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Dissertation - Distinction SPA:SPIC Est-Elle Encore Pertinente
Dissertation - Distinction SPA:SPIC Est-Elle Encore Pertinente
« Loin d’être le pont aux ânes que laisse supposer sa notoriété, la fameuse distinction
SPIC-SPA s’avère plutôt un achoppement pour bien des étudiants » c’est ce qu’explique
Bertrand Seiller dans son ouvrage « L’érosion de la distinction SPIC/SPA ». Il souligne ici la
difficulté à établir une telle distinction entre les divers services publics.
Il existe deux grandes catégories de service public : les Services Publics Administratifs
(SPA) et les Services Publics Industriels et Commerciaux (SPIC)
La distinction entre les SPA et les SPIC démontre que la présence d’un service public ne
conduit pas nécessairement à l’application du droit administratif. En effet, l’activité des SPA
est soumise à la gestion par des personnes publiques et dépend donc de la juridiction
administrative tandis que l’activité des SPIC est soumise à une gestion privée et dépend donc
du juge judiciaire. Les SPIC vont se voir appliquer un régime composé essentiellement de
règles de droit privé sans pour autant exclure l’application des règles et principes de droit
public.
Cette distinction date de l’arrêt du Tribunal des conflits du 22 Janvier 1921 « Société
commerciale de l’Ouest Africain » plus connu sous le nom de « Bac d’Eloka ». Ces deux
termes n’apparaîtront en revanche textuellement que le 23 décembre 1921 avec un arrêt du
Conseil d’État « Société général d’armement.
Pour exister, la distinction traditionnelle entre SPA et SPIC se repose sur des critères de
distinction. Ces critères vont être dégager dans un arrêt du Conseil d’État « Union syndicale
des industries aéronautiques » du 16 Novembre 1956. Cette distinction se fait par exclusion :
les SPA sont les services qui ne remplissent pas les critères suivants utilisés pour qualifier les
SPIC .
Sachant que les SPA concernent essentiellement les services régaliens, sociaux, éducatifs et
culturels alors que les SPIC regroupent les services marchands, cette distinction pourrait
constituer un élément d’identification. La réalité montre malheureusement que la distinction
faite par le juge, en plus de souffrir de nombreuses exceptions, peut se révéler aléatoire. Il
parait donc important de se demander si la distinction SPA/SPIC est elle encore pertinente
aujourd’hui ?
À côté de ces activités naturelles, il existe selon Matter, des activités qui, par leur objet
ressemble à des activités de nature privée, notamment à des activités de commerce et de
l’industrie. Elles concourent, certes, à l’intérêt général mais ne sont prises en charge par des
personnes publiques qu’en raison d’une défaillance ou d’une insuffisance de l’initiative
privée. De telles activités qui sont des activités accidentelles de l’État, n’entrent as dans ses
fonctions naturelles et sont en conséquence soumises au droit privé et à la compétence
judiciaire. Ce n’est qu’en 1933 que le tribunal des conflits reprendra l’expression de SPIC
dans sa jurisprudence en date de 1933, l’arrêt Dame Melinette.
Matter estime que pour ce qui est des activités exercées accidentellement par la puissance
publique, elles ne méritent pas le qualificatif de service public, assimilé aux seules activités
régaliennes, naturelles de l’État, soumises au droit administratif et les autres, qui seront
soumises au droit commun et n’étant pas des services publics. Cela traduit l’idée que Matter
est imprégné de l’idéologie libérale. Pour lui, l’application du droit commun aux activités
exercées par la puissance publique est une sanction, on va punir la puissance publique d’être
sortie de son champ de compétence en lui appliquant des règles de droit commun. Or, cette
conception est totalement dépassée aujourd’hui puisque la puissance publique préfère bien
souvent être soumise au droit commun car il est plus souple et le droit administratif plus
rigide.
L'arrêt du bac d'Eloka va entrainer une réaction du CE, qui dans le prolongement des
conclusions Blum de 1911 qui va dégager une jurisprudence insistant sur la double dimension
de ces activités privées. Ce sont sans doute, notamment dans un arrêt de Société Générale
d'armement, CE, 1921, des activités industrielles qui peuvent être soumises au droit privé
pour leur fonctionnement quotidien, mais cela n'en reste pas moins des activités de SP. A ce
titre, on ne peut pas exclure qu'il y ait besoin de faire application du droit public. C'est de cet
arrêt que nait véritablement la notion de SPIC.
