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Hedja SOUFFOU

Bachelor 3

“La notion de groupe en droit pénal”

“La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires.”

Article 8 de la déclaration des droits de l’hommes et du citoyen, fondement du principe de


la personnalisation de la peine.

En droit pénal l’individualité des personnes prend une place prépondérante. En effet, il est
admis selon le principe de la personnalisation de la peine découlant de l’article 8 de la
DDHC, que le juge se doit d’attribuer une peine en tenant compte uniquement de la
personnalité de l’auteur, de sa situation et de la nature de l’infraction qu’il a commise. Ce
principe a pour conséquence de complètement rejeter l’idée qu’il puisse exister une
responsabilité collective ou une responsabilité pour le fait d’autrui comme ça peut être le
cas en droit civil, le juge est donc tenu de rendre un jugement et une peine individuelle
même lorsque plusieurs personnes ont participé à la réalisation de l’infraction.
Cette conception autour de l’individu s’est heurtée au fil du temps à la montée de la
criminalité organisée devenue de plus en plus complexe à appréhender et faisant toujours
plus de victimes. Face à ces nouvelles problématiques, le législateur fut contraint de prendre
des dispositions afin de couvrir les manquements que comprenait l’ancienne loi. Ainsi, avec
l’instauration du nouveau code pénale en 1994, la notion de groupe prit une lecture plus
complexe et multifacette.

Tout au long de ce travail nous nous aurons une réflexion sur comment le droit pénal
envisage-t-il le groupe ? Afin de répondre à cette question nous étudierons la notion de
groupe selon que l’on soit auteur (I) ou victime d’une infraction (II).

I/ La notion de groupe en tant qu’auteur d’une infraction


Pour ce qui est de l’auteur, le droit pénal distingue deux situations : les infractions commises
à plusieurs (a) et les infractions nécessitant d’être commises par un groupe pour être
qualifiées (b)
a) Les infractions commises à plusieurs
Le droit pénal prévoit trois cas de figure lorsque l’on vient à parler d’une infraction commise
à plusieurs : celle ou les personnes sont co-auteurs, celle où il y’a des auteurs et des
complices ainsi que celle ou les personnes agissent pour le compte d’une entité morale.
Pour être désigné en tant que coauteur d’une infraction, chacune des personnes impliquées
doit avoir accompli volontairement les actes constitutifs de ladite infraction. Cette
qualification de coauteur est celle par défaut lorsque la justice n’est pas en mesure de
trancher clairement sur le degré de participation des membres du groupe (cass crim 12
janvier 2010). Si les coauteurs sont chacun responsable à parts égales dans la réalisation de
l’infraction, l’individualisation de la peine fait que seule leur responsabilité pénale
personnelle est engagée, ainsi les membres encourront à des peines similaires mais si l’un
d’entre eux s’avérerait non coupable pour x raison, cette non-culpabilité ne pourrait
s’étendre automatiquement au reste du groupe. La complicité diffère de la coaction au sens
où le complice ne réalisera aucun élément constitutif mais aura volontairement en
connaissance de cause aidé d’une quelconque manière à la commission de l’infraction, en
apportant des informations ou en fournissant du matériel par exemple. Elle a pour
conséquence que pour être retenu une infraction principale doit avoir eu lieu pour laquelle
un auteur doit avoir été reconnu coupable peu importe si par la suite, il est déclaré
irresponsable. Dans les textes (article 121-7 du code pénal) la complicité est sanctionnée au
même titre que l’infraction principale mais dans les faits le complice aura tendance à écoper
d’une sanction moindre contrairement à l’auteur. Enfin, pour ce qui est des infractions
commises pour le compte de personnes morales, le droit pénal prévoit des peines
sanctionnant la personne morale elle-même peu importe si dans les faits plusieurs
personnes ont participé à l’infraction. Cette conception d’une responsabilité pénale de la
personne morale est une création nouvelle et dénote complètement de la perception des
infractions commise à plusieurs par des personnes physiques.

