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BEZZINE WISSEM T10 La victoire de Javier Milei en Argentine

Le 10 décembre 2023 lors des élections en Argentine, Javier Milei a remporté le deuxième tour de l'élection présidentielle contre le péroniste

Sergio Massa, ministre de l'Economie.

Malgré son manque d’expérience, il connaît une ascension politique fulgurante. Un an et demi plus tôt, il est arrivé au Parlement en tant que

député, sans aucune structure, financement ni affiliation aux partis politiques traditionnels argentins. Son look atypique, son franc-parler et ses

mesures radicales dans un pays au bord de l’effondrement surprennent le monde entier.

Il est intéressant de se demander comment un tel candidat a pu être élu malgré tous ses projets. Nous parlerons en premier temps du contexte

du pays, puis de tous les aspects du programme électoral de Milei et enfin des raisons ayant poussé les argentins à l’élire.

I) L’histoire d’un pays : l’Argentine

Suite à la dictature militaire de 1976, le pays connaît un retour à la démocratie en 1983. En 2001, l'Argentine a connu une grave crise

économique, marquée par des manifestations massives et des émeutes. Durant cette instabilité politique et économique ont eu lieu les

presidences de Cristina Fernandez de Kirchner, Mauricio Macri et Alberto Fernández. Sous leur présidence, l'Argentine a entrepris des réformes

et est marquée par un redressement de l’économie, insuffisant malheureusement.

La population argentine constituée à 40% d’argentins vivant sous le seuil de pauvreté (selon l'INDEC), est fatiguée par les engagements

infructueux. L'Argentine est confrontée à des réalités plus dures que l'Europe et les États-Unis, où la stabilité des blocs et la puissance

économique permettent d'amortir le choc des crises contrairement à l’Argentine. C'est là que le proverbe argentin "un ventre affamé n'a pas

d'oreilles" prend toute sa signification, préservant en partie le bon sens des argentins. Selon Alexis Karklins-Marchay “L’Argentine est l’exemple

même du pays merveilleux qui a tout gâché par démagogie, clientélisme et politiques ineptes.”

Le mandat de Alberto Fernandez est mis à l’épreuve. Sa popularité et celle de la vice-présidente, l'ex-présidente Cristina Fernandez de Kirchner,

sont affectées par la pandémie de COVID-19 et une économie précaire, y compris une inflation galopante et une baisse du pouvoir d'achat des

Argentins. Celle ci évite même une peine pour « administration frauduleuse » du à son statut. Le 21 avril 2023, Fernandez annonce qu’il ne

souhaite pas être réélu. En août, l’économiste Javier Milei de la coalition La liberté avance ( parti dont il est le fondateur ) termine en tête des

primaires, qui incluent tous les partis, avec un score de 29,9 %. Ce constat confirme la montée en puissance de ce nouvel arrivant qui a pour

objectif de bouleverser le pays. Décrit comme un « anarcho-capitaliste », Milei veut diviser le poids de l’État par deux,rendre illégal l’avortement,

légaliser le port d’armes et dévaluer la monnaie argentine. Au premier tour, le 22 octobre, Sergio Massa, le ministre de l'Économie du

gouvernement sortant, devance Milei avec 36,8 % contre 30 %.

Milei a remporté une victoire facile au deuxième tour le 19 novembre, grâce à l'aide de Patricia Bullrich, qui a terminé troisième, avec 55,7 % des

votes contre 44,3 % pour Massa. La victoire et le taux de participation élevé de 76,3 % au deuxième tour démontrent le mécontentement des
électeurs envers les gouvernements précédents, y compris les péronistes, et suscitent de nombreuses réactions à l'échelle internationale.

Cependant, il n'aura pas suffisamment de temps pour faire avancer ses priorités, car il demeure une minorité importante à la Chambre des

députés et au Sénat, malgré les victoires obtenues lors des élections présidentielles au premier tour.

