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Corrigé du sujet d’examen de NS au CRFPA 2022 : LA VULNERABILITÉ

La prise en compte de la dignité comme valeur nouvelle fondamentale conduit à faire émerger des individualités
particulières qui doivent bénéficier d'une protection spécifique ; ainsi en est-il de la personne vulnérable (doc.3). Or,
ces personnes n’étant pas en capacité d’exercer de manière effective l’ensemble de leurs droits, cela implique
l’intervention de tiers ou de mécanismes rognant leur autonomie juridique, au risque de le faire de manière
disproportionnée (doc.9 et 13). Ainsi, si le droit prend en compte, de manière croissante, la notion de vulnérabilité
(I), les régimes de protection mis en place connaissent des limites (II).

I)- La prise en compte croissante de la vulnérabilité


Si la notion de vulnérabilité est de plus en plus citée par le droit, elle souffre d’une absence de définition par le
législateur (A), qui privilégie une approche causale pour l’appliquer à un large panel de bénéficiaires (B).

A)- Une notion transversale


Les individus étant autonomes et libres, ils jouissent de droits fondamentaux, à portée supra-législative, qui sont
l’expression de leur dignité humaine et dont un état de vulnérabilité pourrait remettre en cause leur sauvegarde
Définition et
justifications (doc.9). La vulnérabilité a donc été définie par la doctrine comme l’état d’une personne qui, en raison de certaines
circonstances, ne peut, en droit ou en fait, jouir de l’autonomie suffisante pour exercer ses droits fondamentaux,
assurer sa défense ou accéder à la justice (doc.8 et 9).
En quelques années, la notion de vulnérabilité a profondément pénétré l’ordre juridique et la jurisprudence (doc.8).
En droit pénal, la vulnérabilité intervient autant comme une circonstance aggravante que comme un élément
constitutif (doc.3). Ainsi, si la notion constitue une circonstance aggravante en matière de violences, de viol ou de
harcèlement sexuel, elle est l’élément constitutif des infractions d’abus de faiblesse, d’abus frauduleux ou de
Occurrences en
droit violences habituelles contre les personnes vulnérables (doc.4 et 5). En matière de travail, le droit social interdit toute
discrimination envers un salarié à raison de sa particulière vulnérabilité économique (doc.2 et 3). Dans la mise en
œuvre des droits des demandeurs d’asile, la loi impose la prise en compte de la situation spécifique des personnes
vulnérables (doc.1). Enfin, et même s’il ne s’agit pas d’individus, la loi reconnaît également la vulnérabilité d’un espace
naturel (doc.7) ou la vulnérabilité d’une population en temps de guerre (doc.10).

B)- Une application extensive


La loi liste, de manière non exhaustive, les cas de vulnérabilité, en raison de leur cause (doc.8). Pour le droit pénal, la
vulnérabilité, assimilée à l’état de dépendance, est liée à un âge, une maladie, une déficience physique ou psychique ou
à un état de grossesse (doc.4 et 5). Le droit des étrangers ajoute à cette liste les victimes de faits traumatisants et les
Champ
parents isolés (doc.1). La cause est économique en droit de l’action sociale, où la notion de vulnérabilité remplace
d’application progressivement celles de pauvreté ou d’exclusion (doc.8). En matière d’urbanisme, c’est l’exposition au réchauffement
ratione causis climatique qui définira un milieu naturel comme vulnérable (doc.7). En droit civil, la vulnérabilité se détache
progressivement de l’incapacité, afin d’appréhender, au-delà des majeurs protégés, les personnes ne pouvant pas
exercer leurs droits du fait de leur santé, de leur âge ou de leur situation économique (doc.13). Néanmoins, le champ
d’application n’est pas illimité : les consommateurs et les salariés ne sauraient être assimilés à des personnes vulnérables,
car leur situation demeure normale, même s’ils représentent la partie faible de la relation contractuelle (doc.9).
Les mineurs, accompagnés ou non, sont considérés par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) comme
particulièrement vulnérables, du fait de leur âge et de leur absence d’autonomie (doc.14). Le droit pénal assimile
Cas des mineurs
systématiquement le mineur à une personne vulnérable, incriminant les atteintes à son intégrité physique et sa
dignité ou en les réprimant plus sévèrement (doc.3 et 5). De même, le droit civil considère par principe les enfants
comme vulnérables, du fait de leur incapacité à accomplir seuls les actes de la vie civile (doc.8).
L’introduction d’une conception large de la vulnérabilité est le signe d’une extension et d’une diversification des
dispositifs de protection (II).

