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LA VIE QUOTIDIENNE DES MOINES EN PALESTINE (IVE-XE S.

):
L’ÉTAT DES SOURCES LITTÉRAIRES

Yizhar Hirschfeld
in memoriam

Préliminaires:
à la recherche du temps ‘quotidien’

Quand on traite aujourd’hui un sujet comme ‘la vie quotidienne’, il est difficile de prime
abord d’échapper aux conditionnements d’une société médiatisée qui nous entraîne de plus en
plus à pratiquer tout genre, pour ainsi dire, de ‘voyeurisme’ au quotidien. Apparemment, au
lieu d’être encore sensibles à ce que le grand théologien allemand Karl Rahner, dans un
sermon de carême tenu aux étudiants de Munich aux débuts des année soixante-dix du dernier
siècle, appelait sur un ton existentialiste ‘der graue Alltag’, autrement dit la quotidianité terne
et monotone que tout le monde connaît, dans l’époque de Facebook suivre la vie au jour le
jour est devenu à la page. Or, le quotidien, pris au moins dans sa signification la plus
immédiate et banale, c’est-à-dire comme l’ensemble tendanciellement cyclique ou répétitif,
sinon presque mécanique, de facteurs et d’actions qui marquent nos vies de tous les jours, se
soustrait en principe au regard de l’histoire. Comme tel il n’a pas trop attiré l’attention des
hagiographes, des historiens ou des chroniqueurs, pour nous limiter à nos principales sources
littéraires pour l’étude du monachisme ancien, comme nous le verrons bientôt à propos du
monachisme palestinien du IVe au Xe siècle. On pourrait, à vrai dire, s’imaginer que les
choses se passent ici différemment, du moment que la vie des moines est tout à fait
particulière par rapport à celle du commun des hommes. En ce sens, l’apologiste Tertullien,
au tournant du IIIe siècle, n’éprouvait pas le besoin de s’arrêter sur les formes de la vie
quotidienne chez les chrétiens de Carthage, car elle ressemblait essentiellement à celle de ses
concitoyens païens, et il l’opposait plutôt au genre de vie des “Brahmanes, des
gymnosophistes indiens, des habitants des forêts ou de ceux qui ont fui la vie”1, adoptant par
là un terme de comparaison à l’allure clairement monastique.
Cependant, si ‘la vie quotidienne des chrétiens des premiers siècles’, à de rares exceptions
près (quoique, parfois, importantes) – comme l’ont souligné Adalbert Hamman et, plus
récemment, Christoph Markschies –, nous reste largement inconnue2, en ce qui concerne le
1
Tert., Apol. 42, 1-3: Sed alio adhuc iniurarum titulo postulamur, et infructuosi negotiis dicimur. Quo pacto
homines uobiscum degentes, eiusdem uictus, habitus, instructus, eiusdem ad uitam necessitatis? Neque enim
Brachmanae aut Indorum gymnosophistae sumus, siluicolae et exsules uitae. Meminimus gratiam debere nos
Deo domino creatori: nullum fructum operum eius repudiamus, plane temperamus, ne ultra modum aut
perperam utamur. Itaque non sine foro, non sine macello, non sine balneis, tabernis, officinis, stabulis, nundinis
uestris ceterisque commerciis cohabitamus hoc saeculum. Nauigamus et nos uobiscum et uobiscum militamus et
rusticamur et mercamur.
2
HAMMAN 1993 (1971), tout en s’efforçant de dessiner l’image de cette ‘vie quotidienne’, dénonce les
limitations de nos sources: “la vita quotidiana dei cristiani è quella delle genti del tempo. Essi abitano le stesse
monachisme palestinien pour la période qui nous intéresse, malgré la masse assez
considérable de témoignages littéraires dont nous disposons, nous avons souvent du mal à en
mettre en lumière la vie quotidienne dans tous ses aspects multiples. Il faut se rappeler qu’à
part le Journal de voyage d’Égérie (et peut-être quelques tranches de la riche correspondance
de Barsanuphe et Jean de Gaza) nous ne possédons aucun texte qui suive plus ou moins de
près le déroulement du temps dans son rythme quotidien, comme nous l’entrevoyons à travers
un journal, des carnets ou des lettres3. Il y a bien sûr les deux précieux calendriers liturgiques
de l’église de Jérusalem avec ses anciens Lectionnaires – l’arménien du début du Ve siècle et
le géorgien se situant entre Ve et VIIIe siècle4 –, mais la qualité du temps qui en découle est
précisément celle du calendrier et des rubriques liturgiques: dans leur généralité, ils nous
dévoilent plutôt l’image d’une quotidianité cyclique et donc, à la limite, atemporelle.
D’ailleurs, l’exception représentée par le Journal d’Égérie s’approche elle-même de ce
second type de sources, surtout lorsque la pèlerine arrive à décrire la liturgie de Jérusalem soit
dans ses célébrations quotidiennes, qu’elle parcourt au rythme de la semaine et au fil de
l’année, soit dans les ‘temps forts’ des fêtes les plus importantes. Cette attention documentaire
se combine avec l’‘historicisme’ de la liturgie hiérosolymitaine pour nous proposer ainsi les
coordonnées spatio-temporelles d’un milieu à la fois physique, historique et religieux plus
encore que la perception du temps en lui-même, fût-il vécu par la pèlerine Égérie ‘au
quotidien’5. Par ailleurs, cet itinéraire de voyage représente le témoin le plus significatif sur la
diffusion capillaire du monachisme en Palestine vers la fin du IVe siècle.
Ces considérations préliminaires excluant l’accès direct à une vie vécue jour par jour nous
poussent à nous interroger sur la nature de la quotidianité que nous pouvons dégager de notre
dossier de textes. Il faut d’abord constater l’absence de règles monastiques à proprement
parler, c’est-à-dire de textes à caractère normatif qui établissent dans le détail le régime

città, passeggiano negli stessi giardini, frequentano gli stessi luoghi pubblici anche se li troviamo meno numerosi
nelle terme e nei teatri. Percorrono le stesse strade e viaggiano sulle stesse navi. Moltiplicano i contatti, sempre
disposti a rendere un servizio e a pagare di persona, esercitando tutti i mestieri, eccezion fatta per quelli che non
si addicono alla loro fede. Come gli altri, si sposano di preferenza tra correligionari, per rendere più stretto lo
stesso legame di rigore morale e di fedeltà reciproca. Questa vita d’ogni giorno, che compone la trama
dell’esistenza cristiana, affiora appena negli scritti degli storici più attenti ai grandi avvenimenti e ai grandi
personaggi” (HAMMAN 1993, p. 7). MARKSCHIES 1997 formule, à son tour, toute une série de questions
auxquelles nous ne pouvons ou presque donner de réponses: “Wie lebte aber die städtische und dörfliche
(nichtmönchische) Christenheit ihren Alltag? Wie prägte beispielsweise das wirtschaftliche, soziale und
politische Leben einer Metropole das Gemeindeleben? Und umgekehrt: Prägte das Christentum vielleicht auch
das Gesicht einer Stadt? Wie unterschieden sich schließlich städtische und ländliche christliche Existenz? Solche
spannenden Fragen nach Wirkungszusammenhängen zwischen dem Christentum und seiner natürlichen bzw.
künstlichen Umwelt sind auf breiter Basis nur noch schwer zu beantworten. Außerdem läßt sich das Gefälle
zwischen gepredigter bzw. literarisch niedergelegter Norm und alltäglicher Wirklichkeit nur schwer abschätzen”
(p. 138). Si la difficulté s’avère être encore plus grande pour la vie quotidienne des chrétiens en milieu rural,
comme le rappelle l’auteur, il y a quand même l’heureuse exception de l’Égypte, surtout à cause de ses papyrus
(ibid., p. 146).
3
La pèlerine venue de l’‘extrême Occident’ mesure le temps de son voyage en Terre Sainte l’inscrivant dans
les unités soit des jours (dies), soit des parcours (milia) et des haltes (stationes et mansiones). Mais les
indications temporelles ne sont jamais si constantes et définies et il faut attendre Itin. 17,1 pour pouvoir fixer la
chronologie plus précise du voyage. Voir à ce sujet MARAVAL 1984.
4
Selon RENOUX 1969, p. 181, le Lectionnaire arménien se rapporte aux ordonnances liturgiques en vigueur
dans la Ville Sainte entre 417 et 439. Quant au Lectionnaire géorgien, voir TARCHNISCHVILI 1959-1960. Le
témoignage de ces sources d’importance exceptionnelle est maintenant à compléter avec la redécouverte de
l’hymnographie hiérosolymitaine et de Mar Saba en traduction géorgienne (voir respectivement RENOUX 2000 et
RENOUX 2008).
5
Voir, par ex., l’indication de temps associée à celle du lieu en Itin. 29.6: Propterea autem ea die hoc agitur,
quoniam, sicut in evangelio scriptum est, ante sex dies paschae factum hoc fuisset in Bethania.

2
institutionnalisé de vie et l’agenda quotidienne, à partager soit par une communauté
cénobitique soit éventuellement par une de type anachorétique ou mieux sémi-anachorétique.
En effet, nous ne retrouvons en Palestine rien de comparable à ce que sont les règles de
Pachôme pour l’Égypte ou celles de Basile, plus en général, pour l’Orient byzantin, bien que
leurs textes aient circulé également chez les moines palestiniens, contribuant (surtout avec
Basile) à inspirer sous plusieurs égards les institutions monastiques dans la Terre Sainte6.
Quant au Typikon liturgico-canonique de Mar Saba, transmis par deux manuscrits du Sinaï, il
s’agit d’un document remontant à une période postérieure à notre époque, placé – comme il
était prévisible – sous l’autorité du fondateur du monastère7, auquel à vrai dire son biographe,
Cyrille de Scythopolis, prête des ‘traditions’ écrites, confiées par lui à sa communauté au
moment de la mort8. D’autre part, même celui qui s’efforce de déceler le fonds originaire de
ce document tardif, ne peut que constater son caractère élusif sur plusieurs points de la
discipline monastique, qui au contraire ressortissent plus clairement des Vies écrites par
Cyrille de Scythopolis. En tout cas, ici il n’est pas question, sinon par traits assez sommaires,
d’une agenda quotidienne qu’il s’agirait de respecter.
La brièveté qui caractérise le Typikon de St. Sabas fait pendant avec deux autres textes,
parfois regardés comme des témoins de ‘règles’ dans notre dossier de sources palestiniennes,
quoique leur genre littéraire soit différent: d’un côté, le régime normatif contenu dans la Vie
de Gérasime et introduit vers la moitié du Ve siècle (455 ca.) dans sa laure auprès du Jourdain;
de l’autre côté, les instructions données par Isaïe de Gaza († 491) dans son Asceticon.
L’importance du modèle de Gérasime consiste d’abord dans la coordination assurée, au sein
du même monastère, entre cénobe et laure, le premier étant le passage obligé pour les novices
qui devaient ensuite embrasser la solitude anachorétique9. En second lieu, Gérasime modifia
le temps de la retraite, en lui réservant les cinq premiers jours de la semaine (au lieu de six,
comme il était auparavant dans la laure de Pharan) et réunissant les anachorètes dans le
cénobe au centre du monastère les jours de samedi et dimanche, pour y tenir la psalmodie, la
célébration des mystères et le repas en commun. Troisièmement, Gérasime régla avec quelque
précision la conduite à suivre pendant la semaine de la part des anachorètes dans leur cellule:

6
Si Basile de Césarée ne figure pas parmi les sources de Cyrille de Scythopolis (cf. FLUSIN 1983), au
contraire il faut noter son importance pour Théodose le Cénobiarque (Théodore de Petra, V. Theod., p. 50, 53),
ainsi que pour Pierre l’Ibérien (V. Pet. Ib., p. 135), Barsanuphe et Jean de Gaza (Erot. 318, 319, 604) et
Dorothée. D’ailleurs, PATRICH 1995, p. 179, note l’influence du cénobitisme basilien sur les institutions
monastiques du désert de Juda: “The hierarchy in the Judaean desert coenobia was much simpler than that of the
Egyptian or Syrian coenobia. It consisted of an abbot and his deputy, recommended by Basil the Great. This
simple administrative structure was appropriate for monasteries of moderate population, in the spirit of the
Basilian brotherhood”.
7
Selon BECK 1959, p. 397-398, il s’agirait d’une “überarbeitete Form..., die nicht älter als die Kreuzzugszeit
sein kann, wenn auch schwer zu sagen ist, ob die Überarbeitungen sehr einschneidend gewesen sind”. PATRICH
1995, p. 256-257, tout en exploitant partiellement cette source (dont il publie la traduction par les soins de Leah
Di Segni [pp. 274-275]), reconnaît qu’elle réfléchit la transformation successive de la laure en un cénobe. La
‘règle’ de Mar Saba est à distinguer du Typikon liturgique de S. Sabas, calendrier des ordonnances annuelles,
probablement d’origine constantinopolitaine et repris à Jérusalem et dans ses monastères à l’époque des
croisades (BECK 1959, p. 253).
8
Cyrille de Scythopolis, V. Sab. 76 (p. 182,21-23): au lieu de parler comme ailleurs de ‘canons’ (V. Sab. 42
[p. 133,3-4]; 74 [p. 179,22]), il emploie ici le terme ‘traditions’ (paradovsei"), que le saint aurait fait transcrire
en les léguant au successeur Mélitas. Comme l’observe CHITTY 1966, p. 117, “maybe it is more in keeping with
the spirit of East Christian monasticism that the written Rule should not survive, while there remains the pattern
of his living monastery, whose Typikon has continued through the centuries to take perhaps first place among
the Typika which regulate the liturgical order of the Eastern Orthodox Church”.
9
Sur le succés remporté par cette nouvelle structuration parmis les laures du désert de Juda, à commencer par
celle de Sabas, voir PATRICH 1995a.

