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Révision exam final

- Principaux champs éthiques


1) Métaéthique (devoir d’agir, ce qu’est la morale, fondement de la morale) elle décrit
2) Éthique normative (principales théories éthiques, elle prescrit)
3) Éthique appliquée (champs précis)
- De ce qui est, on ne peut pas dériver à ce qui doit être. (Homme/femme –gouverner)
- Ce qui est légal, est-il moral? Non, ce qu’est la morale, ce qu’est le droit et en quoi ils se
distinguent. (Moral s’intéresse à ce qui est juste, plus large que droit) (droit, s’intéresse à
ce qui est légal).
- Si on demande notre avis
1) Quel est le dilemme éthique? Le plus grand bien du plus grand nombre (maximisation
de l’utilité), ou le respect des droits individuels de chacun (déontologisme kantien).
2) Mobiliser une théorie éthique pour justifier (calcul de félicité, maximisation de
l’utlité, plaisir inférieur et plaisir supérieur) (impératif catégorique).
3) Concepts.
- Minimalisme : 3 principes (aucun devoir moraux envers soi-même, moral concerne
autrui, considération égale de chacun) il faut expliquer ces 3 principes.
- Règles raisonnement moral (ce qui est, on ne peut dériver a ce qui doit, distinction entre
bien et morale)
- Expérience de pensée : permet de mettre en lumière nos intuitions morales et de les
remettre en question ou de les justifier.
- Distinguer Mill (quali) et Bentham (quanti)
- Impératif catégorique ( 2 distinction) hégémonie et homonie. Cela permet de répondre à
d’autres questions.
- Éthique de la vertu (qu’est ce que la vertu, prudence en fonction de la situation,
bonheur, moral n’est pas une affaire de principe qu’on détermine d’avance (aucun
principe a priori))
- 3 étapes raisonnement Rawls
1) Contrat social qui inclue que nous devons tous être placé en position originelle et être
voilé par le voile de l’ignorance
2) Position originelle (tous égaux, quelles seraient les principes qui dirigent notre
politique). Voile de l’ignorance.
3) On dérive vers deux principes : égale liberté pour tous (conscience, mouvement,
association) et principe d’égalité sociale et économique qui dérive vers le principe de
différence (s’il y a différence, elle doit bénéficier les moins nantis).
- Arguments de Rawls principe de diff. 1- pour assurer que chacun est égal, il faut que
chacun bénéficie d’un plancher de revenu. 2- arbitraire moral : on ne peut pas justifier la
distribution de biens fondamentaux en fonction des talents de certains ou de l’intelligence
de certains. Nous n’avons aucun mérite pour notre talent. Si on fonde une société ainsi,
on ne peut pas dire qu’on est équitable. Ramène au principe de différence. (Texte de
Sandel sur Rawls).
- Libertarisme : s’oppose aux politique paternaliste (état impose un comportement ou une
conduite morale ex : port de ceinture), moralisme (consommation de drogues, prostitution
ne doit pas être interdit par l’état).
- Propriété de soi pour le libertarisme (nous sommes les proprios de notre corps)
Interdiction pour quiconque d’intervenir dans la conduite de la vie personnelle
(opposition à la redistribution).
- 2 conditions pour que les contrats soient justes :
1) Acquisition légitime pour un service
2) Transfert volontaire d’argent
- Maximalisme : bien, besoin perso, et ce qu’on a comme droit. S’applique a la société et a
l’individu.
- Ogien : minimaliste. On peut se couper l’oreille, mais pas celle des autres. On ne peut
pas être l’auteur d’une promesse et le destinateur puisqu’on peut annuler à tout moment.
La morale est une affaire qui concerne autrui, on ne peut pas infliger de dommage aux
autres. Considération égale de tous. Porter assistance à autrui, charité, bienveillance
envers autrui.
- Crime sans victime : acte qui ne cause aucun tort et nuit à personne. Pour Ogien, un
crime sans victime = bruler un drapeau, se mutiler, partouse géante, se suicider,
consommer des drogues. Une offense faite à des entité abstraites ou symbolique, on ne
nuit à personne en chair et en os.
- Caricature, blasphème : droit d’offenser. Distinction entre offense et préjudice : une
offense est le fait de dire quelque chose qui génère une émotion négative chez autrui. Le
préjudice est lorsqu’on viole l’intégrité de quelqu’un, les droits fondamentaux. Ex : débat
public, je soutiens que les seuls les couples mariés devraient vivre ensemble (offensé les
gens non mariés). Si je manifeste quotidiennement devant le logement d’un couple non
marié (porter un préjudice). Le critère pour différencier est d’appliquer le deuxième
principe de l’éthique minimal (ne pas causer de tort à autrui) (passer de l’offense au
préjudice lorsqu’on s’acharne) ne justifie pas les propos racistes ou homophobes.
- Gestation pour autrui : histoire bdm : maternité de substitution. Consentement de la
mère porteuse et y a-t-il quelque chose de dégradant bafouillant la dignité humaine.
- La dignité : Bafouiller la dignité : dégradé la dignité de la mère et l’enfant (on achète un
enfant).
- Aucune objection morale : Ogien, liberté.
- Partisan de la dignité vs partisan de la liberté.
- Dignité : le terme gestation pour autrui est trompeur, la femme donne naissance elle ne
fait pas que le porter. Autrui fait référence a l’altruisme, mais on ne fait pas de don, on ne
peut donner un enfant. La gestation pour autrui est une aliénation de soi, on ne peut
consentir au contrôle de son propre corps par quelqu’un d’autre. Ça bafoue et viole la
dignité humaine (vie humaine n’a pas de prix) ils sont doués de raison, ce ne sont pas des
objets qui eux peuvent avoir un prix. Le corps humain n’est pas divisible : utérus, jambes,
poumons, c’est complémentaire pour être humain.
- Liberté : marchandisation du corps est confus. Opposition à l’égard de cette idée. Il
s’oppose à l’idée d’invoquer la dignité. Invoquer la marchandisation, on critique la
société ou le modèle économique qui n’a aucun lien avec la gestation pour autrui. On
alterne en dénonçant ainsi des termes comme aliénation. Aliénation = étranger à soi-
même, aux prises avec une conception fausse du monde. Terme trop flou pour mettre le
doigt sur ce qui cause problème réellement. Réification ne permet pas de cerner le
problème encore, les termes sont trop généraux et flous. Même si on les définit
correctement, il ne voit pas de lien avec un problème. Il ne voit pas la différence entre
payer un garde du corps et payer une mère porteuse, tant que les trois critères du
minimalisme est respecté. Le problème de dignité est contradictoire, certain l’utilise pour
interdire l’aide médical à mourir et d’autre pour l’autoriser. Donc, il y a confusion et
contradiction.
- Ogien dit que Kant ne donne pas de critère a propos de violation ou non violation de la
dignité.

Éthique et morale

De quoi parle-t-on quand on invoque l’éthique ou la morale ?

• Il s’agit de termes synonymes

• L’éthique comme la morale renvoie à ce qui est bien, mal, juste, injuste, digne de blâme,
etc., et aux différentes manières par lesquelles on peut agencer toutes ces choses

• Les « valeurs » et les « normes » ne sont pas des notions synonymes : les unes concernent
ce à quoi nous accordons de l’importance, alors que les autres concernent les devoirs, les
obligations, les permissions, etc.

Digression métaéthique

• On entend parfois dire que nous vivons une crise morale : notamment en ce qui concerne
les fondements de l’éthique…nous ne savons plus tout à fait sur quoi repose nos principes
moraux

• Plus exactement, on entend parfois dire qu’il y aurait une crise des fondements moraux

• Ni la « tradition », ni la « cosmos », ni « Dieu » ne constitue un fondement acceptable à


la morale…

• Les fondements de la morale semblent aujourd’hui fragilisés :

• 1. La tradition est à la merci de la moindre remise en cause

• 2. La morale cosmique ne concerne que des experts ou une petite élite de sages

• 3. La morale théologique invite à fonder la morale sur un Dieu tellement grand, tellement
haut, tellement absent…

• En un mot, en matière de morale, on ne sait plus à quel saint se vouer !


Éthique normative

1. Le conséquentialisme ou l’utilitarisme

2. Le déontologisme

3. L’éthique de la vertu

La cuisine morale

Ingrédients de la cuisine morale

1. Expériences de pensée

2. Raisonnement et argumentation

3. Règles morales

exemples d’expériences de pensées

1. Le tramway

2. Urgence

3. Le chirurgien

4. La foule déchaînée

5. L’enfant qui se noie

Comment réfléchir aux expériences de pensée

1. Les intuitions morales

2. Justification des intuitions morales

Pour justifier et argumenter, il faut respecter quelques règles morales de base

1. « De ce qui est, on ne peut dériver ce qui doit être »

2. « Devoir implique pouvoir »

3. « Il faut traiter des cas similaires de façon similaires »


Ce que la philosophie peut en éthique

• On fait souvent les deux erreurs suivantes :

1. Confondre la philosophe avec le sage : la tâche du philosophe n’est pas de vous dire
quoi penser, encore moins de décider à votre place, mais d’alimenter et de soutenir la
réflexion éthique

2. Détacher la théorie de la pratique : l’éthique n’est pas détachée de nos vies


quotidiennes, mais elles permet de réfléchir à des dilemmes moraux

• L’éthique ne nous dit pas quoi penser ou quoi décider, mais elle nous permet de mieux
réfléchir à des problèmes moraux concrets !

La réflexion éthique n’est pas sans risque

• La réflexion éthique comportent des risques personnels et politiques

• Risque personnel : la réflexion éthique nous fait douter de choses que nous croyons déjà
savoir ; elle bouscule les conventions, les idées reçues et elle remet en cause des aspect
élémentaires de nos vies…

• Risque politique : la réflexion éthique ne fait pas forcément de nous de meilleurs


citoyens et encore moins de meilleurs individus ; elle peut même nous amener à adopter
une position sceptique

Intuition et justification

De l’art de dire des conneries

• Selon Harry Frankfurt, le baratin (bullshit) est omniprésent dans notre culture

• Le baratineur ne se soucie ni de la vérité ni de la fausseté

• L’attrait du baratin puise sa source dans :

1. Le scepticisme

2. L’antiréalisme
Expériences de pensée

• Qu’est-ce qu’une expérience de pensée ? Il s’agit d’une histoire bizarre qui pose toutes
sortes un dilemmes moraux

• À quoi servent les expériences de pensées ? Celles-ci servent à poser des problèmes
d’ordre conceptuel et théorique

• D’où l’importance des théories morales

Dilemme moral

• Il s’agit d’un conflit axiologique entre différents principes et valeurs. Il y a un


dilemme moral là où il y un « conflit de valeurs ».

1. Urgence: dois-je m’arrêter pour sauver la vie de la personne qui se trouve sur le bord de
la route ou poursuivre ma route ? Dois-je privilégier la santé du plus grand nombre ou le
droit de chacun à être secouru ?

