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: AG5225 V1
Externalisation logistique
Date de publication :
10 octobre 2003
Résumé Les entreprises ont tendance à se recentrer sur leur métier, et dans ce cadre,
l'externalisation des fonctions secondaires prend tout son sens. Cet article explique cette
notion d'externalisation, en quoi elle se distingue de la simple sous-traitance, et ses
évolutions attendues. Puis il présente des critères de choix entre une externalisation ou
au contraire une intégration verticale. Et enfin il esquisse une démarche type pour mettre
en place un projet d'externalisation.
Externalisation logistique
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1.1.1 Sous-traitance ou externalisation ? à celle de généraliste, c’est aussi penser que l’on n’est pas en capa-
cité de tout faire et de tout faire bien.
L’externalisation doit être dissociée de la sous-traitance, et ce
pour des raisons multiples. Par externalisation, on exprime donc l’externalisation de cer-
taines activités qui ne font pas partie du cœur de métier ou de
La notion d’externalisation s’associe à celle de coopération, dans l’activité première de l’entreprise. Dans la réalité, la prise de déci-
le sens où la relation de service s’inscrit dans une démarche maî- sion d’externaliser peut être définie comme un temps d’analyse de
trise d’ouvrage - maîtrise d’œuvre dans laquelle le client, quel qu’il la stratégie de l’entreprise. Au début des années 1990, les services
soit, a pour ambition de copiloter la démarche en liens étroits avec externalisés étaient toujours les plus aisés à transférer, de manière
l’entreprise prestataire de service. La maîtrise de la conception du à pouvoir les reprendre en interne par la suite si le besoin s’en fai-
service est gardée en interne. Mais le prestataire dispose d’une sait sentir, et pour l’essentiel relativement éloignés du cœur de
marge de manœuvre forte pour proposer des innovations, des métier. L’externalisation était donc utilisée dans des secteurs jugés
développements, pour faire évoluer son offre dans le temps, au vu non stratégiques et sur lesquels la valeur ajoutée de l’entreprise
des attentes des utilisateurs finaux et du client. était plus faible. Vers la fin des années 1990, on a commencé à
Nota : considérer l’externalisation comme un outil utile, apte à rationa-
— la maîtrise d’ouvrage formalise les besoins de la fonction utilisatrice et les termes liser et à optimiser la structure de l’entreprise.
de sa satisfaction en regard du projet. Ce travail est souvent inséré dans un cahier des
charges qui peut lui-même servir à faire un appel d’offres ;
Exemple : le marketing, la gestion commerciale, de manière plus
— la maîtrise d’œuvre prend en charge la bonne fin du projet, notamment en réunissant
les compétences et les moyens nécessaires et suffisants à l’atteinte des objectifs fixés par
générale, des processus, partie intégrante ou très proches du cœur
la maîtrise d’ouvrage. de métier, commencèrent à être externalisés.
Le facteur temps est un fondement primordial à la réalisation de
la prestation : au niveau du temps donné d’abord au prestataire L’externalisation s’inscrit non seulement dans une logique de
pour bénéficier d’un retour sur investissement proportionnel aux résultats, mais aussi dans une mise à disposition de moyens. Mais
investissements humains et financiers, mais aussi au niveau du pour cela, le prestataire doit disposer d’une marge de manœuvre
temps donné au client pour réellement bénéficier des savoirs et suffisante : on parle donc de totalité du service externalisé et
des compétences du prestataire. pluriannualité du contrat.
Le changement dans les mentalités se caractérise entre autres Dans les faits, l’externalisation présuppose une relation plus
aujourd’hui par une vision du prestataire plus orientée vers le intense entre client et fournisseur, et une participation stratégique
client final, et non plus centrée sur lui-même ou le client intermé- de ce dernier au développement de l’entreprise. L’externalisation
diaire. Une volonté de travailler en réseau avec des entreprises est donc devenue un instrument stratégique et non plus simple-
partenaires hors de son périmètre d’action, de son mode de mana- ment tactique (encadré 1).
gement et d’organisation traditionnel, se développe progressive-
ment.
Certes, l’externalisation n’est pas un phénomène intrinsèque- Encadré 1 – L’externalisation devenue
ment neuf. Mais la maturité des relations de service dans l’exter- un instrument stratégique
nalisation, les taux de croissance des marchés, le développement
de services externalisés fortement qualifiés, les changements pro- ● L’externalisation relève d’une décision de stratégie de
gressifs dans le regard des entreprises sur le management en l’organisation. C’est un acte de la direction générale en cohé-
réseau, l’ouverture de l’externalisation dans l’ensemble des sec- rence avec les grandes orientations de l’entreprise à long terme.
teurs, y compris publics, en Europe tendent à montrer une profes- ● L’externalisation induit une évolution de la culture du client,
sionnalisation de l’approche de l’externalisation. elle provoque des changements internes forts de toute nature
Le déplacement de la valeur des produits vers l’immatériel modi- (évolution des organisations, des structures, des mentalités...),
fie considérablement la donne des industriels traditionnels. Ceux- qu’il est nécessaire d’anticiper.
ci deviennent des innovateurs/concepteurs qui achètent des ● L’externalisation s’inscrit dans une logique de résultats. Le
savoirs et mutualisent des risques. cadre de la relation de service impose l’obligation de résultats
dans les faits. Le partage des gains sur des bases équitables, à
parts égales répond à cet objectif.
Mais la relation de sous-traitance s’appuie elle encore
● L’externalisation est un transfert dans la durée. Une remise
aujourd’hui sur des liens de subordination qui ne fait pas encore
des sous-traitants des partenaires à part entière de la chaîne de en appels d’offres annuels ne s’inscrit pas dans la logique de
valeur. coopération de l’externalisation.
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Externaliser certaines activités à des prestataires est souvent une Les organisations des entreprises se font plus souples, plus
issue pour nombre d’entreprises : l’externalisation permet à une décentralisées, organisées sur des centres de profits fonctionnant
entreprise de libérer des moyens, pour les recentrer sur d’autres en réseau. De plus, certains concepts émergeant depuis quelques
activités qu’elle juge centrales. années comme le concept gagnant/gagnant, l’autonomie, la
confiance, le respect, la communication, le réseau qualité
commencent à s’implanter dans les mentalités.
1.2.1 Marché de l’externalisation Autrefois, l’entreprise prétendait tout faire elle-même.
et de la sous-traitance Exemple : Casino produisait son saucisson, son chocolat, de
même Louis Renault songea à créer ses propres aciéries.
Le marché européen est évalué, en 2002, à 362,3 milliards
d’euros (tableau 1). Cela représente près de 15 % de la production Cette intégration verticale répondait à deux besoins : elle per-
industrielle de l’Union européenne, et à peu près l’équivalent de la mettait d’obtenir des normes de qualité plus exigeantes et d’éviter
valeur produite par l’industrie d’un pays comme le Royaume-Uni. le coût représenté par les marges bénéficiaires des fournisseurs.
