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procédé que ce soit, et notamment par photocopies ou microfilm, ne peut se faire


qu’avec l’autorisation de l’éditeur responsable.

La parité est l’avenir de l’homme


Actes du colloque organisé le jeudi 24 août 2000 à la Maison de la Culture de
Tournai

© Copyright 2001 : Présence et Action Culturelles

Tournesol Conseils SA - Éditions Luc Pire


Quai aux Pierres de taille, 37-39 – 1000 Bruxelles
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http://www.lucpire.be

Éditeur responsable : Henry Goffin


Présence et Action Culturelles asbl
Boulevard de l’Empereur 15/6 – 1000 Bruxelles
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E-mail : pac@skynet.be

Mise en page : ELP - Nathalie


Couverture : Debie Graphic Design
Imprimerie : Grenz Echo

ISBN : 2-87415-028-2
Dépôt légal : D/2001/6840/4
La parité est
l’avenir de
l’homme

Actes du colloque organisé le jeudi 24 août 2000


à la Maison de la Culture de Tournai

par Présence et Action Culturelles

en collaboration avec le FOREM


Remerciements

La publication de cet ouvrage a été rendue possible grâce à


Madame Laurette Onkelinx, Vice-Première Ministre, Ministre de
l’Emploi et du Travail et Ministre de l’Égalité des chances.

L’organisation du colloque « Liberté, Égalité, Parité » a été soute-


nue par Madame Marie Arena, Ministre de l’Emploi et de la
Formation du Gouvernement wallon.

Il a également bénéficié de l’appui de Monsieur Hervé Hasquin,


Ministre-Président de la Communauté Wallonie-Bruxelles.

Le colloque a été soutenu par le FOREM (Office wallon de la


Formation professionnelle et de l’Emploi), le Service Égalité des
Chances du Ministère fédéral de l’Emploi et du Travail, le Service
Égalité des Chances du Ministère de la Communauté Wallonie-
Bruxelles.

Présence et Action Culturelles est une organisation bénéficiant de


subsides du Service de l’Éducation permanente, Direction générale
de la Culture du Ministère de la Communauté Wallonie-Bruxelles.

Les textes et contributions n’engagent que leur(s) auteur(s).

À Elsa,

et à toutes les femmes


d’aujourd’hui et de demain
Table des matières

Avant-propos : La parité n’est pas seulement politique,


par Simone Susskind......................................................................9

La démocratie inachevée
La parité, principe ou stratégie ?

Introduction, par Jean-Pol Baras..................................................15


Changer la réalité, par Elio Di Rupo...........................................18
Le principe de la parité au Portugal,
par Maria de Belem Roseira........................................................22
Le modèle suédois de l’égalité femmes/hommes,
par Lise Bergh..............................................................................33
Les femmes et les changements de la démocratie dans l’Union
européenne. Où en est la parité ?
par Éliane Vogel-Polsky ..............................................................39
L’égalité entre les femmes et les hommes vue au travers de
l’action de l’Office wallon de la Formation professionnelle
et de l’Emploi (FOREM), par Basilio Napoli ............................56
Concevoir la démocratie,
par Laurette Onkelinx ..................................................................74
L’apport des femmes dans la prise de décision locale,
par Edite Estrela............................................................................85
Du fratiarcat à la parité, une révolution française,
par Françoise Gaspard .................................................................89
6 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

Atelier 1
La représentation des femmes en politique
Les femmes et la prise de décision politique
La parité dans les instances politiques

La représentation des femmes en politique,


par Amina Derbaki Sbaï .............................................................99
La participation des femmes à la vie politique,
par Marie Nagy..........................................................................104
La parité dans les instances politiques,
par Colette Burgeon...................................................................108
L’engagement des femmes dans la vie publique : vocation et
réalités, par Françoise Dupuis ..................................................115
Les femmes : la moitié du politiciel,
par Annie De Wiest.................................................................... 119

Atelier 2
La représentation des femmes au plan social, économique et
professionnel
La parité dans l’activité sociale et professionnelle
La place des femmes dans les organes représentatifs

Propositions concrètes pour demain,


par Isabelle Simonis ..................................................................127
La femme issue de l’immigration,
par Talbia Belhouari...................................................................130
La promotion de l’égalité des chances à l’Office wallon de la
Formation professionnelle et de l’Emploi (FOREM),
par Ariel Carlier.........................................................................133
La femme dans les services publics,
par Chantal Jordan ....................................................................145
TA B L E D E S M AT I È R E S 7

La femme au « top management »,


par Brigitte Gouder de Beauregard ...........................................148
Un apprentissage dès le plus jeune âge,
par Joëlle Kapompole ..............................................................153
La classification de fonctions, outil de négociation,
levier de compétences, par Olivia P’Tito ..................................154
Pour la cohésion sociale,
par Benoît van Grieken .............................................................164
Rapport de l’atelier 2, par Marie Arena.....................................167

Atelier 3
La représentation des femmes dans l’information et les médias
Partager le pouvoir d’informer
L’image de la femme dans les médias

Quelles responsabilités ? Quelle réglementation ?


par Henry Ingberg .....................................................................175
Face à la mondialisation des médias,
par Marie-José Laloy ................................................................179
Quand parle-t-on des femmes dans les journaux parlés
et pourquoi ? par Claire Pecheux ..............................................180
Aux femmes de prendre des responsabilités,
par Mamine Pirotte ...................................................................183
Progressiste, la télévision ?
par Kathryn Brahy ....................................................................186
La représentation des femmes dans les fonctions
journalistiques à la télévision,
par Jean-Jacques Jespers ...........................................................187
Tout change et tout est pareil,
par Évelyne Lentzen ................................................................191
8 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

Rapport de l’atelier 3,
par Marie-José Laloy ................................................................195

Conclusions du colloque

Conclusions, par Simone Susskind............................................203


Déclaration de Tournai...............................................................210
Orientation bibliographique.......................................................211
Webographie ..............................................................................218
Avant-propos
La parité n’est pas seulement politique
Simone Susskind
Présidente de « Actions in the Mediterranean »

Le débat sur la parité hommes-femmes a agité la société civile et le


monde politique en France durant plusieurs années et il a abouti à une
réforme constitutionnelle y instaurant la parité sur les listes électo-
rales. La Belgique est théoriquement en pointe avec la loi Smet-
Tobback qui, le 24 mai 1994, visait à promouvoir une répartition équi-
librée des hommes et des femmes sur les listes de candidatures aux
élections en imposant une quotité maximale de deux tiers de candidats
du même sexe par rapport au nombre maximum de sièges à pourvoir,
avec des résultats qui sont malheureusement peu significatifs.
En vue des élections communales et provinciales belges du 8
octobre 2000, la situation a notablement évolué s’agissant de la
confection des listes de la plupart des partis. Le nombre de candidates
sur ces listes est devenu l’expression d’une forme de « politiquement
correct ». L’évolution est certaine ; on « risque » effectivement de
voir davantage de femmes rejoindre les conseils communaux.
Les résultats de ces élections nous permettront de juger de l’évolu-
tion réelle du processus : combien aurons-nous de femmes bourg-
mestres ? Combien de femmes échevines ? Combien de conseillères
communales ?
Dans le cas des futurs échevinats, n’aura-t-on pas tendance à leur
confier « naturellement » des compétences en matière de famille, de
petite enfance et de jeunesse, de troisième âge ou de culture plutôt que
de mâles compétences comme les finances ou les travaux publics ?
10 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

Ne faudra-t-il pas aussi s’interroger sur la place qu’occuperont


demain les femmes dans les conseils indirects, ceux des CPAS et des
intercommunales ? Et à leurs présidences ?
Aujourd’hui, avec les succès et les échecs récents, nous sommes
quand même forcés de reconnaître que les femmes demeurent exclues
de l’essentiel de la direction de la vie collective.

Direction féminine
En clair, la parité est une question de pouvoir. Et le pouvoir n’est pas
seulement politique. D’où la nécessité de s’interroger sur la place des
femmes dans les administrations et dans les entreprises où, si on n’ose
plus dire, comme le faisait l’humoriste Pierre Desproges, Le féminin de
« directeur », c’est « la femme du directeur », on ne se résout pas néces-
sairement à confier aux femmes des postes de direction ou de décision
au plus haut niveau. Sera-t-on amené un jour à envisager d’imposer une
représentation féminine dans les comités de direction ? Mais à quelles
conditions les femmes pourront-elles réellement accéder à des postes à
responsabilités ? Devront-elles renoncer à avoir des enfants parce que
leurs employeurs et collègues ne peuvent comprendre qu’elles soient
amenées à s’en occuper plus souvent dans une société où hommes et
femmes d’ailleurs, de fait, agissent comme s’il était évident et naturel
que la femme, la mère, se « sacrifie » ?
Marie Arena, Ministre wallonne de l’Emploi et de la Formation
(première et seule femme du Gouvernement wallon depuis avril
2000 !), réclame purement et simplement le congé paternel obligatoi-
re, s’inspirant du modèle suédois, présenté par Lise Bergh, Secrétaire
d’État suédoise à l’égalité femmes-hommes. L’intérêt de cette propo-
sition réside dans le fait qu’elle écarte le seul absentéisme féminin à
la naissance. Par ailleurs, elle ôte au père toute inhibition face à des
collègues, supérieurs et subordonnés, qui auraient quelque peine à
comprendre qu’un père veuille se consacrer pleinement à un enfant
dans la toute première période de sa vie, lui qui n’a pas vécu les affres
de l’enfantement. Elle contribue aussi à faire évoluer les mentalités
AVA N T - P R O P O S : L A PA R I T É N ’ E S T PA S S E U L E M E N T P O L I T I Q U E 11

dans la mesure où elle instaure une meilleure répartition des respon-


sabilités entre parents et crée des relations plus équilibrées au sein de
la famille.
Mais si la parité est affaire de pouvoir, qu’en est-il dans les contre-
pouvoirs, bref dans les syndicats ? Les quelques leaders syndicalistes
femmes ne feront pas oublier que les syndicats restent des bastions
masculins. Sur le terrain même de l’entreprise, si certains patrons
plus ouverts ou taraudés par des besoins non comblés en personnel
sont prêts à engager des femmes, la résistance risque davantage de
venir de certains travailleurs qui cultivent une tradition machiste sus-
ceptible d’ailleurs d’être partagée par leurs représentants syndicaux.
Ces bastions-là, comme d’autres, seront probablement les plus dif-
ficiles à emporter.
En Suède, pays de la parité entre les femmes et les hommes dans
le domaine politique (11 femmes ministres sur 20 et 43 % de femmes
membres du Parlement), les progrès sont restés fort limités dans les
hautes sphères des grandes entreprises et dans le monde universitaire.
Il est aussi utile de rappeler que, dans la plupart des pays euro-
péens, on n’a pas encore réussi à faire respecter la règle du « à travail
égal, salaire égal » ; l’écart entre salaires masculins et féminins est
encore de l’ordre de 30 %. Ce chiffre symbolise en lui-même les len-
teurs et les obstacles sur le chemin de l’égalité. Il nous conduit plus
que jamais à poser la question de la justification de la parité dans nos
systèmes politiques et socio-économiques.

Contre-pouvoir et quatrième pouvoir


On aura compris que l’essentiel réside dans un changement des
mentalités. Une évolution qui devra s’appuyer sur l’enseignement et
les médias. Il faudra aussi s’interroger sur la représentation des
femmes véhiculée par ces médias. Et surtout sur la place qu’elles
occupent au sein de ce quatrième pouvoir. Le parallèle avec les com-
pétences échevinales évoquées plus haut peut rapidement s’effectuer :
qui a un jour fréquenté une salle de rédaction sait combien les services
12 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

sont hiérarchisés. Ne trouvera-t-on pas davantage de femmes dans les


rubriques culturelles que dans les services nobles tels que les services
« politique » ou « économie » ? Combien de femmes trouve-t-on dans
les postes de direction des chaînes de radio, de télévision ou des
organes de la presse écrite ? Tous postes de décision et les mieux
rémunérés ?
La parité ne s’imposera pas naturellement. S’il fallait laisser agir
le temps, elle pourrait être atteinte dans le meilleur des cas dans une
cinquantaine d’années. Un travail législatif et éducatif s’impose. Pour
que la majorité de la population puisse s’exprimer et être entendue.
Pour que la démocratie et la justice ne soient pas de vains mots.
La démocratie inachevée
La parité, principe ou stratégie ?
Introduction

Jean-Pol Baras
Président de Présence et Action Culturelles (P.A.C.)

Avant qu’une véritable politique culturelle n’existe dans nos démocra-


ties occidentales (ce qui n’est pas si vieux), l’engagement culturel se
confondait avec l’émancipation sociale.
Les organisations d’Éducation permanente pratiquaient ce que l’on
appela la politique socio-culturelle (l’adjectif, je le concède, ayant par-
fois changé de sens en étant réduit à sa plus simple expression verbale)
mais, en quelque sorte, nous touchions là à une forme d’avant-garde.
Aujourd’hui que la politique culturelle s’est développée en étant à
l’écoute de ces avant-gardes, il reste aux mouvements d’Éducation
permanente le devoir, pour les femmes et les hommes de progrès, non
pas d’être le moteur de l’avant-garde mais d’être à son écoute, son
écoute permanente, comme il se doit.
C’est donc dans la logique des formes et des avancées quoti-
diennes que Présence et Action Culturelles s’est inscrit en mettant sur
pied ce colloque « Liberté, Égalité, Parité ».
À cet égard, sans doute convient-il de préciser qu’il n’y a pas eu,
je présume, l’ambition démesurée de modifier le fameux triptyque
issu de 1789. Nous n’avons pas non plus l’outrecuidance de piétiner
la notion de Fraternité qui aurait pu d’ailleurs dans ce cas-ci, comme
nous le démontra notre amie Claire Lejeune dans quelques ouvrages
bien à propos dans le contexte, s’appeler Sororité.
Mais soit. Le triplet a sa valeur potentielle dont vous aurez, tout
au long de cette journée, à en démontrer la pertinence.
16 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

En saluant votre présence, en vous remerciant déjà de votre


participation et en vous exprimant mes vœux de bon travail, je veux
attirer votre attention sur ces aspects élémentaires d’une journée de
colloque.
Je ne doute pas que les exposés offriront matière à réflexion. Je
sais déjà que les ateliers sont prometteurs en confrontations et en
émulations positives. J’espère également qu’au départ de ce pro-
gramme chargé, gage de fertilité, s’établiront de nouveaux signes, se
noueront de nouveaux liens pour qu’au-delà de cette salle et à partir
de demain se crée aussi une sorte d’obligation de résultat à inscrire
dans la durée.
L’inscription dans la durée est chère au président du Parti Socialiste
Elio Di Rupo. Au nom de P.A.C., je le remercie très chaleureusement
d’avoir bien voulu ouvrir les travaux et marquer de son empreinte cette
volonté de considération pour la parité dans la vie publique, comme il
le fit et le concrétisa dès son arrivée à la tête de son Parti.
Je me dois également de remercier toutes celles et tous ceux qui ont
accepté de prendre la parole ou de présider des ateliers pour raffermir
la densité de ce colloque à dimension internationale bien justifiée.
Tout ce travail préparatoire a été coordonné par Simone Susskind.
Qu’elle soit ici saluée à dessein. À ses côtés, autour d’elle, toute
l’équipe de Présence et Action Culturelles. Qu’ils reçoivent égale-
ment toutes et tous l’expression de ma gratitude.

**
*

Nous nous retrouvons donc dans cette Maison de la Culture de


Tournai, comme nous y avions déjà élu domicile pendant une semai-
ne, il y a quatre ans. Cette année-là, notre invité était Jean Ziegler qui
d’emblée, au début de son exposé, en bon Genevois qu’il est, nous
rappelait le sens du Contrat social de Jean-Jacques Rousseau et le
mettait en parallèle avec cette puissante pensée de Lacordaire :
« Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître
et le serviteur, c’est la Liberté qui opprime et la Loi qui affranchit ».
INTRODUCTION 17

Et le cher Ziegler de démontrer combien s’enrobaient de moder-


nité les deux références qu’il plaçait là en exergue.
Fidèle aux valeurs qu’il défend et qu’il représente, la modernité,
c’est aussi un peu le défi que doit relever le mouvement P.A.C., héri-
tier des combats d’avant-garde précisément: démontrer que ce qui est
nouveau n’est pas toujours systématiquement novateur et que ce qui
est ancien n’est pas nécessairement archaïque.
Au nom de ce mouvement tout entier, je vous remercie encore de
votre apport et vous souhaite une excellente journée.
Changer la réalité

Elio Di Rupo
Président du Parti Socialiste

En guise d’introduction, je voudrais faire part de quelques


réflexions.
Le 25 août 1900 s’éteignait Frédéric Nietzsche. Cela fera donc
demain cent ans, jour pour jour, que ce philosophe abandonna ses
tourments au domaine des vivants.
Loin d’être une référence pour nous, il influença de nombreux
hommes de pouvoir (souvent de pouvoirs forts) tout au long du siècle
qui s’achève. Ses aphorismes cinglants, énoncés en toute lucidité,
constituèrent autant de sujets de réflexion pour la pensée européenne
dans les plus illustres universités.
Permettez-moi de vous en soumettre un ici, pas tout à fait choisi
au hasard : « Quand les femmes deviennent savantes, c’est générale-
ment dû à un dysfonctionnement de leurs organes génitaux ».
À la même époque, Jean Jaurès était raillé à la Chambre des
Députés parce qu’il prônait le droit de vote et le suffrage universel
pour tous les citoyens, de quelque sexe qu’ils soient.
Sans doute, me direz-vous, cette comparaison est-elle facile. Certes.
Mais il me semble que le chemin de l’émancipation féminine (de l’évo-
lution de la condition de la femme si vous préférez) s’identifie assez
bien à ces positions contradictoires, si éloignées l’une de l’autre.
C’est là que nous en étions en effet il y a un siècle, un tout petit
siècle, pour une question qui, par définition et par essence, existe
depuis que le genre humain a fait son apparition sur la Terre ! Et
CHANGER LA RÉALITÉ 19

d’ailleurs, on pourrait encore ajouter à ce regard dans la distance


chronologique un autre demi-siècle pendant lequel rien n’évolua. À
vrai dire, c’est à partir de 1949, année où Simone de Beauvoir publia
« Le Deuxième Sexe », que les événements vont se précipiter et que
chaque année apportera ses avancées. Mais nous le savons, bien des
a priori subsisteront encore çà et là, y compris chez les humanistes et
les progressistes.
Ainsi, lorsqu’on proposa en 1962 au Général de Gaulle de créer
un Ministère de la Condition féminine, il commenta, avec son style
inimitable, son refus net de cette interrogation goguenarde :
« Pourquoi pas un Ministère du Tricot ? »
Les Ministères de la Condition féminine virent toutefois le jour,
même dans les gouvernements conservateurs. Cependant, cet intitulé-
là est aussi, déjà, suranné. Désormais, enfin, il est question d’Égalité.
L’Égalité ! Cette branche du fameux triptyque sur lequel ont été
fondés les temps contemporains, marque en effet l’aboutissement
d’une longue période de conquêtes.
L’Égalité, c’est, dans ce triptyque, le concept qui distingue le plus
aujourd’hui les progressistes des conservateurs. C’est un bien pré-
cieux qui fortifie l’accomplissement démocratique et enrichit la vie
en société.
Son application est encore loin d’être complète et nous savons
qu’il reste bien des réformes à accomplir, notamment dans le domai-
ne du droit, et plus particulièrement dans celui du droit au travail.
Mais le principe s’est imposé et il suffira de quelques années pour que
l’on s’étonne de la longueur de temps qu’il fallut afin qu’il en soit
ainsi. Car il est bien évident – et c’est une certitude qui n’est ni ris-
quée, ni inscrite dans la circonstance – que le processus est devenu
irréversible et qu’il trouve donc là toute sa pertinence dans l’actuali-
té. Nous ne vivons pas une mode (par définition) passagère, mais bien
une lente révolution.
Le principe de l’Égalité est acquis, ses mises en application doi-
vent à présent être engagées. La remarquable documentation qui vous
a été distribuée développe les chantiers en cours, notamment celui de
l’égalité des chances pour les femmes et les hommes dans l’Union
20 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

européenne qui a fait l’objet l’an passé d’un excellent rapport de la


Commission où émergent à nouveau les questions qui touchent à la
politique de l’Emploi, sujet évidemment essentiel dans un cadre
revendicatif comme celui-là.
L’application de l’Égalité qui nous occupe aujourd’hui concerne
d’abord la parité en politique, une voie que l’on n’aurait pas osé
emprunter il y a quelques années encore.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. L’excellente synthèse de Colette
Burgeon que contient également votre documentation le confirme, si
besoin était : la représentation des femmes dans les organes politiques
est, chez nous comme dans la plupart des États européens, très faible.
À quelque échelon de pouvoir que ce soit, dans quelque assemblée que
ce soit, les chiffres oscillent toujours autour d’un maximum de 20 %.
C’est dire que l’on est très loin d’un rapport 50/50 !

Créer les conditions de l’égalité


Le choix du suffrage universel devant rester inaliénable, il nous
faut revenir à cette lapalissade : pour pouvoir être élu ou élue, il faut
d’abord être candidat ou candidate.
La conclusion sort de la logique implacable : créons les conditions
d’égalité des chances à la base du processus, proposons donc à l’élec-
teur des listes composées à parts égales d’hommes et de femmes dans
lesquelles il opérera son choix en toute liberté. C’est ce que j’ai fait
accepter par le Comité directeur du Parti Socialiste au printemps
2000. Sur l’ensemble du P.S., plus de 5.000 candidats, nous comptons
33 % à 44 % de femmes.
Cette réforme fondamentale des modes de scrutin sera probable-
ment aussi généralisée un peu partout dans les démocraties occiden-
tales d’ici quelques années. Derrière des sentiments généreux et bien
inspirés, elle ne présente pas cependant que des aspects positifs. Il
vous appartient, au cours de ce colloque, d’en mesurer les écueils et
d’en évaluer les risques. Ce n’est pas une mince affaire, nous discu-
tons ici des fondements mêmes de la vie démocratique.
CHANGER LA RÉALITÉ 21

Une maturité civique doit supplanter toute forme d’excès entraî-


née par l’importance de l’enjeu. Dans les démocraties, lorsqu’il s’agit
de procéder à des révisions constitutionnelles, la sagesse s’impose.
La représentation des femmes aux plans social, économique et pro-
fessionnel – et en particulier dans tous les domaines de l’emploi – et la
représentation des femmes en politique sont les deux pôles qui sous-ten-
dront vos débats auxquels il y aura lieu d’être particulièrement attentifs,
d’autant que les présidences et les rapports des ateliers seront assumés
par des femmes qui sont déjà très engagées en politique et qui détien-
nent par un mandat une responsabilité à l’égard de nos concitoyens.
Vous avez voulu y adjoindre un troisième atelier qui couvre
davantage le domaine de l’information et des médias. Ce sera sans
doute une autre façon d’aborder la problématique dans un nécessaire
pluralisme des idées.
N’oublions pas qu’avec la lucarne magique, l’écran peut être aussi
bien une fenêtre ouverte sur le monde qu’un de nos miroirs le plus
impitoyable.
Réaliser l’égalité professionnelle en leur assurant la présence qui
leur revient dans la vie publique, c’est avant tout garantir la dignité
des femmes. Cette œuvre-là ne sera en fait achevée que lorsqu’elle
aura été étendue à l’ensemble des continents. Peu de combats aujour-
d’hui sont aussi planétaires par essence que celui-là.
Vous avez voulu que votre colloque acquière une dimension
internationale, je ne peux que vous en féliciter et saluer tout particu-
lièrement les amies qui ont accompli de longs déplacements pour
nous rejoindre aujourd’hui à Tournai. Leur apport dans vos échanges
donneront sûrement à vos travaux une dimension semblable à cette
« moitié du ciel » que Mao-Tsé-Toung, dans une de ses envolées
lyriques dont il était coutumier, avait assignée aux femmes de Chine.
Par delà l’étendue de vos analyses et des conclusions de cette jour-
née de réflexion, je veux, en terminant mon propos, vous inviter à par-
tager ensemble une pensée pour la femme africaine, la femme arabe,
la femme iranienne, la femme indienne et toutes celles pour qui « la
moitié du ciel » se confond toujours avec l’inaccessible étoile.
Le principe de la parité au Portugal

Maria de Belem Roseira


Ministre pour l’Égalité (Portugal)

Ma réflexion va débuter en évoquant les mots d’une grande fémi-


niste portugaise qui affirmait en 1908 : « On dit déjà que le XXe siècle
sera le siècle de la femme ; à nous de le faire le plus beau, le plus juste,
le plus cultivé, le plus heureux de tous ceux que l’Histoire décrit ».
Malgré cette prophétie, nous connaissons tous la réalité en la matiè-
re, dans le monde et surtout en Europe. L’évolution opérée pendant le
XXe siècle s’inscrira surtout dans le domaine juridique avec la recon-
naissance constitutionnelle de l’égalité des droits et de l’égalité des
chances mais la réalité socio-économique empêche l’exercice de ces
droits. C’est le cas partout, comme le mentionne le dernier rapport du
« Développement humain 2000 ». L’indice de développement réparti
par genre (IDG) est toujours plus bas que l’indice de développement
humain (IDH) dans tous les pays. Cette réalité n’est pas directement
liée à la richesse puisque des pays en développement dépassent la per-
formance de nombreux pays industrialisés, plus riches dans l’égalité
des sexes, dans les activités politiques, économiques, scientifiques et
techniques.
La situation au Portugal doit être évidemment analysée avant et
après la révolution démocratique du 25 avril 1974. C’est seulement
après cet événement que le droit de vote a été reconnu aux femmes
d’une façon intégrale. Les réformes permises par ce profond change-
ment ont réduit les inégalités juridiques et les injustices sociales mais
ont eu une très faible influence au niveau de la représentation en poli-
L E P R I N C I P E D E L A PA R I T É A U P O RT U G A L 23

tique. En effet, les profonds changements politiques, économiques et


sociaux qui ont eu lieu en conséquence de l’implantation de la démo-
cratie permirent qu’une rapide modification du statut et de la situation
des femmes se produise et que celles-ci acquièrent un rôle d’importan-
ce croissante dans la vie économique et sociale. La démocratie produi-
sit, d’ailleurs, de grands changements en matière de législation, notam-
ment de celle ayant une incidence toute particulière sur l’égalité.
Les femmes portugaises montrent aujourd’hui un des plus hauts
taux d’activité à plein temps de l’Union européenne. Elles sont la
majorité des diplômés de l’enseignement supérieur, elles sont forte-
ment représentées dans l’administration publique. L’augmentation de
leur présence dans les lieux de prise de décision, pourtant, se fait à un
rythme trop lent et les progrès de plus de deux décennies de démo-
cratie sont trop légers. Par rapport à la prise de décision, les femmes
restent toujours, en fait, minoritaires.
Un fossé se maintient entre la loi, le discours et la pratique, un
fossé entre la contribution réelle des femmes au développement de
notre société et la possibilité d’accès aux décisions qui concerne non
seulement les femmes mais plutôt la société dans son ensemble. Les
mécanismes qui contribuent à leur exclusion sociale et politique
existent toujours.
L’évolution des résultats électoraux, depuis les élections pour
l’Assemblée constituante de 1975 jusqu’à nos jours, montre qu’il
existe une progression extrêmement lente, avec de grands moments
de stagnation et même de recul. De même, à divers autres niveaux de
prise de décision politique comme le pouvoir local, les femmes sont
toujours sous-représentées et l’évolution produite ne correspond pas
aux changements advenus quant au statut de la femme et quant au
rôle qu’elle joue dans notre société.
C’est pourquoi, pendant la législature précédente, le Gouvernement
a présenté au Parlement une loi qui fixait des « quotas » sur la présen-
ce des femmes sur les listes pour les organes publics. Cette proposition
a été considérée comme insultante pour les femmes car elles considé-
raient qu’elles n’avaient pas besoin de ces mécanismes. De cette dis-
cussion, il est sorti un compromis de tous les partis politiques visant à
24 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

inclure, dans les listes pour les prochaines élections, un pourcentage


d’au moins 25 % de femmes. Évidemment, ce compromis n’a pas
abouti. Deux partis politiques seulement l’ont effectivement respecté.
La situation est aujourd’hui la suivante. Quoique les femmes repré-
sentent 53 % des électeurs, 44,5 % de la main-d’œuvre du marché for-
mel du travail, 54,8 % des spécialistes de professions intellectuelles et
scientifiques, 48 % des spécialistes et professionnels de niveau
moyen, 50,8 % des cadres techniques supérieurs de l’Administration
publique, 59,4 % des fonctionnaires de l’Administration publique cen-
trale, 75,6 % des enseignants, 57,1 % des étudiants universitaires et
63,8 % des diplômés, elles ne sont que 17,4 % des députés à
l’Assemblée de la République, 20 % des députés au Parlement euro-
péen, moins de 10 % des membres du Gouvernement, 3,9 % des
Maires et 6 % des élus locaux.

Féminin/masculin
C’est pourquoi, j’ai décidé que c’était le moment d’aller plus loin
et de donner un vrai contenu à une disposition constitutionnelle.
Celle-ci établit que « la participation directe et active des hommes et
des femmes à la vie politique constitue une condition et un instrument
fondamental de consolidation du système démocratique, étant assigné
à la loi de promouvoir l’égalité dans l’exercice des droits civiques et
politiques et la non-discrimination en fonction du sexe pour l’accès à
des postes publics ». J’ai présenté une nouvelle proposition de loi qui
consacre la parité comme unique solution cohérente avec l’évolution
de ce thème dans le contexte des institutions internationales et des
instruments juridiques existants, afin de garantir aux femmes leur
usufruit de la pleine citoyenneté.
Cette proposition de loi établit 33,3 % comme la représentation
minimale pour les deux sexes dans les listes électorales, ayant des
effets équivalents pour les élus et pour les élues, ce qui correspond à
un but quantitatif dans le chemin vers la parité. Elle se fonde sur une
conception et a un but qui dépasse la question des droits des femmes :
L E P R I N C I P E D E L A PA R I T É A U P O RT U G A L 25

perfectionner notre système démocratique, par la construction d’une


démocratie paritaire. C’est, dans le cadre de l’approfondissement de
la qualité de la démocratie que la Constitution, après la révision de
1997, exige, à mon avis, un instrument légal qui rend réelle la parti-
cipation des hommes et des femmes à la vie politique.
Cette révision de la Constitution n’a pas reconnu aux femmes des
droits qu’elles n’avaient pas et elle ne retire pas aux hommes des
droits qui leur appartiennent, en ce qui concerne la vie politique. Elle
stimule un processus nécessaire et le temps se chargera de démontrer
la pertinence de l’adoption de mesures politiques.
Comme on l’affirme dans la proposition déjà envoyée au Parlement,
par rapport à la représentation hommes-femmes, on doit parler de
démocratie paritaire. À notre avis, d’autres modèles, comme celui des
« quotas », ne sont pas applicables à la participation des femmes.
En fait, des modèles de représentations tels que ceux mentionnés
configurent une stratégie qui normalement s’applique à des groupes
spécifiques. De par leurs dimensions ou leurs intérêts propres, ils exi-
gent des mécanismes appropriés de représentation pour la défense de
leur spécificité. Les femmes, pourtant, ne sont pas un simple groupe
spécial ou une catégorie spécifique ; elles sont plus de la moitié de
l’Humanité et une de ses deux seules composantes.
Les femmes ne sont pas un groupe spécifique dont il faut sauve-
garder les intérêts, mais plutôt la moitié de l’Humanité et des intérêts
de cette Humanité dans son ensemble. Il s’agit donc d’établir un prin-
cipe et une disposition permanente qui puissent être les garants de la
réelle représentation du peuple, dans sa dualité féminin/masculin.
Il est vrai que, par le passé, l’adoption d’autres modèles a atteint
des effets positifs dans quelques pays et a permis un développement
considérable de la participation féminine dans quelques sociétés.
Mais c’est la parité qui, vraiment, reconnaît ces deux dimensions
essentielles et répond au principe de l’égalité en tant que condition
démocratique et droit fondamental.
À ces deux dimensions de l’Humanité, celle du féminin et celle du
masculin, l’Histoire et la culture ont assigné des tâches et des mondes
différents que notre temps, en particulier, s’est chargé de contester. Le
26 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

fait que les hommes se soient dédiés au domaine public et les femmes
au domaine privé a été longtemps considéré comme étant une donnée
de l’ordre naturel des choses. Le poids de l’Histoire, de l’idéologie,
de la culture, des inégalités dans les domaines économique et social
de même que le rapport des hommes avec le pouvoir ont, de même,
établi des obstacles sur le chemin des citoyennes et des citoyens vers
une réelle parité de participation et de représentation.

Participer à la polis
La consécration du principe de parité, dans les termes de la pré-
sente proposition de loi, a son fondement sur un fait incontestable et
insurmontable : l’Humanité se compose d’hommes et de femmes qui
contribuent, ensemble et en complémentarité, à la pérennité de l’es-
pèce humaine. De ce fait, les femmes doivent aussi participer,
ensemble et en complémentarité, à la direction des affaires de la res
publica, dans des termes paritaires. Elles doivent participer égale-
ment à la gestion de la polis, c’est-à-dire à la vie politique dans son
sens le plus large et le plus profond.
La sous-représentation des femmes est un déficit contre l’univer-
salisme républicain et l’égalité qui est à sa base. La parité est le seul
moyen de le supprimer, tout en restant fidèle au principe de l’égalité,
car, en refusant l’inégalité qui caractérise la situation actuelle et qui
est profondément injuste et antidémocratique, la parité accepte et
valorise la différence qui reconnaît la spécificité des êtres humains.
Une participation plus significative de la part des femmes à la vie
politique, est une condition de justice et de démocratie essentielle.
Elle permettra aussi l’avènement de nouveaux regards sur le réel et
de points de vue différents vu que hommes et femmes ont, naturelle-
ment, des modes de vie et des expériences qui sont historiquement et
culturellement différents.
Des sujets qui, jusqu’à présent, étaient hors de portée des questions
politiques deviennent politiques en raison de l’évolution de la situation
des femmes et de leur accès à une vie professionnelle, publique et poli-
L E P R I N C I P E D E L A PA R I T É A U P O RT U G A L 27

tique. Un exemple frappant dans notre société est celui qui concerne les
questions de conciliation de la vie professionnelle et publique avec la
vie privée et familiale, qui reste la question clé de l’organisation socia-
le de notre temps. Conséquence de l’entrée massive des femmes sur le
marché du travail, ce qui appartenait au domaine de la vie privée, à
cause de ces circonstances, est entré dans la sphère du public.
Dans d’autres domaines – l’organisation sociale du travail, les
questions de santé, surtout de la santé reproductrice, l’organisation et
la gestion de l’éducation et du système de l’enseignement –, la vision
et l’expérience historique des femmes peuvent contribuer à de nou-
velles solutions politiques, plus élargies et plus innovatrices.
La proposition de loi pourra ainsi, d’une façon claire et simple,
constituer une importante innovation dans la vie publique et dans la
rénovation des élites politiques tout en contribuant de même à l’évo-
lution de la présence des femmes dans d’autres secteurs de la société.
En fait, la parité dans la vie politique, comme dans d’autres secteurs
de la société, est un instrument constitutif d’une meilleure égalité.
La parité est aussi une réforme culturelle d’une grande portée et
d’une grande profondeur. Aucune réforme de cette grandeur ne peut
réussir sans un minimum de pragmatisme. Une parité de principe,
sans des buts et des cibles quantifiées et sans un processus de contrô-
le, n’aurait aucune efficacité.
Dans ce contexte, par rapport aux principes, on doit souligner que
la reconnaissance de l’égalité de droits des femmes et des hommes
concernant la citoyenneté et la participation démocratique constitue,
sûrement, une des acquisitions fondamentales à prendre en considéra-
tion. D’une part, elle représente le corollaire de l’affirmation du princi-
pe de la dignité humaine, un des piliers de la Déclaration universelle
des Droits de l’Homme ; d’autre part, elle vient donner de la consis-
tance au concept de démocratie, lui aussi un de ses fondements de base.
Pourtant, selon Manuela Silva dans « Igualdade de Géneros –
Caminhos e Atalhos para uma Sociedade Inclusiva [Égalité des
Genres – Des chemins et des raccourcis pour une société intégran-
te] », il subsiste, dans nos sociétés, comme une « main invisible » qui
a empêché de concrétiser ce droit en matière de représentativité et de
28 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

participation paritaire des femmes et des hommes aux endroits et aux


modes de prise de décision publique.
De ce fait incontestable, adviennent des conséquences doublement
négatives. D’abord, pour les femmes elles-mêmes qui voient, dans la
pratique, leur citoyenneté être limitée par la privation de droits et de
devoirs qui, formellement, leur sont attribués ; ensuite, pour la démo -
cratie qui ne peut pas compter sur les ressources potentielles de la
moitié de la population qui devrait être incluse et perd, encore, sa
crédibilité dans le domaine du respect de l’égalité du fait qu’elle est
marginalisée et, à la limite, exclut les femmes de ses institutions les
plus authentiques.
Plus que jamais, les femmes (mais pas seulement elles !) consta -
tent qu’il existe un énorme et injuste fossé entre leur contribution
directe et indirecte à la production nationale et à la richesse collec -
tive, à la constitution de recettes des budgets publics, au progrès
scientifique et technologique, à la culture, soit au développement de
la société dans son ensemble, et leur participation réelle aux prises
de décision se rapportant à l’orientation de ces domaines de la vie
collective. Et cela, non pas parce qu’il manque aux femmes des qua -
lifications académiques et professionnelles mais seulement parce que
le pouvoir politique institué les maintient absentes de la scène poli -
tique et, systématiquement, les éloigne des lieux de décision.
Il faut encore ajouter que la société contemporaine a développé
des interdépendances à divers niveaux (de l’économique au culturel,
du technologique au géostratégique…) qui rendent chaque individu
en particulier vulnérable au collectif et, par conséquent, la portée des
macro-décisions est beaucoup trop renforcée sur la vie quotidienne
des gens. C’est au niveau de la macro-décision que, en bonne partie,
sont déterminés des aspects fondamentaux de la vie personnelle :
opportunité plus grande ou plus petite d’emploi, accès et qualité de
l’éducation et de la santé, temps libre et loisirs, niveau de sécurité,
situations de guerre et de paix, sauvegarde de l’équilibre écologique,
au présent et pour les prochaines générations.
Ces questions ne peuvent qu’intéresser profondément les femmes
à cause d’elles-mêmes mais aussi à cause de leurs enfants. Prendre
L E P R I N C I P E D E L A PA R I T É A U P O RT U G A L 29

effectivement part à ces décisions est donc une aspiration légitime


qui est, simultanément, un droit et un devoir. La démocratie paritaire
se pare donc de l’aspect d’un droit humain fondamental.
Dans une autre perspective, il faut aussi reconnaître que l’éloi -
gnement des femmes par rapport aux structures démocratiques
constitue une maladie grave de la démocratie même et peut-être que
cela explique, en partie, l’épuisement qui guette quelques structures
politiques dans bien des États de démocratie représentative (Lisboa,
1999).
En somme, la démocratie paritaire va concourir à donner une plus
grande visibilité aux représentés et représentées ; elle permettra d’in-
troduire de nouvelles problématiques dans le débat politique ; elle ren-
dra les agendas politiques plus proches des intérêts quotidiens des
citoyens et des citoyennes ; elle introduira de nouvelles logiques dans
la façon d’aborder et de résoudre des problèmes, en complémentarité et
en enrichissant la logique masculine, dominante jusqu’à maintenant.
Dans la proposition de loi qui se base sur ces présuppositions, un
système simple et décisif a été prévu. Une seule obligation : toutes les
listes doivent obéir au principe de parité en respectant un seuil quanti-
tatif à partir duquel la parité devient possible. Une sanction : au cas où
cette obligation n’est pas prise en compte, les listes seront refusées.

Progrès pour la démocratie


La loi approuvée et ces paramètres respectés, nous aurons dans
peu de temps une nouvelle vision de la représentation politique. Aux
prochaines échéances électorales pour l’Assemblée de la République,
pour le Parlement européen et pour les pouvoirs locaux, une entrée
significative de femmes se produira avec, pour conséquence, une
amélioration quantitative et qualitative de la représentation politique.
Différentes institutions internationales et divers instruments juri-
diques défendent ces paramètres : les Nations Unies avec les pro-
grammes d’action qui résultent des grandes Conférences et Sommets
des années ‘90 ; la Plate-forme d’Action de Pékin ‘95 qui oblige les
30 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

États signataires à établir l’équilibre entre femmes et hommes dans


les gouvernements et les institutions en tant que facteur nécessaire au
développement social et moyen de renforcement de la légitimité des
institutions, principe renforcé à l’occasion de la session spéciale des
Nations Unies en juin dernier ; le cadre fondateur de l’Union euro-
péenne basé sur l’interdépendance des droits civiques et des droits
sociaux ; le IV et le V du Programme d’action de la Commission ; les
recommandations du Conseil et du Parlement européens concernant
la participation équilibrée des femmes et des hommes dans les pro-
cessus de prise de décision ; le Conseil de l’Europe, pour lequel l’É-
galité des chances pour les hommes et les femmes est une question de
Droits de l’Homme, ayant sorti le concept de démocratie paritaire
dans le cadre du thème de la participation des femmes à la vie
publique et politique. Il serait très important de voir ce concept consa-
cré dans la Charte européenne des Droits fondamentaux. Tous consi-
dèrent que la participation équilibrée à la prise de décision politique
est indispensable pour le progrès de la démocratie.
Comme nous le savons, le concept de citoyenneté n’a pas seule-
ment une acception politique. Il intègre aussi des acceptions écono-
miques et sociales. Pour cela, il faut offrir à tous des conditions
d’égalité-équité mais aussi de chances de vie diverses, avec qualité.
Le sommet de Lisbonne de mars 2000 a dessiné pour l’Union
européenne un nouvel objectif stratégique pour cette décennie :
« faire de l’Union européenne l’espace économique le plus dyna-
mique et le plus performant du monde basé sur la connaissance et
construit pour garantir une croissance économique soutenable, avec
mieux et plus d’emplois ainsi qu’avec plus de cohésion sociale ».
Et il est proposé aussi de promouvoir tous les aspects de l’égalité
des chances, la ségrégation occupationnelle comprise, et de rendre
plus facile la conciliation entre la vie professionnelle et la vie fami-
liale. Pendant la Présidence portugaise, une recommandation sur le
droit à la conciliation a également été approuvée.
On veut vraiment promouvoir une vie sociale assise sur de nou-
velles valeurs. Je crois à cette dimension future, sur ce nouvel enca-
drement caractérisé par l’émergence de valeurs considérées, norma-
L E P R I N C I P E D E L A PA R I T É A U P O RT U G A L 31

lement, de vocation féminine. Il est facile de constater que le cadre de


valeurs lié au patriarcat historique est en crise et montre de plus en
plus ses limites. On vérifie, néanmoins, l’émergence d’un modèle de
civilisation qui privilégie les valeurs considérées comme féminines.
C’est pourquoi on assiste déjà à de nouvelles formes de gestion. Il
s’agit de l’émergence de pratiques sociales qui se différencient par la
présence de l’affect, de l’intuition, de la solidarité et de l’harmonie
ainsi qu’une plus forte quête et valorisation du bien-être.
Comme ont affirmé quelques auteurs, en fait de paradigme social,
on a initié le passage d’une culture patriarcale basée sur le droit de
décision, sans autre justification que la hiérarchie, à l’affirmation et à
la reconnaissance de la valeur d’une pratique féminine afin de recon-
naître à chacun une contribution indispensable à l’équilibre collectif.
En fait de structuration sociale et d’exercice du pouvoir, on véri-
fie l’émergence d’une société plus compréhensive et participative.
D’une culture masculine basée sur l’autorité hiérarchique et sur la
force, on voit l’affirmation d’un paradigme d’autorité qui s’exprime
surtout comme influence. Même en ce qui concerne la gestion d’en-
treprises et l’organisation de la vie sociale, on voit une nouvelle
forme d’exercice de la présidence caractérisée par une pratique plus
charismatique et affective qui proportionne davantage les relations
humaines et la communication verbale directe – un pouvoir moins
punitif et plus pédagogique.
Il s’agit surtout d’un nouveau paradigme social qui donne une
grande place à l’intuition, une attention à l’informel, qui est basé sur
une stratégie à long terme, sur des valeurs de patience et de persévé-
rance, en opposition aux valeurs liées à la vitesse, à l’impatience et à
l’immédiateté.
L’avenir des femmes européennes va se croiser avec les grands
thèmes de l’actualité : globalisation, société de la connaissance et de
l’information, inégalités émergentes, développement de nouvelles
valeurs, instauration d’un nouveau contrat social de genre et, en
conséquence, une nouvelle forme de citoyenneté.
Dans ce cadre de changements, les clivages sociaux pourraient
être plus profonds et on pourrait voir apparaître de nouvelles inégali-
32 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

tés. Nous tous, femmes et hommes, avons la responsabilité de les pré-


venir, de perfectionner la société et de faire du prochain siècle comme
Ana de Castro Osório disait il y a presque un siècle : « le plus beau,
le plus juste, le plus cultivé, le plus heureux de tous ceux que
l’Histoire décrit ».
Le modèle suédois de l’égalité
femmes/hommes

Lise Bergh
State Secretary of Gender Equality Affairs (Suède)

Ce colloque concerne un des aspects les plus importants de la vie


et de la société : l’égalité femmes/hommes.
Il n’est pas facile de décrire en peu de temps la situation des
femmes suédoises et scandinaves mais je me concentrerai sur les fac-
teurs relatifs au fait que les femmes, dans les pays scandinaves, ont la
possibilité d’être économiquement indépendantes par la capacité
conjointe d’avoir un emploi rémunérateur et des enfants.
« Liberté, Égalité, Parité », ces trois mots devraient être présents
dans toute politique d’égalité femmes/hommes objective. Je dirais
qu’ils ont été intégrés par la politique d’égalité du gouvernement sué-
dois. L’objectif final est une société où les femmes et les hommes
bénéficient de droits, de responsabilités et d’opportunités égaux pour
obtenir un emploi qui apporte une indépendance économique, pour
élever des enfants et pour s’engager en politique, dans les syndicats
ou d’autres activités sociales. Vous pouvez appeler cela le modèle
scandinave de l’égalité femmes/hommes.
L’indépendance économique est ce qui fonde ce modèle. Or, pour
être indépendant, vous devez bénéficier d’un revenu propre. Une très
large majorité de femmes des pays scandinaves ont un emploi plei-
nement rémunérateur et ont de ce fait les moyens de leur indépen-
dance économique.
34 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

Fiscalité et congé parental


Mais pour permettre cela, vous devez rendre possible pour les
femmes et également pour les hommes la combinaison du travail
avec les responsabilités parentales, sans oublier la responsabilité de
prendre soin des plus âgés.
Certaines réformes ont eu un impact considérable sur l’égalité
femmes/hommes dans son aspect économique. Elles étaient toutes
principalement motivées par la volonté d’encourager les femmes à
entrer sur le marché du travail : l’introduction d’une fiscalité séparée
pour les maris et leurs épouses ; les droits associés à la parentalité ;
les centres publics de garde d’enfants ; les centres publics d’accueil
des plus âgés.
Pendant de nombreuses années, la taxation conjointe des époux a
été un des principes de base du système fiscal suédois. Ce principe
avait pour effet d’imposer durement les revenus supplémentaires
qu’apportait une épouse prenant un emploi. Cela a joué en défaveur
de l’entrée des femmes sur le marché du travail. De ce fait, la taxa-
tion individuelle des revenus a été introduite dès 1971.
Mais pour que le droit ou l’opportunité à un emploi pleinement
rémunérateur pour les femmes devienne une réalité, vous devez per-
mettre à la fois aux femmes et aux hommes de réconcilier leurs acti-
vités économiques avec la parentalité. Les droits que la Suède accor-
de aux parents aujourd’hui rendent possible pour les femmes et les
hommes de prendre un congé parental de quinze mois, dont douze,
bientôt treize, sont compensés à 80 % du revenu qualifié. L’un de ces
mois, bientôt deux, est réservé au père, de la même façon que l’un,
bientôt deux, d’entre eux est réservé à la mère. Le restant peut être
partagé librement entre les parents.
De plus en plus d’hommes utilisent leur droit au congé parental,
mais comme ceux-ci choisissent habituellement des périodes plus
courtes, leur part ne représente que 10 % du total.
Les parents ont également droit à une allocation parentale tempo-
raire et à un congé lorsque leur enfant âgé de moins de douze ans est
malade. Quelque cent et vingt jours par an sont permis avec une com-
L E M O D È L E S U É D O I S D E L’ É G A L I T É F E M M E S / H O M M E S 35

pensation équivalente à 80 % du revenu qualifié. En 1999, les pères


ont utilisé à peu près 32 % de tous les jours demandés. Les pères peu-
vent également bénéficier de dix jours de droits parentaux tempo-
raires lors de la naissance de l’enfant. Pratiquement tous les pères uti-
lisent ces journées.
Des services aux enfants bien développés sont particulièrement
importants dans une société où vous voulez que les deux parents béné-
ficient d’emplois pleinement rémunérés. Afin d’améliorer l’accès à de
tels services, les autorités locales suédoises sont obligées par la loi de
fournir une garde pour tous les enfants à partir de l’âge d’un an, si les
parents le désirent. Ce service doit, bien sûr, être d’un coût raisonnable.
Une large réforme de la politique familiale doit être engagée dans
les prochaines années afin d’améliorer la situation des enfants et des
familles avec enfants et d’offrir plus de possibilités pour combiner les
enfants et le travail salarié.
Un coût maximum pour la garde des enfants sera établi en 2002.
Étant donné que ce sont les municipalités qui sont responsables de ce
service, elles recevront une compensation de l’État pour la réforme,
qui est volontaire. Lorsque la réforme sera entrée en vigueur, person-
ne ne paiera plus de 1150 SEK par mois pour le premier enfant, 767
SEK pour le second et 383 pour le troisième. Les enfants supplé-
mentaires ne coûteront rien. Les ménages à bas revenus paieront des
sommes inférieures.
Il est aussi important d’offrir des services publics de qualité aux
personnes âgées, à un coût raisonnable, dès lors que les femmes ont
souvent la responsabilité de s’occuper des plus âgés si aucun service
public n’est disponible.
Toutes ces mesures, comme je l’ai indiqué dans l’introduction, ont
eu comme résultat un haut taux de participation des femmes dans le
marché du travail, à peu près 80 %, ce qui est aussi élevé que celui
des hommes.
Il existe de considérables différences entre les positions respec-
tives des hommes et des femmes sur le marché du travail, dues prin-
cipalement, comme je l’ai évoqué, au fait que les femmes prennent la
plus grande part des responsabilités parentales.
36 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

Les femmes travaillent à temps-partiel dans une plus grande pro-


portion que les hommes. Les femmes sont principalement employées
dans les professions de soins et de services du secteur public, les
hommes dans le secteur privé. Les femmes ont des emplois sans res-
ponsabilités, alors que les hommes forment la majorité des cadres. La
position des femmes, telle que décrite, résulte également de la diffé-
rence de rémunérations entre femmes et hommes. Les femmes
gagnent entre 75 et 90 % du salaire des hommes.
Notre « Gender Equality Act » (« Loi sur l’Égalité
femmes/hommes ») traite ces problèmes par des dispositions interdi-
sant les discriminations sexuelles et des dispositions qui obligent les
employeurs à promouvoir cette égalité sur le lieu de travail, en coopé-
ration avec les employés et par l’intermédiaire des syndicats.
Mais le principal problème pour les femmes sur le marché du tra-
vail vient du fait qu’elle prennent la plus grande part des responsabi-
lités liées aux enfants, et également celles liées aux plus âgés.
Il est de ce fait important que femmes et hommes bénéficient de
la même façon des droits parentaux, ce qui est le cas en Suède, et que
les pères soient encouragés à prendre leur part de responsabilité
parentale. C’est non seulement bénéfique pour les femmes, mais éga-
lement pour les pères ainsi que pour leurs enfants.
À l’heure actuelle, il existe un débat en Suède sur la possibilité de
diviser de façon égale le congé parental entre père et mère, sans la
possibilité de transfert entre parents d’une partie de ce droit. De cette
façon, les femmes ne seraient plus « spéciales » par rapport à un
employeur. Vous devriez aussi protéger de la même manière les
femmes et les hommes avec enfants.
Durant ces dernières années, le travail pour l’égalité femmes/hommes
en Suède et dans les autres pays scandinaves s’est concentré sur des
problèmes abordant les hommes et cette égalité. Les trois principaux
domaines visés sont la recherche sur la masculinité, les responsabilités
des hommes vis-à-vis des enfants et du travail domestique ainsi que la
violence des hommes envers les femmes.
Les hommes commencent à s’organiser pour faire avancer l’éga-
lité femmes/hommes, et de plus en plus d’hommes prennent une part
L E M O D È L E S U É D O I S D E L’ É G A L I T É F E M M E S / H O M M E S 37

active dans cette tâche. Mais il reste encore un long chemin à par-
courir.
Dans cette optique, je pense que l’initiative portugaise d’une réso-
lution du Conseil de l’Union européenne portant sur la réconciliation
du travail et de la famille et sur l’approfondissement des droits pater-
nels ou parentaux est vraiment importante et doit être prolongée par
des mesures aux niveaux européen et national.

