Vous êtes sur la page 1sur 11

Amorce : Dans Crime et Châtiment de Dostoïevski, le personnage essentiel Rakolnikov tue

une vieille dame usurière (qui prête de l’argent avec un taux d’intérêt très élevé) au début du
roman parce qu’il considère que son métier va à l’encontre de ses opinions idéologiques.
Brillant étudiant et contraint d’abandonner ses études, il se considère dans la catégorie des
hommes supérieurs, ceux qui, selon lui, comme Newton et Napoleon, peuvent s’affranchir de
toutes règles morales pour accomplir de grands desseins. Le meurtre est absolument proscrit
par le droit mais aussi par la morale et pourtant Rakolnikov commet le crime parce qu’il estime
que c’est la seule façon pour lui d’obtenir une justice.

Présentation :
Désignant « ce qu’il faut faire », le devoir est souvent associé à la contrainte, à quelque
chose que l’on doit faire sous peine d’être puni. Pourtant le devoir n’est pas uniquement une
contrainte, il est aussi une obligation que l’homme se donne à lui-même pour faire le bien et
être en accord avec lui-même. Il ne reçoit aucune sanction externe à ce devoir dit moral et
autonome mise à part sa propre conscience morale. On peut alors retrouver des individus qui
agissent de sorte à se mettre en danger pour sauver les autres mais ces comportements restent
rares et sont valorisés par la société. Le devoir ne semble pas être quelque chose de naturel
chez l’homme et lui demande d’aller au-delà de ses désirs et de sa personne dans la plupart des
cas, de se dépasser.

Devoir juridique Devoir moral


Lois positives Règles morales
Contrainte (externe) : système judiciaire Obligation (interne) : ma conscience morale
+ Obligation (interne) : ma raison, mon m’y oblige.
intelligence me pousse à être d’accord.
Sanction : peine judiciaire Sanction : remords
Adhésion volontaire Adhésion volontaire

Définition : Le devoir est une obligation qui incombe à un sujet libre.

Concepts :
Sadisme : Ce mot a été inventé à
Obligation : Un devoir face auquel partir du nom de marquis de Sade
pour désigner la perversion de En fait : Ce qui existe dans la
la volonté reste libre d’adhérer et
Universel/Général/Particulier/Singulier: Absolu
Légal : Ce qui est conforme
ceux qui prennent plaisir à faire aux lois
réalité. Ce que: Ce quipouvons
nous existe en soi
d’obéir.
Selon Kant, la loi morale véritable est souffriren vigueur. (sanctions juridiques) et par soi. Ce dont
autrui. observer.
Contrainte : Ce que je dois faire
universelle, elle est reconnue par la Légitime : Ce qui est conforme àEn droit l’existence ne dépend de
: Ce qui devrait exister.
sous
raisonlade
pression
tous lesd’une forceet applicable
hommes un sentiment spontané de justice, rien d’autre.
Renvoie à une norme, une
extérieure.
librement par tous. Elle se distingue alorsLa vertuà:laEst la capacité Relatif
morale ou à un droit supérieur.
référence qui: indique
Ce dontcomment
l’existencela
Nécessité : Ce que je ne peux pas
des règles morales générales (les mœurs) habituelle, voire constante,
morales) de
(sanctions réalitéou la valeur
devrait est conditionné
être.
ne pas faire.on obéit d’ordinaire en
auxquelles faire le bien, par opposition au par un élément extérieur, ce
société, des règles particulières d’un vice qui est une tendance à faire le qui dépend du point de vue
groupe ou des règles singulières de mal. adopté.
l’individu.
Problèmes :
1- Qu’est-ce qui fait la valeur d’un devoir ?
2- Faut-il mettre des limites au devoir ?
3- Faire son devoir, est-ce renoncer à sa liberté ?
4- Le devoir est-il un obstacle au bonheur ?

