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La climatologie : une science géographique

Article in L Information géographique · January 2000

DOI: 10.3406/ingeo.2000.2705

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1 author:

gérard Beltrando
Univesité Paris Diderot Paris 7
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 L'information géographique

La climatologie : une science géographique

Gérard Beltrando

Abstract
The aim here is not to present an exhaustive review of the climatological research that has been conducted by
geographers. A large volume of very varied work has been produced, both in French publications like those published by
the International Climatology Association (12 volumes to date), and the revue "La Météorologie", and in foreign
publications like the journal of Climate, the International journal of Climatology, Nature and Tellus. This text has a more
modest objective. It aims to show that the discipline has evolved and, above all, to point out that many research problems
permit geographers to draw on their specificity to broaden our knowledge about climates. Often taking a pluridisciplinary
approach, they increase our learning on various scales, both spatial and temporal.

Résumé
L'objectif de ce texte n'est pas de faire un bilan exhaustif de la recherche climatologique des géographes car les travaux
sont très nombreux et très variés que ce soit dans les publications françaises (publications de l'Association Internationale
de Climatologie (12 vol. à ce jour), revue La Météorologie...) ou étrangères (journal of Climate, International Journal of
Climatology, Nature, Tellus...). Plus modestement, ce texte a pour objectif de montrer que la discipline a évolué et surtout
que de nombreuses problématiques de recherches peuvent permettre aux géographes de valoriser leur spécificité,
souvent par des approches pluridisciplinaires, pour améliorer la connaissance des climats à diverses échelles spatiales et
temporelles.

Citer ce document / Cite this document :

Beltrando Gérard. La climatologie : une science géographique. In: L'information géographique, volume 64, n°3, 2000. pp.
241-261.

