, niée toute sa vie et qu'elle tente de réduire au minimum à travers
l'ensemble de ses démarches. Cette identité masculine est tellement douloureuse que malgré
son identité de femme affichée et acceptée elle reste en souffrance. Nous pourrions penser que
c'est le fait de dénier cette identité masculine qui entraîne cette souffrance, comme si le fait de
la rejeter favorisait le rejet d'une part existante d'elle-même. Chez chacun il existe un équilibre
subjectif des parts masculine et féminine, qui ici ne sont pas acceptées et qui de fait entraînent
un déséquilibre, favorisant la féminité mais réfutant une identité qui a existé, au moins aux
yeux des autres. Traduit par le fait que des " gens " sont présentés " comme triste pour AC " à
l'instar des personnes qui rejettent la " nouvelle identité " qu'elle possède désormais.
Le fait de supprimer son identité masculine est bientôt effectif, mais il y aurait la
nécessité de faire la paix avec cette identité défunte qui la hante et dont le souvenir restera
peut-être un fardeau. C'est ici ce qui apparaît le plus prégnant dans l'analyse de l'ETA de
Nadège, sa propension à s'engager dans l'acceptation de la mort de AC, sans accepter sa
précédente existence.

2. Julie
Julie est une femme de quarante-huit ans, elle est assez énergique et militante de la
cause Trans. Elle présente son récit de vie en le ponctuant d'informations essentielles pour la
connaissance du transsexualisme. Son récit fut très intéressant vis-à-vis de sa vie personnelle
mais également vis-à-vis de ses connaissances qu'elle glana lors de ses rencontres avec
d'autres personnes transsexuelles.

33
Elle s'est prêtée volontaire dès le début dans le but de partager son expérience et ses
connaissances de la transsexualité. Elle souhaite que la communauté Trans acquiert plus de
visibilité, et elle pense que c'est en s'exprimant que ce bénéfice sera obtenu.
Elle a souhaité nous rencontrer dans le centre LGBT, ou une pièce nous était
gracieusement prêtée. Le protocole fut réalisé en trois rendez-vous. C'est une femme divorcée
avec deux enfants.
Elle a engagé le processus depuis un long moment et attendait jusqu'à maintenant la
date de sa future vaginoplastie. Concernant le versant administratif, elle a réussi à obtenir son
prénom féminin sur sa carte d'identité, devenant officiellement ainsi Monsieur Julie X.
Aujourd'hui elle explique que c'est un immense bonheur d'être reconnu comme elle l'est,
même si cela a totalement bouleversé sa vie. La vie ne lui fait pas peur, même si être Trans
c'est pour elle être victime de discrimination, elle reste sereine parce qu'elle à un entourage,
un milieu social et un travail.

Le tableau suivant présente les résultats de l'analyse thématique ainsi que les éléments
importants mis en exergue par de l'épreuve des trois arbres.

34
Première rencontre et Analyse Thématique Seconde rencontre et Epreuve des trois arbres
Travestissement Actions Arbres Arbres
Mal être Positif(A+,AR) Négatif (A-,AC)
Aspects Corporel
A+ : grandit, apprécié, ambition A- : longévité, seul, beaucoup de chose à dire
Passing
Actions Réalisées (récits)
Emploi
AR : entouré dans une grande fraternité AC : oublié, peur, retirer ses attributs
Annonce
Entourage A+ : de l'air, du vent, de l'eau, de l'espace, devenir A- : Etre aimé, être entouré, le remettre au milieu de
Juridique Actions potentielles (matrices grand et vu de tous, et ne pas devenir vieux et l'activité humaine, retrouver de la jeunesse et ne pas être
Sexualité d’explicitation, c, d, e, f et récits) AR : Etre entouré, le laisser vivre, pousser et considéré comme dangereux AC :
Masculinité VS Féminité rayonner, et refuse d'être étouffé violence, repousser, être entouré, être étouffé
Soutien VS Rejet
Regard de l'autre Registre d'activation de valeur Valeur Contre-Valeur
Solitude Relation à soi Présence Oubli
Clivage Relation à autrui Entourage / Différent Solitude / Egalité
Délivrance Espace Entouré Envahi
Conformité Temps Jeunesse / Vie Vieillesse / Mort
Culpabilité
Acceptation du nom
Femme âgé
Confiance
Envahissement
Association des genres
Les stéréotypes
Femme en ville
Solitude
Recommencement

(cf. Annexe 3a et 3b, p.79 et 85)

35
Combinaison de l'entretien et du protocole de l'épreuve des trois arbres
L'analyse du protocole de Julie a pu mettre en exergue des éléments possiblement liés aux
thématiques qu'elle a pu exprimer lors de l'entretien sur son récit de vie. Tout d'abord
l'association des genres lui a permis de vivre en tant que garçon pendant son enfance, lui
permettant de maintenir une sorte d'équilibre entre elle et il.

A1 lors de son histoire, explique qu'il est au milieu de ses congénères où il peut être
lui-même. Cet idée de congénères peut faire référence à une certaine communauté, comme
celle dont fait partie Julie en tant que militante, où chacun peut être qui il à envie d'être, où le
risque d'être jugé n'est pas présent. Cet arbre représente également le futur et son futur est
explicité dans l'entretien comme vécu en tant que femme.

A3+ est un arbre qui à vécu un certain temps, qui à connu beaucoup d'événements
positifs (l'amour) comme négatifs (la guerre). Il est désormais sujet à la solitude, thématique
explicitée par Julie lors de son récit de vie à travers le fait d'être à la recherche d'un partenaire
de vie et de cette difficulté liée à son parcours de vie Trans. Cette solitude pourrait être
acquise également à travers le fait qu'elle se voit à l'avenir comme " une grand-mère ", qui
favorise le fait d'être une femme, mais une femme âgée. Cet arbre désire retrouver un peu de
jeunesse et Julie exprime le fait de regretter de ne pas avoir eu une vie de jeune femme. On
observe donc les polarités Jeunesse versus Vieillesse. Ces besoins correspondent au fait d'être
remis au centre de l'activité humaine et d’être reconnu pour ce qu'il est. Ce sont également des
éléments qui apparaissent dans le discours de Julie à travers le fait d'obtenir une identité
officielle de femme et le fait de conserver un milieu social et un travail.

Dans l'histoire conjuguant les trois arbres, il fait état du regard des autres qui ne se
posent plus sur eux, leur permettant d'être égaux. Cet élément est très prégnant dans le récit de
Julie à travers son besoin d'être reconnue en tant que femme, à travers son identité officielle
mais également à travers un bon passing. AR, quant à lui, a besoin d'un œil admiratif, de
paraître, qui rappelle fortement le besoin d'être attesté en tant que femme par l'autre. Le regard
de l'autre possède pour Julie le droit d'attester ou non, si elle est bel et bien femme. Le terme
paraître fait également penser à la notion de "passing ".

L'arbre de rêve est également entouré dans une grande fraternité à l'instar du
militantisme de Julie l'intégrant dans une communauté. Cependant, malgré cette présence, il

36
exprime la nécessité d'être entouré sans être étouffé, comme l'explique Julie à propos du fait
d'être une femme dans la rue, qui se méfie des autres dans ce contexte. Cet arbre présente le
fait de la simplicité d'être soi plutôt que d'être un autre. C'est ici un lien explicite avec la
difficulté que Julie avait à se forcer à être qui elle n'était pas.

En somme AR et AC peuvent représenter les parties passée et présente de Julie. AC


est oublié, comme l'est l'identité masculine de Julie. En effet, celle-ci ne possède de masculin
que le genre sur sa carte d'identité, elle fut la seule des trois à ne pas nous confier son prénom
de naissance. Et AC à peur du meurtrier qui pourrait retirer le peu qu'il reste de lui. Si nous
nous penchons sur l'histoire de Julie, nous pouvons observer la prochaine opération qui
correspond à la vaginoplastie, retirant l'ensemble de l'appareil génital masculin. D'ailleurs, sur
le plan sémantique, ce qui est observé en premier à propos de AC est la coupe qui lui a retiré
ses " attributs " d'arbres, terme adaptable à la biologie humaine. Cette femme aura dès lors
juridiquement le droit de requérir une identité officielle féminine. Concernant le bulldozer, il
est explicité qu'il pourrait détruire l'arbre mais pas le souvenir des gens qui l'ont connu. Nous
pouvons aisément faire un lien avec le travail de deuil réalisé par l'entourage de Julie vis-à-vis
de son identité masculine.
Nous remarquons également que l'arbre aimerait se réincarner, vivre jeune avec un
autre corps avec l'expérience acquise. Nous avons ici un exemple de ce que souhaiterait vivre
cette femme d'un âge avancé, qui aurait aimé vivre une vie de jeune femme.

Lors de l'étape 7 du protocole de l'ETA, on observe que AR a fait tomber un arbre sur
la souche de AC et que grâce à cet acte, un autre arbre va pousser. Cela sera vécu comme un
accomplissement, enthousiasment AR. Cet arbre ne sera pas l'arbre de cauchemar mais
l'enfant de AR, de fait il n'y aura aucune concurrence entre ces deux arbres. Il est intéressant
de faire un parallèle avec le fait que Julie, lorsqu'elle était homme a eu des enfants et qu'ils
proviennent de cette ancienne identité masculine, de cet ancien arbre, dont ils resteront pour
toujours les enfants et ce, malgré la mort. Et ce sont peut-être eux qui conserveront et
permettront à l'identité de survivre.

37
3. Aude
Aude est une femme de cinquante-quatre ans, cadre dans le médical. Elle est mariée et
a deux enfants, elle communique facilement et est assez enjouée. Elle a souhaité nous
rencontrer sur notre lieu de vie malgré le long trajet qu'elle devait effectuer. Nous avons
compris sa motivation de se déplacer lors de l'entretien, elle nous a avoué que ce rendez-vous
était pour elle un moment où elle pouvait vivre en tant que Aude, et non pas en Arnaud,
identité sous laquelle elle vit encore très régulièrement, chez elle, au travail et auprès de sa
famille.
Elle fut très motivée à l'idée de participer et de pouvoir s'exprimer, pour un souci de
praticité nous avons choisi d'un commun accord de réaliser le protocole sous les trois rendez-
vous durant entre deux et trois heures.
Aude parle d'elle à la troisième personne à plusieurs reprises dans l'entretien. Elle est
au début de son protocole de la Sofect, n'ayant pas encore eu son rendez-vous auprès des
psychiatres de l'institution, elle vit encore trop peu à son goût en tant que femme. Concernant
le versant juridique, Aude y pense et en parle mais n'est pas encore sure de sa décision
concernant l'acceptation de sa requête de changement de prénom. Le versant biologique est
engagé mais elle ne prenait pas encore d'hormone lors du premier entretien.

Le tableau suivant présente les résultats de l'analyse thématique ainsi que les éléments
importants mis en exergue par de l'épreuve des trois arbres.

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Première rencontre et Analyse Thématique Seconde rencontre et Epreuve des trois arbres
Travestissement Actions Arbres Arbres
Mal être Positif(A+,AR) Négatif (A-,AC)
Aspect corporel A+ : se couvre, spectacle, le renouveau, choisi,
A- : triste, on le regarde, solitude nudité
Passing ébloui
Actions Réalisées (récits)
Milieu Professionnel
AR : l'air de rien, nu, support d'émotions AC : brisé, couché au sol
Annonce
Entourage A+ : eau, chaleurs et vie autour de lui, être à sa
A- : repos, la paix, le débarrasser de ses parasites, et
Carte d'identité place, exister pour ce qu'il apporte, refuse d'être un
refuse d'être mort.
Sexualité Actions potentielles (matrices piège
Expression de la féminité d’explicitation, c, d, e, f et récits) AR : se parer de mille choses, exister, accrocher la AC : bois de meuble, cercueil qui pourri, besoin de
Soutien VS Rejet vie dans ses branches et refuse d'être coupé malgré revivre, pour poursuivre son œuvre, être plus résistant et
Représentation sociale une nouvelle vie possible ne pas être un bois mort.
Conformité
Culpabilité
Epanouissement Registre d'activation de valeur Valeur Contre-Valeur
Dissociation Relation à soi Sérénité / gaité / beauté Révolte / tristesse /moche
Conflictualité Relation à autrui Empathie Egoiste
Image de la femme Espace Le meilleur Le pire
Discretion Temps Vie / Jeune Mort / Agé

(cf. Annexe 4a et 4b, p. 94 et 100)

39
Combinaison de l'entretien et du protocole de l'épreuve des trois arbres
Aude fut très prolixe par rapport au lien qu'elle fit elle-même en parallèle entre sa propre vie
et son protocole d'épreuve des trois arbres.
Dés le commencement du protocole il apparaît un élément qui sera prégnant jusqu'à la
fin, c'est le thème de l'esthétisme. En effet, A1+ est dès le début présenté comme aperçu tous
les jours, il demande à être regardé et symbolise le renouveau. Aude explique qu'elle a besoin
d'exprimer sa féminité au monde extérieur et c'est progressivement que sortir habillée en
femme devient régulier.
Elle ne vit pas encore en tant qu'Aude mais partage son quotidien avec son identité
masculine Arnaud. C'est pour cela que l'esthétisme est aussi important pour Aude, il est un
des seul éléments qui lui permettent d'être une femme auprès des autres. Elle accorde donc
beaucoup d'importance à son apparence. Elle explicite elle-même lorsque que nous
échangions à travers la possibilité que l'arbre A1+ soit utilisé comme piège à oiseaux, qu'elle
soit elle-même prise dans un piège en tant que transsexuelle, car la société ne l'accepte pas.
De plus cet arbre lui évoque le plein d'espérance, la renaissance mais également la difficulté à
renouer avec le passé.
A3- est perçu comme étant triste, mais se révèle plus pensif qu'autre chose. Il est
observé par son entourage, il se demande ce que les autres pensent de lui et se demande si les
gens ont de l'empathie envers les autres. De plus, il est déçu de la réaction de certaines
personnes. Le lien est assez explicite à travers le fait qu'Aude soit encore en phase de coming
out, qu'elle réalise progressivement et se retrouve face à des incompréhensions qui la
déçoivent parfois. Cependant l'arbre, comme Aude, en tire du positif lié à son expérience.

Dans l'étape 7, chacun des arbres échange sur ses conditions et comprend qu'il sont un
unique et même arbre mais à différentes saisons. Aude explique que l'arbre nu A3-, qui
correspond au passé, est l'arbre qu'on ne regarde pas. Elle explique qu'on ne le regarde pas
parce que celui-ci à l'air triste. Il n'attire pas l'œil avec ses couleurs. Nous pourrions faire le
lien avec Aude et son besoin d'être esthétiquement apprêtée et d'exprimer sa féminité, et son
pendant masculin, plus discret.
Concernant les arbres mythiques, ceux-ci se ressemblent beaucoup. Tout d'abord, AR
n'a "l'air de rien", mais il est l'arbre d'espérance, où chacun peut y accrocher sa vie. C'est un
support pour les désirs, les rêves, les émotions joyeuses et tristes. Aude expliquera qu'elle se
construit elle-même et qu'elle se sert des expériences passées des autres en y accordant

40
beaucoup d'intérêt. Et même si l'avenir refusé de l'arbre se réalisait, il pourrait devenir un beau
meuble, rappelant une nouvelle fois l'esthétisme après transformation.

L'arbre de cauchemar quand à lui se décrit comme brisé lors d'une nuit de tempête
ayant fini par céder. Il ne sait pas ce qu'il va devenir, il hésite entre plusieurs hypothèses,
refusant de devenir un bois mort. Aude expliquera que l'arbre est attaché à sa souche et qu'il
pourrait repousser, qu'il serait un bel arbre et plus un arbre de cauchemar. Elle développe le
parallèle avec sa vie, le fait que si elle devait cesser sa transition, ce serait à cause de quelque
chose cassé, une rupture, un bris net à l'instar de cet arbre.

L'histoire commune de AR et AC est intéressante car le lien avec la vie actuelle de


Aude est très explicite. Ces deux arbres sont proches, apparemment semblables et rien ne les
différenciait. Cependant l'un est jeune et l'autre est épuisé par la vie. AC fut brisé, mais il
s'appuya sur AR. De son tronc meurtri naquirent de jeunes pousses plus fortes que jamais et
pleines d'espérance. De plus, ces deux personnalités s'entremêlent et se suffisent à elles-
mêmes. Elles cherchent le contact et s'enrichissent d'autres expériences. Elle cherchent à se
rapprocher des autres, à partager. Aude et Arnaud sont à l'image de ces deux arbres, proches
car littéralement dans le même corps. L'un est jeune, comme l'identité de Aude et l'autre est
plus âgé, usé par la vie, comme Arnaud, qui laisse progressivement sa place à Aude. Ce sont
littéralement deux personnalités qui s'entremêlent et cette femme a expliqué plus tôt qu'elle
s'enrichissait des expériences des autres.