L’entreprise voulait contrôler tout le cycle de production d’un pro-
Au total, on peut estimer à plus de 280 000 le nombre d’entre-
duit. Le principe de l’intégration verticale se trouva ensuite opposé
prises de sous-traitance européennes. Elles emploient plus de
au principe de l’intégration horizontale. Le but était de conquérir
7 millions de personnes. Le marché français représente, en 2001,
le nombre le plus grand possible de parts de marché et ainsi, de
73,9 milliards d’euros. Il emploie 670 000 personnes et compte
réaliser des économies d’échelle.
37 272 entreprises. Pour le ministère de l’Industrie, la dynamique
de la sous-traitance industrielle reste liée aux grands groupes qui L’indispensable réduction des coûts a entraîné une remise à plat
chaque année, renforcent leur demande de 13 % en moyenne. de l’organisation du travail et donc un accroissement de la sous-
traitance et de l’externalisation, mais à des coûts raisonnables
On peut déceler la marque de ce puissant mouvement d’exter-
mieux maîtrisés et mieux négociés. Enfin, il s’ajoute à cela un phé-
nalisation dans les comptabilités des entreprises à travers « la
nomène de croissance contractuelle :
valeur ajoutée ». Cette mesure du solde de gestion correspond à
l’activité interne développée avec ses propres capacités. On s’aper- — contractualisation de la fonction de production (sous-
çoit, en constatant l’évolution des activités industrielles sur le long traitance) ;
terme, en France, que le rapport de cette valeur ajoutée au chiffre — contractualisation de la fonction commerciale (franchise) ou
d’affaires (taux d’intégration) ne cesse de décroître, passant de de la fonction financière (crédit-bail, leasing).
39 % en 1978 à 27,4 % en 2000. L’entreprise devant une telle offre de services ne pouvait que se
laisser séduire.
La figure 1, issue de l’Étude Andersen réalisée dans le cadre du
1.2.2 Une conjoncture mitigée « Baromètre Outsourcing 2001 » du salon Externaliser, illustre la
répartition des raisons justifiant le recours à l’externalisation, ou
Depuis une dizaine d’années, il existerait un décalage croissant outsourcing.
entre les prix pratiqués par les industries et les prix observés sur
L’externalisation peut donc rechercher des objectifs divers.
le marché de l’externalisation et de la sous-traitance selon certains
Cependant, si on essaie de regrouper ces buts en catégories, on
conseils en stratégie. Les premiers se sont globalement maintenus,
obtient deux types de finalités différentes.
mais les seconds se sont dégradés régulièrement.
■ Un objectif de capacité
Les réductions d’activités, même modérées, les baisses de prix
et l’allongement des délais de paiement ont mis à mal les trésore- L’externalisation peut permettre à l’entreprise cliente un accrois-
ries, ce qui explique de nombreuses faillites observées en Europe. sement de sa réactivité au marché :
Le coût élevé du travail rend les choses encore plus difficiles. Sans — en ajustant plus aisément sa capacité en cas d’évolution du
oublier le poids des contraintes environnementales qui pèse de carnet de commandes ;
plus en plus lourd sur la gestion des prestataires. — en faisant face à des dysfonctionnements de l’outil de
production ;
— en faisant face aux exigences d’une activité saisonnière.
1.3 Objectifs de l’externalisation ■ Un objectif de spécialité
Pour faire appel à un savoir-faire que l’entreprise ne possède
L’entreprise se concentre sur ces métiers essentiels, sur ce pas, ou qu’elle ne peut exercer de façon rentable, ou qui rendrait
qu’elle sait faire, ce sur quoi elle peut apporter sa valeur ajoutée, sa gestion interne trop complexe, un grand nombre d’entreprises
sur sa finalité, évitant ainsi une dispersion de ses activités et de ses font un retour vers leurs « métiers de base », en se dégageant des
moyens. tâches à faible valeur ajoutée qu’elles intégraient auparavant.
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0 % Productivité 13 %
2% 17 % Marketing
16 % ou communication
0 % Recherche de compétences 14 %
3%
0% 20 %
Flexibilité 21 %
9% Production
17 %
13 % Meilleure qualité 19 %
22 %
22 %
25 % Moins cher qu'en interne
14 % Administration
28 %
18 % ou finances
63 % 18 %
Stratégie d'organisation
48 %
24 %
20 % Ressources
Entreprise à forte croissance
19 % humaines
Grands groupes
17 %
2002
1.4.1 Des niveaux d’externalisation disparates 2001
2000
1999
Les études réalisées montrent des niveaux d’externalisation très
différents d’une fonction à l’autre, notamment par l’importance
stratégique de certaines fonctions comparées à d’autres. Cepen- Figure 2 – Fonctions externalisées par les grandes entreprises
dant, outre ces disparités, les niveaux d’externalisation sont très
évolutifs d’une fonction à l’autre dans le temps. La figure 2 pré-
sente ces disparités et évolutions sur la période 1999-2002.
Outre les évolutions dans le temps, on peut noter la tendance à
Marketing
l’externalisation des « fonctions supports » du cœur de métier. 4% ou communication
Ainsi, l’externalisation touche de façon beaucoup plus importante
les fonctions informatique ou télécommunications et distribution,
logistique ou transport ; de 1999 à 2002, les taux sont passés res- 11 % Production
pectivement pour chaque fonction de 59 à 73 % et de 49 à 63 %. De
même pour la fonction services généraux, on peut noter une forte Ressources
augmentation avec un taux qui passe de 32 à 53 %. Le deuxième 17 % humaines
groupe de fonctions externalisées par les entreprises est constitué
des fonctions ressources humaines, production et administration Services
32 % généraux
ou finances dont les taux d’externalisation varient entre 20 et 30 %.
Vient enfin la fonction marketing et communication avec 14 % en Distribution,
2002. 41 % logistique
ou transport
En ce qui concerne les ressources humaines, les entreprises
externalisent de plus en plus cette catégorie de fonction : 17 % en Administration
1999 et 24 % en 2002. Cela résulte d’une augmentation du nombre 51 % ou finances
d’entreprises qui externalisent le recrutement.
Infomatique
Enfin, les taux d’externalisation des fonctions « administration et 56 % ou télécommunications
finances », « production » et « marketing ou communication »
s’élèvent respectivement à 22, 20 et 13 %, et sont relativement
stables depuis 1999. Ces fonctions qui sont souvent proches du Figure 3 – Tendances de l’externalisation pour l’avenir (d’après [2])
cœur de métier ou stratégiques semblent donc moins sujettes à
être externalisées.