doi : 10.3406/ingeo.2000.2705

http://www.persee.fr/doc/ingeo_0020-0093_2000_num_64_3_2705

Document généré le 16/10/2015

 DOCUMENTATION
GÉNÉRALE
La climatologie
une science
géographique
Quelques remarques sur l'évolution
de la recherche des géographes-climatologues
Gérard Beltrando
Université des Sciences et Technologies de Lille 1
Laboratoire de Géographie des Milieux Anthropisés CNRS URA 1688
L'objectif de ce texte n'est pas de faire
un bilan exhaustif de la recherche clima-
tologique des géographes car les travaux
sont très nombreux et très variés que ce
soit dans les publications françaises
(publications de l'Association
Internationale de Climatologie (12 vol. à ce jour),
revue La Météorologie...) ou étrangères
(journal of Climate, International Journal
of Climatology, Nature, Tellus...). Plus
modestement, ce texte a pour objectif de
montrer que la discipline* a évolué et
surtout que de nombreuses problématiques
de recherches peuvent permettre aux
géographes de valoriser leur spécificité,
souvent par des approches
pluridisciplinaires, pour améliorer la connaissance
des climats à diverses échelles spatiales et
temporelles.
UNE PREOCCUPATION ANCIENNE,
UN DÉVELOPPEMENT RÉCENT
Les Mésopotamiens, les Égyptiens,
les Indiens observaient et cherchaient à
expliquer, souvent en liaison avec leurs
croyances religieuses, les phénomènes
atmosphériques. Les philosophes grecs,
par exemple Aristote dans ses
Météorologiques (334 av. J.-C), ont
cherché à rationaliser l'explication des
climats et ont esquissé un découpage de
l'espace : la répartition des régions
© Sedes / HER - L'information géographique
n° 3, 2000
:
I he aim here is not to present an
exhaustive review of the climatological research that
has been conducted by geographers. A large
volume of very varied work has been
produced, both in French publications like those
published by the International Climatology
Association (12 volumes to date), and the
revue "La Météorologie", and in foreign
publications like the journal of Climate, the
International journal of Climatology, Nature
and Tellus. This text has a more modest
objective. It aims to show that the discipline
has evolved and, above all, to point out that
many research problems permit
geographers to draw on their specificity to broaden
our knowledge about climates. Often taking
a pluridisciplinary approach, they increase
our learning on various scales, both spatial
and temporal.
sèches et humides, chaudes et froides
était alors expliquée par des différences
de durée du jour, de l'inclinaison des
rayons solaires (Staszak, 1995). Le
terme «climat» est d'ailleurs tiré du
latin «clima» (inclinaison), lui-même
emprunté du grec «Mima». Les savants
arabes du Moyen Âge ont apporté des
précisions sur ce découpage donnant
ainsi aux détenteurs du pouvoir des
informations permettant de renforcer
leur autorité : en Chine, les précipita-
241
Documentation La climatologie :
Générale une science géographique
tions étaient mesurées afin d'évaluer
l'importance des récoltes pour fixer les
impôts...
L'observation scientifique de
l'atmosphère a pu se développer après
l'invention des premiers instruments de
mesures au xvie et xvne siècle (Galilée
invente le thermomètre en 1592;
Torricelli, le baromètre en 1644 ; Hooke,
l'hygromètre en 1664...). Parallèlement,
les premières théories de la physique
apparaissent : le physicien Boyle
énonce, en 1662, la loi de compressibilité des
gaz (loi de Boyle-Mariotte selon
laquelle, à température constante, le volume
d'une masse gazeuse varie dans le sens
inverse de sa pression). C'est à
Ferdinand de Florence que l'on attribue
la création du premier réseau de mesure
en 1653 dans le nord de l'Italie (ce
réseau a fonctionné une dizaine
d'années). Les savants élaborent les
premières cartes climatiques planétaires :
en 1686, Halley propose une carte
climatique des vents dominants sur les
océans; en 1817, Humbolt publie une
carte des températures moyennes de
l'hémisphère nord (complétée en 1840).
Les premiers réseaux permanents ont
été mis en place vers le milieu du xixe
siècle dans les pays les plus riches et
dans leurs empires coloniaux : États-
Unis (1847), Angleterre (1850), Autriche
(1851), France (1852).
Les mesures collectées et leur analyse
ainsi que les renseignements qualitatifs
fournis par les explorateurs ont nourri la
réflexion théorique. Pascal montre que
la pression diminue avec l'altitude
(expérience du Puy de Dôme en 1648).
Dès 1686, l'astronome Halley propose
une première théorie de la circulation
atmosphérique qui a été sensiblement
améliorée par Hadley (1735)
notamment en prenant en compte les vents de
la moyenne troposphère sous les
latitudes tropicales et la rotation de la Terre.
L'exploration de l'atmosphère s'est
poursuivie au xvme et xixe siècle avec
242 L'information géographique
n° 3, 2000
les premières mesures réalisées dans des
montgolfières (Charles, 1781) puis par
ballons-sondes équipés d'appareils
enregistreurs (Hermitte et Besançon,
1892). Grâce à ces instruments, la
stratosphère est identifiée par Teisserenc de
Bort en 1899. L'atmosphère commence
à dévoiler ses secrets...
Au début du xxe siècle, la
climatologie et la météorologie s'individualisent
de plus en plus, mais leur réflexion
s'alimente mutuellement, même si elles ont
parfois du mal à interagir (du moins en
France...).
La météorologie (science qui étudie
les états de l'atmosphère, fondée sur les
lois de la mécanique des fluides et de la
thermodynamique) devient synoptique,
son objectif principal est la prévision du
temps à courte échéance. La
connaissance des processus météorologiques
intéresse notamment les militaires : la
création du service météorologique
français s'est faite après la tempête qui a
provoqué de gros dommages à la flotte
anglo-franco-turque au cours de la
guerre de Crimée en 1854. Les
météorologues installent et gèrent les réseaux de
mesures (données qu'utilisent par la
suite les géographes-climatologues). Ils
développent des réseaux de
transmission très performants permettant la
circulation rapide des données mesurées
dans les stations vers les centres de
prévision. Une fois les données analysées,
les résultats des prévisionnistes sont
diffusés vers les utilisateurs. Les pays
riches mettent sur pieds des organismes
chargés d'effectuer ces tâches (cas de
l'Office National de Météorologie en
France, actuellement Météo-France).
Des techniciens et des ingénieurs sont
formés dans des écoles spécialement
créées pour cela. Les moyens matériels
et humains sont importants, car la
mission de la météorologie est d'assurer la
sécurité des biens et des personnes en
particulier dans le domaine aérien, civil
ou militaire (vols commerciaux transat-
 La climatologie :
une science géographique
lantiques, combats aériens de la
Deuxième Guerre Mondiale ou de
conflits plus récents...). La recherche
théorique évolue : V. Bjerknes (années
1910), chef de file de l'école
norvégienne de météorologie, propose le modèle
du front polaire; C.-J. Rossby (années
1940) montre que les changements de la
circulation atmosphérique de surface ne
peuvent être prévus sans tenir compte de
ceux qui affectent la haute troposphère...
Parallèlement, la climatologie entre
dans les universités. Les géographes en
sont les principaux acteurs. Ils
s'intéressent d'abord à la répartition planétaire
des climats puis, plus tard, aux
mécanismes qui expliquent sa variabilité dans
l'espace et le temps. C'est la durée qui
fait la différence entre ce qui relève de la
climatologie et de la météorologie. «Le
temps qu'il fait se définit dans le court
terme, le climat dans le long terme»
(Chaire et de Saintignon, 1997). La
climatologie, assimilée aux disciplines
littéraires, est enseignée, dans les collèges
et les lycées, par les géographes et les
historiens (ces derniers étant largement
majoritaires), ainsi que dans les unités
de géographie des universités (en
Rance, elle est enseignée dans le
premier et le deuxième cycle de la plupart
des cursus de géographie, et elle fait
l'objet de quelques séminaires de
troisième cycle...). Un des principaux
centres d'intérêt actuel des géographes-
climatologues est de raisonner en termes
spatiaux, d'être capable d'appréhender
les états de surface : par exemple, la
masse forestière ou le relief qui
modulent le déplacement des masses d'air. La
deforestation massive sous les basses
latitudes et la reforestation sensible dans
la plupart des pays riches pourra
produire des changements climatiques, que le
scientifique ne pourra pas évaluer avant
de pouvoir identifier, d'une part, le rôle
précis de la forêt sur le climat, d'autre
part, l'étendue de ces formations à un
instant donné. Les géographes-climato-
logues de cette fin de siècle s'intéressent
L'information géographique
n° 3, 2000
Documentation
Générale
donc aux états de surface (qui
contribuent à l'explication des climats) mais
aussi à l'interpolation des données
ponctuelles, à la recherche de
téléconnexions entre les variables du système
climatique...
Progressivement, les définitions ont
évolué, les problématiques et les intérêts
se sont diversifiés.
DE LA GEOGRAPHIE
DES CLIMATS À LA DYNAMIQUE
DES CLIMATS
Au début du siècle, le météorologue
J. van Hann (autrichien) et les
géographes A. J. Herbertson (américain),
A. Voeykov (russe) et W. Kôppen
(allemand) ont élaboré les bases de la
climatologie. Puis la discipline a évolué, les
thèmes de recherche se sont diversifiés.
Aujourd'hui, plusieurs disciplines
s'intéressent au(x) climat(s).
L'évolution d'une définition
Les chercheurs du début du siècle
collectent de manière systématique des
données quantitatives, qu'ils analysent,
à l'échelle mensuelle ou saisonnière,
pour calculer des moyennes, puis ils
fixent des seuils pour établir des
classifications (Hann, 1908 à 1911...). Ils
s'intéressent aussi à la végétation, qui est un
bon indicateur du climat ; leur recherche
aboutit au tracé de cartes. En 1909, E. de
Martonne, consacre plusieurs pages à la
climatologie analytique dans son traité
de géographie physique. Les
descriptions à l'échelle régionale s'affinent
avec la multiplication des thèses
régionales. En Rance, huit thèses consacrées
aux Alpes abordant l'aspect climatique
ont été soutenues entre 1925 et 1947,
dont une celle de E. Bénévent (1926),
publiée par l'Office National de
Météorologie, consacrée exclusivement
à la climatologie (d'après Loi, 1982).
Quelques années plus tard, P. Estienne
(1956) dans sa thèse consacrée au climat
243
Documentation La climatologie :
Générale une science géographique
du Massif Central met bien en évidence
les relations entre le climat et
l'organisation des sociétés humaines. Pour
tenter de mener à bien leur recherche, ces
chercheurs ont dû s'adapter aux
irrégularités de la documentation (faible
longueur des séries de mesures, réseaux de
stations clairsemés dans des régions au
relief complexe...) et faire appel au
« savoir-faire » populaire ou au bon sens
des paysans (étude des vents par
enquête notamment). Ces méthodes de travail
peuvent paraître très artisanales mais,
encore aujourd'hui, elles s'avèrent
intéressantes lorsque d'autres types de
données font défaut : I. Sarmir (1995), pour
comprendre les relations entre les
données météorologiques mesurées à la
station synoptique de Reims et les
températures minimales dans le vignoble de
Champagne, a utilisé les réponses aux
questionnaires annuels sur le gel réalisés
à l'échelle communale par l'Association
Viticole Champenoise.
Durant cette première moitié du xxe
siècle, la climatologie garde des liens
étroits avec la météorologie et elle ouvre
des passerelles vers la médecine,
l'hydrologie, l'agronomie, l'océanographie,
la botanique tout en renforçant sa place
dans la géographie. Dans les années
1940, Thornthwaite s 'inspirant des
travaux des premiers climatologues
(Kôppen en particulier) établit des
relations conceptuelles d'évapotranspiration
potentielle, d'excédent et de pénurie
d'eau... et les exprime en formules
mathématiques. Ces travaux ont incité
de nombreux chercheurs à entreprendre
des études sur les bilans hydriques ou
énergétiques de la planète, renforçant de
la sorte la dimension géographique de la
climatologie.
Jusqu'au milieu du siècle, le climat
est surtout défini en terme de « moyenne
des états de l'atmosphère en un lieu
donné de la surface terrestre» (Hann,
1908). Les chercheurs calculent les
moyennes interannuelles des variables
244 L'information géographique
n° 3, 2000
météorologiques sur des périodes
longues dans la mesure du possible
[souvent les normales sur trente ans
préconisées par l'Organisation
Météorologique Mondiale (OMM)] ; c'est à partir
de ces calculs que l'on établit les
classifications des climats. Mais cet état
moyen ne correspond que très
exceptionnellement (ou jamais) à la réalité : le
géographe E. Bénévent écrit en 1926