Sergio Massa a reconnu sa défaite lors d'un discours prononcé depuis son siège de campagne à Buenos Aires, avant même que les résultats

officiels ne soient annoncés, alors que sa candidature a été mise à mal par la crise économique sans précédent depuis vingt ans dans le pays. «

Le modèle de la décadence est arrivé à sa fin, il n’y a pas de retour possible » dit Javier Milei dans un discours après la diffusion des résultats, tout

en reconnaissant que des défis majeurs l'attendaient, tels que l'inflation, le chômage et la pauvreté. Le 19 novembre 2023, Milei sort victorieux

des élections argentines avec 55,7 % des voix.

Cependant les mesures sociales et économiques qu’il propose marquent une rupture avec ses prédécesseurs.

II ) Un programme remis en question

Javier Milei, sans expérience politique, est célèbre pour ses discours virulents contre les Keynésiens et son opposition à la « caste » politique, et a

manifesté une sorte de mutinerie électorale contre le progressisme lors des élections argentines. Vers 2013, Milei a adopté les principes de

l'école d'économie autrichienne la plus extrême, celle de l'Américain Murray Rothbard.

L’homme, connu pour avoir brandi une tronçonneuse dans ses meetings pour montrer comment il prévoyait de couper dans les dépenses

publiques, qui a insulté ses adversaires et même le pape François, annonce son intention de remplacer le peso argentin par le dollar, de diviser

par deux les dépenses publiques, d’interdire l’avortement, de libéraliser la vente d’armes et bien d’autres projets.

Son programme électoral repose sur une vision de l’Argentine à 30 ans avec une base très libérale. Sa première mesure phare est une réforme

radicale de l’État. Pour cela, dans son programme économique, Milei semble être intraitable : en mettant fin aux aides sociales, à l’école gratuite,

en supprimant plusieurs ministères ( notamment celui de la Femme,du Genre et de la Diversité ) et en proposant une diminution de plus de 40 %

du nombre de fonctionnaires, il souhaite ainsi parvenir à réduire les dépenses publiques. Il affirme aussi vouloir la suppression de la banque

centrale du pays et dollariser l’économie argentine.

Sur le plan international, il parle de rompre avec la Chine, le Mercosur et les Brics auxquels l’Argentine doit adhérer en janvier 2024.

Le président élu ne dispose ni d'une majorité au Congrès ni d'un gouverneur provincial. Même s'il a reçu le soutien de la droite qui a demandé à

voter pour lui au deuxième tour, il n'a pas la majorité suffisante pour mettre en œuvre ses propositions de campagne telles que la fin de

l'avortement ou la dollarisation de l'économie. Javier Milei pourrait être tenté de contourner la paralysie institutionnelle en gouvernant par

décret dans les domaines qui le permettent, comme les coupes dans les dépenses publiques, car sa capacité à gouverner interpelle dans ce

contexte. Mais il est conscient qu'il aura à faire face aux syndicats qui, après avoir été maltraités pendant la campagne, n'entendent pas lui

faciliter la vie.

Mais alors, comment expliquer son élection par le peuple argentin ?


III) Du nouveau pour la politique argentine

Milei a remporté le deuxième tour de l'élection présidentielle contre le péroniste Sergio Massa, ministre de l'Economie, car les électeurs avaient

choisi cette figure anti-système pour combattre l'inflation, la pauvreté et relancer l'économie.

Le succès de Milei se joue dans sa compréhension de la divergence entre les politiciens et le monde réel. La monnaie argentine s'effondre avec

un cours qui dépasse 1 000 pesos pour un dollar (autrefois 60 pesos pour un dollar il y a quatre ans lors des dernières élections) alors que les

gouvernants argentins au pouvoir se sont empêtrés d'une corruption endémique et s'investissent dans des questions très éloignées des

préoccupations quotidiennes de la population.

L’essor politique de Milei a été porté par son style flamboyant, son discours nauséabond contre la « caste » politique et un ensemble d’idées

ultra-radicales identifiées à l’anarcho-capitalisme et méfiantes à l’égard de la démocratie. Ses idées recouvrent des mesures déjà prises dans les

années 1990 : le fait de privatiser et de réduire les dépenses sociales et de l’Etat. Il dit tout et son contraire concernant son programme : il a

annoncé la dollarisation avant de rétropédaler, il a annoncé la fermeture de la banque centrale avant de dire que ce n’était pas exactement ce

qu’il avait dit… sans même expliquer comment il compte mettre tout cela en place. Mais ce ne sont pas les mesures qu’ils proposent qui attirent

le plus. Il attire parce qu’il représente un sauveur pour les argentins, las des précédents candidats.

