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Bouddhisme et franc-maçonnerie
Présentation et historique de deux traditions et de leur mode de
transmission

Par Lama Denys

Le terme bouddhisme est apparu vers 1825. C’est ce que nous apprend Roger-
Paul Doit dans un de ses derniers livres. Bouddhisme est un néologisme qui
n’est pas très heureux pour rendre justice à la tradition du Bouddha.

Donc, nous parlerons plutôt de Dharma ou de tradition du Bouddha, entendu qu’il


n’est pas plus juste, de notre point de vue, de parler de bouddhisme qu’il ne le
serait de parler de franc-maçonnisme avec tout ce que “bouddhisme” implique de
théories, de doctrines.

La voie du Bouddha

Il faut s’imaginer, à son origine, le Bouddha, vingt-cinq siècles auparavant, au


centre de l’Inde à Bodhgaya, sous l’arbre de la Bodhi. Il enseigna à partir d’une
expérience -l’éveil-, un important canon qui se diffusa vers le Sud, jusqu’à
l’océan, Ceylan, Sumatra, Bornéo, et vers le Nord, au Tibet, puis par la route de
la soie en Chine, au Japon, en Corée et vers l’Ouest jusqu’aux confins du monde
grec.

L’enseignement du Bouddha, le Dharma, est, d’une certaine façon, le fond


commun de la vision traditionnelle de l’Orient. En tout cas il est largement son
dénominateur commun.

Le thème de notre rencontre est tradition/transmission.

Depuis le Bouddha, depuis vingt-cinq siècles, une filiation s’est perpétuée. Elle
nous a transmis… Que nous a -t-elle transmis ? Tout d’abord, au centre du
Dharma, il y a une expérience : l’expérience de l’éveil. En termes de
transmission, l’accent est mis sur l’expérience. C’est le vécu qui est ici très
important.

Il ne s’agit pas d’une philosophie, ni d’une métaphysique, encore moins d’une


théologie, ni d’une vérité écrite, inscrite de façon définitive, même s’il y a un
corpus énorme de textes d’enseignements.

Le coeur de la transmission du Bouddha est une expérience : l’expérience de


l’éveil, l’expérience du Bouddha, l’expérience de la nature de Bouddha. Elle peut
se nommer aussi expérience de l’intelligence en soi, expérience de la claire
lumlière, expérience immédiate, directe, de l’état de présence.
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C’est cet état de présence direct, immédiat, non dualiste, qui a inspiré
l’enseignement du Bouddha, le Dharma comme moyen offert - pour ceux qui le
souhaitent - de découvrir cet état, cette expérience fondamentale et la réintégrer.
Car elle est notre nature la plus profonde, la plus intime.

Cette expérience se nomme en sanscrit. “bouddhayana”, l’intelligence immédiate


d’un Bouddha.

Il y a donc dans la transmission un aspect central, fondamental, qui est de l’ordre


du vécu, puis un enseignement qui rend compte de ce vécu et sert de tremplin,
d’accès, à la réalisation de celui-ci.

On présente traditionnellement le Dharma en trois points : sa vision, son ou ses


points de vue, ensuite la méditation ou la qualité d’expérience dans la vie, puis,
la discipline.

La vision du Bouddha est d’abord celle du non-soi. La découverte que ce que


nous sommes et que ce que nous vivons n’est pas une expérience solide,
monolithique, statique, ou une réalité en soi, inhérente, comme nous avons
tendance à le percevoir.

Cette vision du non-soi se traduit aussi comme la vision de l’interdépendance,


dans la mesure où il n’est rien qui n’existe en soi et par soi. Toute chose, tout ce
que nous vivons, tout ce que nous sommes, tout ce que nous expérimentons,
existe et n’existe qu’en tant qu’événements interdépendants.

Tout ce qui est inter-est n’est (naît) que dans l’inter-être, dans l’inter-relation,
dans l’interdépendance. C’est cette vision qui est connue comme celle de la
vacuité. Vacuité et interdépendance sont à entendre comme synonymes. Cette
vision débouche aussi sur cette expérience que nous avons appelée “état de
présence”.

Lorsque la conscience habituelle se dégage de ses illusions, de ses fixations,


elle s’ouvre à une expérience de clarté, de lucidité qui se comprend,
s’expérimente en elle-même et c’est cette lucidité autoconnaissante en soi, cette
intelligence en soi qui est nommée expérience d’éveil, nature de Bouddha, ou
plénitude de l’expérience de vacuité. Voici, très schématiquement, quelques
aspects de la vision du Dharma.

