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CHAPITRE II : GENESE DES HYDROCARBURES

II- Genèse des hydrocarbures :


Les hydrocarbures prennent naissance dans des formations sédimentaires argileuses et / ou
carbonatées riches en matière organique et soumises à une certaine diagenèse. On qualifie ces formations
de roches mères.
L'origine biologique et sédimentaire des hydrocarbures est unanimement admise (présence de
fossiles, de macromolécules organiques complexes, effet sur la lumière polarisée). Mais, il n'est pas
impossible que le méthane puisse avoir une origine minérale dans certains cas.
La présence de minéraux argileux en quantité relativement importante dans la roche peut
permettre la formation de fortes pressions internes, probablement à l'origine de micro fracturations, le tout
facilitant l'expulsion des fluides de la roche mère.
Les roches mères carbonatées renferment en moyenne dix fois moins de matière organique que les
roches argileuses, mais produiraient en définitive la même quantité d'hydrocarbures capables de migrer.
II-1- Matière organique à l'origine des hydrocarbures :
Tous les organismes vivants sont constitués de protéines, de glucides et de lipides.
* Les protéines constituent une part importante de la matière vivante, elles sont constituées
d'acides aminés. Ce sont des composés de Carbone (C), Hydrogène (H), Oxygène (O) et Azote (N).
Parmi leurs multiples fonctions, elles servent de catalyseurs (enzymes) dans les réactions métaboliques
des cellules vivantes.
* Les glucides sont composés de C, H et O. C'est la source principale d'énergie des organismes
vivants.
* Les lipides groupent tous les produits organiques insolubles dans l'eau. Ils comprennent, en
particulier, les acides gras et les graisses. Ce sont des composés de C, H et O. C'est la forme de stockage
de l'énergie nécessaire aux cellules.
Les pétroles dérivent principalement des lipides qui résistent mieux à l'action des bactéries que les
autres constituants, tandis que les charbons proviennent de restes de plantes, et plus particulièrement des
glucides (matière ligno-cellulosique).
La biomasse est composée d'un petit nombre de groupes d'organismes vivants. Les groupes les
plus importants sont : le plancton marin, les bactéries, les algues et les plantes supérieures.
- Le plancton marin et lacustre, notamment les algues microscopiques, est riche en protéines.
- Les bactéries sont principalement constituées d'eau, de protéines et peuvent présenter jusqu'à 10 %
de lipides. Elles peuvent utiliser des composés très différents (glucides, sulfates, nitrates, etc.) comme
source d'énergie.
- Les plantes supérieures terrestres sont constituées en majeure partie de cellulose 30 et 50 % et de
lignine 15 à 25 % (composés glucidiques). Elles sont capables à partir du gaz carbonique atmosphérique
de synthétiser des composés organiques : c'est la photosynthèse.
II-2- Milieux de dépôt de la matière organique et de formation des hydrocarbures :
La matière organique se rencontre, après la mort des différents organismes vivants, disséminée ou
en solution dans l'eau, notamment en liaison avec des particules argileuses qui semblent jouer un rôle
important dans sa fixation et sa préservation. Il est nécessaire qu'elle ne se dégrade pas et qu'elle soit
protégée avant, pendant et après son dépôt, ce qui implique un milieu de dépôt aquatique, anaérobie (donc
réducteur) avec des eaux calmes et confinées. Les zones favorables au dépôt de matière organique sont les
zones deltaïques à forte subsidence et forte sédimentation, les mers fermées ou semi-fermées, et les
lagunes.
La matière organique issue du plancton, des algues et des bactéries, qui sédimente sur place est
dite autochtone ; celle des plantes terrestres est amenée dans les bassins de sédimentation par des
courants aériens ou fluviatiles : elle est dite allochtone.
Une grande partie de la matière organique, d'origine planctonique, est détruite au cours de sa chute
à travers la tranche d'eau. La vitesse de sédimentation est de l'ordre de 100 m par semaine. On estime
qu'en moyenne :
• Seulement 2 % atteint les fonds peu profonds,
• Et 0,02 % les grands fonds océaniques.
Une autre partie est détruite par les organismes qui vivent sur le fond. Les quantités sédimentées
sont finalement faibles et elles sont fonction :
• Du volume de la biomasse existante,
• Des conditions physico-chimiques du milieu de dépôt.
Le pourcentage de matière organique dans les sédiments est, en moyenne, inférieur à 1 %. Il peut
atteindre jusqu'à 10 % dans des conditions extrêmement favorables. On peut considérer que les niveaux à
forte concentration en matière organique, sont dus à des conditions exceptionnelles de conservation. Ce
sont les sédiments déposés dans ces milieux qui pourront devenir des roches mères.
Le rythme de sédimentation joue un rôle dans la dispersion et la conservation de la matière
