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Problématique générale en santé publique

Examen écrit, livre fermé, 2h. Théorie appliquée et résolutions de problèmes.

Science de la santé publique

= « concepts utiles pour bien agir en SP »


- Santé et problèmes de santé
o Santé
o Prévention
o Médicalisation et prévention IVaire
o Santé et société́
- Santé, programmes de (soins de) santé
o Cycle gestionnaire de la santé (et liens avec les cours du master)
o Adéquation besoin-demande-offre
o Réflexion sur les priorités pour l’action

Exemple : Le covid : aplatir la courbe. On passe en confinement mais :


 Retour à l’hospitalo-centrisme?
 Priorité au curatif?
 Et les établissements de long séjour? Et les prisons? Et les SDF (confinés chez eux dans la
rue)?
 Et la fin de vie? Ceux en fin de vie qui n’ont pas pu avoir leur famille à leurs côtés.
 Et les soins à domicile pour les cas moins graves?
 Et les autres stratégies?
 Et les enfants en âge scolaire? Déscolarisation, trouble de l’attention, ennui,..
 Et le report des soins pour d’autres maladies? plus de chirurgie, mais du coup certaines pro
de la santé étaient débordés alors que certains se tournaient les pouces.
 Et la santé mentale?
 Mauvaise communication avec les citoyens, beaucoup de questionnement sans réponses.

Infodémie = excès d’informations , fake news, rumeurs ( manger de l’ail contre la covid, boire
méthanol,…) , théories conspirationnistes (puce dans le vaccin) , stigma ( personnes asiat qui se sont
sentis offensé, création d’un #jenesuispasunvirus).

Quelques leçons :
- Importance des systèmes de surveillance épidémiologique
- Préparedness et capacités des systèmes de santé dépendant de l’organisation et des
ressources. La capacité à être préparé et savoir réagir à une épidémie.
- Facteurs culturels : certaines population réagissaient différents aux contrôles,… ;
- Globalisation (santé <-> économie): tout est relié vaccin vient de Chine mais masques aussi
- Mondialisation (versant épidémie, versant et vaccins) : touche la terre entière

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Valeurs

 La santé n’est pas publique, elle est privée. Chacun sa propre santé
 Le champ de la santé n’est pas celui de patients à normaliser mais celui d’acteurs sociaux
porteurs d’un projet individuel. La santé ne vise pas à stigmatiser les gens. Chacun fais ce
qu’il veut de sa santé. On n’impose pas les standards de vie. On ne donne pas de leçon, on
peut conseiller.
 Être un acteur social en santé suppose une capacité de choix et d’action autonome
permettant l’exercice d’un véritable droit personnel à la santé. La santé publique a pour but
de contribuer à réunir les conditions permettant l’exercice de ces droits objectifs et
subjectifs.

Définitions
La santé publique est une :

● Discipline médicale dont le champ d’intérêt comprend l’ensemble des interventions visant à
promouvoir, maintenir ou rétablir la santé de l’individu dans la communauté.
● Discipline scientifique qui développe une approche globale, rationnelle et participative des
problèmes de santé et, pour ce faire, fait usage d’un ensemble de méthodes
épidémiologiques, opérationnelles et de sciences sociales, dans un cadre pluridisciplinaire.

Concepts

- Science appliquée ayant pour objet les politiques de santé et pour mission principale de
déterminer les besoins de santé, analyser la demande de la population et organiser l’offre
des services et soins de santé, c’est à dire planifier les interventions de santé.
- Pratique contribuant à l’organisation de programmes spécifiques de santé en rapport avec
un problème de santé, un environnement ou un public-cible particulier.

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Approche (démarche) communautaire

La « santé communautaire » est une démarche de promotion de la santé qui implique la


participation effective d'une communauté.

Selon la Charte d'Ottawa (1986), la promotion de la santé est le processus qui confère aux
populations les moyens d'assurer un plus grand contrôle sur leur propre santé, et d'améliorer celle-
ci. Cette démarche relève d'un concept définissant la "santé" comme la mesure dans laquelle un
groupe ou un individu peut, d'une part, réaliser ses ambitions et satisfaire ses besoins et, d'autre
part, évoluer avec le milieu ou s'adapter à celui-ci.

1) Communauté

Groupe d'individus qui vivent ensemble dans des conditions spécifiques d'organisation et de
cohésion sociale. Liaison par des caractéristiques géographiques, politiques, économiques, sociales
et culturelles et par des intérêts et aspirations communs (en matière de santé) (OMS, 1978).

Exemple : association de quartier, de consommateurs, club, coopérative, mutuelle, groupe sportif,


syndicat, ensemble de salariés d'une entreprise, lieu de culte…

Selon Bury (1988), une communauté ne se définit pas comme un ensemble d'individus mais comme
la nature des relations que ceux-ci établissent, et de la dynamique de progrès et de développement
que ces relations autorisent. Un groupe ne devient communauté que lorsque certaines circonstances
lui permettent de prendre conscience de relations privilégiées entre des membres et du fait que ces
relations autorisent des changements sociaux impossibles à réaliser autrement. Si un groupe
rencontre un problème commun, on peut dire qu’ils vont « s’unir » et devenir une communauté.

 Démarche pas réservée aux problèmes de santé !

2) Favoriser la participation de tous

Favoriser l’implication de tous les acteurs concernés dans une démarche de coconstruction

La démarche communautaire favorise la création d’un contexte qui permet et encourage la


coconstruction et l’implication de tous les acteurs (habitants, professionnels, élus, institutions) dans
les différentes étapes de la démarche (le diagnostic, la prise d’initiative, la décision, l’évaluation et
l’évolution).
Ce contexte est garant de la reconnaissance de la légitimité des compétences et de la capacité d’agir
des citoyens.

3) Favoriser un contexte de partage des savoirs et des pouvoirs

La démarche communautaire vise à mettre en place des relations où la spécificité de chaque acteur
(professionnels, institutions, politiques, habitants, usagers) est reconnue.
Ces relations reposent sur un partage des savoirs et des pouvoirs.
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• Construire un langage commun
• Permettre l’expression de chacun
• Prendre le temps d’écouter
• Varier les méthodes : écoute, empathie, négociation

4) Valoriser et mutualiser les méthodes de la communauté

La démarche communautaire cherche à identifier, stimuler, mobiliser les ressources du territoire et


de chaque acteur individuel et collectif, en reconnaissant leur spécificité et leur complémentarité.
Partenariats locaux: associations, groupes informels, services publics, écoles, entreprises, …
- Illustration: décrochage scolaire ( question d’école, de vécu psycho, Centre PMS, …, SDF, leur
pb c’est pas que de trouver un toit, mais trouver de la dignité, l’hygiène, d’emploi, de
réseaux,..)

Particularités de la démarche communautaire


Trois éléments doivent retenir l'attention :
- Construire un projet de santé communautaire suppose, de la part des professionnels,
d'accepter de gérer l'incertitude et de procéder par tâtonnements. Aucun plan ne peut être
arrêté par avance si l'on veut réellement partir des préoccupations d'une communauté.
- Si la participation des communautés ne se décrète pas, elle se favorise.
- Pour mener à bien la démarche, une condition est le temps laissé aux membres d'une
communauté pour devenir acteurs et auteurs du projet.

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La santé

Définitions de la santé

Être ou ne pas être en bonne santé


Définitions par la négative :
- « La santé c'est l'absence de maladie »
- « La santé c'est l'oubli de la santé » (Dufresne), quand on est en bonne santé on oublie, on a
pas mal.
- « La santé c'est la vie dans le silence des organes » (Leriche), quand on est en bonne santé
on a pas mal au ventre, au foie, donc on se sent bien

Définition positive :
- « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social » (OMS, 1946)
- Démédicalise la santé (ou surmédicalise ?), utopique, et statique... Généreux mais pas du
tout opérationnel… On ne peut pas mesurer un état de bien être total, c’est très fluctuant
en fonction du moment vécu.

Autres définitions positives :


o "Par santé, j'entends le pouvoir de mener une vie pleine, une vie d'adulte, de
respirer la vie au contact étroit de ce que j'aime..." (Katherine Mansfield)
o "La santé est la capacité que possède tout homme de s'affirmer face au milieu
ou de prendre la responsabilité de sa transformation." (Ivan Illich)
o "... la « santé » comme la mesure dans laquelle un groupe ou un individu peut,
d'une part, réaliser ses ambitions et satisfaire ses besoins et, d'autre part,
évoluer avec le milieu ou s'adapter à celui-ci." (Charte d'Ottawa, 1986)

Actuellement, il y a trois modes distincts et complémentaires pour aborder la question de la santé :

1. Abord perceptuel, qui définit la santé comme étant une perception subjective de bien-être. «
Comment vous sentez-vous aujourd’hui ? je me sens assez bien »
2. Abord fonctionnel, qui décrit la santé comme étant la possibilité de bien « fonctionner »
dans un environnement physique, psychique et social particulier. Fonctionner= pouvoir se
mouvoir, agir
3. Abord adaptatif, qui utilise le concept d'adaptation de l'individu à son milieu. Ex : les
lunettes, permettent de s’adapter et mieux voir.

Problèmes de santé

Maladie = processus biologique anormal, explicable et classifiable en fonction de ses causes et de ses
mécanismes. Le paradigme biomédical considère la maladie comme une entité conceptuellement
distincte de l'individu qui en souffre.

Mortalité = problème de santé prioritaire (mort prématurée), issue défavorable ultime de la maladie
ou de l'accident.
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Morbidité = jours de maladie, nombre de personnes présentant les symptômes de maladie, nombre
de nouveaux cas de maladie... (cfr. la CIM de l'OMS)

Critiques
1. Ils ne permettent d'apprécier que très partiellement l'impact des problèmes de santé sur la
communauté
2. Ils ne permettent pas d'évaluer correctement l'efficacité du système de santé
3. Ils donnent de la santé des individus et de la population une mesure exclusivement négative
=> extensions nécessaires !

Extension en aval de la maladie et mesure des conséquences de la maladie :

 Déficience : terme englobant tout ce qui


perturbe le fonctionnement normal (physique,
mental et social) de l'individu. Ex : myopie :
port de lunette
 Incapacité : limitation fonctionnelle et/ou
restriction d'activité résultant d'une déficience.
Ex : si on est myope et qu’on n’a pas de
lunettes : on doit être devant au cinéma
 Handicap : exclusion de lieux et/ou de rôles
sociaux qui résulte d'une déficience ou d'une
incapacité. La société peut lutter contre le
handicap en mettant à disposition des moyens.

+++ Tuyaux +++


→Extension en amont de la maladie et introduction de la notion de continuité des états de santé
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- Facteurs de risque.
- Stade pré-clinique.
- Stade clinique

-
Processus étiologique : cause de la maladie peut engendrer une maladie
Processus pathologie : présence de la maladie mais peu ou pas de signes cliniques
Manifestations cliniques : appariation des signes cliniques
Issue finale : mort, guérison

- A la phase d’induction de la maladie correspond la phase de la prévention primaire, au cours


de laquelle il est possible d’empêcher l’exposition à un facteur de risque ou d’en limiter les
conséquences (exemples : modifications des du style de vie, vaccination, contrôle des
nuisances environnementales, etc.), C’est-à-dire de tenter d’empêcher l’apparition de la
maladie (de diminuer l’incidence de la maladie). Ex : images sur les paquets de cigarette

- A la phase de promotion de la maladie correspond la phase de la prévention secondaire, au


cours de laquelle il est possible d’enrayer l’évolution du processus pathogénique (exemples :
procéder à l’ablation d’une lésion cancéreuse pré-clinique, assurer un contrôle
médicamenteux de la tension artérielle d’un patient hypertendu, etc.), c’est-à-dire de tenter
de réduire la proportion de malades dans la population (de diminuer la prévalence de la
maladie).

- A la phase d’expression de la maladie correspond la phase de la prévention tertiaire, au


cours de laquelle on va tenter de limiter les conséquences d’une maladie devenue
symptomatique, c’est-à-dire d’administrer des soins curatifs aux malades. C’est le soin,
éviter ou prévenir des incapacités, rechutent, ..

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Problèmes de santé

→ Extension dans le champ cognitif et prise en compte de la façon dont la maladie est perçue par le
patient et le professionnel de santé.

+++ TUYAUX +++: le covid long qu’est ce que c’est comme morbidité ? RESSENTIE

- Morbidité objective : la morbidité telle qu'elle peut être théoriquement identifiée dans
l’absolu. On peut tout identifer
- Morbidité diagnosticable : la fraction de la morbidité objective qui peut être effectivement
identifiée dans l'état actuel de nos moyens diagnostiques. En fonction des moyens dont on
dispose actuellement
- Morbidité diagnostiquée : la fraction de la morbidité diagnosticable qui est mise en évidence
dans les conditions réelles d'exercice de la médecine. (parfois on a des morbidité mais pas
diagnostiqué. On l’a mais on ne sait pas qu’on est malade)
- Morbidité ressentie : la morbidité en tant qu'elle est perçue et exprimée par le patient.

