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Handicap, Santé et Environnement

DN35EN01

Cours de Licence de Psychologie


3ème année

Rédacteur : Benoît Burg


Version 3 – 09 septembre 2022
Table des matières
INTRODUCTION :..............................................................................................................................3
1 - Schizophrénie, maladie mentale et handicap : une approche critique.............................................6
1.1 - Une conception déficitaire de la schizophrénie.......................................................................6
1.2 - Une évolution positive avérée.................................................................................................7
1.3 - Remise en question du concept de Schizophrénie...................................................................8
1.3.1 - Faible fidélité et caractère disjonctif du concept.............................................................8
1.3.2 - Faible validité du concept................................................................................................9
1.3.3 - Le déséquilibre chimique : une théorie infondée...........................................................10
1.3.4 - La schizophrénie : une idée reçue..................................................................................12
1.4 - Déconstruire la notion de handicap et ouvrir vers une nouvelle humanité...........................13
1.4.1 - Les conceptions médicales et sociales du handicap.......................................................13
1.4.2 - L'approche critique du handicap....................................................................................15
1.4.2.1 - La reproduction du handicap..................................................................................15
1.4.2.2 – Déconstruction : multiplication des incapacités et reconceptualisation du couple
dépendance/autonomie.........................................................................................................16
2 - Les concepts ouvrant à de nouvelles pratiques.............................................................................19
2.1 - Le rétablissement...................................................................................................................19
2.2 - L'empowerment.....................................................................................................................21
2.3 - L'expertise d'expérience........................................................................................................23
2.4 - L'inclusion.............................................................................................................................26
3 - Quelle traduction dans la pratique ?..............................................................................................28
3.1 - La formulation comme alternative au diagnostic.................................................................28
3.1.1 - Exemple de formulation de développement des difficultés...........................................30
3.1.2 - Exemple de formulation de maintien des difficultés.....................................................32
Conclusion ?.......................................................................................................................................35
Lectures et ressources conseillées :...............................................................................................37
RÉFÉRENCES...................................................................................................................................38
INTRODUCTION :
On remarquera aisément que les recommandations et les injonctions de santé saturent l'espace

public : éviter de grignoter entre les repas, à consommer avec modération, fumer tue, manger

bouger, zéro alcool pendant la grossesse, lavez-vous les mains fréquemment... ; on admettra aussi

facilement la santé comme référentiel et/ou aspiration individuelle incontournable (qui dirait ne pas

valoriser sa santé?) ; pourtant, même dans cette culture du risque qui caractériserait notre époque et

« qui exhorte chaque individu à devenir autonome et responsable » (Perretti-Wattel, 2013, p. 30)

l'homme ne se laisse pas circonscrire à un homo medicus doté d'une rationalité instrumentale et

d’une forte préférence pour sa santé future. Il apparaît bien souvent plus raisonnant que rationnel,

c'est à dire qu'il modifiera plus aisément ses croyances pour les adapter à ses actes qu'il ne

modifiera ses actes pour les mettre en conformité avec ses croyances. Perretti-Wattel et Moatti

(2009, p. 52) mettent alors en garde contre les abus de cette aspiration sociétale qu'ils nomment le

culte de la santé et les effets pervers structuraux de la prévention que sont la stigmatisation, le

conservatisme moral et la cristallisation d'enjeux commerciaux. Hours (2004) soutient quant à lui

que la santé occuperait aujourd'hui « la place centrale avant-hier dévolue aux religions du salut ».

C'est dire la prégnance et l'ubiquité de cette notion de santé qui est difficile à penser avec rigueur,

dont la définition reste imprécise et sur laquelle pèse toujours un soupçon politique (François, 2017,

p. 10-14).

Cette notion de santé va de pair avec celle de maladie qui ne s'est pas plus révélée être un objet fixe

de l'histoire naturelle (Bachand, 2012, p. 154). En effet,

« il n'y a pas de principe théorique qui permettrait de désigner les conditions nécessaires

et suffisantes pour caractériser un état comme maladie. [...] La maladie physique ne

constitue pas [...] une entité objective et indépendante de toute conception que nous

nous faisons de l'état désirable d'un être humain [… et ] la maladie mentale implique des

jugements moraux » (Bachand, p. 153-155).

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Dans le même sens Goffi (2016) argumente que la maladie est avant tout « le déploiement de

puissances parfaitement indifférentes à ce bien qu'est la santé ou à ce mal qu'est la maladie » et que

toute catégorisation est un acte social. Il rappelle que sans vignerons ou arboriculteurs le mildiou et

la moniliose, respectivement maladie de la vigne et des arbres fruitiers, ne seraient « que des

processus naturels affectant les plantes ». Pareillement pour les handicaps ou les pathologies

affectant les êtres humains : s’il est possible de constater des écarts par rapport à des normes,

qu'elles soient biologiques ou non, « décider qu'il s'agit là de conditions relevant de la médecine

plutôt que des secours de la religion, de l'exhortation morale ou de la réforme sociale (voire de la

révolution !) est précisément cela : une décision » (Goffi).

Le découpage de la réalité, entre ce qui est maladie et ce qui ne l'est pas, n'est pas un découpage

naturel mais un découpage historique et construit qui remplit un certain nombre de fonctions

sociales, politiques et économiques (Pierret, 1991, p. 225). Ce lien fonctionnel apparaît clairement

pour la santé mentale, qui, dès le début de son apparition, quand elle vient remplacer les notions

d'hygiène et de prophylaxie mentale, est une catégorie intimement liée aux politiques publiques

(Doron, 2015).

Aujourd'hui, dans un contexte où les maladies chroniques représentent la principale cause de décès

dans le monde (OMS, n.d.-a) et où la catégorie du handicap s'étend par la multiplication des

personnes ayant des incapacités (Marcellini, 2018) les définitions extensives de la santé, c'est-à-dire

celles qui ne se limitent pas à une absence de maladie, ou au silence des organes, mais intègrent la

qualité de vie, soutiennent cette dimension éminemment politique des questions de santé. Trépied

(2014) met ainsi en avant la médicalisation pour souffrance psychique des comportements déviants

des résidents en Ehpad et Doron (2015) soutient que l’« une des fonctions essentielles de la santé

mentale est de convertir de potentiels conflits sociaux […] en conflits « intrapsychiques »

individuels, ou interrelationnels entre individus, qu’il faut « résoudre de manière harmonieuse ».

La santé est autant un enjeu personnel que public et définir et contrôler la santé ou la maladie c'est

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définir et contrôler les hommes et la société dans laquelle ils vivent. À l’inverse, ne pas être soumis

au point de vue d'autrui quant à la définition de ce qui peut nous troubler et nous faire souffrir, être

réellement acteur de sa santé c’est reprendre le pouvoir d’agir, de vivre et de décider de la vie qu’on

souhaite mener.

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1 - Schizophrénie, maladie mentale et handicap : une
approche critique
1.1 - Une conception déficitaire de la schizophrénie
Dans le contexte des théories de la dégénérescence du 19ème siècle Kraepelin (1919) élabore, par le

biais des différentes éditions de sa nosographie entre 1883 et 1899, le terme de « démence précoce »

pour décrire un tableau déficitaire apparaissant chez le jeune adulte. Il y regroupe dans une même

entité nosographique l'hébéphrénie de Hecker (folie de la jeunesse – maladie survenant après la

puberté), la catatonie de Kahlbaum (folie musculaire, folie de tension caractérisée par un figement

généralisé) et la démence paranoïde qu'il a lui-même décrite en 1893 (Torris, s.d.). Le concept a

d’emblée été l'objet de critiques mais, malgré ses faiblesses conceptuelles, il a emporté une forte

adhésion, probablement du fait de la finesse des descriptions sémiologiques de Kraepelin ainsi que

du fait de la solidité du reste de son édifice nosographique (Bottéro, 2011).