3
par exemple, il leur défendait d’allumer une lampe et de se préparer une boisson chaude ou
des aliments cuits. Cette rigueur ascétique était renforcée par les indications concernant le
vêtement (limité à une seule tunique, un manteau et un capuchon), la consigne de dormir sur
une natte et la dotation d’une cruche comme le seul outil prévu, à utiliser soit pour boire soit
pour le travail, celui-ci consistant dans la tresse des feuilles de palme emportées par les
moines le dimanche après-midi, au retour dans leur cellule10.
Inscrites dans la trame d’un texte qui se veut d’abord récit hagiographique sur le père
fondateur et sur son institution11, ces indications, à tout compte fait assez précises et
instructives, nous aident sans doute à mieux entrevoir les formes de la quotidianité
monastique dans le désert de Judée au Ve-VIe siècle, dans une communauté semi-
anachorétique. Mais ces anachorètes, à vrai dire, règlent en principe leur existence ascétique
sous la marque d’un temps hebdomadaire, encore que celui-ci soit réparti en deux séquences
principales: les cinq jours destinés à la retraite et la fin de semaine consacrée au moment
communautaire. De ce point de vue, comme en général pour les modalités de la politeia
monastique, la Vie de Gérasime s’avère être susceptible d’exploitation documentaire plus que
l’Asceticon d’Isaïe de Gaza, à propos duquel Bernard Flusin a parlé comme d’un genre de
texte qui a la tendance à nous amener plutôt “dans les régions quasi intemporelles de la
spiritualité chrétienne”12. La remarque est sûrement pertinente, mais elle est conditionnée par
la comparaison avec la correspondance de Barsanuphe et Jean de Gaza, qui au contraire
suggère une perspective bien plus enracinée dans un milieu historique donné13. Nonobstant
cela, il ne manque pas d’efforts pour tirer des informations sur le régime de la vie quotidienne
des moines même de l’ensemble de discours, exhortations ou sentences que constitue
l’Asceticon d’Isaïe de Gaza. Selon Brouria Bitton-Ashkelony et Aryeh Kofsky, ce recueil
ascétique nous livre quelques indications intéressantes à propos de l’alimentation, du
sommeil, de l’habillement, et d’autres aspects de la conduite monastique14. Mais ces savants
intègrent des données éparses avec celles qui résultent d’une analyse de la correspondance de
Barsanuphe et Jean de Gaza, tous les deux influencés par la tradition ascétique isaïenne15,
sans pouvoir d’ailleurs s’appuyer, ni chez Isaïe ni chez les deux vieillards, sur un ensemble
organique et suffisamment détaillé de règles. En conclusion, il faut à nouveau constater
l’impression du caractère substantiellement élusif de nos sources, en ce qui concerne
l’observation directe d’un régime quotidien de vie ascétique.

10
Cf. V. Geras., 2-4 et l’étude de DI SEGNI 1991.
11
Ayant égard à ces caractéristiques littéraires, il n’est pas exact de parler d’une ‘collection de règles’ comme
le fait PATRICH 1995, p. 209: “we should note that the information we possess regarding the diet of the cell
dwellers in the Great Laura is collected from narratives scattered throughout Cyril’s writings, and was not
preserved in a collection of regulations, as in the Vita Gerasimi”.
12
“Si certains textes, comme l’Asceticon de l’abbâ Isaïe, au V e siècle, nous conduisent dans les régions quasi
intemporelles de la spiritualité chrétienne, d’autres sont mieux enracinés dans le temps et dans l’espace. C’est le
cas, au VIe siècle, pour l’extraordinaire recueil de Lettres de Barsanuphe et de Jean de Gaza... qui fait connaître
non seulement le monastère d’abbâ Séridos... mais aussi, de façon inattendue et concrète, toute une partie de la
société de la région et de l’époque” (FLUSIN 2005, p. X).
13
Il ne faut pas oublier l’arrière-fonds égyptien du personnage et du monachisme qui est au centre de
l’Asceticon d’Isaïe. Selon BITTON-ASHKELONY–KOFSKY 2006a, p. 280, son cénobe de Beth Dallatha
“incorporated forms of lauritic monasticism, similar to the pattern adopted by Shenoute in Egypt and by
Gerasimus around the same time”.
14
Voir BITTON-ASHKELONY–KOFSKY 2006, p. 184.
15
“The legacy of Abba Isaiah as recorded in the Asceticon was studied and revered in the monastery of Abba
Seridus” (BITTON-A SHKELONY–KOFSKY 2006, p. 186). Cela n’empêche pas que parfois les deux vieillards de
Gaza se montrent plus stricts qu’Isaïe, par exemple à propos du régime alimentaire.

4
Si le temps ‘réglé’ des ordonnances et des comportements nous échappe en large partie,
nous sommes astreints à glaner dans le vaste ensemble de notre documentation littéraire tout
ce qui se rapporte, de façon ou d’autre, à la vie quotidienne, sans oublier pour autant le fait
que ce ‘temps quotidien’ est soumis à d’autres focalisations temporelles ressortissant de nos
sources. Il serait intéressant, à ce propos, de poursuivre l’analyse si fine que Bernard Flusin a
tracée des coordonnées temporelles dans l’œuvre de Cyrille de Scythopolis, notre témoin plus
circonstancié et plus fiable parmi tous les hagiographes monastiques de la Palestine. L’acribie
chronologique, qui renvoie à plusieurs critères de datation, apparaît d’emblée un peu
surprenante dans ce monde monastique, où en principe nous avons affaire à un genre de vie
qui pratique l’idéal de la fuga mundi, en laissant derrière soi le saeculum. La singularité de
l’approche chronologique de Cyrille saute aux yeux, quand on la compare aux autres produits
de l’hagiographie palestinienne. S’il est vrai qu’il partage avec eux l’importance accordée
(déjà dans le prototype commun de la Vie d’Antoine) au moment de la mort16, chez
l’hagiographe du désert de Juda cette date est encadrée par les années du monde et de
l’Incarnation, ainsi que par d’autres points de repère temporels tirés d’une part de la
chronologie officielle de l’empire et de l’autre du parcours biographique en lui-même de ses
héros principaux17. Il est évident qu’un système temporel si élaboré ne peut, en dernière
analyse, que submerger le ‘temps quotidien’ dans un contexte plus large, ce que semble trahir
paradoxalement même l’erreur chronologique plus fréquente de Cyrille avec la date des
indictions, c’est-à-dire avec l’unité de mesure du temps la plus proche de la ‘vie
quotidienne’18. Comme le dit brillamment Bernard Flusin, nous sommes ici face à “un
hagiographe saisi par l’histoire”.
Si l’‘histoire’ engloutit, en quelque sens, le ‘quotidien’ chez Cyrille de Scythopolis19,
d’autres narrations hagiographiques nous livrent des séquences de durée plus ou moins
longue. Ce sont les durées des performances ascétiques – comme, par exemple, les ‘exploits’
alimentaires d’Hilarion au dire de Jérôme, qui s’en sert comme grille temporelle pour la vie
de son héros20 – ou celles liées à des ‘temps forts’ de la vie liturgique et ascétique qui se
succèdent normalement au cours de l’année. La première perspective, combinant parfois la
durée avec l’horizon quotidien, parvient à exalter celui-ci précisément en rapport à la conduite
prolongée dans le temps, lorsqu’il s’agit de souligner la fidélité de l’ascète à un exercice
16
Ainsi, dans la Vie de Théognius de Paul d’Élouse, un auteur contemporain de Cyrille, la seule occurrence
chronologique précise – avec référence à l’indiction – est la date de la mort du saint (V. Theogn. 21).
17
Voir, par ex., V. Euth. 40; V. Sab. 77. FLUSIN 2001, p. 120 résume les systèmes chronologiques auxquels
Cyrille a eu recours de la façon suivante: “Tout d’abord, il date la mort du saint selon les pratiques de l’usage
courant – telles que les illustrent par exemple les inscriptions de la grotte funéraire du monastère de Choziba –,
c’est-à-dire par le jour du mois et par l’indiction. Deuxièmement, il emprunte à des chronographes une date
savante par une année du monde et année de l’Incarnation. Troisièmement, il construit un système qui ne lui est
pas donné cette fois de l’extérieur... la chronologie particulière de la vie de Sabas... Enfin, Cyrille se réfère au
temps officiel de l’Empire”.
18
Si “les indictions, qui appartiennent à la vie quotidienne, sont plus fréquentes” (FLUSIN 2001, p. 120), il est
“de ce fait, étonnant que ce soit sur ce point que Cyrille ait fait son erreur la plus constante” (ibid., n. 9).
19
“Le temps, chez Cyrille, cesse... d’être le temps anhistorique de l’ascèse ou de la liturgie, et le temps
individuel de la biographie. Il est lié à l’histoire d’un groupe social particulier, le monachisme sabaïte” (FLUSIN
2001, p. 122).
20
Cf. Jérôme, V. Hilar. 4, 4: Et quia longum est per diuersa tempora carptim ascensum eius edicere,
comprehendam breuiter, ante lectoris oculos uitam eius pariter exponens, et deinceps ad narrandi ordinem
regrediar. Le tableau récapitulatif du régime alimentaire d’Hilarion (ch. 5), placé sous le signe du progrès
ascétique, fonctionne de la sorte comme résumé biographique dans une narration presque entièrement dépourvue
de coordonnées chronologiques. Au point de vue historique, selon BITTON-A SHKELONY–KOFSKY 2006, p. 185,
le récit de Jérôme serait peu fiable: “his account is hardly credible. Rather, it reflects various contemporary
monastic diets known to Jerome and grafted onto Hilarion’s biography”.

5
répété jour après jour21. Quant au recours de ‘temps forts’, cela arrive en premier lieu pour la
retraite de carême que pratiquent des ascètes aux histoires personnelles si différentes, comme
le sont celles de Mélanie la Jeune et d’Euthyme le Grand. Si Mélanie s’enferme dans une
cellule sur le Mont des Oliviers, après l’Épiphanie et jusqu’à Pâques, y intensifiant l’ascèse
pénitentielle22, pour Euthyme la retraite de carême au désert de Juda, débutant au lendemain
de l’octave des Théophanies (14 janvier), est non seulement un héritage spirituel qu’il a
apporté avec soi de sa patrie anatolique, mais elle devient aussi une sorte d’institution
ascétique, presque une ‘haute école’ – dirait-on aujourd’hui – pour la formation de la
leadership monastique. Pour cette raison, Euthyme y fait participer aussi Sabas, avant que
celui-ci pratique à son tour la retraite au désert, la faisant d’ailleurs commencer après les fêtes
de Saint Antoine (17 janvier) et de Saint Euthyme lui-même (20 janvier), selon l’importance
gagnée entretemps par les célébrations des saints moines dans le calendrier de la Grande
Laure23.
La retombée historique de la pratique d’Euthyme peut être suivie non seulement à travers
ses disciples directs comme Sabas, mais aussi grâce à leurs successeurs24, et tout
particulièrement au VIIIe siècle chez Étienne le Sabaïte (725-794)25. Pour ce moine de Mar
Saba, voué à une condition de vie hésychastique sous la première domination islamique,
l’anachorèse d’Euthyme pendant le carême offre apparemment l’inspiration pour organiser
toute l’année selon le temps des fêtes et des retraites. De cette façon, divisant l’année en six
parties, Étienne alterne les trois périodes de sa retraite dans la cellule au monastère de Saint
Sabas – c’est-à-dire, 1) de Pâques à Pentecôte, 2) de la fête de Saint Cyriaque (8 août) à celle
de la Sainte Croix (14 septembre), 3) de la fête de Saint Sabas (5 décembre) à celle de Saint
Antoine (17 janvier) – avec les trois périodes qu’il passe dans le désert: 1) de la Pentecôte à la
fête de Saint Cyriaque, 2) de la fête de la Sainte Croix à celle de Saint Sabas, 3) de la Saint
Antoine au dimanche des Rameaux. Le récit de la vie que trace son biographe Léonce de
Damas vient donc à assumer comme sa propre mesure du temps et comme unité narrative,
l’une de ces six périodes d’un cycle annuel26. Au lieu du rythme hebdomadaire, qui
caractèrise la vie des anachorètes selon nos sources hagiographiques, la Vie d’Étienne le

21
En ce sens, son hagiographe tient à remarquer le fait qu’Hilarion ne mangea jamais avant le coucher du
soleil (Jérôme, V. Hilar. 5, 7: Sicque complens ordinem uitae numquam ante solis occasum, nec diebus festis,
nec in grauissima ualetudine, soluit ieiunium). Du même genre est la notice de Léonce de Damas à propos d’un
moine de Mar Saba qui aurait fait mille métanies par jour et mille par nuit (PIRONE 2001, p. 48, n. 1).
22
Gérontius, V. Mel. Iun. 40, 3 (LAURENCE 2002, p. 232): Ergo post sanctam Epiphaniam ascendens
ingrediebatur in cellulam, et clausa usque ad diem paschae in cilicio et cinere et ingenti abstinentia perdurabat,
habens secum unam tantam puellam propter obsequium, sabbato et dominico die cibum sumens, neminem
uidens, neminem suscipiens, nisi tantum sanctam matrem suam et fratrem suum, et hoc quoque certis diebus. Sur
l’emploi du cilice jour et nuit, pendant le carême, voir aussi 31, 1: Cilicium sane quod induebatur in diebus
sanctae quadragesimae, non die non noctu se expoliabatur usque ad diem sanctum paschae.
23
Sur les habitudes d’Euthyme pendant le carême, voir par ex. V. Euth. 5, 7, 32; PERRONE 1990, p. 57-60, en
particulier p. 58-59: “In una vita incanalata nei ritmi ordinati, seppure abbastanza elastici, della condizione
esicastica, l’anacoresi quaresimale riconduce alla prima frontiera”. En ce qui concerne Sabas et sa modification
du calendrier, cf. V. Sab. 22.
24
Comme l’évêque Abraamius (Cyrille de Scythopolis, V. Abr. 7).
25
L’anachorèse temporaire d’Euthyme dans le paneremos est assimilable au genre de vie des boskoiv, dont
s’occupe WORTLEY 2001. Selon Cyrille de Scythopolis, V. Abr. 7, à la suite du séjour au désert de Rouba
pendant le carême 534, Abraamius et ses compagnons Jean Scholarius et Olympius décident d’imiter les
solitaires du désert et y restent pendant 8 ans.
26
“È ad una di queste sei parti che si riferisce di volta in volta Leonzio nelle numerose attestazioni che rende
all’interno della sua accurata biografia” (PIRONE 2001, p. 59). Selon GRIFFITH 2008, la Vie, préservée en arabe,
aurait été écrite autour de 807.

