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Numéro 1
Septembre 2004
L'Hôpital des Roseaux est l'un des plus anciens établissements de santé au Québec. La qualité de
ses soins et ses services spécialisés ont bâti sa renommée à travers le pays. Depuis une dizaine
d'années toutefois, les choses semblent s'être lentement dégradées et la belle réputation, histori-
quement acquise, apparaît largement entachée. Le climat organisationnel souffre de sérieuses
tensions que les conditions de travail de plus en plus difficiles dans l'ensemble du réseau de la
santé ne font qu'accentuer. Les coupures budgétaires à répétition des dernières années ont
d'ailleurs largement contribué à intensifier ces difficultés. Vus de l'extérieur, les problèmes vécus
par l'hôpital paraissent ni plus ni moins similaires à ceux rencontrés par l'ensemble des établisse-
ments du réseau. Cependant, des rapports du Ministère font état d'une détérioration notable de la
qualité des soins offerts par le CH et le taux des plaintes des usagers a augmenté de 18 % dans les
deux dernières années. À certains égards, la situation ressemble, de prime abord, à ce qui s’est
passé dans d’autres établissements où les bénéficiaires ont même subi de mauvais traitements
(voir, par exemple les découpures de journaux à l’annexe 1).
Mme Marchal
Huguette Marchal œuvre depuis bientôt 15 ans dans le réseau de la santé. Infirmière, elle a débuté
dans un établissement de la province avant d’y devenir infirmière-chef et directrice des soins
infirmiers (DSI) où elle s’est acquis la réputation d’excellente gestionnaire. Ses habiletés de
négociation l'ont toujours beaucoup aidée dans ses relations interpersonnelles et elle était extrê-
mement appréciée de ses anciens collègues et subordonnés.
Il y a maintenant quelques mois que son déménagement à Montréal est prévu à la suite de la
mutation de son époux dans la métropole. Sa recherche d'emploi n'a pas été longue. La pénurie de
professionnels de la santé laisse en effet de nombreux postes vacants et crée de belles occasions
de carrière. Après quelques entretiens, Huguette Marchal a opté pour l'offre de l'Hôpital des
Roseaux à titre de directrice des soins infirmiers, poste qui représente, pour elle, un intéressant
défi.
En effet, lors de ses différentes entrevues de recrutement, Mme Marchal a été avertie de la gravité
de la situation qui sévit actuellement dans l'établissement. Elle sait donc que la tâche qui l'attend
sera difficile. Toutefois, à 42 ans, elle recherche des défis et pense que cette offre est la plus
stimulante de toutes celles offertes. Elle appréhende donc cette nouvelle mission, qui consiste
ultimement à rehausser la qualité des soins infirmiers dans l'établissement, comme un enjeu de
taille. Mais elle se sent prête à l’affronter et pense bien disposer de toute la motivation et la
compétence nécessaires pour y parvenir.
L’arrivée en fonction
Dès son arrivée, Mme Marchal saisit rapidement le malaise profond qui règne dans l'établisse-
ment. L'accueil indifférent voire réfractaire des employés, ainsi que la grande incivilité qui paraît
prédominer dans les relations entre les employés donnent le ton. Très tôt, elle constate que les
abus verbaux sont monnaie courante, que chacun travaille de manière très individuelle et
qu'aucune véritable communication n'existe entre les différents intervenants. Elle s'aperçoit donc
très vite que la situation est beaucoup plus critique que ce qu'elle avait pu imaginer.
Les premières semaines de son mandat, ses nouveaux collègues et proches collaborateurs, y allant
de leurs jugements, plaintes et analyses de la situation, lui apportent quelques éléments d'explica-
tion qui se résument en six points principaux :
2. Aucune règle claire ne semble régir les relations entre les différents groupes d’emploi de
même qu’entre les niveaux hiérarchiques, ce qui explique certainement l'état de permissivité
inacceptable régnant désormais dans l'établissement.
5. Dans un tel climat et à la suite de problèmes si graves et si nombreux, chacun préfère se taire
et agir en solo, sans se créer de scrupules, quitte à fermer les yeux sur des manquements
graves. Cette attitude entretient un cercle vicieux de laxisme et de difficultés qui enveniment
toujours davantage la qualité des soins et le climat de travail.
6. L'incapacité de l'ancienne DSI, davantage préoccupée par sa retraite prochaine que par la
qualité des soins et la bonne marche de l'établissement, aurait également contribué à faire
pourrir la situation.
À la suite d’explications variées, Mme Marchal peut conclure à l'existence d'une situation de
laxisme effarant, qui a alimenté au fil du temps un climat de permissivité démesuré, très nocif à la
qualité des soins.
Très méthodique, Mme Marchal planifie une première série de rencontres selon le calendrier
suivant :
Après avoir programmé ses entrevues, Mme Marchal rédige un guide d’entretien, qu'elle entend
adapter au fil des rencontres, suivant la tournure des entrevues et des interlocuteurs rencontrés.
Grosso modo, les quelques questions-clés qui l'intéressent sont les suivantes :
Mme Buisson : Honnêtement, c'est inadmissible de voir comment certains employés traitent les
patients! Parler de qualité des soins? Mais ça frise l'ironie! Cela fait 30 ans que je travaille
aux Roseaux et je vous assure que quand je vois ce que c'est devenu, j'ai parfois honte de
notre travail! Il n'y a plus aucune conscience professionnelle. On nous envoie des petits
jeunes qui n'ont aucune idée de ce que signifient les mots « aide », « soin », « service »…
Tenez, hier encore, je surprenais une préposée aux soins à bousculer un vieillard inconti-
nent pour le changer du lit et lui dire, « Allez pépé, sors-toi de là qu’on puisse te décro-
ter! » Et ce n'est qu'un léger aperçu de ce que l'on entend chaque jour. Mais vous vous
rendez compte! Et là, quand j'interviens pour remettre les choses à leur place et faire
remarquer à l'employé sa faute, c'est tout juste si elle ne me répond pas la même chose à la
face! Vraiment… vraiment… je ne sais plus comment leur parler! C'est un état de tension
constant! Je n'en peux vraiment plus! Et si je tente une quelconque mesure de discipline
pour pallier la situation et ces infractions, c'est tout juste si on ne se fait pas dire par des
gens d'en haut : « Mais allez-y doucement tout de même, on a besoin de personnel! Alors
faites avec! » Non, mais ça veut dire quoi? Et la dignité humaine? Et la fierté de notre
métier? Si l'on m'avait prédit cette situation il y a dix ans, je vous jure que j'aurais tout fait
pour me reconvertir dans un autre secteur! Mais maintenant vous comprenez, à mon âge,
je n'ai plus que quelques années avant la retraite, ça serait vraiment trop idiot d'abandon-
ner, même si je vous avoue qu'il y a des jours où je suis presque prête à faire le pas!
