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Comment rester soi-même dans des institutions qui prônent le collectif ?

Madame la présidente, monsieur le procureur, mesdames et messieurs les jurés, monsieur le procureur.
J’aimerais que vous fassiez un saut dans le temps. Retournons au lycée, ce lieu où, par la vie en collectivité,
nous avons appris à nous former intellectuellement et à forger notre personnalité personne. Cette courte
période de notre vie est une période de transition, de changement et de bouleversements à plusieurs
échelles. En effet les adolescents que nous sommes à ce moment-là, déterminent leur avenir professionnel
mais aussi leur propre identité . C’est un point de bascule culminant. Il faut alors connaître la différence
entre la conscience de soi et celle des autres. C’est de ces deux facettes dont j’aimerai traiter avec vous
aujourd’hui. En effet, ces deux pôles s’accordent parfois en s’harmonisant. Parfois, c’est le contraire, elles
se confrontent dans une lutte de domination de l’un par l’autre au risque de s’oublier soi-même aux
détriments du groupe.

L’incompréhension, la frustration et le tiraillement sont des sentiments que nous tous avons éprouvés
croisés durant notre parcours à des moments plus ou moins différents. C’est vrai qu’en étant adolescent,
nous souhaitons tous nous accomplir au sein de la société en suivant des conseils, des règles, un modèle
conforme à l’idée de réussite. Pourtant, l’envie de “tout lâcher” afin de suivre son propre chemin nous
interroge sans cesse. C’est de ce tiraillement dont je vous parle. En effet, lorsque nous sommes contraints
de suivre un chemin, nous oublions qui nous sommes, notre personnalité se confond alors avec celle du
groupe. De cette fusion entre groupe et individu, on pourrait parler d’une forme égalitarisme pourtant la
réussite individuelle se fait seule et non en groupe. Par réussite, on n’entend pas seulement la réussite
sociale mais aussi un développement intellectuel, affectif harmonieux de l’individu. Oui, toute notre
individualité est à entretenir comme un “jardin intérieur” sans le laisser dépérir. A cela d’autres facteurs
viennent s’ajouter à la difficulté de la recherche de soi. En effet, le monde dans lequel nous vivons
aujourd’hui est marqué par une communication mondialisée via les réseaux sociaux. Ces réseaux nous lient
émotionnellement en continu avec le monde entier. Hors être au diapason avec le monde, c’est aussi de
façon permanente s’exposer et se comparer. Si, nous cherchons à choisir les autres comme modèle alors ce
désir de ressembler aux autres peut aussi générer des frustration en cas d’échec. Échec, qui si il est répété
peut conduire à un manque profond de confiance en soi. C’est cette pression voulue et subie par l’individu
à devoir “rentrer dans des cases” qui intensifie le conflit entre collectif et individu. Cette injonction
permanente à la conformité l’aliène au collectif sans que l’individu puisse s’en affranchir. Il devient
spectateur de sa propre vie et non acteur. Hors, cette volonté d’uniformité nous prive de notre liberté et noie
l’authenticité de notre identité qui, je le rappelle, est tout aussi importante que le bon respect des règles
dans le chemin de la réussite.
Ce “jardin intérieur” dont j’ai parlé, ce sont les propos de Descartes qui a dit : « seule notre pensée est en
notre propre pouvoir contrairement aux choses extérieures qui ne sont que relativement en notre pouvoir ».
L’entretien de notre pensée nous amène vers l’affirmation de notre identité et nous démarque des autres.
L’individu revendique continuellement sa nécessité d’être dans le monde car “tout projet individuel à une
valeur universelle” comme l’a dit Jean-Paul Sartre. Pour se démarquer, se construire, l’individu a besoin de
la société mais paradoxalement il a aussi besoin de dire “non” à cette même société, de s’y opposer pour
prendre conscience de lui-même et exercer sa raison. Prenons l’exemple d’une équipe de football. Sur le
terrain celui qui à la balle va chercher un coéquipier qui sait se démarquer pour pouvoir lui faire la passe.
Celui qui est un peu excentré, contrairement aux autres joueurs qui sont obnubilés par le ballon, pourra
surprendre ses adversaires et marquer un but plus facilement tout en suivant les règles du foot sans par
exemple pousser les adversaires qui l’empêcheraient de passer. C’est mot pour mot la manière dont un
joueur comme Lionel Messi agit sur un terrain, il marche, réfléchit puis agit collectivement, ce qui fait de
lui à la fois un pièce maîtresse du collectif et un joueur d’exception. C’est cette équilibre subtil entre
conformisme et individualisme qui régit la réussite. Les règles conventionnelles sont faites pour le succès
mais la personnalité que nous construisons l’est autant ! Cette dernière est mise parfois au second plan.
Pourtant notre personnalité, qui est le fruit d’un travail axé sur soi, nous apporte un succès plus prometteur
car il est plus personnel et donc il fait la différence face aux autres. Lors des présentations pour des
concours, les candidats retenus sont souvent ceux qui parlent d’un sujet personnel car il révèle une
sensibilité bien plus riche et précieuse qu’un autre qui a une pensée plus conventionnel et donc attendu sur
le sujet. Parfois, dans un examen, le mimétisme peut s’avérer moins payant que la rupture, encore faut-il
oser !
Il existe un équilibre fragile à entre la volonté « d’être dans les cases » et celle de prouver son authenticité
face aux autres. L’individu qui a conscience de soi a besoin de la reconnaissance de l’autre pour lui montrer
sa valeur. On pourrait parodier le “cogito ergo sum” de Descartes et en donner une version plus
moderne ”je me “frotte” aux autres donc j’existe” en effet mon individualité se définit par ma confrontation
à l’altérité et au groupe.

Le moi a besoin de l’autre et inversement, c’est ce qui forme la société. Elle permet a tous d’exister et de
s’exprimer d’une certaine manière. On oublie souvent que chaque individu quelque-soit son rôle dans la
société, possède une personnalité qui le rend intéressant et intéressé. C’est sa personnalité qui le définit et
non les normes qu’il doit suivre qui le rendent insensible. C’est en trouvant ses centres d’intérêts et ses
affinités avec ses pairs qu’il peut cultiver et enrichir sa personne.

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