1- Qu’est-ce qui fait la valeur d’un devoir ? (Question


d’origine)
Comme le devoir semble aller de soi et utile, il est considéré comme bon
socialement. Mais il peut aussi avoir une valeur morale, au-delà de sa valeur
utilitaire, et il est même peut-être moral surtout s’il est désintéressé.

1.1- Nietzsche (1844-1900), La généalogie de la morale. La morale et le devoir


comme résultat de l’éducation.

Les croyances morales sont d'abord l'objet d'une transmission, et d'une éducation morale qui
se fait à travers les différentes institutions sociales, surtout au sein de la famille et de l'école. Ce
qui nous semble naturel, évident est en fait une construction sociale et historique.
Les valeurs morales sont pour nous naturelles, évidentes, mais les croyances morales seraient
en fait le résultat d'un processus historique et d'une construction sociale. Les valeurs n'existent
pas depuis toujours, elles dépendent d'un contexte social, et de circonstances historiques.
Nietzsche vise d’abord la morale chrétienne (cf. notamment « l’antéchrist »).
Exemple de la tolérance :
La tolérance nous semble naturelle mais dépend d’un contexte social et historique :
- cohabitation de plusieurs religions au sein d'un même espace
- revendication progressive de l’égalité des hommes entre eux (révolution française)
- travaux en ethnologie (Lévi-Strauss)
- les sociétés qui deviennent de fait de plus en plus multiculturelles
-> Emergence de la valeur de la tolérance.

1.2- J.S.Mill (1806-1876), L’Utilitarisme. L’acte le plus moral est aussi celui qui
est utile.

- Aucun système éthique ne demande que le seul motif de tout ce que


nous faisons soit un sentiment de devoir.
- Pour les moralistes de l’utilité, le motif de l’action n’a rien à voir avec sa
moralité mais beaucoup avec la valeur de l’agent.
- Quand l’homme fait son devoir de façon intéressée, cela n’ôte rien à la
valeur morale de son acte.
- « La doctrine qui donne comme fondement à la morale l’utilité ou le
principe du plus grand bonheur affirme que les actions sont bonnes ou
mauvaises dans la mesure où elles tendent à accroître le bonheur, ou à
produire le contraire du bonheur. Par bonheur on entend le plaisir et
l’absence de douleur ; par malheur la douleur et la privation de plaisir.
- Exemple : Celui qui sauve son semblable de la noyade fait ce qui est
moralement juste, que son motif soit le devoir ou l’espoir d’être rétribué
pour son geste.

● Le principe d’utilité : Par principe d’utilité, on entend le principe qui


approuve ou désapprouve toute action, quelle qu’elle soit, selon la
tendance qu’elle semble avoir à augmenter ou à diminuer le bonheur de
la partie dont l’intérêt est en jeu… Bentham (1748-1832), Introduction
aux principes de morale et de législation.

● S’appuyer sur une expérience de pensée.


En 1967, la philosophe anglo-saxonne Philippa Foot imagine le dilemme
du tramway. « Imaginons le conducteur d’un tramway hors du contrôle
qui ne peut que choisir de dévier ou non sa course depuis une voie
étroite vers une autre : cinq hommes travaillent sur l’une et un homme
est situé sur l’autre. La voie prise par le tram entraînera
automatiquement la mort des personnes qui s’y trouvent.

1.3- Durkheim (1858-1917), Les règles de la méthode sociologique. Le devoir


une contrainte sociale.

● La coercition (des devoirs sociaux) est un caractère intrinsèque de ces faits.


La preuve : elle s’affirme dès que je tente de résister.

S’il vient de l’extérieur et s’il est accepté, c’est parce que le devoir est avant tout
sanctionné et cette sanction est d’abord chez l’homme d’ordre divin. Par peur de la colère des
dieux, par peur de ne pas accéder au paradis, les hommes font leur devoir. Or ce devoir n’est
pas toujours en accord avec ce que l’homme veut. La sanction externe et transcendante fait du
devoir une contrainte. Or l’homme qui agit par contrainte ne comprend pas toujours la règle et
ne vois pas nécessairement l’intérêt d’y adhérer. La peur est un moteur qui opprime l’homme
plutôt que de le soulever et la valeur et la liberté de l’homme sont alors réduites.

