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Conseils aux étudiants

Sommaire :

I. – Généralités
II. – Des examens
III. De la langue française
IV. De quelques usages élémentaires
V. Quelques maximes, expressions et mots latins
VI. De la méthode cartésienne
VII. Prière de saint Thomas d’Aquin avant l’étude

À l’origine, ce document était distribué à mes étudiants en droit, lors du premier cours de chaque année
universitaire (il a été modifié depuis assez souvent, et continue de l’être parfois).

L’homme n’est pas seulement une intelligence, c’est aussi une sensibilité. Aussi, pour comprendre et pour
apprendre, si vous ne faites appel qu’à un seul aspect, l’intelligence, c’est-à-dire le cerveau, la tâche sera ardue. Il
faut y mettre le second, l’affectivité, c’est-à-dire le coeur. Comment ? En aimant votre travail, en y cherchant le côté
curieux, original, passionnant, etc. La joie du travail, associant celle de l’esprit (dilatatio cordis), et celle du cœur
(dilatatio mentis), selon une formule de saint Bernard (1091-1153). Cela change tout !

Tout étudiant en droit doit être capable de s’exprimer oralement et par écrit de manière correcte et précise ; de
comprendre la teneur de documents (lois, décrets, arrêtés, contrats, jugements et arrêts, articles de doctrine) ;
enfin de raisonner. Aussi, je ne puis en commençant que vous inciter à développer vos capacités dans ces divers
aspects. L’intelligence n’est pas une donnée stable et figée. Plus elle est sollicitée plus elle augmente. Soyez actifs :
Ayez la volonté d’agir de la sorte, de vous améliorer, de comprendre et d’apprendre ! C’est votre avenir que vous
préparez… (j’en profite pour relever que vous travaillez pour vous, non pour les professeurs ! Une grève
d’étudiants est donc à proprement parler impossible).

Créez-vous le plus grand nombre possible d’abréviations personnelles pour vos notes de cours. Lorsque vous
n’avez pas pu écrire quelque propos qui semble important, ne prenez pas plus de retard, et ne perturbez pas les
autres en demandant des précisions à vos voisins : attendez la fin du cours. Ne changez pas de stylo ou de feutre
pour mettre les titres en couleur, cela risque de vous faire perdre le fil du discours : il sera temps, chez vous, de
les souligner de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel ou de les encadrer à votre façon. Ne cherchez pas à transcrire
la substance des articles du code civil que votre maître lit. Dans votre intérieur, vous pourrez les copier et, plus
encore, les méditer.
Apprenez vos cours au fur et à mesure. N’attendez pas la fin du semestre, même si vous êtes doué et doté
d’une bonne mémoire ! Lorsqu’un point vous semble obscur ou incertain, consultez un manuel. Toutefois, il
ne s’agit pas d’apprendre bêtement, par cœur, pour savoir à tout prix et à tout va, mais d’apprendre pour
mieux être et pour pouvoir agir efficacement (dans la recherche du bien commun). Comprendre implique
d’intérioriser les idées et les connaissances.

Certains ont besoin, pour apprendre et se souvenir, de se réciter, voire de se chanter de façon rythmée la matière
: Qu’ils le fassent à la maison.

Chaque fois qu’est cité un article du code civil ou d’une loi (ou la référence à un article), lisez-le et relisez-le, en
prêtant bien attention au vocabulaire. De même, dès que vous rencontrez un terme juridique, consultez un
dictionnaire de droit. Créez-vous, au fil des jours, un petit dictionnaire personnel. Cherchez toujours la raison des
règles juridiques que vous rencontrez.
Apprenez à rédiger, en vous exerçant par des devoirs dans les séances de travaux dirigés, ou par des exercices
libres que vous soumettrez à vos proches. Écrire, écrire encore, écrire toujours, telle devrait être votre devise.
Écrire des résumés des cours (et des articles de la doctrine), les questions qui peuvent être posées, les réponses
qu’elles méritent, etc. ‒ Lorsque vous citez un auteur vivant, son nom doit être précédé de Monsieur ; quand il
s’agit d’un auteur décédé, utilisez simplement son patronyme (exemple : Carbonnier). Avant de traiter une
question, situez là et donnez une définition.

Lisez, lisez beaucoup ; lisez de bons maîtres du Droit et les grands auteurs non juridiques. « L’étude des textes ne
peut jamais assez être recommandée ; c’est le chemin le plus court, le plus sûr et le plus agréable pour tout genre
d’érudition ; ayez des choses de première main, puisez à la source ; maniez, remaniez le texte, apprenez-le de
mémoire, citez-le dans les occasions, songez surtout à en pénétrer le sens dans toute son étendue et dans ses
circonstances » (La Bruyère). Relisez notamment Racine pour la mesure et la discipline de l’écriture, La
Rochefoucauld pour l’art des formules, Voltaire pour la clarté de l’expression et la transparence, Chateaubriand
(des Mémoires d’Outre-tombe) pour la puissance. En lisant, prêtez attention aux mots, au style, aux
expressions, etc. « La maîtrise des mots est le début de la sagesse » (Antisthène, élève de Socrate). Ne rougissez
pas de chercher à augmenter votre vocabulaire. Songez que Marc-Aurèle, tout empereur romain qu’il fût, se
préoccupait d’enrichir le sien (comme il l’écrivait en 163 à son ancien maître Fronton). Amusez- vous à chercher et
trouver l’étymologie des mots, souvent merveilleuse ou pittoresque, parfois éclairante.
Le créancier chirographaire ne bénéficie d’aucune sûreté : Il ne dispose que d’un écrit de sa main, selon le sens
littéral de ce mot d’origine grecque ; le copain est celui avec lequel le pain est partagé, tandis qu’au pied de la
lettre c’est la chambre qui est commune avec le camarade (de l’espagnol camara), et le lit avec le concubin (du
latin cum avec, et cubo, cubare être couché).

Les bases de données numériques sont d’une grande commodité ; elles vous seront fort utiles dans votre vie
professionnelle. Mais, au stade actuel de vos activités, celui des études, elles sont à utiliser avec prudence. Car
l’information, seul objet de ces données, ne saurait être une fin en soi ; vous risquez d’être submergés par un flux
de données (par exemple d’arrêts), plus que de connaissances. Or, ce qui vous importe, c’est de connaître en
comprenant, ce qui suppose un effort personnel de la pensée, dont nul ni rien ne pourra jamais dispenser
l’apprenti. Il est clair que l’information ne remplace nullement la réflexion. « Ce que tu lis et entends, fais en sorte
de le comprendre. Éclaircis tes doutes. Et tout ce que tu pourras, hâte-toi de le mettre dans la bibliothèque de ta
mémoire » (In armariolo mentis quidquid poteris reponere satage, saint Thomas d’Aquin, De modo studendi).

Sachez écouter, et développez votre capacité d’attention (le philosophe Simone Weil disait, avec sans doute
quelque excès, que la formation des facultés d’attention est presque l’unique intérêt des études !). Dans un débat,
n’opinez pas si vous ne connaissez pas la question. Avant de se prononcer, il faut réfléchir, peser le pour et le
contre, examiner les arguments, etc. Selon un mot de Thucydide, l’ignorance est hardie et le savoir
réservé. Enveloppez-vous d’humilité et de modestie. Dans une conversation avec une personne plus âgée et plus
formée que vous, ne lui dites pas « vous avez raison » ou « c’est exact », car vous n’avez pas à la juger ni à lui
donner des bons points ! D’une façon plus large, et en prolongement, méditez cette phrase de Camus : « Le
démocrate est modeste, car il est celui qui admet qu’un adversaire puisse avoir raison, qui le laisse donc
s’exprimer, et qui accepte de réfléchir à ses arguments ».

Revenez souvent aux conseils sur la langue française de ce document. Conservez-le précieusement : dans quelques années
vous serez heureux de le retrouver (sans doute beaucoup plus qu’aujourd’hui, où il va vous sembler bien aride, au premier
abord). Et, pour améliorer vos méthodes de travail, vous pouvez lire Le goût des
études et comment l’acquérir (de M. Piatelli Palmarini, éd. Odile Jacob, 1992) et, plus encore, un stimulant petit livre du
philosophe Jean Guitton, Le travail intellectuel (Flammarion, dernière éd. 1994).

Pour étudier avec quelque chance d’efficacité une bonne partie du Droit civil et tout le Droit des affaires, il est
nécessaire de connaître à fond le Droit des obligations : C’est un préalable indispensable, car il est la base sur
laquelle il est fondé. Ceux d’entre vous qui ont des lacunes dans cette discipline doivent impérativement les
combler à l’aide d’un manuel. Sinon leur travail sera vain. Les évolutions du Droit, de l’économie et des techniques
sont maintenant si rapides que chacun doit être à même de s’adapter en permanence aux situations nouvelles, en
complétant ses connaissances. Or, rien ne facilite tant cela qu’une forte culture générale, qui donne les bases et
habitue à maintenir l’esprit éveillé, accompagnée d’une solide formation dans son domaine (pour un juriste une
connaissance parfaite du Droit des obligations).
Aux examens, veillez à la lisibilité de votre écriture et à la présentation de votre devoir. Utilisez exclusivement des
stylos à plume (c’est-à-dire ni des stylos à bille, ni des feutres). Songez que les examinateurs ont à corriger, en
quelques jours de nombreuses copies. Rien n’est plus fastidieux ! Une écriture désagréable ou pénible indispose.
Soignez votre style et l’orthographe (la politesse de la langue, selon Jean Guéhenno). Rédigez intégralement
(n’utilisez pas d’abréviations). N’omettez ni les points sur les « i », ni les traits d’union (notamment dans c’est-à-
dire), ni les accents, qui font partie de l’orthographe et, de plus, facilitent grandement la lecture du correcteur.
N’oubliez pas les contractions (exemple : S’il est et non si il est), mais rejetez évidemment celles qui sont fautives
(ça, pour cela ; t’as pour tu as). Utilisez à bon escient les majuscules, évidemment au début des phrases et pour les
noms propres, mais aussi pour les organismes d’État lorsqu’ils sont uniques (Cour de cassation, Conseil d’État,
Conseil constitutionnel) ; en revanche, les codes s’écrivent sans majuscule (comme le fait à juste titre la Cour de
cassation), comme les conventions ; n’en ajoutez pas, à tort et à travers, au milieu des phrases, comme c’est la
tendance actuellement. Voyez la subtilité de Français, Grec, Italien, Sénégalais, Tunisien, etc., avec une majuscule
(désignant un individu de cette nationalité) et français, grec, italien, sénégalais, tunisien, sans majuscule (pour
tous les autres sens).

Aux partiels et examens écrits, ne cherchez pas à atteindre un nombre important de pages : Vous ne serez pas
jugés sur la quantité. Au contraire, tâchez de concentrer vos explications, de façon à la fois précise et complète.

Lorsque vous avez à traiter un cas pratique, il est inutile de commencer par rappeler les faits ; vous pouvez
éventuellement annoncer le plan, bien que celui-ci, dans un tel exercice, n’ait pas une grande importance. Le plan
d’un commentaire d’arrêt ou d’une dissertation doit impérativement être annoncé à la fin de l’introduction, et
comporter deux (jamais moins) ou trois parties (jamais plus). Ne confondez pas un commentaire d’arrêt avec une
dissertation : Dans le premier les connaissances doivent être appliquées à l’espèce proposée à votre réflexion.