À présent, en nous basant toujours sur l’étude réalisée par Ernst En ce qui concerne les perspectives d’externalisation pour
& Young [2], il est intéressant de voir les tendances de l’externali- chaque fonction, la fonction informatique ou télécommunications
sation pour l’avenir (figure 3). est citée par 56 % des entreprises sondées. Par conséquent, il est
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Facilities management
1.4.2 Élargissement de la palette
Moyenne Intensité du service Forte
des services externalisés
Télécoms et réseaux
Même si les principaux services externalisés demeurent les
activités de facility management (activités de soutien), tels que Infogérance
l’informatique et les télécommunications, nous observons le déve-
loppement de l’externalisation de nouveaux services, logistique, Fiscalité juridique
recherche-développement, ressources humaines, formation... Finance
La logique d’assembleur tend à se développer sur tous les mar-
chés. La logique d’interlocuteur unique par fonction ou service
externalisé se développe dans un souci de clef en main et d’allè- Maintenance
gement de la gestion souvent complexe de multiples contrats
d’externalisation.
De même, on observe, dans la majorité des cas de figure, un Black office
effet d’apprentissage fort des entreprises. Elle apprend l’intégra-
tion de l’externalisation dans son quotidien sur des fonctions et Le front office se définit par une forte relation et implication du client
services périphériques (propreté, gardiennage, restauration collec- dans la réalisation du service.
tive...) dans un premier temps, pour ensuite la développer dans Le back office concerne les services supports, sans réelle interaction avec
des services à plus fort contenu technologique (infogérance, etc.) le client.
dans un second temps. L’intensité de service valorise l’enjeu de l’innovation du service et de la
personnalisation de l’offre.
La carte des services externalisés (figure 4) permet un position-
nement des fonctions ou services externalisés en fonction de
l’implication du client dans la réalisation du service et de l’innova- Figure 4 – Carte des services externalisés
tion du service. L’élargissement des fonctions ou services externa-
lisés permet de constater au travers de la grille qui suit que
l’externalisation tend à se développer vers des fonctions plus stra- Les fonctions de production (fabrication et assemblage) sont peu
tégiques au contact du client final. externalisées mais depuis assez longtemps, notamment en ce qui
concerne les secteurs de l’aéronautique.
Les fonctions les moins externalisées et depuis peu sont les
1.4.3 Développement des prestations logistiques fonctions de contrôle : achats, approvisionnement et ordonnance-
ment.
Dans le même temps, on peut conduire la même analyse au Au niveau des fonctions propres à la logistique comme au
niveau des fonctions logistiques. Ainsi, si certaines fonctions telles niveau des grandes fonctions, le constat est le même : les degrés
que le transport sont depuis longtemps externalisées ou sous-trai- d’externalisation sont variés d’une fonction à l’autre. À présent, on
tées, d’autres maillons de la chaîne logistique sont plus jeunes en peut s’intéresser à l’évolution de la relation, après celle de l’acti-
la matière. On constate donc des fonctions traditionnellement vité, qui caractérise les échanges entre le prestataire et son client.
externalisées quand d’autres restent en interne.
Une étude menée par l’Institut Supérieur de Logistique Indus- 1.4.4 De la relation de sous-traitance
trielle (ISLI) [1] montre très clairement que les fonctions fortement à la notion de partenariat
et anciennement externalisées sont les différentes formes de trans-
ports. L’offre d’externalisation évolue rapidement, les entreprises
Les fonctions d’entreposage et de stockage se retrouvent à des traversent une phase de rationalisation et de regroupement sous
stades d’externalisation différents. Le stockage de produits finis a l’effet conjugué de six facteurs :
été tout d’abord externalisé, suivi par la gestion des plates-formes — la complexité et l’importance croissante des contrats d’exter-
de distribution et le stockage amont. En revanche, la préparation nalisation : pour rester dans l’univers de la supply chain, les offres
des commandes qui peut être considérée comme un levier de couvrent désormais le transport, l’entreposage, le post-manufactu-
contrôle du taux de service client a subi un retard dans l’externali- ring... Mais également les systèmes d’information de pilotage de
sation. On observe le même phénomène pour la fonction embal- chaque fonction et le pilotage transversal de la supply chain ;
lage-conditionnement qui apparaît de plus en plus comme un — l’allongement de l’horizon des contrats : de prestations
moyen privilégié de différenciation des produits. Le service après simples, l’externalisation évolue vers des engagements d’amélio-
vente, quant à lui, est une source de valeur ajoutée dans certains ration des coûts et des services sur une période longue (les durées
secteurs d’activités. des contrats se situent désormais entre 3 et 10 ans) ;
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— l’objectif gagnant/gagnant : l’entreprise et son prestataire ses engagements de coût/service ou ne saura pas traiter les
s’engagent à progresser ensemble. Pour cela, il faut ouvrir la contextes particuliers (activité cyclique, spécificité des clients,
communication, créer de la transparence, travailler à livre ouvert, caractéristiques des produits...) : que ferez-vous alors ? Comment
ce qui suppose un changement important dans les comportements ; reviendrez-vous en arrière ? Telles sont parfois les craintes et les
— l’évolution vers des alliances ou des partenariats : il s’agit ici interrogations qui conduisent au choix de l’internalisation.
de partager une vision commune, répartir les risques et les projets ;
l’externalisation devient stratégique ;
— l’élargissement du périmètre géographique : de nationaux, 2.1 Choix de l’internalisation
les contrats deviennent eurorégionaux (deux, trois ou quatre pays)
ou européens, voire plus large encore ;
— enfin, la nécessaire cohérence entre objectifs économiques L’internalisation consiste-t-elle à garder en interne une acti-
ambitieux et la reprise du personnel ou la cessation d’actifs. vité ou à la reprendre, fonction ou service ou à l’intégrer. On par-
Nota : Supply chain : terme qui regroupe l’ensemble de la chaîne logistique sur un lera aussi alors d’intégration verticale. Elle s’inscrit dans une
process. Ensemble des activités logistiques nécessaires à la réalisation d’un produit ou stratégie du « tout en interne » qui caractérise la grande entre-
d’un service. prise de la seconde révolution industrielle.
Dans ce contexte, la stratégie du prestataire devient un élément
incontournable de l’analyse de son offre. L’expérience montre que
les entreprises utilisent l’externalisation comme levier privilégié
pour développer de nouveaux modèles de distribution, mettre en 2.1.1 Raisons de l’internalisation
œuvre des solutions nouvelles (cross-docking, suivi de véhicules
par satellite, traçabilité aval, intégration des outils de supply chain, Examinons tout d’abord la décision d’internalisation en passant
management...). Les grands acteurs de l’externalisation préparent en revue les principaux facteurs qui conduisent les entrepreneurs
ou vont préparer une offre nouvelle de services susceptible de à considérer ce choix comme la solution la plus efficiente dans
s’inscrire dans des externalisations méritant plutôt l’appellation certaines circonstances.
« d’alliances d’entreprises ». Le premier élément est évidemment la nécessité de recourir à
Nota : Cross-docking : notion utilisée pour des plates-formes logistiques qui des actifs fortement spécifiques. Le second est constitué par
« accueillent » des produits et les redistribuent dans un délai très court. Il y a donc rupture l’incertitude qui marque la transaction. Lorsque ces éléments sont
de charge pour le produit, mais un temps de stockage très réduit avant rechargement réunis, les agents économiques tendent à préférer l’internalisation
du produit.