Exemple : Répondre aux tâches de frère, d’époux ou de citoyen, et exécuter les engagements
qu’on a contractés, c’est en fait remplir des devoirs qui sont définis, en dehors de nous et de
nos actes, dans le droit ou dans les mœurs. (La coercition ne se fait pas ou se fait peu sentir
quand on y conforme de plein gré ; elle s’affirme alors quand on y résiste).

● Et si j’étais invisible, respecterais-je toujours mon devoir ? (Dans le cas de l’absence de


contrainte sociale)

L’histoire de l’anneau de Gygès : (Platon, La Répiblique,II)


Glaucon, sophiste grec et élève de Socrate, est persuadé qu’aucun être humain n’est juste par
choix. L’individu juste est un hypocrite qui porte un masque et le retire à la première occasion.
Pour défendre sa thèse, Glaucon raconte à Socrate l’histoire du berger Gygès :

Citoyen exemplaire et bon père de famille, Gygès trouve un jour un anneau qui le rend invisible.
Dès l’instant où il comprend qu’il ne risque plus d’être puni grâce à son invisibilité, Gygès se
met à commettre sans cesse des injustices. Il vole, viole et tue. Le brave Gygès devient alors un
véritable malfaiteur. Selon le sophiste, les individus ne respectent les lois que parce qu’ils ont
peur d’être punis et non par vertu ou par choix.

1.4- Rousseau (1712-1778), Discours sur l’origine et les fondements des


inégalités parmi les hommes. La morale comme sentiment inné de pitié.

Rousseau s’oppose à Hobbes (1588-1679) qui décrit l’état de nature comme


un état de guerre généralisée où « l’homme est un loup pour l’homme »,
donc dépourvu de toute moralité. Contre cette théorie, il veut montrer que
la moralité précède la vie en société, il en voit la preuve dans le sentiment
naturel de pitié.
- Deux distinctions peuvent permettre de comprendre la pitié comme
sentiment naturel :
Naturel vs Social → L’homme à l’état de nature est capable de ressentir
la souffrance d’autrui ; c’est la société qui le corrompt.
Sentiment vs Raison → La pitié est identification immédiate à la
souffrance d’autrui, sous la forme d’un sentiment et non d’un raisonnement.
- Pour Rousseau, le fondement de la morale n’est pas la raison, c’est le
sentiment, l’émotion (≠ acquis en société). La morale est innée et n’est
pas le résultat d’une éducation. Le sentiment de pitié sera corrompu à
cause de la raison, au sens où nous sommes plus autant capables de pitié,
à cause du développement de la raison et de la vie sociale.
- La raison est ce qui explique la spécificité du mal humain. Un individu
peut accomplir un acte monstrueux lorsqu’il est placé en situation
d’obéissance à une autorité sur laquelle il transfère toute
responsabilité.

Exemple : C’est ce qu’on a pu observer dans l’expérience de Milgram :


L’expérience de Milgram est une expérience de psychologie publiée en
1963 par le psychologue américain Stanley Milgram. Cette expérience
évalue le degré d'obéissance d'un habitant des États-Unis du tout début
des années 1960 devant une autorité qu'il juge légitime et permet
d'analyser le processus de soumission à l'autorité, notamment quand elle
induit des actions posant des problèmes de conscience au sujet. Un
expérimentateur demande à des personnes de participer à une
expérience portant sur la mémoire. Un maître doit infliger des décharges
électriques à chaque fois l’apprenant tombe dans l’erreur. 60% des
personnes arrivent jusqu'à l’étape finale. C’est le scientifique qui est le
responsable pour les maîtres.
Quand on vit dans une société hiérarchisée, on ne peut plus avoir de
conscience morale.

1.5- Kant (1724-1804), Qu’est-ce que les Lumières. La morale de l’autonomie.

