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SYMBOLON
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Imaginaire de la guerre
Coordinateurs
2023
Directeur: Ionel Bușe
Rédacteur en chef: Cătălin Stănciulescu
Rédacteur adjoint: Petrișor Militaru
Rédacteurs: Marian Bușe, Adi Petru Danciu, Lialiana Danciu, Maria
Dinu, Ilona Duță, Marius Cristian-Ene, Ion Hirghiduși, Andreea Iliescu,
Ion Munteanu, Lazăr Popescu, Adi G. Secară.
Comité scientifique
Sorin Alexandrescu (Université d'Amsterdam, directeur CESI, Université de
Bucarest)
Alberto Filipe Araüjo (Université du Minho, Braga, Portugal)
Corin Braga (Université Babeș-Bolyai, Cluj, directeur CCI et viceprésident
CRI2i)
Ionel Bușe (Université de Craiova, directeur CSIR « Mircea Eliade »)
Catarin Sant'Anna (Université Fédérale de Bahia, Brésil et LLSETI-Université
Savoie Mont Blanc, France)
Anna Caiozzo (Université d’Orléans)
Jean Libis (Président d’honneur de l'Association Internationale «Gaston
Bachelard»)
Blanca Solares (UNAM, Mexico)
Bruno Pinchard (Université Lyon III, directeur du Centre de Circulation des
Idées)
Jean-Pierre Sirroneau (Université Pierre Mendès de Grenoble, professeur
émérite)
Joël Thomas (Université de Perpignan, professeur émérite)
Jean-Philippe Pierron (Faculté de Philosophie, Université Bourgogne)
Jean-Jacques Wunenburger (Université Lyon III, professeur émérite, ancien
dirécteur de l'Institut de Recherches Philosophiques de Lyon et du Centre «
Gaston Bachelard » de Dijon, président de l'Association Internationale «Gaston
Bachelard» et de l'Association des Amis de Gilbert Durand, président CRI2i)
Gheorghe Vladutescu (Université de Bucarest, professeur émérite, ancien
viceprésident de l'Academie Roumaine)
SOMMAIRE
Préface 5
Virgile, la guerre, et la violence éternelle
Joël THOMAS 9
Représentations agonales dans l'élégie érotique latine
Ilona DUȚĂ 26
The Apocalypse - from Fear to Indifference
ADI PETRU DANCIU 41
The War against Witches. A Durandian Reading Grid
MARIA DINU 53
Narration des revenantes féminines et leur souffrance: «Kangdo mongyu
rok» (Voyage en rêve à l’île de Kanghwa)
HYUN-SUN DANG, AREFEH HOSSEINI 64
Roger Caillois, ou le vertige de la guerre
VALERIA CHIORE 82
Orient and (literary) Orientalism - from the eternal conflict with
the West to the peace of (modern and contemporary) literature
ADI-GEORGE SECARĂ 98
La guerre intérieure de René Daumal, comme antidote pour la guerre
extérieur
MARIUS CRISTIAN ENE 108
Victor Brauner: an Identitary Dichotomy Sublimated in the Tension of
The Surrealist Double
PETRIȘOR MILITARU 116
Poutine et l’imaginaire impérial de la guerre
IONEL BUȘE 125
Imaginaires de la guerre en Ukraine dans la presse colombienne
MIGUEL ANGEL GOMEZ MENDOZA 136
PRÉFACE
Joël THOMAS 1
Abstract Virgil's death, the circumstances of which are not well known, could be
associated with his refusal to endorse Augustus' politics by offering him the
Aeneid as a war poem, telling the foundation of Rome. This is why, after having
tried to find a political justification for war, his nostalgia for the non-violent
Arcadia described in the Bucolica, and his disappointment with the results of
Augustus' reign, would have led him to paint an uncompromising and hopeless
picture of violence in the Aeneid, and perhaps even to want to destroy his epic
poem so that it would not serve as propaganda for an imperialist power.
1
Pr. émérite à l’université de Perpignan-Via-Domitia (France). – CRESEM E.A. 7397
2
Paris, Gallimard « L’Imaginaire » 2016 (1e éd. 1955).
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3
Cf. Brooks Otis, Virgil. A Study in Civilized Poetry, Oxford, Oxford University Press, 1964.
4
Jacques Perret, Virgile, Énéide, Collection des Universités de France, Paris, Les Belles Lettres,
1980, p. 259-260.
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Virgile prête à ce décor surréel les traits du plus heureux décor dont un
homme puisse rêver, celui qui alimente son imaginaire, celui d’où sont absents
les signes de la violence, où tout est harmonie, amour, bonheur paisible : le vert
paradis d’un beau jour d’été de son enfance, dans la lumière, le bourdonnement
paisible des abeilles, au milieu des fleurs. Dans ce contexte, le paysage devient
5
Cf. Franck Collin, L’invention de l’Arcadie. Virgile et la naissance d’un mythe, Paris, Champion,
2021, p. 724, 726.
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un état d’âme, le pays que décrit Virgile n’est pas fait pour les géographes6 :
c’est celui du désir, mêlé de regret et de nostalgie, mais apte aussi à saisir la
qualité de l’instant éternel : passé, futur et présent réunis en une heureuse
éternité. Il fait bon, on ne sue pas, le temps n’existe pas. Les corps se distinguent
à peine du monde végétal dans lequel ils sont plongés, et qui les entoure de
sollicitude : Tityre est nonchalant comme une plante, à l’ombre de son hêtre.
C’est le Sud chanté par Nino Ferrer : «On dirait le Sud/ Le temps dure
longtemps/ Et la vie sûrement/ Plus d'un million d'années/ Et toujours en été. »
Mais, pour les Anciens, c’est surtout, et d’abord, le monde utopique de l’Arcadie
heureuse, comme une forme de survivance de l’Âge d’Or primordial7. Dans cette
vision holiste du monde, tout n’est que douceur, dépassement de
l’ensauvagement, perçu comme enlisement dans la bestialité et dans le mal qui
en découle. En ceci, comme l’a excellemment dit B. Otis8, être arcadien, c’est
avant tout être « civilisé ». Dans ce contexte, le chant est à la violence ce que
l’insulte est au coup, selon Freud : une sublimation. Et cette alchimie ne peut
s’opérer que dans un cadre de paix : pour paraphraser Edgar Morin, entre la
certitude de l’amour et l’incertitude du risque, les bergers des Bucoliques ont
choisi la certitude de l’amour.
Mais Virgile tombe mal : la fin de la République romaine est une des
périodes les plus convulsives, les plus violentes qui soient. Alors, il rêve, et il se
met à l’écart : il écrit les Bucoliques. Pour Virgile, dans les Bucoliques, l’état de
berger n’est pas un état social, mais métaphysique. En ceci, le poète mantouan se
souvenait de son séjour à Naples, et des leçons de son maître Siron. Il était
probablement venu à Naples, vers 45 ou 44, pour chercher un cadre où mettre en
pratique l’enseignement du philosophe épicurien. En ceci, l’Arcadie des
6
À l’appui, je ne prendrai qu’un exemple, et je l’emprunterai à un grand poète, Jean
Giono. Car qui peut mieux parler d’un poète qu’un autre poète ? Giono, avec raison, réclame pour
Virgile le droit à habiter un « ailleurs », à reconstruire le réel à travers son propre imaginaire. On
en revient aux hêtres, et au fameux sub tegmine fagi de la première Bucolique. Des critiques
pédants et bas de plafond se sont insurgés parce que, dans les plaines virgiliennes, il ne pouvait y
avoir de hêtres, dont les botanistes nous disent qu’ils n’apparaissent qu’en altitude, au-delà de
mille mètres. Giono dénonce cette castration de l’imaginaire du poète : « De sérieux alpinistes ont
beau prétendre qu’il n’y a pas de hêtres à Mantoue, et même fort loin de Mantoue, et que,
cependant, le menteur a écrit sub tegmine fagi. Non. Ici, il a mis les murs enfumés des fermes des
collines, là les saules rouges, là les plaines lombardes, là les vieux hêtres que les alpinistes ne
voient qu’à partir de 1.100 mètres d’altitude ; il les a mis à côté de son Mincio frangé de roseaux,
et c’est lui qui a raison. […] Et l’autre qui s’obstine au nom de la raison et d’on ne sait quoi de
scientifique à prétendre que les hêtres ne poussent qu’à partir de 1.100 mètres. Non mon ami ! Sub
tegmine fagi où que je sois, même au fond de la fosse des Kouriles. Voilà la poésie ! Ainsi autour
de cette neuvième et de cette première églogue qui sont le centre des Bucoliques, il passe trois ans
à mettre des hêtres, des bergers, des chevreaux, des fromages, du lait, du miel, des eaux claires et
des vents légers dans le tumulte qui déchire son pays. » (Jean Giono, Les pages immortelles de
Virgile, Paris, Buchet-Chastel, 1960, p. 12.)
7
Pour une étude exhaustive de ce thème de l’Arcadie latine, qui représente en même temps le
dernier état de la question, cf. Franck Collin, op. cit.
8
Brooks Otis, op. cit.
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9
Jean Paul Brisson, Virgile, son temps et le nôtre, Paris, Maspero, 1980., p. 79.
10
En signe de deuil.
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ou l'autre il faudra qu'il y ait la guerre/ On le sait bien/ On n'aime pas ça, mais on
ne sait pas quoi faire/ On dit c'est le destin// Tant pis pour le Sud/ C'était
pourtant bien/ On aurait pu vivre/ Plus d'un million d'années/ Et toujours en été.»
Peut-être l’homme, chassé de son paradis d’enfance, et plongé dans la
violence, trouvera-t-il alors son bonheur par le travail, un travail collectif, sur
une terre nourricière. Cela nous conduit au deuxième moment dans l’œuvre
virgilienne : les Géorgiques. Le berger des Bucoliques avait conscience d’être le
monde. Le paysan des Géorgiques, lui, a conscience d’être dans un monde qu’il
modèle et qu’il ordonne, qu’il s’approprie, tout en respectant la nature. C’est une
autre façon de dépasser la violence, non plus en restant un marginal, mais en
s’inscrivant dans le jeu social, en devenant un proche de celui qui apparaît
comme le sauveur : Auguste. Il ne s’agit plus alors de s’évader de la violence,
mais de la maîtriser. Là aussi, l’imaginaire virgilien résonne avec le nôtre. Car
cette maîtrise, c’est bien aussi un des enjeux de notre temps. Le grand problème
écologique qui s’impose à notre société, Virgile l’a déjà posé : comment vivre en
harmonie avec la Nature, sans la piller, mais en lui demandant les ressources
dont nous avons besoin ? Le monde des Géorgiques est, d’abord, une mise en
ordre de la nature, au profit d’un projet qui fasse passer la condition humaine du
monde sauvage au monde civilisé, d’une nourriture sauvage à une récolte
maîtrisée des nourritures de l’homme : le blé, la vigne, l’huile ; et à un élevage
maîtrisé des animaux devenus domestiques. C’est la contrainte qui cintre, forge,
aménage, greffe et fait passer de l’état sauvage à celui de cosmos, d’ordre
harmonieux dans une civilisation. Elle le fait par un travail lent, dur, opiniâtre,
comme la marche des bœufs (Géorg. I, 167). Mais, chez Virgile, cette contrainte
est toujours, si l’on ose risquer le mot, écologique : elle n’arrache rien à la
nature ; elle est ferme, mais pas brutale, comme le seraient à la fois la main d’un
père et celle d’une mère ; c’est bien ce double rôle qu’assume l’agricola vis-à-
vis des animaux domestiques, et de la nature ambiante en général. Les maîtres-
mots s’organisent alors autour de deux notions complémentaires ; « tailler » et
« assembler », l’une relevant d’un régime « diurne » et clivé de l’image, l’autre
participant d’un régime « nocturne » relationnel et fusionnel, selon la
terminologie de Gilbert Durand. Dans les deux cas, le but est le même : élever,
fortifier, inculquer un apprentissage. Alors que les bergers des Bucoliques
louaient la nature et la paix, les agriculteurs des Géorgiques créent cette paix (p.
500). L’Âge d’Or n’y est pas donné, il couronne une vie d’adulte, au terme
d’une lutte (p. 525). Dans l’Énéide, Latinus, Évandre représentent toujours cet
idéal du « bon roi » pacifique et respectueux de la justice et des libertés. Mais
qu’en sera-t-il d’Énée ?
L’Énéide
Quand il écrit l’Énéide, Virgile a grandi, mûri, et pris conscience du
malheur des temps, et de ce qu’on peut appeler, après M. de Unamuno, le
sentiment tragique de la vie. Ce drame dépasse celui de la guerre. Il pose le
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15
Edgar Morin, La Méthode, V, Paris, Le Seuil, 2001, p. 142.
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La frénésie, la folie meurtrière n’épargnent pas non plus l’Italie, lors des
combats des livres VII-XII. Virgile a su rendre par l’écriture ce vertige de la
violence, ces sinistres moissons de mort : à travers même le côté répétitif, la
monotonie des descriptions stéréotypées des massacres, il donne à voir
l’anonymat monstrueux de la guerre, comme machine à tuer, et comme déni de
l’humanité. La guerre fauche aveuglément, refuse à l’homme son statut
d’individu. Elle est aussi un vertige de violence : à travers le recours
obsessionnel aux images de culbute, de cabriole tragique, à travers la récurrence
de l’emploi du terme volvere, « rouler » : les guerriers, les chevaux, « roulent
dans la mort » (X, 590 ; XI, 633-635 ; 640 ; 646 ; Euryale « roule dans la mort »,
volvitur leto , IX, 433). Dans un monde où l’aequilibritas, l’équilibre, est la
science de l’acrobate et l’idéal du sage, la mort est décrite comme culbute
tragique, perte de la symétrie vitale. De même, lorsque la folie s’empare de la
reine Amata, elle tourne comme une toupie, turbo, à travers la ville (VII, 378
sq.) : à travers les répétitions révélatrices, l’obsession se fait jour. Elle trouve son
corollaire cosmique dans les scènes de tempêtes, avec les images de tourbillon,
vortex, de trombe, turbo, de torrents déchaînés ; et son équivalent psychologique
dans l’évocation de la folie (celle de Didon, celle d’Amata), cette autre glissade
dans la déraison. En ceci, la guerre est dispersion, dévoiement, comme le
naufrage de la folie de Didon, comme la noyade de Palinure : régression dans
l’indifférencié de l’océan anonyme, perte dans l’immensité de la sauvagerie
originelle. De surcroît, Virgile n’est pas manichéen, il ne dresse pas les bons
contre les mauvais, car les Troyens sont aussi cruels que leurs ennemis ; jusqu’à
Énée qui vacille, et qui, on l’a vu, se laisse emporter à égorger Turnus ; l’Énéide
se ferme sur cette image ambiguë de violence mal maîtrisée. Il s’en dégage deux
conclusions : il n’y a pas de guerre propre ; et, à travers la guerre, la barbarie
nous menace tous.
Mais il est un fait nouveau : l’œuvre de Virgile est aussi ouverte à la
compassion. La chaleur humaine, l’empathie ne s’exprimaient pas encore ainsi
dans l’Iliade. Virgile nous touche par son aptitude à partager la souffrance
d’autrui, à nous la communiquer. Il a toujours une pensée, un regard, une larme
pour le soldat anonyme qui meurt seul, obscurément, sans comprendre ce qui lui
arrive. Virgile, cet homme sensible, a en effet une autre stratégie pour nous
décrire les horreurs de la guerre. Après en avoir montré crûment le visage
sauvage, il a procédé par antiphrase ; après avoir décrit la laideur de la mort qui
vient, il nous montre la beauté de ce que nous perdons quand elle nous emporte ;
et ce n’est pas moins poignant, c’est un autre scandale. D’où ces évocations
nostalgiques qui traversent le regard des guerriers au moment où ils roulent dans
la mort. Dans leurs yeux déjà embués par la mort passe la vision de leur enfance,
de leurs amours, de tous les verts paradis, de tout ce qui leur était cher et qu’ils
ne verront plus. Derrière la mort d’Umbro, il y a tout un univers qui s’estompe,
et qui lui appartient. Il voit l’Italie de son enfance, les collines, les odeurs qu’il
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Pétrone, cet iconoclaste, reprendra la citation en forme de parodie, dans l’épisode où Encolpe
navré contemple son sexe languissant (Satiricon, 132)
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reconstituer la main : « Laride, ta main coupée cherche son maître ; tes doigts à
demi-morts s’agitent et voudraient ressaisir le fer. » (X, 395-396)
Ces scènes d’horreur interviennent comme un contrepoint négatif et
mortifère du grand rêve platonicien de l’androgyne, transcrit par les images de la
gémellité : deux en un, unifiés, réintégrés dans l’unité originelle. Le peintre des
corps humiliés nous montre au contraire, avec réalisme, que la guerre sépare,
déchire, qu’elle est fondamentalement diaspora, à travers l’obsession de la
décapitation (X, 394, 554), les membres arrachés, les crânes éclatés (X, 416), les
cadavres en lambeaux et sans nom (IX, 490). Les jumeaux Thyber et Laride,
mutilés différemment (l’un est décapité, l’autre a perdu la main) font
l’expérience de cette dissymétrie mortifère et macabre. À l’inverse, les frères
Lucagus et Liger connaissent, à travers leur mort simultanée, une sorte de
caricature de gémellité (X, 591 sq.).
Certaines descriptions associent plusieurs phantasmes : en XII 377 sq., le
corps de Phégée est à la fois culbuté par un char, écrasé, et décapité par Turnus.
Le paroxysme de l’horreur est atteint dans les scènes de carnage, lorsque les
corps se mélangent : leur supplice ne leur accorde même plus le statut
d’individus, ils sont pris dans un bourbier de sang, dans un chaos mortifère :
« C’est le corps à corps. Alors les mourants gémissent ; les armes, les
corps, les chevaux à moitié morts, mêlés aux cadavres des hommes
roulent dans le sang ; un combat sans pitié fait rage. » (XI, 632-635)
La guerre apparaît comme une morne et monotone moisson des corps
éclatants de vie, un gâchis énorme, un infernal anonymat ; l’image est dans
l’Énéide : « L’épée à la main, Énée moissonne tout sur son passage. » (X, 513)
En procédant ainsi, Virgile nous montre la guerre comme un monstrueux
effaceur de toute cette qui faisait la beauté, le charme, la qualité de la vie. Et ce
n’est pas le moins efficace : la guerre apparaît comme le contraire de la vie, et
même comme sa négation.
Mais en même temps – et certes, cela peut paraître paradoxal – Virgile a
essayé de justifier l’horreur de cette guerre qu’il abhorre. C’est un des sens de
l’Énéide : la guerre, malgré son horreur, il faut l’accepter, parce que, comme la
mort, elle fait partie de la vie. On voit combien Virgile s’est éloigné du point de
vue qu’il avait dans les Bucoliques. Il va alors chercher un fondement
philosophique qui lui permette de justifier la guerre. Il ne sera pas le seul : un
siècle plus tard, dans sa Pharsale, Lucain justifiera les guerres civiles en faisant
de César – qu’il déteste – un mal nécessaire qui, dans la tradition stoïcienne,
permettra d’accomplir une révolution cyclique, en détruisant l’ancien monde,
pour qu’un monde nouveau, régénéré, puisse refleurir : une mort de Rome est
nécessaire à sa renaissance. La réflexion de Virgile est un peu différente. Il ne
s’est pas contenté de dire l’horreur de la guerre. Il a réfléchi, médité sur ce que
pouvait signifier ce scandale, dans l’ordre du cosmos. Il a cherché des
explications à cette horreur qui, sinon, était insoutenable, et il s’est rencontré là-
dessus avec la pensée philosophique de son temps. Pour l’homme de l’Antiquité,
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17
Louis Dumont, Essais sur l’individualisme. Une perspective anthropologique sur l’idéologie
moderne, Paris, Le Seuil, 1983, p. 298.
18
Déjà les chants amébées des Bucoliques donnaient un écho atténué de ce système agonistique.
Agonistique, il l’était bien, dans la façon dont les discours des bergers se répondaient et
s’opposaient, à travers les chants amébées. Mais c’était un combat symbolique.
L'Imaginaire de la guerre | 21
que la guerre est partout, même dans les genèses, même dans les moments de
fondation. On ne peut en faire l’économie (et dire cela, c’est aussi une façon
d’exonérer Auguste des guerres qui avaient précédé son avènement) : le mythe
et l’histoire coïncident alors dans la même logique tragique.19. Dans cette
nouvelle définition de l’épopée, l’Énéide est perçue comme Weltgedicht,
« poème du monde »20, et la guerre y a sa place.
Les batailles ne sont donc pas des remplissages, insérés entre les aristies,
comme le pensait la critique allemande, avec Heinze21, qui en restait, comme
Napoléon, à cette idée que Virgile est moins bon qu’Homère dans les
descriptions de bataille parce qu’il n’a pas fait la guerre. En fait, les combats de
l’Énéide obéissent à une nouvelle stratégie de Virgile, une nouvelle définition de
l’idéologie et de l’imagerie de la guerre, opposée à celle d’Homère.
Le regard même qui est porté sur les batailles est différent. Homère et
Ennius avaient un point de vue unique. Avec Virgile, on a une multiplicité de
points de vue : le texte devient polycentrique, de même qu’il est polychronique.
La guerre entre dans la complexité. On sort de la description de la bataille en
ligne, dualiste, celle du « guerrier blanc » décrite par P. Vidal-Naquet22 : dans
l’Énéide, logiquement, la guerre est plus complexe qu’une bataille rangée. La
ruse, la métis, gagne ses lettres de noblesse, et cesse d’être disqualifiée comme
une forme de combat non héroïque23. Avec Énée émerge un nouveau type de
leader, plus subtil et moins brutal, qui est l’archétype d’Auguste : plus
vulnérable, mais capable d’associer la politique, la diplomatie et l’art de la
guerre. La métis, la complexité font partie de la vie, et désormais la guerre se
construit à cette image. C’était déjà la spécificité de l’armée romaine, dont
Virgile acte déjà les caractéristiques en les attribuant à Énée, son héros
fondateur. Tite-Live, lui, nous montre24 Torquatus triomphant d’un Gaulois : le
Romain est moins fort, mais il est plus rusé, plus discipliné ; à l’image de
l’armée romaine, il met en place un ordre, une maîtrise de soi, de son armement,
de ses gestes, contre le désordre inhérent au combat, toujours menacé par le
déferlement d’une violence incontrôlée ; et Torquatus tue le Gaulois qui, lui, est
aveuglé par le furor guerrier et par la violence barbare. La lucidité contre
l’aveuglement : c’est l’image romaine que Virgile, que Tite-Live, veulent donner
19
Cf. Andrea Rossi, Contexts of War. Manipulation of Genre in Virgilian Battle Narrative, Ann
Arbor, University of Michigan Press, 2004. Pour montrer cette dimension anhistorique, Virgile
joue sur l’anachronisme : les machines de siège sont du temps d’Auguste, pas de celui d’Énée.
L’anachronisme intensifie alors la qualité polychronique de la narration, crée un pont entre le
passé épique et le présent historique, et invite le lecteur de l’Énéide à s’identifier à l’histoire du
passé, à ne pas la regarder comme extérieure
20
L’expression est de A. Hardie, in The Epic Successors of Virgil : a Study in the Dynamics of a
Tradition, Cambridge, 1993, p. 1.
21
Richard Heinze, Virgils epische Technik, Leipzig, 1915.
22
Pierre Vidal-Naquet, Le Chasseur Noir, Paris, La Découverte, 2005.
23
Cf. Johan Huizinga, Homo ludens, Paris, Gallimard, 1988.
24
Tite-Live, Histoire romaine, VII, X, 7-10
22 | SYMBOLON 16
25
Cf. Joël Thomas, art. « devotio » du Dictionnaire critique de l’Esotérisme, Paris, P.U.F.,1998,
p. 404.
26
De même Fellini, Visconti, construisent leur œuvre cinématographique contre l’ordre fasciste,
mais en même temps ils en ont besoin : ils se posent en s’opposant.
27
Comme l’a soutenu Gaston Bouthoul, un des fondateurs de la polémologie. Cf. La guerre, Paris,
PUF, 1953.
L'Imaginaire de la guerre | 23
28
Franck Collin, op. cit., p. 431.
L'Imaginaire de la guerre | 25
29
Hermann Broch, op. cit.
30
Jean-Yves Maleuvre, La Mort de Virgile d’après Horace et Ovide (préface de Joël Thomas),
Paris, Touzot, 1993.
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REPRESENTATIONS AGONALES
DANS L'ELEGIE EROTIQUE LATINE
Ilona DUȚĂ1
Abstract. A mental model of Greco-Roman antiquity, the agon (whose dominant
meaning is that of competition, confrontation) initially manifested itself in the
religious space as a ritualistic scenario linked to the cult of the dead, a nucleus
that later moved to the secular space, where the agora became the scene of the
debate of public issues. The transfer into the sphere of philosophical, ethical
reflection, literature and art determined the discursivization of the model (the
transition from praxis to logos), the entire ancient spirituality involving a
continuous training in order to achieve human excellence (a heroism of the
formation and affirmation of the individual through mirroring with athletic
perfection ). Latin erotic elegy takes the model of the agon as amorous debate
between lovers (identity/otherness), becoming the site of the discursive birth of
the self, interiority, and subjectivity (as these concepts will evolve in Western
modernity).
1
Lecteur d'Université et Docteur en Philologie, Faculté des Lettres - Département de Langues
Romanes et Classiques, Université de Craiova.
L'Imaginaire de la guerre | 27
pouvait régner qu’à l’intérieur ou dans l'intimité d'un monde nocturne, qui
n'aurait aucune incidence sur la vie sociale diurne » (ibidem: 9). C'est
précisément cette double figure de l'altérité (assimilable et résistante à toute
assimilation) qui déclenche l'alternance de l'extase et du désespoir, du triomphe
et de l'effondrement, qui structure la poétique élégiaque (en particulier celle de
Propertius); intériorisant la face fracturée de l'altérité, ainsi que l'ambiguïté qui
transforme l'altérité, au cœur du monde romain décadent, en fantasme ou en
spectre, l'érotisme élégiaque prend les séismes de la mentalité de son époque et
les transfère à ce Je lyrique, qui ne tardera pas à affranchir le seuil de son
accouchement discursif (in statu nascendi).
leur esprit pragmatique. Demi-dieu qui, souvent, se fait le médiateur entre les
humains et les dieux, ce héros célébré, à travers les jeux funéraires, dans l'espace
de cette poétique, n’est autre que le Je élégiaque, médiateur entre le monde
chthonien de l'inconscient et l'altérité idéalisée par l'amoureux (le miroir du Moi
Idéal). Changeant donc la guerre héroïque par la guerre érotique, l'élégie latine
est le lieu de la préfiguration de l'intériorité, de la subjectivité égocentrée propre
à la modernité post-cartésienne ; c'est le seuil même du passage d'une conception
du sujet entendu comme spiritualité, continuellement pratiquée et transformée
par rapport au monde et aux autres, à une représentation du sujet comme
intériorité examinée à la loupe du savoir (selon la distinction formulée par
Michel Foucault dans L’Herméneutique du sujet, 2004).
Analysant les rapports entre l'histoire de la subjectivité et celle du
concept de vérité (le rapport entre sujet et savoir), Michel Foucault signale la
mutation cartésienne qui s'est produite dans la sphère de la représentation du
sujet par le passage du modèle ancien du savoir relationnel (pratique) au modèle
du savoir rationnel, instrumental, propre à la modernité: d'une part, l'antiquité
gréco-latine propose un modèle de subjectivité comprise comme spiritualité, le
rapport à la vérité s'inscrivant dans une dimension ontologique et pratique (le
régime d’être et du faire), mettant l'accent sur la pratique de la limite et sur
l'expérience; d'autre part, l'époque moderne intériorise la relation entre le sujet et
la vérité, rétrécissant l'espace de leur manifestation dans le champ d'une théorie
de la connaissance. L’ascension du modèle rationaliste-instrumental aux dépens
du modèle spiritualiste-relationnel s'opère en même temps avec la re-
hiérarchisation des fonctions tenues par les deux préceptes fondamentaux qui
soutiennent le modèle du sujet dans l'Antiquité, à savoir epimeleia heautou /
cura sui (se soucier de lui-même), respectivement gnôthi seauton / noscete
ipsum (connais-toi toi-même). Situé à l'origine dans une position de super-
ordination, le souci de soi deviendra un précepte subordonné à la connaissance
de soi, à la suite de diverses transactions linguistiques qui associent le souci de
soi à la réclusion, à la mélancolie, à l'égoïsme, valorisant plutôt le précepte
rationnel et efficace de la connaissance comme un auto-examen rationnel et
lucide. Cette redistribution des fonctions marque le tournant subjectif dans
l'histoire du rapport du sujet à la vérité, changeant le modèle de la spiritualité (la
vérité relève de la pratique, de l'exercice des limites au contact du monde et des
autres, au sein d'une théorie des limites - une pératologie) avec le modèle de la
subjectivité égocentrique (la vérité est obtenue par un examen approfondi
effectué avec l'instrument de la raison et de la logique, au sein d'une théorie de la
connaissance). En imposant au sujet des opérations (spirituelles) spécifiques,
comme l'auto-transformation, le déplacement des frontières par lesquelles il
délimite ses rapports au monde, le travail et l'auto-élaboration continue, la
spiritualité circonscrit le modèle de la relation permanente du sujet avec
l'extérieur: « Nous appellerons spiritualité l'ensemble de ces recherches,
pratiques et expériences que sont les purifications, les ascèses, les renoncements,
L'Imaginaire de la guerre | 35
laquelle on pensait que l'ordre social se trouvait ancré » (Laqueur, 1998: 17).
