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La mémétique comme théorie de l’évolution culturelle

La mémétique comme théorie de


l’évolution culturelle
Julien ouellet, Université Laval

Résumé
Mon objectif, dans cet article, sera de présenter l’évolution culturelle
et d’examiner comment la mémétique essaie d’en rendre compte.
En proposant une analogie profonde entre l’évolution génétique et
l’évolution culturelle, la mémétique tente de décrire et d’expliquer les
changements culturels à l’aide de concepts inspirés par la génétique
des populations. Je soutiens que la mémétique ne remplit pas cet
objectif, car (1) elle est lamarckienne, (2) elle propose des entités
culturelles qui ne sont pas des réplicateurs et (3) elle ne permet pas
de retracer des lignées claires. Ces trois arguments nous poussent
à douter de la force de l’analogie défendue par la mémétique. Je
terminerai cet article en présentant un argument plus général dont
l’objectif est de montrer que (4) l’analogie offerte par la mémétique
n’est pas scientifiquement acceptable.

Introduction
La théorie de l’évolution, depuis la publication de Charles
Darwin en 1859, a elle-même connu une évolution surprenante1.
Encore dynamique aujourd’hui, cette théorie ne cesse de s’étendre et
de s’éloigner de la discipline biologique d’où elle a surgi. Dans The
Selfish Gene, Richard Dawkins tenta lui aussi d’étendre la théorie de
l’évolution hors du champ exclusif de la biologie. Il tenta, non sans
controverse, d’étendre la théorie de l’évolution à l’étude de la culture.
On nommera cette tentative mémétique, soit l’étude de l’évolution
culturelle postulant l’existence de memes, des entités réplicatrices.
Dans cet article, je tenterai de déterminer si la théorie mémétique
propose une explication satisfaisante de l’évolution culturelle.
Pour ce faire, je commencerai par présenter ce qu’est l’évolution
culturelle, sa pertinence et les diverses formes que peuvent prendre
les théories qui veulent en rendre compte. Par la suite, j’exposerai

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la théorie mémétique de Dawkins. Ensuite, je passerai en revue les


trois arguments que je juge les plus menaçants contre cette théorie,
soit l’objection (1) que la mémétique est lamarckienne, (2) que les
memes ne sont pas des réplicateurs et (3) que la mémétique ne permet
pas de tracer des lignées claires. Je conclurai cet article en présentant
un argument plus général contre la mémétique, qui soutient qu’elle
n’offre pas une analogie acceptable en science, en vertu de certains
critères définis par la philosophe des sciences Mary Hesse.

L’évolution culturelle
La théorie de l’évolution, telle qu’élaborée par Charles Darwin,
se donne pour objectif d’expliquer la forme que prennent les espèces
biologiques actuelles. Plus spécifiquement, cette théorie cherche
à expliquer l’adaptation des organismes à leur environnement en
recourant à l’hypothèse de la sélection naturelle et à expliquer, par
ce mécanisme, la diversité qui règne au sein même des espèces.
Lorsque nous nous intéressons plus particulièrement à l’espèce
humaine, il est difficile de nier l’importance de la culture en ce qui a
trait à la survie et à la reproduction des espèces hautement sociales.
En effet, les humains acquièrent des connaissances et des techniques
de leurs semblables, ce qui semble jouer un rôle important pour leur
survie et leur reproduction. De plus, il existe une grande diversité
culturelle parmi l’espèce humaine, et cette diversité est maintenue
par l’apprentissage. La notion de transmission culturelle semble
donc mériter une place dans une théorie de l’évolution.
Cavalli-Sforza et Feldman ont examiné de nombreuses situations
où l’évolution biologique à elle seule ne semble pas rendre compte
adéquatement de l’évolution humaine2. L’exemple le plus connu est
probablement celui des femmes italiennes dont le taux de natalité a
baissé de plus de moitié lors du 19e siècle, passant d’une moyenne de
cinq enfants à seulement deux enfants. Ce phénomène s’inscrit plus
largement dans ce qu’on a appelé une transition démographique.
Comment, d’un point de vue évolutif, est-il possible d’expliquer
cette diminution de natalité ? Intuitivement, diminuer le nombre
de progénitures ne semble pas une très bonne stratégie adaptative,
surtout que, selon Cavalli-Sforza et Feldman, les femmes italiennes

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La mémétique comme théorie de l’évolution culturelle

avaient toutes les ressources pour élever un nombre élevé d’enfants.