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Santé et société

La santé est l'absence de maladie : définition La santé est un état de complet bien-être
réductrice physique, mental et social : définition
généreuse mais peu opérationnelle

Par quels « facteurs » la santé est-elle influencée ?

Problèmes posés par ce schéma :

- Quels sont les autres facteurs et comment influencent-ils la santé ?


○ Situation dominante des fournisseurs de soins (définissent les besoins, définissent les
réponses)
- Augmenter les soins pour produire plus de santé ? Si la société consacre toutes ses ressources
aux soins de santé, il n’y aura plus rien d’autres que la santé qui fonctionnera. (Plus d’école,
d’affaires sociales, routes, affaires étrangères, que des professionnels de la santé). Augmenter
les soins diminue la santé. (Acharnement thérapeutique,surmédication,..)
- Quelles ressources consacrer au système de soins ?
- Comment contrôler la croissance des dépenses, avec quel projet de santé ?
- Comment améliorer notre connaissance de la santé ?
- Avec quels "facteurs" enrichir ce modèle ?
- Comment placer ce schéma dans un modèle global où interviennent les échanges économiques
nécessaires au fonctionnement du système et l'impact de la santé pour la société ?

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Non-disease
Processus ou problème humain que certains ont défini comme une maladie mais pour lesquels les
individus pourraient obtenir un meilleur résultat (de santé) si le processus ou le problème était
défini autrement

Médicalisation – iatrogenèse
La médicalisation de la vie est malsaine pour trois raisons…

- Au-delà d'un certain niveau, l'intervention technique sur l'organisme ôte au patient les
caractéristiques du vivant qu'on désigne communément par le mot "santé» ; ex : l’acharnement
thérapeutique ; transformer l’humain en objet/cœur battant

- L'organisation nécessaire pour soutenir cette intervention devient le masque sanitaire d'une
société destructrice ;

- La prise en charge de l'individu par l'appareil biomédical du système industriel ôte au citoyen
tout pouvoir de maîtriser politiquement ce système. La médecine devient un atelier de
réparation et d'entretien destiné à maintenir en état de fonctionnement l'homme usé par une
production inhumaine.

Synthèse :
Prévention primaire : réduit l’incidence
d’un problème
Prévention secondaire : réduit la
prévalence d’un problème

+++TUYAUX+++
Quel type de prévention agit sur
l’incidence ou la prévalence ? ou les
deux ?

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La santé publique

Concepts utiles pour bien agir en SP

● Santé et problèmes de santé


○ Santé
○ Prévention
○ Médicalisation et prévention IVaire
○ Santé et société
● Santé, programmes de (soins de) santé
○ Cycle gestionnaire de la santé (et liens avec les cours du master)
○ Adéquation besoin-demande-offre
○ Réflexion sur les priorités pour l’action

Discipline médicale : Champ d’intérêt = ensemble d’interventions visant à promouvoir, maintenir,


rétablir la santé… au niveau individuel et populationnel

Discipline scientifique : Approche globale, rationnelle, participative. Les méthodes


épidémiologiques, opérationnelles, de sciences sociales, dans cadre pluridisciplinaire. sont orientée
vers l’analyse de système et la formalisation des problèmes complexes au travers de modélisation
(simplification de la réalité)

Évaluation : ne concerne pas que l’atteinte des résultats.

La santé publique cherche à objectiver le processus de prise de décision

C'est l'interface entre décideurs et professionnels de santé


● Identifier les valeurs humaines irréductibles sur lesquelles reposent les décisions ;
● Mettre au jour les contradictions internes et les antagonismes du système de valeurs ;
○ Ex : pass sanitaire, vaccination
● Minimiser la part du jugement de valeur dans les décisions ;
● Objectiver la zone résiduelle exempte de jugement de valeur, au moyen d’un exposé
explicite des faits, des objectifs et du raisonnement sur lequel sont fondées les décisions.
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○ Ex : EVRAS, conflit de valeur entre les militants et la ministre
Approches verticale et horizontale

Au stade de la conception des programmes de santé ( pas connaître)


● L’approche verticale est celle qui a pour objectif de rassembler l’information technique de
base sur un problème afin d’en déterminer l’importance (c’est-à-dire la fréquence ET la
gravité) et la vulnérabilité (c’est-à-dire les possibilités d’action d’un point de vue technique
ET opérationnel).
● L’approche dite horizontale est celle qui ambitionne d’organiser la prise en charge
individuelle et communautaire d’un problème de santé.

Au stade de la mise en œuvre d’un programme de santé

● Un programme vertical vise un problème de santé particulier (programme de lutte contre la


SIDA, la tuberculose, etc.).
● Un programme horizontal cherche a intégrer le contrôle d’un problème particulier dans les
services de santé généraux.

Problèmes et besoins de santé

Un problème de santé peut être défini comme une tension, une souffrance actuelle ou potentielle
qui résulte d’un processus perturbant l’état de santé et provoquant un état de mal-être individuel ou
collectif. Le processus qui aboutit au problème de santé peut être la maladie ou une autre cause de
déséquilibre du binôme « déterminants de la santé - état de santé ».

Le concept de problème santé prend en compte la souffrance individuelle et ses conséquences


sociales. La notion de besoin de santé exprime l'écart entre la situation actuelle (l'état de santé
actuel) et la situation désirée (l'état de santé attendu). Il s’agit d’un besoin, mesuré.

Le besoin représente ce qui est requis pour remédier au problème identifié. Il se définit par rapport
à une référence, une norme objective.

Le concept de besoin est inséparable des concepts de la demande et de l'offre. La dynamique des
besoins, de la demande et de l'offre est à la base du processus de planification de la santé.
L’offre permet de résoudre le problème
Schéma tuyaux à l’examen

S’il manque 1 des trois éléments, le programme ne peut pas


fonctionner.

Citez un autre exemple que celui qu’on a vu au cours

Zone 1 : il y a un besoin et une dmd mais rien ne change


Zone 2 : il n’y a pas de demande donc si on dmd on agit pas

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Zone 3 : on fait des choses sans en avoir besoin, ex chir plastique, soigner la calvitie,….
Quand un problème de santé devient-il une priorité de santé publique ?

Le professionnel de santé publique, ne peut fonder son action que sur un véritable diagnostic
communautaire qui nécessite de mesurer l'importance des problèmes de santé et d'évaluer les
possibilités d'intervention.

Les différentes dimensions d’un problème de santé sont les suivantes :

● la fréquence du problème + la gravité du problème = importance du problème


● la vulnérabilité technique du problème ( 1 solution existe)
● la vulnérabilité opérationnelle du problème ( peut-on mettre la solution en œuvre dans
notre environnement ? est-elle réalisable ? )

L’algorithme décisionnel d’un programme de santé publique peut être défini de la façon suivante :
● L’importance du problème de santé est-elle connue ? incidence, prévalence, gravité
● Si oui, le problème est-il suffisamment compris pour agir ?
● Si oui, des moyens d’efficacité démontrée sont-ils disponibles ?
● Si oui, le programme est-il faisable ?

+++ Schéma tuyaux+++

- Problème important et vulnérable ; si on rep oui aux 4 questions alors le problème devient une
priorité
- Problème important mais mal compris = vulnérabilité faible et donc devient une priorité pour la
recherche ( ex : Alzheimer)
- Problème moins important (moins graves, moins fréquent) mais on a des solutions, on va
éventuellement réfléchir et faire un choix d’opportunités. On va voir si ça vaut la peine, on a les
moyens, on a les accords,… donc si on a les moyens faisons le
- Problèmes pas fréquents, pas grave et on ne sait pas comment s’y prendre. Le problème n’est
donc pas une priorité

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Mesurer la santé…

Indicateurs sanitaires
Historiquement : statistiques démographiques (mortalité et recensement des populations) pour
déterminer les contingents militaires et calculer l'impôt.

XIXme siècle : définition d'une nomenclature des causes de décès (fonction taxinomique puis
planification sanitaire)

Actuellement : utilisés dans quatre domaines


● la démographie,
● la planification sanitaire et les politiques de santé (aide à la décision : évaluation des besoins,
budgétisation et allocation des ressources, tableaux de bord),
● l'évaluation de l'efficacité et l'évaluation économique des programmes de santé,
● l'évaluation de la qualité des soins.

Réalité socio-sanitaire complexe > nécessité d'indicateurs valides et fiables

Définition : un indicateur est une donnée observable porteuse de sens et qui représente aussi bien
que possible une ou plusieurs caractéristiques de la réalité étudiée.

Un indicateur n'est pas une véritable mesure du phénomène pour lequel il est choisi (ex. espérance
de vie = mesure de la longévité, non de la santé d'une population)

Exigence : l'indicateur doit refléter un attribut, une caractéristique, ou une dimension de la réalité, et
varier en fonction de la présence ou de l'absence, ou encore de l'amplitude, de cet attribut,
caractéristique ou dimension.

Pour info : Indicateurs socio-sanitaires ? Taux de pauvreté /Taux de chômage (Santé, maladie –
Comportements de santé – Ressources sanitaires – Utilisation des soins)

Taux de pauvreté
 Indicateur socio-sanitaire
Interprétation : Le seuil de pauvreté est le niveau de revenu en-dessous duquel il est impossible
d’obtenir une alimentation adaptée du point de vue nutritionnel et de satisfaire les besoins de base
non alimentaires (logement, eau, chauffage, vêtements). Le seuil défini en unités monétaires varie
entre les pays.

Les risques estimés de tomber en dessous du seuil de pauvreté sont de +/- 1% pour ceux qui ont un
emploi et de +/- 10 % pour ceux qui n'en ont pas.

En Belgique :

Le seuil de pauvreté équivaut à 60% de la médiane du revenu disponible, à l’échelle individuelle.


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Cela correspond au calcul suivant : 60% de €20.008 par an équivaut pour une personne isolée à un
seuil de €12.005 par an, soit €1.000 par mois.
Pour obtenir le seuil de pauvreté des ménages, il ne suffit pas de multiplier ce chiffre par le nombre
de membres du ménage.
Partant du principe que les membres d’un ménage partagent les charges et les dépenses, un
deuxième adulte dans un ménage se voit appliquer un facteur de 0,5 dans le calcul du seuil de
pauvreté et les enfants (<14 ans) un facteur de seulement 0,3.

Taux de chômage

Définition : Proportion de la population âgée de 16 à 65 ans en chômage par rapport à la population


active.

Interprétation : cet indicateur mesure la proportion des personnes les plus susceptibles de connaître
des conditions de vie défavorables, des conditions de travail précaires, ainsi que des problèmes de
santé, notamment mentale (dépression). Le nombre de chômeurs est une donnée relativement
facile à manipuler (en classant les chômeurs partiels, les prépensionnés, et les emplois précaires ou
saisonniers dans la population active). Le taux de chômage connaît des fluctuations saisonnières. Les
personnes inoccupées comprennent les personnes inactives, c'est-à-dire qui ne cherchent pas
d'emploi ou qui ne peuvent travailler, et qui dépendent d'un tiers pour leur subsistance, et les
chômeurs. Les personnes inoccupées peuvent ou non être demandeuses d'emploi, et peuvent ou
non bénéficier d'indemnités.

Problèmes de santé - Global Burden of Disease

La charge mondiale de morbidité est évaluée par l’OMS afin de donner une image complète de l’état
de santé mondial en utilisant les années de vie corrigées de l’incapacité (DALY). Cette évaluation
dans le temps combine les années de vie perdues du fait d’une mortalité prématurée et celles qui le
sont du fait des années vécues sans être en pleine santé.

DALY = YLD + YLL

La mesure des DALY a été mise au point dans l’étude originale sur la charge mondiale de morbidité
qui a été menée en 1990, afin d’évaluer la charge de morbidité de manière cohérente, quels que
soient les maladies, les facteurs de risque et les régions.

Daly = année de vie corrigée des handicaps


YLD = année de vie avec le handicap
YLL= année de vie perdue (espérance de vie – la date de décès)

Plus de 1 million de décès


suite à la pollution de l’air

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Cancers

 En 2018 dans le Monde, 18,1 millions de nouveaux cas de cancer et 9,6 millions de décès.
 1 homme sur 8 et 1 femme sur 11 meurent du cancer.
 En Europe (9% de la population mondiale), 23,4% des cas de cancer et 20,3% des décès par
cancer.
 En Belgique, 80.000 nouveaux cas de cancer et 30.000 décès; 250.000 cas prévalents.