C'est ainsi que la grande bataille érotique se livre, dans l'espace élégiaque, à la
frontière de l'autre corps, celui-ci devenant une sorte de mur d'enceinte, le seul
capable de délimiter l'intériorité en l'absence d'un discours de subjectivité,
concentré et légalisé par une histoire ou un modèle; une série d'apparitions
corporelles et d'enregistrements sensoriels ponctuent le monde subjectif des
amants ou la cité intérieure à conquérir (ce « Moi-peau » projeté comme une
préforme du Moi). En ce sens, l'élégie érotique est l'arène de l'affirmation
individuelle du Soi à la limite de l'individualité de l'Autre, l'érotisme stimulant la
construction d'un code discursif propre à l'expression de la voix personnelle
amoureuse (l'érotogonie élégiaque est une cosmogonie intériorisée à l’intérieur
de laquelle l’agon, à la fois douloureux et heureux, va produire l'individuation,
centrée sur l'éruption émotionnelle du Je). Ouverte sur l'abîme irrationnel de
l'amour, la poétique élégiaque de Propertius constitue le seul espace de
manifestation du véritable enjeu de l'érotisme (puisque les autres élégiaques
camouflent l'abîme), à savoir la structure agonale du désir fondée sur le lien
entre « la violence et le sacré » (selon la thèse de René Girard concernant
l'exhibition du mécanisme du « désir mimétique » dans la tragédie grecque): le
désir est toujours traversé par la violence et soutenu par la projection du sacré,
puisqu'il n'est orienté qu'en apparence vers l'objet appartenant à l'Autre comme
Modèle, visant, par essence, précisément le surplus de l'être qui fait apparaître le
Modèle comme autosuffisant, triomphant; ce qu’il veut, le sujet, c'est donc
imiter la perfection divine de l'Autre, l'être complet dont il semble être doué et
pour lequel l'objet de la dispute n'est qu'un indice. On remarque que le désir est
lié à la violence triomphante; elle s'efforce désespérément de dominer et
d'incarner cette violence irrésistible. Le désir suit la violence comme une ombre
car la violence représente l'être et la divinité » Girard, 1995: 164). Violente,
passionnée, extrême, l'érotique élégiaque de Propertius se déploie comme un
vertige d'effondrements et de triomphes (des illuminations et des ténèbres, des
victoires absolues et défaites), offrant à travers de tels cyclothymies une
radiographie du désir perpétuellement oscillant entre Soi et l'Autre, mobilisé par
le fantasme d’une plénitude de l'être. Alors que d'autres auteurs élégiaques
(Tibullus, Ovide) préféraient travestir l'agon, soit par des décors idylliques
(Tibullus), soit en recourant à la théâtralité et aux masques (Ovide), Propertius
fait preuve d'un véritable héroïsme en assumant et en affrontant l'érotisme
irrationnel que traduit le jeu abyssal du désir avec l’être total, projeté comme
sacré et saillant à travers la violence (cette violence sacrificielle à potentiel
fondateur).
La concentration de la grammaire de la passion de Propertius sur des
termes tels que furor (fureur, rage, folie, passion), dolor (douleur), flectus
(pleurer), errance (lapsum revocatis / vous vous souvenez d'un égaré - I, 1 : v.
25; sensus deperditus / le sens dispersé – I, 3: v. 11), une préoccupation intense,
un travail (nostros labores / nos épreuves – I, 6 : v. 24) qui vont indiquer non
L'Imaginaire de la guerre | 37
Demonology and abyssal psychology, to list only two of the multiple research
perspectives of the religious imaginary, bring nothing but a new perspective to
the already known key to the theological reading of the text of John’s Book of
Revelation.
What would be the practical purpose of the Book of Revelation’s message?
Christian theologies abound in arguments approved by dogmas specific to each
dominion and implicitly conforming to their own expectations, not infrequently,
perhaps too personal, of those who issue them. The guiding line of interpretations
centers around the messianic presence capable of rewarding, at the end of time,
the faithful as it is, of punishing the apostates1. Each time the emphasis falls on
the moral meaning of keeping the Christian faith right. Over the millennia, the
message transforms into an exhortation not to leave the community presence, a
fact that would endanger personal faith by falling into temptation and, why not,
embracing apostasy. Gradually, over the iconic image of the Savior will be
superimposed, until it fades, that of the community, or of the “fighting” Church.
It is about all that has been preserved of the messianic expectation of the
Christians of the first centuries. Christians of the 21st century no longer live in
the joy of waiting for the second coming, but in the cyclical cadence of church
holidays.
The facts for the time in which the book of Revelation was written showed
otherwise. There is not just one message, but seven. Each of them was addressed
to a distinct Christian community, made up of converted pagans, therefore, as old
as the foundation of all theology and magical knowledge, all pagan. In other
words, the entire Christian message is tailored to meet this background.
Practically, even if in essence, by reading it we are witnessing a critique of the
religious life of the seven Christian communities, we are dealing with a
“customized” preparation in order to adapt each one individually to the
1
In Orthodox spirituality they are associated with the Athenians (Ieromonahul Nil Dorobanțu,
AThe Antichrist., Floarea de April Publishing, 2017, p. 50-51), a wrong assessment, because the
former believe in the existence of Christ but choose that of the Antichrist.
42 | SYMBOLON 16
requirements of waiting for the imminent coming of the Savior. After going
beyond the simple reading of the author’s criticism brought to the seven distinct
Churches or Christian communities, we have the feeling that existence, as it is
lived on earth, no longer has its meaning after the ascension of Jesus to heaven.
Churches are nothing more than spiritual lifeboats capable of floating on the dark
water of matter and implicitly protecting an ethnically diverse community, but
united under the same creed (not dogmatic), to see Christ coming on the clouds
of heaven, the savior of all. The idea of an imminent ascension is as clear as can
be.
No Christian of the first centuries projected this expectation beyond the end of
his life. The reason was simple: for him there was no argument of a spiritual
nature by means of which he could justify a possible delay. In fact, Revelation is
nothing but a response reaction of its author to this increasingly tense expectation
and to the danger of losing faith in the second coming. This answer is evidenced
by the argumentative visions of the increasingly virulent manifestations of evil in
the world. It is a verified ascension also on the plane of physical reality by the
escalation of persecutions in which physical death played the least role. The real
danger was apostasy or spiritual death, hence the great trap of the persecutors,
not so much physical as spiritual (Ephesians, 6, 12). If apostasy had not
represented a real danger to the unity of the Christian community of the first
century, such books as Revelation would never have been written.
We are also convinced of the fact that apocalyptic thinking is born in periods of
heavy persecution2. We see the effect even in modern times, in Romanian
communism where Romanians were waiting for the “imminent” arrival of the
Americans. We all know the outcome, this did not happen. More recently, under
the pressure of various pandemic “persecutions”, or other fears such as, for
example, bacteriological or atomic wars, we have an eruption of “apocalyptic
scenarios” or “conspiracy theories”. It would be interesting to approach from the
perspective of the Jungian abyssal psychology of the eruption and crystallization,
apparently chaotic, in the space of conscious reality, of archetypes, especially
from the perspective of a history that seems to keep repeating itself (Ecclesiastes,
1, 9).
Although, in essence, the practical purpose of the work is to preserve the
teaching and faith received through baptism, the divine message will be
particularized with the analysis of the spiritual situation of each individual
community and hence, fragmented for the conscience of each individual believer,
sign that there was no idea of a circumscribed and dogmatically accepted God; a
construct that will appear over time, as a forced (apologetic) reaction to the
multiplication of heresies within the Church. We can assume that God is
understood to the extent that all Christians have “assimilated” him, in the sense
2
Such a period is fraught with the danger of detachment from the faith, a detachment sufficient to
allow “separate thinking” or heresy, a conversion to a syncretic system most likely as young as
Christianity itself.
L'Imaginaire de la guerre | 43
3
A.V. Cioba associates it with the pathological states produced by Satanism, or the religion of the
Antichrist. He says that “a defining element of the culture of non-Satanism is widespread
pessimism and the death of all hope” (Anton Vasile Ciobra, “Satanism: challenge for youth
ministry”, in vol. coordinated by William Bleiziffer and Alberto Castaldini, Demonology today.
Theological foundations and practical aspects. Cluj-Napoca, Cluj University Press, 2020, p. 214).
44 | SYMBOLON 16
fornicators, murderers, sodomites, and other sinners had their share of divine
mercy, even through their continued existence in hell. Origen would say that
punishment, although it is an act of divine justice, is subject to mercy and
therefore not instituted. He goes even further, putting forward the hypothesis of
the salvation of devils4, not of Satan5.
Apostates will not have apocatastasis. As a consequence of recognizing their own
state of return to idolatry (Exodus, 20, 2-3), they will undergo an irreversible
transformation into evil. They will become unable to recognize their sins and, by
implication, to repent. Even when they witness the fall of their fellows
(Revelation, 9, 20-21), they will anchor themselves even more in evil, cursing
God (Revelation, 16, 9, 11), a reflection of the curse in the Book of Genesis
(3,14) and a sign of the hopelessness of Evil (Revelation, 13, 6) imprinted even in
human nature (Job, 2, 9). They become “rapacious wolves” (Matthew, 7, 15),
deceivers and persecutors only of Christians, candidates for the position of
apostles of the devil or the antichrist (John, 2, 18) whom John mentions, most
likely quoting Christ. The association of apostates with the Jews, even if not
exclusive (Titus, 1, 10), will happen from the time of John, who will conclude
them from the words (Matthew, 27, 25; Revelation, 2, 9) but also from the deeds
them (Acts of the Apostles, 4, 51-53; Revelation, 3, 9). Gradually, with the
passing of the centuries, anti-Semitism with an antichrist foundation of apostasy
will know a nuance, targeting the category of those “lukewarm” Christians, far
from the right faith or heretics. It is a milder wording through which the
(ecumenical) hope of returning to the true (Orthodox) faith is to be preserved.
Antichrists, like demons, are living entities, originally good, therefore creatures
of God. By accepting the deception they gave up their free will. Against it, as a
weapon of defense, he should have counterposed his faith. For all of them being
did not prove to be a datum. Interestingly, the state of Satan, the Antichrist and
the evil angels is described, whose existences, which seem extinguished, only
raise their smoke forever (Revelation, 14, 11; 19, 3). The history of evil angels
can also be connected to the accounts of guardian angels in the Apocrypha of
Enoch6, as well as throughout the literature it influenced7. In the text of the
Revelation, they receive a new meaning, through the decision to follow the
alliance with Satana, in a last attempt to conquer the Heavenly Heaven
(Revelation, 12, 7-9)8. Earth demons are deprived of such power. The apostates
4
Raluca Moceanu Pleșa, The actuality of apocatastasis. Between God's love and human freedom.
Preface by George Remete. București, Eikon Publishing, 2021, pp. 36-37.
5
Nicolae-Dragoș Kerekes, Origenism in the III-VIII centuries. Foreword by Ioan-Vasile Leb. Cluj-
Napoca, Renașterea Publishing, 2016, p. 58.
6
Remus Onișor, The Book of Enoch and the Intertestamental Apocalypse. Alba-Iulia, Reîntregirea
Publishing, 2000.
7
An example is the recapitulation of their history in Testament of Reuben (Testaments of the
Twelve Patriarchs. Greek translation, introduction and notes de Walther Alexander Prager.
Bucharest, Univers Enciclopedic Gold Publishing, 2015, p. 43).
8
Demons only have the ability to tempt, to induce idolatry and necromantic practice.
L'Imaginaire de la guerre | 45
who make up the army of the inhabitants of the earth are killed by the power of
the verb, that is, the sword that “came out of the mouth of the one sitting on the
horse” (Revelation, 19, 21). As for the materialized beasts of the universal
demonic imaginary9, we learn that they are cast into the “lake of fire and
brimstone” (Rev. 19, 20-21). Apostates will not suffer the same. They do not
appear mentioned as being punished alongside the living forms of Evil, a sign
that the author of the book does not see any functional meaning, to use them in
the next divine plan (Revelation, 20, 1-3; 7-10). They are no longer mentioned
because their souls simply no longer exist.
What and who is Evil?
From a demonological perspective, the extraordinary merit of the author of the
Book of Revelation is that he manages to compose a harmonious composite of
everything that was already accepted in both Judaism and Christianity regarding
the ductile forms of the manifestations of Evil in the universe. What is Evil?
Through the bestial forms of its manifestations, for John, Evil is a living energy,
with a will of its own capable of appropriating or otherwise destroying
everything that falls in its path. It is the insidious or direct life behind any action
with a punitive or destructive purpose. For example, punishing is the moment
when the author imagines (or is revealed to him) Evil who seems to allow
himself to be used by Good to act against the inhabitants of the earth, together
with the scheduled release of the four (evil) angels tied “to the great river
Euphrates” (9, 13-14). A deliberate act of God. It is produced in agreement rather
than with the agreement of God. The same happens with the armies of
“horsemen”, or evil angels who will torment sinners (9, 16)10. The punishments
of apostates are many. In their case, the author imagines divine energy using evil
(angelic) against evil (human). It is a kind of “blindness” caused by too much
Light that the darkness did not encompass (John, 1, 5). Evil in creation would be
the energy summed up by creatures who refuse communion with God. On him,
the Creator uses them to turn one against the other, an act of anthropophagy and
spiritualophagy.
Likewise, John postulates the existence of pure evil. He was either excluded or
did not belong to the creation of the divine creation. He is the great devourer of
worlds, hence the destructive meaning of all that is not him. Because the origin of
apocalyptic evil is projected as coming to us from somewhere outside our
cosmos. He is able to potentiate the evil already existing in the world to such an
extent that even the saints cannot oppose him (13, 7). Manifested in monstrous
9
Materializations that have contaminated Christian spirituality to the point of merging are today
reduced to simple theological expositions (José Antonio Fortea, Summa daemonica. Treatise on
Demonology and the Exorcis’s Manual. Translation from Italian de Andrei Adam-Motyka. Iași,
Sapeintia Publishing, 2017, p. 63).
10
The number two hundred million is nothing more than the numerological exacerbation of a
number of the watchers in the apocrypha of Enoch.
46 | SYMBOLON 16
forms, they are reborn for the Christians of the seven Churches, through the
credible account of the author of the Apocalypse, terrifying images that they
think they have forgotten and the worship of which they have just given up; sign
that denying the monsters of the collective unconscious does not cancel their
existence. John says that there will come a time when they will wake up, they
will fascinate the weak consciousness (of the apostates) to such an extent that it
will be consumed if it looks at them (Matthew, 6, 22-23). At the moment of
awareness of its presence and implicit acceptance/rejection, with the assumed
risk of embracing a martyr's death, for the Christians of the time period in which
the Apocalypse was written, they realize that the existence of a supreme Evil
over all that is created can no longer be ignored, especially since it cannot be
conditioned by how it freely chooses to manifest itself.
Before the war in Heaven takes place between the already fallen Satan and the
evil angels (12, 7-9) the author inserts an extraordinary presence: a metacosmic
giant red Dragon whose tail “sweeps away a third of the stars of heaven and
throws them to the earth” (12, 3-4). We will meet the same Dragon ascending to
Heaven with the evil angels. Here the Christian author will try to harmonize a
pre-Christian myth with the already Judeo-Christian belief in the existence of
Satan, by associating (12, 9) the Dragon with the demonic trinity of symbols:
Dragon (item used in paganism) – Serpent (Jewish item) – Devil (idem Greco-
Roman) – Satan (Christian item); a gesture that we understand as natural in the
process of establishing some landmarks of a symbolic nature for a Christianity
still newly born.
Evil “metamorphosed” in the name of Satan11, is able to act in creation as he
wishes, can willingly ascend to Heaven (Job, 1, 6; Revelation, 12, 7), even if he
is expelled from there (Luke, 10 , 8; Revelation, 12, 8-9) and to do whatever he
wants on earth (John, 5, 19), hence the lack of any resistance of the Christian in
the face of evil (Matthew, 5, 39), other than to repay in tens, an evil deed with
good (18, 21-22). The fact that only the Creator of the world effectively opposes
it is nothing more than clear proof that a supreme Evil, impossible to quantify
other than through the deeds of its avatars, can no longer be contested. The
dragon, artificially identified with Satan, because the author wants to present a
unitary demonology in which representations of the pagan mythological
imaginary are “adjusted”, is able to pour from his mouth like a kind of water, that
is, a substance that does not exist in creation, in an attempt to drown the
mysterious woman in the labor of giving birth to a future messiah12. We have no
11
Which just as well, giving in the fascination of being like God, in the created plane he was an
entity of divine nature, an angel of the Lord. By embracing the illusion he became the avatar of
Evil. Because he allowed himself to be consumed by it, according to Christian demonology, Satan
can no longer be saved.
12
We can understand from this episode a reminiscence in Christianity of the Jewish belief in the
birth of a messiah, another dedicated to a chosen tribe (a messiah of the Jews?), a sign of the
implacable circular cyclicity of the cosmos from where, several apocalypses (20, 7-10 ). The
subject remains in suspense, because the author does not provide more information (12, 13-18).
L'Imaginaire de la guerre | 47
doubt that the pagan demonic imaginary suffers here as well, adapting to the
Christo-centric Christian one, although we believe that, in the case of the
Apocalypse, we are dealing with a dangerous exit of pagan demonology outside
of evangelical Christocentrism, by the very contouring of Evil as a person and
not in a person, as Christians were used to, that is, by corruption and possession.
In the mentioned case, Satan is rather the Dragon and not vice versa, as the
author of Revelation would like. It is not surprising that it did not take long for
the first reactions of canonical rejection of the work to appear.
So we have a pre-cosmic Evil to which a “product” of creation is associated by
assimilation, an Evil that emanates from matter. We will see that it is a double
one through the origin of the deaf matter that generates it. Of these evils
incubated in matter the first, of which John speaks, is the Beast. She presents
herself to us as a composite of archetypes that by themselves, under the guise of
pure bestiality. The beast rises from the sea, nothing more than the
foreshadowing of that ancient primordial ocean of black blood of Tiamath,
support for all creation. Wounded in an illio tempore, healed by the power of the
Dragon and full of blasphemy, because it is generated using creation, it remains a
“slave” of God (Revelation, 13, 9), at least until the moment of the influx of
power received from the Cosmic Dragon, influx manifested through a gesture of
taming; The Dragon gives the Beast his “throne of rule and great authority” (13,
2-3), so great that he vents all his accumulated tension by blaspheming and
cursing God and even killing the saints living on earth (13, 6-8). A real delirium.
All the apostate inhabitants of the earth will worship him (13, 3-4).
The second evil incubated and released through matter is imagined by John as the
Beast coming out of the earth. He is the Antichrist. He is the prototype of the
ultimate trickster, both in appearance and in his demonic logos: “he spoke like a
dragon” (13, 12) because he persuades the inhabitants of the world to worship the
image of the Beast (13, 14-15). He is able to bring down fire from the sky in
front of everyone (13, 13-1413); he encourages idolatry (13, 15), and the idol
raised by him receives life, i.e. logos. Those who do not worship him, meaning
Christians, will die. We have here a reenactment in the scene and in the mirror,
the evil perspective of the moment of the snake raised on the tree by Moses at the
command of the Lord (Numbers, 21, 4-9) and which, if it was not looked at,
brought the death of the sinner this time. We also identify here a fine
foreshadowing of the Christian precept: “give to Caesar the things that are
Caesar’s and to God the things that are God’s” (Mark, 12, 1714). Finally, it is the
13
Another fire, this time divine, will consume the three in another prophesied apocalypse
(Revelation, 20, 9-10).
14
The spiritual Caesar at the time of Christ is Samael, the (evil) angel of the Roman empire. The
balance had to be preserved in a world created by God but fallen under the power of the evil one (1
John, 5, 19), an expression that defines, in fact, as the Revelation also shows, the belief in the
existence of several entities that act in the same direction, keeping the principle of unity of interest.
It is the “legion” (Mark, 5, 9) sent by Christ to the pigs that threw themselves into the sea,
“recovering” in the “liquid” evil of this world.
48 | SYMBOLON 16
Antichrist who marks the apostates dependent on the wealth of this world with
the sign 66615. He is the sign of the tax (1 Kings, 10, 14/ 3 Kings 10, 14 and 2
Chronicles, 9, 13/ 2 Chronicles, 9, 13), and the “number of man” (Revelation, 13,
18) is nothing but a reference to the one who imposed this tax paid annually in
666 talents of gold, to King Solomon16.
John postulates a single origin of Evil, precosmic, focused on the act of total
annihilation and which has an exceptional ability to adapt and focus. Thus he will
penetrate from an area outside of creation (Matthew, 22, 13) into the angelic
world through the temptation of infinite power. He thus contaminates creation
after creation, in the material world acting through the desire to have, to possess,
and to merge spiritually until the total consumption of the soul in the malleable
and illusory matter giving, energy to the sleeping body of the demon Tiamath or,
if he would or to give credence to Enoch, the dark Adoil17 and the bright Arcas,
stripped of their powers by the divine word, a punitive idea also found in
Revelation (19, 21). The three demonic entities that John mentions seem to unite
in a triune alliance. In it, the Dragon is the manifestation of the effective power
of the first Evil, just as the two Beasts18 (pseudo-divinity cult and pseudo-
charismatic behavior), are the activation of the being in matter of secondary evils
insidiously incubated in the divine act of creation, about which existence, people,
until the discovery of John, had no knowledge.
Such a reading key makes the book’s demonology tributary to pagan
demonologies rather than the Christocentric one of the Gospels and Epistles.
These aspects are impossible to ignore if we have in mind an analysis that does
15
On modern speculation about the sign of the number 666, see: Detlef Grebe, And his number is
666. When will the mark of the beast come? F.l., Evangelical Mission Bad Salzuflen, 1997.
16
Christian exegeses with notarikon do not shed any light on the mystery of this number. Only
one, that of the understanding of the name translated from numbers, of Nero, seems closer to what
we have stated so far in relation to Samael, the angel of Rome and by mirroring the opposites of
the two personalities Solomon - Nero. The number does not only refer to individuals but also to
the existence of a divine/demonic cult of the Emperor that had to be paid. It is a natural association
of the legends that circulated in Judaism about King Solomon's relationship with demons. It is not
surprising that the idea is also developed in Christian literature (Testament of Solomon. The king,
the demons and the building of the Temple. Original translation from ancient Greek and
introductory study by Ștfean Colceriu. Bucharest, Humanitas Publishing House, 2010). When the
nominal “evaluations” failed, the association of the number with the name of the demons was
sought, Belial being preferred in this sense (Wilhelm Bousset, The legend of the Antichrist.
Foreword by A.H. Keane. Romanian translation and edited edition by Ramona Ardelean.
Bucharest, Herald Publishing , 2006, pp. 138-139. On the misunderstanding between Samael and
Belial v. pp. 153-154).
17
Regarding the unpublished history of the creation of the world from Elohim's pre-existing
entities, see: The Book of Enoch's Secrets. Introductory study by Philip S. Alexander. Romanian
translation by Simion Voicu. Bucharest, Herald Publishing, 2014,
18
Enoch is the first to name them: the dragons Leviathan and Behemoth (Revelation of Enoch.
Introductory study, translation and notes by Remus Onișor. Alba-Iulia, Reîntregirea Publishing,
2000, pp. 87-87), nothing more than archetypal motifs that survive, albeit under other names, in
the Revelation of John.
L'Imaginaire de la guerre | 49
19
We find the idea of the integral recovery of evil first exposed in Manichaeism (Simone
Pétrement, Essay on dualism in Plato, the Gnostics and the Manichaeans. Romanian translation by
Ioana Munteanu and Daria Octavia Murgu, F.l., Symposion Publishing House, 1996, p. 255).
50 | SYMBOLON 16
20
As a primary effect we have hundreds of serious exegesis on this work, more than any other in
the biblical canon. All will try to trace, decipher and interpret in their own key these apocalyptic
“landmarks” which constitute interconnected and harmonized historical events according to the
text of the book of John.
L'Imaginaire de la guerre | 51
Bibliography
Mots clés : la guerre contre les sorcières, Le Régime Diurne de l'image, Le Régime
Nocturne de l'image, persécution, pensée mythique.
From the end of the 15th century until the first decades of the 18th century, most
of Europe was gripped by a series of persecutions, and although the exact
number is not known, it is estimated that between thirty-five thousands and fifty
thousand people were executed or lynched from among the hundred thousand,
accused of witchcraft2, often felt as a threat to Christian order and morality. Of
these victims, around 80% were women, except in Finland and the French
province of Normandy where the convicts were mostly men.
The widespread hostility to witchcraft can be interpreted from a Durandian
perspective involving an archetypal scenario of so-called good against "evil", of
saving the light from the evil influence of darkness. The saviors or "warriors of
light" are the people of the church, the clergy who, armed with swords, crosses
and finally having cathartic fire as their ally, confront the forces of darkness, the
“army” of sorcerers who had sold their souls to the devil - beggars, Jews,
gypsies – but especially by the dangerous witches, the descendants of the lunar
Eve par excellence, lascivious, feigned, quarrelsome beings, lacking in
intelligence, but seething with ambitions and carnal desires, easily seduced by
Satan.
The former act in the name of God. Opponents – of their inverted values, in
reality they are the keepers of pre-Christian mentalities and practices. And, in
this conflict, only the people of the church consider themselves capable of
purifying the world from the sin symbolized by the witch, like the typical heroes
of the diurnal, ascension scheme who consolidate their virtues and, in the present
case, their faith in God, not allowing themselves to be digested by his shadows
Satan of the nocturnal, lunar and feminine regime. Vigilant, steadfast, able to
recognize the work of the devil, the inquisitors believe themselves able to defeat
1
PhD, teacher at “Elena Cuza” College from Craiova.
2
Richard M. Golden (ed.), Encyclopedia of Witchcraft. The Western Tradition, Santa Barbara,
California, ABC-Clio, 2006, pp. XXXIII-XXXIV.
54 | SYMBOLON 16
time and death, and with the smoke of burning pyres, they rise to heaven and
their hope that, through the abuses committed, they will forever win their
privileged place in the kingdom of God, once owned by Adam solar.
In what follows, we will follow this scenario whose starting point are the main
conceptions of witchcraft and their origin, a profile of the actors - both the
persecutors and the witches - reconstructed on the basis of the information
provided by the most important mythological texts, treated of demonology and
works of art, the latter influenced by the Christian prejudices that gradually
infiltrated the mentality of the common people. In view of these reconstructions,
we will consider the witch as a cultural archetype – “image in itself, recurring
figure of a Weltanschauung”3 -, whose meanings are defined in relation to
certain historical, religious, social and cultural contexts. Consequently, the
image of the witch is not only a creation born, at the beginning of the 15th
century4, of the phobias of the Christian world obsessed with the eternal threat of
all-powerful evil, on top of which are superimposed the desires of common
people to pay their policies and find a “scapegoat” for more or less real and
reprehensible acts or natural calamities. The substrate of these collective fears
embodied by witches must be sought, in fact, in the reminiscences of pre-
Christian magical concepts, which the inquisitors exploited and distorted,
propelling an imaginary with ample demonic connotations, intended to
potentiate the benefits of the Christian faith.
I. The Ancient Origins of Witchcraft
In the Western space, ancient literature provides the image of notorious witches
whose attributes shape the prejudices about the powers of witches persecuted in
the 15th and 17th centuries, powers obtained by participating in nocturnal
meetings and accepting an alliance with the devil. Since Antiquity, the archetype
of the witch becomes inseparable from a constellation of symbols that make it
recognizable, according to the evolution of imaginary paradigms, so that we
cannot talk about the image of the witch without referring to the moon, night,
forest, fire, water , flight, premonitory dream, visions, divination, herbs, filters,
potions, elixirs, charms, curses, birth, death, resurrection, devil, sabbat, cauldron,
cat, broom, etc.
The first witch of the pre-Christian world is Circe, found in Homer's Odyssey,
an epic that circulated orally, until the 7th century BC, when the written version
appears. Circe opens the archetypal series of young, seductive witches, but also
imposes herself through the remarkable elixirs prepared from plants, that’s why
she is called by the epithet “polypharmakos”, mening “of many drugs” or “many
3
Corin Braga, Ten Studies of Archetypology, Dacia Publishing, Cluj-Napoca, 2010, ediția a II-a,
p. 16.
4
Michael D. Bailey, Historical Dictionar of Witchcraft, No. 47, The Scarecrow Press, Inc.
Lanham, Maryland, and Oxford, 2003, p. XXV.
L'Imaginaire de la guerre | 55
spells”5, and attributes of healers, of indicators , but also by the one who makes
charms. With the help of potions, Circe is responsible for the metamorphoses of
people into animals - of Odysseus's companions into pigs, which, after a while,
she returns to human form, much younger than they were initially, proof that she
also possesses the power of rejuvenation. Ovid, in his poem Metamorphoses
published in the 8th century, describes other victims of Circe's powerful elixirs:
Scylla, the beautiful nymph is transformed into a hideous monster while bathing,
and Picus, a young man who rejects her advances is metamorphosed into a
woodpecker. Circe is also a necromancer who helps Odysseus reach the
underworld, and she also controls the weather when the hero finally leaves her
island. That is why Gilbert Durand places Odysseus' encounter with Circe under
the sign of the terrifying manifestation of the femme fatale that the hero of the
diurnal regime confronts just as he manages to defeat other theriomorphic
female facts such as the sirens, Charybda and Scylla6.
Medea is another witch famous for using plants for magical purposes, but unlike
Circe, her poisons, which produce a violent death, make her especially
dangerous7. Capable of strong passions, emotionally unstable, Medea resorts to
murder to achieve her goal: she kills her brother in order to flee with Jason to
Greece, plots a terrible revenge against the usurper of Jason's throne (under the
pretext that she will rejuvenate king Pelias by boiling him in a cauldron,
convinces his daughters to cut him to pieces), and finally, when Jason falls in
love with the daughter of the king of Corinth and marries her, Medea kills her
own sons, and the princess gives a dress soaked in poison as a gift: “The story of
Medea, therefore, contained several features reminiscent of the medieval and
early modern scholarly image of the witch.”8
The idea of witchcraft in medieval Christian Europe borrows from Circe and
Medea in addition to the recurring cauldron – used in boiling plants – and their
magical practices that will involve the preparation of potions for evil purposes,
particularly to annihilate one's rival and harm children, controlling the weather
to cause storms and destroy crops, turning people into animals as well as
summoning spirits and demons.
However, the depictions of the two pre-Christian witches differed from the
image of witches fabricated by the inquisitors, because in ancient legends Circe
and Medea were sacred figures. Circe would have been Hecate's daughter, so she
was a goddess or demigoddess, but in the Homeric text - subject to a long oral
5
Circe in Richard M. Golden (ed.), Encyclopedia of Witchcraft. The Western Tradition, Santa
Barbara, California, ABC-Clio, 2006, p. 190.
6
Gilbert Durand, Structuri antropologice ale imaginarului, București, Editura Univers, 1977,
traducere de Marcel Aderca, prefață și postfață de Radu Toma, p. 128
7
Poetul Apollonius, în Argonautica, descrie o plantă magică a Medeei numită “pharmakon
Prometheion” (the charm of Prometheus), răsărită din sângele lui Prometeu torturat de vulturul lui
Zeus și culeasă în conformitate cu un anumit ritual, Richard M. Golden (ed.), op.cit., p. 925
8
Rosemary Ellen Guiley, The Encyclopedia of Witches, Witchcraft and Wicca, Third Edition,
Facts On File, 2008, p. 229.