Sur le plan médiatique, c’est une stratégie efficace, notamment auprès des jeunes précaire qui voient à travers ses paroles un me promesse

d’espoir pour eux. C’est ces discours populistes anti privilège qui ont convaincu les citoyens habituellement étrangers à la politique.

Des micro-militants, ont cependant souhaité avertir les argentins sur le négationnisme de Milei – en ce qui concerne les crimes de la dernière

dictature, mais aussi vis à vis de son climatosceptisme, mais n’ayant pas d’explications précises visant à pousser les citoyens à voter pour Massa,

leurs avertissements furent vains.

Se pencher seulement sur les propos outranciers de Milei empêche de comprendre l’ampleur de la révolte des Argentins. Considérer Milei de «

putschiste » ou de « fasciste » ne suffit pas à faire reculer les argentins souhaitant des changements concrets. Javier Milei veut mettre fin à

l'interventionnisme et au dirigisme de l'État. Comparé à tort à Bolsonaro , Trump ou Mélenchon, il n’a de libéral dans sa politique que l’aspect

économique. Normalement, en temps de crise, les gens ont tendance à se tourner vers les candidats qui proposent un État plus protecteur, hors

cette fois ci, les argentins ont décidé d’opter pour une société capitaliste sans État plutôt que continuer avec l'étatisme.

Le soutien de Mauricio Macri, ancien président entre 2015 et 2019 a fortement augmenté les chances de Milei au second tour.

Milei a abandonné ses proclamations les plus radicales de privatisation totale de l'État après le premier tour car elles entraient en conflit avec les

sensibilités égalitaires et favorables au service public d'une grande partie de l'électorat. Il a réussi à tirer profit de sa défaite face à Massa,

considéré maintenant comme un ministre de l'économie dont le sort du pays importe peu. Dans la campagne, Massa a joué un rôle de front de

caste, avec le soutien plus ou moins explicite des dirigeants de l'Union Civique Radicale (UCR).

Mais Milei incarne les paroles de Bernanos : « Les voix libératrices ne sont pas les voix apaisantes, les voix rassurantes. Elles ne se contentent pas

de nous inviter à attendre l’avenir comme on attend le train. L’avenir est quelque chose qui se surmonte. On ne subit pas l’avenir, on le fait ». Sa

vision de l’Argentine est celle de la liberté et du progrès, et son parti politique, La Liberté Avance, en dit long sur ses intentions.

Miley s'engage à libérer les Argentins afin qu'ils puissent s'installer, produire et prospérer. Il a l'intention de réformer rapidement une fiscalité

élevée qui empêche les entreprises et les ménages et qu'il critique car elle ne sert qu'à financer une classe politique considérée comme des «

parasites suceurs de sang ». Les paroles de Milei touchent l'âme profonde des Argentins dans un pays forgé par l'arrivée de migrants en quête

de liberté face à la famine, à la guerre en Europe ou aux régimes communistes d'Asie.


sources :

https://www.contrepoints.org/2023/08/18/461993-que-faut-il-penser-de-javier-milei-le-candidat-liberal-a-lelection-presidentielle-en-argentine

https://fr.vikidia.org/wiki/Javier_Milei

https://www.publicsenat.fr/actualites/international/argentine-le-nouveau-president-javier-milei-attire-parce-quil-se-presente-comme-un-leader-messianique

https://www.contretemps.eu/argentine-milei-libertarien-extreme-droite-macri/

https://www.lejdd.fr/international/pourquoi-lelection-de-javier-milei-constitue-une-rupture-historique-pour-largentine-139813

https://www.lopinion.fr/international/pourquoi-javier-milei-a-gagne-la-presidentielle-en-argentine

https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/2082

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