6
Sabaïte se focalise de préférence sur un temps annuel, ce qui détermine à nouveau, pour ainsi
dire, un certain recul du temps quotidien.
Ces considérations préliminaires, trop longues et peut-être aussi un peu déconcertantes,
aboutissent apparemment à une série d’apories herméneutiques plus ou moins grandes pour
notre quête de la ‘quotidianité’ monastique. Leur intention n’est pas évidemment de
décourager la recherche sur la vie quotidienne des moines palestiniens, mais bien sûr de
l’entreprendre en tenant compte des problèmes que pose l’analyse des sources littéraires à cet
égard: absence de textes de règles, perspectives temporelles axées sur les temps de l’histoire
ou sur les longues durées de l’ascèse, avec l’effacement conséquent des dimensions plus
proprement et aussi banalement quotidiennes. En plus, il y a à escompter la rhétorique
hagiographique, ancienne et nouvelle, qui nous propose l’image d’un quotidien idéel, qualifié
et généralisé, surtout dans le cas des performances extraordinaires, tandis que cette image
idéalisée exige toujours d’être vérifiée dans sa fiabilité historique. Ainsi, si le son de la
simandre éveille à chaque jour les moines de Mar Saba pour les inviter aux offices – ce qui
nous donne tout à fait la mesure d’un rythme quotidien –, ce détail historique important ne
peut être repris tout court pour évoquer par là une ‘citadelle de l’esprit’, s’activant tous les
jours afin d’accomplir la devise monastique de l’ora et labora, comme le fait une étude
récente sur la Vie d’Étienne le Sabaïte27. D’autre part, même un discours dicté par la
rhétorique est susceptible de nous livrer des éléments appréciables de la vie quotidienne,
comme nous le constatons dans la longue admonestation qui termine la Vie de Théognius de
Paul d’Élouse. Entre autres choses, le panégyriste se plaint des distractions des moines au
moment de prier dans l’église: au lieu de s’appliquer à la prière, ils se mettent à compter sur
les doigts les chandelles allumées ou les trônes dans la chapelle ou encore à mesurer la
couverture du toit et ses supports28. Ces moines ‘géomètres’ trahissent sans doute de la
rhétorique, au même titre que la ‘citadelle de l’esprit’ se levant à l’appel de la simandre, mais
voudrait-on nier que la description soit sans appuis dans la réalité concrète d’une vie
quotidienne?
En conclusion, les ‘apories’ apparemment négatives, dont je parlais tout à l’heure, nous
permettent d’en sortir positivement, en situant grâce à elles la dimension de la ‘quotidianité’
monastique au sein de coordonnées temporelles plus vastes et par rapport aux
conditionnements des genres littéraires dont nos sources découlent pour la plupart. Si le
moment est venu maintenant de présenter ce dossier de témoignages et d’apprécier leur apport
pour la recherche – quoique de nécessité par un survol assez rapide –, dans la partie
conclusive de cet exposé nous retrouverons nos motifs initiaux. Il s’agira en effet de montrer
encore de quelle façon la vie monastique, au niveau de son agenda quotidienne, réfléchisse le
contexte historique plus large de la Palestine entre IVe et Xe siècle, au milieu duquel elle est
appelée à se développer.

27
“Era, in verità, questa laura, una sorta di repubblica dello spirito in miniatura, un ecumène di alacrità orante
ed operante che ad ogni battere o tintinnare di nâqûs forgiava e plasmava, nella virtuosa creatività dell’ora et
labora, la città di Dio e dell’uomo, in uno spazio di deserto che si affacciava sull’abisso, aggrappato ed
avvinghiato, però, alla saldezza della roccia” (PIRONE 2001, p. 49). Ou encore, l’appliquant cette fois à la
conduite individuelle du saint: “Morte e resurrezione, ma meglio sarebbe dire mortificazione e trasfigurazione, è
quanto in lui vive ad ogni rintocco di nâqûs o tramontare e sorgere del giorno” (ibid., p. 54).
28
Paul d’Élouse, V. Theogn. 24: ejgw; toivnun oJ ajdovkimo" dou'l o", hJnivka proseucovm hn, devon ejmfovbw"
kai; nhfovntw" ejkpevmyai pro;" u{yon th;n e[nteuxin, ta;" kremamevna" kandhvl a" kai; tou;" qrovnou" tou;"
ejn eujkthrivw/ hjrivqmhsa, ta;" sanivda" th'" stevgh" su;n tai'" uJpÆ aujta;" dokoi'" ajkribw'" ejmevtrhsa kai;
th'" oijkodomiva" tw'n tessavrwn toivcwn tou' oi[kou th'" proseuch'" to;n podismo;n eij" daktuvl ou"
ajnevl abon.

7
Le corpus des sources littéraires:
un’analyse des typologies, des contextes historiques et de leurs apports

Il ne peut pas être question ici d’introduire un répertoire exhaustif des sources littéraires
pour l’étude de la vie quotidienne des moines en Palestine du IVe au Xe siècle. Il s’agit en
effet d’un corpus potentiellement assez vaste, qui demanderait des connaissances très
diversifiées, à partir des compétences linguistiques, car nous avons affaire à des textes écrits
ou transmis en plusieurs langues: grec, latin, syriaque, arabe, géorgien, arménien, pour ne
mentionner que les plus importantes dans notre dossier. En outre, beaucoup de textes n’ont
pas encore fait l’objet d’éditions critiques ou d’études approfondies, surtout relativement à la
période entre VIIe et Xe siècle. Mais il est possible de se faire au moins une idée sur la nature
de ces œuvres par l’illustration de leurs typologies multiples et, à travers celles-ci, des
contextes et des apports respectifs. Si nous ne pouvons pas compter sur les sources
documentaires, dont profitent heureusement les études du monachisme égyptien29, à part un
nombre restreint de papyrus ou une série, plus riche et intéressante, d’inscriptions (les unes et
les autres exploitées de manière excellente par les archéologues et les épigraphistes du
monachisme byzantin)30, nous avons cependant accès à un patrimoine littéraire aux
dimensions considérables. Il est vrai que son centre de gravité penche plutôt vers l’époque
byzantine (IVe-VIIe siècle), mais cela n’implique pas que la période de la première
domination arabo-islamique (VIIe-XIe siècle) ait laissé des traces peu significatives. En
réalité, cet écart dans les proportions du legs littéraire ne fait que réfléchir les deux saisons
différentes dans l’histoire du monachisme de la Palestine, la première représentant sans doute
son apogée, la deuxième sa continuation sinon sa survie, parfois difficile, dans des conditions
profondément changées (quoiqu’il serait réductif de parler de ‘décadence’ tout court, au
moins pour cette phase historique prise dans son ensemble)31.
Au point de vue quantitatif, on ne sera pas trop surpris d’apprendre que la plupart des
sources littéraires pour l’histoire du monachisme palestinien ce sont d’abord des Bioi, des
‘Vies’ de moines conformément au genre le plus populaire de toute la littérature
monastique32. Ce complexe hagiographique, à partir de la Vie d’Hilarion de Jérôme (fin du

29
Pour une panoramique récente en matière voir GIORDA 2007. Quant à l’état des études conduites
principalement sur les sources littéraires, cf. VECOLI 2006.
30
Je pense, en premier lieu, aux études menées sur les papyrus de Nessana (SOLZBACHER 1989, 395-396
montre l’utilité qu’il est possible d’en tirer, par exemple, pour l’étude de la vie monastique au Sinaï). En ce qui
concerne les inscriptions, cf. SCHNEIDER 1931; FITZGERALD 1939; MEIMARIS 1986; et spécialement les
nombreuses contributions de Leah DI SEGNI (1995, 1999).
31
Pour ce jugement voir PERRONE 1995. À cette époque, selon HIRSCHFELD 1992, p. 17, “the monastic
movement, which at its peak could boast dozens of monasteries, was now confined to the most central of them
and to those located close to the Jerusalem-Jericho road”. À leur tour, BITTON-ASHKELONY–KOFSKY 2006, p.
288, soulignent les limites de notre documentation: “Though monasteries continued to exist in various parts of
the country, most of our information for this period concerns the Jerusalem and Judaean desert monasteries”.
32
Sans prétention d’exhaustivité, je propose le tableau suivant à titre illustratif. Je mets entre parenthèses les
écrits qui rentrent dans un genre apparenté ou mixte (comme les recueils de vies et de sentences des Pères, les
biographies apologétiques de Sévère ou les lettres à contenu hagiographique).

Période de composition Auteurs et titres


IVe s. Jérôme, Vie d’Hilarion
(—, Epitaphium Sanctae Paulae = Ep. 108)

8
IVe siècle) jusqu’à la Vie de saint Jean de Damas ou la Vie de Théodore d’Édesse
(respectivement, seconde moitié et fin du Xe siècle)33, enregistre une liste d’œuvres de nature
semblable, mais aux accents et aux contenus souvent assez différents selon les auteurs, leur
situation historique et les buts qu’ils poursuivent. Il faut d’abord noter la rareté des Vies
concernant des moines vivant en milieu urbain, avec l’exception – au moins pour une partie –
de la Vie de Mélanie la Jeune, écrite par Gérontius vers la moitié du Ve siècle, et des notices
biographiques sur d’autres ascètes de la Ville Sainte ou de Bethléhem que nous donnent

Ve s. Marc le Diacre, Vita Porphyrii


Gérontius, Vie de Mélanie la Jeune
(Pallade, Histoire Lausiaque)

VIe s. Jean Rufus, Vie de Pierre l’Ibère


(—, Mémoire sur la mort de Théodose de Jérusalem et
sur Romanos)
(—, Plérophories)
Zacharie le Rhéteur, Vie de Pierre l’Ibère
—, Vie d’Isaïe de Gaza
(—, Vie de Sévère)
(Jean de Bar Aphtonja, Vie de Sévère)
Théodore de Petra, Vie de Théodose le Cénobiarque
Paul d’Élouse, Vie de Théognius
Anonyme, Vie de Chariton
Cyrille de Scythopolis, Histoires monastiques du
désert de Jérusalem: Vie d’Euthyme, Vie de Sabas, Vie
de Jean l’Hésychaste, Vie de Cyriaque, Vie de
Théodose, Vie de Théognius, Vie d’Abraamius
Anonyme, Vie de Gérasime
Anonyme, Vie de Dosithée
Jean d’Éphèse, Vie des saints orientaux
(Apophtegmes des Pères)

VIIe s. Antoine de Choziba, Vie de Georges de Choziba


Anonyme, Vie de Synclétique (VI-VIIe s.)
Sophrone de Jérusalem (?), Vie de sainte Marie
l’Égyptienne
Léonce de Néapolis, Vie de Syméon le fou
(?), Vie syriaque de Maxime le Confesseur
Daniel de Rhaïtou, Vie de Jean Climaque
(Jean Moschus, Le pré spirituel)
(Anastase le Sinaïte, Récits utiles à l’âme)

VIIIe s. Léonce de Damas, Vie d’Étienne le Sabaïte


(?) Anonyme, Vie de Jean l’Eremopolite

IXe s. Anonyme, Vie de Michel le Syncelle

Xe s. (?), Vie de Théodore d’Édesse


(?), Vie de Jean Damascène et de Cosmas
l’Hymnographe = BHG 884
33
Au sujet de la Vie de saint Jean de Damas, “... it now seems that this Arabic life itself rests upon an older
one composed before the year 969, which has survived in part in a Greek text by Patriarch John VII of Jerusalem
(951-64)” (GRIFFITH 2006, p. 192). Quant à la Vie de Théodore d’Édesse, il s’agirait d’une narration “written in
Greek in Constantinople in the late tenth century and translated into Arabic, probably at Mar Saba, shortly
thereafter” (ibid., p. 185).

9
Jérôme (spécialement avec son Épitaphe de sainte Paule) et Jean Cassien, ou qu’on peut
extraire des récits de l’Histoire Lausiaque de Pallade (début du Ve siècle) et des Plérophories
de Jean Rufus (début du VIe). Considérant l’importance qu’assument Jérusalem et les Lieux
Saints pour les origines du monachisme en Palestine, c’est-à-dire en relation à l’essor des
pèlerinages34, en général nous sommes moins bien renseignés sur la vie quotidienne des
moines hagiopolites, très souvent des spoudaioi, des ‘dévots’ des Lieux Saints, qu’à propos de
leurs confrères au désert de Juda ou dans la région de Gaza35. Nous possédons, à vrai dire, des
vies de moines-évêques comme Porphyre de Gaza (395-420), Pierre l’Ibère († 491), Sévère
d’Antioche (VIe siècle) et Théognius (VIe siècle), mais seulement Pierre l’Ibère et Théognius
– l’un à Maïouma de Gaza et l’autre à Bitulion, proche de la frontière avec l’Égypte36 –
représentent, dans un sens plus spécifique et original, la figure d’un évêque et moine au même
temps. Tous les deux ont du mal à concilier la vocation monastique avec le ministère
épiscopal, mais ils s’acquittent de leur tâches l’un grâce à la propagande militante contre le
concile de Chalcédoine, conjuguée finalement à la pratique du ‘dépaysement’ ascétique
(xeniteia)37, et l’autre par l’alternance entre obligations pastorales et retraites dans son ancien
hermitage. Surtout la Vie de Pierre l’Ibère, grâce à ses errances, nous permet d’apercevoir le
poids du monachisme dans une société urbaine, comme le montre, dans ce même sillon, aussi
la Vie de Sévère par Zacharie le Rhéteur, quoiqu’elle s’occupe de la période palestinienne du
futur patriarche monophysite d’Antioche dans le scénario plus vaste de sa biographie.
Si le monachisme hagiopolite, ou plus en général urbain, résulte être sous-représenté dans
nos Vies, au contraire l’image que nous avons des moines du désert de Juda est bien plus
définie et plastique. C’est ici d’ailleurs que l’apport de nos œuvres profite au mieux des
investigations archéologiques, grâce à un dialogue qui au cours des dernières décénnies s’est
avéré comme extrêmement fécond. À cet égard il n’est pas besoin de souligner la place
spéciale qui revient aux Histoires monastiques du désert de Jérusalem, sûrement l’un des
meilleurs produits de l’hagiographie byzantine. Cyrille de Scythopolis, inspiré par les
modèles de la Vie d’Antoine d’Athanase et de l’Histoire religieuse de Théodoret de Cyr, nous
permet de suivre, en ‘chroniqueur d’un monastère’ ou mieux d’une ‘congrégation
monastique’, le développement du monachisme au désert, autour des fondations d’Euthyme,
de Sabas et de Théodose, tout au long d’une période qui s’extend du début du Ve jusqu’après
la moitié du VIe siècle38. Tout en s’approchant du genre de l’‘histoire ecclésiastique’, surtout à
cause du rôle politique joué par ces moines dans les controverses doctrinales du Ve et VIe
siècle, à la suite des liens étroits avec l’Église de Jérusalem, les Vies de Cyrille nous font
connaître plusieurs aspects qui influencent de près la vie quotidienne: à commencer par la
découverte du paysage et la ‘science pratique’ qu’exige le fait de vivre dans un milieu
physique peu accueillant comme le désert, afin de pouvoir y installer des habitations pour les
anachorètes ou pour les cénobites et en assurer la subsistance. Sur cet arrière-fond, malgré

34
Cf. PERRONE 2004.
35
D’autre part, on tire plusieurs détails intéressants sur le monachisme de Jérusalem de Vies qui n’en font
pas leur argument principal, comme c’est le cas – par exemple – avec la Vie de Porphyre, la Vie de Pièrre l’Ibère
ou les Vies de Cyrille de Scythopolis.
36
Pour la toponomastique de la Palestine byzantine je me tiendrai à TSAFRIR–DI SEGNI–G REEN 1994 (ici, pp.
175 et 91).
37
PERRONE 2008.
38
Selon FLUSIN 2001, p. 123-124, qui rappelle aussi l’exemple de la Vie grecque de St. Pachôme, “nous
avons affaire ici à quelque chose qui ressemble à la chronique d’un monastère ou, plus précisément, d’une
congrégation monastique”. Mais il s’agit plutôt d’une parenté avec l’histoire ecclésiastique: “L’histoire
ecclésiastique, à sa façon, est bien une histoire des guerres. C’est en ce sens que les Monachikai historiai
peuvent être considérées comme une Ekklèsiastikè historia” (ibid., p. 124).