Mme Buisson : Oh, peut-être pas tout à fait quand même. J'ose encore l'espérer. À mon avis, il y a
encore des employés consciencieux. Sauf qu'à force de rencontrer des cas extrêmes
chaque jour, de passer pour la vieille mégère en tout temps parce que je ne sais pas me
taire, moi… eh bien, on finit soi-même par être aigrie, stressée et on ne voit plus que des
gens sans intérêt, sans dévouement! Disons qu'en vérité, c'est quelques éléments qui
viennent perturber et « contaminer » nos services! Mais faut voir comment ça se répercute
sur les autres soignants! Je ne suis pas la seule à être écœurée de ces situations. C'est un
stress généralisé qui s’installe. Et pour s'en sortir, pour ne pas tomber en burnout, on n'a
parfois pas d'autre choix que de devenir indifférente, de laisser faire. C’est impossible à
tenir dans ce système quand on prend trop les choses à cœur! Ça devient presque malsain
comme situation!
risque parfois de se faire critiquer et d’être mal vu pour son zèle si l'on exécute les
consignes trop à la lettre.
Pour ma part, je suis chirurgien et pas policier. Ce n'est plus possible de passer la moitié
de mon temps à répéter sans cesse des consignes de base. C'est épuisant.
Je ne veux pas dresser un tableau trop noir, mais il est temps que cela cesse et que l'on
mette des bornes à tous ces excès, avant que des accidents graves ne se produisent! Eh
puis, ce ne sont pas seulement les préposés et infirmiers qui sont à contrôler et à sanction-
ner, vous savez. Certains médecins ne sont pas en reste! J'ai récemment eu écho qu'un de
mes confrères est arrivé un peu ivre en salle d'opération. Il est très autoritaire et dur avec
ses équipes. On l’appelle le dictateur, pour vous dire… C’est certainement pourquoi
personne n'a rien osé dire lors de l'intervention, malgré les signes flagrants de son état.
Heureusement que rien n'est arrivé! Vous rendez-vous compte? C'est affligeant d'en
arriver là! Des médecins sans aucune conscience professionnelle! Des soignants qui
n’osent pas s’exprimer, même face à de tels risques! Malgré tout, il y a des gens très
consciencieux dans l’hôpital; il ne faut pas les oublier. Et ce sont ceux-là qui écopent pour
les autres.
M. Larouche : C'est devenu de la folie! De la folie, je vous dis! C'est inimaginable le nombre de
problèmes qui s'accumulent! On se sent chaque jour davantage dans un climat d'incerti-
tude et d'impuissance. Et ça devient de plus en plus difficile à assumer. En plus, tous ces
problèmes semblent tellement imbriqués les uns aux autres qu'on ne sait vraiment plus
comment s’y prendre pour régler les difficultés existantes. Alors on va à l'essentiel, on
éteint les feux comme on peut, tant bien que mal. Je me répète, mais… cela devient infer-
nal à vivre et à travailler!
Mme Marchal : Mais d’où vient le problème d’après vous? Qu’est-ce qui prédomine à la source
de tout ça?
M. Larouche : Honnêtement, c’est difficile à dire! On connaît actuellement une pénurie d'infir-
mières, alors on se fait aider par des jeunes sans aucune expérience ou presque. Il faudrait
donc les suivre de près et les former sur le terrain. Mais on n'a pas de ressources pour le
faire et encore moins de temps. Alors ces jeunes sont laissés à leur propre sort et ils se
débrouillent comme ils le peuvent. Heureusement que la plupart sont encore assez sensés
et pleins de bonne volonté. Mais alors quand on tombe sur quelqu'un qui n'a aucun
principe, on frise la catastrophe. Les patients sont maltraités parfois. Et souvent plus
qu’on ne le pense! Et quand je dis « maltraité », je pèse mes mots. Je crois que dans
certains cas, on pourrait parler de harcèlement! De mon point de vue, c'est même à peine
croyable que l'on n'ait pas plus de plaintes! C’est vrai, je vous assure, il se passe des
choses incroyables! Du personnel qui boit sur le lieu de travail, des drogués qui vont
jusqu'à voler des médicaments pour combler leur état de manque… Comment promouvoir
des soins de qualité dans ces circonstances? Je vous le demande. Ce n'est plus possible,
vraiment plus! On a déjà du mal à trouver du personnel, mais si en plus, celui qu’on a est
boiteux, c’est l’enfer!
Et conséquence de tout ça, les personnes de confiance, celles qui ont conservé une éthique
professionnelle et continuent de la mettre en pratique n’en peuvent plus. Elles sont désa-
busées! Vous comprenez, face à tout ce qui se passe, elles essaient de combler les lacunes
et les insuffisances flagrantes, mais elles sont surchargées, ce qui se solde par des dépres-
sions en série, des maladies psychologiques de plus en plus aiguës, dont la hausse est
d’ailleurs vertigineuse. Le taux d’absence doit également en pâtir; il n'a jamais été aussi
élevé… Et l'ensemble s'auto-alimente : de moins en moins de personnel en santé sur qui
l'on peut compter, de plus de plus de difficulté à pourvoir les places vacantes. Je crois
qu'il est temps de faire quelque chose! Jusqu'ici, la situation n'a fait que s'envenimer. On
laisse pourrir la situation! Mais il va bien falloir mettre le holà à tout ça, sans quoi c'est
l'organisation dans son ensemble qui va exploser!