dans sa thèse que «l'année moyenne est
précisément celle qui ne se réalise
jamais». Le calcul des paramètres
moyens reste utile mais il est largement
insuffisant car le climat ne peut-être
considéré uniquement comme un état
stable. En 1943, M. Sorre propose une
nouvelle définition «le climat est la
série des états de l'atmosphère
au-dessus d'un lieu dans leur succession
habituelle».
Depuis le début des années 60, il est
plus généralement apprécié en terme de
«probabilité statistique d'occurrence
des divers états de l'atmosphère en un
lieu donné». Alors que dans la première
moitié du siècle les climatologues
privilégiaient l'analyse séparée de chaque
élément du climat, cette nouvelle
définition nécessite une approche plus globale
et une vision synoptique des processus.
P. Pédelaborde (1957) a consacré une
thèse de climatologie dans laquelle
plusieurs éléments séparés du climat sont
replacés dans leur contexte
atmosphérique. Il définit ainsi la climatologie
dynamique. Dans sa recherche
consacrée au Bassin Parisien, il analyse les
champs de pression en surface et dans la
moyenne troposphère, le déplacement
des masses d'air, la position des fronts.
Il définit et codifie la notion de type de
temps. C'est à cette époque (années 60)
que l'on introduit des notions de type de
circulation, de type de temps ou de
situation synoptique, longtemps
discutés par les géographes (Pagney et Péguy,
1972...). L'échelle régionale est
privilégiée pour ces descriptions et
explications géographiques des climats (mais la
 La climatologie :
une science géographique
taille de la «région» peut être très
variable). Cette climatologie
dynamique, que Pagney (1996) qualifie très
justement de traditionnelle, s'appuie sur
des documents synoptiques (cartes
météorologie, images satellitales,...).
Elle se développe, en Rance, notamment
grâce aux travaux de P. Pédelaborde
(1957) pour les moyennes latitudes et de
P. Pagney (1966) ou M. Leroux (1970)
pour les basses latitudes.
Parallèlement, quelques climato-
logues commencent à s'intéresser aux
relations de cause à effet entre les
anomalies climatiques aux échelles méso ou
macroclimatiques. C'est le domaine des
téléconnexions, c'est-à-dire des
corrélations statistiques observées entre des
variables climatologiques appartenant à
des régions éloignées les unes des
autres. Alors qu'auparavant les études
climatiques se focalisaient presque
exclusivement sur les terres émergées,
les recherches prennent de plus en plus
en compte l'influence de l'océan. Celui-
ci par sa très forte capacité de stockage
de la chaleur, et par le fait que les
courants marins sont beaucoup plus lents
que ceux de l'atmosphère, apporte au
système climatique une variabilité à des
échelles temporelles sensiblement plus
longues que celles de l'atmosphère.
Des recherches de plus
en plus pluridisciplinaires
Au sein de la géographie la variabilité
temporelle du climat à différentes
échelles spatiales permet de comprendre
certaines formes du relief. J. Tricart et
A. Cailleux (1967) montrent que
certaines formes de relief sont dues à
l'alternance gel/dégel et non à la moyenne
des températures, ils introduisent aussi
la notion de morphologie périglaciaire.
Dans le domaine de la géographie
humaine, F. Durand-Dastès (1964 et
1982) montre l'existence d'interactions
entre les crises climatiques et politiques
dans le Tiers Monde [on trouvera
L'information géographique
n° 3, 2000
Documentation
Générale
d'autres exemples intéressants sur ces
aspects dans un article de Péguy (1997)
consacré à la recherche climatologique
française depuis 1947]. Des écoles ont
vu le jour et, probablement autant, et
peut-être plus, que dans le passé, le géo-
graphe-climatologue de cette fin de
siècle travaille avec des chercheurs
d'autres disciplines. Comme d'autres
géographes, il établit des passerelles
entre les sciences naturelles et sociales.
La part croissante prise par les
recherches, effectuées par des
non-géographes (paléoclimatologues,
physiciens de l'atmosphère, géologues,
océanographes...), se justifie par l'enjeu
économique que constitue l'éventuel
changement climatique (le Global
Changé) et par la complexité et la
diversité des techniques d'analyse moderne.
Ces analyses nécessitent la mise en
œuvre de moyens techniques et
l'utilisation de modèles numériques
(mathématiques) ou réduits (maquettes) dont la
conception entre peu dans le domaine de
compétence des géographes.
Pour mieux comprendre les climats,
de grands programmes sont mis en
place : c'est par exemple le cas de
TOGA (Tropical Ocean and Global
Atmosphere), consacré à l'observation
et à la modélisation des phénomènes
couplés océan-atmosphère qui
permettent de mieux comprendre la variabilité
climatique à la surface de la Terre.
Quelques géographes-climatologues
utilisent les informations collectées par
des campagnes de mesures mises en
place par ces programmes et bénéficient
des moyens financiers mis en œuvre
pour leur fonctionnement.
Ainsi, les phases extrêmes du
mécanisme couplé océan-atmosphère sur
l'océan Pacifique, que nous appelons
ENSO (El Nino/Southern Oscillation) et
LNSO (La Nina/Southern Oscillation),
sont associés par le biais de
téléconnexions à de nombreuses autres
manifestations de la variabilité climatique
245
Documentation La climatologie :
Générale une science géographique
sous les basses latitudes (sécheresse,
inondations). Les nombreuses recherches
conduites dans plusieurs pays ont aussi
mis en évidence d'autres modes de
variabilité se produisant sur les océans,
et tout particulièrement dans la zone
intertropicale [voir par exemple, Cadet
et Garnier (1988), Fontaine (1990),
Beltrando et Camberlin (1992 et 1992)
mais il en existe de nombreux autres].
Les régions polaires jouent aussi un
rôle important dans le système
climatique et justifient également la mise en
place de programmes scientifiques
internationaux. L'étude des bilans radiatifs, à
partir de données satellitales couplées à
des mesures de terrain et à l'utilisation
de modèles de transferts radiatifs, met en
évidence le rôle de ces régions dans la
variabilité climatique (Kergomard, 1989
et 1997...). Les océanographes montrent
le rôle majeur joué par la circulation
océanique en surface (courants marins)
et en profondeur (circulation thermohali-
ne). De faibles variations de salinité et
donc de densité de l'eau sur l'Atlantique
nord modifient fortement cette
circulation ce qui se répercute sensiblement sur
le climat de l'Europe. L'épisode froid du
Dryas récent (il y a 12600 ans) ou
l'épisode chaud du Petit Optimum médiéval
(vers 980) qui a permis la colonisation
du Groenland (la terre verte) ou des
côtes nord américaines par les Vikings,
sont très certainement liées à des
variations de la circulation océaniques sur
l'Atlantique (Duplessy et Morel, 1990;
Duplessy, 1991...).
Les événements climatiques des
dernières décennies (réchauffement de
l'Atlantique Nord dans les années 60,
sécheresses récurrentes en Afrique
tropicale à partir de 1968, sécheresse de
1976 en Europe de l'Ouest, événement
ENSO de 1982-83 dans une grande
partie de la zone intertropicale...) ont
renforcé l'idée qu'à l'échelle d'une vie
humaine, le climat ne pouvait être
considéré comme stable et que sa
246 L'information géographique
n° 3, 2000
bilité interannuelle (fluctuations d'une
saison à l'autre) ou sur des périodes plus
longues, devait être prise en compte.
L'OMM a organisé en 1979 la première
conférence mondiale sur le climat qui a
débouché sur la mise en place d'un
Programme Mondial de Recherche sur
le Climat (PMRC), qui se divise en
plusieurs sous programmes (tel TOGA).
Les recherches sont effectuées dans de
nombreux pays avec des budgets
relativement importants.
De nombreuses spécialisations ont
vues le jour depuis le milieu du siècle et
elles sont en plein développement : la
climatologie historique, la
paléoclimatologie, la palynologie... L'étude des
documents historiques (dates des
vendanges ou des moissons, emplacement
du front des glaciers alpins...) apporte
des précisions sur les variations du
climat depuis de Moyen Âge (Le Roy
Ladurie, 1983). Les méthodes d'analyse
et de datation isotopique des carottes
sédimentaires ou des forages profonds
(plus de 2500 m) dans les calottes
glaciaires permettent de mieux connaître le
passé climatique sur plusieurs dizaines
de milliers d'années (Lorius et
Duplessy; 1977, Lorius, 1991...). La
circulation atmosphérique est largement
fonction des apports énergétiques, qui
dépendent eux-mêmes de facteurs
comme l'activité solaire, l'inclinaison
de la terre, la composition chimique de
l'atmosphère etc. L'histoire géologique
des paléoclimats est précisée, les
dernières glaciations bien identifiées. . .
L'évolution naturelle des climats, à
toutes les échelles spatiales, pressenti
depuis longtemps, est donc mieux
connue, le climat du passé est défini
dans ces grandes lignes. Mais ce cycle
naturel est rompu par l'homme moderne
dont les activités modifient la
composition de l'atmosphère (CO2, O3, CH4...)
ce qui perturbe le climat (Mégie, 1989 ;
Berger, 1992; ...). Les climats ont donc
«un passé, un présent et un avenir»
 La climatologie :
une science géographique
(Lamb, 1974 et 1977). Pour évaluer les
éventuels changements climatiques, le
chercheur doit s'intéresser aux activités
humaines qui perturbent l'équilibre
énergétique actuel de la planète
(modification de l'état des surfaces
continentales, rejet de gaz à effet de serre. . .).
Ainsi, la climatologie, est moins que
dans le passé une science réservée aux
géographes, mais de nouvelles
problématiques passionnantes s'offrent à eux,
par exemple pour les études d'impact
des activités humaines aux échelles
spatiales fines. Les géographes participent à
ces recherches pluridisciplinaires car ils
s'intéressent à l'espace occupé et
aménagé par l'homme, et bien évidemment,
les contraintes atmosphériques et
climatiques jouent un rôle important dans
l'aménagement : le site d'un nouvel
espace à urbaniser par rapport à un
cours d'eau, la dimension d'un pont ou
la taille d'une digue sont conditionnés
par la pluviométrie régionale du bassin-
versant et par sa variabilité à différentes
échelles... Le géographe-climatologue
fournit des outils d'aide à la décision qui
se matérialisent par la production de
cartes ou d'atlas, tels la carte climatique
détaillée de la Ranee (ER 30, 1981) ou
les calendriers de probabilité (Péguy,
1974). Il peut participer à ces études
consacrées aux relations entre climat et
santé (Besancenot, 1977 et 1984...),
entre climat et rendements agricoles
(Douguedroit et Messaoudi, 1998...)
entre climat et pollution urbaine
(Escourou, 1991; Roussel, 1993...), à
des études d'hydrologie urbaine
(Roussel et alii, 1994...), etc. Mais la
climatologie géographique ne se limite
pas aux milieux anthropisés, toutes les
régions du globe sont concernées
qu'elles soient occupées ou non par
l'Homme. Les études diagnostiques
sont nécessaires à la compréhension des
systèmes climatiques à diverses échelles
spatiales ou temporelles.
L' information géographique
n° 3, 2000
Documentation
Générale
Pour toutes ces recherches, la
connaissance des états de l'atmosphère
est fondamentale, mais comme celle-ci
varie à des échelles spatiales et
temporelles emboîtées, d'un niveau à l'autre,
les approches, les manières de poser les
problèmes, sont sensiblement
différentes. C'est là un point fort des
géographes.
L'ÉVOLUTION DES MÉTHODES
Que ce soit dans le domaine de la
statistique, des systèmes et des modèles, le
climatologue dispose aujourd'hui d'un
arsenal qui, comme dans de nombreuses
autres disciplines a connu des progrès
considérables durant le xxe siècle.
Le traitement
des données numériques
La statistique est employée dès le
début du siècle pour établir les
classifications climatiques. Dans les années
1920 et 1930, sous l'impulsion des
hydrométéorologues, on s'intéresse à la
distribution des valeurs d'une série de
données : on parle de déciles, de régime
médian, de fréquence d'occurrence...
[Publications de Pardé (1933) sur les
crues cévenoles par exemple]. À partir
des années 1960, les géographes-clima-
tologues utilisent couramment d'autres
outils statistiques pour leurs recherches.
Ainsi, C.-P. Péguy, décrit dans ses cours
polycopiés, les analyses de probabilité,
les classifications ascendantes. En 1976,
il publie la méthode de calcul et de
représentation graphique des calendriers
de probabilité : par exemple, pour les
durées journalières d'insolation, ou de
température (fig. 1), grâce au logiciel
mis au point dans les années 1980 par
S. Martin (ER 30, Grenoble)]. En 1974,
J. Chaire présente une thèse entièrement
consacrée au climat du Niger. L'auteur
utilise de nombreuses techniques
d'analyses devenues classiques (corrélations,
régressions simples et multiples, fré-
247
DOCUMENTATION La climatologie :
GÉNÉRALE une science géographique