2. L’enfant qui se noie: dois-je sauver l’enfant qui se noie dans l’étang ou poursuivre ma
route ? Dois-je secourir une personne en danger ou éviter de mettre en danger ?

3. La foule déchaînée: dois-je accepter le sacrifice d’un innocent ou non ? Dois-je


privilégier la sécurité de la communauté ou les droits fondamentaux de chacun ?

De l’intuition morale à la justification morale

• Revenons à la question de savoir « comment on peut, du point de vue moral, évaluer


une expérience de pensée ? »

• Pour cela, il faut utiliser deux outils :

1. Intuitions: il s’agit de nos jugements moraux spontanés, qui ne sont pas dérivés par un
raisonnement, des principes ou une théories morales

2. Justification: il s’agit des raisons pour lesquelles nous pensons qu’une action est bonne ou
mauvaise du point de vue moral. Cela requiert qu’on mobilise les théories morales et qu’on
respecte certaines règles de base
Importance de l’argumentation

• La discussion morale implique toutes sortes de principes: la clarté, le sens, la


sincérité, la bonne foi, la recherche de la vérité, etc.

• Quand nous discutons, nous supposons des devoirs et des normes implicites:

1. La liberté: je me suppose libre, je suis qu’autrui est libre et je crois que ma pensée peut
avoir des effets sur le réel

2. L’égalité: je suppose que les droits à la parole sont égaux tant qu’il y a argumentation

3. La fraternité: je suppose qu’il est préférable de discuter que de s’affronter

R1 : « De ce qui est, on ne peut dériver ce qui doit être »

• On ne peut passer d’un énoncé descriptif à un énoncé normatif

• On ne peut passer de ce qui est (descriptif) à ce qui doit être (normatif)

• Cela permet d’expliquer ce qui cloche avec des arguments comme : « La plupart des
gens croient qu’il ne faut pas voler » donc « Il ne faut pas voler »

R2 : « Devoir implique pouvoir »

• Cela renvoie à la formule « à l’impossible nul n’est tenu »

• C’est ce genre de règle que nous avons à l’esprit lorsque nous trouvons absurdes certaines
demandes aux immigrants, comme le fait d’avoir une expérience de travail québécoise

• Par devoir, il faut entendre ici « obligation »

R3 : « Il faut traiter des cas similaires de façon similaire »

• C’est ce genre de règle que met en relief des expériences de pensée comme « l’enfant qui
se noie dans l’étang »

• Il faut traiter les cas de façon similaires lorsqu’on a de bonnes de raisons de croire qu’il
s’agit effectivement de cas similaires
R4 : « Il est inutile d’obliger les gens à faire ce qu’ils feront nécessairement d’eux-mêmes; il
est inutile d’interdire aux gens de faire ce qu’ils ne feront pas volontairement »

• Cela correspond aux commandements comme « Ferme la porte » alors que vois étiez en
train de fermer celle-ci…c’est redondant !

• Cette règle implique un principe de parcimonie, c’est-à-dire de voir comme nul ou inutile
les normes morales qui obligent à faire ce que nous avions naturellement l’intention de
faire

R5 : « Éthique et droit ne sont pas termes équivalents »

On peut résumer cette règle comme suit : « ce qui est moral n’est pas forcément légal » et « ce
qui est légal n’est pas forcément moral »

1. Éthique : concerne des principes, de normes et des valeurs qui sont relatifs à ce qui est
bien, mal, juste, injuste, etc., et qui permettent d’évaluer les actions humaines

2. Droit : un ensemble de principes et de normes qui s’appliquent à la société tout entière,


et qui peuvent être accompagnés par des sanctions ou des punitions

3. Une action morale et illégale : participer à une manifestation sans l’autorisation des
autorités; consommer des drogues fortes; publier des secrets d’État (ex. le film The Post)

4. Une action légale et immorale : couper quelqu’un dans une file d’attente; optimisation
fiscale; ne pas respecter sa promesse

5. Il existe de multiples exemples d’actions qui sont ou bien « morales et illégales » ou bien
« légales et immorales »

R6 : « Ne pas confondre déontologisme et déontologie »

• La déontologie ou ce qu’on appelle un code de déontologie renvoie un aux devoirs liés à


une profession particulière (médecin, avocat, comptable, etc.)

• Le déontologisme est la théorie selon laquelle il existe des contraintes absolues sur nos
actions, des choses qu’on ne devrait jamais faire, comme « ne pas mentir » ou ne pas
« traiter autrui comme un moyen mais comme une fin »
• La déontologie ou, ce qui revient au même, un code de déontologie implique
certaines devoirs comme:

1. Interdictions : il y a des actions qu’on ne doit jamais faire (ex. le criminologue doit
s’abstenir d’offrir ses services à un proche)

2. Obligation : il y a des actions que nous devons toujours respecter (ex. le criminologue
reconnaît en tout temps que son client peut consulter un autre criminologue)

3. Permission : il y a des action peut faire mais qu’on n’est pas obligé de faire (ex. le
criminologue peut consulter un autre criminlogue)

Conséquentialisme
• Le conséquentialisme est la théorie morale selon laquelle il faut faire en sorte qu’il y ait
le plus de bien ou le moins de mal possible dans l’univers. S’il faut se libérer de certaines
contraintes, voire obligations, pour y arriver, il faut le faire

• Pour définir le bien, il faut se tourner vers les théories conséquentialistes :

1. Le perfectionnisme

2. L’utilitarisme

Utilitarisme benthamien

• Jeremy Bentham est un juriste et un philosophe britannique (1748-1832). On considère


qu’il est le premier à avoir formaliser l’utilitarisme

• Bentham trace les grandes lignes de l’utilitarisme dans son livre Introduction aux
principes de la morale et de la législation (1789)

• C’est dans cette ouvrage qu’il soutient l’idée selon laquelle l’« utilité » est le principe
directeur de la morale et de la législation car elle tend à produire toutes sortes de
bénéfices, de biens et le bonheur
• Selon Bentham, les animaux comme les hommes sont gouvernés par deux « maîtres
souverains » :

1. La douleur

2. Le plaisir

• Le principe moral le plus élevé de la morale consiste à maximiser le « bonheur » :


c’est-à-dire le surcroît de plaisir sur la douleur

• L’« utilité » constitue le concept clé de l’utilitarisme benthamien

• Agir moralement renvient à faire tout ce qui est susceptible de maximiser l’utilité :
qui désigne toute chose qui produit du plaisir et du bonheur ou qui prévient la douleur ou
la souffrance

• La maximisation de l’utilité s’applique à la fois aux individus et au législateur,


lequel doit faire preuve d’impartialité lorsqu’il élabore les lois : il « doit être
impassible comme le géomètre » et calculer les plaisirs et les peines de manière
dépassionnée

• Le principe utilité guide et oriente la totalité des actions humaines !

• Le « calcul de félicité » comme outil de base de l’utilitarisme

• Bentham propose sept facteurs pour calculer la valeur des plaisirs et des peines :

1. Intensité

2. Durée

3. Certitude et incertitude

4. Proximité et éloignement

5. Fécondité

6. Pureté

7. Portée

L’utilitarisme benthamien est une éthique hédoniste


Il y a chez Bentham deux sortes d’hédonismes

1. Hédonisme psychologique : nos motivations morales reposent sur notre cherche du plaisir
et notre aversion envers la douleur

2. Hédonisme éthique : le plaisir est le seul bien valable et nos actions morales s’organisent
autour de la quête de maximisation du plaisir, a fortiori du bonheur

• Bentham applique l’utilitarisme au droit pénal : il faut maximiser le bonheur social,


i.e. prévenir des souffrances futures par l’imposition de peines

• Bentham distingue deux types de peines :

1. Peines réelles : qui est directement vécue (physique/psychologique)

2. Peines apparentes : perçue par ceux qui ne sont pas punis

Il faut minimiser la quantité de peine réelle en maximisant la quantité de peine apparente

Quelques objections à l’utilitarisme benthamien

1. Qu’en est-il des droits individuels ?

2. Une valeur étalon commune

• L’utilitarisme est-elle une philosophie morale pour les porcs ?


Utilitarisme millien

• Mill (1806-1873) voit « l’utilité comme le critère absolu dans toutes les questions
éthiques. Mais l’utilité doit être prise dans son sens le plus large

  

• Mill croit qu’il faut maximiser l’utilité dans la durée. Permettre à la majorité de réduire
au silence les voix dissidentes ou de censurer les libres penseurs pourrait maximiser
l’utilité aujourd’hui, mais la société s’en portera plus mal

• Mill cherche à répondre à l’objection selon laquelle « Admettre que la vie…n’a pas de fin
plus haute que le plaisir…c’est…chose absolument basse et vile; c’est une doctrine qui
ne convient qu’au porc »

• Mill se distingue de Bentham en ce qu’il s’intéresse à la qualité des plaisirs

• Il avance que les utilitaristes peuvent distinguer deux sortes de plaisirs :

• 1. Plaisirs supérieurs : écouter de la musique classique, lire un livre, etc.

• 2. Plaisirs inférieurs : compter des brindilles, manger des chips, etc.

• Pour le dire autrement : on pourrait distinguer des plaisirs « intellectuels » ou


psychiques (lecture, musique classique, débats intellectuels, etc.) des plaisirs
« corporels » ou physiques (consommation d’alcool, de drogue, de nourriture, etc.)

• Ce qui différencie Mill de Bentham, c’est que l’un s’intéresse à la qualité des plaisirs
alors que l’autre s’intéresse à la quantité des plaisirs

• De ce point de vue, l’utilitarisme millien est une éthique hédoniste qualitative

• Mill et Bentham défendraient donc deux éthiques hédonistes différentes :

• Bentham défend un hédonisme « quantitatif »

• Mill défend un hédonisme « qualitatif »

• Comment Mill distingue-t-il les plaisirs qui sont qualitativement supérieurs ?


Utilitarisme de l’acte et de la règle

• Même si on avance parfois qu’il y a déjà, chez Mill, une forme d’utilitarisme de la règle,
cette forme d’utilitarisme n’apparaît que beaucoup plus tard (1950-1960)

• L’utilitarisme de la règle tente de répondre aux objections déontologiques et arétiste

• L’utilitarisme de la règle ne s’intéresse pas aux conséquences de nos actions, mais aux
conséquences relatives à l’application de règles morales, voire d’un code moral

• Il s’agit d’une forme indirecte d’utilitarisme : on s’intéresse à l’utilité que produit


l’application de certaines règles, et non simplement à l’utilité de certaines actions

• S’il fallait formaliser la distinction entre l’utilitarisme de l’acte et d’utilitarisme de


la règle, on dirait ceci :

1. Utilitarisme de l’acte : ce qui compte, ce sont les conséquences de l’acte ; il y a un rapport


direct entre l’action et la conséquence

2. Utilitarisme de la règle : ce qui compte, c’est l’évaluation de l’application de certaines règles


morales; on évalue la conformité d’un acte avec une règle particulière; il y a un rapport un
rapport indirect entre l’action et la conséquence

• Qu’est-ce qu’une règle ? : les formes contemporaines de l’utilitarisme de la règle font


surtout référence aux pratiques

• On peut illustrer la distinction entre l’utilitarisme de l’acte et de l’utilitarisme de la


règle avec l’expérience de pensée du « chirurgien »

• Le dilemme est le suivant : faut-il tuer un patient pour sauver cinq patients ou respecter
les droits de tous les patients et, donc, laisser mourir les cinq patients ?