À l’oral, cachez votre émotion. Répondez aux questions de façon claire, cohérente, en construisant des phrases.
Définissez et qualifiez les notions employées avant de donner des exemples. Ainsi, ne commencez pas votre
réponse en disant « L’enrichissement sans cause, c’est quand…», mais « l’enrichissement sans cause est un quasi-
contrat, qui a été consacré par la jurisprudence, etc. ». Les étudiants qui éprouvent des difficultés à l’oral doivent
s’exercer à cette épreuve au cours de l’année, en se livrant avec des camarades à des séances d’entraînement,
dans les conditions de l’examen.

[…]
La clarté du français, langue intellectuelle s’il en fut, lui [vient] essentiellement de ses abstractions […]. La
première preuve de l’abstraction du français est, non pas précisément la pauvreté, mais la richesse
tempérée de son vocabulaire, qui est d’environ 93 000 mots en face des 317 000 mots de l’anglais. C’est
ainsi que le français est l’une des plus pauvres des langues romanes : Parce qu’issu du latin, qui était
pauvre, il a reçu moins d’apports exotiques que ses voisins ibériques. Il est cependant l’une des langues les
plus précises qui soient. C’est d’abord que l’abstrait, étant plus pauvre en quantité, est plus intelligible que
le concret. C’est aussi que le français, grâce à l’abondance de ces gonds de la pensée que sont les
conjonctions de subordination, insiste sur les relations des êtres et des choses plus que sur leurs qualités
sensibles. C’est encore que le français est pourvu d’une grande variété de préfixes et de suffixes, qui lui
permet de former des familles de mots parfois très étendues, mais surtout que ces affixes, parce que venus
pour la plupart du latin ou du grec, sont par là plus intelligibles, même aux non francophones, pourvu
qu’ils aient une culture générale.

Léopold Sédar SENGHOR (†) ancien Président du Sénégal, de l’Académie française

Tout en vous conseillant de tenter de respecter les conseils et les règles figurant dans ce site, je tiens
d’emblée à en relativiser la portée, non pas parce que le purisme serait une tare, mais parce que la
perfection de la langue est une utopie, et qu’il n’est guère d’écrivains ne commettant pas de fautes ; je
crains même que mes propres pages sur ce site en comportent quelques-unes (je serai reconnaissant
aux personnes qui les découvriraient de me les signaler). Aussi, le souci de la correction ne doit pas vous
dissuader d’écrire et de converser, comme la volonté de se comporter le mieux possible ne doit pas
empêcher d’agir. Au demeurant, ce qui importe, c’est l’effort persévérant vers la qualité plus que
d’atteindre la perfection (de même qu’en morale ce qui est attendu de l’agent, selon ce qui est nommé la
loi de gradualité, c’est la tension vers une amélioration plus que la réalisation extérieure immédiate d’un
précepte). En outre, si vous avez un style, alors les petites fautes vous seront pardonnées. Ces limites
posées, je ne peux que vous conseiller de tenter d’écrire et de parler le mieux possible, c’est-à-dire de
penser le mieux possible (les deux aspects sont intimement liés) ; ce faisant, en vous heurtant à la
difficulté, en tentant d’éviter les répétitions et les formules stéréotypées, il est probable qu’une musique
propre, la vôtre, se dégagera…

Notre langue, héritière de la méthode grecque et de l’efficacité romaine, qui ont fait l’Europe, est une langue
précise, particulièrement bien adaptée au Droit. Mieux, le français est la langue juridique par excellence ; sa
syntaxe possédant un ordre logique entérinant le mouvement de la raison pensante. Telle est la raison pour
laquelle il fut pendant très longtemps la seule langue diplomatique. Le Traité de Radstadt (1714), offcialisant
l’usage antérieur, déclara que la langue diplomatique obligatoire était le français : « Désormais les intérêts des
peuples et les volontés des rois reposeront sur une base plus fixe ; on ne sèmera plus la guerre dans des paroles
de paix » (Rivarol, Discours sur l’universalité de la langue française, Desjonquères, 1998, p. 134. ‒ Metternich disait
que cela permettait d’éviter la confusion des langues et de la nécessité d’adjoindre des traducteurs aux
diplomates et aux ministres ; il poussait tellement son goût du français, alors qu’il n’aimait pas la France, qu’il
n’utilisait que cette langue dans ses relations épistolaires avec ses propres ambassadeurs, même auprès des pays
de langue allemande : G. de Bertier de Sauvigny, Metternich et son temps, Hachette, 1959, p. 102-103 et p. 107.

Metternich, né en 1773, mourut en 1859). Mais le Traité de Versailles, en 1919, connut pour la première fois une
seconde version, en anglais ; cette pratique s’est progressivement répandue, non sans de fâcheuses
conséquences ; ainsi la version anglaise de la résolution 242 de l’Organisation des Nations Unies (1967), relative à
la guerre israélo-arabe, est à l’origine de drames. Selon la version française les israéliens se retireront « des
territoires occupés » (non pas de, mais des territoires, donc de tous ces territoires) ; or, l’anglais ne connaît pas
cette précision. La version anglaise parle de l’évacuation « from occupied territories », ce qui peut signifier aussi
bien de ou des ; cette ambiguïté alimenta la controverse, suscita des guerres et l’état de tension qui règne encore
entre Israël et les Palestiniens. De plus, l’absence de rigueur de l’anglais oblige à insérer un lexique dans les
contrats internationaux rédigés dans cette langue, précisant le sens des mots et expressions, même juridiques,
qui seront utilisés dans le corps du texte ; un lieu commun, en partie vrai, est de dire que l’anglais est une langue
commode : Ici, à la vérité, il est une source de difficultés. De même, sa souplesse tant vantée n’est acquise qu’au
prix d’une certaine imprécision. Ainsi, faut-il traduire World Trade Center par « Centre commercial du monde » ou
par « Centre du commerce mondial », l’absence de préposition marquant le génitif empêchant de connaître la
base du message ? Michael Edwards, premier Britannique à avoir été élu à l’Académie française comme au
Collège de France, conteste une supériorité quelconque de quelque langue que ce soit, par conséquent de la
clarté du français (mais insiste sur la richesse constituée par la diversité des langues, qui est certaine. ‒ M.
Edwards, Dialogues singuliers sur la langue française, PUF, 2016). Il réfute l’idée que la résolution 242 de l’ONU
précitée soit imprécise. En revanche, il ne dit mot des qualités que reconnaissait Senghor au français, dans la
citation ci-dessus, ni du fait, incontesté, qu’il fut pendant longtemps la langue diplomatique, sans doute parce qu’il
paraissait particulièrement adapté au Droit par la précision de son vocabulaire (restreint). Il est tout de même
frappant qu’il soit nécessaire dans les contrats importants rédigés en anglais de les faire précéder d’un lexique
donnant la signification des termes juridiques utilisés, ce qui est absolument inutile dans les contrats rédigés en
français.

Une bonne connaissance de la langue est un puissant facteur d’égalité entre les citoyens, et d’intégration des
personnes d’origine modeste (a fortiori, issues de l’immigration). De plus, « la défense de notre langue n’est pas
une marotte de vieux messieurs à parapluie ni de bonnes dames à chapeaux ; il s’agit de la protection vitale de
notre identité la plus élémentaire ainsi que de nos intérêts de base. Il s’agit de résister à une colonisation voulue
et concertée pour des raisons platement économiques, comme toutes les colonisations sur la
Terre » (C. Duneton, Le Figaro littéraire 23-24 févr. 2008, p. 8). En effet, avec l’anglais qui se répand partout, c’est
une culture qu’il introduit et, la suivant comme son ombre, du commerce.

Puisque notre langue est précise, il est nécessaire d’en posséder les subtilités : Aussi, les juristes ont toujours eu la
réputation (justifiée) d’employer un langage châtié. Robert Estienne rendait hommage en 1557 à la langue des
juristes du Parlement de Paris, de la Chancellerie et de la Cour des comptes, « esquels lieux le langage s’escrit et
se prononce en la plus grande pureté qu’en autres lieux » (Traité de la grammaire française). Il vous appartient de
maintenir cette tradition. Ce sera pour vous une obligation professionnelle en tant que juriste professionnel
(notamment d’entreprise), afin de rédiger des contrats dotés d’une grande sécurité (sans compter qu’une lettre de
demande d’emploi émaillée de fautes ou d’imprécisions conduira probablement à ce qu’elle soit jetée au panier
sans autre forme d’examen). Aussi, travaillez sans relâche à mieux connaître la langue française et à la dominer ;
elle vous rendra vos efforts au centuple par des joies ineffables, toute votre vie. « La langue est un théâtre dont
les mots sont les acteurs » (Ferdinand Brunetière). Le cas échéant, ayez le courage de prendre des leçons de
français, de grammaire, de vocabulaire, d’expression écrite et orale, etc. Peut-être existe-t-il des logiciels
permettant d’effectuer des exercices interactifs avec son ordinateur.

Prenez l’habitude, même entre vous, d’essayer de parler un français correct, avec des mots précis. « Mal nommer
les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde» (Camus). Il est consternant d’entendre tant de jeunes désigner
par un mot passe-partout (et pauvre, voire grossier) des réalités très diverses ; exemple : Il ou elle est super, à
propos d’un film, d’une jeune fille, d’un livre, d’une voiture, d’un professeur, d’un mets, etc. ‒ Le débraillé et la
pauvreté du vocabulaire, comme le laisser-aller dans la grammaire, retentissent forcément sur la pensée. Toute
maladie de la langue est une maladie de la pensée. « Il ne peut y avoir, d’un côté la forme, de l’autre le fond. Un
mauvais style, c’est une pensée imparfaite » (Jules Renard). « C’est dans le langage que se trouvent les
idées » (Alain). Les subtilités de la langue « contribuent à l’élasticité de l’esprit » (M. Druon, La France aux ordres
d’un cadavre, éditions de Fallois, 2000, p.109). En parlant, évitez ces scories inutiles, qui marquent que l’orateur ne
maîtrise pas sa pensée, du genre euh, tu sais, quoi, il faut savoir, disons (du reste, disons ne veut pas dire je
dis, mais je ne suis pas sûr), je vais dire (dites directement ce que vous avez à dire !), c’est vrai (dont on abuse
beaucoup aujourd’hui, qui se remplace élégamment par certes, suivi d’une virgule). Quant à la grossièreté, si
banale, elle est une forme d’impuissance intellectuelle.
Méditez ces fortes réflexions de Jean-Louis Curtis : « La première liberté, c’est celle que confère la maîtrise
de la parole, et […] la pire des aliénations, pire même que la pauvreté, c’est de ne pas savoir parler et écrire
d’une façon claire, correcte et précise, c’est d’être un sous-développé du langage, un paria de la
communication verbale » (Le Monde comme il va, éditions du Rocher, 1995, p. 18). Et celles-ci, plus
poétiques, d’Oscar Wilde : « Les mots n’ont pas seulement une musique aussi douce que celle de la viole et
du luth, des couleurs aussi riches et chatoyantes que celles qui nous font admirer les toiles des Vénitiens
et des Espagnols, et une forme plastique aussi sûre et aboutie que celle qui se révèle dans le marbre ou le
bronze, mais la pensée, la passion et la spiritualité leur appartiennent aussi et n’appartiennent, d’ailleurs,
qu’à eux seuls » (Aphorismes).

