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Université Paris-Sorbonne, mardi 17 février 2015 (séance 4 du semestre) • Son projet théologique : préciser le plus possible la

jeanmarie.salamito@gmail.com
différence entre le Père et le Fils (ou Logos).
• Le Père est ἀγέννητος (agénnêtos), « inengendré »,
La controverse autour des idées d’Arius
tandis que le Fils est γεννητός (génnêtos),
sous le règne de Constantin
« engendré ». Par définition !
• Glissement du mot ἀγέννητος (agénnêtos),
I. Notions de base pour comprendre ce cours
« inengendré », vers le mot ἀγένητος (agénêtos),
I.1. Débats théologiques et pouvoir politique
« non-advenu », « incréé » ; et glissement du mot
• Étudier l’histoire d’une religion conduit à étudier ses
γεννητός (génnêtos), « engendré », vers le mot γενητός
aspects intellectuels : sa doctrine, ses débats
(génêtos), « advenu », « créé ». À une lettre près !
théologiques.
→ La différence entre « inengendré » et « engendré »
• Les controverses théologiques ont entraîné des
glisse vers une différence entre « incréé » et « créé ».
interventions du pouvoir politique : étudier ces deux
• Dossier biblique : Jean, 14,28 : « le Père est plus
aspects de la réalité.
grand que moi » ; Colossiens,1,15 : « Premier-né de
I.2. La notion de Trinité
toute créature (κτίσις, ktisis) » ; Proverbes,8,22 : « Le
• C’est l’idée spécifiquement chrétienne de Dieu. Le
Seigneur m’a créée (verbe κτίζω, ktizô) ».
Dieu des chrétiens est à la fois un et trine. Un seul Dieu
• D’où ces affirmations de la Thalie d’Arius : « Dieu ne
en trois Personnes.
fut pas toujours Père. Il fut un temps où Dieu était seul
• Le nom latin trinitas apparaît chez Tertullien ; le nom
et n’était pas encore Père. C’est plus tard qu’il est
grec τριάς (trias) se lisait déjà chez Théophile
devenu Père. Le Fils ne fut pas toujours. Car tout
d’Antioche dans les années 170.
advint à partir du néant, et le Fils vient du néant. Tout
I.3. Fondements bibliques de l’idée de Trinité
ce qui est advint comme œuvre et créature, et lui-même
• Règle de méthode : toujours rechercher les
est œuvre et créature. Rien n’était auparavant, tout
fondements bibliques d’une idée chrétienne, d’un
advint plus tard, et il fut un temps où le Logos même
comportement chrétien.
de Dieu n’était pas. Il n’était pas avant d’être engendré,
• 1 Corinthiens,12,4-6 : « Il y a diversité des dons de la
il a un commencement. »
grâce, mais c’est le même Esprit (πνευ̃μα, pneuma) ;
• Les idées d’Arius relèvent de ce que les spécialistes
diversité des ministères, mais c’est le même Seigneur
appellent le subordinatianisme.
(κύριος, kurios) ; diversité de modes d’action, mais
II.2. La réaction d’Alexandre d’Alexandrie
c’est le même Dieu (θεός, théos)… »
• Alexandre, évêque d’Alexandrie de 312 à 328.
• 2 Corinthiens,13,13 : « La grâce du Seigneur Jésus
• En 318 (?), suite à des plaintes contre Arius,
Christ, l’amour de Dieu et la communion de l’Esprit
Alexandre organise un débat. Il cite Jean,14,9 : « Celui
Saint avec vous tous ! »
qui m’a vu, a vu le Père. »
• Matthieu,28,19 : « … au nom du Père et du Fils et de
• Arius refuse de se soumettre ; il fait appel à Eusèbe
l’Esprit Saint… »
de Nicomédie. Les « colucianistes » ou
• Jean,1,1 : « Au commencement était le Logos, et le
« sylloukianistes ».
