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Mieux Comprendre Les Donneurs
Mieux Comprendre Les Donneurs
net/publication/321490322
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Emmanuelle Boch
Excelia Business School - La Rochelle (France)
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All content following this page was uploaded by Emmanuelle Boch on 04 December 2017.
Emmanuelle BOCH
Doctorante contractuelle
CERAG, FRE 3748 CNRS/UGA
150 Rue de la Chimie, 38040 Saint-Martin-d'Hères
7 rue du Muret, 38320 Eybens
06.03.77.02.94
emmbo26@gmail.com / emmanuelle.boch@univ-grenoble-alpes.fr
RESUME: Si les donneurs de sang ont tous en commun une même pratique, les
significations associées à ce geste sont variées et semblent dépendre des trajectoires de vie
individuelles, et des relations subjectives que les individus entretiennent avec leur corps. Le
présent travail propose de mieux comprendre les comportements des donneurs à travers
l’analyse des dimensions symboliques et identitaires existantes dans la réalisation du don de
sang. La littérature en comportement du consommateur fait émerger différents enjeux
identitaires du don en général. A l’issue d’une exploration qualitative, la présente recherche
suggère que dans le contexte du don de sang, le concept d’identité corporelle, ou bio-
identité, apparait essentiel. En particulier, il semble que la perception plutôt biologique ou
symbolique que les individus ont de leur propre corps et de leur sang conditionne la manière
de donner son sang. L’identité corporelle participe alors à la construction de significations
particulières associées à cette pratique, et réciproquement elle évolue en fonction du
parcours du donneur.
MOTS-CLEFS: don du sang, identité, identité corporelle, approche qualitative
SUMMARY: All blood donors share the same practice, but seem to associate various
meanings with this practice. Those meanings seem to be related to individual lifespans, and
to the subjective relationships individuals enjoy with their body. The current research aims
to better understand blood donors’ behavior trough the exploration of symbolic dimensions
and identity issues related to blood donation. Extant literature show a strong link between
identity issues and donation, in general. Through an exploratory qualitative analysis, the
present research suggests that, in the blood donation context, bioidentity or body identity
appears as a key concept. It seems in particular that biological or symbolic body’s perception
and blood’s perception affect the way to give blood. Body identity participates in the
formulation of particulars associated meanings with this practice. Reciprocally, body identity
changes in accordance with donor’s path.
KEYWORDS: blood donation, identity, body identity, qualitative approach
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corps qui circulent entre les êtres humains, collègues (2016) montrent d’ailleurs que
comme fragments détachables de soi les évolutions du droit, en adéquation
(Baertschi, 2014). La littérature a avec celles de la biomédecine, invitent
documenté le rôle de l’évaluation indirectement les individus à concevoir le
subjective des objets dans les processus de sang d’une manière tout à fait biologique,
cession et de don d’objets. Il apparaît que sans dimension symbolique et/ou
le niveau d’intégration au concept de soi, religieuse.
et la signification individuelle des objets De nombreux anthropologues,
(expression d’un besoin d’affiliation ou de sociologues et ethnologues se sont
singularisation) conditionnent fortement intéressés à la diversité des significations
les pratiques de don d’objets (Karanika & rattachées au sang comme le souligne
Hogg, 2013 ; Lastovicka & Fernandez, Chevé (2016). Cet auteur insiste sur la
2005). Parallèlement, le don du sang est nécessité d’appréhender le don du sang
également influencé par la valeur qui est selon une vision pluridisciplinaire, en y
attribuée à l’objet-sang selon les donneurs intégrant la complexité des liens sang-
(Waldby et al., 2004) et les processus de identité. Sur la base de ces
subjectivation individuels (Oliviéro, 2006). recommandations, et considérant les
Les représentations du sang et ses limites des approches du don en
associations symboliques persistantes, comportement du consommateur pour
dans les sphères privées et publiques, analyser le don du sang, il s’agit
déterminent la circulation de cet objet d’envisager le don du sang comme un
corporel (Loquier, Zegierman, & Pelletier, geste intrinsèquement lié à l’identité, mais
2015). Le sang est un objet ambivalent par également à la bio-identité (identité
nature, qu’il soit envisagé comme corporelle ou bio-subjectivité selon les
substance (à la fois universelle et propre à auteurs, utilisées ici indistinctement).