Sans doute la langue n’est pas figée : Elle a évolué et évoluera encore. Certes, tous les grands écrivains,
de Chateaubriand à Malraux, en passant par Balzac ou Baudelaire, ont pris, consciemment ou non, des
licences avec les règles les mieux établies. Mais, avant d’user de cette liberté créatrice, encore faut-il
commencer par bien posséder sa langue, donc par l’apprendre et la respecter. Si vous avez le goût de
l’écriture, voire du génie (c’est tout de même peu fréquent !), vous aurez le temps, vos études achevées,
vos diplômes en poche, d’en fournir la preuve. À ce moment, il s’opérera peut-être un retournement
d’attitude des tiers à votre égard : Telle tournure, imputée à faute à un étudiant, sera regardée comme une
originalité plaisante lorsqu’elle se trouvera sous la plume d’un professeur ou d’un écrivain reconnu (selon
que vous serez puissant ou misérable … ). Pourtant, il ne s’agit pas de parler ou d’écrire comme un livre :
Une touche personnelle est toujours bienvenue

1°. – N’écrivez pas de phrase sans verbe (pratique qui se répand chez les journalistes et même parfois chez
les universitaires, comme « témoignage d’une époque révolue »). Évitez les expressions « histoire de »
(comme « histoire de s’amuser », alors qu’il est plus simple et plus élégant de dire « pour s’amuser » ; dans
d’autres cas, utilisez afin de) et « mais voilà » (utilisée actuellement à tort et à travers) ; de répéter un mot à
des intervalles rapprochés (sauf quand la répétition est inévitable, parce qu’il s’agit du thème essentiel
donnant lieu au développement, ou d’une institution qu’il est nécessaire de nommer : Ainsi il est préférable
de répéter, fût-ce à quelques lignes, la Cour de cassation que d’utiliser une périphrase impropre, telle la
Haute juridiction).

L’accumulation des pronoms relatifs (que, qui, dont, quoi) est inélégante, et rend la lecture indigeste. Dans
une lettre Flaubert critiquait le style de Lamartine (à propos de son abondante œuvre non poétique), qui «
s’embrouille souvent dans des tournures lourdes de que, de qui, etc. J’aime les phrases nettes et qui se
tiennent droites, debout tout en courant » (Correspondance, Pléiade, t. III, 1980, p. 105). Je crois que, dans
un souci de clarté, vous devriez vous astreindre à ce qu’il n’y en ait jamais plus de trois par phrase ; mieux,
évitez qu’il y en ait deux très près l’un de l’autre (exemple : plutôt que « La cour d’appel, qui affirme que la
cause est illicite », écrivez « affirmant que … »). Le pronom impersonnel on a son utilité, mais aujourd’hui il
est employé abusivement au détriment des pronoms personnels, dont les journalistes des médias de
masse semblent ignorer l’existence ; aussi, méfiez-vous du on : Ne l’utilisez que lorsque l’idée ou le
sentiment que vous exprimez est vraiment impersonnel (« On dit que Rodrigue va gagner les élections »).
Dans cette optique, voyez le sujet de concours proposé par l’Académie de Berlin en 1783 sur l’universalité
de la langue française (remporté par Rivarol) ; il s’achevait par « Est-il à présumer qu’elle la conserve ? »
(cette place éminente), et non par « Peut-on présumer qu’elle la conserve ? ». Et, au risque de sombrer
dans la sottise des Précieuses ridicules de Molière qui pourchassaient les sonorités « basses », il me
semble que le qu’on est à proscrire absolument, tant il est malsonnant ! D’une façon générale, préférez les
pronoms personnels ou, puisque l’usage est qu’un étudiant n’emploie pas le je, ce qui est considéré
comme présomptueux, usez d’une tournure qui les évite (par exemple,
plutôt que d’écrire « dans la mesure où l’on admet l’existence d’une responsabilité contractuelle», vous
pouvez rédiger votre phrase ainsi : « Dans la mesure où l’existence même de cette responsabilité est
admise »).
Pour la forme féminine, il y a lieu de distinguer d’une part les fonctions, titres et grades, d’autre part les
métiers. Les premiers appartiennent au genre neutre (rendu en français par le masculin), car la nature de
la fonction, du titre ou du grade est indépendant de la personne qui l’exerce ou les porte (exemples : le
bachelier, le maître en Droit, le docteur, l’agrégé, le maire, le député, le ministre). En revanche, les métiers
peuvent comporter une forme féminine, qu’il convient d’utiliser lorsqu’elle existe et que vous parlez d’une
femme (exemples : l’institutrice, la boulangère, la postière, l’aviatrice, la factrice, l’éditrice, l’avocate, la
chercheuse, l’actrice, la danseuse). Si ce n’est pas le cas, employez le masculin (qui, grammaticalement,
englobe le féminin puisque le français ne connaît pas le véritable neutre), en disant par exemple le
professeur, le médecin, même s’il s’agit d’une femme ; il est ridicule de parler de Madame la professeur
(c’est une incorrection quant à la langue, l’article féminin « la » ne pouvant pas précéder un nom masculin
; vice versa, il peut se faire, bien que cela soit plus rare, qu’un mot féminin désigne une fonction, alors
même qu’elle est exercée par un homme, comme la sentinelle, la vedette, la recrue, l’estafette ou la vigie
[la personne qui veille sur un bateau]; et, depuis des siècles un ambassadeur, est qualifié d’Excellence [mot
féminin], alors que jusqu’à un époque récente il s’agissait toujours d’un homme). Il n’y a rien là d’anti-
féministe ! Ces solutions découlent toute simplement du fait que la langue française ne connaît pas de
véritable neutre de sorte que, grammaticalement, le masculin englobe le féminin ; d’où aussi un
Toulousain et une Toulousaine sont ensemble des Toulousains, comme des électeurs et des électrices
sont des électeurs, des travailleurs et des travailleuses des travailleurs, etc, si bien qu’il est inutile et sot de
répéter le même substantif pour désigner un groupe de personnes composé d’hommes et de femmes. Du
reste, en français la marque du féminin ne sert qu’accessoirement à rendre la distinction entre mâle et
femelle. On dit une personne même s’il s’agit d’un homme, et cent personnes sans que cet ensemble soit
composé de cent femmes ! Le “e” n’est pas un suffixe féminin, ajouter donc cette lettre à un mot ne le
féminise pas. Combien de mots masculins se terminent par cette lettre ! Par exemple: homme, père, rire,
fromage, mâle, village. Il y a une confusion, chez les partisans de la féminisation de tous les mots, entre la
notion de sexe, qui est biologique, et la notion de genre, qui est grammaticale. L’Académie française, fidèle
à la mission qui lui a été assignée par ses statuts de 1635, publia un texte définitif sur cette question en
1984, rédigé par deux savants de réputation mondiale, Georges Dumézil et Claude Lévi-Strauss.

Ne tenant aucun compte de ce document, ni de l’avis négatif de la Commission générale de terminologie,


ni d’une adresse dans le même sens de l’Académie française au Président de la République, la
Documentation française rendit public au début de 2002 un catalogue des métiers, titres et fonctions
systématiquement et arbitrairement « féminisés » (parfois de façon grotesque, contraire au bon sens, à
l’euphonie et au « génie » de notre langue, comme professeure, docteure [doctoresse aurait été
préférable], proviseure, instituteure [alors qu’il existe institutrice !], chercheure [alors qu’il existe
chercheuse !], écrivaine, agente, cheffe [cheffesse est laid mais serait plus logique], auteure [autrice est
inhabituel mais serait plus correct, le féminin des noms masculins en -teur étant régulièrement en -trice :
acteur-actrice, instituteur-institutrice, directeur-directrice]). Cette publication précitée de la
Documentation française intervint sur instruction du Premier ministre de l’époque (Lionel Jospin, qui
n’avait aucune compétence ni autorité en ce domaine ; au surplus, cet homme politique n’avait qu’une
connaissance fort approximative du français, assez inquiétante étant donné les responsabilités qui étaient
les siennes à cette époque, et qui ont pu contribuer à ses déboires électoraux, tant il commit de bourdes et
de contresens lors des ses discours en tous lieux, y compris au Parlement, et même lors de ses
déplacements à l’étranger). La presse et la télévision s’empressèrent de suivre ces indications qui, non
seulement sont stupides et n’ont aucun fondement linguistique ou anthropologique, mais n’ont aucune
valeur juridique. Il convient donc de ne tenir aucun compte de cette malencontreuse publication, comme
l’a rappelé l’Académie française dans un communiqué du 22 mars 2002, relevant que « Le choix
systématique et irréfléchi [sous-entendu par des ignares] de formes féminines établit au contraire, à
l’intérieur même de la langue, une ségrégation qui va à l’encontre du but recherché ». J’observe au
demeurant que nul ne s’indigne que le mot féminin « personne », d’un usage si fréquent et si
fondamental, puisse désigner aussi bien une femme qu’un homme ! Enfin, contre les mots auteure,
chercheure, docteure, instituteure, professeure, proviseure, je relève que le “e” n’est pas une marque
universelle de féminin, justement en particulier dans les mots en -eur : Il n’est que de citer ardeur,
blancheur, couleur, fleur, tiédeur, sœur, tous féminins ; seuls les adjectifs distinguent le masculin en - eur et
le féminin en -eure (majeur, majeure ; supérieur, supérieure, etc., souvent des comparatifs), jamais des
substantifs (heure n’est pas le féminin d’heur !). «Accuser la langue française de sexisme c’est ajouter
l’hypocrisie à l’ignorance » (A. Bentolila, Le Figaro 24 janv. 2017, p. 14). A. Bentolila (linguiste) rappelle que
le français possède deux genres, l’un masculin, l’autre féminin ; il s’agit bien de marques de genre et non
pas d’indicateurs de sexe ; le genre est simplement une règle d’accord automatique ; s’il faut évidemment
combattre vigoureusement le sexisme et les discriminations dont les femmes ont été victimes et peuvent
l’être encore, ce n’est pas une raison pour maltraiter la langue. L’Académie française dans sa séance du 28
février 2019 a adopté le rapport de sa commission sur la féminisation des noms de métiers et de fonctions
(disponible sur son site). Sans dogmatisme, l’Académie suggère des évolutions. À propos des fonctions, elle
observe : « il n’existe pas de normes spécifiques et générales applicables aux appellations féminines – il
convient donc de déterminer avec souplesse et pragmatisme ce que permettent la grammaire et l’usage.
Cette réalité impose de reconnaître qu’aucune pratique uniforme ne saurait imposer la généralisation de la
féminisation ». Cependant, l’adoption par l’Académie du rapport précité est une défaite de l’esprit critique
et du génie de notre langue, comme l’a exposé Mme Bérénice Levet, docteur en philosophie (Le Figaro, 7
mars 2019, p. 18).

2°. – Les accents doivent toujours être indiqués (et ne confondez pas l’accent aigu é et l’accent grave è), y
compris sur les majuscules. À ce propos, souvenez-vous que prennent un merveilleux accent circonflexe :
Il plaît, il paraît et leurs composés. De même, il faut un tel accent à la troisième personne du singulier du
plus-que-parfait du subjonctif (J’aurais aimé qu’il eût réussi et qu’il fût félicité) ; en revanche, cette personne
au passé simple et au passé antérieur de l’indicatif n’en prend pas (quand il eut réussi, il fut félicité). Autre
subtilité du même genre : Il a dû (participe passé masculin), c’est son dû (nom masculin), mais elle est due.
«L’accent circonflexe est l’hirondelle de l’écriture » (Jules Renard).