quences cumulées...), il trace des cartes quelques dizaines d'années, dans

de précipitations probables (isolignes d'autres disciplines (notamment
de quartile supérieur ou inférieur. . .). l'économie, la sociologie).

Dans les années 70, les analyses mul-
tivariées (c'est-à-dire l'ensemble des
traitements statistiques dont le but est de
donner une représentation simplifiée et
organisée d'un ensemble d'observations
dont la structure n'est pas
immédiatement décelable) commencent à être
utilisées en climatologie [voir par exemple
les travaux de Dauphiné (1976) sur les
précipitations dans les Midis français,
ou de Chaire et Dumolard (1973) sur la
Turquie]. Mais ces méthodes
statistiques étaient déjà employées, depuis
Les méthodes de la famille des
Analyses en Composantes Principales
(ACP) permettent l'étude de la
variabilité spatio-temporelle des indicateurs
climatiques (par exemple les
précipitations). Les ACP permettent de
regrouper des ensembles de stations qui
subissent en même temps les mêmes types
d'écart (déficit ou excédent pluviomé-
trique...), pour un pas de temps donné,
formant ainsi des ensembles spatiaux
qui peuvent correspondre à des climats
différents (une région pluviométrique

Fig. 1 : Calendrier de probabilité des températures minimales de Reims-

Cou rcy, calcul sur la période 1961-1990 (données Météo-France)

Minima en degrés C

Illustration non autorisée à la diffusion

L'axe horizontal est gradué en jours (365 jours de l'année civile), l'axe vertical est gradué en probabilité (de
1 à 99 %). Ici, l'échelle verticale est gaussienne pour avoir une meilleure précision sur les plus faibles valeurs.
Chaque courbe représente une valeur de température (en °C). Calcul réalisé sur un logiciel mis au point par
l'ancienne équipe Environnement Climatique (ER 30) du CNRS à Grenoble.
Ainsi, la probabilité d'avoir une température de l'air sous abri (à 2 m de la surface), inférieure à -1 °C, le 10
avril (date du débourrement de la vigne) est de 12 % à Reims-Courcy.

248 L'information géographique

n° 3, 2000
 La climatologie : Documentation
une science géographique Générale

peut correspondre à l'association de [Tabony (1981), Martin et alii (1981),

régions au climat semi-aride et
equatorial...) mais dont la variabilité est
synchrone (l'histoire pluviométrique
commune). Ces techniques statistiques
peuvent aussi permettre de repérer des
discontinuités, des oppositions de phase
(pluviométrie excédentaire dans une
région, déficitaire dans une autre) ou
des zones de transition qui subissent
selon des moments, les aléas de l'une ou
l'autre des régions voisines (fig. 2).
Elles sont couramment employées en
géographie depuis une vingtaine
d'années (Dauphiné et alii, 1981), de
nombreux climatologues les utilisent
Feyt (1987) pour les variations pluvio-
métriques et Europe Occidentale;
Delannoy (1982) pour les précipitations
au Maroc...]. Les résultats des analyses
mutivariées permettent de résumer
d'une manière synthétique une
information abondante et ils se prêtent bien à la
cartographie. Cette information, ainsi
résumée, peut ensuite être mise en
relation avec des indicateurs de la
circulation atmosphérique : température de
surface de l'océan, pression, vent,
rayonnement infrarouge... (Beltrando
et Camberlin, 1995; Richard et alii,
1998).

Fig. 2 : Analyse en Composantes principales des précipitations du trimestre

juillet-septembre sur la période 1953-1985 (d'après Richard et alii, 1998)

CP1 JAS après rotation CP2 JAS après rotation

-15 -15

30 35 40 45 50 55 30 35 40 45 50 55

Corrélation des séries pluviométriques de 79 stations allant de l'Erythrée au Mozambique avec les deux
premiers axes d'une analyse en composantes principales. La taille des carrés est proportionnelle au coefficient de
corrélation antre la composante et les séries de précipitations. Les corrélations supérieures à 0,44 en valeur
absolue sont significatives au seuil de 1 %. Chacune des deux régions pluviométriques ainsi mises en évidence est
aussi caractérisée par une composante temporelle, qui définit l'histoire pluviométrique de la région concernée
(non montré). Les valeurs de cette composante peuvent ensuite être mises en relation avec d'autres indicateurs
de la circulation océano-atmosphérique (température ou pression de surface de l'océan, données satellitales...)
permettant ainsi d'émettre des hypothèses sur les mécanismes à l'origine de la variabilité pluviométrique
interannuelle, pour un mois ou une saison donnés.