chacun, vitale et donnable) ou comme
symbole (de vie et de mort, de pureté et Le sang comme objet du don : la
d’impureté, de sacré et de profane). Il en nécessité de mobiliser l’identité
est de même d’un point de vue juridique
corporelle
où le sang n’est pas considéré comme un
tissu, un organe ou une cellule, il bénéficie
L’utilisation qu’ont les consommateurs de
d’un statut spécifique et par conséquent
leur corps est un thème qui a été envisagé
d’une législation qui lui est propre. Le
en marketing dans l’analyse de différentes
statut juridique du sang pose la question
pratiques comme les tatouages, la
suivante : chose, personne ou
chirurgie esthétique, ou le recours à des
marchandise ? Considéré comme une
régimes alimentaires par exemple. Dans la
chose, le sang s’expose à sa
littérature, un consensus existe sur l’usage
marchandisation. Si le sang est une
du corps dans la construction identitaire.
personne, la circulation du sang entre les
Par exemple, la chirurgie esthétique
individus est fortement restreinte (Thibert,
semble s’apparenter à un rituel facilitant la
2016) et fait obstacle au don. De même, la
transition identitaire, dans un processus
transfusion sanguine se situe entre l’acte
réflexif de construction de soi (Askegaard,
de sauvetage et la cession d’un bien dont
Gertsen & Langer, 2002 ; Schouten, 1991).
on est propriétaire (Baud, 2011). Les
Néanmoins, des angles d’approche variés
catégorisations, droits et possibilités
ont été mobilisés. Certains auteurs, tels
accordés au sang par le législateur sont
que Thompson & Hirschman (1995),
autant de décisions qui norment le corps et
privilégient un dualisme corps – esprit qui
ses usages dans les significations et les
suppose que le corps représente un soi
pratiques sociales. Cette perspective
matériel modifié et utilisé selon les
juridique est importante et Chevé et ses
volontés d’un soi immatériel, l’esprit.
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Dans cette conception, l’esprit observe le notion de bio-identité. Selon ces auteurs, la
corps, le critique et l’engage dans des bio-identité correspond à la manière
activités (chirurgie, régime, sport) visant à d’appréhender le corps comme le soi,
transformer le corps en une forme désirée. supportant et incluant notre identité. Le
D’autres auteurs soulignent la nécessité de corps représente aussi, de manière
considérer les capacités du corps, et les symétrique, les limites du soi : le corps est
éventuelles limites que le corps impose à la fois la garantie et la fragilité de
dans la réalisation de projets identitaires l’expérience de soi (Budgeon, 2003). Dans
(Budgeon, 2003; Patterson & Schroeder, le cadre du don de sang, l’identité est
2010). Des réflexions autour d’un projet impliquée dans le « transfert » de
épistémologique concernant le propriété de la partie du corps considérée.
dépassement d’un dualisme corps/esprit La bio-identité suggère que les produits
sont visibles dans les récents travaux de corporels détachés restent liés au soi, de
Scott, Cayla et Cova (2017). Ces auteurs façon plus ou moins importante selon les
montrent que la volonté de s’infliger une individus (Waldby et al., 2004 ; Chevé,
souffrance correspond à la nécessité de 2016). D’autre part, Oliviéro (2006) indique
redécouvrir sa corporalité, dans un que les logiques comportementales liées
contexte sociétal où la physicalité du corps au sang (don et réception) sont
est réduite. Tantôt ami, tantôt ennemi, dépendantes de la subjectivation des
faisant l’objet de la plus grande attention matériaux biologiques. La subjectivation
ou d’une indifférence totale, le corps inclut notamment la perception
occupe donc une place changeante au (« l’éprouvé charnel de soi »), l’action (le
cours des trajectoires individuelles. Ces sentiment de responsabilité, de contrôle et
différents travaux témoignent de les efforts fournis pour concrétiser une
l’ambiguïté des relations que les individus intention), la connaissance (le savoir sur
entretiennent avec leurs corps, au niveau les causes et l’existence de soi), la mémoire
représentationnel et au niveau et la communication (l’intersubjectivité).