Sa pratique est, extérieurement, une discipline d’action fondée sur la compassion


et, intérieurement, une qualité d’expérience que l’on nomme habituellement
méditation.

Le terme de méditation est assez impropre au sens où ce dont il s’agit est une
expérience d’ouverture, de lucidité, une expérience de présence, de vigilance,
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d’attention : une présence attentive, vigile dans une qualité d’expérience ouverte,
dégagée, claire.

Il est différentes façons de découvrir et de cultiver cette expérience. La


méditation assise le permet dans les maintes formes des différentes traditions
selon leurs aspects, leurs lignées. Puis, il s’agit surtout d’intégrer cette qualité de
présence, d’ouverture vigile et lucide, dans les faits et gestes de la vie
quotidienne.

Il est ensuite une relation entre cette qualité d’expérience et l’action : c’est ce que
l’on entend par discipline.

Extérieurement, l’éthique du Dharma, ou discipline, est fondée sur la compassion


entendue comme un état de non-agression, de non-violence.

Nous entendons par compassion cette attitude ouverte, cette intelligence du


coeur qui est à la fois réceptivité, disponibilité au-delà des blocages. C’est cette
qualité de compassion, de non-violence, qui est le fondement, le coeur de
l’éthique du Dharma.

Cette éthique peut être dite universelle. Elle recoupe très largement une éthique
que l’on pourrait dire monothéiste, chrétienne, à cette différence près qu’il y a
dans la perspective bouddhiste une vision beaucoup plus médicale, fondée sur
l’harmonie et sur la compassion plutôt qu’une perspective plus juridique fondée
sur les commandements et des arguments d’autorité.

Présentation de la franc-maçonnerie

Alain Lorand

A la différence de Lama Denys, qui est un maître dans le bouddhisme, je n’ai de


leçon de franc-maçonnerie à donner à personne. Ma présentation de la franc-
maçonnerie sera la plus large, la plus exhaustive possible, et, bien sûr, reflétera
la façon, qu’à titre personnel, je vois la franc-maçonnerie. Cette présentation est
à l’attention des non-maçons. Les maçons n’apprendront certainement rien de
nouveau.

Comme nous sommes dans le thème tradition et transmission, je tiens à vous


faire part de ma petite transmission à moi. Je voudrais rappeler trois frères qui
sont passés à l’Orient éternel et qui ont été mes maîtres, en quelque sorte : les
frères Gaston Chazette, Francis Viaud et N’Guyen Tanh Khiet. C’est ma petite
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lignée personnelle, à laquelle je tenais à rendre hommage parce que, si ces


frères n’avaient pas été là, je ne serais pas là non plus en train de vous parler de
la franc-maçonnerie ! Il y a un rattachement qui ne remonte pas à vingt-cinq
siècles mais qui est néanmoins existant car eux-mêmes se rattachaient à …, qui
se rattachaient à…, etc.

Donc, très respectable Lama Denys, frères et soeurs de la congrégation, frères


et soeurs en vos grades et qualités, chers amis, pour cette présentation de la
franc-maçonnerie, je ne vais pas reprendre le travail fourni par le frère Jean-
Pierre Schnetzler lors du premier colloque et qui figure in extenso dans le livre
que l’on vous a présenté. Je vais décrire l’historique, la genèse, de la franc-
maçonnerie moderne. J’insisterai sur ce qui l’anime, sur l’esprit maçonnique et
ce qui fait son originalité.

Pour définir la franc-maçonnerie, je vais reprendre les termes du programme du


colloque. La franc-maçonnerie est un ordre initiatique, traditionnel, d’origine
artisanale, fondée sur le symbolisme de la construction et ayant son origine dans
les initiations antiques des constructeurs développées en milieu judéo-chrétien.
Sa vocation est universelle. La franc-maçonnerie a pour objet de construire le
temple intérieur afin de réaliser le temple extérieur, c’est-à-dire une société
fraternelle.

En 1723, en Angleterre, le pasteur Désaguliers dédicace au duc de Montaigu la


Constitution comprenant l’histoire, lois, obligations, ordonnances, règlements et
usages de la respectable confrérie des francs-maçons. C’est de ce document
fondamental que naît la franc-maçonnerie d’origine anglaise, chrétienne et
protestante.