La démence précoce se caractérise, selon Kraepelin (1919), par son incurabilité et son inéluctable

détérioration. Cette vision déficitaire du trouble a tôt été remise en cause par Bleuler qui en 1908

introduit le terme de « schizophrénie » pour décrire un groupe de pathologies à l'évolution

hétérogène au sein desquelles il inclut la démence précoce. Il s’agissait pour Bleuler de montrer, et

de faire admettre par les « aliénistes » contemporains, que la « démence précoce » de Kraepelin

n’était pas une démence, que son évolution n’était pas inéluctablement celle d’une déchéance

intellectuelle et affective progressive et irrémédiable. Défendre une telle position fut à la fois lucide

et courageux en son temps mais même un chercheur qui innove radicalement ne saurait échapper

entièrement au paradigme scientifique qui domine. Bleuler ne devait pas déroger à la règle et il

conserva l’impossibilité de guérir comme marque distinctive de la schizophrénie (Bottéro, 2008).

Plus tardivement, Henri Ey (1955/1996) évoquera la rémission comme évolution possible de la

schizophrénie. Aujourd'hui cette possibilité évolutive n'est cependant mentionnée que prudemment

par le DSM-IV-TR (American Psychiatric Association, 2003, p. 356) : « une rémission complète

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(c’est-à-dire un retour complet à un fonctionnement prémorbide) n’est probablement pas courante

dans ce trouble ». On observe également un regain des théorisations dégénératives (Azorin et al.,

2006) et il apparaît ainsi que la vision déficitaire reste populaire auprès des professionnels.

1.2 - Une évolution positive avérée


À rebours de la conception déficitaire de la schizophrénie, l'évolution positive de la schizophrénie

est avérée par nombre de recherches scientifiques et témoignages individuels.

Ainsi dès 1980, Huber et al. indiquent que sur une cohorte de 502 patients diagnostiqués

schizophrènes entre 1945 et 1959 le pronostic et l'évolution individuelle ne sont en aucun cas

certains. 65 % des personnes diagnostiquées font état de rémission quand 35 % présentent une

évolution déficitaire. Les deux groupes ne sont pas a priori différenciables sur la base de la

symptomatologie.

En 2007, sur une cohorte de 6865 sujets, représentant toutes les premières admissions de personnes

diagnostiquées schizophrènes entre 1978 et 1986 en Israel, Rabinowitz et al. observent qu'une

majorité de 75 % des patients voient leur état s'améliorer et une minorité se détériorer.

En 2011, sur une cohorte de 2290 sujets, Levine et al. identifient 4 groupes se différenciant

significativement sur l'âge d'apparition des troubles, les conditions ethniques et socio- économiques

des sujets et sur les conditions familiales des sujets. En dépit de ces différences les quatre groupes

connaissent la même évolution constituée d'une détérioration initiale suivie dans tous les cas d'une

amélioration.

Des témoignages individuels de plus en plus nombreux viennent également habiller ces données

chiffrées de la réalité du rétablissement (voir 2.1 Rétablissement).

1.3 - Remise en question du concept de Schizophrénie

1.3.1 - Faible fidélité et caractère disjonctif du concept

En psychométrie, la fidélité ou fiabilité (reliability en anglais) est la capacité d'un test à mesurer son

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objet de manière cohérente et sans erreur trop importantes. La fidélité est l'idée que tout résultat ou

toute découverte doit être reproductible. Si on parvient à construire un test fiable alors on admettra

que le concept mesuré, bien que non concret, correspond à une réalité. Si au contraire on ne parvient

pas à un test fiable cela indiquera soit que le test est mal construit soit que le concept que l'on tente

de mesurer ne correspond pas à une catégorie correctement définie. Dit autrement on ne sait alors

pas vraiment ce que l'on mesure, il n'y a pas d'objectivité à ce que l'on mesure.

Read (2013) indique comment dès sa conception le concept de schizophrénie n'a jamais fait preuve

d'une fiabilité satisfaisante. L'expérience la plus emblématique faisant état d'un manque de fidélité

inter-juges est peut-être celle menée début des années 1970 entre le Royaume-Uni et les États-Unis

(Copeland, Cooper, Kendell, et Gourlay, 1971; Kendell et al., 1971; United Kingdom Cross-

National Project, 1974). Les mêmes vidéos de patients ont été présentées à des cliniciens américains

et anglais et on leur a demandé de poser un diagnostic. Il a été observé que les diagnostics portés

par les psychiatres différaient pour un même cas. Les psychiatres américains diagnostiquaient deux

fois plus de schizophrénie que les psychiatres anglais.

Cela a mené à de nombreuses tentatives infructueuses de redéfinition du concept. Read (2013)

relève que l'introduction du DSM-III en 1980 indiquait encore que les critères diagnostiques étaient,

en dépit d'intense recherche et testing, toujours peu clairs, inconsistants voire contradictoires. La

situation n'a pas changé avec les éditions suivantes du manuel.

Tel que défini par le DSM, le concept de schizophrénie un concept rendu trop diffus et inutilisable

de par son caractère disjonctif. Un concept disjonctif est un concept basé sur un ensemble d'attributs

où chacun des attributs n'est pas nécessaire dans chaque cas. Ainsi il est possible de faire rentrer

dans la même catégorie de schizophrénie des personnes qui ne présente aucun symptôme commun.

Le DSM-5 a tenté de réduire ce caractère disjonctif mais Read (2013) indique qu'il a toujours 12

possibilités de diagnostiquer une schizophrénie sans que les personnes n'aient de symptômes

communs.

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Cette hétérogénéité des critères de la schizophrénie est aussi relevée par Poland (2006). Dit

simplement, il n'existe aucun accord scientifiquement valable quant à qui serait atteint de

schizophrénie.

1.3.2 - Faible validité du concept

Dans cette situation d'absence de fiabilité Read (2013) rappelle que parler de validité n'a aucun sens

et la question pourrait être écarté d'emblée. Si l'on explore néanmoins les éléments constitutifs de la

validité que sont la validité de construit et la validité critérielle, on observe pareillement que ceux-ci

ne répondent pas aux exigences de base d'une démarche scientifique.

La validité de construit : pour l'établir il faudrait pouvoir regrouper entre elles des caractéristiques

critérielles. Cela signifie établir un syndrome, un ensemble de symptômes positivement corrélés. Or

Poland (2006, p.103) autant que Read (2013) indiquent qu'il n'existe pas d'ensemble de

comportements et d'expériences schizophréniques qui se produisent ensemble et qui ne se

produiraient pas dans d'autres troubles psychiatriques.

Poland indique de plus qu'il n'existe pas non plus de cadre théorique supporté empiriquement où la

schizophrénie soit bien définie. Même le modèle neuro-developpemental n'a pas non plus de

support empirique et reste plutôt spéculatif dans son état actuel (Poland, 2006, p. 104).

Sur la validité critérielle ou la valeur prédictive du concept de schizophrénie : si le concept de

schizophrénie avait une bonne validité critérielle, le diagnostic de schizophrénie (sur lequel on vient

de voir que les cliniciens ne parvienne pas à s'accorder) devrait permettre de faire de bon pronostic

quant à l'évolution des personnes. Or ce n'est pas le cas. Selon Read (2013) les meilleurs critères

pronostiques sont les facteurs psychosociaux et non le diagnostic. Ciompi (1980, p. 420, traduction

de l'auteur) soutient également que « l 'évolution de la schizophrénie ressemble davantage à un

processus de vie ouvert a une grande variété d'influence de toutes sortes qu'à une maladie avec un

cours déterminé ».