Partager la décision politique


Quant à la position des femmes dans la prise de décision politique
en Suède, nous avons été très loin. Nous sommes onze femmes contre
neuf hommes. Le Parlement comporte environ 43 % de membres
féminins. C’est le résultat d’un développement à long terme, d’une
volonté et d’un engagement politiques forts, combinés avec de fortes
pressions venant de la base, en particulier venant de femmes, soit de
façon individuelle, soit d’organisations de femmes et de groupes
féministes. Il ne faut pas sous-estimer l’importance de la volonté poli-
tique et de l’engagement.
Mais dans d’autres domaines, beaucoup reste à faire. Par exemple,
dans le secteur privé et dans l’éducation, la situation est embarras-
sante. Dans le secteur du commerce et de l’industrie, à peu près 8 %
des cadres supérieurs sont des femmes. Dans le système éducatif
supérieur, à peu près 10 % des postes à haute responsabilité sont
dévolus aux femmes. De ce fait, les décisions dans ces secteurs sont
encore prises par des hommes.
Que faisons-nous pour changer cette situation ?
Nous avons essayé les quotas, mais comme vous le savez peut-
être, la tentative de réserver trente postes de professeurs d’université
à des femmes a été désavouée par la Cour européenne de Justice.
En fait, la chose la plus importante à faire est de changer les atti-
tudes parmi les responsables des nominations dans les universités,
pour leur faire comprendre qu’il existe autant de femmes qualifiées
que d’hommes pour ces postes. Je suis désolée de devoir le dire, mais
38 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

dans l’état actuel des choses, cela doit être réalisé sous la contrainte.
Nous avons fixé des objectifs quant à la proportion de femmes, lié le
respect de ces objectifs à l’octroi des budgets et demandé des rapports
sur la réalisation de ces objectifs. Mais ces mesures doivent bien sûr
être combinées à une discussion sur le sens de l’égalité femmes/hommes
dans la société.
Je voudrais conclure en disant qu’un pouvoir partagé entre
femmes et hommes est une fondation solide pour la démocratie et
l’égalité, que le pouvoir signifie le pouvoir dans la famille, dans le
monde politique et dans les autres structures de décision de la socié-
té et du marché du travail, que l’égalité femmes/hommes est une
question qui concerne autant les hommes que les femmes et que nous
devons inclure les hommes dans les politiques d’égalité et de travail.

(Texte prononcé en anglais. Traduction par Rémy Velazquez)


Les femmes et les changements de
la démocratie dans l’Union européenne.
Où en est la parité ?

Éliane Vogel-Polsky
Professeur honoraire de l’Université Libre de Bruxelles

1. Le contexte historique et institutionnel


Parler du développement du droit des femmes à l’occasion d’un
colloque sur la parité semble une évidence aveuglante, aujourd’hui.
Il n’en était évidemment rien en 1958 lorsque le traité de Rome a
mis en place, pour la première fois dans l’histoire des organisations
internationales, un système supranational caractérisé par des abandons
définitifs de souveraineté des États membres au profit d’Institutions
communautaires, consacrant l’abrogation des modes de gouvernance
démocratique traditionnels en Europe occidentale : séparation des pou-
voirs, indépendance du législatif, contrôle direct de l’exécutif, etc.
Les concepts de responsabilité ainsi que de justiciabilité des organes
politiques, ancrés dans les États-nations composant les États membres
ont été court-circuités au profit d’un système décisionnel du Conseil
(de type régalien) et d’un mode de fonctionnement des institutions
communautaires, le plus souvent incompréhensible pour les citoyens.
De type structurellement économique et marchand, le processus
d’intégration européenne a fondamentalement empêché le dévelop-
pement d’un droit supranational en matière sociale, avec l’inexisten-
ce de bases juridiques claires et la confiance faite aux effets quasi
automatiques d’amélioration des niveaux de vie et de protection
sociale des populations européennes du simple accomplissement des
objectifs économiques dans une économie néo-libérale de marché.
40 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

De même, le recours au principe de subsidiarité, compris comme un


moyen pour les États membres de ne pas consentir de nouveaux aban-
dons de souveraineté, a considérablement servi de frein à toutes les
tentatives ultérieures de rééquilibrer et d’harmoniser les questions
sociales avec les questions économiques.
Dans l’inaboutissement – encore toujours présent – d’une véri-
table intégration sociale européenne, la question du droit des femmes
à l’égalité de traitement dans le travail occupe une place singulière et
éminemment problématique.

A. Article 119. Traité de Rome


Disposition unique dans le traité de Rome, le droit à l’égalité sala-
riale figure dans sa partie la plus faible : le titre sur la Politique socia-
le dont la signification est donnée clairement par l’art. 117 qui en
constitue le préambule.
Les dispositions de cette partie du traité ressortissent à l’effet
automatique d’une bonne intégration économique et du fonctionne-
ment du marché commun.
L’art. 118 énonce les compétences sociales réservées aux États
membres (en pratique, l’ensemble des droits nationaux du travail et
de la sécurité sociale) et limite avec rigueur les compétences de la
Commission, organe dynamique de la Trinité communautaire, en pré-
cisant que celle-ci ne peut que tenter de promouvoir une coopération
intergouvernementale et, à cet effet, procéder à des études et à des
réunions sans pouvoir prendre d’initiatives réglementaires propres.

B. Valeur contraignante de l’art. 119


Les articles 117 et 118, dispositions générales, sont suivis de l’art.
119 qui vise un objet très spécifique : celui de l’égalité salariale entre
travailleurs masculins et féminins pour un même travail.
Il se fait que l’insertion de l’article 119 dans le traité, résulte d’une
pression de la France qui craignit le dumping salarial des autres États
membres en matière de salaires féminins et négocia pour l’inscription
d’une obligation communautaire d’égalité salariale.
L E S F E M M E S E T L E S C H A N G E M E N T S D E L A D É M O C R AT I E . . . 41

Du point de vue de la technique juridique, l’article 119 est rédigé


comme une disposition à caractère immédiatement applicable (self-exe-
cuting) et aurait dû être réalisé le 31 décembre 1961, au passage à la
seconde étape de la période de transition prévue par le traité de Rome.
Ni la Commission, ni le Conseil, ni les États membres ne recon-
naîtront son caractère contraignant et il en résultera un retard consi-
dérable puisque ni en droit, ni concrètement, cette égalité salariale
dans le champ communautaire ne sera réalisée au cours des trois
étapes de transition, ni lors de la consolidation définitive de la C.E.E.

C. Évolution ultérieure jusqu’au traité d’Amsterdam


Certes, il s’est produit une évolution importante qui a permis de
construire, à petits pas, une certaine égalité professionnelle des
femmes et des hommes dans la réglementation communautaire et
dans les États membres.
La Commission européenne se trouve à l’origine de ce dévelop-
pement qu’elle a pu mener grâce aux mouvements de revendications
des femmes (cf. grève de la Fabrique Nationale) et, par la suite, aux
contestations soulevées par les affaires Defrenne c/Sabena et les trois
arrêts de la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE)
de 1970, 1976 et 1978 ; l’adoption, en 1974, du premier Plan
d’Action sociale de la Communauté ; les premières directives en
matière d’égalité professionnelle adoptées en vertu de la volonté poli-
tique affirmée dans ce premier Plan d’Action sociale.
L’arrêt Defrenne II (1976) reconnaîtra l’effet direct de l’art. 119 et
attribuera au principe de l’égalité salariale le caractère d’objectif éco-
nomique et social du traité.
Dans le même arrêt, la CJCE sera très sévère tant à l’égard des
États membres que des Institutions communautaires et affirmera que
ceux-ci ont « violé » le traité par la résolution de 1961 de la
Conférence des chefs d’État et de gouvernement des États membres.
Cette résolution a eu pour effet de modifier le traité de Rome sans res-
pecter la procédure de révision du traité et a fait disparaître le droit à
l’égalité salariale au profit d’un processus volontaire « d’égalisa-
42 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

tion », tributaire de la volonté politique des États et du bon vouloir


des interlocuteurs sociaux qui, en Europe, sont responsables de la
négociation et de la conclusion des conventions collectives fixant les
conditions de travail, y compris les salaires.
À l’heure actuelle, l’article 119 a été révisé (art. 141 Traité
d’Amsterdam). Entre-temps, neuf directives ont été adoptées ainsi
qu’un grand nombre de recommandations et de résolutions émanant
principalement du Conseil et du Parlement européen (soft law), quatre
programmes quinquennaux d’Action communautaire à moyen terme
ont été adoptés depuis 1980 et, enfin, la jurisprudence de la CJCE a
élargi le champ d’application et a approfondi des notions juridiques
essentielles pour mettre en œuvre le droit à l’égalité professionnelle.
C’est dans les troisième et quatrième Programmes d’Action que se
révélera la tendance à élargir le cadre étroit de l’égalité professionnelle
aux aspects connexes qui pèsent sur la situation de ségrégation sexuelle
et d’infériorité de la majorité des travailleuses avec des thèmes tels que
la conciliation et la compatibilité des responsabilités professionnelles et
familiales, la garde des enfants, la santé de la femme au travail.
Le troisième Programme constitue incontestablement un tournant du
point de vue de l’approche des droits des femmes ; il a mis l’accent sur
l’amélioration du statut des femmes dans la société, à partir d’une ana-
lyse de genre. En outre, et ceci est majeur pour le développement de la
démocratie, un pan entier du Programme d’Action sera constitué par des
travaux et actions visant à accroître la représentation et la participation
des femmes à la prise de décision politique, économique et sociale.
Pour la première fois aussi, le thème de la démocratie paritaire
fera son apparition et sera discuté dans tous les États membres en
connexion avec la reconnaissance de la citoyenneté européenne de
l’Union pour le Traité de Maastricht (1992).
Le quatrième Programme met l’accent sur les mêmes thèmes mais
y ajoutera la promotion de l’intégration de la dimension du genre dans
toutes les politiques et actions de la Communauté. Cette approche sera
confirmée clairement par l’art. 3 § 2 du nouveau Traité d’Amsterdam.
Le Traité d’Amsterdam reconnaît, pour la première fois parmi les
missions de la Communauté, « l’égalité entre les femmes et les
L E S F E M M E S E T L E S C H A N G E M E N T S D E L A D É M O C R AT I E . . . 43

hommes » dans tous ses domaines d’action et élargit ainsi, au-delà de


l’égalité professionnelle, le champ d’application du principe d’égali-
té. Soulignons qu’il ne s’agit point d’un droit fondamental, reconnu,
mais d’un principe général.
La jurisprudence de la Cour de Justice, rendue dans l’approche
téléologique qui lui est propre, a contribué à renforcer technique-
ment l’article 119 et les directives subséquentes. Elle a clarifié des
notions essentielles pour une meilleure mise en œuvre de l’égalité
de traitement, notamment dans les domaines sensibles suivants : la
notion de rémunération, les discriminations directes et indirectes, la
charge de la preuve, les régimes conventionnels de pensions, les
régimes de sécurité sociale et les conditions de travail. La licité des
actions positives fera l’objet d’une controverse jurisprudentielle,
non encore résolue. En effet, la Cour marquera sur ce point une limi-
tation d’importance au droit communautaire de l’égalité des chances
en affirmant que l’égalité de traitement et de chances garantit uni-
quement une égalisation des conditions de départ (par ex. des
mesures promotionnelles, des avantages temporaires visant à pro-
mouvoir l’égalité) mais interdit des mesures assurant une égalité
concrète de résultat.
Il est impossible dans le cadre d’un exposé aussi bref d’analyser
et de rendre compte de l’évolution du « Droit des femmes » que la
Communauté a connue depuis quarante-deux ans ! Il est évident que
cette évolution s’inscrit dans les profonds changements de société,
survenus depuis la Seconde Guerre mondiale, qui sont inséparables
des transformations intervenues dans la vie et le statut des femmes
européennes : accroissement de la main d’œuvre féminine dans tous
les domaines, progrès spectaculaires dans l’éducation, qualification
de haut niveau, accès aux études universitaires, maîtrise de la repro-
duction par les femmes, réduction de la taille des familles, transfor-
mation du mariage et des formes de vie en commun, changements
démographiques, etc.
Mais surtout une approche différente de l’égalité par la mise en
évidence des rapports sociaux de sexe et de la doxa de sexe, par les
études de genre.
44 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

Les bouleversements sociétaux, tout comme les modifications du


travail, la globalisation de l’économie, la mondialisation, les change-
ments politiques d’Europe centrale et orientale font que l’avenir de
l’Union européenne ne correspond plus au dessein initial de 1950 et
1958 ; les options fondamentales de l’intégration économique euro-
péenne s’inscrivent dans de nouvelles perspectives dont celle d’une
Union politique, donc d’une démocratie renouvelée dans laquelle les
femmes sont décidées à prendre des responsabilités actives et à part
entière. La citoyenneté européenne apporterait un soutènement revi-
sité par le genre, en reconnaissant aux femmes des droits non seule-
ment égaux mais autonomes sur la base de la parité et de la démo-
cratie paritaire. Tel serait l’enjeu. Est-il probable ou utopique ?
Pour la discussion, j’aimerais évoquer les principaux obstacles
institutionnels, juridiques et politiques qui permettent d’expliquer
l’inaccomplissement actuel en droit et en pratique de l’égalité des
sexes dans l’Union européenne et les perspectives de changement.

2. Obstacles institutionnels
A. Inexistence d’une Constitution européenne garantis -
sant les droits fondamentaux des citoyens européens
En droit communautaire, les dispositions relatives aux droits fon-
damentaux – dont le droit à l’égalité des femmes et des hommes fait
partie – sont totalement insuffisantes.
La garantie communautaire des droits fondamentaux n’est pas
assurée aux citoyens européens : les traités se sont successivement
bornés à affirmer que les droits fondamentaux constituent des prin-
cipes généraux et non des droits.
La procédure instaurée pour garantir le respect des droits fonda-
mentaux dans un État membre est simplement politique. Elle sera
menée par le Conseil qui pourrait éventuellement prendre des
mesures dissuasives contre l’État membre défaillant. Mais, en aucun
cas, le citoyen ne dispose d’un recours individuel devant la CJCE.
L E S F E M M E S E T L E S C H A N G E M E N T S D E L A D É M O C R AT I E . . . 45

Dans l’histoire de l’Union européenne, il a été tenté à plusieurs


reprises de faire reconnaître la garantie de droits sociaux fondamen-
taux au plan communautaire. Des échecs successifs se sont répétés :
Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des tra-
vailleurs, Strasbourg, 1989 ; essai d’inscription de ces droits à la CIG
préparatoire à l’adoption du Traité de Maastricht ; essai renouvelé et
refoulé à la CIG préparatoire à l’adoption du Traité d’Amsterdam.
Il est désormais établi qu’en décembre 2000, le texte proposé sera
de nature politique et déclaratoire, mais qu’aucune garantie d’ordre
constitutionnel des droits fondamentaux ne sera inscrite dans le traité
modifié.
Cette phobie de garantir au niveau communautaire des droits que
les États membres reconnaissent déjà dans leurs systèmes juridiques
nationaux devrait être examinée avec ses causes et ses conséquences.
Elle témoigne de l’existence de dangers certains pour l’éventuelle
existence d’une démocratie européenne.

B. L’imbroglio relatif à la non-discrimination


Les traités reconnaissent des statuts à géométrie variable de divers
types de discrimination, à la fois selon le motif et selon les domaines
d’application.
1. Discrimination au motif de la nationalité (art. 6 ancien) art. 12
Traité d’Amsterdam. Elle est interdite de manière formelle et avec la
force de l’applicabilité directe, dans tous les domaines du traité et
pour tous les ressortissants européens. Si une décision doit être prise
en la matière, il s’agit d’une décision à la majorité qualifiée.
2. Discrimination entre travailleurs migrants communautaires et
travailleurs nationaux. Elle fait l’objet de règlements, obligatoires
dans tous leurs éléments et directement applicables dans tous les États
membres pour les domaines de l’égalité professionnelle, tant dans les
conditions principales que connexes du travail et de la sécurité socia-
le. En la matière, les décisions se prennent à la majorité qualifiée.
3. Discrimination au motif du sexe. Elle fait l’objet de l’art. 141
du Traité d’Amsterdam et des directives (textes communautaires plus
46 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

souples, qui lient les États membres destinataires quant au résultat à


atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence
quant au choix des moyens et de la forme). Dans les domaines de
l’égalité de traitement et de chances professionnelles, les décisions se
prenaient à l’unanimité jusqu’en 1997, elles passent à la majorité qua-
lifiée depuis le Traité d’Amsterdam.
4. Discrimination fondée sur le sexe, la race, l’origine ethnique, la
religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation
sexuelle (art. 13 du Traité d’Amsterdam). Dorénavant, le Conseil
« peut » prendre toute réglementation interdisant une de ces discri-
minations. Mais l’unanimité sera nécessaire, ce qui paraît en contra-
diction avec l’acquis communautaire, article 3 § 2.

3. Obstacles juridiques
A. L’inaboutissement du droit contemporain de l’égalité
des sexes
Premier constat : en l’an 2000, aucun texte du droit international
ou national, au monde, ne reconnaît le droit à l’égalité de la femme et
de l’homme.
En revanche, il existe un grand nombre d’énonciations se référant
à:
- l’égalité entre les femmes et les hommes ;
- la jouissance par toute personne asexuée de la garantie de tel ou
tel droit inscrit dans la loi ;
- l’égalité de traitement sans discrimination motivée par une série
de critères, et parmi ceux-ci, le sexe ;
- le droit à l’égalité des chances.
À côté de ces figures juridiques, on trouve une abondance de jar-
gons spécifiques qui sont devenus familiers, sinon compréhensibles,
tels l’ « empowerment », le « mainstreaming », les actions positives,
les quotas.
Enfin, on trouve aujourd’hui un environnement théorique qui
cherche à fonder sur le genre et la parité, la construction d’une égali-
L E S F E M M E S E T L E S C H A N G E M E N T S D E L A D É M O C R AT I E . . . 47

té réelle par la reconnaissance du droit fondamental à l’égalité et par


la démocratie paritaire.
L’analyse critique des dysfonctionnements et de la faiblesse de la
construction du droit à l’égalité des femmes et des hommes dans le
droit et la pratique politique de l’Union européenne ne peut être sépa-
rée de l’inaboutissement du droit à l’égalité, mondialement constaté.
La conceptualisation du droit à l’égalité hommes/femmes a été
gravement handicapée, dès l’origine, par l’aveuglement à la dimen-
sion du genre. Les techniques juridiques mises en œuvre sont tom-
bées dans le piège de l’abstraction, à savoir la reconnaissance de
droits individuels, à certains sujets de droit, neutres du point de vue
du sexe. Laquelle neutralité ne permet pas de tenir compte des effets
différents, en raison de l’existence de rapports sociaux de sexe, de ces
droits sur les femmes ou sur les hommes.
La formulation de l’égalité des sexes comme une « égalité entre
les femmes et les hommes » a généré une logique vicieuse et limitée,
centrée sur la comparaison de la situation de la femme avec celle de
l’homme, débouchant sur des approches et techniques juridiques de
type anthropologique.
Le droit et la doctrine ont ainsi assimilé les stéréotypes et les
valeurs masculines de la civilisation européenne et ont reproduit des
exclusions justifiées par ceux-ci (ex. suffrage « universel » reconnu
aux seuls hommes) ou ont tenté d’intégrer les femmes, non comme
personnes humaines mais comme catégorie socio-légale minoritaire
dont les membres font l’objet de droits passifs ou protecteurs, etc.
L’égalité formelle tolère toutes les exclusions de fait, concrètes. Il
suffit que la possibilité virtuelle existe pour les femmes de jouir d’un
droit pour que ne soient pas considérées comme discriminatoires des
situations inégalitaires, masquant ainsi la connaissance du caractère
systémique et collectif des discriminations au motif du sexe.
48 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

B. La valeur théorique originelle de la démocratie, égali-


té des citoyens, et par la suite, égalité des personnes
humaines, a été mutilée au profit d’un concept radicale-
ment différent, celui de l’égalisation
Cette disparition de l’égalité est caractérisée et le demeure par
l’impossibilité de formuler des systèmes réellement opératoires et de
limiter les engagements en matière d’égalité sexuelle à des énoncia-
tions principielles, de nature morale ou de déclaration d’intention, qui
s’expriment le plus souvent par « les États membres s’engagent à pro-
mouvoir, à faciliter ou favoriser, à développer [l’égalité], à s’efforcer
dans les limites des moyens existants, etc. ». Ces formules expriment
l’absence de volonté politique des gouvernements et des législateurs
de reconnaître un droit d’application directe, ayant des effets immé-
diats et concrets pour les femmes, contrôlable, justiciable et assorti de
sanctions sévères en cas de non-exécution mais, bien au contraire,
l’intention morale d’aboutir à quelques accommodations ou réformes
partielles sans obligation de les réaliser.
Le droit de l’égalité des sexes, grâce à sa substitution par l’égali-
sation, demeure circonscrit, diachronique, paralysé par diverses
logiques opposant intérêts particuliers, coulés en droits individuels, et
l’intérêt général, englué dans le labyrinthe des droits collectifs, bap-
tisés de manière impropre comme des droits de créance à géométrie
variable.
La jurisprudence de la Cour de Justice n’a pu échapper aux
impasses qui viennent d’être rappelées ni à la logique proportionnel-
le de l’égalité des chances. Il s’ensuit qu’elle-même a fixé les limites
de l’égalisation et de la promotion de l’égalité des chances, en
condamnant les réglementations nationales adoptant des mesures
assurant l’égalité de résultat (de nature collective et systémique) au
motif que cette dernière viole le droit individuel à l’égalité de traite-
ment d’un homme discriminé à rebours par les mesures envisagées.
De même, elle reconnaît comme justifiées des mesures de discrimi-
nation frappant les femmes dans les régimes de sécurité sociale des
États membres en considérant que l’intérêt général des politiques
L E S F E M M E S E T L E S C H A N G E M E N T S D E L A D É M O C R AT I E . . . 49

sociales, invoqué par ceux-ci, pouvait raisonnablement autoriser des


pratiques ou règles discriminant les femmes comme catégorie (par
ex. les chômeuses cohabitantes) à condition que soient démontrées
des raisons objectives, raisonnables et proportionnelles au but pour-
suivi par la politique sociale en cause.
C’est la négociation d’un droit, de surcroît prétendu fondamental,
que de décider que sa garantie dépend de motivations économiques
ou autres, de type opportuniste.

4. Obstacles politiques
L’absence de volonté politique réelle d’aboutir à la reconnaissan-
ce d’un véritable droit fondamental à l’égalité des femmes et des
hommes dans l’Union européenne est manifeste et récurrente, tant de
la part des États membres que des institutions et organes de l’Union,
à l’exception du Parlement européen qui a adopté d’innombrables
documents (résolutions, rapports, recommandations) et a fait réaliser
des études tout à fait convaincantes sur l’inachèvement de l’égalité de
statut comme de fait des femmes dans la Communauté européenne.
À présent que le Traité d’Amsterdam est entré en vigueur avec sa
mission nouvelle d’égalité entre les hommes et les femmes, on a pu se
rendre compte que cet ajout ne suffisait pas à résoudre les contradic-
tions du traité en matière d’égalité des personnes (cf. supra) notam-
ment quant au contenu, aux modes de décision et aux domaines de
compétence de sa mission d’égalité entre les femmes et les hommes.
De fortes menaces pèsent sur l’avenir communautaire de la démo-
cratie et de l’égalité.

A. Une injonction contradictoire : le « mainstreaming »


Dans la mise en œuvre, actuellement en cours, des articles 2 et 3
§ 2 du Traité d’Amsterdam, il apparaît que la disparition du concept
d’égalité des sexes au profit d’une politique d’égalisation soit deve-
nue la règle d’interprétation officielle dont se servent les décideurs
politiques pour s’abstenir d’aller plus avant.
50 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

Nous avons déjà souligné que le système institutionnel européen,


compte tenu du fragile équilibre à préserver entre actions et politiques
supranationales et compétences concurrentes ou exclusives des États
membres, requiert l’énonciation de bases juridiques certaines ainsi
qu’une délimitation de compétences précises.
Or la solution retenue par le Traité d’Amsterdam consiste à rem-
placer un objectif d’égalité, en soi, par la transversalité du « gender
mainstreaming » qu’il conviendrait de pratiquer dans toutes les poli-
tiques et actions – autres – de la Communauté qui sont énumérées par
l’art. 3 § 1. En revanche, la mission d’égalité proprement dite de la
Communauté disparaît de ce même alinéa premier de l’article 3.
Cette contradiction est loin d’être innocente : une des fins du traité
s’efface ou se réduit au moyen. En effet, l’immersion de la dimension
du genre dans les politiques communautaires ne peut que susciter, au
mieux, des politiques d’égalisation (éliminer les discriminations consi-
dérées comme injustifiées, promouvoir les chances et non réaliser un
résultat de fait, concret). Il ne s’agit pas de réaliser une politique d’éga-
lité de statut.
Si la fin justifie les moyens, les moyens ne peuvent devenir l’obli-
gation principale au détriment de la fin d’égalité, garantie.

B. Quelques exemples
1. Proposition de révision de la directive 76/207/C.E.E. sur
l’égalité de traitement.
Afin de résoudre la faiblesse de cette directive en ce qui concerne
les actions positives, la doctrine et la Commission des droits de la
femme du Parlement européen ont recommandé à la Commission
d’abroger l’ancienne disposition (art. 2 § 4) qui enferme les actions
positives et les limite au sous-statut d’une dérogation tolérée, sous
conditions, au droit individuel à l’égalité de traitement (sous sur-
veillance) et d’adopter une directive nouvelle sur les actions posi-
tives, fondée juridiquement sur l’art. 2 du Traité d’Amsterdam. Ce
nouvel instrument serait totalement consacré aux actions positives,
analysées comme une obligation positive et proactive pesant sur les
autorités de l’Union européenne et des États membres, chargées de
L E S F E M M E S E T L E S C H A N G E M E N T S D E L A D É M O C R AT I E . . . 51

veiller à la réalisation de l’égalité dans ses dimensions systémiques,


collectives, individuelles et de genre, et non plus, comme c’est le cas
actuellement, de manière négative, temporaire et dérogatoire.
2. Arguments du Conseil pour refuser la création d’un Conseil char-
gé des questions d’égalité, mission générale de l’Union européenne.
L’objectif d’égalité, inscrit pour la première fois dans l’article 2 du
Traité d’Amsterdam, constitue une mission très large, dépassant de
loin tout ce qui a pu exister par le passé puisque, auparavant, du point
de vue communautaire, l’égalité des sexes était strictement comparti-
mentée au domaine professionnel mais ne pouvait, faute de base juri-
dique existante, toucher aux domaines civils, politiques, culturels, etc.
Devant un tel changement de perspectives, la question fut posée au
Conseil de décider de l’opportunité de créer un « Conseil de l’égalité »
spécifique puisque telle était une des missions de la Communauté.
Quelle fut la réponse donnée par le service juridique du Conseil et qui
fut allègrement suivie sans discussion ? Il ne lui paraît pas opportun de
créer un Conseil spécial de l’égalité puisque tous les autres Conseils de
ministres sont tenus, en application de l’alinéa 2 de l’article 3, de pra-
tiquer l’égalité par le « mainstreaming ». Dans sa simplicité, cette solu-
tion est fort inquiétante car elle laisse supposer qu’une véritable volon-
té politique existe en la matière et c’est accorder une confiance énorme
dans la capacité des experts de maîtriser une analyse de genre des pro-
blèmes techniques qui leur sont soumis, pour lesquels ils sont spécia-
listes, dans des questions extrêmement compliquées d’économie, de
fiscalité, de santé, de transports, de commerce, etc. On ne s’improvise
pas spécialiste en « gender dimension ». À cet égard, je renvoie à un
document récent de la Commission : « Proposition d’un Programme
cadre communautaire sur l’égalité de genre (2001-2005) ».
L’objectif global du programme porte sur la promotion de l’égalité
de genre dans la Communauté et dans les États membres en visant tous
les aspects de la vie économique, sociale, la représentation politique et
la société civile. On notera que le programme inclut une partie métho-
dologique dans laquelle il est rappelé que l’élaboration de politiques de
genre nécessite des méthodes spécifiques, des outils et des structures
qui correspondent au caractère culturel des inégalités de genre !
52 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

Ce divorce permanent entre le Conseil et la Commission se consta-


te chaque fois qu’il s’agit de faire avancer l’égalité de genre dans
l’Union européenne. Cette absence de volonté politique se retrouve le
plus souvent au sein des gouvernements de la plupart des États
membres. Elle se manifeste par le refus de reconnaître un droit de
l’égalité d’application directe, ayant des effets immédiats et concrets
pour les femmes, un droit contrôlable, justiciable. Ce qui veut dire que
les personnes et/ou les collectivités pourraient ester en justice, seraient
garanties par des sanctions sévères en cas d’inexécution. Au contrai-
re, qu’observons-nous ? Le refus de formuler des systèmes réellement
opératoires (par exemple en matière de représentation politique pari-
taire des femmes et des hommes) ; la volonté de limiter les engage-
ments en matière d’égalité de genre à des énonciations de principes,
de nature morale ou déclaratoires, dont on sait qu’elles déboucheront
sur quelques accommodations ou réformes partielles, sans obligation
contraignante de les réaliser.
Par ailleurs, les mentalités ont évolué comme les discours. Et ces
derniers font entrevoir qu’il n’est plus possible de ne pas poser la
question de la légitimité d’une démocratie qui ne reconnaîtrait pas un
égal partage et une égale responsabilité des femmes et des hommes
dans la gestion de la chose publique.
Il existe de nombreux facteurs institutionnels et culturels qui ont
permis cette singularité historique des démocraties contemporaines
qui, pendant plus de deux siècles, ont reconnu l’exclusion de la par-
tie féminine du peuple du système politique comme compatible avec
la valeur sacrée de l’égalité des personnes humaines, de leur libre
autonomie et du pouvoir exercé par le peuple pour le peuple.
Cette universalité de l’égalité des personnes, neutres, asexuées
continue à nous piéger. Et le recours à l’universalité des droits ren-
force les obstacles actuels sur le chemin de la parité.
Parmi ceux-ci, j’en vois quelques-uns.
C’est d’abord le détournement de la rhétorique juridique de l’éga-
lité vers le processus (le moyen) de l’égalisation. L’égalisation est
devenue une fin en soi parce que l’égalité est conçue comme idéale,
de l’ordre de la morale et des valeurs suprêmes. Elle doit guider nos
L E S F E M M E S E T L E S C H A N G E M E N T S D E L A D É M O C R AT I E . . . 53

pas mais elle ne peut s’imposer car elle est impossible à réaliser sans
porter atteinte aux droits acquis des nantis.
D’où le succès du concept sociologique et non juridique de l’éga-
lité des chances. Celui-ci permet de compenser quelques discrimina-
tions trop criantes, trop évidentes, de rendre supportables de trop
fortes injustices.
C’est ensuite le détournement au profit des droits individuels de
l’aspect systémique et collectif du droit à l’égalité des sexes. La
contradiction n’est qu’apparente mais l’opposition, entre une reven-
dication de parité qui se fonde sur une analyse de genre de la société
politique et le caractère privatif individuel de chaque citoyen d’exer-
cer en toute liberté son choix politique, n’est qu’apparente. Il suffit de
rappeler que la liberté de chacun connaît une limite : le respect des
principes fondamentaux, donc collectifs de la société.
Un exemple vient de nous être donné par la Ministre suédoise de
l’Égalité. Voilà une université qui décide d’imposer un quota de
femmes pour parvenir enfin à l’égalité sexuée des professeurs et char-
gés de cours en son sein. Que dit la Cour de Justice des Communautés
européennes ? Cette mesure est contraire au droit communautaire de
l’égalité de traitement. Réaffirmant sa jurisprudence antérieure, la
Cour déclare que la seule interprétation licite du principe de l’égalité
de traitement se borne à autoriser des mesures d’égalisation des
chances, temporaires et préservant surtout le droit individuel de cha-
cun à l’égalité des sexes. Un quota (collectif par nature puisqu’il tend
à remédier à des discriminations systémiques) ne peut servir que
d’objectif quantifié à atteindre mais il ne peut automatiquement pro-
duire des résultats car il violerait le droit individuel à l’égalité de trai-
tement que chaque travailleur européen retire du traité. La Cour refu-
se de faire l’analyse de genre du droit de l’égalité, de fixer la
hiérarchie entre les aspects individuels et collectifs de la revendica-
tion d’égalité des femmes qui s’individualise dans un cas concret
certes, mais trouve sa légitimité dans une revendication collective.
Des contradictions non résolues, de ce type, nous en avons de
nombreux exemples. Il en est de même lorsqu’il faut affronter la
logique de la parité.
54 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

Il est de mode actuellement de proclamer que la parité est un


moyen mais que l’égalité demeure la fin poursuivie.
Cela me paraît un glissement hasardeux et même dangereux. La
parité me paraît un concept qui traduit, à la lumière de l’analyse de
genre des rapports sociaux de sexe, ce que représente, au XX e siècle,
l’égalité des personnes humaines, inscrites dans une société, dans
laquelle les rôles, la psychologie, les attentes et les désirs de chaque
individu comme leur socialisation sont largement surdéterminés par
le sexe biologique et social.
En démocratie, la valeur d’égalité des citoyens ne pourra se réali-
ser que dans la mesure où la parité transcende la figure de l’égalité,
la fait sortir d’une dimension mathématique, quantitative, mesurable
en chiffres ou en pourcentages et lui substitue le concept d’équilibre,
de partenariat établi et consenti par les deux composantes du peuple,
composé d’hommes et de femmes à dignité égale.
Les moyens de réaliser l’organisation d’un système politique,
cohérent, avec cette valeur de parité et de dignité humaines, combi-
nent un ensemble de procédures, de méthodes, de structures et d’ins-
titutions : cet ensemble de moyens à mettre en œuvre peut être quali-
fié de « démocratie paritaire ».
Cette analyse tridimensionnelle qui recourt au genre, à la parité et
à la démocratie paritaire devrait nous permettre de dépasser cette
stagnation où s’embourbe depuis un siècle le processus d’égalisation
et nous donner une vision dynamique de la démocratie revisitée par
de nouveaux rapports de genre.
Une occasion institutionnelle existe aujourd’hui en Belgique. Le
gouvernement a déposé son projet de modification de la Constitution
en matière d’égalité des sexes.
Le nouvel article 10 bis de la Constitution reflète singulièrement :
1. les ambiguïtés de l’égalité, droit fondamental ou principe décla-
ratoire inefficace ;
2. la contradiction entre la nature individuelle subjective et la
nature collective systémique de l’égalité ;
3. l’autodestruction d’un droit qui se reconnaît comme incapable
d’exécution immédiate.
L E S F E M M E S E T L E S C H A N G E M E N T S D E L A D É M O C R AT I E . . . 55

En effet, le premier alinéa de l’art. 10 bis reconnaît le droit à l’éga-


lité des femmes et des hommes, en tant que droit constitutionnel donc
fondamental. Cette reconnaissance s’exprime de manière incondi-
tionnelle, claire et précise.
Malheureusement, la qualité de droit fondamental devient discu-
table dans les paragraphes qui suivent car le projet impose aux auto-
rités publiques, non pas de réaliser ce droit par des mesures appro-
priées, mais de le « favoriser ».
Une telle expression renvoie, hélas, à la notion d’égalisation pro-
gressive et contredit la garantie inconditionnelle que supposait la lec-
ture du premier alinéa.
Enfin, la référence numérique qui vise la composition « paritaire »
des exécutifs traduit cette autodestruction que nous venons d’évoquer.
En effet, anticipant, on le suppose, les difficultés partisanes et
autres qui pourraient s’élever dans la mise en œuvre équilibrée de la
composition paritaire des assemblées et des exécutifs, le texte prévoit
qu’il sera satisfait à l’égalité (droit ? principe ? déclaration ?) lors-
qu’il y aura un représentant de l’un ou l’autre sexe au moins dans la
composition de l’institution visée.
Pour terminer, je vous dirai que les questions que je viens d’expo-
ser ne sont pas des arguties de juristes mais qu’elles témoignent, tant
au niveau européen que national, de l’inaboutissement conceptuel du
droit à l’égalité.
S’agit-il véritablement de la quadrature du cercle ou d’un refus de
la société en son ensemble de considérer l’égalité de la femme et de
l’homme comme question légitime, démocratique et essentielle pour
l’avenir ?
L’égalité entre les femmes et les hommes
vue au travers de l’action de l’Office wallon
de la Formation professionnelle
et de l’Emploi (FOREM)

Basilio Napoli
Directeur général a.i. au FOREM

Montaigne disait : « Les femmes ont raison de se rebeller contre


les lois parce que nous les avons faites sans elles ». Ceci pour vous
dire que le sujet de cette journée a occupé d’autres esprits avant nous
et qu’un homme, épris de liberté et de démocratie, s’en est préoccu-
pé lui aussi. Avant de poursuivre, je tenais donc à souligner que je
suis très heureux de prendre, à mon tour, la parole dans ce colloque
où il y a, à mon sens, trop peu d’hommes, car je suis convaincu que
c’est par une réflexion commune, qui allie hommes et femmes, que
nous arriverons à plus d’égalité.
Se fixer des objectifs d’égalité, pour une institution comme la
nôtre, dans la conjoncture actuelle et la configuration – actuelle et
future – du marché de l’emploi, constitue un réel défi. Le FOREM a
décidé de le relever, défendant ainsi l’idée que le service public de
l’emploi wallon doit exercer une fonction correctrice des inégalités,
que ce soit dans la quantité ou dans la qualité du service qu’il rend et
devenir un des instruments – car son action seule ne suffira pas – qui
permettra de passer d’une égalité de jure à une égalité de facto.
L’égalité entre les femmes et les hommes est, sans aucun doute, un
principe qui doit sans cesse être défendu, où que nous nous trouvions,
comme l’un des principes fondateurs de toute démocratie, à l’image
de l’égalité au sens large, pour tous les êtres humains, quelles que
soient leur origine ethnique, leur religion, leur différence.
L’ É G A L I T É E N T R E L E S F E M M E S E T L E S H O M M E S . . . 57

La déclaration de principe
Ce principe est inscrit, par ailleurs, dans le Contrat de gestion du
FOREM, parmi les principes essentiels du service public : « qu’aucu-
ne distinction ne soit faite entre usagers quant à l’accès au service
public comme au service rendu lui-même ». Il est également traduit
dans les chartes qui lient le FOREM à ses usagers et usagères : « Offrir
le même niveau de service à tous sans aucune discrimination ».
Vous me direz qu’il est sans doute « plus facile », comme le sou-
lignait Édouard Herriot, « de proclamer l’égalité que de la réaliser »,
et vous aurez raison, sans aucun doute.
Pour aborder la délicate question de la définition d’objectifs
d’égalité, nous ne pouvons faire l’économie d’un état des lieux, d’une
description de la situation des femmes sur le marché de l’emploi,
pour mieux décrire, dans un second temps, la situation que nous sou-
haiterions atteindre. Le choix des stratégies appropriées pour arriver
à plus d’égalité pour les femmes et pour les hommes constitue une
autre étape importante, avant la mise en œuvre des actions.

La situation des femmes sur le marché de l’emploi


Que nous révèle l’analyse de la situation des femmes sur le mar-
ché de l’emploi ?
Liberté, égalité, parité… il y a incontestablement encore du chemin
à faire. Lorsque l’on considère que les femmes ont encore difficile-
ment accès à l’indépendance économique que donne un emploi.
Quand, parfois, à la recherche d’un emploi à temps plein, elles s’en
voient proposer un à temps partiel, parfois à horaire coupé. Lorsque le
fait d’avoir choisi un emploi à temps partiel, d’avoir choisi d’élever
leurs enfants ou d’organiser leurs horaires de travail de façon à mieux
assumer leur rôle de mère bloque leur carrière professionnelle, et que,
dans de nombreux cas encore, lorsqu’une possibilité de promotion se
présente, elles s’en trouvent écartées au profit d’un homme pour des
raisons pas toujours en relation avec leurs compétences.
58 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

La décrue du chômage est une réalité depuis de longs mois déjà.