1. Que répondrait un utilitariste de l’acte ? : on peut sacrifier un patient pour sauver cinq
patient, car cela produirait, au total, le bien-être d’un plus grand nombre de personne

 
2. Que dirait un utilitariste de la règle ? : on ne peut sacrifier un patient pour sauver cinq
patients, car cela violerait le lien de confiance entre le médecin et ses patients, à plus forte raison
entre les citoyens et le système de santé

Le tramway

• Selon la philosophe Judith Jarvis Thomson, la plupart des gens pensent qu’on peut
actionner le levier d’aiguillage, mais pas pousser le gros homme. Pourquoi ? : parce
pousser le gros homme implique qu’on viole ses droits fondamentaux

• Une enquête sur le dilemme du tramway confirmera la thèse de Thomson

• Les scénarios précédents ne font pas appel au même type d’intuitions morales :

1. Le 1er scénario mobilise des intuitions utilitaristes : « le plus grand bien pour le plus
grand nombre »

2. Le 2ème scénario mobiliser des intuitions déontologiques : « il ne faut jamais tuer »

L’enfant qui se noie dans l’étang

• Quelle est la morale de cette expérience de pensée ? : En ne donnant rien aux


organisations qui luttent contre la famine dans le monde, vous laissez mourir des enfants
dans de nombreux pays.

• Selon le philosophe Peter Singer : si on juge qu’il est monstrueux de laisser un enfant
mourir de noyade sans lui porter secours, alors on devrait juger qu’il monstrueux de
laisser des enfant mourir de faim dans le monde !

• L’argument de Singer fait référence à deux intuitions morales :

1. Laisser quelqu’un mourir alors qu’on pourrait l’aider

2. Il faut traiter des cas similaires de façons similaires

• On peut remettre en question la référence à ces deux intuitions morales

1. Non-assistance à personne en danger ?


2. Proximité réelle ou apparente entre les situations ?

• Est-ce raisonnable d’exiger qu’on aide tous les enfants du monde ? : à l’impossible
nul n’est tenu, n’est-ce pas ? Devoir implique pouvoir…

• Est-ce raisonnable d’exiger qu’on aide systématiquement tous les enfants du


monde : du fait qu’on peut aider les enfants, on ne peut pas forcément dériver
l’obligation qu’il faille le faire. De ce qui est, on ne peut dériver ce qui doit être…

Responsabilité négative et responsabilité positive

• La non-assistance à personne en danger de mort, qui revient à ne pas causer un bien,


peut-elle être mise sur le même plan que le meurtre?

• Cela pose la question de la responsabilité négative et de la responsabilité positive :

1. Responsabilité négative : Pour l’utilitariste, le fait que nous n’ayons commis aucune action
visant à causer la faim dans le monde ne nous exonère pas de notre responsabilité envers cet état
de choses, dans la mesure où nous pourrions agir pour le changer

2. Responsabilité positive : Pour les critiques de l’utilitarisme, cette idée de responsabilité


négative vide la notion de responsabilité de tout contenu, car elle le fait porter sur autre chose
que sur ce que nous avons causé volontairement, intentionnellement. Ils admettent que la
responsabilité positive, c’est-à-dire de ce dont nous sommes volontairement la cause.

Déontologisme kantien
• Kant est un géant de la philosophie occidentale

• Il est l’auteur de trois critiques : Critique de la raison pure (1781) Critique de la raison
pratique (1788) et Critique de la faculté de juger (1790)

• La raison, l’apriori et le projet de la philosophie transcendantale


• Il est aussi l’auteur de Qu’est-ce que les Lumières ? (1784) et Fondation de la
métaphysique des mœurs (1785)

• Kant lance une attaque dévastatrice contre l’utilitarisme : la morale n’a rien à voir
avec la maximisation du bonheur ou de toute autre fin, mais elle a plutôt pour objet le
respect des personnes en tant que fins en soi

• Le bonheur « ne contribue nullement à la fondation de la moralité » : c’est tout autre


chose de rendre un homme heureux que de le rendre bon, et le rendre prudent ou habile à
gérer son intérêt que de le rendre vertueux

• Bentham avait raison de dire que nous sommes des êtres sensibles, mais seulement en
partie; il avait tort d’affirmer que c’étaient là nos « maîtres souverains »

• Pour Kant, l’éthique n’est pas une affaire d’inclination mais de devoir !

A. Moralité : devoir versus inclination


• Qu’est-ce qui est moral ? : le mobile ou l’intention
 
• La valeur morale d’une action réside : non dans les conséquences qui en découlent,
mais dans « l’intention » qui préside à son lancement
 
• Ce qui compte moralement donc, c’est faire ce qu’il faut faire parce qu’il faut le
faire, et non pas en fonction d’autres facteurs ultérieurs :
« Ce n’est pas ce que la volonté bonne effectue ou accomplit qui la rend bonne »

• Le mobile ou l’intention qui confère à une action sa valeur morale est le mobile du
devoir : ce qui signifie, pour Kant, le fait de faire ce qu’il faut pour la bonne raison
 
• Pour le dire autrement : agir par « intention », c’est agir par « devoir »
 
• Qu’est-ce que nous dit Kant ici ? : il se contente de dire que, quand nous évaluons la
valeur morale d’une action, nous évaluons le mobile dont elle procède, et non pas les
conséquences qu’elle entraîne, d’où son opposition aux utilitaristes
• Si nous agissons sur la base d’un mobile autre que le devoir, comme notre
inclination (i.e. intérêt, désir, préférence, etc.) notre action n’a pas de valeur
morale : car seules les actions accomplies par devoir ont une valeur morale
• Comment peut-on distinguer devoir et inclination ?
1. Le marchand : l’honnêteté ou la réputation ?
2. Le Better Business Bureau : l’honnêteté ou l’intérêt ?
3. La dictée héroïque : l’honnêteté ou le sentiment de culpabilité ?
• Lorsque nous agissons par devoir, nous agissons librement car nous suivons une loi
morale que nous nous sommes donnés : cette loi morale ne vient pas de l’externe, mais
de l’interne, donc de nous !

B. Liberté : autonomie versus hétéronomie


- Chez Kant, la liberté correspond à l’autonomie :
- Si mon comportement est biologiquement déterminé ou socialement conditionné, il
ne peut plus être véritablement libre : l’acte autonome est un acte que j’engage en
fonction d’une loi que je me donne à moi-même
- L’acte « autonome » se distingue de l’acte « hétéronome » qui consiste à agir en
fonction d’influence qui me sont extérieures
- Qu’est-ce qu’un acte hétéronome ?
- « Obéis à ta soif ». La publicité de Sprite reprenait une intention kantienne. Quand
je prends une canette de Sprite, j’agis sur ordre et non pas librement. Je réponds à
un désir que je n’ai pas choisi : j’obéis à ma soif…
- C’est la capacité d’agir de manière autonome qui donne à la vie humaine sa dignité.
Elle marque la différence qu’il y a entre des personnes et des choses :
- Personne : la seule qui possède une dignité (i.e. la personne humaine)
- Chose : ne possède pas de dignité (i.e. crayon, voiture, etc.)
- Respecter la dignité signifie traiter les personnes comme des fins en soi : d’où l’idée
qu’il est immoral de se servir des gens au nom du bien-être général, ce qu’on peut
comprendre avec la notion d’impératif catégorique

C. Raison : impératif hypothétique/catégorique


- Si nous sommes libres parce que nous nous donnons notre propre loi, alors cela pose la
question de savoir d’où provient la loi ?
- Selon Kant, la loi provient de la raison : c’est par la raison que je suis capable d’agir
librement, c’est-à-dire selon une loi que je me donne à moi-même
- Mais ce n’est pas la raison des utilitaristes qui n’est qu’instrumentale puisque son but
n’est pas de déterminer qu’elle fin sont dignes d’être poursuivies, mais de déterminer
comment maximiser l’utilité.
- Comment la raison kantienne fait-elle pour déterminer quelles fins sont dignes
d’êtres poursuivies ?
- Pour cela, il faut distinguer deux sortes de commandements ou d’impératifs :
- Impératif hypothétique : usage de la raison instrumentale (ex. si vous voulez X, alors
faites Y)
- Impératif catégorique : commande catégoriquement, c’est-à-dire sans référence ni
dépendance à quelque fin que ce soit : « Il concerne, non pas la manière de l’action ni ce
qui doit en résulter, mais la forme et le principe dont elle procède elle-même
• Seul un impératif catégorique peut être considéré comme un impératif de la
moralité
 
• La liberté au sens de l’autonomie exige qu’on agisse en vertu d’un impératif catégorique
• Il y a deux formulations de l’impératif catégorique :
1. Universalisation
2. Non-instrumentalisation

Universalisation
• La 1ère formulation de l’impératif catégorique se présente de la façon suivante :
« Agis seulement d’après la maxime grâce à laquelle tu peux vouloir en même temps
qu’elle devienne une loi universelle »
• Qu’est-ce qu’une « maxime » ? : règle ou un principe d’action
• Qu’est-ce que la « loi universelle » ? : vouloir que mon action soit universelle ?

Non-instrumentalisation (humanité ou dignité)

• La 2ème formulation de l’impératif catégorique se présente de la façon suivante :

« Agis de façon telle que tu traites l’humanité, aussi bien dans ta personne que dans la
personne de tout autre, toujours en même temps comme fin, jamais simplement comme moyen »

• Selon Kant, le respect de soi et des autres tient à un seul et même principe. Le devoir de
respect est dû aux personnes en tant qu’êtres rationnels, relevant de l’humanité

• Kant dirait que nous ne devons jamais mentir

• Sinon, nous approuvons l’universalité du mensonge, ce qui est contradictoire

• De toute façon, dans une telle situation, notre intention n’est pas de causer la mort d’une
personne, mais de dire la vérité, ce qui respecte l’impératif catégorique

• Existe-t-il une façon de dire la vérité qui soit fidèle à l’impératif catégorique et qui
ne cause pas de tort à autrui ?