Toujours selon ces auteurs, il faudrait avoir recours au mode de
transmission culturelle pour rendre compte de ce phénomène. Cet
exemple semble démontrer la pertinence d’une théorie de l’évolution
culturelle. Passons aux différentes façons de développer une telle
théorie.
Une théorie de l’évolution culturelle peut prendre plusieurs
formes. Afin de saisir à quel type de théorie la mémétique appartient,
il est pertinent d’examiner la classification de Jean Gayon3. Une
théorie de l’évolution culturelle peut (1) étudier l’origine des
capacités culturelles de l’espèce humaine, (2) décrire et expliquer les
changements culturels à l’aide de concepts inspirés par la génétique
des populations, (3) montrer un parallélisme entre l’évolution
génétique et les transformations culturelles et (4) associer l’évolution
génétique avec l’évolution culturelle. La mémétique élaborée par
Dawkins s’inscrit dans le type de théorie (2). En effet, cette théorie
postule qu’il existe une analogie profonde entre la génétique et la
transmission culturelle. Il est très important de comprendre que ce
type de théorie de l’évolution culturelle est purement analogique.
C’est en ce sens que la mémétique n’appartient pas à (3) ou à (4).
L’objectif, ici, est de décrire et de comprendre l’évolution culturelle
à l’aide des concepts de l’évolution génétique, et non d’associer
l’évolution culturelle avec l’évolution biologique. La mémétique ne
fait pas qu’emprunter les modèles de la biologie évolutive, elle lui
emprunte aussi son langage. De plus, la mémétique ne correspond
pas au type de théorie (1), car elle ne prétend pas du tout donner
une explication de l’émergence de la culture chez l’espèce humaine.
Maintenant que nous savons ce que la mémétique n’est pas, passons
à ses composantes positives.

La mémétique
Dawkins et ses collègues méméticiens, qui s’inspirent de la
génétique des populations, postulent l’existence de réplicateurs.
Qu’est-ce qu’un réplicateur ? Un réplicateur est une entité capable
de créer des copies d’elle-même4. Bien que la porte soit ouverte à
l’existence de multiples réplicateurs, le réplicateur par excellence

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demeure le gène. En effet, chez de nombreux généticiens des


populations, le gène est conçu comme l’unité de sélection, et c’est
à cette échelle que les pressions de sélection s’effectuent. Un
réplicateur doit, selon Dawkins, posséder trois caractéristiques5 : la
longévité, la fécondité et la fidélité. La longévité du réplicateur doit
être assez importante pour permettre au réplicateur de se cloner. La
fécondité renvoie aux nombres de copies qu’est capable de produire
le réplicateur. La fidélité renvoie à la similitude du réplicateur et de
ses copies. Ainsi, nous dirons qu’une entité est un réplicateur si et
seulement si elle possède ces trois caractéristiques. Les gènes, en
tant que réplicateurs, mutent et se diffusent parmi la population, que
ce soit par sélection naturelle, sélection sexuelle ou dérive génétique,
par exemple.
De la même manière, la mémétique postule l’existence
de réplicateurs culturels, appelés memes. Les memes peuvent
correspondre à une grande variété d’entités, allant d’un
comportement social à un évènement cognitif, en passant par des
règles grammaticales, des codes moraux et même l’expression de
sentiments. Ces memes muteraient et se diffuseraient de manière
analogue aux gènes. Une différence importante mérite d’être
soulevée. Lorsqu’il est question d’évolution biologique, on dira que
la transmission se fait verticalement, en ce sens où ce sont les parents
qui transmettent leur bagage génétique à leur progéniture. Par contre,
lorsqu’il est question d’évolution culturelle, on admet deux modes
de transmission : vertical et oblique. On parlera de transmission
verticale quand, comme dans le cas des gènes, la transmission
se fait de parents à enfants. Par exemple, si un père et une mère
apprennent à leur enfant à se laver les mains avant de manger, on dira
que ce comportement a été transmis verticalement. On parlera de
transmission oblique lorsque la transmission a lieu autrement que de
parents à enfants. Par exemple, si vous ne pouvez vous empêcher de
fredonner la nouvelle chanson de Jean Leloup après l’avoir écoutée
sur YouTube, on dira que cette chanson vous a été transmise de
manière oblique.
Dawkins, dans « Replicators and vehicles », distingue les
réplicateurs des véhicules6. Les réplicateurs, comme nous l’avons

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vu, sont des entités capables de créer des copies d’elles-mêmes. Les
véhicules, quant à eux, ne sont que les corps dans lesquels les gènes
agissent7. Les gènes, en tant qu’entités égoïstes, ne recherchent
que leur propre conservation8. De la même façon, les memes aussi
chercheraient à se propager, de cerveau en cerveau, avec comme
objectif leur propre survie. Les memes seraient ainsi comparables à
des virus9, dont le but est d’infecter le plus de cerveaux possible. Cet
aspect de la mémétique, aussi controversé et complexe qu’il puisse
paraitre, sera mis de côté dans cet article, pour la simple et bonne
raison qu’aucune des objections avancées ici-bas n’y fait directement
référence.

