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A. Gonin/CEA
Après synthèse chimique dans des ballons de verre, les détergents (lipides) sont caractérisés par résonance magnétique nucléaire.
Ils seront ensuite mélangés avec les nanotubes de carbone.
du détergent interagissent avec la surface de graphite tituant des structures cylindriques sur le graphite. Il
des nanotubes, qui est également très hydrophobe, est probable que le même type de phénomène soit
par l’intermédiaire de liaisons de Van der Waals, les opérant avec les nanotubes de carbone, aboutissant
têtes polaires pointant quant à elles vers le milieu à des arrangements en forme d’anneaux perpendi-
aqueux environnant. Des études de microscopie culaires à l’axe du tube. L’apparition de ces anneaux
électronique (voir Les microscopes : des yeux devenus n’est observée que lorsque la concentration en déter-
aussi outils), réalisées au Département de biologie gent est supérieure à la concentration micellaire cri-
Joliot-Curie de la Direction des sciences du vivant tique, c’est-à-dire la concentration en deçà de laquelle
du CEA (DSV), ont montré que le traitement des il ne se crée pas spontanément de micelle dans le
nanotubes par ces détergents conduisait à l’appari- milieu. Il est donc probable que la mise en place des
tion de stries régulières à la surface des tubes. La pré- structures à la surface des nanotubes passe, dans un
sence de ces striations met en évidence non seule- premier temps, par la formation de micelles en solu-
ment l’adsorption du détergent sur les nanotubes tion, qui se réarrangent par la suite en anneaux. La
de carbone, mais aussi une auto-organisation molé- distance séparant deux anneaux adjacents le long du
culaire spontanée du tensio-actif. Des travaux anté- tube est d’environ 30 Å.
rieurs effectués sur le graphite avaient déjà révélé la
formation de surfaces ondulées. Ce phénomène résulte Des bagues pour une vectorisation ciblée
d’une organisation en demi-micelles allongées cons- de médicaments
(1) Acide gras : chaîne composée d’atomes de carbone Selon la nature des acides gras utilisés, des anneaux
(de 4 à 24), d’hydrogène et d’oxygène. Un acide gras comprend
un groupe méthyle (CH3) et sa chaîne carbonée, ensemble
stables peuvent être obtenus par polymérisation.Cette
non soluble dans l’eau (mais liposoluble), et un groupe opération s’effectue par irradiation lumineuse (dans
carboxylique (–COOH), partie acide de la molécule, soluble l’ultraviolet) de molécules de détergent spécialement
dans l’eau (mais non liposoluble). conçues, qui incorporent en leur sein des groupements
photo-réactifs capables de se lier entre eux. Chaque
molécule de détergent peut polymériser avec deux
molécules voisines pour mener à un réseau enchevêtré,
qui conférera de la rigidité à l’arrangement supramo-
léculaire. Cet arrangement est stable et résiste à des
étapes répétées de lavages organiques. La réticulation
du tensio-actif offre donc aux bagues une certaine
cohésion qui leur permet d’exister en tant qu’objets
individuels, une fois isolées de leur support carboné.
La séparation des bagues lipidiques de la surface des
nanotubes se fait par électrophorèse, qui consiste
à placer les nanotubes “bagués” dans un champ élec-
trique. Les têtes polaires de lipides étant des espèces
chargées, les anneaux vont migrer hors des nanotubes
de carbone, conduisant à des structures individuali-
sées au cœur hydrophobe et à la coque externe hydro-
A. Gonin/CEA
tête
hydrophile
chaîne
hydrophobe
cœur hydrophobe
1) irradiation
lumineuse
2) électrophorèse
Figure 1.
Principe de préparation
de nanobagues coque hydrophile
lipidiques.
protéine
Figure 2.