à l’externalisation. Elle permet de se protéger contre d’éventuels
Dans tous les secteurs, de la grande consommation à l’industriel, comportements opportunistes du prestataire qui ne partage pas
les processus d’externalisation s’accélèrent. En parallèle à ce mou- idéalement les mêmes intérêts que son client. Ce choix permet
vement, les relations des entreprises avec leurs prestataires s’élar- alors d’éviter certains écueils liés à l’externalisation : non-respect
gissent, se professionnalisent. des engagements contractuels, conflits sociaux, etc.
Les compétences comme les responsabilités changent de Ensuite, nombre d’entreprises restent rétives à l’externalisation
registre, même s’il est clair que les notions de coûts et de flexibilité et justifient notamment leur choix de l’internalisation par la peur
constituent toujours les premières attentes. de perte de contrôle. Le cabinet Ernst & Young [2] segmente en
quatre catégories les grandes entreprises : réfractaires, hésitants,
Le prestataire, quel qu’il soit, devient un partenaire : on lui pratiquants et convaincus. Les hésitants et les réfractaires, qui
demande de variabiliser les coûts, de gérer le dossier social, de n’externalisent pas, sont 25 % et 34 % à craindre la perte de
rechercher de nouvelles valeurs ajoutées... Car il ne s’agit plus contrôle de leurs fonctions externalisées. C’est ainsi cet aspect que
simplement de reproduire des solutions appliquées avant en redoutent le plus ces deux catégories.
interne. Le prestataire se doit de contribuer à l’amélioration du ser-
vice client. Les principales réticences portent ensuite sur les fonctions achat
et production (hormis la gestion des déchets). Les principales
raisons évoquées sont l’aspect stratégique de ces fonctions ainsi
que la maîtrise des coûts, de la qualité et de la valeur ajoutée. Ces
résultats sont cohérents par rapport aux critères favorables à
2. Internaliser l’externalisation. Dans 75 % des cas, les fonctions stratégiques ne
seront jamais externalisées.
ou externaliser ? Le choix de l’internalisation trouve aussi souvent ses justifica-
tions dans des raisons d’ordre psychologique. En effet, l’externali-
sation pâtit, en général, d’un déficit d’image aujourd’hui en France.
Le contexte des années 1990 a donc vu le développement rapide Dans le même ordre d’idée, la venue de nouveaux collaborateurs
de l’externalisation. Il est notable toutefois que l’externalisation ne salariés du prestataire, avec des profils, des histoires, une organi-
touche pas de la même façon l’ensemble des fonctions, des sec- sation ou un mode de management différents peut aussi être vécu
teurs et des entreprises. À l’aune de ces éléments, que peut-on dire comme un choc culturel déstabilisateur pour le client.
sur la décision d’externaliser ? Pour répondre à cette question, il
La culture d’entreprise intervient donc comme un frein, alors que
faut en fait analyser les éléments qui agissent sur le choix des diri-
les éléments économiques interviennent parfois moins qu’on pour-
geants d’entreprises.
rait le croire de prime abord.
Le choix d’externaliser n’est ainsi pas toujours la règle. Nombre L’inconnue de la relation prestataire-client, dans des métiers
d’entreprises préfèrent ainsi garder leurs diverses activités et spé- pour lesquels l’enjeu de la relation de service est une source de
cialités en interne, ou même parfois les reprendre après les avoir création de valeur essentielle pour la compétitivité des acteurs,
confié à un prestataire ou plus généralement à un sous-traitant. encourage aussi le choix d’internaliser. On peut ainsi signaler que
Les champions du « tout en interne » défendent leur choix en de grandes entreprises réintègrent des activités de distribution par
argumentant que les risques liés à l’externalisation sont élevés : crainte de perte de relation avec la clientèle.
vous ne contrôlez plus vos ressources, et vous sacrifiez l’expertise La perte de la maîtrise de l’image de l’entreprise, notamment
des personnels qui ont été formés et sont habitués à vos pratiques dans des services proches ou sensibles au client final est une des
spécifiques. En outre, votre prestataire ne respectera peut-être pas raisons conduisant à l’internalisation.
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une utilité forte, nouvelle ? Puis-je par ce service me différencier de Par ailleurs, le transfert des investissements lourds (prestations
mes concurrents, qu’en est-il aux yeux de mon client ?, etc. Il est à fort contenu technologique ou parc de véhicules pour exemples)
donc bien relatif aux métiers de l’entreprise. Cela induit également vers le prestataire qui pourra les mutualiser sur plusieurs clients
que l’entreprise se spécialise sur les services pour lesquels elle donnera également de la souplesse financière.
excelle, et fasse appel aux meilleurs pour les autres services. En résumé, associer l’externalisation à une plus grande effi-
Conséquence de la logique service rendu au client, le recentrage cience (rapport efficacité - coût accru) réduit le spectre des avan-
ne devrait pas s’inscrire dans une politique mécanique de réduc- tages de l’externalisation. Les avantages indirects peuvent être
tion du périmètre de l’entreprise par effet de mode ou de recherche considérables, en termes d’efficacité commerciale par l’externalisa-
de la seule valorisation financière. Ce qui prime est bien la création tion de la relation client, d’image service pour celle de l’accueil
de valeur pour le client, elle seule pourra induire la création de téléphonique, d’adéquation technique de l’outil d’information pour
valeur financière. A contrario, le recentrage sur le cœur de métier celle de l’infogérance, etc.
peut s’appuyer sur une connaissance des valeurs et de ses savoirs
internes pour mieux cibler et rechercher les savoirs externes. 2.2.1.3 Logique de création de valeur
Quand on parlait d’externalisation jusqu’à ces dernières années, La recherche d’un meilleur niveau de service s’appuie sur la
on se référait toujours à des « activités non stratégiques ». Cela ne personnalisation de la relation de service en B2B (business to
limite toutefois pas le champ d’application de l’externalisation, business : interentreprise). Il est naturel de transférer la totalité
mais au contraire l’élargit. d’un service ou d’une fonction de son entreprise dans un souci
Exemple : au-delà de ses caractéristiques techniques de bases d’obtenir du prestataire spécialisé un service meilleur. La richesse
communes, le secteur de la propreté ne revêt pas la même dimen- des références et des savoirs du prestataire doit directement béné-
sion de service dans une centrale nucléaire où le facteur de sécurité ficier au client. Le prestataire est au fait de toute innovation tech-
extrême prédomine, un hôtel pour lequel le soin apporté au client est nologique, avec du personnel intégré dans le cœur de métier de
stratégique, ou un établissement industriel pour une prestation plus l’entreprise.
classique, en font office. La propreté occupera une place stratégique Reproduire à l’identique en externe une prestation réalisée jus-
forte dans un lieu de tourisme ou de loisirs, une centrale nucléaire ou que-là en interne se justifie-t-il ? Qui est le bénéficiaire de la
une clinique mais peut-être moindre sur un site industriel. prestation ? À quoi sert-elle ?