Tout phénomène ayant une cause, que se passait-il donc, à cette époque et en
ce lieu ?

En 1710, Georges 1er de Hanovre, donc allemand, monte sur le trône


d’Angleterre et s’adresse à ses sujets lors de son discours inaugural, en latin et
en français, car il ne connaissait pas l’Anglais. Traumatisés par les luttes entre
les stuartistes, les papistes, les Hanovriens, et j’en passe, une élite à dominante
protestante cherche à se rassembler, à réunir ce qui est épars, en trouvant un
dénominateur commun, un élément de croyances minimales sur lequel
s’entendraient les hommes d’honneur.

En 1723, en Angleterre, l’individu qui se proclamait athée ne pouvait être qu’un


stupide complet ou un libertin notoirement corrompu par oubli ou, plus, par
mépris des lois de son Créateur.

Tout porte à croire que les fondateurs, en 1723, n’avaient aucunement l’intention
de fonder une nouvelle religion ou une secte. Ils avaient le désir de rassembler le
plus grand nombre possible de gentlemen en laissant les querelles religieuses
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au vestiaire et en déposant les métaux, comme l’on dit, à la porte du temple.


Leur but était de se rassembler, autour d’un idéal spirituel, d’un besoin de
solidarité et de fraternité, dans le secret et la liberté de la loge, hors des Eglises
et des corps constitués. Cet idéal est resté le même aujourd’hui.

Mais d’où vient le terme franc-maçon ? Les francs-maçons sont des


constructeurs, donc des maçons. Au moyen-âge, l’apprenti, le compagnon et le
maître d’une corporation médiévale donnaient à leur labeur un caractère sacré.
La cité humaine était une ébauche de la cité divine. Le travail fait avec amour
devenait une prière. Il avait un caractère sacré s’il était exécuté avec un état
d’esprit se référant à la tradition. Au moyen-âge, maçon signifiait tout à la fois
ouvrier, conducteur de travaux et architecte. On distinguait les maçons ordinaires
ou rough-masons et les maçons instruits ou free-masons. Ces free-masons
étaient groupés en corporations puissantes dans toute la chrétienté. Nous leur
devons les chefs-d’oeuvre du roman et de l’ogival. Ils circulaient librement d’un
royaume à l’autre, au gré des chantiers. Ils jouissaient de privilèges matériels et
d’une certaine liberté de pensée.

Fiers d’être une élite, ils se protégeaient par des barrières de secrets
traditionnels et se recrutaient par cooptation. Ils se réunissaient dans un lieu
clos, à l’écart des autres, dans un local nommé loge. Ils formaient des apprentis
cooptés à une discipline sévère en veillant à leur instruction technique et sur leur
valeur morale. En effet, une grande oeuvre n’est réalisée que si l’on garde le
coeur pur.

Pour se distinguer des rough-masons et autres manoeuvres, les free-masons


échangeaient entre eux des signes, mots et gestes qui leur servaient de
passeport et de reconnaissance dans leurs déplacements. Eux seuls savaient
manier certains outils, appliquaient des règles de mécanique, de projection, de
trigonométrie leur permettant de tracer les plans et de dégrossir une pierre brute
jusqu’à ce qu’elle devienne une clef de voûte. Il n’y avait pas de livre imprimés,
donc beaucoup d’analphabètes dans leurs rangs. L’enseignement se
transmettait oralement, dans le secret des loges, en utilisant largement les
symboles.

Lorsque l’âge des cathédrales déclina, on cessa d’utiliser les maillets et les
ciseaux pour construire. Vint alors, l’ère des outils symboliques pour tailler les
esprits et bâtir les cathédrales spirituelles : les temples intérieurs. Telle fut la
naissance de la franc-maçonnerie moderne dite spéculative (du latin speculare
qui signifie qui observe) qui a pour objet l’étude des faits de conscience.

Il est remarquable de constater que les sociétés recrutant par cooptation et se


protégeant par des secrets fonctionnent sur un modèle standard. Ce type de
sociétés date de l’aube de la civilisation. Elles s’imposent pour mission
essentielle d’être gardiennes d’une forme élaborée de la vérité qui serait
inassimilable voire dangereuse pour le tout-venant et d’initier leurs membres par
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transmission directe, les chaînons se prolongeant d’un côté vers le lointain passé
et l’autre vers l’avenir selon ce que les hermétistes appelaient la chaîne d’or
d’Homère. A l’origine de chaque société, est une proclamation du ou des
fondateurs qui, en quelque sorte, s’auto-initient. Le fait de résister à l’usure du
temps et de perdurer sanctifie toute institution qui tend à faire reculer le plus loin
possible son origine en perdant celle-ci dans le passé le plus lointain. Ce qui en
augmente considérablement le mystère.