- « Les lumières, c’est la sortie de l’homme hors de l’état de tutelle dont il


est lui-même responsable. L’état de tutelle est l’incapacité de se servir de
son entendement sans la conduite d’un autre. […] Aie le courage de te
servir de ton propre entendement ! Voilà la devise des lumières ! »

- Agir par devoir ≠ action intéressée ≠ agir conformément au devoir :


respect apparent au devoir, dans les actes du devoir, mais le motif n’est
pas le respect du devoir, c’est par intérêt, par crainte.
Exemple : Le commerçant qui est honnête afin de ne pas perdre ses
clients n’accomplit pas de cette façon une action morale, car il agit selon
son intérêt (mobile) bien compris.
Le commerçant qui, de son côté, fait payer le prix juste par principe,
accomplit, une action morale car il agit par devoir et non conformément
au devoir.

- Le devoir moral : Pure exigence de la conscience morale. Impératif


catégorique ≠ impératif hypothétique :
L’Impératif hypothétique est un impératif qui m’oblige à agir
raisonnablement en fonction de mes motivations personnelles et des
circonstances.
Exemple : Lorsqu’on s’oblige à arriver à l’heure au travail pour obtenir
son salaire, ce devoir est accompli en vue d’un intérêt financier et non
moral. Si on affirme devoir dire la vérité, sauf si celle-ci met des enfants
en danger, le devoir n’est toujours pas moral. En effet, nous avons vu
qu’un énoncé moral ne connaît aucune exception. La majorité des
devoirs auxquels nous obéissons n’ont donc valeur morale. Ils sont
purement pragmatiques, c’est-à-dire qu’ils sont utiles pour nous ou pour
autrui.

L’impératif catégorique ou l’intention morale. Elle ne dépend d’aucun


désir préalable. Il est universel (≠ particulier). Seul le devoir qui
correspond à un impératif catégorique est moral : « Fais cela ! »
Exemple : Imaginons une personne qui arrive au travail tous les jours à
l’heure, dit bonjour à tous ses collègues en arrivant et aide les nouveaux
à s’intégrer dans l’entreprise. Cette personne se comporte bien, mais elle
peut tout à fait bien agir sans pour autant être vertueuse : peut-être a-t-
elle peur d’être exclue ou d’être renvoyée. Si par hasard, son poste lui
était garanti ainsi que la sympathie de ses collègues – grâce à un appui de
la direction par exemple –, il est fort possible qu’elle se mette à agir tout
à fait autrement. Voilà pourquoi, selon Kant, on ne peut pas dire qu’elle
ait agit de façon vertueuse, mais bien conformément à la vertu.
Le devoir moral dépend donc de l’intention de l’individu qui l’accomplit.
En ce sens, nous pouvons dire que le devoir est l’intention morale qui
guide notre volonté vers l’accomplissement de bonnes actions, dont le
principe est moral parce qu’universalisable.
Nous l’avons compris, le devoir n’est donc pas une simple conformité
extérieure à une règle ou une loi. Dans son sens moral, le devoir suppose
un esprit animé par la volonté d’agir bien et non pour des motifs
personnels et égoïstes, ou par obligation.

- Les trois formulations de l’impératif catégorique :


● 1ère formulation de l’impératif catégorique :
« Agis comme si la maxime de ton action devait être érigée par ta volonté
en loi universelle de la nature.»
Ce qui est moral, c’est ce qui est universalisable. Il y a une proximité de
contenu avec la règle d’or « Ne fais pas à autrui ce qu’il ne voudrait pas
qu’il te fasse ». Avec l’empathie, on se met à la place des autres, mais il y
a une différence importante : pour Kant, le fondement de la morale est la
raison elle-même.
On peut découvrir par sa raison le contenu de la morale : c’est la morale
de l’autonomie.
● 2ème formulation de l’impératif catégorique :
« Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne
que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme fin,
et jamais simplement comme moyen ».
La morale de l’autonomie est garante de l’autonomie des individus.
Exemple : Dans l’avortement, est-ce qu’on s’oppose à la dignité de la
femme ?
● 3ème formulation de l’impératif catégorique :
Agis comme si tu étais « toujours par tes maximes un membre législateur
dans le règne des fins ».
Législateur : c’est nous qui faisons la loi morale. → Morale de
l’autonomie. Pour Kant, il y a une forme de constructivisme moral. La
morale est une construction de la raison.