Si néanmoins le concept de schizophrénie (ou le spectre de la schizophrénie) peut sembler

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conserver une valeur prédictive, c'est en raison du caractère vague et disjonctif des prévisions à

l'instar des astrologues qui peuvent acquérir un certain pouvoir prédictif sur le futur à condition que

leurs prévisions soient suffisamment disjonctives ou vagues (Poland, 2006).

La schizophrénie n'a pas de bonne validité critérielle et ne peut pas être associé à une évolution

déterminée. L'IsoS (International Study of Schizophrenia, Etude internationale de la schizophrénie,

coordonnée par l'OMS) a tenu à le rappeler :

Parce que les attentes peuvent être un facteur si puissant dans le rétablissement, les

patients, les familles et les cliniciens ont besoin de l’entendre... L’ISoS se joint à

d’autres pour délester les patients, les soignants et les cliniciens du paradigme de la

chronicité qui a dominé la pensée pendant une grande partie du 20e siècle (Harrison et

al., 2001, p. 515, traduction de l'auteur).

« En définitive le concept de schizophrénie ne peut pas être considéré comme une construction

scientifique bien définie ce qui soulève de sérieux doutes quant à la crédibilité scientifique de toute

forme de recherche sur la schizophrénie » (Poland, 2006, p. 104).

1.3.3 - Le déséquilibre chimique : une théorie infondée

Le déséquilibre chimique est une explication courante et séduisante pour nombre de troubles

mentaux. Elle est largement répandue au sein des professionnel de santé mentale alors qu'il n'existe

aucune preuve scientifique et/ou expérimentale que ce soit là la cause initiale des troubles mentaux.

Moncrieff (2018a) rappelle ainsi qu'aucune recherche n'a jamais établi qu'un état cérébral particulier

cause, ou même est corrélé, avec la dépression.

Il n'existe pas non plus de test biologique permettant d'établir un diagnostic de trouble psychique

contrairement à des pathologies comme le diabète qui est objectivable par une hyperglycémie

supérieure à 1,26 g/l à jeun ou supérieure à 2g/l à n'importe quel moment de la journée (Fédération

Française des diabétiques, s.d.)

Il est aussi paradoxal d'avancer une étiologie organique alors que dans la définition même d'un

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trouble psychique se trouve l'exclusion de toute atteinte organique. Ainsi le critère « E » de la

Schizophrénie dans le DSM 5 (APA, 2015) stipule : « la perturbation n'est pas imputable aux effets

physiologiques d'une substance (par exemple, une drogue d'abus, un médicament) ou à une autre

condition médicale ». Si les perturbations sont de nature biologique cela annihile la notion même de

maladie mentale (Bachand, 2012). Si un trouble psychique peut s'expliquer par une anomalie

biologique comme « une anomalie du cerveau, elle sort du champ de la maladie mentale pour

rejoindre celui de la maladie physique » (Bachand, p. 17). Historiquement c'est ce qui a été le cas

pour la paralysie générale qui

« pouvait être accompagnée de symptômes tels qu'une détérioration intellectuelle, de

troubles de l'humeur (dépression ou hyperactivité désordonnée) et par des idées

délirantes (délires de grandeur ou de puissance). Elle était traditionnellement expliquée

par des habitudes immorales et non par un dérèglement biologique. En fait, la paralysie

générale est une inflammation diffuse du cerveau provoquée par la syphilis. L'origine

syphilitique de la maladie est suspectée dès 1879 et confirmée en 1913. [...] Dans la

mesure où il existe des comportements inadaptés qui, à la suite de recherches médicales,

se sont révélés explicables par des anomalies biologiques, on présume que les

comportements de même nature peuvent obtenir la même réponse (Bachand, p.16).

En l'absence de données probantes venant étayer l'hypothèse du déséquilibre chimique, l'argument

souvent présenté est alors que si les psychotropes ont un effet positif sur les symptômes c'est qu'ils

doivent guérir une maladie sous-jacente. Si l'augmentation du taux de sérotonine diminue les

symptômes dépressifs ce serait parce que les dépressifs souffrent d'un déficit en sérotonine. Or ce

raisonnement est faux, il équivaut à soutenir que si l'ingestion d'alcool diminue l'anxiété sociale

c'est parce que ces personnes souffrent d'un déficit d'alcool. L'alcool peut soulager l'anxiété sociale,

mais ce n'est pas parce que les gens ont un déficit en alcool (Moncrieff, 2018b).

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1.3.4 - La schizophrénie : une idée reçue
Les critiques développées ci-dessus soutiennent que le concept de schizophrénie n'a pas de

fondement scientifique. Pourtant, pas plus que les critiques sociopolitiques cherchant à dévoiler les

engagements idéologiques et les intérêts que sert le concept, elles n'ont réussi à changer le rôle

organisationnel significatif que joue le concept de schizophrénie « dans un grand nombre de

pratiques cliniques, scientifiques, et sociales » (Poland, 2006). Le concept de schizophrénie

structure toujours « de façon envahissante la conscience et la conceptualisation de ce qui constitue

une maladie mentale grave dans toutes les sphères de la société » (Poland). Est-ce qu'en dépit de

son absence de crédibilité scientifique le concept aurait une utilité pratique ? Poland argumente que

non. Le concept de schizophrénie est un stéréotype qui introduit des partis pris préjudiciables dans

les pratiques cliniques et qui, par conséquent, va à l’encontre de certaines valeurs et objectifs

cliniques essentiels. Selon Poland, ces partis pris peuvent survenir dans au moins dans cinq

domaines généraux de la pratique clinique que sont : le traitement de l’information, l’élaboration

d’inférences, la compréhension clinique, l’intervention, ainsi que les identités, rôles et relations

cliniques (c’est-à-dire l’infrastructure sociale). Ensemble, de tels partis pris vont à l’encontre des

objectifs et des valeurs des pratiques cliniques que sont la résolution de l’incertitude clinique (quel

est le problème de cette personne si problème il y a ?, quels processus causaux sont en jeux? Quelle

est la signification de tels problèmes et processus dans la vie d'une personne souffrant ? Quelle

intervention est susceptible d'être efficace ?) la conception et la mise en œuvre des stratégies et

techniques d'intervention, la conception et la mise sur pied d'infrastructures sociales thérapeutiques

éthiquement appropriées. Ces partis pris nuisent à la fois aux cliniciens et à ceux qui ont besoin de

leur aide.

Si, sans fondement scientifique et sans utilité pratique, le concept de schizophrénie reste populaire

c'est qu'il convoie une idée reçue, c'est-à-dire une opinion qui prend l’apparence d'une vérité

démontrée en venant répondre de manière apparemment simple à une question complexe. Cette idée

reçue qui sert de fondation à toute pensée et action concernant la schizophrénie comprend des

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affirmations comme :

1. la schizophrénie est une maladie cérébrale

2. la schizophrénie a un profil clinique caractéristique et identifiable

3. la schizophrénie a des conséquences préjudiciables sur le plan psychologique et social, et

constitue un sérieux problème de santé publique

4. le traitement de base pour la schizophrénie consiste en l’utilisation de drogues psychotropes.

Ce traitement s’est amélioré de façon importante dans la dernière décennie (par exemple, par

le biais des anti-psychotiques atypiques)

5. la schizophrénie est stigmatisée de façon injustifiée et cette stigmatisation peut être réduite

en enseignant que la schizophrénie est une maladie cérébrale (Poland, 2006).