Evolution prévue des causes de décès (2030) : moins de ortalité infantile, plus de mortalité par
maladies non transmissibles

Pour les pays développés:


1. cardiopathies ischémiques,
2. AVC,
3. cancers respiratoires,
4. diabète,
5. BPCO,
6. infections respiratoires,
7. démences,
8. cancer colorectal,
9. cancer de l'estomac,
10. cancer de la prostate.

Pour les pays en développement:


1. cardiopathies ischémiques,
2. HIV/SIDA,
3. AVC,
4. BPCO,
5. infections respiratoires,
6. mortalité périnatale,
7. accidents de la route,
8. diarrhée,
9. diabète,
10. malaria.

Indice composite: IDH

Vivre une vie longue en bonne santé → Espérance de vie


Savoir → Nombre d’années à l’école / Nombre d’années de scolarité possibles
Vivre dans des conditions décentes → PIB per capita

Accès aux soins? Prévention? Protection ? Promotion de la santé?

Défis
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● politiques de prévention (lesquelles ?)
● politiques d'accessibilité aux soins, aux traitements médicamenteux
● politiques de développement (réduction des inégalités NordSud)
● systèmes d'information sanitaires

Promotion de la santé

A new definition of health promotion.

Sustainable fostering of positive health and prevention of ill - health through policies, strategies and
activities in the overlapping action areas of :
● socio, economic, physical environmental and factors
● equity and diversity
● education and learning
● services, amenities and products
● community-led and community-based activity.

Principles of Population Health Science

● Population health manifests as a continuum.


● Large benefits to population health may not improve the lives of all individuals.
● The causes of population health are multilevel, accumulate throughout the life course…

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● Small changes in ubiquitous causes may result in more substantial change in the health of
populations than larger changes in rarer causes.
● Prevention of disease often yields a greater return on investment than curing disease after it
has started.
● Efforts to improve overall population health may be a disadvantage to some groups (equity
or efficiency ?).
Inégalités sociales de santé

Les FR du GBD sont des mécanismes intermédiaires : nutrition, tabagisme, hypertension, etc.

Comment expliquer leur survenance ? Ils résultent pour l’essentiel des facteurs sociaux Comment
approcher les causes des causes ? Cadre « Déterminants sociaux de la santé » de l’OMS. Ce cadre
est un « modèle » heuristique Il doit être adapté à chaque problématique
Inspiré du modèle de Diderichsen de production de la maladie Il est composé de 3 chapitres :
Contexte sociopolitique – Déterminants structurels – Déterminants intermédiaires

Contexte socio-politique

Régulation –gouvernance
● Action de l’Etat
● Législation

Politiques sociales
● Différents domaines : emploi, sécurité sociale, logement, eau potable, …
● Transferts
● Services : couverture et acessibilité Taxes

Déterminants structurels

● Dualité du concept de déterminants sociaux de la santé


● Stratification sociale et distribution des ressources : la stratification sociale influence la santé
& recours
● Revenu : pouvoir d’achat pour l’alimentation, logement, services, participation sociale,
sélection
● Scolarité : prime-enfance, compétences, connaissances
● Emploi : autonomie, liens faibles, risques du travail,
● Genre : caractéristiques du sexe socialement construites
● Ethnicité : culture, pays d’origine, religion, langue et … discrimination

Déterminants sociaux intermédiaires

● Conditions matérielles de vie : logement, consommation


● Facteurs psycho-sociaux : stress, support social et coping styl e
● Comportements de santé : les 5 étoiles (physique, psychique, sociale, affective et sexuelle)
● Environnement social : précarité relative, capital social et effets de pairs
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Plan cancer (Laurette Onkelinx,2009)

Le Plan cancer est réparti selon trois grandes lignes de forces, ou domaines :
I. La prévention et le dépistage (actions 1-6)
II. Les soins, le traitement et le soutien pour les patients (actions 7-26)
III. La recherche, les technologies innovantes et l’évaluation (actions 27-32)

Actions « prévention et dépistage »

1. Remboursement des consultations d’aide au sevrage tabagique


2. Dépistage et accompagnement des personnes à risque de prédisposition génétique au cancer
3. Elargir la tranche d’âge de vaccination contre le papillomavirus aux jeunes filles de 12 à 18 ans
4. Amélioration du dépistage et du diagnostic précoce du cancer du sein
5. Programme systématique de dépistage du cancer du col de l’utérus dépistage du cancer du col de
l’utérus
6. Consultation de prévention des risques de santé

Objectifs d’un programme

D’un petit nombre d’objectifs généraux à un plus grand nombre d’objectifs spécifiques logiquement
articulés entre eux
Les éléments suivants y figurent :
● nature de la situation désirée
● critères de succès ou d'échec
● échéance pour l'atteinte des objectifs
● population visée

Exemple: programme de soins intégrés pour personnes âgées (PA) en perte d'autonomie

Objectifs généraux :

● permettre aux PA de vivre à domicile de façon indépendante (prévenir le déclin fonctionnel)


● fournir des soins et services intégrés (soins de santé spécialisés ou non, services
domestiques)

Objectifs intermédiaires

● détecter les PA à risque de déclin fonctionnel


● assurer une prise en charge multidisciplinaire qui couvre l'ensemble des besoins des PA
● offrir des soins et services coordonnés, ancrés dans la communauté
● assurer une coordination communauté-institutions

Objectifs spécifiques
● détecter précocement les PA à risque de déclin à l'aide d'outils d'évaluation gériatrique
19
WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
● diminuer le nombre de journées d'hospitalisations pour cette population-cible
● diminuer l'incidence annuelle du déclin fonctionnel
● créer un dossier unique servant à transmettre à temps les infos pertinentes aux intéressés
● prévoir une discussion régulière des cas
● définir des protocoles cliniques de prise en charge (risque de chute, diabète,
polymédication, ...
Questions d’examen: exemples…

1. En vous aidant d’un schéma, décrivez les relations entre besoins, demande et offre en matière de
santé. Commentez.
● Proposez trois problèmes de santé et localisez-les sur votre schéma. Commentez.
● Expliquez comment la prise en compte des relations entre les besoins, la demande et l’offre
en matière de santé, dans un contexte donné, fournit des arguments en faveur d’une
approche globale des problèmes de santé plutôt qu’une approche exclusivement technique
de ceux-ci (1 page max.).

2. La prévention secondaire ...


– A. ...a pour objectif de contrôler les facteurs de risque des maladies
– B. ...a pour objectif d’empêcher le développement des stades cliniques de certaines maladies
– C. ...vise principalement à réduire les coûts des soins de santé

3. Un problème de santé fréquent est toujours une priorité en santé publique.


– A. Cette proposition est incorrecte
– B. Cette proposition est correcte mais insuffisante
– C. Cette proposition est correcte et suffisante

20
WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
Bon sens et non-sens du dépistage

Dépister
Plus tôt une maladie est prise en charge, plus facile ou plus efficace en est habituellement le
traitement ?
 prévenir ne vaut pas toujours mieux que guérir
 démontrer l’existence d’une anomalie pathogène ne rend pas nécessairement service
 une nouvelle technique de détection précoce n’est pas nécessairement utile
Dépistophilie : maladie contagieuse et dangereuse (tyrannie de la prévention, nouvelle morale de la
santé, ...)

Définition
Le dépistage est défini comme un examen pratiqué sur un groupe défini de personnes en vue
d'identifier un stade précoce, un stade préliminaire, voire un facteur de risque ou une combinaison
de facteurs de risque décelables avant le déclenchement d'une maladie.

Le dépistage en tant que service a pour but d'identifier une maladie précise ou un facteur de risque
de maladie avant que le sujet atteint n'ait spontanément fait appel à un médecin, afin de soigner la
maladie ou de prévenir ou retarder sa progression ou son déclenchement par une intervention
(précoce).
Case-finding
Définition
Case-finding = recherche de cas, par le médecin, du stade présymptomatique ou des facteurs de
risque de maladies précises mais chez un individu qui consulte pour un autre problème (ex. prise
systématique de la tension artérielle)

Histoire naturelle de la maladie et prévention

21
WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
Quand dépister est-il efficace ? TUYAUX1
Notion de point critique (Hutchison, 1960) = point au-delà duquel un processus est irréversible:
 s'il s'agit d'une maladie curable, le traitement appliqué après le point X ne peut plus obtenir
la réversibilité du processus pathologique en cours;
 s'il s'agit d'une maladie entraînant à un moment donné de son évolution une invalidité
définitive, le traitement appliqué après le point X ne pourra plus prévenir l'installation de
cette séquelle permanente;
 s'il s'agit d'une maladie chronique incurable mais dont on peut ralentir le cours, le
traitement appliqué après le point X ne procure pas un ralentissement de l'évolution plus
important que le traitement instauré au moment habituel du diagnostic.

Notion de point critique

Point critique idéalement en X. SI


patient consulte le médecin avec
des symptômes le dépistage n’a
pas d’intérêt

- En X1, le point critique est dépassé


au moment où la détection est
faite
- En X2, aucun effort de détection
précoce n’est nécessaire (inutile !)

La longueur de l’intervalle B-X est proportionnelle à l’efficacité du dépistage.

- Le point critique n’est pas individualisable, il fait partie de l’histoire naturelle de la maladie!
- La seule manière de démontrer l’existence d’un point critique est de réaliser un RCT de bonne
qualité.
- Voir plus loin les biais et difficultés possibles.
Applications

- Leucémies aiguës - Tumeurs bénignes (p.ex. neurinome de


- Cancer du poumon l’acoustique)
- Maladies infectieuses aiguës - Cancer de la prostate
- Maladie de Parkinson - Lymphome « indolent »
- Cancer de l’endomètre - Cancer colorectal
- Diabète de type 2
1
Les différents types de prévention/ notion de points critiques
22
WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
La présence d’un point critique est indispensable, mais ne garantit pas que le dépistage soit « utile »

Exemple de question d’examen

La 4 car le diabète est une maladie à progression lente, chronique et incurable. Le diabète de type 2,
maladie fréquente et importante qui évolue lentement. Séquelles qui apparaissent tardivement et
maladie à évolution lente. Maladie incurable qui entraine certaines complications. Processus n’est
pas irréversible car on peut faire des prises de sang de glycémie à jeun etc. On ne guérit pas le
diabète mais on peut le prendre en charge en soignant l’HTA, l’obésité,..

Le point critique est vraiment après le moment habituel du diagnostic. La 5 est vraie aussi

On peut raisonner pareil que


pour le diabète.
Il faut agir suffisament tôt
avant que le cancer du
poumon devienne incurable
et sois compliqué à prendre
en charge.
Pour le cancer du poumon la
réponse est la numéro 3

23
WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
Critères de Wilson et Jungner
 La maladie à détecter doit être fréquente et grave
 L’histoire naturelle de la maladie est connue (phase pré-clinique)
 Le signe recherché (le test): simple, rapide, reproductible, valide (sensibilité-spécificité)
 La technique utilisée: acceptable, sans risque, volontaire
 La population visée: bien définie
 Le traitement disponible: efficace, et prise en charge des T+ organisée
 La procédure d'ensemble du dépistage et de ses suites: coûts, efficience

Quelques chiffres
 En Belgique, 10.490 nouveaux cas de cancer du sein ont été enregistrés en 2011.
 75% des cas de cancer du sein apparaissent après l’âge de 50 ans.
 En 2008, 2.329 femmes en sont décédées.
 Environ une femme sur 9 sera atteinte d’un cancer du sein avant l’âge de 75 ans.
 Le cancer du sein est le premier des cancers chez la femme en terme de fréquence.
 Le cancer du sein est la première cause de mortalité prématurée (< 65 ans)
 Entre 50 et 60 ans, mortalité par cancer du sein > mortalité cardio-vasculaire

Difficultés

1) Biais : faux bénéfice => avance au diagnostic

Exemple : mammographie de dépistage


- Couverture (60%...)
- Problème des faux positifs:
○ Sensibilité = 80%, spécificité = 95%
○ Valeur prédictive positive = 8% • Faux positif : 9% /examen; 20-30% pour 5 examens, 50%
pour 10 examens
 quelle attitude de la part de femmes qui ont eu 1 examen faussement positif???
 consommation inutile de soins et complications possibles

2) Efficacité et sécurité du traitement disponible


- Cas du cancer de la prostate (surdiagnostic et surtraitement, effets secondaires de la
chirurgie, ...)
- Cas de la détection des mutations BRCA1 et BRCA2

3) Questions économiques
- Construire sur l’existant (résistances)
- Substitution ou addition d’un programme aux soins (estimation du rapport coût-efficacité)
- Bénéfices et désavantages
« The review estimated that screening leads to a reduction in breast cancer mortality of 15% and to
30% overdiagnosis and overtreatment. This means that for every 2000 women invited for screening
24
WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
throughout 10 years, one will have her life prolonged. In addition, 10 healthy women, who would
not have been diagnosed if there had not been screening, will be diagnosed as breast cancer
patients and will be treated unnecessarily » (Goetsche, 2009).
4) Biais de sélection pronostique: variabilité de la croissance
- Cancers d’intervalle (A)
- Surdiagnostic et surtraitement (C ? D ?)