Éthique et vertu
De la confusion morale

• Selon le philosophe écossais, Alisdair MacIntyre, la morale contemporaine se trouve


dans un état de confusion profonde :

1. Incommensurabilité (non mesurable)

2. Impersonnalité

3. Hétérogénéité

• Ce qui caractérise la morale contemporaine, c’est l’« émotivisme » : tout jugement


moral n’est rien d’autre que l’expression d’une préférence, d’une attitude ou d’un
sentiment, de par son caractère moral ou évaluatif

• Dans un tel état de confusion morale, on ne peut s’entendre que sur des principes
qui déterminent par avance la résolution de dilemmes moraux

• Le problème des éthiques « procédurales » est qu’elles ont mises de côté les questions
relatives à la perfection de soi, à plus forte raison au sens de la vie

• À cela s’ajoute le fait qu’il n’est pas sûr qu’on puisse résoudre un dilemme moral par
avance, comme le prétendent l’utilitarisme (maximisation de l’utilité) et le déontolgisme
kantien (impératif catégorique)

• C’est à cause de cela que certains philosophes se sont tournés vers l’éthique de la vertu

Quelques notions de base sur l’éthique de la vertu

• L’éthique de la vertu est la théorie éthique selon laquelle ce qui compte moralement,
c’est la perfection personnelle : être quelqu’un de bien, une personne de bon caractère,
généreuse, courageuse, etc.

• Nous allons étudier trois notions fondamentales :

1. Bonheur

2. Vertu
3. Prudence (ou sagacité)

Éthique de la vertu aristotélicienne

A. Le bonheur comme « telos »


- Qu’est-ce que les expériences de pensée de la flûte, de Casey Martin et de la lecture
ont en commun ?
- Ces expériences de pensée ont en commun le fait que nos actions ont une finalité ou,
comme le dit Aristote, un « telos »
- Qu’est-ce qu’un telos ? : c’est la fonction de quelque chose; une chose est bonne dans la
mesure où elle remplit sa fonction
- Par exemple, la fonction du couteau est de couper, la fonction de la médecine est la
santé, la fonction de l’art militaire, la fonction d’un gland est devenir un chêne, etc.
• Pour Aristote, l’homme possède un « telos », c’est-à-dire une fonction : d’obéir à la
raison ou d’agir en obéissant à la raison. Ce qui distingue l’être humain des plantes et des
autres animaux, c’est qu’il est un être rationnel et sociale
• Pourquoi l’homme doit-il se comporter selon la raison ? : parce que c’est de cette
façon qu’il peut atteindre le bonheur ou l’« eudaimonia »
• Il y a plusieurs façons de traduire le terme « eudaimonia » : épanouissement ou
réalisation de soi, bien-être, bonheur, etc.
• Pour voir en quoi consiste le bonheur, distinguons trois sortes de biens :
 
1. Il y a des choses et des biens qu’on recherche « en vue » du bonheur : honneurs,
gloire, études, travaille, etc.
 
2. Il y a des choses et des biens qu’on recherche « pour elles-mêmes » : l’amitié,
l’intelligence, le plaisir, l’honnêteté, le courage, la sollicitude, etc.
 
3. Il y a un seul bien que tous les autres biens recherche pour lui-même ou, pour le
dire autrement, un seul souverain bien : le bonheur !

• Comment fait-on pour atteindre le bonheur ?


• Pour Aristote, le « bonheur » est conçu comme activité rationnelle et vertueuse
 
a. Une activité rationnelle
 
b. Une acticité vertueuse

B. La vertu comme juste milieu

• Pour Aristote, être vertueux, c’est :

« prendre le milieu » en fonction « de la personne qu’il faut, dans la mesure, au moment, dans le
but et de la manière qu’il faut » (ET II, 1109a 20-35)

• Les trois premiers mots de cette citation contiennent la définition de la vertu


aristotélicienne : la vertu consiste en effet à « prendre le milieu » ou, ce qui revient au
même, à atteindre le juste milieu

• La vertu est un juste milieu : entre un défaut et un excès, ce qu’Aristote considère


comme étant tous les deux des vices

• 1. Le courage est le juste milieu entre la lâcheté et la témérité

•  Voyons en quoi consiste le courage

• 1. Un défaut : lâcheté (ex. qui n’ose pas sauver X alors qu’il le peut)  

• 2. Un excès : témérité (ex. soldat qui va au front sans stratégie ni équipements)

• 3. Le courage est une réponse à une émotion précise : la peur

• 4. Le courage est relatif à la personne concernée (point de départ différent)

• 2. La générosité est le juste milieu entre l’avarice et la prodigalité


• 3. La douceur est le juste milieu entre l’insensibilité et l’irascibilité

• 4. La franchise est le juste milieu entre le dénigrement et la vantardise

• Comment acquiert-on la vertu ?  

• Il y a deux façons d’acquérir la vertu :

1. L’expérience ou l’habituation (la vertu comme « seconde nature »)

 2. L’imitation de personnes vertueuses

C. La vertu comme prudence

• Si nous revenons à la citation d’Aristote, on voit que la vertu n’exige pas seulement
de viser de « prendre le milieu », mais de viser de « prendre milieu » en fonction :

« de la personne qu’il faut, dans la mesure, au moment, dans le but et de la manière qu’il faut »
(ET II, 1109a 20-35)

• Comment fait-on pour prendre en fonction de la personne qu’il faut, dans la


mesure, au moment, dans le but et de la manière qu’il faut ?

• Pour Aristote, cela requiert la « prudence », ce qu’il appelle aussi la « sagacité »

• Lorsque nous sommes confrontés à un dilemme moral : la sagacité est un jugement


pratique sur la ou les personnes concernées par le dilemme, la pleine mesure de nos
capacités à répondre, les données relatives aux dilemmes et la meilleure façon ou pas de
répondre à ce dilemme 

• C’est ainsi qu’une personne courageuse évaluera la situation, sa capacité à répondre ou


pas et se comportera en fonction de la situation; être une personne courageuse implique
donc qu’on sache quand il faut intervenir et quand il ne faut pas intervenir parce qu’on
n’est pas en mesure de le faire seul

• C’est ainsi que la franchise implique nous sachions quand on doit dire la vérité, voire
toute la vérité, et quand on ne doit pas dire la vérité ou une vérité partielle. Il n’est sans
doute pas nécessaire que vous disiez à quelqu’un que sa jambe est cassée alors qu’il porte
déjà un plâtre 

• Ce n’est pas généreux de donner de la drogue à un toxicomane ou d’utiliser la somme


d’argent censée payer votre loyer pour payer une bière à tout le monde; la générosité
implique plutôt que vous donniez de l’argent que vous possédez à ceux qui en ont besoin,
et non de l’argent que vous ne possédez pas à ceux qui n’en n’ont pas besoin

• En somme, on peut dire que chez Aristote un comportement moralement


acceptable : dépend de la situation !

Objections à l’éthique de la vertu

On peut formuler au moins deux objections contre l’arétisme :

1. Imprécision

2. Conflits de valeurs

• La prudence/sagacité, un outil clé de l’éthique de la vertu ?

Vertu et sens de la vie

• Nous avons vu que nous nous trouvons dans état de confusion morale : c’est
pourquoi nous insistons aujourd’hui sur des éthiques procédurales qui mettent de côté les
questions relatives à la perfection de soi et au sens de la vie

• Nous venons d’étudier une théorie éthique, l’éthique de la vertu aristotélicienne, qui
insiste sur la perfection de soi et sur le sens de la vie :
1. La perfection de soi comme action vertueuse : la recherche du juste milieu

2. Le sens de la vie comme quête du bonheur : ou de l’eudémonisme

• Qu’entendons-nous lorsqu’on parle du « sens de la vie » ?

1. Direction

2. Signification

3. Sensation

4. Jugement

• Quels sont les grands paradigmes moraux qui ont essayés de répondre à la question
du sens de la vie ?

• L’Occident à connu pour l’essentiel deux paradigmes moraux :

1. L’éthique de l’honneur et du guerrier (grecque et romaine)

2. L’éthique de la charité qui s’est élaborée avec les religions  

• Abordons les réponses que donnent l’éthique de l’honneur et du guerrier des romains, qui
n’est pas aussi guerrière qu’on peut être amené à le croire

• Selon des stoïciens, comme Épictète et Marc-Aurèle, le sens de la vie devrait être
organisé autour de deux principes :

1. Il faut distinguer « ce qui dépend nous » de « ce qui ne dépend de nous »  

2. Ce n’est pas la chose comme telle qui nous dérange que l’idée qu’on s’en fait

Distinguer « ce qui dépend nous » de « ce qui ne dépend de nous »

• Ce qui dépend de nous : opinion, tendance, désir, aversion, nos œuvres, etc.

• Ce qui ne dépend pas de nous : corps, richesse, gloire, honneur, les choses qui ne sont
pas nos œuvres, etc.

• Selon Épictète, si tu prends pour tien seulement ce qui est tien, pour propre à autrui,
personne ne te contraindra jamais ni ne t’empêchera, tu n’adresseras à personne
accusation ni reproche, tu ne feras absolument rien contre ton gré, personne ne te nuira;
tu n’auras pas d’ennemi; car tu ne souffriras aucun dommage

Ce n’est pas la chose comme telle qui nous dérange que l’idée qu’on s’en fait

• À propos de toute idée pénible, prends soin de dire aussitôt : « Tu es une idée, et non
pas exactement ce que tu représentes. »

• Ensuite, examine-la, éprouve-la selon les règles que tu possèdes, et surtout selon la
première, à savoir : concerne-t-elle les choses qui dépendent de nous ou celles qui ne
dépendent pas de nous ?

• Ce qui trouble les hommes : ce ne sont pas les choses, mais les jugements relatifs aux
choses

• Les 3 parties de la philosophie

1. Pratique (ex. ne pas mentir)  

2. Démonstration (ex. pourquoi il ne faut mentir ?)

3. Articulation (ex. démonstration ? conséquence ? vrai ? faux ? etc.)

• L’articulation tire sa nécessité de la démonstration et la démonstration de la pratique

La plus nécessaire, celle où il faut s’arrêter, c’est la pratique !

Nous avons tendance à faire l’inverse :  

1. Articulation (ex. démonstration ? conséquence ? vrai ? faux ? etc.)

2. Démonstration (ex. pourquoi il ne faut mentir ?)

2. Pratique (ex. ne pas mentir)

• Résultat : nous mentons, mais la démonstration qu’il ne faut pas mentir, nous l’avons
toute prête

RAPPEL
1. La cuisine morale : sophismes, règles, éthique/droit, etc.

2. Utilitarisme : utilité, hédonisme, acte/règle, etc.

3. Déontologisme : moralité, liberté, raison, etc.

4. Éthique de la vertu : bonheur, vertu, prudence, etc.

• Pour Aristote, la justice porte sur ce que nous devons les uns les autres

• Pour John Rawls, la justice est « la première vertu des institutions » (TJ, p. 29)

• On peut définir la justice comme la « volonté constante et perpétuelle d’attribuer à


chacun son dû »

À quoi renvoie le concept de justice ?

• Cette définition renvoie à quatre aspects du concept de justice

1. À chacun son dû : la façon dont on traite les individus et leurs demandes

2. Attribuer : la présence d’un agent chargé de rendre à chacun son dû

3. Constante et perpétuelle : l’application constante et impartiale de la loi

4. Volonté : une situation ne peut être juste/injuste sans que cela soit le fait d’un individu,
d’un groupe ou d’une institution

Nous examinerons deux conceptions de la justice

1. La justice corrective : vise à rétablir une relation d’équité entre les individus

2. La justice distributive : vise à distribuer des biens tels que les revenus, la richesse, les
droits et libertés, etc.
La justice comme équité
• À quoi et à qui s’applique la justice comme équité ?