3°. – La ponctuation mérite également de retenir vos soins. Elle est la respiration de la langue. Selon Maupassant,
Flaubert disait qu’un auteur doit disposer « les virgules avec science, comme les haltes d’un long chemin : car les
arrêts de sa pensée, correspondant aux membres de sa phrase, doivent être en même temps les repos
nécessaires à la respiration ». Arrêter, exprimer, expliquer ; opposer, rapprocher, éloigner, associer : La
ponctuation, servante docile et commode, peut remplir toutes ces tâches. Le point-virgule soupèse les nuances
; sa subtilité vient de « ce qu’il représente une virgule renforcée ‒ avec tout le mérite clarifiant de celle-ci ; il
marque un arrêt léger, non définitif » (Claude Duneton, Figaro littéraire, 18 sept. 2003). Il facilite l’exposition
d’une succession d’idées s’enchaînant les unes les autres, permet de découper une vaste pensée « en petites
propositions concomitantes » (Claude Duneton, op. cit.). «On reconnaît tout de suite un homme de jugement à
l’usage qu’il fait du point et virgule » (Henri de Montherlant, Carnets 1930-1944). « La différence entre le ; et le :
manifeste au suprême degré le sens de la nuance, et qu’est-ce que la nuance sinon la pensée dans sa fleur
? » (Jean Guitton, Écrire comme on se souvient, Fayard, 1974). N’oubliez pas le point d’interrogation dans les
phrases interrogatives. En outre, tâchez de formuler, même oralement, vos interrogations sous la véritable forme
interrogative ; exemple : Sors-tu ? (non tu sors ? et de préférence à l’inélégant est-ce que tu sors ?).
Après deux points ( : ), si ce qui suit comprend un verbe, et constitue donc une phrase, le premier mot doit être en
majuscule (A. Grevisse, Le Bon usage, 9e éd., 1969, n° 170).

En France les guillemets sont « » et non “ ”(en usage dans les pays de langue anglaise) ; ces derniers sont toutefois
utilisés lorsque des guillemets figurent au sein d’une citation. N’utilisez jamais les deux points ( : ) plus d’une fois
dans une phrase. Il me semble aussi qu’il est préférable de ne pas mettre plus de deux phrases interrogatives de
suite. Voici maintenant quelques directives relatives à l’emploi de la ponctuation avec l’ordinateur. Il faut laisser
une espace avant et après les deux points, le point et virgule, les points d’exclamation et d’interrogation ; une
espace entre « et le début de la citation, et avant sa fin » ; en revanche, ne pas laisser d’espace avant la virgule, le
point final ni au début ou à la fin des parenthèses. L’espace est normalement un nom masculin, sauf en matière
d’imprimerie où il est féminin, ce qui explique l’usage que je viens d’en faire. Pour l’apostrophe il est préférable de
mettre ’ ; et d’éviter l’inélégant ‘ (pourvu que l’écriture html maintienne les signes que je viens d’écrire !).
Lorsqu’une phrase s’achève par une citation entre guillemets, le point final doit logiquement se mettre après les
derniers guillemets, comme l’exigeait le général de Gaulle de ses éditeurs (cf. Michel Droit, Les Feux du
crépuscule, Plon, 1977, p. 216) ; mais les correcteurs des éditeurs ont tendance à placer le point final avant les
derniers guillemets.

4°. – L’exactitude de la prononciation est importante pour certains mots. Évitez l’espèce de bouillie, prononcée
dans la précipitation, de tant d’orateurs à la radio et à la télévision. N’omettez pas de prononcer les doubles
lettres, par exemple des mots dommage, essentielle, illicite, promesse, synallagmatique, etc. De même, les
liaisons doivent être effectuées. Par exemple faire entendre le « s » de cinq cents employés ou des contrats
illicites, ou le « t » de cent (ainsi dans cent euros). Mais n’ajoutez pas de « s » à cent euros ni à pseudo dans
pseudo-intellectuels.

5°. – Notre syntaxe soumet la concordance des temps à des règles précises, certes difficiles. Si vous les dominez
mal, employez une tournure où elles n’aient pas à intervenir. « On ne raisonne justement qu’avec une syntaxe
rigoureuse » (Anatole France, Le génie latin).

6°. – Rappelez-vous que :

– Admirablement est un superlatif d’excellence ; il se suffit à lui-même, de sorte qu’il ne faut pas lui adjoindre
l’adverbe « bien » (de même pour parfaitement ou merveilleusement).

– Au point de vue, du point de vue. Ces expressions sont suivies, soit d’un complément de nom introduit par la
préposition de, soit d’un adjectif épithète (exemple : Du point de vue formel) ; lui juxtaposer un substantif est
incorrect (exemple : Au point de vue examen).

– Avant que, afin que, bien que, pour que, quoique sont impérativement suivis du subjonctif (car il s’agit de faits
dans l’avenir, donc incertains : Or le subjectif est le temps de l’éventualité et de la subjectivité, donc aussi de
l’émotion). Avant qu’il ait obtenu son diplôme (pure éventualité, hélas direz-vous). En revanche, après que est
suivi de l’indicatif ou du conditionnel (parce que la subordonnée exprime un fait dont on est certain qu’il s’est
produit) ; exemples : Il sort après que nous avons pris le café. Il faut bonne mémoire après qu’on a
menti (Corneille). Après que les étudiants eurent composé (et non eussent). Le professeur a dit qu’il vous recevrait
après que vous auriez déposé votre sujet de mémoire (et non après que vous ayez). Si vous hésitez, il suffit de
remplacer après que par quand, qui commande l’indicatif. Vous pouvez vous en rendre compte en procédant à
cette substitution dans les exemples qui précèdent.

– Citoyen n’est pas un adjectif mais un nom ; l’expression démarche citoyenne (et les autres de la même veine) est
donc fautive. Une démarche citoyenne est en réalité une démarche civique.

– Donc. N’abusez pas de cette conjonction ! De même, le pronom personnel indéfini on est à utiliser le moins possible : Il
est inélégant
– Le mot Droit prend une majuscule lorsqu’il s’agit du Droit objectif, sinon il s’écrit avec une minuscule (droit subjectif) : Voir
le Vocabulaire juridique dirigé par le doyen Cornu (PUF) au mot Droit.

Environ. S’il s’applique au temps, c’est un adverbe invariable (Nous irons à la montagne environ la fin de juillet) et
souvent imprécis. S’il se rapporte au lieu, il reçoit un « s » (Aux environs de Toulouse).

– Es. Contraction de « en les », ne peut précéder qu’un pluriel : Licencié ès lettres (mais : En qualité de tuteur).
– L’État s’écrit avec une majuscule lorsqu’il désigne le pouvoir central d’une nation reconnue comme sujet
du Droit international ; mais avec une minuscule dans tous les autres cas, notamment dans l’expression «
l’état de droit », qui signifie simplement le « règne de la loi », c’est-à-dire un ordre juridique. L’État doit
veiller à sa bonne observance, le garantir ; du reste, comme c’est sa fonction normale, il suffit de dire et
d’écrire l’État sans ajouter de droit. La majuscule mise au mot état dans l’expression état de droit est donc
plus qu’une faute d’orthographe. C’est une faute de sens, un contresens. Et la majuscule est ici aussi
incongrue que dans « l’état de la question », « l’état des lieux », « l’état d’âme », où nul ne songe à la
mettre.

– Évident. Qualifie en premier lieu ce qui s’impose clairement à l’esprit, ce qui est certain ; de plus, évident qualifie
ce qui est immédiatement perceptible par la vue. Ce mot ne doit pas s’employer pour désigner ce qui est de
réalisation facile ; par exemple, ne pas dire « réussir à passer en maîtrise c’est pas évident », mais « ce n’est pas
facile ».

– Fabricant ne s’écrit pas comme fabriquer.

– Fait. Le participe fait suivi d’un infinitif est toujours invariable, parce qu’il fait corps avec l’infinitif (exemple : Ces
manœuvres, nous les avons fait supporter par nos partenaires).

– Fonds. Ce mot a un « s », même au singulier, lorsqu’il s’agit du fonds de commerce, d’un bien immobilier ou d’un
capital, ce qui n’est pas le cas dans les autres sens (le fond du sac, de la mer … ).

– Jurisprudence signifie principalement l’ensemble des décisions de justice rendues pendant une certaine période
(voyez le Vocabulaire juridique dirigé par le doyen Cornu) ; ce mot n’est pas synonyme d’arrêt ou de jugement.

– Lui, elle, eux, leurs. Ces pronoms employés comme compléments ne peuvent représenter que des personnes.
En parlant des choses et des animaux (qui sont des choses animées), il convient d’utiliser en et y. Ce chien n’aime
pas les étudiants en droit, il risque de vous mordre : Éloignez-vous en (et non de lui). Et sur lui (elle) est
remplacée par dessus (dessous, dedans). Voici votre bicyclette, montez dessus (et non sur elle) ; voyez cette
table, cachez-vous dessous (et non sous elle), etc.

– M. Telle est l’abréviation de Monsieur. Mr est celle de Mister.

– Malgré que ne s’emploie que dans le locution « malgré qu’il en ait » (quelque contrariété ou mauvais gré qu’il en
éprouve) ; sinon il convient d’employer quoique ou bien que.

– Parmi. Cette préposition est invariable : elle ne prend donc pas de « s » final.

– Quelque s’écrit en deux mots (quel que) quand il précède immédiatement un verbe (dans ce cas toujours au
subjonctif). Quel est alors adjectif et s’accorde. Quelque s’écrit en un seul mot quand il est devant tout autre mot
qu’un verbe.

– Quelque part signifie en un lieu indéterminé (que l’on ne veut ou ne peut pas préciser ; exemple : « Il est
quelque part en France ». N’imitez pas les journalistes qui emploient cette expression à tous propos, hors de son
sens.

– Quoique s’écrit en un mot quand ce dernier peut être remplacé par la conjonction de subordination bien que
ou par encore que. Exemple : « Je le trouve sympathique quoique (bien que) ses opinions me déplaisent ». La
locution quoi que s’écrit en deux mots lorsqu’il est possible de la remplacer par quelle que soit la chose que
ou peu importe ce que. Exemple : « Quoi que tu fasses (quelle que soit la chose que tu fasses), cela ne va pas ».

– Reddition s’écrit avec deux lettres d. En Droit privé ce mot est employé essentiellement à propos des
mandataires, qui doivent rendre compte (C. civ., art. 1993).
– Soi-disant (invariable et sans t à soi) ne s’emploie qu’à l’égard de personnes vivantes (puisque cette expression
implique que quelqu’un se dise). En dehors des personnes vivantes, c’est le mot prétendu (variable) qui convient ;
exemple : Le prétendu contrat.

– Tout est adverbe et invariable lorsqu’il signifie « entièrement », « tout à fait ». Exemple : Une veste tout usagée.

– Verbes transitifs. Ces verbes peuvent avoir un complément d’objet (où l’action faite par le sujet passe ‒ transite ‒
sur un complément) ; exemple : Je regarde le ciel, j’étudie le cours. Les verbes intransitifs ne peuvent pas
prendre de complément d’objet : Ils offrent par eux-mêmes un sens complet, comme courir, débuter, démarrer,
dormir, flâner (grande occupation des étudiants), marcher, mourir, nager, pleurer (souvent le sort des
pauvres professeurs corrigeant les copies en fin d’année … ).