M. Larouche : Je crois avant tout qu'il est temps de restaurer des règles claires, des procédés
formulés sans ambiguïté et qu'il importe d'instaurer des sanctions bien définies pour tout
manquement! Mais par la suite, il va falloir appliquer ces règles et sanctions, sans ména-
gement! Il y a un moment où il faut sévir. Il est temps de casser l'état de laxisme qui fait
rage! Mais est-ce que ce sera suffisant? Je n’en suis pas certain, tant que certaines
personnes demeureront dans l'organisation! Puis à côté de ça, il serait peut-être temps
aussi de reconnaître les gens qui font du bon travail. Il faut encourager les bons compor-
tements, les bons soins, les bons traitements. Sinon, pourquoi les employés feraient-ils des
efforts? À l'heure actuelle, la solution de survie pour beaucoup est de se limiter à sa stricte
description de tâches, à rester relativement indifférents à ce qui se passe. Mais cela ne
peut suffire pour promouvoir des services et soins de santé de qualité.
Dr Bouton : On en voit de plus en plus dans le service. Cela devient vraiment difficile! On a
toute une partie du personnel qui n'est pas compétent ou ne met pas de bonne volonté. Or,
je crois que c'est d'autant plus préoccupant dans les services psychiatriques où de
nombreux patients n'ont pas les moyens de se défendre, ni de se plaindre vraiment.
J'ai rencontré dernièrement des familles venant se plaindre des comportements des
soignants. Certains font des manquements graves au code d'éthique, ils s'adressent aux
patients en des termes absolument inacceptables. Mais parfois, c'est beaucoup plus subtil,
cela peut être un ton particulièrement humiliant, un juron bredouillé, etc. On ne peut
laisser courir de tels comportements qui vont totalement à l'encontre de notre mission
première, qui est d'aider et de soigner des individus malades et dans le besoin.
Mme Speer : Oui c'est tout à fait vrai, ce que vous dites, mais comment faire pour remédier à la
situation? C'est un climat généralisé qui prédomine dans toutes les relations interperson-
nelles, non seulement avec les patients, mais entre les employés eux-mêmes! Il devient de
plus en plus difficile d'exercer nos responsabilités de cadres, il n'y a plus aucun respect.
Les cas d'insubordination, je ne les compte plus. Et comment instaurer de la discipline
quand on n'est pas suivi sur cette piste, quand rien n'est clair dans ce sens?
De mon côté, j'ai aussi pu remarquer des tendances racistes assez explicites de la part de
certains soignants. En tant qu'anglophone, j'y suis peut-être plus sensible, c'est vrai. Mais
combien de fois, j'ai surpris des infirmiers ou infirmières, faisant mine de ne pas
comprendre les patients qui ne s'exprimaient pas en français. Et on ne voit pas tout, on ne
peut être derrière chaque employé!
Dr Tremblay : À l’urgence, je crois que les problèmes sont encore plus critiques qu’ailleurs. On
manque vraiment de personnel! Les patients attendent parfois des heures avant que
quelqu’un puisse s’occuper d’eux. Ça ne peut plus aller! Seulement on ne peut pas soigner
plusieurs malades à la fois. On a beau faire tout notre possible!
Mme Esculas : Je suis d’accord avec vous, docteur. Mais au-delà du manque de personnel, je
crois qu’il y a d’autres problèmes, et notamment, un taux d’absentéisme alarmant. Or, si
l’on observe les choses de près, c’est toujours plus ou moins les mêmes personnes qui se
rapportent malades. Il ne faut pas s’étonner si l’on manque de personnel dans ces condi-
tions! Depuis les coupures budgétaires, les services fonctionnent avec le nombre de
personnes minimum. Alors, évidemment, une absence désorganise tout le travail et c’est
la panique à bord.
Dr Tremblay : Certainement, vous avez raison. Si les gens prévus au travail étaient à leur poste
et compétents, on s’en sortirait… Seulement, question compétence, ce n’est pas toujours
ça!
Mme Esculas : C’est surtout au niveau de la discipline que ça pèche, de mon point de vue, sauf
que nous n’avons pas les moyens de la faire respecter. Un petit nombre d’employés
problèmes sèment le trouble dans nos départements et nuisent au travail de qualité. On a
beau les interpeller quand ils commettent des fautes, rien ne marche! Ils sont corrects
quelques jours et c’est reparti, ils renouent avec leurs habitudes précédentes, qui peuvent
parfois être de véritables fautes professionnelles. La semaine dernière, j’ai enfin compris
pourquoi nos stocks de médicaments diminuaient si rapidement, quand je suis tombée sur
un soignant en train de voler des narcotiques pour son usage personnel. Reste à savoir s’il
n’en fait pas profiter ses amis, ou même s’il n’a pas mis en place son petit réseau de vente.
On peut tout imaginer. Et là, même pris sur le fait, pas si évident de prouver mes dires.
Alors on ne sait plus comment intervenir. Il y a vraiment des jours où je me sens seule. Je
ne sais pas comment agir et même si j’essaie d’intervenir, j’ai parfois l’impression que
c’est pire par la suite.
Dr Tremblay : Oui, on manque cruellement de soutien dans notre mission d’encadrement. C’en
est parfois désespérant! Alors on fait ce qu’on peut, chacun dans son coin. Mais ce n’est
pas comme ça que les choses avancent. Ça ne fait qu’accroître le malaise dans le climat de
travail. Bref, ce n’est pas réjouissant… pas réjouissant du tout. J’ai tout simplement
l’impression qu’on manque de légitimité pour imposer sanctions et reconnaissance, car
rien n’est formalisé dans ce sens. Il n’y a aucune règle établie à ce propos. On ne sait plus
comment faire! Même en ce qui concerne les félicitations, on ose à peine. Depuis cette
plainte de harcèlement sexuel d’un des médecins auprès de deux infirmières de son
service, tout le monde est devenu méfiant. Et c’est tout juste si un mot de félicitations
prononcé trop fort n’est pas interprété comme un début d’avance implicite. Vraiment, il
est temps qu’on remette les choses en ordre. J’espère vraiment que vous allez nous y
aider!
Dr Farille : La situation est allée tellement loin que si l’on ose réprimander qui que ce soit, on se
fait menacer. Je vous assure. J’ai une employée très difficile dans mon service. Elle est
infirmière et travaille de nuit, avec une autre infirmière, le plus souvent. La nuit, les
effectifs sont encore plus réduits qu’en journée et les infirmières sont relativement
autonomes dans leur travail. En général, chacune des deux infirmières est responsable
d’un certain nombre de lits. Bref, au fil du temps, j’ai commencé à me poser des questions
sur cette personne. Les attitudes des enfants, leurs plaintes ont commencé à m’interpeller.