organique. Une sédimentation rapide assure un enfouissement rapide et une protection efficace de ces
produits. En portant rapidement ces couches à une température élevée, l'action des bactéries se trouve
limitée dans le temps ce qui permet la conservation d'une fraction plus importante de matière organique.
Une sédimentation lente favorise, par contre, la concentration de la matière organique.
On peut distinguer deux types de dépôt correspondant à deux familles biologiques distinctes :
• Un milieu marin restreint ou lacustre, caractérisé par une prédominance de matière organique
planctonique ou alguaire, qualifiée de sapropélique,
• Un milieu à tendance saumâtre, à sédimentation argileuse rapide particulièrement riche en
matière organique provenant des végétaux supérieurs.
Les premiers seront à l'origine d'huiles naphténiques, les autres de gaz et d'huiles paraffiniques.
Sur le plan sédimentologique, on peut considérer trois types de milieux de dépôt favorables à la
formation de roches mères :
• sédimentation argilo-sableuse de type paralique (sédiments déposés en bordure du rivage marin),
• sédimentation argilo-carbonatée, à tendance évaporitique,
• sédimentation lacustre.
II-2-1- Milieux argilo-sableux : Ces milieux sont caractérisés par des dépôts d'épaisses séries d'argiles
noires pyriteuses souvent à passées charbonneuses et sableuses, en proportions variables, souvent
lenticulaires. Ils correspondent à des zones à forte subsidence, à intense dépôt d'alluvions et à rapide
enfouissement, se situant habituellement au voisinage de l'embouchure des grands fleuves.
La matière organique, d'origine continentale, est composée de débris de plantes supérieures
directement transportés avec des matériaux détritiques (sables et argiles) dans les lacs, lagunes ou dans la
mer par les courants.
II-2-2- Milieux carbonatés et évaporitiques : La matière organique des milieux franchement marins, est
riche en protéines, glucides et lipides provenant principalement du plancton et plus accessoirement des
algues. Les milieux à tendance évaporitique sont généralement représentés par des marnes et calcaires
foncés, souvent bitumineux, phosphatés et parfois siliceux. Les apports détritiques sont faibles, la
stratification finement litée, le milieu souvent sur salé et confiné. La sédimentation peut être relativement
lente et la proportion de matière organique élevée. La sédimentation faite d'alternances de lits très minces
de types variés, témoigne de l'absence de courants et d'organismes sur le fond.
Le kérogène, produit dans ces roches, est de très bonne qualité. Il se compose souvent de matière
organique amorphe d'origine alguaire.
Des micro fracturations se développant dans les roches formées, seraient à l'origine d'une
expulsion des hydrocarbures beaucoup plus efficace que dans les roches mères argileuses.
Les milieux récifaux sont des milieux très prolifiques, mais la matière organique y est largement
dégradée et minéralisée. Elle ne peut se conserver et s'accumuler que dans des dépressions abritées, qui se
forment souvent en arrière des barrières récifales.
II-2-3- Milieux lacustres :
Les lacs et certaines lagunes peuvent être favorables au développement d'algues, capables
d'utiliser directement l'azote atmosphérique. Dans de tels milieux, la densité du plancton et des autres
organismes arrête la pénétration de la lumière, créant un contraste entre les eaux de surface riches en
matière organique et les niveaux plus profonds, stratifiés, stagnants et anaérobies. La vie se développe à la
surface et la matière organique des organismes morts trouve sur le fond des conditions particulièrement
favorables à sa conservation.
En définitive, la matière organique se dépose principalement sur les fonds marins avec des
sédiments argileux. Cette matière organique sous l'action des bactéries et de la diagenèse (augmentation
de la pression et de la température) va se transformer en hydrocarbures au sein du sédiment qui forme une
roche de plus en plus compacte. L'ensemble constitue la roche mère.
II-3- Transformations conduisant de la matière organique aux hydrocarbures :
II-3-1- Formation du kérogène. Diagenèse biochimique :
La diagenèse biochimique concerne les premières transformations qui se produisent dans le
sédiment fraîchement déposé sous l'action des bactéries.
Ce premier stade de diagenèse commence immédiatement après le dépôt du sédiment et se
poursuit jusqu'à des profondeurs de quelques centaines de mètres, correspondant à des températures
maximum de 50-60°C. Les sédiments subissent, dans les premières dizaines de mètre du dépôt, l'action
des micro-organismes présents dans la vase, et notamment des bactéries (figures II.1 et II.2).
Cette activité biologique est en étroite relation avec l'épaisseur de la tranche d'eau. Importante
dans les eaux peu profondes, elle diminue rapidement pour devenir faible à grande profondeur.