Dépistage du cancer de la prostate


 1410 men need to be screened to avoid 1 death, this translates into a trade-off of
approximately 1 death averted to 50 men overdiagnosed with prostate cancer
 However, in a recent major American randomized cancer screening trial, prostate cancer
screening did not provide a mortality benefit. Thus, with the possibility that the true
mortality benefit "approaches 0" the estimate of the ratio of deaths averted to men
overdiagnosed approaches 1 to infinity

Prostatectomie: décès (0,5%), thrombo-embolie (10%), incontinence totale (5-20%), impuissance


(40-90%), anéjaculation (100%)
Conclusion

 Dépister n’est pas nécessairement faire plus de bien que de mal


 Quel bénéfice perçu individuellement pour quel effort effectué collectivement?
 Quel bénéfice pour la société?
 Une approche parmi d’autres?

Dépistage CCR
 9000 nouveaux cas/an (H > F), 3000 décès/an
 Réduction de la mortalité avec dépistage
- Survie stade I > 90% à 5ans
-  10-15% (dépend de participation)

Wallonie:
- H et F >50-74 ans, 1x/2ans
- Kit reçu via médecin généraliste (1ère fois)
- Echantillon => labo
Résultats => participant + médecin généraliste –
https://ccref.org/particulier/colorectal.php
Flandres:
 H et F 53-74 ans, 1x/2ans
 Kit reçu par la poste, prélèvement à la maison

25
WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
 Échantillon => labo
Résultats => participant + médecin généraliste

iFOBT: Se  85%, Sp  95% (C.Sup.Santé 2013)


Déterminants sociaux de la santé
La santé est une caractéristique collective. Les déterminants sont difficilement ramenable à une
seule variable.
Exercice
Politique interfédérale pour une génération sans tabac (section 4 page 9)

A. Identifier des politiques concernées par la stratégie interfédérale pour une génération sans
tabac

1. Suppression de l’interférence de l’industrie du tabac dans la préparation et la mise en œuvre


des politiques de santé publique : politique de régularisation
2. Augmentation significative du niveau général des prix ainsi que suppression de l’écart des
prix entre les différents types de produits de tabac : politique économique
3. Interdiction de la consommation de tabac dans certains lieux extérieurs : politiques
régularisation (tabagisme passif) , éducative ( pas fumer dans les écoles) , et
d’environnement ( pas dans les transports publics). Demande une mise en œuvre
importante
4. Amélioration des dispositions réglementant la composition des produits de tabac
5. Amélioration des dispositions visant à informer le public sur la composition des produits de
tabac
6. Amélioration des avertissements sanitaires des produits de tabac
7. Amélioration des politiques de promotion de la santé : politique éducative, sécurité sociale
(on peut promouvoir dans les milieux médicaux)
8. Réduction du nombre de points de vente de produits de tabac et interdiction de l’affichage
des paquets de produit de tabac aux points de vente : politique économique
9. Interdiction de la vente par automate et renforcement du contrôle de la vente de produits
de tabac par internet : politique économique et de sécurité sociale
10. Amélioration de l’aide au sevrage via une offre pluridisciplinaire et en renforçant le
remboursement des médicaments d’aide au sevrage : politique de sécurité sociale
( sevrage, intervention médicale)
11. Mise en œuvre d’un système de traçabilité pour tous les produits à base de tabac
12. Réduction des conséquences environnementales néfastes de la consommation de produits
de tabac
13. Renforcement du monitoring de la consommation de produits de tabac en Belgique
14. Mise en œuvre d’un mécanisme de financement durable des activités antitabac : politiques
éducatives et sécurité sociale

B. Par quels déterminants sociaux de la santé ces politiques pourraient-elles affecter la santé de la
population ?

C. Quelles sont les différences de tabagisme régulier selon le niveau d’éducation dans la population
belge ?
Au plus on a un niveau de scolarité élevé au moins on fume. Politique éducative, viserait à
augmenter le niveau éducatif de tout le monde.

26
WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
Trouver quelle serait la politique par laquelle ça viendrait affaiblir le lien entre la promotion de la
santé et la réduction du tabagisme : TUYAUX
- Approche de promo de la santé dans les écoles et les quartiers les plus défavorisés.
- Dans les zones d’éducation prioritaire (discrimination positive) => augmenter équité
Identifier des politiques affectants positivement et négativement les déterminants sociaux de la
santé mentale de la population.

Impact + Impact -

Définitions
Déterminants sociaux (DS) :
● Conditions dans lesquelles les personnes naissent, grandissent, vivent, travaillent et
vieillissent, et qui formattent (influence) la distribution des richesses, du pouvoir et des
ressources
● Conditions définies pas des ressources socialement valorisées (richesse,..)

Inégalité (Ig):
● Différence dans la distribution d’une ressource/résultat
● >< égalité , tout le monde a le même tabouret pour voir le match peu importe leurs besoins

Inéquité :
● Distribution injuste des ressources/résultats
● >< équité, tout le monde a un tabouret adapté en fonction de sa taille pour que tout le
monde puisse voir le match

Les causes des causes

Le fardeau de la maladie renvoie souvent à des mécanismes intermédiaires : nutrition, tabagisme,


hypertension, etc.

Comment expliquer leur survenance ?


● lls résultent pour l’essentiel des déterminants sociaux de la santé (DSS)
● Les causes des causes : déterminants et processus affectant la distribution inégale des
ressources de la santé entre groupes d’individus.
● DSS: conditions dans lesquelles les personnes naissent, grandissent, vivent, travaillent et
vieillissent, et qui formattent la distribution des richesses, du pouvoir et des ressources
● Approche collective > approche individuelle : Variations entre groupes, on va favoriser une
approche collective
● Cadre « Déterminants sociaux de la santé » (« CSDH »)
● Dualité des DSS
○ La sécurité sociale (déterminent collectif) finance notre système de santé ( et donc
notre santé individuelle)
27
WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
○ Sécurité sociale va être influencée par les déterminants sociaux de la santé

Modèle de la commission OMS sur les déterminants sociaux

L’ensemble des facteurs manipulé par l’action collective


par l’état
Implique le rôle de l’organisation sociale de la santé et
la culture.
Régulation => législation

Politiques de prévention : Les taxes plus élévées sur


le tabac vont pousser les gens à diminuer, les images
sur les paquets de tabac, limiter les smoking band,
campagnes de prévention, plus d’accès aux services
de sevrage
 La législation est impliquée
 La régulation des premières variables a un effet

28
WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
2

Globalement, que décrit ce tableau :


On peut voir comme variable :
Lignes : Colonnes :
Dépenses soins de santé Nombre de decés
Dépenses de sécurité sociale Mortalité liée à l’alcool
Revenus du pays Suicide
Nombre de pays et la liste Tuberculose

Le tableau mesure l’impact des variations en lignes sur celles qui sont en colonnes.
 Si le revenu des habitants augmente de 100$ , la mortalité toute cause diminue de 0,14%
 Si les dépenses de sécurité augmentent de 100$ par an, la mortalité toute cause diminue de 1%
 Les effets sont plus négatifs pour la mortalité liée à la consommation d’alcool si le montant de la
sécurité sociale augmente de 100$
 Les effets sont beaucoup plus prononcé, entre les dépenses en soins de santé par rapport à des
dépenses de sécurité sociale

Quelles sont les variables d’exposition les plus influentes : en ligne


Quelles sont les variables d’outcome les + vulnérables : en colonne

Que concluez-vous?
L’augmentation des dépenses en sécu de santé a des effets beaucoup + protecteur pour la
tuberculose. La tuberculose concerne les patients très précarisés, il s’afit du marqueur du lien entre
santé et société, ce marqueur permet de déterminer le taux de précarité. Lorsqu’on a un système
de sécurité social solide on arrive à prendre en charge l’ensemble des patients atteints de
tuberculose.

Position socio-économique
2
Tuyaux +++ : examen 2023
29
WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
Positionnement dans les stratifications sociales
Différentes ressources/opportunités :
- Revenu
- Richesse Processus sociaux d’exclusion
- Scolarité - Racisme institutionnel
- Emploi - Stratification sociale et mobilité
- Logement (locataire, proprio) sociale
- Ethnicité, migration - Ségrégation spatiale ( processus qui
- Sexe, genre et orientation sexuelle influence l’accès aux ressources)

Déterminants sociaux intermédiaires

La théorie psychosociale des DSS

● Conditions matérielles de vie : logement, consommation


● Facteurs psycho-sociaux : stress, support social et coping style
● Comportements de santé

Mécanismes
Comment les DSS affectent-ils la santé des groupes et communautés ?

➔ Principe 1. Les DSS affectent l’exposition, la sensibilité,


➔ Principe 2. Les DSS sont liés au contexte micro, ..,macro.
➔ Principe 3. Les DSS s’accumulent sur le parcours de vie
➔ Principe 4. Les DSS présentent des synergies.
➔ Principes 5. Les relations bidirectionnelles des DSS
➔ Principe 6. Les DSS sont des processus sociaux
➔ Principe 7. Les DSS s’inscrivent dans notre biologie

- Les personnes plus scolarisées ont un risque plus faible de fumer = risque d’exposition

30
WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
- Les DSS jouent un rôle entre l’exposition à un facteur à risque et le problème de santé :
vulnérabilité.

Personnes précarisées -> Risque ++ de fumer -> risque ++ cancer

- Les DSS jouent également un rôle sur les conséquences sanitaires (morbidité, mortalité)
- La scolarité joue un rôle sur le cancer et l’incapacité = pénalité différentielle

Bien retenir et comprendre la différence entre, exposition, vulnérabilité et pénibilité

Règle pas appliquée = règle qui n’existe pas


Le milieu de vie dans lequel on va étudier ( ici école), sont
des lieux dans lesquels les résultats seront influencés
favorablement ou pas les comportements en santé.

Environnement social

● Environnement social: être pauvre ou résider dans un quartier pauvre.


● Deux générations dans un quartier pauvre: IQ: percentile 50 -> percentile 28.
● Effet sur la santé ?
● Milieu de vie est un filtre du lien en DSS et la santé

Exemple : « Moving to Opportunity » (LO): effet sur le BMI et HbA1c

Cycle de vie (P3)

● Etapes du cycle de vie : prime enfance, adolescence,...


● Certains DSS auront d’autant plus d’importance qu’ils surviennent durant ces étapes
○ Exemple: santé mentale dans l’enfance
● Perspective du cycle de vie (life course)
● Les déterminants doivent donc être appréhendés sur le cycle de vie et dans les transitions •
● Accumulation : les DSS se « cumulent » tout au long du cycle de vie
● Transmission intergénérationnelle

31
WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
tuyaux !!!
3 déterminants de la santé : 2 positions
économiques ( statut migratoire et pauvreté) et
une cycle de vie.

Racisme institutionnel= dans la population non


migrantes 8% et dans la population migratoire
28%

Synergie : en terme de santé ( combinaison de


maladie), mais on peut le voir en combinaison de
DSS ( ex : migration et pauvreté)

Synergies (P4)

● Concentration de problèmes de santé dans des communautés


● Effets multiplicateurs des DS
● Effets multiplicateurs des problèmes de santé
○ Ex: Santé = α + β × revenu + π ×ethnicité + Ω ×revenu × ethnicité
○ Exemple: santé subjective, revenu et « race »
○ La combinaison dépression et alcoolisme

Relations bidirectionnelles (P5)

● Le lien bidirectionnel santé-déterminants sociaux


● (1 ) Les déterminants sociaux de la santé
● (2) La santé est aussi une composante du capital humain
● Pénalité sociale : la maladie peut affecter les capacités professionnelles et la mobilité sociale
○ Exemples ? adaptation des postes de travail, réintégration au travail
● Ces mécanismes varient d’une maladie à l’autre
○ Ex : dépression majeure versus schizophrénie
● Les politiques sociales permettent d’atténuer cette pénalité
● Modèle de l’établissement, est un modèle qui vise avant tout à réduire le risque de pénalité
sociale
32
WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
Examen : prévalence des maladies chroniques de longue durée dans la population par quintiles de
revenus. Q1 : 20% les plus pauvres ; Q5 : 20% les plus riches
- En Espagne, il y a moins de personnes qui déclarent des limitations de longues durée
- Moins d’écart social , en ES il y a une réduction de la relation entre revenu et maladies
chroniques

Les processus sociaux (P6)

● Comment expliquer la persistance des DSS dans des sociétés démocratiques ?


● Importance des théories
● Exemples de théories – « Inverse care law», – Effet Mathieu – Racisme institutionne

Mécanismes biologiques (P7)

● Comment les DSS s’insinuent-ils « sous notre peau »?