1. La « structure de base » : c’est-à-dire les principales institutions sociales, économiques


et politiques et à la façon dont ces institutions répartissent les biens sociaux premiers

2. Les membres de la structure de base : c’est-à-dire les citoyens qui vivent au sein de la
structure de base et qui coopèrent

• De quoi parle-t-on lorsqu’on parle de distribution de biens premiers ? : on parle de


biens de base – droits, libertés, revenus, richesses, etc. - dont les membres de la structure
de base ont besoin pour vivre correctement et réaliser leurs projets de vie

La position originelle

• Le point de départ du raisonnement rawlsien sur la justice : imaginons que nous nous
réunissons pour choisir les principes qui gouverneraient notre vie collective

• Étant donnée la diversité d’intérêts, nous aurions sans doute beaucoup de difficulté à nous
entendre

• Rawls propose d’imaginer l’expérience de pensée suivante : imaginons que nous nous
placions dans une « position originelle » d’égalité et derrière un « voile d’ignorance »

• Rawls propose qu’on adopte un contrat social hypothétique : que nous aurions
concluent dans la position originelle et derrière le voile d’ignorance

• Il y a deux concepts clés ici :

1. La position originelle : nous nous plaçons d’abord dans la position originelle, laquelle
est un contrat hypothétique où nous sommes tous égaux

- C’est donc en nous imaginant dans la position originelle et en mettant le « voile


d’ignorance » que nous pouvons déterminer équitablement les principes qui
gouvernent notre vie collective
- Quel est le raisonnement derrière l’idée de contrat hypothétique qu’est la position
originelle ?
- Pour répondre à cela, il faut poser la question suivante : qu’est-ce qui justifie que
nous respections les termes d’un contrat ? Plus exactement, qu’est-ce qui nous oblige du
point de vue moral à respecter un contrat ?
- Les contrats n’ont de poids que s’ils impliquent deux idéaux :
- Autonomie : en tant qu’acte volontaire, le contrat exprime notre autonomie; nous nous
soumettons librement
- Réciprocité : en tant que moyen en vu d’un avantage mutuel, le contrat renvoie à la
réciprocité
- Il y a toutefois des situations où le consentement n’est pas suffisant
- A-t-on des exemples de situations où le consentement n’est pas suffisant ?
- Les deux frères qui échangent des cartes de baseball : il y a ici une iniquité en matière
de savoir puisque le frère le plus vieux connait la valeur réelle de certaine cartes, ce qui
n’est pas le cas du plus jeune frère
- La dame qui consent à ce qu’on répare sa toilette pour 50 000$ : au lieu d’être
l’instrument d’un avantage mutuel, ce contrat bafoue la réciprocité
- Le voile d’ignorance doit assurer l’égalité de pouvoir et de savoir : en s’assurant que
personne ne sache rien de sa situation sociale, ses forces et faiblesses, ses valeurs et des
ses fins, etc., on fait en sorte que personne ne puisse tirer avantage d’une position
privilégiée dans la négociation
- Pour Rawls, la position originelle, et le voile d’ignorance, est la meilleure manière de
déterminer les principes qui gouverne la société
- C’est de cette façon qu’on peut déterminer les « principes de justice » qui justifient
la distribution des biens sociaux premiers

2. Le voile d’ignorance : nous devons ensuite mettre le voile d’ignorance qui empêchent de
savoir la classe sociale ou la race à laquelle on appartient, ni quelles sont nos croyances
morales, religieuses, philosophiques, etc.

Contrat social

• Rawls cherche à démontrer le principe cardinal d’équité, qui est au cœur de sa


théorie de la justice

• C’est pour cela qu’il suppose une forme de contrat entre les individus
Le contractualisme

Les principes de justice

• Si on adopte la position originelle, en mettant le voile d’ignorance, on devrait


dériver deux principes de justice :

- Égale liberté : chaque personne doit avoir un droit égal au système le plus étendu de
libertés de bases, ce qui inclut les libertés politiques comme la liberté d’expression, la
liberté d’association et la liberté de conscience
- Égalité sociale et économique : les inégalités doivent être telles qu’elles soient aux
bénéfices des moins favorisés (principe de différence) et attachés à des fonctions et des
positions ouvertes à tous (égalité des chances)
- Selon le « principe de différence » : ne sont autorisés que les inégalités qui améliorent
la situation des moins favorisés en facilitant, par exemple, l’accès au système de soins de
santé ou à tout autre service public
- La richesse de Mark Zuckerberg ne peut procéder que d’un système qui bénéficie
aux moins favorisés : cela peut prendre la forme d’un impôt progressif qui taxe les
riches pour offrir aux pauvres des services publics
- Quels arguments Rawls donne-t-il en faveur du principe de différence ?

• Rawls donne deux arguments en faveur du principe de différence :

1. Argument officiel : c’est ce qu’on choisirait derrière le voile d’ignorance

2. Argument de l’arbitraire moral : la distribution de bien sociaux premiers ne devrait pas


dépendre de facteurs sociaux-économiques ou naturels

• Du point de vue moral, des facteurs comme le milieu social ou économique dans lequel
nous sommes nés et les aptitudes physiques ou intellectuelles que nous possédons
naturellement sont arbitraires

• Comparons l’argument de l’arbitraire moral avec trois théories rivales :


1. Système féodal : ce système est arbitraire car il fait dépendre nos conditions sociales et
économiques sur la naissance

2. Système libertarien : ce système est arbitraire car, même si nous bénéficions d’une
égalité formelle, notre point de départ n’est pas le même

3. Système méritocratique : ce système est arbitraire car il ne compense pas la « loterie


naturelle » selon laquelle certains seront plus forts physiquement, intellectuellement, etc.

- Comment assurer l’équité sans handicaper les meilleurs ?


- Suivant le principe de différence : les individus peuvent bénéficier des fruits de leurs
talents naturels que si cela bénéficie les moins favorisés
- Un joueur de hockey professionnel ne peut gagner de millions de dollars que s’il existe
un système de taxation qui prend une partie de ses revenus pour aider ceux qui ne
possèdent pas les mêmes talents
- Un milliardaire ne peut jouir de sa fortune que s’il existe un système de taxation qui
prend une partie de ses revenus pour les distribuer aux moins favorisés

Objections à la justice comme équité

• Il y a trois objections contre le principe de différence :

1. Incitatifs :

- L’objection relative au incitatifs : le principe de différence découragerait les meilleurs


joueurs de hockey professionnel à se servir de leurs talents naturel et les milliardaires à
réinvestir leur fortune
- La réponse de Rawls : on peut très bien accepter des différences salariales importantes
et des ajustements aux systèmes de taxation, mais cela doit bénéficier au moins favorisés
- Autrement dit : il faut tenir compte des effets que peuvent avoir les incitatifs sur les
moins nantis

2. Effort et mérite
- L’objection relative au mérite et à l’effort : « qu’en est-il de l’effort ? » et « qu’en est-
il des personnes qui ont travaillées durement pour obtenir ce qu’ils désiraient ? » ; l’effort
ne devrait-il pas être à la base du mérite ?
- La réponse de Rawls : même si nous travaillons plus et que nous avons une éthique de
travail exemplaire, cela dépend souvent de circonstances sociales et culturelles pour
lesquelles nous n’avons pas de mérite
- Le fait d’être né dans une famille aisée, d’avoir des aptitudes physiques ou intellectuelles
supérieures ne nous donnent du point de vue moral aucun mérite, en un mot cela n’est pas
le fruit de nos efforts !

• Il faut introduire ici une distinction importante :

1. Attentes légitimes : comme dans un jeu d’adresse, dès lors que nous respectons les
règles du jeu, nous pouvons légitimement nous attendre à en récolter les prix et les
récompenses

2. Mérite moral : comme dans un jeu de hasard, nous avons le droit de réclamer le prix,
mais nous n’avons aucun mérite du point de vue moral

• Pour le dire autrement : nous ne méritons pas de bénéficier de nos talents naturels, mais
nous sommes en droit d’avoir des attentes légitimes dès lors que nous respectons les
règles du jeu ou les règles sociales existantes

3. Propriété de soi

- L’objection relative à la propriété de soi est que : si nous sommes propriétaires de


nous-mêmes, alors toute intervention qui limiterait mes talents naturels serait une
violation du principe de propriété de soi
- La réponse de Rawls : le principe de différence n’implique pas que l’État soit
propriétaire de mon corps, mais plutôt que nous avons des attentes légitimes à pouvoir
exercer nos talents naturels et d’en tirer des bénéfices
- On peut très bien respecter les droits, l’individu, la dignité humaine, etc., sans pour autant
défendre la propriété de soi
La vie est injuste !

• Ne pourrait-on pas éviter tout ce verbiage sur la distribution en disant que la vie est
injuste et qu’il n’y a rien qu’on y puisse faire ?

• À cela, Rawls répondrait sans doute ceci :

1. Ce n’est pas parce la vie « est » injuste que la société « doit être » injuste

2. « La répartition n’est ni injuste ni juste ; il n’est pas non plus injuste que certains naissent dans
certaines positions sociales particulières. Il s’agit seulement de faits naturels. Ce qui est juste ou
injuste par contre, c’est la façon dont les institutions traitent ces faits (TJ, p. 133) »

Le libertarisme
1. État minimal

2. Libre marché

3. Propriété de soi

4. Objections

Que faire des inégalités économiques ?