FIG. II.1 Transformation de la matière organique en hydrocarbures

FIG. II.2 Évolution de la matière organique de la surface


jusqu'aux niveaux métamorphiques
Au cours de ces réactions, le pH augmente légèrement et le milieu devient réducteur. Le carbonate
de calcium et la silice se dissolvent partiellement. Les bactéries découpent les molécules organiques
(lipides, glucides, protides, cellulose et lignine) en donnant du gaz carbonique, du méthane et un résidu
complexe insoluble dans les solvants organiques : le kérogène, point de départ de la formation du quasi
totalité des hydrocarbures.
Le kérogène s'oppose aux constituants organiques solubles dans les solvants organiques que l'on
désigne sous le nom de bitumes. Il constitue la forme la plus répandue de matière organique sur terre. Au
point de vue chimique, c'est un complexe macromoléculaire où des composés organiques se trouvent
associés à des composés minéraux. Sa structure est désordonnée et ne prend une certaine organisation
qu'au cours de la catagenèse.
On distingue trois types de kérogène (figure II.3) :
• le kérogène de type I provenant surtout d'algues riches en lipides qui fournit surtout des huiles riches
en chaînes paraffiniques,
• le kérogène de type II provenant de matière organique marine qui fournit principalement des
produits riches en aromatiques,
• le kérogène de type III provenant surtout des plantes supérieures et de l'humus, riches en lignine et
en cellulose qui fournit des hydrocarbures riches en aromatiques (origine continentale). Ce type de
kérogène fournit peu de produits liquides.

FIG. II.3 Différents types de kérogène


Certaines bactéries génèrent de l'hydrogène sulfuré qui est fixé par les minéraux argileux en
présence de fer et forme de la pyrite. Dans le cas de roches mères carbonatées, il ne se fixe qu'en très
faible quantité et s'incorpore à la matière organique pour passer ensuite dans les hydrocarbures formés.
Dans certaines conditions, comme des lacs assez profonds, la fermentation de la matière organique
sédimentée, et principalement de la cellulose, peut produire des quantités importantes de méthane. Il y a
formation de gaz précoces (méthane biogénique).
L'action des bactéries méthanogènes paraît limitée aux premières centaines de mètres de
sédiments. Leur activité décroît, en fonction de l'augmentation de la pression et de la température, de la
diminution de la quantité de matière organique. Dans certains cas de faible gradient géothermique,
l'activité des micro-organismes pourrait se prolonger jusqu'à 1 000 m de profondeur.
La phase de diagenèse biologique correspond à une dégradation de la matière organique. Elle
génère du méthane aux dépens des hydrocarbures liquides. C'est après cette phase que le kérogène donne
naissance au pétrole et au gaz par action de la température et de la pression. Les premières réactions
chimiques seraient favorisées par l'action catalytique de certains minéraux, notamment des smectites et de
la dolomite.
II-3-2- Formation des hydrocarbures
A partir de températures de l'ordre de 50°C, variables suivant les caractéristiques du kérogène, la
matière organique donne naissance au pétrole et au gaz (figure II.4). On peut distinguer deux phases
principales suivant la température :
• la première correspond à la phase de genèse d'hydrocarbures liquides et est qualifiée de "fenêtre à
huile",
• la seconde à la formation de gaz.