Objection : l’hérésie lamarckienne


La première objection que l’on pourrait faire à la mémétique
en tant que théorie de l’évolution culturelle nous provient de Susan
Blackmore. Elle soulève la critique selon laquelle la mémétique serait
lamarckienne10. Avant de comprendre en quel sens la mémétique est
lamarckienne, il faut savoir ce qu’est le lamarckisme. Le lamarckisme
ne fait pas référence à la totalité des idées de Jean-Baptiste Lamarck,
mais uniquement à la notion d’hérédité des caractères acquis11. L’idée
peut se traduire ainsi : si un organisme acquiert un trait durant son
existence, il le transmettra à sa progéniture. En quoi s’agit-il d’une
objection ? On sait que cette idée de Lamarck est fausse, du moins
d’un point de vue de l’évolution biologique des organismes sexués.
En effet, chez les êtres sexués, l’ADN code pour l’ARN qui se traduit
en protéines. Bref, la relation entre le génotype et le phénotype est
unidirectionnelle, comme nous l’enseigne (à tort diront certains) le
« dogme de la biologie moléculaire12 ». Par exemple, nous aurions
beau couper la queue d’une population de rat de génération en
génération, jamais les nouveau-nés n’auront de queue plus courte
pour autant.
En quel sens la mémétique serait-elle lamarckienne ? Lorsque
j’acquiers une connaissance ou un savoir-faire, par exemple, il
m’est possible par la suite de le transmettre à mes enfants. Ainsi,
mes enfants auront hérité d’un meme que j’ai acquis. En d’autres
mots, considérant que la transmission culturelle peut s’effectuer de

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manière oblique, puis verticale, il est permis de considérer qu’un


meme soit acquis, puis transmis à sa progéniture, donc qu’il y ait
héritage des caractères acquis. L’objection pourrait maintenant se
traduire ainsi : considérant que le lamarckisme s’est révélé faux en
évolution biologique, mais vrai en évolution culturelle, l’analogie
que propose la mémétique s’en trouve affaiblie.
La contre-objection, proposée aussi par Blackmore, consiste
à poser une distinction de type génotype-phénotype pour le
meme13. Blackmore prend comme exemple une recette de soupe
qui se transmettrait de mère en fille depuis des générations. Dans
cet exemple, les instructions (la recette en soi) correspondent au
génotype, alors que la soupe correspond au phénotype. Admettons
que la recette de soupe se transmette lorsque la fille observe la mère
faire la soupe. Admettons aussi que la mère oublie de mettre les deux
feuilles de basilic dans la soupe. Dans ce cas, c’est la recette elle-
même (génotype) qui vient de changer, car la fille, lorsqu’elle fera la
soupe, ne mettra pas non plus les deux feuilles de basilic. Blackmore
admet ainsi que, si l’on comprend la transmission de la recette
ainsi, il s’agit bien de lamarckisme. Par contre, si la mère fait une
photocopie de la recette et la remet ensuite à sa fille, il n’y aura pas
altération de la recette (génotype), et ce même si la mère oublie de
mettre les deux feuilles de basilic dans la soupe. En effet, dans ce cas,
le phénotype (la soupe elle-même) n’influencera pas le génotype (la
recette), alors il ne s’agira pas de lamarckisme. Blackmore nommera
ces deux types de transmission « copie d’instruction » et « copie de
produit ». L’évolution biologique fonctionne par copie d’instruction
(du génotype), alors que l’évolution culturelle fonctionne par copie
d’instruction et par copie de produit.
Selon Blackmore, il s’agit d’une exagération de l’analogie entre
le gène et le meme que de dire que la mémétique est lamarckienne.
Il ne faut pas essayer de répondre à la question de savoir si la
mémétique est lamarckienne : « The question only makes sense if
you draw certain kinds of strict analogy between genes and memes
but such analogies are not justified14 ». Pourtant, c’est la mémétique
elle-même qui défend l’idée qu’il existe une analogie profonde entre
les gènes et les memes. Si nous ne sommes pas justifiés d’attaquer la

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La mémétique comme théorie de l’évolution culturelle

pertinence et la profondeur de l’analogie, que reste-t-il à critiquer de


la mémétique ? N’en déplaise à Blackmore, le fait que la mémétique
permette l’hérédité des caractères acquis diminue bel et bien la force
de l’analogie entre l’évolution biologique et l’évolution culturelle.
Certains pourraient dire que la théorie néo-darwinienne de
l’évolution, quant à elle, permet une certaine forme de lamarckisme.
Ainsi, l’argument selon lequel la mémétique serait lamarckienne se
présenterait plutôt comme un argument en faveur de la mémétique,
et l’analogie entre le gène et le meme en serait renforcée. Il faut
toutefois noter que le lamarckisme qui est admis dans la théorie
néo-darwinienne de l’évolution fait principalement référence aux
transferts latéraux de gène chez les procaryotes, des organismes
unicellulaires. Ceux-ci sont en effet capable de se transférer des
gènes, et même d’en acquérir de l’environnement. Or, si le transfert
latéral de gène est un phénomène existant chez les procaryotes, il est
possible d’en douter pour ce qui est des organismes multicellulaires.
Comme le notent Richardson et Palmer, « the prevalence and
importance of HGT (horizontal gene transfer) in the evolution of
multicellular eukaryotes remains unclear15 ». Considérant que la
mémétique cherche à rendre compte de l’évolution culturelle (plus
particulièrement celle des humains) et que le lamarckisme qui est
admis dans la théorie néo-darwinienne de l’évolution n’est pas
encore admis de manière sûre chez les organismes multicellulaires,
il demeure raisonnable de penser que l’argument du lamarckisme
constitue bel et bien une attaque envers la mémétique. Comme on l’a
noté, « Lamarck n’est pas de retour16 ».