10
l’idéalisation hagiographique et les préoccupations idéologiques, Cyrille nous peint des
portraits qui restent somme toute encore individuels39: à côté des protagonistes majeurs –
comme Euthyme le Grand (377-473), Sabas (439-532) et Théodose le Cénobiarque (432-529)
–, des personnages de second plan, mais très importants pour l’histoire et les idéals
monastiques du désert de Juda, comme Jean l’Hesychaste et Cyriaque (449-558), ou encore
des figures représentatives de la ‘congrégation de saint Sabas’ telles que Théognius et
Abraamius. C’est grâce aux efforts des pères fondateurs et de leurs disciples que le
monachisme du désert se dote d’institutions à l’épreuve du temps, comme la Grande Laure de
Sabas et le cénobe de Théodose – qui avec la Vieille Laure de Chariton survivront à la fin de
la domination byzantine –, et capables d’assurer une vie de prière et de travail aux rythmes
plus ou moins réglés. Or, l’indubitable focalisation historico-institutionelle qui marque les
Vies écrites par Cyrille de Scythopolis n’empêche pas qu’on y puisse récolter tout un
ensemble d’informations utiles pour mettre en lumière la ‘vie quotidienne’, comme l’ont
montré magistralement soit notre ami très regretté Yizhar Hirschfeld soit Josef Patrich40.
D’autres écrivains nous ont transmis le souvenir de quelques-uns des personnages qui ont
fait l’objet des Histoires monastiques de Cyrille de Scythopolis: Théodore de Petra est
l’auteur d’une Vie de Théodose le Cénobiarque, qui malgré sa rhétorique exubérante nous
livre des compléments d’information assez intéressants au sujet de Théodose et de son
institution, surtout en mieux détaillant l’assistance offerte aux pauvres, aux pèlerins, aux
malades et aux moines dérangés psychiquement à cause de leur ascèse, ainsi que
l’organisation de la vie de travail et de prière, dans une communauté constituée par des
groupes linguistiques diversifiés (Grecs, Arméniens et Besses)41. Situé dans un milieu rural
mais relié au réseau des pèlerinages aux Lieux Saints, ce cénobe à l’empreinte basilienne,
reprend sur une échelle plus large quelques-unes des fonctions gérées par les monastères
urbains de Jérusalem, au niveau de l’hospitalité et de la pratique liturgique, y joignant une
entraide sociale encore plus poussée. À son tour, Paul d’Élouse avec sa Vie de Théognius
parvient à nous retracer un portrait plus complet de la figure de ce moine-évêque, sans
toutefois rester prisonnier des schémas du panegyrique, comme l’attestent quelques détails
surprenants de la Vie ainsi que sa conclusion à l’allure peu triomphaliste42.
Il y a eu encore d’autres protagonistes de la vie monastique au désert de Juda, avec leurs
fondations, qui ont trouvé des écrivains pour les célébrer, bien que Chariton, réputé son
initiateur au début du IVe siècle, fasse l’objet d’une Vie seulement dans la seconde moitié du
VIe siècle. Inspirée au début par les récits des actes des martyrs, car le saint aurait été un
confesseur qui échappa à une persécution, la Vie de Chariton continue sur un ton de légende,
mais non sans offrir par la suite des points de repère historiques ou des aperçus intéressants

39
Les clichés hagiographiques sont plus clairement perceptibles dans quelques-unes des Vies mineures,
comme la Vie de Théognius ou la Vie d’Abraamius, bien qu’ici aussi les narrations ne manquent pas d’éléments
distinctifs.
40
Voir spécialement HIRSCHFELD 1992 et PATRICH 1995.
41
Sur l’aide aux moines souffrant à cause de leur âge sénile ou de troubles psychiques, cf. CANIVET 1962.
Quant à l’office, il se tient sept fois par jour et par églises séparées (trois pour les groupes linguistiques et une
pour les moines malades), tandis que la célébration eucharistique réunit tous dans l’Église des Grecs, à
l’exclusion des malades, chacun groupe ayant fait d’abord la lecture des évangiles dans son église. Dans son
portrait final, Théodore de Petra résume ainsi les qualités principales de son héros: a[skhsi" ajkribh;" meta;
pivstew" ajlhqou'" mevcri baqutavtou ghvrou" parameivnasa, kai; hJ pro;" tou;" xevnou" te kai; ptwcou;"
dayilhv" te kai; ajdiavk rito" filofrosuvnh, kai; th'" pneumatikh'" leitourgiva" to; suvntonon kai; mikrou'
dei'n ajdiavleipton.
42
Qu’on lise, par exemple, la narration sur l’accident de Théognius, qui se casse une jambe, et la façon dont
il est soigné, que l’hagiographe nous décrit avec précision sans oublier... le pot de chambre (Paul d’Élouse, V.
Theogn. 15).

11
sur l’idéal ascétique de l’hesychia et sur le rôle du monachisme dans la société. Il s’agit en
premier lieu du complexe des laures établies par Chariton au cours de ses déplacements
successifs: d’abord Pharan, puis Douka (près de Jéricho) et finalement Souka ou Vieille
Laure. En deuxième lieu, dans cette Vie nous retrouvons plusieurs traces du contexte
multireligieux au sein duquel le monachisme s’est épanoui et qu’il a contribué à
christianiser43. La vie quotidienne réfléchit vraisemblablement les pratiques de même que les
idéals ascétiques de l’époque de l’auteur, car avec la recommendation à ne manger qu’une
fois par jour, c’est-à-dire, vers le soir, nous trouvons un système assez développé concernant
la vigile, les heures de l’office, le travail accompagné par la psalmodie ainsi que le conseil de
lire les Saintes Écritures pour l’utilité de l’âme44.
Nous avons déjà constaté l’importance de Gérasime († 475) et de l’organisation de son
monastère pour la ‘congrégation de Sabas’. Les renseignements que nous délivre à son égard
la Vie d’Euthyme de Cyrille de Scythopolis ont poussé un moine de la laure de Gérasime, en
l’absence d’une biographie du fondateur, à écrire sa Vie, un texte à vrai dire assez court,
rédigé peu après la moitié du VIe siècle. L’hagiographe, outre à insister sur la rigueur de la
‘règle’ établie par Gérasime et à rappeler les liens avec Euthyme et Cyriaque, nous confie
entre autres choses une histoire au grand succès avec l’épisode du lion guéri par l’hermite,
enrichissant par là les anecdotes du bestiaire monastique de cette région45. D’autre part, le
rayonnement du système de Gérasime ne fut pas restreint aux monastères sabaïtes mais
influença aussi les hermites dans le Wadi Qelt, qui l’adoptèrent à leur tour en donnant vie au
cénobe de N.D. de Choziba46. L’un des membres de cette communauté, Georges de Chypre,
qui y vécut entre VIe et VIIe siècle, a attiré les efforts hagiographiques de son disciple
Antoine, auteur d’une Vie, écrite vraisemblablement avant 630, ainsi que du récit des
Miracles de N.D. de Choziba. Nous avançons donc chronologiquement dans l’histoire du
monachisme au désert de Juda arrivant à la limite de la période byzantine, par le miroir
biographique d’un personnage à vrai dire mineur, si on le compare à la plupart des
protagonistes que nous avons recensés jusqu’à présent. Cependant les liens avec le petit
monde du monastère et avec les gens simples dans leur vie de tous les jours sont chez
Georges très attachants et instructifs précisément sur quelques aspects quotidiens47.

43
En ce qui concerne l’interaction socio-religieuse dans la V. Char., voir PERRONE 1998a, p. 78-79.
44
V. Char. 16 (DI SEGNI 1990, p. 59: “Fissò pure la norma relativa alla preghiera e alla recitazione dei salmi,
e cioè che la notte si vegli per sei ore, e sette volte al giorno, come dice il beato Davide [Sal 118 (119), 164], si
lodi e si glorifichi il Creatore dell’universo, ad ore fisse; nelle restanti ore della giornata, ciascuno nella sua
dimora, senza distrarsi, tenga le mani occupate nel lavoro e le labbra nel salmodiare il santo cantico del divino
Davide, oppure srotoli i volumi ispirati da Dio e parlanti con la voce di Dio, e colga da essi, come da prati fioriti,
il frutto utile all’anima”). Je ne peux m’empêcher de penser que la Vie de Chariton contienne des traces d’un
‘origénisme’ scripturaire et spirituel, comme j’espère de pouvoir montrer dans une prochaine contribution sur ce
texte.
45
Voir DI SEGNI 1991, p. 30-31 et WORTLEY 2001, p. 38.
46
L’institution du cénobe, selon le modèle de la laure de Gérasime revient à Jean de Thèbes, évêque de
Césarée en 518.
47
Comme l’explique brillamment DI SEGNI 1991, p. 43: “Il mondo di Giorgio di Choziba è caratterizzato da
toni minori. Egli non è al centro degli eventi dell’epoca, ma è tra gli umili che ne sono travolti. Il suo
palcoscenico non è Costantinopoli o Gerusalemme, neppure il profondo deserto, ma il margine dei sentieri dove
va con i fratelli a far erba o a raccogliere i capperi. Tra le sue conoscenze non troviamo personaggi imperiali,
donne aristocratiche o grandi della chiesa, ma ortolani, pugili, monaci attaccabrighe e gli addetti ai servizi del
cenobio: i cuochi e i fornai, i cellerari e i sagrestani. Non c’è dubbio che il mondo monastico di Palestina fosse
attraversato a quell’epoca da questioni di enorme importanza... ma ugualmente non c’è dubbio che la massa dei
monaci gravitasse in un’orbita molto più bassa: la loro vita quotidiana e i loro pensieri erano circoscritti all’orto
e alla dispensa, alla stalla e alla cucina”. Toutefois, il n’est pas possible d’ignorer l’incidence de la ‘grande

12
Avant de passer au désert de Gaza, nous pouvons encore registrer deux Vies de saintes
anachorètes, qui probablement doivent se situer toutes les deux avant la fin de l’époque
byzantine: la Vie de Synclétique dans le désert du Jourdain et la Vie de sainte Marie
l’Égyptienne faussement attribuée à Sophrone de Jérusalem. Il s’agit de deux écrits de nature
légendaire sur des femmes qui s’adonnent à la vie anachorétique au désert, en se cachant et se
déguisant en hommes. À ces récits on peut joindre des histoires parallèles transmises par
d’autres ouvrages, comme la Vie de Cyriaque de Cyrille de Scythopolis ou le Pré spirituel de
Jean Moschus. En tout cas, même des Vies de ce genre sont susceptibles de nous livrer des
détails intéressants, surtout dans la mesure où elles trahissent une connaissance directe du
désert à l’est de Jérusalem et de la région du Jourdain ainsi que des pratiques de la vie
monastique qu’on y menait48.
Le ‘désert de Gaza’, indiquant par cette expression les établissements monastiques situés
aux alentours de cette ville ou dispersés dans la région voisine, comprise entre Eleuthéropolis
à l’est, le Negev au sud et les confins avec l’Égypte à l’ouest, nous est connu surtout par sa
littérature ascétique – grâce aux écrits d’Isaïe de Gaza, de Barsanuphe et Jean et de Dorothée
– plutôt que par un ensemble de Vies comparable à celui dont nous disposons pour le désert
de Juda49. Si la Vie d’Hilarion de Jérôme prétend de nous reporter aux origines mêmes du
monachisme palestinien, sa valeur historique reste assez controversée50, comme il arrive
d’autre part aussi à l’égard de la Vie de Porphyre, tout en reconnaissant l’importance de ces
deux ouvrages afin d’entrevoir les enjeux du processus de christianisation qui investit une
ville païenne comme Gaza51. Malheureusement nous avons perdu une partie des écrits que
Jean Rufus et Zacharie le Rhéteur consacrèrent à certains protagonistes du mouvement
monastique de Gaza et de sa résistance monophysite. Mais nous pouvons quand même
compter sur les œuvres de Jean Rufus qui nous sont parvenues – la Vie de Pierre l’Ibère et les
Plérophories –, à côté de la Vie d’Isaïe de Gaza et la Vie de Sévère par Zacharie le Rhéteur.
Celle-ci n’est pas à proprement parler une hagiographie, mais bien la biographie d’un
personnage vivant, rédigée pour défendre Sévère des accusations adressées contre lui au
moment où il était patriarche d’Antioche (512-518).
En fin de compte, de toutes ces Vies c’est surtout la Vie de Pierre l’Ibère qui s’avère être
la plus utile pour dégager des aspects de la vie quotidienne, bien qu’il s’agisse ici d’un
protagoniste tout à fait insolite: un prince d’origine géorgienne, otage à la cour de
Constantinople, d’où il s’enfuit à Jérusalem pour se faire moine, et ensuite résidant à
Maïouma de Gaza, avant d’être nommé évêque de la ville pendant la rébellion
antichalcédonienne de 451-45252. En comparaison de ce personnage du grand monde,
l’anonyme Vie de Dosithée nous montre l’apprentissage d’un simple novice du cénobe de
Séridus, placé sous la direction spirituelle de Dorothée. Dosithée, engagé dans le travail pour
l’infirmerie et entraîné par son maître à la pratique de l’obéissance, se transforme en virtuose

histoire’ même sur la vie simple de ces moines: cf., en particulier, V. Georg. Choz. VII 30 (DI SEGNI 1991, p.
101).
48
En ce qui concerne la Vie de Synclétique, à l’avis de FLUSIN–PARAMELLE 1982, p. 303, “l’ensemble est
assez cohérent pour que l’on se risque à situer l’action dans la Palestine du VIe siècle; le récit n’est sans doute
guère postérieur”.
49
Pour une mise à jour sur l’état des études, cf. PARRINELLO 2008. BITTON-ASHKELONY–KOFSKY 2004 et
2006 ont approfondi le tableau historique et institutionnel du monachisme de Gaza ainsi que son message
spirituel.
50
En ce sens, l’une des pièces plus prometteuses pour notre enquête (le tableau du régime alimentaire en V.
Hilar. 4, 4) est disputée par BITTON-A SHKELONY–KOFSKY 2006 (voir supra n. 20).
51
Voir plus récemment les contributions rassemblées dans BITTON-ASHKELONY–KOFSKY 2004a.
52
Cf. HORN 2006 et PERRONE 2008.