B. Résultats des hypothèses énoncées


Lors d'une partie précédente nous avons mis en exergue une problématique avec
plusieurs hypothèses, nous pouvons désormais vérifier si celles-ci sont valides ou non.

Hypothèse 1 : Notre hypothèse générale établit qu'il existe des similitudes dans les récits de
vie de personnes transsexuelles et ce malgré les différents degrés d'avancement dans le
protocole de changement de sexe. De plus, nous établissons que chez chacune de ces femmes
le regard de l'autre est le décisionnaire de l'acceptation ou du rejet de la nouvelle identité et
qu'il est nécessaire pour celle-ci d'être attestée par l'autre pour exister.

41
Nous avons procédé à plusieurs analyses, d'abord thématiques, permettant de réunir les
éléments, les caractéristiques communes aux récits de vie de ces trois femmes. Nous avons
également choisi de croiser les informations des protocoles de l'ETA et des récits de vie pour
obtenir des éléments plus saillants quant aux valeurs conscientes et non conscientes de ces
femmes.
Analyse thématique
Nadège Julie Aude
Thèmes communs
Travestissement Travestissement Travestissement
Mal être Mal être Mal être
Aspects Corporel Aspects Corporel Aspect corporel
Passing Passing Passing
Travail Emploi Milieu Professionnel
Annonce Annonce Annonce
Famille Entourage Entourage
Juridique Juridique Carte d'identité
Sexualité Sexualité Sexualité
Expression de la féminité Masculinité VS Féminité Expression de la féminité
Soutien VS Rejet Soutien VS Rejet Soutien VS Rejet
Représentation sociale (regard
Regard de l'autre Regard de l'autre
de l'autre)
Solitude Solitude
Clivage Homme/Femme Clivage
Délivrance Délivrance
Conformité Conformité Conformité
Culpabilité Culpabilité
Reconnaissance du nom Acceptation du nom
Thèmes individuel
Protection Femme âgé Epanouissement
Prise de decision Confiance Dissociation
Changement de poste Envahissement Conflictualité
Impact sur l'autre Association des genres Image de la femme
Affirmation Les stéréotypes Discretion
Timidité Femme en ville
Usage de l'alcool Solitude
Trahison Recommencement
Jalousie

La mise en avant de ces thèmes communs et individuels, couplée aux différents


protocoles de l'épreuve des trois arbres, permet d'acquérir un ensemble d'informations quant
aux relations qu'entretiennent ces femmes avec leur identité et avec celles des autres.

A travers les différentes analyses thématiques réalisées, nous pouvons observer un


grand ensemble de singularités liées à la pluralité des parcours de vie de chacune. Nous allons

42
tout d'abord expliciter les éléments communs qui pourraient être adaptés à l'ensemble des
personnes transsexuelles. Il y a tout d'abord la présence chez chacune d'un travestissement
durant l'enfance. L'ensemble de ces femmes exprime que depuis leur plus tendre enfance, il y
a un besoin de s'habiller en femme et d'être femme. Cet élément sera prégnant et présent
durant toute la vie de ces personnes. Chacune d'elle satisfaisant ses pulsions dans des
moments de solitude. C'est à travers le vêtements qu'elles créent leur première identité
féminine, car c'est dans ces moments qu'elle peuvent "vivre femme" ailleurs que dans de leur
esprit. Ces moments sont pour elles des moments très agréables et entrainent de facto une
souffrance lorsqu'elle doivent redevenir l'autre. Certaines de ces femmes parlent de
"déchirement" quand elles doivent reposer les vêtements, traduisant, en quelque sorte, un
exutoire d'une pulsion virulente à être la femme dans le miroir.

Ces femmes font également référence à un certain mal-être. Ce mal-être correspondant


soit au fait de ne pouvoir être femme soit au fait d'être exclue d'un groupe de référence
féminin.
Ce rejet, les plaçant dans une position de non-droit d'être. Nadège souffrit particulièrement de
devoir être avec les garçons là où elle ne trouvait pas sa place. Julie et Aude ont favorisé un
équilibre dans les loisirs, leur permettant de vivre une vie de garçon avec quelques loisirs
féminins.
Il apparaît également que lors de la vie des ces femmes, une ou plusieurs tentatives de
conformité ont eu lieu. Ces tentatives correspondaient surtout à supprimer l'ensemble de leurs
garde-robes féminines et également de tenter de vivre en tant qu'homme. Certaines de ces
femmes ont cependant très bien vécu leur part de masculinité, La tentative de vivre une vie
plus conforme correspondait également à l'obtention d'une vie appelée " binaire ",
correspondant à un mariage entre un homme et une femme. Une vie plutôt " standardisée "
n'acceptant pas de différences comme celle de la transsexualité.
Si ces femmes ont mis un certain temps avant de faire le choix de la transition c'est
également à cause d'un fond de culpabilité. Ces femmes ont pu mettre en avant que devenir
femme, changer d'identité pouvait impacter leur environnement, à l'instar de dommages
collatéraux. Certaines ont peur de l'image qu'elles pourraient renvoyer en tant que
transsexuelles aux futures conjoint(e)s de leurs enfants et, de fait, risquer d'hypothéquer leur
avenir amoureux. De plus, devoir se séparer de leurs conjointes et les laisser à une certaine
solitude favorise ce sentiment de culpabilité. Ces femmes expliquent avoir également
conscience de la possibilité d'être seules à l'avenir, mais elles favorisent plutôt l'expression de

43
leur besoin d'être femme, plutôt que de devoir rester homme et conserver une identité ne leur
permettant pas de s'épanouir pleinement.

Nous observons un élément prédominant dans l'ensemble de ces thématiques, l'impact


de l'autre, particulièrement explicite dans l'ensemble des protocoles. Il est celui qui atteste de
l'identité de ces femmes. Dans le protocole de Julie, il est fait mention de son passing et de la
nécessité d'avoir un œil admiratif de paraître, lui permettant d'être attestée en tant que femme.
Le passing est également un élément central pour ces femmes, puisqu'il correspond au fait de
devoir apparaître physiquement aux yeux des autres comme faisant partie du genre choisi. Ce
passing évolue selon l'avancée du protocole et impacte de façon importante la vie de ces
femmes. Et c'est le regard de l'autre qui va avoir l'impact le plus important, c'est l'autre qui va
attester de leur identité de genre.

L'autre est donc un élément plus que central car ce regard a le pouvoir de leur donner
confiance en elle ou au contraire de les faire entrer dans le plus grand des désarrois. Il est
d'ailleurs important de pouvoir ce concentrer sur cet élément, car pour une personne cisgenre,
le regard de l'autre n'est pas attendu pour justifier d'une identité. Dans le cas d'une identité
nouvelle, il y a comme la nécessité d'une acceptation de la part de l'autre d'exister, d'être la
personne que l'on souhaite être. Et le rejet est vécu comme un refus de la part de l'autre
d'attester que l'on à le " droit " d'être de tel ou tel genre.

Cette identité nouvelle présentée lors de l'annonce à l'entourage personnel comme


professionnel, nécessite également une attestation via l'acceptation du nouveau prénom. Il
apparaît à travers ces entretiens, que l'usage par l'entourage du nouveau prénom est une sorte
d'acceptation de celui-ci et, de fait, du changement effectif d'identité.

Cette attestation correspond aussi bien à l'entourage qu'aux organismes publics.


Toutes ces femmes ont manifesté leurs difficultés de vivre en tant que femme tant qu'elles
n'obtiendraient pas le statut de femme sur leurs papiers officiels. Cela fait partie d'une de leurs
revendications les plus louables, car l'incohérence entre leur physique et leur identité officielle
leur cause des désagréments et provoque des difficultés pour réaliser des démarches
administratives. La carte d'identité dans ce cas-là leur permettrait une reconnaissance
officielle de leur statut de femme, une reconnaissance sociale de leur état. Induisant un droit à
être traitées comme n'importe quelle femme en France. Pour ces trois femmes, l'obtention de

44
leurs papiers officiels est l'objectif final de leur parcours, car cela équivaut à l'ouverture de
leurs droits de citoyennes dans le pays. Cela leur éviterait des situations qu'elles jugent
discriminantes vis-à-vis de l'administration et de toute autre situation où chacun doit se
présenter d'un sexe plutôt qu'un autre.
Cet élément atteste également d'une nécessité d'être reconnue par l'autre, et en
l’occurrence par l'État, comme étant bel et bien une femme. Car cet État régit les lois, est au-
dessus de l'ensemble des droits territoriaux et une fois un statut acquis, personne ne pourrait
revendiquer le fait de ne pas être du genre statué par celui-ci. Cet état de fait explique
également la volonté de ces personnes pour l'obtention de leur identité.

Au terme de cette première analyse nous pouvons donc valider l'hypothèse selon laquelle c'est
le regard de l'autre qui atteste du droit d'existence d'une identité. Celui-ci possède un impact
très important sur le bien-être ressenti à travers cette même identité. De plus, malgré les
différences d'avancement dans les protocoles, nous observons un grande nombre de
similitudes dans les différents récits et ce, malgré l'aspect subjectif du ressenti de l'expérience
du transsexualisme.

Hypothèse 2 : Notre seconde hypothèse générale se concentre sur le fait qu'il est nécessaire
d'accepter une identité passée pour accéder de façon sereine à une identité nouvelle. De fait,
l'intégration de la polarité masculine doit être inscrite dans l'histoire de la personne qui change
d'identité. De plus, un travail de deuil doit être réalisé, autant par la personne que par son
entourage. Cette identité pourra ainsi être établie comme l'unique identité de ce corps.

Pour répondre à cette hypothèse nous avons couplé les deux types de récits, dans le but
d'approfondir les valeurs conscientes et d'éventuellement observer des éléments moins
conscients.

Le rapport à leur propre identité masculine est très important pour l'ensemble de leur
équilibre personnel. En effet Nadège, par exemple, montre un important dualisme interne.
Celle-ci réfute son identité masculine et tente de la réduire à son minimum. Cette lutte
acharnée entraîne chez elle une propension à la souffrance psychique. Nadège fut la seule à
présenter un rejet total de son appartenance au sexe masculin. A contrario, Julie explique
avoir intégré son identité masculine dans son histoire, expliquant qu'elle était un garçon
durant son enfance. Mais paradoxalement, elle gardera son prénom masculin secret. Elle

45
montre à travers ces éléments une importante capacité à associer les genres plutôt qu'à tenter
de dissocier son identité. De plus, il semble que Julie et son entourage aient tous ensemble
réalisé un travail de deuil de l'identité masculine de Julie, favorisant son intégration dans son
histoire passée. L'attestation de ce deuil est explicité également par le fait que cette femme
n'aura bientôt plus d'attributs masculins et pourra donc obtenir une reconnaissance nationale
du statut de femme.
Cette association des genres est également présente dans l'histoire de Aude. Celle-ci
parle de deux identités qui s'entremêlent, qui se suffisent à elles-mêmes. Ce dernier cas
présenté est assez particulier par le fait qu'Aude ne vive pas tous les jours, laissant la plupart
du temps sa place à Arnaud. Dans le cas de Julie et de Aude, il est exprimé l'intégration de
leur vie d'hommes dans leurs histoires personnelles.
La question de l'homéostasie des polarités et donc très importante dans la
problématique transsexuelle. À travers ces trois récits de vie, on observe que la valorisation
d'une polarité au détriment d’une l'autre ne permet pas d'acquérir une stabilité interne mais
plutôt d'entraîner un déséquilibre, favorisant de surcroît une souffrance psychique.

À l'issu de cette seconde analyse, nous pouvons donc valider l'hypothèse selon laquelle il est
nécessaire d'accepter une identité passée pour accéder de façon sereine à une identité
nouvellement créée. Le travail de deuil paraît également nécessaire, autant pour la personne
que pour son entourage.

Hypothèse 3 : Notre hypothèse opérationnelle met en avant l'idée d'un surinvestissement de la


polarité féminine pour compenser le pendant biologique masculin avant l'opération de
changement de sexe.
C'est à travers le discours direct ainsi qu'à travers le discours indirect que nous avons pu
vérifier cette hypothèse.
L'ensemble de ces femmes a également investi de façon plus ou moins importante les
stéréotypes féminins. Certaines d'entre-elles ont, lorsqu'elles vivaient Homme, choisi de vivre
Femme en effectuant par exemple les tâches ménagères de façon maniaque. Ces tâches leurs
paraissaient typiquement féminines. De fait, s'engager dans de telles activités leur permettait
d'être femme. Aude favorise sa féminité à travers son aspect vestimentaire, comme pour
valoriser le fait d'être femme malgré son actuelle masculinité. Aude l'explique très
simplement : elle à besoin d'exprimer sa féminité quelque part et cela passe pour le moment
principalement par le vêtement. Ce qui pourrait être lié à son besoin de se travestir, lorsqu'elle

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était enfant, ce qui lui permettait d'être femme. Son unique moyen à l'époque. Le fait qu'elle
soit au début de son parcours pourrait expliquer pourquoi c'est la seule des trois qui investisse
autant le vêtement. Par ailleurs, Julie explique que lors de ses premières sorties en femme,
mise à part le stress, il y avait une grande part d'euphorie de pouvoir être femme. Euphorie qui
s'est diffractée avec le temps et avec le fait de vivre femme quotidiennement.
Elle explique désormais que le fait de devenir femme a également entrainé le fait
d'avoir peur d'être femme, d'être agressée dans la rue. Il y a ici comme un investissement dans
l'ensemble des éléments de vie féminins. Il peut également il y avoir, comme nous l'avons
explicité plus haut, le déni du masculin pour valoriser et favoriser sa part féminine à travers
un clivage hermétique.

Hypothèse 4 : Notre troisième hypothèse générale est que l'utilisation de l'épreuve des trois
arbres contribue de manière analogique à la mise en récit de soi d'un sujet transsexuel.
Plusieurs hypothèses opérationnelles en émanent.
La première met en avant le fait que l'ETA permet de créer une biographie analogique
permettant au sujet d'exprimer ses attentes et ses possibilités subjectives. Entraînant une
identification importante observable à travers le discours.
La seconde concerne le fait que l'association des deux types de récit permet d'observer
des thématiques permettant un approfondissement du récit de vie avec des valeurs subjectives
plus explicites que dans le récit direct.
Nous avons utilisé les informations obtenues dans les différents protocoles de l'épreuve des
trois arbres pour répondre à l'ensemble des hypothèses précédentes. De plus, nous avons mis
en exergue les verbalisations correspondant à des allusions autobiographiques de la personne
durant le protocole ou pendant les lectures partagées.
Nous présentons dans le tableau suivant, les thématiques mises en exergue dans ledit
protocole.
Nadège

Arbres de base Arbres mythiques Lectures partagées


A2N : "On le replante après Noël donc
pour nous c'est pas une fin" AR : "Je
Implication et Allusion A2: "Mon sapin" A3: " mon chêne, lisais beaucoup au pied de cet arbre"
AC et AR :Utilisation du "Je",
autobiographique pendant on a un problème avec le voisin..." "Amitié et partage ce sont mes valeurs,
"Mes", "On".
l'ETA Utilisation du "Je", "Ma" , "On". c'est ce que je pense" "Rassembler tout
le monde malgré les différences, c'est pas
toujours simple".