C’est toujours délicat quand un enfant se plaint d’avoir souffert la nuit, que personne n’est
venu l’aider quand il a sonné. Certains enfants ont une imagination débordante et il est
certain que les infirmières de nuit n’ont pas toujours les moyens de diminuer leurs souf-
frances. Elles ne peuvent pas prescrire de calmants et les médecins sont bien peu présents
lorsqu’il s’agit d’augmenter les doses. De plus, elles ne peuvent pas passer plus de temps
qu’il n’en faut avec un seul enfant. Elles ont aussi des impératifs à mener dans la nuit, la
tournée des malades, etc. Ceci étant dit, les plaintes devenaient de plus en plus fréquentes
et certains enfants démontraient largement avoir été délaissés. J’ai donc essayé de discuter
avec l’infirmière en question, pour sonder son état d’esprit, etc. Ça semblait louche. Bref,
de plus en plus suspecte, j’ai aussi interrogé l’autre soignante qui travaillait aux mêmes
horaires qu’elle, et mes doutes ont commencé à être largement justifiés. Bref, j’ai donc
décidé un jour de travailler plus tard que prévu pour pouvoir l’espionner un peu. Je déci-
dai de revenir sur le coup de minuit prétextant l’oubli d’un dossier important pour une
réunion du lendemain. Or, quand je suis arrivée dans le service, l’infirmière manquait.
Introuvable. Plusieurs patients sonnaient pour avoir des soins. Je n’en revenais pas!
L’autre infirmière tentait d’assumer les deux services concurremment mais difficilement.
Après avoir mis tout ça au clair. Il se trouve que l’infirmière suspecte menaçait sa
collègue si cette dernière parlait. Elle s’absentait parfois jusqu’à une heure ou deux de la
sorte pour je ne sais quelles activités dans un autre département de l’hôpital. J’ai donc
convoqué cette infirmière pour mettre les choses au clair. Celle-ci niait tout. Elle a malgré
tout été expulsée pendant une semaine de l’établissement, après un avertissement formel.
Et c’est peu après que j’ai commencé pour ma part, à recevoir des lettres de menaces.
Après une enquête interne, on a trouvé que c’était le conjoint de cette infirmière renvoyée
qui en était l’auteur. Tout ça peut paraître à peine imaginable. On se croirait presque dans
le scénario d’une série télévisée, mais tout ça est véridique! Et je suis certaine que bien
d’autres personnes ont des histoires tout aussi impensables dont ils pourraient témoigner.
Alors quand vous me demandez ce que je pense de la situation ambiante dans l’hôpital, je
ne peux que vous dire que je la trouve inadmissible et terriblement dangereuse. Si tout
continue, où allons-nous aller? Maintenant, pour ce qui est des mesures à mettre en place
pour résoudre cette situation de permissivité à outrance et revenir à une situation correcte,
je vous avoue que je ne sais absolument pas par où il faut commencer! Tout semble si
corrompu et « malade »! C’est le comble pour un hôpital… Peut-être qu’instaurer un code
Mme Marchal vous consulte pour l’aider à élaborer un plan d’action visant à rétablir la
situation et à accroître la qualité des soins dans l’hôpital, que lui conseillez-vous?
2004-09-01
Annexe 1
_______________________
Le Nouvelliste (Trois-Rivières)
Actualités, mercredi 19 mai 2004, p. 26
En bref
ST-CHARLES-BORROMÉE
L'OIIQ intervient
PC
L'organisme a tenu une enquête d'une durée de six semaines dans cet établissement sous tutelle après la
divulgation de cas de mauvais traitements envers des patients.
La présidente de l'Ordre, Gyslaine Desrosiers, qui soutient qu'il y a urgence de prendre un virage majeur,
recommande entre autres que l'administration du centre intègre les soins infirmiers dans la gestion de
l'établissement. Le Bureau de l'Ordre s'inquiète par ailleurs de la généralisation possible de la situation
dans plusieurs autres CHSLD au Québec. À ce sujet, l'Ordre tient à rappeler que la recherche d'un équi-
libre entre un milieu de vie le plus naturel possible et les besoins de soins des résidants en CHSLD
demeure un défi constant.
Catégorie : Actualités
Taille : Court, 107 mots
Doc. : news·20040519·NV·0066
La Voix de l'Est
Actualités, samedi 24 avril 2004, p. 26
En bref
Montréal – Québec a décidé de prolonger de trois mois la tutelle imposée en début d'année à l'hôpital
Saint-Charles-Borromée. Le ministre Philippe Couillard en a décidé ainsi afin de permettre au nouveau
directeur général nommé temporairement de poursuivre la réforme du centre de soins de longue durée. Le
ministre a parlé de « problèmes organisationnels profonds » dans l'établissement. La tutelle avait été impo-
sée par Québec après qu'il eut été révélé que des membres du personnel s'étaient livrés à des abus et à des
mauvais traitements sur des patients. La tutelle est prolongée jusqu'au 5 juillet.
Catégorie : Actualités
Taille : Court, 69 mots
La Tribune
Actualités, samedi 28 février 2004, p. A12
Une cinquantaine de sanctions et un congédiement à St-Charles-Borromée
Perreault, Laura-Julie
La Presse
Montréal – La tutelle imposée à l'hôpital Saint-Charles-Borromée en décembre dernier se fait sentir dans
l'établissement. Depuis l'arrivée du gestionnaire nommé par Québec, un employé a été congédié et une
cinquantaine d'autres ont fait l'objet de mesures disciplinaires.
Selon Léonard Vincent, le fondé de pouvoir nommé par le ministre de la Santé et des Services sociaux,
une dizaine des mesures disciplinaires déployées depuis décembre visaient à punir des employés qui ont
fait preuve de comportements répréhensibles à l'endroit des clients.
« Même si la majorité du personnel fait son travail avec dévouement, une minorité résiste à l'adoption des
valeurs de l'organisation », a noté hier M. Vincent, qui présentait un premier rapport d'étape aux médias.