13
héroïque de l’idéal ascétique de l’école de Gaza. Sa Vie, sans tout sacrifier à la stylisation
hagiographique du jeune protagoniste, nous propose des aperçus inédits sur les dimensions
quotidiennes, par exemple à propos du régime alimentaire gradué auquel Dorothée soumet
son disciple. Peut-être plus que dans tout autre texte de l’époque byzantine, nous avons ici
affaire à un horizon personnel presque totalement absorbé par la pratique de l’ascèse et la vie
dans le monastère et comme tel plus aisément discernible dans quelques traits quotidiens.
Les trois paysages que nous venons de passer en revue par le moyen des Bioi ou
hagiographies monastiques – les Lieux Saints de Jérusalem, le désert de Juda et le désert de
Gaza – ne résument pas entièrement le monachisme palestinien à l’époque byzantine53. Il
faudrait y ajouter le Sinaï et aussi d’autres régions, sur lesquelles nous sommes mal
renseignés du point de vue littéraire, mais qui nous livrent par ailleurs des restes
archéologiques utiles pour notre propos54. On peut se faire au moins une idée sur la présence
monastique à travers le pays grâce à un genre d’écrits tout à fait apparenté à nos Bioi, comme
le sont les recueils des vies et des sentences des Pères, évidemment en premier lieu (après
l’Histoire Lausiaque) les Apophtegmes – dont on a soutenu l’origine palestinienne de la
collection alphabético-anonyme55 –, mais surtout deux ouvrages qui sont l’expression, pour
ainsi dire, d’un ‘monachisme militant’: les Plérophories de l’écrivain monophysite Jean
Rufus, successeur de Pierre l’Ibère comme évêque de Maïouma, et le Pré spirituel de Jean
Moschus, l’ami de Sophrone, le futur patriarche de Jérusalem au moment de la conquête arabe
(634). Si les Plérophories attestent le ‘petit reste’ de l’opposition au concile de Chalcédoine
au début du VIe siècle s’appuyant sur un réseau d’adeptes et sympathisants, qui se recrutent
spécialement parmi les moines56, environ un siècle plus tard Jean Moschus, avec son Pré
spirituel, soutient la cause de Chalcédoine, faisant recours lui aussi surtout aux milieux
monastiques et aux mêmes armes que Jean Rufus: miracles et révélations, au lieu de
l’argumentation doctrinale57. L’un et l’autre ouvrage fourmillent d’informations qui, tout en
complétant notre cadre géographique et historique, peuvent être mises à profit pour une
investigation sur la ‘vie quotidienne’ des moines, fût-il au prix d’en raconter aussi les zones
d’ombre. En ce sens, à côté des prostituées pénitentes qui se convertissent au monachisme,
nous observons – par exemple – chez Moschus des moines qui s’en vont au bordel. Quoique
de façon différente, et nonobstant le décalage d’un siècle entre l’une et l’autre, les deux
53
HIRSCHFELD 2006, p. 402-403 distingue à ce propos les suivantes régions de la géographie monastique
byzantine: Jérusalem et son désert; la région de Gaza et du Néguev; le Sinaï méridional; la Transjordanie (Arabie
et Palaestina Tertia); Galilée occidentale.
54
La recherche sur le monachisme du Sinaï, après SOLZBACHER 1989, a progressé aussi grâce aux
investigations archéologiques, comme le montre DAHARI 2000. Quant aux autres territoires de la Palestine
byzantine, les Alloquia de Zosime (moine de la première moitié du VIe siècle, mentionné par Dorothée et par
Évagre le Scholastique, HE IV 7) témoignent de l’existence d’un monastére à Césarée, en contact avec la laure
de Gérasime et le cénobe de Séridus.
55
REGNAULT 1981 a mis en lumière la grande diffusion des Apophtegmes dans la littérature monastique de la
Palestine aux Ve-VIe siècle. Dans la soixantaine de pièces de la collection alphabético-anonyme qui concernent
des moines palestiniens (Silvain et ses disciples, Gélase, Épiphane, Théodore d’Eleuthéropolis, Hilarion,
Cassien, Phocas, Philagre), VAN PARIS 1988 a approfondi la famille monastique de Silvain, l’un des maîtres de
Gaza, qui se déplace de Scété au Sinaï avant d’arriver jusqu’à la Palestine au commencement du Ve siècle. Il
s’agissait d’une communauté anachorétique, dont les membres sortaient de leur cellule seulement le samedi et le
dimanche. Silvain († 412 ca.) est connu aussi par Sozomène, qui le présente comme un moine d’origine
palestinienne (HE VI, 32, 8).
56
Cf. PERRONE 1989 et STEPPA 2002.
57
CHADWICK 1974 souligne justement ce parallélisme et résume ainsi le propos combattant de Moschus:
“The tension between the parties led to a heightening of the miraculous, often to an extravagant degree.
Moschus’ purpose in writing the Meadow is not merely to edify but to vindicate the bitterly controverted
ecumenical council” (p. 71).

14
collections trahissent la conscience aigüe d’une phase de décadence, qui chez Moschus est
aggravée par les destructions et les deuils apportés par l’intermezzo de la conquête perse (614-
628).
Comme nous l’avons anticipé, le foisonnement d’écrits hagiographiques qui s’est produit à
l’époque byzantine n’a pas d’équivalent sous la première domination islamique. Toutefois, à
côté du genre traditionnel des Bioi – dont nous retrouvons plusieurs exemples – et d’un
recueil important sur la vie monastique au Sinaï comme les Récits d’Anastase le Sinaïte
(seconde moitié du VIIe siècle)58, nous avons aussi la chance d’exploiter une nouvelle
littérature martyrologique, relevant soit d’intérêts proprement hagiographiques soit de
préoccupations de nature apologétique à la suite de la confrontation qui oppose maintenant les
chrétiens aux musulmans. Parmi les Vies de cette période, après la Vie de Jean Climaque,
écrite par Daniel de Rhaïtou vers la fin du VIIe siècle (vraisemblablement peu après la mort de
l’higoumène du monastère de Sainte-Catherine)59, l’ouvrage le plus remunératif pour notre
enquête est sans aucun doute la Vie d’Étienne le Sabaïte (BHG 1670). Bien qu’elle réfléchisse
les conditions d’insécurité, qui hantent les moines du désert de Juda au cours de ces siècles,
face aux dangers venant surtout de la part des brigands ou des nomades sarrasins, au même
temps elle atteste la continuité substantielle des formes de l’anachorèse par rapport à la
période précédente60. Il est vrai que l’existence anachorétique d’Étienne à Mar Saba se situe
au sein d’un monastère qui désormais s’est transformé en un cénobe, mais l’idéal et la
pratique de l’hesychia avec ses longs séjours au désert n’ont rien à envier à ce qui se passait
aux temps d’Euthyme et de Sabas61. Comme nous le peint Léonce de Damas en décrivant son
vêtement et ses outils, Étienne est en mesure de survivre à l’épreuve du désert grâce à la
même ‘science pratique’ dont disposaient auparavant ses prédecesseurs62. Aussi le régime
alimentaire très sobre, qui ne connaît d’exceptions qu’avec les autres moines et spécialement
les hôtes, se situe dans la même ligne63. Quant aux habitudes de prières d’Étienne, elles
58
Cf. NAU 1902. Sur l’importance de cette source (dont le texte n’est édité que partiellement) pour l’histoire
du monachisme au Sinaï, cf. FLUSIN 1991; SOLZBACHER 1989, 289-298; et plus récemment les travaux de
BINGGELI 2004 et 2005; PARRINELLO 2007, 17 ss. SOLZBACHER 1989, p. 291, y souligne les affinités formelles
avec le Pré spirituel: “Formal haben die Geschichten... eine gewisse Ähnlichkeit etwa mit denen aus der
“Geistlichen Wiese” des Johannes Moschus. Es handelt sich primär um pravgmata, Mönchssprüche sind selten.
Anastasius will die großen sinaitischen Alten, die er teils noch selber gekannt hat, mit ihren wunderbaren Taten
vorstellen”.
59
PG 88, 596-608; PARRINELLO 2007, p. 11-17. Au contraire, selon SOLZBACHER 1989, 289, “man merkt der
Vita deutlich an, daß ihr Verfasser geraume Zeit nach seinem Helde lebte”.
60
Ce jugement est partagé par BITTON-ASHKELONY–KOFSKY 2006a, p. 289: “The vita of Stephen the Sabaite
shows how patterns of life in the monastery and the realization of the ascetic imperative and paideia continued
very much unchanged in this period”.
61
Sur un autre témoin de la vie anachorétique à Mar Saba pendant le VIIIe siècle, Jean l’Eremopolite, nous
n’avons malheureusement qu’un court fragment de la Vie (= BHG 2187h; cf. HALKIN 1968). Quant à la
transformation de la Grande Laure en cénobe, voir PATRICH 1995, p. 257.
62
“Là, nel cuore del deserto, egli si inoltrava senza portare con sé né vestiario né cibo, ma un solo colobio di
pelo, un mantello, anch’esso di pelo, un sacchettino di pelo in cui custodiva un piccolo vangelo, un coltello dalla
lama affilata per tagliare a fil di terra le erbe selvatiche oppure recidere cime di canne e cuori di palme, un po’ di
fave, un bastone con sulla cima una croce di ferro, un cappello di pelo sulla testa, una cinghia di pelle grossa e
larga che gli cingeva la vita e un paio di sandali ai piedi” (PIRONE 2001, p. 59).
63
“Ma già ciò di cui si cibava era una sorta di digiuno: cuori di palma, cime di canna, radici ed erbe
selvatiche o medicinali, datteri e un po’ di fave di cui si nutriva dopo averle messe a mollo, ogni due o tre giorni,
continuando a far così per quindici anni” (PIRONE 2001, p. 56-57). “Non, quindi, pesce salato, lessato, ancor
caldo e condito con senape che tuttavia non fece mancare un giorno ad un monaco un po’ ingordo e voglioso, e
nemmeno sedano che pur permetteva di mangiare ad altri monaci o ai suoi discepoli e nemmeno ‘quei piatti
saporiti e conditi’ o ‘qualche sorso di vino con cui rallegrare un po’ la sua anima e darle un po’ di riposo’, come
gli insinuava nell’animo di fare il nemico tentatore” (ibid., p. 56, n. 30).