Auto-assemblage de protéines sur un nanotube de carbone.
d’un ligand donné. La perturbation induite par la de nouveaux nanosystèmes de vectorisation molé-
fixation de ce ligand produit un signal qui sera relayé culaire. La synthèse, par le chimiste organicien, de
par les nanotubes de carbone vers un système de détec- tensio-actifs spécifiquement conçus pour la cohésion
tion approprié. Le nanosenseur permet la transmis- de l’assemblage supramoléculaire permet au nanovec-
sion et l’analyse des données en transformant des teur d’exister, une fois isolé de sa matrice carbonée.
signaux biochimiques en impulsions électroniques. Ces nanobagues lipidiques autoriseront une vectori-
L’utilisation de nanotubes de carbone pour l’élabo- sation ciblée de composés d’intérêt thérapeutique.
ration de biosenseurs autorise un abaissement du
seuil de sensibilité tout en assurant la miniaturisa- > Cécilia Ménard, Nicolas Mackiewicz,
tion des systèmes de détection. Éric Doris et Charles Mioskowski
D’autre part, l’obtention de nanobagues amphiphiles Direction des sciences du vivant
sur nanotubes de carbone ouvre des perspectives vers CEA centre de Saclay
Du nano-objet au macrocomposant :
les nanomatériaux sol-gel pour l’optique
La possibilité de synthétiser par voie sol-gel des matériaux hybrides organique-
inorganique ouvre de nouvelles perspectives pour le développement de nanomatériaux
présentant des propriétés spécifiques. Pour les composants optiques des lasers
de puissance de son programme Simulation des armes thermonucléaires, le CEA
a ainsi mis au point des revêtements composés de tels matériaux hybrides. Ces
matériaux entrent à la fois dans la réalisation de couches réfléchissantes pour
les miroirs et dans la protection anti-oxydation des surfaces métalliques des
amplificateurs. Des concepts originaux de ce type pourraient également servir
à élaborer des nanomatériaux à organisation hiérarchique dotés de propriétés
particulières dans d’autres domaines que l’optique.
Traitement d’un
composant optique du
LMJ (Laser Mégajoule)
par le procédé sol-gel. La
solution à déposer est
synthétisée en cuve de
300 litres. L’optique est
immergée dans ce bain,
puis retirée à vitesse
constante, assurant un
dépôt contrôlé du
CEA
revêtement.
’élaboration au niveau moléculaire des matériaux tés optiques, propriétés électriques… La partie orga-
L hybrides organique-inorganique permet, de par
leur concept, d’imaginer une structure et de la cons-
nique apporte la tenue mécanique (structuration,
matrice),la déformabilité,l’adhésion,la transparence…
truire à façon (Lego™ Chemistry). La partie inorga- Le Laboratoire sol-gel du Département Matériaux de
nique offre les fonctions classiquement inhérentes aux la Direction des applications militaires (CEA/Le
composés minéraux,c’est-à-dire résistance mécanique, Ripault) étudie notamment ces nanomatériaux dans
inertie chimique, résistance en température, proprié- le cadre du programme Simulation, destiné à assurer
constitués de composés multidiélectriques (oxydes tes est un atout pour supporter les déformations du
isolants) transparents. Ils sont formés d’un empile- substrat entraînées par cette phase de correction.
ment de couches déposées, alternant un matériau à Pour permettre l’élaboration d’un revêtement réfléchis-
bas indice de réfraction et un matériau à haut indice. sant sur support déformable à partir de matériaux à
Le coefficient de réflexion du miroir est fonction du base de nanoparticules, il est important de mettre
rapport d’indice de ces matériaux constitutifs et du au point une couche colloïdale à fort indice. Une des
nombre de couches unitaires déposées. C’est ainsi, solutions pour accroître l’indice de couches colloïdales
qu’avec environ une vingtaine de couches, il est pos- consiste à incorporer à la suspension un liant polymé-
sible d’accéder à des réflexions de l’ordre de 99 %. rique soluble, comme par exemple le PVP (poly-vinyl-
Le miroir de cavité du LMJ ou de la Ligne d’intégra- pyrrolidone). En augmentant la teneur en liant dans
tion laser (LIL), installation prototype d’une des chaî- un système colloïdal, le chimiste élève l’indice de
nes du LMJ, possède la particularité d’être constitué réfraction du film. Le rapport massique liant/oxyde va
d’un support déformable qui assure la correction de déterminer l’indice de réfraction du mélange hybride,
la surface d’onde du faisceau, limitant ainsi les aber- et donc du film mince correspondant (figures 1a et 1b).
rations optiques(8) induites par chaque traversée de Par ailleurs,l’étude de l’arrangement stérique du poly-
composant. Dans ce cas précis, le recours à un revête- mère avec les colloïdes de zircone (ZrO2) a révélé que
ment composé de couches sol-gel exemptes de contrain- pour le rapport optimum,le PVP occupe l’espace autour
des colloïdes d’oxyde en développant des liaisons hydro-
gène entre les fonctions carbonyles pyrrolidone et les
SiO2 groupes hydroxyles (OH) de surface du ZrO2 (figure 1c).