Dans le même registre, pour un distributeur en hypermarché ou L’engagement de services est un critère de choix dans la négo-
en vente par correspondance (VPC), la fonction logistique est-elle ciation d’avant contrat, en termes de conseil, d’assistance, de suivi
stratégique ? La livraison à domicile pour les achats on line l’est- complet de la prestation. Le service se mesure souvent à la
elle également ? manière de répondre aux attentes insatisfaites des clients. Néan-
moins, tout n’est pas idyllique et la qualité du service global
Si oui, a-t-on intérêt à garder cette activité en interne, ou la requiert à tout instant une attention particulière qui dépasse les
confier à un prestataire ? Aborder l’externalisation de la logistique logiques de standardisation du service observées parfois.
revient à s’interroger sur l’apport potentiel d’un prestataire externe
Au prestataire de tout mettre en œuvre pour et avec son client.
en termes de création de valeur (redéfinition de sa stratégie client,
Au client de garder à l’esprit son objectif de créer de la valeur pour
développement de nouveaux services au client, apport du presta-
son client final, et ainsi de laisser les moyens au prestataire de
taire en qualité de service...).
tenir ses objectifs.
Les relations prestataire-client pour être bien gérées dans le
2.2.1.2 Logique de coût
temps doivent s’appuyer sur la confiance.
Le passage d’une logique de coûts fixes à celle de coûts Le management de la relation client-prestataire ne s’appuie pas
variables est un argument régulièrement mis en avant par les sur un lien de subordination des acteurs.
entreprises qui souhaitent externaliser. Il l’est moins chez les pres-
La réflexion en amont pourra reposer sur un audit précis du ser-
tataires. La variabilité des coûts à la hausse en situation de déve-
vice en question. Celui-ci portera sur les éléments déclencheurs de
loppement d’activité ou à la baisse dans le cas contraire sans
la réflexion d’externalisation ou non, sur l’analyse précise des
blocage interne doit apporter une souplesse financière à l’entre-
variables concernées (hommes, coûts, flux d’informations...), sur
prise. De même, une structure qui voit l’inflation récurrente de
des indicateurs d’activité (qualité de service...).
postes budgétaires clairement identifiés peut trouver dans l’exter-
nalisation une marge de manœuvre budgétaire accrue. À condition La réalisation de l’audit pourra être réalisée par un prestataire de
de connaître avec précision la structure des coûts concernés par le conseil en stratégie ou en organisation qui apportera son œil neuf
projet d’externalisation. sur l’entreprise et naturellement sa méthodologie. Il peut être éga-
lement confié à un prestataire spécialisé dans les services objets
Certes, l’externalisation peut favoriser la maîtrise des coûts de la réflexion.
directs grâce au lissage des investissements dans la durée mieux
adaptés aux évolutions d’activité, à la mutualisation de coûts sur
plusieurs clients, voire même une répartition des investissements 2.2.2 Avantages de l’externalisation
entre le prestataire et son client. Un audit des coûts directs et indi-
rects sera alors nécessaire avant toute décision pour identifier avec Les bénéfices peuvent être multiples et plus ou moins prononcés
clarté l’ensemble des coûts affectés au service externalisé. pour l’entreprise, mais ils dépendent de la logique d’externalisa-
Néanmoins, un problème souvent rencontré par les entreprises tion retenue au départ.
réside dans l’absence d’un système d’informations financières suf- Globalement, selon l’étude réalisée par Ernst & Young [2], les
fisamment efficient qui puisse donner un audit fiable de la struc- avantages de l’externalisation dont profitent les entreprises se
ture de coûts. Ainsi, aborder la question du transfert de coûts sans répartissent selon les points indiqués à la figure 6.
base fiable risque d’induire des problèmes de mesure de gains en On peut noter que les avantages attendus de l’externalisation
fin de contrat, et ainsi de partage éventuel de ces gains. restent à peu près les mêmes d’une année à l’autre. Il ressort
De toute façon, pour évaluer l’impact de l’externalisation sur la cependant en 2002 que la recherche d’une compétence meilleure
profitabilité de l’entreprise, il faut s’assurer que les chiffres soient redevient le principal avantage perçu, juste devant la recherche du
bien cohérents d’un exercice à un autre (phénomène de déprécia- coût. Enfin, on peut constater aussi que nombre d’entreprises
tion) et que le coût des services a été pris en compte de la même considèrent l’externalisation comme un véritable mode d’organisa-
manière. tion.
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— le coût « caché » et le prix ont augmenté une fois la relation Code du travail qui garantit au salarié le maintien des droits et
commencée ; obligations qui résultent de son contrat de travail et de certains
— le manque d’amélioration continue et de finalisations de l’offre ; avantages individuels qui y sont liés.
— le contrôle sur la/les fonctions externalisées diminue ;
Cet article repose sur un principe simple : en cas de vente, fusion
— le manque de consultation et de connaissances basiques ;
ou succession, les contrats de travail sont automatiquement trans-
— la capacité technologique disponible n’est pas offerte au client ; férés au nouvel employeur. Au départ, cette disposition a été créée
— le temps et l’effort consacré à la logistique n’ont pas été réduits. pour protéger les salariés et leur assurer qu’en cas de cession de
leur activité, leurs contrats de travail et tout ce qui tourne autour
(avantages sociaux, ancienneté, etc.) seraient maintenus. En fait,
Il convient donc de souligner que l’externalisation n’est pas la les entreprises ont détourné l’esprit de cet article et l’utilisent pour
solution à toutes les situations et pour toutes les entreprises. donner un fondement juridique à des opérations d’externalisation
L’externalisation est le fruit d’un contexte, sa décision doit être du personnel. D’un carcan, les entreprises ont su faire une oppor-
mûrement réfléchie et préparée dans le cadre d’une démarche tunité.
conjointe avec le prestataire conduisant à l’élaboration d’un cahier
des charges, pour se prolonger par la sélection du prestataire à la Les dispositions de l’article L. 122-12, alinéa 2 du Code du travail
réalisation du contrat. sont des dispositions d’ordre public, qui s’imposent à l’entreprise
comme aux salariés et auxquelles ni les uns ni les autres ne
peuvent déroger par un accord particulier.
À l’inverse, lorsque l’opération envisagée n’entre pas dans le
champ d’application de l’article L. 122-12, les parties peuvent
3. Risques et démarche convenir d’un transfert du contrat de travail vers une autre entité
juridique. Mais il est nécessaire alors que les droits des salariés
de l’externalisation soient maintenus et que cet accord n’ait pas pour objet d’exclure
l’application de certaines dispositions conventionnelles.