56 | SYMBOLON 16
circulation that could have modified the portrait of the witch, up to the written
version -, Odysseus hesitates to call her “goddess or woman” , which would
suggest a mortal with supernatural powers9. Medea also appears related to Circe
(either sister or niece by brother), and many exegetes consider her a priestess of
Hecate. In any case, all these versions lead to the third pre-Christian female
entity that influenced representations of the witch, the mysterious and
emblematic Hecate herself.
Originally, Hecate is an Anatolian goddess (her cult was in Lagina in Caria, in
today's Turkey), protector of the entrances and births of children, later becoming
associated by the ancient Greeks with the spirits of the other world, witchcraft
and sorcery . The earliest accounts that mention her are Hesiod's Theogony and
the Homeric Hymn to Demeter and are both from the 7th century BC. According
to Hesiod10, the goddess is part of the generation of the Titans and is the mistress
of the three realms – of the earth, the sea and the sky –, being therefore prior to
Zeus who glorifies her and respects her power11. In the Homeric hymn, Hecate
plays a significant role in the cult of Demeter and Persephone, the three figures
forming “a group of closely related elements, a triad of particular figures,
impossible to confuse”: 1) the innocent and seductive maiden, 2 ) the protective
mother and 3) the lunar deity symbolizing wisdom and knowledge. Hearing the
desperate cries of Demeter, the goddess appears from the cave with a torch in
her hand (Phosphoros, that's why Hecate is also called "light bearer") and
promises to help her find her daughter kidnapped by Hades.
Although, like Artemis, Hecate is invoked by pregnant women and is a protector
of children as mentioned by Hesiod, the Greeks especially emphasize her
terrifying side. She causes madness and nightmares and maintains a close
connection with the night, the dog, the horse and the infernal beings she rules, all
of which are elements of the lunar regime of the imaginary. In the syncretism
period of Classical Antiquity, the image of Selene and Diana merged with that of
Hecate and, like them, a lunar and tenebrous symbolism gravitates around her,
that of the dark phases of the star, that is why she is also called “Hecate the
black one”. In the places where three roads intersect, the Greeks raise protective
statues, called Hekateia, against her spirits, and to obtain her goodwill, also at
the crossroads, torches are lit, various rituals are performed when the moon is
full and various offerings are offered.
Latin literature also abounds in theriomorphic female figures that will influence
the Christian imaginary of the witch and whose avian representations will form
9
Daniel Ogden (ed.), Magic, Witchcraft, and Ghosts in the Greek and Roman Worlds: a
sourcebook, Oxford University Press, 2002, p. 98.
10
Serenity Young, Women who fly. Goddesses, Witches, Mystics, and Other Airborne Females,
Oxford University Press, 2018, p. 159.
11
C. G. Jung, K. Kerenyi, The divine child. Divine Maiden (introduction to the essence of
mythology), Amarcord Publishing, Timișoara, Foreword byAdriana Babeți, translated by Daniela
Lițoiu and Constantin Jinga, 1994, p. 186.
L'Imaginaire de la guerre | 57
the basis of the charge of sabbath flight and cannibalism. Ovid describes a witch
named Dipsas who transforms into a night bird, and he also mentions, in the
Fasti, owl-like birds (strix), originally old women, who stole children and fed on
them. In Latin, the word strix is related to strigae meaning witches, mentioned in
the Satyricon of Petronius and existing also in the beliefs of the Germanic
peoples until the beginning of the Middle Ages. The source of such depictions
seems to be Lilith, originally a Mesopotamian demon (Lilitu) with an owl
appearance, closely related to the goddess Ishtar, then, in the scripture of Isaiah
(8th century BCE), where she appears as to an old woman and, according to the
first accounts in the midrashic tradition, she is the first wife of Adam,
disobedient, punished to have her children die as a result of mating with demons.
Subsequently, Lilith becomes a succubus in the Christian imaginary.
In addition to theriomorphic metamorphoses and cannibalism, flight acquires, in
the Christian imaginary, negative meanings like the goddesses who possess this
power. In Germanic mythology, Holda is another goddess considered a witch,
beginning in the Middle Ages. The goddess of heaven and earth, motherhood
and weaving, Holda accompanied the souls of the dead through the air (Wild
Ride or Wild Hunt), weeping, and the land over which she flew was believed to
yield a bountiful harvest.
Such accounts are all the more important, as they impose, in the collective
mentality, another representation of the witch. In addition to the young and
seductive posture of Circe, there is also the old one, devouring children, whose
avatars are Baba Cloanța and Muma Pădurii from Romanian folklore, Baba
Yaga from the Slavic anthropological imaginary.
II. The “Allies” of Satan and the “Crusade” against Witches
The war against witches is born from a conjuncture of several factors such as
war, “segregation of the sexes in traditional societies”12, climate changes (wet
and cold summers followed by frigid winters attributed to witchcraft), "the
increasing power of individual kingdoms and of the church (whose monasteries
preserved literacy and education), cultural shifts regarding sexuality and
concepts of womanhood". But we cannot deny the latent tensions between the
reminiscences of some pagan magical beliefs and the Christian clergy who, since
the beginning of the 4th century, during the time of Constantine the Great, had
made considerable efforts to eradicate them.
Christianity is hostile to magic and, implicitly, witchcraft, because, in its
understanding, they involve the idolization of demons and the manipulation of
occult forces that destabilize the order and natural development of things,
following the imposition of the sorcerer's will. All this contradicts the Christian
12
Wolfgang Behringer, Germany, the „mother of so many witches” and the center of persecution,
în Robert Muchembled (edit.), Magic and witchcraft in Europe from the Middle Ages to today,
Editura Humanitas, București, 1997, translation from French ny Maria and Cezar Ivănescu, p. 84.
58 | SYMBOLON 16
values that put the will of God in the foreground, the one who sets the course of
the whole existence and urges obedience, respect for his teachings.
In the Christian mentality, witches are par excellence the evil that must be
eliminated, the opponents of the Christian world and the servants of Satan -
derived from satanas, “enemy” in Hebrew -, himself the main opponent of Jesus.
Satan represents the ultimate evil and the subversion, perversion and mockery of
Christian behavior and rituals, his worship being the focal point of the entire
mythology propagated by the church during the witch-hunt period. All forces
foreign to God, including pagan deities, are attributed by early Christianity to
Satan, which led to the killing of officiants, the destruction of pre-Christian
altars and temples since the first decades of the 4th century13.
Also in the Middle Ages, around the year 900, the ecclesiastical text Canon
Episcopi, attributed to Regino of Prüm, abbot of a monastery in western
Germany, for the first time associates the goddess Diana with the devil and
spreads the image of groups of women led by her flying riding on animals, on
certain nights. The text denies the possibility of physical flight and considers it a
dream or illusion of devil-possessed women. In 1015, the same conception of the
nocturnal flight led by Diana and Herodias is taken up by Bishop Burchard of
Worms (south of Frankfurt) in Decretum – “an encyclopedic collection of
Church canons or regulations, which he and his assistants completed by 1023.”
Although in Antiquity there were no such processions dedicated to Diana, the
church superimposed the image of the Greek-Latin goddess with that of Berta
and Holda from Celtic and German folklore, launching, in the collective mind,
the representation of the horde of ghosts riding horses or other animals, led by
the deities demonized women, including Herodias. Such conceptions distorted
popular beliefs about the nocturnal flight of pre-Christian deities known as
queens in Italy and France, where they traveled with the "ladies of the night" to
people's homes to help them.
We must also take into account the role of the Renaissance in the spread of
prejudices about witchcraft with the valorization of Greco-Latin culture and the
rediscovery of another form of spirituality in harmony with nature and the laws
of the universe. Following the contact with Byzantium and especially with the
Arabs, “complex and sophisticated forms of magic rooted in Antiquity and
further elaborated over the intervening centuries” such as astrology, astral
magic, alchemy were introduced. To these is added the rediscovery of the
hermetic writings of Hermes Trismegistus, but also of the mystical and magical
Jewish tradition, the Kabbalah. Philosophers like Pico della Mirandola and
Marsilio Ficino “practiced and publicized their magic in the face of
Christianity's traditional hostility to any supernatural phenomenon beyond the
miracles ascribed to God and subsumed within the doctrine and rituals of the
13
Brian A. Pavlac, Witch Hunts in the Western World. Persecution and Punishment from the
Inquisition through the Salem Trials, Greenwood Press, Westport, Connecticut, London, 2009, p.
13.
L'Imaginaire de la guerre | 59
Church. They argued that their magic was fundamentally different from the
magical practices that the Church opposed. These had traditionally relied on
spirits, conscious incorporeal entities, which in Christian doctrine could only be
agents of God, angels, or demons (agents of the Devil); and, because God's
supernatural work was generally done through the Church, any independent
operator working through unapproved spiritual channels was almost certainly
working consciously or unconsciously with demons.”14 Also during the
Renaissance, necromancy practiced by elites and wealthy people reinforced fears
of a conspiracy with the devil and set the stage for witch-hunts.
Starting from 1430, theologians, priests, lawyers, moralists, doctors spread
textual testimonies about witches as devil worshipers that contribute to the
development of demonology – “works that explored and debated the
complexities of witchcraft and allied subjects in a systematic and theoretical
manner, providing guidance concerning what and what not to believe about
them.” Demonology reaches its maturity by 1580, so that it offers “lay judges,
Catholic or Protestant, a perfectly articulated body of doctrine, effective
techniques based on inquisitorial criminal procedures, while awakening in them
a great desire to purge a world haunted by subversion diabolical.”15
The idea of the witch's flight turns into an obsession for demonologists, so that
at the beginning of the 15th century, the ecclesiastical text Canon Episcopi is
subject to debate by those who believed that this flight was possible, not
imaginary16. The famous representation of the witch moving on a broom -
reminiscent of the flight of female deities - was born in the context of religious
and political tensions in the 15th century, especially in the center of the
ecumenical meetings of the Council of Basel (or Bâle, a city in the north western
Switzerland), held between 1431-1449, where clerics from all over Europe
raised the issue of the existence of a conspiracy cult of witches for the first time.
To these is added the conflict of 1440, between Pope Eugene IV and the rich and
influential Duke of Savoy, known as antipope Felix V, accused that the territory
governed by him (diocese of Lausanne) is inhabited by worshipers of the devil,
heretics and witches. In response, antipope Felix V starts the persecution against
Waldensian witches and heretics with the aim of reforming the Church, and his
secretary, Martin Le Franc writes the poem Le Champion des dames, in the
years 1440-1442. His manuscript provides the description of the witches'
abominable deeds on the sabbath - worshiping the devil in the form of a cat or a
goat, kissing the shame, practicing dangerous spells (maleficium), mating with
demons, but it is also important because it provides the first illustration of her
14
Richard M. Golden (edit.), op.cit., p. 701.
15
Robert Muchembled, Pământuri pline de contraste. Franța, Țările de Jos, Provinciile Unite, în
Robert Muchembled (edit.), Magia şi vrăjitoria în Europa din Evul Mediu până astăzi, Editura
Humanitas, București, 1997, traducere din franceză de Maria și Cezar Ivănescu, p. 111.
16
Edward Peters, Canon Episcopi, în Richard M. Golden (edit.), op.cit., p.164.
60 | SYMBOLON 16
flight on the broom's tail, which became inseparable, over time, from a visual
code of the witch.
The deformation of the attributes of the witches of the ancient world imposes, in
this period, a profile of the witch transformed into a cannibal, harming children,
adults and animals, destroying crops, sexually depraved, desecrating holy
symbols. In the fight against it, the main accusers are both Protestant and
Catholic priests, engaged in a fictitious mission to combat evil and issue a
warning to the faithful about the deeds of witches, through the treatises written
by them. Considered the most extensive early writing on witchcraft by an
ecclesiastical authority, the treatise Formicarius (1437–1438) is authored by the
German Dominican theologian Johannes Nider, also present at the Council of
Basel in which the existence of a sect of witches was affirmed. While not
denying men's involvement in magical practices, Nider warns that women are
more prone to witchcraft than men, with the devil tempting them more easily, as
he had done with Eve under the guise of the serpent.
But Johannes Nider is not the only ecclesiastical authority who had such
prejudices and fears about witchcraft as a female practice, evidenced by other
demonologists such as Jean Bodin, Martín Del Rio and Henri Boguet taking up
the examples of maleficium in his treatise. Nider's Formicarius proves a rich
source of inspiration for Henry Krämer, author of the most famous treatise on
demonology, the Malleus Maleficarum (1486) or Witches' Hammer. Popularized
by the common people through sermons, not missing from universities, courts,
monastic libraries and wherever the Latin language in which it is written is
known, the Malleus Maleficarum has major implications for the persecution of
witches and the shaping of conceptions about them. By the chosen title, Krämer
aims to place his text in the continuation of a tradition of inquisitorial manuals
that appeared at the beginning of the 15th century, especially those entitled The
Hammer of the Heretics and the Hammer of the Jews, and, for even greater
notoriety in the academic environment, the treaty is also signed by the humanist
researcher, Jacob or James Sprenger, dean of the University of Köln17. Krämer
refers to various biblical passages, to the texts of saints approved by the Church,
to ancient Greco-Latin authors and to various accounts in which witches were
involved. In the three parts of the work, the zealous Dominican inquisitor poses
the question of demonic sexuality to which women are especially inclined and
proves point by point that witches are seduced by incubi, lascivious animal
beings from the category of satyrs or fauns to the Romans, Pan to the Greeks and
Dusii to the Gauls18, manifestations of demons encountered in the forest. At the
17
Brian A. Pavlac, Witch Hunts in the Western World. Persecution and Punishment from the
Inquisition through the Salem Trials, Greenwood Press, Westport, Connecticut, London, 2009, p.
56.
18
Brian A. Pavlac, Witch Hunts in the Western World. Persecution and Punishment from the
Inquisition through the Salem Trials, Greenwood Press, Westport, Connecticut, London, 2009, p.
56.
L'Imaginaire de la guerre | 61
same time, according to Krämer who mentions William of Paris19, women with
long hair are particularly dangerous because they could attract incubi either
because of the beauty of their hair adornment or excessive concern for its care.
Thus, the inquisitor imposes in the collective mind the relationship between
female hair, sexuality and vanity, traits embodied by witches who, in many
cases, before being burned at the stake, were cut, which was equivalent to
depriving them of this terrifying magical force for men, but considered attractive
to the devil. Krämer establishes three types of witches, depending on the power
of each—injurious, healing, and a combination of the two—and devotes an
entire chapter to witches with meteorological powers that produce destructive
natural phenomena. Under the influence of Nider, the Dominican inquisitor also
creates the myth of the midwife-witch, responsible for abortion, the death of the
fetus in the mother's womb or at the moment of birth. Of course, midwives can
devour newborns like Lilith, prepare from their fat various ointments necessary
for flight or sacrifice them in the name of the devil: “No one does more harm to
the Catholic Faith than midwives. For when they do not kill children, then, as if
for some other purpose, they take them out of the room and, raising them up in
the air, offer them to devils.”
Krämer's book would prove to be the most influential treatise on demonology in
all of Europe, being reprinted between 1580-1669. Because of the strong
misogynist attitude promoted by Krämer, women in particular became the target
of the inquisitors in the following years in the area of Alsace, the city of Metz
and the area between the Rhine and the Moselle river. In 1491, in a letter
addressed to the city council of Nuremberg, Krämer himself confessed that he
would have sentenced to death more than two hundred witches. Later, in
Germany, ten Catholic bishops will be responsible for the burning at the stake of
over seven thousand people, 80% of whom will be women.
Apart from the Malleus Maleficarum, another treatise shaping the collective
imaginary about witchcraft is De laniis et phitonicis mulieribus (Cornering
Witches and Fortunetellers), published by Ulrich Molitor in 1489 and reprinted
in over twenty editions until 1669. The success of this treatise was due included
woodcuts, which made it much more accessible to the general public than
treatises written in Latin. The six woodcuts illustrated the evil actions of which
the witch was accused: bodily harm, embracing the devil - an allusion to sexual
relations with him - flying on forks, riding on the backs of wild animals (the
wolf), spells to change the weather, performed with the help of a cauldron in
which animals are boiled, the latter being the first representation of witchcraft as
a female practice, carried out in a group, with the help of the magic container20.
The artists of the late 15th and early 16th centuries prove to be particularly
receptive to the prejudices about the witch and her profile, put into circulation by
19
William of Paris was Dominican priest and theologian who was made inquisitor of France in
1303, and began a campaign against the Templars in 1307.
20
Charles Zika, Art and Visual Images, în Richard M. Golden (edit.), op.cit., p. 60
62 | SYMBOLON 16
the mentioned ecclesiastical figures. Around the year 1500, Dürer made the
engraving The Witch, in which the female character is an old woman flying on
the back of a goat, her body being positioned in the opposite direction of the
animal she is controlling, holding one of its horns with her hand. The work was
interpreted in relation to the sexual force of the sorceress represented, according
to Charmian Mesenzeva, on the model of Aphrodite Pandemos, of the earthly
Venus, the goddess of carnal desires and of the night21, surrounded by
ministering angels, putti. The witch's goat has the same meaning of carnal sin
with demonic origins, reminiscent of the cults of Dionysus and Priapus,
condemned by Christian dogma. Analyzing the meaning of the goat, Charles
Zika observed that the animal was not only a symbol of one of the seven vices,
perpetuated in the iconography of the late Middle Ages, but also a form of public
punishment for those who sexually misbehaved. In the Middle Ages, those who
disturbed the order of a community by violating some sexual principles, such as
women who dominated their husbands through their authority, were made to ride
on an animal. Probably with origins in this context of fear and sexuality
generated by the correlation between the devil, the witch and her nocturnal
flight, the expressions "hag-ridden" and "witch-ridden" appear in English, which
originally denoted such nightmares the so-called victims attacked by witches.
Denoting unbridled sexuality, the flight of the witch on the goat can also be
found in Albrecht Altdorfer's work Scene with witches (1506), close to the
image of the wild horde (Wild Ride) from mythology, but also in the woodcut
The Witches (1510) by Hans Baldung Grien. Under the influence of Dürer,
whose apprentice he had been in his workshop in Nuremberg, Baldung captures
four naked women gathered around a cauldron in the forest, probably practicing
necromantic rites, while another witch flies on a goat. Thus, the new visual
language of witchcraft at the end of the 15th century and the beginning of the
16th century involved, as Charles Zika points out, the idea of flying, of riding a
goat that modeled the image of the devil in the Christian mentality, a form of
partnership with it also sexual abandonment, to which is added the nocturnal
background, the desolate and evil place in nature, but also the forks, the
cauldron, the polony - objects specific to the female domestic universe.
III. Conclusions
So the fear caused by witchcraft actually hides feelings of revulsion towards
woman, considered the cause of man's fall into sin, for she is a much easier
target for Satan who takes advantage of her mental and moral weaknesses. The
whole persecution of witches seems like an odyssey in the Christian version, in
which the role of Odysseus, the enterprising, skillful and brave one, when it
comes to facing female temptations, is taken by the people of the Church,
lacking the talent of the mythological hero - basically peaceful, because he does
21
Charles Zika, The Appearance of Witchcraft. Print and visual culture in sixteenth-century
Europe, London and New York, Routledge, 2007, p. 29.
L'Imaginaire de la guerre | 63
not resort to violence, but "tames" the destructive feminine energies or finds
means to avoid them. Eager to punish an evil born of their own erotic phobias
and religious prejudices against women, the people of the Church aspire to
salvation, choosing, in fact, the path of torture and fire, not forgiveness and
compassion. The "evil" that must be exterminated is therefore the woman, either
young and seductive, with her hair in the wind, or old and hideous, beggar,
widow or child-devouring midwife to whom the Christian mentality transfers the
attributes of pagan female deities (Circe, Medea, Hecate, Diana , Holda, Lilith),
turned from mythological fictions into instruments of destruction, manipulated
from the shadows by Satan.
Bibliography
Braga, Corin, 10 studii de arhetipologie, ediția a II-a, Editura Dacia,
Cluj-Napoca, 2010.
Durand, Gilbert, Structuri antropologice ale imaginarului, București,
Editura Univers, 1977, traducere de Marcel Aderca, prefață și postfață de Radu
Toma.
Golden, Richard M. (ed.), Encyclopedia of Witchcraft. The Western
Tradition, Santa Barbara, California, ABC-Clio, 2006.
Guiley, Rosemary Ellen, The Encyclopedia of Witches, Witchcraft and
Wicca, Third Edition, Facts On File, 2008.
Jung, C. G., Kerenyi, K., Copilul divin. Fecioara divină (introducere în
esența mitologiei), Editura Amarcord, Timișoara, cuvânt înainte de Adriana
Babeți, traducere de Daniela Lițoiu și Constantin Jinga, 1994.
Krämer, Henry, Malleus Maleficarum, Global Grey 2021, translated in
English by Montague Summers in 1928,
https://www.globalgreyebooks.com/malleus-maleficarum-ebook.html
Muchembled, Robert (edit.), Magia şi vrăjitoria în Europa din Evul
Mediu până astăzi, Editura Humanitas, București, 1997, traducere din franceză
de Maria și Cezar Ivănescu.
Ogden, Daniel (ed.), Magic, Witchcraft, and Ghosts in the Greek and
Roman Worlds: a sourcebook, Oxford University Press, 2002.
Pavlac, Brian A., Witch Hunts in the Western World. Persecution and
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Westport, Connecticut, London, 2009.
Young, Serenity, Women who fly. Goddesses, Witches, Mystics, and
Other Airborne Females, Oxford University Press, 2018,
Zika, Charles, The Appearance of Witchcraft. Print and visual culture in
sixteenth-century Europe, London and New York, Routledge, 2007.
64 | SYMBOLON 16
Abstract.The 17th century was a period marked by wars in East Asia. The story about
ghosts, “Kangdo mongyu rok” interests us because it depicts a narration of female
victims of war of that time. In the speeches of ghost characters, human and female
suffering in the face of war is repeatedly expressed through the word “han”. The Han
schema thus represents a moral and ethical attitude in the face of human limits. The Han
is thus an aesthetic of the “Kangdo mongyu rok” story or even a specificity of the
Korean imagination.
1
L’auteur (ou les auteurs) est (sont) anonyme(s). Six versions différentes en sinogrammes ont été
rapportées jusqu’à présent. Une édition corrigée et améliorée a été présentée par le Pr. Hee-byŏng
Park en 2005 dans une compilation des textes littéraires classique, intitulée Han’gukhanmunsosŏl
kyohapkuhae (Séoul, Edition Somyung). À partir de cette version en sinogrammes, le Pr. Park
Hee-byŏng a élaboré une version en coréen moderne, publiée en 2013 dans Isanghan naraŭi kkum
(Les rêves du pays merveilleux), en collaboration avec le Pr. Kil-su Chŏng, (P’aju, Dolbaegae).
Nous avons consulté ces deux versions en sinogrammes et en coréen pour le présent article. Par
ailleurs, en 2009, une version transcrite en coréen (estimée vers 1862) a été ajoutée par Jeong-nyeo
Kim. Selon l’auteur, on ne connaît pas exactement l’année de l’écriture du texte mais on estime
qu’il aurait été écrit entre 1640 et 1644, juste après la seconde invasion mandchoue. Voir la note 3
de l’article de Jeong-nyeo Kim, « Newly-discovered Gangdo-mongyurok written in Korean and its
characteristics and value as a variant edition », The Research of Old Korean Novel, vol. 27, 2009,
p. 8 ; Pour une présentation du « Kangdo mongyu rok », voir : Hyun-sun Dang, « Réflexions à
propos d’un animus et d’un anima coréen : les deux figures fantomatiques du goblin tokkaebi et du
revenant kwisin », Echinox, vol.42, 2022, p. 309.
2
Enseignante de coréen à l’Université Lumière Lyon 2, qualifiée maître de conférences (Section
15 du CNU : langues, littératures et cultures asiatiques).
3
Doctorante en cours de préparation de thèse en littérature comparée à l’Université Lumière Lyon
2.
4
Guerre d’Imjin.
5
Guerre de Chŏngyu.
L'Imaginaire de la guerre | 65
ayant prêté main forte aux armées de la dynastie coréenne Chosŏn, la dynastie
chinoise Ming s’affaiblissait. Par ailleurs, le chef de la tribu mineure des
Jürchen6, Nurhaci (1559-1626), se proclama Khan des Jürchen en 1616 et fonda
ainsi la dynastie des Jin Postérieurs, puis mena la bataille de Sarhu en 16197
contre les Ming. Il envahit la péninsule coréenne en 16278. En 1636, le Khan
Hong Taiji (1592-1643)9 renomma la dynastie « Qing » et devint ainsi
l’empereur des Qing, puis attaqua une seconde fois les Chosŏn10 qui voyaient
cette dynastie d’un mauvais œil. La seconde invasion mandchoue est considérée
par les Coréens comme l’un des événements historiques les plus humiliants, car
à la suite de leur défaite contre les Qing, les Chosŏn en devinrent le vassal et
durent lui prêter allégeance et rendre hommage11 à l’empereur Qing. Les Chosŏn
méprisaient les tribus mandchoues, qu’ils considéraient comme des barbares et,
en vertu des valeurs confucianistes, voulaient rester fidèles envers la dynastie
Ming. La péninsule coréenne a ainsi subi des guerres à répétition pendant
environ un demi-siècle. Ces réalités historiques et psychiques du peuple coréen
se reflètent dans les textes littéraires de différentes manières, que ce soit à
travers la poésie, la prose ou le roman. Ces derniers représentent les mémoires
collectives ou ethniques, qui retracent fréquemment l’angoisse, l’horreur et la
souffrance du peuple.
Le genre littéraire mongyu rok12 est basé sur des événements historiques.
Cette forme littéraire a particulièrement fleuri au début de l’ère Chosŏn (1392-
1910). Sans doute le récit du rêve n’est-il le propre ni de la Corée ni de cette
époque précise, toujours est-il que la promenade onirique s’y est alors constituée
en un genre littéraire bien défini et largement pratiqué13. Il offre un indice
herméneutique symbolique pour interpréter une certaine réalité psychique du
6
Notons que les Mandchous sont les descendants des Jürchens (Nuchen ou Nüzhen), de la
dynastie Jin qui a duré de 1115 à 1234. La dynastie Qing fut fondée non pas par les Chinois Han
qui constituent la majorité de la population chinoise, mais par les Mandchous qui de nos jours ne
représentent plus qu’une minorité ethnique en Chine.
7
À cette bataille, les soldats de Chosŏn avaient été appelés au combat pour aider leurs alliés Ming.
Ces derniers subirent une défaite écrasante avec environ quatre à cinq mille prisonniers coréens.
Ce contexte historique a déjà été évoqué avec l’histoire biographique de la figure de « Kim Yong-
chŏl » dans Hyun-sun Dang, « Le sentiment ethnique coréen, han, et sa fonction de guérison
psychosociale dans le contexte historique de l’Asie de l’Est du XVIIe siècle », Echinox, n°40,
2021, p.185-198. Il y est question de l’imaginaire collectif et du sentiment coréen.
8
Guerre de Chŏngmyo ou première invasion manchoue.
9
Il fut Khan de la dynastie des Jin Postérieurs (1626–1636) puis empereur de la dynastie des Qing
(1636–1643).
10
Guerre de Pyŏngja ou seconde invasion manchoue.
11
Hong Taiji obligea la dynastie coréenne Chosŏn de construire un monument marquant sa
soumission à la dynastie Qing en 1636. Son nom original était « 大淸皇帝功德碑 », ce qui
signifie la stèle aux mérites et vertus de l’Empereur des Grands Qing.
12
Écrits sur la Promenade onirique.
13
Dong-il Cho et Daniel Bouchez, Histoire de la littérature coréenne: des origines à 1919, Paris,
Fayard, 2002, p. 200.
66 | SYMBOLON 16
peuple coréen transposée dans une réalité historique à travers les rêves. Le terme
“mong” désigne le rêve. Ce dernier fonctionne dans les récits à la fois comme un
outil fantasmagorique et comme une « technique narrative »14 parce que le
schéma onirique opère comme l’« art de faire venir sur la scène publique des
fantômes »15. Le caractère onirique du mongyu rok permet à la narration d’«
aborder par le biais de la fiction un sujet tabou, […] à une époque où celui-ci
n’avait pas encore été officiellement réhabilité »16. Il permet également à
l’auteur de révéler une vérité qui se cache derrière une situation réelle en la
remodelant avec une certaine liberté et en lui donnant une nouvelle perspective.
Le mongyu rok se caractérise ainsi comme un genre onirique transmettant la
conscience de l’auteur (des auteurs) anonyme(s). Autrement dit, le schéma
fantastique et onirique opère pour exprimer la conscience de l’auteur (des
auteurs) qui se confronte à la réalité ou pour exprimer sa critique ou sa colère
envers la société, en d’autres termes : son intention politique17.
Cet article tâchera donc d’observer le décalage entre une réalité
historique et une vérité historique représentée par les rêves, puis d’interpréter les
sens cachés à travers les sentiments et les émotions exprimés par les
personnages. Sur ce point-là, l’« imaginaire »18 coréen peut être relevé au niveau
collectif, qu’il soit conscient ou inconscient, en considérant le peuple coréen
comme une entité qui partage le même destin historique dans un contexte de
guerre. Considérons l’identité culturelle comme le « résultat d’un processus
historique de longue durée, qui suppose des alluvions et des décantations aux
cours des générations. (…) le sentiment d’appartenance à un groupe a des
racines profondes dans la conscience et l’inconscient des individus »19. Afin de
révéler ce schéma psychique, le terme han étudié dans cet article est l’un des
marqueurs identitaires à partir duquel l’état psychologique des personnages sera
14
Voir le terme de Jean Bellemin-Noël, « Notes sur le fantastique (textes de Théophile Gautier) »,
Littérature, n°08, Le fantastique, Décembre 1972, p. 4 (note 1).
15
Dong-il Cho et Daniel Bouchez, p. 200.
16
Ibid.
17
Vincent Durand-Dastès et Rainier Lanselle caractérisent le récit de rêve en Asie orientale
comme « une éblouissante tradition mantique ». Voir « Le récit de rêve en Asie orientale : langues
et genres », Extrême-Orient, Extrême-Occident, vol.42, Récits de rêve en Asie orientale, 2018, p.
5 ; Sur ce point, nous soulignons ici la dimension politique dans le genre mongyu rok, soulignée
par Seung-mok Yang, « A New Situation of The Mongyurok related with the War in the 17th
century : A Case of Work what Embodied Dead », Journal of Dong-ak Language and Literature
(dongak), n°64, 2015, p. 228.