1.4 - Déconstruire la notion de handicap et ouvrir vers une


nouvelle humanité
1.4.1 - Les conceptions médicales et sociales du handicap

Les premiers modèles et classifications du handicap ont été développés pour palier l'incomplétude

de la Classification Internationale des Maladies (CIM) qui ne permettait pas de rendre compte des

conséquences de la maladie. Ces premiers modèles ont été rapidement et vivement critiqués pour

leur description insuffisante des désavantages, leur absence de prise en compte de la dimension

environnementale, leurs descriptions en terme négatifs et leur aspect individualisant et médicalisant.

Dans ces premiers modèles le handicap résulte d'une incapacité elle-même conséquence d'une

déficience. Cette relation est linéaire :

Maladie ou trouble → Déficience (impairment)

→ Incapacité (disability)

→ Désavantage (handicap)

La déficience représente l'altération, la lésion d'un appareil ou d'une fonction.

Exemple : lésion de la moelle épinière.

13
L'incapacité est la conséquence de la déficience. C'est la difficulté ou l'impossibilité

d'accomplir certaines activités comme par exemple l'impossibilité de marcher.

Le désavantage est la conséquence de l'incapacité. C'est la difficulté ou

l’impossibilité d'accomplir un rôle social normal. Exemple : difficulté à trouver du

travail.

Dans ce modèle c'est la lésion ou la déficience qui rend les personnes handicapées. En réaction, de

nouveaux modèles dits « modèles sociaux du handicap » ont été développés par les mouvements de

personnes handicapées pour s’opposer à ce « modèle médical » et aux pratiques de prise en charge

qui leur étaient imposées (réadaptation et rééducation médicale, institutionnalisation).

Dans ces nouvelles conceptions du handicap, le handicap est conçu comme « la conséquence des

obstacles posés par la société aux personnes présentant une déficience (ce sont dès lors ces

circonstances matérielles ou sociales qui doivent être amendées) » (Pachoud, Leplège et Plagnol,

2009), alors que dans les premiers modèles du handicap celui-ci était conçu comme la

« conséquence d’un déficit ou d’une incapacité de l’individu, qui doit par conséquent s’adapter »

(Pachoud et al., 2009). Les évolutions conceptuelles ont pu mettre l'accent sur les déterminants

environnementaux ou situationnels du handicap et ainsi amener de nouvelles manières de désigner

les personnes comme « en situation de handicap » en lieu et place de « handicapées ». Ces

évolutions comme dans le modèle canadien de Processus de Production du Handicap (PPH) ont

également apporté une définition plus sociale et processuelle du handicap, en tant que désavantage

dont la société est en partie responsable et ont permis d'orienter les interventions vers des

modifications de l'environnement et de mettre l'accent sur les ressources plutôt que sur les

déficiences de la personne.

1.4.2 - L'approche critique du handicap


1.4.2.1 - La reproduction du handicap

Les modèles précédemment présentés et le vocabulaire utilisé pour décrire les atteintes à la santé

14
physique ou psychique ne sont pas anodins. Ils restent tous liés à une notion de maladie et/ou de

déficience et reposent sur une conception de ce qu'est la « normalité ». Dans ces modèles la

hiérarchie sociale perdure entre les personnes considérées « normales » ou non.

Si les modèles sociaux du handicap ont mis en avant la production sociale du handicap, Marcellini

(2019) décrit comment le handicap se reproduit. Prenant l'exemple des personnes sourdes,

Marcellini décrit un mouvement historique où l'institutionnalisation fait dans un premier temps

passer de situations individuelles d'isolement à des situations de vie collective. Ce regroupement

permet une prise de conscience collective et le développement progressif d'un point de vue

minoritaire. Cette dynamique collective d’émancipation va dans un troisième temps céder le pas à

une attention plus soutenue aux individus, « la liberté gagnée vis-à-vis des contraintes sociales

préalables [autorisant] chacun et chacune à accorder d'avantage d'attention aux espaces nouveaux et

à poursuivre des projets individuels » (Marcellini, p. 22). Les politiques d'intégration en viennent

alors progressivement à discriminer entre des personnes « intégrables » et « non-intégrables ». Le

groupe qui s'était constitué en vient à être scindé entre ceux « qui resteront assignés au monde de

l'institution spécialisée « à vie » et [ceux] qui seront « intégrés » individuellement en référence à

leur « capacités » jugées suffisantes pour cela » (Marcellini, p. 23).

Cette mise en avant de l'individu et de l'individualisme, où les droits, les intérêts et les projets

personnels de l'individu priment, conduit « dans le droit fil de la logique de réadaptation à la

disparition de la différence ». Il est attendu que chaque personne, pour être intégrée, soit

performante et qu'elle fasse preuve de sa capacité à faire « comme tout le monde ». Les personnes

jugées non capables étant elles stigmatisées et re-exclues du groupe.

1.4.2.2 – Déconstruction : multiplication des incapacités et


reconceptualisation du couple dépendance/autonomie

« Avoir des limitations de capacités et vivre des situations de handicap est aussi

l'expérience des personnes âgées dites dépendante, des personnes ayant des maladies

15
chroniques invalidantes, ou des personnes ayant diverses maladies génétiques, rares ou

non, évolutives parfois ou des troubles, en particulier les multiples « troubles dys »

Marcellini (2018).

Ce sont alors selon l'OCIRP (2017) 12 millions de français qui sont touchés par un handicap.

L'OMS (n.d.-b) indique quant à elle que plus d'un milliard de personne, soit environ 15 % de la

population, vivent avec une certaine forme de handicap. Le handicap n'est plus la spécificité d'une

minorité mais en vient à concerner tout le monde. Il n'est quasiment plus une famille qui n'ait en son

sein une personne ayant une limitation de capacités.

Cette limitation des capacités est directement liée à l'idée de dépendance qui « dans le champ des

maladies chroniques [...] de la gériatrie [et] du handicap — a été définie par les professionnels par

opposition à la notion d’autonomie » (Winance, 2007). Mais l'exploration des situations de

dépendance comme l’insuffisance respiratoire chronique tel qu'analysé par Bret (2007) « conduit à

critiquer l’opposition communément construite entre dépendance et autonomie ». Bret propose le

modèle « d’une dépendance continue du sujet au monde social passant par un ensemble de liens se

transformant tout au long de la vie ». En conséquence et contre le sens commun,

« l'autonomie n'est pas significative d'absence de liens, bien au contraire. Une personne

autonome n’est pas une personne qui décide et agit seule, mais dont le pouvoir

décisionnel et les capacités d’action sont soutenus par de multiples relations (sociales,

techniques, institutionnelles, symboliques…) […]. La personne qualifiée intuitivement,

ou par les professionnels, « d’autonome » n’est pas une personne isolée, mais une

personne qui se fabrique et est fabriquée à travers ses relations à différents dispositifs.

Autrement dit, elle est à la fois dépendante et autonome, ou encore, elle est autonome à

travers les multiples dépendances qui la font » (Winance, 2007).

Toutes les situations habituellement qualifiées de dépendance ou d'autonomie deviennent alors des

situations d'interdépendance qui ne se distingue plus que par la nature, la forme des relations

16
sociales que noue la personne, ainsi que leur nombre et leur diversité. Les personnes deviennent

dépendantes quand ces appartenances et dépendances se raréfient. Dans le cas de l'insuffisance

respiratoire

« la maladie ou l’accident, en focalisant l’attention de la personne sur son corps, en

concentrant ses efforts sur sa survie, entraîne un processus de raréfaction des relations

qu’elle entretenait avec des humains [...], plus ou moins nombreux, divers et variés. À

ces relations, se substitue une relation exclusive et restrictive au dispositif biomédical,

celui-ci suppléant les incapacités de la personne. Cette raréfaction des relations

s’accompagne en outre de leur appauvrissement à leur seule dimension fonctionnelle.