Solitude, Altruisme, Fatalité, Protection, fragilité, se sentir aimé,


Thèmes Solitude, longévité, cohésion
destin partage, solitude,

Valeurs subjectives Robuste VS Fragile, Egoïsme VS Longévité VS Mort, Joie VS 47


Altruisme Tristesse, Solitude VS Entouré
Julie
Arbres de base Arbres mythiques Lectures partagées
A2+ :" s'il est oublié rapidement c'est un
coup dur pouvant conduire un humain
au suicide." AR : "il suffit d'être soi, on
joue un rôle de mec, on fait beaucoup
Implication et Allusion
d'effort mais c'est une lutte vaine...""J'ai
autobiographique pendant Utilisation du "Je" "Mes", "On",
fait le tour de la vie et de la vieillesse, est-
l'ETA
ce que c'est mon âge qui m'y fait penser
?" Le regard des autres, c'est toujours le
truc quand on se fait beau ou belle, pour
soi ou pour les autres ?"
Générosité, esthétisme, longévité,
L'oubli, la mort, la peur, la
Thèmes solitude, vieillesse, regard des autres, Partage, solitude, être soi. Vieillesse
renaissance, l'apparence
sagesse
Présence, VS oubli, Jeunesse VS
Vieillesse, Différent VS Egaux, Mort VS Vie, Entouré VS
Valeurs subjectives Entouré VS Solitude Envahi,

Aude

Arbres de base Arbres mythiques Lectures partagées


A1+ : "Ma sœur à du mal a comprendre
pourquoi là ou il n'y à pas de pourquoi..."
"On est prit dans notre propre piège,
quelque chose que la société n'accepte
Implication et Allusion A1+ : "C'est un arbre que je regarde pas" A-: "Ma fille je lui laisse la porte
autobiographique pendant tout les jours de la fenêtre de la Utilisation du "Je", "Mes" ouverte, elle finira par venir""AR :" Le
l'ETA cuisine", Utilisation du "JE", "MA". passing c'est peut être le plus important
pour nous, ca serait presque la clé de la
réussite, qui est fait sur le jugement des
autres et il peut faire très mal quelques
fois"
Altruisme, renouveau, esthétisme, Apparence, esthétisme, espoir,
Thèmes utile , temporalité, solidité, regard des fatalité, renaissance,
autres, l'égalité, destiné, égalité générativité, partage, soutien,

Sérénité VS Révolte, Gaité VS


Le meilleur VS Le pire,
Valeurs subjectives Tristesse,Vie VS Mort, Empathie VS
Renaissance VS La mort,
Egoïsme, Beau VS Laid, Jeune Vs Agé

On observe, pour ces trois personnes, une implication à travers l'utilisation du " Je " ou
bien par le fait qu'elles s'inspirent explicitement de leurs propres vies pour dessiner les arbres.
Lors des lectures partagées, chacune parlait de sa propre vie spontanément alors que
jusqu'alors nous parlions uniquement de l'arbre.
Dans l'ensemble des protocoles on repère un approfondissement de thématiques phares
présentées dans le discours direct. Pour Nadège, un des aspects les plus prégnants de son
protocole est celui de la fragilité que l'on observe dans les valeurs mais également dans son
récit de vie en discours direct. Celle-ci nécessite le soutien et la protection de son entourage
pour continuer à avancer. Sa solitude est également mise en avant textuellement mais
également à travers son besoin d'être entourée.

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Concernant Julie, c'est un autre élément qui est clairement explicité. Celui de l'âge tout
d'abord. Peu mis en avant lors du récit de vie, elle expliquait qu'elle ne serait jamais une jeune
fille et qu'elle serait plutôt une grand-mère. Elle présente, lors de l'ETA, des thématiques liées
au vieillissement, à la jeunesse mais également à la sagesse. En outre, nous observons ici
aussi la thématique de la solitude, comme cela a pu être présenté lors de son récit de vie. On
observe une thématique qui n'avait été précisée qu'à travers le passing, celui du regard de
l'autre, ici encore présenté comme lié à l'apparence physique.

Le protocole d'Aude est très centré autour de l'apparence, comme lors du récit de vie.
Son apparence féminine assez récemment assumée et en pleine expansion et sans doute la
raison pour laquelle elle est aussi prégnante dans le protocole. De plus, on observe l'idée d'une
renaissance que l'on peut allier à l'épanouissement explicité dans le récit de vie direct. Lors
des lectures partagées, celle-ci fut très prolixe, présentant l'intérêt de son passing et les
réactions de sa famille. Ce fut celles des trois qui fit le plus de liens explicites entre ses arbres
et sa propre vie.

Donc, nous pouvons valider l'hypothèse qui stipule que l'utilisation de l'ETA permet
au sujet d'exprimer ses attentes et possibilités subjectives, approfondissant simultanément le
récit direct précédemment explicité. Il est également important de constater que les
informations explicitées dans l'ETA sont plus à attribuer à la personne en elle-même qu’à son
genre. Derrière la personne transsexuelle, il y a une personne et c'est cette personne qui
exprime ses valeurs subjectives.

V. Discussion
La présente étude nous aura permis d'apprendre plusieurs informations. Tout d'abord
que l'usage d'un discours indirect via l'épreuve des trois arbres permet d'approfondir la trame
temporelle et le récit de vie fourni par l'entretien direct. Il est important de présenter l'intérêt
de cette épreuve auprès de ce public, il nous a permis d'observer des valeurs subjectives et les
données conscientes et non conscientes de ces trois femmes. Nous avons pu découvrir un
grand nombre d'informations permettant d'expliciter nos analyses.
Plus précisément la combinaison de ces entretiens nous a permis d'obtenir un regard
complet, large et ciblé sur la vie des ces femmes, avec l'existence d'une trame temporelle et
évolutive. Ce discours a permis d'exprimer les thématiques de vie de chacune, en lien avec
leur subjectivité et leurs singularités. Nous avons dès lors observé un grand nombre de

49
similitudes quant à leurs parcours. Toutes trois ont parlé de leur enfance, de leur familles de
leur métier, des thèmes généralistes, lambdas, non liés à la problématique transsexuelle.
D'autres éléments sont plus caractéristiques de cette identité. Chacune de ces femmes a pu
nous expliquer ses motivations pour le travestissement, son investissement dans le vêtement
féminin qui fut pour certaines le seul moyen de vivre femme, à travers cet élément
symbolique. De plus, le vêtement n'est pas le seul vecteur de féminité. Avec le temps
s'acquièrent des possibilités pour ces femmes, que ce soit les loisirs, le lien social, mais
également l'investissement important dans des stéréotypes genrés. Nous avons pu observer
qu'à travers ce surinvestissement, ces femmes ont pu valoriser leur féminité et ce malgré leur
enveloppe masculine.
Cette étude à pu mettre en avant l'idée qu'il existe bel et bien une souffrance liée à la
non-congruence entre genre et sexe assigné comme le stipule le DSM-V (American
Psychiatric Association, 2015), puisque ces trois personnes ont pu expliciter un mal-être
existant depuis leur plus jeune âge. Mal-être perçu et intégré par ces enfants et futures adultes
tout en passant régulièrement par le travestissement pour exprimer la part de féminité qu'elles
possédaient.
Nous avons également observé l'idée d'une tentative de conformité durant leur
parcours de vie, tentant à maintes reprises de faire disparaître leur volonté d'être autre. Suite à
leurs démarches nous observons également cette même conformité dans l'investissement de la
nouvelle identité qu'elles ont acquise. Une volonté d'être comme les autres, égales.

Pour être acceptée comme une femme dans la société, celle-ci nécessite d'être
visuellement reconnue comme telle, se traduisant par le " passing ". Cet aspect fut très
explicitement mis en exergue par l'ensemble des participantes. Au-dessus de la notion de
passing il y a la nécessité d'être attestée par l'autre comme étant d'une identité, d'un genre
plutôt qu'un autre. Et c'est à travers la reconnaissance de la société que l'identité sera reconnue
par le plus grand nombre. L'État représentant la " Personne " la plus haut placée, celle qui
octroie le pouvoir, et le droit d'être.
De plus cette recherche aura mis en exergue que l'obtention de l'identité nouvelle n'est
qu'une avancée. C’est en effet surtout l'acceptation du prénom par l'autre qui permet d'être
attesté comme ayant droit d'exister. De fait, nous observons que la place de l'autre est centrale
et influe grandement sur le moral de ces femmes. Cela justifie de plus, le grand intérêt qu'elles
ont pour l'obtention juridique de leurs papiers officiels. Il est intéressant de constater que c'est
à travers l'autre que se valide cette identité, dans le cas d'une identité cisgenre de naissance,

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l'identité n'a pas à prouver quoi que ce soit. Une question serait intéressante à soulever : Est-
ce que l'attestation de l'autre est requise par l'autre ou bien par la nouvelle identité ? Ces trois
femmes ont toutes exprimé le besoin d'être questionnées sur leur changement en cours, cela
les rassurerait de l'intérêt de l'autre envers elle. Est-ce que le fait d'attendre l'avis de l'autre ne
signifierait-il pas qu'elles ont besoin d'être rassurées sur ce qu'elles renvoient aux autres ?
Julie explique très bien cet élément. Elle précise que la confiance qu'elle a gagnée, l’a été avec
l'affirmation de son identité mais également via l'acceptation de son identité par l'autre.

Ces trois femmes on naturellement exprimé des valeurs subjectives différentes, liées à leurs
expériences et leur vécu.

Pour Nadège nous avons observé dans les deux types d'entretien une certaine fragilité,
une souffrance encore présente. Elle tente de valoriser le positif pour moins être atteinte par le
négatif. Elle a besoin de soutien pour avancer dans la vie. Nous avons aussi appris que celle-ci
rejette son identité d'origine et que cela pourrait être à l'origine de sa souffrance. Cette étude a
validé l'hypothèse explicitant la nécessité de prendre en compte une identité d'origine, de
l'inscrire dans son histoire pour pouvoir avancer vers une autre identité.
Dans le cas de Nadège cette identité masculine semble réfutée depuis sa plus tendre
enfance et il pourrait être intéressant de suivre sont avancement jusqu'à la suppression de cette
identité, dont elle n'a pas accepté l'existence. Comment est élaborée la fin de l'identité
précédente ? Comment est perçue la nouvelle ? Est-ce que l'obtention de l'identité officielle
permet d'apaiser sa souffrance ?

Julie quant à elle est une femme qui donne beaucoup d'importance à son âge et à son
hypothétique solitude. Elle revient plusieurs fois sur le fait qu'elle ne sera jamais une jeune
fille. Ses valeurs subjectives ont permis de mettre en avant qu'elle a pu associer les polarités
masculine et féminine de son identité lui permettant de mieux intégrer son passé masculin. Ici
nous pouvons aisément faire un lien avec le postulat de Jung (1952) et le mandala archétype
du tout et de l'équilibre de la personne en son entier. Enfin, Aude exprime sa nécessité
d'apparaître comme une femme. Étant au début de son parcours, elle se concentre sur son
passing, et met beaucoup d'espoir sur sa future transition.
Ces trois femmes vivent les choses différemment de part leurs personnalités, leurs vécus
passés et leurs étapes dans la transition. La subjectivité est très importante et nous l'observons
grandement dans l'ensemble des deux récits.

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L'utilisation de ces deux méthodes nous aura permis d'intégrer le fait que malgré un vécu du
transsexualisme commun, ces femmes ne restent pas moins des femmes et que leur genre ne
définit pas ce qu'elles sont et ne module pas l'ensemble de leur vie.

Nous avons pu également mettre en avant la nécessité d'intégrer dans leurs vies, leur
ancienne identité, celle de naissance dans leur histoire. Il s'agit ici d'assembler, à l'instar de
l'animus et l'anima selon Jung (1933) les parties hommes et femmes de chacun. La
valorisation d'une polarité au détriment d'une autre entraîne un déséquilibre pouvant
occasionner une souffrance psychique. Deux de ces femmes ont montré une acceptation de
leur identité passée, permettant ainsi de réaliser un travail de deuil avec l'entourage. L'identité
est ici plus celle d'un genre, d'un corps, plutôt que d'une identité, chacune explicitant que ce
qui change, c'est l'extérieur. Mais l'apparence physique reste ce qu'il y a de plus visible chez
une personne et c’est un support d'investissement nécessitant de pouvoir mettre fin à son
histoire.
Pour deux des trois participantes, il y a eu une identification à une figure féminine très
présente pour elles. Pour Nadège, ce fut ses sœurs mais également sa cousine et pour Aude
c'était une institutrice de maternelle. Selon Bandura (1976), le développement de
l'apprentissage se déroule via l'observation. Ces enfants ont accordé une attention à des
comportements qui suscitaient leur intérêt, voir pour certaines leurs envies et ont intégré puis
reproduit lesdits comportements en privé. Ce choix serait lié à une motivation mais n'est
toujours pas expliqué à ce jour. Aude explicitait qu'il n'y avait pas de " Pourquoi " dans le fait
qu'elle soit ce qu'elle est. Elle ne possède pas de réponse. Elle sait juste qu'elle est depuis
toujours une femme à l'intérieur.

On peut également s'intéresser à la théorie de Jung (1933) vis-à-vis de la sexualité de


ces femmes. Chacune des trois est bisexuelle, voire homosexuelle. Elle ne cherche donc pas à
séduire le sexe opposé, elle cherche à " Être " le sexe opposé. Concernant l'intégration de la
personne de l'animus et l'anima durant l'enfance, il pourrait y avoir un rejet à l'anima ainsi
qu'une identification unique à l'animus ainsi que la volonté de choisir un objet d'amour
correspondant à cet unique animus. Deux des trois femmes m'ont confié avoir de bonnes
relations avec leurs deux parents. Donc il paraît logique que cette différence ne provienne pas
d'une difficulté de rencontre avec l'anima parental mais plus d'une orientation innée à l'instar
du symbole Mercure, où chacun pourrait être homme ou femme et profondément bisexuel.

52
Nous nous sommes également penchés sur l'âge de ces femmes, Nadège a trente-sept
ans, Julie quarante-huit ans et Aude cinquante-quatre ans. Si on se réfère à la théorie de
Bülher (1966), nous pouvons nous intéresser à la période de leur vie à laquelle celles-ci ont
décidé de commencer leur transition. En effet, pour Bülher (1966) c'est entre quarante-cinq et
soixante-cinq ans qu'il y a une auto-évaluation de sa propre vie entraînant une rétrospective en
lien avec une quête identitaire. Ces trois femmes étaient jusqu'alors mariées à des femmes et
ont décidé d'assumer qui elles étaient vraiment. Chacune à des enfants et un travail stable, et
étrangement c'est Nadège et ses trente-quatre ans à l'époque qui explicite le mieux cet
rétrospective à travers la phrase verbalisée lors de notre première rencontre « T’as presque
trente-cinq ans, tout le monde sait, tes amis savent, tes parents savent, mais à un moment
prend ta vie en main ». Ceci est confirmé par la période d'Erickson (1959), entre quarante-et-
un-ans et plus qui parle d'Intégrité personnelle vs Désespoir. Cette période renvoie à la
possibilité d'une rétrospective qui vise à l'acceptation de sa vie passée permettant l'intégration,
ou, au contraire, un rejet se traduisait par une entrée dans une phase de désespoir. Ces femmes
ont sans doute fait une certaine analyse de leurs vies et ont choisi de respecter un peu plus
leurs ambitions et de devenir des femmes sur le plan physique et officiel.

Comme l'explique Millet-Bartolit (2006), la crise du milieu de vie s'organise autour


d'une quête, consciente ou inconsciente, ou de l'affirmation de son identité personnelle.
Chacun se pose des questions par rapport à sa propre identité. À la question du " Qui suis-je ?
", la réponse correspond à l'identité sociale, au statut professionnel, à la situation familiale
mais relève du paraître. Cependant, cela n'est que la face extérieure et cette crise entraîne une
confrontation avec la personnalité qui englobe les aspirations, les talents non exploités ainsi
que des éléments plus profonds. Et ce sont ces éléments qui furent pour ces participantes
réélaborés et enfin intégrés pour exprimer qui elles étaient réellement.

L'épreuve des trois arbres de Fromage (2011) nous a permis d'approfondir les
thématiques explicitées lors du récit de vie direct et nous a permis de mettre en exergue les
valeurs subjectives de chacune de ces femmes. Nous avons pu observer un investissement
pour chacune des étapes à travers l'utilisation de syntaxe particulière et d'anecdotes qu'elles
partageaient volontiers avec nous.

Concernant les limites de cette expérience, elles sont d'abord imputables au faible
nombre de participantes, dû principalement au manque de candidats. Sur une dizaine de

53
contacts, seulement quatre personnes ont souhaité participer et l'une d'entre-elles s'est désistée
après le premier entretien. Il aurait été intéressant d'avoir plus de participants, une dizaine
aurait été suffisant pour permettre de juger des thèmes comme étant invariants. L'avantage
d'avoir trois témoins, c'est d'avoir trois personnes du même sexe, pour avoir un regard
commun sur un genre et donc des points communs vis-à-vis de ce que c'est que d’être femme .
On peut se poser la question d'un éventuel biais de sélection. En effet sur une dizaine de
personnes rencontrées, uniquement trois étaient prêtes à partager leur récit de vie. Peut-être
est-ce dû à une meilleure acceptation, à une meilleure intégration du fait qu'elles soient
transsexuelles. De plus, nous pourrions imaginer l'existence d'un biais lié à une désirabilité
sociale. En effet, ces femmes savent que l'expérience qu'elles vivent peut être communiquée à
d'autres et pourraient avoir envie d'en valoriser les avantages, dans le but de valoriser le
parcours Trans.

Si cette étude était à refaire, nous sélectionnerions plus de participants sur une surface
géographique plus large et nous pourrions par exemple nous orienter vers l'analyse du point
de vue de l'homme (F to M) pour comparer les différences et les points communs entre les
vécus de transsexuel F to M et M to F. Il pourrait également être intéressant de réaliser une
étude longitudinale sur le vécu des personnes transsexuelles pendant l'ensemble de leurs
parcours d'affirmation de leur identité. De l'affirmation physique à la reconnaisse par l'autre.