● Développement cérébral dans l’enfance
● Épigénétique-méthylation;
● Inflammation et réponse immunitaire
● Stress chronique, cortisol et syndrome métabolique

33
WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
Macro les politiques

Exercice
Identifier des politiques affectant positivement et négativement les déterminants sociaux de la santé
mentale de la population

Conclusions
● Pas de SP sans cadre théorique du problème
● Les DS est une lasagne
● Approche dynamique du problème
● Soins de santé, un déterminant parmi d’autres
● Combiner les approches universelles et ciblées
● Approche individuelle et approche collective

Exercice
Google: HISIA Belgium
Quelle est le % de personnes victimes de violence en Belgique entre 2008 et 2018 ?
La tendance est-elle similaire chez les hommes et chez les femmes ?
Vos réponses sur https://www.wooclap.com/LCLZQJ

Pour votre mémoire

● Utiliser le cadre CSDH pour structurer votre RL sur les FR


● Quelles sont les théories pertinentes pour votre sujet ?
● Quels sont les aspects dynamiques à retenir ?
● Sources de données secondaires

34
WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
Introduction à la santé numérique

Qu’est-ce que la santé numérique ?

Une multitude de définitions…


Une pluralité de termes : Santé numérique, E-santé, M-santé, télémédecine, médecine digitale, etc.

Des définitions multiples : Des auteurs ayant effectué une traversée systématique de la littérature
ont ainsi recensé jusqu’à 51 définitions différentes de la e-santé. (Oh H, Rizo C, Enkin M, Jadad
A, « What is eHealth, A Systematic Review of Published Definitions », in Journal of medical Internet
Research, 2005, 7(1)).

Une définition générique : La santé numérique recouvre l’usage des technologies de l’information et
de la télécommunication dans le champ de la santé et du bien-être
(Pierre Simon, Télémédecine, Enjeux et pratiques)

Une évolution de la médecine


La télémédecine clinique est une pratique médicale à distance grâce à des technologies de
l’information et de la télécommunication.

En France, le Code de la santé publique reconnaît 5 actes de télémédecine :


• la téléconsultation : lorsqu’un patient consulte à distance un professionnel de santé médical
• la téléexpertise : lorsque deux professionnels de santé médicaux (ou plus) donnent à
distance leurs avis d’experts spécialistes sur le dossier médical d’un patient
• la télésurveillance médicale lorsqu’un patient atteint d’une maladie chronique est suivi à
son domicile par des indicateurs cliniques et/ou biologiques choisis par un professionnel de
santé médical, collectés spontanément par un dispositif médical ou saisis par le patient ou
un auxiliaire médical, puis transmis au professionnel médical via des services commerciaux
de télémédecine informative, comme le télémonitoring
• la téléassistance médicale lorsqu’un professionnel médical assiste à distance un
professionnel de santé non médical
• la régulation médicale : prestations médicales dont l’aide médicale urgente et le téléconseil
médical personnalisé

En Belgique, jusqu’à l’entrée en vigueur des mesures temporaires introduites en mars 2020 dans le
cadre de la pandémie du COVID-19, il n’existait pas de législation spécifique pour définir et organiser
le recours à la vidéo-consultation en Belgique.

Au moment de la crise, cette situation a évolué radicalement. Mi-mars 2020, le gouvernement a


ainsi publié un arrêté royal pour permettre à tous les médecins de dispenser des conseils
téléphoniques à leurs patients, dans le but d’effectuer un « tri » et du renvoi des cas probables de
COVID-19, et afin de garantir la continuité des soins des autres patient·es.

35
WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
Une évolution de la médecine
La médecine personnalisée : « la médecine personnalisée, dite aussi médecine stratifiée, permet de
subdiviser la population à partir de marqueurs génétiques ou biologique » (Rapport santé de l’OCDE
(2013))
• Chacun d’entre nous possède en effet un génome comportant un nombre important de
petites variations sous la forme de mutations ponctuelles, de variations du nombre de
copies d’un même gène, de délétions de fragments de chromosomes ou encore
d’amplifications de séquences nucléotidiques. Or, certains de ces polymorphismes génétique
sont des facteurs de bon ou de mauvais pronostic pour une pathologie déterminée, d’autres
conditionnent la réponse, bonne ou mauvaise, d’un patient à tel médicalement ou telle
classe de médicaments.
• La médecine personnalisée repose ainsi sur la capacité à corréler ces variations génétiques
d’un côté, et ce différentiel de pronostic et de réponse aux thérapies de l’autre.

Xavier Guchet (La médecine personnalisée) :


« La médecine personnalisée n’est généralement pas décrite comme l’application en clinique d’un
savoir biologique préalable, comme une médecine précédée par une théorie ; elle est davantage
définie comme une médecine a-théorique, sans hypothèse préalables, supposée guidée seulement
par la positivité des données délivrées par les techniques, et traitées par les algorithmes » (139).

36
WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
Au-delà de la médecine, une évolution du champ de la santé et du bien-être
Le quantified self. Dans un « Guide pratique du Quantified Self », Emmanuel Gadenne le définit
comme ce qui « regroupe de façon générique les outils, principes et méthodes permettant à chacun
d’entre nous de mieux nous connaître, de mesurer des données relatives à notre corps, à notre
santé, à notre état général ou aux objectifs que nous nous fixons ».

Un concept évolutif et systématique ?

La e-santé en Belgique

D’une logique en silos à un système de santé intégré

La Belgique - comme tous ses voisins - est confrontée à un défi de taille : rénover en profondeur les
orientations et le financement de son système de santé dans la prochaine décennie pour faire face
aux défis colossaux qui nous attendent à relativement court terme : contraintes très importantes sur
les finances publiques, explosion des dépenses de santé liées à la fois à l’accélération du progrès
technique et scientifique et au vieillissement en cours de la population.

Afin de n’hypothéquer ni la qualité, ni l’accès au système de santé, un changement de paradigme est


nécessaire. Il place le patient, de la naissance à la mort, au centre de l’approche et réorganise les
ressources de façon flexible en limitant ainsi au maximum la croissance opportuniste des dépenses
de santé.

Dans ce type de système très intégré, le rôle des acteurs de santé, individus comme institutions,
professionnels de santé comme citoyens-patients est appelé à profondément se modifier. La
37
WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
production d’information dans une optique globale et sa mise à disposition de tous les acteurs
concernés est une condition sine qua non de tout changement.

1999 : création de la Commission « Norme en matière de Télématique au service du secteur des


Soins de Santé ».
2000 : Projet S3 (Serveurs de Soins de Santé) d’un dossier santé partagé au niveau fédéral
2005 : avant-projet de loi « BeHealth ». Objectifs :
• créer un cadre réglementaire
• Organiser les projets existants
• Créer un plan d’action sur base de projets pilotes
Résistance de la part des syndicats médicaux (dénonciation d’un manque de concertation, absence
de représentation des médecins, crainte d’un détournement des outils à des fins de contrôle, etc.)
Abandon du projet de loi et du projet S3 considéré par certains acteurs (ordres des médecins et
syndicats médicaux) comme trop centralisé
Plutôt qu’un Réseau de santé fédéral, la responsabilité est reportée sur les acteurs loco-régionaux
(associations régionales de télématique médicale).

2008 : création de la plateforme eHealth.


Objectif : créer un « index des références » en lieu et place d’une centralisation des données de
santé. Il ne s’agit donc plus que les données soient stockées en un seul endroit de manière
centralisée, mais qu’elles restent stockées sur les serveurs locaux et qu’on puisse, grâce à cet index
qui fonctionne comme un bottin téléphonique, savoir à quel endroit elles se trouvent pour les
consulter.

Métahub qui connecte les hubs (réseau de santé) régionaux.


Le système des hubs et du metahub a pour objectif de connecter entre eux les systèmes régionaux et
locaux d’échange d’information médicale (dénommés « hubs ») grâce au metahub. Un prestataire de
soins peut ainsi toujours retrouver et consulter les documents médicaux électroniques disponibles
concernant un patient, indépendamment de l’endroit où ils sont stockés, et quel que soit le lieu où le
prestataire de soins s’identifie dans le système.

2013 : établissement du plan d’action e-santé V1.0 (2013 à 2018)


20 points d’action répartis en 5 rubriques :
1. 1) Une architecture de référence et se concentrer sur quelques projets ciblés
2. 2) Associer le patient et accroitre les connaissances disponibles sur la santé en ligne
3. 3) Adopter une terminologie de référence
4. 4) Faciliter l’administration et la communication
5. 5) Mettre en place une concertation effective
2015 : une réactualisation du plan est proposée. C’est la V2.0 du plan d’action e-santé (2015-2018).
Une nouveauté : la santé mobile :
« Les prestataires de soins pourront faire appel à la télémédecine en utilisant des applications de
‘Mobile Health’ qui auront fait l’objet d’un enregistrement officiel. Cet enregistrement sera
conditionné par un certain nombre de contrôles en termes de respect de la vie privée,
interopérabilité, label CE pour les dispositifs médicaux et evidence based medicine (EBM).

38
WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
Plan d’action e-santé V3.0

Roadmap 4.0

La santé et la continuité de soins de haute qualité sont au cœur de cette démarche à l’initiative d’un
citoyen/patient (et de son entourage) qui souhaite contribuer activement à sa bonne santé.
Le deuxième fil conducteur est l'utilisation secondaire des données, qui sera facilitée par la Health
Data Authority (HDA). L'utilisation secondaire doit permettre l'utilisation des données pour
l'innovation, la recherche et le développement, ainsi que la gestion de la population et le soutien à la
décision sur la base de données agrégées.

La santé numérique : un objet « en devenir »

Jeannette Pols appelle dans Care at distance (2012), a « lack of knowledge » à propos de la santé
numérique. Il y a plusieurs éléments qui peuvent expliquer cela.
1) Tout d’abord, une explication d’ordre épistémologique mettant en avant les limites de
l’évaluation standard en médecine.

39
WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
Mol, Moser et Pols critiquent les « clinical trials », car pour elles « the qualification of care is reduced
to measuring a few relatively simple parameters and squeezing these into schemes of accountancy »
(Introduction, Care: putting practice into theory, p. 12).
Comme le soulignent les auteurs du rapport du KCE après avoir effectué une revue systématique de
la littérature médicale portant sur la téléconsultation, « il n’existe pas de preuves robustes d’une
équivalence ou d’une supériorité par rapport aux consultations en face à face ni du reste d’un
quelconque effet négatif sur les patients, qui semblent en être satisfaits » (KCE, 2020)

• Fin 2020, l’INAMI a lancé une convention pour soutenir des projets pilotes de télémonitoring
pour le suivi des patients COVID-19. Dans cette étude, le KCE a analysé douze de ces projets
pilotes
• Tant ces douze projets belges que les initiatives internationales se caractérisent par une
forte hétérogénéité dans leurs critères d’inclusion, les paramètres monitorés, la fréquence
de mesures et la manière de les mesurer, les ressources humaines allouées au
télémonitoring et les interactions avec d’autres prestataires de soins, les actions à
entreprendre en cas d’alerte, les mesures de paramètres et la manière de les obtenir, etc. La
plupart de ces projets ne comportent pas de groupe contrôle. En raison de cette
hétérogénéité, il n’a pas été possible de combiner les différentes études ou projets d’une
manière un tant soit peu pertinente et/ou d’en tirer des conclusions claires sur la qualité et
l’efficacité des soins dispensés, ni sur une éventuelle diminution du nombre de visites aux
urgences, du nombre d’hospitalisations, des durées de séjour à l’hôpital et/ou de la pression
sur les médecins généralistes et autres prestataires de soins de première ligne.

• (Conford 2001) The argument is made that these methods do not allow for contextual,
complex issues to be addressed, are difficult to generalize, and have not yet provided any
major indication of improved patient outcomes or cost effectiveness, whereas the
institutional setting and societal dimensions are ignored.
• (Kaplan 2008) : Most evaluations of medical and health informatics applications are based
on positivist, rationalist, or rational choice theoretical perspectives and study designs,
whereas technology assessment, similarly dominated by quantitative experimental designs
(based on randomized controlled trials) and cost/benefit analysis, also has developed over
the past 30 years to emphasize safety, efficacy, and economic impacts.
• (Botrugno 2017) : Critique du WSPD (the largest trial ever carried out before in this field)

2) Une autre explication du manque de connaissance avancée par Pols est économique et met en
avant le lien fort entre recherche et business. Le secteur de la e-santé étant un secteur industriel en
plein essor, chaque industriel a tendance à garder pour lui les résultats de ses expérimentations.