L’objectif central et par moment unique des pratiques et du dispositif de prise en charge

mis en place (par exemple, dans les phases de décompensation respiratoire et de

réanimation) est de maintenir les fonctionnalités vitales « d’un corps », lui-même réduit

au statut d’organisme défaillant. Cette modification de l’insertion sociale des personnes,

sous forme d’une limitation au dispositif biomédical, entraîne alors une transformation

des affects et de l’univers symbolique intériorisé par la personne, dans le sens d’une

régression. Cette transformation marque l’apparition de l’état et du sentiment de

dépendance » (Winance, 2007).

Inversement, « la personne est qualifiée ou se sent autonome lorsque ses multiples délégations,

associations, relations s’effacent, passent à l’arrière-plan, la soutiennent en étant devenues ou

rendues invisibles, imperceptibles, négligeables et négligées, et que l’action ou la décision sont

alors attribuées à la personne » (Winance, 2007).

Il ne s'agit plus alors de différencier des personnes handicapées ou en situation de handicap d'autres

personnes qui ne le seraient pas mais d'appréhender chaque individu dans ses capacités avérées et la

pluralité de ses appartenances et de ses dépendances.

17
18
2 - Les concepts ouvrant à de nouvelles pratiques
2.1 - Le rétablissement
On peut différencier trois acceptions ou conceptions du rétablissement.

 Le rétablissement en tant que résultat ou conception médicale s’appuie sur des critères

symptomatiques et fonctionnels et est relativement facilement objectivable par le biais de mesures

psychométriques. Les critères proposés pour identifier ce rétablissement-résultat sont selon

Liberman et al. (2002) :

→ une rémission symptomatique mesurée sur l'échelle Brief Psychiatric Rating Scale (BPRS)

→ un niveau de fonctionnement social objectivé par le temps consacré à une activité scolaire ou

professionnelle, la fréquence des relations sociales, la capacité à ne pas dépendre entièrement des

aides sociales et à vivre sans supervision familiale ou professionnelle

→ une durée minimum de maintien des critères sus-cités de deux années consécutives.

Dans cette acception, le rétablissement se conçoit comme un retour à un état proche ou identique à

celui précédant l'apparition des troubles.

 Le rétablissement en tant que processus ou conception réhabilitatrice « se centre sur des

critères subjectifs indépendamment de la présence ou de l’absence des symptômes du trouble »

(Koenig-Flahaut et al., 2012). Dans cette acception, les personnes peuvent être considérées rétablies

ou en rétablissement indépendamment de la présence ou non d'une rémission symptomatique. Les

critères pour identifier ce rétablissement sont de nature expérientielle et subjective. Selon Andresen

et al. (2003), cinq étapes caractérisent ce processus :

1. « le moratoire », marqué par le déni, la confusion, le désespoir, la confusion identitaire et le

retrait protectif

2. « la conscience », la personne a une première lueur d'espoir d'une vie meilleure et entrevoit que le

rétablissement est possible, cela inclut la conscience d'un soi en dehors de la maladie

3. « la préparation », cette étape « consisterait à différencier les manifestations de la maladie des

19
composantes de la personnalité » (Koenig-Flahaut et al., 2012)

4. « la reconstruction », la personne travaille à se forger une nouvelle identité et à établir une image

positive d'elle-même. Elle prend la responsabilité de gérer la maladie et prend le contrôle de sa vie

en établissant et réévaluant ses objectifs de vie et ses valeurs

5. « la croissance », la personne n'est pas nécessairement libre de tout symptôme mais sait comment

gérer sa maladie et maintenir une vision optimiste de l'avenir. Elle vit une vie qui vaut la peine

d'être vécue et a le sentiment que l'expérience a fait d'elle une meilleure personne que s'il en avait

été autrement.

 Le rétablissement comme processus d'empowerment ou conception émancipatrice est

marqué par la capacité à se dégager d'une identité de malade psychiatrique (Pachoud, 2012). Il

invite à donner sens aux expériences déstabilisantes dans un cadre de compréhension et de référence

qui soit propre à chacun et non médical.

On dégagera alors des déterminants et des conditions de ce processus (Pachoud, 2012 ; Evans et

Sault, 2012) :

Au rang des déterminants : la réappropriation d’un pouvoir de décider et d’agir et la restauration

d’un contrôle sur sa vie sont les plus significatifs (Pachoud, 2012).

Ces déterminants requièrent des conditions subjectives que sont :

→ l’espoir : la personne est porteuse de cette croyance, conviction ou perspective que le

rétablissement est possible, que l'horizon de ses troubles n'est pas un inéluctable et irrémédiable état

déficitaire mais que la personne peut réaliser ses rêves et ses objectifs

→ le plaidoyer pour soi-même : la personne s'efforce de communiquer avec les autres de façon

efficace afin d’obtenir ce dont elle a besoin, ce qu'elle veut et ce qu'elle mérite pour continuer à aller

bien et à se rétablir

→ l’éducation : la personne recherche et apprend tout ce qu'elle peut sur ce qu'elle éprouve, elle

exploite toutes les informations disponibles tant quant aux services de soins offerts que quant aux

20
savoirs expérientiels de ses pairs afin de pouvoir prendre les bonnes décisions concernant tous les

aspects de sa propre vie

des conditions intersubjectives que sont :

→ la confiance de l’entourage, des soignants, ou des proches, dans les potentialités de la personne

→ le soutien : si c’est à la personne elle-même de travailler à son propre rétablissement savoir

accepter le soutien d’autrui tout autant que savoir aider autrui participent au mieux-être et à

l'amélioration de sa qualité de vie

et des conditions éthiques que sont :

→ le respect et la promotion d’un principe d’autodétermination

→ la responsabilité personnelle : il incombe à chacun, avec l’aide des autres, d’agir et de faire ce

qu’il faut pour continuer à aller bien.

2.2 - L'empowerment
L'empowerment est un terme polysémique, « il s'agit aussi bien du geste de quelqu'un conférant un

pouvoir à quelqu'un d'autre que de l'acquisition, l'appropriation par ce quelqu'un d'autre de ce

pouvoir » (Deutsch, 2015, p. 2). Bacqué et Biewener (2013) ont identifié différents modèles de

l'empowerment. Dans son acception la plus radicale la notion d'empowerment est portée par des

personnes s'auto-désignant « survivantes de la psychiatrie » et met en lumière leur point de vue de

personnes opprimées. L'empowerment en appelle alors à une critique de l'oppression. Si cette

critique peut être portée de manière facilement identifiable autour de la question des mauvais

traitements en psychiatrie (contention, sismothérapie, hospitalisation sans consentement...) elle ne

se limite pas à ces aspects les plus bruyants mais aussi peut-être les plus minoritaires. La critique de

l’oppression porte plus largement sur tout ce qui, selon la définition de Mullaly (2010) cité par

Lapierre et Leveque (2013), exclut la personne d'une participation pleine et entière à la société sur

la base d'une appartenance à un groupe ou à une catégorie de personne. Vidal-Naquet (2009) relève

ainsi l'expérience problématique générée par le double statut associé aux notions de maladie

21
mentale et de handicap psychique. Double statut qui, certes, donne accès à des droits mais qui aussi

limite par cette appartenance même lorsque le stigmate n’apparaît pas d’emblée au grand jour et que

la personne peut avoir plus à y perdre qu'à y gagner de l'étaler.

Selon Deutsch (2015) l'empowerment est un mouvement d'émancipation porté par un processus de

changement interne et externe.

« Le processus interne est le sentiment personnel ou la croyance en sa capacité à

prendre des décisions et à résoudre ses propres problèmes. Le changement extérieur

trouve son expression dans la capacité d’agir et de mettre en œuvre les connaissances

pratiques, les informations, la compétence, les capacités et les autres nouvelles

ressources acquises au cours du processus » (Deutsch).