Le manque de respect, le tutoiement non sollicité et la familiarité excessive sont trois des écarts de
comportements observés par le gestionnaire depuis le début de son mandat de 120 jours.
En entrevue avec La Presse, M. Vincent a noté qu'aucune des sanctions imposées ne concernent les deux
préposés aux bénéficiaires impliqués dans l'affaire qui a propulsé l'hôpital Saint-Charles-Borromée à la
une des journaux l'automne dernier. Ces deux employés, qui avaient abusé verbalement d'une bénéficiaire,
ont été suspendus pendant deux jours mais ont retrouvé leur poste depuis.
« Je n'ai pas réévalué toutes les décisions prises avant que j'arrive. Ces employés ont été évalués, jugés,
dans les circonstances que l'on connaît maintenant. Je n'ai pas cherché à revenir là-dessus », a affirmé
M. Vincent hier.
Le rapport qu'il a présenté hier dénonce cependant le laxisme de la direction de l'établissement et son
incapacité à transformer en actions certaines recommandations permettant d'améliorer la situation.
Notamment, note M. Vincent, les plaintes des clients sont « généralement bien traitées et documentées »,
dit le rapport d'étape, mais donnent rarement lieu aux corrections adéquates.
Le document présenté hier fourmille de constats désolants sur la gestion du CHSLD du centre-ville de
Montréal, l'organisation du travail et la prestation des services. É ce dernier chapitre, M. Vincent conclut
que « le personnel ne possède pas l'ensemble des connaissances, des compétences et des attitudes requises
pour répondre aux besoins spécifiques de la clientèle ».
Le gestionnaire a tenu à rappeler que la clientèle de Saint-Charles-Borromée, beaucoup plus jeune que
celle des autres CHSLD, a besoin de soins particuliers. Plus de 26 % des bénéficiaires ont des troubles de
comportement, 77 % ont des problèmes d'incontinence et près de 90 % se déplacent en fauteuil roulant.
M. Vincent, qui présentait aussi dans son rapport d'étape son plan de redressement de l'établissement du
boulevard René-Lévesque, ne cache pas que d'autres têtes pourraient rouler quand il aura terminé son
évaluation. « On va tout faire pour corriger, mais si ça ne fonctionne pas, il faudra penser à punir », a-t-il
affirmé.
La famille montréalaise qui avait enregistré et dénoncé les propos dégradants tenus par deux préposés à
l'endroit de sa parente hospitalisée à Saint-Charles-Borromée a accueilli avec retenue les conclusions du
rapport d'étape. « C'est un premier pas, mais en ne punissant pas les fautifs du passé, le gestionnaire leur
donne un permis. Ma sœur a été traumatisée par les traitements qu'elle a reçus. Je pense que ceux qui ont
agi ainsi méritent plus que deux jours de suspension. Ils méritent l'expulsion », a dit hier la sœur de la
bénéficiaire.
Avec l'aide de l'avocat Jean-Pierre Ménard, la famille veut revenir à la charge pour demander au fondé de
pouvoir de revoir le dossier de leur sœur.
Interrogé hier, M. Ménard s'est dit heureux de constater que le dossier de Saint-Charles-Borromée ne
tombait pas dans l'oubli. « Le rapport de M. Vincent confirme l'ensemble des éléments que nous avons
décriés », a souligné l'avocat, qui a intenté un recours collectif contre l'établissement au nom des bénéfi-
ciaires.
Hier, Hubert Dupont, un patient qui a dénoncé dans le passé les traitements reçus à Saint-Charles-
Borromée, a confirmé que les choses s'étaient améliorées au CHSLD depuis décembre, mais il craint que
les mauvaises habitudes du passé ne remontent à la surface à la fin de la tutelle.
Cependant, demain ne sera pas la veille du départ de Léonard Vincent. Nommé en décembre pour
120 jours, il compte demander une extension de son mandat. Au bureau du ministre Couillard, on a
confirmé hier que le gestionnaire disposera du temps qu'il juge nécessaire pour faire son travail.
Illustration(s) :
En décembre, l'enquêteur Jean-Jacques Camera avait établi qu'il y avait eu des abus psychologiques et
physiques à l'égard de plusieurs patients au centre de soins de longue durée Saint-Charles-Borromée.
Catégorie : Actualités
Sujet(s) uniforme(s) : Hôpitaux, soins hospitaliers et urgences
Taille : Moyen, 550 mots
La Tribune
Actualités, mercredi 25 février 2004, p. B1
St-Charles-Borromée : le Conseil de presse conclut à un traitement médiatique juste
PC
Le Conseil de presse a dévoilé, hier en conférence de presse, les résultats de l'analyse effectuée par trois
comités sur le traitement de l'affaire St-Charles-Borromée par la radio, la télévision et la presse écrite
francophones, en plus du quotidien The Gazette.
De façon générale, le travail médiatique était conforme aux règles d'éthique journalistique, conclut le
Conseil de presse. Et, vu l'intérêt public « certain », la médiatisation de l'événement était justifiable.
Le président du Conseil de presse, Michel Roy, a signalé que le premier ministre Jean Charest avait peut-
être pris un raccourci en blâmant au départ les médias pour le suicide de M. Lafleur. Selon lui, cet acte
s'explique plutôt par un ensemble de facteurs.
Le Conseil décèle toutefois un « dérapage majeur », celui de l'animateur de radio André Arthur, qui a
traité M. Lafleur de « salaud à la solde du syndicat », d'« écœurant » et qui s'est même félicité de son
suicide en ondes, en disant : « Il n'y a rien de plus indifférent qu'un fonctionnaire qui se fait hara-kiri. De
toute façon, c'est une bonne nouvelle. Il commence à être temps que les fonctionnaires se sentent
coupables des cochonneries qu'ils font ».
De même, le Conseil de presse « s'interroge » sur la manière dont l'animateur Paul Arcand a mené son
interview avec le dg de l'hôpital, y dénotant « une agressivité peu commune ».
En télévision, le Conseil juge aussi « discutables » les propos du psychiatre Pierre Mailloux, à TQS,
voulant que M. Lafleur « a préféré s'enlever la vie plutôt que de faire face » à la controverse.