expérientiel. D’ailleurs, le don du sang est Ainsi, l’environnement culturel et le
à la fois fortement dépendant de la volonté parcours biographique du sujet agissent
des individus, mais également de leur comme des paramètres déterminants et
capacité physique et psychique, réelle ou conjoints dans les pratiques de transfusion
imaginée (Ambroise et al., 2015). sanguine. Les questions inhérentes au
Concrètement, ces dimensions s’observent statut du sang concernent des disciplines
de manière collective par la mise en place telles que l’hématologie, l’immunologie, le
de critères de sélection pré-don et de droit et la philosophie. Les définitions que
manière individuelle dans les ces différentes sciences accordent au sang
représentations que les sujets ont de leur influencent également les perceptions
propre corps, et de leur sang. La majorité individuelles projetées sur ce liquide
des travaux en marketing se focalisent sur biologique et sur la circulation de celui-ci
des phénomènes dans lesquels le corps et (Chevé, 2016 ; Charbonneau & Tran, 2012).
son utilisation sont visibles (à la vue L’identité corporelle peut donc être
d’autrui), contrairement au don du sang envisagée comme la « valeur » subjective
où l’action du- et sur- le corps est invisible qu’accorde un individu à son propre
jusqu’au moment du don. Tenir compte de corps, selon les significations, les
la problématique de « l’intériorité du expériences et les usages - personnels et
corps » à l’œuvre dans le don du sang sociaux - qui sont associés à son corps.
semble pourtant essentiel. Cette valeur, à forte composante
Ainsi, Waldby et al. (2004) étudient symbolique, semble particulièrement
les attributions symboliques que les déterminante dans les logiques
donneurs confèrent à leur sang à travers la comportementales faisant intervenir le
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sang. Afin de rendre compte des différents l’identité corporelle, le schéma suivant est
aspects qui participent à la construction de proposé :
Tangibilisation de l’environnement
culturel et social :
Attitudes et comportements
relatifs au don de sang
& Milne (2006 ; 2010) ou encore Shankar, donnent et d’autres qui ne donnent pas.
Elliott & Fitchett (2009) par exemple. De Une série de 20 entretiens semi-directifs a
plus, les travaux réalisés sur la été effectuée selon la répartition suivante :
dépossession volontaire et le don font 16 donneurs (dont 1 primo-donneurs), 4
également souvent référence à cette non-donneurs (dont 1 non-donneur
posture épistémologique (Marcoux, 2009 ; absolu). La durée moyenne des entretiens,
Masset & Decrop, 2016 ; Roster, 2014 ). Il majoritairement réalisés au domicile du
convient de souligner que répondant, est de 45 min. A l’heure
l’interprétativisme est une démarche actuelle, les entretiens se poursuivent,
significative de la CCT (Askegaard, & notamment auprès de non-donneurs, afin
Linnet, 2011), et que les liens entre don et d’équilibrer les sous-échantillons
identité s’inscrivent dans ce même courant donneurs/non-donneurs et de pouvoir
(Arnould & Thompson ; 2005). Il s’agit de élaborer ultérieurement une analyse
se centrer sur la diversité des significations comparative entre ces différents profils
et sur la pluralité des représentations que individuels. Le guide d’entretien a été
peut comporter une pratique telle que le construit autour de trois éléments qui
don du sang. Les connaissances sont conditionnent les pratiques de don du
établies à partir de la réalité observée, sang, d’après la littérature. Ainsi,
selon les subjectivités mises en récit par les l’entretien vise à aborder trois thèmes : la
individus et les projections imaginaires perception du sang en tant qu’objet de don
qui conditionnent la réalisation d’un (thème 1), les aspects structurels qui
comportement (Badot & Cova, 2003). Dans influencent la décision et le comportement
le cadre du don du sang, cette approche de don (thème 2), l’expérience de don en
épistémologique est légitimée par la forte tant qu’expérience susceptible d’impacter
charge symbolique du sang –au niveau et d’être impactée par l’identité de
individuel et collectif-, ainsi que par ses l’individu (thème 3). Une première analyse
implications identitaires (psychique et thématique a été effectuée manuellement,
corporelle). Dans une volonté d’analyser à partir de la retranscription d’une partie
de manière complémentaire les des interviews d’individus donneurs.
considérations subjectives des individus L’étude d’un corpus composé de 112
et les significations sociétales liées au don pages a permis d’établir des résultats
du sang, le corps et l’identité corporelle émergeants. Ces premières constatations
servent d’entrée commune aux approches montrent que l’interaction entre les
micro et macrosociales. Une démarche significations liées au don et celles liées au
qualitative est préférable pour tenter de sang se croisent et s’incarnent de manière
rendre compte de la multitude des singulière dans les comportements de don.
sensibilités à l’œuvre dans le don du sang.