L'empowerment ne peut pas se concevoir sans une remise en cause de la relation soignant-soigné,

sans interroger les rapports de pouvoir. « Choisir, participer, comprendre sont les 3 piliers de

l’appropriation du pouvoir » (Ouellet, 2010, p. 13) et de la capacité « à faire face aux frustrations et

à lutter pour influencer l’environnement » (Deutsch, 2015, p. 6). Bacqué et Biewener (2013, p. 144)

résument alors l'empowerment comme étant « un processus sociopolitique qui articule une

dynamique individuelle d'estime de soi et de développement de ses compétences avec un

engagement collectif et une action sociale transformatrice ».

L'empowerment est entre-autre lié au rétablissement en ce que pour Ouellet (2010, p. 14) par

exemple il ne peut « y avoir rétablissement sans appropriation du pouvoir ». Cette prise de pouvoir

prend aussi la forme d'une prise de parole, où « ce n'est pas de la valeur de la parole dont il est

question, mais le geste de prise de parole, de démarche revendicatrice » (Deutsch, 2015).

Ci-dessous quelques témoignages de rétablissement, qui sont donc des prises de parole et de

pouvoir mais aussi le média de la transmission du savoir expérientiel que nous allons maintenant

développer.

22
Eleanor Longden : http://www.ted.com/talks/eleanor_longden_the_voices_in_my_head
Vincent Demassiet : https://www.youtube.com/watch?v=hPYissZZ8cg (à partir de 17:21)
Peter Bullimore : https://www.youtube.com/watch?v=5DBXm0eanjA
Patricia Deegan : https://www.youtube.com/watch?v=jUvJFsvPM9o
Karoll-Ann Souffrant : https://www.youtube.com/watch?v=oAFMiGsRoQk&feature=share

2.3 - L'expertise d'expérience


Reconnaître un statut d'expert d'expérience c'est reconnaître la richesse du savoir expérientiel. C'est

postuler que l'expérience confère une compétence et donc que l'expérience personnelle des

personnes en souffrance psychique sévère peut ouvrir des perspectives nouvelles dans les actions et

les soins à prodiguer. Le savoir expérientiel diffère du savoir académique. Il se transmet par

l'entremise de témoignages et de récits biographiques. Il se diffuse aussi par le biais de réseaux

spécifiques comme le mouvement international sur l'entente de voix (Hearing Voices Movement).

Les débuts du Mouvement sur l'Entente de Voix (Hearing Voices Network, HVN)

Marius Romme, psychiatre néerlandais se trouvait en difficulté avec une de ses patientes,

diagnostiquée schizophrène. Les traitements médicamenteux restaient sans effet sur la

symptomatologie acoustico-hallucinatoire de la patiente qui s'enfonçait dans des idéations

suicidaires. Le seul élément positif des entretiens entre le psychiatre et la patiente était la

théorie développée par la patiente sur son vécu. À partir de l’œuvre de Julian Jaynes

(1976/1994) sur l'origine de la conscience, elle avait été amenée à considérer ses voix non

comme le symptôme d'une maladie mentale mais comme une expérience normale, ce qui la

rassurait. Le psychiatre se demanda si d'autres personnes entendant des voix pouvaient

trouver cette théorie acceptable et si cela ne pouvait pas leur être utile. Il pensait aussi que

cela pourrait avoir un effet positif sur le sentiment d'isolement de la patiente et sur ses

tendances suicidaires. Des rencontres avec d'autres entendeurs de voix furent planifiées et il

s'avéra que les participants se reconnaissaient dans leurs expériences réciproques. Ils restaient

23
néanmoins impuissants et incapables de composer avec leur voix. Vient alors l'idée que

certains entendeurs géraient peut-être mieux leurs voix et que de rentrer en contact avec eux

pourrait peut-être permettre de partager ce savoir. A la suite d'une émission télévisée, le

psychiatre et la patiente entrèrent en relation avec 400 entendeurs de voix dont 150 disaient

avoir trouvé des moyens de composer avec leur voix. Un congrès fut organisé qui permit à ces

nombreuses personnes de se rencontrer et d'échanger autour des nombreuses interprétations

du phénomène et des multiples stratégies de coping mises en place par ces experts

d'expérience (Romme et Escher, 1989, 2012).

On voit que le partage d'expérience, dans ce qu'il offre de rupture de l'isolement, de normalisation

de l'expérience, de reconnaissance et d'échange de compétences est à l'origine du mouvement

international sur l'entente de voix (Hearing Voices Movement). On saisit aussi comment l'expertise

par expérience n'est pas de l'éducation thérapeutique, de la psycho-éducation, ou tout autre savoir

savant externe à l'individu sur un quelconque objet « maladie ». L’expertise d'expérience est un

savoir relevant de l'exploration et de l'appropriation de son vécu et de la reconnaissance des

compétences qui en découlent.

Tout comme le rétablissement qui admet plusieurs acceptions (voir 2.1) ou l'empowerment dont on

peut différencier plusieurs modèles (voir 2.2) l'expertise d'expérience recouvre différents sens et

pratiques. Pour s'orienter au sein des différents dispositif se revendiquant d'une mise en œuvre de

l'expertise d'expérience il importe de toujours se poser la question : « S'agit-il d'une appropriation

personnelle de la capacité de « faire des choses », en général, et si possible des choses « normales »,

c'est-à-dire « socialement adaptées » ou d'une revendication identitaire à la fois individuelle et

collective ? » (Deutsch, 2015).

Il revient de différencier l'auto-support, la pair-aidance et les GEM. Tous trois peuvent être vu

comme des expressions de l'expertise d'expérience mais les contextes dans lesquels ces pratiques et

24
institutions se sont développées et s'observent diffèrent.

Les groupes d'entraide mutuelle en tant qu'institution ont été rendus possible par la loi de 2005

dite loi Handicap. Ce ne sont, selon la loi, pas des structures de soin ni des structures médico-

sociales mais des « structure de prévention et de compensation de la restriction de participation à la

vie en société » (Arrêté du 18 mars 2016). Au sein de ces structures le terme « membre » renvoie à

toute personne venant au GEM et « adhérent » aux personnes ayant validé leur adhésion à

l’association constitutive du GEM. « Membres » et « Adhérents » désignent des personnes ayant

une problématique de santé similaire.

Une des conditions à remplir par l'association constituant le GEM pour être conventionnée et

financée en tant que GEM est d'avoir le soutien d'un parrain et de conclure une convention de

parrainage de manière à faciliter le bon fonctionnement du GEM. Cette obligation de parrainage

entraîne que ces structures ne bénéfice que d'une autonomie relative et que les liens au monde

médical restent forts. Les GEM peuvent différer en étant organisés autour d'une pathologie distincte

(les cérébro-lésés) ou non. Pareillement l'organisation interne peut grandement différer selon qu'elle

est ou non assurée par des animateurs professionnels salariés n'ayant pas eu d'expérience des

troubles psychiques.

La pair-aidance est définie comme l'entraide entre personnes souffrant ou ayant souffert d'une

même maladie. Dans un cadre institutionnel de soin comme à l’hôpital la reconnaissance de

l'expertise par expérience et des compétences qui en découlent prend la forme de la pair-aidance.

Les pairs-aidants alors aussi appelés médiateurs de santé sont des usagers de la psychiatrie qui sont

inclus dans les équipes de soin en santé mentale. Ils accompagnent et soutiennent leurs pairs par la

reconnaissance d'un vécu commun et la transmission de méthodes et pratiques de coping.