18
Nous retenons la définition d’imaginaire comme un « ensemble de productions, mentales ou
matérialisées dans des œuvres, à base d’images visuelles (tableau, dessin, photographie) et
langagières (métaphore, symbole, récit), formant des ensembles cohérents et dynamiques, qui
relèvent d’une fonction symbolique au sens d’un emboîtement de sens propres et figurés », dans
Jean-Jacques Wunenburger, L’imaginaire, PUF, 2003, p. 10.
19
Introduction, Echinox, vol.40, Auto-images et représentations de soi. I. Identités collectives,
2021, p. 8.
L'Imaginaire de la guerre | 67
interprété, à savoir que le han est expliqué comme « une blessure à vif ou une
trace ineffaçable, toujours vive dans le cœur »20.
Il est intéressant de noter que les narrateurs ou les personnages
principaux dans les récits du mongyu rok sont des morts, des fantômes, des
esprits ou des revenants, dits en sinogrammes « (kwi) », « (kwisin) », à savoir
qu’« être gui (kwi), c’est se situer en un point précis d’un devenir post-mortem
de la personne humaine »21, ou encore « (wŏnhon) », traduit comme « âme en
peine et en grief »22. Le motif de wŏnhon est représenté, quel que soit le genre,
comme le « (wŏngwi) », défini comme « mânes d’une personne morte victime
d’une injustice »23. D’après la spécialiste de la littérature classique coréenne Jin-
ok Kang 24, l’apparition de l’esprit d’une personne morte d’une façon injuste est
une revendication détournée de son existence. La revendication du soi de la
minorité sociale et des marginaux non autorisés à posséder un langage officiel et
direct s’effectue par le moyen extrême qu’est l’apparition d’un revenant. Il est
important ici de souligner que les revenants apparaissent souvent comme des
femmes dans les romans classiques et les contes oraux liés au thème du suicide
dans la littérature coréenne. L’apparition des revenants dont le schéma narratif
ne se réalise qu’au travers d’un récit fantasmatique ou onirique montre que
l’oppression imposée aux femmes repose sur un système social invisiblement
absurde, dont le fondement solide ne peut être nié25. La narration des revenants
renverse ainsi le paradigme de la réalité du monde extérieur. Le fantastique est
non seulement « une manière de raconter »26 mais aussi « une révolte contre le
désenchantement du monde, un effort pour introduire un supplément indéfini de
sens dans l’expérience humaine »27. Comment interpréter l’association des
figures de revenants féminins kwisin et du caractère narratif onirique dans le
genre mongyu rok qui produisent une certaine « inquiétante étrangeté »28 et un
monde irréel et grotesque ?
20
Hee-kyung Lee, « Concept du Han », Revue de Corée, vol. 28, no. 2, décembre 1996, p. 55.
21
Marie Laureillard et Vincent Durand-Dastès (dir.), Avant-propos, Fantômes dans l’Extrême-
Orient d’hier et d’aujourd’hui -Tome1, Inalco Presses, p. 8.
22
Ibid.
23
https://chinesereferenceshelf-brillonline-com.proxy-sigb.college-de-france.fr/grand-
ricci/entries/12131?highlight=%E5%AF%83%E9%AC%BC [consulté le 14 novembre 2022]
24
Jin-ok Kang, « A study on characteristics of stories of unfulfilled wishes discourse », Journal of
Korean Classical Literature, vol. 22, 2002, p. 51.
25
Key-sook Choe, « Producing Process of the Female-Ghosts into the Others and their Cultural
Position as Subalterns Portrayed in the Korean Classical Novels -Based on the Statistical Analysis
of the Korean Classical Novels related with “committing suicide story” and "female” », The
Research of Old Korean Novel, vol. 22, 2006, p. 341.
26
Jean Bellemin-Noël, « Notes sur le fantastique », Littérature, No. 8, Le fantastique, Armand
Colin, Décembre 1972, p.3. https://www.jstor.org/stable/41704299 [consulté le 07//11/2022]
27
Michel Viegnes (dir.), Le fantastique, Paris, Flammarion, 2019, p. 45.
28
Sigmund Freud, L’inquiétante étrangeté, Paris, Gallimard, 1985.
68 | SYMBOLON 16
Il faudrait préciser ici que la tradition des mongyu rok remonte au XVe
siècle29, avec Kŭmo Shinhwa30 du lettré errant Kim Si-sŭp (1435-1493). Inspiré
par la littérature fantastique chinoise, Jiandeng xinhua (1378)31 de Qu You
(1341-1427), Kim Si-sŭp convoque dans cinq nouvelles des éléments irréels et
fantastiques comme l’enfer chŏsŭng 저승, le palais du dragon yonggung, ou
encore les esprits kwisin. Parmi ces nouvelles, deux32 ont pour sujet une idylle
avec une morte. Les deux dernières relatent des voyages dans des rêves. La
troisième nouvelle combine deux caractères, l’amour fantomatique et la
promenade onirique. Ces univers romantico-fantomatiques permettent
d’accomplir soit l’amour, soit des aspirations impossibles ici-bas ou dans la
réalité. Les femmes-fantômes qui sont mortes tragiquement sont des wŏngwi,
dont le ressentiment est l’une caractéristiques principales. Suivant les valeurs
confucianistes de l’époque Koryŏ, le rôle de la femme, bien qu’actif, est limité à
sa loyauté envers sa famille ou son conjoint.
En partageant les caractères onirique et fantomatique avec Kŭmo
Shinhwa, les mongnyu rok du XVIIe siècle font également partie de la tradition
littéraire onirique classique. Leur plus grande différence réside en ce qu’ils
reflètent la guerre. L’imaginaire onirique ne constitue pas un récit d’amour
romantique mais plutôt un récit historique critique de la guerre et de ses
victimes. Par conséquent, les personnages historiques qui y apparaissent sont
déjà morts. Ils sont des victimes de la guerre. Mourir de façon injuste est ainsi
directement liée à la guerre.
29
Les écrits ont continué jusqu’au début du XXe siècle.
30
Nouvelles histoires du mont de la Tortue d’or. Voir pour sa présentation : Cho et Bouchez, p.
203-204 ; Min sook Wang-Le et Frédéric Wang, « L’univers fantasmagorique dans le Geumo
sinhwa (Nouveaux Contes du mont de la Tortue d’or) » de Kim Si-seup (1435-1493), dans
Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui-Tome 1, dir. Marie Laureillard et
Vincent Durand-Dastés, Paris, Presses de l’Inalco, 2017.
31
Nouveau contes écrits en mouchant la chandelle
32
Manboksajŏp’ogi (Le jeu de dés dans le temple des dix mille bonheurs) et Yisaenggyujangjŏn
(Le lettré Yi guettant à la dérobée une maison à travers le mur).
33
Par exemple, au IXe siècle, le royaume de Silla (57 av. J.-C. - 935 ap. J.-C.) y établit une
garnison pour combattre les pirates. Au XIIIe siècle, la cour de la dynastie de Koryŏ (918-1392) se
réfugie sur l’île au moment de l’invasion des forces mongoles (1232). À l’époque de Chosŏn
L'Imaginaire de la guerre | 69
Pour comprendre le contexte historique, l’île de Kanghwa était l’un des deux
lieux d’une bataille acharnée. Le second était la forteresse Namhan36, où le roi
Injo (règ. 1623-1649) s’était réfugié pour lutter contre l’armée Qing car la voie
qui menait à l’île de Kanghwa était bloquée par l’ennemi. Le roi Injo avait pris
position dans la citadelle Namhan le 19 janvier et l’armée Qing avait débarqué
sur l’île de Kanghwa dès l’aube du 22 janvier37. La forteresse de l’île tomba
l’après-midi du même jour. L’histoire officielle d’Injo sillok38 rapporte que les
ministres de haut rang et leurs familles se sont suicidés ce jour-là sous la
contrainte ou pour préserver leur honneur. Le récit de ces morts résonne chez le
peuple coréen non seulement comme une tragédie nationale et une honte
populaire.
(1392-1910), l’île de Kanghwa était l’une des principales bases militaires pour défendre la
périphérie de la capitale de l’époque, Hanyang (Séoul d’aujourd’hui).
34
Le 28 décembre 1636.
35
Co-traduit par Hyun-sun Dang et Arefeh Hosseini, « Kangdo mongnyurok » (Voyage en rêve
sur l’île de Kanghwa). Dans cet article, le titre du texte sera indiqué en abréviation « KM ». Pour
le texte original (en sinogrammes), abréviation « 江夢 ». Voir la note 1.
36
« Namhansansŏng » en coréen. Cette mémoire historique a été romancée par l’écrivain Hun Kim
(1948- ) en 2007, intitulée Namhansansŏng, et mise en scène pour le cinéma en 2017 par le
réalisateur Dong-hyeok Hwang à partir du roman de Hun Kim.
37
Les circonstances de la capitulation bien détaillées dans Injosillok, vol.34, quinzième année du
règne d’Injo, le 22 janvier : http://sillok.history.go.kr/id/wpa_11501022_008,
https://sillok.history.go.kr/id/wpa_11501022_009 [consulté le 16/12/2022].
38
Injo sillok fait partie des « Annales de règne de la dynastie des Yi du Chosŏn » ou « Chosŏn
Wangjo Sillok ». Voir Nam‑lin Hur. “Veritable Records (Sillok) of the Chosŏn Dynasty”. Nathalie
Kouamé, et al.. Encyclopédie des historiographies: Afriques, Amériques, Asies : Volume 1 :
sources et genres historiques (Tome 1 et Tome 2). Paris : Presses de l’Inalco, 2020, p. 1918-1931)
Web. <http://books.openedition.org/pressesinalco/34296>. [consulté le 22/11/2022].
70 | SYMBOLON 16
39
Hyun-soul Cho, « Solidarity of others and mutual subjectivity in 17th novel », Journal of Korean
Literature, vol.19, 2009, p. 9.
40
Ibid., p.10.
41
Lucien Boia, « Histoire et Imaginaire », dans Introduction aux méthodologies de l’Imaginaire,
sous la direction de Joël Thomas, Ellipses, 1998, p. 261.
42
KM, p. 82-83.
43
Ibid., p. 95.
44
Jeong-suk Kim, « The Study on Gui-shin and ghost story in Choson dynasty », (HACE), vol. 21,
2008, p. 563.
45
KM, p. 83.
L'Imaginaire de la guerre | 71
Les revenantes sont considérées en général comme des « victimes qui n’ont
pas eu une mort convenable, et qui reviennent obsessionnellement au même
endroit »46 . Quant au « Kangdo mongyu rok », les personnages de revenantes se
réunissent pour manifester leurs sentiments d’injustice, de colère et de tristesse
en tant que victimes de la guerre. Au drame s’ajoute les lamentations nourries
par un amer sentiment dû à l’angoisse de leur mort. Le seul à entendre leur
souffrance est le moine bouddhiste Ch’ŏng-hŏ déjà évoqué plus haut, dont le
caractère est ainsi décrit : « doté d’un cœur généreux, il était si bon et affectueux
qu’il ne négligeait jamais la souffrance des autres »47. Il est également quelqu’un
qui a « le cœur rempli de pitié pour s’occuper des cadavres abandonnés »48. Les
revenantes apparaissent dans les rêves de Ch’ŏng-hŏ alors qu’il entend les
discours de ces kwisin et leurs souffrances.
46
Sang-soon Kang, « The Types of Guishin and Its Historical Transformation in the Period of
Joseon Dynasty », The Studies of Korean Language and Literature, vol. 38, 2010, p. 152.
47
KM, p. 81.
48
Ibid., p. 82.
49
Se référer aux notes de la version coréenne de KM.
72 | SYMBOLON 16
Premi (1571- mon mari n’était pas à la hauteur de sa tâche ! Il fils Kim Kyŏng-
ère 1680)50, ne pouvait qu’être tué. Il est mort à cause de sa jing
dame Mère de propre négligence, mais notre enfant était
Kim innocent ! Ah ! Je n’ai guère de rancune, car
Kyŏng- mon suicide volontaire était inscrit dans mon
jing destin. (…) Pas un seul jour, je ne peux oublier
(1589- mon ressentiment, car il pèse trop lourd sur
1637)51 mon cœur.”
Madame “Il est tout à fait normal que mon mari n’ait pas Critique envers
Park, réussi à défendre l’île de Kanghwa, car se d’autres
② Épouse de méprenant sur ses capacités réelles, il a endossé responsables
Kim seul une responsabilité trop importante. (…) politiques ainsi
Kyŏng- Mais est-il juste que le Vice-magistrat militaire que son mari Kim
Deuxi jing Lee Min-goo ait été le seul à survivre, alors Kyŏng-jing ;
ème même qu’il avait les mêmes responsabilités et a défense de son
dame montré les mêmes manquements que mon mari mari et pitié pour
? (…) comment pourrais-je ne pas garder son beau- père
rancune de l’exécution de mon pauvre mari ?
Hélas, je ne regretterai pas ma mort, mais
mon beau-père, inconsolable, a perdu quant à
lui son enfant pour toujours. La rancœur des
vivants n’est-elle pas la même que celle des
morts ?”
Madame “(…) nous avons tous deux fait vœu de partager Inquiétude pour
Han, ensemble la richesse et la gloire, mais la guerre son mari
③ cousine de imprévisible a détruit notre famille. Pauvre
la reine destinée que la mienne ! Je ne peux désormais
Inyŏl plus rien pour mon mari face au destin, car mon
Troisi (1594- âme s’est déjà bien éloignée de ce monde après
ème 1635) s’être séparée de mon enveloppe charnelle !
dame Mon mari a survécu seul, mais il continue de
subir les orages de la vie. Il a perdu ses parents
à cause de sa négligence. Même mon âme ne
peut se défaire de sa tristesse et de sa
souffrance.”
Grande “Si ma mort est injuste autant que celle des Critique sur
sœur de la autres, alors ma fidélité et mon intégrité se l’idéologie
④ reine, révéleront d’elles-mêmes et ensoleilleront mon confucianiste qui
épouse de âme. Pourtant, mon imbécile de fils m’a contraint à la
Jŏng contrainte à me suicider, avant même que je ne chasteté
Quatr Baek- sois attaquée par une lame ennemie. Et je suis
ième ch’ang blâmée pour ce suicide forcé ! Dans le Monde
dame (1588- des Morts, ma fidélité contrainte me vaut
50
Chancelier et Chef des armées de Chosŏn. Il a été également le Magistrat militaire de l’île de
Kanghwa.
51
Fils de Kim Ryu.
L'Imaginaire de la guerre | 73
52
Yŏmna, le Roi du Monde Souterrain juge les morts pour décider leur destination après la mort,
soit au Paradis soit à l’Enfer. Il dit que : « J’estime grandement ces individus, car ils ont vécu avec
loyauté et fidélité, valeurs de première importance pour nous. Nous autorisons donc l’entrée au
Paradis à ceux qui ont fait preuve de loyauté et de dévouement. », KM, p. 100.
53
1560-1627: Haut fonctionnaire lettré durant l’époque du quatorzième roi Sŏnjo (1567-1608) et
du quinzième roi Kwanghae (1608-1623) de la dynastie Joseon. En 1618, l’année où la dynastie
Ming a envahi la Mandchourie (le Jin Postérieur), il dirigea treize mille soldats à la bataille de
Sarhu. Finalement il retourna à Chosŏn pendant la deuxième invasion manchoue pour organiser les
pourparlers de paix [avec l’ennemi Qing] durant l’année Chŏngmyo (1627) mais fut accusé de
trahison et privé du titre officiel.
54
Pascal Dayez-Burgeon, Histoire de la Corée: des origines à nos jours, Paris, Tallandier, 2012,
p. 86.
55
Publié en 9e année du règne du roi Kwanghae, 18 volumes, 18 livres, ouvrage xylographique. La
suite du Samgang haengsil, La conduite suivant les trois liens), publié en 1432 pendant le règne de
Se-jong (1418-1450), un manuel illustré présentant des modèles de vertus prônées par le
néoconfucianisme.
56
Kyung-nam Jang, « Virtuous Women Disourse in 17th Century and Fictitious Action », Journal
of Korean Literary History, 2011, p. 110.
L'Imaginaire de la guerre | 77
issu d’une famille noble ; il s’agit de la dernière dame (⑮), courtisane kisaeng et
comparable aux « chi-nü chinoises, aux geisha-s japonaises »57. Les kisaeng
dansaient et chantaient aux banquets de la Cour et lors des festivités nationales.
En tant que femme d’agrément chargée de divertir une compagnie masculine
lors de réceptions, leur statut social est l’un des plus dépréciés. La fidélité
conjugale ilbu jongsa signifiant que « la femme doit servir un seul homme dans
sa vie » n’a donc pas le même sens pour les kisaeng que pour les femmes de la
classe dirigeante. Pour ces dernières, préserver leur chasteté était une obligation
familiale ou une vertu imposée par la société alors que pour les kisaeng, ce
n’était qu’un choix volontaire. Pour cette raison, le discours de la huitième dame
qui est une kisaeng célèbre est significatif : elle avait décidé un jour « de se
consacrer fidèlement et avec constance à un seul homme »58. Au moment de la
crise, elle choisit de mourir par fidélité. Elle se félicite finalement d’avoir voulu
mourir avec les femmes respectables en glorifiant leur mort et en affirmant leur
fidélité et leur loyauté. Ainsi, son discours résonne dans le cœur des lecteurs et
les émeut.
À partir de ces différents points, il semble que le ou les auteur(s), sous
l’influence de valeurs éthiques et morales de l’époque, moralise(nt) à travers un
prisme d’enseignements confucianistes. Pourtant, la complexité du texte se
rencontre dans les voix d’autres femmes. En tant qu’épouses, les troisième et
onzième dames ne critiquent pas leur mari mais se lamentent plutôt pour eux
avec amour et affection. Plus précisément, la troisième dame s’apitoie d’abord
sur son propre sort en montrant sa souffrance pour son mari qui reste vivant mais
seul : ce dernier a même perdu ses parents pendant la guerre. Elle plaint ainsi
son mari avec pitié et empathie. La onzième dame, quant à elle, ne regrette pas
sa mort, résultat du destin, contrairement aux autres femmes. Pour elle, c’était
une décision honorable de se jeter du haut d’un rocher. Elle a toutefois de la
rancœur pour son mari qui s’est suicidé en se jetant dans un feu grégeois. En
effet, la mort de son mari est pour elle injuste puisqu’il n’avait aucune
responsabilité publique.
Les quatrième et septième dames laissent éclater leur indignation : l’une,
contrainte par son fils, a dû se suicider tandis que l’autre, poussée par son fils, a
dû fuir à l’île de Kanghwa ce qui l’a conduite vers une mort certaine. Ces deux
femmes blâment leur fils pour leur mort, dont ils sont les premiers responsables.
Cela montre que la vie des femmes dépendait alors de la décision de leur fils.
Par ailleurs, la sixième dame montre ses sentiments d’injustice et d’affection en
blâmant son beau-père qui n’a pas assumé sa responsabilité de chargé de la
défense de l’île de Kanghwa. Elle ose ainsi critiquer son beau-père. Ces trois
femmes révèlent l’hypocrisie et l’irresponsabilité de la classe dirigeante
masculine dans la défaite et par conséquent, l’absurdité de l’idéologie patriarcale
confucianiste.
Soulignons que les quinze revenantes expriment de la souffrance dans leur
discours, quel que soit le motif, la cause ou le contexte de leur mort. Cette
57
Byong-won Lee, « L’évolution du rôle et du statut des kisaeng en Corée », The World of Music,
Vol.21, No.2, 1979, p. 83.
58
KM, p. 103.
78 | SYMBOLON 16
D’une part, elle admet ne plus avoir de han en affirmant que son suicide est
volontaire. D’autre part, elle éprouve du han pour son fils car son péché et sa
mort sont injustes et elle en tient son mari pour responsable. Le han est ainsi
traduit dans le discours ci-dessus tantôt par « rancune », tantôt par
« ressentiment ». Pourtant, la rancune et le han sont subtilement différents : si la
première est intentionnelle et cible un objet particulier, l’autre est dépourvu
d’intention ou d’objet intentionnel61. Concernant le ressentiment, d’après le
psychologue Hee-kyung Lee, il a une origine commune avec le han, car les deux
expriment « l’incapacité intrinsèque de la victime à réagir face à son agresseur.
Pourtant, les relations entre la victime et son agresseur sont fondamentalement
différentes. Le ressentiment, de par sa nature, suppose l’implication de
59
Le mot « 恨 » existe non seulement en Corée mais aussi en Chine et au Japon. D’après le Grand
Dictionnaire Ricci, ce mot désigne littéralement « haïr ; avoir en aversion ; détester. Haine ;
aversion ; hostilité ; ressentiment. Regretter ; s’en vouloir de ; se repentir de. Regret. Résister ; se
rebeller. Dans le Bouddhisme, haine, l’une des six souillures », https://chinesereferenceshelf-
brillonline-com.proxy-sigb.college-de-france.fr/grand-ricci/entries/3440?highlight=%E6%81%A8
[Consulté le 14/12 /2022] ; Shim Jung-soon cite un passage du poète coréen Ko Eun: « Similarly
the Chinese word Hen carries the meaning of extreme anger, hatred, and cursing; and in Japanese
En means vengeful hatred. All of these Asian concepts share some similarities with Han but are
not quite identical with it », dans « The Shaman and the Epic Theatre: the Nature of Han in the
Korean Theatre », New Theatre Quarterly, vol. 20, no. 3, août 2004, p. 216.
60
Co-traduit par Hyun-sun Dang et Arefeh Hosseini.
61
Chŏng, Tae-hyŏn, « Hanŭi kaenyŏmjŏk kujo (La structure du concept du Han) », Han’gugŏ wa
ch’ŏrhak chŏk punsŏk, (La langue coréenne et l’analyse philosophique) Séoul, Ihwa yŏja
taehakkyo ch’ulp’anbu, 1985, p. 70.
L'Imaginaire de la guerre | 79
personnes ayant des statuts plus ou moins égaux, tandis que le han suppose une
complète impuissance de la victime vis-à-vis de son agresseur »62.
Concentrons-nous maintenant sur le discours de la quatorzième dame, dans
lequel le mot han apparaît le plus grand nombre de fois, à savoir quatre fois63.
« Il m’a autorisée à rejoindre le Paradis pour mon bien-être
éternel, quelle raison aurais-je de regretter d’être morte aussi
jeune ? Mais la séparation d’avec mes parents âgés, aux cheveux
blancs, et mon si jeune époux, tous à peine remis de la rubéole,
m’attriste. J’entends la complainte mélancolique du kŏmungo64 et
du bipa65, et je contemple en pensée mon village natal, alors que
mes larmes ne tarissent jamais et que ma tristesse ne fait que
croître, quelle qu’en soit la saison, qu’il pleuve sur les paulownias
ou que la brise printanière ébouriffe les pivoines. J’ai réalisé que
mon suicide n’est ni de la piété filiale ni un acte vertueux car j’ai
déserté mes parents et mon mari. Las, comment puis-je avouer mon
péché et dire toute ma culpabilité ?” »66
62
Lee Hee-kyung, « Concept du Han », Revue de Corée, vol. 28, no. 2, décembre 1996, p. 59.
63
Le mon han apparaît ainsi : ① (2), ⑤ (1), ⑧ (2), ⑨ (2), ⑩ (1), ⑭ (4), ⑮ (1).
64
Un instrument musical, sorte de cithare à six cordes pincées ou frappées à l’aide d’une baguette
en bois ou d’un type de dé.
65
Un instrument d’origine chinoise, sorte de luth à caisse piriforme, à manche droit et court, dont
les quatre ou cinq cordes peuvent être pincées à l’aide d’une baguette de bois ou d’une sorte de dé
comme le kŏmungo ; tous deux auraient été utilisés en Corée dès le Ier siècle av. J.-C.
66
Co-traduit par Hyun-sun Dang et Arefeh Hosseini.
67
D’après Sigmund Freud : La mélancolie « se caractérise du point de vue psychique par une
dépression profondément douloureuse, une suspension de l’intérêt pour le monde extérieur, la
perte de la capacité d’aimer, l’inhibition de toute activité et la diminution du sentiment d’estime de
soi se manifeste en des auto-reproches et des auto-injures et va jusqu’à l’attente délirante du
châtiment », dans Métapsychologie [1968], trad. Jean Laplanche et J.-B. Pontalis, Paris, Gallimard,
1986, p. 146‑147.
68
Lee, « Concept du Han », p. 78.
80 | SYMBOLON 16
Conclusion
Dans une situation de guerre, les femmes présentent une plus grande
vulnérabilité par rapport aux hommes, aussi bien hier que de nos jours, puisqu’
« elles peuvent devenir les cibles privilégiées de la cruauté de l’ennemi »70.
Comme nous l’avons vu avec le récit « Kangdo mongyu rok », le cas coréen n’y
fait pas exception. Les victimes apparaissent en fantômes, kwisin ou wŏngwi
pour exprimer leurs pensées et sentiments, occultés et tabous dans l’histoire
officielle de leur vivant. Même si certaines de ces femmes fantômes sont
fatalistes et optimistes envers leur mort, leurs fins n’en sont pas moins injustes
ou tragiques. Au XVIIe siècle, le suicide pour préserver sa chasteté était très
fréquent chez les femmes, dans la littérature mais aussi dans la réalité ; il avait
donc une valeur éthique et morale positive à l’époque. Ainsi, « la vulnérabilité
des femmes tient cependant au fait qu’elles sont exposées à une répression qui
les vise spécifiquement à travers leur corps. (…) [Ceci en raison du] risque de
“perdre son honneur” qui rend la réinsertion sociale impossible […] »71. Cette
situation n’est pas une exception en Corée et s’observe fréquemment dans
l’histoire humaine toutes époques confondues.
Par ailleurs, le présent article a tenté de mettre en lumière une
particularité coréenne au sujet de la souffrance humaine et féminine en temps de
guerre, à travers le mot « han », énoncé sans relâche dans les discours des
personnages du texte « Kangdo mongyu rok ». Afin d’y parvenir, nous avons
d’abord longuement explicité le contexte historique du XVIIe siècle, ainsi que
d’autres circonstances telles que la condition féminine de l’époque de la dynastie
Chosŏn et la situation politique et diplomatique autour de la guerre en Asie de
l’Est. Nous avons également abordé certaines caractéristiques du genre littéraire
mongyu rok qui permettent d’entendre la voix des femmes dans un cadre
onirique, ainsi que le sens sociologique de la figure de la revenante kwisin, ou
encore l’idéologie patriarcale et le système confucianistes justifiant l’oppression
des femmes qui ne forment alors qu’une minorité sociale. Ces particularités
forment une constellation historico-culturelle spécifiquement coréenne. Cet
69
Sang-chin Choi, Han'guginŭi simnihak (La psychologie du peuple coréen), Séoul, Hakjisa,
2011, p. 80.
70
Lætitia Bucaille, « Femmes à la guerre. Égalité, sexe et violence », Critique internationale, vol.
60, no. 3, 2013, p. 9.
71
Ibid., p. 17.
L'Imaginaire de la guerre | 81
72
Gilbert Durand le définit comme « difficilement saisissable par un moyen direct, généralement
est un concept complexe ou une idée abstraite. Donné avant le signifiant » dans le Tableau N°1.-
Les modes de connaissance indirecte, L’imagination symbolique, PUF, 2008 [1964], p.19
73
Claude Lévi-Strauss, Anthropologie structurale [1958], Paris, Plon, 1974, p. 232.
74
Une étude comparative soit avec le cas japonais soit avec le cas chinois sera un des prochains
projets d’étude, qui dépassait l’objectif du présent article.
75
Mircea Eliade, Images et symboles : essais sur le symbolisme magico-religieux [1952], Paris,
Gallimard, 1979, p.165.
76
Gilbert Durand, Les structures anthropologiques de l’imaginaire, p. 201. Voir également la
sous-section (ii-c. Symbole diaïrétiques) de la première section de Partie II-Chapitre II. Cette
image symbolique a été évoquée en tant qu’« élément de l’idéal de pureté » par Gaston Bachelard,
dans L’eau et les rêves: essai sur l’imagination de la matière, Paris, J. Corti, 1942, p. 182.
82 | SYMBOLON 16
La guerre en tant que vertige exalte Roger Caillois. Cela, au cours de l’heureuse
saison du Collège de Sociologie partagée avec Michel Leiris et Georges Bataille
avec qui il développe ses études sur la logique de l’excès, de la dépense et du
sacré. Et, en effet, le sacré semble être à l’origine de la notion de guerre tel un
excès et une gratuité sans limite, célébrée dans les années 1937-1939, à la veille
du second conflit mondial, en tant que fureur dionysiaque, enthousiasme,
régénération. Un enthousiasme qui trouve son expression dans les conférences
tenues par Caillois au sein du Collège et qui atteint son manifeste cinglant dans
Le vent d’hiver (1937)1, repris dans une certaine mesure quelques années après
dans La Communion des fortes (1942)2, au cœur duquel trône un texte intitulé
justement « Vertiges ». Entre-temps, toutefois, la guerre a eu lieu. Tout a
changé. Le monde a changé, l’histoire a changé, Caillois même a changé et, face
à la guerre, il exprime une démarche nouvelle, plus consciente, plus lucide, plus
désenchantée. La guerre, plus que vertige, commence à lui sembler un
mécanisme – anonyme et rigide, qui règle le cours des États, des sociétés, de la
civilisation. Une nécessité mécanique et déterministe à laquelle personne ne peut
se soustraire. Une force glisseuse qui s’empare de l’histoire, imprimant son
inertie aux hommes et à leur destin, les condamnant à une ruineuse pente.
Et, tout comme le vertige avait envisagé ses dieux dans les divinités orgiastiques
et dionysiaques, la pente envisage sa déesse dans Bellone, divinité mineure de
l’Olympe latin, grosse de sang et mortifère qui, Bellone, ou la pente de la guerre
(1963)3, se pose au début des années Soixante telle une métaphore de tout
conflit, étendant, avec la force de l’imaginaire, son sceptre funeste sur le monde.
1
CAILLOIS R., Le Vent d’hiver, dans HOLLIER D. (soin), Le Collège de Sociologie, 1937-1939,
Paris, Gallimard, 1995 [trad. it. Marina Galletti e Annamaria Laserra, Torino, Bollati Boringhieri,
1994]. Une esquisse de Le Vent d’hiver a été présentée au printemps 1937 aux conjurés du Grand
Véfour, tandis que le texte définitif a été rédigé au cours de l’été de la même année. Sur ce point,
voir : HOLLIER D., Introduction à CAILLOIS R., Le Vent d’hiver, op. cit., p. 328, trad. it., p. 43.