Résultats émergeants
Un premier accès au réel
Les premières analyses permettent de
Un premier terrain qualitatif est confirmer l’importance de l’identité
actuellement en cours et il s’agit ici de corporelle dans la pratique de don du
présenter ce qui ressort de l’exploration sang. En effet, la conception du corps d’un
des premiers entretiens réalisés dans le but point de vue individuel semble intervenir
1) de faire émerger des thématiques non dans les représentations qui sont associées
identifiées dans la littérature à partir de au don du sang. Ainsi des visions
témoignages personnels, 2) d’établir des « utilitaristes » du corps se couplent à des
liens entre identité et pratique de don du symboliques du corps, rappelant la
sang et 3) d’observer des représentations distinction entre le « corps propre » et le
divergentes entre des individus qui « corps en idée » selon les termes de
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Merleau-Ponty (1945). Le don du sang quatre positions est issue de l’analyse des
semble ainsi situer l’objet sang entre deux entretiens individuels avec les donneurs.
pôles allant d’une conception uniquement L’axe vertical présente les conceptions
biologique à une représentation associées au sang et l’axe horizontal
totalement symbolique du sang. Celle-ci présente celles inhérentes au geste de don.
traverse, résulte de- et renouvelle Les interactions entre significations
l’identité. D’autre part, les significations constituent différentes visions du don du
accordées au don, en tant que mise à sang matérialisées dans les cercles et
disposition d’une partie de soi ou vecteur précisant le rapport au corps
d’une solidarité organique, pourraient correspondant (bio-identité). Les positions
s’envisager sur un axe polarisé entre un extrêmes ne correspondent pas à la
don pragmatique (valorisé pour ses réalisation effective de l’acte de don, qui
conséquences concrètes) et un don reste un geste « hybride » (Caillé, 2009) et
métaphorique (valorisé pour le sens du multidimensionnel. Si des tendances
don comme vecteur de lien social). La individuelles existent, elles peuvent
figure 2 donne une traduction simplifiée évoluer au cours de la vie des individus,
de la multitude des perceptions qui de manière plus ou moins volontaire. La
peuvent être associées au don du sang, en pratique de don du sang elle-même, et sa
considérant que les pôles ne représentent répétition, peut être un facteur d’influence
pas de cas réels. Cette catégorisation en des perceptions de ce comportement.
Pouvoir
Conception biologique du
sang
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une information objective et sur la base de le don de sang se réfère plutôt à une
croyances personnelles. La vision manifestation des principes généraux de
conséquentialiste du don de sang semble conduite et d'action des individus. Le don
être plus utilitariste concernant à la fois la de sang s’insère dans un ensemble de
pratique de don et l’objet-sang. pratiques permettant une certaine
« Bah, évidemment cohérence avec des valeurs personnelles et
individuellement ça… prend du le sens subjectif de la morale. Les
temps, y’a des risques quand individus adoptant cette conception
même, y’a quand même un geste n'expliquent pas leur pratique sans
invasif, donc qui peut créer un mentionner des obligations politiques et
point d’infection, pourquoi pas, il civiques qu'ils s'imposent. En ce qui
peut y avoir des problèmes dans… concerne l'évaluation du sang, il semble
Oui, oui, y’a des coûts, j’pense que que le sang conserve des aspects
des inconvénients on peut en symboliques malgré le traitement
imaginer tout un tas, mais j’ai scientifique et l'utilisation médicale. Ainsi,
tendance à penser que, à croire que dans cette conception, le sang peut être lié
les bénéfices valent largement les à la filiation et à la contagion. Le sang est
inconvénients. […]. Si la majorité considéré comme un liquide très précieux
de la population qui bénéficie du et la possibilité de faire un don lui confère
don du sang sont des personnes une expression morale. Ainsi, le corps est
très âgées qui demandent pas une possibilité d’incarner des valeurs
mieux que de partir, euh… Bon, personnelles et des convictions.
bah là j’me dis l’efficacité du truc « Bon, on est des animaux, mais
euh… du coup j’ai la croyance, j’ai vivant dans une société. Il y a des
la croyance que non… que…, que choses qu’il faut faire, pour moi
ça bénéficie à une population bien c’est une espèce de devoir. Voilà,
plus large. » Albin, donneur c’est ça, c’est un devoir, parce
ponctuel qu’on a reçu des choses de la
société, mais voilà, il faut donner
Vision morale quelque chose aussi. C’est ça. Si…,
on a le devoir en tant que citoyen.