ZrO2-PVP Par ce greffage,colloïdes et polymère forment un com-
posé hybride beaucoup plus dense (la porosité résiduelle
est estimée à environ 17 %). Pour la réalisation des
miroirs multidiélectriques du LMJ, les matériaux
constitutifs de l’empilement réfléchissant sont le
M. Lavergne - Paris VI
ZrO2-PVP en tant que matériau à haut indice et la silice
colloïdale SiO2 pour le matériau à bas indice.
100 nm L’homogénéité du revêtement est satisfaisante et per-
a
met de répondre au besoin avec un procédé basse tem-
pérature qui est compatible avec un dépôt sur sub-
indice de réfraction (1 053 nm)
CEA
Parmi les nouveaux matériaux hybrides, sont apparus réflecteur.
récemment les matériaux à structure hiérarchique,
c’est-à-dire à plusieurs niveaux d’organisation dimen- La possibilité de “nanoconstruire” des objets présen-
sionnelle, qui se caractérisent par un réseau à porosité tant des organisations spécifiques dans des domaines
multi-échelle. La hiérarchie au niveau de ces édifices de taille allant de l’angström au centimètre n’a pour
se traduit par une organisation et un empilement limite que les multicombinaisons et les multi-affinités
d’objets élémentaires en série ou en parallèle par auto- qui peuvent exister entre les matériaux de nature orga-
assemblage, co-assemblage ou assemblage direct. Le nique et ceux de nature inorganique. L’enthousiasme
procédé débute par la construction de ces unités, puis qu’a suscité ces dernières années la synthèse de maté-
leur assemblage en objets plus élaborés jusqu’à attein- riaux mésostructurés par procédé sol-gel témoigne
dre un niveau de structure complexe et hiérarchisé. de la richesse de ces structures et de leurs propriétés.
Dans la nature, la construction de tels matériaux est Les phases mésostructurées sont aisément synthétisées
omniprésente, par exemple, comme dans le bois et à l’aide de tensio-actifs qui vont s’organiser en milieu
les os. Ces matériaux naturels présentent souvent des liquide sous forme de micelles, puis à plus longue dis-
propriétés spécifiques qui leur confèrent des perfor- tance sous forme de cristaux liquides (figure 2a).Utiliser
mances exaltées dans leur domaine d’utilisation (un l’organisation micellaire de ces phases organiques dans
gramme d’os présente une stabilité à la compression des solvants polaires, tels que l’eau ou les alcools, pour
4 fois supérieure à celle d’un gramme d’acier!). échafauder et contrôler la croissance de réseaux oxy-
La synthèse de matériaux hiérarchiques nécessite d’appro- des par polycondensation hydrolytique d’alcoxydes
fondir le travail au niveau de la chimie moléculaire et métalliques permet de développer des matériaux nano-
surtout de celle des interfaces. En général, les straté- structurés. Ces nanomatériaux constituent un réseau
gies de synthèse utilisent des matériaux servant d’em- très bien défini, dont les paramètres de structure sont
preintes ou de templates qui,par leur taille et leur nature, directement liés à la nature du tensio-actif et à sa capa-
définissent la dimension des pores et par conséquent cité à former des phases micellaires dans le solvant
l’architecture intrinsèque et définitive du matériau.Les approprié.L’élimination par voie chimique ou thermique
domaines de porosité étudiés s’étendent des micropo- de ce tensio-actif piégé au sein du réseau inorganique
res aux macropores en passant par les mésopores. La ainsi créé, libère la porosité du système caractérisée
combinaison de ces différentes tailles ouvre le champ par une taille de pores calibrée, voire une structure
à l’élaboration de matériaux à porosité multimodale. cristalline correspondant à un groupe d’espace.