Les chiffres sont là pour en témoigner. En juin 2000, le nombre de
chômeurs complets indemnisés avait baissé de 32.896 unités par rap-
port à l’année 1999 à la même période (23.945 en Flandre, 7.977 en
Wallonie, 974 en Région bruxelloise). La baisse est répartie de
manière « équitable » entre les deux sexes : 16.461 femmes et 16.435
hommes. On serait tenté de dire que tout va bien.
Le taux de chômage global s’élève aujourd’hui, en Belgique, à
10,1 %. En juin 1999, il s’élevait à 10,9 %. Lorsque l’on désagrège
ces données par sexes, nous constatons que, si le taux de chômage
féminin a enregistré une baisse de 1 % (0,7 % pour le taux de chô-
mage masculin), il s’élève toujours à 12,9 % pour l’ensemble du pays
(7,9 % pour le taux de chômage masculin), et à 19,8 % en Wallonie
(12,2 % pour le taux de chômage masculin). Certes, des progrès ont
été réalisés, si l’on considère que nous venons, en Wallonie, d’un taux
de chômage féminin de 22,2 % (chiffres de 1997).
Voilà des chiffres encourageants, il est vrai, mais qui doivent être
nuancés. En effet, les femmes trouvent de l’emploi, mais quel emploi
et quels problèmes rencontrent-elles dans leur recherche d’emploi,
dans leur recherche de formation, dans leur recherche d’information et
d’accompagnement ?

1. Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à occuper


un emploi à temps partiel. Ainsi, parmi les travailleuses, 33,7 %
d’entre elles travaillent à temps partiel (contre 3,9 % des travailleurs).
Ce temps partiel n’est pas toujours choisi – ainsi, dans 49 % des cas,
pour les femmes (35 % pour les hommes), elles occupent un emploi
à temps partiel faute d’avoir trouvé un emploi à temps complet. Cet
emploi n’est pas toujours un emploi de qualité, il touche essentielle-
ment des tâches peu qualifiées, stressantes. Les horaires, contraire-
ment à ce que l’on s’imagine habituellement, sont difficilement
conciliables avec la vie de famille : le travail s’effectue le soir, le
week-end. Un emploi à temps partiel est généralement moins bien
payé, et procure une image moins valorisante socialement (exemple :
personnel d’entretien des bureaux, caissières, etc.). À la maison,
L’ É G A L I T É E N T R E L E S F E M M E S E T L E S H O M M E S . . . 59

comme la femme ne travaille pas à temps plein, il est souvent jugé


normal qu’elle assume le gros des tâches ménagères.
2. Par ailleurs, 84,8 % des bénéficiaires de l’interruption de car-
rière sont des femmes, entre autres pour l’éducation des enfants, ce
qui freine, inévitablement, leur carrière ou rend difficile leur retour
sur le marché de l’emploi.
3. Lorsqu’elles décident de s’engager dans une recherche d’em-
ploi ou de formation, c’est, parfois, le « parcours de la combattante » :
certaines portes se ferment, les stéréotypes entrent en jeu, des ques-
tions d’ordre privé, sans rapport avec leurs compétences, sont abor-
dées lors des entretiens : « Avez-vous des enfants ? Avez-vous enco-
re l’intention d’avoir des enfants ? Quel âge ont-ils ? Que ferez-vous
si votre enfant tombe malade ? Comment va réagir votre mari si vous
travaillez ? Comment allez-vous organiser votre vie privée ? » Des
questions qui ne seraient jamais posées à un homme. Parlant de cette
inégalité de traitement, à laquelle doivent faire face les femmes dans
leur parcours d’insertion, la Ministre Marie Arena affirmait, dans une
interview qu’elle accordait au quotidien Le Soir le lundi 15 mai
2000 : « Il faut changer les mentalités. Si je puis y contribuer, j’en
suis, mais alors là, ravie ! »
4. Côté « formation », certaines professions ou formations leur
sont fermées. Avant d’entrer en processus de formation, elles doivent
se mettre à la recherche d’une structure qui accueille leur(s) enfant(s),
car, tant qu’elles ne travaillent pas, il est encore jugé normal qu’elles
s’occupent d’eux, qu’elles les conduisent à la crèche ou à l’école, qui
ne sont pas toujours à côté de leur domicile, et qu’elles aillent les
rechercher le soir. Dans certains cas, plus graves, elles doivent se
dégager de l’emprise – parfois violente – d’un conjoint ou d’un
ascendant qui estime que « la place de la femme est à la maison et
qu’une formation, ce n’est pas un travail et ça ne fait pas rentrer de
sous dans le ménage ».
5. La réalité économique est là. Le revenu de la femme constitue
encore souvent un revenu d’appoint dans le ménage. Il persiste d’im-
portants écarts (de l’ordre de 30 %) entre les salaires féminins et les
salaires masculins. Selon les chiffres annoncés par Eurostat en août
60 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

2000, 79 % des salariés à bas salaires en Belgique sont des femmes.


Par ailleurs, près de 78 % des chômeurs suspendus pour durée anor-
malement longue sont des femmes (sources ONEM 1997). De plus,
les femmes constituent le noyau de la majorité des familles monopa-
rentales et sont, trop souvent encore, victimes de violence familiale,
qui entrave leur insertion sur le marché de l’emploi et leur accès à
l’indépendance économique.
6. En Belgique, comme dans les autres états de l’Union européen-
ne, le risque de pauvreté et de précarité touche plus les femmes que les
hommes. Parmi les personnes bénéficiant du minimex, 60 %, en
moyenne, sont des femmes. On retrouve à peu près la même proportion
que pour le taux de chômage. La plupart de ces femmes ont moins de
40 ans, ne possèdent ni qualification ni expérience de travail, manquent
d’information et nécessitent un accompagnement spécifique de leur
parcours d’insertion (accueil des enfants, solutions au surendettement,
problèmes de survie à résoudre avant toute autre démarche, etc.).
7. Une caractéristique importante, également, du marché de l’em-
ploi féminin, est, sans aucun doute, la ségrégation, horizontale et
verticale, du marché de l’emploi. Les emplois féminins se concen-
trent autour du secteur des services et au niveau « exécutant ». On
retrouvera les femmes dans les professions liées au secteur social, au
secteur des soins aux personnes, dans le commerce et l’Horeca, dans
les banques, les compagnies d’assurance, les administrations, l’en-
seignement, etc.
Dans les secteurs et emplois qu’elles occupent, il est encore rare
de trouver une femme à un poste de décision. Ainsi, les femmes
représentent, en Belgique, 18,8 % des « postes d’encadrement supé-
rieur et de direction » (30,6 % en Norvège, 27,9 % en Suède) ; par
contre, en matière de « postes d’encadrement et postes techniques »
occupés par des femmes, elles représentent 50,5 % du total (58,5 %
en Norvège, 63,7 % en Suède). Ces chiffres sont tirés du « Rapport
mondial sur le développement humain » de 1999 du Programme des
Nations Unies pour le Développement.
Par ailleurs, leurs tâches et les fonctions qu’elles occupent sont
souvent celles d’exécution, même si elles possèdent toutes les com-
L’ É G A L I T É E N T R E L E S F E M M E S E T L E S H O M M E S . . . 61

pétences et les qualifications requises, ce qui est de plus en plus sou-


vent le cas, puisque leur niveau de scolarisation est souvent supérieur
à celui des hommes. Je ne citerai, à titre indicatif, que les chiffres des
demandeurs d’emploi indemnisés « niveau études supérieures » :
10.848 femmes et 5.859 hommes.
Voilà un tableau non exhaustif et rapidement brossé de la situation
des femmes sur le marché de l’emploi en Belgique.
Par ailleurs, je suis convaincu que le FOREM peut encore dévelop-
per sa connaissance du marché de l’emploi. Il occupe, via ses
conseillers et conseillères, un emploi en contact direct et quotidien avec
le public, un poste privilégié d’observation et de vigilance à cet égard,
et, plus particulièrement, par rapport au marché de l’emploi féminin.
Cette situation privilégiée devrait pouvoir nous permettre d’être proac-
tifs en matière d’égalité et de mettre sur pied des actions correctrices
des inégalités rencontrées par les femmes, mais aussi par toutes les
catégories de demandeurs d’emploi s’adressant à nos services.

Importance de la population féminine dans les pro-


cessus gérés par le FOREM
Si l’on se réfère aux lignes directrices européennes pour l’emploi,
à leur quatrième pilier, tel que défini dans le Traité d’Amsterdam
(1997), « renforcer l’égalité des chances pour les femmes et pour les
hommes », et à la recommandation « de garantir aux femmes le béné-
fice des politiques actives du marché de l’emploi proportionnelle-
ment à leur taux de chômage », où en sommes-nous ?
Globalement, les chiffres de juillet 2000 concernant les mesures de
résorption du chômage révèlent que 64 % de ces mesures ont bénéfi-
cié aux publics féminins. Les données concernant l’aspect qualitatif
des emplois ainsi conférés sont insuffisantes pour en faire ici une ana-
lyse fine, mais dans l’ensemble, les demandeuses d’emploi concernées
ont bénéficié, en grande partie, des mesures PRIME et ACS, Loi
Programme, qui concernent le secteur non marchand. Par contre, les
demandeuses d’emploi sont encore sous-représentées dans les
62 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

mesures de résorption du chômage qui concernent le secteur mar-


chand. Je ne parle ici que des mesures régionales, et vous renvoie,
pour les mesures fédérales, à l’excellente étude publiée par la
Direction de l’égalité des chances du Ministère de l’Emploi et du
Travail.
Que dire de nos formations professionnelles, dans quels types de
formation s’engagent les demandeuses d’emploi qui s’adressent à
nous ? Quelques chiffres nous montrent qu’une légère évolution se
dessine, qu’il s’agisse de formations assurées dans les centres de for-
mation du FOREM ou en partenariat.
Ainsi, nous pouvons constater une entrée des femmes dans cer-
taines formations traditionnellement investies par les hommes : 11
femmes se trouvent actuellement en formation « ajusteur », 3 en for-
mation « cariste », 7 en formation « conducteur d’autobus », 2 en per-
fectionnement « poids lourds », 16 en formation « magasinier », 11
en formation « presse », 9 en formation de base « soudure », etc. Vous
aurez remarqué que j’utilise les termes au masculin, c’est toujours
ainsi que les formations sont renseignées dans les codes internes,
mais il faut savoir que toutes les formations du FOREM sont ouvertes
aux femmes comme aux hommes, sans discrimination.
En ce qui concerne les nouvelles technologies et les « nouvelles
professions », nous constatons que les femmes sont présentes dans
des formations telles que « éco-conseil », « informatique opérateur »
(6 femmes pour 56 hommes, c’est un début !), « traitement de l’eau »
(7 femmes pour 10 hommes), « programmeur internet » (8 femmes
pour 7 hommes), « technicien en logistique intégrale » (19 femmes
pour 76 hommes), etc.
Les hommes, en ce qui les concerne, font une timide apparition
dans des formations traditionnellement féminines telles que « auxi-
liaire polyvalente » (5 hommes pour 126 femmes, ce qui constitue,
néanmoins, une baisse par rapport à 1999), « nettoyeur industriel »
(50 hommes pour 85 femmes), « tricoteuse – formation de base » (2
hommes et 5 femmes).
Il est également agréable de constater que, pour une formation
telle que celle de « chef de service informatique », 25 % des stagiaires
L’ É G A L I T É E N T R E L E S F E M M E S E T L E S H O M M E S . . . 63

sont des femmes, ce qui, à mon sens, est révélateur d’une évolution
certaine de l’offre de formation. Cette formation « attaque », si je puis
m’exprimer ainsi, la double ségrégation de l’emploi sous ses deux
angles, puisqu’elle vise une qualification pour des postes à responsa-
bilités dans les nouvelles technologies.
Je ne veux pas dire par là que la solution aux problèmes que ren-
contrent les femmes sur le marché de l’emploi est d’entrer dans une
filière dite « non traditionnelle », et je ne souhaite pas entrer dans la
polémique. Nous pouvons toutefois citer l’exemple de l’insertion
durable, dans les chaînes de production de Caterpillar, d’une douzai-
ne de femmes d’origines professionnelles différentes, à la suite d’une
formation intensive en centre de formation professionnelle.
L’insertion des femmes dans les professions traditionnellement
masculines permet aussi de favoriser l’émergence de solutions alter-
natives pour la manutention des charges, la conception des postes de
travail, qui ne peuvent aller que dans le sens d’une meilleure adapta-
tion de l’outil de travail pour les hommes et pour les femmes et d’une
diminution des risques d’accidents de travail et de maladies profes-
sionnelles (douleurs dorsales, hernie discale, etc.).
Malgré nos efforts vers une déségrégation du marché de l’emploi
et vers une distribution équitable des ressources pour les femmes et
pour les hommes, la réalité des chiffres nous rappelle que, effective-
ment, il nous reste pas mal de chemin à parcourir, puisque, à ce
moment de l’année 2000, les formations organisées par le FOREM,
en gestion directe et en gestion indirecte, concernent 12.628 hommes
et seulement 7.090 femmes.
Autre exemple, une enquête récente (septembre 1999) effectuée à
l’Espace Ressource Emploi de Charleroi nous révèle que 59 % des
personnes qui le fréquentent sont des hommes. Nous devons mainte-
nant nous poser la question du comment, comment faire en sorte que
les femmes fréquentent davantage ces espaces ressources ?
Signalons aussi que la mesure de mise à l’emploi reprise sous le
vocable « Plan Formation-Insertion » (P.F.I.) a bénéficié à 73,9 %
d’hommes, donc seulement à 26,1 % de femmes. On remarque, par
ailleurs, que près de 55 % des P.F.I. sont réalisés dans le secteur
64 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

secondaire, presque exclusivement par des hommes. Les femmes sont


représentées au niveau des P.F.I. essentiellement dans le secteur ter-
tiaire (plus ou moins 45 % des P.F.I. dont 55 % de femmes). La mesu-
re n’est pas elle-même génératrice de ségrégation, mais suit la ségré-
gation traditionnelle du marché de l’emploi.
L’amélioration de certaines données statistiques, revendiquée – et
obtenue – en son temps par le Réseau égalité des chances du
FOREM, a permis d’obtenir ces données désagrégées par sexes.
Maintenant, il nous reste à voir ce que nous allons en faire et com-
ment, à partir de ce que nous constatons, nous allons intégrer ces
résultats pour une meilleure adaptation de nos services aux femmes,
qui constituent 56,5 % de notre public (chiffres de la demande d’em-
ploi inscrite au FOREM au 30 juin 2000).
Un petit mot encore sur la situation des femmes qui font partie du
personnel interne du FOREM. Tous sites confondus, force est de consta-
ter que des progrès restent à réaliser, si l’on considère que les postes à
responsabilités sont encore, en majeure partie, occupés par des hommes.
Les femmes représentent ainsi 58,1 % du personnel statutaire.
Toutefois, elles ne représentent que 26,2 % des statutaires de niveau
universitaire, alors qu’elles représentent 82,2 % des statutaires de
niveau trois. 77,4 % des contractuels de régime public sont des
femmes. Seulement 35,1 % des contractuels de régime privé, généra-
lement mieux rémunérés, sont des femmes.
Comme dans beaucoup d’autres secteurs, on constate, par ailleurs,
que les femmes constituent la grosse majorité des agents FOREM à
solliciter une interruption de carrière, un congé sans solde pour s’oc-
cuper de leurs enfants malades, à occuper un emploi à temps partiel.
La pyramide des âges nous donne également des éléments intéressants
en la matière (80,2 % des agents de moins de 30 ans sont des femmes,
64 % des agents entre 30 et 39 ans, 66,6 % entre 40 et 49 ans, la ten-
dance s’inverse au-delà de 50 ans avec seulement 41,8 % de femmes).
En ce qui concerne les salaires, les hommes gagnent, en moyenne,
32,2 % de plus que les femmes. 50 % des femmes employées par le
FOREM gagnent moins de 65.000 francs de salaire brut par mois,
contre 18 % des hommes. Les postes de direction générale sont occu-
L’ É G A L I T É E N T R E L E S F E M M E S E T L E S H O M M E S . . . 65

pés en majorité par des hommes. Par contre, et c’est encourageant,


nous pouvons constater que nos collègues féminines se sont investies
dans des fonctions-clés dans le domaine des nouvelles technologies,
et que la fonction de « webcoach » est presque exclusivement exer-
cée par des femmes. Les centres de formation du FOREM comptent
également de nombreuses instructrices en micro-informatique.

Historique
Fort heureusement, le FOREM s’est engagé de bonne heure dans
la lutte contre les discriminations hommes/femmes, puisque, à sa
création en 1989, il recevait, en héritage de l’Office national de
l’Emploi, un Réseau égalité des chances créé dans le courant des
années ‘70 et officialisé en 1986 au sein de ses services de la
Formation professionnelle.
Très tôt, ce groupe de douze personnes, présidé par Maryse Menu,
aujourd’hui Conseillère technique à la Formation professionnelle du
FOREM, avait pris conscience de la nécessité de mettre sur pied des
actions positives de formation pour les demandeuses d’emploi,
actions destinées à corriger les inégalités dont elles étaient victimes
sur le marché de l’emploi et de la formation.
Ainsi, les centres d’orientation spécialisés dans les métiers du sec-
teur secondaire ont organisé des sessions ouvertes exclusivement aux
femmes, des formations aux métiers de l’informatique et à la vente
automobile ont été mises sur pied pour les femmes, etc.
En 1989, sous l’impulsion de Monsieur Méan, actuel administra-
teur général du FOREM, un même réseau a été créé au sein des ser-
vices de l’emploi. Depuis 1994, ces deux réseaux n’en forment plus
qu’un seul, constitué d’une trentaine de personnes, hommes et
femmes, répartis dans les différentes régions et services du FOREM.
Leur mission est multiple : il s’agit d’une mission d’écoute des pro-
blèmes exprimés par les femmes dans leur recherche d’emploi, de
vigilance et de recommandations, de recherche de solutions pour les
demandeuses d’emploi qui s’adressent aux services du FOREM, de
personnes ressources et relais pour les collègues, les partenaires, de
66 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

sensibilisation du personnel et des demandeuses d’emploi, etc. Cette


mission, les membres du Réseau l’exercent en plus de leur mission
« classique », de terrain.
Une étude commandée par le Réseau égalité des chances du
FOREM à l’Université de Liège sur les problèmes et les atouts des
femmes en recherche d’emploi et une enquête sur les besoins en
structures d’accueil des enfants permet alors de mettre en lumière
certaines difficultés, chez les demandeuses d’emploi, à concilier vie
familiale et parcours professionnel, à gérer leur temps et leur stress, à
valoriser leurs atouts et s’affirmer dans leur recherche d’emploi.
La réponse aux besoins exprimés sera de deux types :
1. La mise au point de modules de formation à destination des
femmes. Un module destiné aux « femmes rentrantes », dont l’objec-
tif s’inscrit parfaitement dans la ligne directrice 21 « faciliter la réin-
tégration dans la vie active ». D’autres modules et actions de forma-
tion dans le cadre de la gestion du temps et du stress et l’affirmation
de soi seront également mis sur pied.
2. La création de structures d’accueil qui reçoivent les enfants des
demandeuses et des demandeurs d’emploi en recherche d’insertion.
Des « Maisons d’enfants » du FOREM sont ainsi créées à Charleroi,
à Mariembourg et à Liège. De coût très réduit, elles offrent aux
parents une solution rapide à tout problème de garde d’enfant(s)
« dans l’urgence ».
Depuis la création des « Maisons d’enfants », la réflexion s’est
enrichie de différentes propositions, dont l’une, en voie d’aboutir,
concerne une intervention dans la prise en charge des frais d’accueil
des enfants des demandeurs et demandeuses d’emploi en formation
au FOREM ou chez l’un de ses partenaires. La proposition a été
déposée par Paul Simar, Conseiller technique intersectoriel de la
Formation professionnelle au FOREM et est actuellement en cours
d’examen au cabinet de la Ministre de l’Emploi et de la Formation du
Gouvernement wallon, Marie Arena.
Une idée à développer, en cette matière, serait celle d’une aide
systématisée et structurée à la recherche de solutions d’accueil des
enfants, comme service fourni par le FOREM. Cette aide existe déjà
L’ É G A L I T É E N T R E L E S F E M M E S E T L E S H O M M E S . . . 67

dans certaines régions, via les conseillers et conseillères en égalité


des chances ou via d’autres agents du FOREM, mais n’est pas systé-
matique et généralisée.
Une autre action concrète en faveur de l’égalité – action qu’il faut,
il est vrai, souvent remettre « sur le tapis » – est l’action « offres
d’emploi non discriminatoires ». Le FOREM, comme toute personne
diffusant une offre d’emploi, se doit de suivre le prescrit légal en la
matière et le principe de non-discrimination, mais force nous est de
constater, en la matière, que les habitudes et les stéréotypes, souvent
inconscients, nous font formuler soit au masculin soit au féminin une
offre d’emploi, une fonction, un intitulé de formation.
Le travail, dans ce cas, et le Réseau égalité des chances l’a parfaite-
ment compris, doit être un travail de fond. Sur HotJob, le site Internet
du FOREM, vous trouverez encore des offres sexuées, au féminin ou
au masculin. L’action à entreprendre – et déjà entreprise – est ici une
action de sensibilisation de nos collègues, via des groupes de réflexion,
via un « coaching égalité », via la construction d’outils (check-lists, slo-
gans, etc.), en utilisant tous les vecteurs d’information. Le Réseau éga-
lité du FOREM travaille à l’élaboration et à la mise à jour d’outils de
ce type. Le rôle que jouent ses membres, ce rôle de veille-action per-
pétuelle, est déterminant en la matière et, avouons-le, pas toujours faci-
le, dans une matière comme l’égalité hommes/femmes, qui touche les
valeurs profondes de chacun et de chacune.
Une autre action importante, menée par quelques membres du
Réseau, fut l’inclusion d’une clause, dans les conventions de parte-
nariat qui lient le FOREM et les Régies de Quartier. Cette clause sti-
pule qu’un quota de 30 % de femmes devra être respecté dans le cadre
de cette initiative.
Petit à petit, mot après mot, brique après brique, l’égalité se
construit, au FOREM, pour les hommes et pour les femmes.

Partenariats nationaux et régionaux


Dans ses actions de promotion de l’égalité des chances pour les
femmes et pour les hommes, le FOREM a très tôt développé des liens
68 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

avec le Ministère de l’Emploi et du Travail, et plus spécialement avec


son Service égalité des chances et sa cellule Actions positives, non
seulement dans l’échange et la circulation de l’information, mais
dans une réelle collaboration (organisation de conférences et d’expo-
sés, collaboration dans le cadre de la politique d’accueil des enfants,
participation à des projets comme JUMP, etc.).
D’autres collaborations se poursuivent avec l’a.s.b.l. Amazone,
dans le cadre du projet EUWEDIN, avec le Réseau FLORA, pour la
création d’un outil de formation de formateurs/trices à l’égalité des
chances, pour ne citer que les principales.
Nous pouvons donc parler d’une participation réelle du FOREM
sur le terrain de l’égalité pour les femmes et pour les hommes et
d’une implication de son réseau égalité dans la réflexion globale pour
l’égalité au niveau national.

Développement de la dimension européenne


Au cours des dix dernières années, le FOREM a également large-
ment développé la dimension européenne sur le terrain de l’égalité des
chances pour les femmes et les hommes, en participant à deux projets
dans l’initiative Emploi NOW (New Opportunities for Women).
Le premier, SOFIA, en partenariat avec la Grèce, l’Espagne et le
Portugal, a permis de mettre au point plusieurs produits de formation
à destination des femmes. Le second, AMPHITRITE, en partenariat
avec l’Espagne et la Sardaigne, a débouché sur une formation de l’en-
semble des membres du Réseau égalité des chances, leur a donné une
expertise en matière d’égalité et constitue une première étape vers le
« mainstreaming ».
Actuellement, le FOREM est engagé dans plusieurs projets ayant
pour but de promouvoir l’égalité pour les femmes et pour les hommes
sur le marché de l’emploi et des formations :
1. Un projet Fonds Social Européen, intitulé « Femmes
Redynamisation Emploi » a démarré en 1998 dans les centres
d’orientation du FOREM et vise à donner aux femmes un accompa-
L’ É G A L I T É E N T R E L E S F E M M E S E T L E S H O M M E S . . . 69

gnement – adapté à leurs besoins spécifiques – de leur projet profes-


sionnel. Il utilise certains produits développés par le Réseau égalité
des chances en les intégrant dans le processus classique d’orientation.
2. Un projet Fem Training Net, dans le cadre du Programme
Leonardo da Vinci, en partenariat avec le VDAB, la Région germa-
nophone, le Luxembourg et l’Autriche, a pour objectifs de renforcer
la participation des femmes et des jeunes filles aux nouvelles techno-
logies de l’information et de faciliter le retour sur le marché de l’em-
ploi des demandeuses d’emploi « rentrantes ».
3. Enfin, un projet d’envergure, le projet « Mainstreaming égalité des
genres », introduit auprès de la DG Emploi & Affaires sociales, a pour
objectif l’intégration de la dimension du genre dans toutes les missions,
politiques et actions du FOREM, à tous les niveaux de l’institution.
Avec le « mainstreaming », nous sortons de l’idée que seulement
les spécialistes peuvent s’occuper d’égalité. Tout le monde doit se
sentir concerné, à tous les niveaux de l’institution. Chacun, chacune,
à son niveau, doit, d’une part, se poser la question de savoir si son tra-
vail, ou les contenus qu’il ou qu’elle transmet, les méthodes utilisées,
etc. renforcent ou non les inégalités et, d’autre part, agir pour suppri-
mer les discriminations.
Avec la perspective des genres, nous entrons dans une dynamique
distincte de celle de la perspective de l’égalité entre les sexes, bien
que les deux coexistent. Le genre – masculin ou féminin – procède de
la mise en place d’une identité sociale d’homme ou de femme, faite
de rôles, de fonctions, de tâches. Cette définition culturelle de la
féminité ou de la masculinité est une construction sociale sur laquel-
le il est possible d’agir, contrairement au sexe, qui traite d’une diffé-
rence biologique immuable. Il ne s’agit donc pas de faire en sorte que
la femme gomme son identité en se rapprochant au plus près du
modèle masculin, mais de laisser une place à la différence et de
construire un vrai partenariat hommes/femmes, un partage des res-
ponsabilités, une participation équilibrée à tous les niveaux de déci-
sion, afin d’éliminer les déséquilibres existants.
Concrètement, cela signifie aussi, en termes d’objectifs d’égalité,
la reconnaissance et le respect total des droits des femmes et des
70 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

hommes, l’accès à l’indépendance économique, la conciliation vie


familiale et vie professionnelle, une juste répartition des ressources,
le droit à la formation. Le FOREM, en tant que service public de
l’emploi, s’est engagé sur cette voie et s’est fixé, parmi d’autres
objectifs, celui de devenir institution pilote européenne en matière de
mise en œuvre du « mainstreaming » du genre. Une première action
est en cours, qui concerne l’intégration de cette nouvelle dimension à
la première phase du Plan Jeunes Plus. Le Plan Jeunes Plus, sous
l’impulsion de notre Ministre de tutelle, Marie Arena, tend à prévenir
le chômage des jeunes, hommes et femmes. Comme le Plan Rosetta
de la Ministre fédérale de l’Emploi et du Travail, Laurette Onkelinx,
il vise la lutte contre le chômage des jeunes, avec une attention parti-
culière pour les jeunes demandeurs et demandeuses d’emploi à faible
niveau de qualification, afin, souligne la Ministre Marie Arena, « que
les moins qualifiés puissent aussi bénéficier de la reprise ».
Grâce à ce projet, une action de sensibilisation de la hiérarchie du
FOREM a été menée au niveau central et dans trois directions régio-
nales, Nivelles, Huy et Namur. À Nivelles, un groupe de conseillers
et de conseillères en emploi travaillent à intégrer la dimension égali-
té dans leur travail au quotidien, en utilisant cette nouvelle approche
du genre, et à proposer un plan d’action réaliste, adapté à la réalité du
terrain et propre à répondre aux besoins qu’ils et elles identifient chez
leurs publics.
Et je rejoins ici la réflexion que je faisais au début de cette inter-
vention, celle du rôle que pourraient et devraient jouer les conseillers
et conseillères en première ligne, un rôle d’observation et de vigilan-
ce du marché de l’emploi et des problèmes auxquels sont confrontés
nos usagers et nos usagères, afin de leur donner une réponse de qua-
lité et de mettre en œuvre des actions qui participent à leur insertion.
Le « mainstreaming » du genre, en ce sens, participe tout à fait à la
mise en œuvre de cette proposition.
L’ É G A L I T É E N T R E L E S F E M M E S E T L E S H O M M E S . . . 71

La problématique du harcèlement sexuel


Autre volet de la politique de promotion de l’égalité des chances
au FOREM : la politique de prévention et de remédiation aux situa-
tions de harcèlement sexuel.
Pour son personnel interne, le FOREM, sous l’impulsion du
Réseau égalité des chances, a désigné, il y a environ dix ans, deux
« personnes de confiance » au sein de son personnel.
Cette initiative s’est avérée positive, mais n’était pas en mesure de
rencontrer les besoins en la matière. Aussi, le FOREM a décidé d’in-
vestir dans la mise en place de dispositifs aptes à répondre à toute
situation de harcèlement sexuel, tant pour les publics externes (sta-
giaires en formation, demandeurs et demandeuses d’emploi en
contact avec les services de l’emploi ou de la formation du FOREM,
mais aussi chez l’un de ses partenaires, privés ou publics) que pour
son personnel interne.
De quoi est-il question ? Le processus est encore en cours d’éla-
boration au sein des différents staffs et instances du FOREM, mais il
s’agirait, à plus ou moins court terme, de mettre, au service des usa-
gers et des usagères ainsi que des agents et agentes du FOREM, une
équipe de personnes relais, formées à l’écoute des problèmes liés à
toute forme de harcèlement et discrimination, formées également à la
recherche de solutions pour les victimes de tels comportements jugés
tout à fait inacceptables par l’institution.
Cette formation de personnes relais, « personnes de confiance »,
en lien direct avec la politique de lutte contre le harcèlement sexuel
menée par la Ministre Laurette Onkelinx, se ferait en partenariat
étroit avec son ministère.
Par ailleurs, dans le cadre de la mise en place de cette politique, une
procédure pour le traitement des plaintes est en voie de finalisation.
Tous ces dispositifs participeront à la politique générale volonta-
riste du FOREM vis-à-vis de son personnel et de ses usagers et usa-
gères en matière d’égalité, de non-discrimination et de harcèlement
sexuel.
72 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

Perspectives
La prochaine mise en place d’une cellule égalité des chances au
FOREM, dans le cadre de l’exécution du Contrat d’Avenir pour la
Wallonie, doit permettre d’appréhender de manière structurée et effi-
cace, les problèmes vécus par les personnes discriminées dans leur
recherche d’emploi ou de formation. La promotion de l’égalité des
chances pour toutes et pour tous, sans aucune forme de discrimination,
qu’elle soit sur base du sexe, de l’origine ethnique, de choix philoso-
phiques, de l’orientation sexuelle, d’un handicap physique ou de tout
autre type de différence, passe par une coordination des actions exis-
tantes, une collaboration autour d’objectifs et de valeurs communs.
Il est clair aussi que le renforcement des politiques d’égalité signi-
fie, à plus ou moins long terme – il s’agit bien sûr d’un processus lent
auquel il faut donner du temps – un passage au crible des politiques,
actions, documents du FOREM. Aucune politique n’est neutre,
notamment sous l’angle du genre, masculin ou féminin, et peut avoir
des impacts différents sur les femmes et sur les hommes, des impacts
possibles qu’il faut se donner la peine d’analyser.
Mais le FOREM n’est pas seul : cette action d’envergure pour la
promotion de l’égalité devra aussi se faire en collaboration avec les
partenaires classiques du FOREM dans le parcours d’insertion, mais
aussi avec les autres institutions du domaine public (les écoles, par
exemple, les agences de travail intérimaire, aussi) et, surtout, en
synergie avec le monde des entreprises.
Toutes les époques sont des époques de transition. Nous savons
une seule chose du futur ou plutôt des futurs : « il ne ressemblera pas
au présent », disait Jorge Luis Borges. Nous ne devons pas négliger,
ceci dit, notre capacité à agir sur le présent pour que le futur res-
semble à ce que nous voulons qu’il soit : une démocratie où chacun
et chacune pourra exprimer ses choix et jouir d’une meilleure qualité
de vie.
L’ É G A L I T É E N T R E L E S F E M M E S E T L E S H O M M E S . . . 73

Jean Jaurès disait aussi : « Quand les hommes ne peuvent changer


les choses, ils changent les mots ». J’espère que nous ferons bien plus
que « changer les mots » aujourd’hui et que les propositions qui sorti-
ront de ce colloque permettront de faire avancer les choses et de déblo-
quer certaines situations.
Concevoir la démocratie

Laurette Onkelinx
Vice-Première Ministre et Ministre de l’Emploi et du Travail,
en charge de l’Égalité des chances

Le débat sur la parité n’est pas nouveau mais toujours aussi pas-
sionnant parce qu’il touche à l’essence même, à la nature de nos
sociétés. Il fut un temps où la revendication paraissait à ce point énor-
me qu’elle n’était même pas entendue.
En 1885, une suffragette française, Madame Haubertine Auclert,
écrivait dans son journal, « La Citoyenne », qu’ « il faut que les
assemblées soient composées d’autant de femmes que d’hommes ».
À une époque où les femmes n’avaient pas même le droit de vote, les
mots n’ont pas fait grand bruit…
Le concept de « démocratie paritaire » réapparaît près d’un siècle
plus tard, à l’occasion de débats menés à l’initiative des instances
européennes. Les femmes européennes fêtent alors, à des dates
diverses, quelques décennies de droit de vote, mais elles demeurent
minoritaires dans les assemblées élues. Des femmes, politiciennes,
juristes (telles Colette Aprill pour la France et Éliane Vogel-Polsky
pour la Belgique), impliquées dans la construction européenne, éla-
borent des propositions concrètes pour répondre à la sous-représenta-
tion des femmes en politique. Lors d’un séminaire tenu à l’initiative
du Conseil de l’Europe à Strasbourg en 1989, la Française Élisabeth
Sledziewski enchaîne en posant cette question : « peut-on concevoir
qu’une démocratie ne soit pas paritaire ? »
À leur suite, de nombreuses théoriciennes et militantes – dont cer-
taines nous font l’honneur d’être parmi nous aujourd’hui – défendent
C O N C E V O I R L A D E M O C R AT I E 75

le principe de la parité. Il s’agit, en premier lieu, d’établir une pré-


sence des femmes dans les organes de décisions en regard du nombre
qu’elles forment réellement. Au-delà, il s’agit de transformer les rap-
ports de sexes, c’est-à-dire de construire une société où les femmes et
les hommes partagent équitablement les charges et les profits de la
vie en société. Un mouvement comme « Les Femmes Prévoyantes
Socialistes », par exemple, insiste sur la nécessité de repenser l’ac-
cueil des enfants et de responsabiliser collectivement les citoyens à
leur égard. Mais les défenseurs de la parité s’accordent, ensemble,
pour considérer que l’organisation – par voie contraignante – d’une
présence égale des femmes et des hommes dans les organes déci-
sionnels de l’État, constitue un passage obligé pour arriver à une
société plus juste.

Des mesures en faveur de la parité


La thèse de la parité progresse dans le monde politique et parmi
l’opinion. Un sondage de l’Express, publié en 1996 – il n’y a pas eu,
à ma connaissance d’enquête similaire en Belgique – révèle que 80 %
des sondés se déclarent favorables à un référendum sur les mesures
permettant d’atteindre l’égalité hommes-femmes. Divers pays ont, à
la fin des années ‘80 – début des années ‘90, adopté des mesures
visant à accroître la présence des femmes dans les organes politiques.
La Belgique par exemple, même si cela reste très frileux, adopte, en
1990, une loi prévoyant que lorsqu’un mandat au sein d’un organe
consultatif fédéral est à attribuer sur base d’une procédure de présen-
tation, l’instance consultée doit proposer la candidature d’un homme
et d’une femme. En 1997, cette loi est modifiée de manière à prévoir
que maximum deux tiers des membres d’un organe consultatif soient
du même sexe. Aujourd’hui – et je dois le confesser, suite à une cer-
taine insistance de ma part –, près de 50 % des organes sont
conformes à l’équilibre requis, les autres disposant d’une dérogation
suite à l’incapacité constatée pour ceux-ci de rencontrer l’équilibre
requis. Ce demi-échec est là pour démontrer que des mesures méca-
76 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

niques, si elles peuvent contribuer à casser des résistances sociales,


ne sont pas suffisantes pour résoudre les problèmes qui se marquent
chez les femmes au plan socio-professionnel.
En 1994, le législateur belge a encore voulu que les listes de can-
didatures aux élections ne comportent pas plus de deux tiers de can-
didats d’un même sexe. L’application de cette loi aux différents scru-
tins du 13 juin 1999 a été relativement décevante : la proportion
d’élues dans l’ensemble des assemblées n’a approché que les 25 %,
avec des disparités marquées entre assemblées. Ainsi, le Parlement
wallon ne compte que 10,7 % de femmes parlementaires. Dans le
même temps, il faut souligner que l’application de cette loi a corres-
pondu à une progression moyenne de 4,8 % par rapport aux scrutins
de 1995, soit une des meilleures progressions enregistrées depuis
1948, date du premier vote des femmes belges aux législatives.
Un demi-échec, à nouveau, que les experts ont principalement
attribué aux places réservées aux femmes sur les listes. Deux cher-
cheuses d’un numéro du Centre de Recherche et d’Information
Sociale et Politique (CRISP) consacré à la question l’expriment en
ces chiffres très éclairants : les candidates ont représenté 38,6 % des
candidatures effectives sur l’ensemble des listes et 39,7 % des candi-
datures suppléantes. Elles étaient 16,6 % à occuper la tête de liste,
29 % à occuper la première suppléance et… 48,8 % la place de com-
bat. Au total, elles ont formé 40 % des listes, mais seulement la moi-
tié d’entre elles étaient en places éligibles.
Les socialistes ont proposé à leurs collègues du gouvernement
d’améliorer la loi, en prévoyant l’alternance des candidats des deux
sexes tout au long de la liste, ou à tout le moins, la parité et l’alternan-
ce en haut des listes. Il n’était pas simple de faire des avancées sur cette
question, car rien n’était prévu par la déclaration gouvernementale. Dès
lors, les tentatives de marchandages interviennent très rapidement…
Un accord sera finalement dégagé au sein du gouvernement fédéral, à
la suite de longues discussions, mais aussi à la faveur d’éléments
comme la révision de la Constitution et l’annonce des lois sur la parité
en France, qui ont sans doute eu un effet déclencheur. J’y reviendrai. Je
pense aussi que les partis démocratiques belges ont pris conscience de
C O N C E V O I R L A D E M O C R AT I E 77

ce que la trop faible place des femmes en politique contribue à donner


de celles-ci une image décalée par rapport à l’idée de la modernité.

Parité, Égalité
J’ai suivi avec une attention particulière les échanges d’idées qui
ont eu lieu, quasiment au même moment et dans le même cadre, en
France. Je conçois que l’idée de fixer des modalités quant à la pré-
sence des hommes et des femmes, dans le cadre de la confection de
listes électorales ou de l’installation d’organes politiques de l’État,
heurte le principe d’égalité des citoyens qui ne peut, par définition,
s’accommoder d’aucune distinction. Je peux comprendre les craintes
de Madame Élisabeth Badinter, qui voit dans la parité en politique
l’introduction d’une philosophie différencialiste, dangereuse pour la
démocratie, mais également, dangereuse pour les femmes. Des
femmes se sont employées, pendant des années, à combattre la diffé-
renciation des hommes et des femmes établie sur base de stéréotypes
sexuels qui ont permis l’exploitation sociale et économique de ces
dernières. Est-il dès lors opportun de réintroduire une division entre
hommes et femmes ? À l’opposé, pour certains et pour certaines, qui
vont jusqu’à parler d’un « droit à l’égalité autonome pour les femmes
et pour les hommes », il s’agit de la seule voie permettant d’accéder
véritablement à l’égalité. Ainsi, pour Madame Gisèle Halimi, « c’est
la différence sexuelle qui est la source de la reconnaissance d’une
identité autonome de la femme à part entière. Les hommes et les
femmes, nous sommes les deux moitiés de l’Humanité et par consé-
quent, la seule voie juste serait d’instaurer entre nous la parité dans
les rouages décisifs de la démocratie, parce qu’elle répond à la loi
naturelle qui perpétue le monde. Je ne prétends pas que le monde
deviendra tout à coup meilleur. Je dis simplement que le changement
quantitatif provoquera forcément un changement qualitatif ».
L’idée que la parité permettra une transformation de l’exercice
politique de par le regard, les pratiques et les expériences des
femmes, comporte un risque : « celui », écrit Madame Michelle
Perrot, « d’un retour subreptice à l’idée d’une « nature » des femmes,
78 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

qui par leur différence, seraient en elles-mêmes porteuses d’un avenir


meilleur (…) ». Elle ajoute cependant que, du fait de leur fonction
dans le social, l’éducation, les soins aux personnes, la médiation, etc.,
les femmes sont susceptibles d’élargir les perspectives citoyennes.
« Mais il faut se garder », conclut-elle, « de les renvoyer une fois de
plus sur ce terrain coutumier, sous peine de reproduire le cercle
vicieux (ou vertueux) de la féminité ».
Pour ma part, je considère que la parité politique se justifie quand
le principe de l’égalité, effectivement inscrit dans la Constitution, ne
se vérifie pas en fait, ou plutôt, que la réalisation du principe de l’éga-
lité des hommes et des femmes continue à rencontrer des freins.

Modification de la Constitution belge et projets de lois


Mon gouvernement a déposé au Parlement un projet de modifica-
tion de la Constitution pour compléter les dispositions relatives à
l’égalité des Belges. Il affirme « le droit des femmes et des hommes
à l’égalité » et engage le législateur à prendre les dispositions qui
« favorisent l’égal exercice de leurs droits et libertés, et notamment
l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électifs et
publics ». D’aucuns auraient préféré un texte par lequel le législateur
« organise » cet égal accès, mais une telle rédaction aurait figé une
différenciation de traitement des citoyens selon leur sexe, ce qui, pour
des raisons déjà évoquées, ne semble pas souhaitable. Enfin, le texte
proscrit la formation de gouvernements unisexes, à tous les niveaux
de pouvoir, y compris les pouvoirs locaux et les organes qui en
dépendent, tels que les intercommunales. Il était impératif de prévoir
ces principes généraux dans la Constitution, pour assurer le fonde-
ment des mesures dites de « discriminations positives » qu’il est
nécessaire d’adopter, ne fût-ce que de manière transitoire, afin de voir
l’égalité de droit devenir une égalité de fait.
À cette suite, le gouvernement a approuvé deux projets de lois qui
prévoient la présence égale des hommes et des femmes sur les listes
électorales et l’alternance aux premières places. Les listes comporte-
ront au moins une femme sur les trois premières places aux élections
C O N C E V O I R L A D E M O C R AT I E 79

législatives, européennes et régionales prochaines. Pour les élections


suivantes, la parité aux deux premières places est prévue, à tous les
niveaux de scrutin.
C’est un joli mot que celui de « mixité ». Certaines féministes font,
à mon sens, fausse route quand elles plaident pour la réouverture
d’écoles pour filles, au motif que leurs performances sont meilleures
quand elles ne craignent pas la compétition avec les garçons. Mais si
l’expression de leur thèse est extrême, elle présente au moins le mérite
de rappeler qu’en l’an 2000, filles et garçons continuent à évoluer dans
un monde et dans une culture qui ne sont pas sexuellement neutres.
C’est pourquoi j’ai la conviction que si les mesures contraignantes
sont nécessaires, elles ne sont pas suffisantes. Je garde en tête le témoi-
gnage d’une responsable d’un refuge pour femmes battues, active depuis
plus de vingt ans. Madame Christiane Rigomont dit accueillir, aujour-
d’hui, les filles des femmes qu’elle a aidées hier. Et à titre d’exemple, elle
raconte le cas de cette toute jeune fille, qui s’était fait battre par son ami
« parce qu’elle portait une mini-jupe » et qui y voyait une preuve
d’amour. Comment faire comprendre aux générations présentes que
l’amour, ce n’est pas porter ou faire porter des chaînes, mais que c’est
l’inverse, la découverte de sa propre liberté grâce à celle d’autrui ?
La Fédération des refuges pour femmes battues m’a demandé
d’organiser deux campagnes. La première, pour rappeler que la vio-
lence entre partenaires est un crime, punissable au terme de la loi du
24 novembre 1997 visant à combattre la violence au sein du couple.
La seconde, orientée vers les jeunes et les écoles, pour lutter contre
les préjugés sexistes. Il s’agit d’un travail indispensable, que je sou-
mettrai à la rentrée aux entités fédérées. La politique de l’égalité des
chances donne effectivement lieu, désormais, à des collaborations
entre tous les niveaux de pouvoirs.

Croiser les politiques et agir sur l’emploi


Admettre que le monde n’est pas « sexuellement neutre », c’est
admettre que toute politique doit être examinée en terme de dimension
de genre, c’est-à-dire en considérant qu’elle peut présenter un impact
80 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

différent selon les sexes. C’est notamment et particulièrement impor-


tant en matière de politique de l’emploi, de formation, ou encore
d’orientation dans les études. Parce que l’égalité économique, l’égali-
té au plan socio-professionnel, sont indispensables pour atteindre
l’égalité tout court. Comment, par exemple, renouer un vrai dialogue
avec un – ou une – partenaire violent si, dans le quart d’heure qui suit,
il faut lui demander de l’argent pour faire les courses, pour se dépla-
cer ou pour payer la note de téléphone ? Comment penser que les filles
peuvent se projeter dans tous les choix de carrières, quand on persiste
à employer un masculin prétendument neutre pour désigner l’électri-
cien, le ministre, l’académicien… ? Avec une série de mandataires de
différents partis démocratiques, j’ai soutenu un décret de la
Communauté française relatif à la féminisation des noms de métiers et
de fonctions, car la démarche ne m’apparaît ni anecdotique, ni crimi-
nelle au plan de la grammaire. Elle m’apparaît politique.

Trois lignes d’action dans une politique pour l’emploi


En matière d’emploi, trois lignes doivent, à mon sens, être pour-
suivies parallèlement. Il s’agit :
- d’adopter des mesures qui visent à augmenter le taux général de
l’emploi. Elles devront nécessairement présenter un impact positif
pour les femmes ;
- d’adopter des mesures spécifiques, notamment par la prise en
compte de la dimension de genres ;
- de se doter de dispositifs anti-discrimination performants, qui
permettent la sanction effective des fautes.