Cette dernière approche du don de sang Si on vit dans une communauté,
est morale parce que le devoir est le c’est un devoir, il y a un…c’est un
facteur le plus important qui mène au devoir d’aider les autres. Il y a des
comportement de don. C'est une règle de valeurs, il faut partager. Il y a des
vie agissant comme un impératif valeurs qui sont plus importantes
catégorique au-delà des conséquences que l’individu. L’individu c’est pas
possibles du don. En fait, les gens qui ont la chose suprême, sacré. Oui, il y a
cette conception du don de sang semblent des individus dans la société
dire: "Si je dois le faire, je veux le faire". humaine, mais l’ensemble, c’est
Cette conception offre une vision collectif. Non mais vraiment je
pragmatique de la pratique de don qui trouve très intéressant parce qu’en
n’est pas envisagé comme vecteur de liens ce moment je traite un sujet sur
sociaux et/ou interindividuels. Dans cette l’individualisme en philosophie, et
conception, le don de sang est souvent je trouve très intéressant parce que
comparé aux devoirs civiques comme le je me posais la question, pourquoi
vote par exemple. Les effets potentiels du on en arrive à ce point, pourquoi
don ne sont pas évalués car la valeur on a besoin de faire une campagne
morale de la pratique est plus importante de publicité pour le don du sang ?
que le don de sang lui-même. Dans ce cas, Quelque chose qui doit être si
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collages sont donc nécessaires pour « corps. Une autre tendance également mise
minimiser les biais déclaratifs imputables en évidence dans les travaux de Kaufman
aux écrans psychologiques » (Vignolles, (2004) correspondrait au contraire à ne
Bonnefont, & Veillé, 2012). Enfin plus être corps en créant des identités
l’observation in situ correspond à une virtuelles, notamment sur internet. Cette
focalisation sur l’action des individus en hypothèse est notamment celle de
situation réelle, plutôt que sur la manière LeBreton (2013) dont l’ouvrage s’intitule
dont ses actions sont formulées (Arnould « L’adieu au corps ». En comportement du
& Wallendorf, 1994). Dans l’objectif de consommateur, Scott, Cayla et Cova (2017)
rendre compte de la complexité des indiquent d’ailleurs que la consommation
significations subjectives attribuées au don d’expériences physiquement éprouvante
du sang, et de l’influence réciproque qui traduit un besoin de redécouvrir sa
existe entre don du sang, identité et corporéité. En marketing, plus
identité corporelle, il est donc nécessaire généralement, ces conceptualisations
d’adopter cette pluralité méthodologique. permettraient de poursuivre les travaux
Au-delà du don du sang, le concept de analysant le soi digital (Belk, 2013) ou les
bio-identité ou d’identité corporelle ouvre relations aux avatars (Garnier & Poncin,
un champ de recherches particulièrement 2013). Enfin, Bauman (2013) interroge les
riche. paradoxes de l’usage du corps en
remarquant que les livres de recette et les
Rapport au corps : des évolutions manuels de régime sont invariablement
dans la définition de soi présents dans la liste des best-sellers
américains ; ce qui traduirait une sorte de
double-personnalité voire une
Les récentes avancées de la biomédecine, schizophrénie. Bauman (2013) montre
les nouvelles technologies liées à la santé, également que la plus grande maitrise du
les législations changeantes, la
corps actuellement possible ne parvient
digitalisation des relations sociales…
pas à satisfaire le corps « autotélique » du
participent à modifier les relations que les
consommateur. Les paradoxes mis en
individus entretiennent avec leur corps.