Logos était tourné vers Dieu, et Dieu, le Logos
• Vers 322, Alexandre réunit son clergé et une centaine
l’était. »
d’évêques d’Égypte et de Libye (l’ancienne
• Jean,14,16-17 : « … je prierai le Père, et il vous
Cyrénaïque).
donnera un autre Paraclet […], l’Esprit de la vérité… »
→ Excommunication d’Arius et de ses partisans, dont
I.4. La notion d’hérésie
les évêques Théonas de Marmarique et Secundus de
• En grec, αἵρεσις (hairésis) = « choix », « préférence » ;
d’où « école philosophique », « secte religieuse », « parti », Ptolémaïs.
« faction » ; enfin, en un sens péjoratif, « hérésie ». → Arius se réfugie chez Eusèbe de Césarée, en appelle
• Actes des apôtres,5,17 : « le parti (αἵρεσις) des à Eusèbe de Nicomédie, cherche d’autres appuis.
Sadducéens ». II.3. L’extension du conflit
• 1 Corinthiens,11,19 : « … il faut même qu’il y ait des • Eusèbe de Nicomédie écrit à des évêques pour leur
divergences (αἱρέσεις) parmi vous, afin qu’on voie ceux demander d’écrire à Alexandre en faveur d’Arius.
d’entre vous qui résistent à cette épreuve. » • Rôle d’Astérios le Sophiste (autre ancien élève de
• « Une hérésie est souvent, au point de départ, la saisie Lucien d’Antioche), auteur d’un Syntagmation (Petit
véhémente d’un aspect authentique mais partiel de la traité).
révélation qui, développé unilatéralement, se déforme bientôt
• Eusèbe de Nicomédie réunit dans sa cité des évêques
et compromet l’équilibre de toute la théologie » (Marrou).
bithyniens, palestiniens et syriens : ils accueillent
• Ne pas prendre le « point de vue de l’hérésiologue » ;
Arius dans leur communion, appellent Alexandre à
garder la neutralité de l’historien.
faire de même. Celui-ci refuse.
• Eusèbe de Césarée réunit à son tour un synode, qui
II. D’une controverse égyptienne à une controverse
donne raison à Arius contre Alexandre.
orientale (318 [?]-324)
• En 324, à Antioche, un synode élit Eustathe évêque,
II.1. Arius et ses idées
condamne les idées d’Arius, excommunie Eusèbe de
• Arius, prêtre à Alexandrie. Un savant (ancien élève du
Césarée.
prêtre Lucien d’Antioche [martyr en 312]) et un ascète.
→ En une demi-douzaine d’années, une controverse
alexandrine est devenue une crise de l’Orient chrétien.
choses visibles et invisibles, et en un seul Seigneur
III. Constantin et le concile de Nicée (325) Jésus Christ, le Fils de Dieu, unique engendré
III.1. Le rôle de Constantin (génnêtheis) du Père, c’est-à-dire de la substance
• Maître de tout l’Empire à partir de septembre 324, (ousia) du Père, Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai
Constantin découvre les divisions des chrétiens Dieu de vrai Dieu, engendré (génnêtheis), non créé,
d’Orient. consubstantiel (homoousios) au Père, par qui toutes
• Il écrit à Alexandre et à Arius, confie ses lettres à choses advinrent, celles du ciel et celles de la terre ;
Ossius de Cordoue. Celui-ci mesure la gravité du qui, pour nous les hommes et pour notre salut,
conflit. descendit et, s’incarnant, se fit homme ; qui souffrit,
• Début 325, Constantin convoque tous les évêques à ressuscita le troisième jour, monta aux cieux ; qui vient
Nicée (50 km au sud de Nicomédie), leur accordant juger vivants et morts ; et en l’Esprit Saint. Quant à
l’evectio. ceux qui disent : “Il était un temps où il n’était pas”, ou
III.2. Les forces en présence qu’il n’était pas avant d’être engendré, ou qu’il est
• Combien d’évêques ? 250, dit Eusèbe de Césarée. advenu à partir de ce qui n’était pas, ou qui soutiennent
270, selon Eustathe d’Antioche. 318, dit Athanase qu’il est d’une autre hypostase (hupostasis) ou
(cf. Genèse,14,14). substance (ousia), ou que le Fils de Dieu est sujet à
• Silvestre a envoyé 2 prêtres. Ossius semble lui-même changement ou altération, l’Église catholique et
son porte-parole. apostolique les anathématise. »
• Des évêques partisans d’Arius, groupés autour → L’égalité de substance (consubstantialité) du Fils
d’Eusèbe de Nicomédie. avec le Père est affirmée clairement, et même de
• Des « subordinatianistes » modérés, attachés aux manière redondante.
