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Université Paris 8

Institut d'Enseignement à Distance

Handicap, Santé, Environnement

Dossier de validation – Session 1


Année 2023/2024

Sujet #1 : Le rétablissement en santé mentale :


Révolution ou évolution de la perception des troubles en
santé mentale ?

Étudiante : Sara Jebira


Le concept de rétablissement en santé mentale apparaît progressivement; d’abord aux
États-Unis il y a 50 ans, puis en France. Tel “un processus profondément personnel et singulier de
transformation [...]”, le rétablissement est “une façon de vivre une vie satisfaisante, prometteuse et
utile, en dépit des limites causées par la maladie” (Anthony, 1993; trad. Pachoud, 2018). En se
détachant du statut déficitaire de la “maladie mentale” enraciné dans une conception médicale
classique (Pachoud, 2018), le rétablissement ouvre-t-il vers une évolution ou une révolution de la
perception des troubles psychiques ?

Tels des “invalides passifs”, les usagers de la psychiatrie sont enfermés au sein d’un système
impersonnel et infantilisant, qui réduit leur identité à leur maladie (“les borderlines”) et les
destituent de tout pouvoir de décision sur leur traitement et leur avenir, alors dans les mains du
corps médical (Davidson et al., 2012). Avec un objectif de guérison, synonyme de disparition des
troubles, l’institution fait le choix de l’évolution de la maladie au détriment de celui de la personne.
Le rétablissement se distancie nettement de cette perception médicale et psychiatrique et
centre son approche sur l’individu. Inscrite dans une démarche accompagnant/accompagné, la
personne est aidée par ses proches, mais également par ses pairs qui, ayant vécu des expériences
similaires, peuvent apporter un soutien authentique. Au sein de réseaux de pair-aidance, tels que les
Groupes d’Entraide Mutuelle (GEM), on en parle parce qu’on le vit. L’expérience est alors source
d'expertise et son partage promet l’entraide, la reconnaissance et l’espoir (Boevink, 2012). Guidée
pour (re)prendre confiance en elle, la personne fait d’abord le choix de son identité et s’engage dans
un processus actif de réappropriation de son pouvoir d’agir et de décider (Koenig et al., 2014;
Pachoud, 2012b). En récupérant le contrôle sur sa vie, son histoire et ses choix, elle “s’empower”
(s’autonomise) et apprend à composer au quotidien avec sa maladie. L’évolution des troubles ne se
base plus sur des critères symptomatiques, mais sur des critères expérientiels, gage de retour à la
vie active (Pachoud, 2012b).
Le rétablissement remet en question les “normes sociales rigides” de la perception médicale
du trouble psychique soutenant l’acculturation et l’affranchissement de tout symptôme, perçu
comme différenciant et donc négatif, pour être réintégré à la société (Davidson et al., 2012). En
favorisant l’inclusion de chaque personne avec ses troubles psychiques, tel un citoyen singulier, le
rétablissement joue ainsi un rôle crucial dans la déstigmatisation des troubles psychiques en
permettant à la différence de s'inscrire dans une nouvelle normalité.

Bien que son application se heurte encore à des réticences des institutions, considérées
encore comme une tradition à conserver (Pachoud, 2012a), et à une stigmatisation sous-jacente
nourrie par l’étiquette “handicap” (Marcellini, 2019), le rétablissement est une révolution de la
perception des troubles en santé mentale. Il rompt avec la conception classique psychiatrique qui
a, dès le début, conditionné la personne à une vie isolée et dépendante en passant du statut “dément”
à “usager-acteur-citoyen” (Koenig et al., 2014). Ainsi, le rétablissement ouvre la voie à de nouvelles
politiques en santé mentale priorisant le réengagement des personnes dans une vie sociale et active
choisie (Pachoud, 2018).

515 mots
Bibliographie

Anthony, W. A. (1993). Recovery from mental illness : The guiding vision of the mental health

service system in the 1990s. Psychosocial Rehabilitation Journal, 16(4), 11‑23.

https://doi.org/10.1037/h0095655

Boevink, W. (2012). 5. L’expertise d’expérience des usagers de la psychiatrie. In Pour des usagers

de la psychiatrie acteurs de leur propre vie (p. 85‑102). Érès.

https://doi.org/10.3917/eres.jouet.2012.01.0085

Davidson, L., Flanagan, E., & Styron, T. (2012). 8. Des politiques en faveur de l’inclusion sociale.

In Pour des usagers de la psychiatrie acteurs de leur propre vie (p. 131‑151). Érès.

https://doi.org/10.3917/eres.jouet.2012.01.0131

Koenig, M., Castillo, M.-C., Plagnol, A., Marsili, M., Miraglia, S., & Bouleau, J.-H. (2014). De la

détérioration au rétablissement dans la schizophrénie : Histoire d’un changement de

paradigme. PSN, 12(4), 7‑27.

Marcellini, A. (2019). Production, re-production et déconstruction du handicap et de la normalité

dans la modernité tardive. In Repenser la normalité. Perspectives critiques sur le handicap.

Le Bord de l’eau. https://serval.unil.ch/notice/serval:BIB_77D62CC67A8A

Pachoud, B. (2012a). Se rétablir de la maladie mentale. Santé Mentale, 166, 24‑30.

Pachoud, B. (2012b). Se rétablir de troubles psychiatriques : Un changement de regard sur le

devenir des personnes. L’information psychiatrique, 88(4), 257‑266.

Pachoud, B. (2018). La perspective du rétablissement : Un tournant paradigmatique en santé

mentale. Les Cahiers du Centre Georges Canguilhem, 7(1), 165‑180.

https://doi.org/10.3917/ccgc.007.0165

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