C'est ainsi la correction apportée par le CE quelque mois après l'arrêt Bac d'Eloka du TC qui
fait naitre les SPIC.
L’arrêt rendu par le Tribunal des conflits est révolutionnaire car il introduit la pénétration du
droit privé dans le droit des services publics. L’application du droit administratif n’est plus la
conséquence directe de la présence d’une activité du service public mais une activité du
service public peut désormais, du fait de son objet, entraîner l’application du droit privé. Cette
jurisprudence a été fortement critiquée par l’École du Service Public et notamment Léon
Duguit pour lequel l’activité du service public « est indispensable à la réalisation et au
développement de l’interdépendance sociale, et qu’elle est de telle nature qu’elle ne peut être
réalisée complètement que par l’intervention de la force gouvernante »
Premièrement, c'est celui qui invoque la qualité de SPIC d'une activité qui doit la démontrer.
La jurisprudence établit ensuite que pour qualifier un service public qui n'est pas qualifié par
un texte, il faut partir du principe que « tout service public est présumé administratif, la
présomption pouvant être renversée si, du triple point de vue de son objet, des modes de
financement, de ses modalités de fonctionnement, le service apparaît semblable à l'activité «
d'un industriel ordinaire ». Dès lors, si une de ces trois conditions n'est pas satisfaite, l'activité
peut être un SPA. Aussi, un service public peut changer de qualification si deux des trois
conditions de l'arrêt USIA sont satisfaites, mais qu'une des trois varie en fonction des
circonstances. Par exemple pour le service d'enlèvement des ordures ménagères. S'il est
financé par une redevance, c'est un SPIC, si par une taxe d'enlèvement, c'est un SPA, comme
l'explique le CE le 10 avril 1992 dans son arrêt SARL Hofmiller.
1. Le critère de l'objet
Cette condition joue souvent un rôle important dans l'identification du SPIC, car touche aux
conditions d'organisation et de fonctionnement de l'activité dans ses relations avec les tiers.
De fait, le gestionnaire du SPIC doit tirer l'essentiel de ses ressources des tarifs pratiqués sur
les usagers en contrepartie des services rendus, c'est-à-dire qu'il doit être financé surtout par
des redevances pour service rendu, ainsi que l'explique le CE dans sa décision SNTA du 21
novembre 1958. Une activité ne peut dès lors être un SPIC si elle est gratuite ou presque,
comme le rappelle le TC dans sa décision Caisse de crédit municipal de Toulon du 15 janvier
1979.
Cette distinction est toutefois à mettre en perspective face à la loi et à la jurisprudence (A) le
droit de l’Union Européenne tend également à rendre cette distinction obsolète (B)
L'Établissement public n'est qu'un mode parmi d'autres de gestion d'un service public (régie,
délégation …) Il n'existe pas de coïncidence systématique entre la qualification retenue par le
texte et la réalité de l'activité considérée. On rencontre deux types de situations :
- Les établissements publics à double visage : c'est un établissement qui gère deux types
d'activités : à la fois des activités qui relèvent d'un SPA et des activités qui relèvent d'un
SPIC. Les exemples de ces établissements publics sont très nombreux. Par exemple dans
un aéroport, les missions de sécurité sont des SPA alors que et l'exploitation de
l'aérodrome lui-même est un SPIC
- Les établissements publics à visage inversé : Ces établissements qualifiés à leur création
d'EPIC, gèrent en réalité une activité purement administrative. Dans ce cas là, le Conseil
d’État requalifie l’activité et ne tient pas compte de la qualification donnée par le décret.
C'est ce qu'a fait le Conseil d’État dans son arrêt « Société d'approvisionnement
alimentaire et distilleries bretonnes, 1968, TC. »
Mais parfois, la qualification d'un EPIC est donnée par la loi alors que l'activité gérée est un
SPA. A ce moment-là, le juge ne peut rien faire, car la qualification légale s'impose à lui. A ce
moment-là, des SPA seront gérés avec des règles de droit privé.