• Aux États-Unis, les 1% les plus riches possèdent plus du tiers de la richesse du pays
et plus que la richesse de 90% des foyers américains les moins privilégiés

• Pour certains, cela est injuste et il faut imposer les riches pour redonner aux pauvres

• Pour d’autres, si ces inégalités ne sont pas le résultat d’un usage de la force ou de
pratiques frauduleuses, mais de choix que font les individus dans une économie de
marché, alors elles ne sont pas injustes

• Pour ces derniers, prélever de l’argent à Bill Gates sans son consentement est
inacceptable : cela viole sa liberté de disposer de son argent comme il le souhaite
• Ceux qui s’oppose à une telle redistribution s’appellent les « libertariens » : ils sont
favorables à la liberté des marchés et s’opposent à la régulation étatique au nom de la
liberté humaine

• Les libertariens défendent une idée séduisante : le droit de chacun à la liberté, à savoir
de faire ce que l’on veut des choses que l’on possède, et ce, tant et aussi longtemps qu’on
respecte le droit d’autrui d’en faire de même

Les libertariens et l’État minimal

• Seul un État minimal est compatible avec la liberté : un État qui s’assure que les
contrats sont respectés, que la propriété privée est protégée et que la paix soit maintenue

• L’État est un « night watchmen  » ou un « veilleur de nuit »

• Pour les libertariens, toute tentative par l’État de s’arroger des pouvoirs supplémentaires
est moralement injustifiée

• 3 types de politiques ou de lois que les libertariens rejettent :

1. Paternalisme : les lois qui protègent les gens d’eux-mêmes (ex. le port de

la ceinture de sécurité)

2. Moralisme : les lois qui emploient des mesures coercitives pour

promouvoir les convictions morales de la majorité (ex. la prostitution)

3. Redistribution : les lois qui obligent certaines personnes à en aider

d’autres (ex. impôt). Les impôts et les taxes constituent une forme de vol

Le libre marché

• Dans son livre, Anarchie, État et utopie, Robert (1974), Robert Nozick met en cause
les idées de justice sociales comme celles de Rawls : un État est légitime seulement s’il
se cantonne à « des fonctions étroites de protection contre la force, le vol, la fraude, à
l’application des contrats »

• Et « tout État plus étendu viole les droits que détiennent les personnes à ne pas êtres
contraintes d’agir de telle ou telle manière » est illégitime

• C’est exercer une forme de coercition sur les riches que de les imposer pour secourir
les pauvres : cela viole leur droit de faire ce que bon leur semble avec ce qu’ils
possèdent

• Nozick rejette les théories de la justice dépendantes de « schémas » et privilégie


celles qui respectent les choix effectués par les individus dans un libre marché

• Selon Nozick, une théorie de la justice dépend de deux conditions :

1. Acquisition initiale : vous devez être le légitime propriétaire des

ressources que vous avez mobilisées pour gagner de l’argent

2. Transferts volontaires : l’argent que vous possédez doit avoir été

obtenu par des échanges libres ou des dons volontaires

• Si ces conditions sont satisfaites, alors un individu à droit à ce qu’il possède et l’État
ne peut lui prendre sans son consentement

• Comment fait-on pour savoir si l’acquisition initiale est juste ?

• Nozick répond à cette question en introduisant un exemple hypothétique, celui du joueur


de basket-ball Wilt Chamberlain (1970)

• Au lieu de Wilt Chamberlain, parlons plutôt de Lebron James qui est aujourd’hui le
joueur le mieux rémunéré de la NBA

• L’exemple de Lebron James : imaginons que c’est à nous de déterminer la distribution.


Imaginons, de plus, que ceux qui veulent voir James jouer déposent dans une boîte 80$
chaque fois qu’ils achètent un billet. Puisqu’il y a beaucoup de gens qui veulent voir
James jouer, la boîte se remplit rapidement de sorte que, à la fin de la saison, James
possède 88.7 G$
• Qui peut se plaindre de l’écart salariale entre James et la majorité des personnes ? :
pas ceux qui ont payé pour le voir jouer, pas ceux qui n’ont pas dépensé un sou et encore
moins James, car il a accepté de jouer en échange d’une telle somme

• L’exemple de Lebron James illustre un défaut majeur des théories de la justice


distributive : imposer James pour financer des programmes d’aides aux personnes
défavorisés va à l’encontre des transferts volontaires et enfreint les droits de James en
saisissant une part de ses revenus

• Cela revient à forcer James à faire, contre sa volonté, un don caritatif

• Ce n’est pas simplement un enjeu monétaire, c’est un enjeu qui concerne directement la
liberté humaine

La propriété de soi

• Pour Nozick, « L’imposition des revenus du travail s’apparente à des travaux


forcés » : si l’État peut s’arroger une partie de mes revenus, cela signifie qu’il peut aussi
faire valoir un droit sur une partie de mon temps

• Cela nous fait accéder à la clé de voûte de la morale libertarienne : l’idée de propriété
de soi. Si je suis propriétaire de moi-même, je dois aussi être propriétaire de mon travail;
si quelqu’un d’autre à un droit sur mes revenus, celui-ci est propriétaire de mon travail,
donc je suis sa propriété

• C’est pourquoi le fait d’imposer James afin d’aider les plus pauvres est une
violation de ses droits : puisque cela équivaut à faire de l’État, dans une certaine mesure,
le propriétaire d’une personne

• Il y a continuité morale de l’impôt (s’approprier une part de mes revenus) aux


travaux forcés (s’approprier mon travail) et à l’esclavage (bafouer le droit de
propriété que je détiens sur moi-même)

• Voici une illustration du raisonnement libertarien :


Objections

• On peut formuler trois objections au libertarisme :

1. Lebron James ne joue pas tout seul

2. Lebron James n’est pas vraiment imposé sans son consentement

3. Lebron James à de la chance

• L’objection est la suivante : James a une dette envers toux ceux qui ont contribué à
son succès, comme ses coéquipiers, ses entraîneurs, le personnels du stade, etc.

• Réponse : C’est vrai. Sauf que ces personnes on été rémunérées, à hauteur de la valeur et
des services sur le marché. Même si elles gagnent moins d’argent que James, elle ont de
plein gré accepté la compensation proposée pour le travail qu’elles effectuent

• Même s’il devait quelque chose à ses coéquipiers, il est difficile de voir en quoi cela
justifie d’imposer ses revenus pour aider les plus pauvres

• L’Objection est la suivante : en tant que citoyens d’un État démocratique, il peut faire
entendre sa voix au moment de l’élaboration des lois de finances qui fixent l’impôt
auquel il est soumis

• Réponse : le consentement démocratique ne suffit pas. Cela n’implique pas qu’on signe
un chèque en blanc et consentons par avance à toutes ses lois, aussi injustes soient-elles

• Sinon, la majorité pourrait choisir de faire peser l’impôt sur la minorité, voire confisquer
sa richesse et ses biens

• L’objection est la suivante : James a de la chance d’exceller au basket-ball et de vivre


dans une société qui valorise la capacité à sauter haut et placer un ballon dans un panier
• Réponse : cette objection revient à demander si les talents de James lui appartiennent
vraiment. Ce raisonnement est potentiellement dangereux. Si James n’a pas de droit sur
les bénéfices dégagés grâce à l’exercice de ses talents, cela signifie qu’il n’est pas
réellement propriétaires de ces derniers

• Veut-on vraiment accorder à l’État le droit de propriété sur ces citoyens ?

La propriété de soi, une idée séduisante ?

• L’idée de propriété est séduisante pour ceux qui cherchent à donner aux droits
individuels un fondement solide : dire que je m’appartiens, et n’appartient donc pas à
l’État, est une façon d’expliquer pourquoi il est immoral de sacrifier mes droits pour le
bien-être d’autrui

• Rappelons la réticence de la majorité des personnes interrogées au sujet du dilemme


du tramway, surtout par rapport à l’idée de pousser le gros homme : si celui-ci avait
de son propre chef sauté sur la voie, alors personne n’y aurait trouver à redire

• Nombreux sont ceux qui, rejetant le laissez-faire en matière économique, invoquent, dans
d’autres domaines, l’idée de propriété de soi

Étude de cas relatives au libertarisme

Quelques notions préalables

• Quand vous êtes confronté à une expérience de pensée ou à un dilemme éthique,


vous devriez vous posez les questions suivantes :

1. Quelle est mon « intuition » ? : c’est le moment où vous vous demandez ce que vous
feriez. C’est votre jugement spontané qui n’est pas dérivé d’un raisonnement. Il ne repose
si sur des principes si sur une théorie éthique
2. Comment « justifier » mon intuition ? : c’est le moment où vous vous demandez
comment vous pourriez justifier votre intuition. Vous vous demandez quel serait les
principes éthiques ou la théorie éthique qui permettraient de justifier votre intuition

- Intuition et justification sont les deux ingrédients de la cuisine morale : c’est par là
que commence la réflexion éthique !
- Par exemple, si vous avez a été infidèle à votre épouse et que vous vous demandez si
vous devriez lui dire la vérité, vous devriez vous demandez quelle est votre « intuition »
et quel est le principe éthique ou la théorie éthique qui permettrait de « justifier » votre
intuition
- Si votre intuition penche du côté de la vérité, alors vous pourriez vous servir du
déontologisme pour justifier le fait de dire la vérité. Vous pourriez vous servir de
l’impératif catégorique et, notamment, de ses deux formulations que sont
l’universalisation et la non-instrumentalisation

- Si votre intuition penche du côté du mensonge, alors vous pourriez vous servir de
l’utilitarisme pour justifier le mensonge. Vous pourriez vous servir du principe de
maximisation de l’utilité selon lequel il faut maximiser le bonheur et minimiser le
malheur

- Si votre intuition penche du côté de la vérité, alors vous pourriez vous servir de
l’éthique de la vertu pour justifier le fait de dire la vérité. Vous pourriez dire qu’il
faut être une personne « franche » (en référence à la vertu de la franchise qui est le juste
milieu entre la dénigrement et la vantardise)

- Pour illustrer le libertarisme, examinons les cas suivants :

1. Reins à vendre
• Dans la plupart des pays, il est interdit d’acheter et de vendre des organes à des fins de
transplantation. Aux Canada, les gens peuvent donner un de leurs reins, mais il n’existe
pas de marché ouvert où ils puissent le mettre en vente
• Pour certains, il faut modifier la loi : ils font valoir que des milliers d’individus en
attente d’une greffe meurt chaque année et que l’offre d’organes augmenterait s’il y avait
un marché libre où l’on pourrait acheter et vendre des reins
• Un des arguments utilisés en faveur de l’achat et de la vente de reins repose sur la
notion libertarienne de « propriété de soi » : si je suis propriétaire de mon corps, je
devrais pouvoir librement vendre mes organes. Ce qui compte ici, c’est d’être libre de
faire ce que l’on veut avec son corps
• En fait, peu de personnes qui défendent l’achat et la vente d’organes adhèrent à
l’argument libertarien de la « propriété de soi »
• Pour comprendre cela, considérons deux scénarios :
• Le marchand excentrique : un marchand d’art excentrique vous offre 15 000$ pour
votre rein, qu’il revendra à de riches acheteurs qui l’exposerons dans leur salon
• Le paysan pauvre : après avoir vendu un rein pour financer les études de son fils aîné, il
songe à vendre son second rein pour financer les études de sa fille, ce qui causera sa mort
• Dans le cas du marchand d’art excentrique : si vous êtes libertarien, vous ne vous
opposerez pas à une telle vente. L’important n’est pas de sauver des vies humaines, mais
de disposer librement de son corps. Mais si vous croyez que la vente de reins devrait
avoir pour but de sauver des vies humaines, vous n’êtes plus libertarien
• Dans le cas du paysan pauvre : si vous êtes libertarien, vous ne vous opposerez pas à
une telle vente, car, du point de vue moral, le paysan est propriétaire de lui-même. Mais
si vous objecter que personne ne devrait avoir à mourir pour de l’argent, alors, une fois de
plus, vous n’êtes plus libertarien
• Le cas du paysan pauvre n’est pas totalement hypothétique : en 1990, un détenu
californien à exprima le souhait de donner son second rein à sa fille
2. Suicide assisté
- Aux États-Unis, à l’exception du Vermont et de l’Oregon, aucun État ne permet le suicide
assisté. Un médecin qui aiderait un patient en phase terminale à mourir commettrait un
crime
- À première vue, le suicide assisté est un cas d’école pour le libertarisme : les lois qui
l’interdisent sont injustes. Ma vie m’appartient et je devrais pouvoir y mettre fin. Et si,
dans le cadre d’un accord volontairement établi, un médecin m’aide à mourir, l’État ne
devrait pas s’en mêler
- Pourtant, il n’est pas nécessaire de faire appel à l’idée que nous sommes propriétaires de
nous-mêmes ou de nos vies pour justifier le suicide assisté
- Plusieurs invoquent la dignité et la compassion : les personnes en phase terminale qui
souffrent considérablement devrait pouvoir devancer l’heure de leur mort au lieu de
continuer à souffrir
- On pourrait objecter que, dans le cas des patients en phase terminale, il est difficile de
distinguer la justification fondée sur la propriété de soi de la justification fondée sur la
dignité ou la compassion
- Pour évaluer la force morale de l’idée de propriété de soi, examinons un cas de
suicide assisté qui ne concerne pas un patient en phase terminale

3. Cannibalisme consenti

• En 2001, un informaticien allemand, Armin Meiwes, posta une annonce sur internet où il
offrait d’abattre et de manger quelqu’un. Armin n’offrait pas de compensation, mais
seulement l’expérience elle-même. Expérience à laquelle Jürgen Brandes accepta de se
soumettre.