– Vingt et cent prennent un « s » lorsqu’ils sont multipliés et à la fin de l’adjectif numéral : Quatre-vingts
livres, deux cents étudiants ; mais sans le « s », cent vingt jours comme mille cent euros (car pas de
multiplication mais une addition), quatre vingt deux (car vingt n’est pas à la fin).

7°. – N’utilisez pas de marque pour désigner un objet. Vous ne dites pas je prends ma Peugeot mais ma voiture ;
alors pourquoi ne pas dire je me sers d’un crayon à bille, d’un ruban adhésif, d’une chaussure de sport (de
tennis…), etc., plutôt que de citer leurs marques, dont en outre les sonorités souvent d’apparence anglaise
dénotent dans une conversation en français ?
Choisissez le mot juste, en évitant les mots « passe-partout », qui ont leur utilité, mais que la paresse ou la
négligence conduisent à employer trop souvent. « Un mot “impropre” n’est-il pas d’une certaine façon un mot
sale ? C’est qu’il y a une hygiène mentale et presque une sorte de probité morale dans le “bon usage” des mots »
(M. Tournier, Le Pied de la lettre, Folio, 1996. ‒ Vous remarquez ici l’emploi des guillemets anglais au sein d’une
citation).
Voici un exemple de la recherche du mot précis, à propos du verbe faire et la façon de le remplacer dans ses divers
sens :

Il a construit sa maison lui-même. Cette usine fabrique des moteurs. Mon tailleur m’a confectionné
un complet sur mesure. Dieu créa le monde.
Il a engendré trois enfants. Ma chienne a mis bas deux chiots.
La Constitution de la Vème République, élaborée à l’instigation du Général de Gaulle, a établi un
nouveau régime. Elle a institué un Conseil constitutionnel.
Rimbaud a composé d’admirables poèmes. Proust écrivit une œuvre géniale. Le Doyen Ripert a
rédigé un traité de Droit commercial.
Il faudrait prendre de l’essence. Il serait prudent de s’approvisionner. Il a amassé une fortune
importante. Ce commerçant a obtenu des résultats remarquables. Son père lui alloue une pension. Il
se procure de l’argent de poche par de petits travaux. Vendez-vous de la papeterie ?
Il exécuta un bond prodigieux. Il sauta de deux mètres. Il effectue des tâches diverses. Il opéra un
demi-tour.
Il a expédié son devoir en une heure. Je suis occupé ce matin par le Droit civil. J’étudie le Droit. Je
prépare la licence, et j’envisage de devenir juriste d’entreprise, d’embrasser cette carrière. J’ai
accompli mon devoir. Il ne décide rien sans consulter son père. S’il réussit, il ira en Grèce, avant
d’entreprendre le tour de la Méditerranée.

8°. – Proscrivez les expressions ridicules : Dans le cadre de, sur le plan de, au niveau de, se pencher sur (d’autant
que vous risquez de tomber), les coordonnées (pour l’adresse, le n° de téléphone, etc.), le facteur temps (pour
l’aspect ou l’élément temporel), part entière (s’il y a une part, il ne peut pas y avoir une intégralité), être en
capacité de (pour être capable de), le sens de l’histoire (l’histoire n’a pas de sens) ; les fausses élégances : Il ne faut
pas se cacher que, vous n’êtes pas sans savoir, à tant faire que (ou, pire, tant qu’à faire), au final (pour finalement),
positionner ; ou l’abominable comme quoi (pour : selon, en vertu de quoi). N’imitez pas les gens des médias qui
disent merci à vous pour je vous remercie.
Il est fâcheux d’assaisonner ses propos de formules telles que disons, on va dire, je veux dire, j’ai envie de dire,
c’est vrai que, en fait, c’est parti, tu vois, voilà, etc. Je n’invente hélas rien, entendant de tels propos à l’Université, à
la radio et à la télévision.

Gardez-vous d’employer bon nombre de termes devenus monnaie courante à la radio et à la télévision, tels que :
concerner (pour intéresser, regarder, toucher, affecter), complexifier (pour compliquer, obscurcir), contacter (pour
entrer en rapport avec, se mettre en rapport, prendre langue, toucher, joindre, rencontrer, s’entretenir, et même
prendre contact avec), émotionner (pour émouvoir), expliciter (pour expliquer, formuler), au final (pour
finalement, à la fin), générer (pour produire, engendrer, créer, enfanter, provoquer, causer, occasionner, susciter,
etc.), incontournable (pour inévitable ou indispensable), initier (pour lancer, décider, promouvoir, concevoir,
créer, commencer, prendre l’initiative, etc. ; dire qu’il paraît que la langue française est pauvre !), occulter (pour
masquer, cacher), opportunité (pour occasion, chance, possibilité ; opportunité signifie ce qui est opportun,
comme dans l’expression l’opportunité des poursuites), piste (pour suggestion, solution, position envisageable,
etc.), positionner (pour se placer, se situer, définir), le problème (pour la difficulté, la question), renseigner un
document (pour le remplir , répondre à des questions), sécuriser (pour rassurer ), solutionner (pour résoudre),
souligner (pour insister, faire remarquer, mettre en valeur, relever, attirer l’attention, mettre en avant), toilettage
(d’une loi, pour réforme, modification, révision ; le toilettage est un mot qui ne s’emploie que pour les chiens et
les chats), etc.

Dans la même veine, méfiez-vous des néologismes et anglicismes : acter (pour prendre acte de), addiction (pour
dépendance), booster (pour stimuler, doper), conforter (pour affermir, raffermir, consolider, renforcer, soutenir,
corroborer, étayer, confirmer, fortifier, assurer, rassurer, etc.), dangerosité (pour danger, dangereux), en charge
de (pour chargé de), finaliser (pour achever), globalisation (pour mondialisation), impact (pour effet, influence,
conséquence, retentissement, répercussion, résultat), impulser (pour lancer, promouvoir), inatteignable (pour
inaccessible), initialiser (pour commencer), nominé (pour mentionné, cité), overdose (pour surdose), paradigme
(pour modèle), partition (en dehors de la musique, pour partage, découpage, démembrement), recette (en dehors
de la cuisine, pour réception, notamment d’un ensemble informatique), réaliser (dans le sens de comprendre,
saisir, concevoir), réhabiliter (pour restaurer un immeuble ou un quartier), positionner ; et évitez le ridicule de
formules grotesques, telle la plate-forme logistique pour désigner un entrepôt.

Évitez les pléonasmes (répétition) du genre : Ajouter en plus, s’avérer vrai, autorisation préalable, collaborer
ensemble, comparer ensemble, descendre en bas, monter en haut, s’entraider mutuellement (puisque
mutuellement signifie réciproquement), éblouir les yeux (puisque éblouir est frapper les yeux d’un éclat trop vif),
exporter à l’étranger, un hasard imprévu, marcher à pied, se réunir à plusieurs, suivre derrière, unanimité totale,
voire même, voler en l’air, etc.

N’employer pas l’affreux « que ce que ». Par exemple, écrivez : Il a mieux réussi que son travail ne le laissait
présager (et non il a mieux réussi que ce que son travail laissait présager). De même, plutôt que d’écrire « de
manière à ce que » ou « de façon à ce que », simplifiez en écrivant de manière que et de façon que.
Sachez que le passé surcomposé par redoublement d’auxiliaires (j’ai eu rencontré un étudiant travailleur
[signifiant il m’est arrivé de rencontrer …], j’ai eu vu, j’ai eu étudié, etc.), souvent utilisé dans le sud-ouest et le
Languedoc donne à rire (sans doute à tort), et n’est donc pas compris dans le reste de la France et de la
francophonie. Mieux vaut donc ne pas l’utiliser hors des régions indiquées, ni par écrit (car il est inconnu des
grammaires, bien qu’il soit apparu en ancien français dès le XIIe siècle).

Proscrivez l’abominable écriture dite inclusive, consistant à inclure le féminin, entrecoupé de points, dans les
noms, comme dans « grâce aux agricluteur.rice.s, aux artisans.e.s et aux commerçants.e.s, la Gaule était un pays
riche ». Cette écriture « aboutit à une langue désunie, disparate dans son expression, créant une confusion qui
confine à l’illisibilité » (Académie française, déclaration du 26 oct. 2017). L’écriture n’est pas sexuée. Comme l’a
relevé Frédéric Vitoux (Le Figaro, 31 oct. 2017), nous disons la Lune et le Soleil, et les Allemands le contraire. La
girafe et le Boa désignent deux types d’animaux sans préciser leur sexe. Dans l’armée, une sentinelle peut être un
homme et un planton une femme. Les partisans de l’écriture inclusive confondent les deux notions du sexe et du
genre et ne supportent pas le neutre, indispensable pour la clarté de la langue.
9°. – Écrivez, ou dites :
– L’internet : L’usage de ce mot se calque exactement sur celui de téléphone, de radio, de télévision, de
logiciel, etc. ; d’où il ne doit pas être mis avec une majuscule (ce n’est ni Dieu ni une marque) et, le cas échéant, il
doit être précédé de l’article.
– Il se le rappelle (et non il s’en rappelle) ou il s’en souvient.
Bien que, quoique ‒ suivis du subjonctif ‒ (et non malgré que).
– Nous sommes convenus de (et non nous avons convenu de).
– Cela comporte des difficultés, cela n’est pas facile (ou ne sera pas facile), et non cela n’est pas évident.
– Cela m’est indifférent (et non cela m’indiffère).
– Clore un débat, une séance (mais clôturer un champ).
– Partir pour Paris, aller à Paris (mais non partir à Paris). De plus, partir s’emploie avec un lieu (partir pour
la Provence, pour la montagne) ; aussi l’expression partir pour une semaine, un mois, etc., n’est pas correcte :
C’est s’absenter qui convient.

– Se présenter à un examen, à un concours (et non présenter un examen, etc.)


– Pallier un inconvénient (sans « à »).
– Fonder sur (et non baser).
– Élaborer une loi, l’élaboration d’une loi (non fabriquer une loi, la fabrication d’une loi).
– Comme, par exemple, ainsi, mais (seuls, et non deux de ces mots à la suite).
– Une dépression (et non une déprime ; déprimer est un verbe transitif, de sorte qu’il est fautif de dire je déprime,
tandis qu’est correct je suis déprimé, ou le cours de tel professeur me déprime [horresco referens !]).
– Une disparate (mot féminin) : Ses discours et ses actions forment une étrange disparate (défaut d’harmonie).
– En revanche (et non par contre, qui n’est admis que dans le commerce, où cette locution est sans doute
l’abréviation de par contre-envoi).
– Une solution de remplacement, de relève, de rechange, de substitution, un succédané (et non une alternative ;
dans ce sens, c’est un anglicisme. L’alternative, en français, est une situation dans laquelle il n’y a que deux partis
possibles ; en Droit, il existe ainsi des obligations alternatives [C. civ., art. 1307 et s. ]. En anglais, alternative ne
désigne que la seconde possibilité d’un choix).
– Un dilemme (avec deux « m »).
– L’arrêt d’une cour, une décision du Conseil constitutionnel, mais le jugement d’un tribunal.
– La Cour de cassation casse ou rejette le pourvoi ; dans ce dernier cas elle maintient une décision (et non
confirme, puisqu’elle n’est pas un troisième degré de juridiction). À propos de cette juridiction, n’employez jamais
l’expression de Cour suprême qui, juridiquement, a un sens précis.
– Afin de, en vue de, pour, dans l’intention de, avec le dessein de (et non dans le but de ; cette expression est en
effet illogique : Un but est visé, mais si l’on est dedans, il est atteint).
– Une loi dispose, énonce, décide, prescrit, impose, ordonne, prévoit (et non stipule : Seuls les contractants
stipulent).
– Se révéler inexact (et non s’avérer inexact ; car avérer veut dire donner pour vrai, confirmer).
– Donner son assentiment (et non son accord). L’accord est un concert d’au moins deux volontés. L’accord conclu
n’est la propriété d’aucune des deux parties. Il est donc impossible de donner son accord. En revanche, je puis
donner mon approbation, mon assentiment, de même que je peux me déclarer d’accord avec d’autres personnes.