© Julien BENOIT 2022


II)- La protection ambivalente des personnes vulnérables
Si le droit protège principalement la personne vulnérable contre les autres et le risque d’abus à son encontre (A),
il protège également la personne contre elle-même, lorsque son consentement n’est plus garanti (B).

A)- La protection contre les autres


Depuis 2003, le droit pénal punit spécifiquement le recours à la prostitution d’une personne vulnérable et a fait
disparaitre le critère de l’abus dans le délit de soumission d’une personne vulnérable à des conditions contraires à la dignité
humaine (doc.3). De même, il réprime plus sévèrement, depuis 2006, l’exploitation d’images pédopornographiques
(doc.3). La CEDH ayant condamné la France au motif que la servitude et l’esclavage n’étaient pas en tant que tels
Lutte contre les réprimés, le législateur a introduit en 2013, d’une part, un délit de travail forcé sur personne vulnérable et, d’autre
abus
part, un crime de réduction en esclavage puni de 20 ans de réclusion criminelle (doc.3). La sanction du viol est
également portée à 20 ans lorsque la victime est une personne vulnérable (doc.4). Par ailleurs, la réforme de 2016 du
droit des obligations a élargi la violence à tout abus de dépendance, marquant une rupture avec la jurisprudence qui se
limitait à la seule violence économique (doc.12). En outre, la CEDH impose qu’un mineur, même accompagné, doit
toujours profiter de conditions d’accueil adaptées, ce que ne constitue pas un centre de rétention (doc.14).
Toutefois, la protection peut se heurter à l’identification de la vulnérabilité, le droit pénal et le droit social posant la
Limite de la condition que l’état de vulnérabilité doit être apparent ou connu de l’auteur du délit ou de la discrimination (doc.2 et
révélation de la
vulnérabilité 4). En droit des étrangers, la possibilité d’obtenir des modalités d’examen plus favorables par l’Office français de
protection des réfugiés et apatrides dépendra du contenu de l’évaluation sociale menée par les services de l’État et
des éléments apportées au dossier par l’intéressé (doc.1).

B)- La protection contre soi-même


La vulnérabilité des personnes contraint leur choix et justifie de veiller à la réalité de leur consentement (doc.13). À
ce titre, le législateur encadre strictement le prélèvement d’organe impliquant un mineur ou un majeur protégé,
Protection du présumant un consentement non éclairé, contraire au droit à disposer de son corps (doc.3). De même, le droit civil
consentement offre aux incapables majeurs, du fait d’une altération cognitive durable, un régime protecteur de recueillement du
consentement et de représentation pour leurs actes (doc.13). Souhaitant limiter les produits financiers inadaptés aux
personnes âgées, une autorité financière préconise la formation des conseillers, la création d’un « référent
vulnérabilité » au sein des établissements et la publication de bonnes pratiques (doc.11).
Toutefois, afin de garantir la liberté de choix de la personne vulnérable, la Cour de cassation rappelle avec constance
qu’il appartient aux juges du fond de vérifier, d’une part, l’altération des facultés et, d’autre part, la mise en œuvre des
principes de nécessité, de subsidiarité, de proportionnalité et d’individualisation des mesures de protection (doc.13).
Si la protection des personnes vulnérables contre la captation de leurs biens constitue un intérêt général justifiant une
Contrôle de atteinte au droit de propriété, le juge constitutionnel invalide néanmoins tout dispositif visant généralement des
l’autonomie
réelle
personnes âgées, alors que toutes ne sont pas dans une situation de fragilité mentale (doc.6). De même, il serait
discriminant d’interdire certains produits financiers à partir d’un âge, ce critère non suffisant ne présumant pas de
l’autonomie décisionnelle (doc.11). Abandonnant la binarité de l’incapacité civile, une loi de 2007 a instauré un
système de consentement « gradué » isolant notamment des actes liés à la parentalité, qui implique toujours un
consentement personnel, sans système de représentation (doc.13).

Découpage alternatif pour le II


A)- L’étendue de la protection (IIA1°+IIB1°)
B)- Les limites de la protection (IIA2°+IIB2°)

© Julien BENOIT 2022

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