15
semblent être dictées par la volonté d’intensifier cette activité typiquement monastique, par
exemple au moyen d’innombrables métanies le jour et la nuit, tout en respectant fidèlement le
cadre traditionnel de l’office64. Enfin, bien que la Vie déborde de miracles, au point d’attirer
sur le saint l’épithète de ‘Thaumaturge’, elle a l’air de nous livrer une sensibilité typique
d’Étienne, lorsqu’elle nous le montre partager des sentiments – dirait-on – ‘franciscains’
envers les animaux65. Au-delà de ces anecdotes avec leur ton d’idylle, le témoignage de la Vie
d’Étienne le Sabaïte nous laisse apercevoir à nouveau le contexte institutionnel du
monachisme du désert, lié étroitement à l’église de Jérusalem, son patriarche intervenant dans
les affaires de Mar Saba, de même que le réseau des établissements monastiques au désert de
Judas et l’intensité de leurs contacts66.
La solidité de ces institutions monastiques, et sur toutes Mar Saba, se manifeste dans la
contribution qu’elles donnèrent à la vie ecclésiastique et aux débats doctrinaux des VIIe-IXe
siècles, par l’essor d’une littérature consacrée aux questions théologiques et dogmatiques ainsi
que par le développement d’une riche hymnographie et de l’hagiographie67. En témoignent
des personnages dont la stature historique n’a pas besoin d’être soulignée, comme Maxime le
Confesseur (ca. 580-662), au cours des controverses christologiques du VIIe siècle, ou Jean
Damascène (ca. 650-750) et Théodore Abu Qurra (ca. 750-825) pendant les luttes de
l’iconoclasme au VIIIe-IXe siècle. Ce dernier écrivain exemplifie en outre le processus
d’inculturation qui eut lieu dans l’Église ‘melkite’ de Palestine dès la moitié du VIIIe siècle et
qui vit la naissance d’une littérature chrétienne arabe grâce spécialement à l’apport des centres
monastiques (Mar Saba étant à cette époque, avec la laure de Chariton et le monastère de
Sainte Catherine au Sinaï, aussi un foyer de traductions pour le syriaque, le géorgien et
l’arménien)68. Je ne m’arrêterai pas ici sur les Vies qui tracent la biographie de Maxime le
Confesseur69 ou de Jean Damascène (fût-il celui-ci un moine de Mar Saba ou plutôt un des
spoudaioi de l’Anastasis)70, s’agissant précisément de textes qui ont affaire à des
personnalités au profil exceptionnel, et comme telles peu susceptibles de mettre en relief les
64
“Amava molto recitare il Pater Noster, e secondo la norma ricevuta recitava altresì l’ufficio notturno e
Prima. Pregava e celebrava messa...” (PIRONE 2001, p. 60).
65
“... the vita of Stephen Thaumaturgus (725-794), written in Greek at Mar Saba by Leontius of Damascus at
the end of the eighth century and translated into Arabic at the same monastery by Stephen al-Fakhuri in the year
902. A central feature of this work is the account of more than eighty miracles. Modern scholars like to point out
that, in spite of this preponderance of miracle stories, the work is nevertheless one of the richest sources for
details about the daily life of the ‘Melkite’ churches in the caliphate” (GRIFFITH 2001, p. 148). Selon GRIFFITH
2008, la Vie aurait été écrite en grec en 807.
66
Cf. PERRONE 1995, pp. 57-58.
67
Cf. BLAKE 1965, qui entre autres choses remarque l’irradiation du Typikon de Mar Saba: “Le calendrier des
fêtes célébrées dans les églises du monastère et à Jérusalem se répandit dans tout le Proche Orient de la chaîne
du Caucase à l’Éthiopie... Le tupikovn de Saint-Saba fut adopté presque partout dans les monastères du Levant
en dehors de l’empire byzantin” (p. 372).
68
Sur tous ces aspects il faut voir les nombreuses contributions, toujours enrichissantes, de Sidney H.
Griffith. Je signale, en particulier, GRIFFITH 1992.
69
À part la Vie syriaque de Maxime le Confesseur, qui lui attribue une origine palestinienne, il faut se
souvenir de l’action concertée des moines de Mar Saba au concile du Latran (649). Cf. BOUDIGNON 2007, p.
266: “les études de R. Riedinger ont démontré que les actes latins sont traduits du grec, et que les actes du
concile du Latran ont été écrits avant qu’il ait eu lieu. (...) Les rédacteurs des actes mentionnent un ‘koinon’,
c’est-à-dire un ‘collectif’ monastique sous la bannière de Jean, l’higoumène de Saint-Sabas de Palestine, premier
nom cité. Dans la liste des signataires apparaît Maxime et son disciple Anastase. Il est donc probable que ce
concile montre l’emprise de la ‘diaspora’ palestinienne ultrachalcédonienne, sous le pontificat de Théodore,
originaire de Jérusalem”.
70
Sur les nombreux problèmes que posent les traditions biographiques sur Jean Damascène (respectivement
la Vie de Cosmas de Maïouma et Jean Damascène [BHG 394] et la Vie de Jean Damascène par le patriarche
Jean de Jérusalem [BHG 884]), voir FLUSIN 1986; AUZÉPY 1994; DAGA PORTILLO 1996; GRIFFITH 2008.

16
perspectives plus proches de la vie quotidienne. La même chose peut valoir aussi pour la Vie
de Michel le Syncelle, ancien moine de Mar Saba envoyé par le patriarche de Jérusalem
Thomas en mission chez le pape à cause du conflit du Filioque, que les Sabaïtes suscitèrent
contre les moines francs du Mont des Oliviers (807)71. Michel partit en 813 avec deux autres
membres de sa communauté, les frères Théodore et Théophane, ensuite nommés les Graptoi,
mais s’arrêta à Constantinople, où ils combattèrent tous ensemble contre l’iconoclasme72.
Quant à la Vie de Théodore d’Édesse (BHG 1744), qui d’ailleurs consacre le prestige
international de l’église de Jérusalem et de ses institutions monastiques73, non sans préserver
quelques traces de la vie concrète des moines au désert74, elle nous conduit plutôt à considérer
dans la suite le genre apparenté des récits de martyrs ou des passions hagiographiques, un
genre qui fut entretenu activement par nos écrivains monastiques75.
Les témoignages de cette littérature martyrologique, laissant ici de côté ses antécédents
pour le monachisme sinaïtique – c’est-à-dire, les Narrations du Pseudo-Nyl d’Ancyre ainsi
que la Légende d’Ammonius76 –, s’échelonnent chronologiquement à partir du récit
d’Antiochus Sabaïte dans sa Lettre à Eustathe (620). Ce texte relate le massacre de 44 moines
de Mar Saba en mai 614, une semaine avant la conquête perse de Jérusalem, au cours d’un
raid de tribus arabes qui suivaient les conquérants77. Si l’apport de ce texte se fait apprécier
surtout en relation aux troubles de la période – à côté d’un document historique de premier
ordre comme la narration de la prise de Jérusalem par les Perses, œuvre de Strategius, lui
aussi moine de Mar Saba –, néanmoins la lettre d’Antiochus accompagnait l’envoi des
Pandectes de toutes les Écritures, une espèce de compendium scripturaire, théologique et
ascétique en 130 homélies, qui est la preuve de la persistante vitalité intellectuelle de Mar
Saba78. Quelques années après, en 628, nous enregistrons la victime la plus connue de
l’époque avec le Actes du martyre d’Anastase, un perse qui après sa conversion au
christianisme devint moine et professa publiquement sa nouvelle foi79. Cet épisode annonce la
situation des ‘néo-martyrs’ que nous verrons tout à l’heure sous la première domination
islamique. Non moins intéressant afin de reconstruire la situation historique du monastère
comme de la Palestine vers la fin du VIIIe siècle est la Passion des XX Martyrs Sabaïtes
(BHG 1200), œuvre d’Étienne (Mansur?), un autre écrivain de Mar Saba, vraisemblablement

71
Selon BORGOLTE 1980, la Vie de Michel le Syncelle remonterait à la moitié du IXe siècle et aurait été écrite
par un moine de Jérusalem. A UZÉPY 2001, p. 312-313 propose la période entre 845 et 867.
72
Cf. AUZÉPY 1994 et 2001.
73
Comme le dit GRIFFITH 2006, p. 185: “In this narrative, written in Greek in Constantinople in the late tenth
century and translated into Arabic, probably at Mar Saba, shortly thereafter, Antioch’s patriarch and clergy are
portrayed as almost subservient to Jerusalem and her patriarch”. Cf. aussi GRIFFITH 2001, p. 147: “The real
heroes of the piece are the monastery of Mar Saba, the see of Jerusalem, with its holy places, and the desert
monks, who are presented as the guarantors of Christian orthodoxy in the Islamic milieu”.
74
Ainsi, elle mentionne l’occupation traditionelle avec la tresse et la vente des produits de la part de
Théodore et de son disciple Michel au marché de Jérusalem (GRIFFITH 2001, p. 149).
75
La Vie de Théodore intègre, en effet, la Passion de Michel le Sabaïte. Comme le note GRIFFITH 1998, p.
169, “in the archive of Arab Christian texts which have survived from the scriptoria of the Holy Land
monasteries of the early Islamic period, there are a half-dozen martyrologies in Greek, Georgian and Arabic,
which recount the exploits of individual Christians who encountered caliphs or emirs, and who lost their lives in
testimony to the tenacity of their faith”. D’autre part, le scribe Antoine de Baghdad atteste au IXe siècle l’intérêt
que Mar Saba continuait à nourrir pour la littérature hagiographique (GRIFFITH 1989).
76
Pour une discussion approfondie sur la genése des deux textes et leur valeur historique, on se reportera
spécialement à SOLZBACHER 1989, 200-251. Quant au Pseudo-Nyl, cf. dernièrement BOSSINA 2008.
77
Voir PG 89, 1421-1428 et PATRICH 1995, p. 326-327.
78
Sur la tradition de cet ouvrage, qui exploite un riche dossier de sources patristiques, voir maintenant
BINGGELI 2008.
79
Cf. Acta M. Anastasii Persae, éd. H. U SENER, Bonn 1894; FLUSIN 1992.

17
à la fois hymnographe et hagiographe, qui peut-être rédigea aussi la Vie ou Passion de St.
Romain le néo-martyr80. Si l’épisode du 20 mars 796, raconté par Étienne de façon très
vivante et précise, renvoie à la période de guerre civile qui ravagea le pays au tournant du
VIIIe-IXe siècle, quelques-uns des détails peuvent être versés au dossier de la vie quotidienne
des moines, par exemple les faisceaux de mannouthia, une de leurs ressources plus typiques,
qui sont brûlés par les sarrasins lors de l’attaque. À noter le miracle dont aurait bénéficié un
moine syriaque, qui désirait ardemment apprendre le grec, ce qu’il fit bien plus rapidement
grâce justement à cela... – témoignage éloquent de l’hellénisme prôné par l’auteur ainsi que
des tâches ou des problèmes déterminés par une communauté monastique dont la composante
hellénophone est à cette époque de plus en plus limitée par les parlants en syriaque ou en
arabe81.
Le durcissement au sens ‘confessionnel’, inauguré par le gouvernement abbasside dès la
seconde moitié du VIIIe siècle, joint à l’engagement identitaire d’une chrétienté palestinienne
qui devient de plus en plus arabophone, constituent l’arrière-fond pour un groupe de Passions
qui complète notre dossier hagiographique. Il s’agit d’histoires, parfois non sans un bon
nombre d’éléments légendaires, liées plus ou moins directement aux centres monastiques de
la Palestine, en premier lieu Mar Saba, d’où proviennent, pour la plupart, aussi leurs auteurs.
La liste, sans prétention d’ordre chronologique exact (la matière étant souvent disputée et
quelques textes restant encore inédits), comprend les ouvrages suivants: La passion de ‘Abd
al-Masih al-Najrâni (IXe siècle?)82, La vie de Bacchos (BHG 209; † 787/788)83, La passion
(et Autobiographie) de S. Antoine Ruwah, néo-martyr de Damas (†799)84, La passion de S.
Michel le Sabaïte – dont la recension grecque est transmise, comme nous l’avons vu, par la

80
Sur l’identification de l’auteur voir BLAKE 1950 et GRIFFITH 1998, p. 194; mais elle est disputée par
PEETERS 1911 de même que par AUZÉPY 2001. En ce qui concerne le contexte historique, cf. LEVY-RUBIN–
KEDAR 2001.
81
Aux VIIIe-IXe siècles, la plupart des moines vient de pays de l’Orient ou de la Palestine: selon GRIFFITH
1989, p. 10-11, “their languages are Syriac and Arabic, rather than Greek”. Voir aussi GRIFFITH 1986, p. 37:
“There is evidence of an influx of originally Syriac-speaking monks to the monastery population in the late
eighth and ninth centuries”.
82
En ce qui concerne la datation, cf. GRIFFITH 1998, p. 187-188: “The story of ‘Abd al-Masîh an-Najrânî
survives in four known manuscripts. The earliest of them is Sinai Arabic MS 542..., which, on the basis of
palaeographic considerations, is dated to the ninth century”; à son avis, le martyr aurait eu lieu autour de 860
(ibid., p. 191-192). À propos du contexte historique voir aussi LEVY-RUBIN–KEDAR 2001, p. 70. Pour une vue
d’ensemble sur la Passion de ‘Abd al-Masîh et les écrits parallèles, on se reportera en outre à G RIFFITH 1985.
83
“The Vita of Bacchus has survived in two Greek manuscripts, the oldest of which is Paris gr. 1180, a text
of the tenth century” (GRIFFITH 1998, p. 197). Né à Maiuma autour de 770, le père de Bacchus se convertit à
l’islam et élèva ses sept enfants dans la nouvelle foi, tandis que la mère resta une crypto-chrétienne. Après la
rencontre à l’Anastasis avec un moine de Mar Sabas, Bacchos reçut le baptisme et devint moine de Mar Saba à
l’âge de 18 ans. Reconnu lors d’une visite à Jérusalem, il est mis à mort vers 787/788. “The story of Bacchus is
full of local color and includes details which not only highlight the role of Mar Sabas monastery in the second
half of the eighth century, but they also give one a quick glimpse into the conditions of life in the Melkite
community in Palestine” (ibid.).
84
Cf. PEETERS 1912 et 1914. “The story of St. Anthony, or Rawh al-Qurashi, seems first to have been told in
Arabic, in which it survives in two forms: the ‘Passion’ of the saint, as told by the hagiographer; and what is
presented as the ‘Autobiography’ of the martyr, a text which modern scholars have shown to depend on the
‘Passion’” (GRIFFITH 1998, p. 198). “Theodore Abu Qurrah (c. 755-c. 830) made an allusion to the story of St.
Anthony... in his Arabic treatise on the practice of the veneration of the holy icons, thereby testifying to the
currency of the narrative in the first decade or so of the ninth century” (ibid., p. 199). L’intérêt palestinien de cet
écrit consiste surtout dans les étapes de Jérusalem et de Choziba, où il reçoit le baptême, avant de revenir à
Damas. Cf. aussi DICK 1961.