1. Multiplier les mesures qui ont un impact sur le taux


d’emploi des femmes
Notre plan national pour l’emploi prévoit, outre la ventilation sys-
tématique des données entre hommes et femmes et l’approche géné-
rale en terme de genres, différentes mesures spécifiquement favo-
rables aux femmes. Je citerai l’accord fédéral 2000-2005 pour le
C O N C E V O I R L A D E M O C R AT I E 81

secteur social non-marchand, qui est un grand utilisateur de main-


d’œuvre féminine ; l’augmentation du Maribel social qui est particu-
lièrement favorable aux femmes puisque 64,6 % des réductions les
concernent ; la création d’emplois dans le secteur des services et dans
l’économie sociale – les « titres-service » – ou enfin, les mesures pour
les chômeurs de longue durée – qui sont des femmes en majorité :
prime d’engagement pour la reprise du travail, prime pour les
familles monoparentales (qui sont pour l’essentiel des familles à
charge de la mère), programme de réorganisation de la fin de carriè-
re, lutte contre les pièges à l’emploi – qui comprend la problématique
des temps partiels occupés à 90 % par des femmes. J’ajouterai que
l’on a modifié le plan d’avantages à l’embauche pour permettre aux
femmes « rentrantes » et aux chômeurs exclus pour longue durée –
toujours majoritairement des femmes… – de bénéficier d’avantages à
l’embauche sous forme de réduction des charges sociales pour les
employeurs. J’ajouterai que le chantier de l’aménagement et de la
réduction du temps de travail qui va nous occuper toute cette année
comporte des réponses aux revendications des mouvements de
femmes, notamment sur les questions du crédit-temps.

2. Les évaluations en terme de genres


Une évaluation en terme de genres a été introduite pour la premiè-
re fois en Belgique lors de la mise en œuvre du programme
Convention de Premier Emploi – dit « Plan Rosetta » –, qui vise à
insérer 45.000 jeunes dans le marché de l’emploi. L’approche en terme
de dimension de genre est également capitale dans des dossiers dont
j’étudie actuellement le cadre général, comme la réduction et l’amé-
nagement du temps de travail et l’aménagement des fins de carrière.

3. Se doter de dispositifs anti-discrimination performants


qui permettent la sanction effective des fautes
Le Parlement et le gouvernement travaillent en parallèle pour
développer un large cadre pour lutter contre toutes les discrimina-
82 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

tions. La problématique des discriminations sur base du sexe fait


l’objet d’une étude à part entière dans ce contexte.
Sous ce chapitre, un point doit particulièrement retenir notre atten-
tion : les disparités salariales. En Belgique – mais une situation ana-
logue se constate dans d’autres États européens –, l’écart moyen entre
les salaires masculins et les salaires féminins est de l’ordre de 20 %.
Les facteurs d’explication sont divers, et parmi ceux-ci intervient la
question des classifications de fonctions. On sait que les rémunéra-
tions sont liées à ces classifications, dont le caractère sexuellement
neutre n’est pas toujours probant. J’ai lancé diverses procédures pour
agir en cette matière.
J’entreprends encore, actuellement, les consultations nécessaires
pour faire des propositions en matière de stress et de harcèlement au
travail.

L’égalité dans le champ « privé » : un enjeu important


J’en viens à deux dossiers qui m’interpellent particulièrement.
Si l’égalité des hommes et des femmes est, sur le plan juridique,
un fait acquis, il reste certaines règles, « communautarisant » l’hom-
me et la femme mariés ou cohabitants, dont les femmes pâtissent
davantage. C’est le cas en droit fiscal et en droit social. On a ici tous
à l’esprit des problèmes, ou en tout cas des questions, qui se posent
dans la réglementation de l’assurance-chômage. J’ai formulé des pro-
positions à mes partenaires au gouvernement pour aligner progressi-
vement les indemnités des chômeurs cohabitants sur les indemnités
des isolés et des chefs de ménage.
Le deuxième dossier est celui du congé de paternité.
Les enfants… Nous y voilà… Que l’essentiel des charges liées à
l’éducation des enfants repose sur les femmes constitue indiscutable-
ment un handicap dans leur vie socio-professionnelle. Un handicap
merveilleux, mais dont on voudrait voir le caractère merveilleux éga-
lement goûté par les hommes. Les enquêtes montrent qu’entre 70 et
80 % des activités liées à la vie privée sont remplies par les femmes.
C O N C E V O I R L A D E M O C R AT I E 83

Et si le temps moyen consacré par les hommes à ces activités a aug-


menté, l’augmentation s’explique largement par les activités des
pères séparés.
Je ne crois pas qu’à cet égard non plus il existe une recette
miracle, mais la réforme du congé de paternité constituerait un signal
politique important.
Le congé de paternité est, en Belgique, de trois jours dans le sec-
teur public, de deux jours dans le secteur privé, pris à charge de l’em-
ployeur. Le projet est de l’étendre à dix jours ouvrables à prendre
pendant la période qui suit la naissance. Il y a trois pistes de finance-
ment : le nombre de jours de congé supplémentaires peut être pris en
charge par l’employeur, pris en charge par la Sécurité sociale, ou
encore, assumé suivant un régime mixte. J’ai soumis des propositions
à mes partenaires du gouvernement.
L’idéal est, à terme, d’arriver à un système d’« assurance-parenté »,
inspiré du modèle suédois. Selon ce système, les deux parents ont droit
à un capital-congé lors d’une naissance. Une partie de ce capital est
transférable d’un parent à l’autre. La Secrétaire d’État suédoise en
charge de l’égalité, Madame Lise Bergh, a indiqué vouloir améliorer
le dispositif. En effet, la prise du cumul du congé reste largement l’af-
faire des mères. Pour y remédier, la Suède a déjà changé la législation
pour que le père prenne un congé, minimum, d’un mois, appelé « le
mois du père » et prévoit de nouvelles améliorations. On constate
aussi que le partage du congé entre parents augmente avec le niveau
d’éducation. Le constat que le combat pour l’égalité des hommes et
des femmes est aussi social et culturel revient. Mais il reste que le
« modèle suédois » indique une voie à suivre, car il permet de mieux
articuler vie professionnelle et vie privée, et parce qu’il représente un
moyen de lutter contre la discrimination des femmes à l’embauche.
84 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

Combats gagnés, combats à gagner


Le moment est venu de conclure.
D’abord par une note optimiste, car la conscience à l’égard de la
situation des femmes progresse en Belgique, au plan européen, mais
plus largement, à travers un débat international. En témoignent la
Conférence mondiale sur la situation des femmes, qui s’est tenue en
session extraordinaire des Nations Unies en juin dernier ainsi que le
succès de la Marche mondiale des femmes contre la pauvreté et la
violence qui leur est faite. Je tiens à remercier Présence et Action
Culturelles de nous avoir réunis en ce colloque. La gauche a parfois
répondu… disons, avec certains décalages, aux dénonciations des
injustices subies par les femmes. Aujourd’hui, de toute évidence, ces
questions mobilisent la gauche, et il faut s’en réjouir.
Mais je me dois également de terminer par une note moins favo-
rable. Oui, on avance, et ces avancées sont possibles parce que des
combats fondamentaux ont été gagnés hier. Ils sont « derrière nous »,
ils nous semblent définitivement acquis.
Cependant, lorsqu’on entend la fréquence avec laquelle les
réserves vis-à-vis de la contraception continuent à se répéter, que l’on
voit l’activisme de certains groupes anti-avortement ou encore, que
l’on lit le programme électoral de formations d’extrême-droite, on
peut émettre des doutes sur l’aspect « définitif » de certains acquis…
Je rappelle que Jörg Haider a mené ses campagnes sur deux thèmes
qui sont exactement ceux exploités par l’extrême-droite belge actuel-
lement : la xénophobie et l’instauration d’une allocation pour la
femme au foyer.
Progresser, c’est aussi savoir rester sur ses gardes.
C’est la première fois qu’il y a autant de femmes qui se présentent
sur les listes socialistes. En cela même, c’est déjà un signe de renou-
veau. Quel que soit leur résultat, je leur souhaite de conserver intacts
leur enthousiasme, leur idéal, leur volonté farouche d’être actives du
changement. L’avenir est de toute façon à elles ; qu’elles se lancent
dans le combat électoral avec la fierté de leur identité et des valeurs
du parti. Et qu’elles fassent progresser la démocratie. Bonne chance !
L’apport des femmes
dans la prise de décision locale

Edite Estrela
Maire de Sintra (Portugal)
Présidente de la Commission des élues locales et régionales
du Conseil des Communes et Régions d’Europe (CCRE)

À la veille des élections communales en Belgique, je commence


par saluer le mouvement Présence et Action Culturelles pour la réali-
sation de ce colloque où la réflexion sur des thèmes tels que Liberté,
Égalité et Parité aboutit nécessairement au débat sur la représentation
des femmes.
Nous tous voulons contribuer à la construction d’une Europe plus
proche de ses citoyennes et de ses citoyens et plus respectueuse de
leurs besoins. Cela exige la participation active de tous les partenaires
et la bonne gouvernance – entendue comme nécessité de définir et
d’explorer de nouveaux modes de gouvernements capables d’affron-
ter les défis et mutations des sociétés contemporaines – impliquant un
véritable partenariat entre les niveaux européen, national, régional et
local.
Mais ce projet de construction européenne ne sera qu’un rêve,
qu’une réalité virtuelle, si l’engagement vis-à-vis d’un plan d’action
en faveur de l’égalité n’est pas suffisamment fort.
Le principe qui oriente notre action est le renouvellement et le ren-
forcement de nos démocraties, soumises aux valeurs de justice, de
solidarité et de respect. La stratégie qu’il faut suivre est la parité.
À l’heure actuelle, la participation équilibrée des hommes et des
femmes à la vie politique est devenue un élément central des pro-
grammes politiques de nos démocraties. Pourtant, on constate que la
présence des femmes dans la vie politique est loin d’être équilibrée.
86 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

En faisant appel à mon expérience en tant que Maire et Présidente


de la Commission des élues locales et régionales du Conseil des
Communes et Régions d’Europe (CCRE) et persuadée de l’importan-
ce de l’apport des femmes dans la prise de décision locale, je vous
propose une réflexion sur la représentation des hommes et des
femmes à ce niveau le plus proche des citoyennes et des citoyens.
La Commission des élues locales et régionales a d’ailleurs mené un
travail considérable dans la prise de conscience de cette probléma-
tique, au niveau du CCRE et de ses partenaires. Ainsi en mars 2000,
lors de la réunion du Bureau Exécutif du CCRE que j’ai accueilli dans
la ville de Sintra, une audition de notre Commission s’est conclue par
une prise de position très importante et fortement encouragée – il faut
le dire – par l’ancien Président Valéry Giscard d’Estaing. En effet, ce
dernier défend très clairement la nécessité de l’accès des femmes à la
vie politique. Sa proposition tient en trois volets et porte sur une éva-
luation annuelle de la présence des femmes dans les organes mêmes
du CCRE, au sein des associations nationales du CCRE et au sein des
collectivités territoriales que nous représentons.
Permettez-moi que je rappelle aussi la réunion des élues locales et
régionales européennes, qui s’est tenue à Oulu, dans le cadre des XXe
États généraux des Communes et Régions d’Europe. Les élues
locales et régionales se sont alors engagées à mettre en œuvre un plan
d’action stratégique pour la gouvernance et l’égalité.
Au niveau de la sphère locale et régionale, je soulignerai notam-
ment :
- l’échange d’expériences et de bonnes pratiques en matière d’éga-
lité des chances entre les hommes et les femmes ;
- le besoin de restructurer les systèmes de gouvernement et de
moderniser l’administration par l’augmentation de la présence des
femmes dans les organes indispensables au dynamisme de la vie loca-
le ;
- le développement des mécanismes de consultation dans la for-
mulation de toutes les politiques menées dans la sphère locale, afin de
mieux exploiter les ressources des femmes et mieux répondre à leurs
besoins ;
L ’ A P P O RT D E S F E M M E S D A N S L A P R I S E D E D É C I S I O N L O C A L E 87

- l’intégration des femmes qui souffrent d’une double discrimina-


tion selon la race ou l’origine ethnique, un handicap, l’âge ou l’orien-
tation sexuelle ;
- la mise en place de services publics qui facilitent la conciliation
de la vie familiale, professionnelle et civique.

La présence des femmes dans la gestion locale


Je suis convaincue que l’intervention d’un plus grand nombre de
femmes dans la vie politique va provoquer de multiples changements.
Partout, dans le monde contemporain, le fossé entre ceux qui exer-
cent le pouvoir et ceux qui votent est de plus en plus profond. Les
femmes pourront corriger cette situation parce qu’elles sont plus
proches des problèmes qui préoccupent les populations : la garde et
l’éducation des enfants, l’appui aux personnes âgées ou dépendantes,
le chômage et la discrimination sexuelle au niveau professionnel –
dont elles sont souvent les victimes –, l’organisation du travail et des
loisirs, les effets des politiques urbanistiques – y compris architectu-
re, sécurité urbaine et transports –, l’aménagement des espaces qui,
n’étant pas à l’échelle humaine, génèrent la violence, la solitude et
des tensions négatives.
Cependant, l’engagement social et politique des femmes se pro-
duit aux dépens d’une lourde accumulation de tâches : au foyer et au
plan professionnel à l’extérieur. Cette réalité exige que de nouveaux
compromis s’établissent entre le travail et la famille. Ceci supposerait
une coordination plus souple entre les termes de ce binôme, qui passe
par un contrat entre les sexes, sous peine que la femme demeure la
victime de ce jeu ou qu’elle échange la famille contre la promotion
ou même contre la carrière.
C’est cet abandon forcé des femmes qu’il faut éviter.
Car être mère est une fonction sociale qu’on doit encourager pour
éviter le vieillissement de la population. Mais, en outre, la participa-
tion des femmes tant sur le plan politique que social ou économique
ainsi que leur capacité innovante dans la gestion des affaires de la cité
88 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

sont absolument indispensables. D’ailleurs, la rareté des femmes dans


les instances décisionnelles constitue un des freins au changement
social.
La présence des femmes dans la gestion locale est susceptible de
favoriser une autre façon de penser la définition du bien commun et
l’organisation de la vie quotidienne dans la cité. Non pas que les
femmes seraient par « nature » de meilleures gestionnaires que les
hommes mais parce que leur expérience, pour des raisons qui relèvent
de l’histoire, est différente de celle des hommes.
Enfin, je dirai que la considération du genre dans la prise de déci-
sion, notamment dans la gestion locale, peut améliorer la qualité de
vie, tout en introduisant l’égalité des sexes. C’est également vrai pour
un cadre de vie plus accueillant et moins bureaucratique, pour une
double perspective – féminine et masculine – dans le traitement des
problèmes, pour la protection de l’environnement, pour la promotion
du développement durable.
L’intégration des femmes dans le processus décisionnel est, par
conséquent, une exigence de la modernité et une condition indispen-
sable au renforcement de la démocratie.
La parité est donc une stratégie au service de cette société plus
juste et plus solidaire que nous voulons construire pour nos enfants –
une arme contre l’inégalité sociale, économique et politique. Il faut
abandonner l’idée – confirmée par les chiffres – que les femmes ser-
vent très bien à travailler mais qu’elles ne servent pas à prendre des
décisions.
Et quand elles arrivent au pouvoir, on attend d’elles qu’elles soient
parfaites. Ce qui ne manque pas de provoquer une énorme pression.
Heureusement que l’idée de la parité gagne des défenseurs très
puissants. C’est le cas du Premier ministre français. « Pour le bien de
la femme et de la démocratie », affirme Lionel Jospin, « il faut faire
avancer cette idée de la parité et en finir avec l’archaïsme formidable
du paternalisme masculin qui veut, de forme ouverte ou déguisée,
renvoyer les femmes au foyer ».
Du fratriarcat à la parité,
une révolution française
Françoise Gaspard
Sociologue
École des Hautes Études en Sciences sociales (EHESS) – Paris

« Si l’on donne le vote aux femmes, il faudra ensuite leur


permettre de siéger au Parlement (…). Une fois qu’on aura
donné le vote à cette immense foule qui constitue la majorité
de l’humanité, tout le pouvoir sera entre leurs mains. »
Winston Churchill, 1897

La revendication de parité a suscité en France, depuis le début des


années quatre-vingt-dix, débats publics, colloques et séminaires. Elle
a également fait couler beaucoup d’encre. Après avoir été traitée par
la dérision par les partis – y compris de gauche – et furieusement
contestée par des intellectuels – parmi eux des femmes qui se récla-
ment du féminisme et de la gauche – elle a fait l’objet d’une révision
constitutionnelle en juin 1999 et de l’adoption d’une loi en juin 2000.
Il s’agit là d’une rupture notable dans la vie politique française. Mon
pays, qui a accordé si tardivement la citoyenneté aux femmes, est l’un
des premiers au monde à avoir légiféré de façon aussi radicale. Il
s’agit rien moins, en effet, que d’imposer aux partis non seulement
une obligation d’égalité numérique de candidatures des deux sexes
sur les listes présentées aux électeurs mais, pour un certain nombre de
scrutins, à une obligation de résultat. Ainsi, pour les élections euro-
péennes, régionales et sénatoriales (dans les départements qui élisent
les sénateurs au scrutin proportionnel de liste), les listes présentées
aux électeurs doivent faire alterner hommes et femmes. Même si cette
90 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

loi a une portée limitée puisqu’elle ne concerne que les élections qui
ont lieu au scrutin proportionnel, elle va, dès 2001, profondément
modifier la composition du milieu politique local dans toutes les
communes de plus de 3.500 habitants1. La parité dans la représenta-
tion est donc en marche. Pour ceux et celles (celles surtout car les
femmes ont été plus nombreuses que les hommes à se mobiliser sur
le sujet) qui ont contribué à porter l’idée, c’est un succès. Le débat
paraît en outre apaisé, au moins dans la presse. Il reste pourtant des
choses à dire qui ne l’ont pas été, ou trop peu.

Sphères publique et privée


Il est d’abord utile d’insister sur le fait que le souci d’un équilibre
des femmes et des hommes dans la décision publique n’est pas seu-
lement une affaire de femmes. Certes, et cela a été de multiples fois
souligné, il convenait de corriger une situation devenue incongrue :
5,6 % (dans l’Assemblée nationale élue en 1993) ou même 10 % de
femmes à l’Assemblée nationale (ce qui est le cas aujourd’hui) révè-
lent un blocage des organisations partisanes, une exclusion de fait des
femmes de la représentation démocratique. Pourtant la participation
des femmes à la vie politique concerne tout autant les hommes, et par
conséquent les rapports sociaux, au sens le plus large, entre les unes
et les autres. Les hommes d’ailleurs le savent bien. Ceux d’abord qui
ont résisté à l’idée d’une contrainte législative obligeant à faire une
place au « deuxième sexe » dans les assemblées élues. Plus d’élues
c’est moins d’élus, bien sûr. Mais c’est, au-delà, la définition des
« sphères » publique et privée qui est en jeu. Cette définition est héri-
tée du XIXe siècle pendant lequel on a assisté à une tentative d’en-
fermement des femmes à la maison. Si les hommes avaient accès à
l’espace public (c’est-à-dire aussi politique) tout en étant aussi dans
la sphère privée, les femmes étaient censées n’être à leur place que
dans l’espace domestique. Et encore y étaient-elles dans une situation
de domination puisque sous la domination de leur mari. Ceci a pro-
duit, ou accentué en tout cas, une division des statuts et des rôles au
nom de la différence des sexes conçue comme « naturelle ».
D U F R AT R I A R C AT À L A PA R I T É , U N E R É V O L U T I O N F R A N Ç A I S E 91

Les frontières du public et du privé ont certes été passablement


remises en cause depuis trois décennies par les transformations de la
condition des femmes, de la mixité de l’éducation, de la féminisation
du monde du travail, de la possible maîtrise de la fécondité. Pourtant
la répartition sexuée du pouvoir politique n’a pas été affectée par ces
bouleversements (aussi peu, d’ailleurs, que le partage des tâches
domestiques dans la vie des couples). Il est donc permis de penser
que des hommes, en particulier ceux qui occupent le pouvoir (et ceux
aussi qui aspirent à y accéder), redoutent, consciemment ou incons-
ciemment, que plus de femmes – et a fortiori autant de femmes que
d’hommes – accédant à la décision publique révèlent ce que les fémi-
nistes des années soixante-dix avaient proclamé, à savoir que le privé
est politique. L’entrée des femmes autrement qu’à dose homéopa-
thique dans la vie publique est donc vécue par beaucoup comme
menaçant de troubler les relations entre hommes et femmes conçues
comme étant de l’ordre de l’intime, du privé, du domestique. Plus
encore en imposant, qui plus est par la loi, l’égalité numérique sur
l’agora, ne court-on pas le risque de voir se brouiller les identités de
sexe ? Il s’agit là d’une vieille peur que les historiennes et les histo-
riens connaissent bien et qui réapparaît de façon récurrente. Une his-
toire naissante de la construction de la masculinité nous apportera
beaucoup et permettra de montrer que pas plus que la féminité, la
masculinité n’est une affaire « naturelle » mais une construction. Or
déconstruire est toujours angoissant. Nous n’avions sans doute pas
conscience, lorsque nous avons, ici et là, dans les années quatre-
vingt-dix, exigé le partage égal du pouvoir dans la politique, que nous
toucherions à des questions aussi profondes.

Le fratriarcat
Les craintes et résistances qui ont émergé dans le débat sont cepen-
dant contrebalancées par le sentiment, largement répandu, que la sous-
représentation des femmes dans les instances de décision constitue un
archaïsme avec lequel il fallait rompre. Un sentiment que bien des
92 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

hommes partagent. Le suffrage n’a certes pas pour fonction d’être une
photographie de la société dans sa diversité mais de représenter des
courants d’opinion. Mais ce sont justement les partis et groupements
politiques chargés de les incarner qui, lorsqu’ils sélectionnent les can-
didats, concourent à la reproduction d’un milieu masculin. Les forcer
à faire une place substantielle aux femmes ce n’est pas, contrairement
à ce qu’ont avancé les adversaires de la parité, une « biologisation »
de la société ou de la citoyenneté, ni une atteinte insupportable à la tra-
dition républicaine, ni une entrée dans on ne sait quel communauta-
risme, mais une modernisation, par le droit, de mœurs venues d’un
autre temps. Et pour ne pas remonter trop loin dans l’histoire, c’est en
outre l’aggiornamento d’un droit et d’une culture paradoxalement ins-
titués dans la modernité démocratique. Certes, comme ne cesse de le
dire l’historienne Mona Ozouf, la Révolution française en affirmant
les valeurs de liberté et d’égalité portait en germe l’égalité des femmes
et des hommes. Il n’empêche ! L’un des premiers actes de la
Révolution française en a été d’exclure les femmes de la citoyenneté
en raison de leur sexe biologique et de construire un Code civil qui a
constitué les femmes mariées (et alors, hors du mariage, point de salut
social) en mineures civiles. Un peu plus tard, mais très logiquement,
un mot s’est ajouté à la devise de la République : fraternité. Les mots
ont un sens. La fraternité concerne les frères, et eux seuls. On a appris
aux petites filles à aimer la devise de la République. Jusqu’au jour où,
devenues grandes, elles ont découvert que ce mot « fraternité » disait
bien ce qu’il laissait entendre. Après avoir dénoncé le patriarcat elles
ont donc décidé de s’attaquer à son versant public et politique : le fra-
triarcat. Celles qui ont une expérience politique ou syndicale ou même
professionnelle comprennent le sens de ce mot qui ne figure pas enco-
re dans les dictionnaires. Pourtant la complicité des hommes dans les
sphères de pouvoir ou simplement dans la vie professionnelle, elles
l’ont expérimenté.
D U F R AT R I A R C AT À L A PA R I T É , U N E R É V O L U T I O N F R A N Ç A I S E 93

Parité et rites de la politique


Une seconde remarque est que la parité n’est évidemment pas la
fin de l’Histoire. Elle ne permettra pas, à elle seule, de faire dispa-
raître les inégalités dont les femmes sont l’objet. J’ai été souvent
étonnée, dans les débats auxquels j’ai participé depuis une dizaine
d’années, d’entendre (presque toujours chez des hommes) que la pari-
té allait rendre le monde plus heureux. Cette conception de la femme
rédemptrice est aussi dangereuse qu’illusoire. Comme il serait illu-
soire de croire que, la parité instaurée, il ne serait plus nécessaire de
construire et mettre en œuvre des politiques d’égalité. On verra cer-
tainement d’ailleurs que les hommes politiques auront tendance, dans
un premier temps en tout cas, à faire en sorte que les candidates choi-
sies soient à leur solde afin de pouvoir (vieux problème) les contrô-
ler. Ce sont eux, en effet, qui dominent les structures partisanes. La
situation française va être intéressante de ce point de vue. À divers
égards. En raison de la complexité des modes de scrutin dans le droit
électoral français, la loi n’aura d’effets directs que dans les assem-
blées où les représentants sont élus au scrutin proportionnel de liste.
On peut de plus présumer que les exécutifs des assemblées au sein
desquels la présence féminine va augmenter lors des prochains scru-
tins (conseils municipaux et conseils régionaux notamment) demeu-
reront majoritairement masculins puisque la loi ne dit rien sur leur
composition par sexe.
La parité peut cependant faire avancer l’égalité dès lors que les
élues constitueront une « masse critique ». Ce n’est pas être essentia-
liste que dire cela. C’est supposer que l’entrée d’élues, en nombre,
dans la décision politique, est susceptible d’introduire dans le débat
public, comme on le constate dans les pays nordiques, des dimensions
de la vie commune qui n’y avaient pas place auparavant. Tout simple-
ment parce que l’histoire des femmes n’est pas celle des hommes. Ce
n’est pas une affaire biologique mais une conséquence de la construc-
tion, à partir du biologique, de la domination masculine. C’est aussi
espérer, en s’appuyant encore une fois sur des exemples étrangers, que
si les femmes sont nombreuses à occuper des fonctions électives, elles
94 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

contesteront les règles et les rites de la politique. Avant même la mise


en œuvre de la loi, nombre de Françaises qui envisageaient de se pré-
senter à des élections demandaient par exemple non seulement la sup-
pression la plus stricte possible du cumul des mandats mais également
que soit posée la question de la limitation des mandats dans le temps.
Est-il raisonnable, pour un bon fonctionnement de la démocratie,
d’exercer pendant vingt ans ou plus un mandat de maire par exemple ?
Les élues et les candidates potentielles demandent enfin que la ques-
tion du temps qu’exige l’exercice de responsabilités politiques soit
examinée. Les horaires des réunions comme la durée de celles-ci sont
inadaptés à l’existence d’une vie personnelle, pour les hommes
comme pour les femmes. Mais il se trouve que les premiers ressentent
moins de contraintes, ou n’osent guère en parler de crainte de ne pas
être regardés comme de « vrais » hommes.

Parité et égalité
La parité, et c’est ma troisième et dernière remarque, devrait enfin
être considérée comme une stratégie, comme un moment indispen-
sable, mais éventuellement dépassable. Or elle a été présentée, devant
le Parlement français, comme un principe, c’est-à-dire comme une
donnée principielle, irréversible. Sans doute aurait-il été préférable,
pour des raisons autant philosophiques que tactiques, que les lois pro-
posées soient conçues comme une étape et non comme un dogme,
celui-ci risquant de conforter une conception différencialiste des deux
sexes. C’est pour cette raison que je ne pensais pas qu’il était oppor-
tun de l’inscrire dans la Constitution. D’abord parce qu’il était permis
de penser que cela n’était pas nécessaire. Le gouvernement pouvait
soutenir qu’en vertu du préambule de la Constitution, le rôle de la loi
est de garantir l’égalité des femmes et des hommes. Or la parité est
une déclinaison de l’égalité. Il aurait pu souligner en outre que la
jurisprudence du Conseil constitutionnel de 1982 ne pouvait s’appli-
quer à une loi visant à l’égalité dans la mesure où ce qui avait été
alors annulé c’était une loi instaurant un quota. Cette jurisprudence
D U F R AT R I A R C AT À L A PA R I T É , U N E R É V O L U T I O N F R A N Ç A I S E 95

pouvait de surcroît être considérée comme caduque en raison de la


ratification par la France, en 1983, de la Convention internationale de
1979 sur l’élimination des discriminations à l’égard des femmes. Les
États qui ont ratifié cette Convention se sont en effet autorisés à adop-
ter des mesures d’action positive transitoires pour créer de l’égalité,
dans la représentation notamment. La parité pourrait donc être consi-
dérée comme un moyen, à un moment donné de l’Histoire, d’expéri-
menter l’égalité entre les deux composantes, socialement et juridi-
quement construites, du genre humain telles qu’elles sont aujourd’hui
inscrites dans le droit. Un droit qui peut et doit être évolutif. Une telle
loi, conçue comme temporaire, aurait dit qu’elle n’instituait pas la
« différence des sexes » comme une norme intangible mais visait à
corriger les conséquences d’une construction juridico-sociale en
expérimentant l’égalité numérique dans la représentation. Ce qui est
essentiel, comme le montre Éliane Vogel, c’est d’instaurer l’égalité
des femmes et des hommes. Les instruments juridiques sont pour cela
nécessaires. Rêvons du jour où ils ne le seront plus. C’est à ce rêve
que je vous invite. Il ne s’agit pas de demander le pouvoir, tout le
pouvoir, pour les femmes comme le redoutait Churchill. Il s’agit sim-
plement de le partager.

1. Dans celles-ci, les listes de candidats, qui sont dites « bloquées » dans la mesure
où les électeurs ne peuvent en modifier l’ordre, devront compter autant de
femmes que d’hommes par «tranche » de six candidats. Le nombre de femmes
élues va donc plus que doubler dans ces communes.
Atelier 1
La représentation des femmes
en politique

Les femmes et la prise de décision politique


La parité dans les instances politiques
La représentation des femmes
en politique

Amina Derbaki Sbaï


Députée PRL-FDF au Parlement de la Communauté française et
au Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale

À l’heure où je m’adresse à vous, vient de naître quelque part une


enfant, elle deviendra dans deux décennies une femme, une femme
du XXI e siècle. Elle vivra dans un monde où mettre un bulletin dans
une urne est un droit, où choisir ses études, une carrière est une évi-
dence. Elle pourra aimer, épouser ou ne pas épouser qui bon lui sem-
blera. Elle pourra penser, militer, manifester sans peur de la répres-
sion d’une quelconque autorité.
Elle lira dans son manuel d’Histoire que ces droits si anodins,
même pour beaucoup d’entre nous actuellement, elle les devra au
combat de femmes de ce siècle-ci. Des femmes qui ont décidé que, si
par un hasard génétique, l’évolution nous avait faites plus frêles, nous
n’en étions pas nécessairement plus faibles. Que parce que « ouvrier »
ou « secrétaire », n’étaient pas les seules occupations qui pouvaient se
décliner au féminin, elles nous ont frayé un chemin dans les parle-
ments, les prétoires, les directions d’entreprises, les universités, dans
le sport de haut niveau… etc. Bref elles nous ont permis d’intégrer
l’élite de l’Humanité alors que l’arbitraire nous en empêchait.
Elles ont dû affronter l’arrogance de la morale devenue loi. On
leur expliquait, un livre saint dans une main et un code pénal dans
l’autre, que la nature les avait prédisposées aux rôles de spectatrices
mais jamais d’actrices de l’Histoire.
Aujourd’hui, partout dans le monde des « minorités » militent,
donnent leur vie pour ces droits fondamentaux. Les femmes tout au
100 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

long de ce siècle se sont battues comme une « minorité » alors


qu’elles formaient une majorité, ce qui ajoutait l’injustice à l’inac-
ceptable. Elles étaient aussi nombreuses que leurs maris, pères ou
frères qui, eux, héritaient de ces droits.
Nous pouvons être fières du chemin accompli. Mais nous n’y
sommes qu’à moitié. Les réformes des lois, certes, nous donnent une
égalité à part entière mais il reste à réformer les esprits. Cette autre
moitié de chemin, que nous avons déjà entamé, est la plus difficile
parce que la maturité d’esprit, la tolérance ne se décrètent pas mais
s’acquièrent par l’éducation.
La parité ou les quotas sont des notions bien intentionnées, elles
fourniraient un cadre légal, mais « légal » n’est pas « moral », nous
sommes bien placées pour le savoir ; il a bien été moral jusqu’il y a
peu que le droit de vote ne soit pas légal pour les femmes. Comme
l’on parle d’un acquis social, le statut égalitaire de la femme dans nos
sociétés occidentales est un acquis moral et il s’est surtout imposé par
l’éducation ; il aura fallu, entre autres, quelques générations d’enfants
faisant leurs classes dans des écoles mixtes alors que leurs grands
frères et sœurs se regardaient à travers des grilles séparant les cours
de récréation. Cela vaut toutes les parités du monde.

Consolider des acquis


Il ne s’agit pas ici de remettre en question les efforts faits pour
obtenir un cadre légal en matière de représentation politique, comme
d’ailleurs nous devrons d’une manière ou d’une autre l’envisager
pour une équité dans les rémunérations salariales ; je trouve simple-
ment consternant qu’il faille policer la démocratie : la loi ne réforme
pas les esprits, les lois antiracistes n’ont pas effacé la xénophobie,
c’est l’éducation qui la fait reculer peu à peu.
Une législation en matière de débat de société n’est là que pour
prendre acte d’une évolution de l’opinion, elle ne crée pas cette évo-
lution. Une loi imposant une parité ou un quota de femmes dans la
représentation parlementaire ne réformera pas les mentalités. Elle
L A R E P R É S E N TAT I O N D E S F E M M E S E N P O L I T I Q U E 101

crée un précédent dans notre histoire, elle participe d’un système de


pensée, le droit à la différence, qui aussi louable soit-il, pousse un peu
plus nos sociétés vers un communautarisme corporatiste à l’instar du
modèle américain (femmes, hommes, gays, italo-américains, afro-
américains…). Chaque communauté défend son pré carré, mais les
ponts ne se construisent pas nécessairement entre ces communautés.
Aux États-Unis, il est bien structuré, chaque communauté constitue
un lobby efficace, mais il institue un équilibre des forces, pas une har-
monie civique ; dans le premier schéma, l’intérêt de la communauté
passe avant l’intérêt général, et dans ce système rien n’est acquis, tout
est négocié puis concédé, et est toujours susceptible d’être remis en
cause. L’exemple qui nous concerne ici, serait la discrimination posi-
tive (« affirmative action »), elle a été concédée mais pas acquise, les
Républicains (droite) ne ratent pas une occasion quand il s’agit d’es-
sayer d’abroger cette loi.
L’acquis moral que constitue le statut de la femme n’a pas été
négocié, ni concédé, ni imposé par une quelconque législation, il s’est
institué par l’éducation. Il ne viendrait à l’idée d’aucun homme poli-
tique, et d’ailleurs personne ne l’écouterait, de remettre en cause cet
acquis.
Une meilleure représentation féminine viendra d’une meilleure
éducation à la chose politique (rappelons l’étymologie du mot « poli-
tique », la « vie de la cité »). Si certaines sentent qu’elles n’ont pas la
place qu’elles méritent, elles peuvent changer, améliorer leur envi-
ronnement en usant de leurs droits fondamentaux : celui d’élire un ou
une mandataire et celui d’être élues. En somme, de descendre dans
l’arène plutôt que de huer du confort des gradins.
La revendication a fait son temps, nous avons le bon droit de notre
côté, l’heure est à la consolidation de ce droit. La génération actuelle
ne voit plus l’homme comme un rival mais un partenaire, avec qui
elle peut travailler, façonner son environnement, et préparer la pro-
chaine génération à un partage plus équitable encore des responsabi-
lités, parce qu’il reste effectivement des préjugés à dépasser.
Nous devons au mouvement féministe ce que nous sommes aujour-
d’hui, mais la confrontation n’est plus nécessaire ; une législation
102 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

ferait violence et ne devrait être adoptée que dans un environnement


trop conservateur et où l’urgence l’impose, je pense notamment aux
syndicats, aux fédérations patronales. En matière de politique, dans
notre pays, la situation n’est pas critique et elle évolue dans le bon
sens. De plus, qui dit représentation, dit représentantes, le droit de vote
n’est là que depuis 1948, nous ne sommes sur la scène politique qu’au
mieux depuis quatre générations, l’avancée est quand même remar-
quable. Le problème est peut-être plus dans la jeunesse du parlemen-
tarisme féminin, « il faut laisser le temps au temps », pour reprendre
une expression désormais célèbre, les vocations manquent encore.
Si dans nos contrées, les avancées sont notables, il n’en est pas de
même sur d’autres continents ; la situation est même dans le rouge
dans des pays comme l’Afghanistan où le pire des obscurantismes
s’est emparé du pouvoir et confine les femmes dans un néant social
sans précédent. Dans d’autres régions, c’est le système économique
qui joue ce rôle, les femmes constituent une main-d’œuvre bon mar-
ché.
Il est dans notre intérêt de nous impliquer, d’apporter notre aide,
nous avons l’expérience des combats passés. Dans notre intérêt parce
que même si dans notre quotidien, ces 40 secondes de journal télévi-
sé s’évanouissent très vite, les conséquences de leurs conditions se
répercutent ici, cette main-d’œuvre bon marché crée un appel d’air en
terme d’emplois chez nous, elle se manifeste par des délocalisations.
Il n’y a aucune vergogne à le voir sous cet angle, l’acharnement du
militantisme est inversement proportionnel aux soucis économiques.
Certaines avancées se sont faites aussi comme cela, souvenez-vous
des « munitionnettes ».
Là encore, l’éducation est la seule voie ; le plus désolant est que
dans bien des cas, ce sont d’abord les femmes à qui il faut ouvrir les
yeux. Dans des régimes à caractère religieux, les femmes vous répon-
dent qu’elles accomplissent leur devoir en se soumettant au diktat
masculin, que nous, occidentales, sommes égarées mais qu’elles ne
perdent pas espoir pour nous. Le pathétique fait parfois sourire.
Aussi décourageant soit-il, ce genre de propos nous rappelle d’où
nous venons, nous rappelle que, pour éviter, comme en Afghanistan et
L A R E P R É S E N TAT I O N D E S F E M M E S E N P O L I T I Q U E 103

en bien d’autres endroits encore, qu’à chaque soubresaut de l’Histoire,


ces droits ne soient remis en cause, qu’à chaque soubresaut de l’éco-
nomie, les théories selon lesquelles les femmes devraient peut-être
réintégrer les foyers pour laisser leur emploi ne refassent surface, nos
acquis moraux doivent être synonymes de pérennité.
En cette fin de millénaire, l’Humanité a les yeux, plus que jamais,
tournés vers les étoiles et lorsqu’une femme prend place à bord d’une
navette spatiale, elle est acclamée, on en fait l’éloge, parce que cela
nous est exceptionnel. Souhaitons pour cette enfant qui vient de
naître, pour cette femme du XXIe siècle, que l’exceptionnel devienne
ordinaire.
La participation des femmes
à la vie politique

Marie Nagy
Présidente du Groupe Écolo du Sénat

Signalons d’emblée que, même si ce colloque sépare en trois thé-


matiques distinctes la représentation des femmes en politique, au plan
social, économique et professionnel, et enfin dans les médias, il nous
paraît important de ne pas se limiter à l’un de ces aspects pris indé-
pendamment des autres. En d’autres termes lorsqu’on se penche sur
des questions comme les femmes et la prise de décision politique ou
la parité dans les instances politiques, il importe de prendre en comp-
te d’autres dimensions de la participation des femmes dans la sphère
publique. Mais encore faudrait-il déborder cette seule sphère.

Place des femmes et type de développement dans


nos sociétés
Car si la situation des femmes au sein de la sphère publique fait
l’objet de nombreux débats et connaît certaines transformations, on
ne peut que constater la lenteur de l’évolution de leur place dans la
sphère privée. Une enquête récente de l’INSEE met en exergue la très
forte spécialisation et l’inégalité de la répartition du travail domes-
tique entre conjoints. Dans la France de 1999, le partage des tâches
domestiques demeure inégal, les hommes n’en assurant environ
qu’un tiers. De façon générale, la spécialisation des rôles s’accentue
avec la vie de couple et le nombre d’enfants. Depuis une quinzaine
L A PA RT I C I PAT I O N D E S F E M M E S À L A V I E P O L I T I Q U E 105

d’années, la plus forte implication des femmes sur le marché du tra-


vail, l’évolution des modes de consommation et le développement
des services de proximité ont toutefois contribué à réduire les inéga-
lités entre hommes et femmes au sein du couple. Cependant, si les
écarts entre les pratiques féminines et masculines se sont réduits, ce
n’est donc pas tant du fait d’un alignement des comportements mas-
culins sur les comportements féminins, qui ne progresse que lente-
ment, que suite au développement des services de proximité et à
l’évolution des modes de consommation ; certaines activités prises en
charge exclusivement par les femmes comme la couture ont quasi-
ment disparu, d’autres comme la cuisine ou la vaisselle exigent désor-
mais un temps plus court. Cependant les rôles restent nettement dif-
férenciés et ce phénomène tend à se reproduire chez les enfants.
De façon plus générale ne faudrait-il pas se questionner sur l’arti-
culation tant pour les hommes que pour les femmes de ces deux
sphères et plus précisément sur la valeur du travail et le rôle du tra-
vail dans nos sociétés ? Comme se le demande Dominique Méda, ne
serait-il pas important de pouvoir s’appuyer sur l’expérience particu-
lière et les aspirations spécifiques des femmes pour repenser à la fois
la place du travail dans la société et le type de développement que nos
sociétés modernes souhaitent désormais promouvoir ? Ne serait-il pas
possible de réorganiser le travail et l’articulation entre le travail et les
autres temps à partir des aspirations des femmes ?
Dominique Méda distingue quatre grands types d’activés néces-
saires au bien-être individuel et social : les activités productives, les
activités familiales, amicales, amoureuses, les activités politiques et
les activités culturelles. Pour reprendre les termes de la philosophe
française, toutes ces activités sont nécessaires à l’inscription dans le
temps des sociétés. Elles sont également toutes nécessaires au déve-
loppement de chaque individu : chacun est à la fois ou doit pouvoir
être un travailleur, un parent, un citoyen, un ami, un sujet qui s’occu-
pe de soi. Or les femmes ne sont-elles pas les principales instigatrices
de cette volonté de pluralité, de multiancrage dans les différentes
sphères de la vie ? Ne souhaitent-elles pas exercer une profession
intéressante qui assure leur indépendance financière tout en leur per-
106 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

mettant, notamment en leur laissant le temps, de s’investir dans


d’autres dimensions de l’existence ? Cette aspiration n’est-elle
d’ailleurs pas partagée par un nombre croissant d’hommes qui ne sont
plus prêts à sacrifier leur vie familiale à leur vie professionnelle et
sont à la recherche d’un meilleur équilibre de vie leur permettant de
réellement concilier vie professionnelle, vie familiale et vie sociale ?
Il s’agit donc d’arriver à circonscrire le temps consacré au travail
pour remodeler une nouvelle norme d’emploi dans un contexte où la
plupart des couples sont bi-actifs et où chacun des membres souhaite
développer des investissements équivalents en intensité dans les diffé-
rents domaines de la vie. À cette fin, les mesures de conciliation entre
les différentes facettes de la vie devraient être promues tant pour les
hommes que pour les femmes et non plus réservées seulement à ces
dernières.
L’objectif que se fixe Ecolo est d’arriver à une présence plus équi-
librée des femmes à tous les niveaux et tous les types de fonctions
dans le monde du travail. Par là, pourra s’engendrer une évolution des
mentalités sur une répartition plus harmonieuse de la vie privée,
publique/citoyenne et professionnelle.

Évolution des représentations


Si la situation actuelle des femmes est caractérisée par la faible
prise en compte d’une série de demandes sociales qui les touche par-
ticulièrement, l’amélioration de leur participation à la vie politique
devrait permettre l’introduction de nouvelles préoccupations dans les
différentes assemblées et par là même des réponses plus satisfaisantes
à celles-ci. La présence d’un nombre accru et substantiel de femmes
légitimerait aussi pour les hommes la volonté de mieux concilier vie
privée et engagement politique. Dans ce contexte, il deviendrait
concevable qu’un homme désire rentrer à la maison pour être présent
auprès de ses enfants et partager davantage les tâches traditionnelle-
ment dévolues aux femmes. Mais, il ne s’agit là que d’une des
sphères de l’existence et à laquelle ne devraient pas se limiter les évo-
L A PA RT I C I PAT I O N D E S F E M M E S À L A V I E P O L I T I Q U E 107

lutions souhaitées. Toutefois le débat actuel sur la participation des


femmes à la vie politique a le mérite de mettre différentes dimensions
de l’égalité entre hommes et femmes sur la place publique et par là
même, peut-être, de contribuer à une évolution des représentations
sur la place des deux sexes dans les différentes activités de la vie.
Parmi les propositions qui, en dehors des mesures au niveau de la
participation politique, devraient être mises en œuvre pour réduire les
inégalités entre les hommes et les femmes, on peut avancer, dans la
lignée de ce qui vient d’être dit, un meilleur partage du temps de tra-
vail. En effet, une réduction collective du temps de travail assurerait
une plus grande égalité des chances entre hommes et femmes,
contrairement aux formules de temps partiels telles que nous les
connaissons aujourd’hui qui pénalisent les femmes, tant sur le plan
financier que dans l’optique de leur insertion dans la société. En
1995, 90 % des emplois à temps partiel étaient occupés par des
femmes et en 1997, 37 % de la main-d’œuvre féminine travaillait à
temps partiel contre seulement 4 % de la main-d’œuvre masculine. Le
principe d’égalité des salaires et la lutte contre les discriminations
doivent être eux aussi renforcés, notamment en remettant en cause
une série de politiques inégalitaires qui favorisent principalement les
hommes ou défavorisent les femmes. Il faut également améliorer les
services collectifs pour l’accueil des enfants et des personnes âgées.
Services dont les carences actuelles sont principalement supportées
par les femmes. Enfin, l’individualisation des droits en matière de
sécurité sociale doit constituer une priorité de manière à assurer aux
femmes les bénéfices du système indépendamment des changements
pouvant intervenir dans la structure familiale et les protéger ainsi de
la précarisation qui menace nombre d’entre elles.
La parité dans les instances politiques

Colette Burgeon
Députée
Présidente de la Commission Interfédérale des Femmes du P.S.