2
CAILLOIS R., La Communion des forts, études sociologiques [1942], Marseille, Sagittaire,
1944. Voir aussi : Instincts et société, Paris, Denoël-Gonthier, coll. « Médiations », 1964 [trad. it.
Anna Baldi e Annamaria Laserra, a cura di Marco Brunazzi, Torino, Bollati Boringhieri, 2007].
3
CAILLOIS R., Bellone, ou la pente de la guerre [1963], Paris, Flammarion, 2012, nouvelle
préface de Yves-Jean Harder [trad. it. parz. dans « Riga 23 », numéro monographique dédié à
Roger Caillois, a cura di U. M. Ulivieri, Milano, Marcos y Marcos, 2004]. Cet ouvrage s’articule
84 | SYMBOLON 16
Le jeune Caillois meut ses premiers pas dans le Collège de Sociologie à l’abri de
Bataille et de Leiris, fondateurs avec lui de cette institution élitaire. Mais c’est
surtout Bataille qui le fascine, avec un charisme qui lui rappelle celui de Breton,
avec qui Caillois avait partagé l’exaltante expérience du surréalisme pour ensuite
s’en éloigner drastiquement. Á Bataille, il doit la fascination des catégories de
l’excès et de la dépense, de la perte et du don, que chacun d’eux développera
ensuite d’une façon différente. Á Bataille il doit, également, la séduction du
sacré, qu’il déclinera sous le signe de la fête, du jeu et de la guerre et, au sein de
la guerre, du vertige. C’est donc justement là, dans le Collège de Sociologie, que
Le Vent d’hiver
« Le temps n’est plus à la clémence. Il s’élève présentement dans le
monde un grand vent de subversion, un vent froid, rigoureux,
arctique, de ces vents meurtriers et si salubres, qui tuent les délicats,
les malades et les oiseaux, qui ne les laissent pas passer l’hiver. Il
se fait alors dans la nature un nettoyage muet, lent, sans recours,
comme une marée de mort montant insensiblement. Les sédentaires,
réfugiés dans leurs demeures surchauffées, s’épuisent à ranimer
leurs membres où le sang figé dans les veines ne circule plus. Ils
5
Nombreuses sont, à ce propos, les interventions de Caillois aux séances du Collège, presque
toutes perdues et donc reportées indirectement par Bataille : « La sociologie sacré et les rapports
parmi ‘société’, ‘organisme’, ‘être’ » ; « Les sociétés animaux » ; « Le pouvoir » ; « Frairies,
ordres, sociétés sécrètes, Églises » ; « La sociologie sacrée du monde contemporaine ».). Pour ce
qui regarde les rapports entre Caillois et Bataille, Caillois ressemble souvent Bataille à Breton,
surtout pour ce qui concerne les divergences qui affleureront de plus en plus entre eux, au cours
des années du Collège (« Je me heurtai avec Georges Bataille à des difficultés identiques à celles
que j’avais rencontrées avec André Breton », Ibidem, p. 883, trad. it., p. 503), comme on peut le
déduire aussi de la lettre de Bataille à Caillois datée 20 juillet 1939, où Bataille dénonce à son tour
leurs réciproques « difficultés profondes » (BATAILLE G., Lettre à Roger Caillois, dans
HOLLIER D., op. cit., « Épilogue », p. 833, trad. it., p. 461). Á ce propos, voir aussi CAILLOIS
R., « L’Homme et le sacré » et « Divergences et complicités », dans HOLLIER D., op. cit.,
« Appendices – Marginalia », pp. 882-883, trad. it., pp. 502-503.
6
« Il s’agit d’une démarche de sursocialisation, et comme telle, la communauté envisagée se
trouve naturellement déjà destinée à sacraliser le plus possible, afin d’accroître dans la plus grande
mesure concevable la singularité de son être et le poids de son action » (CAILLOIS R., Le Vent
d’hiver, op. cit., p. 337, trad. it., p. 47). Pour ce qui regarde ce néologisme cailloisien, ainsi que
d’autres qui portent sur le préfixe -sur, qui prend chez Caillois le sens d’un dépassement, souvent
irrationaliste et méprisant, nous nous permettons de rappeler l’emploi de ce préfixe dans le terme
surrationalisme qui connaîtra un sensible rayonnement chez Bachelard (Voir, à ce sujet :
BACHELARD G., Le surrationalisme, dans « Inquisitions », 1, 1936 – unique numéro de cette
revue).
86 | SYMBOLON 16
7
CAILLOIS R., Le Vent d’hiver, op. cit., pp. 351-353, trad. it., pp. 54-55.
8
« Une association militante et fermée tenant de l’ordre monastique actif pour l’état d’esprit, de la
formation paramilitaire pour la discipline, de la société secrète, au besoin, pour les modes
d’existence et d’action » (Ibidem, p. 344, trad. it., p. 50). La référence à Loyola est explicitée à p.
343 et rappelée par son frère Roland-P. Caillois (CAILLOIS R.-P., « Roger Caillois ou
l’inquisiteur sans Église », dans HOLLIER D., op. cit., p. 879, trad. it., p. 498).
9
Caillois prendra ses distances par rapport à ces premières démarches, comme il le soutient à
plusieurs reprises dans les années suivantes, les réduisant à des « juvéniles et arrogantes chimères
» (CAILLOIS R., Seres del anochecer , « Sur », décembre 1940, dans HOLLIER D., op. cit.,
« Appendices – Marginalia », p. 866, trad. it., p. 488) et concluant que « […] de fait, ces creuses
ambitions restèrent lettre morte. Je suis persuadé que, même sans la guerre elles eussent fait long
feu. Je les signale seulement pour suggérer que, plus souvent qu’on ne l’imagine, des ardeurs de ce
genre ont pu inspirer des travaux qui paraissent en suite d’une toute autre espèce, de plus basse
température, en un mot le fruit d’un effort de détachement » (CAILLOIS R., « L’Homme et le
sacré » et « Divergences et complicités », op. cit., pp. 882-883, trad. it., pp. 502-503. Voir, à ce
propos, l’introduction de Denis Hollier dans Le vent d’hiver, ou il reporte la réaction ennuyée de
Caillois aux soupçons de fascisme par respect à son texte : « Je suis un peu ennuyé par cette
histoire de fascisme. Cela n’a tellement aucun rapport et on a tellement de quoi être sûr, qu’une
discussion sur ce mot est nécessairement sans intérêt (hors de la période électorale) », mais en
même temps sa prudence à ne pas en reprendre la publication avant 1974 dans Approches de
l’imaginaire (HOLLIER D., Introduction dans CAILLOIS R., Le Vent d’hiver, op. cit., pp. 328-
329). Sur ce point, voir aussi la « Nouvelle préface » de Yves-Jean Harder à CAILLOIS R.,
Bellone, ou la pente de la guerre, op. cit., où Harder écrit, citant des pas de Caillois tirés aussi bien
de Bellone que de l’entretien de Caillois avec Gilles Lapouge dans la Quinzaine littéraire du 15 au
30 juin 1970 : « Ce qui a mis un terme à cette entreprise, c’est le déferlement de violence et de
barbarie de la Seconde Guerre mondiale : ‘La guerre nous avait montré l’inanité de la tentative du
Collège de sociologie. Ces forces noires que nous avions rêvé de déclencher s’étaient libérées
toutes seules, leurs conséquences n’étaient pas celles que nous avions attendues’. Dès 1943, dans
L'Imaginaire de la guerre | 87
le Préambule de ‘L’esprit des sectes’, Caillois, qui soutenait depuis l’été 1940 la France libre, juge
avec sévérité l’activisme du Collège » (HARDER Y.-J., « Nouvelle préface », dans CAILLOIS R.,
Bellone, ou la pente de la guerre, op. cit., pp. XII-XIII). Á ce sujet, voir aussi le témoignage de
Roland-P. Caillois, qui rappelle comment « Aucun des fondateurs de ce Sacré Collège n’approuve
plus aujourd’hui cette téméraire entreprise » (CAILLOIS R.-P., « Roger Caillois ou l’inquisiteur
sans Église », op. cit., p. 879, trad. it., p. 498).
10
BATAILLE G. – CAILLOIS R. – LEIRIS M., Déclaration du Collège de Sociologie sur la crise
internationale, dans HOLLIER D., op. cit., p. 362, trad. it., pp. 59 et 58.
11
Ibidem. Ce texte, signale Hollier, avait été publié simultanément dans le numéro de novembre de
plusieurs revues : la « Nouvelle Revue Française », « Esprit », « Volontés » et « La Flèche »
(HOLLIER D., op. cit., pp. 355-356, trad. it., p. 56).
12
La déclination du sacré en tant que fête représente un des Leitmotiv de la réflexion de Caillois. Á
partir, déjà dans le Collège de Sociologie, de l’essai Théorie de la fête (2 mai 1939), réputé par
Bataille « un chef-d’œuvre essentiel » (HOLLIER D., op. cit., p. 645, trad. it., p. 364). Cet essai
trace un ample éventail des fêtes près des sociétés primitives, aux quatre coins du monde, partout
retrouvant, dans le sceau des grands maîtres de la sociologie, de Mauss à Dumézil, de Lévy-Bruhl
à Durkheim, en passant par Wirz, Elkin et Daryll Forde, les caractères de la fête tels un « recours
au sacré » (HOLLIER D., op. cit., p. 647, trad. it., p. 365). Quant à la sociologie, en outre, la
métaphore même de l’hiver est inspirée aux travaux de Mauss, de Granet et de Dumézil, comme
Hollier le rappelle dans l’introduction à Le Vent d’hiver (HOLLIER D., introduction à CAILLOIS
R., Le Vent d’hiver, op. cit., p. 329, trad. it., p. 42).
88 | SYMBOLON 16
13
CAILLOIS R., La Communion des forts, études sociologiques, op. cit., p. 71, trad. it., p. 53.
14
En juillet 1939, en fait, Caillois partira à la suite de Victoria Ocampo pour l’Argentine, où sa
Muse inspiratrice l’introduira dans le gotha de l’intelligentsia recueillie autour de « Sur », la revue
fondée et dirigée par cette dernière en 1931, et où il demeurera jusqu’à la fin du conflit, pour
rentrer en Europe en 1945, désormais intellectuel réputé et, de surcroit, fonctionnaire de
l’UNESCO. Sur ce point, voir : LOUIS A., Etoiles d’un ciel étranger : Roger Caillois et
l’Amérique latine, « Littérature », 170, 2013/2.
15
Le thème de la guerre, déjà présent au temps du Collège de Sociologie, en tant qu’éventualité
imminente, par rapport à laquelle Caillois, Bataille et Leiris avaient pris une position enthousiaste
et activiste, méprisant les démarches les plus prudentes, se pose dans ces années-là comme un
pivot d’une réflexion plus critique, à partir, au-delà de La Communion des fortes, de la seconde
édition de L’Homme et le Sacré (1950), jusqu’à Illusions à rebours (1955), en passant par Sur
l'enjeu d'une guerre (1945), avant de saisir son acmé théorique dans Le vertige de la guerre
(1951), repris enfin dans Bellone, ou la pente de la guerre (1963).
16
CAILLOIS R., La Communion des forts, études sociologiques, op. cit., p. 85, trad. it., p. 62. Une
définition semblable de vertige sera reprise, quelques années après, dans Les Jeux et les hommes :
le masque et le vertige (1958), sous forme de ilinx, la quatrième et dernière classification du jeu
(après agon, alea et mimicry) qui, tirée du grec (ilinx, en grec tourbillon d’eau), consiste en « une
tentative de détruire pour un instant la stabilité de la perception et d’infliger à la conscience lucide
une sorte de panique voluptueuse » (CAILLOIS R., Les Jeux et les hommes : le masque et le
vertige [1958], Paris, Gallimard, 1967, p. 67 [trad. it., Laura Guarino, introduzione e note di
Giampaolo Dossena, Milano, Bompiani, 1981, prefazione di Pier Aldo Rovatti, 2004).
L'Imaginaire de la guerre | 89
Glorification, désir, ferveur et enfin consécration, voici les mots qui, définissant
le vertige - désormais vertige de la guerre, le livrent directement au sacré. Tout
comme le sacré, le vertige exprime en fait sa portée de dépense et d’excès par
rapport à la paix, s’opposant au travail et à l’accumulation, sous forme de
destruction et de dilapidation, et au droit, sous forme d’abus et d’exaction,
jusqu’à la perte totale qui se consomme en termes de consécration, catastrophe et
destin auquel nul ne peut échapper (tout comme le Thanatos freudien du Malaise
dans la civilisation, qui déjà depuis une dizaine d’années serpentait dans
l’histoire). L’exaction, tout d’abord, à partir du moment où la guerre représente
en premier lieu la fin du droit, de façon que, « entreprise ou non pour une bonne
cause, elle emporte avec elle plus d’exaction qu’elle était destinée à guérir »17.
La dilapidation, ensuite, à partir du moment où la société en guerre « n’a pas
d’autre fin que la guerre même, la dilapidation soudaine des réserves et des
énergies morales et matérielles, l’explosion qui les ruine et les couronne à la fois
– et justifie qu’on les ait amassées »18. La catastrophe et sa sanctification, enfin,
à partir du moment où le vertige de la guerre provoque « une véritable chute vers
la catastrophe, […] la sanctification de cette catastrophe même, […] le visage
d’un destin grandiose et terrible, d’une somptueuse et effroyable apothéose qui
engloutit l’individu pour décider du sort d’un peuple »19.
Sanctification de la catastrophe, le vertige - en particulier le vertige de la guerre,
réalise le sens le plus profond du sacré en termes de destin fatal. Amant et
joueur, l’homme envahi par le vertige se voue au sacré, se perdant dans son
destin. Tout comme le héros - et les sociétés héroïques à part entière, eux aussi,
s’anéantissent totalement dans la guerre de la part du sacré.
« En ce point s’insère le consentement au vertige et bientôt
l’acceptation d’un destin. Tout se tourne vers la guerre et s’y
élance. Et comme l’idée d’ordinaire accompagne l’événement, la
guerre devient valeur suprême. Il n’est cœur violent que sa
fascination peu à peu ne saisisse. Chacun la transfigure, en attend
son accomplissement et vole plein d’impatience à sa pente comme
l’insecte à la flamme et l’oiseau au serpent. L’éclat qui l’éblouit
comme l’enthousiasme qui l’emporte ne sont que les fruits de sa
désertion, mais que lui dire désormais ? Il se sent déjà mesure de
toute grandeur et invincible héros, et joueur et amant »20.
L’Homme et le Sacré
Ce qui trouve une séduisante description – au-delà de La Communion des forts -
dans la deuxième édition de L’Homme et le Sacré (1950), qui en Appendices
17
Ibidem, p. 89, trad. it., p. 64.
18
Ibidem, p. 91, trad. it., pp. 65-66.
19
Ibidem, pp. 91-92, trad. it., p. 66.
20
Ibidem, p. 95, trad. it., p. 68..
90 | SYMBOLON 16
21
CAILLOIS R., L’Homme et le Sacré [1939], Paris, Gallimard, 1950 [trad. it. Ruggero Guarino,
a cura di Ugo M. Olivieri, con un saggio di Georges Bataille, Torino, Bollati Boringhieri, 2001],
Appendice III, pp. 215-238. Le mot vertige apparaît ici aux pp. 224 et 232. Dans ces pages Caillois
cite Jünger, p. 222, n. 1 et p. 228, nn. 3 et 4; Goebbels, p. 227, n. 1; Ludendorff, p. 228, nn. 1 et 2.
Les citations entre guillemets sont respectivement aux pp. 228, 225 et 227. Pour ce qui regarde la
fonction purificatrice de la guerre, nous rappelons Filippo Tommaso Marinetti, maître du
Futurisme, qui avait déjà célébré la guerre, au début du XXème siècle, en tant que « seule hygiène
du monde » (MARINETTI F. T., Manifesto del futurismo, 1909).
22
CAILLOIS R., La Communion des forts, études sociologiques, op. cit., p. 90, trad. it., p. 65.
L'Imaginaire de la guerre | 91
23
Bellona ou Duellona, sœur ou épouse de Mars et apparentée à son équivalente grec Ényo, a été
célébrée par de nombreux poètes latins. Voir, à ce propos : Ovide, Fastes, VI ; Pline l’Ancien,
Histoire naturelle, XXXV, 3, 12 ; Plutarque, Vies parallèles, « Sylla ».
24
Rappelons-nous, en ce sens, la féminisation des mots exaltée par Gaston Bachelard (ex. rêve -
rêverie), comme si le genre féminin consacre la portée ontologique du terme examiné.
25
« C’est que le Romain n’est pas fondamentalement guerrier. Il fait la guerre non pour elle-
même, mais pour imposer la paix. Il a de la guerre une conception pratique qui la stérilise »
(CAILLOIS R., Bellone, ou la pente de la guerre, op. cit., p. 173).
92 | SYMBOLON 16
véritable diminutio. Le sens du sous-titre de cet ouvrage pourrait être cela aussi :
la pente la guerre, où le mot pente semble évoquer – au-delà de la ruine, un
déclin et une inertie qui contrastent l’envergure du vertige, dans une sorte de
repli automnal par rapport à l’ivresse hivernale du Vent d’hiver.
Le vertige de la guerre, après le Collège de Sociologie, Caillois ne l’a plus
éprouvé. Le vent d’hiver ne souffle pas dans l’automne de sa vie. Une parabole
déclinante, face à tous conflits, qui nous révèle un Caillois plus adulte, plus
conscient et désenchanté. Un Caillois sans doute sociologue et historien mais
dans une certaine mesure philosophe aussi, qui analyse les conflits, dans toutes
leurs implications, avec une distance critique nouvelle, qui lui en empêche
l’adhésion enthousiaste, stimulant plutôt des réflexions lucides et souvent
amères26. Voici alors la guerre, en tant que sacré, de son vertige à sa pente. En
passant par un nœud fondamental : celui de la violence liée au procès de
civilisation qui en véhicule le passage. Tout est prêt, maintenant, pour que
Bellone, déesse de la pente, s’empare de la scène à part entière.
Guerre, Violence, Civilisation
Violence
« Violence avouée, violence prescrite, violence honorée »27, la violence
représente la racine première de la guerre, promouvant un sacré diffus 28 qui,
loin de susciter des religions explicites, impose aux hommes son « sacrement
sinistre »29 tissu d’ivresse et d’extase, de frénésie et d’exaltation, qui les
reconduit à leur chaos originel 30. Une violence aveugle, folle et exaltée, décrite
par Caillois à travers les pages les plus terrifiantes des pires idéologues de la
guerre (des pages d’autant plus horripilantes qu’elles sont tragiquement
actuelles), en une couronne d’horreurs où se mêlent ivresse guerrière et fureur
du carnage31, louant des hommes qui, vomis par le monde, « sont demeurés
intoxiqués par l’ébriété guerrière et, quand ils se livrent sans mesure à la fureur
du carnage, pensent retourner au chaos originel »32.
La violence, donc, en tant que chrisme essentiel du vertige et de la guerre, ce qui
les apparente aux autres dimensions du sacré, tels le jeu et la fête. Et pourtant, il
y a ici une différence fondamentale. Là où, en fait, la violence de la fête
représente un élément minoritaire et accidentel, effervescent et fécondant, la
violence de la guerre exprime un aspect majoritaire et substantiel, funeste et
26
Caillois cite souvent Hegel, qu’il avait approfondi suivant - avec Bataille et Breton, Lacan,
Merleau-Ponty et Aron, les leçons sur le philosophe allemand tenues par Kojève à l’École pratique
des hautes études entre 1933 et 1939.
27
CAILLOIS R., Bellone, ou la pente de la guerre, op. cit., p. 213.
28
Ibidem, p. 228.
29
Ibidem, p. 221.
30
Ibidem, p. 222.
31
Ibidem, pp. 220 et 222. Caillois cite dans ces pages Les Réprouvés de Ernst von Salomon.
32
Ibidem, p. 222.
L'Imaginaire de la guerre | 93
Civilisation
« Á mesure que la civilisation se développe – observe Caillois, la guerre, loin de
disparaitre, croit en extension, en intensité, en généralité. Elle intéresse plus
d’espace, plus de gens, plus de choses », de façon que « il est inexact, sauf du
point de vue moral et pour l’étymologie, que la guerre soit le contraire de la
civilisation : elle l’accompagne comme son ombre et grandit avec elle », au
point que, bien que la civilisation soit surtout œuvre de la paix, « c’est la guerre
qui l’exprime »34. Guerre et civilisation s’entrelacent étroitement, de façon que
la guerre résulte positive et indispensable pour la formation des États, de leurs
apparats, de leurs institutions, contraignant les sociétés à s’en servir et à s’en
soumettre. Dans cette relation étroite, dans cette surenchère, dans ce point de
non-retour, la violence monte d’une façon exponentielle, engendrant une
démarche nouvelle de l’histoire, révélant un visage nouveau de la guerre et
montrant comment, à partir des phases aurorales des combats, marquées encore
par l’ivresse et l’excès, on parvient à des moments plus mûrs, empruntés à
l’inertie et au glissement : ce qui, dans le moment où la guerre éloigne de la fête,
elle accentue, à son cœur, le passage du vertige à la pente.
Un parcours problématique, que Caillois, désormais loin des expériences
juvéniles du Collège de sociologie, décrit en sociologue et historien dans ses
éléments fondamentaux, regardant, à propos de la guerre, aussi bien ses phases
historiques que son mécanisme intime, lié de façon inextricable au
développement de l’État et de la société. Et donc, au-delà de la quadruple
33
« La guerre ressemble à la fête, constitue un égal paroxysme, apparait à son exemple comme un
absolu et suscite à la fin, avec le même vertige, la même mythologie. Jusqu’à la violence en est
transformée, dont on a vu qu’elle n’est pas toujours absente de la fête. Mais elle [la violence] y
restait accidentelle, s’ajoutant à une effervescence fécondante, qu’elle porte à son comble et dont
elle jaillit par excès de vitalité. Dans la guerre [au contraire], elle est objet d’application,
mécanisée et but délibéré d’un acharnement hostile » (Ibidem, p. 243). Caillois retourne plusieurs
fois sur le rapport entre fête, guerre et vertige, surtout en relation au thème de la violence, qui les
caractérise. Sur ce point, voir le paragraphe « De la fête à la guerre », dans Bellone, ou la pente de
la guerre, op. cit., pp. 235-244 et le déjà cité « Guerre et fête», dans « Appendices », dans la
deuxième édition de L’Homme et le Sacré, op. cit., pp. 218-224.
34
CAILLOIS R., Bellone, ou la pente de la guerre, op. cit., p. 16.
94 | SYMBOLON 16
35
Ibidem, p. 156.
36
Ibidem, p. 159.
37
Ibidem, p. 167. Caillois cite ici Les Soirées de Saint-Pétersbourg (1821) de Joseph de Maistre.
38
CAILLOIS R., Bellone, ou la pente de la guerre, op. cit., p. 199.
39
Caillois cite ici : Proudhon, La Guerre et la Paix (1861) ; Ruskin, La Couronne d’olivier
sauvage (1866) ; Dostoiewski, Un homme paradoxal (1876) ; ou, encore, René Quinton, Maximes
sur la guerre, posthumes (1930) ; Ernst Jünger : Dans l’orage d’acier (1920) ; Feu et sang (1926)
; L’ouvrier (1932) ; La Guerre, notre mère (1934), dont quelques pages sont reproduites dans
Bellone, ou la pente de la guerre, op. cit., « Appendices », pp. 270-278. Parmi les prophètes et les
mystiques de la guerre n’est pas compris Nietzsche, référence fondamentale de Caillois aux temps
du Collège de Sociologie, parce que, à son avis, le philosophe allemand entend la guerre moins
comme un conflit armé que en tant que lutte, dureté, violence, et les guerriers moins comme
soldats que comme surhommes. Absence significative, à notre avis, de la distance que Caillois est
en train de marquer par rapport au début du Collège de Sociologie, ou Nietzsche régnait en
maître : pas de Surhomme, dans cette guerre, seulement des soldats.
L'Imaginaire de la guerre | 95
Guerre totale
Un passage significatif à partir du moment où, tandis que la guerre
révolutionnaire garde encore, dans sa prétention d’absolu, des aspects héroïques,
la guerre totale efface tout héroïsme, condamnant les guerriers à l’anonymat du
Soldat Inconnu, englouti dans des champs de bataille à la puissance décuplée,
auquel Caillois dédie une touchante élégie. Involontaire protagoniste d’un conflit
non voulu ni choisi, le Soldat Inconnu, « ce cadavre mutilé, dont on ignore
même s’il ne fut pas reconstitué et formé des débris de plusieurs corps, […
ce…] misérable dont le corps perdit le plus sa forme et fut le plus parfaitement
broyé ; celui dont la face écrasée n’offrant plus figure humaine, ne pouvait être à
la ressemblance d’aucun souvenir, ne pouvait évoquer aucun visage dans aucune
mémoire »40, triomphe d’un triomphe muet, célébrant ses fastes silencieux dans
l’anonymat d’une guerre sans gloire, sans vertu et sans mérite. Quels accents
désolés, ceux de Caillois, par rapport à ce soldat. Et quelle différence, par
rapport aux enthousiasmes juvéniles par rapport à la guerre. Là où, aux temps du
Collège, il traitait le conflit en première personne, avec un engagement vitaliste
et passionné, ici il en prend les distances et commence à la regarder pour ainsi
dire en troisième personne, concluant qu’une telle métamorphose consacre « la
fin de la guerre héroïque »41, de façon que cette guerre, en même temps totale
mais dépourvue de chaque absolu, « n’est plus que guerre »42.
Voici un point de non-retour fondamental : la désacralisation de la guerre. La
guerre totale est une guerre désacralisée, diminuée, stérilisée. La pente de la
guerre trahit enfin son vertige originaire. Ces guerriers, bien loin d’être des
surhommes, ne sont plus que soldats. Et cette guerre, à son tour, n’est plus que
guerre. Tout est prêt, maintenant, pour le passage décisif de la guerre totale à la
guerre des régimes totalitaires. La guerre des temps de Caillois. La guerre,
tragique, de nos temps. Bellone pose son regard indifférent sur des arsenaux
extraordinairement puissants qui engloutissent des soldats anonymes et
inconnus, sans mémoire ni visage, dépourvus de tout héroïsme, songeant à son
triomphe absolu.
Régimes totalitaires
« Avec les régimes totalitaires, la guerre devient réellement la fatalité des
nations »43. Le totalitarisme réalise, dans ce sens, l’accomplissement de l’histoire
et de son processus de civilisation, qui en est le pivot et la nourriture. La guerre
vante pour l’État, et pour les régimes totalitaires en particulier, un caractère
fondateur et constitutif, qui le nourrit et le renforce dans ses structures les plus
profondes, en y façonnant l’organisation générale, dans tous ses aspects, à tout
inconvénient des reliefs particuliers : « l’organisation politique reproduit ou
40
CAILLOIS R., Bellone, ou la pente de la guerre, op. cit., p. 184.
41
Ibidem, p. 185.
42
Ibidem, p. 186.
43
Ibidem, p. 201.
96 | SYMBOLON 16
La pente
La métaphore d’une déesse mineure de l’Olympe latin, mère ancestrale et
meurtrière, lourde de sang mais dépourvue de tout sacré, qui garde en soi un
jugement, une condamnation et un espoir : celui d’un Caillois qui, non plus,
désormais, jeune esprit rebelle et belliciste, mais sociologue réputé, historien et -
pourquoi pas ? éducateur (n’oublions pas qu’il est devenu entre-temps
fonctionnaire de l’UNESCO), prenne ses distances de tout vacarme juvénile,
exprimant, par rapport à la guerre, ses perplexités, sa crainte, sa désolation. La
pente s’impose enfin telle une catégorie philosophique à travers laquelle Caillois
définit la guerre, la juge, en envisage une possible bien que faible solution.
« Le chemin qui mène de la fête à la guerre – affirme Caillois, se confond
avec la voie du progrès technique et de l’organisation politique. Tout se
paie : les formes actuelles de la guerre étaient impliquées dans le
développement même de la civilisation. Et les choses en sont au point où
celle-ci doit trouver rapidement une parade à ce danger domestique qu’elle
nourrit de ses succès et qui menace de la détruire »48.
44
Ibidem.
45
« La ‘volonté militaire’, l’ ‘eugenie militaire’, l’ ‘éducation militaire’ permettent de sélectionner
une classe de guerriers spécialisés jouissant d’un traitement de faveur et de droits civiques plus
étendus. L’élite ainsi constituée est alors capable d’entrainer la masse naturellement pacifique de
la nation par une pédagogie appropriée. Cette dernière se confond pratiquement avec les
différentes méthodes de dressage collectif que la technique moderne met à disposition des
gouvernements décidés » (Ibidem, p. 203).
46
« Ce n’est pas la volonté des dirigeants qui rend un État dangereux pour la paix, c’est le
caractère rigide et systémique de ses structures, par conséquent, d’un certain point de vue, leur
perfection même [… du moment où …] la nécessité d’organiser la vie collective laisse de moins
en moins de liberté d’action aux hommes d’État » (Ibidem, pp. 206 et 210).
47
Ibidem, p. 203. Caillois cite ici aussi bien Ludendorff que la revue officielle de l’armée
allemande « Deutsche Wehr ».
48
Ibidem, p. 244.
L'Imaginaire de la guerre | 97
Danger, menace et destruction, la guerre en tant que pente représente le prix que
la société doit payer à une civilisation d’autant plus violente qu’elle est
complexe, comme si la complication de ses apparats impliquait une pareille
montée d’envergure qui, dans le moment où surmonte le vertige originaire du
sacré, livrant l’humanité à un destin de mort, suscite en elle une irréductible
crainte.
« Je crains – continue-t-il, le nombre infini de mécanismes, de structures,
de connexions, d’opérations de toute sorte qu’il fut nécessaire de
conjuguer pour la construire [la machine de l’État]. Ce sont ces inerties qui
pèsent et qui risquent de faire pencher la balance. La complication des
sociétés modernes dépasse aujourd’hui les capacités intellectuelles de
l’être humain »49.
En ce sens, définitivement égaré le sentiment du sacré des origines, la guerre
pèse sur l’homme avec la force d’un a priori tragique : « Le tragique vient du
fait qu’il n’y a pas besoin de vouloir la guerre [parce que] elle surgit
spontanément des données mêmes et du fonctionnement de la société »50.
Quels passages étonnants ! Et quel nouvel jugement, de la part de Caillois, par
rapport à la guerre ! Il n’y a plus, ici, l’enthousiasme paroxystique des saisons
juvéniles, mais la crainte, la déploration, l’angoisse, qui transforment l’élan vital
des premières années en condamnation sans appel et qui ouvrent vers des
horizons non plus esthétiques mais étiques, non plus au-delà mais en-deçà du
bien et du mal51. Triomphe enfin l’esprit de l’éducateur, amère et pessimiste, qui
s’interroge sur ce que l’humanité peut contre une guerre réduite à sa pente,
envisageant dans l’éducation le seul moyen -bien que fragile- de salut.