Afin de générer de nouvelles structures de matériaux
pouvant répondre aux applications optiques, les cher-
(9) P. BELLEVILLE, P. PRENÉ, C. BONNIN et Y. MONTOUILLOUT,
“Use of sol-gel hybrids for laser optical thin films”, cheurs du Laboratoire sol-gel ont développé des nano-
Mat. Res. Soc. Symp. Proc., 726, 2002. matériaux hybrides qui constituent le premier exem-
milieu de croissance : eau, alcools, éthers milieu de croissance : eau, alcools, éthers
matériau hybride
précurseurs de silice bistructuré
lavage ou
cristal liquide calcination
micelle (cubique)
tensio-actif
sphérique
lavage
tensio-actif
sol-gel SiO2
polycondensation mésostructurée
précurseurs
de silice
“émulsion” tensio-actif
organisation
micelle cristal liquide polymère “hôte” bimodale
cylindrique (hexagonal) tensio-actif (non porogène)
a b
CEA
Figure 2.
Croissance par procédé sol-gel et par auto-assemblage induit par évaporation : en a, de phases mésostructurées ; en b, de matériaux hiérarchiques structurés.
2 µm 2 µm
a 5 µm b 5 µm c 1 µm
CEA
Figure 4.
Photographies en microscopie électronique montrant l’organisation hiérarchique de films transparents élaborés par le procédé sol-gel et par auto-
assemblage en milieu polymère “hôte”. Films formés avec en a, un tensio-actif ionique et du tétrahydrofuranne ; en b, un tensio-actif non-ionique
et de l’acétone ; en c, un tensio-actif non-ionique et du tétrahydrofuranne.
ue
niq
des globules rouges.
ch
te
Ar
Un autre mérite de cette juxtaposition
est d’illustrer les deux grandes façons
*Du grec nano qui signifie “tout petit”
et est utilisé comme préfixe pour désigner
le milliardième (10-9) d’une unité. En
l’occurrence, le nanomètre (1 nm = 10-9 m,
soit un milliardième de mètre) est l’unité
reine du monde des nanosciences et des Tranche de silicium de 300 mm réalisée par l’Alliance Crolles2, illustration de la démarche
nanotechnologies. top-down actuelle de la microélectronique.
d’élaborer des objets ou des systèmes est connue. Mais il ne s’agit plus seu- niser la matière à partir de “briques de
nanométriques : la voie descendante lement d’adapter la miniaturisation de base”, dont les atomes eux-mêmes sont
(top-down) et la voie ascendante la filière silicium actuelle, mais aussi les plus petits constituants, à l’instar
(bottom-up). Deux chemins mènent en de prendre en compte, pour s’en pré- du monde vivant. La nanoélectronique
effet au nanomonde : la fabrication munir ou les utiliser, les phénomènes du futur cherche à emprunter cette voie
moléculaire, qui passe par la mani- physiques, quantiques en particulier, d’assemblage pour aboutir à moindre
pulation d’atomes individuels et la qui apparaissent aux faibles dimen- coût à la fabrication d’éléments fonc-
construction à partir de la base, et sions. tionnels.
l’ultraminiaturisation, qui produit des La voie ascendante peut permettre de Les nanosciences peuvent ainsi être
systèmes de plus en plus petits. passer outre ces limites physiques et définies comme l’ensemble des recher-
La voie descendante est celle du monde aussi de réduire les coûts de fabrica- ches visant à la compréhension des
artificiel, qui part de matériaux macro- tion, en utilisant notamment l’auto- propriétés (physiques, chimiques et
scopiques, ciselés par la main de assemblage des composants. C’est elle biologiques) des nano-objets ainsi
l’homme puis par ses instruments: c’est que suit la vie en pratiquant l’assem- qu’à leur fabrication et à leur assem-
elle qu’a empruntée l’électronique blage de molécules pour créer des pro- blage par auto-organisation.
depuis plusieurs dizaines d’années, téines, enchaînement d’acides aminés Les nanotechnologies regroupent l’en-
principalement avec le silicium comme que des super-molécules, les acides semble des savoir-faire qui permet-
substrat, et ses “tranches” (wafers) nucléiques (ADN, ARN), savent faire pro- tent de travailler à l’échelle molécu-
comme entités manipulables. C’est duire au sein de cellules pour former laire pour organiser la matière afin de
d’ailleurs la microélectronique qui a des organismes, les faire fonctionner et réaliser ces objets et matériaux, éven-
largement contribué à donner à cette se reproduire tout en se complexifiant. tuellement jusqu’à l’échelle macro-
voie le nom anglais sous laquelle elle Cette voie, dite “bottom-up”, vise à orga- scopique.
