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UNC L Info 2022

Mathématiques pour l’Informatique 2 A. Giannakos

Quelques éléments introductifs aux fonctions génératrices


1 Introduction
Le concept de fonction génératrice (ou série génératrice, d’après certains auteurs) date depuis le 18e siècle,
avec les travaux de Euler et de de Moivre. Il consiste à trouver, étant donnée une suite de nombres, une fonc-
tion réelle ou complexe, telle que son développement en série fait apparaître les termes de la suite en tant que
coefficients des termes de la série.

Cette idée trouve des nombreuses applications lorsque l’on essaye de comprendre mieux la suite en question,
ce qui nous amène à chercher par exemple
(a) une formule close pour les termes de la suite (lorsque cela est possible), quand la suite a été initialement
définie de manière récursive
(b) une autre définition récursive équivalente mais différente de celle initialement donnée pour la suite
(c) des propriétés «statistiques» de la suite étudiée, comme par exemple la valeur moyenne des termes
(d) des formules asymptotiques ou approximatives pour les termes de la suite
(e) des propriétés mathématiques de la suite, comme par exemple si elle est convexe, unimodale etc.
(a) démontrer des identités.
Par la suite nous allons donner un exposé très succinct et intoductif de la théorie des fonctions génératrices, à
travers quelques applications.

X 1 Etant donnée une suite a0 , a1 , . . . , an , . . . une série entière (ang. : power series) est la somme infinie
1
Définition
A(z) = an zn .
n≥0

Lorsque z est une variable réelle (resp., complexe), alors A(z) peut converger pour une intervalle (resp., rayon)
de valeurs de z (il est très facile quand-même de trouver des suites dont la série entière ne converge pour aucune
valeur différente de zéro). Néanmoins, dans ce contexte, nous ne nous occuperons pas des convergences ; nous
considérons les séries entières comme des «sommes symboliques», qui ne sont pas évaluées. Une théorie
rigoureuse pour ces objets mathématiques existe – ils forment des structures algébriques (anneau, c’est-à-dire
avec addition et multiplication définies ; on y définit aussi dérivation, intégration etc.), sont munis de leur
propre topologie etc.

Ainsi, pour
X la suite connue comme progession géometrique : an = αqn , n ∈ N, on aura
X α
A(z) = (αqn )zn et A(z) − qzA(z) = α + (αqn zn − αqn zn ) = α ⇔ (1 − qz)A(z) = α ⇔ A(z) = .
n≥0
1 − qz
n≥1

1. Pour «série de puissances entières positives».

1
2 Application : la suite de Fibonacci
Il paraît que Leonardo Fibonacci, dit aussi Léonard de Pise a été le premier en Occident, dans son ouvrage Liber
abaci (manuscrit paru en 1202), à traiter la suite qui porte son nom et qu’on définit en termes modernes comme
suit :

F0 = 0, (1)
F1 = 1, (2)
∀n ≥ 1, Fn+1 = Fn + Fn−1 (3)
X
La série entière qui correspond à la suite de Fibonacci est notée F(z) = Fn zn .
n≥0
Reprenons les équations (3) pour chaque valeur de n :

F2 z1 = F1 z1 + F0 z1
+ F3 z2 = F2 z2 + F1 z2
+ F4 z3 = F3 z3 + F2 z3
+ F5 z4 = F4 z4 + F3 z4
.. (4)
+ .
X X X
⇔ Fn+1 zn = Fn zn + Fn−1 zn
n≥1 n≥1 n≥1
On aura
F0 z0 F1 z F1 z F2 z2 F1 z F0 z0 F1 z F2 z2 F(z)
X  
Fn+1 zn = F2 z + +F3 z2 + · · · = + − + + +··· = − + + + + · · · = −1 + =
z z z z z z z z z
n≥1
F(z) − z
= (5)
z
et aussi
X X X X
Fn zn = 0 + Fn zn = F0 z0 + Fn zn = Fn zn = F(z) (6)
n≥1 n≥1 n≥1 n≥0
et
X X X
Fn−1 zn = z Fn−1 zn−1 = z Fn zn = zF(z) (7)
n≥1 n≥1 n≥0