25
Les pratiques d'auto-support s'identifient elles en ce qu'elles sont, sur la base d'un principe

d'autonomisation, toujours portées par et pour les personnes concernées. La structure décisionnelle

est ainsi faite que rien ne peut y être décidé pour les personnes sans que celles-ci soient incluses

dans le processus même de décision. Un exemple en serait les groupes d'entendeurs de voix qui se

dotent individuellement de règles de fonctionnement qui leurs sont propres et qui sont, à tout

moment, modifiables. Les personnes s'y retrouve également non pas sur la base d'un diagnostic ou

d'une pathologie identifiée, mais sur la base d'une expérience commune comme celle d'entendre des

voix.

Dans les pratiques d'auto-support aucune forme d'organisation n'est imposée par une autorité

extérieure et ce sont les personnes elles-mêmes qui se saisissent des ressources à leur disposition. Si

ces personnes choisissent de s'organiser dans un cadre associatif aucun parrainage n'est requis et les

personnes restent pleinement autonomes.

2.4 - L'inclusion
Usagère de la psychiatrie depuis de nombreuse années et professeur à l'Université Hanz de

Gronigen aux Pays-Bas, Wilma Boevink (2012) affirme que « le concept de rétablissement met fin à

l’idée qu’il faut qu’on soit « guéri » et exempt de symptômes pour (être autorisé à) jouer un rôle

dans la société ». Le concept de rétablissement dans son acception émancipatrice invite alors à

promouvoir l'inclusion sociale par opposition à l'intégration sociale.

Selon Davidson et al. (2012) « c’est l’intégration sociale qui a été le plus souvent utilisée dans

l’histoire de la psychiatrie dans la cité (community mental health) ». L'intégration ou la ré-

intégration peut s'appliquer à toute personne qui a été mise à l'écart, comme des délinquants sortants

de prison, ou qui ne faisait initialement pas partie du corps social, tels les immigrés. L'intégration

vise à faire disparaître ce qui différenciait la personne. L'intégration passe pour cela par une

acculturation des personnes à la société par laquelle elles veulent être adoptées. Ce processus fait

disparaître « ce qui distinguait la personne des autres et justifiait son besoin d'être intégrée »

26
(Davidson et al., 2012). Dans le cas des troubles psychiques, cela implique alors que les troubles

aient disparu avant que la personne puisse être à nouveau accueillie au sein de la communauté.

Ceci est problématique quand il s'agit de troubles dits chroniques où par définition le trouble n'est

pas appelé à disparaître. L'intégration devient asymptotique et ne se réalise jamais, la personne est

insérée dans la cité, mais n'y participe jamais véritablement en restant exclue de la société et

maintenue au sein de réseaux de soins et de structures adaptatives dont elle ne parvient jamais à

s'émanciper. L'usage du concept d'intégration permet alors, au moins partiellement, d'expliquer la

réussite limitée des politiques et des structures développées.

L'inclusion se différencie de l'intégration en ce qu'elle ne présuppose pas l'atteinte d'une quelconque

norme (symptomatologique ou non) pour accéder à la citoyenneté. Elle considère au contraire « les

personnes aux prises avec une maladie psychique grave avant tout comme des citoyens à part

entière » (Davidson et al., 2012). Ce faisant « l’inclusion met en discussion le concept même de

normalité » (Dutoit, 2006). Ce qui distingue la personne n'a plus à disparaître et la différence

devient une « différence normale ». Ce qui précédemment distinguait la personne est réintégré dans

le champ de la variabilité et de la diversité humaine normale.

27
3 - Quelle traduction dans la pratique ?
3.1 - La formulation comme alternative au diagnostic
Parmi les outils à la disposition du psychologue, différent à la fois du diagnostic (à visée descriptive

et catégorielle) et des tests psychologiques (visant à situer les caractéristiques de la personne par

rapport à un groupe de référence) la « formulation » a pour objectif d'accompagner un patient dans

la compréhension de ses difficultés et de permettre d'envisager un plan d'action co-construit, dans le

cadre d’une prise en charge psychologique. La formulation se veut être une approche ascendante

(bottom up), partagée (collaborative) et contextualisée par opposition à une approche descendante

(top down) représenté par l'application d'une théorie ou la détermination du traitement en fonction

du diagnostic. La formulation peut être comprise comme un acte ou un processus. Dans le sens d'un

acte, la formulation est un 'objet', un acte qui souvent se concrétise sous la forme d'une lettre

d'orientation, d'un texte écrit ou d'un diagramme partagé entre le professionnel et le patient. Mais la

formulation peut aussi se comprendre comme un processus récursif de suggestion, de discussion, de

réflexion, de feed-back et de révision qui est partie intégrante du processus d'une psychothérapie.

La formulation est sous cette forme processuelle probablement plus proche de la réalité clinique que

la formulation comme acte (Johnstone et Dallos, 2014, p. 4).

Comme description et compréhension partagée des principaux problèmes de la personne, la

formulation est une hypothèse étayée par des théories psychologiques sur les difficultés rencontrées

par la personne. De ce fait, elle doit toujours être ouverte à de possibles reformulations. Les

professionnels doivent être particulièrement attentifs à ne pas imposer un cadre particulier de

compréhension des difficultés (Cooke et Kinderman, 2018). Cette imposition d'un cadre de

référence pré-conçu est ce que Sironi (2003) a théorisé comme de la maltraitance théorique. Cette

maltraitance se produit lorsque des théories sont « plaquées sur une réalité clinique qu'elles

recouvrent, qu'elles redécoupent ou qu'elles ignorent » (Sironi). Le risque de maltraitance est

particulièrement présent quand s'agit de penser « ce qui est habituellement considéré comme 'allant

28
de soi' » (Sironi) ou quand on appuie son intervention sur des idées reçues (voir 1.3.4.).

La formulation comme alternative au diagnostic même dans les situations habituellement comprises

comme des manifestations d'ordre psychotique se justifie du fait que les détresses les plus sévères et

les comportements les plus déroutants peuvent souvent être compris psychologiquement (Cooke et

Kindermann, 2018).

Dans le développement d'une formulation la prise en compte des questions suivantes peut être utile

au professionnel et à la personne concernée (Cooke et al., 2017, p. 61) :

1. Quels sont les problèmes ? Une compréhension commune des problèmes est essentielle et

devrait être exprimée dans le langage quotidien de la personne, par exemple : « je suis très contrarié

parce que les gens me dévisagent et je m’inquiète qu’ils pensent de mauvaises choses à mon sujet ».

Différentes personnes peuvent comprendre leurs problèmes de façon très différente selon leur

milieu, leur culture ou sous-culture, leurs croyances et leurs expériences de vie antérieures. Il est

important que les professionnels aient ces choses à l’esprit, qu'ils le demandent, et qu'ils respectent

le cadre de compréhension de la personne. Qu’est-ce que la personne trouve le plus pénible ?

Comment les problèmes interfèrent-ils avec leur vie ou les empêchent-ils de faire des choses qu’ils

aimeraient faire ?

2. Qu’est-ce qui aurait pu causer les problèmes ? Des expériences précoces de négligence ou la

critique peuvent nous amener à avoir des vues profondément ancrées de nous-mêmes qui sont très

négatives, par exemple : « je ne vaux rien », « je suis un raté ». Quelle était la signification

personnelle des événements et/ou des circonstances et quelle a été leur incidence sur la personne ?

Ainsi, la violence peut avoir laissé quelqu'un se sentir honteux ou coupable ; les violences

conjugales ont pu convaincre quelqu’un qu'il est sans valeur et piégé ; la pauvreté aurait pu amener

29
quelqu’un à se sentir exclu et dévalué. Certaines personnes – peut-être plus particulièrement

ceux qui conçoivent leurs problèmes sous le prisme de la maladie – pourraient s’interroger sur le

rôle d’une sorte de prédisposition génétique. Toutes ces idées sont susceptibles de se développer au

cours de la conversation alors que les deux personnes essaient de donner un sens aux expériences.