évidence par cet auteur s’inscrivent dans
Cette question de la corporalité a déjà fait
le récent champ de recherche en marketing
l’objet de nombreux travaux dans des
portant sur le bien-être ; la recherche de ce
disciplines variées mais reste tout à fait
dernier pouvant être anxiogène. Ces
actuelle du fait des évolutions sociétales.
différentes références représentent autant
Une problématique principale de ce thème
de champs de recherche et de terrain
concerne la définition de la personne.
d’application en comportement du
Benoist et Cathebras (1993) s’inquiètent
consommateur, au-delà du don du sang.
par exemple d’un réductionnisme
biologique qui tend à réduire la personne Le don du sang, système
au corps. Les mêmes auteurs précisent que organisationnel et irrationnel
le refus d’une telle modalité s’exprime
dans des conduites variées plus ou moins
Si le point de vue adopté ici celui de
explicites (régime alimentaire, hygiène,
l’identité des donneurs, des recherches
santé par exemple). Dans la même
complémentaires pourraient être
perspective, Kaufmann (2004) montre que
effectuées selon des angles d’attaque
l’identité et l’identification tendent à se
différents concernant :
confondre et souligne que les identifiants
actuels peuvent prendre la forme de
- La structure : le rôle de l’altérite perçue
marqueurs biologiques (ADN,
et de l’anonymat dans un don intermédié.
reconnaissance d’iris…) revenant ainsi au
Bajde (2009) indique que la relation entre
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donneur et receveur constitue une don de sang malgré les précautions et les
composante essentielle de la règlementations appliquées par les
représentation du don caritatif. Le rapport organismes collecteurs (Barkworth, et al.,
à autrui semble particulièrement présent 2002) et favorise le dong autologue
dans cette forme de don, et notamment (Waldby et al., 2004). Il convient alors
dans le cas plus spécifique du don d’objet d’interroger plus en profondeur
(Bergadaà, 2006). Il est alors possible de se l’intervention de l’irrationnel dans le don
demander dans quelle mesure l’obligation du sang, à travers les lois de magie
de réciprocité est attendue par le donneur sympathique.
(l’anonymat annule-t-il cette obligation ?)
et sous quelle forme celle-ci doit être - Les rituels : à la fois associés au don et à
réalisée dans le don du sang. l’identité, il est possible d’interroger les
processus rituels qui façonnent le don du
- L’expérience de don : La notion sang. La question pourrait être de savoir si
d’expérience fait référence à un vécu le manque de ritualisation ne participe pas
chargé émotionnellement et à la faible mobilisation de la population
symboliquement, et dont l’individu peut pour le don du sang. En effet si les
retirer une satisfaction (Roederer, 2012 ;). activités corporelles font l’objet de
L’interaction inhérente au don, ainsi que ritualisation (LeBreton, 2005), l’étude des
sa dimension symbolique permettent donc rituels de dépossession dans le contexte
d’appréhender cette pratique sous l’angle du don du sang n’a pas fait l’objet
expérientiel. De plus, Parmentier et d’analyses dédiées. Dans un contexte
Rolland (2009) ont souligné les liens sociétale ou l’on possède un corps plutôt
existants entre expérience de que l’on est un corps (Le Breton, 2005 ;
consommation et construction identitaire, 2013), cette question apparait tout à fait
tandis que Larsen et Watson (2001) légitime.
envisagent le don comme une expérience.
CONCLUSION
- Les lois de magie sympathique : les lois
de contagions sont présentes dans le don Les liens entre don et identités sont
du sang car la transfusion sanguine réciproques et s’observent sur les
suppose l’intégration d’un corps étranger différentes facettes de l’identité, au-delà de
dans un autre corps. Dans ce cadre l’objet du don. Dans le contexte spécifique
particulier, la contagion est plutôt du don du sang, le concept d’identité
synonyme de contamination. Elle donc corporelle apparait central et apporte une
envisagée dans son acception négative. La dimension supplémentaire dans la
transfusion sanguine est d’ailleurs associée compréhension des pratiques
à un certains nombres de superstitions, individuelles. L’identité corporelle, ou bio-
que les scandales du sang contaminé ont identité semble par ailleurs exploitable
renforcées (Charbonneau et Tran, 2012). La dans d’autres domaines d’application que
crainte d’un risque pour la santé, par celui du don du sang.
transfusion d’un sang contaminé,
représente une barrière importante pour le
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