Un objet « au présent » et au « futur »

Si la santé numérique fait déjà partie du présent du monde du soin, elle est présentée également
comme le futur de nos systèmes de soin. Beaucoup d’applications ou de dispositifs se disent encore
« au futur », sous la forme de promesses.
Maggie De Block : « l’e-santé a démarré comme un TGV. On n’arrêtera plus l’utilisation des
technologies numériques dans le cadre des soins de santé »
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WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
Dans sa thèse de doctorat sur la télémédecine (2012), Anne-Briac Bili a bien mis en avant cette
dimension projective des discours accompagnant le développement de la télémédecine

. A titre d’exemples, entre autres verbatim qu’elle rapporte :


• un futur inéluctable :
• La médecine de demain télécommuniquera ou ne sera plus !
• Si nous n’intégrons pas les dispositifs de la télémédecine dans nos pratiques et nos
modes de fonctionnement, nous serons dans l’incapacité de répondre aux enjeux de
la médecine.
• Que les choses soient claires, plus de patients, moins de médecins, des trous dans la
sécu qui vont atteindre des profondeurs « abyssales », induisent nécessairement le
développement de la télémédecine et du suivi depuis le domicile […] Sinon cela sera
un véritable chaos dans les années à venir, auquel la médecine et les organismes
financeurs ne pourront pas faire face. Prenons les dispositions avant qu’il ne soit trop
tard, comme l’ont montré de nombreux autres exemples !
• un retard à rattraper :
• Santé et Informatique : le retard français. Ce que le retard nous coûte : temps,
argent et vies.
• Quand vous voyez ce qui se fait au Canada, nous sommes vraiment à la traine. La
télémédecine est banalisée chez eux ! Nous avons des leçons à en tirer, en prenant
exemple sur eux.

La santé numérique « au futur » : promesses


Pour de nombreux auteurs, les nouvelles technologies s’inscrivent dans un véritable « régime de
promesses technoscientifique », pour reprendre le terme d’un article de Pierre benoit Joly.
L’innovation technologique prend place dans une économie des promesses qui structurent les
attentes de tous les acteurs.
Pierre-Benoît Joly, « Le régime des promesses technoscientifiques », in M. Audétat (éd.), Sciences et
technologies émergentes : pourquoi tant de promesses ?, Paris, Hermann, 2015, p. 31-47.
« Les promesses sont ainsi des stratégies pour capter des ressources attribuées sur une base
compétitive ».

Scénario et roadmap

Guchet a montré que ces scénarios sont de plus en plus utilisés. Il écrit : « le scénario est devenu le
support et le médium du notre relation au futur, il est le cadre dans lequel nous donnons du sens au
présent en l’inscrivant dans le temps ».
Ils ne sont pas neutres. Au contraire, ils façonnent et influent sur l’évolution technologique. Les
feuilles de route, road map, donnent forme à nos représentations du temps.

L’objectif d’une feuille de route est de fixer une stratégie dans un horizon temporel défini et
d’indiquer les moyens à mettre en œuvre pour l’atteindre. (…) La feuille de route n’est pas à
proprement parler anticipatrice, elle ne fournit pas une description complète du futur, elle ne prétend
pas dire ce que sera réellement le futur : elle construit un futur possible, hypothétique, en
sélectionnant des facteurs-considérés comme stratégiques et supposés conduire vers ce futur (…) En
41
WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
résumé, le futur des scénarios est un futur construit sur la base d’une sélection des éléments jugés
pertinents.

Le futur est pour ainsi dire « fabriqué », construit, dans le but de piloter et d’influer sur l’évolution
des technologies

C’est particulièrement le cas des nanotechnologies :


« les acteurs des nanotechnologies ont des représentations hétérogènes et concurrentes du temps
dans lequel elles sont amenées à se déployer et à produire leurs effets ». Une lutte s’opère entre
différents types de cadrage temporel, « chaque acteur cherchant à imposer sa maîtrise du futur, sa
capacité à peupler ce futur de ses propres attentes et de ses propres valeurs » (Xavier Guchet,
Philosophie des nanotechnologies).

Pour le dire en reprenant une expression de Didier Bigo, le futur est « colonisé » par de nombreux
acteurs qui essaient d’imposer leur vision du futur comme une matrice commune de toute
anticipation du futur.

Initialement, Didier Bigo a forgé cette expression dans le cadre d’une réflexion sur les technologies
de surveillance, pour désigner les prétentions et stratégies des experts et professionnels de ces
technologies qui appréhendent le futur comme un « futur antérieur, comme un futur déjà fixé, un
futur dont ils connaissent les événements ».

Une promesse d’autonomisation du patient

L’autonomie au cœur de la bioéthique


James Childress et Tom Beauchamp Principles of Biomedical Ethics (1979):
• le principe du respect de l’autonomie
• le principe de bienfaisance
• le principe de non-malfaisance
• le principe de justice.
« Le Principe d’autonomie affirme que le patient est une personne libre de décider de son propre
bien et que celui-ci ne peut lui être imposé contre sa volonté en faisant usage de la force ou en
profitant de son ignorance. Le principe d’autonomie constitue le fondement de la règle du
consentement libre et éclairé. Il entre en conflit avec le paternalisme, bien qu’il n’empêche pas le
patient de s’en remettre volontairement à son médecin » (Gilbert Hottois).

Promesse d’autonomisation dans le système de santé : Le patient comme « co-pilote » de sa santé?

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WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
Promesse d’autonomisation dans le système de santé : empowerment du patient ?
Au niveau individuel, la e-santé est un facteur d’« empowerment » qui permet de donner des armes
pour accéder à la liberté et à l’autonomie alors qu’au niveau collectif, le numérique est un facteur de
mise en réseau, de transparence, et d’émancipation. (2016, Marysol Touraine, ancienne Ministre de
la Santé)

Promesse d’autonomisation dans le système de santé : le patient participatif ?


D’autres voix encore, comme celle du European Group of Ethics auprès de la Commission
Européenne évoque dans l’Opinion 29 un « participatory turn » dans le domaine de la santé.

Promesse d’autonomisation du patient dans sa vie de tous les jours : le choix du lieu de soin ?
La télésurveillance à domicile permettrait d’éviter certaines hospitalisation.

Promesse d’autonomisation du patient dans sa vie de tous les jours : une transformation de
l’expérience de la maladie ?
Ex. les lecteurs de glucose en continu ne permettent-ils pas un allégement des contraintes par
rapport aux lecteurs par glycémie capillaire qui leur donnait une mesure ponctuelle de la glycémie?

Comment évaluer cette promesse ?


Plusieurs difficultés :
Pluralité de définitions de la santé numérique. De quoi parle-t-on lorsque l’on, parle de santé
numérique ? Est-il possible de tenir cette promesse pour tous les champs de la santé numérique ?
Les effets et impacts de la santé numérique sont encore à évaluer. Comment se positionner par
rapport à des technologies émergentes, encore en développement ? Comment se positionner face
au « dilemme du contrôle » (ou dilemme de Collingridge, The social Control of Technology, 1980) :
• l’anticipation des impacts d’une technologie est difficile lorsque celle-ci n’est pas
encore massivement utilisée, ses effets sociaux n’étant pas visibles. (déficit
d’information)
• par contre, une fois qu’elle est massivement utilisée, c’est très difficile de revenir en
arrière pour changer les choses. (déficit de pouvoir)

Un autre risque : le déterminisme technologique

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WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
Maggie De Block, ancienne Ministre la santé en Belgique : « l’e-santé a démarré comme un TGV. On
n’arrêtera plus l’utilisation des technologies numériques dans le cadre des soins de santé ».
« l’insuffisance du recours au numérique (…) induit, sur une large échelle, des situations non
éthiques au sein de notre système de santé » (Avis 129 du CCNE, p. 97).
L’éthique est-elle réduite à affirmer « Pour ma santé, je dis oui au numérique » ?

Bioéthique

Critique de la thèse de la neutralité de la technologie

Site belge de la e-santé


L’e-santé n’est pas une fin en soi, mais un moyen de maintenir et, lorsque c’est possible, d’améliorer
la qualité, l’accessibilité et la pérennité des soins de santé. Il est impossible d’associer une définition
statique à la notion d’« e-santé ».

Paul Dumouchel et Luisa Damiano écrivent :


« L’objet technique de consommation courante ne doit pas être encombrant, il doit autant que
possible être invisible et silencieux. Cette "disparition" de l’objet, son "silence", au sens où il est dit
que "la santé est le silence des organes", tend à être considérée pour un objet technique comme
équivalent à plus efficace » (Dumouchel et Damiano, Vivre avec les robots, 2016, p. 46).

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WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
Tout objet technique est pharmacologique : il est à la fois poison et remède. Le pharmakon est à la
fois ce qui permet de prendre soin et ce dont il faut prendre soin, au sens où il faut y faire attention :
c’est une puissance curative dans la mesure et la démesure où c’est une puissance destructrice.
Cet à la fois est ce qui caractérise la pharmacologie qui tente d’appréhender par le même geste le
danger et ce qui sauve.

La thèse de « l’instrumentalisme » pour laquelle les technologies sont des instruments neutres :
« Technology is not a value. Its value depends on how we use it ».
Contre la thèse de l'instrumentalisme, il faut défendre l'idée que les technologies ne sont pas
neutres ! Elles intègrent des valeurs, des visions du monde. Elles peuvent être le relais d'intentions
politiques.

Langdon Winner : « Do Artifacts Have Politics ? »


Exemple des ponts de NY : les bus/camions ne passent pas car le pont est bas.

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WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
Ici le design technologique est orienté par des choix politiques, au sens où il contribue à rendre
effective une intention politique explicite.

Importance des arrangements techniques avant même l’usage de cette technique.


Effets intentionnels et inintentionnels

Pour Winner la dimension politique des technologies ne se situe pas uniquement dans les projets
intentionnels des designers, mais également dans les effets non intentionnels des technologies.

Exemple de la machine à ramasser des tomates


Cas de la machine à ramasser les tomates, améliorée en continu depuis plus de cinquante ans par les
chercheurs de l’université de Californie.

Machine permettant de ramasser en une seule passe les tomates.


La machine était très chère : près de 50.000 dollars. Elle n’était donc compatible qu’avec des formes
de cultures de la tomate très concentrée.

Si les coûts de production ont été réduits de 5 à 7 dollars la tonne, ils ont été très inégalement
répartis dans l’économie agricole : la machine a surtout permis une réforme totale des relations
sociales liées à la production de tomates en Californie rurale

Cockpit des Usa est sexiste car désigné sur un modèle masculin
Plusieurs exemples ont récemment illustré de façon particulièrement nette et choquante ce type de
biais. En 2015, un logiciel de reconnaissance faciale de Google a ainsi suscité une forte polémique.
Un jeune couple d’Afro-Américains s’est rendu compte qu’une de ses photos avait été étiquetée
sous le tag « gorille ». L’explication de ce dysfonctionnement réside dans le type de données avec
lesquelles l’algorithme a été entraîné pour reconnaître des personnes. En l’occurrence, il est
vraisemblable qu’il l’ait été au moyen essentiellement, voire exclusivement, de photographies de

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WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
personnes blanches (d’autres exemples existent d’ailleurs de biais racistes de logiciels de
reconnaissance d’image au détriment de personnes de type « asiatique »). En conséquence,
l’algorithme a considéré qu’une personne de couleur noire présentait plus de similitude avec l’objet
« gorille » qu’elle avait été entrainée à reconnaitre qu’avec l’objet « humain ».

« Ce que nous appelons “technologies” participe à la mise en ordre de notre monde. De nombreux
appareils et systèmes techniques qui sont importants dans notre vie quotidienne recèlent des
possibilités différentes de mise en ordre des activités humaines ».

« Consciemment ou non, délibérément ou non, les sociétés choisissent des structures


technologiques qui influent sur la manière dont les gens vont pendant très longtemps travailler,
communiquer, voyager, consommer, etc. »
J’ai dit j’ai envie que qql roule sur mon dos et j’ai pensé à l’africaine qui roule sur mon dos

« Les innovations technologiques ressemblent aux textes de lois ou aux institutions publiques qui
fixent un cadre destiné à durer pendant plusieurs générations. C’est pour cette raison que la même
attention que celle qui est accordée aux lois, fonctions et relations politiques doit aussi être
accordée à des choses comme la construction d’autoroutes, la création de réseaux de télévision, et
la mise au point de caractéristiques apparemment inoffensives sur de nouvelles machines »

Bioéthique et santé numérique

« Alors que la santé concerne l’ensemble des citoyens, le cadre éthique dans lequel doivent
s’inscrire les usages du numérique en santé reste flou. Les intérêts et les limites de l’usage du
numérique en santé mériteraient notamment d’être approfondis » (p. 4)

« La e-santé en France doit constituer un exemple emblématique d’humanisme dans le numérique.


(…) Il est donc essentiel d’assoir le renforcement du virage numérique en santé sur un cadre de
valeurs et un référentiel d’éthique, afin de structurer les usages et fixer des limites quant à
l’utilisation des données et des services » (p. 6).