« La sous-représentation des femmes dans les organes politiques


ne constitue pas un problème propre à la Belgique. Il s’agit d’un phé-
nomène qui est la conséquence d’une reconnaissance tardive du droit
de vote des femmes, d’une part, et d’une conception du rôle tradi-
tionnel de la femme dans les sociétés occidentales, d’autre part. »1
Certes, depuis un demi-siècle, les femmes disposent d’une voix
égale à celle des hommes lors des élections, mais leur participation
dans les lieux de décision et dans les assemblées législatives demeu-
re extrêmement faible, d’autant plus faible que l’on monte dans la
hiérarchie.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes :

Nombre de femmes dans les gouvernements belges


(chiffres arrêtés au 8 mars 2000)

Femmes Hommes Total

Gouvernement fédéral 3 15 18
Gouvernement flamand 3 6 9
Gouvernement
de la Communauté française 3 5 8
Gouvernement germanophone 0 3 3
Gouvernement bruxellois 1 7 8
Gouvernement régional wallon 0 9 9
L A PA R I T É D A N S L E S I N S TA N C E S P O L I T I Q U E S 109

Mandataires locaux (Belgique)

Communes Femmes Total %

Conseillers 2.569 12.811 20 %


Échevins 404 3.075 13 %
Bourgmestres 32 589 5%

Les femmes dans les Parlements


% % %
global francophones néerlandophones

Chambre 19 % 22 % 18 %
Sénat 25 % 20 % 29 %
Parlement européen 32 % 20 % 43 %

Dans ce même contexte ou presque, le 24 mai 1994, le législateur


fédéral a adopté une loi « visant à promouvoir une répartition équili-
brée des hommes et des femmes sur les listes de candidatures aux
élections » (M.B., 1er juillet 1994, p.17681).
Cette nouvelle loi, longuement débattue en commission parle-
mentaire de la Chambre (composée exclusivement de députés de sexe
masculin) prévoit que, sur chaque liste électorale présente dans
chaque circonscription électorale, le nombre de candidats d’un même
sexe ne peut excéder une certaine quotité, à savoir deux tiers du total
constitué par, d’une part, le nombre de sièges à pourvoir pour l’élec-
tion dans la circonscription et, d’autre part, le nombre maximum de
candidats suppléants dans cette même circonscription. La liste qui ne
satisfait pas à cette exigence est purement et simplement écartée, ce
qui la prive du droit de prendre part au scrutin.

Une législation critiquée


Si l’institution des quotas féminins dans notre législation électora-
le répondait à la louable intention de favoriser davantage la participa-
tion des femmes à la vie politique et de remédier ainsi à leur sous-
110 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

représentation chronique dans les assemblées représentatives, la loi a


été critiquée sous deux angles.
Marc Verdussen relève notamment ce qui suit :
« Tout d’abord, l’adoption de la loi s’est heurtée à une objection
constitutionnelle, tirée du principe d’égalité et non-discrimination
consacré par les articles 10 et 11 de la Constitution. Dans l’avis qu’el-
le a rendu sur le projet de loi, la section de législation du Conseil d’É-
tat a considéré qu’en tant que telle, la règle des quotas n’est pas dis-
criminatoire, mais qu’en revanche, par sa gravité, la sanction dont
cette règle est assortie – l’irrecevabilité de la liste – n’est pas raison-
nablement proportionnée à l’objectif poursuivi, puisqu’elle porte
atteinte au droit de se porter candidat et au droit d’être élu.
Ensuite, la loi recèle plusieurs faiblesses qui risquent d’en com-
promettre l’efficacité et que certains observateurs étrangers n’ont pas
manqué de relever. C’est ainsi que le quota de deux tiers est calculé
par rapport au nombre maximum de candidats qui peuvent être pré-
sentés sur la liste, et non par rapport au nombre réel des candidats qui
se présentent effectivement sur cette liste, de telle sorte qu’à la condi-
tion d’être incomplète, à concurrence d’un tiers, une liste peut parfai-
tement être « unisexuée ». C’est ainsi surtout qu’à défaut de contenir
des prescriptions quant à la place respective des femmes et des
hommes sur les listes, la loi permet aux partis politiques de placer ses
candidats avant ses candidates. »2

Mais, au-delà de ces critiques, il faut bien constater que cette loi
ne prend pas en compte l’irréductible dualité sexuelle de l’humanité.
Pour reprendre Madame Éliane Vogel-Polsky : « C’est parce que
l’humanité est sexuée qu’on ne peut construire de démocratie qui ne
le soit pas elle-même »3. La Déclaration gouvernementale issue des
élections du 13 juin 1999 a bien prévu que « le gouvernement dépose
un projet de loi visant à réduire de moitié le poids du vote en case de
tête et à supprimer le système des suppléants ». L’argumentation se
poursuit en affirmant que « le citoyen pourra ainsi, mieux que ce n’est
le cas actuellement, déterminer qui le représentera au Parlement. Cette
L A PA R I T É D A N S L E S I N S TA N C E S P O L I T I Q U E S 111

pondération du vote de case de tête contribuera par ailleurs à une


représentation politique renforcée des femmes ».
On sait que l’effet dévolutif n’a jamais été très favorable aux
femmes. Cette proposition semble donc positive au premier abord.
Mais comme le remarquent justement Valérie Verzele et Carine Joly 4 :
« Il faut toutefois rappeler la relativité des chiffres. Cette observation
n’est basée que sur la comparaison des résultats électoraux de 1995 et
1999 et dépend évidemment de la place que les partis veulent bien
accorder aux femmes sur leurs listes. Dans la majorité des cas, là où les
femmes sont bien positionnées, l’effet dévolutif jouera moins.
En outre, le renforcement de l’importance accordée aux voix de
préférence, même s’il peut sembler favorable aux femmes, ne doit
pas cacher ses effets pervers. En effet, les avantages d’une telle déci-
sion bénéficieront principalement aux personnalités politiques les
plus connues. La personnalisation des campagnes électorales et l’im-
portance des médias par rapport aux futurs candidats ne feront que
s’accentuer. Les nouveaux et nouvelles venus en politique auront plus
de difficultés à émerger.
La suppression des suppléances peut paraître défavorable aux
femmes, puisque nous avons vu que, grâce à celles-ci, les femmes
étaient légèrement plus nombreuses à siéger dans les assemblées.
Rappelons cependant que ce sont les partis qui ont décidé de placer
beaucoup de femmes en suppléance. Rien ne nous permet de dire
qu’en supprimant le système des suppléants, moins de femmes siége-
ront. Le gain obtenu par la suppression de l’effet dévolutif fera plus
que compenser la perte au niveau des suppléances. De plus, la place
sur la liste jouera également encore un rôle.
Au total, cette proposition, en maintenant le vote en case de tête
tout en l’atténuant, permet toujours à l’ordre des candidats sur la liste
de jouer un certain rôle. Le débat sur l’alternance et le quota aux
places éligibles ou en ordre utile demeurent donc intéressants. »4
Tellement intéressants que Monsieur le Président Elio Di Rupo a
instauré le principe de listes communales et provinciales pour les
élections d’octobre 2000 composées d’au moins 40 % de femmes,
dont une femme dans les trois premières places. Ce serait un mal
112 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

nécessaire pour féminiser davantage la politique, autant que la recon-


naissance officielle d’un déficit démocratique.
En tout cas, le quota n’est pas la panacée. C’est donc sur un
double tableau que les tenants d’une société politique paritaire veu-
lent jouer : renforcer le quota, supprimer l’effet dévolutif. Pour le
quota, on parle maintenant de parité et d’alternance des candidats. La
législation belge et les propositions de modifications doivent garantir
une représentation équilibrée des hommes et des femmes en poli-
tique, y compris les propositions et les projets de loi de la législature
actuelle.
On se souviendra également que la Conférence Mondiale de Pékin
de 1995, sous la pression des organisations non gouvernementales, a
inscrit la parité dans son texte final. Si la demande de parité a mobi-
lisé les réseaux associatifs féminins et féministes, c’est notamment
parce qu’elle a permis de rompre avec la solution dite des quotas, qui
n’a jamais fait l’unanimité.

Partager le pouvoir
Mais on voit bien, ici aussi, les objections que soulève l’idée d’un
partage de pouvoir femmes-hommes. L’idée, parce qu’elle est populai-
re, semble être maintenant admise par les hommes politiques. Mais ces
derniers louvoient. L’un des moyens utilisé pour temporiser est de sou-
tenir qu’il faut, avant de pouvoir voter des lois, réviser la Constitution
du pays. Des propositions ont été déjà déposées en ce sens.
Pourtant tous les États membres de l’Union européenne ont ratifié
la Convention de l’ONU de 1979 sur l’élimination de toutes les
formes de discrimination à l’égard des femmes et ont accepté de
considérer comme licites des mesures d’action positive temporaires
destinées à améliorer leur position dans la vie publique. La parité
s’impose donc comme un enjeu politique. Le concept a conduit, dans
de nombreux pays, à repenser le fonctionnement de la démocratie et
à poser la question : « Une démocratie sans les femmes est-elle une
démocratie ? ». Mais une autre question, en même temps, est soule-
L A PA R I T É D A N S L E S I N S TA N C E S P O L I T I Q U E S 113

vée, qui fait pendre la spécificité du genre : celle de la représentation


(ou absence de représentation) de la diversité sociale, culturelle, reli-
gieuse, etc.
La catégorisation « femmes » et « hommes » ne peut être traitée
sur le même plan que le statut social, l’appartenance religieuse ou la
couleur de la peau, caractéristiques contingentes et ne figurant pas à
l’état civil des personnes. La division sexuelle revêt en effet un carac-
tère spécifique. Elle traverse tous les groupes sociaux.
Il semble aussi que d’autres points essentiels restent à creuser et
que l’on pourrait résumer par les alternatives suivantes :
– La parité revendique-t-elle une représentativité des femmes ou
bien remet-elle en question la persistance de la domination masculine ?
– La parité entre-t-elle en contradiction avec le principe d’égalité
ou au contraire correspond-elle à une application plus large et plus
concrète de ce principe ?
En d’autres termes, il convient aujourd’hui de répondre à la ques-
tion de la parité pour quoi faire ? Mais aussi à d’autres questions : la
parité est-elle utile et nécessaire à la rénovation de notre système
politico-juridique ? Permet-elle de faire reculer les inégalités entre
hommes et femmes dans la sphère publique ? Quelles pourraient en
être les conséquences dans les domaines économique et social ?
Permet-elle d’approcher une égalité réelle au-delà d’une égalité de
droit obtenue par les femmes et jusqu’ici non appliquée ? Plus large-
ment, la parité politique est-elle possible sans une parité sociale, en
particulier dans la sphère domestique et professionnelle ? Que peut-
on attendre de la première pour améliorer la seconde ?
Avec Gisèle Halimi, il n’est plus permis de se méprendre : « Pas
de certitudes dans la réponse, mais des conjectures, des probabilités,
relevant quelquefois du pari. La parité assurera une égalité politique,
donc une représentation plus juste parce qu’incluant à parts égales les
deux égales moitiés du peuple. Donc, à ce titre, meilleure. Une repré-
sentation plus riche aussi, car dans le même creuset se fonderont
idées, pratiques, expériences, langages fondamentalement différents.
La parité en politique porte également en elle une dynamique qui
devrait s’étendre à toute la société : travail, fonction publique, éco-
114 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

nomie, vie associative. Elle est une nouvelle lecture de l’universalis-


me, mais aussi une symbolique, un point de départ. À partir d’elle,
tout reste à faire. Au législateur de prendre l’outil et de construire
l’ouvrage. »5
Il reste que le mouvement est lent, très lent. À nous, toutes et tous,
de soutenir pleinement les transformations en cours.

1. Marc Uyttendaele et Jérôme Sohier, Journal des Tribunaux, n° 5754, 1er avril
1995, Éditions Larcier, Bruxelles.
2. Marc Verdussen, « La parité sexuelle sur les listes des candidat(e)s », in Revue
belge de Droit Constitutionnel, Bruylant, Bruxelles, 1999, pp. 33 à 37.
3. Éliane Vogel-Polsky. « A European Citizenship Without Women ? » in European
Citizenship. An Institutional Challenge (Éd. M. La Torre), The Hague/London,
Boston, Kluwer Law International, 1998, p. 342.
4. Valérie Verzele et Carine Joly, « La représentation des femmes en politique après
les élections du 13 juin 1999, Évaluation de l’application de la Loi Smet-
Tobback », in Courrier hebdomadaire du CRISP, n° 1662-1663, 1999, pp. 81 et
82.
5. Gisèle Halimi, « Le flou de la réforme constitutionnelle. Parité, je n’écris pas ton
nom … » in Le Monde diplomatique, septembre 1999, p. 7.
L’engagement des femmes
dans la vie publique :
vocation et réalités
Françoise Dupuis
Ministre de l’Enseignement supérieur
et de la Recherche scientifique du
Gouvernement de la Communauté Wallonie-Bruxelles

La question de la vocation m’interpelle évidemment à titre per-


sonnel, elle interpelle tous ceux qui font de la politique, et pour ce qui
concerne les femmes, soulève une foule de questions en rapport avec
leur participation à la vie publique, au monde du travail, la manière
dont jouent les processus d’orientation scolaire et professionnelle, les
médias, la publicité, dans la formation des modèles vocationnels. Si
la situation a évolué, elle reste loin d’être idéale et si l’on se réfère
aux programmes des formations politiques d’extrême-droite, nous
pourrions même connaître un sérieux retour en arrière obscurantiste.
Il me semble qu’aujourd’hui plus encore qu’hier, avec le brassage
d’idées, de cultures, les messages divers et contradictoires sur le suc-
cès familial et professionnel, il est rare d’avoir une vocation, et il est
difficile de choisir. C’est pourquoi on a raison d’ouvrir pour les
jeunes des périodes spécifiquement consacrées à l’orientation (cf. le
décret sur les missions de l’école), de même qu’on aurait tort de les
spécialiser trop tôt dans l’enseignement secondaire.
Mais il y a aussi tous ceux et celles qui, pour des raisons sociales
et économiques, à cause du racisme aussi, n’ont pas le choix, ou se
trouvent in fine confrontés au refus d’embauche, au travail au rabais,
aux fermetures d’entreprise sans possibilité de reconversion, au
constat que l’école n’a pas joué son rôle d’émancipation sociale.
Il n’est pas vraiment prouvé que les femmes votent pour des
femmes, mais si les femmes politiques doivent œuvrer dans tous les
116 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

domaines de la vie publique sans distinction, quelque part et tant qu’il


restera ces terribles distorsions, les femmes de gauche et la gauche
ont le devoir de combattre ces inégalités. Permettre aux femmes de
prendre des responsabilités politiques est un combat démocratique.
Aujourd’hui la participation des femmes à la vie politique est
généralement acceptée dans le principe, mais il en va souvent autre-
ment lorsqu’on discute soit les personnes, soit les chiffres.
L’évolution récente assez rapide vers une présentation plus équilibrée
des listes électorales indique à la fois un changement de mentalité du
public et l’émergence de personnalités féminines capables de prendre
des responsabilités. Ces dernières ont évidemment toujours existé :
aujourd’hui le problème est affaire de nombre. Au Parlement bruxel-
lois – la plus féminisée des assemblées – la présence des femmes,
sans être encore considérable, permet de créer des conditions de tra-
vail équitables.
Or les plus jeunes sont nombreux à s’intéresser à la politique – et
il faut s’en réjouir – mais ce sont principalement des hommes. En
même temps on voit des jeunes femmes avoir des fonctions diri-
geantes (exemple de la Fédération des Etudiants Francophones), et on
voit aussi s’affirmer pas mal de jeunes femmes d’origine immigrée. Il
faudra donc être attentif à ne pas perdre les maigres acquis engrangés.
Il y a vingt ans que nous savons que la pression des femmes sur le
marché du travail et sur la vie publique est irréversible. Pourtant leur
précarité d’emploi n’a jamais été aussi grande, par la multiplication
des sous-statuts et du temps partiel, domaines où elles sont majori-
taires, à cause de l’insuffisance des infrastructures d’accueil pour les
enfants, et des salaires qui restent proportionnellement plus bas.
L’énormité de ce problème apparaît si l’on fait ressortir les chiffres du
chômage réel : environ 450.000 chômeurs complets indemnisés dans
les statistiques officielles (une majorité en Wallonie et à Bruxelles),
mais en réalité le double si l’on tient compte de tous ceux qui émar-
gent partiellement à la sécurité sociale par défaut d’emplois (et là la
Flandre se taille la part du lion). Les fameux « pièges à l’emploi »
concernent aussi majoritairement les femmes.
Dans le domaine de l’orientation scolaire et professionnelle, on
L’ E N G A G E M E N T D E S F E M M E S D A N S L A V I E P U B L I Q U E . . . 117

retrouve aussi des constantes, par exemple un taux de réussite scolai-


re globalement meilleur pour les filles que les garçons, alors que les
filles se retrouvent dans des sections moins porteuses en termes
d’emploi. Les attentes vis-à-vis des garçons restent plus élevées, et
c’est ainsi qu’en cas de difficulté dans l’enseignement général, on
réorientera plus rapidement les filles vers l’enseignement profession-
nel, alors que les garçons seront autorisés à redoubler. Dans les for-
mations CEFA ou Classes moyennes, l’étude des filières est très révé-
latrice : si dans l’ensemble les filières féminines se sont ouvertes aux
garçons, il reste de forts bastions réservés à ces derniers, et donc leur
choix est beaucoup plus large. Cette évolution se dessinait depuis les
années septante et ne s’est malheureusement pas infirmée. Les filles
sont aussi dans les contrats d’apprentissage dont le statut et la durée
sont les plus fragiles et les plus courts.
Dans l’enseignement supérieur, il semble que les filles soient désor-
mais plus nombreuses que les garçons à l’université (c’est tout récent).
Elles restent toutefois majoritaires dans les formations les plus courtes
et minoritaires dans les doctorats. Minoritaires aussi dans l’enseigne-
ment supérieur de type long et dans l’enseignement technique. Si le
personnel enseignant est largement féminisé (plus de 80 % dans l’en-
seignement fondamental), l’effet pyramide est toujours là, avec 92 %
des professeurs ordinaires dans les universités qui sont des hommes.
Les analyses et les explications dépasseraient largement le cadre
de ces pages. L’influence du milieu social et familial me paraît pré-
pondérante, mais les médias, en particulier les médias publicitaires
jouent un rôle très négatif dans la formation des images-modèles
vocationnels. De même qu’en accréditant largement la violence, ils
contribuent évidemment à la renforcer. La démonstration est en tous
points similaire pour les jeunes d’origine immigrée, avec d’autres
formes de cumul de handicaps. Malgré les grands discours sur la
mobilité sociale dans la société fondée sur l’économie de marché,
ainsi que sur la multiplication de l’information pour tous, les parcours
scolaires et professionnels restent profondément discriminatoires.
Enfin, l’extrême-droite. À l’analyse des programmes du Vlaams
Blok, on constate combien ce parti a repris à son compte les orienta-
118 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

tions fascistes des programmes d’avant-guerre en exaltant la famille


traditionnelle et la femme au foyer, ainsi qu’en stigmatisant la liberté
sexuelle et tout autre choix de vie personnelle. Cet aspect de son pro-
gramme est généralement occulté par le rejet de l’étranger, l’exalta-
tion de la violence et des questions sécuritaires, et le nationalisme,
mais profite évidemment de la faiblesse de représentation de cer-
taines catégories de la population dans le processus politique. Le
modèle de société prôné par l’extrême-droite est totalement fermé et
inégalitaire.
Il n’est pas trop tard, mais il est largement temps de le combattre.

Contribution parue dans le mensuel « Réflexions », Revue de


l’Institut Emile Vandervelde, n° 32, février 1999.
Les femmes : la moitié du politiciel

Annie De Wiest
Sociologue ULB
Directrice de la Direction de l’Égalité des Chances
du Ministère de la Communauté française

Appliquée à la discussion sur le rôle des femmes dans l’action


politique, l’expression « démocratie paritaire » est relativement
neuve, puisque forgée il y a une quinzaine d’années dans les sphères
du Conseil de l’Europe. Elle a progressé depuis lors, non sans
quelques bousculades en chemin. Désormais, quand on parle de pari-
té en politique, on sait qu’il s’agit d’envisager une conception de la
démocratie qui prévoit « autant de femmes que d’hommes », partout
et à tous les niveaux. Nombreux ont été celles et ceux qui ont estimé
qu’une démocratie sans les femmes n’est qu’une « démocratie
inachevée ». Si un authentique consensus semble désormais acquis au
sein de certaines couches de la classe politique, on ne peut dire que
les milieux dirigeants des affaires, des syndicats et de la culture, pour-
tant souvent prompts à sentir le vent, se soient montrés très sensibles
à cette évolution même si, on en conviendra volontiers, une certaine
féminisation des cadres est à l’ordre du jour.
Rares sont encore aujourd’hui celles et ceux dont l’action s’inspi-
re de l’idée que l’accaparement du pouvoir par les hommes apparaît
comme un archaïsme pur et simple, indigne du XXIe siècle. On peut
du reste poser la question de savoir si la soudaine pertinence du
concept de parité ne relève pas du fait que nos démocraties sont très
enclines à s’interroger sur leur fonctionnement et, pourquoi le nier,
sur leurs faiblesses.
120 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

Autant que la parité, le rajeunissement et la diversification cultu-


relle des cadres politiques sont à l’ordre du jour ; ils traduisent, pour-
quoi ne pas le dire, une semblable inquiétude. Si l’on observe bien les
derniers scrutins, on a vu émerger une offre politique nouvelle, qui
n’avance pas seulement des noms de femmes et de jeunes, mais aussi
ceux de candidat(e)s issu(e)s des milieux de l’immigration. On ne
doute plus désormais de la vitalité ainsi rendue à nos institutions.

De la théorie à la pratique
Si le concept de parité semble bien reçu dans certains milieux, il
se heurte à de sérieuses réticences dès lors qu’il s’agit d’envisager sa
mise en œuvre dans la vie politique quotidienne. La parité est-elle
vraiment bien comprise lorsqu’on voit apparaître sur les listes électo-
rales les filles, les compagnes et les secrétaires des hommes déjà en
place ?
Certaines candidates n’ont fait que répondre au choix des
hommes. Elles sont toutefois les bienvenues. Nous sommes quelques-
unes à être convaincues qu’elles aussi pourront s’investir en politique
si elles acquièrent réellement l’assurance, les compétences et surtout
l’appétence du pouvoir. Il est de la responsabilité de tous les hommes
et des femmes intéressé(e)s par la vie politique de partager l’exercice
difficile des mandats.
Mais on ne saurait nier que les hommes restent souvent effarou-
chés devant la montée des femmes au pouvoir. Les titres des maga-
zines marquent cette inquiétude : j’ai relevé en quelques mois les
couvertures suivantes : « Elles sont de plus en plus nombreuses à
aimer, travailler, et réussir en dehors du couple : vivre heureuse en
solo », « L’infidélité au féminin : leur nouveau mot d’ordre, là aussi :
vive la parité », « Etudes : pourquoi les filles battent les garçons ? »,
« Y a-t-il trop de femmes enseignantes ? », « Carrière ou enfants : les
femmes ne veulent plus choisir ».
Or, si les hommes ont peur, c’est parce que persiste l’idée selon
laquelle ce qu’une femme gagne l’est nécessairement au détriment
LES FEMMES : LA MOITIÉ DU POLITICIEL 121

d’un homme. Mais les jeux ne sont pas à somme nulle. Les femmes
ne gagnent pas au détriment des hommes, c’est l’ensemble de la
société qui gagne à ce que les talents, les potentialités et l’expérience
des femmes soient appréciés et utilisés. Les temps ne sont plus à la
guerre des sexes mais à un partenariat constructif ou, selon la belle
expression canadienne, à « un avenir à partager ». En d’autres termes,
il s’agit de vivre ensemble et mieux.

La parité n’est pas une fin en soi


Toutefois, il serait illusoire voire dangereux de confondre démocra-
tie paritaire et démocratie parfaite. Ce faisant, on rétablirait une vision
différentialiste, une perspective biologique du monde qui ne satisferait
certainement pas les tenant(e)s de cette idée de parité. La parité n’est
pas une simple arithmétique fondée sur des différences biologiques.
S’il est vrai que les hommes et les femmes diffèrent dans les faits
parce qu’ils relèvent de catégories juridiques distinctes et que leurs
histoires et leurs expériences divergent aussi, il n’en est pas moins
juste d’affirmer que les hommes devront partager avec les femmes le
pouvoir, l’accès à la prise de décision et les richesses. Les démocra-
ties n’ont jamais exigé des êtres humains qu’ils soient pareils pour
être égaux. Cette heureuse perspective a été comprise en ce qui
concerne les questions liées à ce que l’on appelait les races humaines.
Qui oserait de nos jours prétendre que ces communautés ne sont pas
égales en droits ?
Nous admettons que l’impératif de justice paritaire dans la repré-
sentation populaire est catégorique ; nous poursuivrons en estimant
qu’elle ne peut constituer une fin en soi, sous peine de se défigurer.
Réduite à un objectif plus ou moins accessible, la parité n’améliore-
ra pas la réalité des choses. Elle doit avoir un lendemain. On ne peut
faire l’impasse sur son sens et sa finalité.
La parité est une ressource institutionnelle, un outil d’exploration,
un moyen via lequel nous entrevoyons un monde de relations
humaines nouvelles.
122 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

La parité, c’est aujourd’hui travailler ensemble, femmes et


hommes, pour une société plus habitable. C’est un moyen et non un
but en soi.
Car le paritarisme ne saurait se substituer aux enjeux sociaux qui
restent au cœur du débat politique.

L’apport de la parité au débat politique


Parmi les points positifs que l’observance d’une pratique plus
paritaire peut permettre, on a déjà pu relever :
– une inscription dans l’agenda politique de questions plus cen-
trées sur l’humain et le social ;
– une autre manière d’aborder le débat politique : plus concrète,
plus pratique, nourrie d’expériences vécues ;
– une autre gestion du temps public : horaires des réunions, calen-
driers et échéanciers des décisions – et une remise en cause des fron-
tières entre la vie personnelle et la vie publique ;
– une réflexion accrue sur les priorités en matière d’allocation des
ressources tant humaines que budgétaires ;
– une autre forme de gouvernance, plus à l’écoute des différences,
des cultures, des identités, des besoins et des potentialités des groupes
minorisés, peu ou mal représentés ;
– une autre manière de penser, prévenir et résoudre les conflits,
notamment lors des opérations de maintien de la paix ;
– une autre façon d’aborder les questions du pouvoir : manifester
une volonté puissante de résoudre les problèmes plutôt que de sim-
plement exercer ses pouvoirs.

Questions cruciales
Parmi les questions prioritaires qui restent à traiter et dont les
femmes sont toujours victimes, il faut évidemment noter toutes les
formes de violence, de contrainte et de harcèlement auxquelles elles
sont encore sujettes : violences physiques, psychologiques, verbales,
LES FEMMES : LA MOITIÉ DU POLITICIEL 123

sexuelles, juridiques, judiciaires, économiques. Sans parler des


images maléfiques et dévalorisantes (la femme fatale, la jeune écer-
velée, la castratrice, la putain et maintenant la femme-quota) ou béné-
fiques (les épouses, les mères, les soignantes, toutes ces femmes si
« dévouées »).
La pauvreté des femmes reste cruciale : il ne saurait y avoir de
réelle égalité si les femmes n’accèdent pas aux ressources au même
titre que les hommes. Elles ont droit à l’autonomie financière moyen-
nant des revenus décents. Je pense ici à la question du travail à temps
partiel (qui signifie surtout : revenus partiels), à la question des diffé-
rences salariales persistantes entre les hommes et les femmes, à la
précarisation croissante des familles monoparentales et des femmes
âgées, et à l’épineuse question de l’individualisation des droits
sociaux.
Nos projets politiques doivent aussi tenir compte de la place
concédée à l’enfant et aux personnes dépendantes : à qui incombent
la responsabilité et la tâche des soins à leur apporter ?
La question de la répartition des rôles et des responsabilités dans
les familles doit être envisagée en même temps que celle du partage
des responsabilités politiques et économiques dans la société. Ces
deux problèmes se complètent : comme la vie publique, la vie privée
doit être prise en charge tant par les hommes que par les femmes.
La diversification des choix professionnels des femmes et des
hommes doit être revue : nous avons besoin d’infirmiers, de puéri-
culteurs, de secrétaires de direction autant que de soudeuses, de gara-
gistes, de mécaniciennes et d’informaticiennes. À cet égard, la sensi-
bilisation du corps enseignant sera décisive.
La nécessité de l’utilisation optimale des talents et des potentiali-
tés des femmes sera reconnue. J’aimerais dire ici que trop de femmes
se laissent abuser par l’exercice de postes à hautes qualifications sans
qu’on leur concède pour autant la responsabilité des décisions.
124 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

Pour un calendrier
Disons pour conclure quels efforts doivent être consentis dès
aujourd’hui si nous voulons que, sans tarder, le corps social fasse
mouvement vers la démocratie, et qu’il bénéficie des apports de la
mouvance paritariste.
D’abord, il faut reprendre la question de la sensibilisation des
jeunes femmes, qui souvent s’aperçoivent trop tard des discrimina-
tions subies. Il faudra de toute urgence associer les hommes au com-
bat pour l’égalité : cette question les concerne à l’évidence autant que
les femmes.
Ensuite, il serait pertinent d’enfin accepter de chiffrer et d’évaluer
le coût financier réel de l’inégalité entre les hommes et les femmes :
la violence, la précarisation, la pauvreté, la dépendance des femmes
âgées ou des familles monoparentales, la sous-utilisation des compé-
tences. Toutes les discriminations dont les femmes sont victimes coû-
teront très cher, à terme, à la société. Les économies que l’on prétend
devoir réaliser maintenant au détriment des droits des femmes en leur
refusant, par exemple, l’individualisation des droits en sécurité socia-
le, sont porteuses d’hypothèques sérieuses sur les grands équilibres
financiers de l’avenir.
Enfin, je dirais volontiers qu’il faut appliquer des méthodes de tra-
vail qui incorporent l’égalité comme critère majeur. C’est ce que nous
appelons maintenant le « mainstreaming » : penser en termes d’éga-
lité dès la conception de toutes les politiques et veiller aux consé-
quences de celles-ci sur le devenir respectif des femmes et des
hommes.
Un avenir de réelle égalité entre les femmes et les hommes est à
notre porte. Cette volonté semble enfin acquise chez beaucoup. Il ne
reste donc plus qu’à fixer l’agenda.
Atelier 2
La représentation des femmes
au plan social, économique et
professionnel

La parité dans l’activité sociale et professionnelle


La place des femmes dans les organes représentatifs
Propositions concrètes pour demain

Isabelle Simonis
Secrétaire général des Femmes Prévoyantes Socialistes (F.P.S.)

De manière statistique, nous avons constaté combien, effective-


ment, une discrimination persiste dans les trois domaines : au plan
social, au plan économique et au plan professionnel. Ont également
été évoqués le taux extrêmement important des femmes dans le tra-
vail à temps partiel, les différences de rémunération, les problèmes de
carrière, la difficile conciliation ou articulation entre la vie privée et
la vie professionnelle des femmes.
Nous avons un riche panel, la thématique de notre atelier est large
et le nombre de participants impressionnant. Nous allons débattre
d’abord, échanger dans un deuxième temps et, enfin, émettre des pro-
positions concrètes qu’on pourra faire connaître sur la scène
publique. Mais mon dernier objectif et je sais que la Ministre Marie
Arena qui établira le rapport de nos travaux en plénière, partage ce
souci, c’est de pouvoir assurer le suivi des recommandations qui
seront faites dans l’atelier.
La méthode reste encore à identifier mais un groupe ou une espèce
d’observatoire devrait pouvoir se constituer pour envisager de quelles
manières les propositions concrètes pourraient se mettre en place et, si
elles ne l’ont pas été, les raisons de leur absence de réalisation.

**
*
128 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

Lors d’une réunion de travail préparatoire au colloque « Liberté,


Égalité, Parité », il avait été demandé aux intervenants qui le souhai-
taient de penser à des propositions concrètes qui pourraient utilement
alimenter la réflexion.
Voici les recommandations que j’avais transmises pour l’Atelier
consacré à la « représentation des femmes au plan social, économique
et professionnel » :
– création d’un organe d’étude, de surveillance et de proposition,
doté de moyens suffisants, de pouvoir d’impulsion et de la possibili-
té d’agir en justice pour représenter les femmes lésées ;
– imposer la « sexualisation » de toutes les statistiques ;
– imposer le « mainstreaming » dans tous les départements ;
– généraliser la fonction de « garant(e) de l’égalité » dans tous les
lieux de travail (comme il existe une personne de confiance pour le
harcèlement sexuel) ;
– imposer la parité dans les jurys d’embauche et les jurys sco-
laires ;
– individualisation des droits sociaux ;
– individualisation fiscale ;
– suppression des incitants au travail à temps partiel et réintro-
duction d’une plus large compensation « chômage » ;
– supprimer l’actuel système de pauses carrières (y compris paren-
tales) et les remplacer par des congés parentaux mieux rémunérés et
incitant les pères ;
– congé de paternité obligatoire ;
– redéfinition des postes de travail et de leur rémunération (classi-
fication de fonctions-barèmes non sexistes) ;
– dans la fonction publique (tous niveaux) : promouvoir les
femmes (mesure législative).
– dans la problématique « réduction du temps de travail », attention
aux effets pervers pour les femmes, en particulier en termes de flexi-
bilité ; priorité aux temps partiels de l’entreprise pour l’embauche ;
– création d’un fonds de récupération des créances alimentaires
(sans plafond de revenu, sans limitation dans le temps, ni limitation
de montant) ;
PROPOSITIONS CONCRÈTES POUR DEMAIN 129

– développement de services de proximité de qualité ;


– imposer la parité dans les organes représentatifs (y compris syn-
dicaux et professionnels) ;
– formation des enseignants, des fonctionnaires etc. à la problé-
matique de genre ;
– adoption d’une loi « antisexiste » (comme il en existe une anti-
raciste) qui s’applique entre autres aux entreprises.
La femme issue de l’immigration
Talbia Belhouari
Conseillère au Cabinet du Secrétaire d’État au Logement,
membre du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale

Mon témoignage sera bref vu le temps qui m’est imparti. Pour moi
comme pour pas mal de femmes issues de l’immigration marocaine, le
thème de la femme est un thème qui me tient particulièrement à cœur.
J’ai une expérience professionnelle d’une quinzaine d’années. Je
peux déjà dire d’emblée que je me considère comme quelqu’un de
très privilégié. Pourquoi ? Parce que j’ai eu la chance de poursuivre
un cursus scolaire complet à Bruxelles et de trouver immédiatement
de l’emploi. Au bout de quinze ans de travail… seizième emploi… et
une carrière riche d’expériences dans divers secteurs (associatif,
administratif, politique…).
Évidemment, le prix à payer est très cher.
Plusieurs femmes amies issues de l’immigration marocaine, turque
ou autre, des amies belges ou appartenant à l’Union européenne et moi
qui, petit à petit, avons eu la chance de gravir les échelons, sommes
toutes d’accord et faisons toutes le même constat pour dire que nous
payons très cher le prix… pour accéder à des postes à responsabilités.
Nous le payons notamment au niveau de notre vie privée.
Citons un seul exemple : en cette période électorale, je constate
que plusieurs femmes candidates sur les listes de différents partis
politiques démocratiques ont toutes un point commun : elles sont soit
célibataires, soit séparées, soit divorcées. Voilà un constat qui mérite
réflexion bien que je sois certaine que ce constat soit également
valable pour les Belges ou les Françaises.
L A F E M M E I S S U E D E L ’ I M M I G R AT I O N 131

Revenons à mon expérience professionnelle. Il y a eu deux étapes


importantes dans ma vie. La première étape remonte à la fin de ma
scolarité primaire. J’ai dû passer quatre mois à la mer pour raisons de
santé. De retour à Bruxelles au mois de janvier pour m’inscrire dans
l’enseignement général, l’établissement a refusé car les délais d’ins-
cription étaient dépassés. À l’époque, les critères d’inscription étaient
bien plus sévères qu’aujourd’hui. Par la force des choses, je me suis
donc retrouvée dans une école pour apprendre la couture. J’ai décidé
de ne pas continuer cet enseignement et, après six mois d’apprentis-
sage (du métier) de la couture, j’ai redémarré un nouveau cycle dans
l’enseignement général. Cette période restera gravée dans ma mémoi-
re. On reviendra à la question de la formation professionnelle lors de
l’élaboration des recommandations.
Il me semble très important aujourd’hui de recommander la vigi-
lance afin de pouvoir conseiller au mieux les jeunes étudiantes issues
de certaines communautés où le statut de la femme n’est pas valorisé
et pour lequel un chemin reste à faire. Ces jeunes filles issues pour la
plupart d’entre elles de milieux défavorisés vivent souvent une crise
identitaire surtout à l’adolescence. Elles vivent dans un milieu fami-
lial où les règles sont différentes de celles inculquées par les profes-
seurs à l’école.
Je reste persuadée que cette période est extrêmement importante.
Il y a lieu de se donner tous les moyens pour sensibiliser les ensei-
gnant(e)s à être davantage présent(e)s et à conseiller ces jeunes filles
quant à leur futur professionnel.
Cette proposition est également valable pour les jeunes filles
belges issues de milieux populaires défavorisés… Le fossé se creu-
se… Toutes les petites filles n’ont pas la chance de trouver un dic-
tionnaire à la maison, un livre qui traîne, etc. Bref de grandir dans un
milieu culturellement privilégié. L’école doit être le lieu par excel-
lence de l’égalité des chances. Il me semble qu’on pourrait faire des
recommandations à cet égard.
Enfin, une autre étape importante de ma vie fut l’entrée dans la vie
professionnelle. Je suis enseignante de formation et, comme vous le
savez, il faut être belge pour exercer la fonction d’enseignante. J’ai
132 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

introduit une demande de naturalisation pour exercer mon métier. J’ai


attendu cinq ans avant d’obtenir la nationalité belge. J’ai eu la chan-
ce d’avoir pu obtenir une dérogation accordée par le Ministre de l’É-
ducation de l’époque. Mon directeur, qui me soutenait, s’est entendu
dire de la part du pouvoir organisateur : « Pourquoi ne pas engager
une Belge, une vraie ? ». Je retiendrai toujours cette période-là de ma
vie. Heureusement que je disposais de cette dérogation sinon je pense
que ma vie aurait pris une tout autre orientation.
Par ailleurs, je voudrais vous signaler que des recherches montrent
que les jeunes garçons sont discriminés au moment de l’embauche.
Les femmes, en général, ont beaucoup plus de chance. Mais se pose
actuellement la question des jeunes femmes qui portent le foulard sur
le lieu de travail. Certaines femmes sont licenciées ; d’autres ne trou-
vent pas d’emploi… Aucune réglementation n’existe à ce sujet. Une
étude, commanditée par la Région de Bruxelles, est en cours à ce pro-
pos.
Ce débat n’est pas simple, il a fait la une de l’actualité avec cer-
taines lycéennes portant le foulard dans les années ‘90 en région
bruxelloise. Aujourd’hui, la question est posée pour les travailleuses
et celles qui n’ont pas droit au travail parce qu’elles portent le fou-
lard.
La promotion de l’égalité des chances
à l’Office wallon de la Formation
professionnelle et de l’Emploi (FOREM)
Ariel Carlier
Présidente du Réseau Égalité des Chances du FOREM

Comme l’a souligné Monsieur Basilio Napoli, Directeur général,


lors de son intervention, l’égalité des chances est une préoccupation
présente au FOREM depuis déjà quelques années.

Historique
Je ne vais pas refaire ici l’analyse des caractéristiques de l’emploi
féminin mais plutôt développer l’aspect « actions FOREM pour plus
d’égalité pour les hommes et pour les femmes ».
Dès les années ‘70, la première action Égalité des chances appa-
raît dans les services de la Formation professionnelle de l’ONEm,
sous l’impulsion de Maryse Menu, actuellement conseillère tech-
nique à la Formation professionnelle du FOREM. L’objectif poursui-
vi alors était de promouvoir l’égalité des chances en ce qui concerne
l’accès à la formation en œuvrant dans le sens d’une plus grande
ouverture de toutes les formations et une plus grande diversification
des choix professionnels.
L’idée était dérangeante à l’époque, comme elle le demeure enco-
re quelquefois aujourd’hui. Ce premier groupe de formateurs et de
formatrices du FOREM a dérangé pas mal de monde comme, par
exemple, lorsqu’il a été demandé que soient fermés, dans les années
1977-1978, les centres d’orientation secondaires – secteur des
métiers manuels aux hommes pour ne les ouvrir qu’aux femmes.
134 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

Une autre action a permis à des demandeuses d’emploi de se posi-


tionner dans un choix professionnel qui était tout à fait nouveau pour
elles, par exemple, dans des professions traditionnellement mascu-
lines.
Le pilotage de ces actions a été, depuis le départ, assuré sans
moyens particuliers et en plus des missions habituelles. C’est un point
important sur lequel il faut insister : les délégués et déléguées en éga-
lité des chances de l’époque, et ceux et celles qui s’investissent dans
des actions égalité des chances aujourd’hui, exercent, à quelques
rarissimes exceptions près, cette mission en plus de leur mission habi-
tuelle (conseiller emploi, instructrice, animateur d’atelier, etc.).
En 1986, afin de répondre à une double préoccupation qui, dans la
foulée des recommandations européennes, voulait que l’on s’engage
dans une stratégie d’action en matière d’égalité des chances en for-
mation professionnelle, et afin, aussi, de rendre plus efficace et cohé-
rent tout travail réalisé alors par la Formation professionnelle, le
Comité de Gestion de l’ONEm rendait officielle cette mission, en
désignant une déléguée en égalité au sein de la Formation profes-
sionnelle et représentant la Communauté française, ainsi qu’un pre-
mier réseau de correspondants en égalité (travaillant à cette mission
toujours sur base volontaire).
Ce réseau était une commission officielle, installée tout à fait offi-
ciellement, composée d’une déléguée pour la Communauté française
d’une part, et de douze correspondants régionaux, hommes et
femmes, d’expériences et d’itinéraires divers, tous impliqués dans la
formation professionnelle à des niveaux divers de responsabilités,
tous concernés par l’élargissement des choix de formation et chargés
de promouvoir une politique d’ouverture de l’accès des femmes à
toute qualification professionnelle.

Quelles sont les tâches du Réseau à ce moment-là ?


Les tâches du Réseau égalité des chances n’ont pas beaucoup évo-
lué dans le temps et l’on peut dire qu’elles sont restées les mêmes,
L A P R O M O T I O N D E L’ É G A L I T É D E S C H A N C E S . . . 135

même si les choix stratégiques ont quelque peu changé, bien que pas
fondamentalement.
1. Améliorer les données statistiques, tant qualitatives que quanti-
tatives, permettant de cibler les déséquilibres éventuels de l’accès des
femmes à la formation et d’y remédier. Il faut en effet savoir que, jus-
qu’en 1986, les statistiques de l’ONEm, manquaient totalement de
précision dans ce domaine et, par exemple, on avait du mal à distin-
guer la présence des femmes dans les différentes actions.
2. Proposer des actions positives en matière de sensibilisation,
d’orientation et de formation à caractère novateur, notamment dans le
cadre de nouvelles technologies pour éviter une ségrégation accrue de
l’emploi féminin. Encourager les femmes à postuler des emplois à
responsabilités.
3. Soutenir ces actions de formation par des campagnes d’infor-
mation, de façon à conscientiser le plus large public possible de la
nécessité d’ouvrir et d’élargir les choix professionnels des femmes.
4. Proposer des mesures spécifiques pour répondre à des besoins
particuliers de certaines catégories de femmes.
5. Former les formateurs à la problématique et à la pédagogie de
l’égalité des chances.
Le travail du Réseau se situe aussi bien à l’intérieur du FOREM
qu’à l’extérieur et, d’ores et déjà il est reconnu, pendant toutes ces
années, comme un interlocuteur tout à fait officiel. Il a fait figure, je
pense, de précurseur en la matière et nous avons été régulièrement
sollicités – nous le sommes encore régulièrement – pour réaliser des
séances d’information à son propos. Nous avons réalisé des séances
d’information nombreuses et variées dans un certain nombre de col-
loques, réunions et autres groupes de travail, tant aux niveaux natio-
nal et régional qu’européen.
Les grandes lignes tracées à la mission d’égalité sont toujours les
mêmes maintenant mais le Réseau Égalité, lui-même, a changé
puisque, autour de ce petit groupe de douze correspondants et corres-
pondantes en égalité de la Formation professionnelle, s’est rassemblé,
avec la création du FOREM en 1989, un deuxième groupe de corres-
pondants en égalité dans les services de l’Emploi du FOREM.
136 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

Nous avions donc, à ce moment-là, deux Réseaux Égalité, l’un au


sein des services de la Formation, l’autre au sein des services de
l’Emploi, et tout cela, toujours par décision du Comité de gestion
chapeauté par un Comité d’accompagnement, présidé par Monsieur
Jean-Pierre Méan, Administrateur général. Ce Comité d’accompa-
gnement était une émanation de notre Comité de gestion.
Je ne vais pas trop développer cet aspect « histoire », vieille his-
toire, dirons d’aucuns et d’aucunes, mais juste vous donner encore
quelques dates clés.
Pendant ces années-là, les deux Réseaux travaillent de façon indé-
pendante puis, en 1994, à l’occasion d’un séminaire, ils décident de
se rassembler. Aujourd’hui, nous sommes une trentaine de membres
dans ce Réseau Égalité, répartis sur toute la Région wallonne.