Objection : les memes ne sont pas des réplicateurs


La deuxième objection que l’on pourrait faire à la mémétique
nous vient de Dan Sperber. Selon lui, les memes sont reproduits,
mais pas dans le sens de « copiés »17. De ce fait, les memes ne sont
pas, contrairement aux gènes, des réplicateurs. Rappelons-nous le
critère de fidélité mis en place par Dawkins : la similitude entre un
gène et sa copie doit être importante pour que l’on considère le gène
comme un réplicateur. Certaines critiques avaient déjà fait remarquer
que les memes ne possèdent pas une telle fidélité. Dawkins répondit

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à cette critique dans The Extended Phenotype18. Considérant que


Sperber construit son argument sur la base de la réponse de Dawkins,
il est pertinent de revenir sur la réponse de Dawkins à la critique
selon laquelle les memes possèdent une trop basse fidélité pour être
des réplicateurs.
Déjà, nous savons que la réplication des gènes ne se fait pas
avec une fidélité parfaite. Il survient, plus ou moins souvent selon les
cas, certains processus de mutation lors de la réplication. Dawkins
soutient ainsi que la réplication des memes, malgré les mutations,
possède un taux de similarité suffisamment élevé pour être considéré
comme un réplicateur. Pour ce faire, Dawkins propose une expérience
de pensée qui, selon lui, appuie son propos. Imaginez un groupe de
neuf personnes. On présente une figure dessinée à la main, dont la
forme ne représente rien en particulier (une sorte de gribouillis), à la
première personne du groupe. Celle-ci doit essayer de la reproduire
le plus fidèlement possible et ensuite passer son dessin à la personne
suivante. Cette deuxième personne tentera de reproduire le dessin
uniquement à partir de la reproduction qu’en a faite la première
personne, et ainsi de suite. On demande ensuite à un juge, à qui
l’on a donné les neuf dessins dans un ordre aléatoire, d’essayer de
remettre les dessins par ordre de production. On s’imagine alors que
le juge réussira, au moins en partie, à mettre les dessins en ordre. Dans
cette expérience de pensée, on comprend que le taux de mutation est
nettement trop élevé, car il ne demeure aucun pattern stable dans la
production du premier dessin.
Dans une deuxième expérience de pensée, on demande
exactement la même chose aux participants, mais le dessin, au lieu
d’être un gribouillis, est remplacé par une étoile à cinq branches
dessinée sans lever le crayon. Ainsi, les participants, au lieu de
reproduire une image qui n’a aucun sens pour eux, reproduisent une
image déjà bien connue. Le juge, lorsque viendra le temps de mettre
les images dans l’ordre, échouera complètement, car le pattern de
départ sera conservé sans altérations majeures. On dira ainsi que, dans
la deuxième expérience, les participants reproduisent l’instruction
« dessiner une étoile à cinq branches sans lever le crayon ». Il
faut comprendre ici que Dawkins, comme Blackmore, distingue la

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La mémétique comme théorie de l’évolution culturelle

reproduction du produit de la reproduction des instructions. Ainsi,


la première expérience (gribouillis) correspond à la reproduction du
produit (phénotype) alors que la deuxième expérience correspond à la
reproduction d’instructions (génotype). Selon Dawkins, la première
expérience démontre effectivement un taux de fidélité trop bas, mais
la deuxième expérience montre un taux de fidélité bien suffisant.
Or, toujours selon Dawkins, les mutations qui s’effectuent lors de
la première expérience ne sont pas d’authentiques mutations, car la
reproduction du produit ne s’auto-normalise pas (self normalising),
contrairement à la reproduction d’instructions (et à la réplication des
gènes). Par « auto-normalisation », Dawkins entend la capacité de
corriger soi-même les erreurs de codage. Ainsi, c’est seulement en
apparence (au niveau du phénotype) qu’on pourrait croire que la
fidélité est trop basse. Si on se concentre sur la copie d’instructions
(génotype), on s’aperçoit que la fidélité est nettement satisfaisante.
Afin d’attaquer la conclusion que tire Dawkins de son expérience
de pensée, Sperber relève les deux critères qu’utilise Dawkins pour
définir ce qu’est une réplication, et juge que ces deux critères sont
insuffisants. Premièrement, pour que B soit une réplication de A, B
doit avoir été causé par A. C’est bel et bien le cas dans l’expérience
de pensée de Dawkins, car les participants se basent sur la vision
du dessin pour en produire une copie. Deuxièmement, B doit être
similaire à A à un niveau suffisamment élevé (pour que le juge ne
puisse pas remettre en ordre la production). Sperber accepte ces deux
conditions. Par contre, il juge qu’elles ne sont pas suffisantes. En
effet, selon lui, une troisième condition doit s’ajouter pour que l’on
ait affaire à une réplication authentique. Cette troisième condition
s’exprime ainsi : B doit hériter de A la propriété qui le rend similaire
à A. En d’autres mots, B ne doit pas simplement être similaire à A et
avoir été causé par A, mais sa similitude doit avoir été causée par A.
Sperber donne l’exemple du rire pour nous aider à comprendre19.
La transmission du rire remplit parfaitement les deux premiers critères
de Dawkins, mais on hésiterait fortement à parler de réplication
(car le troisième critère de Sperber n’est pas rempli). Le rire est un
comportement social qui est déclenché par le rire d’autrui. Le rire
peut varier d’un individu à l’autre, que ce soit par son intensité, son