S’appuyer sur un exemple littéraire : dans le roman Les Misérables de


Victor Hugo (1862), Jean Valjean, un ancien forçat, est recherché par la
police pour avoir volé une pièce à un enfant. Sous le nom de Monsieur
Madeleine, il est devenu le bienfaiteur et le maire de Montreuil-sur-Mer,
créant des emplois et aidant les pauvres. Un jour, il apprend qu’un
homme correspondant au signalement de jean Valjean a été arrêté et
risque d’être condamné à perpétuité à sa place.

1.6- Hegel (1770-1831), Principes de la philosophie du droit. Objection : La


morale kantienne est simplement formelle.
- Présenter un principe d’action comme universalisable permet d’avoir
une idée de ce qu’il faudrait faire : si je me demande si le fait de mentir
est moral, la vie en société où tout le monde choisirait de mentir serait
invivable. Pour Hegel, la conception Kantienne du devoir est est encore
trop abstraite, définie sans considérer la société dans son
fonctionnement réel.
- Hegel considère que si on part de ce qui existe réellement (la vie
humaine, la propriété privée), alors le devoir universel de Kant se
contente d’indiquer les cas contradictoires : quand je tue ou je vole. Cela
ne dit toujours pas ce qu’il faut faire dans tel ou tel cas particulier. Si on
me vole mon bien, puis-je tuer le voleur pour le récupérer ? Puis-je
rajouter mon crime pour annuler son délit ?

2- Faut-il mettre des limites au devoir ?


En matière de devoir, l’homme peut avoir tendance à en faire trop, ou trop peu. Or
celui qui se laisse absorber par le devoir tombe dans un excès déshumanisant, ou à
l’inverse néglige ce qui est important. Comment savoir alors quelle est la juste
limite du devoir ?

2.1- Hannah Arendt (1906-1975), Eichmann à Jérusalem. La limite morale du devoir.

● Le fanatisme est d’autant plus dangereux qu’il repose sur la conviction


de défendre une cause qui n’admet aucune contestation. Arendt,
présente au procès du criminel nazi Adolf Eichmann, analyse son
argumentation et dénonce les aveuglements fanatiques, en racontant
comment il a considéré l’obéissance aveugle à l’idéologie nazie comme
un devoir moral absolu.
● « Il faisait son devoir, répéta-t-il mille fois à la police et au tribunal. […]
Eichmann déclara soudain, en appuyant sur les mots, qu’il avait vécu
toute sa vie selon les préceptes moraux de Kant, et particulièrement selon
la définition que donne Kant du devoir. »
● « À première vue, c’était faire outrage à Kant. C’était aussi
incompréhensible : la philosophie morale de Kant est, en effet,
étroitement liée à la faculté de jugement que possède l’homme. »
2.2- Le devoir de désobéissance / Le devoir de vérité.

● Thoreau (1817-1862), La désobéissance civile.

Thoreau s’efforce de justifier l’existence d’un devoir de révolte contre la


tyrannie du gouvernement :
« Quand un sixième de la population d’une nation ayant vocation d’être
le refuge de la liberté sont des esclaves, que tout un pays est injustement
envahi et conquis par une armée étrangère et soumis à la loi militaire, je
pense qu’il n’est pas trop tôt pour que les hommes honnêtes se rebellent
et fassent la révolution. Ce qui rend ce devoir d’autant plus urgent, c’est
que le pays ainsi envahi n’est pas le nôtre, mais que notre armée est
l’armée d’invasion. »
Exemples : La révolution française ; la révolusion bolchévique ; les
résistances populaires et militaires,…

● Benjamin Constant (1767-1830), Des réactions politiques. Exemple du


devoir de vérité : Nul homme n’a droit à la vérité qui nuit à autrui.