VI. Conclusion
Cette étude nous aura permis d'intégrer des similitudes entre les parcours de vie de
personnes transsexuelles M to F, ainsi que leurs revendications actuelles. Que la notion
d'identité officielle est pour l'ensemble de ces participantes un objectif à atteindre, une attente
de reconnaissance de la société. Elle nécessite également l'obtention d'un bon passing
correspondant au fait d'être reconnue visuellement comme étant du genre souhaité. Facilitant
ladite reconnaissance de la société.

Nous avons pu mettre en exergue le fait qu'il existe bel et bien une souffrance liée à la
non-congruence entre genre et sexe biologique entraînant une difficulté à vivre en société, liée
au regard de l'autre. Qu'il y a la nécessité pour chacune d'accepter son identité masculine, de
réaliser un deuil pour pouvoir vivre sereinement sa nouvelle identité. Cette nouvelle identité
ne pourra exister qu'avec l'acceptation et la validation de l'autre comme ayant droit de

54
revendiquer le fait d'être femme. Expliquant l'importante volonté de devenir femme
juridiquement parlant.
Nous avons pu intégrer que l'épreuve des trois arbres est un support adapté à la
population transsexuelle, permettant d'expliciter des valeurs subjectives non explicitement
verbalisées. Le support de l'arbre permet à la personne de prendre de la distance vis-à-vis de
sa problématique humaine, mais en même temps de pouvoir s’exprimer et s’identifier à
l'arbre, facilitant son intégration et l'explicitation de valeurs conscientes et non conscientes.

Il aurait été intéressant de pouvoir réaliser une étude longitudinale autour de la


transition complète, du début du protocole à la fin. Et à travers ce laps de temps, réaliser
l'épreuve des trois arbres en début de parcours et en fin de parcours. Ainsi que plusieurs
entretiens tout au long des différentes étapes pour observer l'évolution d'une identité en pleine
mutation.

Cette recherche nous aura permis d'avancer sur nos questionnements, sur notre
connaissance de la population Trans ainsi que sur notre pratique clinique. Il nous aura
également permis de prendre en considération une partie des difficultés rencontrées par les
personnes transsexuelles et il nous paraît d'autant plus important de permettre à l'ensemble de
cette communauté une plus grande visibilité pour une intégration dans notre société. D'abord
considéré comme une maladie, aujourd'hui popularisée, il semble que le mouvement Trans
suive le chemin du mouvement homosexuel, aujourd'hui beaucoup plus ancré et accepté dans
la société française.

55
Bibliographie
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60
Table des matières des annexes

ANNEXE 1 : FORMULAIRE DE CONSENTEMENT LIBRE ET ECLAIRE .............. 62

ANNEXE 2 : RESULTATS DE NADEGE .......................................................................... 63


ANNEXE 2A :PREMIERE RENCONTRE : ANALYSE THEMATIQUE ......................................... 63
ANNEXE 2B : SECONDE RENCONTRE : PROTOCOLE DE L'EPREUVE DES TROIS ARBRES .... 70

ANNEXE 3 : RESULTATS DE JULIE ............................................................................... 79


ANNEXE 3A : PREMIERE RENCONTRE : ANALYSE THEMATIQUE ........................................ 79
ANNEXE 3B : SECONDE RENCONTRE : PROTOCOLE DE L'EPREUVE DES TROIS ARBRES .... 85

ANNEXE 4 : RESULTATS DE AUDE ............................................................................... 94


ANNEXE 4A : PREMIERE RENCONTRE : ANALYSE THEMATIQUE ........................................ 94
ANNEXE 4B : SECONDE RENCONTRE : PROTOCOLE DE L'EPREUVE DES TROIS ARBRES .. 100

61
Annexe 1 : Formulaire de consentement libre et éclairé

62
Annexe 2 : Résultats de Nadège
Annexe 2a :Première rencontre : Analyse thématique
1. Le thème du travestissement :
Nadège présente le travestissement comme un besoin plus qu'une envie, il possède
pour elle une fonction identificatoire au genre auquel elle appartient. Elle le pratique depuis
sont enfance et lui permet de se " retrouver " de " se sentir elle-même ". C'est une action
qu'elle répétera tout au long de sa vie. Elle se constituera plusieurs garde-robes qu'elle jettera
au fur et à mesure en se disant de passer à autre chose, cependant " ça " revenait toujours,
c'était plus fort qu'elle. C'est d'ailleurs au sujet du travestissement que la communication est
entamée avec ses parents. En effet Nadège souhaitait porter les mêmes vêtements que sa
cousine.
De plus, le travestissement sera également le terme utilisé par le psychiatre pour
qualifier les envies de Nadège, encore enfant à cette époque. Ce qui fut très frustrant, la
poussant à «ranger ça au plus profond d'elle-même». Pour elle, le travestissement est encore
trop assimilé au transsexualisme, elle à peur de l'amalgame.
Dans le thème du travestissement nous pouvons également observer le fait que le vêtement
possède une fonction d'affirmation de son identité de genre, c'est par ce biais qu'elle put
s'épanouir. Le vêtement représente ici la féminité et permet d'être femme malgré le fait d'être
un homme. Il outrepasse le sexe pour se conformer au genre.

a. Le sous-thème de l'expression de la féminité :


La féminité est vécue pour Nadège lors de son enfance à travers le travestissement
mais elle s'est rendue compte qu'il n’y avait plus que ça, que le vêtement était le symbole de
quelque chose de plus profond. L'aspect vestimentaire ressort à plusieurs reprises dans
l'entretien, elle ne les achetait pas en boutique, mais sur internet, puis après cinq mois de
traitements hormonaux, elle put rentrer dans une boutique après une très grande appréhension.
Préférant les pantalons aux jupes, elle se fit violence pour en porter une, pour montrer qu'elle
en était capable. Elle dit ne plus y accorder beaucoup d'importance, pour elle la féminité se
joue dans tout autre chose, cela va plus loin que les vêtements.
Mais jusqu'à maintenant le vêtement avait pour elle une valeur d'expression de quelque
chose qu'elle ne pouvait pas être. Le fait qu'elle se fasse violence pour porter une jupe traduit
peut être la nécessité de se conformer dorénavant plus à son genre qu'à son sexe. Se
conformer à des stéréotypes de genre comme celui de porter une jupe alors que les femmes

63
portent de nos jours plus de pantalons que de jupes. C'est comme si le fait d'être femme l'a
forçait à se conformer à une féminité exacerbée par le vêtement.

b. Le sous-thème de l'aspect corporel

Son rapport à son propre corps fut assez difficile, elle ne se regardait jamais dans la
glace. Lors de l'adolescence elle le voit évoluer d'une façon qu'elle n'appréciait pas,
l'apparition de la barbe etc. Le traitement hormonal entraîne une délivrance pour elle. Le
corps reste une part importante de la thématique Trans, c'est l'un des éléments modifiables, à
travers le protocole de la Sofect, avec le traitement hormonal et chirurgical. C'est un aspect
important, qui valide le droit d'être une femme aux yeux des autres, mais également aux yeux
d'elle-même. Malgré cela, elle est capable de faire quelques concessions, par exemple avec la
tonalité de sa voix, qui ne changera jamais et qui restera toujours assez grave.

c. Le thème de la jalousie
Nadège exprime qu'elle fut très jalouse de sa cousine, souhaitant porter les mêmes vêtements
que celle-ci. De plus elle nous avoue avoir été très désagréable avec sa jeune sœur, étant
jalouse que celle-ci soit de sexe féminin et pas elle.

2. Le thème du Mal-être :
Nadège parle aussi tout au long de son récit d'un mal-être, une gêne, une souffrance
d'être garçon à l'extérieur alors qu'elle est fille à l'intérieur. Ce mal-être la poursuivra tout au
long de sa vie, à travers les épreuves qu'elle traversa, l'école fut pour elle quelque chose de
très douloureux.

a. Le sous-thème du Soutien versus Rejet


Nadège exprime à maintes reprises dans son récit de vie, le mal-être à l'adolescence,
elle prend appui sur ses amis pour se reposer. Sa psychologue est quelqu'un sur qui elle
s'appuie, ses rencontres sont pour elle nécessaires et lui permette de ne pas baisser les bras.
Ses parents acceptent mal le fait que leur "garçon" soit différent, mais malgré tout ont
conscience de sa souffrance et accepte de plus en plus son changement, au fur et à mesure que
le traitement hormonal agit. D'autres personnes la rejettent totalement, ne lui parlent plus, ce
qu'elle ne comprend pas. Pour Nadège, son changement est extérieur, à l'intérieur elle dit être

64
la même. Sa sœur ne lui parle plus et sa belle famille avec qui elle entretenait de très bonnes
relations ne souhaite plus la voir. Nadège reste dans l'incompréhension de cette violence.
Le paradoxe est ici important, Nadège change de corps, change de nom et d'identité,
mais dit rester la même. C'est comme si ce qu'elle avait à l'intérieur s'exprimait à l'extérieur,
comme si elle n'avait jusqu'à présent montré physiquement qu'une apparence. Il paraît
compliqué de changer, de pouvoir intégrer l'idée qu'une personne change de nom en restant la
même. La transidentité est pour elle quelque chose de secondaire derrière qui elle est.

b. Le sous-thème clivage Homme/Femme :


C'est une chose qu'elle exprime lors de son enfance, elle à très mal vécu la vie scolaire.
En commençant par une école non mixte, elle était obligée de jouer avec les garçons, elle
redoutait d'aller en sport et usait de stratagèmes pour ne pas y aller, pour éviter le moment de
se retrouver dans les vestiaires des garçons, là ou elle ne trouvait pas sa place. Elle changea
d'école à plusieurs reprises, mixtes cette fois, mais elle était toujours obligée de jouer avec les
garçons, elle vécut encore plus difficilement un internat avec uniforme, la conformant aux
codes masculins, aux locaux masculins restant persona non grata dans les locaux féminins.
Ici nous pouvons nous intéresser au fait qu'elle n'accepte pas de rentrer dans les
vestiaires des garçons. Ce qui est intéressant, c'est de constater que ce ne sont pas les
vestiaires des garçons qui la gênent, mais plutôt de ne pas être accepté dans les vestiaires des
filles. Elle n'exprime pas ici de rejet des garçons mais plus de la place qu'on lui à attribué.
c. Le thème du suicide :
Elle eut beaucoup d'idées noires durant son enfance et plus tard pensant même au
suicide. Et c'est grâce au soutien de son entourage ainsi que de son psychologue qu'elle va
mieux. Longtemps elle s'est sentie seule par le fait de sa différence et elle souhaite aujourd'hui
rester proche de sa famille qui l'a protège.

d. Le thème de l'usage de l'alcool


Nadège nous a confié que lors de son adolescence elle buvait beaucoup parce qu'elle
ne se sentait pas bien. Nous pouvons imaginer que cela était lié à une souffrance dû à son mal-
être, ainsi qu'à la problématique de l’adolescence.

e. Le thème du silence
Intrinsèquement lié au rejet, Nadège s'y confronte à chaque fois qu'elle souhaite parler
des psychiatres qu'elle a rencontrées lorsqu'elle était enfant et dont elle n'a jamais eu de retour

65
de la part de ses parents. De plus, suite à une querelle avec sa sœur cadette, elle ne souhaite
plus la voir.
Enfin, elle reproche aux autres de ne pas poser de questions, de ne pas lui faire de réflexions
en face.

3. Le thème de la sexualité :
Nadège est homosexuelle, elle a toujours été attirée par des femmes, elle s'est mariée
en tant qu'homme avec un femme avec qui elle partage sa vie encore aujourd'hui. C'est un
thème qui nous conduit directement au thème de la sexualité : en effet, Nadège possède
encore aujourd'hui un corps d'homme, mais n'a pas de relation sexuelle. Avec son épouse elles
ont eu des enfants par fécondation in vitro. Force est de constater que le rapport au corps est
encore une nouvelle fois apparent ici, elle n'a pas de relation sexuelle avec une femme alors
qu'elle est attirée par cette même femme. Il est intéressant de constater que malgré le fait que
celle-ci soit de sexe masculin et sa femme hétérosexuelle, le besoin d'être femme outrepasse
celui de correspondre au désir de l'autre. Celle-ci exprime sa chance d'être avec une femme
qui est amoureuse de la personne plus que de son genre et découvre une part lesbienne qu'elle
ne connaissait pas.

4. Le thème de l'annonce :
L'annonce du changement est un thème également central puisqu'il est lourd de
conséquences. Pendant l'enfance, elle commença par exprimer à son entourage, d'abord
familial puis amical et enfin amoureux qu'elle se sentait plus fille que garçon. L'annonce fut
faite tout d'abord aux parents qui prirent cette idée comme une lubie qui passerait tôt ou tard.
Plus tard elle réussit à se confier à ses amis, qui la prirent peu au sérieux mais qui ne furent
pas surpris de la voir démarrer une transition plus tard.

a. Le thème de la prise de décision


C'est un matin, à l'âge de trente-quatre ans, sans raison apparente, qu'elle eut un déclic
: « T’as presque trente-cinq ans, tout le monde sait, tes amis savent, tes parents savent, mais à
un moment prend ta vie en main ».
Elle se résigna à prendre la décision d'entamer le processus de changement et de
l'annoncer d'abord à son épouse, qui fut angoissée par rapport au déroulement du protocole
mais qui ne fut pas surprise ayant vue Nadège souffrir de sa condition. Sa famille a eu
beaucoup de mal à l'accepter, sa mère resta silencieuse plusieurs mois, son père tentant de l'en

66
dissuader. La décision est pour elle " sans raison apparente " mais peut-être que c’était à un
moment dans sa vie ou tout était suffisamment installé pour qu'elle puisse s'affirmer en tant
qu'autre.

b. Sous-thème du Travail :
La thématique du travail est présente dans le récit, comme tout à chacun elle fait partie
intégrante de la vie de Nadège, l'annonce fut assez bien acceptée, bien que tardive dans la
transition de Nadège. L'avantage de Nadège est de travailler dans l'entreprise familiale, elle ne
risquait donc pas de perdre son emploi. Des modifications ont cependant été effectuées, elle
fut placée dans un bureau avec la création d'un poste, certains de ses anciens contacts
professionnels ne souhaitant plus travailler avec elle à cause de sa transition.

c. Le thème du changement de poste :


Nadège travailla sur un stand pendant plusieurs années, mais son père, et patron,
décida de la changer de poste. Elle ne sait pas si c'est parce qu'elle est maintenant une femme
ou si c'est parce qu'elle devait sur ce poste là fréquenter des clients. De plus, elle obtint un un
poste nouvellement créé et cela est pour elle un avantage, puisqu'elle ne risque pas d'être
comparé à la personne qu'elle remplacerai. Ce qui est intéressant ici c'est le fait de ne pas
vouloir être comparé, comme si la nouvelle identité qu'elle possède ne souhaitait pas être
comparée à quelqu'un d'autre. D'être jugée, peut-être que la nouvelle identité est ici trop
"jeune" et nécessite de faire ses preuves, alors que Nadège est dans l'entreprise depuis
suffisamment longtemps pour ne pas devoir montrer de quoi elle est capable.

d. Le thème de la trahison
Une partie de sa belle-famille ne souhaite pas non plus la revoir depuis qu'elle a
annoncé son imminente transition. Ils disent se sentir trahis, lui reproche d'avoir menti, d'avoir
orchestré son changement à venir et d'en avoir profité pour avoir des enfants au préalable.

5. Le thème du regard des autres


Un autre point central du récit de Nadège, le regard des autres : c'est une des raison
pour laquelle elle pense que son père a des difficultés à accepter sa transition. Nadège vit dans
une petite ville où tout le monde se connaît. Elle trouve le regard des gens compliqué,
personne ne lui parle en face de son processus de changement, de son passing.

67
a. Le changement physique et l'impact sur "l'autre"
Le passing est un terme qui désigne le fait d'avoir l'air visuellement du genre à
acquérir, dans ce cas précis avoir un bon Passing signifie avoir l'air d'une " vraie " femme.
Elle préfère qu'on lui pose des questions, pour elle cela prouve un certain intérêt. Avec
l'avancée de sa transformation physique, elle teste l'autre pour se prouver qu'elle a avancé. À
l'école de ses enfants, elle est convoquée pour échanger avec l'équipe enseignante, elle s'y
conforme avec plaisir, pour réduire les questionnements et presque pour mettre un terme à
l'homme qu'elle était.