Quelles sont les réalisations du Réseau actuel et où


en sommes-nous ?
Les réalisations dans le domaine pédagogique se concrétisent par
la création d’un certain nombre d’outils de formation qui servent à
sensibiliser nombre d’agents du FOREM – notamment les nouveaux
agents – pendant plusieurs années. Cela représente un aspect impor-
tant de notre travail.
Les outils de formation peuvent aussi être ciblés sur certains
publics comme, par exemple, les « femmes rentrantes ». Cet outil a
pour objectif de permettre à ces femmes de reprendre contact avec les
réalités du marché de l’emploi et des formations.
Parmi les modules de formation, le module de « Gestion du temps
et gestion du stress » à destination des demandeuses et des deman-
deurs d’emploi, plus récent, va sans doute être adapté pour les
membres du personnel du FOREM.
Ces outils de formation et d’orientation ont été réalisés par des
petits groupes de travail, sur base du volontariat de leurs différents
membres. Des petits sous-groupes de travail sont toujours – il faut le
souligner – très efficaces eu égard aux difficultés qu’ils ont de se
réunir et étant donné leurs conditions de travail.
L A P R O M O T I O N D E L’ É G A L I T É D E S C H A N C E S . . . 137

Un autre outil de formation, créé par un sous-groupe de travail et


baptisé kit « Égalité des chances », est un kit documentaire qui va
nous permettre, aux conseillers et conseillères en égalité, d’avoir tous
les outils de base nécessaires à l’information et à la sensibilisation de
nos collègues ou d’autres personnes. Il sera prochainement réactuali-
sé et mis à la disposition de collègues comme, par exemple, les
Carrefours-Formation, en accompagnement d’une action d’informa-
tion et de sensibilisation.
Un autre module de formation à l’assertivité est en préparation et
une journée de sensibilisation à l’attitude à adopter en situation de
harcèlement sexuel a déjà été expérimentée à plusieurs reprises, dans
certaines formations d’« auxiliaires polyvalentes » et d’« aides fami-
liales ». Il est question, dans la nouvelle politique de promotion de
l’égalité et de prévention/remédiation au harcèlement sexuel, de mul-
tiplier ces actions.
Un projet vraiment né de la difficulté que rencontrent les services
du FOREM dans leurs contacts avec les demandeurs d’emploi et les
demandeuses d’emploi en particulier et qui nous tient à cœur, c’est le
service Accueil des enfants des demandeurs d’emploi – principale-
ment des enfants de demandeuses d’emploi. Il est vrai – mais, et c’est
une caractéristique des actions du Réseau Égalité, que le service
s’adresse à la population des demandeurs et demandeuses d’emploi en
général, dans une démarche d’aide et d’accompagnement du parcours
professionnel. Il y a des « Maisons d’enfants du FOREM » à Liège, à
Charleroi et à Mariembourg. Le service, dont le siège central est situé
à Charleroi, se met également au service des demandeurs et deman-
deuses d’emploi dans leur recherche d’une autre structure d’accueil
pour leur(s) enfant(s). Tout demandeur ou demandeuse d’emploi peut
également s’adresser à son conseiller ou à sa conseillère en emploi,
qui l’orientera vers la ou les personnes-ressources en la matière.
138 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

Développer la dimension européenne


L’égalité des chances a pris son envol au FOREM, en 1986, dans
le droit fil des recommandations européennes. Comme nous le savons
tous et toutes, les recommandations européennes dans ce sens n’ont
fait que se multiplier au cours des ans et l’égalité des chances pour les
hommes et les femmes est, de plus en plus, considérée comme une
dimension transversale.
Dès les années 1993-1994, le Réseau égalité des chances s’est
engagé dans le développement de projets, dans le cadre de l’initiati-
ve Emploi – NOW (New Opportunities for Women). Le projet
SOPHIA devait permettre de réaliser une étude sur les « problèmes et
atouts des demandeuses d’emploi » et d’élaborer le module de for-
mation à la gestion du temps. Ce projet regroupait des institutions
espagnole, portugaise et grecque.
Un second projet Emploi – NOW avec l’Espagne et la Sardaigne
devait permettre de former des formateurs et formatrices de forma-
teurs et formatrices à l’égalité des chances. Les membres du Réseau
ont ainsi reçu le label « conseiller ou conseillère en égalité des
chances ».
Enfin, c’est ce projet qui a permis au Réseau de développer un
ambitieux « plan d’action de mise en œuvre du mainstreaming du
genre », dont le projet européen « Mainstreaming égalité des genres »,
dont Monsieur Napoli a parlé tout à l’heure, doit être le tremplin.
Le Réseau égalité des chances est également engagé dans un pro-
jet Leonardo da Vinci, qui s’intitule « Fem Training Net » et dont
l’objectif est une meilleure sensibilisation des jeunes filles et des
femmes aux professions des nouvelles technologies de l’information
et de la communication.
Le Réseau a aussi participé à la rédaction du Livre vert sur les
« Conditions de vie et de travail des femmes dans la Grande
Région », dans le cadre d’un partenariat avec le Centre de Recherche
et Documentation d’Eures Lorraine. Ce Livre vert regroupe une série
de recommandations intéressantes pour l’amélioration des conditions
de vie et de travail des femmes.
L A P R O M O T I O N D E L’ É G A L I T É D E S C H A N C E S . . . 139

Signalons également que d’autres projets, qui ne sont pas menés


par le Réseau égalité des chances, sont en cours dans la Maison,
comme le projet « Femmes Redynamisation Emploi ».
Il faut aussi parler de la démarche du FOREM vers les populations
immigrées. Il existe un projet européen pour les personnes d’origine
étrangère, le projet Symbiose (1 & 3) qui vise une meilleure intégra-
tion et une valorisation de leurs différences. Ainsi, une formation
d’« intermédiaires à l’exportation » a été menée à bien à Verviers,
avec un bon taux d’insertion. Un autre volet du projet est la rédaction
d’un guide de bonnes pratiques à destination des gestionnaires des
offres d’emploi. Le Réseau égalité hommes/femmes a été sollicité
pour travailler également à ce volet du projet.
Un des grands intérêts du travail sur le terrain de l’égalité est que
la valeur démocratique qui sous-tend toutes les actions se retrouve
comme valeur principale des différents acteurs et actrices de l’égali-
té des chances. Il existe actuellement au FOREM une volonté de
fédérer ces différentes actions et je crois que cela ne peut qu’enrichir
l’action globale pour la promotion de l’égalité et la lutte contre toutes
les discriminations et contre toutes les formes de harcèlement.

Le « mainstreaming du genre »
Actuellement, le FOREM s’est engagé dans un projet intitulé
« Mainstreaming égalité des genres ».
Par « mainstreaming », il faut entendre « intégration à l’ensemble
des politiques, missions et actions ». Le genre, quant à lui, participe
à l’identité sociale. On ne parle plus d’égalité entre les sexes : le sexe
est une donnée biologique immuable. Le genre est lié à la notion de
rôle, rôle traditionnellement exercé par les hommes ou par les
femmes, et à l’interaction des rôles dans la société. Les hommes et les
femmes doivent rester des hommes et des femmes. L’effort doit être
fait vers une participation équilibrée des hommes et des femmes aux
différents rôles et à tous les niveaux de réflexion, de décision, etc.
Dans notre travail, il s’agira, entre autres, d’identifier parmi les
femmes et les hommes, quels sont les groupes discriminés et à quel
140 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

niveau, et d’agir pour plus d’égalité. Chacun et chacune doit se poser


les questions suivantes, à quelque niveau qu’il ou elle intervienne :
« Est-ce que, en agissant de la sorte, je renforce les inégalités ?
Comment ? Pourquoi ? » et « Qu’est-ce que je peux mettre en place,
là où je travaille, pour réduire ces inégalités ? »
Dans le cadre de cette stratégie du « mainstreaming », il est tou-
jours possible de mettre sur pied des actions positives pour les
femmes, la plupart du temps, mais aussi pour les hommes (comme
dans les pays nordiques, par exemple, où un congé parental assez
long et obligatoire a été instauré pour les hommes et où les hommes
sont incités à s’engager dans la profession de puériculteur).
Dans le cadre du projet européen MEG – dont le FOREM est pro-
moteur et dont le partenariat inclut l’Université de Liège, un centre de
formation finlandais et une très grosse entreprise privée italienne –
une action a été commencée dans le cadre du « Plan Jeunes + » (dis-
positif mis en place par la Ministre Marie Arena pour prévenir le chô-
mage des jeunes n’ayant pas de diplôme supérieur au certificat
d’Enseignement secondaire inférieur), en matière d’identification des
besoins chez les jeunes demandeurs et demandeuses d’emploi.
Cette action nécessite le passage par les étapes suivantes : sensi-
bilisation et information de la hiérarchie ; implication et responsabi-
lisation de cette dernière dans le processus ; définition d’objectifs
d’égalité ; action sur les outils et les documents ; sensibilisation et
responsabilisation des agents.
Le projet doit également déboucher sur la publication d’un guide
de bonnes pratiques en matière de « mainstreaming du genre », ce qui
présente un caractère novateur au niveau européen.
Il doit également nous permettre une approche plus fine des pro-
blèmes et atouts des demandeuses et des demandeurs d’emploi, une
écoute de leurs problèmes spécifiques et un accompagnement dans
leur recherche de solutions.
Dans le concret, signalons, entre autres réalisations à l’intérieur du
projet MEG :
– le passage au « crible de l’approche du genre » de certains docu-
ments utilisés dans le cadre du conseil en première ligne ;
L A P R O M O T I O N D E L’ É G A L I T É D E S C H A N C E S . . . 141

– l’inscription de lignes directrices « égalité des chances » dans le


vade-mecum du « Plan Jeunes + » ;
– l’élaboration d’un module de formation de formateurs/trices à
l’égalité des chances et à la mise en œuvre du « mainstreaming » ;
– la mise au point d’une action de formation–sensibilisation aux
métiers non traditionnels (Action positive pour les femmes).
Nous avons déjà pris contact, également, avec la personne en
charge du marketing de ce « Plan Jeunes + », afin d’envisager avec
elle les possibilités d’intégrer la dimension du genre dans la cam-
pagne « Plan Jeunes + », dont vous connaissez sans doute le graphis-
me tout particulier. Car il est important, dans l’approche « mainstrea-
ming du genre » de travailler avec les gens, avec les collègues du
terrain, et de les impliquer dans les processus.
Je vais terminer ici l’énumération, qui n’est pas exhaustive, des
actions du Réseau égalité des chances du FOREM. Il faut toujours
garder à l’esprit qu’il ne faut pas forcément participer à une action
pour faire de l’égalité des chances. Le Réseau compte officiellement
une trentaine de membres, répartis dans toute la Région wallonne et
il est vrai que cela fait un bout de temps que le Réseau n’a pas été
réuni en séance plénière, faute de temps et de disponibilité. Ce que je
tenais à dire, c’est que l’égalité des chances, cela se pratique tous les
jours, sur le terrain, dans l’écoute et l’aide à la recherche de solutions,
avant toute chose.
Toutefois, pour permettre au Réseau de poursuivre son action et
surtout de la développer, il faudra que nous puissions en obtenir les
moyens – moyens humains et matériels de travailler sur la probléma-
tique de l’égalité qui est quelque chose qui s’attaque aux mentalités,
aux préjugés et qui est donc un travail de longue haleine.

Problèmes et atouts des demandeuses d’emploi


Monsieur Napoli a dressé un bilan de la situation des femmes sur
le marché de l’emploi, un bilan statistique et qualitatif. Je ne revien-
drai pas sur l’aspect statistique. Voici, à titre indicatif et non conclu-
142 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

sif, quelques exemples issus de l’observation de nos collègues sur le


terrain et d’après l’étude de Dina Sensi, Chercheur à l’Université de
Liège (SEDEP), « Les problèmes et les atouts des demandeuses
d’emploi », 1994.

« Le parcours de la combattante »
– Questions sur la vie familiale ;
– Questions sur les solutions d’accueil des enfants (questions qui
ne sont jamais abordées avec un homme) ;
– Les femmes n’ont pas accès facilement aux emplois du secon-
daire et sont écartées des formations secondaires ;
– Les femmes sont plus souvent victimes d’exclusion car elles ne
constituent pas le soutien principal de la famille ;
– Agents du FOREM peu sensibilisés aux problèmes spécifiques
des demandeuses d’emploi (négation des problèmes, railleries, pro-
pos machistes).

Problèmes spécifiques des demandeuses d’emploi


– Difficultés liées au rôle familial de la femme: tâches ménagères,
éducation des enfants ;
– Problème de « trouver une structure d’accueil du jour au lende-
main », pour entrer en formation, commencer un intérim, etc. ;
– Problème de trouver une crèche (manque d’infrastructures) ;
– Problèmes financiers liés au coût des structures d’accueil ;
– Formations en horaire du soir moins accessibles ;
– Temps partiel ;
– Conflit interne entre rôle professionnel et rôle familial ;
– Prédominance de la valeur « famille » par rapport à la valeur
« emploi » ;
– Rôle familial et statut de chômeuse considérés comme la seule
ambition du milieu familial ;
– Isolement, laisser-aller ;
– Manque de confiance en soi, d’assurance, d’autonomie ;
L A P R O M O T I O N D E L’ É G A L I T É D E S C H A N C E S . . . 143

– Manque de moyens de transport (pas de permis de conduire, mari


qui prend la voiture familiale, vie dans la campagne, loin de tout, etc.).

Problèmes liés aux employeurs(euses)


– Stéréotypes des employeurs et employeuses : questions sur le
rôle familial ;
– Grossesse = handicap ;
– À diplôme égal, un homme sera engagé (crainte des problèmes
liés aux enfants et aux « difficiles relations hommes/femmes », etc.) ;
– Hommes préférés pour postes à décisions (les femmes ne peu-
vent pas gagner plus, elles ne peuvent pas commander aux hommes) ;
– Exclusion des femmes de beaucoup de métiers traditionnelle-
ment masculins parce que moins fortes physiquement, moins ration-
nelles et moins scientifiques ;
– Apparence physique ;
– Âge = handicap.

Patrons malhonnêtes
– Harcèlement sexuel à l’entretien d’embauche ;
– Menaces ;
– Essais « gratuits ».

Orientation scolaire
– Coupe / couture / coiffure sans débouché ;
– Peu de filles dans les orientations secondaires et techniques.

Mesures légales
– Nécessité de deux vestiaires et de toilettes séparées.

Atouts des femmes sur le marché de l’emploi


Qualités dites « féminines »
– Rapidité, dextérité ;
– Précision ;
– Concentration ;
144 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

– Résistance au stress ;
– Énergie ;
– Résistance au travail ;
– Persévérance, volontarisme, motivation ;
– Courage ;
– Endurance ;
– Créativité ;
– Qualité d’écoute, d’accueil ;
– Solidarité ;
– Sensibilité aux problèmes humains ;
– Capacité d’écoute et d’échange ;
– Disponibilité ;
– Présentation extérieure soignée ;
– Attachement à l’entreprise ;
– Facilité de communication ;
– Efficacité ;
– Capacité d’organisation, de planification ;
– Gestion efficace d’un budget ;
– Rigueur ;
– Combativité ;
– Ténacité et détermination ;
– Faculté de se remettre en question ;
– Dépassement de soi ;
– Grande aptitude au travail social, au travail de soins de santé, à
l’enseignement, au travail de bureau, au travail en commerce ou en
industrie (alimentaire, confection, téléphonie, électronique, etc.) ;
– Acceptation d’un travail à temps partiel comme tremplin vers un
temps plein.
La femme dans les services publics
Chantal Jordan
Chef du Service juridique
de la Centrale Générale des Services Publics (C.G.S.P.)

En tant que fonctionnaire à la Région de Bruxelles-Capitale, en


congé pour mission dans le cadre du statut syndical, et exerçant les
fonctions de Chef du Service juridique de la Centrale Générale des
Services Publics (C.G.S.P.), mon intervention sera double.
Elle concernera, d’une part, la place des femmes dans les services
publics – ce qui justifierait presque la tenue d’un colloque en soi – et,
d’autre part, la place des femmes dans l’organisation syndicale.
Pour ce qui concerne les services publics, le principe de l’égalité
d’accès et donc d’une possible parité est, évidemment, garanti dans la
mesure où, en matière de recrutement, le principe d’égalité, d’accès
aux emplois publics, est garanti par les articles 10 et 11 de la
Constitution. En principe, hommes et femmes ont donc un égal accès
aux emplois publics. Les recrutements se font encore, dans la plupart
des cas, par concours, ce qui veut dire que l’on recrute en fonction des
résultats du concours que le lauréat classé soit un homme ou une
femme. Ce sont donc, en théorie, les meilleurs qui sont recrutés sans
distinction de genre.
Il y a évidemment toute une série d’autres modes de recrutement
– sur lesquels il serait trop long de s’appesantir dans le cadre de la
présente intervention – qui permettent de biaiser singulièrement ce
beau principe ; il est, dès lors, évident, tout le monde s’en doute, que
les femmes sont singulièrement absentes de la plupart des Conseils de
146 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

direction et dans les emplois de haute direction puisque les nomina-


tions et promotions y sont éminemment politiques.
Il convient à ce propos de tirer un cri d’alarme. Les nouveaux pro-
jets du Ministre fédéral de la Fonction publique, Luc Van den
Bossche, soutenu, semble-t-il, par l’ensemble des membres du gou-
vernement fédéral, mettent gravement en danger le principe du recru-
tement statutaire et, partant, les garanties qu’il comporte. Le Ministre
entend diversifier, privatiser les modes de recrutement : contractuels
« de haut niveau », experts, missions, descriptions de fonctions… Il y
a tout lieu de craindre que toutes ces pratiques n’ouvrent de nouvelles
voies à l’arbitraire et, partant, à la discrimination. Il faudra aussi être
attentif à toutes les formules possibles de flexibilité du travail qui,
encore une fois, sont surtout majoritairement réservées aux femmes.
Pour ce qui concerne la place des femmes au sein de l’organisa-
tion syndicale, la C.G.S.P. peut, sans doute, être fière de dire qu’elle
compte 41 % de femmes parmi ses affiliés. C’est évidemment très
bien. Quand on arrive à la question de la représentation des femmes
parmi les délégués et encore davantage parmi les instances diri-
geantes, le sujet devient plus délicat.
On tombe rapidement à du 10 % et même, dans certains secteurs,
à du 1 %. C’est évidemment assez dramatique. Outre le machisme
que l’on observe dans toutes les organisations qui représentent un
certain pouvoir ou contre-pouvoir et auquel les organisations syndi-
cales ne font pas exception, cette faible représentation est, évidem-
ment, liée au fait que ce type de militantisme prend essentiellement
place sur le lieu de travail et donc, il s’agit comme toujours, d’enco-
re l’ajouter au travail lui-même, aux enfants, aux tâches domestiques,
etc.
Il y a évidemment d’autres explications historiques comme struc-
turelles, liées à la représentation même des hommes et des femmes
dans certains secteurs ; cela aussi nécessiterait sans doute un colloque
en soi.
Il n’empêche que l’organisation syndicale envisage évidemment,
comme cela a été le cas à l’occasion des élections sociales, de mettre
en œuvre des actions positives pour encourager le militantisme des
L A F E M M E D A N S L E S S E RV I C E S P U B L I Q U E S 147

femmes et les convaincre de se porter candidates lorsque des mandats


sont vacants. Mais il n’est pas question de quotas.
On observe, ainsi, en matière de formation syndicale, que les
femmes sont très peu nombreuses quand les formations se font en
résidentiel et s’étendent sur deux ou trois jours. Là aussi l’organisa-
tion syndicale devrait trouver d’autres moyens pour dispenser des
formations et intéresser les femmes au travail syndical.
Pour illustrer mon propos, je mets à votre disposition le rapport du
dernier congrès de la C.G.S.P. consacré à la présence des femmes
dans l’organisation syndicale ; vous constaterez que les statistiques y
sont particulièrement dramatiques. Il y a des secteurs où les instances
de décision ne comprennent aucune femme et il y en a d’autres où,
glorieusement, prenons par exemple le bureau exécutif national de la
C.G.S.P., il y a deux femmes pour 46 hommes. Le secrétariat perma-
nent, lui, compte une femme et cinq hommes.
Il a donc été décidé, au cours de ce congrès, non pas d’inscrire une
revendication de parité au niveau de l’organisation des élections syn-
dicales, et encore moins des quotas, mais de réserver des places à des
femmes dans les différents exécutifs. Une place est ainsi expressé-
ment dévolue à une femme à l’exécutif régional wallon, une à l’exé-
cutif régional bruxellois et une à l’exécutif régional flamand.
C’est loin d’être révolutionnaire mais c’est incontestablement un
début qui, compte tenu des traditions et des spécificités de certains
secteurs, doit être considéré comme encourageant.
La femme au « top management »

Brigitte Gouder de Beauregard


Administrateur de la Compagnie immobilière de Belgique

Travaillant à la Compagnie Immobilière de Belgique, entreprise


cotée en bourse et spécialisée dans la promotion immobilière, j’y
assume des responsabilités dirigeantes dans la réalisation de grands
ensembles immobiliers tant en Belgique qu’à l’étranger. La promo-
tion immobilière est un secteur économique qui touche à la fois au
monde de la construction et à celui de la finance, deux mondes enco-
re très masculins à ce jour.
On m’a présentée comme « businesswoman », un oiseau rare dans
ce colloque. Je dois constater en effet que dans mon milieu profes-
sionnel, j’ai peu de collègues « femmes ». Si on consulte les rapports
annuels des grosses entreprises belges, en s’attachant plutôt aux
comités de direction – les conseils d’administration n’étant pas tou-
jours représentatifs des pouvoirs dans une entreprise – on ne trouve
quasi pas de femmes et quand il y en a, elles assument plutôt des res-
ponsabilités de conseillères (responsabilité juridique ou de communi-
cation par exemple) que de décideurs.
Si j’ai accepté de participer à ce panel aujourd’hui, c’est parce
que, passé la cinquantaine, on se pose des questions. Mon choix de
vie, dont mon implication dans une carrière fut un élément important,
était-ce le juste choix ? Est-ce le modèle que je souhaiterais voir
adopter par mes filles ? J’ai des filles qui entrent aujourd’hui dans le
monde du travail, et je ne suis pas sûre qu’elles aborderont leur vie
professionnelle comme je l’ai fait et je m’en réjouis.
Alors, est-ce simplement une question de génération que de ne pas
voir de femmes aux postes de commande dans le secteur marchand ?
LA FEMME AU « TO P M A N A G E M E N T » 149

Et verra-t-on dans dix ans une parité réelle dans les organes de déci-
sion des entreprises comme on commence à le voir dans le monde
politique ? Ou bien est-ce un phénomène plus difficile à cerner et qui
touche au modèle même de nos entreprises ?
Si je suis devenue une « businesswoman », ce n’est pas mon envi-
ronnement familial ou éducatif qui m’y a préparé, du moins ce n’était
la volonté ni de mes parents, ni de mes éducateurs. Je suis pourtant
issue d’un milieu où les femmes travaillaient – ma mère était univer-
sitaire. Mais on concevait la vie professionnelle des filles comme
accessoire ; mon père rêvait d’une fille avocate, pour qu’elle puisse
mener une vie intellectuelle intéressante tout en ayant, de par un sta-
tut d’indépendant, des loisirs pour s’occuper en priorité de sa famille.
Moi je rêvais de devenir architecte mais c’était hors de question ;
une femme sur un chantier n’aurait jamais d’autorité sur les ouvriers.
Aujourd’hui, nous gérons plus ou moins 100.000 m2 de chantier à
Bruxelles : les temps ont donc déjà changé.
On me pose souvent la question de savoir si c’est difficile de tra-
vailler en tant que dirigeante dans une entreprise qui est à majorité
masculine. On m’interroge sur le type de relation avec mes collabo-
rateurs et mes pairs. Je vous répondrai que, pour moi, ce n’est pas dif-
ficile mais que c’est peut-être moins vrai pour les hommes avec les-
quels je travaille. Je constate qu’aujourd’hui encore, il est peu aisé
pour un homme d’accepter la subordination à une femme.
Avec mes collaborateurs, dans l’entreprise, ça ne pose pas de pro-
blème. Mais, dès que nous sommes dans un relationnel « hors entre-
prise », je suis présentée comme « collaborateur », comme « col-
lègue », jamais comme « boss ». L’évolution est certaine parce que le
mode relationnel au sein de l’entreprise est en train de se modifier et
de devenir moins formellement hiérarchisé. Cette barrière psycholo-
gique-là, je crois qu’elle va disparaître. Car elle est une question de
génération.
En ce qui concerne les rapports que j’ai au sein des organes déci-
sionnels dans l’entreprise, dans les Comités de direction, le problème
n’est plus un problème sexiste mais un problème de relation de pou-
voir et donc d’affrontement entre un homme et une femme.
150 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

Au niveau des membres d’un Comité de direction, la compétence


n’entre plus en jeu. Mais un homme n’aime pas, ou ne sait pas com-
ment se mettre en opposition avec une femme ; quand on veut, par
exemple, couper court à une difficulté ou à une opposition de princi-
pe, on me renverra du « c’est un raisonnement de bonne femme » plu-
tôt que de m’affronter sur le fond du sujet.
Au pouvoir à l’intérieur de l’entreprise ou dans le jeu avec la
concurrence, les hommes sont en plein combat qui n’est sans doute
plus physique mais qui reste malgré tout un affrontement violent.
Cette violence-là, dès qu’elle oppose un homme et une femme, passe
pour beaucoup d’hommes à un blocage de type rivalité sexuelle et
non plus opposition quant à un projet : ce sont eux personnellement
qui sont en lice et non plus l’enjeu du projet concerné.
Je crois que la femme est plus concernée par la réussite de son pro-
jet que par son positionnement, son ego dans le cadre dudit projet. Je
pense que cette faculté donne à la femme un atout dans tout travail de
négociation – j’en ai fait l’expérience puisque j’ai été responsable de
la négociation de l’installation du Parlement européen à Bruxelles. La
présence de la femme à la table de négociation permet de maintenir
le ton à un niveau plus « soft » ; il y a des limites qu’on ne dépasse
pas dans la violence verbale.

Hommes et femmes,
deux partenaires de la vie économique
La femme au « top management », est-ce que c’est une chose
favorable à l’évolution du monde économique ou faudrait-il plutôt
maintenir la femme dans sa fonction de « gardienne du foyer et de la
transmission des valeurs familiales » ? Je vous répondrai avec
conviction de l’importance de l’entrée des femmes dans le « top
management » des entreprises et ce, pour plusieurs raisons.
Avec la mondialisation, on doit constater que le pouvoir des entre-
prises va dépasser largement les correctifs que les institutions issues
des pouvoirs publics (États, Europe) peuvent apporter pour corriger
la course sans limite au profit dans lequel notre monde évolue. Les
LA FEMME AU « TO P M A N A G E M E N T » 151

femmes doivent dès lors être représentées et défendre leurs valeurs au


sein de ce pouvoir économique.
Par ailleurs, les femmes, et j’ai pu le constater dans divers
domaines avec plusieurs de mes collègues femmes, dans la façon de
mener leurs dossiers, ont généralement tendance à privilégier le suc-
cès du projet plutôt que leur propre positionnement dans un dossier.
La femme aurait-elle moins d’ego qu’un homme ? Je ne le pense
pas, je pense que tout être humain veut se réaliser au travers d’un pro-
jet, d’un challenge. La femme a en principe la chance de pouvoir faire
des enfants et, par-là, elle se réalise déjà largement. Est-ce cela qui
fait qu’elle est moins exigeante en matière de positionnement dans
l’entreprise ? C’est peut-être une explication mais ce n’est certaine-
ment pas la seule.
L’équilibrage – souhaitable – dans la vie professionnelle entre
hommes et femmes est possible et sera possible si les deux parte-
naires de la vie économique, hommes et femmes, décident de faire
des choix de priorités dans la vie. Priorités de partage entre vie pro-
fessionnelle, vie affective et vie sociale.

Trois propositions
Aussi, dans les recommandations que je voudrais soutenir pour
favoriser l’arrivée de la femme dans le « top management », je sou-
mettrai trois propositions.
1. Étude sur le positionnement de la femme dans l’entreprise en
Belgique
Il n’existe aujourd’hui aucune étude sur le positionnement de la
femme au « top management » en Belgique. Il y en a un peu plus dans
d’autres pays d’après ce que j’ai pu trouver. Il existe beaucoup
d’études sur tout ce qui concerne le positionnement en politique mais
rien pour le monde de l’entreprise privée.
Je ne dis pas qu’une étude va changer du jour au lendemain le
comportement de recrutement de nos entreprises. Mais si une telle
étude était médiatisée, elle permettrait de sensibiliser le monde de
152 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

l’entreprise et les femmes elles-mêmes qui se situent au « middle


management » de l’entreprise et qui, trop souvent, n’osent pas reven-
diquer leur juste place.
2. Congé obligatoire du père lors de la naissance des enfants
Il s’agit d’une mesure avant tout symbolique : par une telle mesu-
re on oblige l’homme à prendre conscience qu’il a aussi le droit d’as-
sumer sa part de participation dans l’éducation des enfants. Cela fait
partie des choix, des priorités que les femmes, comme les hommes,
doivent faire pour atteindre à une vie harmonieuse et comblée sous
tous ses aspects, partage entre le temps pour le professionnel, la
famille et le social.
3. Déductibilité fiscale des frais de garde d’enfants
Sous réserve d’approfondir les détails techniques, une prise en
charge en frais professionnels d’une partie ou de la totalité des frais
ayant trait à la garde et à l’éducation des enfants permettrait à la
femme de ne jamais devoir faire de bilans financiers quant à l’évolu-
tion de sa carrière.
En effet, j’ai constaté que beaucoup de femmes cadres, bien que
très compétentes, arrêtaient leur carrière compte tenu du coût des
gardes d’enfants. L’exigence professionnelle demandée en termes de
présence et de disponibilité pour arriver à un poste à responsabilités
supérieures impliquait des charges financières d’encadrement au
niveau familial non supportables au départ.
Or, chacun sait que, dans l’entreprise, il est encore impossible de
concevoir un arrêt de carrière qui permettrait à la femme – ou à
l’homme – de consacrer une partie de temps à l’éducation de ses
enfants. La carrière n’attend pas !
Ce ne sont que des mesures partielles, mais qui pourraient petit à
petit faire évoluer les rapports homme-femme dans notre société, et
ce, dans l’optique d’une recherche d’un meilleur épanouissement de
chacun.
Un apprentissage dès le plus jeune âge
Joëlle Kampompole
Attachée économique dans une Intercommunale wallonne de
Développement

Un constat qui sonne comme une évidence : la parité doit s’ap-


prendre dès le plus jeune âge.
Pour conscientiser les enfants, il serait pertinent d’intégrer un
module sur la parité au sein des cours d’apprentissage à la citoyenneté.
Ce module dispensé dès l’âge de six ans reposerait sur des jeux de
rôles impliquant les garçons et les filles. En outre, les enfants pour-
raient se déguiser en vue d’une meilleure compréhension du rôle de
chacun et pour accentuer la dimension ludique de l’activité. Pour que
ce soit efficace, la durée de ces jeux doit être courte mais une répétition
des mises en situation est nécessaire tout au long de l’année scolaire.
Il s’agirait, notamment, de mettre en évidence une répartition
équilibrée des tâches entre les sexes. Exemples de jeux de rôle :
- Une femme d’affaires reçoit la visite d’un futur client en com-
pagnie de son secrétaire. Vers qui se dirigera le client et pourquoi ?
- Bébé est né, qui fait quoi ?
- Des parents apprennent que leur fille veut devenir bûcheron,
comment réagissent-ils ?
Ensuite, un débat animé par l’enseignant et un psychologue don-
nerait aux enfants la possibilité de s’exprimer sur les situations qu’ils
auraient simulées.
Ces saynètes pourraient même faire l’objet de représentations
publiques auxquelles on convierait les parents afin d’intégrer ces évé-
nements dans un contexte de dialogue intergénérationnel et multicul-
turel.
La classification de fonctions,
outil de négociation,
levier de compétences
Olivia P’tito
Conseillère juridique à la
Fédération Générale du Travail de Belgique (FGTB)

Initialement outil de gestion et de différenciation des salaires, la


classification de fonctions devient un outil de négociation au sein des
branches d’activités et des entreprises.
Préalable indispensable à l’installation de la gestion par les com-
pétences, la classification de fonctions constitue un outil syndical
efficace pour lutter contre les inégalités salariales.

Position du problème
« On aurait pu s’attendre à ce que la valorisation actuelle des
compétences de la main-d’œuvre, qui abonde dans le sens toujours
revendiqué par les syndicats, modifie le rapport de forces en leur
faveur. Or il semble que cela soit l’inverse. Comment est-ce
possible ? » 1 Cette question posée par Marcelle Stroobants, profes -
seur à l’Université Libre de Bruxelles, est essentielle.

Cet auteur dénonce le déplacement de la négociation (des compé-


tences) vers l’entreprise, le caractère de moins en moins collectif de
cette négociation et, par conséquent, son caractère de moins en moins
contrôlable par les structures syndicales ; ces dernières, étant actuel-
lement mal armées face à l’accroissement des interventions d’experts
externes (ou consultants) dans le processus d’élaboration de classifi-
cations de fonctions et d’évaluation 2.
L A C L A S S I F I C AT I O N D E F O N C T I O N S . . . 155

La question qui nous occupe est donc au cœur de la problématique


relative à ce que Marcelle Stroobants appelle l’« affaiblissement syn-
dical » face aux nouvelles demandes exprimées par les employeurs en
termes de « compétences », « qualifications », « capacités » ou enco-
re de « qualités » des travailleurs(euses).
L’ambiguïté des notions évoquées ci-dessus n’est d’ailleurs pas
« innocente » car s’il existe aujourd’hui un courant tendant à consi-
dérer les classifications de fonctions comme des modèles révolus
(auxquels il faudrait préférer la gestion par les compétences), les
organisations syndicales ne disposent pas toujours de l’expertise
nécessaire pour proposer des alternatives cohérentes et replacer les
demandes patronales dans un cheminement cohérent.
Ces tendances se retrouvent illustrées dans le tableau présenté par
Marcelle Stroobants lors du séminaire « Compétences, classification
de fonctions et qualifications » organisé le 23 mars 2000 par la
F.G.T.B. fédérale (voir page 156).
Voilà pourquoi, nous sommes convaincus qu’il faut replacer le
débat relatif aux compétences dans une logique – voire une stratégie
– syndicale en insistant sur le fait que l’élaboration d’une évaluation
des emplois donnant lieu à une classification de fonctions doit consti-
tuer la condition sine qua non de la mise en place d’un quelconque
système d’évaluation des travailleur(se)s sur la base des notions ci-
dessus évoquées. Si cette évaluation est positive en soi lorsqu’elle est
opérée à partir de systèmes clairs et prédéterminés, en fonction d’ob-
jectifs préétablis, elle devient arbitraire lorsqu’elle n’est que prétex-
te à critiques, voire à sanctions pouvant aller jusqu’à une diminution
de la rémunération dans certaines entreprises où une partie du salaire
est, par exemple, rétribuée « au mérite ».
Or, l’élaboration d’un système de classification nécessite un travail
minutieusement préparé, négocié, s’opérant en étapes et – surtout –
devant apparaître clairement aux yeux des travailleur(se)s grâce à la
transparence de la procédure observée. Autrement dit, une élaboration
en phases est nécessaire. Pour suivre le schéma prôné par exemple par
le SETCA (Centrale des employés et cadres de la F.G.T.B.), il faudrait
étudier les étapes suivantes sous l’angle de l’égalité de rémunération :
156 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

Tendances Enjeux

Niveaux Branche ==) entreprise Diversification des statuts

Intervenants Sophistication des méthodes Privatisation des clés


Partenaires sociaux et critères,
Consultant Professionnalisation des
spécialistes chargés
de cette expertise

Objet de Compétences Géométrie variable


l’évaluation «requises » par travail
= « emploi-type »

Compétences « acquises » Personnalisation des


par les travailleurs, statuts
critères externes Subjectivité des critères
(diplôme ancienneté) Arbitraires des évaluations
==) critères internes (face à face individuel)
(performance, mérite, Perte de contrôle syndical
comportement, etc.)
= + subjectifs voire
arbitraires

Finalité Avant = surtout pour Si l’on évalue des


justifier des différences individus et non des
salariales postes ou des fonctions,
De + en + = un les différences de salaires
instrument de gestion renverront aux différences
par les compétences de mérites
(inspiration du modèle
japonais mais sans la
stabilité d’emploi !)
L A C L A S S I F I C AT I O N D E F O N C T I O N S . . . 157

– phase 1 : élaboration d’une liste de fonctions ;


– phase 2 : description des fonctions via des critères sexuellement
neutres et valorisation de certaines qualifications jugées « innées » ;
– phase 3 : pondération des critères ;
– phase 4 : transposition des valeurs d’évaluation en composantes
de la rémunération.
Les chiffres sont éloquents : la dérive salariale est grande et nous
constatons aujourd’hui au niveau européen que, « toutes choses
égales par ailleurs » (c’est-à-dire à profession, âge, ancienneté, natio-
nalité, secteur d’activité… identiques), les femmes gagnent en
moyenne 85 % du salaire de leurs collègues masculins3 & 4 .
Ce constat ne porte que sur les comparaisons entre des emplois à
temps plein et pose divers problèmes. Premièrement parce qu’une
telle approche correspond à celle du « travail égal, salaire égal » dont
le champ est limité par la nécessité de comparer des choses compa-
rables en soi. Deuxièmement parce qu’elle ne tient absolument pas
compte des ségrégations horizontales et verticales du marché du tra-
vail ni d’une des causes de discriminations les plus flagrantes à
l’égard des travailleurs féminins : le temps partiel.
Le raisonnement « toutes choses inégales par ailleurs … (sauf la
valeur du travail) » défendu par Rachel Silvera5 permet, par contre,
de mettre en évidence une mesure de la discrimination salariale très
différente de celle habituellement développée qui favorise le « capi-
tal humain » et est fonction de gains ou de rentabilité6. Cette
approche se base par conséquent directement sur la notion de « salai-
re égal pour un travail de valeur égale » et permet de mettre en évi-
dence les écarts salariaux entre des emplois essentiellement féminins
ou masculins et ce, à travers les divers secteurs du marché du travail.
Aborder le problème sous le prisme de l’égalité entre les hommes et
les femmes pourrait surprendre mais il trouve sa légitimité, selon nous,
dans la volonté exprimée il y a bientôt cinquante ans par l’OIT
(Convention n°100 sur l’égalité de rémunération entre les hommes et
les femmes) et l’Union européenne (article 119 puis 141 du Traité) de
résoudre les discriminations salariales entre travailleurs féminins et
158 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

masculins entre autres via l’instauration de systèmes de classifications


de fonctions sexuellement neutres.

Intérêt du sujet
À l’heure où mondialisation rime souvent avec individualisation
des travailleurs et de leurs conditions de travail (ce qui mène à des éva-
luations et des sanctions – entre autres financières – arbitraires), on
note cependant un relatif enthousiasme pour le thème de l’égalité entre
les hommes et les femmes. Ainsi au niveau politique peut-on dénom-
brer : une demande d’avis adressée au Conseil National du Travail par
la Ministre de l’Emploi et du Travail, les Plans d’actions nationaux
pour l’emploi 1999 et 2000, les termes de l’accord interprofessionnel
1999-2000, la campagne européenne « Equal Pay » menée par la
C.E.S. Et au niveau sociétal : une forte tradition de dialogue social, un
haut taux de syndicalisation, une centralisation des négociations sala-
riales etc. Ceci marque, en Belgique, un certain intérêt pour l’instaura-
tion d’un système de classification analytique de fonctions qui serait
élaboré entre partenaires sociaux épaulés par des experts en la matière.
En effet, comme le souligne Christian Baudelot, professeur de
sociologie à l’École normale supérieure de Paris : « il est d’autant
plus urgent de se mobiliser que le salaire est, dans nos sociétés, l’une
des seules mesures objectives de reconnaissance sociale des mérites
et de l’estime que porte à chacun la société dans son ensemble ».7
C’est justement pour garantir l’objectivité de cette « reconnaissance
sociale des mérites » que le débat relatif aux compétences doit être
« cadenassé » et précédé de celui relatif aux classifications de fonctions.
Ces dernières ne représentant en aucun cas un but en soi mais bien un
moyen permettant par les négociations paritaires de poser les balises
nécessaires à l’objectivité de l’évaluation individuelle des travailleurs.
Comme on l’a vu, il existe une réelle tendance à payer les salariés
par primes individuelles, le plus généralement « au mérite », échap-
pant par la même occasion à tout contrôle syndical. Le rapport de la
Banque nationale de Belgique 19998 souligne l’actuelle modification
des salaires et par conséquent des coûts salariaux : l’ensemble des
L A C L A S S I F I C AT I O N D E F O N C T I O N S . . . 159

augmentations payées sous la forme de primes uniques, les augmen-


tations accordées par les entreprises au-delà des adaptations conven-
tionnelles sectorielles, etc. représentent environ 1 % de la masse sala-
riale pour 1999. C’est dire à quel point cette dérive salariale, appelée
aussi « wage drift » est grande.

La nécessaire négociation
Il semble par conséquent urgent d’inverser le courant individua-
liste actuel et de permettre à cette « prime au mérite » de pouvoir éga-
lement être négociée afin qu’elle s’insère dans un courant logique
qui, au terme d’une classification des fonctions, permettrait une éva-
luation individuelle sur base collective, c’est-à-dire prévue dans une
convention collective.
En bref, il s’agirait à la fois de permettre aux travailleurs de voir
clair non seulement dans leur fonction et dans les critères qu’elle
nécessite mais également de valoriser les individus y compris finan-
cièrement mais sur des bases préétablies collectivement et garantis-
sant a priori une certaine objectivité.
D’autre part, l’on constate actuellement une tendance visant à
décentraliser les négociations collectives au niveau des entreprises. Il
s’agit là d’une solution de facilité de la part des secteurs concernés et
surtout d’une situation moins sécurisante pour les travailleurs et, dans
ce cadre, principalement pour les travailleuses.
Dans la mesure où les balises nécessaires ne sont pas instaurées au
niveau sectoriel, tout repose alors entre les mains des négociateurs de
l’entreprise ce qui, en matière de classifications de fonctions et vu la
complexité de cette problématique, est loin de garantir l’effectivité de
la neutralité sexuelle dont il est question dans la réglementation euro-
péenne et belge.
Cependant, il faut admettre que certaines entreprises (grosses et
moins grosses) se sont dotées ces dernières années d’une classifica-
tion analytique de fonctions en faisant appel à des consultants privés.
C’est dans ce cadre qu’un protocole a été conclu entre les Centrales
employées des organisations syndicales et les consultants privés afin
160 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

de garantir une certaine objectivité dans l’élaboration des classifica-


tions et dans les procédures de « mise à jour », d’appel voire d’infor-
mation des travailleur(se)s.
Cette situation est loin d’être « la norme » et, comme le souligne
le Ministère de l’Emploi et du Travail, « l’on peut en effet supposer
que dans de nombreuses entreprises (et dans le meilleur des cas) la
détermination des salaires, même quand elle passe par une négocia -
tion (collective ou pas), est dominée par une logique de gestion du
personnel où il s’agit moins de savoir comment redistribuer la riches -
se de l’entreprise à ses travailleurs que de s’assurer le service de tra -
vailleurs avec les compétences requises (quitte à leur concéder des
avantages salariaux en conséquence), et que l’on puisse motiver au
profit de la bonne marche de l’entreprise ».
En fait, on sait peu de choses sur ce qui se passe au niveau des
entreprises et l’on ne peut que souligner l’importance des négocia-
tions salariales dans la problématique des classifications analytiques
de fonctions et ce, pour plusieurs raisons :
- l’instauration des classifications de fonctions a un coût et les
négociations représentent dès lors le « nerf de la guerre » ;
- les négociations salariales sont révélatrices du manque de repré-
sentation féminine au sein des négociateurs (voir chiffres supra) et
des priorités de l’ordre du jour…9
En conclusion, le dossier des classifications de fonctions est deve-
nu une affaire de spécialistes dont l’opacité l’a fait tomber dans l’ou-
bli pour une grande majorité de la population entraînant avec lui l’en-
semble des moyens juridiques pourtant nombreux à le défendre.
Comment à partir d’un principe d’apparence simple à comprendre
– « À travail égal ou de valeur égale, salaire égal » – en est-on arrivé
à un sujet aussi nébuleux où chacun, des juges aux avocats en passant
par les délégués, les négociateurs syndicaux et les politiques y ont
perdu leur latin au profit des consultants privés qui y ont trouvé une
véritable mine d’or ?
Il s’agit sans doute là d’un des effets « pervers » de l’égalité entre
les hommes et les femmes qui, en voulant supprimer les inacceptables
discriminations directes découlant des anciennes classifications de
L A C L A S S I F I C AT I O N D E F O N C T I O N S . . . 161

fonctions dans lesquelles le salaire des femmes était exprimé en pour-


centage du salaire des hommes, a choisi la facilité et a instauré des
discriminations plus insidieuses et indirectes.
En effet, cette solution de facilité fait référence aux systèmes
actuels de classifications de fonctions (sous-)sectoriels dont la majo-
rité sont de simples « photos » d’entreprise type du (sous-)secteur
concerné ne prévoyant soit aucun critère d’évaluation, soit des cri-
tères généraux n’offrant aucune garantie d’objectivité et encore
moins de neutralité sexuelle.

Problématique de la rémunération
Le plus grand reproche que l’on puisse effectuer à cet égard à l’en-
contre des (sous-)secteurs est l’obscurantisme dans lequel ils ont
plongé les travailleuses et la problématique de l’égalité de rémunéra-
tion entre les hommes et les femmes en la reléguant à une probléma-
tique de spécialistes.
La jurisprudence européenne met cependant quatre arguments à
notre disposition (voir supra) :
– lorsqu’une entreprise applique un système de rémunération qui
est caractérisé par un manque total de transparence, l’employeur a la
charge de prouver que sa pratique salariale n’est pas discriminatoire
(Affaire Danfoss essentiellement) ;
– il ne suffit pas, pour justifier objectivement la différence de
rémunérations entre deux fonctions de valeur égale dont l’une est
exercée presque exclusivement par des femmes et l’autre principale-
ment par des hommes, d’invoquer la circonstance que les rémunéra-
tions respectives de ces deux fonctions ont été déterminées par des
processus de négociations collectives qui, bien que suivis par les
mêmes parties, sont distincts et dont chacun d’eux pris séparément,
n’a pas en lui-même d’effet discriminatoire (Affaire Enderby) ;
– la mise en œuvre de la directive implique que l’appréciation de
la « valeur égale à attribuer » à un travail peut avoir lieu, contre la
volonté de l’employeur, dans le cadre si nécessaire d’une procédure
162 L A PA R I T É E S T L’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

contentieuse. Il appartient à l’État membre de doter une autorité de la


compétence nécessaire pour trancher la question de savoir si un travail
a la même valeur qu’un autre, après avoir éventuellement recueilli
tous renseignements utiles (Affaire Commission c/Royaume-Uni) ;
– la directive 75/117/CEE ne s’oppose pas à ce qu’un système de
classification professionnelle utilise, pour déterminer le niveau de
rémunération, le critère de l’effort ou de la fatigue musculaire ou
celui du degré de pénibilité physique du travail, si, compte tenu de la
nature des tâches, le travail à accomplir exige effectivement un cer-
tain développement de force physique, à condition que, par la prise
en considération d’autres critères, il parvienne à exclure, dans son
ensemble, toute discrimination fondée sur le sexe (Affaire Rummler).
Le fait d’aborder le débat sous l’angle de l’égalité hommes-
femmes permettra peut-être de faire avancer l’ensemble de la problé-
matique des classifications de fonctions et, par voie de conséquence,
l’ensemble de l’égalité entre travailleurs, au bénéfice tant de l’en-
semble des travailleurs(euses) que des employeurs… à condition bien
sûr qu’un véritable débat s’instaure à ce sujet au sein des organisa-
tions syndicales.
Car, si le principe de l’égalité salariale est garanti par les textes
européens entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins,
il dépasse largement ce cadre pour toucher à l’égalité salariale de
l’ensemble des travailleurs ainsi qu’à la problématique de la dérive
salariale et à la gestion par les compétences.