L'information géographique 249

n° 3,2000
Documentation La climatologie :
Générale une science géographique
L'interpolation des données
et la représentation
des résultats
Une fois les données acquises,
contrôlées et analysées, le chercheur
doit se pencher sur les questions de
représentation des résultats (graphiques
ou cartes) et éventuellement de spatiali-
sation des données ponctuelles. De
nombreuses cartes climatiques, analytiques
ou globales, ont été conçues parfois
accompagnées de graphiques
(diagramme ombro-thermique, bilan de l'eau...)
et de notices d'explication. Les cartes
analytiques montrent la répartition dans
l'espace d'un paramètre climatique
(carte des températures, des vents...) ;
elles ne posent pas, au-delà des
questions d'extrapolation, de problèmes de
conception. Les cartes «globales»
tentent de fournir une vision synthétique du
climat, ou de certaines variables
climatiques; elles nécessitent une expertise
poussée, une bonne connaissance des
phénomènes à représenter (par exemple
la carte climatique détaillée de la Rance,
réalisée par l'Équipe Environnement
Climatique de Grenoble).
La plupart des données
météorologiques étant ponctuelles, il faut - au-
delà des calculs statistiques - appliquer
une méthode d'extrapolation pour
obtenir des cartes climatiques (nous ne
parlons pas ici de la carte météorologique).
La spatialisation des descripteurs
climatiques est fonction à la fois du type
de variable et du pas de temps étudié.
Schématiquement, elle résulte de la
superposition de deux niveaux de
processus : la circulation atmosphérique
générale (échelle synoptique) et les
facteurs régionaux ou locaux (liés à la
topographie, la nature des surfaces...).
Au premier niveau, la modélisation
numérique a fait de gros progrès, mais
elle a ses propres limites (voir
ci-dessous). Aux échelles plus fines, la
recherche est moins développée, mais
250 L'information géographique
n° 3, 2000
elle intéresse de nombreux chercheurs,
météorologues [ex. : cartographie des
champs pluviométriques à l'aide de la
méthode AURELHY (Analyse Utilisant
le RELief pour l'HYdrométéorologie)
par Bénichou et Lebreton en 1987. . .] ou
géographes-climatologues [exemple :
cartographie des pluies cévenoles ou des
Alpes du Nord par l'équipe de l'Espace
Serge Martin (Feyt et alii, 1994 ; Bois et
alii, 1995...)]. À ces échelles, les
réseaux de mesures - au-delà des
problèmes d'homogénéité des données et
parfois de manque de connaissances
précises de l'environnement proche des
stations - ne permettent généralement
pas d'aboutir à des résultats facilement
applicables dans des problématiques
d'aménagement ou d'équipement (en
particulier dans les régions de
montagne). Pour interpoler des paramètres
climatiques deux types de spatialisation
peuvent être mis en œuvre, l'une
purement géostatistique, l'autre «multi-cri-
tère» (voir par exemple l'article de
synthèse de Feyt et alii, 1995).
— Dans une approche géostatistique
on considère que la valeur du descripteur
en tout point du domaine
d'expérimentation ne «dépend» que des valeurs
rencontrées dans les postes environnants et
de la distance à ces mêmes postes. Ce
type d'approche peut être considéré
comme satisfaisant (ou acceptable...)
dans certains cas, par exemple pour
obtenir les lignes d' iso-corrélation de
données en point de grille pour des champs
climatologiques de surface océanique.
— Pour les méthodes de
spatialisation multi-critères, on considère que
plusieurs facteurs de natures diverses sont
susceptibles d'interférer dans la
variabilité spatiale que connaît le descripteur
entre les points de mesures. P. Carrega
(1994) pour interpoler les températures
mensuelles, minimales et maximales,
dans les Alpes maritimes, décrit le relief
à partir de l'altitude, la «position/aval»,
la «pente/amont» et l'exposition de
 La climatologie : Documentation
une science géographique Générale

chaque station météorologique. Par car d'autres éléments difficiles à

régression multiple, l'auteur calcule les
températures théoriques à partir de ces
régresseurs pour chaque pixel de sa zone
d'expérimentation... D. Joly et alii
(1994), ont reconstitué les champs
thermiques de Franche-Comté, avec une
résolution spatiale de 100 mètres en
ayant recours aux coordonnées
géographiques (longitude, latitude, altitude) et
à d'autres facteurs
«physico-géographiques» (rugosité, pente, orientation,
occupation du sol et rayonnement
solaire théorique). En utilisant les données
d'une trentaine de stations, ils
obtiennent par régression multiple, des
températures pour chaque pixel de leur grille
d'expérimentation. Tous ces auteurs
qualifient leurs résultats d'acceptables
aux échelles climatiques (échelle de
durée), mais à l'échelle météorologique
(par exemple la température à une heure
et un jour donné) de telles méthodes
aboutissent à des résultats plus aléatoires
mesurer ou mal connus peuvent jouer un rôle
important (écoulement des brises
thermiques, nébulosité. . .).
L'utilisation d'un Système
d'Information géographique (SIG), en mode
raster (pixel) en particulier, peut
faciliter les traitements multi-critères dans
la mesure où, par calcul mathématique,
il est possible d'obtenir à partir des
coordonnées géographiques d'un pixel
(3 dimensions) de nombreuses autres
données (pente, rayonnement
global...). Mais d'autres couches peuvent
s'avérer utiles (occupation du sol, état
végétatif...).
Dans une autre étude en cours, nous
avons également construit un SIG
(mode vectoriel), pour évaluer les
niveaux de protection des haies brise-
vent dans la basse vallée de la Durance.
Un logiciel annexe, que nous avons réa-

Fig. 3 : Modélisation de la protection des haies brises vent

direction Force du vent réduite de :

du vent haie 1
EU 20 %
haie 3
H3 25 %
H 50 %
■■ protection excellente

m haie

haie 2

La figure schématise les différents degrés de protection des haies (diminution du flux) selon leurs
caractéristiques (nature et hauteur des haies) et en fonction d'une typologie établie au préalable. Ici, le brise-vent 1
correspond à une haie perméable (par exemple les peupliers), qui protège la parcelle sur une distance relativement
importante. La haie 2, plus imperméable (par exemple les cyprès denses) protège les champs plus efficacement
mais sur une distance plus limitée etc. Toutes ces données sont intégrées sur un SIG, permettant d'obtenir une
carte des niveaux de protection sur un espace donné (Quenol et Beltrando, recherche en cours).

L'information géographique 251

n° 3,2000
Documentation La climatologie :
Générale une science géographique
lise, permet de dessiner les distances
horizontales de protection
(parallélogrammes) en aval des haies brise-vent,
en fonction de la direction du vent, de la
nature de la haie et d'un coefficient de
protection défini au préalable de manière
empirique (par mesures du vent en
amont et en aval de chaque type de haie).
Dans certains cas, il est possible de
s'affranchir de ce problème «point-
aire», soit en repérant les limites
visibles résultant d'un événement
météorologique ou climatique; soit en
utilisant l'imagerie satellitale.
— La cartographie des différences de
couleur des feuilles de vigne nous a
permis de définir l'extension des masses
d'air froid dans une partie du vignoble
de la Montagne de Reims et ainsi de
mieux comprendre les relations entre
l'écoulement des brises thermiques et
l'accumulation des masses d'air froid,
en fonction de la direction des vents sur
la région. Ce type de relevé doit se faire
immédiatement après une gelée et
l'interprétation n'est possible qui si la
situation météorologique de la nuit et l'état
de la végétation avant cette date sont
bien connus.
— L'imagerie satellitale, fournit une
information continue et répétitive dans
l'espace. Mais, pour travailler à l'échelle
climatique, il faut disposer d'une longue
série de données (plusieurs images
instantanées d'un espace). Cela demande
l'utilisation de puissants calculateurs car
la masse de données à traiter devient vite
impressionnante et l'archivage de toutes
les données fournies quotidiennement
n'est pas systématique. C'est pour cela
que des programmes ont été conçus :
c'est le cas de l'International Satellite
Cloud Climatology Project (ISCCP) qui
fournit pour l'ensemble de la planète -
lorsque les satellites ont fonctionné -
des informations permettant de décrire
de nombreuses variables climatiques, en
particulier la couverture nuageuse ou la
252 L'information géographique
n° 3, 2000
température de surface, avec une
résolution temporelle de 3 heures, et spatiale
de 2°5 par 2°5. Les cartes produites à
partir de ces données, outre l'intérêt
pédagogique évident, sont utilisées pour
valider certaines sorties de modèle de
circulation atmosphérique, ou pour
évaluer le rôle des nuages dans le système
climatique (Desbois, 1987). Elles nous
ont servit, par exemple, à élaborer des
cartes mensuelles tri-horaires des genres
de nuages à l'échelle planétaire (Beltrando
etalii, 1991) (fig. 4). Si l'archivage
systématique de ces données continue et si
les géographes peuvent les utiliser
(problème du coût), cela donnera
certainement de nouvelles directions de
recherches passionnantes. Mais ces
données posent un certain nombre de
problèmes qui compliquent sensiblement
les analyses (changement des fenêtres
de longueur d'onde mesuré par les
capteurs ou de l'heure de passage des
satellites à défilement sur un point donné;
inadéquation entre variables observées
par les satellites et variables mesurées au
sol...). Les problèmes que rencontrent
encore les chercheurs qui tentent
d'estimer les précipitations ou la température
des surfaces en sont de bons exemples,
même si les progrès dans ce domaine ont
été très nets ces dernières années.
La modélisation
Les notions de systèmes et de
modèles ont commencé à être prises en
compte par les géographes français dans
les années 1970 (par exemple les
travaux du Groupe Dupont, en France).
Dans le domaine de la climatologie,
F. Durand-Dastès (1979) applique la
notion de système à la circulation
atmosphérique intertropicale en ne retenant
que des éléments d'ordre physique. . . La
modélisation météorologique et
climatique a connu aussi un essor important
ces dernières années mais plus pour des
raisons techniques (puissance des
calculateurs) qu'en raison de l'évolution des
connaissances fondamentales.
 La climatologie : Documentation
une science géographique Générale