– Déposer une plainte (et non déposer plainte) ; porter plainte (et non porter une plainte). Porter plainte est un
acte abstrait : C’est faire connaître à la justice que j’ai à me plaindre de quelqu’un. Déposer une plainte est un acte
concret : Il s’agit du document matériel que je dépose sur le bureau du Procureur.
– Aller chez le coiffeur, le dentiste, etc. (et non au) ; mais aller au cinéma, à la piscine, etc. (C’est que, dans le
premier cas, il s’agit d’aller chez une personne, alors que, dans le second, on se rend dans un lieu public).
– Je vais rédiger ma déclaration de revenus (et non d’impôts).
– La mère de Paul, le livre de Jacques (et non à).
– Je l’ai lu dans le journal (et non sur).
– À Toulouse ou de Toulouse (je me rends à Toulouse, je viens de Toulouse, je connais tous les bistros de
Toulouse), et non sur Toulouse (qui laisserait entendre que je survole la ville en aéroplane) ; dans le langage
commercial, l’usage admet l’expression « sur la place de Toulouse »).
– Être à son aise ou confortablement installé (et non être confortable ; anglicisme).
– Dans l’avenir (et non dans le futur, qui est un temps des verbes ; son emploi en tant que nom est un anglicisme
; en revanche, l’adjectif futur est correct, comme dans le préjudice futur, les générations futures ou les futurs
licenciés).
– Je suis entré en contact avec le service du personnel de la société Arc en ciel (ou j’ai pris contact, pris langue,
suis entré en rapport), et non j’ai noué un contact, car un contact se produit par la rencontre de deux objets qui,
d’aucune manière ne peuvent se nouer.
– Impoli et non mal poli.
– Il vaut mieux (et non il faut mieux).
– – Je vous aiderai dans toute la mesure possible, ou dans la mesure du possible, et non dans toute la mesure du
possible.
– – Ce n’est pas lui (et non c’est pas lui).
– – Ce n’est pas de sa faute (et non c’est pas sa faute).
– Temps nécessaire (et non temps matériel, qui est un non-sens puisque, par définition, le temps est immatériel).
– Immédiatement, instantanément, incontinent, sur le champ, aussitôt (et non en temps réel, le
temps étant forcément réel, même si Bergson utilisa philosophiquement cette expression).
– Je roule en ville à 50 Km à l’heure (et par heure).
– Il est dix heures cinq (et non dix heures passées de cinq minute, qui est une formule anglaise).

V. aussi le site academie-francaise.fr [https://academie-francaise.fr/] , rubrique actualités, puis cliquer sur le


lien « Dire, ne pas dire ».

10°. – Connaissez le sens précis de certains mots ou expressions :


– Achalandé se dit d’un magasin ayant beaucoup de clients (de chalands), et non d’un magasin bien
approvisionné.
– Acronyme : sigle prononcé comme un mot ordinaire (ex. : sida, ONU, CAPES).
– Adéquat : égal à son objet (et non pas convenable).
– Alpiniste s’applique à toutes les montagnes.
– Bénéficier : Ne peut avoir pour sujet que la personne ou la chose qui bénéficie. Exemple : Vous bénéficiez de
cette mesure ; et non : Cette mesure vous bénéficie.
– Celui, ceux, celle, celles doivent être suivis de la préposition de ou d’une proposition relative ; exemple :
Ceux qui ont été choisis (et non : Ceux choisis).
– Conséquent ne signifie pas important, mais appliqué aux choses, « qui suit logiquement » : Une conduite
conséquente.
– Contexte, ensemble du texte entourant un mot, une phrase, un passage. Au figuré, l’ensemble des
circonstances qui accompagnent un événement, une action ; mais cet emploi est déconseillé par l’Académie
française : Milieu, entourage, environnement sont à préférer.

– Conventionnel (en dehors du sens historique) : Qui résulte d’une convention ; ne doit pas être employé au sens
de traditionnel, classique (anglicisme).
– Curé : Prêtre responsable d’une paroisse (disposant d’une cure) ; ce mot n’est pas synonyme de prêtre : Tout
curé est prêtre, mais tout prêtre n’est pas curé.
– Domestique (du latin domus, maison), qui se rapporte à la maison (un animal domestique), ou à la famille (une
personne employée au service de celle-ci). Ne signifie pas intérieur : L’expression vol domestique (pour une ligne
aérienne) est un anglicisme (sauf si l’on entend par là qu’il s’agit d’un larcin commis par un membre de la maison).
– Depuis : Préposition de sens temporel ; ne doit pas servir à désigner un lieu. Il faut dire : émission
transmise de Toulouse ; je regardais de mon balcon (et non, dans les deux cas, depuis).
– Dont. Ce pronom relatif ne peut compléter un nom introduit par une préposition. Par exemple, il ne faut pas
dire : Une entreprise dont je me félicite du succès, mais du succès de laquelle je me félicite.
– Entamer : commencer (et non pas terminer), couper.
– Espèce de (une espèce de). Le mot espèce est féminin, quel que soit le genre de son complément. Exemple
: Une espèce d’idiot (hélas nombreux).
– Excessivement. Marque un excès et, par conséquent, un défaut. Ne doit être employé que péjorativement. Ne
pas dire : Il est excessivement intelligent.
- Exprès. Le substantif désigne une personne chargée spécialement de transmettre la pensée ou la volonté de
quelqu’un (par extension, lettre exprès, c’est-à-dire lettre transmise par porteur spécial). L’adverbe exprès signifie :
à dessein, avec intention formelle (au féminin, l’adjectif est expresse ; exemple : La condition expresse … ). Dans
l’un comme dans l’autre le « s » final ne se prononce pas (comme dans cyprès). Le mot express (avec deux « s »,
anglicisme) désigne un service de transport relativement rapide et un café préparé à la vapeur.
– Grand-père (grand-mère) : N’est pas synonyme de personne âgée.
– Habitat. Ne veut pas dire habitation, mais le milieu géographique réunissant les conditions nécessaires à
l’existence d’une espèce animale ou végétale.
– Initier : Suppose qu’il y ait une initiation. Ce verbe n’est pas synonyme de commencer, d’entamer ou de prendre
l’initiative.

– Instance. Demande dont est saisie une juridiction. L’expression les « hautes instances » est grotesque.
– Novation : C’est un terme juridique (substitution d’une obligation nouvelle à une obligation ancienne qui s’éteint)
; ne pas employer ce mot au sens d’innovation.
– Partition : L’ensemble des parties d’une composition musicale (et, dans un emploi plus rare, les divisions d’un
blason). Ne pas l’utiliser dans le sens de partage, découpage, démembrement.

– Ponctuel. Signifie la qualité d’exactitude et, en géométrie, désigne quelque chose qui peut être assimilé à un
point. Hors de ces sens, l’emploi de ponctuel est de mauvais goût (sans être prohibé).
– Péripétie : Caractérise un événement important et imprévisible, provoquant un changement brusque de
situation. Ne désigne donc pas un événement de peu d’importance.
– Prétexte. C’est la raison apparente dont on se sert pour masquer le véritable motif d’une action. D’où il est
tautologique de parler de faux prétexte, un prétexte étant toujours faux par définition. Dire : Un mauvais
prétexte, ou un prétexte spécieux.
– Réticence. Omission volontaire d’un fait que le sujet aurait dû dévoiler (comme dans le dol par réticence). À ne
pas utiliser au sens de réserve, retenue, hésitation.
– Risquer. C’est courir un danger. Il est donc impropre d’employer ce verbe pour un événement heureux, sauf à se
vouloir ironique. Claire risque d’échouer et non d’être reçue (elle a des chances d’être reçue).
– Sanctionner n’est pas synonyme de punir, mais de confirmer, d’approuver.
– Sans que doit se construire sans négation, même s’il est suivi d’aucun, personne ou rien, qui ont dans ces
phrases un sens positif. Exemple : Sans que personne puisse s’y opposer (et non sans que personne ne puisse … ).
– Sentence : Dans son sens général c’est un synonyme de maxime ; mais dans son sens juridique précis, la
sentence est une décision d’un tribunal arbitral (cf. C. proc. civ., art. 1470 et s.).
– Sigle : Suite des initiales de plusieurs mots qui forme un mot unique prononcé avec les noms des lettres (ex. :
CGT) ; se distingue de l’acronyme (v. à ce mot).

– Solution de continuité. Cette expression est un véritable piège car, loin de signifier qui assure la continuité, elle
signifie une interruption , une coupure ; la raison en réside dans le fait que le mot solution ne vient pas ici de
résoudre mais de dissoudre.
– Suite à : Locution commerciale inélégante et incorrecte, à proscrire. Écrivez : En réponse à votre lettre, ou à la
suite de notre conversation du… – Et encore : Par application de l’article 1240 et non suite à l’article 1240. Et ne
pas employer de suite pour tout de suite. De suite signifie l’un après l’autre, sans interruption, alors que tout de
suite veut dire sur le champ, immédiatement.
– Susceptible de : N’est pas synonyme de capable. Je suis susceptible de recevoir, d’éprouver, de subir ; mais je
suis capable de donner ou de faire. Un édifice est susceptible d’améliorations ; un architecte est capable de les
concevoir et un entrepreneur de les réaliser.
– Surtout que est à proscrire ; le remplacer par d’autant que, d’autant plus que.
– Technologie. L’art d’élaborer, d’utiliser, de transmettre ou d’étudier une technique (de même que méthodologie
ne signifie pas méthode, mais réflexion sur les méthodes). Le mot a donc un sens plus large que celui de
technique. Souvent, technologie est employé abusivement ‒ de façon pédante qui se veut savante (alors qu’il
s’agit d’un anglicisme) ‒ à la place de technique.
– Trop. Marque un excès. Il est donc ridicule de dire ou d’écrire trop bien.
– Verdict. Déclaration par laquelle la Cour d’assises répond aux questions de fait posées par son président. Ne
pas l’utiliser comme synonyme de jugement ou d’arrêt.