Les quatre piliers de l’éthique3 que sont l’autonomie, la bienfaisance, la non-malfaisance et la justice
sont traditionnellement intégrés dans les différents codes de déontologie en santé, notamment dans
le serment d’Hippocrate.
Appliqués à l’éthique du numérique, ces piliers doivent tout à la fois concerner l’éthique des
données, des algorithmes, des pratiques et des décisions (cf. intelligence artificielle). Il n’est par
exemple pas suffisant d’être conforme au référentiel RGPD (règlement général de protection des
données) pour pouvoir garantir une conformité éthique en matière d’algorithmes ou de pratiques en
e-santé.
• La réflexion éthique du numérique en santé doit ainsi s’engager dès la conception et
le développement des solutions (principe de l’éthique « by design ») en favorisant
la transparence des systèmes et la responsabilisation des acteurs. (…)

3
Examen
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WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
• Enfin, l’éthique en e-santé ne doit pas se contenter d’évaluer les systèmes et les
solutions a posteriori, mais au contraire se positionner de façon prospective en
produisant des référentiels de valeurs dès l’émergence des nouvelles technologies
(chatbot, blockchain, ...).

Intégrer l’éthique dès la conception

• la loi ne peut pas tout, entre autres car le temps du droit est bien plus long que celui du
code. Il est donc essentiel que les « architectes » de la société numérique – chercheurs,
ingénieurs et développeurs – qui conçoivent et commercialisent ces technologies prennent
leur juste part dans cette mission en agissant de manière responsable. Cela implique qu’ils
soient pleinement conscients des possibles effets négatifs de leurs technologies sur la
société et qu’ils oeuvrent activement à ces limiter
• Travailler le design des systèmes algorithmiques au service de la liberté humaine
• Le chercheur doit délibérer dès la conception de son projet avec les personnes ou les
groupes identifiés comme pouvant être influencés.

A framework for the ethical impact assessment of information technology : David Wright

Quel but de ce papier ? anticipé les impacts éthique


« The objective of this paper is to propose an ethical impact assessment framework that could be
used by those developing new technologies, services, projects, policies or programmes as a way to
ensure ethical implications are adequately examined by stakeholders before deployment and so that
mitigating measures can be taken as necessary. The framework could be used in many different
contexts, wherever the decision-maker perceives a need to take the ethical considerations of
stakeholders into account ».

« The framework is structured on the four principles posited by Beauchamp and Childress together
with a separate section on privacy and data protection »

Petit historique de la bioéthique


Rapport publié en 78 : The Belmont Report : Ethical Principles and Guidelines for the Protection of
Human Subjects of Research identifie 3 principes qui constitue le fondement éthique de toute
recherche expérimentale sur l’être humain :
• respect for persons,
• reconnaître en l’être humain la capacité de juger lui-même du bien et de décider pour lui-
même
• beneficience
• philosophie humanitaire qui exige que les intérêts des sujets passent avant ceux de la
science
• justice
• répartition équitable des ressources en matière de santé publique, de recherche.

Une étape clé du développement de la bioéthique : le principlism. Courant en bioéthique

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WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
En 1979, James Childress et Tom Beauchamp écrivent Principles of Biomedical Ethics qui reprend les
principes du rapport Belmont, mais en les étendant : plus seulement l’expérimentation sur l’être
humain, mais l’ensemble de la pratique médicale.

Beauchamp et Childress identifient 4 principes de la bioéthique :


• le principe d’autonomie (PA)
• le principe de bienfaisance (PB) = avoir un bénéfice
• le principe de non-malfaisance (PNM) = il ne faut pas nuire
• le principe de justice (PJ).

Autonomie

• Does the technology or project curtail a person’s right to liberty and security in any way? If
so, what measures could be taken to avoid such curtailment?
• Does the project recognise and respect the right of persons with disabilities to benefit from
measures designed to ensure their independence, social and occupational integration and
participation in the life of the community?
• Will the project use a technology to constrain a person or curtail their freedom of movement
or association? If so, what is the justification?
• Does the person have a meaningful choice, i.e., are some alternatives so costly that they are
not really viable alternatives? If not, what could be done to provide real choice?

Bienfaisance : quel bénéfice ? pour quoi ? pour qui ? augmente qql chose positivement ?
• Will the project provide a benefit to individuals? If so, how will individuals benefit from the
project (or use of the technology or service)?
• Who benefits from the project and in what way?
• Will the project improve personal safety, increase dignity, independence or a sense of
freedom?
• Does the project serve broad community goals and/or values or only the goals of the data
collector? What are these, and how are they served?
• Are there alternative, less privacy intrusive or less costly means of achieving the objectives
of the project?
• What are the consequences of not proceeding with development of the project?
• Does the project or technology or service facilitate the self-expression of users?

Non-malfaisance
• Is there any risk that the technology or project may cause any physical or psychological harm
to consumers? If so, what measures can be adopted to avoid or mitigate the risk?
• Have any independent studies already been carried out or, if not, are any planned which will
address the safety of the technology or service or trials? If so, will they be made public?
• To what extent is scientific or other objective evidence used in making decisions about
specific products, processes or trials?
• Can the information generated by the project be used in such a way as to cause
unwarranted harm or disadvan- tage to a person or a group?

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WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
Justice
• Has the project identified all vulnerable groups that may be affected by its undertaking?
• Is the project equitable in its treatment of all groups in society? If not, how could it be made
more equitable?
• Does the project confer benefits on some groups but not on others? If so, how is it justified
in doing so?
• Do some groups have to pay more than other groups for the same service?
• Is there a fair and just system for addressing project or technology failures with appropriate
compensation to affected stakeholders?

1. Évaluation en regard du principe d’autonomie

Autonomie ou nouvelle forme de paternalisme numérique ?


« La télémédecine ne conduit pas à une abolition des frontières et des espaces, contrairement à une
vision du sens commun souvent portée implicitement par les politiques publiques » (Mathieu-Fritz et
Gaglio 2018).
Effet de la télésurveillance : transformation du domicile en un « lieu hybride » (Mayère).
« Medicalization of the home » (Arras and Neveloff Dubler).

Les patients sont plus actifs et responsabilisés. Les « telecare devices » sont utilisés sans la présence
de professionnels : les patients doivent se peser, répondre à des questions, etc.
Le « script » de certaines technologies est très lourd pour les patients. Il suppose que les « patients
are homebound4 ». La technologie peut donc être une contrainte à la mobilité des patients.
Zhao (2005) parle au sujet des relations de télésurveillance de « asymmetrical tele-co-presence »:
les patients doivent être tout le temps disponibles, alors que les professionnels ne sont pas tout le
temps directement disponibles pour les patients.

La télésurveillance : une nouvelle forme de « géopouvoir » (Lussault) ? Un « paternalisme


numérique » ?

Miligan et alii dans un article de 2010, « Cracks in the Door ? Technology and the Shifting Topology
of Care » rappellent combien l’agency des personnes âgées est liée au symbole de la « porte
d’entrée ». Est-ce que la télémédecine constitue une forme de « fissure » (cracks) dans leur porte
d’entrée ?

Difficulté du recueil du consentement


Comment recueillir un consentement dans un contexte incertain ? Comment adapter les procédures
d’information et de recueil du consentement par rapport aux potentialités des nouvelles techniques
utilisées dans le cadre de la médecine personnalisée ?
Cfr PERRINE MALZAC, « Les techniques de séquençage de nouvelle génération », 2016.
En amont des tests : Exhaustivité ou sincérité ?
• faut-il transmettre l’information avec un souci d’exhaustivité, en essayant de décliner tous
les possibles ?
4
Vissé à la maison et joignable tout le temps
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WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
• ou sincérité : transmettre les infos, en laissant de la place au doute, à l’incertitude ?
En aval des tests :
• Que faire des découvertes inopinées ?
• Parmi les informations disponibles et eu égard à leur évolutivité, comment être certain de
celles que l’on délivre ? Sont-elles réellement actualisées ? faut-il d’ailleurs envisager de les
réactualiser pour les confirmer, les infirmer, ou les compléter a posteriori ?

2. Évaluation en regard du principe de bienfaisance

Quel est le bénéfice visé par l’utilisation des technologies numériques ? Quel est son objectif
prioritaire ?
- Diminuer les couts du système de santé ?
- Donner davantage de pouvoir d’agir au patient ?
- Augmenter la productivité du travail médical et du travail du soin ?
Le numérique brouille-t-il les frontières entre la clinique et la recherche ?

3. Évaluation en regard du principe de non-malfaisance

Une maladie omniprésente ?


Le renforcement de l’accès aux informations et connaissances médicale via internet, les technologie
d’auto-mesure on un cout : la maladie peut devenir omniprésente dans la vie des patients.

La CNIL parle du risque de « normopathie », la maladie de la norme : tous nos comportements, nos
faits et gestes sont mesurés, évalués et comparés à travers des dispositifs de mesure (quantified
self). Le risque est que « la vie deviennent elle-même un programme ».

Guillaume Le Blanc évoque la « maladie de l’homme normal ». Les hommes ne seront jamais assez
normaux…
« Le patient doit avoir la possibilité de refuser d’assumer ce travail d’information qui peut aussi
conduire à rendre la maladie omniprésente dans son existence. (Méadel, Akrich, « Internet, tiers
nébuleux de la relation patient-médecin »)
Le paradoxe de patients mieux informés et connectés, mais isolés
On sait que la personne est connectée donc on ne va pas s’inqiuéter pour elle on se dit que si elle a
besoin elle nous contacte alors que pas forcément ce qui va isoler petit à petit cette personne en
souffrance.

4. Evaluation de cette promesse en regard du principe de justice

Enjeu de l’accès aux technologies


« how to split the costs in the most effective way, strictly evaluate the therapeutic value (or “Service
medical rendu (SMR)” in French) and decide what should eventually be charged to the community? »
Kleinpeter, E. (2017). "Four Ethical Issues of “E-Health”." IRBM 38(5): 245-249.
Asymétrie du consommateur face au marché des technologies

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WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
Importance des nouveaux acteurs intermédiaires comme PATH asbl (Psychologie, Aide Technique et
Handicap)
Enjeu de la fracture numérique
Inégalités dans la capacité d’usage des technologies, risque de non-recours aux droits et aux soins

Biais des bases de données

À l’occasion du débat organisé le 24 juin 2017 par le Génotoul (Toulouse), Philippe Besse, Professeur
de mathématiques et de statistique à l’Université de Toulouse a souligné que nous ne sommes pas
tous égaux devant la médecine personnalisée, car les bases de données utilisées à l’heure actuelle
sont largement biaisées : une étude a révélée qu’en 2009, 96 % des échantillons de ces bases ont
des ancêtres européens (la démonstration porte sur 1,5 million d’échantillons). D’autres sources de
biais sont l’âge (car toutes ces bases de données sont largement occupées par des personnes
relativement âgées) et le genre, plusieurs publications récentes insistant sur l’importance de l’effet
du genre sur le développement des maladies concernées. Dans ces bases, le chromosome X est
largement sous représenté et le Y est quasiment absent. Philippe Besse conclut ainsi : « si vous êtes
une femme d’origine africaine et jeune, je ne pense pas que la médecine personnalisée vous
concerne ».

D’un modèle solidaire à un modèle de responsabilisation individuelle des patients…

« le GEE met en garde contre une dérive de l’« autonomie en matière de santé » qui correspond à un
transfert plus général de la responsabilité des services publics de la santé vers les particuliers ou
qui place sur ces derniers la responsabilité du risque et la capacité de réglementation, et qui, en fin
de compte, annoncerait une baisse des niveaux et de la qualité des soins de santé dispensés »
(European Group on Ethics in Science and New Technologies (EGE), The ethical implications of new
health technologies and citizen participation (opinion n°29), p. 68).
Pour Evgeny Morozov (Le mirage numérique) un des risques est que ceux qui ne pratiquent pas
l’« automesure », ou qui n’adopte pas activement les technologies de santé, soient considérés
comme suspects, comme s’ils avaient quelque chose à se reprocher.

Maurizio Ferraris, Mobilisation totale, Paris, PUF, 2016, p. 37 : « avant que d’être un instrument de
communication, Internet est un outil d’enregistrement ».
Est-ce qu’un des risques de ces objets connectés est qu’il ne « parle » pas à la place du patient ?

Un exemple tiré du livre de Pierre Simon (Télémédecine, Enjeux et pratiques, p. 24) : un programme
de téléobservance de l’apnée du sommeil qui visant le déploiement de machines d’assistance
nocturne en pression positive auprès de 800000 patients.
Ces machines devaient être connectées pour que le prestataire de santé puisse informer l’Assurance
maladie des cas de non-observances (utilisation des appareils moins de 3 heures par jour).

Quelle justice spatiale se redessine à travers le déploiement de la télémédecine ?