formules bibliques ; ex. : Eusèbe de Césarée. → Un mot grec absent de la Bible est employé :
• Des évêques opposés aux idées d’Arius : Alexandre homoousios (« de même substance »,
d’Alexandrie, Eustathe d’Antioche, Macaire de « consubstantiel »).
Jérusalem. • Considérer hupostasis et ousia comme des
• Un anti-arien frôlant le « modalisme » : Marcel synonymes, cela ne va pas de soi.
d’Ancyre. • Il va falloir du temps pour que s’impose à tous la
III.3. Le déroulement du concile doctrine de ce concile.
• Du 20 mai à (sans doute) la fin de juillet 325. • Règle de méthode : bien étudier à la fois les aspects
• Discours inaugural de Constantin (en latin). proprement théologiques et le rôle de l’empereur.
• Les « sylloukianistes » sont les premiers à s’exprimer.
Leur formule de foi est rejetée. V. Des lendemains du concile de Nicée à la mort de
• Eusèbe propose le « symbole » de l’Église de Constantin (325-337)
Césarée. Approbation, mais demande de précisions. I.1. Les difficultés de l’après-Nicée
• Travail d’un petit groupe de théologiens. • Le « symbole » de Nicée est bien accepté en Égypte
• D’abord, 22 évêques opposants. Menaces proférées et en Occident.
par Constantin. • Ailleurs, il est critiqué. Le mot homoousios fait
• À la fin, seuls Arius, Théonas de Marmarique et difficulté.
Secundus de Ptolémaïs refusent le nouveau → Beaucoup de débats à la suite du concile.
« symbole ». I.2. Synodes orientaux des années 327-336
• Banquet de clôture offert par Constantin. • Marrou parle d’un « front commun anti-sabellien ».
• 327, un concile d’Antioche dépose Eustathe. Début
IV. L’œuvre du concile de Nicée pour les chrétiens d’Antioche d’une longue période de
IV.1. En matière de discipline ecclésiastique troubles.
• 20 canons. • 335, concile de Tyr : Athanase (évêque d’Alexandrie
• Canon 3 : « Le grand concile interdit absolument de depuis 328) est condamné (pour des motifs non
laisser les évêques, prêtres, diacres et tous les membres théologiques).
du clergé introduire auprès d’eux une compagne, sauf • 336, concile de Constantinople : condamnation de
une mère, une sœur, une tante ou enfin les seules Marcel d’Ancyre.
personnes qui échappent au soupçon. » I.3. L’attitude de Constantin
• Titre du canon 5 : « Sur les excommuniés : il ne faut • Constantin exile Eusèbe de Nicomédie à l’automne
pas qu’ils soient reçus par d’autres évêques… » 325. Il le réhabilite en 328. Il subit ensuite l’influence
• Lettre du concile aux Égyptiens : « Nous vous de cet évêque.
annonçons la bonne nouvelle de l’accord sur la sainte • Il rappelle Arius de son exil.
Pâque, parce que grâce à vos prières cette question a • Suite au concile de Tyr, il envoie Athanase en exil à
été réglée : tous les frères de l’Orient, qui auparavant Trèves. C’est le 1er des 5 exils d’Athanase († 373).
célébraient avec les juifs, seront fidèles à célébrer • Avant de mourir, Constantin se fait baptiser par
désormais la Pâque en accord avec les Romains… » Eusèbe de Nicomédie.
IV.2. Le « symbole » (ou credo) de Nicée
• Traduction littérale du texte grec : « Nous croyons en → Constantin n’a pas réussi à régler la question
un seul Dieu, Père tout-puissant, créateur de toutes arienne.

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