« Dire la vérité est un devoir. Qu’est-ce qu’un devoir ? L’idée de devoir est
inséparable de celle de droits : un devoir est ce qui, dans un être,
correspond aux droits d’un autre. Là où il n’y a pas de droits, il n’y a pas
de devoirs. Dire la vérité n’est donc un devoir qu’envers ceux qui ont droit
à la vérité. Or nul homme n’a droit à la vérité qui nuit à autrui. »

● S’appuyer sur un exemple littéraire. Dans le roman Les Misérables (1862) de


Victor Hugo, l’ancien forçat Jean Valjean, caché sous le nom de Monsieur Madeleine, a dû
révéler publiquement sa véritable identité pour éviter la condamnation d’un innocent. Mais
avant de se livrer à la police, il doit encore tenir la promesse qu’il a faite à Fantine d’aller sauver
sa fille Cosette. Au moment où l’inspecteur Javert vient l’arrêter, Jean Valjean est caché dans sa
chambre grâce à la sœur Simplice, connue de tous de n’avoir jamais menti de sa vie.

2.3- Marquis de Sade (1740-1814), La philosophie dans le boudoir. Nul devoir n’a de valeur
face aux impulsions de la nature.

« Que nous font les douleurs occasionnées sur le prochain ? Les ressentons-nous ?
Non ; au contraire, nous venons de démontrer que de leur production résulte une sensation
délicieuse pour nous. […] Avons-nous jamais éprouvé une seule impulsion de la nature qui nous
conseille de préférer les autres à nous ? […] Vous nous parlez d’une voix chimérique de cette
nature, qui nous dit de ne pas faire aux autres ce que nous ne voudrions pas qu’il nous fût fait ;
mais cet absurde conseil ne nous est jamais venu que des hommes, et d’hommes faibles. »
S’appuyer sur un exemple de divertissement : Le lancer de nain est une attraction créée en
Australie dans les années 1980, où, dans certains bars et discothèques, des clients lancent de
toutes leurs forces un nain, portant un casque et un costume rembourré, le plus loin possible
contre des matelats. Les nains sont employés sous contrat rémunéré, leur intégrité physique
est protégée. Les clients prennent apparemment plaisir à utiliser les nains comme projectiles.

3- Faire son devoir, est-ce renoncer à sa liberté ?


Consulter les enjeux de la question à la page 129 du livre.
4- Le devoir est-il un obstacle au bonheur ?
Agir au gré de ses envies et les voir toutes satisfaites correspond à un
idéal du bonheur fort répandu. Mais chacun sait que l'existence des
hommes ensemble n'est possible qu'à la condition d'observer certaines
limites. Tout ce qui est possible ne doit pas être accompli et même
certaines choses qui nous rebutent doivent être faites malgré tout. Ne
doit-on pas dès lors considérer que le devoir est un obstacle au
bonheur ?

4.1- Le devoir et le bonheur se fondent sur des principes contradictoires.

4.1.1- Obligation et désir.


Un devoir se présente sous la forme d'une obligation qui s'impose à l'individu et règle sa
conduite. Il ne détermine pas cette règle selon son bon vouloir mais il se conforme à une règle
que d'autres lui prescrivent. Le bonheur au contraire correspond aux désirs spontanés de
l'individu et à la recherche de leur satisfaction.
4.1.2- Objectivité du devoir et subjectivité du bonheur.
Aussi le devoir est-il impersonnel dans la mesure où il est le même pour tous sans égard aux
différences de personnalité, d'intérêts ou encore de goûts. À l'opposé, le bonheur se détermine
en fonction des attentes, des espoirs et des ambitions d'une personne singulière.
4.1.3- Bonheur et devoir ne visent pas le même but.
Le devoir correspond à une loi morale qui définit le rapport aux autres et qui est dirigée vers
la recherche du bien en soi. Le bonheur correspond à une aspiration personnelle qui définit
l'orientation de sa propre existence et qui est dirigée vers la recherche du bien pour soi. Ces
deux sortes de bien entrent souvent en contradiction.