« Quant à y porter remède, c’est là une entreprise innombrable et délicate.
Elle implique qu’on prenne les choses à la base, qui est, pour les choses
humaines, l’éducation de l’homme. Je n’aperçois pas d’autre démarche qui
puisse à la longue restituer un peu de jeu dans un univers qui en manque
dangereusement. Toutefois, je demeure effrayé de la lenteur inévitable de
pareille démarche, quand je me souviens qu’il s’agit de gagner de vitesse
la guerre absolue »52.
Un espoir faible, évidemment, nuancé de scepticisme, qui ne cache pas la
frayeur. Les derniers mots résonnent enfin de désolation.
« […] c’est presque toujours le pire qui, d’abord, fait sentir son
poids, car il profite de toute pente rendue glissante, de toute barrière
renversée, de l’équilibre rompu, alors que le bien désiré reste tout
entier à concevoir, à établir et à consolider »53.
49
Ibidem, p. 254.
50
Ibidem, p. 210.
51
« Il est l’heure que l’intéressé [l’homme] s’en préoccupe et qu’il comprenne du moins où réside
le mal » (Ibidem, pp. 254-255).
52
Ibidem, p. 255.
53
Ibidem, p. 147. Il s’agit de la considération amère avec laquelle Caillois conclut la première
partie de cet ouvrage (« La guerre et le développement de l’État »), dédiée à l’échec de l’idée de
l’armée socialiste de Jean Jaurès (mais qui vaut aussi bien pour la pente de la guerre à part entière).
98 | SYMBOLON 16
Bellone, ou la pente de la guerre, pose enfin son sceptre effrayant sur le monde,
traçant une trajectoire déclinante qui, avilissant progressivement le sacré - de la
fête à la guerre, du vertige à la pente, montre à Caillois un horizon désolé.
Le même que, plus que jamais en ces temps-ci, nous ne pouvons que tristement
partager.
L'Imaginaire de la guerre | 99
Mots clés : orientalisme littéraire, exotisme culturel, Edward W. Said, Mircea Eliade, I.
Valerian, Anthony Marra, guerre, érotisme, littérature roumaine, histoire.
1
PhD Student, Doctoral School of Social and Human Sciences, History Field, Lower Danube
University Galati
2
Paul Ricœr, From text to action. Essays in hermeneutics; 2, Northwestern Univ. Press, Evanston,
1991, transl. by Kathleen Blamey and John B. Thompson, p. 4.
3
Ibidem, p. 5.
4
In the recent interview „Războiul a marcat cea mai mare parte a istoriei umane” („The war
marked the greatest part of human history”) given to Cristian Părășconiu in România literară (no.
39/2022, pp. 14-15), the historian Margaret MacMillan concludes as follows: „Too many of those
who have lived in the West since 1945, in the so-called „Great Peace”, have forgotten that war
100 | SYMBOLON 16
persists, that the potential for a war to break out is always present” and immediately refers to the
situation in Ukraine. We emphasize that the „war in the East” - the space we are particularly
interested in - is practically a continuous factual situation.
5
Perhaps the discussion of horror (in the literature) should begin with Joseph Conrad's pages from
Heart of Darkness (in Romanian: Inima întunericului, Polirom, 2014, translated by Casiana
Ioniță).
6
The book of Konrad Lorenz, Das sogenannte Böse. Zur Naturgeschichte der Aggression, 1963
(So-called Evil: on the natural history of aggression) was translated and published in English with
the title On Aggression, Routledge, 1966
7
Sylvain Tesson, The Art of Patience: Seeking the Snow Leopard in Tibet (transl. from French by
Frank Wynne, Oneworld Publ., 2021).
8
According to David Hume „religion creates fanaticism and exclusivity, leading to dissension and
culminating in acts of violence. The logical consequence of Hume's thesis is that, unchecked,
intolerance is human nature itself“, see: Rachel M. McCleary & Robert J. Barro, The Wealth of
Religions. The political economy of faith and religious affiliation (Romanian version: Avuția
religiilor. Economia politică a credinței și apartenenței religioase Humanitas, Bucharest, 2022,
transl. by Teodora Nichita and Victoria Deliu, p.160.)
9
Sylvain Tesson, The Art of Patience..,, pp.52-53.
L'Imaginaire de la guerre | 101
Violence and the Sacred10 (and so many related to the psychology of domestic,
family, or school violence) or those related to a certain Orient such as Islam and
violence11, would not have been written. Related to the study below, on may say
the same concerning fiction books, some with a philosophical substratum, with a
kind of peaceful aggressiveness, more or less related to Mahatma Gandhi's
theory, where separations and incompatibilities will be reached, despite some
„elective affinities”. At a major level, relating to civilizations and cultures,
Orientalism was and is a science, although it is, in itself, a literary-artistic
movement in the Western sense of terms. It was born namely from the tensions
listed above, raised to another level. However, individuals can abolish these
barriers, at least through love stories. There are probably many happy endings,
but the literary history mostly registers the opposite cases.
There are „cases” of a certain sentimentalism, but these might reveal the
complexities leading to major misunderstandings, wars and atrocities.
Of course, we must not idealize the literature, which has its sciences, but itself is
not a science. We must not idealize literature, not even the so-called sacred one,
which is often the driving force of the history. It may often be a historical
source, but we must not fall into the traps of its siren songs. Along the way, we
will touch on some of the weaknesses and shortcomings of the literary discourse,
agreeing with Paul Ricœur almost entirely when he distinguishes between
„discours historique et discours de fiction”, although when it comes to memoirs,
confessions, historical discourse with aesthetic-literary valences, the percentages
suggested by Ricoeur may change.
After all, it is about the „disparity between texts and reality”12, with Edward Said
considering history, literature or the humanities as „academic umbrellas”. In this
sense, the „orientalist working key” can be interpreted as follows:
„The contemporary intellectual can learn from Orientalism how, on the
one hand, either to limit or to enlarge realistically the scope of his
discipline's claims, and on the other, to see the human ground (the foul-
rag-and-bone shop of the heart. Yeats called it) in which texts, visions,
methods, and disciplines begin, grow, thrive, and degenerate. To
investigate Orientalism is also to propose intellectual ways of handling
10
René Girard, Violence and the sacred, (Rom. Edition: Violenţa şi sacrul, Nemira, Bucharest,
1995, transl. by Mona Antohi, indicates a direction of research: „After we left the sacred to a
greater extent than other societies, arriving to „forget“ the founding violence, losing its entire
sight, we're going to find her again; the essential violence overwhelms us again in a spectacular
way, not only on the level of history, but also on the one of knowledge. This is why this crisis
invites us, for the first time, to violate the taboo that neither Heraclitus nor Euripides did not dare,
namely to highlight, in a perfectly rational light, the role of violence in human societies”. These
lines were first published in 1972.
11
Adonis (in dialogue with Houria Abdelouahed), Islam and Violence (Rom. Ed. Islamul și
violența, Humanitas, 2016, transl. by Laura Sitaru.)
12
Edward W. Said, Orientalism Vintage Books, New York, 1978, p.109
102 | SYMBOLON 16
13
Ibidem, p.110
14
Ibidem, p.94
15
Ibidem, p.101.
L'Imaginaire de la guerre | 103
16
Ibidem, p.157.
17
Ibidem, p.291.
104 | SYMBOLON 16
18
Ibidem, p. 128.
19
Ibidem, p.118.
20
Random House, NY 2013.
21
In its final pages one can find his more than eloquent documentary sources (we only refer here
Anna Politkovskaya‘s A Small Corner of Hell: Dispatches from Chechnya), but also the fact that
the author himself was in Chechnya...Technically and frankly speaking, A. Marra can make
L'Imaginaire de la guerre | 105
pain, the prospect of peace, because „War and Peace“ is always referred to in
promoting the book, blood, torture, crimes against humanity, love and affection
experienced as in a dream, murder for love, if one can also imagine this, a
somewhat optimistic ending, an American writer who writes like a Russian,
which it wouldn't be the first time, a multi-awarded book, if the literary prizes
may count, one of the literary events of the year 2014, a book which is bound
with dental floss like the chest of a Chechen rebel when the normal medicated
floss had run out, a book written with blood from a vial sent right from the
madness of the almost exotic place called Chechnya that one can fall in love
with, like in the ancient Greece with its tragedies. A story about forgiveness, as
only the human might be capable, even if it is terribly difficult when it appears
the absurd, the irrational, the darkness incarnating in humans raping, torturing,
killing. In these circumstances, the representations of the devil seem like
cartoons. From all the monstrosities of a conflict, as they would say: „worthy to
be seen”, the question to be asked would it be, if there is still Beauty to be found
somewhere, that one who will save the world, the humanity, the Beauty in which
we would like to be found by others, those we care about. Beyond all the
unhappy endings of many books with dangerous connections or just impossible
to continue, Beauty we mentioned above still remains.
On other occasions, we dealt with the „problem” of Romanian writers'
orientophilia in general. Here we will remind or signal examples of literary
situations that can confirm a kind of syndrome „Romeo & Juliet”. Of course, the
most popular is the love case from Mircea Eliade's Maitreyi, a novel considered
to be „a unique case in the Romanian literature having both a history that
precedes it, and one that continues it outside of fiction,”22 ,,which narrates the
case of Allan, a Western student coming to study in India, who falls in love with
one of Professor Dasgupta's daughters. The facticity of these is well known,
Mircea Eliade himself being the one fallen in love. The truth, as much as it can
remain for posterity, could be extracted not only from that novel and its reply
over time, still literary but announced as non-fiction, of the real heroine,
transfigured in the character of Eliade. In its turn, that was considered by the
same Eugen Simion as a novel-journal (both erotic and of atmosphere and
morals). Other sources for this love story consist from letters, other confessional
writings, such as India, Șantier („Workshop”), Jurnal intim („Intimate Diary”)
and Memorii („Memories”) of the same Eliade. In Bengal, more precisely in
Calcutta, in literary terms, „a young European enters a Bengali family and, after
some time, is tempted by one of the daughters of Narendra Sen, an engineer with
a European education but with inflexible Hindu mentality“ 23. Allan and
Maitreyi embodied in fact, as Simion points out, „a modern version of the legend
of Nala and the beautiful Damayanti, the heroes of the Mahabharata”. The girl's
father, learns about the forbidden love, expels the European, and then the whole
someone understand the way he built his own Michael Cunnigham’ s The Hours but also sends the
reader to books of Michael Ondaatje (the latter also partially recognized as a source of inspiration
for certain scenes. This proximity is also mentioned by a chronicle appeared in the „Boston
Globe“).
22
Eugen Simion, Foreword to Mircea Eliade, Maitreyi, Bucharest, Ed. Litera Internațional, 2009,
p.29.
23
Ibidem, p.24.
106 | SYMBOLON 16
24
G. Călinescu, Istoria literaturii române dela origini până în prezent, Fundația Regală pentru
Literatură și Artă, București, 1941, pp.758-759.
25
In „Specificul național” („The national Specificity“) the final text of his „History...“ (see the
note above), one can read the following sentences: „...the Romanian people has a an obvious
massiveness and the overwhelming majority of creators in the Romanian language are Romanians
by race” (p.886), or: „A race is an eternal process, like language...“; „The specific, as also the race,
representing a balance, are in a slow but continuous movement“; he operates with phrases such as
„pure Romanians without any discussion...“; „living eugenic aspiration for racial purity“ that the
Romanian people have; Goga would express „in the most artistic way the grief of the race facing
the fatal national tragedy“; „Our race has acquired along the ages, as one that has seen the rise and
L'Imaginaire de la guerre | 107
Călinescu also has his errors26. An example might be the one about the „erotic
bonds of the white man” implying that there was „a native woman”, or a
„coloured” one. In terms of certain characteristics and typologies, there is
another exotic episode concerning a young Lapland girl falling in love with a
Swedish explorer, resulting in a parallel that both Mantu and Menaru will make,
or rather „Menura” for the lover Tudor Mantu. In connection with Menaru's
„Mongolian physiognomy” his observations being phantasmagoric, anyone who
carefully read the first chapter could not miss this passage:
„His niece was really beautiful, a model. If he had been a painter, he
would have sketched her portrait in a few lines: the dark border of the
hair, the fine nose, looking slightly upwards like Parisian women do,
showed a wild temperament, the lips wonderfully arched, and the eyes,
in contrast to the hair, they were greenish, maybe blue, in the uncertainty
of semi-darkness. Well, it was a Tatar girl! But there was nothing
Mongolian about her - even though beautiful women have a special
breed,
27
like Cleopatra, who turned the history of the world upside down”.
Călinescu was probably dictated by prejudices and paid not enough attention or
maybe the time gap between reading and writing his commentary in his History
of the literature. That is, if there weren't, as rumoured, lecture notes collected
from his students.
It is certain that in both Maitreyi and Cara-Su, the two worlds, the East and the
West, do not allow love to continue. As it happens in the case of the lovers in
The Lover of Marguerite Duras, evoking events from the 50s, as well as in the
case of her other novel Adam against the Pacific, the oriental characters from
The Lover, as well as from Running Away of Jean-Philippe Toussaint and The
Bodyless Bride of Mihail Gălățanu are Chinese. More precisely, a Chinese man
from Indochina in the case of the French writer, and a Chinese woman from the
People's Republic of China (in Toussaint), respectively another (or more)
women from the Republic of China (i.e. Taiwan) in Gălățanu's novel. In the case
of the two male writers, everything is under the sign of the „transience”
postulated by Alvin Toffler, that is, of a high speed of unfolding of feelings.
Mihail Gălățanu clearly assumes the precedent of Eliade at a certain point, even
if through his appeal to fantastic, somewhat abusing the character's general
culture:
decline of empires“, including that of the Turks, „a philosophy from above, namely „What is a
wave, passes like a wave// You break a branch from the forest/ What does the forest care about it“;
„Our race, which has seen its work periodically thrown to the ground by political seismicity, has
gained prudence and is building the tiny, solid, pitiful mountain.“ (pp.885-888, from the
mentioned „History...“)
26
In many ways, he demonstrates the difficulties that must be overcome by those who write a
history, even a literary one. In the same „Specificul naţional“, text that closes his „History...“, he
writes that a Romanian literary history „can only be a demonstration of Romanian creative power,
with its specific notes, showing the national contribution to universal literature“ (p.886).
27
I. Valerian, Cara-Su, pp. 15-16.
108 | SYMBOLON 16
„...as if you were wondering why Mircea Eliade had to go all the way to
India, to fall in love with Maitreyi - or why Maitreyi had to choose that
red-haired, pitiful Romanian man lacked of charm in his adolescence
(...) Or, if we were to choose the funniest cultural references, we could
go to the history of Clavell’ s Shogun or to the stories of Marco Polo in
China. But these are all cultural clichés, just cultural clichés - and that's
all”. 28
But in Gălățanu’s case, the deep love story in the book is different. In his vision,
orientalism and Orient are ways, based on magic-oneiric-realism, to provoke a
new incursion of Orpheus into the inferno of uncertainties. His character is
obsessed with a girl from Galați who disappeared in the waters of the Danube,
about 12-13 years ago, if we refer to the present of the narrative, for later the girl
seems to be reincarnated, somehow, somewhere in Taiwan.
Bibliography
Adonis (în dialog cu Houria Abdelouahed), Islamul și violența,
Humanitas, 2016, traducere: Laura Sitaru.
G. Călinescu, Istoria literaturii române dela origini până în prezent,
Fundația Regală pentru Literatură și Artă, București, 1941.
Mircea Eliade, Maitreyi, București, Ed. Litera Internațional, 2009.
Mihail Gălățanu, Mireasa fără corp, Ed. Muzeul Literaturii Române,
București, 2006.
Anthony Marra, Constelaţia fenomenelor vitale, Ed. Humanitas,
București, 2015, traducere: Ioanei Avădani.
René Girard, Violenţa şi sacrul, Ed.Nemira, București, 1995, traducere:
Mona Antohi.
Edward W. Said, Orientalism Vintage Books, New York, 1978
Sylvain Tesson, The Art of Patience: Seeking the Snow Leopard in Tibet
(transl. from French by Frank Wynne, Oneworld Publ., 2021).
I. Valerian, I., Cara-Su, roman, Ed. pentru Literatură, București, 1969.
(prima ediție).
28
Mihail Gălățanu, Mireasa fără corp, Ed. Muzeul Literaturii Române, București, 2006, pp.225-
226.
L'Imaginaire de la guerre | 109
Abstract. The outbreak of the First World War had a decisive role in the emergence of
avant-garde movements such as Dadaism and Surrealism. They proposed a total denial
of the values of a society that had made such a massacre possible. The French avant-
garde writer René Daumal (1908-1944), a member of the “Great Game” group, who
published the magazine of the same name between 1928 and 1930, denounces the war in
all his major works, such as the novels La Grande Beuverie and Le Mont Analogue. In
his mature writings, he opposes to the general conflagration, which broke out again in
1939, the idea of “holy war”, which refers to the merciless struggle with one's own
defects and weaknesses. He argues that a man preoccupied with such an inner struggle
will inevitably come to peace with his fellow men. Thus internal war appears as the
ultimate antidote to general war.
Keywords: René Daumal, “holy war”, Mount Analogue, Surrealism, French avant-garde
1
Ėtudiant en thèse, L'école Doctorale « Al. Piru », Université de Craiova.
110 | SYMBOLON 16
2
Rene Daumal, La Grande Beuverie, nouvelle édition établie par Claudio Rugafiori, Gallimard,
1980, p. 135;
L'Imaginaire de la guerre | 111
3
Idem, Le souvenir déterminant, en „Les Pouvoirs de la parole, Essais et Notes, II (1933 – 1943),
Edition établie par Cludio Rugafiori“, Gallimard, 1981, pp. 112-122 ;
4
Idem, Correspondance, III, 1933-1944, Edition établie, présentée et annotée par H. J. Maxwell
et C. Rugafiori, Gallimard, 1996, p.33;
5
Idem, Les pouvoirs de la parole, 1972, pp. 203-235;
112 | SYMBOLON 16
population générale, il est devenu nécessaire de faire appel à une autre catégorie
de spécialistes du monde des paradis artificiels: les Bougeotteurs.
Préparation à la guerre par le culte de l'idéal commun
Les chefs des Bougeotteurs qui se sont proposé de trouver des moyens
de détruire la jeunesse se sont avérés bien plus efficaces que les rédacteurs de
discours inutiles. Contrairement à ceux qui avaient imaginé plusieurs solutions,
ils n'offraient qu'une seule méthode, très simple, consistant en ce qu'ils
appelaient „le culte de l'idéal commun“6.
La condition essentielle pour que la méthode réussisse est de l'appliquer
dès le plus jeune âge, c'est-à-dire dès le stade où l'intelligence des enfants n'est
pas encore développée et où leurs passions peuvent être influencées sans trop
d'efforts.
À cet âge, les enfants sont faits de vivre en troupes, armés et habillés le
plus uniformément possible. Ces méthodes, complétées de discours et
d'exercices physiques collectifs, créent le culte de l'idéal commun, défini comme
„une dévotion absolue à un personnage gueulard et autocratique, ou à certain
habillement, ou à quelque mot d'ordre, ou à certaine combinaison de couleur,
peu importe“7.
Une fois créé ce fort attachement aux fausses valeurs où le lecteur peut
facilement reconnaître le drapeau national, les hymnes nationaux, les uniformes
et autres symboles propres aux armées et aux états militaristes, la première étape
de préparation de la jeune génération à une mort précoce est terminée.
À ce stade, le passage à l'étape suivante peut être accompli, tout en
veillant à ne pas laisser fonctionner les jeunes cerveaux - un objectif qui, comme
le reconnaît cyniquement le professeur Mumu, n'est pas du tout difficile à
atteindre.
La dernière étape pour atteindre l'objectif - faire mourir autant de jeunes
que possible avant qu'ils ne deviennent adultes - est accomplie simplement en
opposant deux groupes ou plus avec des valeurs différentes les uns contre les
autres. À ce stade, la guerre devient inévitable et la société est libérée des êtres
en surnombre.
À la fin de son discours sur la prévention de la surpopulation, le
professeur ajoute une série de considérations concernant les bénéfices matériels
tirés de la guerre. La méthode imaginée par Bougeotteur a, selon ses dires, aussi
le mérite d'apporter la prospérité aux fabricants et marchands d'armes et
d'uniformes, ainsi qu'aux auteurs de discours incitant au meurtre. L'un d'eux est
cité, qui fit la remarque suivante : „un jeune homme qui n'est pas tué à la fleur de
l'âge, ce n'est plus un jeune homme, c'est un futur vieillard“8.
6
La Grande Beuverie, p. 138;
7
Ibid., loc. cit.;
8
Ibid., loc. cit.;
L'Imaginaire de la guerre | 113
9
Ibid., pp. 143-145;
10
Ibid., p. 145;
114 | SYMBOLON 16
11
Idem, Le Mont Analogue, roman d'aventures alpines, non euclidiennes et symboliquement
authentiques, Gallimard, 2003, pp. 107-135 ;
12
Ibid., p. 113;
13
Ibid., p. 111;
L'Imaginaire de la guerre | 115
Dans ces conditions, il a écrit son plus significatif texte sur la guerre,
intitulé La guerre sainte. Malgré le titre et les circonstances extérieures, il ne
visait pas la guerre générale, dont les sources avaient été dénoncées dans des
textes antérieurs, mais une guerre intérieure, considérée comme la seule digne
d'être menée par un être humain.
Dès les premières lignes, le poète avertit que le texte n'est peut-être pas
un vrai poème, mais qu'il s'agit certainement d'une vraie guerre. Et cette vraie
guerre est la guerre intérieure. Ceux contre qui cette guerre est menée sont
d'autres nations et non d'autres personnes, mais il s'agit „d'ennemis qu'il [le poète
- NN] contient— car il les contient, et les contente quand il veut — incandescent
de douleur et de sacrée colère et pourtant tranquille comme un artificier“14.
Essayant de définir son poème, Daumal prévient qu'il ne s'agit pas d'un
discours philosophique, ni d'un ouvrage de science, ni d'une chanson
enthousiaste, car pour qu’il puisse écrire de tels textes, il faudrait que la guerre
ait déjà été gagnée, mais il „est à peine commencée“15. Pour créer un texte
philosophique, il faudrait aimer la vérité plus que soi-même. Pour créer une
œuvre scientifique, il faut être capable de voir les choses telles qu'elles sont
réellement, pour chanter une chanson pleine d'enthousiasme, il faudrait que les
ennemis aient déjà été réduits à de simples forces informes. Or - affirme le poète
- il y a encore une bataille féroce à mener jusqu'à ce que ces résultats soient
atteints. La lutte intérieure doit être menée contre des ennemis intérieurs, qui
semblent être des amis et qui „parlent à la première personne“16, essayant donc
de s'identifier à celui qui essaie de lutter contre eux. Avec de tels ennemis, toute
paix équivaut à un meurtre, une défaite ou une vente de son être. Par la suite, le
but pour lequel le poète écrit est défini en ces termes : „Je parlerai pour
m'appeler à la guerre sainte. Je parlerai pour dénoncer les traîtres que j'ai
nourris“17. L'idée centrale du poème réside dans l'opposition entre les deux types
de guerre. D'une part, il est indiqué que „celui qui a déclaré sa guerre, il est en
paix avec ses semblables“18. Ainsi, se concentrer sur soi-même et ses propres
luttes internes exclut tout conflit externe.
En échange, seuls ceux qui choisissent de conclure une paix „de
vaincus“, „de vendu“, „de mensonge“ et „de trahison“ avec eux-mêmes
supportent des conflits extérieurs - comme la guerre mondiale qui se déroulait au
moment de la rédaction du texte : „et pour sauvegarder cette paix honteuse, on
ferait tout, on ferait la guerre à son semblable. Car il existe une vieille et sûre
14
Idem, La Guerre Sainte, en „Fontaine. Revue bimestrielle de la nouvelle poésie française“,
Alger, 1940, pp. 2-3 ;
15
Ibid., pp. 3-4;
16
Ibid., pp. 4-5;
17
Ibid., p. 10;
18
Ibid., p. 9;
116 | SYMBOLON 16
recette pour conserver toujours la paix en soi: c’est d’accuser toujours les
autres“19.
La nécessité de mener une guerre interne impitoyable a été énoncée par
le poète plus d'une décennie plus tôt, dans le texte Mise au point ou Casse-
Dogme, que René Daumal et Roger Gilbert-Lecomte ont signé ensemble et
publié dans le premier numéro de la revue Le Grand Jeu.
Affirmant la nécessité d'abandonner les dogmes, les auteurs avertissent
leurs lecteurs qu'il est possible qu'ils soient si profondément enracinés qu'ils
aient pénétré jusqu'au niveau des fonctions vitales du corps. Leur destruction
pourrait donc mettre en danger la vie même de celui qui se bat avec les dogmes,
aboutissant en ce sens à l'une des définitions du Grand Jeu : „Le Grand Jeu est
entièrement et systématiquement destructeur“20.
Ce texte finit, aussi, en insistant sur l'idée que la lutte est exclusivement
interne : „Le second aspect du Casse-Dogme n'est plus Dogme mais Casse et ne
regarde que SOI-MÊME“21.
En conclusion, tout au long de son activité littéraire, René Daumal invite
à mener une guerre intérieure impitoyable, même au prix de sa vie, et, plus que
cela, il estime que c'est la seule façon pour un homme de vivre en paix et
harmonie avec ses semblables. La guerre intérieure reste le seul moyen de
prévenir et d'arrêter la guerre générale.
Bibliographie
*** Le Grand Jeu, Ce Cahier reproduit intégralement les textes parus dans les
trois numéros publiés de la revue Le Grand Jeu, et d’importants textes
ressemblées par Marc Thivolet, L’Herne, L’écriture des vivants, Série dirigée et
établie par Pierre Bernard, 1968, Paris
Rene Daumal, La Grande Beuverie, nouvelle édition établie par Claudio
Rugafiori, Gallimard, 1980;
Idem, Correspondance, III, 1933-1944, Edition établie, présentée et annotée par
H. J. Maxwell et C. Rugafiori, Gallimard, 1996;
Idem, Les pouvoirs de la parole, Essais et notes, II (1935-1943), Edition établie
par Claudio Rugafiori, Gallimard, Paris, 1972;
Idem, Le Mont Analogue, roman d'aventures alpines, non euclidiennes et
symboliquement authentiques, Gallimard, 2003;
Idem, La Guerre Sainte, en „Fontaine. Revue bimestrielle de la nouvelle poésie
française“, Alger, 1940, pp. 2-3.
19
Ibid., pp. 9-10;
20
Le Grand Jeu, Ce Cahier reproduit intégralement les textes parus dans les trois numéros
publiés de la revue Le Grand Jeu, et d’importants textes ressemblées par Marc Thivolet, L’Herne,
L’écriture des vivants, Série dirigée et établie par Pierre Bernard, 1968, Paris, p. 185 ;
21
Ibid., loc. cit.
L'Imaginaire de la guerre | 117
Petrișor MILITARU1
Since the first part of the 20th century, surrealist artists – like Joan Miró,
Salvador Dalí, Pablo Picasso, Victor Brauner or Jacques Hérold, among many
others – seek to explore the unconscious mind as a way of creating art, resulting
in dreamlike, sometimes bizarre imagery across endless mediums. Surrealists
were also deeply interested in interpreting dreams as conduits for unspoken
feelings and desires. The works explored here did not begin with preconceived
notions of a finished product; rather, they were provoked by dreams, or emerged
from subconscious associations between images, text, and their meanings.
Surrealists were also deeply interested in interpreting dreams as conduits
for unspoken feelings and desires. Their artistic works explored here did not
begin with preconceived notions of a finished product; rather, they were
provoked by dreams, or emerged from subconscious associations between
images, text, and their meanings.
Right from the beginning, we would like to point out that none of the
surrealist visual artists had the important events in his life overlap so well with
his representative works, as in the case of Victor Brauner. Secondly, what we
will aim to demonstrate is the fact that Brauner will be consumed internally by
his own search for identity whether he will be in Romania or in France and will
have to create both concretely and and artistically, a way of transfiguring the
external and the internal reality in order to overcome the identitary dichotomy
that marked his entire existence.
Victor Brauner was born on June 15, 1903 in Piatra-Neamţ, in a Jewish
family, being the fourth son of Herman (timber manufacturer) and Debora. In
terms of personal mythology, we note that he was born in the dualistic sign of
Gemini, ruled by Mercury, the patron of communication between the divine and
human planes, between the seen and the unseen - so of mediation par excellence.
1
Lecturer, Ph.D., University of Craiova.
118 | SYMBOLON 16
Also, the god carrying the caduceus is also the one who governs the hermetic
language, alchemy, the cross or the crucifixes, being at the same time the
protector of thieves, here we turn our attention to the Promethean meaning of the
thief, more precisely to those who are able to use in their work the fire of the
spagyric art2: “Brauner divided the forms of nature and gathered them, after
separating what was pure from what was impure. Having become an alchemist,
the painter operates the fusion of species”, observes Sarane Alexandrian3.
Also related to the place of Brauner's birth, we should specify that the
numerous stories and folklore legends specific to the city on the Bistrita river
valley will have echoes in his artistic work, as you will see later. Also regarding
the biographical aspect, we will point out that at the age of 6 he participated with
his family in the inauguration of the zoological park at the foot of the Cozla hill,
where Victor will see for the first time the cages with wolves and bears. This
experience seems to have marked the child Victor, if we consider that the Loup-
table (Le Loup-table, 1939-1947), one of his most famous works, represents a
hybrid originally imagined by Brauner in two other paintings of his, Fascination
(Fascination) and Psychological Space (Espace psychologique), both from
1939. In fact, this is one of the productive years of the surrealist movement if we
consider that Brauner also created the work Chimère, Roberto Matta -
Morphology psychological, Dali - Enigma of Hitler – by the way based on the
“Hitlerist” elements in his paintings, he will also be excluded from the Parisian
surrealist group in the same year, Tanguy - Secondary thoughts, and Man Ray -
Beautiful times etc.