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style ou encore par les circonstances qui le déclenchent. Admettons


que nous prenions une série d’individus (supposons que ces individus
soient reliés par un lien générationnel) et que nous faisions entendre
à un juge les rires de ces individus de manière aléatoire. Il serait
impossible, pour ce juge, de remettre les enregistrements de rire
en ordre causal. Dans cet exemple, le rire remplit les deux critères
de Dawkins. Il s’agirait donc d’une transmission mémétique. Or,
comme le dit Sperber, il ne s’agit pas de réplication, car l’individu
(durant l’enfance) n’acquiert pas le comportement de rire par
imitation. L’individu possédait déjà, dans son bagage biologique,
les dispositions qui lui permettent de rire. Le rire d’autrui n’a fait
qu’activer ce qui était déjà présent (le module, dira-t-on parfois).
Sperber, par plusieurs exemples qui ne peuvent être présentés ici
par manque d’espace, défendra que la majorité de nos comportements
culturels sont reproduits dans le sens de « déclenchés » et non dans le
sens d’« imités » ou « copiés ». Il se base, entre autres, sur les travaux
de Noam Chomsky, qui montrent qu’il doit exister une base génétique
pour permettre l’acquisition du langage. Ainsi, contrairement à ce
que dit Dawkins, il est faux que la transmission mémétique (même
celle par copie d’instructions) s’auto-normalise. Considérant que la
transmission culturelle est déjà, en partie, transmise génétiquement,
il serait faux de croire que le processus de copie d’instructions corrige
lui-même les erreurs. Résumons l’argument de Sperber : même si la
copie d’instructions (celle privilégiée par Dawkins) possède un taux
de fidélité élevé, il ne s’agit pas de réplication, car la transmission
culturelle fonctionne beaucoup plus par déclenchement que par
imitation. Ainsi, en distinguant la reproduction « par déclenchement »
et celle « par copie », l’analogie entre les gènes et les memes semble
s’affaiblir.

Objection : l’impossibilité de tracer des lignées


La troisième objection que l’on peut faire à la mémétique nous
vient de William Wimsatt. Ce dernier défend que, contrairement à
l’évolution génétique, il est impossible de tracer des lignées claires
lorsqu’il est question d’évolution culturelle20. Prenons l’exemple de
l’idée de l’égalité entre les sexes. Possédant moi-même cette idée, il

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La mémétique comme théorie de l’évolution culturelle

est légitime de me demander : qui m’a transmis le meme d’égalité


entre les sexes ? Est-ce mes parents, les médias, ma communauté ?
Je sais parfaitement d’où me vient mon gène des yeux bleus, mais
pourquoi est-ce si difficile de retracer mon meme d’égalité entre les
sexes ?
Selon Wimsatt, ce problème vient d’une confusion entre
l’hérédité, le développement et la sélection21. Dans les théories
de l’évolution biologique, les trois notions sont, au moins
théoriquement, distinctes les unes des autres, mais dans les théories
de l’évolution culturelle, elles s’entremêlent et se confondent. Avant
d’entrer dans l’explication de Wimsatt, il est important d’introduire
la notion de « cycle de vie », car c’est dans ce cadre que Wimsatt
pense son argument. Un cycle de vie correspond à la succession
d’étapes par lesquelles passera un organisme. Pour les théoriciens
développementaux22, le cycle de vie correspond à l’unité de sélection.
En d’autres mots, c’est le cycle de vie qui perdure de génération en
génération. Afin de comprendre à quoi correspond un cycle de vie en
biologie évolutive, je reprendrai l’analyse de Wimsatt.
Le schéma classique d’un cycle de vie (en évolution biologique)
se divise en trois étapes. Premièrement, dans une population, (1) des
individus se mettront en couple (sélection sexuelle). Deuxièmement,
(2) les individus transmettront leurs gènes à leur progéniture
(hérédité). Finalement, (3) la progéniture se développera et sera
sélectionnée à nouveau23. On remarque que les trois étapes sont
conceptuellement indépendantes les unes des autres, et même
physiquement indépendantes les unes des autres (sauf peut-être
les étapes (3) et (1), lorsque le cycle recommence). Il est ainsi
relativement aisé de retracer l’origine d’un gène (exception faite des
procaryotes, à cause des transferts latéraux de gènes24). On retrace
les deux individus qui ont transmis leur gène, on analyse comment le
génome s’est formé, on regarde comment se développe le porteur et
s’il est sélectionné lui aussi.
Qu’en est-il de l’évolution culturelle telle que comprise par la
mémétique ? L’entreprise devient largement plus complexe lorsque
nous tentons de retracer l’origine d’un meme, comme le décrit
Wimsatt : « Their development is inextricably involved with selection,