Pour ce qui est du traitement de la nouvelle par les médias écrits, le Conseil de presse s'interroge, sans y
répondre, sur la pertinence pour le quotidien La Presse de placer l'événement à la une pendant cinq jours.
Le secrétaire général du Conseil de presse, Robert Maltais, a noté que l'événement méritait peut-être d'être
traité pendant cinq jours consécutifs, mais pas nécessairement de cette façon.
Catégorie : Actualités
Taille : Court, 252 mots
Doc. : news·20040225·TB·0019
La Presse
Actualités, samedi 15 mai 2004, p. A13
Santé : les Québécois consultent de plus en plus... les avocats
Malboeuf, Marie-Claude
Les médecins et autres professionnels de la santé sont aujourd'hui moins à l'abri des poursuites judiciaires,
la médiatisation de leur gaffes ayant attisé la méfiance du public et fait exploser la demande de conseils
juridiques en droit de la santé.
« En quelques jours, nous avons reçu 250 appels de partout au Québec à la suite de la seule histoire de
Saint-Charles-Borromée (un centre de soins de longue durée qu'il a fallu mettre sous tutelle à cause de la
désinvolture du personnel), affirme l'avocat Jean-Pierre Ménard, qui pratique depuis 20 ans dans le
domaine. Les victimes disent vouloir empêcher que leur drame ne se reproduise; on dirait que le message
passe. »
D'après l'avocat montréalais, les gens appellent de plus en plus vite, sans attendre de subir des dommages
irréparables. « Ils sont infiniment plus nombreux à venir nous consulter au sujet de l'accès et du
consentement aux soins, de leur droit d'être informés, etc. Leur nombre est en train de devenir assez
important pour influencer le système de santé, pour le forcer à s'ajuster, à prendre leurs besoins en
considération », dit le juriste, qui s'apprête à lancer un site sur les droits des patients.
Les ordres professionnels, le Collège des médecins et les ombudsmans des hôpitaux sont déjà là pour
traiter les plaintes. « Mais beaucoup de gens ne leur font pas confiance. D'autant plus qu'ils se sentent
dépassés par les termes pointus employés dans le milieu. C'est pour ça qu'ils préfèrent venir nous voir »,
constate Me Ménard.
Chez Boulet Blaquière, l'avocate Denise Boulet observe le même phénomène : « Au début de ma pratique,
je ne voyais que des cas clairs, des personnes lourdement handicapées. Maintenant, les gens viennent pour
un petit orteil brisé. »
« Avec Internet, les gens sont mieux placés pour s'informer et pour remettre les choses en question,
renchérit Me Marc Boulanger, qui pratique à Québec. Ils posent des questions autour d'eux. On n'est plus à
l'époque où poursuivre un médecin, c'était comme poursuivre le curé. »
Quant aux procès en bonne et due forme, il y a 20 ans, on en comptait environ 300 par année, précise
Me Ménard. Leur nombre a plus que quadruplé, pour s'établir à 1400, dont 206 au Québec en 2002.
« Quand la médecine découvre de nouvelles possibilités, cela entraîne de nouvelles poursuites, analyse le
juriste. On assiste maintenant aux premières causes liées au dépistage génétique. On en a eu une série liée
à la laparoscopie (une technique de chirurgie impliquant l'utilisation d'une minuscule caméra), une autre
liée aux accouchements vaginaux après césarienne. Ça permet de corriger les pratiques. » Pour l'instant,
les victimes québécoises ont un peu plus souvent gain de cause que les autres, estime Me Ménard. Elles
ont en effet une chance sur deux d'être indemnisées avant le procès, contre une sur trois ailleurs au
Canada.
Toutefois, lorsqu'un règlement à l'amiable est impossible, le taux de succès est infime. Dans de tels cas,
presque tous les plaignants abandonnent : seulement de 5 % à 7 % se rendent à procès. Parmi les acharnés,
trois sur quatre vont perdre. « C'est souvent parce que leur avocat n'est pas assez spécialisé pour faire face
à la partie adverse ou pour comprendre qu'il n'a pas vraiment affaire à une faute », déplore Me Ménard.
Enfin, Me Boulanger, à Québec : « Dans mon bureau, j'ai plus d'ouvrages médicaux que de livres de droit.
Un jour, je me transforme en orthopédiste, le lendemain, en gastro-entérologue et le surlendemain, en
gynécologue-obstétricien. Il faut tout un bagage de connaissances pour faire face à un adversaire
multimilliardaire dont la seule volonté est de ne pas payer. »
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Sujet(s) uniforme(s) : Hôpitaux, soins hospitaliers et urgences; Religion, philosophie et éthique
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La Presse
Plus, dimanche 25 avril 2004, p. PLUS7
La Presse d'ailleurs
Vieux
Les événements de Saint-Charles Borromée décrits dans La Presse par André Noël ne sont pas exclusifs
au Québec : le Times, de Londres, évoque 500 000 cas de personnes âgées, en Grande-Bretagne, qui
subissent régulièrement des agressions de leurs soigneurs, à domicile ou en institution. La Grande-
Bretagne compte 10,8 millions de citoyens de plus de 60 ans. Gary FitzGerald, militant de la protection
des vieux, note que « nous pratiquons une tolérance en matière d'agression contre les vieilles personnes
que nous nous interdisons dans le cas des enfants ou des personnes handicapées ». Il y a 10 ans, ajoute-t-il,
on a entrepris une campagne massive contre la violence conjugale qui a donné des fruits : semblable
campagne s'impose maintenant pour la protection des vieux.
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Le Nouvelliste (Trois-Rivières)
Actualités, vendredi 26 mars 2004, p. 4
La direction déconnectée de la réalité du terrain, dit le ministre Couillard
Langevin, Éric
Trois-Rivières – Le ministre de la Santé et des Services sociaux assure que des jours meilleurs sont à venir
pour la résidence Cooke du CHSLD Le Trifluvien.
« Si on laissait la situation perdurer sans correctif, on pourrait craindre pour la sécurité des résidents. Par
contre, on prend tous les moyens pour corriger le tir », disait Philippe Couillard en entrevue au Nouvelliste
hier matin.
Selon ce dernier, même si les conséquences sont différentes, l'origine du problème à la résidence Cooke
est semblable à ce qui a été constaté à Saint-Charles-Borromée. « La méconnaissance de la situation de
la part de la direction explique bien la survenue des problèmes », mentionne M. Couillard.