The first work we will focus on is called Fascination (1939) and belongs
to “secondary surrealism” or “the period of chimeras or twilights”4 from Victor
Brauner's creation. Discreet tones of brown and ocher decorate an austere room
in which there is only an object of furniture, half table, half wolf. At this table is
2
The attribute “spagyric” comes from the Greek language from “spao e ageiro” which means
“separates and unites” (in Latin “Solve et Coagula”), referring to two of the fundamental
operations of alchemy. “Spagyric art” is a phrase first used by Paracelsus to describe his medical
doctrine – based on the principles of alchemy, nature and biological phenomena – in which various
“chemical” products were used for their therapeutic role. In short, for Paracelsus every body in the
universe is made up of the Tria Prima, the three fundamental constituent principles: i) salt (the
physical element), ii) sulfur (the combustible element) and iii) mercury (the volatile element). To
separate and unite these three principles, the alchemical fire is needed, the third pillar of
Paracelsus’ doctrine alongside the philosophical and astrological pillars. For example, if we burn a
piece of wood, it will decompose into smoke (mercury as a transforming agent, representing
fusibility and volatility), flame (sulfur as a connecting agent between the substance and its
transformation, representing flammability) and ash (salt as solidification agent, representing
stability and non-flammability). See Franz Hartmann, Paracelsus – life and teaching, translated by
Ilie Iliescu, Collection “Logos”, Herald Publishing House, Bucharest, 2006.
3
Sarane Alexandrian, Victor Brauner, translated from French by Luminiţa Potorac, Junimea
Publishing House, Iaşi, 2005, pp. 139-140.
4
Sarane Alexandrian, Victor Brauner's centenary, edition and translation by Nicolae Tzone, Ioan
Prigoreanu şi Marilena Munteanu, Vinea Publishing House, Bucureşti, 2006, p. 31.
L'Imaginaire de la guerre | 119
seated a female figure who seems to be waiting to be served. Her hair curls
upwards to form the head of a bird with a swan-like neck facing the wolf's head
emerging from one end of the table. At the other end of the table you can see the
tail and scrotum of the table animal. At this stage of his creation, Brauner
produced a series of paintings inhabited by hybrid and strange characters, most
often women, animals or objects. These characters who cross the limits of the
rational have an absurd and hallucinatory air, constituting fantasies specific to
the enigmatic world of surrealist art, in which the visual imagination is freed
from its rational and logical constraints, giving way to spontaneous and
irrational associations. The surrealist vision aims to capitalize on unconscious
impulses to produce shocking, intriguing, original and revealing images.
However, the surrealistic object the Table Wolf it was made three-
dimensionally from wood and wolf fur, at the request of André Breton, for the
International Exposition of Surrealism in 1947, in Paris. Similar to a
Duchampian ready-made due to the table being a mass-produced object, but
benefiting from the intervention of the canid family animal as “objet trouvé”, a
concept specific to surrealism, the operation will result in an object that surprises
the viewer due to a strong symbolic connotation. These symbolic implications
are enhanced artistically in the French language by the fact that the name Loup-
table evokes the lexeme “redoutable” (“scary”, “to be feared”). Starting from
this sound association, André Breton considered this work of art to be a
premonitory sign of the Second World War: “At that time, only Victor Brauner
relied on fear, and he did it using a table that we are used to... This interval in his
work undoubtedly brings us the most lucid testimony of that period, singular in
its general anxiety for the times to come.”5
From our point of view, the Table-Wolf suggests that the object at which
man devours his own food can turn, at a given moment, into an object that can
even devour the one who originally possessed it. In a very strange way, objects
acquire instinctive features in the Surrealists' imagination that animate them and
make them potentially violent, having a devouring or vampiric aura. The table, a
banal object, is symbolically invested with a phagophobic charge, recalling that
mythical belief called lycanthropy and which speaks of people with a natural
identity: one diurnal, solar, rational, human and one nocturnal, lunar, instinctive,
animal. In fact, this duality of the human being will be one of the fundamental
themes of Victor Brauner’s work. We retain the surrealist tendency to attribute
supernatural attributes to object6, from the sphere of totemic beliefs, with the
difference that here the object reverses its protective role. Incidentally, at the end
of the story The Goat with Three Kids by the famous Moldovan writer, the wolf
is swallowed by the table-trap that the mother goat lays out for the devouring
wolf. We believe that the story, published for the first time by Ion Creangă in
5
André Breton, Le Surréalisme et la Peinture, Éditions Gallimard, Paris, 1965, p. 124.
6
The lexeme “lycanthropy” is composed of two Greek words “lykos” (“wolf”) and “anthropos”
(“man”).
120 | SYMBOLON 16
1875, was well known in German lands so that it was also known to Victor
Brauner as a child.
Also in 1909, when little Victor was getting to know the wolves and
bears at the zoo, he learned for the first time about the spiritualism sessions
organized by his father: “From an early age Victor Brauner had all kinds of
experiences that -they marked his childhood due to his father's personality. He,
leaving his country of origin, Romania, often occupies his time with spiritualistic
practices that will leave strong traces in the imagination of his young son. As an
adult, Victor Brauner would evoke in his writings the fairies and vampires
(undead) with which he was familiar. In the same vein, we mention that the
Carpathian Mountains represent both the place of origin of Brauner and the
place of residence of Count Dracula”7. Going over the confusion between
vampires and undead, but also over the exotic association with the famous
vampire, we will emphasize that around 1940, Brauner's imagination will be
populated by ghostly or magical beings that populate paintings such as
Fascination or Psychological Space.
Thus, we enter a universe populated by hieratic beings (women with a
very thin body) that infuse artistic reality with dreamlike and fascinating visions
or dark animals (the snake, the fish, the cat or the chicken) that belong to
Brauner’s interest in occult philosophy, to which Sarane Alexandrian will
dedicate a book8, essential to understand the work of the surrealist painter of
Romanian origin. The exploration of the uranic or plutonic areas of the human
psyche, represented either by diaphanous and igneous beings, or by chthonic-
aquatic animals, will prove to be another constant of the Braunerian surrealist
universe. We notice how the dualism at the psycho-artistic level is reflected in
the dichotomy at the level of visual representation: the characters in the works
contrast by joining subtle beings and clairvoyance with mythical animals that
refer to religious beliefs known in the history of religions as “mystery religions”,
as in Brauner’s lithographs illustrating René Char's manuscript of poems entitled
Quatre fascinatings (1950).
In 1910, Halley's comet approaches Earth, this being one of the most
publicized events of that year given the apocalyptic connotations that this
astronomical event had for a large part of the population. Comet Halley will
embody in the drawing Psychoflorine/ Hyppoflorine (1943) “the place of cosmic
correspondences”9, emblem of the descending transcendent, to use a Blagian
phrase. Then, in the summer of 1912, the Brauner family moved to Vienna,
trying to establish themselves permanently in the Austrian capital. Here, Victor
will study, in German, at a private school. But in 1914, around the outbreak of
7
Emil Nicolae, Victor Brauner - the Sources of his Works (monographic album), Foreword by
Amelia Pavel, Hasefer Publishing House, Bucureşti, 2004. p. 26.
8
Sarane Alexandrian, History of occult philosophy, translation by Claudia Dumitru, Humanitas
Publishing House, Bucureşti, 1994.
9
Emil Nicolae, op.cit., p.52.
L'Imaginaire de la guerre | 121
the First World War, the Brauner family returned to the country and settled in
Bucharest. Thus, in 1916, he attends classes at the evangelical high school in
Brăila, and on vacation Victor travels to “uncle Jacques” from Fălticeni. Here he
is the witness of a case of somnambulism that marked him deeply as can be seen
in the works Project for Initiation (1942), where a female character appears who
embodies the archetype of the somnambulant priestess as in Mythotomie (1942).
It is known that somnambulism as a dream state involves a coexistence of
unconscious activity and deep sleep, which seems to favor accessing the deepest
layers of the human being from certain childhood events that marked us through
the impact that they had on us, down to our most intimate beliefs that materialize
in the present case when it takes the form of “homo divinans” which reveals at
the same time the will of the divinity and the events of the future.
If the premonitory character of Victor Brauner’s art will float like an
aura around his paintings starting in 1938 when he loses an eye because he
intervenes to defend a friend of his and, following this event, his work Self-
Portrait with an Eye wounded (Auto-portrait a l'oeil enuclee, 1931), with which
he participated in the Salon III of the “Supraindependents”, could be interpreted
as a premonition, then the hieratism of his work – both in the sense of artistic
language that has sacred connotations, some elements being extracted even from
ancient Egyptian beliefs, as well as in the sense that the characters represented
will be captured in static postures or postures that evoke their involvement in a
ritualistic or initiatory process - it will only become obvious with the
posthumous exhibition entitled Victor Brauner: surrealist hieroglyphs from the
Houston Museum (Texas) between October 12, 2001 and January 6, 2002, in
which the archetype of the picto-poet is himself a Le Bateleur or Magus, the first
of the Great Arcana of the Tarot, evoking both the creative or transfiguring
power and the divinatory or magical one.
Returning to the biographical part, it is appropriate to emphasize that if
in the first exhibition at the Bucharest Art House Victor Brauner will exhibit
works in which social subjects dominated, depicted in a modernist technique,
then, in the next artistic stage (1924-1931) the critical attitude towards society
will be accentuated, expressed in a slightly fantastic form “in the form of visual
fables: people without arms (because they have nothing to do) or without heads
(incapable of thinking), will evolve among houses that are not inhabited and
which resemble some ghostly carcasses”10. From this period belongs the work
Lady with the dog, a “social fable” that shows us a naked lady covered only by
some frills who is accompanied by a skeletal, ghostly gentleman, whose defining
accessory is a joben. The joben and frills are their representative attributes, and
10
Sarane Alexandrian, „Fables of the asocial society”, in Victor Brauner, ed.cit., 2005, p.136.
122 | SYMBOLON 16
their outer emptiness is a sign of their inner life devoid of content like the shell
people in Daumal’s allegorical novel11.
So in biographical terms, until the age of 16, the young Victor Brauner
is the witness of his family's attempts to find a social identity and financial
stability first in Romania, then in Austria and again in Romania. Then, in July
1919, his parents, Herman and Debora Brauner, obtained “citizenship” in
Romania, which was granted to Jews (or descendants) who had special merits in
the War of Independence (1877-1878) or participated in the First World War (
1914-1918). To conclude the first biographical stage, i) the Romanian-Austrian
one (1903-1924) and to move on to ii) the French stage (1925-1966), we will
summarize by saying that there are three important events that mark the first part
of Victor's life Brauner: the revolt in Moldova, his father's spiritualist sessions
that he secretly attended and the contradictory state of anxiety and fascination
caused by the passage of Halley's comet, which seemed to herald, for the
superstitious, the end of the world.
In 1925 Victor Brauner went on his first trip to Paris, staying there for a
year and a half. In November 1925, he visited the first surrealist exhibition,
hosted by the Pierre Loeb Gallery, where he came into contact with works
signed by avant-garde artists such as Giorgio de Chirico, Max Ernst, Man Ray,
Joan Miro or Pablo Picasso. However, in 1932 Brauner will join the surrealist
group thanks to Yves Tanguy and will start working on a series of paintings in
which an enucleated eye appears as a redundant element. At the level of the
artistic work, Suicide at Dusk (Suicide au crépuscule, 1930) is probably the first
painting in which the motif of doubling or double appears clearly and was
created in 1930, when Brauner left for Paris again due to the fascist regime
gaining ground in his native country. The painting explicitly presents a character
split in a way that seems to be fatal to him, leading us to believe that the middle-
aged man is divided against himself.
The male character somehow floats in a black void crossed by gray-
tinted bands at the bottom and top of the painting. It has been said that the image
is somehow reminiscent of a Romanian folk tale in which a hermit
communicates with his evil double, but in Brauner it is rather a self-struggle or a
self-birth that is depicted, but the fact that the rupture takes place right at the
navel. There is definitely a conflict with oneself, and the struggle is for life and
death. Although in 1932 he will meet, in Paris, with the members of the group
led by André Breton, a work like Suicide at Sunset shows us that he already
fulfilled at least one of the classic characteristics of a surrealist work: he could
express a reality interior, be it fantastic and contradictory or dreamlike, not
subject to conscious thought.
11
See René Daumal, Analog Mountain - a novel of alpine adventures, non-Euclidean and
symbolically authentic, foreword by Basarab Nicolescu, translated by Marius-Cristian Ene,
Niculescu Publishing House, Bucharest, 2009.
L'Imaginaire de la guerre | 123
12
See the references to Septimana Philosophica (1620) in the preface to in Michael Maier,
.Atalanta fugiens. Philosophical emblems of nature's secrets, translated by Gabriela Nica and
Marius Cristian Ene, Herald Publishing House, Bucharest, 2010. Septimana Philosophica takes the
form of a dialogue between Solomon, the Queen of Sheba and Hiram, with the theme of the secrets
of the universe. Over the course of six days (since such discussions do not take place on the
Sabbath), the three biblical characters the two talk about all the existing kingdoms in nature,
starting with the vegetable kingdom and ending with human beings.
13
C.G. Jung, Alchemical Studies, pp. 294-295.
124 | SYMBOLON 16
14
Victor Brauner, Écrits et correspondences 1938-1948, Les archives de Victor Brauner au Musée
National d’Art Modern. réunis et établis par Camille Morando et Sylvie Patry, Centre Pompidou,
Institut national d’histoire de l’art, Paris, 2005.
L'Imaginaire de la guerre | 125
Bibliography:
Alexandrian, Sarane, Victor Brauner, traducere din limba franceză de
Luminiţa Potorac, Editura Junimea, Iaşi, 2005.
Alexandrian, Sarane, Centenarul lui Victor Brauner, ediţie şi traducere
de Nicolae Tzone, Ioan Prigoreanu şi Marilena Munteanu, Editura Vinea,
Bucureşti, 2006.
Alexandrian, Sarane, Istoria filosofiei oculte, traducere de Claudia
Dumitru, Editura Humanitas, Bucureşti, 1994.
Breton, André, Le Surréalisme et la Peinture, Gallimard, Paris, 1965.
Daumal, René, Muntele Analog - „roman de aventuri alpine, non-
euclidiene şi simbolic autentice“, prefaţă de Basarab Nicolescu, traducere de
Marius-Cristian Ene, Editura Niculescu, Bucureşti, 2009.
Hartmann, Franz, Paracelsus – viaţa şi învăţătura, traducere de Ilie
Iliescu, Colecţia „Logos”, Editura Herald, Bucureşti, 2006.
Maillard-Chary, Claude, Le bestiaire des surréalistes, Presses de la
Sorbonne nouvelle, 1994.
de Mongex, Chantal Fernex, Victor Brauner, un surréaliste européen,
catalogul expoziţiei de la Musée des Beaux-arts din Chambéry, Un, Deux...
Quatre éditions, 2007.
Nicolae, Emil, Victor Brauner - la izvoarele operei (album monografic),
prefaţă de Amelia Pavel, Editura Hasefer, Bucureşti, 2004.
Wunenburger, Jean-Jacques, Filozofia imaginilor, Traducere de
Muguraș Constantinescu, Editura Polirom, Iași, 2004.
Ionel BUSE1
Abstract. In 2005 Vladimir Putin described the dismantling of the USSR as the
“greatest geopolitical catastrophe” of the 20th century. Our intervention tries to point
out, beyond the emotions caused by this human drama which surrounds us today - the
war in Ukraine, certain aspects of the formation of the political personality of Putin and
the return of the Russian imperial imaginary in the context of the recent wars in post-
Soviet space and its geopolitical consequences.
Keywords: Vladimir Putin, the war, Ukraine, the Russian imperial imaginary,
geopolitical consequences
1
Université de Craiova, Centre de Recherche sur l’Imaginaire et la Rationalité «Mircea Eliade».
2
Mathilde Le Petitcorps, Qu’est-ce que le syndrome d’hubris, ce sentiment de toute-puissance
prêté à Vladimir Poutine? in https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2022-03-04/qu-est-ce-que-
le-syndrome-d-hubris-ce-sentiment-de-toute-puissance-prete-a-vladimir-poutine-fc421b66-b811-
4663-ac9e-e4df0ecaa190, l’ouverture le 30 mars 2022.
L'Imaginaire de la guerre | 127
que « Cet homme ne peut pas rester au pouvoir ». Poutine est privé dans la
vision de Joe Biden de toute qualité d’un chef d’Etat. Certains analystes ont
qualifié ces déclarations d'émotionnelles. D'autres les ont interprétés comme des
messages bien calculés par l’administration Biden pour les envoyer au Kremlin.
Quoi qu'il en soit, la Maison Blanche a tenté de les adoucir en leur donnant une
interprétation plus diplomatique : « Ce que le Président voulait dire, c'est que
Poutine ne peut pas être autorisé à exercer un pouvoir sur ses voisins ou sur la
région. Il ne parlait pas du pouvoir de Poutine en Russie, ni d'un changement de
régime politique ». Joe Biden même a précisé ultérieurement qu’il ne s’agit pas
de changer le régime politique du pays, mais pour le reste il ne retire rien. En
tant que grand dirigeant européen, Macron a immédiatement pris ses distances
face aux déclarations de Joe Biden, en se considérant toujours comme
l'interlocuteur privilégié de Poutine en Europe ! Hélas !...
Qui va gagner la guerre ? S'agit-il uniquement d'un enjeu régional ou
d’un grand mouvement géopolitique ? Le ministre des affaires étrangères de la
Fédération Russe a annoncé après sa visite en Chine un nouvel ordre mondial, «
multipolaire, juste et démocratique ». Il ne s’agit pas d’une « démocratie
décadente à l’américaine » mais de « la démocratie souveraine » russe ! En tout
cas le chef d’orchestre semble être Poutine.
Certainement son image domine depuis longtemps la mappemonde
politique. Selon le classement de la revue américaine Forbes du 2016, Poutine
était l'homme le plus puissant de monde. Le président russe devançait Donald
Trump et Angela Merkel : c'était la quatrième année consécutive qu'il s'affichait
comme le vainqueur de ce classement3. En tout cas, Barak Obama, Donald
Trump, mais surtout Gerhard Schröder et Angela Merkel ont participé avec
succès à faire de Poutine un leader mondial. Est-il un génie politique tel que
Trump le considérait ou un dictateur fou ?
Notre petite intervention tente de pointer, au-delà des émotions
provoquées par ce drame humain qui nous entoure aujourd’hui, certains aspects
de la formation de la personnalité politique de Poutine et le retour de
l'imaginaire impérial russe dans le contexte des guerres récentes dans l’espace
postsoviétique et de ses conséquences géopolitiques.
3
https://www.lepoint.fr/monde/classement-forbes-poutine-reste-l-homme-le-plus-puissant-du-
monde-14-12-2016-2090470_24.php
128 | SYMBOLON 16
4
Francois Thom, Comprendre le poutinisme, trad. roumain Putin si putinismul, Humanitas, 2020,
p. 33.
5
Robert Service, Kremlin Winter. Russia and the Second Coming of Vladimir Putin (Hiver à
Kremlin. La Roussie et la deuxième venu de Vladimir Poutine) trad. roumaine, Iarna la Kremin. A
doua venire a lui Vladimir Putin, Polirom, 2020, p. 54.
L'Imaginaire de la guerre | 129
6
Mark Galeotti, We Need to Talk About Putin. Why The West Gets Him Wrong, (Parlons de
Poutine. Qu'est-ce que l'Occident ne comprend pas?), Hai să vorbim despre Putin. Ce nu înțelege
Occidentul ?, Humanitas, Bucarest, 2021, pp. 22-23.
L'Imaginaire de la guerre | 131
7
Jean-Jacques Wunenburger, Mytho-politique. Histoire de l’imaginaire du pouvoir, Editions
Mimésis, 2019, p. 66.
8
Op. cit.
9
David Gibeault, Stéphane Vibert, Autorité et Pouvoir en perspective comparative - Du tsar
médiateur au peuple théophore, Presses d’INALCO, OpenEdition Books, p. 5,
https://books.openedition.org/pressesinalco/2330
132 | SYMBOLON 16
10
Op. cit., p. 7.
11
Alain Besancon, Sainte Russie, trad. roumaine. Sfânta Rusie, Humanitas, Bucarest, 2012, pp. 54-
55.
12
Wladimir Berelowitch et Olga Medvedkova, « Introduction .L’invention de la Sainte Russie »,
in Cahiers du monde russe, 53/2-3 | 2012, p. 295-299, OpenEdition Journal,
https://doi.org/10.4000/monderusse.9378
13
David Gibeault, Stéphane Vibert, Autorité et Pouvoir en perspective comparative - Du tsar
médiateur au peuple théophore, Presses d’INALCO, OpenEdition Books, p.
https://books.openedition.org/pressesinalco/2330
14
Op. cit.
L'Imaginaire de la guerre | 133
15
Op. cit.,, pp. 82-83.
L'Imaginaire de la guerre | 135
En guise de conclusion
Les partis politiques eurosceptiques et antiaméricains ont espéré de
trouver en Poutine un leader politique qui hissera l'étendard de la lutte contre la
« décadence occidentale » et pour une Europe des nations. Son image de leader
mondial de la première décennie du nouveau millénaire le promettait. Mais
Poutine n’est pas du tout un européaniste. Il veut dominer l’Europe ou
éventuellement la partager avec l’Amérique. La Sainte Russie postsoviétique le
permet. Son leader est la création d’un État autocratique impérial qui doit
assumer la mission historique du Père de la Patrie et du testament de Pierre le
Grand. D’ailleurs Poutine s’imagine toujours l’incarnation historique du Pierre
le Grand. Qui peut sauver la Mère Russie sinon le Père ? D'où ses mythes
politiques de sa défense. D’où sa mission. D'où son combat. Le combat de
Poutine, qui n'est pas peut-être un stratège de génie, mais est doté d'une
remarquable volonté de puissance et de domination. « Je veux tuer l’Ukraine
pour la sauver ! » Un paradoxe ridicule ? Peut-être. Mais cela a toujours été la
logique mystique de la Sainte Russie. On dit que le peuple russe d’aujourd’hui
lutte pour les valeurs de la famille traditionnelle, pour la parole de l'Evangile,
etc., etc. Est-ce vraiment vrai ? Comment un peuple anesthésié depuis plus de 70
ans par le bolchevisme et l'athéisme peut-il être le sauveur du christianisme ?
Une image suggestive est apparue déjà pendant la semaine de Pâques orthodoxe
dans Marioupol. Un groupe de Tchétchènes victorieux devant des ruines de la
ville criant Allah Akbar! Allah Akbar! L'orthodoxie sera fracturée pour les
décennies à venir. Le mufti tchétchène annonce lui aussi qu'un nouveau djihad
est lancé contre l’Occident nazi. En fait, Poutine cultive le russisme qui est un
mélange de chauvinisme, de nostalgie du passé soviétique et d'obscurantisme
orthodoxe selon l’historien russe Stanislav Belkovski16.
Le leader du Kremlin est un autocrate qui joue aujourd’hui la carte de sa
vie : le rêve impérial de restaurer au moins une partie de l'URSS. Sa stratégie
politique est progressivement mise en pratique. Il a créé son image de leader
mondial. Il s'est attiré le soutien des dirigeants européens en vendant du gaz et
du pétrole bon marché, a assuré la neutralité de la Turquie autocratique, un pays
membre fort de l'OTAN, et le soutien de la Chine. Il a profité en même temps
16
Stanislav Belkovski, Putin. Biografie interzisă (Poutine. Biographie interdite), Editura Corint,
Bucarest, 2014.
136 | SYMBOLON 16
17
Le sommet de l'OTAN à Madrid du 28 au 30 juin 2022.
IMAGINAIRES DE LA GUERRE EN UKRAINE
DANS LA PRESSE COLOMBIENNE
Introducción
L'invasion russe de l’Ukraine a devenu, certainement, un événement
récent qui a occupé l'opinion publique de tout le monde. La Colombie est un
pays en développement dans le contexte latino-américain, où tous les journaux
les plus importants n’ont cessé d’en parler ; c’est une situation tragique et
douloureuse. Avec nos particularités locales, nous participons à la dynamique du
monde global et ce qui se passe dans d'autres territoires, peu importe où ils se
produisent, nous affecte et nous implique.
Dans ce contexte, on recourt à l’extraordinaire tradition conceptuelle et
méthodologique de l’enquête sur les imaginaires, et nous présentons ci-dessous
le résultat d’une étude de quarante-deux (42) articles de presse qui examinent de
cette question et qui ont été publiés par un important quotidien colombien « El
Tiempo » 2. Les auteurs de ces articles de presse, comme le montre le « corpus »
1
Professeur à l'Universidad Tecnológica de Pereira-Colombia. Adresse e-mail :
mgomez@utp.edu.co. Je remercie la collaboration de Daniela Martínez, professionnelle en
communication et informatique éducative, au cours du processus de creation du “corpus" de
l'étude et l'élaboration du tableau et du plan. Traducción française par Harold Álvarez Cortez.
Professeur à l'Universidad del Valle-Cali-Colombie.
2
"El Tiempo" est un quotidien colombien fondé le 30 janvier 1911 par Alfonso Villegas Restrepo.
Il s'agit actuellement du Journal qui a le plus grand tirage en Colombie et, pendant sept ans, il a été
dans la pratique le seul à avoir un tirage national, en raison de la crise de son principal concurrent,
El Espectador, qui, en 2001, est devenu un hebdomadaire, mais est redevenu un quotidien en 2008.
Son propriétaire est le groupe économique dirigé par l'entrepreneur colombien Luis Carlos
Sarmiento Angulo, qui a acheté la participatión actionnaire au groupe espagnol Grupo Planeta en
138 | SYMBOLON 16
mars 2012. Deux mois plus tard, on a appris que Sarmiento Angulo avait également acquis la
participation des actionnaires minoritaires : Abdón Espinosa Valderrama et des membres de la
famille Santos. Le journal est la base du conglomérat médiatique connu sous le nom de El Tiempo
Casa Editorial (ETCE). Selon l'Étude Générale sur les Médias de 2015, il comptait 3.515 548
lecteurs sur l'ensemble de ses plateformes, avec une moyenne de 969.713 lecteurs de l'édition
papier du lundi au samedi et 1.695.107 de l'édition dominicale." (voir :
https://es.wikipedia.org/wiki/El_Tiempo_(Colombie). De même, une infographie sur la trajectoire
historique de ce journal colombien est disponible sur :
https://www.eltiempocasaeditorial.com/historia Consulta 14-11-2022)
L'Imaginaire de la guerre | 139
Concept d'imaginaire
Comment alors évaluer et analyser les spécificités locales, nationales et
régionales, en l'occurrence la "guerre en Ukraine", dans un monde en cours de
globalisation ? L’approche de cette question entraîne mettre en relation et de
combiner l'universel et le particulier en partant du concept d'imaginaire.
L'imaginaire est un "concept essentiel" créé au milieu du XX e siècle par Gaston
Bachelard (1938, 1942, 1943, 1948), Henry Corbin (1958), Gilbert Durand (1969,
1996) et d'autres philosophes, historiens et chercheurs (Caillois, 1974 ; Boia ;
1998, 2022 ; Thomas, 1998 ; Araujo et Baptista ; Rojas Mix, 2006 ; Braga, 2007,
2020 ; Pop, 2007 ; Bușe, 2008).
Selon Corin Braga (2007, 2020), on peut distinguer trois sens du terme plus
général de "fantaisie" : imagination, imaginaire et imagination. De Platon à
Sartre, y compris Descartes et Bacon, l'imagination a été considérée comme une
faculté spirituelle intermédiaire entre les sens et la mémoire, d'une part, et
l'intellect et la raison, d'autre part. L'imagination reprend les représentations
sensorielles accumulées dans la mémoire et, quand elle les recombine de
manière aléatoire et incontrôlée, elle crée des images mentales fausses,
illusoires, chimériques. Elle est, pour ainsi dire, la "mère de toutes les erreurs"
et doit être corrigée soit par corrélation avec l'expérience extérieure (comme le
soutient l'école des "empiristes"), soit par soumission à des critères logiques
(comme le soutient l'école des "rationalistes"). Ainsi, Braga ajoute (2020),
n'ayant aucun référent dans la réalité extérieure, l'imagination ne rêve que du vide
ontologique, elle ne crée que des " copies de copies " selon Platon, elle est le
génératrice du néant selon Sartre.
Néanmoins, Braga ajoute (2020, p. 13-14), que pour dépasser cette
opposition entre empiristes et rationalistes, Kant a remarqué que, en l'absence
des fonctions ordonnatrices de la raison, les représentations sensorielles sont
chaotiques, et qu'en l'absence de matière empirique, les idées rationnelles sont
140 | SYMBOLON 16
vides. La fonction qui réalise la relation entre ces deux niveaux de l'appareil
cognitif est l’« imagination transcendantale », une catégorie a priori qui a pour
rôle d'organiser les images et de les abstraire afin de pouvoir les appréhender en
notions et en idées. Les néo-kantiens, comme Ernst Cassirer, ont également
insisté sur la fonction créatrice de l' « imagination productive » qui introduit
dans les images sensorielles des significations nouvelles, complémentaires et
spécifiquement humaines. Il a appelé cette charge sémantique particulièrement
humaine "grossesse symbolique". Ainsi, par exemple, Braga remarque que lorsque
l'historien roumain Lucian Boia (1997, 1998, 1998, 1999, 2022), dans ses études
bien connues sur l'imaginaire du communisme, de l'histoire roumaine, de la
nation, du climat, de la fin du monde, entre autres, fait une distinction entre les
métaphores plastiques et les métaphores révélatrices, en se basant sur la
distinction kantienne entre une imagination reproductive ou combinatoire et une
imagination transcendantale, productive, et créative.
Braga (2020) considère que l'école française a repris dans le concept de
l'imaginaire ces deux fonctions - d'ordonner les représentations sensorielles et de les
charger de leurs contenus originaux. En premier lieu, l'imaginaire désigne
l'ensemble des imaginaires et des représentations nouvelles et inédites créés
par un individu ou une collectivité. Comme Hélène Védrine remarque (1990),
l'imaginaire est "l'ensemble des croyances, des idées, des mythes, des idéologies
qui nourrissent tous les individus et toutes les civilisations". Dans un second
temps, à une échelle plus large, l'imaginaire est considéré comme la fonction
dynamique et active qui crée ce complexe d'imaginaires et de symboles, la
capacité imaginative de la psyché. Pour Claude-Gilbert Dubois (1985), elle est le
"résultat visible d'une énergie psychique, qui possède ses propres structures
formelles tant au niveau individuel que collectif". Pour Jöel Thomas (1998),
l'imaginaire est " un système, une fonction dynamique d'organisation des
imaginaires, qui leur donne de la profondeur et les met en relation les uns avec les
autres ". Enfin, pour Jean-Jacques Wunenburger (2001, 2002, 2003), l'imaginaire
désigne " la force créatrice intérieure de l'imagination, les groupements systématiques
d'images qui ont un principe d'auto-organisation, d'autopoïèse ". Ainsi, si
l'imaginaire ne reflète que le vide ontologique, l'imaginaire désigne des objets qui,
même s'ils n'ont pas de présence extérieure, ils ont une réalité psychologique, ils
sont créés par des esprits humains, et ils ont une dimension anthropologique.