6. Le thème juridique :
Le versant juridique présenté plus haut est aussi une thématique très explicitée dans
son récit de vie. Il existe un certain vide juridique en France, qui fait que le changement de
prénom est imputable à l'arbitrage du juge. Lors de notre rencontre elle sortait le matin même
du Tribunal de Grande Instance lui refusant son changement de prénom sous prétexte qu'elle
porterait un prénom féminin avec un genre masculin, ils lui ont également proposé un prénom
neutre, ce qu'elle refusa expliquant qu'elle était Nadège, pas quelqu'un d'autre. Les actes
administratifs sont au nom féminin désormais, entraînant une incapacité à réaliser certaines
démarches.
Elle à très mal vécu récemment d'avoir dû être fouillée par un homme lors d'un
contrôle par le personnel de sécurité de l'aéroport, un homme doit se faire contrôler par un
homme et une femme par un femme, et étant donné qu'ils se basent non pas sur l'apparence
mais sur la carte d'identité, elle fut redirigée de façon brutale et un peu dédaigneuse (à son
goût) par l'agent de sécurité féminin qui allait la prendre en charge.
Il nous semble plus pertinent de penser que ce n'est pas le fait d'avoir été fouillée par un
homme qui l'ait gênée, mais plus le fait d'être considérée comme un homme et d'être " rejetée
" par cette femme. Elle n'a pas eu le droit au privilège d'être femme, fouillée par une femme,
et cette " injustice " fut très mal vécue.

6. La tentative de se conformer
Elle tenta à plusieurs reprises de se conformer à un style de vie qu'elle appelle "
binaire ", elle parle de quelque chose qui revenait sans cesse, qui était plus fort qu'elle.
Cette nécessité de se conformer l'a poussée à jeter à plusieurs reprises des garde-robes qu'elle
avait créées au fur et à mesure du temps.

68
C'est dans l'exercice d'être garçon en communauté qu'elle eut le plus de difficultés.
Elle utilisait divers stratagèmes pour ne pas se retrouver dans les vestiaires des garçons. Suite
au diagnostic du " simple travestissement " établi par un psychiatre, elle tenta de ranger " ça "
au plus profond d'elle-même.

7. Le thème de l'affirmation
Nadège est depuis plusieurs années dans une troupe de théâtre. Son premier rôle fut
celui d'un homme, qui portait un bandana et devait chuter. Lors d'une représentation, son
bandana tomba et ses cheveux longs se dévoilèrent aux yeux de tous. C'est un exercice qui lui
octroya beaucoup de plaisir car elle put exhiber son changement. C'est à travers cet " accident
" qu'elle put s'exprimer aux yeux de tous en montrant sa différence.
Cet exercice est pour elle assez risqué puisqu'en imposant sa transformation en cours elle
risque de se heurter au rejet de l'autre. Nous pouvons penser qu'elle teste les autres mais
également sa capacité à affirmer qui elle est réellement.

a. Le thème de la reconnaissance du nom


C'est à travers toutes les activités externes où son prénom fut changé qu'elle prend
confiance en elle. Elle prend cet état de fait comme une mise en confiance, une acceptation de
l'autre, de qui elle est. Le prénom, première image de la personne, permet d'affirmer une
identité plutôt qu'une autre. Ici celle d'une femme qui était considérée jusqu'à présent comme
un homme.

8. Le thème de la timidité
La timidité est un de ses traits de caractère les plus apparents. Durant l'entretien, elle
n'établit pas de contact visuel avec nous. Elle est hésitante, à peur de faire des erreurs. Cette
caractéristique se retrouve à plusieurs reprises dans son discours. Elle explique que ces amis
la trouvaient très timide, peu sure d'elle et c'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle s'engagea
dans une troupe de théâtre. La question de la timidité est intéressante. Nous pourrions nous
poser la question de la part du transsexualisme dans ce trait de caractère. Elle n'est pas à l'aise
avec son identité depuis son enfance, elle à du mal avec sa propre image, cela peut avoir
entraîné chez elle un manque de confiance important la mettant en difficulté par rapport aux
autres.

69
Annexe 2b : Seconde rencontre : Protocole de l'épreuve des trois arbres

Arbres de base :
A1- :

« Je pousse au fur et à mesure des saisons. Je supporte la météo, le froid, la chaleur, la


pluie et le vent. Souvent seul, je trouve ma place dans les prairies. Ma vulnérabilité fait
de moi un arbre fragile »

70
A2 :

« Souvent on me trouve et me connait dans les régions montagneuses. L'hiver, je suis


recouvert de neige. Parfois en station, je contemple et j'écoute les rires des enfants. Les
mêmes rires que procurent les cadeaux déposés à mes pieds le soir de Noël»

71
A3+ :

« Je traverse en général plusieurs dizaine de décennies. Selon mon implantation je vois


grandir plusieurs générations d'hommes et de femmes. Ma robustesse me donne un coté
sûr et rassurant»

Matrice d'explicitation :
Caractéristiques E5 : Arbre + : A3 E6 : Arbre - : A1
Les feuilles
A: Perçu Le tronc (il me rassure)

72
La durabilité (on a envie d'être
B: Ressenti comme lui de durer dans le La hauteur
temps)
C: Besoin Être taillé (élagué) Arrosage
D: Action Être attentif L'arroser
Là ou il y a de l'espace,
Grand, Imposant Pousser à l'écart des autres,
E: Devenir désiré
beau (c'est ce qu'on veut pour
lui)
Tronçonné à sa base et finir en
F: Devenir refusé Coupé en deux par l'orage
bois de chauffage

Etape 7 :
«L'arbre + était la depuis des années, a mal prit l'arrivé de l'arbre - à ses pieds. Après de
longues années - ne poussant pas très vite, + lui expliquait que - était sur son territoire et
qu'il prenait mal l'arrivée de -. -Lui expliqua donc qu'il pouvait être complémentaire et
qu'il fallait trouver force et amitié. + Finit par se dire que - avait raison. Aussi naquit
une belle amitié entre les deux arbres.»

Etape 8 :
«Non loin les uns des autres, les trois arbres -, N, +, apprirent à vivre ensemble, le +
arrivé depuis plus longtemps voit arriver - et N. - fut planté et 2 arriva après noël. Ils se
racontaient des histoires car chacun à un vécu et une expérience différente. Ils puisèrent
inspiration et force de ces diverses histoires ce qui les aides aujourd'hui à grandir en
cohésion.»

Analyse :
Concernant le protocole de base, il fait état d'arbres polarisés à différents niveaux, l'un
est robuste l'autre fragile. Les A3+ et A1- possèdent une grande longévité, traversant les
saisons et les décennies, A+ est le plus ancien et A2N le plus jeune. Dans les histoires
communes A3+ et A1- nécessitent une action de l'autre pour vivre et leur devenir désiré et
refusé se rejoignent, ils souhaitent tous deux grandir et refusent de mourir. On peut également

73
relever à travers l'histoire de A3+ la polarité "Egoïsme versus Altruisme", avec un arbre qui
souhaite donner du plaisir mais qui résiste à partager l'attention et son territoire.
Les trois arbres finissent par trouver une cohésion pour vivre ensemble par le partage de
vécus et d'expériences différentes.
Les commentaires en italique proviennent des lectures partagées, ne figure donc pas dans le
protocole fourni.

A1- pousse au fur et à mesure des saisons. Il supporte les éléments météorologiques, il
est seul et trouve sa place dans les prairies. Sa vulnérabilité fait de lui un arbre fragile. (E4)
A1 est perçu à travers ses feuilles (5a), et ressent de la hauteur (5b). Il nécessite la satisfaction
de besoins vitaux celui d'être arrosé (5c, d), il désire pousser à l'écart des autres (5e) et refuse
d'être coupé par l’orage (5f). A1 est à la fois protégé par l'autre arbre mais également
facilement attaquable par celui-ci , dû à une trop grande proximité. Il souhaite en être mit à
l'écart pour prendre de l'ampleur. Il supporte les éléments car il a poussé de façon à les
supporter.

A2 se décrit comme connu dans les régions montagneuses, il est recouvert par de la neige en
hiver. Il contemple et écoute les rires des enfants lorsque des cadeaux sont ouvert à ses pieds à
Noël. (E4)

A3+ quand à lui se décrit comme traversant plusieurs décennies et il voit grandir plusieurs
générations, il se présente comme robuste ce qui lui donne un aspect sur et rassurant. (E4)
Il est perçu à travers son tronc (5a), qui rassure, avec un sentiment de durabilité (5b). Ses
besoins requiert de l'attention (5d) pour être taillé (5c), son devenir désiré est celui de devenir
grand et imposant (5e) et son devenir refusé celui d'être tronçonné et fini en bois de chauffage
(5f).
Il voudrait faire le bonheur des voisins, c'est un arbre qui donne du plaisir. Il aimerait avoir
une vie stable, voire passer des générations de personnes. Malgré le fait qu'il soit robuste il a
besoin de l'autre pour être élagué, pour respirer. S'il était coupé à sa base il ne repousserait
pas, et si la souche dérange elle serait sans doute arrachée.

Dans l'histoire commune d’A+ et A-, il y a présentation d'une rivalité entre un arbre planté
anciennement et l'arrivée d’A-. A+ devait partager l'amour qu'on lui donnait à lui seul. A+
empêchait même A- de pousser, pouvant être mit en lien avec le besoin d'espace de A-(5e). La

74
communication entre les deux arbres leurs permis de devenir amis étant tout deux
complémentaires.

Les arbres mythiques :


AR:

« Je rêve de donner du plaisir en partageant mes cerises avec les oiseaux et les hommes.
Je rêve de grandir et d'évoluer dans un espace avec d'autres cerisiers. Je rêve aussi de
durer dans le temps et d'offrir plus de plaisir».

75
AC:

« Après que la foudre soit tombée, j'ai été coupé en deux. Le pire arriva on me
tronçonna pour me transformer en bûche et finir en bois de chauffage.».

Matrice d'explicitation :
AR AC
a- Perçu Les cerises La façon dont il a été coupé
La tristesse, les années
b- Ressenti Le plaisir , la joie écoulées pour être aussi grand
et être coupé en deux.
c- Besoin L'entretien Plus de besoin
(je mets rien ça colle pas avec
d- Action (ne vois pas)
l'histoire)
Pas forcément trop grand ni Il souhaiterais repousser et
e- Devenir désiré
trop haut, être accessible redevenir ce qu'il était
f- Devenir refusé Du bois pour la cheminée Du bois pour la cheminée

76
Etape 11 :
« AR & AC rêvent de durabilité , de faire plaisir. C'est une façon pour eux de tuer le
temps qui passe. Pour AR le rêve se réalise, ainsi le temps passe plus vite. En revanche
pour AC, la vie brise parfois nos rêves. Sa vie est écourtée par un violent orage qui
écourte de manière brutale sont passage sur notre terre. Le cas de AC nous rappelle
combien la vie est précieuse et qu'il faut profiter de l'instant présent ».

Analyse :
L’Arbre de Rêve (AR) rêve de donner du plaisir en partageant ses cerises, il rêve
également de grandir et d'évoluer dans un espace avec d'autres cerisiers. Ainsi que de durer
dans le temps et offrir plus de plaisir. (E9)
Cet arbre obtient du plaisir en faisant plaisir à l'autre, cependant c'est un acte qui n'est pas
forcément réciproque, ce qui est assez égoïste, il faudrait au moins lui planter un autre arbre
pour qu'il se sente moins seul.
L'Arbre de Cauchemar (AC) est perçu à travers ses cerises (9a) et évoque le plaisir/la
joie (9b), il nécessite de l'entretien (9c) sans savoir quelle est l'action qui y correspond. Cet
arbre à besoin de se sentir aimer. Il doit rester accessible (9e) et ne pas devenir du bois pour
la cheminée (9d).

On retrouve des éléments mis en exergue précédemment, c'est-à-dire la polarité


"Egoïsme Versus Altruisme", avec le partage non réciproque. C'est un arbre qui à besoin
d'être aimé, et qui se sent seul et aurait besoin d'être entouré.

Ac a subit la foudre, il a été coupé en deux, le pire est arrivé il fut tronçonné
transformé en buche et finit en bois de chauffage. (E10). Il est perçu à travers la façon dont il
a été coupé (10a), il évoque la tristesse, les années écoulées pour être aussi grand et être coupé
en deux (10b). Il n'a plus de besoin (10c). Il souhaiterait repousser et redevenir ce qu'il était
(10e) et ne pas finir en bois pour la cheminée (10d). La souche aurait besoin d'être protégée,
S'il repoussait il deviendrait sans doute plus fragile à cause de sa jeunesse il ne serait sans
doute plus ce qu'il était avant l'orage.

On repère ici que le devenir désiré de chaque arbre est identique, que AC a vécu le
pire, et qu'une renaissance le changerait sûrement, lui redonnant une jeunesse qui le rendrait
fragile.

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Le ressenti des deux arbres est également polarisé Joie VS tristesse, l'un doit pousser et l'autre
doit s'en empêcher pour rester accessible.

Concernant l'histoire des deux arbres, les deux rêvent de durabilité, de faire plaisir
pour tuer le temps qui passe. Le rêve de AR se réalise, le temps passe plus vite, alors que pour
AC la vie brise parfois nos rêves, sa vie est écourtée par un orage, qui écourte sont passage
sur Terre. AC nous rappelle que la vie est précieuse et qu'il faut profiter de l'instant présent.
(E11)
La mort de AC n'as pas d'impact sur AR vivant loin l'un de l'autre, AR qui continue de vivre et
de grandir, il y a des gens tristes pour AC. Si la foudre est tombé sur AC c'est peut être par
malchance, ou peut-être qu'il était déjà en train de mourir et que l'orage l'a aidé.

Ces deux arbres coexistent au même moment, possédant des rêves communs celui
d'une longévité, et de faire plaisir, ensuite il y a comme deux destins divergent, l'un réalise
son rêve et l'autre non. On retrouve l'idée de la polarité "Longévité versus Mort", et la
thématique de l'altruisme. On repère une certaine fatalité tout au long du protocole, le fait d'un
certain égoïsme par rapport à l'autre et au destin qui frappe. On repère aussi que l'un continue
de grandir et que l'autre est réduit à des bûches vouées à bruler.

Nadège conclu en présentant que l'amitié et le partage sont ses valeurs, que partager
l'espace avec chacun malgré les différences ce n'est pas toujours simple.

78
Annexe 3 : Résultats de Julie
Annexe 3a : Première rencontre : Analyse thématique

1. Le thème du travestissement
Pour Julie la transidentité a toujours été présente, pour elle c'est inhérent au
transsexualisme. Elle pratiqua le travestissement tout au long de sa vie, à partir de ses cinq ans
où elle empruntait vêtements et maquillage de son entourage féminin, toujours dans des
moment de solitude. Tout en gardant toujours un regard sur la voie d'arrivée de la maison,
évitant à tout prix d'être découverte. Elle se constitua plusieurs garde-robes qu'elle jetait
parfois en se promettant de ne plus jamais recommencer.

a. Le sous-thème de l'envahissement
Se travestir, être femme, fut pour elle une envie de plus en plus envahissante, plus elle
était femme dans la vie, plus il était difficile pour elle de revenir à l'homme qu'elle devait être.
Le bonheur qu'elle obtenait par le biais d'être femme était tel qu'il était difficile pour être de
faire marche arrière et ainsi redevenir homme.

b. Etre femme à travers les stéréotypes


Son rôle d'homme ne lui a jamais trop correspondu, elle exprima sa féminité à travers des
codes de stéréotypes féminins, comme pratiquer de façon intensive les tâches ménagères. De
plus elle explique qu'elle s'attachait à des idéaux machistes pour favoriser la pratique des ses
activité dites "féminines". C'est ici, plus que le vêtement, un investissement dans la
symbolique du féminin. En effet, celle-ci investi des activités féminines pour vivre femme,
même si elle réduit le rôle de la femme à des activités stéréotypiques.

c. Se conformer
À travers le fait de jeter ses diverses garde-robes on peut observer une tentative de se
conformer au sexe qui lui a été attribué à sa naissance. Elle explique avoir tenter maintes et
maintes fois d'enterrer sa transidentité sans y arriver totalement. C'est dans un esprit de
conformité qu'elle s'est mariée et qu'elle a eu des enfants.

79
d. Le thème de la culpabilité
Mais c'est justement cette conformité qui l'a tout d'abord empêchée d'engager la
démarche de changement de sexe. Elle explique, qu'à trente ans, elle eut envie de sauter le pas
mais elle ne s'y risqua pas pour épargner sa famille.

e. Le thème de l'association des genres


Elle explique que quand elle était enfant, elle était garçon, un garçon qui jouait à des
jeux de garçon mais qui dans des moments de solitude jouait à se maquiller et s'intéressait
beaucoup à la mode. On pourrait établir que c'est durant l'enfance qu'elle tenta d'allier les
deux genres dans un même corps, en ne rejetant pas le fait d'être un garçon et en étant fille
lors de certains instants. Elle exprime qu'elle pense qu'elle aurait pu favoriser des activités
masculines pour tenter "d'enterrer" sa transidentité.