Dès lors que l’opération de transfert porte sur un service homo-
3.1 Pièges à éviter gène, dont le périmètre n’a pas été déterminé de manière
« chirurgicale » et constitue une entité autonome disposant de
moyens propres, la cession, selon le régime de l’article L. 122-12,
L’externalisation d’une fonction ou d’un service n’est pas une alinéa 2 du Code du travail ne présente pas de difficultés. Il existe,
opération simple à réaliser. Les risques liés à l’externalisation en revanche, un certain nombre de cas dans lesquels la définition
stratégique sont nombreux. Ils sont fréquemment sous-estimés par artificielle du périmètre de la cession laisse planer quelques doutes
les managers, aveuglés par l’importance des bénéfices potentiels sur la licéité de l’opération, sauf dans le cadre d’un accord ayant
associés à la cession de l’activité et par les bénéfices immédiats en maintenu l’intégralité des droits des salariés et ayant obtenu
termes de rentabilité. l’adhésion de ceux-ci.
Depuis quelques années, les tribunaux sont de plus en plus
Pour être licite, encore faut-il que l’externalisation ne conduise
attentifs aux conditions dans lesquelles sont effectuées ces opéra-
pas à une opération s’analysant en la fourniture de main-d’œuvre
tions afin de préserver l’intérêt des salariés. Ils n’hésitent pas à
à but lucratif afin d’éluder certaines dispositions législatives ou
remettre en cause des stratégies d’externalisation et à requalifier
réglementaires ou d’une convention collective. Cette opération
les contrats.
exposerait l’entreprise qui y a recours aux sanctions pénales pré-
Il n’en reste pas moins que ces stratégies d’externalisation ont vues par l’article L. 125-1 du Code du travail (délit de marchan-
connu des revers au cours des dernières années. D’abord, parce dage).
que derrière les effets d’annonce sur des mariages et partenariats
d’une nouvelle génération, nombre de prestataires ont eu de mau-
vaises surprises. Par conséquent, l’opération d’externalisation confiée à une
entreprise extérieure à laquelle du personnel est transféré doit
Exemple : un contrat d’externalisation se base sur des prévision- éviter trois écueils :
nels de gestion de flux qui sont rarement respectés. Ensuite, la déci-
sion d’externaliser repose parfois sur des motivations purement — l’inapplicabilité de l’article L. 122-12, alinéa 2 du Code du
sociales, qui consistent à restructurer des biens immobiliers et son travail ;
personnel à moindre frais. — le délit de marchandage ;
— l’interdiction du prêt de main-d’œuvre.
Aussi convient-il de parcourir le droit du travail qui régit la
démarche d’externalisation.
Autant dire qu’il s’agit d’une opération particulièrement délicate
et que les nombreuses entreprises qui y ont recours s’exposent à
3.1.1 Droit du travail en matière d’externalisation des risques juridiques assez importants si elles n’ont pas analysé
de manière approfondie le contexte particulier de leur opération.
On pourra se reporter à la référence [4].
Les conseils de prud’hommes sont, de manière générale, atten-
Les entreprises, cherchant à rationaliser la gestion de leurs tifs à la conservation, par les salariés externalisés, des droits indi-
moyens techniques et humains ont tendance, de plus en plus, à se viduels et collectifs dont ils disposaient antérieurement à la mise
recentrer sur leur métier en externalisant les services qui n’en en œuvre du projet.
relèvent pas et notamment les services liés à la télécommuni-
cation, à l’informatique, à la logistique et à diverses fonctions En pratique, les conseils de prud’hommes considèrent que l’opé-
administratives. ration n’est licite que lorsque les salariés conservent leurs avan-
tages collectifs (les salariés, collaborateurs de grandes entreprises,
Pour être licite, cette pratique doit néanmoins respecter un cer- qui sont « externalisés » bénéficient souvent d’un statut plus favo-
tain nombre de conditions strictes. rable) pendant une durée relativement longue. En règle générale,
Toute externalisation donnant lieu à un transfert de personnel les sociétés de prestations de services vers lesquelles les salariés
doit être examinée au regard de l’article L. 122-12, alinéa 2 du sont « externalisés » offrent un statut moins avantageux.
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Exemple : la Cour de Cassation a considéré qu’un démembre- entreprise serait dépendante d’une prestation qu’elle a choisie de
ment de certains services centraux de la société Perrier Vittel France ne plus réaliser en interne.
ne s’analysait pas en une cession d’entité économique autonome au
sens de l’article L. 122-12 du Code du travail. En effet, cette opération Exemple : en 1994, Blue Shield décida de mettre fin à une relation
ne pouvait pas être définie comme telle dans la mesure où les ser- d’infogérance avec EDS, vieille de vingt-cinq ans. Cette décision,
vices centraux de l’entreprise ne possédaient pas de moyens particu- pourtant fondée sur des critères rationnels (performance insuffisante,
liers internes tendant à des résultats et à une finalité économique coûts trop élevés), s’avéra rapidement irréaliste. En effet, il était
propre. impossible de changer de prestataire car les employés de Blue Shield
s’étaient adaptés aux méthodes d’EDS, qui par ailleurs avait accumulé
Cette dernière décision n’est pas étonnante. Elle est conforme à un savoir sur les systèmes d’information de son client. Finalement,
la jurisprudence antérieure de la Cour de Cassation relative à seuls quelques points du contrat purent être renégociés, et la relation
l’article L. 122-12 du Code du travail. fut maintenue.
Elle révèle simplement le souci de la haute juridiction de s’assu-
rer que les opérations d’externalisation ne constituent pas un La création d’un lien de dépendance irréversible est fréquem-
moyen de « se débarrasser » d’un service considéré comme non ment l’inquiétude prépondérante de l’entreprise qui externalise.
rentable ou improductif sans garantir aux salariés un maintien de Naturellement, ce risque ne peut réellement s’apprécier au
leurs droits. moment de la signature du contrat car les conflits entre les clients
et leurs prestataires ne surgissent qu’après un certain temps. Le
développement de l’externalisation s’accompagne de l’opportu-
nisme post-contractuel : le hold-up. En effet, ni l’ensemble des cir-
3.1.2 Gestion du changement et risque social
constances ni les comportements futurs ne sont prévisibles. Aucun
contrat n’est complet. Dans le cas d’une prestation spécifique, le
Il n’en reste pas moins que, même si les problèmes juridiques risque d’apparition d’une forte dépendance et de comportements
peuvent être résolus, le succès d’une externalisation ne repose pas opportunistes du prestataire est élevé.
uniquement sur le volet juridique.
Ainsi aux yeux de nombreux décideurs, réintégrer l’activité
Les opérations d’externalisation sont très fréquemment accom-
externalisée apparaît quasiment impossible. Une étude sur la logis-
pagnées de transferts de personnel et de licenciements. Il n’est
tique publiée en 1996 [1] montrait que 77 % des entreprises esti-
alors pas surprenant que la simple annonce d’une opération
maient qu’elles en seraient incapables. Ces données montrent que
d’externalisation suffise à occasionner des troubles sociaux, sur-
la réintégration reste possible mais qu’elle induit des coûts très
tout en Europe.
élevés.
Exemple : le personnel du service informatique de la FNAC s’est
mis en grève pendant trois semaines (du 25 janvier au 15 février
1996) pour refuser un projet d’externalisation impliquant 48 transferts 3.1.4 Perte de savoir-faire
et 45 licenciements. Devant cette levée de boucliers, le projet a été
gelé par la Direction générale.