11°. – Ne confondez pas :


– Acceptation, acception. Acceptation veut dire action d’accepter, alors qu’acception signifie soit préférence (la
justice ne fait acception de personne), soit signification (d’un mot).
– Amener, ramener : Conduire en menant ; ne peut donc s’appliquer qu’aux personnes et à certains animaux ; les
verbes apporter et rapporter s’emploient pour les objets inanimés.
– Avérer (donner pour vrai) et se révéler. S’avérer vrai est un pléonasme, et s’avérer faux est un non-sens
(l’expression convenable est se révéler faux). Il est juste de dire : Ce contrat s’avère être de mandat, ce chandelier
s’avère être en métal argenté, monsieur Tartempion s’avère être un bandit.
– Collision et collusion. Collision : heurt, choc. Collusion : entente secrète et frauduleuse au détriment d’un tiers.
– Conjecture : Opinion fondée sur des probabilités, ou supposition ; à ne pas confondre avec conjoncture
(situation résultant d’un ensemble de circonstances fortuites).
– Copie avec exemplaire (exemple : Photocopiez-moi ce document en vingt exemplaires).
– Courrier et lettre ou message (électronique). Le mot de courrier désigne un ensemble de lettres ou de
messages (au moins potentiel : Le facteur vous apporte le courrier, même s’il n’a qu’une lettre pour vous. ‒ Voyez
la définition du courrier donnée par le Dictionnaire de l’Académie française: « Singulier collectif. L’ensemble des
lettres, des journaux, etc., transportés par voie terrestre, maritime ou aérienne. […] Spécialt. L’ensemble des
lettres reçues ou envoyées par une personne ou une collectivité »). Ne doit pas s’employer pour qualifier une
seule lettre ; il ne faut donc ni dire ni écrire : En réponse à votre courrier du 25 mai, mais En réponse à votre lettre
du 25 mai.
– Décennie : Intervalle de dix ans ; décade : de dix jours.
– Le défendeur (personne contre laquelle une demande en justice est formée) et le défenseur (personne,
généralement un avocat, assurant la défense d’un plaideur).
– Dessin et dessein : Le « e » supplémentaire du deuxième mot en change le sens (projet, but, intention).
– Disposition et dispositif : En Droit, le dispositif est l’énoncé final d’un jugement ou d’un arrêt, contenant sa
décision (d’une façon plus large, et extra juridique, ce mot désigne l’ensemble des moyens mis en œuvre pour
parvenir à un but). Pour un juriste, une disposition désigne les questions réglées par un texte ; au pluriel
l’ensemble des points tranchés. Il est donc maladroit d’écrire le dispositif adopté par la loi n°... ; il est préférable
de parler des dispositions de cette loi.
– Dommage et préjudice. Dans un langage juridique précis, le dommage désigne la lésion subie, tandis que le
préjudice est la conséquence de la lésion. Un voyou m’ayant violemment heurté, je suis tombé et me suis cassé le
bras droit (le dommage), ce qui m’a empêché d’exercer mes tournées en tant que représentant (mon manque à
gagner est le préjudice). De même, il est préférable d’employer l’expression de dommages et intérêts (comme le
code civil de 1804 à une exception près), plutôt que celle de dommages-intérêts qui s’est répandue dans les textes
récents : En effet, les dommages visent la réparation de la perte subie (le dommage), et les intérêts le gain
manqué (le préjudice).
– Éminent et imminent. Éminent : qui domine ou, pour une personne, qui est remarquable. Imminent : qui va se
produire dans peu de temps.
– Entrer et rentrer. Un étudiant qui a miraculeusement obtenu la licence entre en maîtrise ; celui qui a échoué à
la seconde session peut, s’il ne renonce pas, rentrer en seconde année (entrer de nouveau). Dans la même veine,
il convient de distinguer ajouter et rajouter (ajouter de nouveau), apporter et rapporter (apporter de
nouveau), copier et recopier,etc.
– Globalisation et mondialisation. La globalisation est l’action de réunir en un tout ; ce mot n’est pas admis
par l’Académie française et, de plus, est souvent employé à tort au sens de mondialisation (car celle-ci se dit
effectivement globalization en anglais).
– Errements et erreur. Les errements (toujours au pluriel) sont les manières d’agir habituelles. Théophane
deviendra peut-être un saint, mais certainement pas un grand juriste, étant donné ses errements (consistant par
exemple à passer plus de temps en dévotions qu’à étudier le cours). Ce n’est donc pas un synonyme d’erreur, qui
est le fait de se tromper.
– La foi ou la bonne foi avec le foie (organe, avec un e final).
– Impétrant et postulant. L’impétrant est un postulant qui a obtenu ce qu’il demandait (diplôme, titre) ; ce n’est
donc pas quelqu’un qui sollicite quelque chose.
– De par : Ne pas confondre avec de part, notamment dans l’expression de par sa qualité (ou sa nature).
– Opportunité. Caractère de ce qui est opportun, circonstance favorable, parce qu’il semble indiqué d’agir ainsi ;
ne signifie pas occasion (c’est alors un anglicisme car, effectivement, occasion se dit opportunity en anglais).
– Perpétuer (faire durer) et perpétrer (faire, exécuter, commettre).
– Préjudiciel (qui doit précéder le jugement) et préjudiciable (qui cause un préjudice à quelqu’un).
– Prémices, prémisse. Prémices (toujours au pluriel) désigne les premiers fruits de la terre ou du bétail ; au figuré
le commencement, le début. Prémisse désigne les deux premières propositions d’un syllogisme.
– Prêt à (je suis disposé à ; je suis prêt à partir). Ne pas confondre avec près de (je suis sur le point de ; je suis près
de partir).
– Promettre et stipuler. Promettre c’est s’engager ; stipuler c’est obtenir un engagement (du latin stipulare). La
promesse est normalement le fait du débiteur, la stipulation le fait du créancier. Dans un contrat synallagmatique,
chacun étant débiteur et créancier promet et stipule. Le verbe stipuler ne peut donc pas s’employer pour le
législateur, mais seulement pour les contractants.
– Projet et proposition de loi. Un projet de loi émane du Gouvernement, une proposition du Parlement.
– Rabattre, rebattre. Ne pas confondre rabattre (rabaisser) et rebattre (battre de nouveau). On rebat les oreilles
de quelqu’un, mais il existe des rabat-joie ; un sujet banal est rebattu, mais un col peut être rabattu.
– Revisiter, reconsidérer et relire. J’ai revisité la galerie des bijoux de la Couronne du musée du Louvre, j’ai
reconsidéré les théories de Planiol sur la notion de responsabilité contractuelle, j’ai relu Les Pensées de Pascal.
– – Rustique et ancien. Un meuble de campagne est rustique ; il peut être ancien. Tout meuble ancien n’est pas
rustique, tant s’en faut, par exemple ceux qui se trouvent au Palais de l’Élysée, et qui sont de provenance royale
– Sauf à et sauf si. Sauf à signifie quitte à, au risque de (je partirai en bateau, sauf à sombrer).
– Second et deuxième. Il est préférable d’employer second lorsque l’énumération s’arrête à deux (c’est son
second fils = le dernier ; le second alinéa de l’article 1112 du code civil = le dernier), et deuxième dans le cas
contraire (c’est son deuxième fils = il en a d’autres ; le deuxième alinéa de l’article 1112-1 = il y en a d’autres).
– Sortir et enlever. Je sors de la maison ; j’enlève mon stylo de ma poche.
– Stupéfait (adjectif qui indique un état) et stupéfié (participe passé du verbe stupéfier). Martin fut stupéfait de
rencontrer Jeanne avec Augustin. Il a été stupéfait de la rencontrer en ce lieu et lui adressa de vifs reproches.
L’assistance fut stupéfiée par un tel discours. J’avoue pour ma part que la conduite de Jeanne me stupéfie.
– Votre et vôtre. Votre (sans accent) s’emploie devant un nom (votre canne, votre mari) ; vôtre, avec l’accent
circonflexe, dans les autres cas (cette idée est vôtre ; la vôtre est plus belle). La même subtilité pour notre et
nôtre.

Pour vous aider dans la connaissance de la langue je conseille vivement quelques excellents ouvrages : Académie
française, Dire, ne pas dire, préface H. Carrère d’Encausse [Secrétaire perpétuel de l’Académie], postface D.
Fernandez, éditions Ph. Rey, 2020. ‒ M. Druon (ancien Secrétaire perpétuel de l’Académie française), Le Bon
français, ou un combat qui en vaut la peine, Éditions Le Rocher, 1999. ‒ M. Grevisse, Le Bon usage (Hatier, réédité
régulièrement, plus de 1200 pages). ‒ A. Thomas, Dictionnaire des diffcultés de la langue française (Larousse,
réédité régulièrement). ‒ P. Rambaud, La Grammaire en s’amusant, Grasset, 2007 (une grammaire plaisante). Il
existe également un site internet très commode (httpp://coursenligne.univ-artois.fr [http://coursenligne.univ-
artois.fr/] ; cliquer ensuite sur Langue française dans la fenêtre Tous publics).

Enfin, je signale que le dictionnaire de l’Académie française, le seul ayant une valeur officielle, est disponible en
ligne (http://atilf.atilf.fr/academie.htm [http://atilf.atilf.fr/academie.htm] ). Le Trésor de la langue française
informatisé est aussi précieux (http://atilf.atilf.fr [http://atilf.atilf.fr/] ). D’autres sites comportent des dictionnaires
utiles : OrthoNet, corrigeant l’orthographe du mot recherché, tout en fournissant le cas échéant ses accords et ses
conjugaisons (www.sdv.fr/orthonet [http://www.sdv.fr/orthonet] ) ; celui du CNRS, proposant les synonymes de la
zone de saisie (http://elsap1.unicaen.fr/cgi-bin/cherches.cgi [http://elsap1.unicaen.fr/cgi-bin/cherches.cgi] )
La plupart des jeunes gens croient être naturels lorsqu’ils ne sont que mal polis et grossiers.

La Rochefoucauld

Pour se présenter, il convient d’énoncer son prénom et son nom (ici Bertrand DUPONT), sans sedonner du
madame, mademoiselle ou monsieur. Ces titres ne sont d’usage que pour autrui et, dans ce cas, à l’inverse, il
ne faut pas employer le nom (exemple : Dire Bonjour monsieur ou Bonjour monsieur le Professeur, et non
Bonjour monsieur Durand).

C’est toujours à la personne la plus âgée, ou la plus importante, de tendre la main, si elle le souhaite, à
quelqu’un qu’elle salue.

Manque de délicatesse celui qui déclare s’excuser (je m’excuse) ; un juriste pensera Nemo auditur … ; c’est
autrui qui peut nous excuser. Nous ne pouvons que prier autrui de le faire (Je vous prie de m’excuser ou,
comme la pauvre Reine Marie-Antoinette qui, marchant involontairement sur le pied du bourreau qui allait la
décapiter, gardant jusqu’au bout la politesse exquise de l’Ancien Régime, lui déclara, Monsieur, je vous prie de
bien vouloir m’excuser).

Ne répondez pas, à une demande, non (ou oui), mais oui madame (mademoiselle, monsieur, Jeanne ou Pierre).
Attention ! en français l’affirmative est oui et ni ouai (et encore moins OK), ni tout à fait, absolument ou les
grotesques c’est parti et ça marche .

Sur les enveloppes, madame, mademoiselle ou monsieur doit toujours être écrit en entier. Il est possible de se
contenter de l’initiale du prénom, c’est-à-dire sa première lettre et uniquement celle-ci, sauf à écrire le prénom
en entier, à l’exception du prénom Philippe dont l’abréviation est Ph. (le phi grec).