2. Le thème du mal-être
Cela lui occasionna un fort mal-être, une souffrance psychique de devoir se forcer à
être quelqu'un qu'elle n'était pas, qu'elle n'était plu, de devoir redevenir homme par nécessité,
de ne pas être soi.

3. Le thème de la masculinité versus féminité


Julie considère avoir été toute son enfance un petit garçon, pas malheureux de sa
condition, jouant et aimant jouer à des jeux de garçon mais ne négligeant pas de jouer à la
poupée, d'aimer la mode et les vêtements. Ce qui était le plus difficile était de cacher qui elle
était vraiment, et de devoir ranger ses vêtements féminins.
Le fait d'être un homme l'a toujours aidée à tenter d'enterrer sa transidentité, elle était
un homme qui aimait les femmes, il était donc logique qu'elle soit un homme, et donc que la
nature était bien faite.

a. Le sous-thème aspects corporels


Elle n'eut jamais d'aversion envers son corps d'homme, cependant, désormais elle
préfère ne plus avoir de relations sexuelles du coté masculin ne se sentant pas à sa place. Elle
suit un traitement hormonal et inhibiteur de testostérone, réduisant fortement sa libido. Si elle
souhaite recourir à la réassignation de sexe c'est uniquement pour les papiers officiels mais
surtout pour pouvoir à nouveau avoir une vie sexuelle. Accepter son corps est ici démontré à

80
travers le fait qu'elle ait pu avoir des relations sexuelles et qu'elle puisse dire qu'elle était un
garçon dans son enfance. D'une certaine façon Julie a pu tolérer son corps d'homme, s'y
habituer pour mieux vivre le fait de vivre en homme.

b. Le sous-thème du clivage
Elle parle des difficultés de clivage entre les hommes et les femmes, elle ne savait plus
où était sa place dans ses anciens groupes sociaux. La question que l'on pourrait se poser : est-
ce qu'elle ne savait pas où se situer ou était-ce les autres qui ne savait pas dans qu'elle groupe
l'intégrer ? La différence tient au fait de l'assurance de la personne dans le rôle qu'elle possède
et il a existé chez Julie une période de transition où sa place s'est modifiée au fur et à mesure
du temps.

c. Etre une femme en ville


Devenir femme a entrainé chez elle de nombreux changements. Elle explique se sentir
plus vulnérable en ville, et avoir peur du harcèlement de rue. Ainsi que la peur du Outing, la
peur de subir des violences verbales ou physiques liées à de l'homo/transo-phobie. Il est
intéressant de constater que ces nouvelles peurs, particulièrement celle d'être agressée en tant
que femme, est une peur qui provient du fait d'être physiquement une femme. C'est une
nouvelle peur qui se crée avec le fait d'être identifiée comme une femme.

4. Le thème de la sexualité
Vie sexuelle avec d'autres femmes, se sentant attirée uniquement par les femmes et ce
depuis toujours. Julie s'est considérée hétérosexuelle lorsqu'elle était homme et homosexuelle
depuis qu'elle est femme.

5. Le thème de l'annonce
Lorsqu'elle prit la décision de devenir une femme, biologiquement parlant, sa femme
ne l'accepta pas et demanda le divorce, il fut décidé d'un commun accord d'une garde alternée.
Sa fille eut un peu plus de mal, mais maintenant tout se passe mieux. Elle vit les sorties en
public en tant que femme comme une délivrance, une euphorie. Cette délivrance est à relier
avec la sensation d'envahissement ressenti par Julie lorsque celle-ci commença à " être
femme". La délivrance correspond au fait de ne plus devoir ranger ses vêtements de femme, et
de ne plus être cloisonnée dans ce rôle d'homme.

81
L'annonce pour elle fut difficile, les débuts de la transition où il y a nécessité de
convaincre les autres de l'appeler par un prénom féminin alors qu'elle-même juge son
apparence comme étant très masculine. Son homosexualité est difficilement acceptée en plus
de sa transsexualité.

a. Le sous-thème Soutien versus Rejet


Certains de ses amis l'ont soutenue, d'autres l'on rejetée. Cependant, elle précise qu'elle
accepte le rejet. Ce faisant, c'est comme si elle était une nouvelle personne et ces "anciens"
amis ne sont pas amis avec cette nouvelle personne. Elle laisse derrière elle une identité et un
passé qui ne l'acceptent pas.

b. Le sous-thème de l'emploi
Dans son emploi cela s'est plutôt bien déroulé, l'établissement où elle travaille ayant
déjà connu des antécédents de changement de sexe dans des établissements analogues. C'est
un événement important pour elle et son parcours, puisque c'est l'acceptation de qui elle est,
malgré le fait d'être nouvelle, elle n'aura pas besoin de faire ses preuves dans sa nouvelle vie,
lui permettant de garder ses acquis professionnels.

c. Le sous-thème de l'entourage
Concernant son entourage, ses amis masculins se sont habitués à son prénom mais
résistent quelques automatismes et le " Il ". C'est un automatisme qu'elle accepte, car elle ne le
juge pas comme étant volontaire, elle parle plus d'une réminiscence d'un passé, rappelé dans
une situation précise.

6. Le thème du regard de l'autre


a. Le sous-thème du passing
Le passing fut pour elle une difficulté très importante, elle dut attendre un an avant
d'obtenir un résultat qu'elle juge acceptable. Etre appelé " Monsieur " est très mal vécu, et
renvoie à sa première identité. Elle s'habille de plus en plus comme elle le souhaite, elle
souffrait jusqu'alors de ne pas être suffisamment une femme visuellement. Pour que son
passing soit acceptable il faut une alchimie globale, elle explique que le rouge à lèvres n'est
pas suffisant pour être une femme mais qu'il n'est pas forcement nécessaire. Dans ce cas
précis, nous pourrions nous intéresser à la question de l'autre. En effet, si l'autre affecte Julie,
c'est parce que c'est lui qui atteste de son identité visuelle. Elle est convaincue d'être une

82
femme, mais elle est très touchée dans le cas où on l'appelle Monsieur. Cela nous ramène au
fait d'être appelée par son nouveau prénom, cela atteste de son identité de femme et donc de
son identité tout court. C'est l'autre qui atteste du fait qu'elle soit Femme.

b. Le sous-thème de la confiance
Pour elle, l'unique chose fondamentale c'est la confiance en soit. Confiance qu'elle dit
avoir gagnée même si ce n'est pas toujours simple pour elle. Cette confiance a été acquise par
le fait qu'elle soit désormais femme dans la vie de tous les jours. Elle avoue avoir été mal à
l'aise au départ mais s'être habituée. Cette confiance a donc été gagnée au fur et à mesure que
son identité s'est affirmée, en lien avec l'acceptation de l'autre.

7. Le thème juridique
Cette confiance fut acquise également par le biais d'être reconnue comme Julie et non plus
comme un homme comme cela est encore précisé sur sa carte d'identité.
Elle voit son avenir comme étant une grand-mère, elle est gênée par le fait de n'avoir eu une
vie de jeune fille, mais elle projette que ses petits enfants l'appelleront " Mamie ". Elle sera
une femme âgée, mais une femme quand même.

8. Le thème du recommencement
Elle explique que certains trans tournent la page, changent de vie, deviennent de
nouvelles personnes, pour éviter les rejets et pour ne pas être pris pour " un homme devenu
femme ". Elle explique que pour certains c'est plus simple. Pour elle, cela voudrait dire de
quitter ses enfants et son travail. Son avantage c'est d'avoir été acceptée par ceux-là. Son père
lui a exprimé « qu’il était fier, que Julie avait réussi ". Cette phrase exprime le fait qu'en
devenant Julie, elle devient une nouvelle personne qui doit faire ses preuves, qui doit prouver
de quoi elle est capable et cet élément est tempéré par le fait qu'elle a pu garder son poste et
ses relations avec ses enfants. C'est comme si le fait de changer de sexe entrainait une tabula
rasa sur ce qu'elle a fait jusqu'à présent. Qu'elle repartait de zéro.

a. Le thème de l'acceptation du prénom


L'acceptation de son " nouveau " prénom ne représente pas simplement un signe
distinctif mais correspond au symbole de la nouvelle identité. Désormais appelée par un
prénom féminin, Julie installe son identité de femme et l'acceptation de son nouveau prénom
est pour elle une sorte d'acceptation de la part de l'autre. Cet état de fait est exactement le

83
même vis-à-vis du juridique et du fait que si le tribunal accepte son changement de prénom
c'est en quelque sorte qu'il reconnaît qu'elle est une femme.

9. Le genre outrepasse le risque de solitude


Le genre et le sexe sont ici bien différenciés, malgré le fait qu'elle soit à l'origine
homme hétérosexuel, elle préfère devenir homosexuelle pour obtenir un sexe correspondant à
son genre, malgré le fait que celui-ci l'entraîne en dehors d'une vie " hétéro-normée ". Ici, il
est important de constater qu'il paraît plus important d'acquérir le sexe qui correspond au
genre plutôt que de favoriser une vie hétéro-normée, facilitant les rencontres. En effet, si elle
était restée homme, elle serait sans doute rester avec sa femme, cependant sa position
d'homme ne lui convenait pas, elle se risque donc à la solitude pour obtenir le sexe correspond
à son genre. La solitude est un élément qu'elle sait qu'elle risque, de part son statut de
transsexuelle, mais également du fait de son homosexualité et de son âge. Elle explique
cependant qu'elle aimerait avoir quelqu'un dans sa vie, mais qu'elle ne peut pas être assurée de
trouver quelqu'un.

84
Annexe 3b : Seconde rencontre : Protocole de l'épreuve des trois arbres

Arbres de base :
A1:

« Je suis au milieu de mes congénères. Dans la forêt naturellement. Je n'ai d'autres


utilités que d'être moi-même si je peux être généreux »

85
A2+ :

« On m'a planté dans un jardin. J'ai grandi ici dans l'objectif d'être un bel ornement.
On m'apprécie pour le blanc de mon écorce et la tendresse du vert de mes feuilles. »

86
A3- :

« Voilà longtemps que je suis ici j'ai connu beaucoup d'hommes et de femmes qui sont
venus s'aimer à mes pieds. Mais j'ai aussi vu des hommes se cacher derrières mon tronc
lors de batailles guerrières. Aujourd'hui on vient peu me voir et pourtant j'ai beaucoup
de choses à dire».

Matrice d'explicitation :
Caractéristiques E5 : Arbre + : A2 E6 : Arbre - : A3
Le vert tendre le blanc de
A: Perçu Le manque de feuille
l'écorce

B: Ressenti Sérénité, la beauté Vieillesse et solitude

87
C: Besoin De l'air du vent de l'eau D'être aimé d'être entouré
Le remettre au milieu de
D: Action Lui laisser de l'espace
l'activité humaine
E: Devenir désiré Devenir grand et vu de tous Retrouver un peu de jeunesse
D'être considéré comme
F: Devenir refusé Vieux et oublié
dangereux

Etape 7 :
«Le vieil arbre qui était au milieu de la forêt s'est retrouvé à l'orée du bois lorsque les
hommes ont coupé une partie de la forêt pour construire des maisons. Le bouleau est
devenu sont voisins lorsqu'il a été planté dans le jardin d'une maison».

Etape 8 :
«Les hommes étant partis, la forêt repousse et les trois arbres se retrouvent tout trois au
milieu de cette forêt. Plus personne ne les distingue. Les yeux des hommes n'étant plus
posés sur eux, ils sont redevenus égaux».

Analyse :
A1N est au milieu de ses congénères, dans la forêt. Il n'a d'autre utilitée que d'être lui-
même, mais il peut-être généreux. (E1)
Il est généreux parce qu'il produit des fruits, il produit également de l'ombre, le partage n'est
pas forcément réciproque comme dans notre société. Partager ne veut pas forcément dire
qu'on est attentif aux autres, on produit pas forcément pour les congénères.
On observe ici le thème du partage, de l'utilité et d'une certaine communauté.

A2+ se décrit comme ayant été planté. Il a grandi dans l'objectif d'être un bel
ornement. Il est apprécié pour le blanc de son écorce et la tendresse du vert de ses
feuilles.(E4).
Cet arbre a de l'ambition, il veut sortir du lot et après on s'aperçoit que ce n’est pas facile de
sortir du lot.
Cet arbre est perçu par son esthétisme (5a) et procure sérénité et beauté (5b). Il a
besoin de vent et d'eau (5c) ainsi que de l'espace(5d). Son devenir désiré est de devenir grand
et vu de tous (5e) et son devenir refusé est d'être vieux et oublié (5f).

88
S'il devient vieux progressivement il aura vécu et comprit que c'est le déroulement normal des
choses, s'il est oublié rapidement c'est un coup dur, pouvant conduire un humain au suicide.
Si c'est un glissement lent on peut s'adapter. Il est trop prétentieux, il ne respecte pas assez les
autres, ceux-ci risquant de se détourner de lui. Ca peut être dû à un accident de la vie, le
manque de reconnaissance, d'une erreur.
On observe ici le thème de l'esthétisme, celui de le l'espace, c'est un arbre ambitieux qui veut
être vu de tous, qui veux grandir. La polarité "Présence Versus oubli" est présente.

Ses racines sont différentes, il n'en a pas, ça ne le souci pas, il est insouciant il n'a pas
l'expérience des tempêtes, il veut monter et être vu et n'a pas envie de s'arrêter. Ce n'est pas
sage de présenter autant de prise au vent sans de bonnes racines. De bonnes racines assurent
contre les coups durs.

A3- se décrit comme ayant prit place il y a longtemps, il a connu beaucoup d'hommes
et de femmes qui sont venus s'aimer à ses pieds. Il a également servi pour se cacher lors de
batailles. On vient peu le voir malgré le fait qu'il ait beaucoup de choses à dire. (E4)
On observe ici le thème de la longévité, il a vu plusieurs générations d'humains, témoin de
l'amour mais également de la guerre, il était entouré il est maintenant seul mettant en exergue
la polarité "Entourage Versus Solitude".
A3- se décrit comme manquant de feuilles (6a), procure un sentiment de vieillesse et
de solitude (6b), il a besoin d'être aimé et d'être entouré (6c) pour cela il a besoin d'être remit
au milieu d'activité humaine (6d). Il désire retrouver un peu de jeunesse (6e) et refuse d'être
considéré comme dangereux (6f). Cet arbre permet d'exprimer des polarités non explicitées
précédemment, celle de la "Jeunesse Versus Vieillesse" et celle de " Espace Versus être
entouré".
Il voudrait partager son expérience, pour retrouver un peu de jeunesse il peut jouer
avec les éléments, sur un versant plus métaphorique, la sagesse, il peut retrouver le regard
des autres.
Il voudrait être reconnu pour qui il est, qu'on reconnaisse son expérience; ses mérites même
sans sa beauté physique. Etre considérer comme dangereux ça le désolerait, il essayerait de
dire qu’il n’est pas méchant, mais on ne contrôle pas le regard des autres.

Dans l'histoire conjuguant A+ et A-, le vieil arbre s'est retrouvé à l'orée du bois car les
hommes ont coupés une partie de la forêt. Le bouleau est devenu son voisin lorsqu'il a été

89
planté dans le jardin (E7) d'une maison. Les deux arbres subissent leurs environnement, l'un
est planté et l'autre a survécu à la coupe. Le bouleau est un arbre plus jeune, et le plus vieux
peut revivre certaines choses à travers le regard du plus jeune, retrouver un peu de jeunesse.
Arbre - est content d'avoir survécu mais il était peut être étouffé par son entourage, fondu
dans la masse, ça lui permet d'être regardé.
Polarité d’être mis en avant versus être fondu dans la masse, Jeunesse versus vieillesse.

A+, A-, An raconte l'histoire des hommes qui sont partis, la forêt repousse, les trois
arbres se retrouvent tous trois au milieu de la forêt. Plus personne ne les distingue. Les yeux
des hommes ne sont plus posés sur eux, ils sont redevenus égaux. (E8)
Ils ont chacun leurs particularités, la différence on s'y habitue c'est plus génant. Ils ne sont
pas égaux face à tout, mais chacun possède ses avantages et ses inconvénients. Ils n'ont pas
les mêmes objectifs, ni les mêmes centres d'intérêts.

Les arbres mythiques :


AR:

« Il rêve d'être entouré de congénères dans une grande fraternité».

90
AC:

« Il est oublié et a peur de voir le bulldozer venir retiré le peu qu'il reste en lui».