La question de la perte du savoir-faire est cruciale pour les entre-
prises externalisatrices. Le transfert d’équipements spécifiques et
Ce type d’opposition ouverte n’est pas le seul à se manifester. surtout d’une grande partie du personnel vers le prestataire
L’opposition peut aussi être plus insidieuse. Dans ce cas de figure, implique une perte de compétences individuelles et organisation-
le personnel ancien transféré chez le prestataire ou les salariés res- nelles. Le risque associé est que cette perte de compétences revête
tés à l’intérieur de l’entreprise externalisatrice peuvent contribuer un caractère irréparable. Pourtant, gérer en interne la relation avec
de façon plus insidieuse à faire échouer l’opération en abaissant le prestataire, assurer le suivi, mettre en place le contrôle de la
leur productivité ou en refusant de partager leur savoir-faire avec prestation, et faire évoluer le contrat requièrent de conserver les
les nouveaux entrants. compétences nécessaires pour pleinement tirer un bénéfice de
L’objectif est de travailler l’angoisse liée au projet et d’amener l’externalisation. À long terme, l’externalisation fait courir des
une véritable ingénierie sociale qui permette de rassurer et de pou- risques importants de fuite de savoir-faire. Elle implique la perte
voir répondre aux attentes spécifiques. Il est évident qu’un projet d’informations et de connaissances opérationnelles au niveau de
d’externalisation doit s’intégrer avant tout dans une perspective l’activité externalisée. En effet, une organisation focalisée sur
stratégique [3]. quelques compétences centrales peut être très efficiente à court
terme, mais inadaptée sur le long terme si elle a abandonné des
Il s’agit d’un acte de management et l’une des clés de la réussite compétences critiques pour le futur. Elle sera donc particulière-
consiste bien à placer l’homme au cœur de la démarche. Il faut être ment vulnérable aux changements qui pourraient survenir dans
capable de transformer la crainte du changement en volonté son environnement.
d’adhésion et en source de motivation.
Les risques liés à l’externalisation sont nombreux. Par
conséquent, l’entreprise externalisatrice doit se préparer minutieu-
3.1.3 Dépendance de l’entreprise externalisatrice sement à cette décision et en analyser tous les tenants et les abou-
tissants.
Le phénomène de l’externalisation diffère très fortement de celui
du downsizing.
3.2 Démarche de l’externalisation
Le downsizing consiste simplement à céder une activité à une
autre entreprise. La relation avec l’acheteur s’arrête après l’acte Mener à bien une démarche d’externalisation est un projet
de vente. complexe qui imbrique étroitement des métiers, des acteurs et des
enjeux sociaux, économiques et stratégiques.
En revanche, lorsqu’une entreprise externalise sa fonction infor- On proposera dans ce paragraphe, un enchaînement chronolo-
matique ou logistique par exemple, son besoin en la matière ne gique d’interrogations qu’il faut se poser lors de la démarche
disparaît pas pour autant. On se trouve donc dans le cas où une d’externalisation pour garantir le succès de la prestation.
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Enfin, un des points clés dans la démarche d’externalisation est copilotage revient à mettre en commun deux approches, distinctes
l’accompagnement du changement. Le dirigeant doit en effet au départ, avec un même objectif pour le prestataire et son client.
s’assurer de l’adaptation culturelle : transformation de l’identité,
organisation pratique, formation, etc. La mesure du service est le travail conjoint du prestataire et de
son client. Le but en est de déterminer avec précision les critères
Arrivé à ce point, la dernière difficulté consiste alors à définir le de choix d’un bon service. Les outils de mesure sont alors person-
contrat qui va lier le prestataire et son client. Le contrat doit être nalisés, selon l’entreprise, le service ou la fonction externalisée. Si
réalisé avec soin : le cadre de la prestation doit y être défini dans on ressent la nécessité de mesurer le degré de satisfaction du
son ensemble. bénéficiaire du service, il faut alors déterminer qui du client ou du
prestataire est en charge de prendre la mesure.
Tout d’abord, le contrat d’externalisation doit s’inscrire dans la
durée : au moins 3 ans, voire 5 ou 7 ans. Les indicateurs de suivi devront être :
Le contrat doit ensuite présenter clairement la nature de la pres- — définis en commun par le prestataire et le client ;
tation et les moyens liés. De même, le contrat précise les critères — simples et compréhensibles par tous ;
de mesure de la performance du prestataire sélectionné. En effet, — contrôlables.
le contrat d’externalisation doit impérativement exiger une obliga- Dans ce domaine, le rôle du prestataire est primordial. En effet,
tion de résultat, tout en assurant une autonomie de fonctionne- il est le mieux placé pour proposer des nouveaux indicateurs adap-
ment suffisante au prestataire. Il ne s’agit pas, pour le prestataire, tés aux besoins qui peuvent évoluer avec la prestation. La relation
de s’engager à mettre en œuvre tous les moyens nécessaires à sa de partenariat prend alors tout son sens.
mission. Au contraire, il s’agit de réaliser la prestation demandée
quels que soient les moyens à mettre en œuvre. D’où la nécessité Les tableaux de bord ainsi élaborés doivent enfin être remontés
pour le client de laisser une certaine liberté au prestataire dans le vers le top management (direction générale de l’entreprise) de
choix de ces moyens. Faute de quoi certains invoquent le manque manière régulière sous la forme d’un tableau de synthèse.
d’autonomie pour se soustraire à leur obligation de résultat. Celle-
ci passe, pour le client, par des concessions pour s’adapter aux
procédures de travail standardisées et éprouvées par le prestataire. Le suivi des points qui ont été abordés doit permettre de
En contrepartie, il est judicieux de contractualiser l’obligation de mener la démarche d’externalisation au succès. Cependant, il
résultat par une série d’indicateurs de qualité. Même s’il est convient de préciser qu’une externalisation est chaque fois
détaillé, un contrat d’externalisation ne peut prévoir tous les inci- particulière, et que en aucun cas il ne serait possible de
dents, ni anticiper les impondérables inhérents à la vie de toute construire un modèle applicable dans tous les contextes, pour
entreprise. D’où l’importance d’un contrat de partenariat où chacun tous les types de clients et de prestataires. Ainsi, il est judicieux
trouve son compte. Une donnée difficilement mesurable, et pour- de rappeler qu’une externalisation est toujours une solution
tant essentielle, sous peine de voir les pénalités à répétition dégra- personnalisée qui répond à un besoin précis.
der rapidement les relations client- fournisseur.