On peut distinguer deux grandes être effectuées. Ce type de simulation

catégories, les modèles numériques et les
modèles réduits.
— Les modèles numériques (ou
mathématiques) utilisés en
météorologie et en climatologie, tentent de créer
une petite planète (ou une région)
numérique - aussi proche que possible de la
planète (ou d'une région donnée) - sur
laquelle des expérimentations peuvent
numérique a suivi l'évolution des
ordinateurs (rapidité des calculs). Leur
objectif est de calculer l'évolution dans
le temps de variables comme le vent, la
température, l'humidité, les nuages, les
précipitations... À partir d'un instant (t)
donné et connu (mesures), un modèle
prédit l'état de l'atmosphère à l'instant t
+ Dt. Ces modèles sont des
représentations mathématiques des processus phy-

Fig. 4 : Cartographie des cumulonimbus en janvier 1984 à 15 heures locales

à partir des données de l'ISCCP CI (d'après Beltrando et alii, 1991)

-no -wo -wo -120 -no -•0 -40 -20 0

Les données de l'International Satellite Cloud Climatology Project (ISCCP) fournissent, toutes les 3 heures,
diverses informations sur l'atmosphère et la surface des terres et des mers. Ainsi, à partir des données moyennes
de radiance visible et infrarouge, fournies par les satellites météorologiques géostationnaires et à défilement sur
des pixels de 2,5° de côté, il est possible d'estimer l'altitude du sommet des nuages et leur épaisseur optique.
Ces calculs nécessitent de nombreux algorithmes de correction réalisés par les promoteurs du produit.
La carte montre le pourcentage de pixels correspondant à des nuages épais et à sommet haut : les
cumulonimbus (Cb). Compte tenu de la résolution temporelle des données Cl (3 heures) et du fait que les données
visibles ne sont disponibles qu'entre 6 heures et 18 heures, il faut cartographier les données par bande de 45° de
latitude (8 bandes pour couvrir le globe). Dans chaque bande, les données de l'heure GMT approchant le plus de
l'heure locale (ici 15 heures) sont choisies (ex 15 heures pour la bande 22,5° O à 22,5°E, 18 heures pour la bande
22,5° E à 67,5° E. . .). L'écart maximum entre l'heure locale au centre de la bande et ses bords est de 1 h 30min
En gris clair apparaissent les mailles qui ont moins de 3 % de pixel correspondant à des Cb en noir celles qui en
ont plus de 20 %. La Zone de Convergence Intertropicale ressort clairement sous les basses latitudes ainsi que
les perturbations d'ouest des moyennes latitudes. On remarquera, par exemple, le faible pourcentage de
cumulonimbus sur l'Europe centrale et l'Asie, région où règne, en hiver, une intense cellule anticyclonique. . .