A (Suite)
IBM Research
Frédéric Ballenegger
E. Pollard/Photolink
M. Freeman/Photolink
S. Wanke/Photolink
(diamètre)
E. Pollard/Photolink
voie
ascendante
Geostock
monde “bottom-up”
D. R.
CEA
vivant molécule ADN virus globule rouge grain de pollen puce fourmi papillon homme
quelques Å 3,4 nm 0,1 µm 5 µm 10 µm à 20 µm 1 mm 1 cm 5 cm 2m
nanomonde
10-10 m 10-9 m 10-8 m 10-7 m 10-6 m 10-5 m 10-4 m 10-3 m 10-2 m 10-1 m
atome boîte quantique nanoparticule nanotransistor transistor interconnexions microsystème puce de carte téléphone véhicule
1 nm 5 nm 10 nm 20 nm “Cooper” de circuit intégré 10-100 µm 1 cm portable 10 cm individuel 2 m
1 µm 1-10 µm monde
CEA/DRFMC/J.-M. Pénisson
voie artificiel
descendante A. Ponchet, CNRS/CEMES
“top-down”
CEA
Arte
c hniq
CEA-Leti
ue/
ue/C
EA
hniq
Tronics
CEA-Leti
PSA-Peugeot Citroën
rtec
CEA-Leti
n-A
icho
D. M
B Quelques repères de physique quantique
L a physique quantique (historique-
ment dénommée mécanique quan-
tique) est l’ensemble des lois physiques
qui s’appliquent à l’échelle microsco-
pique. Fondamentalement différentes
de la plupart de celles qui semblent
s’appliquer à notre propre échelle, elles
n’en constituent pas moins le socle glo-
bal de la physique à toutes ses échel-
les. Mais à l’échelle macroscopique, ses
manifestations ne nous apparaissent
D. Sarraute/CEA
pas étranges, à l’exception d’un certain
nombre de phénomènes a priori
curieux, comme la supraconductivité
ou la superfluidité , qui justement ne “Vue d’artiste” de l’équation de Schrödinger.
s’expliquent que par les lois de la
physique quantique. Au demeurant, le appelé constante de Planck (h), dont la (photon) ou de matière (électron, proton,
passage du domaine de validité des lois valeur est de 6,626·10-34 joule·seconde. neutron, atome…).
paradoxales de cette physique à celui Alors que la physique classique distin- Cette caractéristique donne toute sa force
des lois, plus simples à imaginer, de la gue ondes et corpuscules, la physique au principe d’incertitude d’Heisenberg,
physique classique peut s‘expliquer quantique englobe en quelque sorte ces autre base de la physique quantique.
d’une façon très générale, comme cela deux concepts dans un troisième, qui Selon ce principe (d’indétermination
sera évoqué plus loin. dépasse la simple dualité onde-cor- plutôt que d’incertitude), il est impos-
La physique quantique tire son nom puscule entrevue par Louis de Broglie, sible de définir avec précision à un instant
d’une caractéristique essentielle des et qui, quand nous tentons de l’appré- donné à la fois la position d’une parti-
objets quantiques: des caractéristiques hender, semble tantôt proche du pre- cule et sa vitesse. La mesure, qui reste
comme le moment angulaire (spin) des mier et tantôt du deuxième. L’objet quan- possible, n’aura jamais une précision
particules sont des quantités discrètes tique constitue une entité inséparable meilleure que h, la constante de Planck.
ou discontinues appelées quanta, qui de ses conditions d’observation, sans Ces grandeurs n’ayant pas de réalité
ne peuvent prendre que des valeurs attribut propre. Et cela, qu’il s’agisse intrinsèque en dehors du processus
multiples d’un quantum élémentaire. Il d’une particule – en aucun cas assimi- d’observation, cette détermination
existe de même un quantum d’action lable à une bille minuscule qui suivrait simultanée de la position et de la vitesse
(produit d’une énergie par une durée) une quelconque trajectoire – de lumière est simplement impossible.