Enfin, le contrat définit la méthode de calcul et le montant du
coût de la prestation qui doit être fixé par le client et le prestataire
en collaboration. 3.3 Conditions préalables
pour l’externalisation logistique
3.2.3 Principes aval
Externaliser sa logistique n’est pas une décision à prendre à la
Une fois que la prestation est en place, le dirigeant ne doit pas légère. Il est indispensable de mener une étude de fond justifiant
se désengager de sa démarche. En effet, il lui incombe alors de pleinement cette décision et prenant en compte tous les postes
« manager » le partenariat avec son prestataire. Pour ce faire, il concernés, les réactions de l’interne et de l’externe et l’évolution
doit adapter les méthodes de management : du marché.
— de la réalisation à l’orientation et à la coordination ; Dans un environnement très concurrentiel, l’aspect logistique est
— de la relation hiérarchique au partenariat. de plus en plus impliqué dans le service client et il convient de bien
mesurer les enjeux et les risques.
De même, le client doit mettre en place un système d’évaluation
continue du service externalisé en collaboration avec son presta-
taire afin de mobiliser l’intelligence du prestataire dans la durée.
Pour ce faire, le client doit savoir instaurer un climat de confiance 3.3.1 Comment se positionne la logistique
avec son prestataire en lui donnant quelques garanties sur la durée dans l’offre de l’entreprise ?
et en validant le partenariat par des consultations périodiques.
Le suivi doit s’appuyer néanmoins sur une organisation rigou- Certains industriels vont externaliser une partie de leur logis-
reuse et clairement annoncée en interne : tique et conserver certains départements. D’autres ne vont
conserver qu’un bureau commercial et une équipe administrative
— la mise en place d’une structure externalisation transverse en s’appuyant sur un partenariat total.
destinée au pilotage de la totalité des opérations d’externalisation
engagées ; Il faut considérer non pas une logistique mais des logistiques.
— des responsables externalisations par contrats ;
— des relais correspondants par service ou fonction. Exemple : il peut être intéressant de sous-traiter les lancements
de nouveaux produits et de conserver l’approvisionnement des
Les objectifs de la cellule externalisation doivent intégrer, outre grandes et moyennes surfaces en palettes complètes, ou bien de
le respect des termes des contrats, la dimension d’évolution des sous-traiter les deux mais avec deux professionnels spécialisés.
prestations dans la durée du contrat.
L’externalisation confère une relation de type maîtrise d’ouvrage Par ailleurs, il est important de différencier la recherche d’un
– maîtrise d’œuvre au pilotage du service. Ainsi, le client doit gar- partenaire pour une opération ponctuelle ou un département, d’un
der en interne un regard critique et une maîtrise du projet. Mais la prestataire sur un partenariat global. Dans le premier cas, il existe
latitude doit être donnée au prestataire de proposer, de manager souvent le risque de traiter dans l’urgence ou selon une étude sim-
en rapport avec la logique de résultats de la démarche. Parler de plifiée. Il s’agit de répondre à une pointe d’activité ou d’absorber
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un nouveau département ou bien même de tester un marché. Le Privilégier le long terme est également un axe à rechercher dans
second cas est beaucoup plus impliqué dans le cœur même de un esprit d’optimisation permanente.
l’entreprise.
Une bonne externalisation est avant tout un interfaçage complet
des systèmes d’informations, qu’ils soient informatisés ou non.
Quand une direction générale, marketing ou commerciale lance
3.3.2 Définir le périmètre de l’externalisation une action, la « réaction » doit être à la fois rapide et contrôlée
dans une parfaite synergie. Le prestataire intervient réellement
Dès le départ, il est important de délimiter le périmètre précis de comme un bras de la stratégie de son client, qui loin de perdre le
l’intervention, même si elle peut être amenée à évoluer. Dans ce contrôle par rapport à une solution interne, se trouve en fait aux
cadre, le cahier des charges est véritablement une pièce maîtresse. commandes d’un département en parfaite adéquation avec ses
Certains industriels s’appuient sur un cabinet extérieur, d’autres directives.
constituent un groupe de travail pour l’occasion ou disposent déjà
Un prestataire maîtrisant ses domaines d’intervention s’engage
d’un service compétent. Un prestataire qui se respecte refuse
sur un taux de service et des contrats de progrès et met en place
aujourd’hui de faire une cotation sans une liste d’éléments précis,
des échanges entre chaque niveau de collaboration, du dossier au
demandée par le service méthode.
quotidien aux directions générales.
Il est très important de réaliser qu’un partenariat réussi avec un
3.3.3 Choisir les prestataires adaptés prestataire exige :
— plus de management et d’effort et surtout pas moins ;
Tous les prestataires ne sont pas compétents dans toutes les — qu’il n’y ait pas de coupe sombre dans les coûts ;
logistiques. Les besoins d’un client ne sont pas forcément des — un partenariat projeté dans le long terme et des bénéfices au
standards. Plus l’entreprise s’implique dans un processus de par- niveau stratégique.
tenariat, plus les spécificités de sa logistique doivent être prises en
compte dans une réponse personnalisée. L’externalisation n’est pas une décision qui doit être prise dans
l’urgence. Elle est le fruit d’une prise de conscience et de l’analyse
La parfaite connaissance du secteur de l’activité et ses exigences de l’entreprise et de ses besoins dans le long terme. Le choix de
propres par le prestataire se révèle toujours un fondement de la l’externalisation s’inscrit donc dans la durée.
réussite de l’externalisation. Au-delà du secteur, l’expérience du
mode de distribution est aussi un point déterminant.
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permet de définir de façon très précise le périmètre, les indicateurs tataire. Si le contrat est important, il ne peut être par nature
de performance et de disponibilité, les pénalités éventuelles (prin- qu’incomplet. Finalement, la qualité de la phase de préparation de
cipe de bonus/malus) et les règles de sortie... En effet, l’externali- l’opération pèse énormément sur le climat interne et sur la relation
sation a des implications organisationnelles particulièrement avec le prestataire. Elle ne doit être ni négligée ni bâclée.
importantes. L’entreprise externalisatrice s’engage sur le long Une fois l’externalisation en place, la notion de partenariat entre
terme en confiant des ressources à un prestataire. Placée dans une le client et son prestataire prend tout son sens. L’externalisation
relation de dépendance (choisie et voulue), le contrat devient pour s’inscrit alors dans un plan de progrès permanent, où le contrat se
elle le seul moyen de contrôle et de pression. Plus il est complet prolonge par la notion de confiance réciproque plus que par le
et précis, plus il permettra de s’assurer de la performance du pres- contrôle.
Références bibliographiques
[1] Externalisation de la logistique. Logistique & en France. Réalisé par le cabinet Ernst & [4] BOTTOU (C.). – L’externalisation et le L. 122-
Management. Publication du Groupe ESC Young. 12. La revue juridique et sociale des ressour-
Bordeaux, vol. 4, no 1 (1996). [3] Management de l’externalisation – Guide ces humaines.
européen. Réalisé par le Comité de Liaison [5] GENELOT (D.). – 7 conseils pour réussir
[2] Baromètre Outsourcing 2002. Pratique et des Services du MEDEF et l’institut Esprit Ser- une démarche d’externalisation : http://www.
tendances du marché de l’externalisation vice. insep.com/dossier/dos_mois.
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