4.2- Séparer radicalement le devoir et le bonheur est une impasse.

4.2.1- L'absence de devoir ruine toute prétention au bonheur.


Reste que l'on peut se demander si le mépris de ses devoirs ne rend pas inaccessible le
bonheur. Choisir de n'obéir qu'à son caprice implique qu'il n'existe plus de communauté
humaine mais seulement des individus ennemis les uns des autres. L'absence de tout devoir
entraînerait dans les rapports humains une violence, une menace et une peur si constantes
qu'on conçoit mal la possibilité de faire l'expérience du bonheur dans un tel contexte.
4.2.2- Remplir ses devoirs d'homme est le moyen d'accéder au bonheur.
Aristote affirme même qu'être heureux signifie nécessairement pour un individu réaliser sa
nature. Est heureux celui qui est parvenu à réaliser son humanité et non celui qui poursuit la
satisfaction de désirs impossibles à assouvir. Fonder son existence sur les vertus de sagesse, de
tempérance, de courage et de justice est digne d'un homme et conduit au bonheur.
4.2.3- La coïncidence de la vertu et du bonheur.
Pour la morale eudémoniste (du grec eudaimonia, « bonheur »), le bonheur et la vertu
coïncident parfaitement et ce qui est fait par devoir ne peut que rapprocher de l'état de
satisfaction tant désiré. En effet, les devoirs qui incombent à chaque homme ont pour objet de
lui permettre de s'accomplir et non de le déposséder de lui-même. Le devoir est alors une
condition du bonheur.

4.3- Le devoir et le bonheur relèvent de deux ordres distincts.

4.3.1- Le devoir d'être heureux.


« Assurer son propre bonheur est un devoir » affirme Kant (Fondements de la métaphysique des
mœurs), car l'homme frustré et malheureux est tiraillé par la tentation constante d'enfreindre
ses devoirs afin d'apaiser son malheur. Chacun est spontanément porté à chercher son bonheur
en tant que celui-ci désigne la satisfaction de toutes ses inclinations. Mais agir suivant ses
inclinations ou ses désirs n'est pas agir de façon morale. Si le devoir et le bonheur ne sont pas
ennemis, ils ne sauraient pourtant être confondus.
4.3.2- L'action morale est désintéressée.
Selon Kant, la marque propre d'un acte moral est d'être désintéressé, c'est-à-dire qu'il s'agit
d'un acte réalisé sans aucun égard pour mon intérêt personnel. Les préférences ou les
répulsions ne peuvent donc pas être la règle de la conduite morale. Le principe de la moralité
ne dépend pas de la sensibilité mais de la raison. Il s'agit d'agir par devoir : « Une action
accomplie par devoir tire sa valeur morale non pas du but qui doit être atteint par elle, mais de
la maxime d'après laquelle elle est décidée » (Kant, Fondements de la métaphysique des
mœurs).
4.3.3- Le devoir s'accomplit sans souci du bonheur.
L'action morale doit être accomplie en conformité avec le principe selon lequel « je dois
toujours me conduire de telle sorte que je puisse aussi vouloir que ma maxime (le principe qui
inspire mon action) devienne une loi universelle » (Kant, Fondements de la métaphysique des
mœurs). Dans le cas du mensonge, je dois me demander s'il est souhaitable que le principe du
mensonge soit universalisé, c'est-à-dire adopté par tous les hommes. Or il est évident qu'une
telle perspective entraînerait la destruction des rapports entre les hommes, ce pourquoi le
mensonge est à proscrire.
Dans cette perspective, la question du bonheur personnel ne peut intervenir dans la
considération des devoirs qui nous incombent et seule la volonté d'agir conformément à la loi
morale doit être considérée.

Vous aimerez peut-être aussi