B (Suite)
C’est qu’à tout instant l’objet quantique des implications vertigineuses, sans posées par le principe d’incertitude),
présente la caractéristique de superpo- parler des applications imaginables, de c’est-à-dire se trouver dans le même
ser plusieurs états, comme une onde peut la cryptographie quantique à – pourquoi état quantique. Les bosons (en particulier
être le résultat de l’addition de plusieurs ne pas rêver? – la téléportation. les photons), ne suivent pas ce principe
autres. Dans le domaine quantique, la Dès lors, la possibilité de prévoir le com- et peuvent se trouver dans le même état
hauteur d’une onde (assimilable à celle portement d’un système quantique n’est quantique.
d’une vague par exemple) a pour équi- qu’une prédictibilité probabiliste et sta- La coexistence des états superposés
valent une amplitude de probabilité (ou tistique. L’objet quantique est en quelque donne sa cohérence au système quan-
onde de probabilité), nombre complexe sorte une “juxtaposition de possibles”. tique. Dès lors, la théorie de la déco-
associé à chacun des états possibles d’un Tant que la mesure sur lui n’est pas faite, hérence quantique peut expliquer pour-
système qualifié ainsi de quantique. la grandeur censée quantifier la pro- quoi les objets macroscopiques ont un
Mathématiquement, un état physique priété physique recherchée n’est pas comportement “classique” tandis que
d’un tel système est représenté par un strictement définie. Mais dès que cette les objets microscopiques, atomes et
vecteur d’état, fonction qui, en vertu du mesure est engagée, elle détruit la autres particules, ont un comportement
principe de superposition, peut s’ajouter superposition quantique, par réduction quantique. Plus sûrement encore qu’un
à d’autres. Autrement dit, la somme de du paquet d’ondes, comme Werner dispositif de mesure pointu, “l’environ-
deux vecteurs d’état possibles d’un sys- Heisenberg l’énonçait en 1927. nement” (l’air, le rayonnement ambiant,
tème est aussi un vecteur d’état possible Toutes les propriétés d’un système quan- etc.) exerce son influence, éliminant
du système. De plus, le produit de deux tique peuvent être déduites à partir de radicalement toutes les superpositions
espaces vectoriels est aussi la somme l’équation proposée l’année précédente d’état à cette échelle. Plus le système
de produits de vecteurs, ce qui traduit par Erwin Schrödinger. La résolution de considéré est gros, plus il est en effet
l’intrication: un vecteur d’état étant géné- cette équation de Schrödinger permet couplé à un grand nombre de degrés de
ralement étalé dans l’espace, l’idée de de déterminer l’énergie du système ainsi liberté de cet environnement. Et donc
localité des objets ne va plus de soi. Dans que la fonction d’onde, notion qui a donc moins il a de “chances” – pour rester
une paire de particules intriquées, c’est- tendance à être remplacée par celle dans la logique probabiliste – de sau-
à-dire créées ensemble ou ayant déjà d’amplitude de probabilité. vegarder une quelconque cohérence
interagi l’une sur l’autre, décrite par le Selon un autre grand principe de la phy- quantique.
produit et non par la somme de deux vec- sique quantique, le principe (d’exclu-
teurs d’état individuels, le destin de cha- sion) de Pauli, deux particules identiques POUR EN SAVOIR PLUS
cune est lié à celui de l’autre, quelle que de spin 5 (c’est-à-dire des fermions, en Étienne KLEIN, Petit voyage
soit la distance qui pourra les séparer. particulier les électrons) ne peuvent avoir dans le monde des quanta, Champs,
Cette caractéristique, également appe- à la fois la même position, le même spin Flammarion, 2004.
lée l’enchevêtrement quantique d’états, a et la même vitesse (dans les limites