18
Vie de Théodore d’Édesse85 –, La passion de S. Romain le néo-martyr86, La passion de Pierre
de Capitolias87. À part les notices que l’on peut extraire d’autres sources, en particulier les
chroniques ou les histoires ecclésiastiques, à propos des victimes de l’intolérance religieuse
en cette période, nous devons ajouter à notre catalogue le récit d’Euloge de Cordoue sur
Georges, l’un des moines envoyés en mission à l’étranger pour les nécessités économiques de
Mar Saba et martyrisé dans la capitale des omayyades d’Espagne à la moitié du IXe siècle:
Memoriale Sanctorum et Passion des saints George le diacre, Aurèle, Félix, Nathalie et
Liliosa88. Les protagonistes de ces histoires sont ou des musulmans convertis qui ont
embrassé une vie monastique ou des moines qui font preuve d’une foi militante, au point de
ne pas épargner les critiques, même agressives, envers l’islam. Les récits, tout en étant
consacrés à des épisodes limités et par là exceptionnels, sont intéressants à plusieurs titres
pour notre propos, car ils illustrent la vitalité du monde monastique à cette époque, nonobstant
les difficultées qu’il doit affronter. Ainsi nous y découvrons le réseau encore assez actif des
principales fondations monastiques en Palestine, du Sinaï au désert de Juda, de même que leur
projection internationale, comme le montre le voyage en Occident entrepris par les moines de
Mar Saba. Si la focalisation thématique oriente le lecteur vers le conflit interreligieux, ces
récits nous permettent quand même de saisir quelques-unes des perspectives relevant plus
directement de la vie quotidienne.
À l’aide seulement des écrits hagiographiques ou apparentés, nous avons été en mesure de
parcourir jusqu’au bout l’arc temporel de notre enquête, mais il est bien évident que ces textes
n’épuisent pas du tout le dossier des sources littéraires. Dans la riche typologie que ceci

85
Cf. PEETERS 1930. L’histoire nous est parvenue dans deux recensions, géorgienne et grecque, celle-ci
figurant comme un épisode dans la Vie de S. Théodore d’Édesse. Selon GRIFFITH 1998, p. 171, “the Greek
account of the monk Michael’s martyrdom is clearly dependent on the earlier form of the story as it appears in
the Georgian version... In all probability the original author... was an Arabophone monk of the monastery of Mar
Sabas, who wrote the account of Michael’s exploit in Arabic at some points in the ninth century”. La traduction
géorgienne aurait été faite en Palestine au Xe siècle. “The center piece of the story is the same in the Georgian
and the Greek versions, but there are also numerous and substantial differences... the Georgian version has a
decidedly Palestinian aura about it, while the Greek version tells Michael’s story from a much wider, Byzantine
perspective” (ibid., p. 174).
86
Cf. PEETERS 1911. “The integral story of the martyrdom of Romanos survives in a Georgian manuscript
from the monastery of Iviron on Mt. Athos... Every indication suggests that the Georgian version of the account
of Romanos’ experiences was translated from Arabic” (GRIFFITH 1998, p. 193). “The title paragraphs at the head
of the Georgian version in both of the available manuscripts attribute the composition of the account to Stephen
of Damascus, otherwise known as Stephen Mansûr (c. 725-807)” (ibid., p. 194). À part la composition par un
écrivain de Mar Saba, l’histoire se déroule presque entièrement au-dehors de la Palestine.
87
Le récit du martyre, qui aurait eu lieu sous le khalife Walid I (705-715), nous fait entrevoir des formes de
vie monastique dans une région autrement peu connue. “The story of the martyrdom of Peter of Capitolias is told
in a Georgian manuscript written in the year 1565. (...) But to date there has been no translation of the full
narrative into a modern western language, and it remains one of the pressing scholarly desiderata for the history
of Christianity in the early Islamic period to do so” (GRIFFITH 1998, p. 184). Il s’agit d’un prêtre marié, qui à
l’âge de 30 ans décide d’embrasser une vie ascétique: “He and his wife agreed to live separately; the two
daughters were put into a convent, where the eldest died of excessive asceticism at the age of thirty, and the son
was installed in a monastic cell not far from the cell which Peter proceeded to prepare for himself. Once
established in this way of life, Peter gave himself to the works of mercy. He helped the poor, he gave hospitality
to strangers, he visited the sick, and he paid special attention to the spiritual advancement of his daughters. Then
when his wife died he took a decision which was to have a dramatic effect in his life. He conceived the desire to
become a martyr...” (ibid., p. 185).
88
La mort de George Sabaïte comme martyr est “part of a long treatise, the Memoriale Sanctorum, that
relates the stories of forty-eight Cordoban martyrs during the reign of the Umayyad caliph ‘Abd al-Rahman II
(822-852 C.E.) and the first seven years of the caliphate of Muhammad I (852-859). The treatise was written by
Eulogius, a priest from Cordoba, who in 859 died a martyr’s death” (LEVY-RUBIN–KEDAR 2001, p. 63).

19
réunit, à côté des ouvrages hagiographiques il faudrait ranger tout de suite l’ensemble des
écrits ascétiques et spirituels, en tant que manifestation plus immédiate de la littérature
monastique au niveau des idéals et, sous réserve de vérification, aussi des pratiques. Ce
catalogue, commençant par des figures importantes des origines comme Évagre et Jean
Cassien89, sans oublier Jérôme90, devrait inclure les traités ascétiques de Marcien de
Bethléhem, partiellement inédits91, et des œuvres mieux connues comme l’Ascéticon d’Isaïe
de Gaza, les Conversations de Zosime, la Correspondance de Barsanuphe et Jean, les
Instructions de Dorothée et l’Échelle du paradis de Jean Climaque92. Si l’Ascéticon d’Isaïe,
entre autres choses, a été exploité pour y découvrir les traces d’une ‘règle’ monastique – pour
les anachorètes ou pour les cénobites93 –, l’intérêt exceptionnel de la Correspondance de
Barsanuphe et Jean, les deux reclus de Gaza, surtout après les abondantes études publiées
dans les dernières années, n’a certes pas besoin d’être signalé94. Ce document si vivant de la
direction spirituelle dans la première moitié du VIe siècle, d’un côté, nous fait pénétrer comme
aucun autre texte ou presque à l’intérieur d’une communauté monastique où l’on partage des
styles différents de vie ascétique, en partant de l’éducation des novices jusqu’à l’échange et
au soutien spirituels entre gerontes; de l’autre côté, les lettres des deux Vieillards ouvrent les
portes du monastère aux contacts avec le monde extérieur, non seulement les autorités
politiques et ecclésiastiques de Gaza, Césarée ou Jérusalem, car un bon nombre des
interlocuteurs sont des laïcs pieux qui soumettent leurs problèmes de conscience et leurs
affaires à Barsanuphe et à Jean95. S’il est vrai que la Correspondance nous dévoile ce qui est
éminemment un ‘paysage de l’âme’, la casuistique parfois surprenante ou bizarre qu’elle doit
traiter, à côté des grands thèmes plus proprement spirituels, nous transmet aussi une image
plus circonstanciée du ‘quotidien’ des moines. Cela peut arriver encore dans quelques-uns des
autres textes, comme les Conversations de Zosime ou les Instructions de Dorothée. Toutefois,
leur intêret se situe en premier lieu au niveau du discours spirituel ou, à travers ceci, de
l’histoire de la culture monastique. En ce sens Zosime, à côté des Apophtegmes, représente
pour Dorothée un chaînon important dans le développement d’une littérature monastique qui
vient se juxtaposer, en dernière analyse, aux Écritures elles-mêmes96.

89
Les Sententiae ad Monachos ainsi que les Sententiae ad virginem témoignent, entre autres choses,
l’importance d’Évagre pour l’histoire des ‘ordonnances’ monastiques palestiniennes. À noter que “whereas
similar instructions for monks are known from later monastic communities, no parallel to Evagrius’ exhortations
to nuns is known from Palestine” (BITTON-A SHKELONY–KOFSKY 2006a, p. 263). Toutefois, aussi l’Ad monachos
“is silent about the monastery’s daily life, its organization, and its social interaction with the local inhabitants of
Jerusalem” (ibid., p. 271). Par ailleurs, les rapports d’Évagre avec la communauté de Mélanie l’Ancienne et
Rufin ne se réduisent pas à ces deux traités seulement. Quant à Jean Cassien, cf. Instit. IV, 31; Conl. XX, 1.
90
Selon BITTON-A SHKELONY–KOFSKY 2006a, p. 264, “although Jerome was personally acquainted with the
monastic patterns in the East, and despite his prolific writings, we know very little about the organization of life
within the monasteries of Bethlehem”. Néanmoins l’Épître 108 mérite d’être mentionnée, à côté de textes qui
s’adressent en premier lieu à une audience monastique comme les Tractatus in Psalmos ou les Homiliae in
Marci Euangelium. En outre la Préface à la traduction des Règles de Pachôme, les propose comme source
d’inspiration aussi pour la communauté de Bethléem.
91
Pourvu que ce Marcien soit effectivement à identifier avec le moine de Bethléhem, l’un des adversaires du
concile de Chalcédoine et successivement réconcilié avec l’Église de Jérusalem. Cf. KOHLBACHER 1994 et 1997.
92
PARRINELLO 2007 offre l’étude récente le plus approfondie (voir spécialement les pp. 35-48 sur la “Vita
quotidiana dei monaci del Sinai”). Cf. aussi JOHNSÉN 2007. En s’appuyant sur les Récits d’Anastase le Sinaïte,
FLUSIN 2006 date l’Échelle vers 670. À l’avis de SOLZBACHER 1989, p. 288, “in diesem Werk... sind allerdings
kaum Reflexe aus der Zeit sichtbar, in welcher Johannes schrieb”.
93
Cf. supra p. 4. Parmi les travaux récents sur Isaïe, voir PARRINELLO 2006.
94
Voir spécialement H EVELONE-HARPER 2005 et BITTON-A SHKELONY–KOFSKY 2006.
95
J’ai essayé d’approfondir ces aspect à plusieurs reprises (cf. PERRONE 1988, 2004a et 2007).
96
Voir, à ce propos, PERRONE 2008a.

20
Néanmoins, pour dégager cette ‘culture monastique’ dans toute son ampleur et montrer
jusqu’à quel point elle a influencé la vie religieuse et intellectuelle des moines, nous devrions
tenir compte de plusieurs autres sources. Qu’il suffise ici d’énumérer simplement ces
typologies ultérieures, sans détailler écrits, contextes et apports, en raison même de la vastité
du catalogue:
1) les récits de pèlerinage ou les descriptions de la Terre Sainte, témoins importants pour la
géographie ecclésiastique, et de la sorte aussi sources d’informations en ce qui concerne la
présence du monachisme aux différentes époques, dès l’Itinerarium d’Égérie au IVe siècle
jusqu’au Commemoratorium de casis Dei vel monasteriis au IXe97;
2) les chroniques et histoires ecclésiastiques, en premier lieu Sozomène et Évagre le
Scholastique, deux historiens particulièrement attentifs aux phénomènes monastiques en
Palestine;
3) les lettres et tout genre de documents de nature publique, spécialement les collections
synodales qui, grâce aux protocoles des actes officiels et aux listes des signatures, offrent des
renseignements précieux non seulement pour les prises de position doctrinales du
monachisme palestinien, mais aussi pour sa prosopographie et sa géographie, comme
l’attestent entre autres les synodes constantinopolitains de 518 et 536 ou le concile de Latran
de 64998;
4) les écrits théologiques, apologétiques, exégétiques, hymnographiques et homilétiques,
surtout dans la mesure où ils sont l’expression directe de milieux monastiques, ce qui se passe
à vrai dire pour la plupart des écrivains ecclésiastiques de la Palestine au cours de notre
période, comme le prouvent les noms d’Épiphane, Jérôme, Léonce de Byzance, Maxime le
Confesseur, Anastase le Sinaïte ou Jean Damascène. Ces auteurs et d’autres encore ont fini
par laisser eux aussi leur empreinte, plus ou moins profonde, sur l’horizon mental et la
situation religieuse de ceux qui voulaient vivre en fidélité à la Parole de Dieu. En un mot, cet
ensemble de sources, très sommairement évoqué ici, contribue à enrichir nos perspectives, en
suppléant des données fondamentales au regard du scénario ecclésiastique et politique, ou de
l’activité intellectuelle et des manifestations de la spiritualité et en conférant ainsi à la ‘vie
quotidienne’ des moines un coloris plus spécifiquement palestinien.

En guise de conclusion:
le ‘coloris local’ de la vie quotidienne

La panoramique, sans doute trop rapide et approximative, que je viens de tracer sur l’état
des sources littéraires pour la ‘vie quotidienne’ des moines en Palestine entre IVe et Xe siècle
a abouti à des considérations apparemment quelque peu contradictoires par rapport à l’objectif
envisagé. Après avoir essayé d’isoler dans ce vaste corpus, plus ou moins aisément, les écrits
et les aspects susceptibles d’être utilisés pour notre enquête, le contexte de la ‘grande histoire’
semble prendre à nouveau, pour ainsi dire, sa revanche sur l’horizon de la ‘petite histoire’
vécue au jour le jour. Mais notre démarche n’a pas été inutile, au moins dans la mesure où elle

97
À l’avis de LEVY-RUBIN–KEDAR 2001, p. 67, “the well-known contacts with Charlemagne’s court may
well have included such requests for financial aid. This was no doubt the aim of the Commemoratorium de casis
Dei, composed probably around 808, which ends with the list of expenditures of the patriarchate”. Sur la donnée
statistique contenue dans ce texte – selon laquelle Mar Saba aurait compté à l’époque 150 moines –, cf. BITTON-
ASHKELONY–KOFSKY 2006a, p. 287.
98
Voir, à ce propos, la Collectio Sabbaitica, qui fait la jonction entre controverse christologique et crise
origéniste du VIe siècle, et LOUTH 2003.