En combinant (4) avec (5), (6) et (7) on obtient finalement


F(z) − z z
= F(z) + zF(z) ou F(z)(z2 + z − 1) = −z ⇔ F(z) = (8)
z 1 − z − z2
p √ √ √ √
1 + (−1)2 − 4(−1)1 1+ 5 1+ 5 1− 5 5−1
On va factoriser 1 − z − z2 2 : il est r1 = = =− , r2 = = et
2(−1) −2 2 −2 2
donc 1 − z − z2 = (−1)(z − r1 )(z − r2 ) = (z − r1 )(r2 − z)
z z
On a alors F(z) = 2
= qu’on va essayer d’écrire comme somme de fractions simples,
1−z−z (z − r1 )(r2 − z)
A B
F(z) = + : il faut que A(r2 − z) + B(z − r1 ) = z c’est-à-dire r2 A − r1 B + (−A + B)z = z.
z − r1 r2 − z
On exigeant que le polynôme à gauche soit égal à celui à droite de la dernière équation, on obtient le système
 r1
r2 A − r1 B = 0
)  A =

par rapport à A et B : dont la solution est immédiate : ⇔ 

 r2 − r1
−A + B = 1 r2
 B =


r2 − r1
√ √
−b + b2 − 4ac −b − b2 − 4ac
2. Rappel : ax2 + bx + c = a(x − r1 )(x − r2 ), où r1 = , r2 = . Si b2 − 4ac ≥ 0, r1 et r2 sont des nombres réels.
2a 2a

2
!
r1 r2 1 r1 r2 1 1 1
 
d’où F(z) = + = − = − + (9)
(r2 − r1 )(z − r1 ) (r2 − r1 )(r2 − z) r2 − r1 z − r1 z − r2 r2 − r1 1 − rz1 1 − rz2
√ 1 X  1 n 1 X  1 n
Notons que r2 − r1 = 5 et que = et aussi que = (voir la dernière partie de
1 − rz1 n≥0
r1 1 − rz2 n≥0
r2
l’Introduction ci-dessus).
Suite à ces remarques, l’équation (9) s’écrit : 
X 1  X  1 n X  1 n  X 1  n  n !
1 1
F(z) = Fn z = √ −
n 
 z +
n
z  =
n √ − + zn , d’où finalement :
n≥0 5 n≥0
r1 n≥0
r2 n≥0 5 r 1 r2

!n !n !  √ !n √ !n 
2( 5 + 1)
 n  n !
1 1 1 1 −2 2 1  −2( 5 − 1)
Fn = √ − + = √ − √ + √ = √ − √ + √  =

√ √
5 r1 r2 5 5 + 1 5 − 1 5 ( 5 + 1)( 5 − 1) ( 5 − 1)( 5 + 1)

 √ !n √ !n 
1  1 − 5 1 + 5 
√ − +  ⇔
5 2 2
 √ !n √ !n 
1  1 + 5 1 − 5 
Fn = √  −  (10)
5 2 2

Le lecteur est invité à se renseigner sur le «célèbre» nombre ϕ = 2 ,
1+ 5
appelé aussi nombre d’or, et ses multiples
propriétés.

3 Bibliographie
Une littérature abondante existe sur les fonctions génératrices ; ceci dit, certains auteurs sacrifient la rigueur de
traitement du sujet au faveur d’une meilleure lisibilité de leur texte ; il y en a d’autres aussi qui succombent à
la tentation inverse.

Un ouvrage complet avec un exposé équilibré et introductif aux fonctions génératrices est :

H.S. Wilf, generatingfunctionology (ang.) 3d edition, AK Peters/CRC, 2005.

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