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both in its viability and reproductive components. But we can’t lump


(cultural or biological) development and selection in their effects as
we did for biology because both impinge upon cultural heredity in a
constitutive way25 ». Sans entrer dans les détails du schéma proposé
par Wimsatt, retenons simplement que, pour l’évolution biologique,
l’existence du génome est posée avant le développement. Or, ce
n’est pas le cas pour les memes. En effet, lorsqu’il est question de
culture, les memes sont constitués durant le développement. Ils sont
formés et transformés durant le développement, et leurs sources
sont multiples, bien souvent. La construction d’un modèle devient
ainsi tellement complexe qu’il est impossible de le réaliser26. Ainsi,
considérant qu’il est simple (ou du moins, théoriquement possible)
de retracer la lignée d’un gène, et qu’il est bien souvent impossible de
faire de même pour un meme, l’analogie que propose la mémétique
semble encore une fois affaiblie.

Objection : La valeur d’une analogie


À partir de quand devons-nous abandonner une analogie ?
À partir de quand une analogie perd-elle sa valeur heuristique ?
Contrairement aux autres types d’explication de l’évolution culturelle
(présentés par Gayon), la mémétique propose une analogie, ou
encore un modèle, qui doit servir à orienter la recherche. La force de
l’analogie est ainsi essentielle quant à l’acceptation de la mémétique.
Même si les trois objections présentées tendent à diminuer la force
de l’analogie proposée par la mémétique, j’aimerais exposer un
quatrième argument, plus général, qui se base sur les travaux de
Mary Hesse. Hesse tente de définir les critères d’acceptation d’une
analogie en science27. Je soutiendrai que l’analogie proposée par la
mémétique n’est pas acceptable, car elle ne remplit pas les critères
de Hesse.
Premièrement, il est de mise de distinguer une analogie formelle
d’une analogie matérielle. Pour Hesse, une analogie formelle (post-
théorique) se veut une correspondance entre deux interprétations
d’une même théorie28. Une analogie matérielle (pré-théorique),
quant à elle, se veut une analogie entre deux domaines observables
et qui permet des prédictions. Déjà, la mémétique semble proposer

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La mémétique comme théorie de l’évolution culturelle

une analogie qui tombe sous la catégorie des analogies matérielles29.


La première condition nécessaire d’une analogie matérielle est (1) la
similarité observable entre les deux domaines. Par exemple, si l’on
prend l’analogie populaire entre le fonctionnement d’un cerveau et
celui d’un ordinateur, on remarque que les deux domaines partagent
des similarités observables, comme le fait de fonctionner à l’aide
de courants électriques, ou encore d’avoir des capacités limitées
de traitement de l’information. L’une des raisons qui supportent
ce premier critère est l’idée qu’une analogie (en science) doit être
ancrée dans des connaissances factuelles, autant pour l’analogue
source (dans l’exemple, l’ordinateur) que pour l’analogue cible
(dans l’exemple, le cerveau, qu’on cherche à mieux comprendre).
L’analogie proposée par la mémétique offre-t-elle des similitudes
observables ?
Cela ne semble pas du tout évident. Considérant que les
memes sont des items culturels, on voit mal en quel sens ils seraient
observables. De plus, le processus de réplication n’est pas observable
dans le cas des memes. Par contre, il pourrait l’être indirectement,
car les effets des memes (leur phénotype) et leur transmission
peuvent être observés. Par exemple, on pourrait dire qu’un des
effets de l’idée de Dieu est le comportement de prier. En observant
la propagation de ce comportement, nous pourrions indirectement
observer le meme de l’idée de Dieu. Il serait ainsi possible de trouver
des similitudes (observables dans un sens plus faible) entre l’effet
des gènes (quelques fois comportemental) et l’effet des memes. Il est
toutefois approprié de dire que les similarités, dans le cas des memes,
ne sont pas observables dans un sens aussi fort que dans celui des
gènes. Ainsi, considérant que l’analogie matérielle proposée par la
mémétique n’offre pas de similitudes observables au sens fort (tel
que Hesse l’entend), il est permis de douter de la pertinence de
l’analogie.
La deuxième condition que propose Hesse et que la mémétique
ne semble pas respecter est (2) l’existence d’une relation causale dans
les deux domaines de l’analogie30. En effet, il semble très intuitif
que les éléments de l’analogie soient causalement liés entre eux.
Par exemple, dans le cas de la génétique, on peut dire que le gène