L’initiation en général et maçonnique en particulier se confère par des rituels


obéissant à la thématique suivante, commune à toutes les sociétés qui
fonctionnent par cooptation et initiation :

1. choix et consécration d’un lieu sacré, templum, temporaire ou définitif ;

2. éloignement des profanes, ou de ceux qui n’ont pas atteint le degré où s’ouvre
la cérémonie ;

3. ouverture des travaux par un personnage qualifié qui consacre l’espace et le


temps ;

4. introduction, mort et résurrection symbolique du candidat ;

5. épreuves sous formes de voyages et purification, le plus souvent, par les


quatre éléments alchimiques, terre, feu, air et eau ;

6. psychodrame évoquant la vie d’un personnage archétypique, à l’origine de la


société ;

7. prestation par le néophyte d’un serment solennel qui le lie ad vitam à


l’association et à ses frères ;

8. marques d’une personnalité nouvelle, nom mystique, âge symbolique ; vêture


particulière, tablier du franc-maçon, épée et éperon du chevalier, canne du
compagnon ;

9. transmission des moyens de reconnaissance, signes, mots, gestes,


attouchements, marches ;

l0. il lui est dévoilé, directement ou allusivement, les idéaux de la société ;

11. retour au monde devenu profane (du latin pro, en avant et fanum, temple),
marqué par une libation, un repas cérémoniel, voire une orgie (Est-ce au
programme ? Lama Denys confirme. Rires).

Ces rites de retour ne font pas perdre les qualités d’initié qui sont gardées pour
l’éternité.
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La rituélie met en oeuvre des symboles s’adressant aux cinq sens car seule la
forme permet d’accéder à la non-forme, à l’informel. Tout ce squelette, cette
carrosserie symbolique, fonctionne remarquablement. Mais tout va dépendre de
ce qui l’anime et du pilote qui orientera vers le bien ou le mal, le noir ou le blanc,
le bien des êtres ou leur asservissement. Les forces de la contre-initiation dont
parle René Guénon sont aussi à l’oeuvre. Très proches de nous, les nazis ont
largement utilisé ces procédés jusqu’à l’emploi de la croix gammée, notamment.
Donc, il faut se méfier.

Qu’est-ce donc qui anime l’ordre maçonnique ? Quels sont les buts qu’il se
propose d’atteindre ? Quels moyens met-i1 à disposition ? En entrant en franc-
maçonnerie, il n’y a pas à adhérer à un programme prédéfini, à croire les
enseignements d’un fondateur éclairé. On devient franc-maçon petit à petit, au fil
du temps, par imprégnation, par osmose. Par le travail en loge. C’est en
maçonnant que l’on devient franc-maçon. Pour gravir les échelons, il est une
sorte une vérification

des connaissances.

Ce qui sous-tend le tout, c’est une foi, une foi dans le sens de confiance, une foi
inaltérable dans l’individu et sa perfectibilité incessante. Le franc-maçon, femme
ou homme, se veut libre autant que faire ce peut et désir améliorer, élever les
hommes, ses frères, et améliorer la société humaine en la rendant fraternelle.

La micro-société de la loge doit servir de modèle, de maquette à la société en


générale. Ce qui se traduit “par répandre en dehors du temple les vérités qu’il y
aura acquises”. C’est par le dialogue, la non-violence, en ayant laissé les
certitudes politiques religieuses ou autres, dans un esprit d’ouverture et de
tolérance, que le franc-maçon souhaite contribuer à l’apaisement des conflits
jusqu’à ce qu’enfin la lumière chasse les ténèbres et que l’ordre se substitue au
chaos.

Comment procéder pour que des hommes et des femmes venant d’horizons très
différents finissent par se reconnaître comme frères et soeurs, par développer
une réelle fraternité où le sens de l’entraide naîtra spontanément ?

C’est toujours et uniquement par la pratique, la pratique du travail en loge, dans


un cadre rituel, avec l’aide de symboles, que l’on finit par se sentir franc-maçon
et que l’on est reconnu comme tel par la communauté fraternelle.