Ensemble avec ces deux concepts, Henry Corbin en a créé un troisième :
l'« imaginal » ou le " « mundus imaginalis ». S'appuyant sur l'ensemble de la
tradition philosophique alternative - le néo-platonisme, tel qu'il a été développé
dans le mysticisme islamique et le soufisme, ainsi que dans la pensée occulte de la
Renaissance européenne, Corbin utilise le terme " imaginal " pour désigner des
réalités qui ne sont ni de simples illusions ni des créations subjectives, mais qui
existent au-delà du monde empirique. Les visions mystiques, les révélations, les
prophéties, les descriptions des mondes transcendants (comme le paradis ou
l'enfer) font référence à un "mundus imaginalis" qui a pour les croyants une
L'Imaginaire de la guerre | 141
réalité ontologique totale, "plus forte" que celle d'un univers matériel. Mais si l'on
veut offrir un équivalent de l'imaginaire également à un public profane
contemporain, un substitut "actualisé" possible pourrait être celui
d'iconosphère ou d'imagosphère. Cela est dû à que la civilisation actuelle des
images a atteint, à travers tous les médias et les supports informatiques, une
généralisation et une cohérence objective qui dépassent de loin la subjectivité de
l'imaginaire individuel.
Dans ce contexte, Braga (2020) discute qu'au-delà des distinctions
suggérées ci-dessus, la conclusion qui se dégage est que les individus
interagissent avec la réalité extérieure non seulement par les sens ou les idées, mais
aussi par les images et les symboles. La compréhension qu'ils ont du monde, ainsi
que les réactions et attitudes qu'ils en tirent, dépendent donc d'images subjectives.
Cependant, si l'on circonscrit la définition de l'imaginaire "social", il faut se
référer à la perspective anthropologique. À cet égard, l'imaginaire couvre
toutes les pratiques humaines. Elle s'appliquerait à tous les domaines, la
sociologie et la religion, la littérature et l'art, la politique, les médias, etc. Les
imaginaires sociaux de nature collective comprennent des symboles, des récits, des
événements mythiques, des personnages légendaires qui nous permettent de
donner un sens à la chronologie historique, d'organiser la mémoire culturelle, de
façonner l'avenir. Au cours de la dernière période, le concept a connu une série de
changements importants et intéressants, notamment dans la recherche anglaise
(Iser, 1993 ; Kearney, 1988, 1998).
C’est évident que l'analyse des imaginaires sociaux et politiques est
devenue centrale dans l'étude des institutions de la civilisation moderne. Ainsi,
Braga (2022, p. 14), fait appel à Charles Taylor (2004), et cite la définition
suivante des "imaginaires sociaux modernes” :
Par imaginaire social, j'entends quelque chose de plus large et de plus
profond que les schémas intellectuels que les individus utilisent lorsqu'ils
méditent sur la réalité sociale de manière non engagée. Je me réfère avant tout à la
manière dont les gens imaginent et conçoivent leur propre existence sociale, à la
manière dont ils se comprennent les uns les autres, à la manière dont ils
interagissent avec leurs semblables, aux attentes qu'ils ont et aux notions et
images plus profondes qui sous-tendent ces attentes.
En complément des précisions conceptuelles sur l'imaginaire ou les
imaginaires, une question suit : pourquoi l'exploration des imaginaires collectifs est-
elle devenue un aspect important à l'époque actuelle? Pour Braga (2020, p. 15),
la réponse à cette question explique la dynamique de la relation entre le local et le
global à notre époque. Il considère que la société actuelle, qualifiée de
postmoderne, évolue vers un "village global", dans lequel les individus des
quatre coins du monde sont informés par les médias de ce qui se passe dans
d'autres parties du monde. Cependant, alors que dans le village traditionnel, la
transmission de ces information était directe, non médiatisée, interpersonnelle, dans
le village global, l'information est indirecte, médiatisée, et transformée. Le système
142 | SYMBOLON 16
7
L'Imaginaire de la guerre | 143
Tableau 1.
Fréquence des mots-clés dans le corpus de l'étude
N° MOTS-CLÉS QUANTITÉ
1 Guerre 207
2 Ukraine 179
3 Poutine 129
4 Russie 128
5 Monde 84
6 Invasion 54
7 Pays 46
8 Etats-Unis 37
9 Histoire 35
10 Incertitude 18
11 Morts – victimes 16
12 Territoire 16
13 Peur 14
14 Bombes 12
15 Biden 11
L'imaginaire du scientifique-journaliste
C'est une guerre que tout le monde ne condamne pas. "Une puissance
nucléaire envahit une petite nation souveraine. Le monde est témoin de cette
guerre injuste, minute après minute, image après image : bombardements
3
L'énumération des fragments des articles utilisés pour établir et exposer l'ensemble des
imaginaires correspond à une nomenclature ou énumération de C1 à C42, qui correspond à
chacun des articles (date, titre, auteur et formation du même, lien numérique où se trouve le
document), puis pour comprendre le sens et la portée des fragments utilisés il faut voir l'annexe 1:
Corpus de l'étude. Articles d'opinion dans le journal colombien "El Tiempo". 24 février - 14 juillet
2022.
146 | SYMBOLON 16
L'imaginaire du scientifique-journaliste
Une guerre à la Pyrrhus. "Poutine, malgré toute sa vanité, occupera
une place insignifiante dans l'histoire. Pyrrhus, roi d'Épire, a vaincu les Romains
en 279 avant J.-C. à la bataille d'Asculus. Il était sûrement le guerrier le plus célèbre
de son époque, mais il comprenait parfaitement les limites de sa victoire. Il s'est
exclamé : "Encore une victoire comme celle-ci et je retournerai seul dans ma
patrie". En effet, combien de personnes se souviennent aujourd'hui du royaume
d'Épire, et combien se souviennent de Rome ? Depuis lors, l'expression "victoire
à la Pyrrhus" a été utilisée pour décrire celles qui deviennent finalement les pires
défaites." (C12)
La guerre et le développement humain. "L'invasion douloureuse de
l'Ukraine va induire l'introduction de différents 'accords verts'. L'invasion
condamnable de l'Ukraine entraînera des changements politiques fondamentaux
pour le développement de l'humanité. Si l'on demande quel est le défi le plus
important auquel nous (7,5 milliards de personnes) sommes confrontés, la
réponse évidente est: "la sécurité alimentaire et énergétique pour tous, tout en
préservant l'environnement et en atténuant le changement climatique". Trois
défis phénoménaux, qui semblent appeler des actions contradictoires. Et puis la
guerre est arrivée! La Russie a envahi l'Ukraine, qui était connue comme le
grenier de l'Europe. Entre la Russie et l'Ukraine, ils produisent un tiers du blé
et de l'orge du monde, 52% du maïs et plus de 50% de l'huile végétale." (C25)
Les cent premiers jours de la guerre. "Poutine a eu tort, et il sera vaincu
quelle que soit l'évolution de la guerre. La semaine dernière a marqué l'achèvement
de 100 jours d'invasion de l'Ukraine par la Russie. La guerre ne se termine pas en
une semaine, comme l'on avait prédit, et ses conséquences seront considérables.
Pour la plupart des lecteurs, l'Ukraine est un pays lointain. Pour moi, c'est un
quartier familier. Mes parents ont émigré il y a de nombreuses années, de sa
région la plus occidentale, près de la frontière roumaine. La famille de ma mère
est originaire de Tchernowitz, celle de mon père de Khotyn et de Kamenetz
Podolsk (je l'écris avec une transcription phonétique, ces noms ont changé
d'orthographe dans les quatre langues dominantes ces derniers temps : l'allemand,
le roumain, le russe et bien sûr l'ukrainien). Mon grand-père a vécu dans sa
jeunesse à Odessa et y a appris le métier de savonnier. Ma grand-mère se
souvenait des saisons avec les récoltes et leurs confitures et cornichons
respectifs. Elle nous a enseigné à manger de l'avocat sucré, car il a le même goût
que les noix vertes de la " vieille maison " (C39).
11
L'Imaginaire de la guerre | 147
12
148 | SYMBOLON 16
nucléaire est à l'ordre du jour. Les vieilles paroles du sage Albert Einstein sont
rappelées ces jours-ci : "Je ne sais pas quelles armes seront utilisées dans la
troisième guerre mondiale, mais je peux vous dire ce qui sera utilisé dans la
quatrième guerre mondiale: les pierres. (C35)
La guerre en Ukraine et d'autres guerres. "La guerre provoquée par
l'invasion criminelle de l'Ukraine par la Russie a déclenché une mobilisation
internationale, un soutien humanitaire et militaire au peuple ukrainien, et un élan
général de solidarité internationale. Cela est compréhensible dans la mesure où il
s'agit d'une action cruelle et injuste contre un peuple souverain et parce qu'il s'agit
d'un conflit qui menace la sécurité mondiale. Ce qui est plus difficile à
comprendre, c'est que ce conflit occulte la conscience universelle d'autres
guerres dans le monde d'aujourd'hui, avec beaucoup plus de victimes et des
souffrances humaines indescriptibles, qui ne reçoivent pas la solidarité
internationale et l'attention qu'elles nécessiteraient. " (C36)
Une guerre à la dérive. "Concernant la dérive du conflit russo-
ukrainien, raison de l'adhésion de la Suède et de la Finlande à l’OTAN, les
dernières déclarations du secrétaire américain à la Défense représentent un
changement de stratégie. Pour le diplomate espagnol chevronné Jorge Dezcállar :
"L'objectif des Américains n'est pas tant de défendre ou de soutenir les
Ukrainiens, mais de les utiliser pour affaiblir la Russie. Nous nous dirigeons vers
une longue guerre d'usure, où les risques vont augmenter pour tous. Et il existe
une fine ligne rouge qui peut être franchie à tout moment et conduire à une
conflagration majeure'". (C37)
La guerre, c'est la faim. "Selon les sources de la FAO (Organisation des
Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture), le système alimentaire
mondial menace de s'effondrer. Le nombre de personnes menacées par la famine
augmente à un rythme alarmant au cours de 2022. Le secrétaire général des
Nations Unies, António Guterres a averti que le monde est confronté à la faim à une
échelle sans précédent. Des cycles sont prévus au cours desquels de nombreuses
régions de la planète seront déstabilisées par elle, avec des répercussions
imprévisibles. Après la pandémie, qui a révélé la fragilité du système
alimentaire mondial, les conséquences de la guerre en Ukraine risquent d'être
dévastatrices, notamment la violence et les migrations incontrôlées." (C41)
Une guerre de drones, nouvelles formes de guerre au 21ème siècle. La
fabrication de ces appareils de guerre augmente, et pas seulement aux États-Unis. Ils
sont les nouveaux et protagonistes mortels des guerres dans diverses parties du
monde. Des avions sans pilote qui, à une vitesse et une altitude donnée, sont
dirigés par quelqu'un, à grande distance, qui appuie sur le bouton de
bombardement lorsqu'il considère qu'ils sont au-dessus de leur cible.
Logiquement, elle ne fait pas de distinction entre civils et militaires,
combattants et personnes pacifiques. Selon la prestigieuse Amnesty
International, au moins 20% des victimes de ces appareils sont des civils innocents.
14
150 | SYMBOLON 16
Dans les prochains jours, les drones vont jouer un grand rôle dans la guerre en
Ukraine (C42).
dix ans. Le risque de guerre nucléaire existe. Nous sommes sur la route de
l'inconnu, et nous espérons que ce ne soit pas l'enfer. C'est le prix que le monde
doit payer pour défendre la liberté, l'autodétermination des peuples, l'ordre et la
paix. Pour la lutte entre la "tyrannie irrédentiste" et la démocratie libérale.
L'Europe et les États-Unis se souviennent de l'horreur causée par un autocrate
déséquilibré pendant la Seconde Guerre Mondiale. C'est pourquoi, comme l'écrit
Martin Wolf dans le Financial Times, même si toutes les options pour traiter
avec la Russie sont coûteuses, nous devons aller de l'avant". (C17)
Une guerre à la durée incertaine. "Le temps passe vite : il y a un mois,
l'invasion de l'Ukraine a eu lieu et une guerre à la durée incertaine a commencé.
Quant à ses effets, personne n'en doute. Quatre millions de réfugiés, soit un
dixième de sa population; les chiffres sont impitoyablement gonflés ou
dégonflés par l'un ou l'autre, mais on dénombre plusieurs milliers de morts, dont
des civils et des militaires russes et ukrainiens, et des dizaines de milliers de
blessés; Le bombardement par les troupes russes de centres commerciaux,
d'hôpitaux, d'écoles et d'immeubles familiaux se poursuit sans relâche; les villes
sont assiégées par la famine et les chars d'assaut; la montée en flèche des prix de
l'énergie et l'augmentation consécutive du coût des engrais et des denrées
alimentaires; l'interruption du plus important projet d'approvisionnement en gaz
de la Sibérie vers l'Allemagne. Il y a des protestations en Russie. Heureusement,
des négociations sont déjà en cours pour éviter une troisième guerre. Et la
quatrième sera une guerre avec des bâtons et des pierres, comme l'a dit
récemment Poutine, en rappelant Einstein. Que le Vatican, l'ONU, la Chine ou
les Etats-Unis parviennent à arrêter la guerre est la chose la moins importante :
la détérioration de la situation mondiale s'accélère et est dangereuse" (C27).
La guerre est une crise géopolitique et économique. "Le monde connaît une
grave crise géopolitique dont les effets économiques à court et à long terme sont
importants. Le monde connaît peut-être la pire crise depuis la Seconde Guerre
Mondiale. L'invasion de l'Ukraine par la Russie est extrêmement grave en
termes géopolitiques et peut avoir des effets économiques à long terme. Les
effets à court terme sont également graves, mais ils s'ajoutent aux tendances
négatives qui étaient devenues évidentes les années précédentes. Sur le plan
économique, les problèmes générés par l'invasion comprennent la pénurie de
nombreux produits de base, notamment le pétrole et le gaz, les engrais, divers
produits agricoles (blé, maïs et orge notamment) et certains métaux. Plusieurs
pays européens ont été particulièrement touchés par des problèmes
d'approvisionnement en gaz, et le monde entier par des problèmes de produits
agricoles et d'engrais, ce qui a fait parler d'une crise alimentaire. Certains
analystes ont déclaré que c'était la fin de la mondialisation, mais cette
affirmation est exagérée. Ce qu'elle a généré, ce sont de fortes répercussions sur le
commerce mondial et l'activité économique (un point de pourcentage de croissance
en moins, selon l'OCDE), ainsi que la pire inflation mondiale depuis un demi-
L'Imaginaire de la guerre | 153
Conclusion
Pourquoi est-il important d'enquêter sur les imaginaires de la guerre en
Ukraine dans un pays comme la Colombie ? Un ensemble de raisons peuvent
être avancées: (1) la pertinence du concept et de sa démarche d'étude pour
analyser des phénomènes et des comportements sociaux aussi complexes que le
conflit en Ukraine est réitérée ; (2) comprendre et décrire les créations humaines,
dans ce cas la guerre, entraine de prendre en compte des contenus
imaginaires, symboliques et émotionnels qui sont diffusés par la presse écrite
et digitale; (3) se tourner vers les imaginaires pour représenter la guerre en
Ukraine dans la presse colombienne remarque la référence nécessaire à la
condition du monde dans lequel nous vivons. C'est un monde dans lequel le
processus de mondialisation se manifeste à un rythme accéléré parallèlement à la
dynamique de localisation nationale et régionale. Nous assistons à un
processus à plus grande échelle où ce qui se passe dans un espace national,
régional et géopolitique apparemment si éloigné de la Colombie nous affecte
en tant que citoyens et individus; (4) les imaginaires établis dans l'étude des
articles de presse du quotidien colombien « El Tiempo » se comprennent mieux
dans le cadre d'une tension entre deux tendances - l'intégration et la localisation -
qui se traduit, comme nous l'avons vu plus haut, par le terme de glocalisation, défini
par Roland Robertson (2003) comme la présence et l'action simultanées de
tendances universelles et de tendances particulières, dans ce cas régionales et
nationales; et (5) la riche variété méthodologique qui caractérise les études sur les
imaginaires a permis de choisir une méthode d'analyse de contenu d'un "corpus"
d'articles de presse significatifs et appréciés dans le contexte colombien sur le
conflit en Ukraine.
Références
Araujo, Alberto Felipe, y Baptista, Fernando Paulo (eds.), Variações sobre o
imaginario. Domínios, teorizações, práticas hermenéuticas, Lisabona, Instituto
Piaget, 2003.
Bachelard, Gaston, La psychanalyse du feu, Paris, Gallimard, 1938.
Bachelard, Gaston, L’eau et les rêves, Paris, José Corti, 1942.
Bachelard, Gaston, L’Air et les Songes, Paris, José Corti, 1943.
Bachelard, Gaston, La terre et les rêveries de la volonté, Paris, José Corti, 1948.
Bardin, Laurence, L’Analyse de contenu, Paris, PUF, 2009.
Boia, Lucian, Istorie şi mit în conştiinţa românească, București, Humanitas,
1997.
Boia, Lucian, Pour une histoire de l'imaginaire, Paris, Les Belles Lettres, 1998.
Boia, Lucian, Două secole de mitologie naţională, București, Humanitas,1999.
154 | SYMBOLON 16
Annexe
Corpus de l’étude
Articles d’opinion dans le quotidien colombien "El Tiempo". 24 février - 14 juillet 2022
N°
d’arti
cle de Date Titre Auteur et activité Lien
press
e
C17 11 mars 2022 "¿ Vers l’inconnu ?" Carlos Caballero Argáez. RumboAloDesconoci
Économiste do
C19 14 mars 2022 " Vladimir Poutine et George Soros. Investisseur et RiesgoTerceraGuerra
le risque de la philanthrope milliardaire
troisième guerre
mondiale "
C20 14 mars 2022 " Invasion russe de Pedro Javier Rojas Guevara. InvasiónRusaaUcrani
l’Ukraine : aller à la Conseiller en stratégie a
guerre pour maintenir militaire et sécurité
la paix?"
C22 22 mars 2022 " Russie : un hybride Sonia Gómez Gómez. RusiaUnHibridoFatal
L'Imaginaire de la guerre | 157
fatal" Journaliste.
C23 22 mars 2022 " Totalitaires avec Enrique Krauze. Historien et TotalitariosconPutin
Poutine " essayiste mexicain.
C26 26 mars 2022 " Zone de turbulence Thierry Ways. Ingénieur ZonaTurbulencia
" système et entrepreneur
C27 26 mars 2022 "Hors de l’Ukraine" Luis Carlos Villegas. Avocat, FueradeUcrania
économiste, ancien ministre
de la défense de la Colombie,
diplomate.
C28 28 mars 2022 "Comme une routine Fernando Quiroz. Écrivain et Como Una Rutina
“ journaliste
"
C31 7 avril 2022 "¿ Poutine sur le banc Antonio Albiñaba. PutínenelBanquillo
des accusés de crimes Journaliste et analyste
de guerre?" international espagnole
C32 9 avril 2022 " La crise mondiale José Antonio Ocampo. LaComplejaCrisisMu
complexe " Économiste, actuel Ministre ndial
des finances de la Colombie,
ancien Directeur de la
CEPALC.
C34 25 avril 2022 " Sonne un piano " Fernando Quiroz. écrivain et SuenaUnPiano
158 | SYMBOLON 16
journaliste
C37 19 mai 2022 " Peur de la Russie " Antonio Albiñana. MiedoaRusia
Journaliste et analyste
international espagnole
C38 4 juin 2022 " Un pari pour la paix Lan Hu. Embajador de la UnaApuestaporlaPaz
et le développement " República Poular de China
en Colombia
C41 30 juin 2022 " Faim dans le monde Antonio Albiñaba. HambreenelMundo
du XXIe siècle " Journaliste et analyste
international espagnole
Parutions 1998
Jean-Jacques Wunenburger, La vie des images (trad. roum. par Ionel Buse), Ed.
Cartimpex, Cluj, 1998 ;
Parutions 2000
Jean Libis, L’eau et la mort (trad. roum. par Laurentiu Ciontescu- Samfireag),
Ed. Cartimpex, Cluj, 2000 ;
Jean-Jacques Wunenburger, Le sacré, (trad. par Mihaela Calut), Ed. Dacia, Cluj,
2000 ;
Jean-Jacques Wunenburger, L’homme politique (trad roum. par Mihaela Calut),
Ed. Alfa Pres, Cluj, 2000 ;
Ionel Buse, L’herméneutique symbolique des contes des fées, Ed Alfa Pres, Cluj,
2000.
Parutions 2001
Aspects du mythe (sous la dir. de Ionel Buse) nr. 1 Symbolon, Ed. Universitaria,
Craiova, 2001;
Approches poétiques (sous la direction de Irina Mavrodin), nr. 1, Ed. Scrisul
Romanesc, Craiova, 2001 ;
Conférence : Jean-Jacques Wunenburger, Philosophie et pensée visuelle, 19 avril
2002, Université de Craiova, Centre « Mircea Eliade ».
Parutions 2002
Cahiers Mircea Eliade nr.1 (sous la dir. de Ionel Buse), Ed Universitaria,
Craiova, 2002;
Approches poétiques (sous la dir. de Irina Mavrodin), nr. 2, Ed. Universitaria,
Craiova, 2002;
Dana-Marina Dumitriu, Metafora culinara în expresiile franceze, (La métaphore
culinaire dans les expressions françaises), Ed. Aius, Craiova, 2002 ;
Symbolon nr. 2 Imaginaire du politique (s. la dir. de Ionel Buse) Universitaria,
2002.
Parutions 2003
Logos (s. la dir. de Ion Ceapraz et Catalin Stanciulescu), Universitaria, 2003 ;
Cahiers du surréalisme (s. la direction de Ioan Lascu), Universitaria, 2003 ;
Ionel Buse, Logica pharmakon-ului (La logique du pharmakon), Paideia,
Bucarest, 2003 ;
Dana-Marina Dumitriu, Ça tombe comme à Gravelotte (Expressions françaises
avec des noms propres), Ed. Aius, 2003.
Thèmes abordés en 2003-2004
Séminaire: L’imaginaire lusitain, Centre Mircea Eliade, 20 janvier 2004 ;
Conférence : Jean-Jacques Wunenburger, Imaginaire et rationalité 3, Centre
« Mircea Eliade », le 5 avril 2004 ;
Conférence : Gerard Sondag, L’image figurative, Centre « Mircea Eliade », le 6
avril, 2004.
162 | SYMBOLON 16
Parutions 2004
Carrefour des littératures nr.1 (s. la direction de Dana-Marina Dumitriu) Ed.
Universitaria, 2004 ;
Cahiers « Mircea Eliade » nr. 2 (s. la direction de Ionel Buse), Universitaria,
2004, Craiova ;
Ionel Buse, Métamorphoses du symbole. Figures de l’imaginaire dans la prose
fantastique de Mircea Eliade, Ed. Dacia, Cluj, 2004.
Parutions 2007
Symbolon, nr. 3 Imaginaire et rationalité, Universitaria, Craiova, 2007 (s. la
direction de Ionel Buse et Catalin Stanciulescu) ;
Jean Libis, Prolegomene la o metafizica bachelardiana, Fundatia Alfa, Cluj,
2007, trad. de Dorin Ciontescu Samfireag ;
Maryvonne Perrot, Bachelard et la poétique du temps, Dacia, 2007, trad. de
Laurentiu Ciontescu-Samfireag si Dorin Ciontescu-Samfireag ;
Ionel Buse, Democratie en rouge caviar, Fundatia Alfa, Cluj, 2007 ;
Parutions 2008
Symbolon nr. 4, Mircea Eliade et la pensée mythique, s. la dir. de Ionel Buse et
Jean-Jacques Wunenburger, ISBN Université Lyon 3 ;
Ionel Buse, Du logos au mythos, L’Harmattan, Paris, 2008 ;
Parutions 2009
Jean-Jacques Wunenburger, L’imaginaire, trad. en roumain par Dorin Ciontescu
Samfireag, Ed. Dacia, Cluj-Napoca ;
Marian Buse, Archetype et image chez Gilbert Durand et Lucian Blaga, EUC,
2009 ;
Ioan Lascu, Un aisberg deasupra marii. Eseu despre opera postuma a lui Ion D.
Sîrbu, EUC, 2009 ;
Symbolon nr. 5, L’imaginaire des orients, s. la dir. d’Ionel Buse et Jean-Jacques
Wunenburger, ISBN Université Lyon 3.
Parutions 2010
Bruno Pinchard, Méditations mythologiques, trad. en roumain par Dorin
Ciontescu Samfireag, Ed. Dacia, Cluj-Napoca ;
Symbolon nr. 6, L’imaginaire des catastrophes, s. la dir. d’Ionel Buse et Jean-
Jacques Wunenburger, ISBN Université Lyon 3 ;
Lazar Popescu, Intre Efes si Nazaret, Ed. Universitaria, 2010.
Parution 2011
Symbolon 7, Centre « Mircea Eliade » et l’Université Lyon III, coordinateurs
Jean-Jacques Wunenburger et Ionel Buse, L’imaginaire des saisons et des
climats.
Thème abordés en 2011-2012
Seminaires : Bachelard – le témoignage reveur, Centre « Mircea Eliade », Ionel
Buse;
L'Imaginaire de la guerre | 165
Parutions 2012
Symbolon 8, Bachelard : art, littérature, science, Centre « Mircea Eliade » et
l’Université Lyon III, coordinateurs Jean-Jacques Wunenburger et Ionel Buse
Holism, neopragmatism si diversitate culturala, coord. Ion Ceapraz et Catalin
Stanciulescu, Ed. Universitaria, 2012.
Parutions 2013
Ionel Buse, Mythes populaires dans la litterature fantastique de Mircea Eliade,
L’Harmattan, Paris, 2013.
Symbolon 9, L’imaginaire feminin. La femme et la feminité, Centre « Mircea
Eliade » et l’Université Lyon III, coordinateurs Jean-Jacques Wunenburger et
Ionel Buse
Ion Militaru, Critica ratiunii avare, Editura Academiei, Bucuresti, 2013.
Parutions 2014
Symbolon 10, Mythologie de la violence, Centre « Mircea Eliade » et
l’Université Lyon III
Ionel Buse, Gaston Bachelard, la poétique d'une lecture, L'Harmattan, Paris,
2014;
Ionel Buse, Intellocrates, philosophes, ironistes, Ed. Ramuri, Craiova, 2014;
Ion Militaru, Nu-L cunosc pe acest om! Despre marea minciună și alte eseuri
morale, Editura Academiei Române, 2014;
166 | SYMBOLON 16
Ioan Lascu, Ion D. Sîrbu aşa cum a fost. Convorbiri despre Gary, Editura
Ramuri, Craiova, 2014.
Parutions 2015
Symbolon 11, L’imaginare dans tous les états. Hommage à Jean-Jacques
Wunenburger, Centre « Mircea Eliade » et l’Université Lyon III
Cătălin Stănciulescu (sous la direction), Logică, limbaj, analiză. Omagiu
Profesorului Ion Ceapraz la împlinirea vârstei de 75 de ani, Craiova, Editura
Aius, 2015;
Cătălin Stănciulescu (sous la direction), I Drepturile omului, alteritate,
incluziune, II Drepturile omului, globalizare, securitate Editura Sitech, Craiova,
2015.
Parutions 2016
Symbolon 12, Mircea Eliade et le sacré dans le monde contemporain, Centre «
Mircea Eliade » et l’Université Lyon III.
Parutions 2017
Symbolon 13, Constantin Noica – un modèle culturel ?, Centre « Mircea Eliade
» et Université Lyon 3, Ionel BUSE et Jean-Jacques Wunenburger (sous la
direction).
Lazar Popescu, Mircea Petean ou science de la poésie, Ed. Argonaut, Cluj-
Napoca, 2017.
L'Imaginaire de la guerre | 167
Publications 2018
Ionel Bușe, Bătrânul și eutanasierul (Le Vieux et l’Euthanasier), Ed. Eikon,
București, 2018.
Ion Hirghiduși, Antropologie politică (Anthropologie politique), Ed. Universitas,
Petroșani, 2018.
Symbolon 14, Jeu, theatre, existence, Centre « Mircea Eliade » et Université
Lyon 3, Ionel Bușe et Jean-Jacques Wunenburger (sous la direction).
Ioan Lascu (sous la dir.), Locul și importanța operei lui Ion D. Sîrbu în
literatura română postbelică (1945-1989) (Place et importance de l’oeuvre
d’Ion D. Sîrbu dans la littérature roumaine d’après-guerre) Ed. MJM,
Craiova, 2019.
Dana Militaru (sous la dir.), Emil Cioran și nostalgiile literaturii române
(Emile Cioran et les nostalgies de la littérature roumaine), Ed. Grinta, Cluj-
Napoca, 2019.
Petrișor Militaru et Cătălin Davidescu (s. la dir.), Sașa Pană et le magazine
d'avant-garde « unu », Ed. Aius, Craiova, 2019.
Publications 2020
Petrișor Militaru, Gabriel Nedelea, Silviu Gongonea (s. la dir.), Virgil
Teodorescu și suprarealismul european (Virgil Teodorescu et le surréalisme
européen), Editura Universitaria. Craiova, 2020.
Publications 2021
Symbolon 15 – Centenaire Gilbert Durand : Autour d’une anthropologie de
l’imaginaire: des nouvelles perspectives, Ionel BUSE et Jean-Jacques
WUNENBURGER (s. la dir.) Centre „Mircea Eliade” de Recherches sur
l’Imaginaire et la Rationalité et l’Institut de Recherches philosophiques de Lyon.
Cahiers Alexandru Macedonski III, Ion Munteanu (s. la dir.), Editura Eikon,
Bucarest, 2021.
La sortie du livre:
Imaginaire et neurosciences: Héritages et actualisations de l'oeuvre de Gilbert
Durand de Jean-Jacques Wunenburger.
Publications 2022
Jean-Jacques Wunenburger, Imaginarul, ediția a II-a, Prefață de Ionel Bușe,
Traducere de Dorin Ciontescu-Samfireag, Editura Aius, Craiova, 2022.
Publications 2023
Ilona Duță, Submersiuni creatoare într-un psiho-text abisal, Editura
Universitaria, Craiova, 2023.
Petrișor Militaru, Victor Brauner 120, Prefață de Emil Nicolae, Editura Aius,
Craiova, 2023.