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cause (dans un sens scientifiquement acceptable) la réplication31,


cause l’apparition d’un trait, etc. Bref, tous les éléments mentionnés
dans l’analogue génétique sont liés causalement entre eux (au
moins théoriquement). Ce deuxième critère est aussi supporté par
l’observation du fait que les analogies, dans beaucoup de cas,
impliquent un transfère de connaissances causales32. Par contre, du
côté de l’analogue mémétique, cela ne semble pas être le cas. En
effet, comment l’entité qu’est le meme cause-t-elle sa réplication ?
Comment un meme causerait-il un comportement33 ? Admettons qu’il
existe un lien causal entre les éléments de l’analogue mémétique,
quelqu’un en a-t-il offert une explication satisfaisante ? Si ce n’est
pas le cas, doit-on, comme le suggère Blackmore, donner le temps
à la mémétique de se développer, dans l’espoir qu’elle nous apporte
la réponse34 ? Finalement, et plus formellement, l’argument que je
propose s’articule ainsi : (1) la mémétique offre essentiellement
une analogie, (2) en science, une analogie acceptable doit inclure
certaines similarités observables entre les deux analogues et les
éléments de chaque domaine doivent être liés causalement entre
eux35, (3) il est raisonnable de douter que ces deux conditions soient
remplies, (4) donc, il est raisonnable de douter que la mémétique
nous offre une analogie scientifiquement acceptable.

Conclusion
Après avoir introduit la notion d’évolution culturelle, j’ai
distingué quatre formes de théories de l’évolution culturelle.
La mémétique, contrairement à d’autres théories de l’évolution
culturelle, propose une analogie profonde entre le gène et l’entité
réplicatrice culturelle, le meme. J’ai ensuite passé en revue quatre
objections à l’endroit de la mémétique. La première objection tente de
discréditer la mémétique sur la base du lamarckisme qu’elle défend.
Bien que, selon moi, la mémétique ne s’en trouve pas discréditée,
je crois que l’analogie que propose la mémétique s’en trouve tout
de même affaiblie, car il s’agit d’une différence importante avec
l’évolution génétique, qui n’admet pas (ou du moins, pas encore) le
lamarckisme chez les êtres multicellulaires. La deuxième objection
attaque la mémétique en défendant que, contrairement aux gènes,

Phares 66
La mémétique comme théorie de l’évolution culturelle

les memes ne sont pas des réplicateurs. En effet, la transmission des


idées, s’effectuant beaucoup plus par « déclenchement » que par
« copiage », ne s’auto-normalise pas comme le défend Dawkins.
Encore une fois, on voit apparaitre ici une autre différence qui
semble affaiblir l’analogie entre les gènes et les memes. La troisième
objection concerne la possibilité de retracer l’origine d’un meme.
Considérant la multitude de sources d’où peut survenir un meme,
et considérant que le meme n’est pas, contrairement au génome,
posé avant le développement, il semble qu’il faille encore une fois
constater une différence importante entre l’évolution génétique et
l’évolution culturelle telle qu’élaborée par la mémétique. En dernier
lieu, j’ai tenté de construire un argument à partir des travaux de Mary
Hesse. Cette philosophe des sciences tente de définir les critères
d’admissibilité d’une analogie en science. L’analogie défendue par
la mémétique, n’offrant pas de similarités observables au sens fort,
ne semble pas être scientifiquement acceptable. De plus, l’analogie
mémétique ne propose pas d’explication du lien causal qui unirait les
éléments du domaine mémétique, ce qui réduit encore la pertinence
d’une telle analogie en science. Finalement, j’espère avoir montré
que l’analogie proposée par Dawkins n’est pas aussi forte qu’elle
n’y parait, même si on ne peut nier l’originalité d’une telle tentative
explicative qui continue de générer des développements théoriques36
37
.

___________

1. T. Heams, P. Huneman, G. Lecointre et M. Silberstein (Éds.), Les mondes


darwiniens : L’évolution de l’évolution, Matériologiques, 2011.
2. L. Cavalli-Sforza et M. Feldman, Cultural Transmission and Evolution :
A Quantitative Approach, Princeton, Princeton University Press, 1981, p. 180.
3. J. Gayon, « Cultural Evolution: a General Appraisal » dans Ludus Vitalis,
vol. XIII, num. 23, 2005, pp. 139-150.
4. R. Dawkins, « Replicators and Vehicles » dans Genes, Organisms,
Populations, Cambridge MA, MIT Press, 1982, p. 162.
5. R. Dawkins, The Selfish Gene, Oxford, Oxford University Press, 1976,
p. 194.
6. R. Dawkins, « Replicators and Vehicles » dans Genes, Organisms,
Populations, Cambridge MA, The MIT Press, 1982, p. 166.