L'information géographique 253

n° 3, 2000
Documentation La climatologie :
Générale une science géographique
siques ou physico-chimiques (échanges
d'énergie et dynamique des
écoulements...) qui se produisent en trois
dimensions (longitude, latitude,
altitude). Il existe plusieurs familles de
modèles numériques, certains font appel
à la fois à des approches statistiques
(fondées sur l'analyse de données
mesurées) et physiques (principe de la
conservation de la masse), d'autres font
appel uniquement à la physique, ils
peuvent être linéaires ou non. . . La physique
sur laquelle s'appuient ces calculs est
classique, connue depuis plusieurs
dizaines d'années. Mais la modélisation
numérique pose un certain nombre de
problèmes dont les plus importants sont
intrinsèques au système
atmosphérique lui-même : le comportement de
l'atmosphère ne peut être totalement
prévisible. Les relations mathématiques,
traduisent plus ou moins fidèlement les
phénomènes physico-chimiques de
l'atmosphère. Ils sont en constante
transformation mais ne permettent pas de
comprendre l'ensemble des interrelations au
sein des systèmes climatiques.
Aux échelles météorologiques
(courte période de temps), la modélisation est
presque exclusivement du ressort des
physiciens de l'atmosphère. Les prévi-
sionnistes ne se hasardent guère à
diffuser les résultats de leur calcul au-delà de
4 ou 5 jours (une dizaine de jours dans
des cas particuliers) car toute
perturbation de l'atmosphère même minime peut
modifier son comportement et plus on
s'éloigne des conditions initiales plus on
multiplie les approximations. Ce
phénomène décrit par E.N. Lorenz en 1963
(ouvrage publié en 1993) est associé à la
théorie du chaos. Il intervient aussi aux
échelles climatiques et il est connu sous
l'expression «d'effet d'aile de
papillon». À petite échelle, la
modélisation numérique est utilisée en routine
par les prévisionistes. À grande échelle,
la simulation numérique présente
l'avantage de traiter un bon nombre de
problèmes sans avoir recours à des
254 L'information géographique
n° 3,2000
expérimentations in situ qui sont très
coûteuses et dont la résolution spatiale
de l'échantillon est généralement
insuffisante pour répondre aux besoins d'une
étude appliquée. M. Béniston (1987 et
1991), en utilisant deux modèles, l'un
pour simuler la météorologie
(mésoéchelle), l'autre pour simuler le
transport et la diffusion des polluants, a pu
mettre en évidence les relations entre la
météorologie, le comportement de la
pollution et la nature du relief.
Aux échelles climatiques (période
plus longue), la modélisation numérique
échappe pour l'essentiel aux géographes
qui ne sont pas préparés pour résoudre
les nombreux problèmes rencontrés par
les physiciens et les météorologues. Ce
type de modèle est utilisé
essentiellement à petite échelle. Pour une
prévision climatique à l'échéance de
quelques mois, il faut faire intervenir
dans le modèle les composantes du
climat autre que l'atmosphère, en premier
lieu l'océan superficiel, les calottes
glaciaires, ... Les incertitudes sont
nombreuses et la crédibilité des modèles est
parfois remise en cause. Les
simplifications inévitables apportées pour la
construction des modèles sont une
première source d'incertitude (les nuages
de taille réduite ou l'évolution du
couvert végétal ne peuvent être pris en
compte de manière suffisamment
précise...). D'autres aspects ne sont pas
encore suffisamment pris en compte,
soit parce qu'ils sont mal connus
(circulation océanique profonde, part des
fluctuations naturelles pas rapport à celles
dues à l'action humaine...), soit parce
que Von commence seulement à
comprendre leur intérêt (processus
chimiques ou biologiques) (Le Treut, 1997).
Dans les recherches faisant appel à la
modélisation numérique, les géo-
graphes-climatologues sont quasiment
exclus des recherches théoriques très
«pointues» dont les principales
avancées actuelles nous montrent l'extrême
 La climatologie :
une science géographique
complexité du système Terre-Océan-
Atmosphère. Mais ils sont cependant
concernés par cette forme de
modélisation. En amont de la modélisation, ils
sont concernés par les questions de
définition des états de surface, de taille des
mailles, du passage des données
ponctuelles (station) aux données en point de
grille. Aux échelles météorologiques,
les sorties de modèle de circulation
générale (ex. cartes ou données
numériques produites par calcul) du Centre
Européen de Prévision Météorologiques
à Moyen Terme (CEPMMT) sont
utilisées en climatologie pour les études
diagnostiques. En aval de la modélisation,
les géographes-climatologues peuvent
aussi participer à des recherches visant
par exemple à valider certaines cartes
produites par les modèles : champs de
vent, température de surface. Ainsi, les
données du CEPMMT, malgré les
améliorations successives apportées par les
chercheurs du centre, ne sont pas
toujours précises (humidité atmosphérique
par exemple) et elles doivent être
comparées à d'autres informations plus
conventionnelles. . . P. Kastendeuch (1996),
en utilisant le modèle MESO-NH de
Météo-France a pu simuler, avec en
certain succès, les régimes de vent dans le
fossé rhénan méridional; P. Carrega et
alii (1997) ont comparé les
performances de deux familles de modèles.
Ces auteurs montrent que la qualité des
résultats est fonction de la qualité des
données d'entrée pour initialiser le
modèle (densité des réseaux de
mesures...) ainsi que de la résolution
spatiale et de la nature des écoulements :
un modèle peut-être performant pour
des vents forts et inadapté pour des
brises thermiques et inversement. . .
— La modélisation par maquette
(modèle réduit) a suivi de près
l'évolution des connaissances dans le domaine
de la mécanique des fluides. Elle
consiste à reproduire les phénomènes naturels
sur des maquettes à grande échelle. Pour
simuler les phénomènes se produisant
L' information géographique
n° 3, 2000
Documentation
Générale
dans l'atmosphère, les chercheurs ont
recours à des souffleries
aérodynamiques ou à des veines hydrauliques.
Utilisées depuis le début du siècle dans
l'aéronautique, les maquettes sont
employées en climatologie depuis plus
de 30 ans (Jensen et Frank, 1963). En
chauffant ou en refroidissant le plancher
de la maquette, il est aussi possible de
simuler les brises thermiques, des
inversions de températures ou les vents de
vallée. J.A. Hertig (1986) en utilisant ce
procédé, sur une maquette reproduisant
minutieusement le site de la ville de
Bienne (Suisse) à une échelle fine, a pu
montrer que les écoulements et la
ventilation de l'air peuvent être localisés
dans l'espace et dans le temps. Ce type
d'étude permet de préciser
l'emplacement d'une rocade ou la hauteur d'une
cheminée d'usine pour limiter la
concentration en polluant dans les zones
urbaines. Outre la réponse à ce type de
questions, de telles maquettes
permettent de tester des méthodes
expérimentales (campagnes de mesures), de
valider la qualité des modèles numériques.
Mais, d'une part, ce type de modèle
n'est utilisable que pour comprendre des
phénomènes d'échelle locale (pour de
vastes surfaces, d'autres paramètres tels
la force de Coriolis sont actuellement
plus difficiles à simuler), d'autre part, il
faut que la maquette soit le plus proche
possible du terrain d'étude, ce qui
nécessite des moyens financiers importants. . .
L'ÉVOLUTION DES TECHNIQUES
Parallèlement à ces avancées
méthodologiques, l'informatique et la
technologie instrumentale ont fait d'énormes
progrès. Le développement récent
d'Internet facilite les recherches
bibliographiques ainsi que la diffusion et
l'acquisition des données. La puissance des
calculateurs et des moyens de stockage
des données n'a cessé de s'accroître et
les logiciels actuels (utilisables sur
micro-ordinateur ou sur station) sont
beaucoup plus conviviaux que les pro-
255
Documentation La climatologie :
Générale une science géographique
grammes en Basic ou en Fortran des
années 1970 et 80, qui nécessitaient
souvent l'utilisation d'un centre de calcul.
Depuis l'invention des premiers
instruments de mesure au xvrae siècle,
l'homme n'a cessé de les améliorer pour
les rendre plus précis, pour automatiser
les enregistrements. Il en a inventé de
nouveaux, dont certains sont très
sophistiqués, par exemple les transmis-
siomètres photoélectriques pour
mesurer la transparence de l'atmosphère et
évaluer ainsi la densité des brumes et
des brouillards... Les progrès de
l'électronique ont permis de multiplier les
mesures directes ou à distances
(télémesures), ils ont aussi permis la
miniaturisation de la plupart de ces instruments
ainsi que la transmission rapide et
massive de l'information météorologique.
Pour illustrer brièvement cette évolution
prenons deux exemples :
l'automatisation des enregistrements
météorologiques et les satellites météorologiques.
L'automatisation des
enregistrements dans les stations
météorologiques
Dans de nombreuses stations
météorologiques, les capteurs à
enregistrement automatique ont progressivement
remplacé ceux qui nécessitaient une
intervention humaine régulière (mais les
stations automatiques demandent aussi
une maintenance régulière et
méticuleuse). Après une analyse des données
biquotidiennes de température de
quelques stations manuelles classiques
du vignoble de Champagne, nous avons
proposé, en 1991 - au Comité
Interprofessionnel du Vin de Champagne et aux
centres départementaux de Météo-
France (Marne et Aube) - la mise en
place, dans ce vignoble, d'un réseau
d'une trentaine de stations
automatiques. Ces stations sont équipées
chacune de plusieurs capteurs et reliées par
lignes téléphoniques à un serveur.
Quelques-unes d'entre-elles ont
256 L'information géographique
n° 3, 2000
cé les stations manuelles qui
fournissaient les températures minimales et
maximales ainsi que la pluviométrie
quotidienne. Les capteurs du réseau
actuel nous donnent d'autres
informations (force et direction du vent,
humidité relative, température actinother-
mique...) à un pas de temps beaucoup
plus fin (toutes les heures pour la