Le ministre note cependant que l'équipe d'enquête a constaté l'engagement et la motivation du conseil
d'administration et de la direction à changer les choses. « C'est ce qui fait que, dans un cas semblable, il
n'est pas nécessaire de placer l'établissement sous tutelle comme ce fut le cas à Saint-Charles-
Borromée », précise Philippe Couillard.
Celui-ci attend tout de même le plan d'action qui doit être déposé au ministère d'ici le 13 avril. Les enquê-
teurs vont retourner sur place dans trois mois et par la suite, tous les six mois, pour 18 mois. « On s'assure
d'un suivi qui s'échelonne sur pratiquement deux ans, alors je suis optimiste qu'on va pouvoir améliorer les
conditions de vie des personnes hébergées. »
« Il ne faut pas porter un jugement global des employés, note M. Couillard. La majorité des membres du
personnel fonctionne de façon correcte avec les résidents. On semble par contre avoir identifié un groupe
de personnes associé aux tristes événements. C'est une constante dans les établissements en difficultés. Il y
a lieu de réviser les décisions qui ont été prises par la direction quant aux dérogations qui ont été faites par
les employés. Ce sera le travail de l'équipe de direction au cours des prochaines semaines. »
M. Couillard croit fermement que toute l'attention portée actuellement à la résidence et la connaissance
publique de la situation apportent déjà des éléments de corrections. « Je suis convaincu que l'administra-
tion, la nouvelle direction générale et l'ensemble des employés vont rapidement adhérer à la nécessité
d'améliorer le climat malsain. » Si on voyait qu'il y avait blocage à un endroit, on interviendrait rapide-
ment.
L'idée des visites inopinées dans les CHSLD est très porteuse et révélatrice, selon le ministre. Tout ce qui
vient de se passer le conforte dans l'idée de rendre permanentes ces visites inopinées.
« On le voit, cela permet de déceler des situations inacceptables. Ensuite, on réagit rapidement. C'est
beaucoup plus efficace que la tenue d'une commission publique d'enquête, comme le réclament certains »,
conclut Philippe Couillard.
eric.langevin@lenouvelliste.qc.ca
Illustration(s) :
Gervais, François
Philippe Couillard croit fermement que toute l'attention portée actuellement à la résidence et la
connaissance publique de la situation apportent déjà des éléments de corrections.
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Le Devoir
LES ACTUALITÉS, samedi 28 février 2004, p. a3
Le tuteur dépose un rapport accablant
Saint-Charles-Borromée : c'est toute l'organisation qui va mal
Non seulement le comportement des employés est souvent inadéquat, le manque de rigueur est généralisé
Paré, Isabelle
Dépêché au CHSLD Centre-Ville en décembre dernier après les mauvais traitements exercés à l'endroit
d'une résidente lourdement handicapée et le suicide hautement médiatisé de son directeur, Léon Lafleur,
Léonard Vincent a livré hier un verdict très sévère sur les maux qui grugent la résidence Saint-Charles-
Borromée. Des maux qui débordent les dérapages de certains employés.
Deux mois après son arrivée en poste, l'homme de confiance du ministre de la Santé, Philippe Couillard,
chargé de faire le grand ménage dans cet établissement éclaboussé par le scandale en novembre 2003,
pose un diagnostic qui n'est pas tendre.
S'il confirme le manque de civisme et de respect de « certains » employés, qui découle d'un sérieux
problème de gestion des ressources humaines, il conclut en outre à un « manque de rigueur généralisé »
dans toute la gestion de l'organisation.
M. Léonard constate un laxisme qui affecte tant la gestion administrative quotidienne du CHSLD Centre-
Ville, que la gestion du personnel, où l'absence de règles claires, de « suivis » et « d'évaluations » objec-
tives semblent avoir ouvert la voie à une certaine culture du laisser-aller et à un manque de « leadership
organisationnel ».
« Quand vous lisez que je parle de rigueur administrative à toutes les trois lignes, ça vous laisse deviner
ma conclusion générale. Mais c'est ma vision à moi, de gestionnaire », a-t-il dit avec diplomatie, en entre-
vue au Devoir, refusant toutefois de juger le travail fait par l'ex-directeur du CHSLD, Léon Lafleur, qui
s'est enlevé la vie quelques jours après la médiatisation des graves écarts de conduite de certains employés
de la résidence Saint-Charles-Borromée.
Même si la majorité des employés prend soin des résidents avec compétence et dévouement, l'administra-
teur provisoire confirme « qu'une minorité d'employés résiste à l'adoption des valeur promues par l'organi-
sation ».
Selon M. Vincent, cela se traduit par de la familiarité excessive et du tutoiement non désiré avec les rési-
dents. « On ne change pas des valeurs comme ça », a-t-il dit hier. Par ailleurs, ce dernier nie qu'il existe un
noyau d'employés récalcitrants, reliés au syndicat, qui fasse la loi à l'intérieur de l'établissement. « Je ne
crois pas à la notion de complot, de groupes organisés. On parle d'individus seuls, répartis dans l'organisa-
tion » a indiqué M. Vincent, affirmant avoir une « excellente collaboration » avec le syndicat, qui vient
d'ailleurs de faire adopter en assemblée générale une politique de tolérance zéro à l'égard du manque de
respect envers les résidents.
Cela dit, si ces « quelques » personnes récalcitrantes refusent d'adhérer aux valeurs de respect du CHSLD,
« des mesures devront être prises » a insisté M. Vincent. Mais avant de sévir, ce dernier affirme vouloir
d'abord faire des corrections.
Selon l'émissaire du ministre, plus d'une cinquantaine de mesures disciplinaires – un « taux beaucoup plus
élevé qu'ailleurs » – ont d'ailleurs été prises envers des employés depuis deux mois, dont seulement une
douzaine avaient trait à des problèmes de comportements. Une employée à l'administration, jugée inapte à
remplir ses fonctions, a aussi été congédiée, a indiqué M. Vincent.
Il n'est toutefois pas question de revenir sur les sanctions imposées en 2003 aux employés impliqués dans
les mauvais traitements psychologiques infligées à la résidente lourdement handicapée, qui a dû enregis-
trer les propos disgracieux tenus par ces employés pour se faire entendre par l'ancienne administration.