Phares 67
Dossier : Philosophie de la biologie

7. D. Hull, « Units of Evolution : A Metaphysical Essay » dans The Philosophy


of Evolution, U. J. Jensen et Rom Harre (Éds.), Brighton, Harvester, 1981. Hull
propose le terme plus inclusif d’interacteur, au lieu de véhicule.
8. Dawkins n’est pas en train d’affirmer que les gènes sont égoïstes au sens
psychologique du terme. Dawkins cherche seulement à montrer que le
gène agit pour son propre intérêt, pas dans l’intérêt du véhicule. Les termes
psychologiques sont seulement utilisés de façon analogiquue.
9. S. Blackmore, The Meme Machine, Oxford, Oxford University Press,
1999, p. 85. Cf. aussi S. Blackmore, « Memetic does provide a useful way to
understand cultural evolution » dans Contemporary Debates in Philosophy of
Biology, Francisco J. Ayala et Robert Arp (Éds.), Wiley-Blackwell, 2010, pp.
255-272.
10. Ibid, p. 59.
11. J. Gayon, « Hérédité des caractères acquis » dans Lamarck. Philosophe de
la nature, P. Corsi, J. Gayon, G. Gohau et S. Tirard (Éds.), Presses universitaires
de France, Paris, 2006.
12. F. Crick, « Central Dogma of Molecular Biology » dans Nature, Vol. 227,
1970.
13. S. Blackmore, The Meme Machine, Oxford, Oxford University Press, 1999,
p. 60.
14. Ibid, p. 78.
15. Aaron O. Richardson and et Jeffrey D. Palmer, « Horizontal Gene Transfer
in Plants » dans Journal of Experimental Botany, vol. 58, p. 1.
16. F. Merlin, « Lamarck n’est pas de retour » dans L’héritage de Darwin, Les
Dossiers de La Recherche, Novembre-Janvier, 2008, p. 43.
17. D. Sperber, « An Objection to the Memetic Approach to Culture » dans
Darwinizing Culture, R. Aunger (Éd.), Oxford, Oxford University Press, 2000,
p. 164.
18. R. Dawkins, The extended phenotype, Oxford, Oxford University Press,
1982.
19. D. Sperber, « An Objection to the Memetic Approach to Culture » dans
Darwinizing Culture, R. Aunger (Éd.), Oxford,Oxford University Press, 2000,
p. 169.
20. W. Wimsatt, « Genes, Memes, and Cultural Heredity » dans Biology and
Philosophy, 1999, p. 281. Cf. aussi W. Wimsatt, « Memetic does not provide
a useful way to understand cultural evolution » dans Contemporary Debates
in Philosophy of Biology, Francisco J. Ayala et Robert Arp (Éds.), Wiley-
Blackwell, 2010, pp. 273-291.
21. Ibid, p. 288.
22. P. E. Griffiths et R. D. Gray, « Developmental Systems and Evolutionary
Explanation » dans The Journal of Philosophy, Vol. 91, No. 6, 1994, pp. 277-
304.
23. Le schéma de Wimsatt est plus complexe que cela, mais pour les besoins de

Phares 68
La mémétique comme théorie de l’évolution culturelle

mon argumentation, la simplification du schéma que je propose suffit.


24. Il est possible de mettre de côté le cas des procaryotes à l’aide du même
argument qui a été utilisé dans la section sur le lamarckisme : la mémétique
s’intéresse à l’évolution culture et il est tout à fait raisonnable de nier l’existence
de phénomènes culturels chez les organismes unicellulaires.
25. W. Wimsatt, « Genes, Memes, and Cultural Heredity » dans Biology and
Philosophy, 1999, p. 290.
26. Ibid, p. 281.
27. M. Hesse, Models and Analogies in Science, University of Notre Dame
Press, 1966, pp. 1-100.
28. Ibid, p. 68.
29. La mémétique prétend que la génétique des populations peut inspirer un
modèle de l’évolution culturelle. De plus, la génétique des populations et la
mémétique ne sont pas deux interprétations de la même théorie (soit la théorie
de l’évolution), mais semble simplement être deux domaines dans lesquels la
théorie de l’évolution s’applique. Pour d’autres explications de la distinction
entre analogie formelle et matérielle, voir Hesse, op. cit., p. 68.
30. Ibid, p. 77.
31. La causalité génétique est plus complexe qu’il n’y parait. Dans Griffiths et
Gray, « Developmental Systems and Evolutionary Explanation », loc. cit., on
constate qu’il existe de nombreux facteurs jouant sur la réplication des gènes.
Mon objectif n’est pas de soutenir que la causalité génétique est simple, mais
plutôt que nos connaissances sur le sujet sont largement plus étendues que sur
la causalité des memes.
32. P. Bartha, « Analogy and Analogical Reasonning » dans Stanford
Encyclopedia of Philosophy.
33. Le problème de la causalité du mental semble se poser ici, à savoir comment
une idée (en tant qu’attitude propositionnelle) peut causer un comportement,
sans être réduite neuro-physiologiquement.
34. S. Blackmore, The Meme Machine, Oxford, Oxford University Press, 1999,
p. 56.
35. La troisième et dernière condition de Hesse, soit l’inexistence de différences
essentielles entre les domaines analogues, ne semble pas être respectée non
plus, bien que je ne puisse traiter de ce point ici.
36. L. Shifman, Memes in Digital Culture, MIT Press, 2013.
37. J’aimerais remercier Pierre-Olivier Méthot pour ses nombreux commentaires
et suggestions qui ont grandement contribué à la publication de cet article.

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