• Il s’agit de l’histoire du cannibale de Rotenbourg : histoire au cours de laquelle Jürgen


Brandes consenti à ce que Armin Meiwes le tue et le mange

• Quel est le rapport avec le libertarisme et la propriété de soi ?

• L’histoire du cannibale de Rontenburg soumet l’idée libertarienne de propriété de


soi à rude épreuve : il ne s’agit pas d’abréger les souffrances d’un patient en phase
terminale, mais d’enlever la vie à une personne en santé

• Ceux qui pensent qu’il est acceptable d’enlever la vie à une personne en santé, dès lors
que cette personne y a consenti, ne peuvent faire autrement que d’invoquer la propriété
de nos corps et de nos vies

• Si l’argument libertarien est correct, alors le fait d’interdire le cannibalisme


consenti est injuste : c’est une violation du droit à la liberté

Maximalisme
• Les théories morales maximalistes se soucient de notre « bien » et de notre
« épanouissement personnel ». Elles s’intéressent à la nature humaine et à notre dignité.
C’est le monde d’Aristote ou celui de Kant.

• Parmi les théories morales maximalistes, on trouve donc :

1. Éthique de la vertu (aristotélicienne)

2. Déontologisme (kantien)

3. Utilitarisme (millien)

Minimalisme
• Les théories morales minimalistes sont moins envahissantes et elles se résume au souci
d’éviter de nuire délibérément à autrui. Nous n’avons de devoir moraux envers nous-
mêmes, mais seulement envers autrui. La morale ne concerne donc qu’autrui

• Le minimalisme se situe à mi-chemin entre l’utilitarisme et le libertarisme :

1. Utilitarisme : il emprunte à Mill le principe de non-nuisance selon lequel l’État ne devrait


restreindre nos actions seulement si elles nuisent à la liberté d’autrui

2. Libertarisme : il est influencé par le libertarisme car il croit qu’on est propriétaire de notre
corps et que nous devrions être libre d’en disposer comme bon nous semble

Le minimalisme repose sur trois principes : 

1. Indifférence morale du rapport à soi-même

2. Non-nuisance à autrui

3. Considération égale de chacun

Indifférence morale du rapport à soi-même

• Il y a une asymétrie morale entre le rapport à soi et le rapport de soi à autrui  : seul
le rapport à autrui à une importance ou une valeur morale.
• Par exemple, la plupart d’entre nous jugerons qu’il y a une différence morale entre le fait
de se couper l’oreille et de couper l’oreille d’un passant.

• Ogien dit que les théories éthiques dominantes incluent non seulement des devoirs
envers autrui, mais aussi envers soi-même : le calcul du plaisir et des peines chez
l’utilitariste inclut autant soi-même qu’autrui; pour le déontologiste kantien, il faut
respecter son humanité de sa personne comme de celle des autres; quant à l’arétiste, la
recherche du juste milieu s’applique à soi et aux autres.

Il y a deux raisons pour lesquelles la notion de devoir envers soi-même est incohérente :

1. Cela est tout simplement contradictoire : on ne peut se faire une promesse à soi-
même…on ne peut être à la fois son débiteur et son créditeur…
2. Les devoirs moraux envers soi-même sont des engagements envers des principes
impersonnels : nous avons des devoirs ou bien envers autrui ou bien envers certains
principes

Non-nuisance à autrui

• Puisque nous n’avons pas de devoir moraux envers nous-mêmes, il suit que seul ce qui
concerne nos rapports à autrui ont une valeur ou une dimension morale se pose la
question de savoir en quoi consiste notre rapport à autrui ?

• Pour Ogien, nous avons deux sortes de responsabilité envers autrui

1. Responsabilité négative : « ne pas nuire à autrui »

2. Responsabilité positive : assistance, charité, bienfaisance, etc.

• La responsabilité négative et l’automobiliste

• Si nous n’avions que des responsabilités négatives, il serait possible pour un


automobiliste de ne pas s’arrêter sur le bord de la route pour venir en aide à des
personnes qui sont grièvement blessées

• Si l’automobiliste considère qu’il n’a que le devoir de ne pas nuire à autrui, il n’aurait pas
l’obligation morale de s’arrêter pour aider les blessées, car tout ce qu’il doit faire est de
ne pas leur nuire…  
Considération égale de chacun

• Le fait d’ajouter au principe négatif de non-nuisance le principe positif d’assistance, qui


tient compte des droits et des intérêts fondamentaux, permet d’éviter le raisonnement de
l’automobiliste.

• Cet ajout d’un principe positif d’assistance renvoie à ce que Ogien appelle : le
principe d’égale considération des revendications de chacun.

• Au fond, l’interprétation du principe de non-nuisance d’Ogien exclut ce qu’on appelle en


droit les « crimes sans victimes ».

Qu’est-ce qu’un crime sans victime ?

Il s’agit d’activités où on ne cause pas de tort ou de nuisance à autrui.

1. Offenses faites à des entités abstraites : Dieu, drapeau, croyance, etc.

2. Activités auxquelles personnes n’a été contrainte de participer et qui ne causent pas
de dommages à autrui : jeux d’argent, jeu sexuelle en tout genre, etc.

3. Activités qui ne causent de dommage qu’à soi-même : suicide, consommation de


drogues, etc.

Gestation pour autrui


• Il s’agit d’un accord selon lequel une femme (la mère porteuse) accepte de porter
volontairement l’enfant d’un couple ou d’une personne (le ou les parents d’intention)

• Il ne s’agit pas d’une nouvelle méthode de procréation. Elle est attestée par l’Ancien
testament (chap. 16 du livre de la Genèse) lorsque la servante égyptienne Hagar accepte
de porter un enfant du vieil Abraham pour assurer sa descendance, sur l’initiative de sa
Sarah, l’épouse de ce dernier, devenue trop vieille pour avoir un enfant

• Au Canada, il est illégal de rémunérer une mère porteuse ou de publiciser son


intention de le faire. Selon la Loi sur la procréation assistée :
« Il est interdit de rétribuer une personne de sexe féminin pour qu’elle agisse à titre de mère
porteuse, d’offrir de verser la rétribution ou de faire de la publicité pour le versement d’une telle
rétribution » (article (6) 1) 

• Nous allons nous pencher sur la moralité de la rémunération des mères porteuses
ou, plus précisément, sur la « commercialisation » de la GPA

• En matière de commercialisation de la GPA, il y a deux groupes qui s’opposent :

1. Partisans de la dignité : s’opposent à la GPA car celle-ci viole la dignité de la personne


humaine

2. Partisans de la liberté : sont favorables à la GPA car celle-ci constitue un exerce


légitime de la liberté individuelle.

Les arguments contre la GPA

• Pour un utilitariste de la règle : la commercialisation de la GPA pourrait produire


toutes sortes de conséquences indésirables, comme l’accentuation des inégalités, le
désordre dans la filiation, la violation des droits de l’enfants, etc.

• Pour un déontologiste : la GPA viole la dignité de la personne. Elle traite autrui comme
un moyen et non comme une fin, ce qui renvoie à la deuxième formulation de l’impératif
catégorique kantien, à savoir la non-instrumentalisation

• C’est sur ce genre de perspective déontologiste que s’appuient la plupart les opposants à
la GPA en ce qui concerne la commercialisation du corps des femmes à des fins
procréatives

S. Agacinski avance trois arguments contre la GPA :

1. La « GPA » est une formule mystificatrice

• L’expression « gestatrice » relève d’une ruse rhétorique qui contribue à secondariser la


femme portant l’enfant, pour en faire un « sac », une sorte de logement temporaire
• Cette forme d’hypocrisie verbale contribue avant tout à effacer le fait que c’est un enfant
qui est ainsi donné, ni plus ni moins. Comme il est impossible de soutenir juridiquement
le principe de don d’un enfant, on tente de suggérer qu’une gestation peut se « donner »
séparément, toute seule, ce qui en fait une sorte de service gratuit

• Le succès de la formule gestation pour autrui vient enfin du mot « autrui », qui confère
une dimension altruiste et morale au « service » rendu

2. La GPA est une forme d’aliénation biologique

- Aux U.S., les contrats passés avec les « parents intentionnels » prévoient, dans les
moindres détails, la vie de la mère porteuse : son alimentation, ses activités, son
hygiène, sa vie sexuelle, etc.
- Le seul usage du ventre est contraire à la dignité, même s’il pouvait n’être que marchand,
parce qu’il fait de l’existence même de l’être humain un moyen au service d’autrui
- Le droit de chacun à vivre pour lui-même, selon ses propres fins, est au cœur de notre
conception de la liberté et de la dignité humaine

• Que deviennent ce temps, cette vie, s’ils doivent eux aussi être loués à autrui ? Une
femme payée pour être enceinte mange, dort et enfante au service d’autrui. Elle sert
d’instrument de procréation, comme un four sert à cuire le pain

• Elle devient une « ouvrière d’enfant », comme d’autres sont appelées « ouvrières du
sexe », et c’est son individualité qu’elle aliène, autrement dit sa vie intime et personnelle,
celle qui devrait être irremplaçable

• La femme dont le ventre est devenu fonctionnel atteint un niveau extrême


d’aliénation. Comment ne pas voir qu’elle se trouve dépossédée de peu de vie
individuelle qui reste en principe au travailleur le plus démuni – puisque son existence
organique ne lui appartient même plus ?