b) Les infractions nécessitant un groupe pour être qualifiée

En droit pénal, le fait d’être en groupe lorsque l’on commet une infraction sera la plupart du
temps une circonstance aggravante mais peut aussi constituer une infraction autonome. Les
circonstances aggravantes nommées par le code pénal sont les cas d’infractions commises
en réunion et en bande organisée. La différence entre les deux est que la réunion présente
un caractère fortuit dans le rassemblement des auteurs de l’infraction tandis que la bande
organisée (définie à l’article 132-71 du code pénal) suppose non seulement que les auteurs
se soient préparés en groupe à la réalisation d’une infraction mais aussi qu’ils aient une
structuration ainsi qu’une hiérarchisation claire (cass. Crim 4 novembre 2004). Dans certains
cas le simple fait de se réunir en groupe pourra constituer une infraction, il s’agit de
l’association de malfaiteurs. L’association de malfaiteurs est définie dans l’article 450-1 du
code pénal comme “tout groupement formé ou entente établie en vue de la préparation,
caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un ou plusieurs crimes ou d'un ou
plusieurs délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement”. L’objectif du législateur était
donc de prévenir la commission en groupe d’infractions graves mais depuis sa promulgation,
elle fait l’objet de beaucoup de critiques de la part de la doctrine pour sa répression de la
liberté de réunion, sa constatation très large en raison de la difficulté de pouvoir déterminer
si les auteurs préparaient effectivement un délit et enfin depuis que la Cour de cassation a
estimé qu’elle était cumulable à une autre infraction commise en bande organisée. (cass
crim 9 juin 2022)

Ainsi, cette première partie a mis en lumière comment le groupe auteur d’une infraction
selon sa structure et la participation de ses membres peut avoir une influence sur la nature
voire même la gravité de l’infraction. Nous allons désormais observer le cas du groupe
victime d’infraction et plus précisément l’importance que le droit pénal peut leur accorder.

II/ La notion de groupe en tant que victimes d’une infraction

Cette seconde partie sera centrée autour des moyens de protections des groupes de
victimes en droit pénal (a) et nous aborderons aussi la question de la représentation
collective (b)

a) Les moyens de protections des groupes de victimes en droit pénal

En plus du fait qu’un nombre élevé de victimes pour une même infraction aura pour
conséquences une sanction plus lourde, il existe aussi une autre situation dans laquelle le
droit pénal accordera de l’importance aux groupes de victimes : celle où il voudra les
protéger. L'on retrouve ainsi l’existence d’infractions n’affectant qu’un groupe de victimes
précises comme celles relatives aux mineurs telle que le détournement (article 227-8) ou
celles portant sur les minorités telles que l’incitation à la haine ou l’injure raciste (articles
r625 et r625-8-1). Ce type d’infractions pensées comme des moyens de protéger des
groupes spécifiques, permettent à ce que des associations défendant l’intérêt de ces
groupes puissent se constituer partie civile afin d’assister les victimes dans leur procédure.
Enfin notons aussi la présence d’infractions caractérisées par le fait que les victimes doivent
nécessairement être un groupe de personne, ce seront tous les crimes contre l’humanité
comme le génocide cité à l’article 211-1 du code pénal par exemple.

b) La représentation collective
A l’heure actuelle le droit pénal ne prévoit pas d’actions collectives en justice particulières
pour les groupes de victimes. La coutume admet qu’elles ont la possibilité de déposer une
plainte commune avec constitution de partie civile pour obtenir réparation, cependant cette
méthode comporte des défauts étant donné qu’elle mène à autant de procédures que de
demandeurs et un nombre élevé de procédures donnera potentiellement lieu à beaucoup
de jurisprudences différentes. Face à ces problèmes, de nombreux juristes estiment que
l’élargissement des actions de groupe au droit pénal pourrait être une solution. L’action de
groupe est une procédure de poursuite collective permettant à un groupe de victimes d’un
même préjudice, causée par une entreprise ou une personne, de s’unir afin d’agir en justice
par le biais d’une association agrée. Elle a été instaurée en 2014 et n’était à l’origine
applicable que dans le domaine de la consommation avant de s’élargir aux domaines de la
santé, de l’environnement, de la discrimination au travail, de l’immobilier et en matière
administrative. Cette procédure inspirée de la “class action” américaine, fut favorablement
accueillie car elle permettait de donner du poids aux victimes qui n’oseraient pas en temps
normal agir en justice de peur de voir leur demande se faire rejetée en plus de faciliter les
choses en regroupant l’ensemble des réclamations en un dossier et en ayant besoin que
d’un avocat. Si aujourd’hui malgré les côtés pratiques qu’elle propose, l’action de groupe
reste peu utilisée en raison des nombreuses contraintes qu’elle possède, cela pourrait
changer grâce à une proposition de loi du 15 décembre 2022 visant à étendre son champ
d’action et à augmenter son accessibilité.

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