En ce qui concerne l’objet du service, ce critère est devenu fortement subjectif. En effet,
beaucoup de SPA ont des activités de vente de services ou de production, par exemple les
établissements français du sang dans l'arrêt du CE du 27 octobre 2000, Mme Torrent.
L'instabilité de cette condition est liée aux évolutions de la perception d'un service public dans
son contexte politique, économique et social. Des activités considérées d'abord comme SPA
ou SPIC sont aujourd'hui vues comme l'autre type de service public, par exemple c'est le cas
du service extérieur des pompes funèbres qui était un SPA est aujourd'hui un SPIC, comme
l'indique le CE le 19 décembre 1995 dans la décision n°358102 et les bacs et ponts à péage,
emblématiquement des SPIC selon Bac d'Eloka sont aujourd'hui des SPA, à l'instar de la
décision du CE du 10 juillet 1989 n 77006.
De même en ce qui concerne le mode de financement, dans certains arrêts, le montant des
redevances ne couvre pas vraiment les coûts du SPIC et le juge s'arrête à la seule existence
d'une redevance pour service rendu, comme dans l'arrêt du TC du 21 mars 2005, Mme
Alberti-Scott. On le constate, la jurisprudence à ce propos est assez floue, bien que dans la
plupart des cas, si les ressources sont majoritairement liées à des dotations budgétaires
publiques, c'est un SPA, comme expliqué dans la décision Chambre de commerce et
d'industrie du Var du 24 juin 2014.
L'utilisation de prérogatives de puissance publique indique a priori qu'une activité est un SPA.
Pourtant, certaines décisions récentes du Tribunal des conflits qualifient d'abord l'activité de
SPA avant d'examiner si l'acte litigieux est pris sur le fondement de prérogatives de puissance
publique (TC 24 avril 2017, B. Braun Médical).
L’Union Européenne a eu pendant longtemps une approche limitée des activités d’intérêt
général, appelées en France services publics. Elle s’est d’abord fait remarquer par une
politique volontariste d’ouverture à la concurrence secteur par secteur. Ces évolutions, parfois
brutales pouvaient paraître difficiles à admettre d’autant plus que le droit français et le droit
communautaire n’obéissent pas aux mêmes logiques. Le droit français part de la puissance
publique considérée comme garante des solidarités et des libertés fondamentales et comme
conciliatrice des exigences de services publics avec la liberté de commerce et d’industrie ; le
droit communautaire en revanche part de la liberté de circulation des personnes, des biens et
des services sur le marché européen, il adopte une approche sectorielle basée sur le service
rendu à la personne et dans laquelle la concurrence constitue un moyen essentiel pour
atteindre la prospérité. A la différence du droit français, il n’établit pas de lien entre une
obligation de service public et l’intervention publique.
Les SIG sont aujourd’hui considérés d’après ce Livre blanc comme « un pilier du modèle
européen de société », ils « demeurent une responsabilité partagée de l’Union et des États ». Il
est en outre précisé que « la définition des missions et des obligations de service public doit
rester du ressort des autorités publiques » même si la fourniture du service peut être confiée
au secteur privé. Au regard du droit communautaire actuel, les SIG se décomposent en trois
types de secteur :
- les services non économiques correspondent aux services d’ordre régalien et aux
régimes de base de sécurité sociale obligatoires. Ils restent de la compétence exclusive
de l’État.
- les Services d’Intérêt Économique Général (SIEG) correspondent aux services en
réseau libéralisés (transport, communication, énergie…). Ils relèvent d’une
responsabilité partagée entre l’Union Européenne et les États membres. Les directives
sectorielles les ont souvent ouverts à la concurrence. Elles ont également imposé aux
prestataires certaines obligations de fourniture appelées service universel qui peuvent
être revues à la hausse par chaque État membre (prix, qualité, couverture
territoriale…).
- les services économiques non régulés correspondent aux services n’ayant pas encore
fait l’objet de directives de libéralisations (distribution de l’eau, traitement des
déchets…).