FIG. II.4 Détails de la genèse des hydrocarbures


II-3-2-1- Stade de faible catagenèse ou "fenêtre à huile" :
C'est dans la gamme des températures de 50 à 120°C, et principalement à partir d'une centaine de
degrés, que les transformations du kérogène en hydrocarbures, en particulier pour les fractions C15 à

C40, semblent les plus importantes.

Cette zone de formation et de conservation des hydrocarbures liquides, appelée fenêtre à huile,
correspond à des profondeurs d'enfouissement approximatives de 2 à 4 km.
Les trois types de kérogène vont fournir des quantités variables d'huile, le plus intéressant étant le
kérogène de type I.
La formation des hydrocarbures se traduit, au point de vue mécanique, par une augmentation du
nombre de molécules, donc du volume de fluide dans les pores de la roche et par conséquent, si cette
roche est peu ou pas perméable, par un accroissement de la pression de pores.
Remarque : Les schistes bitumineux sont des roches riches en kérogène, ce dernier n'ayant pas été
sous mis à des conditions de pression et de température suffisantes pour le transformer en hydrocarbures.
Son évolution s'est arrêtée au stage diagenèse biochimique correspondant à de faibles températures et
pressions. Ces roches soumises à une catagenèse suffisante donneraient des hydrocarbures.
II-3-2-2- Stade de catagenèse avancée ou métagenèse :
Au-delà de températures de l'ordre de 120°C et jusqu'à environ 200°C, se produisent de nouvelles
ruptures des liaisons C-C du kérogène restant et des hydrocarbures déjà formés. Ceux-ci deviennent par
craquage thermique de plus en plus légers et ne sont plus représentés que par des gaz et, en fin de compte,
par du méthane.
II-3-3- Influence du facteur temps :
Le temps joue un rôle majeur dans la genèse des hydrocarbures. Cette genèse, qui nécessite une
température d'autant plus élevée que la roche mère est jeune, peut s'étendre sur une période de durée
variable, de quelques millions d'années dans les bassins très subsidents à plus d'une centaine de millions
d'années, dans le cas de bassins de plate-forme peu subsidents.
II-3-4- Conclusion :
Cette série de transformations sous l'action de la pression, et surtout de la température, peut se
résumer par la (figure II.4). On distingue 3 cas :
• A faible profondeur, une zone immature, domaine de formation d'eau, de gaz carbonique et de
quelques hydrocarbures précoces, notamment du méthane, et également d'hydrogène sulfuré. C'est le
domaine d'action des bactéries, avec formation du kérogène.
• Au-dessous, une zone de genèse d'huile, d'abord lourde et riche en composés polaires puis en
produits de plus en plus légers, correspondant à une température maximale de l'ordre de 120°C.
• A plus grande profondeur, une zone de genèse de gaz sec (CH4). La destruction des noyaux
aromatiques aux températures supérieures à 150°C peut s'accompagner de la formation d'hydrogène
sulfuré et d'azote libre par craquage des composés riches en soufre et en azote.
Le méthane reste, en principe, stable jusqu'à des températures de l'ordre de 550°C. Cependant, la présence
d'eau entraîne une certaine dissociation. A des profondeurs de l'ordre de 9 000 m, jusqu'à 40 % du
méthane serait détruit. La présence de soufre ou de composés soufrés diminue sensiblement cette stabilité.

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