« Je n'étais pas là pour refaire l'histoire et réévaluer les décisions prises. Pour moi, ce qui est important,
c'est de faire des constats sur des réalités actuelles », a-t-il dit. Ces employés sont d'ailleurs toujours à
l'emploi du CHSLD Centre-Ville et occupent les mêmes fonctions, a indiqué M. Vincent.
Côté formation, le rapport constate aussi des lacunes importantes : « Le personnel ne possède pas
l'ensemble des connaissances, des compétences et des attitudes requises pour répondre aux besoins spéci-
fiques de la clientèle. »
Le rapport fait aussi état de lacunes dans la gestion de la pharmacie, où l'acheminement des médicaments
aux patients connaît de délais, et confirme l'existence d'un climat organisationnel « fragile et tendu », où la
gestion du personnel laisse à désirer.
Les retards, le non-respect des horaires de travail et les absences sont fréquentes, a indiqué M. Léonard.
« L'assiduité au travail et le port de la carte d'identité sont des éléments de base. Il faut des règles plus
strictes face à ces écarts qui ne touchent pas la majorité des employés », a-t-il dit en entrevue.
Pour ce qui est de la gestion des plaintes, le fondé de pouvoir conclut à un traitement sans faille... jusqu'à
l'application des remèdes. « Le traitement des plaintes est excellent, mais l'organisation a de la difficultés à
passer aux gestes concrets », précise-t-il.
Dotées d'un budget annuel de 31 millions, les deux résidences du CHSLD Centre-Ville, Saint-Charles-
Borromée et le manoir de l'Âge d'or, logent plus de 500 résidents, comptent quelque 750 employés et
recrutent 150 bénévoles.
Doté au départ d'un mandat de 120 jours, Léonard Vincent a indiqué qu'il demandera au ministre
Couillard de prolonger son mandat jusqu'au mois de mai ou juin, afin de s'assurer que la majorité des
redressements qu'il suggère aient pu être amorcés. Ce dernier invite d'ailleurs le Collège des médecins et
l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ), ainsi que le curateur public et le protecteur des
usagers à collaborer pour redresser la barre dans cette institution.
Hier, le syndicat des employés de Saint-Charles-Borromée, affilié à la CSN, a une fois de plus décidé de
rester muet. « On ne fera aucun commentaire sur ce rapport pour l'instant. Si nous avons l'intention d'en
faire, nous contacteront les journalistes ». Pourquoi? « Parce que c'est comme ça », a indiqué au Devoir le
président du syndicat, Sylvio Robinson.
Par ailleurs, l'avocat qui représente la famille de la résidente handicapée et plusieurs autres résidents,
Me Jean-Pierre Ménard, s'est dit fort heureux des conclusions de ce rapport « qui vient corroborer
plusieurs des dénonciations faites par ses clients ». « C'est un bon premier pas, mais c'est clair qu'il va
falloir s'attaquer à la question de la qualité des soins au cours des prochains mois », a-t-il noté.
Dans un rapport adressé à M. Vincent le 17 décembre dernier, les familles des résidents pressaient en effet
le fondé de pouvoir d'enquêter sur les accidents non rapportés, sur le manque d'hygiène ainsi que sur le
manque de suivis médical et infirmier dont souffraient les résidents. Selon ces familles, il presse de revoir
les politiques liées à la contention et de réévaluer les compétences du personnel infirmier.
Selon Me Ménard, ces familles se montrent toutefois forts déçues que de nouvelles sanctions n'aient pas
été imposées par le fondé de pouvoir aux employés fautifs qui, sous l'ancienne administration, n'avaient
écopé que de trois jours de suspension. « On pense qu'il faut éviter de créer une impunité. On a demandé
de rouvrir le dossier », a dit hier Me Ménard.
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Sujet(s) uniforme(s) : Hôpitaux, soins hospitaliers et urgences
Type(s) d'article : Article
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Doc. : news·20040228·LE·48600
La Presse
Forum, lundi 22 décembre 2003, p. A19
Votre éditorial
Au-delà de Saint-Charles-Borromée
Il y a déjà trois semaines que le scandale a éclaté dans les médias. Les commentaires ont été nombreux et
il semble que la poussière n'en finit plus de retomber. Des dénonciations semblables pourraient encore
venir de n'importe quel centre hospitalier de soins prolongés ou de psychiatrie. Au cours de ma carrière, la
fréquentation de plusieurs hôpitaux psychiatriques et de quelques CHSLD m'a appris que cette réalité
inacceptable n'est pas le fait de quelques exceptions faciles à identifier sinon à congédier mais qu'elle fait
partie intégrante du système de soins, même si elle concerne un nombre limité d'employés.
Comment certains soignants en arrivent-ils à traiter des personnes comme des objets, à devenir insensibles
à ce qu'elles vivent, au point de les violenter? Cela semble pour certains une façon de faire leur travail en
évitant de se laisser toucher par ces personnes qui, en raison de leurs déficiences physiques ou mentales,
les confrontent à une réalité humaine difficile à soutenir. Dès lors, il est facile de banaliser les vexations
infligées plus ou moins volontairement puisque la personne ne peut y réagir ni s'en plaindre. Et c'est la
spirale de l'abus qui peut atteindre les proportions que l'on sait quand les soignants sont devenus endurcis
et désabusés.
Prendre en compte cette réalité supposerait non seulement d'appliquer une politique de tolérance zéro face
à toute manifestation de violence physique ou verbale, y compris toute atteinte à la dignité, mais aussi
d'investir substantiellement dans la formation, l'encadrement et le soutien des employés qui donnent des
soins quotidiens aux malades. Et je parle ici d'un enseignement qui dépasse les techniques de base et qui
ne se mesure pas exclusivement en nombre d'heures mais qui aborde les dimensions relationnelles et
affectives des soins à ces grands malades. Les professionnels sont sensibilisés à ces aspects mais les
préposés sont tenus à l'écart de cet enseignement alors qu'ils sont ceux qui passent le plus de temps en
contact physique étroit avec les malades. Investir dans l'encadrement et le soutien des préposés suppose
enfin que l'on ait les moyens d'offrir un véritable suivi.
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