21
nous invite à mieux intégrer dans l’image de la ‘vie quotidienne’ ce que j’aimerais appeler par
commodité le ‘coloris local’. Par cette expression j’entends la somme de facteurs, y
comprenant des éléments soit structurels soit conjoncturels, qui concourent à déterminer les
traits plus spécifiques de la quotidianité monastique en Terre Sainte, au-delà du fait que celle-
ci consiste dans une série répétée de pratiques en partie prévisibles et plus ou moins connues
(comme prier, méditer, travailler, manger, dormir, s’habiller, etc.), à l’appui des textes
littéraires autant que de la documentation archéologique.
Parmi ces facteurs, évidemment il y a en premier lieu la topographie du monachisme
palestinien, dont par ailleurs il a été souvent question dans notre exposé, lorsque nous avons
essayé de mettre en lumière ses foyers principaux au sein du territoire et au cours de
l’histoire99. Cependant, il ne s’agit pas exclusivement du paysage physique du désert comme
tel, quoique cela ait nécessairement conditionné les formes des institutions monastiques sous
plusieurs égards – à l’est de Jérusalem et dans la vallée du Jourdain ou vraisemblablement
même à Gaza –, par exemple en délimitant généralement les dimensions des établissements au
désert et d’autre part en assurant leur survie jusqu’à présent, au moins pour quelques-uns
d’eux100. Sans doute le désert de Juda ou de Gaza créent-ils, à ce titre, des conditions
d’existence en partie différentes par rapport aux autres déserts monastiques de l’Orient
chrétien, mais il ne faut pas ignorer que ce facteur physique a été capable de déployer sa force
en relation à un contexte historique et religieux donné. En ce sens, si la topographie
monastique de la Palestine dépend largement pour le déploiement de ses établissements des
conditions diverses du peuplement ethnique selon les régions – comme l’a bien montré
Hirschfeld101 –, le désert de Juda, en dépit des solitudes les plus éloignées et inaccessibles
qu’il recélait dans son paneremos, était tout d’abord un désert situé en proximité de Jérusalem
avec son Église et, par ce fait, proche également du circuit des Lieux Saints. Cet autre milieu
ambiant est donc à considérer lui aussi comme un facteur structurel qui a laissé son empreinte
durable sur le monachisme de Palestine intéragissant avec les facteurs du paysage physique
ou ethnique. Ayant en vue la longue durée, on pourrait même se demander si la disparition du
monachisme de Gaza, après la seconde moitié du VIe siècle, n’aurait pas été déterminée par le
fait qu’il ne pouvait pas compter sur une pareille combinaison de facteurs convergeants plutôt
que simplement à cause de raisons ‘confessionelles’, à la suite de la déchirure monophysite

99
L’importance du facteur physique peut être mesurée à la lumière des essais de typologie concernant les
établissements monastiques. Tandis que HIRSCHFELD 1992 les distinguait entre: 1) laures, 2) cénobes, 3)
monastères-forteresse, 4) monastères attachés à des églises mémoriales, H IRSCHFELD 2006, p. 411, les classe
selon quatre catégories sur base préféremment terrritorielle: 1) monastères urbains, 2) monastères ruraux, 3)
monastères de pèlerinage, 4) monastères du désert. Déjà CORBO 1958 avait tracé les lignes de ces typologies, en
soulignant lui aussi les conditionnements du milieu physique soit pour les laures soit pour les cénobes, en
particulier relativement à l’organisation du travail monastique.
100
Si l’on excepte le cénobe de Théodose, la population monastique au désert de Judas se distribue pour la
plupart dans des établissements habités par un nombre relativement restreint de moines. Voir HIRSCHFELD 2006,
qui permet de comparer aisément les dimensions de monastères à la lumière des fouilles archéologiques, soient-
ils ou non connus aussi à travers nos sources littéraires.
101
Cf. HIRSCHFELD 2006, p. 403, qui admet néanmoins l’incidence du réseau des pèlerinages et de l’initiative
impériale à leur soutien: “The ethnic distribution in Palestine dictated to a great extent the distribution of
monasteries. Thus, for example, centres of monasticism developed around primarily Christian cities like
Jerusalem, Scythopolis, and Gaza, while in areas of Jewish and or Samaritan settlement like the Golan, Eastern
Galilee, Samaria, and the southern Hebron hills there were very few. On the other hand, we find a concentration
of monasteries in Tiberias and in various sites around the Sea of Galilee despite the fact that this was primarily
an area of Jewish settlement; and in Neapolis (Shechem)... imperial involvement is expressed in the
establishment of monasteries on the summit of Mount Garizim”. Cf. aussi ibid., p. 414).

22
après Chalcédoine et de son souvenir prolongé102. C’est-à-dire que, malgré les relations
entretenues avec le patriarche de Jérusalem – dont témoigne la correspondance de Barsanuphe
et Jean de Gaza103 –, le monachisme de Gaza n’était pas si étroitement intégré à cette église,
comme il était le cas du monachisme au Désert de Judée, ni pouvait s’appuyer directement sur
le réseau des Lieux Saints, à la différence de ce qui se passait non seulement pour les moines
aux déserts de Juda et du Jourdain, mais aussi pour ceux qui habitaient le désert du Sinaï. En
effet, les liens du monachisme de la peninsule sinaïtique avec l’Église de Jérusalem au cours
de cette période ont été assez forts et ils renforcent ainsi notre hypothèse.
Le contexte des Lieux Saints et des pèlerinages – comme on l’a déjà noté – a joué un rôle
fondamental pour les origines et le développement du monachisme palestinien. Il a créé les
prémises essentielles pour son essor, attirant des hommes et des femmes vers la Terre Sainte
avec l’intention d’y embrasser une vie d’ascèse et amenant souvent avec eux aussi les
ressources dont on avait besoin pour entretenir les différentes formes de la vie monastique.
C’est surtout parmi ces pèlerins venant de l’étranger que le monachisme de Palestine recruta
ses membres pendant toute la période ou presque que nous avons revisitée. De ce point de
vue, le visage international du monachisme de Terre Sainte doit à son tour être pris en compte
pour une analyse des perspectives de la vie quotidienne, car cette physionomie cosmopolite
implique des conséquences aussi dans le régime vécu jour par jour104. Nous pouvons le
constater en des nombreuses situations: non seulement les célébrations en langues diverses
(conformément à ce qu’Égérie avait observé en participant aux liturgies de la Ville Sainte),
qui se tiennent dans le cénobe de Théodose ou dans la Grande Laure de Sabas, soit pour les
offices que pour la synaxe, car la dimension multilinguistique affecte en plus les contacts
quotidiens entre les moines, leurs attentes et leur horizon de relations105. Nous avons
rencontré plus haut l’histoire du moine syriaque de Mar Saba, qui au début du VIIe siècle
ardait d’apprendre le grec106, mais un siècle auparavant nous trouvons un égyptien dans le
cénobe de Séridos, qui aimerait poursuivre son échange épistolaire en copte avec Barsanuphe,
sans passer par le contrôle de l’abbé qui l’ignore, tandis qu’un autre moine, lui aussi non-
hellénophone, se plaint de ne pas comprendre ce qu’il lit en grec, en même temps demandant
à Barsanuphe s’il doit apprendre à psalmodier dans cette langue107. Avant de prendre un relief
institutionnel – comme on le constate successivement dans le Typikon de Mar Saba, avec sa
distinction entre moines grecs et syriaques en vue d’attribuer les charges de responsabilité
dans le monastère108 –, les distinctions linguistiques apportent des différences culturelles et

102
Cette hypothèse a été émise par KOFSKY 2004. D’autre part, l’idée d’un affaiblissement dû aux conflits
doctrinaux pourrait être confirmée par l’observation de HIRSCHFELD 1992, p. 16, à propos des monastères du
désert de Juda, après la deuxième crise origéniste: “The Origenist controversy appears to have weakened the
power of the monasteries in the desert plateau, and there is no record of any new monasteries being founded in
that region after the death of Sabas. The reverse is the case in the Jordan Valley... Moschus gives the names of
seven monasteries in the vicinity of Jericho and the Jordan River that are not mentioned by Cyril”.
103
Erotapokriseis, 813-830.
104
Dès le début, cette image internationale était clairement perçue par les observateurs du phénomène
monastique en Terre Sainte, comme l’atteste déjà l’éloge de Jérôme dans l’Ep. 46.
105
L’Anonyme de Plaisance (560-570 ca.) signale la mosaïque linguistique aussi pour le Sinaï, où il visite
monasterium... in quo sunt tres abbates, scientes linguas, hoc est, latinas et graecas, syriacas et aegyptiacas et
bessas, uel multi interpretes singularum linguarum (Ant. Plac. Itin. 37).
106
Voir supra p. 18.
107
Cf. respectivement Erotapokriseis, 55 et 228. S’adressant au deuxième correspondant, Barsanuphe lui
répond que la plupart des livres sont écris en grec et souligne l’utilité ascétique de la peine de l’apprentissage.
108
Ce point fait l’objet de la règle 14 du Typikon: “And since the destructive demons, on occasion of the
appointment of monastery leaders, are wont to cause dissensions and quarrels between the two nationalities, that
is, the Greek-speakers and the Syriac-speakers, in order to remove this stumbling block, we establish that from

23
sociales au niveau de la vie quotidienne. Qu’on pense à l’interrogation spirituelle au moyen
d’énigmes, à la manière de la tradition pachômienne, qu’un moine (encore une fois
vraisemblablement de provenance égyptienne) aimerait employer dans sa correspondance
avec Barsanuphe109, ou à l’organisation de la famille monastique de Paula à Bethléhem selon
le statut social d’appartenance des moniales110. D’ailleurs, ces monastères latins de l’antiquité
tardive comme le monastère franc du Mont des Oliviers au haut moyen âge ont toujours vécu
de façon plus ou moins indépendante dans le milieu liturgique et institutionnel de l’Église de
Jérusalem, du fait qu’ils ont toujours entretenu des relations étroites avec l’Occident111. Ces
rapports élargissent l’horizon relationnel des moines palestiniens, qui n’abandonnent jamais
complètement leurs liens avec la patrie d’origine. L’attachement de Pierre l’Ibère à la
mémoire de ses ayeuls géorgiens, qu’il célèbre à chaque année pendant le carême, encore
qu’il ait coupé sa correspondance avec la famille et se soit adonné à la pratique de l’exil
ascétique, n’en est peut-être que l’exemple le plus éclatant112. La dynamique de ces rapports
avec l’‘étranger’, pour ceux qui dans la Terre Sainte ont trouvé leur nouvelle ‘patrie’,
mériterait d’être fait l’objet d’une investigation plus poussée afin de mieux cerner la
quotidianité monastique avec son ‘coloris local’ palestinien.
Si une vie réglée de prière ainsi que l’accueil et l’hospitalité donnée aux pèlerins rythment
les journées des moines demeurant à Jérusalem ou auprès des autres Lieux Saints de la
Palestine, l’influence de ce modèle monastique rayonne largement aussi dans les monastères
autour de la Ville Sainte, sans exclure même ceux qui pratiquent l’anachorèse. On devrait ici
ouvrir le chapitre de la créativité liturgique qui s’exprime, par exemple, dans la très riche
production hymnographique et, grâce aussi au Typikon de Mar Saba, donne lieu à son
retentissement international dans les chrétientés du Proche-Orient, spécialement dans celle
géorgienne, ce qui indique à nouveau le poids des facteurs structurels dont j’essaie de rappeler
quelques effets113. Sur la même longueur d’ondes, nous devrions aborder à côté le chapitre de
la culture biblique et monastique chez les monastères de Palestine, dont la spécificité apparaît
à plusieurs reprises, en commençant par l’‘instruction’ scripturaire qu’Égérie a l’occasion
d’apprécier chez ses guides monastiques. En effet, il y a trop d’indices en ce sens pour ne pas
retenir cet autre aspect parmi les traits qui concourent à définir le ‘coloris local’ de la vie
quotidienne chez les moines de Palestine. Si, par exemple, la Chaîne palestinienne sur les
Psaumes peut être prise comme témoin du succés remporté par ce genre exégétique à l’origine
locale chez des milieux monastiques qui s’intéressent à la lecture de la Bible à la lumière de la
tradition patristique, au niveau plus simple de la vie monastique de tous les jours nous
n’avons pas mal de traces de la présence de livres et surtout du ‘Livre’ par excellence que sont
les Saintes Écritures114. Qu’il suffise de rappeler à nouveau la Vie de Sainte Synclétique, selon
laquelle cette femme anachorète aurait emporté avec elle dans sa fuite au désert du Jourdain

now on none of the Syrians will be appointed to the post of abbot (hJgouvmeno"), whereas for stewards
(oijkonovm oi), hostelers (doceiavrioi) and the other jobs we order and agree that Syrians shall be given
preference, because in their lands of origin people are more efficient and practical” (PATRICH 1995, p. 275).
109
Erotapokriseis, 132-137.
110
Voir GORDINI 1961. Comme le montre Pallade (Hist. Laus. 36, 7), même dans le monastère de Jérôme il y
avait des moines égyptiens, grecs et palestiniens.
111
Cf. GORDINI 1961 et BORGOLTE 1980.
112
V. Petr. Ib. 16 (6) et PERRONE 2008, p. 356-357.
113
MARTIN-H ISARD 2009, p. 674-688 résume de façon excellente l’histoire des développements liturgiques à
Jérusalem et dans les centres monastiques de la Palestine et du Sinaï ainsi que leur réception en Géorgie. Voir
aussi RENOUX 2000.
114
Sur les différentes composante de cette culture biblique et monastique en Palestine voir PERRONE 2001 et
2008a. Cf. aussi DETORAKI 2004.

24
une édition complète de la Bible115. C’est bien dans ce milieu nourri de la lecture et de la
méditation de la Bible, à laquelle se joignent dès la moitié du Ve siècle les traditions sur les
‘Paroles des Anciens’ ainsi qu’une nouvelle littérature monastique de plus en plus riche, que
se développent les débats doctrinaux qui ont marqué l’Église de Palestine, à partir de la
première crise origéniste jusqu’au conflit pour les images.
Sans prétendre que ces disputes aient toujours été le ‘pain quotidien’ des moines
palestiniens, ils étaient sans doute sensibles à elles: certes, avec une conscience et une urgence
qui varient en relation aux époques et aux termes de la discussion, mais non uniquement en
raison de leur proximité à Jérusalem, le siège d’un important patriarchat qui contribua à fixer
l’orthodoxie dogmatique. En réalité, les controverses doctrinales ont toujours vu en Palestine
la participation très active des moines et elles les ont rejoints même au milieu du désert, bien
qu’il ne manque jamais de points de vue s’opposant à tout engagement théologique et
dogmatique des moines. Ce penchant pour les disputes doctrinales, lui aussi à retenir comme
l’un des traits du ‘coloris local’, repose précisément sur l’activité intellectuelle des moines,
fût-elle plus ou moins développée et indépendante116. Cet ‘exercice intellectuel’ ou mieux
théologique, au sens large du mot, ne peut donc pas être exclu du monde de la ‘vie
quotidienne’. D’ailleurs il l’influence à plus d’un titre, étant donnée que l’appartenance à
l’‘orthodoxie’, professée mais aussi réfléchie et défendue, est jugée décisive pour le succès
des efforts ascétiques eux-mêmes117. En conclusion, à y bien regarder, même la ‘petite
histoire’ d’un simple moine comme Georges de Choziba et de tous les autres qui comme lui
s’adonnaient à la pratique de l’ascétisme, sans nourrir apparemment aucun intérêt pour les
questions théologiques118, n’est jamais restée hors de la portée de la ‘grande histoire’ –
politique, ecclésiastique et dogmatique – jusque dans leur quotidianité.

Lorenzo Perrone
“Alma Mater Studiorum” – Università di Bologna
Dipartimento di Filologia Classica e Medioevale
Via Zamboni 32, I – 40126 BOLOGNA
<lorenzo.perrone@unibo.it>

115
Cf. De Sybcl. 7 et FLUSIN–PARAMELLE 1982, qui voient dans les bibliva duvo pandevktia l’Ancien et le
Nouveau Testament.
116
HOMBERGEN 2001 a démontré cela en relation aux motifs de la seconde crise origéniste, qui déchira la
‘congrégation monastique’ de Sabas au VIe siècle.
117
Il influence d’ailleurs les modalités d’un facteur structurel comme les pèlerinages (cf. PERRONE 1998).
118
Cf. supra n. 47.

25
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