1. M. Stroobants, « Le syndicalisme à l’épreuve des critères d’évaluation du travail –


Enjeux communs et singularités belges », in Sociologie et sociétés, vol. XXX,
n°2, automne 1998, pp.155-173.
2. M. Stroobants, intervention lors du séminaire « Compétences, classification
de fonctions et qualifications » organisé le 23 mars 2000 par la F.G.T.B. fédérale.
3. Eurostat, Statistiques en bref, thème 3-6/1999; Communiqué de presse de la CES,
le 7 mars 2000.
4. S. Lemiere, R. Silvera, Comparaison de la valeur du travail et évaluation de l’em -
ploi en vue de l’égalité salariale entre hommes et femmes : étude de faisabilité,
étude réalisée pour le Service des Droits des femmes – Ministère de l’Emploi et
de la Solidarité, mars 1999, Université Paris I.
L A C L A S S I F I C AT I O N D E F O N C T I O N S . . . 163

5. R. Silvera, Le salaire des femmes : toutes choses inégales… les discriminations


salariales en France et à l’étranger, Service des Droits des Femmes, Ministère
du Travail et des Affaires sociales, La Documentation française, Paris, 1996.
6. S. Lemiere, R. Silvera, op. cit. 6.
7. R. Silvera, Le salaire des femmes : toutes choses inégales… les discriminations
salariales en France et à l’étranger, préface p. 9, Service des Droits des Femmes,
Ministère du Travail et des Affaires sociales, La Documentation française, Paris,
1996.
8. B.N.B., Rapport 1999, Tome I : évolution économique et financière, Bruxelles,
p. 60.
9. Une recherche est actuellement en cours à ce sujet à l’Université du Québec à
Montréal concernant « les porte-parole en négociation collective au Québec »,
sous la direction de G. Legault, C. Lamoureux et C. Ross. Le principal objectif de
cette étude est de répondre à la question suivante : « Y a-t-il une pratique diffé-
renciée de la négociation collective selon le sexe, et par voie de conséquence, une
répartition du pouvoir différenciée selon le sexe, en négociation collective ? »
Pour la cohésion sociale
Benoît van Grieken
Social Cohesion Manager Randstad Interlabor
Coordinateur Belgian Entreprises Network for Social Cohesion
(BENSC)

Françoise Gaspard disait : « une femme de plus, c’est un homme


de moins ». Je peux vous dire qu’en étant un homme de plus, je suis
quand même très content d’être avec beaucoup de femmes. « En tout
bien, tout honneur » !
Quand on parle de parité, nous entendons beaucoup d’interpréta-
tions possibles et je prendrai un exemple assez récent dans mon entre-
prise. Il y a quelques mois, j’y avais rencontré une représentante d’un
ministère dans le cadre de l’égalité des chances. Elle me demanda :
« Combien avez-vous de femmes dans votre entreprise, en fixe ? »
Ma réponse fut « 75 % ». Elle me dit alors : « Ah, c’est bien. » Mais
je rajoutai : « il y a cinq ans, nous étions à 85 % ! » « Ah, bon ! » me
dit-elle mais en valeur nette (nombre de personnes), l’entreprise, en
pleine croissance, a engagé plusieurs centaines de personnes, dont
une majorité de femmes !
En fait, le plus important consiste surtout à voir quelles sont les
responsabilités qu’on peut assumer dans une entreprise, quels sont les
postes que l’on peut obtenir et qu’est-ce qu’on peut y réaliser ? Il y a
cinq ans, nous avions parmi les cadres, au niveau management, 30 %
de femmes et aujourd’hui nous sommes à 50 %, soit une grosse dif-
férence ! Au niveau du Comité de direction, le directeur de la
Wallonie dans notre entreprise est une femme. Tout ceci pour vous
dire qu’il est excessivement dangereux de travailler en pourcentages
ou en chiffres. Le plus important c’est de voir, d’une part, quel pou-
POUR LA COHÉSION SOCIALE 165

voir de décision une personne peut-elle avoir dans une entreprise et,
d’autre part, quel type de responsabilité on peut lui donner sans aucu-
ne forme de discrimination. J’ajouterais également que les critères
doivent se baser sur la gestion des compétences, c’est-à-dire le savoir,
le savoir-faire et le savoir-être. La motivation, la personnalité, l’esprit
de groupe, l’innovation, l’orientation vers l’autre sont tout aussi
importants que la qualification ou l’expérience !
Je voudrais vous faire part d’un deuxième point de vue, au niveau
du réseau belge des entreprises pour la cohésion sociale (BENSC).
Cela peut vous sembler curieux que des entreprises privées qui ont,
par définition, des objectifs comme la rentabilité, le profit, les parts
de marché, la bonne tenue de l’action, puissent adhérer aux principes
de la cohésion sociale, qu’on peut définir comme étant une convic-
tion de lutter contre l’exclusion sociale. On s’est en effet rendu comp-
te que les entreprises envisagent de plus en plus, à côté des chiffres
financiers et commerciaux, de mesurer la motivation de leur person-
nel, la satisfaction de leurs clients et, aussi, le rôle sociétal qu’elles
peuvent donner. Le fondateur de Randstad disait : « L’entreprise est
influencée par le monde qui l’entoure, mais elle se doit de l’influen-
cer à son tour ! ».
À titre d’exemple dans le réseau des entreprises pour la cohésion
sociale, je dirais que celui-ci a comme objectif non seulement de sen-
sibiliser des entreprises à la réalisation de projets spécifiques mais aussi
d’être un lien entre les entreprises et les partenaires socio-économiques,
entre le secteur privé et le secteur public, mais également par rapport
au monde politique. Il s’agit de voir, comme le dit le prophète, de quel-
le manière plutôt que de « perdre tout seul », on pourrait peut-être
« gagner pas mal de choses ensemble », et notamment l’emploi.
Ainsi, pour favoriser l’intégration dans le marché du travail, il y a
des exemples de crèches d’entreprises qui ont été réalisées. On citait
le FOREM tout à l’heure mais pas mal d’entreprises en ont réalisé
aussi, parfois en collaboration avec des crèches existantes, parfois en
les organisant elles-mêmes.
En ce qui concerne la problématique des nouveaux gisements d’em-
plois, l’accès des femmes à un certain nombre de professions spécifi-
166 L A PA R I T É E S T L’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

quement masculines pourrait être réalisé avec succès, de même qu’un


accompagnement spécifique tenant compte du niveau de mobilité.
Il y a aussi la solidarité par rapport à des groupes initialement
défavorisés. À Mons, par exemple, un projet a été réalisé avec des
femmes rentrantes. Par une collaboration avec le mouvement asso-
ciatif, plusieurs entreprises ont pu résoudre leurs problèmes d’emploi
par l’accompagnement personnel, social et professionnel. Je citerai
un autre exemple situé à Bruxelles, où une asbl assure de nombreux
développements en collaboration avec notre entreprise. Les jeunes
filles, toutes d’origine étrangère, souvent en « décrochage », sont
intégrées dans des entreprises, via des trajets d’insertion. Et cela
marche !
En conclusion, permettez-moi de citer deux points fondamentaux
pour la réussite de la cohésion sociale. C’est, premièrement, le volon-
tarisme et l’engagement des parties concernées car je pense que des
systèmes de quotas peuvent avoir des effets pervers d’intolérance.
Deuxièmement, si les différentes parties travaillent ensemble et qu’un
équilibre s’établit entre l’entreprise et le travailleur, on réalise à ce
moment-là les bonnes conditions de la cohésion sociale et l’on crée
une valeur ajoutée, pour tous… et pour toutes !
Rapport de l’atelier 2

Marie Arena
Ministre de l’Emploi et de la Formation du Gouvernement wallon

Les interventions de notre atelier venaient toutes ou presque toutes


appuyer les interventions des oratrices et orateurs invités, renforcées
par des cas pratiques, des cas vécus.
Les inégalités prennent différentes formes, tant dans le privé que
dans le public. On a davantage parlé d’inégalité ou d’égalité que de
parité dans l’atelier. Les inégalités prennent différentes formes : au
niveau du nombre, au niveau du salaire, au niveau du pouvoir, au
niveau de la qualité de vie. Il y a toujours un combat à mener et il doit
aujourd’hui être centré sur la qualité de vie.
On a entendu le témoignage d’une jeune maman qui, de manière
très émue, nous a dit : « moi je travaille, c’est très bien, je gagne beau-
coup d’argent mais mes enfants, je ne les ai pas vus et je culpabilise
de ne pas les avoir vus grandir. En tant que mère c’est, quelque part,
quelque chose que je peux difficilement supporter ».
Je pense donc qu’il nous faut être très attentives dans notre com-
bat, on ne doit pas perdre notre féminité et rester prudentes dans ce
que nous revendiquons. Préservons-nous aussi, nous ne devons pas
tout y laisser.
Les femmes ont bien obtenu le droit de participation au monde
professionnel. Le droit au travail est acquis, avec des inégalités
certes. Par contre, ce qui n’est pas acquis aujourd’hui, c’est le droit à
la vie privée pour les hommes. Je pense que toutes les femmes qui
sont réunies ici ont certainement beaucoup de plaisir à cette vie pri-
168 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

vée mais je pense que quelque chose d’important à dire aux hommes
c’est qu’ils ont tout à gagner s’ils s’investissent dans la vie privée.
Donc si nous devons nous battre, c’est aussi pour donner aux hommes
un droit, le droit à la vie privée.
La problématique des femmes immigrées est aussi très importan-
te. Elles ont une double culture qu’elles veulent respecter, qu’elles
veulent garder. Elles ont un deuxième handicap. Quand elles se pré-
sentent à un emploi, il y a une discrimination évidente à l’embauche,
les chiffres le prouvent. Il y a donc vraiment un combat à mener par
rapport à ces jeunes ou moins jeunes femmes qui ont à la fois à régler
leur problème de culture, leur problème de dépaysement, leur problè-
me d’insertion et leur problème d’intégration.
On a aussi parlé de la loi. Effectivement, quand le mouvement
naturel ne se fait pas de manière assez rapide, je pense que la loi doit
être là pour activer et accélérer un certain nombre de choses. Mais le
cadre légal ne fait pas tout. Bien que l’égalité existe de facto dans la
loi, si on est là aujourd’hui, c’est qu’elle n’existe pas. Mais on a aussi
relevé que la loi et les interprétations de la loi, parfois de manière tout
à fait pernicieuse dans certains cas, créent des inégalités, les lois
ayant été faites par des hommes sans tenir compte des spécificités des
femmes. Il y a donc un travail d’analyse de notre législation à faire,
chacun dans nos compétences. Il s’agit non pas d’inventer mais de
corriger ce qui, dans ces législations, peut faire naître des discrimina-
tions par rapport aux femmes.
Au niveau de la construction européenne, on s’est trop longtemps
concentré sur les valeurs économiques. Depuis un certain temps, on
centre les débats sur une Europe sociale, autour du thème de la cohé-
sion sociale et c’est là que le débat à propos de l’égalité des femmes
doit avoir lieu.
On a évidemment abordé le thème de la conciliation de la vie pri-
vée et de la vie professionnelle. Le fait que les hommes partagent
cette sphère privée pour que nous puissions un peu nous en décharger
et être plus sereines dans notre vie professionnelle a été effleuré.
Combien de femmes ne se sont-elles pas dit : il est vingt heures et les
enfants vont être couchés quand je vais rentrer. Il faut se battre vrai-
R A P P O RT D E L’ AT E L I E R 2 169

ment pour que cette vie professionnelle et cette vie privée puissent
être conciliées. Et ça, ça se fera avec les hommes, ça ne se fera pas
avec les femmes toutes seules.

Sept propositions
C’est sur base de ces constats – il y en a eu d’autres – qu’un cer-
tain nombre de concepts peuvent être dégagés en termes de recom-
mandations générales. Nous avons évoqué un certain nombre d’idées
à défendre.
Première proposition : il est impératif d’objectiver la situation
des femmes, c’est-à-dire avoir des chiffres, avoir des statistiques qui
ne sont pas dans les mains des consultants privés auxquels on confie
une analyse x ou y, mais des statistiques qui sont aux mains du pou-
voir public pour qu’il essaye de les interpréter, de les analyser et non
pas de les mettre dans un tiroir – comme on l’a dit – et que cela ne
serve à rien. Des processus d’évaluation doivent être mis en place,
comme il doit y avoir aussi une évaluation et un suivi de ce type de
journée de travail.
La deuxième proposition concerne les services publics qui doi-
vent servir d’exemples. On a parlé du privé, de la sous-représentation
des femmes dans les niveaux de pouvoir importants, de discrimina-
tion à l’embauche, etc. Veillons à ce que nos services publics intè-
grent la parité dans les différentes instances de décision.
Troisième proposition : mettre en place des formations mais
aussi sensibiliser les hommes au recrutement des femmes.
Quant à la quatrième proposition, si des discriminations existent
dans le travail, au niveau du recrutement, etc., l’entrée des femmes
dans la vie professionnelle est un fait. Une fois qu’elles y sont, elles
suivent leur petit bonhomme de chemin et puis, tout d’un coup, elles
ont envie d’avoir des enfants. Logique, légitime. Elles décident de se
consacrer à leurs enfants pendant une période et puis elles décident
de revenir. Avec la difficulté suivante : comment fait-on pour garder
ses enfants ?
170 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

Les structures collectives d’accueil des enfants existent mais il y


en a peut-être trop peu. On doit aussi veiller à ce qu’il puisse y avoir
des possibilités individuelles pour les jeunes femmes cadres car il n’y
a pas toujours la flexibilité suffisante dans les garderies d’enfants.
C’est très important de veiller à favoriser des outils souples pour per-
mettre à des femmes d’avoir une progression dans leur carrière, pour
avoir des femmes à des postes de décision. Les services de proximi-
té représentent une piste que nous devons absolument développer, ils
améliorent notre qualité de vie, ils nous soulagent par rapport à un
certain nombre de tâches au quotidien. Il faut veiller à ce que tout le
monde y ait droit.
Cinquième piste à développer : il faudrait que les hommes parti-
cipent à la sphère privée et je pense que le congé parental paternel est
une piste à suivre. On va se battre pour les dix jours, c’est symbolique
mais c’est toujours ça. Quand les hommes participeront effectivement
aux premiers jours de la vie de leurs enfants, ils vont établir un lien
privilégié et n’auront qu’une envie c’est d’en faire plus. « Plus d’en-
fants et plus de temps à leur consacrer ».
Sixième piste : on a dit « à salaire égal, travail égal ». Il faut valo-
riser financièrement les métiers dits « féminins » généralement moins
rémunérés, rééquilibrer les choses grâce à une grille de lecture objec-
tive des fonctions, développer des formes d’apprentissage à la négo-
ciation de son salaire parce que très souvent, à compétence égale ou
à fonction égale, la femme est prête à faire davantage.
Septième piste : mener des actions de sensibilisation à tout va.
Les lois ne vont pas tout régler ; il y a effectivement les mentalités qui
mettent du temps à changer mais il n’y a pas de petites mesures. Je
pense que les actions de sensibilisation commencent à tous les
niveaux, qu’il y a des petites, des moyennes et des grandes mesures.
Il y a l’éducation citoyenne, les mouvements associatifs et notam-
ment l’Éducation permanente dont les actions doivent être renfor-
cées. On a évoqué la possibilité de faire un jeu de société sur l’égali-
té, un CD-Rom à diffuser dans les écoles.
Je vais terminer en parlant de la cohésion sociale. Nous devons
soutenir la participation des femmes dans les structures de négocia-
R A P P O RT D E L’ AT E L I E R 2 171

tion, syndicales et autres. On doit absolument participer aux débats au


niveau européen. Quand on parle de cohésion économique et sociale
en période de croissance, il y a aussi autre chose à revendiquer que
des salaires.
Par rapport à ma compétence, si je prends, par exemple, la forma-
tion professionnelle, on a parlé de tous les problèmes d’entrée dans le
monde professionnel mais une fois qu’on y est, encore faut-il y res-
ter. Et qu’a-t-on besoin pour y rester ? De la formation. Et si on ne
donne pas la possibilité de se former pendant les heures de travail, les
femmes, une fois encore, n’auront pas de formation continuée parce
que, après les heures de travail, elles ont autre chose à faire et le biais
de la carrière est ainsi réintroduit.
Pour clôturer, je dirais « du travail, il en reste » et « qui n’avance
pas recule ». Allons-y, avançons et ça nous permettra de nous réali-
ser, nous, les femmes avec les hommes.
Atelier 3
La représentation des femmes
dans l’information et les médias

Partager le pouvoir d’informer


L’image de la femme dans les médias
Quelles responsabilités ?
Quelle réglementation ?
Henry Ingberg
Président des Commissions de Politique Culturelle
de Présence et Action Culturelles (P.A.C.)

Cet atelier est consacré à la place des femmes dans les médias. Les
personnes qui font partie du panel ont accepté d’apporter des élé-
ments de réflexion, de témoigner de leurs expériences personnelles et
d’intervenir pour alimenter la discussion. Outre leurs interventions, la
parole sera également donnée aux participants de l’atelier pour réagir,
interpeller, questionner, formuler des observations et des proposi-
tions. C’est Marie-José Laloy qui fera le rapport des travaux de notre
atelier en séance plénière.
Comme structure de notre approche, je vous propose l’articulation
suivante. Évoquons d’abord, ensemble, le contexte de cet atelier.
Pourquoi un atelier sur les médias et la présence de la femme ?
Ensuite, abordons le constat. Qu’est-ce qui se passe, tant du point de
vue de l’illustration, de l’image de la femme que dans l’organisation
de tout ce qui relève des médias, en matière de responsabilité profes-
sionnelle attribuée aux femmes ? Enfin, envisageons ce que j’appel-
lerais les conjectures. Que faudrait-il faire par rapport à ces constats ?
Comment réagir ? Comment agir ?
En préambule, j’ajouterais qu’organiser un atelier sur les rapports
entre les médias et la femme semble peut-être surprenant et en même
temps assez banal. Pourquoi ? Parce qu’on constate, avec d’ailleurs
un phénomène d’accélération extraordinaire ces dernières années,
une polarisation sur les médias audiovisuels, un développement de la
176 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

curiosité, une focalisation de l’attention portée à tous les problèmes


de société reflétés par l’audiovisuel.
Je pourrais témoigner, avec tous les collègues ici présents, que
l’on attend énormément, par exemple, de la télévision, mais qu’il fau-
drait étendre cette réflexion aux nouvelles technologies de l’informa-
tion et de la communication ainsi que, notamment, à l’Internet. Qu’il
s’agisse des milieux culturels, des milieux sportifs, de celles et ceux
qui travaillent dans l’action sociale, de celles et ceux qui travaillent
dans la politique, il y a une demande insatiable que les médias audio-
visuels répercutent leurs préoccupations et nos réactions.
On a même le sentiment, à certains moments, que quand cette
répercussion n’est pas suffisamment présente, c’est comme si l’on
était exclu du débat social. Il y a donc une pression extraordinaire sur
les médias audiovisuels, non pas pour qu’ils apportent la solution
mais pour qu’en tout cas, ils soient en avancée, en avant-garde sur
toutes les questions de société et, parmi elles, oh ! combien impor-
tante, la question de la place de la femme.
Si l’audiovisuel joue effectivement un rôle dans l’image que l’on
peut avoir des différentes questions de société, l’on devrait aller au-delà
et s’intéresser à tout ce qui apparaît à l’écran (information, publicité,
programmes – documentaires, magazines, fictions –…) pour relever,
non seulement, ce qui frappe l’imaginaire et serait donc, par définition,
un problème culturel, mais aussi ce qui, petit à petit, nous imprègne au
fil du temps d’une certaine vision et d’un certain conformisme.
Et puis, il y a tous ceux et toutes celles qui agissent dans l’audiovi-
suel, qui y travaillent, qui y prennent des responsabilités. Là, ce sera
intéressant de voir s’il y a une évolution d’ordre professionnel.
Dépasse-t-on, en terme de fonctions, ce que l’on appelle traditionnelle-
ment la speakerine, la présentatrice de la météo sinon la maquilleuse
pour donner bonne mine aux interviewés politiques ? Oui, puisqu’on a
des productrices, des présentatrices de journal télévisé, des respon-
sables. Mais, où en sommes-nous aujourd’hui ?
Il sera intéressant de constater, au niveau de la prise de responsa-
bilités, au même titre que dans les entreprises, les institutions ou
encore les services publics, quelle est la part de responsabilité réelle
QUELLES RESPONSABILITÉS ? Q U E L L E R É G L E M E N TAT I O N ? 177

par rapport au principe paritaire. Dans quelle situation nous trouvons-


nous ?
Si une revendication générale d’occuper des postes à responsabi-
lités existe, encore faut-il considérer la manière dont cette responsa-
bilité est exercée et envisager l’image de la personne investie de res-
ponsabilités. Des enquêtes ont montré qu’il peut y avoir, sans
sexisme, des sensibilités différentes à l’égard du choix de ce qui peut
retenir l’intérêt du public. Là, nous voyons une incidence directe de
la composition des organes de direction dans le choix de la program-
mation. À ce moment-là, on va bien articuler à la fois des questions
de pouvoir et des questions d’image.

Quelle réglementation ?
Enfin, il faut rappeler d’emblée qu’on ne travaille pas dans le vide
juridique et qu’on trouve déjà dans les textes organisant le service
public de la télévision, des formulations qui renvoient directement à
la préoccupation qui est la nôtre.
Dans le « Décret fixant le statut de la R.T.B.F. » du 14 juillet 1997,
on précise en l’article 7 § 1er que « L’entreprise ne peut produire ou
diffuser des émissions contraires aux lois ou à l’intérêt général, por-
tant atteinte au respect de la dignité humaine, et notamment contenant
des incitations à la discrimination, à la haine ou à la violence, en par-
ticulier pour des raisons de race, de sexe ou de nationalité (…) ». Il
est vrai que cela est formulé en termes généraux mais faut-il consi-
dérer que ces termes finiraient par être creux et faut-il considérer
qu’ils sont uniquement incantatoires ? Ils sont en même temps ins-
crits et une question que l’on pourra se poser est de savoir comment
leur donner vigueur dans tous les sens du terme.
Le deuxième texte que l’on peut citer est le « Contrat de gestion »
de la R.T.B.F. du 14 octobre 1997, qui vise particulièrement la res-
ponsabilité de service public de la R.T.B.F. On voit dans le texte que
l’entreprise s’engage notamment à « produire, coproduire, acquérir,
programmer et diffuser des émissions de radio et de télévision fédé-
178 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

ratrices, destinées au grand public comme aux publics minoritaires,


sans discrimination, notamment culturelle, raciale, sexuelle, idéolo-
gique, philosophique ou religieuse (…) ». Évidemment le texte est
déjà peut-être plus réducteur, on dit « sans discrimination », cela veut
dire sans exclusion mais sans exclusion ne signifie pas pour autant
une présence significative et disons paritaire.
Dernière référence que je vous donne : toutes les chaînes de télé-
vision, privées et publiques, ont adopté un « Code déontologique
relatif à la diffusion d’émissions télévisées comprenant des scènes de
violence ». Dans le préambule, les télévisions se sont engagées à
prendre les initiatives nécessaires sur base du texte qui dit « les
atteintes à l’image de la femme et à son intégrité constituent un
exemple de violence morale », et puis on ajoute « qu’il convient de
prendre en considération ». Donc, avec le problème de la mise en
vigueur de ces principes généraux comme promouvoir, favoriser,
encourager le mieux possible, on mesure parfois tout l’écart qu’il
peut y avoir entre une bonne intention et sa réalisation…
Que se passe-t-il et que pouvons-nous faire ? Je voudrais faire
appel à présent aux membres du panel pour qu’ils nous communi-
quent la vision qu’ils ont de la question.
Face à la mondialisation des médias
Marie-José Laloy
Sénatrice
Présidente des Femmes Prévoyantes Socialistes
Présidente de la Commission Emploi du P.S.

En fonction de mon expérience professionnelle et politique, je


voudrais d’abord faire un constat qui me semble général et important.
S’il a été fait état de différents outils législatifs ou réglementaires
dans lesquels se trouvent les ferments d’une égalité, d’une parité, je
voudrais, pour ma part, mettre en exergue le problème de la mondia-
lisation des organes médiatiques et de leur éloignement de plus en
plus grand du terrain qui renforce, me semble-t-il, la difficulté pour
les femmes d’être actrices, d’être présentes.
Autant peut-on constater que l’explosion de tous les outils de com-
munication a bien sûr permis aux femmes d’être plus présentes sur « ce
marché », le paradoxe est que les entreprises médiatiques et les entre-
prises de l’information échappent de plus en plus non seulement aux
citoyens mais aussi aux États. Il devient de plus en plus difficile pour
les États d’appliquer et de trouver les moyens de mettre en œuvre ce
que l’on a appelé tout à l’heure les « bonnes intentions ». Ce premier
constat me semble être une difficulté qui va aller grandissant.
De la même manière qu’on connaît le combat qui est mené contre
l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), je pense qu’il va fal-
loir une mobilisation non seulement au niveau de notre Communauté
Wallonie-Bruxelles, de la Belgique et de l’Europe mais il va falloir
une mobilisation générale pour la reprise en main, la meilleure maî-
trise de l’industrie des médias qui nous échappe toujours davantage.
Quand parle-t-on des femmes
dans les journaux parlés et pourquoi ?
Claire Pecheux
Journaliste à la Radio-Télévision belge
de la Communauté française (R.T.B.F.)

Le Journal parlé de la R.T.B.F. est dirigé par une femme : Simone


Reumont. Elle a deux adjoints directs : un homme et une femme,
René Campé et Jacqueline Liesse. La rédaction compte vingt-huit
journalistes et vingt et une femmes. Ces dernières ne sont pas can-
tonnées dans des sujets dits féminins.
À la R.T.B.F., les salaires et les statuts sont identiques, pour les
femmes comme pour les hommes.

Les rendez-vous traditionnels


Les journaux parlés font généralement un assez large écho des
deux journées des femmes, nationale et internationale. La Conférence
de Pékin a été largement couverte, de même que la session extraordi-
naire de l’ONU « Pékin+5 », encore que cette dernière ait souffert de
la concurrence de l’Euro 2000 !

Les sujets de prédilection


A. Le monde du travail
Le travail de nuit et le travail à temps partiel ont fait l’objet de
nombreux sujets ces dernières années, de même que le chômage
Q U A N D PA R L E - T- O N D E S F E M M E S … 181

féminin, les congés de maternité, en Belgique et en Europe, etc. On a


beaucoup parlé également du harcèlement sexuel. On parle peu, en
revanche, des femmes qui exercent un métier dit masculin. Seules les
premières femmes pilotes de chasse, conductrices de train et prêtres
anglicanes ont eu les honneurs du journal parlé !

B. La violence
C’est un fléau qui a été traité à de nombreuses reprises, qu’il
s’agisse de violence physique ou sexuelle, en Belgique et dans le
monde. La commission d’enquête sur la traite des êtres humains a été
suivie régulièrement. De nombreux témoignages de femmes violées
en Bosnie ou au Kosovo ont été recueillis. On parle aussi régulière-
ment de l’excision des femmes et des petites filles, une pratique bar-
bare qui est exercée sur quelque deux millions de petites filles dans
le monde chaque année.

C. Les femmes et la paix


Au Proche-Orient, en Corse, en ex-Yougoslavie, etc., leur rôle a
été souligné à plus d’une reprise.

D. Les femmes et la politique


Les quotas et la parité ont été abondamment commentés au
moment du vote des lois.

Les sujets oubliés


On parle peu des femmes immigrées qui connaissent pourtant des
problèmes spécifiques.
On parle peu de sexisme. Ces sujets ne font d’ailleurs pas l’una-
nimité, même parmi les femmes de la rédaction.
182 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

Y a-t-il une manière féminine de traiter


l’information ?
Personnellement, je ne le crois pas. Heureusement d’ailleurs.
Comme il est heureux également que les sujets qui concernent les
femmes ne soient pas traités uniquement par des femmes. Dans ce
domaine comme dans d’autres, l’équilibre est la meilleure des solu-
tions !
Aux femmes de prendre
des responsabilités
Mamine Pirotte
Directrice du Centre de Production de Liège
de la Radio-Télévision belge de la Communauté française (R.T.B.F.)

À propos de la situation des femmes dans mon entreprise, je dirais


que, globalement, la situation est satisfaisante sur le plan de ce que
l’on a appelé la différence entre égalisation et égalité, c’est-à-dire en
termes mathématiques. Il est exact qu’à la R.T.B.F., il y a, à peu près,
39 % de la masse salariale qui sont constitués par des femmes. Je
trouve que c’est tout à fait honorable, d’autant plus qu’on peut consi-
dérer qu’entre 1996 et 1999, il y a eu une progression de 3 à 4 %. On
peut donc considérer que l’on est dans le bon.
Si je n’ai pas l’intention de vous assaillir de chiffres, je tiens, tout
de même, à vous en donner quelques-uns : à la R.T.B.F., il y a globa-
lement 8,71 % d’hommes « ouvriers » contre 0,76 % de femmes.
Dans la catégorie « cadres », il y a 10,24 % d’hommes et 2,20 % de
femmes. Pour rester dans le même registre, je vous dirais qu’au
niveau quatre, il y a 1 % d’hommes et à peu près 1 % de femmes, au
niveau trois, 6,5 % d’hommes et 5,5 % de femmes, au niveau deux,
30 % d’hommes et 19 % de femmes, au niveau un, 26,5 % d’hommes
et 9 % de femmes. Ça veut donc dire, qu’en terme de progression de
carrière, il y a un véritable problème. Je tiens encore à ajouter, que
dans mon entreprise, existent des structures sociales qui aident les
femmes à vivre une vie professionnelle harmonieuse. Il y a une
crèche, il y a des garderies et des organisations de stages pour les
enfants pendant les vacances.
184 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

Mais il y a quand même des chiffres révélateurs. En terme de prise


de congés pour motifs impérieux d’ordre familial par exemple, pour
l’année 1999 et pour les plus de cinquante ans, il y a eu 23 femmes
qui ont demandé ce congé et 18 hommes. Je trouve que c’est tout à
fait équilibré, c’est tout à fait paritaire pour reprendre le mot du jour.
Par contre, pour les moins de cinquante ans, 70 femmes et 21
hommes. Ça aussi c’est tout à fait révélateur.
Si l’on peut considérer que la parité sur le plan global est satisfai-
sante, subsiste le problème de l’accès des femmes aux sphères de pou-
voir et aux sphères de décision. Et je pense, honnêtement, que la situa-
tion de la R.T.B.F. n’est pas unique dans le service public de
l’audiovisuel. Je connais moins bien la situation des télévisions com-
merciales mais je crois savoir, de par les travaux européens qui ont été
faits, que c’est largement le cas pour la plupart des maisons de radio et
de télévision européennes. Ça veut donc dire, et je le répète, que l’ac-
cès des femmes aux sphères de pouvoir, aux sphères de décision, reste
encore extrêmement limité et ce n’est pas sans conséquence. Il y a, à la
R.T.B.F., une vingtaine de directeurs dont trois femmes ! Il n’y a pas de
fonctionnaires généraux femmes. Il y a, c’est vrai, une présidente de
conseil d’administration. S’il est positif d’avoir des femmes dans les
conseils d’administration, il serait bien aussi d’en compter dans les
conseils de direction, c’est-à-dire là où se prennent les décisions
concrètes, comme, par exemple, en matière de grilles de programmes.
Si le premier constat concerne la difficulté des femmes d’accéder
à des niveaux de pouvoir et des niveaux de décision, le deuxième
constat qui me préoccupe est le fait que les jeunes femmes ne sem-
blent pas revendiquer de responsabilités. J’en rencontre beaucoup
dans ma vie professionnelle, et je constate que quand on leur propo-
se une prise de responsabilités, elles la refusent souvent. Les jeunes
femmes d’aujourd’hui – ce n’était pas le cas de ma génération – veu-
lent tout : vie professionnelle et vie personnelle harmonieuses. Elles
ont raison, c’est légitime. Et comme elles veulent tout, je pense qu’il
faut les aider à vouloir tout. Il faut leur donner les structures d’ac-
compagnement qui permettent, tant aux femmes qu’aux hommes
d’ailleurs, de vouloir tout.
AUX FEMMES DE PRENDRE DES RESPONSABILITÉS 185

Je pense que, aux yeux de la majorité des jeunes femmes d’au-


jourd’hui, le « combat féministe » qui était l’expression de ma géné-
ration apparaît comme « ringard » parce qu’elles estiment que le
combat a été gagné. Elles ont le sentiment que « à travail égal, salai-
re égal », c’est acquis et, donc, qu’il n’y a plus à se battre vraiment.
J’insiste sur combien il est important, sur le plan démocratique et
sur le plan citoyen, que les femmes prennent des responsabilités, sur-
tout quand elles sont jeunes, afin qu’il y ait une prise active de paro-
le des femmes dans tous les domaines de la vie.
Je voudrais dire aussi qu’il y a parfois le revers de la médaille. En
tant que femme patron, j’essaie d’assumer ma charge efficacement.
Et je m’entends dire « comment est-ce possible d’être, par exemple,
aussi ceci ou cela, toi qui es une femme ? ». Ça, c’est incroyable.
Pourquoi, parce que je suis une femme, ne pourrais-je pas me com-
porter normalement dans ma fonction ?
Je pense que les femmes qui exercent aujourd’hui des responsabi-
lités donnent justement aux jeunes femmes une image de dureté,
d’autorité, presque de perte d’identité. Elles ne seraient plus de vraies
femmes !
Je pense donc qu’il y a un réel travail de remotivation des jeunes
femmes sur la prise de responsabilité et d’explication des enjeux à
mener auprès d’elles sur l’importance, pour notre démocratie, que les
femmes prennent des responsabilités à tous les niveaux de pouvoir.
Qu’elles ont, comme les hommes, le droit de mener une carrière pro-
fessionnelle. Femmes et hommes devraient pouvoir la mener sans
rien sacrifier à leurs aspirations de qualité de vie.
Progressiste, la télévision ?

Kathryn Brahy
Journaliste à R.T.L.-T.V.I.

À R.T.L.-T.V.I., je dirais que ce n’est pas mieux qu’à la R.T.B.F.


S’il est souhaité ou attendu des télévisons qu’elles soient avant-gar-
distes, je crois, pour ma part, qu’elles ne le sont pas, tant dans l’ima-
ge qu’elles donnent de la femme qu’en tant qu’entreprise.
Une télévision caricature la société dans laquelle elle est ; elle en
force le trait …de la femme aussi. Donc, comme la mode le prescrit,
on y voit beaucoup de jeunes femmes belles et blondes (certaines
jouant, comme cela existe encore dans la société, un rôle de
« potiche ») ; on y voit moins mais de plus en plus (comme dans la
vie) des femmes exerçant avec succès des responsabilités. Je ne crois
donc pas que, dans l’image qu’on donne de la femme à la télévision,
cette dernière soit progressiste.
La télévision n’est pas progressiste non plus en tant qu’entreprise
de presse. Je crois en effet – et R.T.L.-T.V.I. ne fait pas exception –
que les postes à responsabilités sont rares pour les femmes. Par
exemple, il n’y a pas de femmes du tout dans le comité de direction
de R.T.L.-T.V.I. Je crois même qu’au niveau des salaires, il n’y a pas
d’égalité homme-femme. C’est compliqué à évaluer correctement et
encore plus à prouver mais je pense qu’à R.T.L.-T.V.I., ce n’est pas
« à travail égal, salaire égal ».
La représentation des femmes dans les
fonctions journalistiques à la télévision
Jean-Jacques Jespers
Journaliste à la
Radio-Télévision belge de la Communauté française (R.T.B.F.)

Je voudrais introduire une réflexion sur la nouvelle perception


qu’ont les générations qui nous suivent de la place respective de la
vie privée et de la vie professionnelle, ainsi que de la vie militante
aussi. Comme je suis enseignant à l’Université libre de Bruxelles
depuis vingt ans déjà hélas, j’ai constaté, ces dernières années, une
évolution qu’on peut traduire dans ces termes : il faut qu’il existe,
dans ma vie, un équilibre entre mon plaisir et ma réalisation person-
nelle et je pense que cela se reflète aussi dans l’attitude des journa-
listes dans les médias audiovisuels aujourd’hui, chez les plus jeunes
d’entre nous en tout cas.
Je me suis livré, aussi, à un petit relevé des fonctions et, comme
deuxième remarque, je vais faire une petite recension de la place res-
pective des hommes et des femmes dans l’information télévisuelle à la
R.T.B.F. Au journal télévisé, qui est quand même l’émission phare, le
chef de rédaction est un homme, il y a deux rédacteurs en chef qui sont
des hommes, quatre secrétaires de rédaction qui sont des hommes et
une femme ad interim, 40 % de femmes parmi les journalistes.
Là où l’on trouve davantage de femmes, c’est à l’antenne. JT Soir
est presque exclusivement présenté par des femmes, la présentatrice
titulaire du journal de 12h50 est une femme et à 19h30, il y a alter-
nance parfaite enfin, sauf remplacements et vacances, entre un
homme et une femme.
188 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

Dans les centres de production régionaux, la proportion de jour-


nalistes hommes et femmes varie de 33 % à 55 % de femmes, le
record étant le Centre de production du Hainaut à Mons où il y a 55 %
de femmes parmi les journalistes et où le rédacteur en chef est une
femme. Le rédacteur en chef est une femme aussi à Namur et à
Charleroi. Pas à Liège, là c’est la directrice régionale qui est une
femme. Au Centre de production de Bruxelles, le rédacteur en chef
est aussi une femme mais c’est là que la proportion de femmes parmi
les journalistes est la plus basse, 33 %.
Donc je confirme, qu’en termes de représentation professionnelle
des femmes, en tout cas au niveau des fonctions journalistiques, il y
a un net progrès et une situation dont nous n’avons pas à rougir même
si elle peut s’améliorer nettement.
Mais alors, quand on prend les autres types de profession, par
exemple la réalisation télévisuelle, on y trouve à peu près 10 % de
femmes seulement. Assistante de production, secrétaire d’informa-
tion, scripte, assistante de réalisation, bref toutes les fonctions de
contact avec le public et d’organisation concrète du travail sans les-
quelles il n’y aurait absolument rien à l’antenne il faut le dire, rien
que des femmes et pas un seul homme. Documentation, archivage,
une grande majorité de femmes.
À l’inverse, au niveau des opérateurs image et son, donc des
cameramen, preneurs de son… sur le site de Bruxelles par exemple,
il y a 61 hommes pour une femme. Au niveau des monteurs vidéo,
une légère majorité de femmes. Au niveau de la technique studio,
télé, trois femmes pour à peu près une cinquantaine d’hommes. Donc,
on le voit, il y a à la fois un taux d’emploi féminin que je dirais légè-
rement supérieur à la moyenne mais aussi une spécialisation sexuel-
le des tâches, dans l’information comme d’ailleurs dans beaucoup de
secteurs de la société.
Les fonctions de contact, les fonctions d’organisation pratique
sont souvent confiées à des femmes (je précise en dehors de l’anten-
ne) et les fonctions de décision ou les fonctions d’organisation sont,
en principe, souvent confiées à des hommes. Quant aux tâches tech-
niques, elles sont confiées presque exclusivement à des hommes mais
L A R E P R É S E N TAT I O N D E S F E M M E S … 189

là c’est évidemment un problème d’orientation scolaire et de choix


d’études dans les familles.
En ce qui concerne les tâches journalistiques pures, elles sont, on
peut le dire, mixtes avec une sur-représentation masculine évidem-
ment, comme on l’a dit pour les postes de décision, parce que, paraît-
il, il faut des nerfs d’acier. On ne trouve, par exemple, pas une seule
femme chef d’édition au journal télévisé. Qu’est-ce que le chef d’édi-
tion ? C’est la personne qui prend toutes les décisions dans l’instant.
On a donc calculé qu’un chef d’édition devait prendre à peu près sept
ou huit décisions par minute. Je suppose donc que, dans l’idéologie
sous-jacente, on a estimé qu’il fallait là quelqu’un qui était capable de
conserver son sang-froid, ce qui évidemment est, comme chacun sait,
le privilège des hommes.
En revanche, l’on retrouve des femmes dans des fonctions de
reporters de terrain, vous pensez tout de suite à Élisabeth Burdot,
Kathryn Brahy, etc. et il n’est pas besoin de prouver qu’elles peuvent,
dans ces cas-là, démontrer beaucoup de courage, y compris le coura-
ge physique et peut-être même plus de courage physique que les
hommes dans certains cas.
Les sujets plus émotionnels ont-ils la prédilection des femmes ? Je
crois que c’est inexact. En revanche, ils ont de plus en plus la prédi-
lection des rédacteurs en chef parce qu’ils sont plus faciles à faire,
demandent moins de savoir, moins de recoupement. Ils peuvent donc
être confiés à des journalistes stagiaires moins expérimentés, voire à
des journalistes reporters d’images qui feront, à la fois, l’image, le
son, le montage, l’interview, etc. Ça, c’est quand même un constat
intéressant parce qu’il peut être mis en rapport avec le constat d’une
féminisation croissante de la présence à l’antenne et à la télévision.
Cela participe d’un phénomène global qui n’est pas seulement un
phénomène professionnel mais aussi un phénomène de contenu. On
est passé de l’archéo-télévision à la néo-télévision, c’est-à-dire d’une
télévision fenêtre ouverte sur le monde à une télévision miroir où l’on
parle de plus en plus aux gens d’eux-mêmes, où on essaie de les fidé-
liser par des jeux, par des émissions de proximité où l’on parle d’eux,
etc.
190 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

Par rapport à ce phénomène-là, la présence des femmes joue un


rôle essentiel, c’est-à-dire que le glamour, si l’on veut, devient une
nécessité fonctionnelle à la télévision. Aussi bien les présentateurs
que les présentatrices, mais surtout les présentatrices, sont donc choi-
sis, de plus en plus mais aussi parfois principalement, pour leur look
et, dans ce cadre-là, la présence des femmes à la télévision peut en
gros faire trois catégories.
La première catégorie, c’est la potiche. Vous en avez déjà vu par-
tout, celle qui fait tourner la roue, celle qui distribue les cadeaux,
celle qui se montre tout simplement. Et dans la catégorie potiche, il y
a aussi des meneuses de revues. Si vous vous rappelez de certains
talk-show qu’on voit de plus en plus sur les chaînes françaises, et heu-
reusement moins chez nous, il y a ce que l’on peut appeler des pré-
sentatrices de talk-show mais qui, en fait, ne sont pas là vraiment pour
animer, elles sont là simplement pour jouer le rôle de réceptacle à fan-
tasmes.
Il y a donc aussi un recrutement qui, de plus en plus, s’oriente vers
l’aspect à la fois fantasmatique, projectif et vers l’aspect esthétique de
la personne. Heureusement, en Europe, nous sommes moins loin dans
ce domaine qu’en Amérique du Nord, et, en Belgique, nettement
moins loin que dans d’autres pays voisins, et sans doute aussi à la
R.T.B.F. moins loin que dans d’autres chaînes. Certains diront que
c’est plus par manque de candidates répondant au bon profil que par
volonté délibérée…
Deuxième catégorie, c’est la présentatrice de journal télévisé,
généralement plutôt BC-BG, le genre Béatrice Schœnberg, Claire
Chazal, Fabienne Vande Meerssche. Et puis, il y a les vétéranes, du
genre Christine Ockrent, qui, généralement, se limitent à des émis-
sions littéraires, politiques, sociales.
Enfin, les spécialistes, mais comme vous aurez pu le constater, les
spécialistes Karin Rondia, Martine Allain-Regnault et d’autres sont
souvent dans des domaines précis considérés comme « spécifique-
ment » féminins tels médecine, psychologie, enfance, éducation. Il y
a très peu de femmes dans le domaine de l’économie et des sciences
pures. Dans le domaine de la politique, c’est plus ou moins égal.
Tout change et tout est pareil
Évelyne Lentzen
Présidente du Conseil supérieur de l’Audiovisuel (CSA)

Les femmes sont loin d’être absentes des médias. Leurs rôles ne
sont plus seulement ceux de mère, d’amante, de contractuelle, d’in-
firmière ou de victime, dans les feuilletons ; on les voit désormais
maire d’une ville ou commissaire de police. Les femmes sont de plus
en plus nombreuses à exercer les métiers des médias. Il n’est plus rare
de voir une femme ministre chargée de l’audiovisuel. Le président du
conseil d’administration de la R.T.B.F. est une femme et celui du
C.S.A. aussi. Les femmes sont aussi grandes consommatrices d’émis-
sions de télévision et de radio.
Et pourtant, les points de vue des femmes demeurent marginaux
dans les médias. Le chemin vers le partage du pouvoir et du pouvoir
d’informer est encore très long.
Il y a près de vingt ans, quand je suis devenue rédactrice en chef
du C.R.I.S.P., nous étions très peu nombreuses à exercer cette fonc-
tion, en particulier dans des organes de presse qui traitent de matières
politiques, économiques et sociales. Circonstance atténuante, il
s’agissait d’un hebdo spécialisé et non d’un quotidien, encore moins
d’une rédaction télévisée. Pour la petite histoire, mes patrons de
l’époque avaient l’intention de me désigner comme coordonnateur.
Ce n’est que devant mes hésitations sur le contenu d’une telle fonc-
tion, que je ne voyais pas correspondre aux responsabilités éditoriales
qui m’étaient annoncées que le titre de rédacteur en chef m’a été pro-
posé. Quand j’ai demandé que je sois nommée rédactrice en chef, il
192 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

me fut répondu que je me dévalorisais ou que je dévalorisais la fonc-


tion. Anecdotique mais significatif.
Ce sont les mouvements féministes, surtout anglo-saxons, qui ont
attiré l’attention sur l’influence qu’exercent les médias sur l’égalité
entre les hommes et les femmes. Leurs constats concernaient les sté-
réotypes des images et des rôles, la quasi-absence des femmes en tant
qu’acteurs, sujets ou objets d’information, la sous-représentation des
femmes parmi les journalistes, la non prise en considération de l’ac-
tualité des femmes comme telle, le peu de place réservée aux pro-
grammes ou aux informations susceptibles d’intéresser les femmes.
Elles ont mis en garde sur la dépendance à l’égard des productions
américaines et des modèles de société sous-jacents. Elles ont reven-
diqué également un accès plus égal à tous les emplois et plus parti-
culièrement aux postes de décision et aux emplois créatifs.
Des organisations internationales ont pris le relais dès la fin des
années ‘70. À l’initiative de l’UNESCO, du Conseil de l’Europe et
ensuite de la Commission européenne et du Parlement européen, des
travaux ont été menés. Des rapports ont traité de la question de la
représentation des femmes dans les médias et de l’égalité des genres
de manière quantitative, puis de manière qualitative. Nous avons
ainsi appris notamment que l’information sur l’actualité des femmes
représente de l’ordre de 1 % du volume total de l’information et ne
fait jamais la « une ».
Ces organisations internationales ont aussi organisé des sémi-
naires. Elles ont émis des recommandations, on ne peut plus claires
et nettes, même si elles sont présentées dans le style particulier qui
sied aux documents de ces instances. L’Union européenne a même
été jusqu’à attribuer un prix, le prix Nike, pour l’émission de télévi-
sion qui aurait le mieux valorisé le rôle des femmes dans la société.
Les organisations internationales ont cherché à inciter les États
membres à prendre des mesures. Elles ont aussi cherché, comme l’a
fait l’Union européenne de Radiodiffusion en 1995, à intéresser les
administrateurs généraux des chaînes de télévision. Ce ne fut pas une
mince affaire. Ce ne fut pas une réussite sur toute la ligne. Mais la
volonté était là, la volonté est là.
TO U T C H A N G E E T TO U T E S T PA R E I L 193

Des législateurs et des régulateurs ont pris la relève dans quelques


pays.
En avez-vous entendu parler ? Je parie que très peu d’entre nous
sont informés de toutes ces démarches volontaires.
Que dire du grand public ? Les médias n’en parlent guère. Ils sont
quelque peu inhibés vis-à-vis de ces questions, réduites à des ques-
tions de femmes et non de démocratie. Les conférences mondiales
comme celles de Pékin ou de New York ont droit à quelques atten-
tions éphémères, soutenues par une présence ministérielle.
Partage de responsabilités professionnelles et traitement non cli-
ché des femmes vont de pair. Une étude a conclu qu’une présence de
30 % de femmes à des postes de responsabilité et de prise de décision
est indispensable pour observer un changement qualitatif dans la
manière dont se prennent les décisions afin que ces dernières soient
le reflet des préoccupations, des besoins et des intérêts des hommes
et des femmes.
En Europe, les secteurs culturels occupent, dans leur ensemble,
presque autant d’hommes que de femmes. Nous pourrions en dédui-
re que le devenir du principe d’égalité des chances est assuré tant est
grand le rôle de ces secteurs comme ferments des changements
sociaux. Ils sont aussi, il faut le dire, de puissants freins à ceux-ci.
La présence en plus grand nombre des femmes dans les médias,
notamment comme journalistes, n’a pas entraîné la révolution atten-
due. Est-ce dû au fait que leur nombre n’a pas dépassé la masse cri-
tique ou que la quasi-parité constatée dans l’ensemble des secteurs
culturels ne se retrouve pas dans les fonctions de direction ? Les deux
sans doute, mais je fais l’hypothèse que ce ne sera pas suffisant tant
le risque est grand que les femmes participent elles-mêmes à la spi-
rale du silence, pour reprendre les termes d’Élisabeth Noëlle-
Neumann.
Les stéréotypes ont la vie dure : parfois ils s’estompent pour réap-
paraître tranquillement. Les journalistes ne persistent-ils (elles) pas à
relever, en cas d’accidents, le nombre de femmes et d’enfants concer-
nés, information qui est censée augmenter le caractère dramatique de
la situation relatée. Ne vaut-il pas mieux aujourd’hui être Miss France
194 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

ou Miss Belgique pour devenir animatrice à la télévision ? Avez-vous


remarqué que dans les publicités pour des lessives, la femme lave et
l’homme conseille pour le produit qu’elle devrait utiliser. Ai-je rêvé
qu’un patron d’une des très grandes agences de publicité m’a com-
menté la féminisation des métiers de la publicité en se posant la ques-
tion de la perte consécutive de l’importance symbolique du secteur ?
Les évolutions technologiques, la société de l’information, seront-
elles des occasions pour battre les cartes autrement ? Je crains que
non. D’abord parce que les femmes sont peu représentées dans les
nouvelles technologies ; ensuite ce n’est pas un changement de sup-
port de communication qui changera les mentalités. Les audiences
des sites sur Internet le montrent bien. Toutefois, ne nous leurrons
pas : n’attribuons pas la charge des discriminations aux seuls médias.
Que faire ? S’asseoir et regarder la télévision ?
Je regarde avec circonspection les résolutions, recommandations,
plans d’actions et autres actions positives qui s’additionnent sur le
traitement de l’image des femmes et leur place dans les médias et la
publicité. On invente régulièrement de nouveaux concepts pour
relancer leur actualité. Mais simultanément je reste convaincue qu’il
faut continuer à soutenir ces démarches volontaires et aller un pas de
plus en assurant leur application. N’ajoutons pas de nouvelles résolu-
tions aux existantes, essayons d’en assurer leur application.
Je fais volontiers la comparaison avec les quotas en matière de
représentation dans les organes politiques. Je suis à la fois opposée à
leur instauration et favorable à leur imposition. L’instauration de quo-
tas heurte les principes de liberté et d’égalité mais leur imposition est
la seule manière, transitoire sans doute, de sortir des pesanteurs de
comportements des hommes et des femmes. Des hommes qui, se sen-
tant mis en concurrence, développent des réflexes où le sexisme n’est
guère absent. Des femmes qui soit ont tendance à laisser la place aux
hommes par peur, manque de temps ou d’intérêt pour les logiques des
pouvoirs assiégeant ou assiégé, soit les adoptent consciemment ou
inconsciemment.
Rapport de l’atelier 3

Marie-José Laloy
Sénatrice-Présidente des Femmes Prévoyantes Socialistes (F.P.S.)
Présidente de la Commission Emploi du P.S.