Matrice d'explicitation :
AR AC
La fraicheur et la clarté du La netteté de la coupe qui lui
a- Perçu
vert à retiré ses attributs d'arbres
b- Ressenti Beauté, sérénité La violence
c- Besoin D'être entouré De repousser
d- Action Le laisser vivre naturellement L'entourer de jeunes pousses
Il veut pousser pour rayonner
e- Devenir désiré Redevenir un arbre
baigner dans la lumière
Une souche envahie par les
f- Devenir refusé Il refuse d'être étouffé ou isolé
champignons

91
Etape 11 :
« L'arbre de rêve laisse tomber un fruit au milieu de l'arbre de cauchemar ce fruit
donne naissance à un nouvel arbre qui pousse au milieu de la souche qui ainsi revit ».

Analyse :
L'arbre de rêve est entouré de ses congénères dans une grande fraternité. (E9)
Cet arbre est perçu à travers la fraicheur et la clarté (9a) de ses couleurs, évoque la beauté la
sérénité (9b). Il a besoin d'être entouré (9c) et de le laisser vivre (9d). Son devenir désiré est
de pousser pour rayonner baigné dans la lumière (9e) et son devenir refusé est d'être étouffé
ou isolé.
Cet arbre est seul, il est prés de ses congénères il est sans doute passé à coté de
certains échanges, il est seul au milieu de la foule, l'intérêt c'est de pas être seul, de ne pas
être étouffé par des gens qu’on ne connait pas. Il a besoin d'un œil admiratif, de paraître, il a
renoncé à certaines choses, il est devenu moins grand, il faut savoir se contenter de ce qu'il y
a et de savoir en jouer au mieux. Ce n’est pas difficile d'être soi même, c'est plus simple d'être
soi.

L'arbre de cauchemar est oublié et a peur de voir le bulldozer venir retirer le peu qu'il
reste de lui. (E10).Il est perçu par la netteté de sa coupe (10a), qui lui a retirer ses attributs
d’arbres (10b). Il ressent de la violence (10c). Il a besoin de repousser et d'être entouré de
jeunes pousses (10d). Il désire redevenir un arbre (10e) et refuse d'être une souche envahie de
champignons (10f).
Il est tributaire de son meurtrier, il ne peut qu'attendre que le fruit de quelqu'un
d'autre fasse pousser un nouvel arbre. Il ne peut rien faire que de vivre avec le peu de vie qui
lui reste. Echanger avec les autres. Le bulldozer peut détruire ce qui reste mais ne pas
détruire ce qu'il y a dans la mémoire de ceux qui l'ont connu. Il a vieillit on l'a trouvé inutile
on l'a coupé, on l'a trouvé dangereux. Il a juste vécu il n'a rien fait pour mériter ça, il a fait
comme tout le monde.
La souche c'est aussi de la mémoire et les champignons vont effacer cette mémoire là.
Le rêve c'est de repartir, de repousser, mais avec l'expérience acquise. L'arbre sera différent,
un autre arbre l'idéal ça serait la réincarnation, vivre jeune avec un autre corps, on revit
dans un autre arbre.

92
L'histoire entre AC et AR raconte le fait que AR laisse tomber un fruit au milieu de
l'arbre de cauchemar, ce fruit donne naissance à un nouvel arbre qui pousse au milieu de la
souche et revit. (E11)
Laisser tomber par rêve ou par compassion, volontaire. Cela va enthousiasmer AR, un
accomplissement, c'est une satisfaction, il va devenir vieux mais pour l'instant le souci n'est
pas là.
Il va avoir un lien très fort entre AR et le nouvel arbre vu qu'il est sont enfant, donc pas de
concurrence entre eux, cela va satisfaire l'envie d'être entouré de l'arbre.

93
Annexe 4 : Résultats de Aude
Annexe 4a : Première rencontre : Analyse thématique
1. Le thème du travestissement
Aude pratique le travestissement depuis qu'elle est enfant, elle a toujours aimé se "
déguiser " mais n'a jamais intégré cet intérêt et n'a jamais souhaité en faire un jeu. Elle se
travestissait dans des moments de solitude. Elle a eu une adolescence qu'elle juge très
classique, pratiquant beaucoup de sport mais prenait plaisir lors d'après-midi en solitaire
d'emprunter les vêtements de sa sœur.
Elle à rencontré sa future femme et lui a avoué ce penchant pour se " déguiser ", sa
femme l'accepta sans exprimer une compréhension de cette envie. Le fait de remettre les
vêtements d'Arnaud (son nom officiel) et de ranger ceux de Aude est très difficile, c'est
comme une impression de cacher une partie d'elle. Enlever le maquillage lui laisse toujours
une pointe d'amertume et la pose à se questionner sur le retour d'Aude. Le couple a eu deux
enfants, sa femme accepta qu'Aude s'habille en femme lorsqu'elle n'était pas là, pour qu'il
s'occupe des enfants, tant que ceux-là ne pouvaient pas se souvenir.
La dimension humoristique du travestissement a toujours été évitée par Aude, ne souhaitant
pas en faire quelque chose dont les gens pourraient rire. Il est intéressant de constater que,
même enfant, elle était capable de différencier ce qui était pour elle un jeu et ce qui était une
expression d'elle-même.

a. Le sous-thème de l'expression de la féminité


Aude dit avoir besoin d'exprimer sa féminité au monde extérieur, d'exprimer au dehors
ce qu'elle avait au-dedans. Elle commença ensuite à sortir dehors habillée en femme,
progressivement elle passa du quartier à se balader, à faire des rencontres dans des sex-shops.
Elle put s'exprimer en femme sans être jugée. Avec l'arrivée d'Internet elle multiplia les
rencontres, plus les rencontres s'enchaînaient plus son idée murissait. C'était une période assez
dure, elle était très demandée en Aude, mais devait assumer sont rôle de père, de mari, de
professionnel en tant qu'Arnaud. Sa femme lui imposa de prendre une décision et elle
rencontra un psychiatre.
Tout au long de sa vie elle prit soin de son corps, en tant qu'homme elle faisait
beaucoup de sport pour se donner une structure, pour ressembler à quelque chose, et cette
particularité reste existante à travers l'importance que donne Aude à son apparence extérieure.

94
Aujourd'hui Aude s'habille de façon féminine, elle ne porte que très peu de pantalon, et cela la
questionne par rapport à sa démarche, elle voit les autres Trans s'habiller en basket et se
demande pourquoi elle à besoin de s'habiller de façon aussi coquète.
Ici le vêtement est l'unique symbole de féminité que possède Aude, n'ayant ni
traitement ni chirurgie. Il lui permet de s'exprimer en tant que femme, d'exprimer cette part
invisible qu'elle ne peut exprimer aux autres. De plus, Aude avait lors de ses rencontres, de
nombreuses relations sexuelles avec les hommes, elle utilisait ces rencontres pour affirmer sa
féminité, pour faire vivre Aude. Lors de la prise de rendez-vous auprès du psychiatre, elle le
prit pour Aude et c'est à partir de ce moment précis quelle cessa toute vie sexuelle, puisque
Aude existait.
Il est intéressant de se concentrer sur la valeur que possèdent le sexe et les relations
avec l'autre, qui par leurs aspects intimes, attestent l'existence de Aude. Peut être que par le
biais de la prise de rendez-vous d'Arnaud pour Aude, elle a elle-même attesté de son existence
et n'a donc plus eu besoin de se le prouver à elle-même.

c. Le sous-thème du regard des autres


Elle explique que pour elle, la personne au fond ne change pas, que c'est uniquement
l'extérieur qui change, que c'est la représentation sociale qui change également. Elle aime
beaucoup qu'on lui dise qu'elle est mieux en Aude qu'en Arnaud, elle dit que cela ne l'a
conforte pas dans son choix, mais l'aide à le faire.
C'est l'attestation par l'autre qui favorise la transformation physique, qui valorise son
choix et lui permet d'être plus Aude que Arnaud. On peut penser que dans le cas où le rejet de
son choix était avéré, elle vivrait différemment son changement.

d. Le sous-thème du passing
Le regard des autres est très angoissant pour elle, la question du passing est centrale,
elle trouve cette démarche difficile et les réflexions blessantes. Encore une fois, nous
observons que le regard de l'autre est nécessaire à l'affirmation et à la valorisation de cette
nouvelle identité. Même si elle choisit sa nouvelle identité, elle à besoin d'une acceptation
sociale qui lui permette de vivre Aude de façon libre et confiante.

e. Le sous-thème de l'aspect corporel


Jusqu'à maintenant Aude ne vit qu'occasionnellement, elle vit avec retenue pour ne pas
" agresser " sa femme, malgré le fait que celle-ci lui achète des vêtements et qu'elles soient

95
complices. Celle-ci l'encourage de plus en plus à vivre en Aude, mais à côté de ça celle-ci
peut être également très piquante dans ses réflexions ramenant Aude à sa réalité d'homme "
déguisé " en femme, ou de femme dans un corps d'homme.

f. Le thème de l'image de la femme


Aude parle d'une femme qui fut un modèle de la féminité. Elle fut marquée par sa
première institutrice de maternelle incarnant pour elle la féminité qu'elle souhaitait acquérir.
C'est une image, un modèle toujours présent.

2. Le thème de la dissociation
Aude parle d'elle et d'Arnaud à la troisième personne, c'est comme si deux entités
vivaient dans le même corps. Il y a une sorte de dissociation entre ces deux personnalités qui
n'ont pas les mêmes fréquentations. Elle explique qu'elle voulait, lors d'une relation
amoureuse, vivre des moments d'homme mais également des moments de femme. La
transition est en cours bien qu'aucun traitement ne soit encore acquis.
Cette transition est uniquement sociale. Aude n'existe que très rarement, même si ces
temps sont de plus en plus réguliers et vont en grandissant, jusqu'à la future disparition
d'Arnaud, selon le souhait de Aude. D'ailleurs, sa sœur a exprimé avoir peur de " le perdre ".
C'est comme si le changement, la disparition d'Arnaud, le tuait, alors qu'Aude explique être la
même personne dans un corps différent.

3. Le thème de la conformité
Aude expliquera lors de l'entretien qu'elle n'avait pas une vie malheureuse, mais que
celle-ci ne fut pas aussi épanouissante qu'elle aurait pu l'être. Elle explique que c'est la vie qui
lui a dicté sa vie d'Arnaud, mais que Aude est son propre choix. Elle s'est conformée à sa vie
d'homme, hétérosexuel sans trop se poser de question.

a. Le thème de la discrétion
La nuit permit à Aude d'exister. Elle passa beaucoup de temps dans des sex-shops la
nuit. Elle put y rencontrer une population qu'elle juge dans " une grande misère sexuelle ",
dans une détresse affective. Cet environnement lui permit d'exprimer qui elle était, de faire
vivre Aude. Cet établissement lui permit de réaliser plusieurs rencontres avec l'avantage d'être
sur un lieu connu et protecteur.

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Malgré le fait qu'elle exprime n'avoir de compte à rendre à personne, Aude essaie de
ne pas avoir l'air trop exubérante. Elle explique que c'est surtout pour sa femme qu'elle tente
d'être discrète quand elle est Aude. L'expression de cette féminité est régie par le besoin de
garder une certaine sobriété, une discrétion. Il serait intéressant de savoir si, suite au divorce,
Aude restera discrète ou non.

b. Le thème de la conflictualité
Plus Aude existait plus ses relations familiales en pâtissaient. En effet cette nouvelle
identité faisait qu'Arnaud n'était pas souvent à la maison et sa femme acceptait de moins en
moins que son mari ne disparaisse. Elle le convainc donc de prendre un rendez-vous chez le
psychiatre. Il est intéressant de constater que cette femme se plaignait de la " disparition " de
son mari. La question est de savoir si elle parlait de sa disparition dans l'espace ou de sa
disparition physique.
Aude s'est créée au fur et à mesure des rencontres un grand nombre de connaissances
en tant que Aude. Ce réseau social fut tel qu'il empiéta sur la vie d'Arnaud et ne laissa que peu
de temps libre. Son téléphone ne faisait que sonner, entraînant une mauvaise entente dans le
couple et dans la famille.

c. Le thème de la culpabilité
Dans le fait qu'elle limite Aude dans sa maison commune avec sa femme, nous
observons le fait qu'elle évite d'agresser sa femme. De plus, elle exprime à plusieurs reprises
s'inquiéter pour l'avenir de sa femme, qui se retrouvera dès la séparation, célibataire.
Elle a également peur d'hypothéquer l'avenir de ses enfants quant à leurs futures
relations amoureuses, car il lui semble difficile de présenter un père transsexuel.

4. Le thème du juridique
Aude met en avant que malgré l'opération, elle ne sera jamais une " vraie " femme,
biologiquement elle restera un homme. C'est peut être pour cela qu'elle est intéressée par le
fait d'intégrer le genre "neutre" sur les cartes d'identité. Ici nous observons qu'Aude vit sa
transsexualité comme une situation qui possède ses limites, elle explique qu'elle ne sera
jamais biologiquement une femme et ne serait pas dérangée d'avoir le genre " neutre " sur sa
carte d'identité. Elle revendique plus le fait de ne pas être un homme que d'être une femme.

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5. Le thème du mal-être
La prise de rendez-vous avec le psychiatre lui permit de se libérer d'un poids, elle pu
exprimer au psychiatre son mal-être. Dès lors, elle cessa toute vie sexuelle mais continua à
sortir dans le monde de la nuit pour faire vivre Aude. Elle n'avait plus besoin de s'exprimer
auprès des hommes, elle apprit à se suffire à elle-même. Lors des rendez-vous, Aude n'était
pas à l'aise, elle était heureuse de parler de Aude mais en souffrance en parlant d'Arnaud. Au
fur et à mesure des séances, Aude finit par venir habillée en Aude. Ce rendez-vous confirma
sa décision d'entrée dans le protocole.
Aude explique que lors du coming out, il y a des phases d'euphorie et des périodes de
souffrance. Sa sœur eut beaucoup de questions, qui entrainèrent une remise en cause des
choix de Aude. Elle se demandait pourquoi son psychologue ne l'avait pas dissuadée de faire
l'opération, celui-ci lui expliqua que son travail était de l'accompagner dans la mesure où elle
n'était pas en dépression et dans un délire avec trouble de la personnalité.
Nous constatons qu'elle eut besoin de se rassurer auprès de son psychologue, sa
décision n'étant que très récente, ses questionnements sont très importants et nombreux.

6. Le thème de l'annonce
En 2015 elle a décidé d'en parler à son entourage, elle a annoncé son choix de
réaliser une transition à ses deux enfants. Le fils a exprimé ses craintes et a interprété son
choix comme une volonté de changer de vie. Aujourd'hui il communique beaucoup plus avec
Aude sur la transsexualité, sa fille quant à elle reste silencieuse, ne pose que très peu de
questions et ne s'est pas exprimée sur le sujet. Aude ne sait pas encore comment leur présenter
Aude. Son fils a exprimé ses craintes que Arnaud tourne la page pour se consacrer à Aude, à
l'image d'une table rase de son passé. Aude explique qu'elle peut comprendre ce choix de
changer de vie, mais ne le souhaite pas, préférant garder contact avec ses enfants et sa famille.

a. Le sous-thème du « Soutien versus Rejet »


Elle pense qu'elle vivrait très mal le rejet de la part de ses enfants et de sa femme.

b. Le sous-thème de l'entourage
Sa sœur lui fit comprendre que sa décision impacterait toute sa famille et qu'elle ferait
souffrir sa propre mère et ses frères. Aude évita le sujet, préférant repousser la situation à plus
tard. Sa sœur lui témoigna tout de même un soutien infaillible quels que soient ses choix
futurs.

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La réaction fut plus négative de la part de sa belle-sœur et de son mari, s'inquiétant
pour sa propre sœur. Aude leur reproche le silence, le manque de question, traduits pour elle
comme un manque d'intérêt. À l'instar de sa fille qui ne pose pas non plus de questions, elle
préférerait même une réponse négative que rien du tout. Elle s'inquiète beaucoup au sujet du
rejet de la part des autres.

c. Le sous-thème du milieu professionnel


Concernant le milieu professionnel, elle n'a prévenu que quelques collègues, qui la
soutiennent et lui proposent de parler de sa transition si jamais elle en avait besoin. Elle
exprime une libération d'un poids, lui permettant de passer à autre chose.
Aujourd'hui travaillant dans le médical elle a conscience qu'avec la cinquantaine passée, au
point de vu physique, santé et mental, elle n'a plus beaucoup de temps pour en profiter. Que
ce parcours, elle doit le réaliser maintenant ou jamais. Tout en espérant ne pas être confrontée
au " Jamais ", elle est très angoissée face à ça.

7. Le thème de la sexualité
Aude se considère comme une femme bisexuelle, attiré par les hommes et les femmes
et appréciant être regardée par les deux sexes. Elle n'a jamais vraiment pris de plaisir dans ses
relations avec les femmes en tant qu'homme, et a du mal à se positionner vis-à-vis de sa
sexualité.