À la fin de vos lettres, et aussi de vos courriels, soignez ce qu’il est convenu d’appeler la formule de
politesse, qui varie en fonction du sexe, de l’état et de l’âge de votre correspondant. Ainsi, à une femme
mariée, on la prie d’agréer ses hommages, ou ses respectueux hommages (selon les âges respectifs des
correspondants). À un homme respectable, plus important et plus âgé que soi, par exemple son éminent
professeur de Droit civil, on écrira : « Je vous prie d’agréer, Monsieur le Professeur, l’expression de mes
sentiments très respectueux » (et, éventuellement, reconnaissants) ; il est évidemment souhaitable d’être en
même temps animé de ces nobles sentiments ! Il est présomptueux d’adresser ses sentiments les meilleurs,
ou cordiaux, à quelqu’un de plus âgé ou de plus important que soi, et peu correct de se contenter d’un
« bien à vous » (ou, pire, des formules anglaises « cordialement » ou « sincèrement »). Ne jamais écrire, à qui
que ce soit, « Je vous prie de croire en mes salutations distinguées » (car on ne croit pas en des salutations)
; si vous voulez employer la formule des salutations distinguées écrivez : « Je vous prie de recevoir mes
salutations distinguées ».

Gardez la distance convenable (selon les remarques données ci-dessus), même si votre correspondant
use de formules familières à votre endroit. Ainsi, un professeur peut, par amabilité, donner du Cher ami à
un thésard ou à un ATER (ou lui adresser ses sentiments cordiaux, voire l’appeler par son prénom), ce qui
n’autorise pas ce dernier à reprendre cette expression dans sa réponse (ni à l’appeler par son prénom).
Certains professionnels, notamment les membres des professions juridiques, ont l’habitude de finir leurs
lettres ou courriels par une formule comportant l’expression de leurs « sentiments dévoués » ; elle n’est
évidemment pertinente qu’envers des clients. Lorsque vous deviendrez un tel professionnel, n’utilisez une
formule de ce genre qu’à bon escient (ce qui est loin d’être toujours le cas).

À mesure que vous vieillirez et « prendrez du galon », vous changerez de formule de politesse. Mais vous
veillerez à maintenir une formule déférente envers vos anciens correspondants plus âgés, et autrefois plus
importants (même si, maintenant, votre rang est le même, voire si vous l’avez dépassé).

Utilisez votre prénom (éventuellement double, comme Anne-Marie ou Jean-Pierre), mais ne mentionnez pas
l’initiale de votre second prénom. Je ne signe pas mes articles Philippe F. (ni Ph. F.) le Tourneau. Il s’agit là d’un
usage américain ; il s’explique historiquement par le petit nombre de noms patronymiques qui existaient jadis
aux États-Unis d’Amérique du nord : Il permettait donc de distinguer les homonymes.

[…]

– Accessorium sequitur principale (l’accessoire suit le principal)

– Actio non natæ non currit præscriptio (pas de prescription de l’action avant sa naissance)

– Actor sequitur forum rei (le demandeur saisit le tribunal du défendeur)

– Actori incumbit probatio (la preuve incombe au demandeur)

– Contra non valentem agere non currit praescriptio (la prescription n’a pas couru contre celui qui a été empêché
d’agir)

– Culpa lata dolo æquiparatur (la faute lourde est équivalente au dol)

– De minimis non curat prætor (le préteur, comprenez le juge, ne s’occupe pas d’affaires insignifiantes)

– De non vigilantibus non curat prætor (le préteur ne s’intéresse pas au négligent)

– Dies non interpellat pro homine (l’échéance du terme ne vaut pas mise en demeure)

– Electa una via, non datur recursus ad alteram (une voie choisie, il n’est pas possible de revenir à l’autre)

– Error communis facit jus (l’erreur commune est créatrice de droit)

– Exceptio est strictissime interpretationis (les exceptions doivent être interprêtées très strictement ‒ ce qui ne
veut pas dire restrictivement ‒. J.-R. Binet, Exceptio est strictissime interpretationis : L’enfant conçu au péril de la
biomédecine, dans Libre Droit. Mélanges en l’honneur de Philippe le Tourneau, Dalloz, 2007, p. 85 et s.).

– Fraus omnia corrumpit (la fraude corrompt tout)

– Genera non pereunt (les choses de genre ne périssent pas)

– Impossibilium nulla obligatio (il n’y a pas d’obligation quand l’objet est impossible)

– In lege Aquilia et culpa levissima veniet (dans la loi Aquilia, c’est-à-dire en matière délictuelle, la faute la plus
légère est prise en considération)
– In pari causa turpitudinis cessat repetitio (pas de répétition, c’est-à-dire de restitutions, en présence d’une faute
égale).

– Locus regit actum (la forme de l’acte est réglée par le lieu)

– Malitiis non est indulgendum (pas d’indulgence pour la mauvaise foi)

– Neminem lædit qui suo jure utitur (celui qui use de son droit ne lèse personne)

– Nemo auditur propriam turpitudinem allegans (personne ne peut alléguer sa propre faute)

– Nemo contra se subrogare censetur (nul n’est censé avoir subrogé contre soi)

– Nemo dat quod non habet ou Nemo plus juris ad alium transfere potest quam ipse habet (nul ne peut
transférer à autrui plus de droit qu’il n’en a lui-même)

– Nullum crimen, nulla pæna sine lege (il n’y a pas d’infraction sans texte)

– Pacta sunt servanda (les conventions doivent être respectées)

– Prior tempore potior jure (le premier en date est le premier en droit)

– Quæ temporalia ad agendum perpetua sunt ad excipiendum (l’action est temporaire, l’exception est perpétuelle)

– Quod nullum est nullum producit effectum (ce qui est nul ne produit aucun effet)

– Res inter alios acta aliis neque nocere neque prodesse potest (la chose convenue entre les uns ne nuit ni ne profite aux
autres : effet relatif des contrats)

– – Res judicata pro veritate habetur (la chose jugée est tenue pour vraie)

– – Res perit creditori / debitori / domino (la perte est pour le créancier / le débiteur / le propriétaire)

– – Solus consensus obligat (le consentement oblige à lui seul)

– Specialia generalibus derogant (ce qui est spécial déroge à ce qui est général)

– Ubi emolumentum, ibi onus (là où est le profit, là est la charge)

– Ubi Iex non distinguit nec nos distinguere debet (là où la loi ne distingue pas il ne faut pas distinguer)

– Volenti non fit injuria (on ne fait tort à qui consent)

Pour une liste plus complète : Henri Roland, Lexique juridique des expressions latines, LexisNexis, 8e édition,
2021.

– Ab initio (dès le début). ‒ In limine litis (au début du procès)


– Accipiens (celui qui reçoit le paiement) ; ‒ solvens (celui qui paie)
– Ad nutum (sur un signe = par la seule volonté)
– Ad probationem / solemnitatem / validitatem (pour la preuve / la solennité constitutive / la validité)
– Affectio societatis (intention de s’associer dans une société).
– Animus (intention) ; animus donandi (intention libérale = volonté de donner) ; animus cooperandi (intention de
coopérer dans un contrat).

– Bonus pater familias (bon père de famille)


– Causa proxima / remota (cause la plus proche / la plus éloignée)
– Culpa in contrahendo / in eligendo / lata (faute dans la conclusion du contrat / dans le choix / lourde)
– Damnum emergens (perte éprouvée). ‒ Lucrum cessans (le gain manqué)
– De in rem verso (restitution de la chose)
– De lege ferenda (dans la perspective d’une réforme de la loi)
– Dolus bonus / malus (bon dol, mauvais dol)
– Erga omnes (à l’égard de tous)
– Ex æquo et bono (en fonction du juste et de l’équitable)
– Exceptio non adimpleti contractus (exception d’inexécution du contrat)
– In (dans).
– In abstracto, in concreto (abstraitement, concrètement)
– Infans (enfant en bas âge)
– In solidum (en entier)
– Instrumentum (instrument = acte)
– Intuitu personæ (en considération de la personne). Le contrat de mandat est conclu intuitu personæ.
L’intuitus personae de ce contrat (nominatif).

– Mutuus consensus / dissensus (consentement mutuel, dissentiment mutuel)


– Ne varietur (sans changement)
– Non ædificandi (ne pas construire : servitude de …)
– Patientia principis (patience du prince)
– Penitus extraneus (au singulier), extranei (au pluriel) : tiers complètement étranger au contrat
– Post mortem (après la mort)
– Praeter legem (à côté de la loi)
– Pretium doloris / stupri (prix de la douleur / du stupre)
– Pro forma (pour la forme)
– Quantum (montant)
– Rebus sic stantibus (les choses demeurant en l’état)
– Restitutio in integrum (restitution intégrale)
– Sine qua non (sans laquelle non ; sous entendu : condition…)
– Solo consensu (par le seul effet du consentement)
– Sui generis (propre à une espèce, à un genre, unique)

Pour une liste plus complète : Henri Roland, Lexique juridique des expressions latines, LexisNexis, 8e édition, 2021.

C.- SENS DE QUELQUES ABREVIATIONS USUELLES

– Contra (en sens contraire)

– Dig. (Digeste, avec un « e » final)

– Dixit (a dit)

– i. e. = id est, c’est-à-dire)

– Ibid ou ibidem (au même endroit)

– Id ou idem (le ou la même)

– Infra, supra (ci-dessous ou plus loin ; ci-dessus ou plus haut)

– Op. et loc. cit. = opus et loco citatis (ouvrage et endroit cités)

– V°, Vis = verbo, verbis (mot, mots)

– Via (par)

– Vs. = versus
La méthode cartésienne demeure la meilleure qui soit pour l’étude d’une question. En voici un résumé :

a) ne rien admettre comme vrai qui ne soit évident ;

b) diviser chacune des difficultés en autant de parcelles qu’il se pourrait et qu’il serait requis pour les
mieux résoudre ;

c) toujours aller du simple au composé ;

d) Faire des dénombrements si entiers et des revues si générales qu’on soit assuré de ne rien omettre.
Creator ineffabilis, qui de thesauris sapientiae tuae tres angelorum hierachias designasti,
et eas super caelum empyreum miro ordine collocasti, atque universi partes elegantissimae disposuisti ;
tu, inquam,
qui verus fons luminis et sapientiae diceris, atque supereminens principium : infudere digneris super intellect
duplices in quibus natus sum, a me removens tenebras, peccatum scilicet, et ignorantiam. Tu,
qui linguas infantium facis disertas, linguam meam erudias, atque in labiis meis gratiam tuae benedictionis inf
Da mihi intellegendi acumen, retinendi capacitatem, addiscendi modum et facilitatem, interpretandi subtilitate
Tu qui es verus Deus et homo, qui vivis et regnas in saecula saeculorum. Amen.

TRADUCTION

Créateur ineffable qui, des trésors de votre Sagesse avez élu trois hiérarchies d’anges et les avez établies dans un
ordre admirable au-dessus des cieux,
qui avez disposé avec tant de beauté les parties de l’univers ;
Vous que l’on appelle la vraie Fontaine de Lumière et de Sagesse, et le Principe suréminent,
daignez verser sur les ténèbres de mon intelligence, un rayon de votre clarté ; écartez loin de moi la double
obscurité où je suis né : le péché et l’ignorance.
Vous, qui rendez éloquente la langue des petits enfants, façonnez ma parole et versez sur mes lèvres la grâce de
votre bénédiction.

Donnez la pénétration de l’intelligence,


la faculté de me souvenir,
la méthode et la facilité de l’étude,
la profondeur dans l’interprétation
et une grâce abondante d’expression.

Fortifiez mon étude,


dirigez-en le cours
parfaites-en l’issue,
Vous qui êtes Vrai Dieu et vrai homme,
et qui vivez dans les siècles des siècles.

AMEN.

[…]

© Copyright - Philippe le Tourneau -Refonte site internet F.Patience

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