Juste avant de procéder à l’initiation du profane, celui-ci descend dans une cave
éclairée d’une bougie, rappel de la graine que l’on enfouit en terre et qui doit
mourir pour devenir épi. Au mur, une inscription reprenant les premières lettres
d’une formule alchimique V.I.T.R.I.O.L., signifiant : “visite l’intérieur de la terre et
tu y trouveras la pierre cachée”.
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C’est donc, avant même le départ, une invitation pressante à cultiver le regard
intérieur, à se connaître soi-même. C’est une invitation au “connais-toi toi-
même”, au “gnôthi seauton” maxime écrite au fronton du temple de Delphes et
adoptée par Socrate. N’est-ce pas là une injonction à la méditation, à calmer et à
voir le fond de l’esprit ? Cette recommandation n’est, hélas, complétée par
aucune instruction technique sur le comment faire, ni par aucune disposition pour
en réaliser le suivi.

C’est là le point fondamental qui, à mon sens manque, et où l’enseignement du


Bouddha peut apporte une aide inestimable.

Néanmoins au fil des ans, en loge, par la pratique de l’écoute fraternelle et


compatissante, le franc-maçon viendra à penser par lui-même, à construire ses
propres vérités, à être son propre flambeau. Cette qualité de pensée libre lui
attirera les foudres de tous les totalitarismes, politiques et autres, de tout
dogmatisme sans exception. S’il est difficile de cerner avec précision les
contenus de l’esprit maçonnique, il est en revanche facile d’en définir les
adversaires. Ce sont les mêmes qui ont détruit les universités bouddhistes en
Inde, qui ont incendié la bibliothèque d’Alexandrie, les synagogues, allumé les
bûchers de l’Inquisition, exterminé les cathares et, en islam, exterminés les
babis, édifié les camps de la mort etc., le catalogue serait sans fin. Les trois
mauvais compagnons : l’ignorance, le fanatisme et le mensonge, rôdent toujours.
Ils sont actifs et réveillent sans cesse les forces obscures tapies au fond de nos
esprits. A la veille du XXIe siècle, dans deux ans, les forces de lumière et de
tolérance doivent contribuer à prendre conscience, à faire prendre conscience à
l’humanité, que seule la paix intérieure permettra de réaliser la paix extérieure.
J’ai un peu étudié l’enseignement du Bouddha. Deux points, en tant que franc-
maçon, m’ont interpellé. Le premier est : “Ne croyez pas ce que je dis, mais en
pratiquant mon enseignement, voyez et observez les résultats. Le second est :
“Ne jetez pas le trouble dans les croyances d’autrui, toutes les spiritualités sont
respectables.” En conclusion, qui mieux que la poésie pourrait tenter de cerner la
subtilité, le parfum, l’essence de l’esprit maçonnique. Voici quelques extraits d’un
poème écrit en 1896 par le frère Rudyard Kipling de retour en Angleterre après
un séjour en Inde.

Il s’intitule La Loge mère.

“II y avait Rundle, le chef de station,

Beazeley, des voies et travaux,

Ackmam, de l’intendance,

Dankin, de la prison,

Et Blacke, le sergent instructeur,


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Qui fut deux fois notre Vénérable,

Et aussi le vieux Franjee Eduljee

Qui tenait le magasin « Aux denrées européennes ».

Dehors, on se disait : « Sergent, monsieur, salut, salam. »

Dedans c’était : “Mon Frère”, et c’était très bien ainsi.

Nous nous réunissions sur le niveau et nous nous quittions sur l’équerre.

Moi, j’étais second diacre dans ma loge-mère, là-bas.

Comme nous nous en revenions à cheval,

Mahomet, Dieu et Shiva

Jouaient étrangement à cache-cache dans nos têtes.

Combien je voudrais les revoir tous

Ceux de ma loge-mère, là-bas !

Dehors, on se disait : « Sergent, monsieur, salut, salam. »

Dedans c’était : « Mon frère », et c’était très bien ainsi.

Comme je voudrais les revoir,

Mes frères noirs et bruns,

Et me retrouver parfait maçon,

Une fois encore, dans ma loge d’autrefois. »

Que l’esprit de tolérance, d’amour et de fraternité éclaire et dirige les travaux de


ce deuxième colloque franc—maçonnerie et bouddhisme.

J’ai dit.

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