En luttant contre les déserts médicaux, elle permet d’assurer une « justice distributive » des soins et
de réduire les inégalités en termes d’accès aux soins.
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WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
Un exemple : la prise en charge des AVC. Dans la phase aiguë d’un AVC, un traitement
thrombolytique peut diminuer le handicap neurologique s’il est administré dans un délai inférieur à
4h30 et si l’AVC est d’origine ischémique. La télémédecine peut alors être utilisée pour permettre à
un patient éloigné d’une unité neurovasculaire de bénéficier d’un traitement thrombolytique, grâce
à une connexion établie entre le service des urgences où se situe le patient et un neurologue qui
réalise une téléconsultation du patient et dialogue en téléexpertise avec les médecins urgentistes

Par contre, un des risques ne pourrait-il pas être que cette solution ne remplace, plutôt que ne
complète, une présence physique des professionnels de santé et un investissement dans des
infrastructures ?

Promesse d’autonomisation et travail du patient

Derrière la promesse d’autonomie : la mise au travail du patient ?


Derrière le numérique, il y a bien souvent également un travail caché et invisibilisé.
« Technologies do not work or fail in and for themselves. Rather, they depend on care work » (Mol,
Moser & Pols, 14).
Dans des recherches portant sur le « telecare » Jeannette Pols a montré que « telecare lead to more
frequent and more specialised contacts between nurses and patients ». Telecare is not « a care at
distance », but became a « care even closer » (Care at distance, 385). But, « the nurses had to work
harder, because they accommodated many changes that came along with telenursing » (384).

Sa thèse est que l’intelligence artificielle est artificielle. Les machines ne peuvent exister sans le
concours des humains prêts à leur enseigner comment penser.

« Le supercalculateur d’IBM ne serait pas arrivé à battre le champion russe si quatre grands maîtres
ne l’avaient entraîné à jouer selon leurs stratégies les plus secrètes (…) De la même manière, le
réseau de neurones utilisé pour les diagnostics médicaux ne serait pas devenu si performant sans le
million d’images de cancers de la peau produites, numérisées et annotées par des centaines de
milliers de professionnels » (Casilli, p. 32).

Une autonomie qui se traduit par un travail supplémentaire du patient


« Parmi les personnes qui réalisent un travail contribuant directement ou indirectement aux soins
délivrés aux patients, il est une classe de travailleurs qui est rarement identifiée comme telle. Les
patients ne détiennent aucun titre professionnel ; les tâches qu’ils accomplissent passent le plus
souvent inaperçues, bien que paradoxalement elles soient souvent présupposées et attendues; bien
entendu, ce travail n’est pas rémunéré par l’hôpital. En fait, la plus grande part de ce travail reste
invisible aux professionnels [...], soit parce qu’*£ il n’est pas accompli sous leur regard, ou parce qu’il
n’est pas défini comme un travail ».
Strauss, A.L., Fagerhaugh, S., Suczeck, B., Wiener, C. (1982). The Work of Hospitalized Patients. Social
Science and Medicine, 16(9), pp. 977-986, p. 977.
Des analyses constatent une extension du « travail du patient » (Strauss) :
- Travail de production/d’encodage des données
- Travail de traitement des alertes
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WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
- Travail d’articulation et de coordination

Suivons l’enquête sociologique réalisée par Anne Mayère auprès de patients télésurveillés. Elle a
suivi une expérimentation clinique d’un dispositif de surveillance à leur domicile de patients atteints
d’insuffisance cardiaque.
Un centre de télésuivi surveille à distance ces patients, à travers la collecte journalière et le
traitement algorithmique de données cliniques. Parmi ces données, il y a le poids du patient (obtenu
par une balance connectée) et les réponses du patient à huit questions en lien avec la pathologies
par le biais d’un boîtier :

- Avez-vous eu cette nuit des troubles respiratoires plus forts que la nuit précédente ?
- Avez-vous eu besoin la nuit dernière d’un oreiller supplémentaire pour mieux respirer ?
- Toussez-vous plus que d’habitude ?
- Est-ce que vos jambes sont plus enflées que d’habitude ?
- Vous sentez-vous aujourd’hui plus fatigué ?
- Avez-vous ressenti ou ressentez-vous des palpitations ?
- Avez-vous ou avez-vous eu de la fièvre au-dessus de 38,5 °C ?
- Votre activité physique est-elle plus limitée que les jours précédents ?

Les algorithmes analysant ces données génèrent des alertes, en cas d’absence de mesures ou de
données dépassant des seuils préétablis. Ces alertes sont transmises aux infirmières du centre de
télé-suivi.
Un appel téléphonique opéré par l’une d’elles doit alors intervenir dans les 24 heures ouvrées pour
valider la réalité clinique des symptômes et inciter le patient à consulter son médecin traitant en cas
d’alerte avérée.

A travers ses enquêtes, Anne Mayère montre que le dispositif de télésurveillance étend le « travail
du patient » de ces malades chroniques en créant de nouvelles tâches.
• Elle parle d’un travail d’interprétation : pour répondre aux questions, les patients ont le
choix entre deux questions sur leur boitier : oui ou non. Mais une réponse aussi binaire n’est
parfois pas évidente.
• Le dispositif n’a pas prévu de garder la mémoire des données cliniques pour les patients.
L’absence d’accès aux données est très frustrante pour les patients. Elle a relevé que les
patients mènent un travail d’archivage de ces données.

• Elle souligne également que les patients doivent exercer un travail de signalement et de
traitement des alertes. Le dispositif suppose que les patients soit très vigilants par rapport à
leur état de santé et qu’ils puissent repérer les changements vraiment significatifs. Les
patients doivent donc être continuellement s’observer et traquer les moindres signes
d’anomalies et de dysfonctionnements corporels.
• Enfin, elle identifie aussi un travail d’articulation et de coordination entre les professionnels
mené par le patient :
« La mise en place de ce dispositif d’e-santé s’accompagne de la constitution de dossiers patients au
centre de télé-suivi. Aucun échange numérisé n’est prévu avec les autres intervenants auprès des
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WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
patients. Par ailleurs, en cas d’alerte, c’est au patient de s’adresser en fonction des circonstances à
son médecin traitant, son cardiologue de suivi, ou de se rendre aux urgences. C’est au final un
travail renouvelé et étendu d’articulation qui est attendu des patients. (…) Un des patients
rencontrés est allé jusqu’à établir un « CV de santé » pour apporter une vue d’ensemble de ses
pathologies à ses inter- locuteurs spécialisés, se faisant ainsi « VRP » de lui-même pour une prise en
charge globale ».

Pour les économistes Florence Gallois et Amandine Rauly, c’est ce travail supplémentaire doit être
analysé en lien avec une autre promesse de la santé numérique : diminuer les coûts des soins.
Comme le soulignent Florence Gallois et Amandine Rauly, « pour la puissance publique, l’outil de
télémédecine est considéré comme un instrument permettant simultanément de réduire les coûts
de la santé en limitant les transports des patients et les durées d’hospitalisation et d’améliorer la
qualité des soins en utilisant des technologies de pointe ».

A lire Florence Gallois et Amandine Rauly, cette économie de couts ne peut se comprendre qu’à
prendre en compte le travail du patient. Elles mettent en avant le fait que la télésurveillance conduit
à une nouvelle forme de division sociale du travail concernant la production de soins. Autrement dit,
la télésurveillance opère une division entre deux actes :
1) l’acte technique de production d’informations (réalisé en grande partie par les patients eux-
mêmes, parfois aidés par des proches, qui saisissent les données en répondant aux questions,
se pèsent, etc.) et
2) l’acte intellectuel d’interprétation des informations (diagnostic opéré par le médecin).

Éthique du care et santé numérique

Détour par les éthiques du care

Le soin « cure » renvoie à sa dimension objective (…) ; ces soins consistent en des techniques, des
compétences techniques et procédurales identifiées et dont on peut mesurer objectivement les
effets : c’est la « Cure, au sens de traitement, éradication de la maladie et de sa cause » (Winnicott,
1970) (Winnicott, 1970 ; Marin, Worms, 2015).

Le soin « care », quant à lui, est en lien avec le développement d’une relation entre deux personnes
et recèle donc une dimension subjective porteuse d’enjeux moraux tels que le respect, l’attention à
l’autre, le souci.

Donald Winnicott déplore, dans les années 70, le fait qu’une dissociation s’était opérée dans la
médecine scientifique entre le cure, geste thérapeutique technique, et le care comme attention et
intérêt porté au patient

« Le terme de care oscille entre la disposition – une attention à l’autre qui se développe dans la
conscience d’une responsabilité à son égard, d’un souci de bien-être – et l’activité – l’ensemble des
tâches individuelles et collectives visant à favoriser ce bien-être » (Garau et Le Goff, Care, justice et
dépendance, 2010, p. 5).

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WFSP2100 – Problématique générale de la santé publique
Caroline Ibos : « Le travail du care désigne l’ensemble des pratiques qui apportent soin, hygiène,
attention à autrui et sans lesquelles il n’y aurait pas de vie humaine collective possible ».
Richesse sémantique du concept de care et de la difficulté de le traduire en français. Il semble que
les termes comme « attention », « souci », « sollicitude » ou « soin » peinent à couvrir l’ensemble du
champ sémantique du care :
• le terme d’attention rapportant une manière de percevoir le monde et les autres,
• celui de souci et de sollicitude la préoccupation de ceux-ci,
• tandis que celui de soin renverrait à une manière de s’en occuper concrètement.

L’attention au cœur de l’ « économie de l’attention »


Dans l’éthique du care de Joan Tronto, l’attention est une compétence morale essentielle. C’est une
capacité
• active : percevoir
• passive : se laisser affecter. Simon Weil : « l’attention consiste à suspendre sa pensée, à la
laisser disponible et prête à être investie par son objet »
Des travaux ont montré que l’environnement technologique discipline notre attention. Une
économie de l’attention s’est même créée pour valoriser « notre temps de cerveau disponible »

L’attention n’est pas qu’une disposition éthique qu’il faut activer. C’est aussi quelque chose qui est
façonné par nos environnements techniques.
• Comment les logiciels et applications influent sur notre manière d’interagir avec les
patients ?
• Est-ce que les objets techniques améliorent notre perception des besoins d’autrui et notre
réceptivité à son égard ?
• Ou constituent-ils des formes de « disciplinarisation » de notre attention ?

Intérêt de partir d’une leçon des historiens du livre : porter attention aux supports de textes.
Un « même » texte n’est plus le même lorsque changent le support de son inscription, donc,
également, les manières de le lire et le sens que lui attribuent ses nouveaux lecteurs

Roger Chartier :
« La lecture du rouleau dans l’Antiquité supposait une lecture continue, elle mobilisait tout le corps
puisque le lecteur devait tenir l’objet écrit à deux mains et elle interdisait d’écrire durant la lecture.
Le codex, manuscrit puis imprimé, a permis des gestes inédits. Le lecteur peut feuilleter le livre,
désormais organisé à partir de cahiers, feuillets et pages et il lui est possible d’écrire en lisant. Le
livre peut être paginé et indexé, ce qui permet de citer précisément et de retrouver aisément tel ou
tel passage. La lecture ainsi favorisée est une lecture discontinue mais pour laquelle la perception
globale de l’œuvre, imposée par la matérialité même de l’objet, est toujours présente ».

La numérisation des objets de la culture écrite qui est encore la nôtre (le livre, la revue, le journal)
impose une mutation bien plus forte que celle impliquée par la migration des textes du rouleau au
codex.
Au moins jusqu’à aujourd’hui, dans le monde électronique, c’est la même surface illuminée de
l’écran de l’ordinateur qui donne à lire les textes, tous les textes, quels que soient leurs genres ou
leurs fonctions.
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« Le monde numérique est un monde de fragments décontextualisés, juxtaposés, indéfiniment
recomposables, sans que soit nécessaire ou désirée la compréhension de la relation qui les inscrit
dans l’œuvre dont ils ont été extraits » (Chartier).
« La textualité numérique sera-t-elle un nouveau et monstrueux livre de sable, dont le nombre de
page était infini, que personne ne pouvait lire et qui dut être enterré dans les magasins de la
bibliothèque national de la rue Mexico ? Ou bien, permettra-t-elle, grâce aux promesses qu’elle
offre, d’enrichir le dialogue que chaque livre engage avec son lecteur ? Je ne sais. Qui le sait ? »
(Chartier, « Qu’est-ce qu’un livre ? »).
Les supports de la communication transforment la nature même de la communication avec nos
patients.

This report highlights the ambivalence of new technologies in the health sector in terms of sharing
experiences and communication.
• On the one hand, social networks, mobile health, digital health, etc., provide many
opportunities to exchange experiences about disease.
• On the other hand, these information technologies run the risk of transforming a rich and
diverse experience into discrete, isolated information, detached from the social context and
from the biography of the subject.

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