plupart des capteurs, toutes les 10 minutes
pour le vent, ou 6 minutes pour les
précipitations) et avec une meilleure
couverture spatiale (une trentaine de
stations sur près de 35000 ha de vigne).
L'analyse des données collectées par ces
stations fournit des indications
intéressantes sur la répartition des
températures ainsi que sur leur évolution dans le
temps. La direction des vents faibles sur
la région et l'exposition des coteaux
permettent de comprendre, au moins
partiellement la répartition des
températures (Beltrando, 1998). Ces
phénomènes n'auraient pas pu être mis en
évidence avec des stations manuelles,
fournissant seulement deux valeurs de
températures par jour. Parallèlement,
l'utilisation de quelques stations portables
nous permet de faire des mesures
itinérantes (force du vent, température et
humidité relative de l'air...) nécessaires
pour comprendre par exemple les
relations entre les brises de versant et les
flux d'échelle supérieure.
Les satellites météorologiques
Le premier satellite Tiros a été lancé
en 1960, depuis cette date, de nombreux
autres - géostationnaires ou à
défilement - ont suivi. Les satellites
géostationnaires (le premier Météosat a été
lancé en 1977) ont pour mission
principale la Veille Météorologique Mondiale.
Les capteurs mesurent toutes les demi-
heures, au moins le rayonnement dans le
spectre «visible» (jour local) et
«infrarouge » (nuit et jour) pour des pixels de
quelques kilomètres de côté. Les
satellites fournissent quotidiennement une
masse considérable de données, ce qui
 La climatologie :
une science géographique
pose un véritable problème d'archivage
(notons ici que le développement du
satellite s'est fait simultanément à celui
de l'ordinateur, sans lequel le premier
ne pourrait pas exister). Ces données
sont essentiellement utilisées pour
affiner la prévision météorologique mais
elles fournissent aussi des informations
utilisées par les climatologues, soit sous
forme d'images (formation des
brouillards, perturbations tropicales ou
du front polaire...), par exemple pour
affiner l'évaluation d'une situation
synoptique (néphanalyse), soit sous
forme de fichiers numériques que le
chercheur pourra analyser de diverses
manières.
Nous venons de voir brièvement à
travers ces quelques exemples,
comment l'évolution, dans le domaine des
méthodes et des outils, pouvait aider les
géographes-climatologues dans leurs
recherches - fondamentales ou
appliquées - utiles pour répondre aux
nouvelles demandes de la société.
Des préoccupations
nouvelles et multiples
L'environnement atmosphérique est
devenu l'une des préoccupations
majeures de nos sociétés modernes. Les
décideurs, les médias, les citoyens
interrogent les scientifiques sur les
hypothétiques évolutions ou changements
climatiques qui pourraient être induites, à
différentes échelles, par les activités
humaines. Ils s'inquiètent des
perturbations économiques et de la modification
des écosystèmes que pourraient
produire ces changements climatiques.
Aux échelles globales ou régionales,
les géophysiciens, les océanographes et
les météorologues s'interrogent sur le
devenir des climats et de nombreux
programmes ont été lancés ces deux
dernières décennies, avec des capitaux
importants (PNEDC : Programme
National d'Étude de la Dynamique du
Climat, WOCE : Word Oceanic Climate
L' information géographique
n° 3, 2000
Documentation
Générale
Experiment; ACSYS : Arctic Climate
System Study...). Quelques géographes
participent à ces recherches, par exemple
dans le cadre du PNEDC (années 1980),
pour repérer les fluctuations du climat
dans leur diversité spatiale ou pour
comparer les indicateurs climatiques de
différentes régions du Monde. Les
scientifiques s'intéressent aussi aux processus
qui interviennent à différentes échelles
pour expliquer, et éventuellement
prévoir, la variabilité des climats. Ainsi, à
l'échelle régionale, Charney (1975) a
essayé d'estimer, pour le Sahel, l'impact
sur le climat de la deforestation, de la
diminution du contenu en eau du
substrat ou de la modification de l' albédo.
Aux échelles régionales ou locales,
les collectivités territoriales, les
professionnels de plusieurs secteurs
économiques (agriculture, BTP, tourisme,
transport) veulent aussi avoir des
précisions d'ordre climatique car nos sociétés
modernes sont devenues beaucoup plus
vulnérables que dans le passé aux aléas
climatiques et les médias ne manquent
pas l'occasion d'évoquer, voire de
dramatiser ces phénomènes. Les écarts plu-
viométriques, par rapport aux moyennes
du printemps et du début de l'été 1997
en Rance, en sont un bon exemple : le
déficit du printemps a inquiété les
producteurs bretons de maïs, alors qu'il y a
vingt ans cette plante, exigeante en eau,
n'était pas cultivée dans cette région.
Quelques semaines après cette
sécheres e (fin juin, début juillet) ce sont les
professionnels du tourisme qui ont
manifesté leur inquiétude, cette fois-ci parce
que les pluies et le mauvais temps
entraînaient une baisse de la
fréquentation du littoral. À ces échelles, des
programmes pluridisciplinaires ont permis
de comprendre par exemple les relations
entre la circulation atmosphérique
générale, le relief et les bilans d'énergie.
Nous pouvons citer ici, les programmes
ASCOT (Atmospheric Studies in
Complex Terrain), REKLIP (REgio-KLIma-
Projekt) ou ALPEX (ALPine EXperi-
257
Documentation La climatologie :
Générale une science géographique
ment). Le programme ASCOT est
consacré à l'étude des systèmes
atmosphériques dans la Vallée du Colorado,
en particulier des écoulements de l'air,
par modélisation empirique (Clements
et alii, 1989). Le programme régional
transfrontalier REKLIP (années 1990) a
pour objectif l'étude du climat dans la
couche limite du fossé rhénan. Il a
permis des avancées intéressantes et
plusieurs documents ont été publiés : Atlas
climatique, cadastre des émissions de
polluants... (Paul, 1993). Deux thèses,
dirigées par P. Paul - l'une sur la
répartition spatiale des brouillards (Wahl,
1996), l'autre sur la modélisation des
régimes de vent estivaux (Kastendeuch,
1996) - ont été soutenues dans le cadre
de ce programme... Les moyens
matériels et humains mis à la disposition des
chercheurs, pour faire fonctionner de
tels programmes, sont importants.
Aux échelles locales ou
microclimatiques, la population s'intéresse aux
conséquences que peut avoir (ou que
pourrait avoir) une cheminée d'usine ou
une rocade sur la pollution de l'air à
l'échelle du quartier... Compte tenu de
mes lectures, je pense que la recherche
française sur ces problématiques est
moins développée que dans certains
autres pays tels l'Allemagne, la Suisse
ou les Etats-Unis. Ce type d'étude
nécessite toujours une ou plusieurs
campagnes de mesures minutieusement
préparées et choisies en fonction de
situations synoptiques bien définies. Ainsi,
Najjar (1982) a mis en place plusieurs
stations pour évaluer et cartographier
1' evaporation potentielle dans un petit
vallon des Vosges : le Ringelbach.
H. Wanner (1991), pour évaluer les
risques de pollution urbaine d'une ville
suisse, a réalisé une modélisation fine
des brises thermiques. J'ai été sollicité,
d'une part, pour tenter d'évaluer
l'incidence que pourrait avoir la construction
du remblai de la future ligne ferroviaire
du TGV Est sur les écoulements d'air
froid dans le vignoble de Champagne
258 L'information géographique
n° 3, 2000
(Bridier et alii, 1995), d'autre part, pour
évaluer l'incidence que pourra générer
la construction de la ligne TGV
Méditerranée sur l'écoulement du
Mistral dans la basse vallée de la
Durance (arrachage des haies brise-vent
pour construire un remblai
ferroviaire...), enfin pour essayer d'estimer
l'incidence que peut avoir l'aménagement
d'un barrage-réservoir (Institution
Interdépartementales des Barrages-
Réservoirs du Bassin de la Seine) sur le
climat local (Mesland et alii, 1995).
Sous la pression de l'opinion publique,
les résultats de ce type d'étude, qui
peuvent entrer dans le cadre des enquêtes
d'utilité publique, sont de plus en plus
pris en compte. Ainsi, dans l'étude que
nous avons effectuée pour évaluer
l'impact possible du remblai de la ligne
nouvelle du TGV Est sur l'écoulement de
l'air froid, Réseau Ferré de Rance s'est
engagé à apporter d'importants
aménagements pour limiter sensiblement
l'effet barrage du nouveau talus ferroviaire.
Bilan :
vers un renforcement
de l'approche pluridisciplinaire
Ces préoccupations pour le climat
sont anciennes mais la demande sociale
est plus forte que dans le passé et la
prise en compte de l'environnement fait
partie des études d'avant-projet et des
enquêtes d'utilité publique. L'évolution
des outils et des techniques permet
aujourd'hui d'entreprendre des
recherches dans de nombreuses directions qui
n'étaient guère envisageables il y a
seulement 20 ans. Si, à l'instar des
problèmes que rencontrent les physiciens
avec les modèles numériques, les
recherches actuelles nous montrent
avant tout l'extrême complexité des
systèmes climatiques, elles permettent
quelques avancées scientifiques dans
des domaines où les géographes-clima-
tologues devraient avoir une place
encore plus importante dans les années à
venir. Aujourd'hui les physiciens sont
 La climatologie :
une science géographique
plus nombreux et disposent de plus de
moyens matériels et humains,
notamment pour la modélisation d'un éventuel
changement climatique, mais, sur
certaines problématiques, les géographes
devraient pouvoir renforcer leurs
positions que ce soit en amont (connaissance
des états de surface...) ou en aval
(conséquences probables sur les
sociétés...) de la modélisation numérique.
Dans le domaine des applications de la
climatologie aux échelles spatiales fines
(régionales, locales, microclimatiques),
l'approche géographique est capitale car
une bonne connaissance de l'espace et
du fonctionnement des sociétés est
indispensable. Là aussi, les recherches
de demain seront inévitablement
pluridisciplinaires et le regard du géographe
fort utile.
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