Nous avions dans notre atelier beaucoup de journalistes qui


avaient très bien préparé leurs interventions, qui nous ont communi-
qué des chiffres tout à fait intéressants sur leurs institutions que je ne
peux, malheureusement, pas reprendre ici.
Selon la méthode de travail proposée, notre atelier a été articulé
sur trois thèmes. Le premier consistait à planter le contexte dans
lequel la problématique des femmes se situait, soit dans la communi-
cation et dans les médias. Dans un deuxième temps, il s’agissait de
passer par une phase de constats au travers d’expériences person-
nelles vécues par les intervenants, de faire un constat réel, pertinent,
pointu de la situation de la femme dans le monde médiatique qui ne
paraît pas encore suffisamment comme le relais privilégié de tous les
milieux, sportif, culturel, intellectuel, politique, etc. Le troisième axe
était appelé « conjectures » c’est-à-dire le « que faire » pour amélio-
rer la situation et pour la changer.
Au niveau du contexte, deux constats ont été faits. D’une part, on
ne travaille pas dans le vide, il existe déjà dans la législation, dans les
réglementations, des normes qui portent attention à la problématique
de la représentation paritaire, égalitaire en tout cas, des femmes dans
les médias. Donc, un cadre juridique, un cadre formel, mais qui est
malheureusement peu connu et surtout pas appliqué.
Il existe aussi de nombreux travaux réalisés par des associations
de terrain, des organisations féminines, des centres d’études, des
196 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

centres de recherche, aussi bien nationaux qu’européens et interna-


tionaux, qui sont là aussi peu connus et pas suffisamment diffusés.
Par exemple, une des intervenantes nous a fait part de son travail au
sein de la Commission féminine de la R.T.B.F. Pour beaucoup de par-
ticipants, c’était une nouveauté d’apprendre qu’il exista une
Commission féminine à la R.T.B.F. Si l’information quant à son exis-
tence est donc passée, il s’agit aussi, malheureusement, d’une com-
mission qui a peu de moyens, qui est tolérée et qui n’est pas bien sui-
vie par les femmes et qui devrait donc être l’objet d’une attention
particulière. Toujours pour le contexte, on se rend à l’évidence que les
médias jouent un rôle de plus en plus important dans l’image que la
société veut avoir de la femme dans la société en général.

Quelques constats
Une série de constats ont été faits. En termes de représentation
numérique des femmes dans les structures, il apparaît clairement que,
jusqu’au niveau de prise de décision, les femmes commencent à être
correctement représentées, hormis peut-être dans les secteurs tech-
niques qui restent encore des fiefs quasi à 100 % masculins. Par
contre, plus on monte dans la hiérarchie, moins les femmes sont pré-
sentes et, de fait, la progression de carrière est nettement moins rapi-
de pour les femmes.
Une attitude générale se dégage chez les jeunes femmes qui veu-
lent réaliser une carrière professionnelle dans le secteur mais qui ne
veulent pas, pour autant, négliger ni sacrifier la qualité de la vie. C’est
un constat particulièrement présent dans le secteur des médias et de
l’information.
Une journaliste nous a dit que l’information n’est pas progressis-
te ni avant-gardiste et qu’au contraire elle reste une caricature de la
réalité. Il n’y a pas une manière féminine ni une manière masculine
de traiter l’information. On pourrait dire que ce n’est pas « la fonc-
tion qui honore mais la manière dont elle est remplie ».
Vu l’évolution des acquis féministes, le combat risque de paraître
ringard. Plusieurs participantes ont évoqué ce terme-là. Le combat
R A P P O RT D E L’ AT E L I E R 3 197

peut paraître ringard aux yeux de la jeunesse qui malheureusement


croit en la stabilité de ce qui a été obtenu.

Quelques propositions
L’atelier a également dégagé une série de propositions puisqu’il
fallait tâcher de dégager des pistes de solutions. Dans ces proposi-
tions, on peut retenir, d’une part, le fait de développer des productions
européennes qui seraient plus porteuses de valeurs progressistes, de
donner la parole à la société civile au travers des médias, notamment
aux associations. Si beaucoup de travaux ont été faits, si beaucoup
d’associations féminines et autres réfléchissent à la question depuis
de nombreuses années, on a l’impression de radoter, de redire tou-
jours la même chose. Il serait donc peut-être temps de trouver des
moyens, par des voies législatives ou organisationnelles, de donner la
parole à la société civile dans l’analyse qu’elle peut faire de la situa-
tion de la femme, tant dans sa représentation numérique que dans
l’image de la femme produite par les médias.
On a évoqué l’idée de la création d’un observatoire sans susciter
un grand engouement dans l’atelier. Si le terme est couru et qu’on
connaît différents types d’observatoires, l’idée n’est peut-être pas
inintéressante d’avoir un observatoire qui centraliserait toute une
série de données, qui ferait une photographie, un cliché de la situation
des femmes. Cet observatoire pourrait être cet outil qui, en tout cas
dans le monde de l’information et des médias, pourrait nous donner
l’image la plus réelle. Encore faut-il donner, aux organisations qui
doivent fournir ces données et à ceux qui doivent faire le travail, les
moyens de le réaliser parce que, je l’ai vécu personnellement, dans le
domaine de l’enfance, un observatoire des politiques de l’enfance et
de la jeunesse a été créé mais les organismes qui devaient transmettre
les données et les informations n’ont déjà pas les moyens de faire leur
propre travail et il leur est demandé, en plus, de faire des notes et
d’envoyer des statistiques. Il faut donc prévoir et donner les moyens
de mettre en place cet observatoire, pour autant qu’il soit réel, qu’il
198 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

ait les moyens de faire le travail d’observation et d’analyse. Je crois,


en effet, qu’un observatoire ne doit pas se contenter de capter des
données mais doit également les analyser et il doit les renvoyer à la
société. Il s’agit donc d’une piste de travail.
On a évoqué aussi l’idée d’une sorte de vigie en matière de harcè-
lement sexuel etc. dans les entreprises, à l’instar de ce qui existe déjà
en matière de sécurité et d’hygiène. Pourquoi ne pas instaurer offi-
ciellement, dans toutes les entreprises de l’audiovisuel, des vigies qui
veilleraient, qui pourraient recevoir des plaintes, qui pourraient eux-
mêmes ou elles-mêmes faire des propositions et, pourquoi pas, à un
moment donné, se rencontrer et travailler ensemble, essayer de glo-
baliser et de regarder la problématique du secteur d’un angle un peu
plus élevé.
Si on veut faciliter l’accès des femmes à des postes de décision, il
faut aussi leur en donner les moyens. Il est clair que l’accueil des
enfants, petits enfants ou enfants en âge scolaire, continue à poser un
problème réel pour les femmes qui veulent remplir leur carrière tout
en gardant une qualité de vie telle qu’elles l’ont décidé et telle
qu’elles l’ont voulu. Il faut des appuis que j’appellerais des appuis à
la famille et non pas des appuis aux femmes uniquement, conçus dans
un esprit de partage égal des responsabilités vis-à-vis des enfants, vis-
à-vis de la vie de famille et de l’organisation de la famille. On a cité
les crèches bien entendu. Je reviens sur le congé de paternité à pro-
pos duquel Colette Burgeon et moi-même avons déposé une proposi-
tion de loi qui est examinée pour l’instant au Sénat. Laurette
Onkelinx en a fait état lors de son intervention, elle a pris le relais au
niveau du Gouvernement, ça va donc progresser. Un congé de pater-
nité fera évoluer les mentalités par rapport aux comportements que la
société attend des hommes face à l’éducation, à la naissance, à leur
rôle de père. Il y a donc des progrès à faire dans ce domaine.
La flexibilité est importante également si elle n’est pas conçue
simplement comme un moyen d’augmenter la rentabilité des patrons
mais comme un moyen d’organiser son travail, d’organiser sa vie en
fonction d’une situation donnée à un moment donné. Par exemple,
quand on a des enfants en bas âge, pourquoi ne pas organiser son tra-
R A P P O RT D E L’ AT E L I E R 3 199

vail de manière à être rentrée avant 20 heures pour pouvoir partager


des heures importantes avec les enfants ?
En guise de conclusion, n’ayant pas eu beaucoup l’occasion de
m’exprimer dans le groupe, j’ai envie de reprendre, ici, le thème de
notre atelier : la représentation des femmes dans l’information et les
médias, représentation considérée dans un double sens, d’une part, ce
que les femmes peuvent obtenir comme mandats, comme délégations
dans l’univers médiatique afin d’y représenter la partie de la société
qui est la leur et, d’autre part, les images ou les combinaisons
d’images de tout ordre concernant la femme qui sont véhiculées, pré-
sentées à nos sens par les médias.
Le thème de l’atelier nous amenait, me semble-t-il, à un angle
d’attaque tout à fait intéressant pour l’analyse de la démocratie.
Depuis vingt ans, on assiste à une véritable explosion du domaine des
communications. De ce phénomène, on peut certes percevoir que,
grâce aux progrès de l’informatique et aux progrès des communica-
tions par satellite, par le câble, etc., l’accès global à l’information a
contribué à ouvrir de nouvelles possibilités pour la participation des
femmes dans les communications et les médias, de même que pour la
diffusion de l’information concernant les femmes et contribuant ainsi
à améliorer leur représentation. C’est un constat qui a été fait dans
l’atelier, tout n’est pas noir, les choses ont évolué, beaucoup de che-
min a été fait et bien fait.
Néanmoins, ce constat ne peut se faire que dans le cas où l’infor-
mation apparaît comme démocratiquement utilisée ; or, le développe-
ment de l’information crée de nouvelles menaces. En effet, d’un autre
point de vue, on peut constater que la fusion des technologies et des
entreprises médiatiques, particulièrement dans le contexte de la mon-
dialisation, altère la nature et la structure même de l’industrie des
médias. C’est pourquoi je pense que les gouvernements ont de plus
en plus de difficultés à réglementer l’évolution des médias et à faire
appliquer les règles qui sont déjà en vigueur.
Ces médias sont ainsi devenus des entreprises transnationales liées
à des organismes internationaux comme l’O.M.C., dont les objectifs
principaux sont de générer des profits plutôt que de servir le public.
200 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

Les conséquences sont que, si des efforts limités ont été faits dans le
domaine de la représentation numérique des femmes, bien peu de
recommandations des organisations internationales – on a cité Pékin,
Toronto, des chartes, des propositions –, ne peuvent malheureuse-
ment être appliquées correctement parce que le pouvoir s’éloigne de
plus en plus et éloigne donc, de plus en plus, les femmes.
Alors, en conclusion, je dirais : c’est bien ce qui a été fait, c’est
très bien mais on peut faire encore nettement mieux, beaucoup
mieux. Il faut le faire vite et de façon durable.
Conclusions du colloque
Conclusions
Simone Susskind
Présidente de « Action in Mediterranean »
Conseillère à l’Égalité des chances du Parti Socialiste

Ce colloque, nous l’avons organisé parce que l’attente et la détermi-


nation des femmes sont plus fortes que jamais et parce que le moment est
venu, nous semble-t-il, de renforcer notre action et notre mobilisation.
La situation est bien connue. Je remercie toutes celles et tous ceux
qui, tout au long de la journée, nous l’ont rappelée avec force de
chiffres, d’analyses et de détails précis.
Les femmes ont réussi à parcourir beaucoup de chemin, à travers
les obstacles et les embûches. Il leur reste un autre chemin, qui n’est
pas moins ardu, pour accéder enfin à l’égalité promise, celle à laquel-
le elles ont droit.
Les promesses n’ont pas manqué. Les recommandations non plus.
Certes des aménagements législatifs, juridiques ont été opérés, une loi
relative à la présence des femmes sur les listes électorales adoptée : la
loi Smet-Tobback du 24 mai 1994 exige, en effet, une présence mini-
male d’un tiers de candidats du sexe opposé sur toutes les listes élec-
torales mais, étant donné que le texte reste muet sur la place de ces
candidats, les résultats sont loin d’avoir répondu aux attentes.
Pour rappel, et je pense qu’il est toujours utile de revenir sur des
résultats chiffrés, en particulier lorsque des élections sont en vue, il y
a eu 28 % de femmes élues au Parlement européen, lors des dernières
élections, par rapport à 32 % lors des élections de 1994. Elles sont
28 % au Sénat contre 23 % lors des élections de 1995, 23 % par rap-
port aux 12 % à la Chambre des représentants. Le Parlement wallon
204 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

aligne le score peu glorieux de 10 % d’élues alors que le Parlement


de la Région de Bruxelles-Capitale affiche 34 % de femmes et le
Conseil flamand peut, lui, s’enorgueillir de la présence de 40 % de
femmes parlementaires. La participation des femmes au sein des ins-
tances communales dans notre pays est encore plus faible : elles
représentent 20 % des conseillers communaux, 13 % des échevins et
un malheureux 5 % des bourgmestres !
Avec les succès et les échecs que nous constatons, nous sommes
forcés de reconnaître que les femmes demeurent exclues de l’essentiel
de la direction de la vie collective. Les exclusions sont nombreuses
dans nos sociétés postmodernes : culturelles, sociales, économiques,
urbaines, générationnelles ou raciales. L’exclusion des femmes est une
exclusion de plus mais elle ne se compare en rien aux autres.
La Révolution française, en prônant un universalisme égalitaire, a
porté très haut les espoirs des femmes. Ils ne se sont malheureuse-
ment pas traduits dans la réalité. Les femmes n’ont acquis le droit de
vote que fort tardivement, durant la première moitié du XXe siècle.
Leur progression dans les instances dirigeantes du monde politique
remonte à moins de deux décennies dans les pays scandinaves et bien
moins dans le reste de l’Europe, et ce, au prix d’une mobilisation
extraordinaire de la société civile (en particulier les mouvements
féministes et les associations de femmes) et d’une prise de conscien-
ce de l’opinion publique (bien en avance sur la classe politique) qui
s’exprime dans son immense majorité en faveur de la parité et du
décumul des mandats.
Cependant, cet universalisme, tout en cassant les multiples limites
à la citoyenneté, n’a pas réussi à combattre celle qui n’est pas comme
les autres tout en étant la plus redoutable, c’est-à-dire l’exclusion des
femmes de l’enceinte démocratique. La référence aux valeurs et aux
droits de l’homme qui seraient transcendants à la différence des
sexes, n’était, le plus souvent, que des fantasmes et des leurres.
Bronislaw Baceko qui nous propose un commentaire du livre de
Mona Ozouf consacré à « L’exception française » ajoute cette
réflexion qui me semble précieuse. Il met en évidence un double
mouvement. D’une part, les femmes s’approprient les valeurs univer-
CONCLUSIONS 205

selles et conquièrent des droits communs avec les hommes. D’autre


part, elles revendiquent des droits spécifiques, en particulier leur droit
de décider librement de leur sexualité.
Je vous livre cette citation qui peut-être nous permettra de concilier
notre exigence politique de la parité et notre attachement aux valeurs
universelles. Baceko écrit que « La Conférence de Pékin a administré
une cinglante démonstration du fait que ceux et celles qui contestaient
l’universalité des droits de l’homme au nom d’une identité féminine
spécifique, fondée sur la culture, la religion et la différence naturelle,
ne cessaient de fabriquer avec des mots nouveaux des servitudes fort
anciennes ». Ce que nous demandons, ce que nous exigeons n’induit
aucun affaissement des valeurs universelles. La différence sexuelle est
constituée de ces valeurs, elle ne peut en porter la négation.
Il faudra expliquer et expliquer encore et toujours que les femmes
ne sont ni une minorité ni une catégorie sociale, qu’elles sont comme
les hommes, l’une des deux composantes de l’humanité, qu’elles se
répartissent, comme eux, dans toutes les catégories sociales. Je vou-
drais reprendre ici un extrait du « Manifeste des dix pour la parité »
en France, paru dans l’hebdomadaire L’Express du 6 juin 1996, dans
lequel on retrouve entre autres les signatures de Simone Veil,
Catherine Tasca, Michèle Barzach, Catherine Lalumière et Yvette
Roudy : « débattre, éduquer, convaincre, inciter ne suffisent plus pour
modifier une situation qui perdure malgré les bonnes volontés. Pour
atteindre à l’égalité effective des hommes et des femmes à tous les
échelons et dans tous les secteurs de la société française, il faut que
le politique donne l’exemple. Et pour cela, le temps de la contrainte,
fût-il transitoire, est arrivé ».
Tous les discours, tous les témoignages de notre journée rejettent la
victimisation de la femme, contestent l’accusation d’un ego surdi-
mensionné dont elle est encore accablée. La philosophe Sarah Kofman
nous a bien mis en garde devant les leurres que recèlent certains dis-
cours, même les mieux intentionnés, à l’égard de la cause des femmes.
Ainsi, a-t-elle montré comment chez Kant et chez Rousseau, le respect
des femmes qu’ils prônent est en fait un masque qui recouvre toute
206 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

une opération de maîtrise, de pouvoir et que « s’ils respectent les


femmes, ils cherchent toujours en fait à les tenir en respect ».
Par ailleurs, Sarah Kofman s’insurgeait face à l’absence de cours
universitaires centrés sur la question des femmes. « La femme n’est
jamais au programme de l’agrégation et quand je donnais un cours là-
dessus, la moitié de la salle était composée d’Américains », disait-elle.
Il nous reste un socle de pensée commun, une revendication qui
dans le registre de l’universel s’appelle égalité et qui pour nous se
nomme parité… La première sans la seconde resterait un leurre…
Pour nous, aucune démocratie véritable n’est possible si l’on se
refuse à envisager la question de l’égalité des femmes et des hommes
comme un des éléments constitutifs du système politique, au même
titre que le suffrage universel, la séparation des pouvoirs et la respon-
sabilité du gouvernement. Une démocratie véritable est donc nécessai-
rement une démocratie « paritaire » qui intègre l’humanité tout entière.
Ce choix politique indique les nombreuses forteresses qu’il nous
faut prendre. Nos invités, nos conférenciers ont bien souligné les
domaines où l’égalité reste à construire.

1. L’égalité professionnelle, quasiment acquise en droit,


demeure inachevée dans les faits
Notre colloque a bien rappelé que cette égalité ne se décrétait pas
d’un lieu supérieur, d’un magistère quelconque, mais supposait des
actions concrètes dès l’enfance afin de casser tous les stéréotypes du
rôle des femmes, tant dans la famille que dans l’entreprise et la société.
Il faut traquer avec intransigeance toutes les discriminations dans
ce domaine et renforcer la place des filles dans les dispositifs d’in-
sertion socioprofessionnels et de recherche d’emploi en veillant à les
inscrire dans des trajectoires valorisantes. Le système éducatif est un
instrument privilégié pour modifier les représentations des hommes
et des femmes dans la société. Un immense chantier est ouvert dans
ce domaine ! Durant cette journée, il a aussi abondamment été fait
référence au fait que les femmes assument une pluralité de rôles par-
fois difficilement conciliables : femmes actives professionnellement,
CONCLUSIONS 207

mères, compagnes ou épouses, citoyennes… Les responsabilités qui


en découlent sont immenses. Une articulation cohérente des temps de
vie est donc nécessaire tant pour les femmes que pour les hommes.
Garde d’enfants, congé de paternité, imposés si nécessaire étant
donné que la plupart des pères hésitent à prendre ces congés pour des
raisons culturelles et de carrière, transports collectifs, activités socio-
éducatives, activités sportives, sont autant d’axes favorisant une
meilleure intégration de la multiactivité des femmes.
Malgré des progrès certains en matière de contraception, force est
de constater que nombre de jeunes femmes n’accèdent pas encore à la
maîtrise de leur vie sexuelle. La détresse et le désarroi hantent encore
les cabinets médicaux. Une information de qualité aidera ces jeunes à
éviter de devoir affronter les difficultés de grossesses non désirées.
Il faudra aussi réfléchir à une autre conception du travail, plus res-
pectueuse des besoins des hommes et des femmes, plus soucieuse des
horaires de vie de tous.
Je citerai Martine Bulard, qui conclut un article dans Le Monde
diplomatique du mois de mai 1999, intitulé « Désert féminin dans les
lieux de pouvoir – Sexisme ordinaire au travail » : « L’articulation
entre le temps de travail, le temps de formation, le temps social, le
temps personnel est à revoir de fond en comble si l’on veut répondre
au double défi de la promotion des femmes et de l’éradication du chô -
mage. Imaginer le passage aux 35 heures en intégrant l’idée d’égali -
té d’accès aux postes de commandement pour les femmes pourrait
aider à franchir une étape. Tout comme la parité, en politique, pour -
ra contribuer à sortir de la crise de la représentation. Des enjeux de
civilisation intimement liés ».

2. Le monde culturel et médiatique constitue un domaine


où se joue l’image de la femme et sa représentation, c’est
aussi le lieu de reconnaissance de la liberté et de la créa -
tivité féminine
La publicité doit être le reflet des activités multiples de la femme
et ne plus la contenir dans des fonctions spécifiques et stéréotypées.
208 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

3. Enfin, le politique, la politique


L’affirmation que la parité serait contradictoire à l’universalisme
paraît aujourd’hui dépassée, désuète. En un mot, ou bien l’universa-
lisme, celui des Lumières, celui des valeurs qui nous sont chères,
considère-t-il que les femmes sont une minorité, une communauté,
une catégorie particulière comme les autres et, alors, il a raison de les
exclure et de servir le seul genre reconnu, le masculin. Ou bien cet
universalisme reconnaît la nature sexuée de l’espèce humaine, où les
individus peuvent relever de telle ou telle Communauté sans y être
réduits, et alors il assume notre condition sexuée et la parité, loin de
le blesser, ne fera que l’enrichir dans les principes et dans les faits.
Pour nous, le débat sur cette question est réglé. Nous aspirons à
fonder avec les hommes un nouveau partenariat, de nouvelles rela-
tions responsables et équilibrées. La parité n’est pas une déesse que
nous adulons, elle est une valeur porteuse de justice. Est-ce ici que je
dois dire que sans justice, il n’y a pas de démocratie ?!
Cette parité nous la voulons pour nous et aussi pour celles qui, loin
de nous, combattent pour les mêmes causes. Nous ne pouvons pas
clore notre journée sans adresser un message de solidarité aux
femmes qui luttent dans le monde pour leur liberté et leurs droits. Les
femmes marocaines descendent dans la rue et réclament l’égalité et la
liberté. Nous ne pouvons pas oublier les Afghanes qui, malgré l’hor-
rible totalitarisme qui les prive même de la faculté d’être soignées par
des femmes, continuent à lutter. D’autres encore, en Afrique, en
Amérique, en Asie et chez nous, en Europe, où se cache et fleurit le
trafic d’êtres humains, et particulièrement, celui de femmes réduites
à l’esclavage sexuel pour le plus grand profit de maffias organisées ;
à ces femmes, nous devons reconnaissance et solidarité.
Il nous revient de faire de nos institutions démocratiques natio-
nales, européennes et internationales, un « levier pour l’égalité des
sexes » pour reprendre une formule d’Éliane Vogel-Polsky.

**
*
CONCLUSIONS 209

Deux mots sont revenus plusieurs fois lors de notre journée, ce


sont ceux de langage et de temps.
Il n’y a pas de relation sociale en dehors du langage, nous le
savons. Et c’est pour cela qu’il nous faut toutes et tous être attentives
et attentifs à la façon de parler de nos semblables. Il est clair que la
façon de parler des femmes augure de la façon qu’on a de les traiter.
Je passe sur le ridicule que nous ont offert trois dignes académi-
ciens dont Madame Carrère-d’Encausse lorsqu’ils ont prétendu
qu’énoncer Madame la Ministre était un contresens grammatical !
Ces nobles protecteurs de la pureté de la langue s’insèrent dans la
lignée du célèbre grammairien Vaugelas qui écrivait que « la forme
masculine a prépondérance sur le féminin, parce que plus noble » !
Le moment est venu, nous semble-t-il, de la mobilisation des
efforts et de l’engagement de tous et de toutes : responsables gouver-
nementaux, parlementaires, responsables de partis politiques, du
monde économique, intellectuel et responsables des médias. Le pro-
cessus de mise en place de l’égalité des femmes et des hommes est
lancé dans les esprits et dans les faits. À côté de l’engagement, la
vigilance est plus que jamais de rigueur. La démocratie est à ce prix
de même que la justice. Nous sommes convaincus que la parité peut
y conduire à condition qu’elle ne se limite pas au quantitatif et au
politique. À nous de prendre nos responsabilités !
Déclaration de Tournai

Des centaines de personnes se sont réunies pour débattre de l’éga-


lité des femmes et des hommes au sein de notre société lors d’un col-
loque ouvert par Elio Di Rupo, Président du Parti Socialiste.
Des citoyen(ne)s, des militant(e)s, des enseignant(e)s, des dépu-
té(e)s et des ministres ont exposé leur analyse et avancé des proposi-
tions dans des domaines aussi nombreux que variés. Leurs travaux
seront bientôt rendus publics.
À l’approche des élections communales du 8 octobre 2000 qui
constituent une base primordiale de l’exercice de notre citoyenneté,
les participant(e)s engagent tous les organes de décision de la vie
politique, économique, sociale et culturelle à marquer leur adhésion à
ce droit fondamental, à ce droit humain qu’est la parité.
Trois ateliers consacrés, l’un, à la représentation des femmes en
politique, l’autre, à la représentation des femmes au plan social, éco-
nomique et professionnel et le troisième à la représentation des femmes
dans l’information et les médias, ont élaboré des recommandations que
les signataires de la présente s’engagent à suivre et à mettre en œuvre.
Le temps des quotas concédés est révolu. Il faut ouvrir celui du
partage et de l’équilibre, celui de la responsabilisation et du pouvoir
de décision ; tous les lieux où se prennent des décisions qui concer-
nent le devenir commun doivent s’enrichir de la présence paritaire
des femmes et des hommes.
Il faut que la parité dans l’alternance soit respectée dans toutes les
instances décisionnelles.
Nous rejoindre dans cette démarche, c’est contribuer à la justice,
c’est une manière de servir la démocratie.
Cette Déclaration « Liberté, Égalité, Parité » est adoptée à
Tournai, le 24 août 2000.
Orientation bibliographique

Sélection d’ouvrages

Sylviane Agacinski : Politique des sexes, Seuil, Paris, 1998


Virginie Barré, Sylvie Debras, Natacha Henry et Monique Trancart :
Dites-le avec des femmes. Le sexisme ordinaire dans les médias, CFD
éditeur, Paris, 1999
Philippe Bataille et Françoise Gaspard : Comment les femmes chan -
gent la politique. Et pourquoi les hommes résistent, La Découverte,
Paris, 1999
Marie-Thérèse Cœnen : De l’égalité à la parité. Le difficile accès des
femmes à la citoyenneté, Labor, Bruxelles, 2000
Véronique Degraef : Liberté, égalité, parité, Femmes Prévoyantes
Socialistes, Bruxelles, 1999
Christine Fauré (sous la direction de) : Encyclopédie politique et his -
torique des femmes, Presses Universitaires de France, Paris, 1997
Geneviève Fraisse : La raison des femmes, Plon, Paris, 1992
Geneviève Fraisse : Muse de la raison. Démocratie et exclusion des
femmes en France, Folio Gallimard, Paris, 1995
Geneviève Fraisse : Les femmes et leur histoire, Folio Gallimard,
Paris, 1998
Françoise Gaspard, Claude Servan-Schreiber et Anne Le Gall : Au
pouvoir citoyennes ! Liberté, égalité, parité, Le Seuil, Paris, 1992
Françoise Gaspard (sous la direction de) : Les Femmes dans la prise
de décision en France et en Europe, L’Harmattan, Paris, 1997
212 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

Éliane Gubin et Leen Van Molle (sous la direction de) : Femmes et


politique en Belgique, Racine, Bruxelles, 1998
Élizabeth Guigou : Être femme en politique, Plon, Paris, 1997
Gisèle Halimi (sous la direction de) : Femmes, moitié de la terre, moi -
tié du pouvoir, Gallimard, Paris, 1994
Gisèle Halimi : La nouvelle cause des femmes, Seuil, Paris, 1997
Gisèle Halimi : La cause des femmes, Folio Gallimard, Paris
Armelle Le Bras-Chopard et Janine Mossuz-Lavau (sous la direction
de) : Les Femmes et la politique , L’Harmattan, Paris, 1997
Monique Leijenaar : Comment créer un équilibre entre les femmes et
les hommes dans la prise de décision politique. Guide pour la mise
en œuvre de politiques visant à accroître la participation des femmes
à la prise de décision politique, en collaboration avec le réseau euro-
péen d’experts « Les Femmes dans la prise de décision », version
française révisée par Françoise Gaspard, Commission européenne,
Direction générale Emploi & Affaires sociales (D.5), Égalité des
chances, éd. Communautés européennes, 1997
Monique Leijenaar et Kees Niemöller : Les systèmes électoraux
d’Europe : appréciation de leur incidence sur la représentation des
femmes, Commission européenne, Direction générale Emploi &
Affaires sociales (D.5), Égalité entre femmes et hommes, éd.
Communautés européennes, 1999
Bérengère Marques-Pereira : La citoyenneté politique des femmes,
Courrier hebdomadaire, n°1597, CRISP, Bruxelles, 1998
Jacqueline Martin (sous la direction de) : La Parité : enjeux et mise
en œuvre, Presses universitaires du Mirail, Toulouse, 1998
Margaret Maruani : Les nouvelles frontières de l’égalité hommes et
femmes sur le marché du travail, La Découverte, Paris, 1998
Janine Mossuz-Lavau : Femmes/Hommes. Pour la parité, Presses de
Sciences Po (coll. La Bibliothèque du citoyen), Paris, 1998
Janine Mossuz-Lavau et Anne de Kervasdoué : Les femmes ne sont
O R I E N TAT I O N B I B L I O G R A P H I Q U E 213

pas des hommes comme les autres, Odile Jacob, Paris, 1997
Hedwige Peemans-Poullet (sous la direction de) : La démocratie à
l’épreuve du féminisme (Actes du Colloque de l’Université des
Femmes, Bruxelles, 13 et 14 mars 1998), Université des Femmes,
Bruxelles, 1998
Robert Plasman : Les femmes d’Europe sur le marché du travail,
L’Harmattan, Paris, 1994
Michelle Riot-Sarcey (sous la direction de) : Démocratie et représen -
tation, Kimé, Paris, 1995
Mariette Sineau : Des femmes en politique, Economica, Paris, 1998
Valérie Verzele et Carine Joly : La représentation des femmes en poli -
tique après les élections du 13 juin 1999. Évaluation de l’application
de la loi Smet-Tobback, Courrier hebdomadaire, n°1662-1663,
CRISP, Bruxelles, 1999
Éliane Viennot (sous la direction de) : La démocratie «à la françai -
se» ou les femmes indésirables, Cahiers du CEDREF, Publications de
l’Université Paris VII – Denis Diderot, Paris, 1996

Sélection thématique
Égalité et parité
An 2000 : quel bilan pour les femmes ?, Problèmes politiques et
sociaux n° 835, La Documentation française, Paris, 2000
La démocratie paritaire, Conseil de l’Europe, Strasbourg, 1992
L'égalité des chances pour les femmes et les hommes dans l'Union
européenne, Rapport annuel 1999, Commission européenne,
Direction générale Emploi & Affaires sociales (D.5), Égalité entre
femmes et hommes, éd. Communautés européennes, 2000
Femmes et politique. Enquête réalisée à la demande du Conseil de
l’Émancipation, Université des femmes, Bruxelles, avril 1992
Femmes en politique, Pouvoirs n° 82, septembre 1997
214 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

Une Femme. Une voix. La participation des femmes belge à la vie poli -
tique depuis 1789, Centre d’archives pour l’histoire des femmes (en
coll. avec le Sénat et la Chambre des Représentants), Bruxelles, 1998
Les femmes avenir de la cité. Parité, citoyenneté, pouvoirs, Cultures
en mouvement n° 14, février 1999
Les femmes dans la prise de décision. Rapport sur les recherches
existant dans l'Union européenne, Commission européenne,
Direction générale Emploi & Affaires sociales (D.5), Égalité entre
femmes et hommes, éd. Communautés européennes, 1999
Groupe de spécialistes sur l’égalité et la démocratie. Rapport final
d’activités, Conseil de l’Europe, Strasbourg, 1996
Hommes et femmes en politique. La démocratie inachevée, Étude
comparative mondiale, Union interparlementaire, Série « Rapports et
documents » n° 28, Genève, 1997
Participation des femmes à la vie politique. Bilan de l'évolution au
sein des parlements nationaux, des partis politiques, des gouverne -
ments et de l'Union interparlementaire, cinq ans après la Quatrième
Conférence mondiale sur les femmes, Union interparlementaire, Série
« Rapports et documents » n° 35, Genève 1999
Politique : les femmes témoignent, Union interparlementaire, Série
« Rapports et Documents » n° 36, Genève, 2000
La parité dans la vie politique. Rapport de la commission pour la
parité entre les femmes et les hommes dans la vie politique (Préface
de Lionel Jospin. Rapporteuse de la commission : Gisèle Halimi), La
Documentation française, Paris, 1999
Principes et enjeux de la parité, Cahiers du GEDDIST, n° 17, 1996

Femmes et emploi
Comment les femmes et les hommes utilisent-ils leur temps ? Trois
études européennes, Commission européenne, Direction générale
Emploi & Affaires sociales (D.5), Égalité entre femmes et hommes,
O R I E N TAT I O N B I B L I O G R A P H I Q U E 215

éd. Communautés européennes, 2000


L'économie du côté des femmes, Problèmes économiques n° 2655, La
Documentation française, Paris, 2000
Égalité entre femmes et hommes : aspects économiques, Conseil
d'analyse économique n° 15, La Documentation française, Paris, 1999
L'encadrement supérieur de la fonction publique : vers l'égalité entre
les hommes et les femmes. Rapport au Ministre de la Fonction
publique, de la Réforme de l'État et de la Décentralisation, La
Documentation française, Paris, 1999
Femmes-Hommes : quelle égalité professionnelle ? Rapport au
Premier Ministre, coll. Rapports officiels, La Documentation françai-
se, Paris, 1999
Femmes et travail. Rapport sur les recherches existant dans l'Union
européenne, Commission européenne, Direction générale Emploi &
Affaires sociales (D.5), Égalité entre femmes et hommes, éd.
Communautés européennes, 1999
Lignes directrices pour l'emploi en 1999. Dossier : Travail, temps,
salaire et genre, Magazine de l'égalité des chances n° 7, mars 1999,
Commission européenne, Direction générale Emploi & Affaires
sociales (D.5), Égalité entre femmes et hommes, éd. Communautés
européennes, 1999

Femmes et médias
Les droits de la personne humaine et l'égalité : la responsabilité des
médias (Strasbourg, 29 juin-1er juillet 1994, Conseil de l'Europe-
CDMM-EG(94), Strasbourg, 1994
Femmes et médias : accès à l'expression et à la décision. Rapport du
symposium international de l'UNESCO (Toronto-Canada, 28 février-
3 mars 1995), UNESCO, 1996
Image de la femme dans les médias. Rapport sur les recherches exis-
tant dans l'Union européenne, Commission européenne, Direction
216 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

générale Emploi & Affaires sociales (D.5), Égalité entre femmes et


hommes, éd. Communautés européennes, 1999
Le mauvais genre des médias (Dossier), Chronique féministe (bimes-
triel de l'Université des Femmes) n° 58, avril-mai 1996

Sélection d’articles
Florence Beaugé : Le « deuxième sexe » du journalisme in : Le
Monde diplomatique, juillet 1998
Françoise Gaspard : De la parité : genèse d’un concept, naissance d’un
mouvement in : Nouvelles questions féministes, vol.15, n° 4, 1994
Éliane Gubin : La citoyenneté féminine. Réflexions sur le suffrage des
femmes à partir de l’exemple de la Belgique in : La Provence histo-
rique, 186, 1996
Éliane Gubin : Les femmes et la citoyenneté en Belgique. Histoire
d'un malentendu in : Sextant, Citoyennes, n° 7, 1997
Gisèle Halimi : Un référendum pour les femmes in : Le Monde diplo-
matique, octobre 1994
Gisèle Halimi : « Parité, je n'écris pas ton nom… » in : Le Monde
diplomatique, septembre 1999
Bérengère Marques Pereira : Femmes dans la cité en Europe in :
Sextant, Citoyenneté, 7, 1997
Bérengère Marques Pereira : Analyse de la représentation des femmes.
Quelques repères in : Sophia-Etudes féministes/Vrouwenstudies, bul-
letin n° 16, Bruxelles, décembre 1998
Bérengère Marques Pereira : Quotas ou parité. Enjeux et argumenta -
tion in : Recherches féministes, vol. 12, n° 1, 1999
Ingrid Carlander : La lutte inachevée des femmes scandinaves in : Le
Monde diplomatique, septembre 1995
Éliane Vogel-Polsky : Les impasses de l’égalité ou pourquoi les outils
juridiques visant à l’égalité des femmes et des hommes doivent être
repensés en termes de parité in : Parité-infos, hors série n° 1, mai 1994
O R I E N TAT I O N B I B L I O G R A P H I Q U E 217

Éliane Vogel-Polsky : Genre et Droit : les enjeux de la parité in :


Cahiers du GEDISST, n° 17, 1996
Éliane Vogel-Polsky : Faire de l'Union un levier pour l'égalité des
sexes in : Le Monde diplomatique, juillet 1996
Éliane Vogel-Polsky, Démocratie, femmes et citoyenneté européenne
in : Citoyenneté, Sextant, n° 7, GIEF-ULB, Bruxelles, 1997
Webographie

Associations féministes belges


Amazone (centre de documentation sur l’égalité des chances entre hommes
et femmes) : www.amazone.be
Marche mondiale des femmes 2000 – Comité de coordination belge :
www.marchofwomen2000.org
Commission femmes d’Amnesty International : www.amnesty.be
Interface 3 : www.interface3.be
Retravailler asbl : www.users.skynet.be/retravailler/
Groupe de femmes au sein des partis politiques : www.ps.be
Femmes PSC : www.psc.be
Groupe Femmes Ecolo : www.ecolo.be
Commission Féminine du FDF : www.synec-doc.be/fdf/
Groupe de femmes au sein des organisations syndicales : www.fgtb.be
Cellule Femmes francophones : www.cgslb.be

Associations féministes françaises


Chiennes de garde (contre la violence sexiste) : www.chiennesdegarde.org
Elles aussi (réunion d’associations de femmes pour la parité dans les ins-
tances élues) : www.ourworld.compuserve.com/homepages/ellesaussi
WEBOGRAPHIE 219

Association féministe luxembourgeoise


Conseil national des Femmes luxembourgeoises : www.cnfl.lu

Associations féministes internationales


Assemblée des femmes : www.assemblee-des-femmes.com
Grace (banque de données européennes sur les études féministes) :
www.univ-tlse2.fr/grace/
Les Pénélopes (informations féministes) : www.penelopes.org
WISE (Women’s International Studies Europe – Association Études fémi-
nistes internationales Europe) : www.women-
www.uia.ac.be/women/wise
Commission de la condition de la femme (ONU) : www.un.org ou
www.unsystem.org
Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes :
www.un.org/womenwatch/daw
Observatoire international des droits des femmes : www.igc.org/iwraw
Fonds de développement des Nations Unies pour la femme : www.uni-
fem.undp.org
Institut international de recherche et de formation pour la promotion de la
femme : www.un.org.instraw

Organismes gouvernementaux belges


Ministère fédéral de l’Emploi et du Travail (Service de l’Égalité des
Chances et cellule Actions positives) : meta.fgov.be
Comité d’avis pour l’égalité des chances entre hommes et femmes du
Sénat : www.senate.be/senbel/db_docs/commitee_info_32_fr.html
Comité d’avis pour l’Émancipation sociale de la Chambre des
Représentants : www.lachambre.be/deputes/cf25.html
Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme : www.antira-
cisme.be
220 L A PA R I T É E S T L ’ AV E N I R D E L ’ H O M M E

Organismes parlementaires et gouvernementaux français


Assemblée nationale (Égal accès des femmes et des hommes aux mandats
électoraux et fonctions électives) : www.assemblee-nationale.fr/2/dos-
siers/parite/mandats.htm
Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes : www.observa-
toire-parite.gouv.fr

Structures européennes
Union européenne (accueil) : www.europa.eu.int
Conférence des commissions parlementaires chargées de la politique de
l’égalité des chances des femmes et des hommes dans les États
membres de l’Union européenne et au Parlement européen : www.sena-
te.be/CCEC
Dialogue avec les citoyens et les entreprises (égalité des droits et des
chances pour les femmes et les hommes dans l’Union européenne) :
www.citizens.eu.int/be/fr/gf/eq/da/giindex.htm
Réseau européen des élues locales et régionales (Conseil des Communes et
Régions d’Europe) : www.ccre.org/women/wofr.shtml
Assemblée parlementaire (Commission pour l’égalité des chances entre les
femmes et les hommes – Conseil de l’Europe) : stars.coe.int/equali-
ty/8marsP3.htm
Parlement européen : www.europarl.eu.int
Cour de Justice européenne : www.curia.eu.int/fr/index.htm
Lobby européen des femmes : www.womenlobby.org/fr
Commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes
(Conseil de l’Europe) : www.coe.fr
Comité directeur pour l’égalité entre les femmes et les hommes (CDEG)
(Conseil de l’Europe) : www.dhdirhr.coe.fr

Structures internationales
Union interparlementaire (Les femmes dans les parlements nationaux –
base de données bibliographiques « Les femmes en politique ») :
WEBOGRAPHIE 221

www.ipu.org/french/home.htm
Organisation internationale du Travail (OIT) (Égalité entre hommes et
femmes) : www.oit.org
Comité de coordination des femmes parlementaires de l’Union interparle-
mentaire : www.ipu.org
International Women’s Tribune Centre (WTC) : www.womenink.org
Fédération internationale pour le planning familial : www.ippf.org
Organisation des femmes pour l’environnement et le développement
(WEDO) : www.wedo.org
Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté : www.wilpf.org

Publications en ligne
Courrier de l’Unesco « Aux pouvoirs, citoyennes ! », juin 2000 (version
pdf) : unesdoc.unesco.org/images/0011/001199/119966f.pdf
Le Monde diplomatique (dossiers « femmes ») : www.monde-diploma-
tique.fr/dossiers/femmes

Institutions fédérées
Comité d’avis chargé d’examiner les questions relatives à l’égalité des
chances entre les hommes et les femmes du Parlement de la
Communauté française : www.pcf.be
Ministère de la Communauté française de Belgique (Direction de l’Égalité
des Chances) : www.cfwb.be/egales
Office de la Naissance et de l’Enfance (ONE) : www.one.be
Comité d’avis pour l’égalité des chances entre les hommes et les femmes
du Parlement wallon : www.pcf.be
Commission régionale des femmes du Conseil économique et social de la
Région wallonne : www.cesrw.be
Réseau égalité des chances du FOREM : www.hotjob.be

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