3. La dignité a préséance sur la liberté

• Rien n’est plus banal qu’un Homme qui consent à son asservissement, voire à la
dégradation, sous l’empire du besoin ou même d’un intérêt financier.
• D’où le respect de la dignité de chacun doit être garanti par la loi. On touche en effet ici
aux limites de la valeur du consentement, qui ne saurait tout justifier

• Les conventions entre des particuliers qui constituent des atteintes à l’intégrité ou à la
dignité des personnes ne peuvent donc pas être autorisées par la loi, ce qui constitue sans
doute une limite à la « liberté »

• Ceux qui font passer la liberté avant tout fond semblant de croire que nous sommes tous
également libres.

• Selon Agacinski, l’utérus, le ventre et, à plus forte raison, le corps d’une femme ne sont
pas des choses mais elles font intrinsèquement partie de la personne

• Agacinski reprend à son compte la distinction kantienne entre :

1. Les personnes

2. Les choses

Autonomie et dignité

M. De Koninck avance deux arguments contre la GPA :

1. La GPA n’est pas une acte autonome

2. La GPA viole la dignité de la mère porteuse et de l’enfant

La GPA ne peut être le résultat d’un choix autonome

• On entend souvent l’argument selon lequel les femmes, qui prêtent ou louent leurs
corps le temps d’une grossesse, exercent leur droit, celui d’en disposer

• Or cet argument peut être remis en cause : car selon cette interprétation, il n’évoque
pas l’autonomie découlant de la reconnaissance des femmes comme personnes

• Exercer son autonomie conduit à s’assurer de pouvoir se reproduire dans les conditions
qui respectent les droits de la personne, ce qui induit d’être comme telle, et non de
pouvoir s’inscrire dans une relation qui instrumentalise
• Accepter de devenir mère porteuse consiste à accepter une certaine prise de contrôle de sa
personne pendant neuf mois, car il ne s’agit pas de FAIRE quelque chose mais bien
d’ÊTRE le moyen de satisfaire une demande, la grossesse étant un état

• De Konninck invoque les clauses relatives à la GPA : le régime alimentaire, l’exercice


physique, les voyages, les relations sexuelles, les conditions de vie, etc.

• Cela force la mère porteuse à se mettre au service d’un projet qui n’est pas le sien. Peu
importe si on lui demande de modifier si vie ou non pour répondre aux critères des
commanditaires, elle est aliénée. Or, cette aliénation n’est pas compatible avec la dignité
humaine

La GPA viole la dignité de la mère porteuse et de l’enfant

• L’argument concernant l’exercice de l’autonomie des femmes pour justifier le


recours aux mères porteuses occulte un double enjeu :

1. Celui du respect de la dignité de la mère menacée par son instrumentalisation et l’emprunt


(…) d’une partie que l’on détache symboliquement de son corps  

2. Celui du respect de la dignité humaine de l’enfant qui naît

• Parler du don d’enfant indique que l’on peut être propriétaire, ce qui n’est pas le
cas. Aucune femme n’est propriétaire de l’enfant à qui elle donne la vie (pas plus qu’elle
ne fut elle-même à sa naissance la propriété de ses parents)

Les arguments en faveur de la GPA

Les perspectives éthiques

• Pour un utilitariste de l’acte : dans la mesure où une action juste consiste à maximiser
l’utilité, c’est-à-dire le bonheur et le plaisir, la GPA est moralement acceptable

• Pour un libertarien : dans la mesure où nous sommes propriétaires de notre corps et


qu’on peut s’en servir comme bon nous semble, la GPA est parfaitement acceptable du
point de vue moral
• Nous sommes propriétaires de notre corps et nous devrions donc être libre de disposer de
celui-ci comme bon nous semble

Marchandisation et dignité : des concepts confus

• Ruwen Ogien s’attaque à deux arguments contre la commercialisation de la GPA :

1. La marchandisation du corps est un slogan confus ?

2. La dignité de la personne humaine est une notion contradictoire ?

La marchandisation du corps est un slogan confus

Dans le débat public, on parle souvent de marchandisation, d’aliénation ou de réification


comme si c’était des notions équivalentes

1. Aliénation : c’est la production de forces qui se retournent contre leurs producteurs ou le


fait d’être étranger à soi-même, ou dans l’ignorance de ses propres intérêts

2. Réification : c’est la transformation de la personne qui est supposée être une fin en soi,
en objet, instrument ou moyen au service des fins d’autrui

3. Aliénation : il y a des formes d’aliénation qui n’ont rien à voir avec le règne de l’argent
ou du marché, ni même avec la réification. Pensez à l’aliénation religieuse : la religion
peut nous « aliéner » sans nous transformer en produit commercial

4. Réification : il y a des formes de réification ou d’objectification qui ne sont pas du tout


liées à l’aliénation ou à la marchandisation. Pensez à ce que Kant dit du désir sexuel : qui
nous ferait voir autrui comme une chose bonne à consommer, un citron qu’on presse et
qu’on jette ensuite

La dignité de la personne humaine est une notion contradictoire

• Même lorsqu’elle est suffisamment distinguée de l’aliénation et de la réification,


« marchandisation » reste une expression ambigüe

• Mais pourquoi ces biens (le sperme, le sang, le corps, etc.) ne peuvent-ils pas être
achetés ou vendus, si telle est la volonté des partenaires de l’échange ?
• La notion de dignité humaine est marquée par Kant et l’impératif catégorique, que ce soit
dans sa forme première formulation (universalisation) ou dans la deuxième formulation
(non-instrumentalisation).

• Pour Kant, la personne n’a pas de prix, mais une dignité ou une valeur absolue

La dignité de la personne est une notion contradictoire

• Ogien doute que l’idée de dignité de la personne humaine puisse permettre de faire un tri
suffisamment précis entre ce qui peut être légitimement acheté ou vendu et ce qui ne peut
l’être en aucun cas

• Il n’est pas contraire à la dignité de demander une rémunération en échange de la mise à


la disposition d’autrui de son image ou de ses découvertes scientifiques

• Ogien se demande s’il existe vraiment une distinction entre le fait de vendre ou d’acheter
les services physiques d’un garde du corps ou de vendre ou d’acheter des services sexuels
ou la GPA…

La dignité de la personne est une notion contradictoire

•  L’usage de la dignité humaine est incroyablement confus

• La dignité sert à justifier :

1. Le refus de décriminaliser l’euthanasie ou le suicide assisté et la GPA

2. Le droit absolu de chacun de disposer de son propre corps, et celui, pour des adultes
consentants, de s’engager dans un accord mutuel du moment qu’il n’a pas été extorqué et ne nuit
pas à un tiers

• Le pire, c’est lorsque l’argument de la dignité humaine sert à nous interdire de faire
ce que nous voulons de notre propre vie, même lorsque nous avons murement pesé
notre décision et que, par nos actions, nous ne causons de tort à personne
• C’est ce qui s’est passé pour le lancer du nains, interdit en France au nom de la
« dignité humaine », en dépit du fait que celui qui pratiquait cette activité, enfant d’une
famille de gens du cirque, revendiquait son choix qu’il disait artistique

• Dans ce genre d’affaire l’argument de la dignité humaine est purement paternaliste. Il


est basé sur l’idée que certains savent mieux que nous ce qui est bon pour nous

• Au fond, pas plus que pour l’idée de « simple moyen », Kant ne propose de critères
d’application suffisamment clairs et du principe de dignité. Il s’ensuit qu’il n’est
souvent rien de plus qu’un slogan sans portée spécifique

• En ce qui concerne la mise à la disposition d’autrui de son corps (…), le refus


d’envisager toute forme de rémunération par crainte de « marchandisation » est souvent
irréfléchi

• Il y a beaucoup d’argent qui circule dans ces activités médicales, pour payer le
personnel soignant et administratif, la maintenance des locaux et des instruments
techniques, etc. Personne ne semble penser que c’est une expression ignoble de la
marchandisation du monde

Quelques remarques sur le concept de dignité

• Selon Kant, c’est la capacité d’agir de manière autonome qui donne à la vie
humaine sa dignité. Elle marque la différence qu’il y a entre des personnes et des
choses :

1. Personne : la seule qui possède une dignité

2. Chose : ne possède pas de dignité

• Respecter la dignité signifie traiter aussi les personnes, toujours, comme des fins en
soi : d’où l’idée qu’il est immoral de se servir des gens au nom du bien-être général
• Le concept de dignité est-il inutile ou un slogan confus ?

• L’inutilité du concept de dignité, selon Ruth Macklin : il renvoie à d’autres concepts


comme le respect ou l’autonomie qui sont sont beaucoup plus précis

• De la stupidité de la dignité, selon Steven Pinker : la dignité ne peut servir de


fondement à la bioéthique aujourd’hui :

1. C’est un concept relatif


2. C’est un concept protéiforme
3. C’est un concept qui peut infliger le mal

• Que veut dire la dignité aujourd’hui ?

• Les deux sens de la dignité contemporaine :

1. Sens personnel : se rattache à l’estime de soi et au respect

2. Sens impersonnel : se rattache au fait d’être une personne et d’être rationnel

• Dans le premier sens, la dignité peut se perdre, ce qui n’est pas le cas du deuxième
sens

• En quoi consiste cette dignité (impersonnelle) qu’on ne peut perdre ?

• La dignité (impersonnelle) qu’on ne saurait perdre revêt la structure suivante :

1. Notre statut moral est d’être des « personnes » (et non des choses)

2. Ce qui caractérise ce statut moral est la « raison »

3. La raison confère à l’être humain une « valeur absolue », i.e., une dignité

• C’est donc parce que nous sommes des personnes rationnelles que nous possédons
une valeur absolue, c’est-à-dire une dignité !

• De cette structure « personne-raison-dignité » découle l’idée qu’on ne peut :

1. Instrumentaliser autrui (au sens kantien)

2. Infliger à autrui des traitements dégradants ou humiliants


• Quoiqu’il n’est pas toujours évident de savoir s’il y a eu instrumentalisation ou non,
il est plus aisé de savoir s’il y a eu dégradation et humiliation

• Pensez à l’esclavage, à la torture, aux crimes de guerres, etc., qu’on peut aisément
caractériser comme des traitements dégradants et humiliants

• En quoi cela permet-il de mieux saisir l’usage de la dignité en matière de GPA ?

• Il faudrait que les opposants à la GPA montrent qu’il s’agit d’une pratique
dégradante ou humiliante pour dire qu’elle viole la dignité de la personne…

• Les partisans de la GPA pourraient, bien sûr, soutenir que celle-ci n’a rien de
dégradant ou d’humiliant…

• Mais, s’il fallait échafauder une objection morale fondée sur la dignité, il semble que la
dégradation ou l’humiliation sont des fondements plus sûrs que l’instrumentalisation…

• Cela ne résout toutefois pas le débat moral sur la commercialisation de la GPA

D’autres considérations sur lesquelles nous aurions pu nous pencher ?

• Le point de vue des agents moraux :

1. La mère porteuse

2. Les parents d’intention

3. L’enfant

• Le rapport entre nature et culture : rapport qui est à la fois anthropologique (pose la
question de ce qu’est l’homme) et philosophique (pose la question de l’ontologie)

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