3. Qu'est-ce qui provoque ou déclenche les problèmes ? Exemple : à chaque fois que je me sens

triste les voix apparaissent. Cela a tendance à se produire quand je suis seul.

4. Qu'est-ce qui maintient les problèmes ? Cela peut être des pensées (« les gens ont raison de me

juger ») des choses que l'on fait (j'évite de sortir, quand je sors je garde ma tête baissée et essaie de

ne pas regarder les gens) et/ou se retrouver coincé dans des schémas d'interactions avec autrui.

5. De quelles forces et ressources dispose la personne ? Quelles ressources personnelles et

sociales ont protégé la personne et empêché que les problèmes ne s’aggravent ? Cela pourrait par

exemple être le courage de continuer à sortir malgré les angoisses, ou des relations soutenantes avec

des amis qui ne jugent pas. Comment ces forces peuvent-elles être mises à profit et renforcées ?

Ci-dessous vous trouverez deux exemples, tirés du rapport de consensus sur la schizophrénie publié

par la Division de Psychologie Clinique de la Société Britannique de Psychologie (Cooke et al.,

2017), de ce à quoi pourrait ressembler :

1. une formulation centrée sur le développement des difficultés et

2. une formulation centrée sur les facteurs de maintien des difficultés rencontrées par la personne.

3.1.1 - Exemple de formulation de développement des difficultés

30
Jane a 20 ans et a commencé à entendre des voix critiques et hostiles. Si un diagnostic lui avait été

porté, ce serait très probablement un diagnostic de psychose ou de schizophrénie. De manière

alternative une formulation écrite, développée avec Jane sur quelques semaines ou mois pourrait

ressembler à cela :

Tu as eu une enfance heureuse jusqu’à ce que ton père meure quand tu avais huit ans. Enfant, tu te

sentais très responsable du bonheur de ta mère et tu as repoussé ton propre deuil. Plus tard ta mère

s'est remariée et quand ton beau-père a commencé à abuser de toi, tu ne t'es pas sentie en mesure de

te confier à qui que ce soit ou de risquer la rupture du mariage. Tu as quitté la maison aussi tôt que

tu as pu et tu as trouvé un travail dans un magasin. Cependant tu as trouvé de plus en plus difficile

de traiter avec ton patron, dont le harcèlement te rappelait ton beau-père. Tu as quitté ce travail mais

les longues journées dans ton appartement ont rendu difficile de continuer à repousser tes

sentiments enfouis. Un jour tu as commencé à entendre une voix masculine te dire que tu étais sale

et méchante. Cela semblait exprimer comment l'abus t'a fait te ressentir et cela te rappelait des

choses que ton beau-père t'avait dites. Tu as trouvé la vie quotidienne de plus en plus difficile au fur

et à mesure que les événements passés te rattrapaient et que beaucoup d'émotions refaisaient

surface. Malgré cela tu as beaucoup de ressources, parmi lesquelles, ton intelligence, ta

détermination et ta connaissance de toi et tu reconnais la nécessité de revisiter certains sentiments

non élaborés du passé. Tu as des amis qui te soutiendront pour cela.

(Cook et al., 2017, p. 62, traduction de l’auteur)

Dans ce premier exemple l'accent est mis sur comment les problèmes ont commencé et se sont

développés, ce que l'on appellerait une formulation de développement.

31
3.1.2 - Exemple de formulation de maintien des difficultés

Un homme de 22 ans (appelons-le Dan) avait reçu un diagnostic de schizophrénie. Les cliniciens

ont décrit qu’il a des « idées de persécution, de diffusion de la pensée (croire que d’autres personnes

peuvent entendre vos pensées) et l'illusion qu’il pouvait lire les pensées d'autrui. Il a initialement

développé ces expériences et croyances après une période prolongée de forte consommation de

drogues et d’alcool trois ans plus tôt. Il a évalué à 100 % la probabilité que ses croyances soient

vraies.

Il avait une bosse dans le cou, qu'il craignait être un appareil pouvant transmettre ses pensées aux

autres et pouvant être utilisé pour recueillir des preuves à son sujet. Il vérifiait et sondait souvent

cette bosse, scrutait son environnement en recherche de dangers et cherchait à se faire rassurer par

sa famille et ses amis. Il évitait de sortir pour rester en sécurité et essayait de contrôler ses pensées

au cas où elles seraient transmises.

Le Professeur Morrison et ses collègues relevèrent que si Dan avait des craintes légèrement

différentes au sujet de sa bosse, il aurait probablement reçu un autre diagnostic et n'aurait pas été vu

comme psychotique. Par exemple s’il s'était inquiété de savoir si c'était un cancer, et qu'il n'était pas

rassuré par les tests il aurait pu recevoir un diagnostic d'hypocondrie. Le Professeur Morrison et ses

collègues suggèrent que les personnes sont vues comme psychotiques si leurs croyances et peurs

sont inhabituelles ou inacceptable dans leur culture.

Dan croyait aussi qu'il pouvait volontairement transmettre ses pensées et que cela amenait les gens à

obéir à ses souhaits. Il pensait qu'il pouvait entendre les gens – habituellement ses amis ou les

membres de sa famille – penser de mauvaises choses à son sujet, y compris : « Je vais te tuer ». Ces

craintes étaient pires quand il était stressé et l'amenaient à se sentir en colère, anxieux, déprimé et à

éprouver des changements physiques comme des rougeurs et des palpitations. Pour cette raison il

essayait de supprimer ces pensées.

32
En collaboration avec son psychologue clinicien, Dan a trouvé ce qu'il pense qui se passe. Il a

découvert qu'il était bloqué dans différents cercles vicieux qui maintenaient le problème. Des

expériences passées l'avaient amené à voir le monde d'une manière particulière. Par exemple, avoir

été harcelé l'avait conduit à se sentir mal dans sa peau et aussi à trouver difficile de faire confiance

aux autres. Cela affectait la manière dont il interprétait les situations ambiguës. Ainsi quand il a

trouvé la bosse il a été plus rapide que d'autres auraient pu l'être à en conclure que cela était causé

par d'autres essayant de lui faire du mal. La façon dont il a réagi à ces croyances – par exemple en

s'isolant et en évitant les autres – l'empêchait de découvrir qu'elles n'étaient pas vraies.

Ensembles, Dan et son psychologue clinicien ont développé une 'formulation' qu'ils ont consigné

sous la forme d'un diagramme. Ce diagramme montre comment les expériences de Dan l'avaient

conduit à interpréter les événements et à se conduire d'une certaine manière.

(Cook et al., 2017, p. 51, d'après Morrison, 2001, traduction de l’auteur)

33
Conclusion ?
Les souffrances psychiques extrêmes et handicapantes ont aujourd’hui plus à gagner à être

accueilles dans la diversité des expériences et expressions humaines qu'à être prévenues,

diagnostiquées, médicalisées, traitées. Les différences humaines peuvent s'affirmer et s'assumer, non

nécessairement sans révolte, mais sans conflictualité destructive. L'émancipation ne signifie pas de

se sur-adapter, de prendre la place d'autrui et de reproduire ce contre quoi on s'est élevé ou qui nous

a fait souffrir, mais de travailler les rapports sociaux pour faire naître une société pleinement

inclusive, étayée par une interdépendance assumée.

34
Lectures et ressources conseillées :

Ouvrages critiques

Bachand, A. (2012). L'imposture de la maladie mentale. Critique du discours psychiatrique. Liber

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