8. Le thème de l'épanouissement
Elle dit ne pas avoir eu une vie malheureuse, mais pas forcement épanouie, elle
accepte son passé mais regrette uniquement de pas avoir fait ce choix plus tôt, et de l'avoir
accepté. Elle dit qu'elle se sentira épanouie lorsqu'elle vivra en Aude au niveau social,
familial et professionnel.
Elle voit son avenir à travers le prisme de Aude. Elle pense que lorsqu'elle pourra
vivre Aude tous les jours elle pourra se projeter sur d'autres choses. Aude est ici le vecteur
d'un avenir heureux, selon une vision nouvelle celle du féminin. Aude ne projette donc pas sa
vie tant qu'elle n'est pas Aude, comme si son identité actuelle était terminée et la nouvelle ne
commençait qu'à émerger petit-à-petit.

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Annexe 4b : Seconde rencontre : Protocole de l'épreuve des trois arbres

Arbres de base :
A1+:

« Je suis l'arbre que l'on aperçoit tous les jours par la fenêtre de la cuisine. Je fais vivre
les saisons, au printemps je me couvre de milliers de petites fleurs blanches et jaunes qui
donneront de merveilleux fruits rouges dans quelques mois. A moi tout seul je suis un
spectacle, prenez le temps de me regarder, je symbolise le renouveau, les oiseaux
viennent chanter, perchés sur mes branches... Le chant des merles, des mésanges, le
printemps m'a choisi pour vous éblouir. Même la pluie qui fait glisser ses gouttelettes
d'eau sur mes feuilles d'un vert tendre devient un enchantement. »

100
A2 :

« Voilà, ouf dirais-je, plus de fruits, les fortes chaleurs sont terminées, les pluies
automnales m'ont permis de me redonner un peu de vigueur pour pouvoir être encore
plus beau. Je me pare de couleurs chaudes, rouge, jaune, orangée, je couvre le sol de ces
mêmes couleurs, pour égayer cette triste pelouse. Plus flamboyant il n'y a pas, ma vue
réchauffe les esprits alors que les corps s'emmitouflent à l'approche de l'hiver»

101
A3- :

« J'ai l'air triste, sombre, sans vie autour de moi. J'ai bien la visites de quelques
moineaux et mésanges qui viennent picorer les boules de graines déposées parmi mes
branches. Mais je suis bien là, droit à braver les vents, les bourrasques, les gelées. On me
regarde, mais à quoi peut-on bien penser en voyant mes branches nues. Justement à
quoi pense t-on? Au printemps prochain ? A ce qu'on va faire l'année suivante ? Vous
êtes là à me regarder, à vous questionner, alors profitez de ces moments d'apaisements
que la nature vous offre.»

102
Matrice d'explicitation :
Caractéristiques E5 : Arbre + : A1 E6 : Arbre - : A3
A: Perçu Eclatement des bourgeons Solitude, nudité
Chercher dans l'avenir une
source de réconfort, là on sait
B: Ressenti Sérénité et envie
qu'il n'est pas mort, la vie est
là.
Eau et chaleur et la vie autour
C: Besoin Le repos
de lui (oiseaux, abeilles)
Préserver la nature, prendre Le laisser en paix, voir le
D: Action conscience de notre impact sur débarrasser de ses parasites de
l'environnement ces bois morts.
Être là à sa place, ne pas
prendre la place d'un autre Apporter la vie être apprécié et
E: Devenir désiré
mais exister pour ce qu'il utile aux autres.
apporte
Un piège à oiseaux, une
F: Devenir refusé Un arbre mort!
potence, un sacrifice

Etape 7 :
A+ : Bonjour je suis le printemps
A- : Bonjour je suis l'hiver
A+ : Regarde comme je suis beau, avec mes fleurs mes jeunes feuilles d'un vert luisant, les
oiseaux viennent chanter sur mes branches, bientôt je vais offrir de magnifiques fruits rouges,
tout le monde viendra se régaler sous mes branches. Mais toi, pourquoi es-tu si triste ?
A-: Triste ? Moi ? Je n'en ai pas l'impression.
A+ : Mais si regarde, tu es nu, tu n'as rien à offrir.
A-: Je suis là et j'existe. Je n'ai rien à donner pour l'instant seulement.
A+ : Bah, tu es moche à regarder.
A-: Mais quand tu me regarde, ce n'est peut être pas moi qu'on regarde.
A+ : Et on regarde quoi alors ?
A-: On regarde ce que tu as envie de voir, ce que je serai bientôt.
A+ : En fait moi on est autour de moi que pour mes fruits, mais on ne me regarde pas?
A-: Je n'ai pas dis ça !
A+ : J'aimerais être comme toi
A-: Tu le seras et moi je serais toi
A+ : Dans ce cas là, on est les mêmes ?
A-: Oui nous sommes les mêmes, mais pas à la même époque.

103
Etape 8 :
A+ : Je veux être le plus beau
A- & N : Facile tu es le plus jeune
N : Mais moi aussi je suis le plus beau, mes couleurs n'ont pas à pâlir devant les tiennes
A+: Oui mais moi j'ai aussi des fruits
A- : Moi j'ai déjà eu tous ces artifices
A+ & N : Ah oui, toi aussi tu as été beau et envié ?
A- : Oui moi aussi, nous sommes tous les mêmes, un jour beau, un jour rayonnant, un jour
sombre puis un jour mort
A+ & N : Alors on va devenir comme toi
A- : Certainement. On a tous le même destin. Il suffit juste d'en être conscient et d'apprendre
l'humilité, mais profitez tout de même de votre beauté. Et de vos atouts, mais n'en faites pas
non plus un culte, un arbre mort éveille parfois plus de mystères qu'un arbre fleuri et
flamboyant.

Analyse :
A1+ se décrit comme celui qu'on aperçoit tous les jours , il fait vivre les saisons, il se
couvre de petites fleures qui donneront de merveilleux fruits. Il est un spectacle, il demande
à être regardé, il symbolise le renouveau, des oiseaux viennent chanter sur ses branches.
L'arbre à été choisi par le printemps pour vous éblouir. Il transforme la pluie en
enchantement. (E4)
On observe ici la thématique du changement, il a été élu pour être un spectacle, un avènement.
Le thème de l'esthétisme est présent. Il est utile car il fait vivre les saisons, et donne des fruits,
il est altruisme. Il est actif, il a un effet sur son environnement.

Il est perçu à travers l'éclatement des bourgeons (5a) et évoque sérénité et envie (5b), il
a besoin d'eau, de chaleur de vie autour de lui (5c), et pour cela la nature doit être préservée,
et on doit prendre conscience de notre impact sur l'environnement (5d). Il souhaite être à sa
place, ne pas prendre celle d'un autre, exister pour ce qu'il apporte (5e) et refuse d'être un
piège à oiseaux, une potence, un sacrifice (5f).
Dans le cas où il serait utilisé comme un piège à oiseaux ça serait difficile, il sentirait de la
révolte, de la colère, de l'amertume. Cet arbre évoque le plein d'espérance, la renaissance, la
difficulté à renouer avec le passé.

A2N est satisfait de ne plus avoir de fruits, que les fortes chaleurs soit terminées. Les
pluies lui ont permis de retrouver un peu de vigueur lui permettant d'être encore plus beau. Il
se pare de couleurs, et couvre le sol de ces mêmes couleurs pour égayer cette triste pelouse. Il

104
n'y a pas plus flamboyant que cet arbre, il réchauffe les esprits pendant que les corps se
couvrent à l'approche de l'hiver.(E4)
On retrouve une nouvelle fois la thématique de l'esthétisme, cet arbre s'embellit et embellit
son environnement.

A3- se définit comme ayant l'air triste, sombre, sans vie autour de lui. Il a la visite de
quelques oiseaux qui viennent se nourrir de nourritures déposées parmi ses branches. Mais, il
est bien là, brave les vents, les gelées. On le regarde, mais il se demande à quoi peut-on bien
penser en voyant ses branches nues. Il souhaite plutôt que ceux qui le regarde profite de ces
moments d'apaisement que la nature leur offre.
Il est perçu par sa solitude et sa nudité (6a), il fait évoquer le fait de chercher dans
l'avenir une source de réconfort, on sait qu'il n'est pas mort, la vie est là (6b).Il a besoin de
repos (6c) pour cela il faut le laisser en paix, le débarrasser des parasites de ces bois morts
(6d). Il souhaite apporter la vie, être apprécié et utile aux autres (6e) et refuse de devenir un
arbre mort.(6f).
Il est perçu comme triste, mais ce n'est par qu'une apparence, il réfléchi beaucoup. Il est
observé par son entourage, il se demande ce qu'on peut bien penser de lui, il ne sait pas si les
gens ont de l'empathie envers les autres. Il faut être très mal pour attirer l'attention, il est
déçu de la réaction de certaines personnes . Il à de l'expérience, il y a quelques chose de
positif.
On observe ici les polarités vie versus mort, l'empathie versus l'égoïsme, et les thématiques de
solidité ,du regard des autres.

L'histoire entre les arbres a+ et a- met en scène une conversation, a+ se présente


comme beau, les oiseaux viennent chanter sur ses branches, il offre des fruits dont tout le
monde pourra se régaler, il se demande pourquoi A- est triste, parce qu'il est nu et qu'il n'a
rien à offrir. A- explique qu'il est là et qu'il existe, qu'il n'a rien à donner pour l'instant. A+ lui
dit qu'il est moche, A- répond que ce n'est peut-être pas lui qu'on regarde mais ce qu'on a
envie de voir, ce qu'il sera bientôt. A+ pense alors qu'on est autour de lui uniquement pour ses
fruits , qu'on ne le regarde pas, ce qui lui donne envie d'être comme A-. A- lui répond qu'il le
sera et que A- sera comme A+, A+ comprend dès lors qu'ils sont les mêmes et A- lui
confirme qu'ils sont les mêmes mais à des époques différentes. (E7)

105
La thématique de l'esthétisme revient une nouvelle fois beau versus laid, jeune versus
âgé, le thème de la générativité reviens également, .

L'histoire commune des trois arbres est également une conversation, A1+ souhaite être
le plus beau et les deux autres lui répondent que c'est facile, il est le plus jeune. A2N rajoute
qu'il n'a pas à pâlir devant les couleurs de A1+, celui-ci rétorque qu'il fait des fruits. A3-
raconte qu'il a déjà eu tous ces artifices. A1+ et An demande si lui aussi à été beau et envié.
A3- affirme que oui, qu'ils sont tous les mêmes, un jour beau, un jour sombre, puis un jour
mort. Ils ont tous les mêmes destins, il suffit d'en être conscient d'apprendre l'humilité tout en
profitant de leur beauté. De ne pas en faire un culte, car un arbre mort éveille parfois plus de
mystère qu'un arbre fleuri et flamboyant.(E8)
La temporalité est très présente, ce sont trois générations différentes d'un même arbre. La
thématique de la destiné est présente. L'esthétisme comme futile et éphémère, A- est le
patriarche A1+ étant le plus jeune.
Il y en a un qui n'existera plus, l'arbre de printemps va continuer de grandir, le présent va
s'effacer pour devenir l'arbre du futur. Le regard porté sur eux va changer, l'arbre nu on ne le
regarde pas, on y fait pas attention, l'arbre du printemps on y fait attention car il attire l'œil,
tout le monde aime le printemps. Le regard est différent selon l'état d'esprit qu'on dégage,
l'arbre d'automne on a envie d'aller à sa rencontre alors que le nu et triste sans doute moins.
On observe le thème de la longévité ici, le temps qui passe qui change l'état d'esprit.
Les arbres mythiques :
AR :

106
AR:« Comme ça j'ai l'air de rien, je suis nu rien d'attirant. Mais dans cet arbre, dans
mes branches, on peut y accrocher tout ce que l'on veut, ses désirs, ses rêves, ses
émotions, joyeuses, tristes. En fait, je suis l'arbre d'espérance !».

AC:

« Par une nuit de tempête, je me suis brisé, j'ai plié aussi souvent que je pouvais mais
j'ai fini par céder. Je me suis couché sur le sol, et là que vais-je devenir ? Au mieux du
bois de meuble, du bois de chauffage pour réchauffer quelques foyers, au pire un
cercueil pour pourrir sous terre ou bien brùler dans les flammes sans servir».

Matrice d'explicitation :
AR AC
a- Perçu La nudité La fracture, le bris
Le sentiment d'une rupture,
b- Ressenti Le vide, le néant
quelque chose d'inachevé
c- Besoin Se parer de mille choses Revivre

107
Oser, exister, accrocher ses Replanter, poursuivre son
d- Action
envies, ses actes et ses faits œuvre
Faire de multiples branches
e- Devenir désiré Plus fort, plus résistant
pour y accrocher la vie
Etre coupé pour du bois,
f- Devenir refusé quoique une autre vie pourrait Un bois mort.
s'offrir à lui

Etape 11 :
« Dans une contrée lointaine, deux arbres se tenaient l'un prés de l'autre. Apparemment
semblables, rien ne les différenciait vraiment. Pourtant l'un était jeune, prêt à recevoir
tous les bonheurs de la vie et l'autre vieux épuisé par cette même vie. Une nuit une
tempête brisa le vieil arbre (AC), mais par chance il ne tomba pas au sol, il s'appuya sur
l'arbre jeune (AR), il ne fut pas brisé. Un miracle même se produisit, de son tronc
meurtri, renaissaient de jeunes pousses, plus fortes que jamais, pleines d'espérances que
les plus fortes tempêtes feront plier mais ne briseront jamais»

Analyse :
AR se présente comme ayant l'air de rien, nu, mais dans ses branches on peut y
accrocher tout ce que l'on veut, désirs, rêves, émotions joyeuses et tristes. C'est l'arbre
d'espérance.(E9)
Cet arbre est un support, on repère le thème de l'esthétisme.
Il est perçu par sa nudité (9a) et le vide (9b) il a besoin de se parer de milles choses,
(9c) pour cela il doit oser exister accrocher ses envies, ses actes, ses faits(9d). Il souhaite faire
de multiples branches pour y accrocher la vie (9e) et redoute d'être couper pour du bois,
même si cela pourrait lui offrir une nouvelle vie (9f).
On repère ici la thématique de la Vie versus la mort, ainsi que de la renaissance, de
l'espoir.
Le néant est un mauvais terme, il met en place ses idées petit à petit. On se construit soi même
et après les gens apportent les relations. J'ai envie de me construire moi-même et je me sers
des expériences des autres, je les écoutes, j'en prend pas forcément exemple je me construis
moi-même, et après les autres pourront apporter. Il fait sa vie de ce qui est accroché dans ses
branches, c'est quelque chose que tu as rêvé que tu vis, que tu à envie de partager, ton
expérience.
108
Il pourrait devenir un beau meuble, quelque chose d'inerte.

Arbre de cauchemar
Il se décrit comme brisé lors d'une nuit de tempête, il a plié mais il a fini par céder. AC
est couché au sol et se demande ce qu'il va devenir. Au mieux, il deviendra du bois de
meuble, de chauffage pour réchauffer quelques foyers au pire un cercueil pour pourrir sous
terre ou bruler dans les flammes sans servir.
On observe ici un destin pas encore défini, la fatalité, le meilleur versus le pire, la renaissance
versus la mort.
Il est perçu à travers son bris (10a) avec un sentiment de rupture de quelque chose
d'inachevé (10b), il a besoin de revivre (10c) nécessite d'être replanté pour poursuivre son
œuvre (10d). Il souhaite être plus fort et plus résistant (10e) et refuse d'être un bois mort (10f).

Il semble attacher à sa souche et il pourrait repousser, un bel arbre, plus un arbre de


cauchemar. Si ça devait s'arrêter ça serait à cause de quelque chose de cassé, une rupture, un
bris net, mais il est plus là ce sentiment.

L'histoire d’AR et AC raconte la proximité des deux arbres, apparemment semblables,


rien ne les différenciait vraiment. L'un était jeune prêt à recevoir tous les bonheurs de la vie et
le second vieux épuisé par cette même vie. Une tempête brisa AC il s'appuya sur AR et ne fut
pas brisé. Un miracle se produisit de son tronc meurtri renaissait de jeunes pousses, plus fortes
que jamais, pleines d'espérances que les plus fortes tempêtes feront plier mais ne briseront
jamais. (E11)
Ce sont deux personnalités qui s'entremêlent, entourées par les gens qui ne
s’imaginaient pas ça et l'ont jamais vu. Ils sont entourés sans être entouré, ils se suffisent à
eux-mêmes. Ils s’enrichissent d'autres expériences et cherche le contact, à se rapprocher des
autres, leurs complicités, à partager.

Nous observons les thèmes du soutien, de la renaissance, le partage.

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