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LE THYM

ET LE CHIRURGIEN

1
DU MÊME AUTEUR
Aux Éditions du Rocher
Guérir enfin du cancer. Oser dire quand et comment, 2010.
Cancer de la prostate. Enrayer l’épidémie et les récidives, avec le Dr Meng Hour
Hay, 2011.
tress et cancer du sein, 2011.
es abeilles et le chirurgien, 2012.
Changez d’Alimentation, 7e édition, 2013.
a pilule contraceptive. Les dangers, les nouvelles alternatives, avec Dominique
Vialard, à paraître.
e chocolat et le chirurgien, avec Jean Claude Berton, à paraitre.

Aux Éditions François-Xavier de Guibert


Comment parler à nos enfants de l’amour et de la sexualite en respectant le
jardin secret de chacun, 2e édition, 2004.
emmes si vous saviez. Les hormones de la puberte à la ménopause, 3e édition,
2009.
’écologie sexuelle. Tout ce que les parents doivent dire à leurs enfants de 4 à 20
ans, 2010.
Comment enrayer l’épidémie des cancers du sein et des récidives, avec Dr
Bérengère Arnal, 2010.
e suicide qui n’y a jamais pensé ? Les clefs pour parler, comprendre, prévenir,
avec Philippe Vaur et Jean Epstein, 2008.

2
Pr. Henri Joyeux
et Guillaume Bouguet

LE THYM
ET LE CHIRURGIEN

3
Tous droits de traduction,
d’adaptation et de reproduction
réservés pour tous pays.

© 2013, Groupe Artège


Éditions du Rocher
28, rue Comte Félix Gastaldi - BP 521 - 98015 Monaco

www.editionsdurocher.fr

ISBN : 978-2-268-07523-5
ISBN epub : 978-2-268-08381-0

4
REMERCIEMENTS

Merci à John Thompson, Arielle Canard et Mathieu


Millan pour leur aide dans l’écriture de ce livre

En mémoire de Dominique Jolly, professeur de


botanique à l’Université Montpellier 2

En mémoire de Florentin Guiraud, cueilleur de thym


dans les garrigues

5
AVANT-PROPOS

E
nfant, que de kilomètres parcourus dans les garrigues du
Sud de la France, avec mon père à la poursuite des
lièvres et lapins, des perdreaux et des cailles ! La
garrigue exhalait ses odeurs caractéristiques et surtout celle du
thym. Il guérissait déjà les égratignures des broussailles, qu’on
acceptait avec joie quand il fallait trouver la perdrix tombée du
ciel.
Mon père en ramenait toujours, quelques bottes dans sa
gibecière fenêtrée, pour relever les civets et parfumer les repas de
famille. Pendant les grandes vacances, une trentaine d’enfants de
tous les âges, personne n’était malade. À la moindre toux,
l’infusion de thym était prescrite sans ordonnance, consommée
par le petit malade et tout rentrait dans l’ordre.
Son odeur ne m’a jamais quitté.
C’est Guillaume Bouguet qui a ravivé mes souvenirs d’enfance.
Tout s’est passé au bloc opératoire tandis que je l’opérais sous
anesthésie locale. Pour le déstresser, je lui demandai de me parler
de ce qu’il faisait dans la vie. Sans s’en rendre compte, il a stimulé
ma mémoire olfactive. « Je suis – me dit-il – cueilleur et ingénieur
écologue spécialiste du thym, j’ai créé une boîte et je cherche à
valoriser les plantes aromatiques et médicinales des garrigues. »
Je lui ai immédiatement proposé de travailler ensemble pour
valoriser un de ces métiers qui était tombé dans l’oubli et de
m’instruire… Après Les abeilles et le chirurgien, nous allions
développer logiquement Le Thym et le chirurgien : « tu t’occupes
de tout l’aspect écologique, je m’occupe de la santé. » Accord
conclu sur un billard !

Guillaume Bouguet est ingénieur en écologie et gestion de


la biodiversité (IEGB) depuis 2010, diplômé de la Faculté des
Sciences de l’Université Montpellier II. Il a été formé au Centre

6
d’Écologie Fonctionnelle et Évolutive à Montpellier (UMR 5175
CEFE-CNRS). Depuis 2007 il se passionne pour la cueillette et
l’écologie des plantes aromatiques, en particulier du thym.
Il a créé en 2012 avec Philippe Gaultier et Sonia Augrain la
société Flore en Thym dont il est le président (www.flore-en-
thym.com). Devenu cueilleur professionnel de plantes
aromatiques des garrigues, il collabore avec le CEFE-CNRS pour
améliorer les méthodes de prélèvement afin d’assurer une
intégration harmonieuse de l’activité de cueillette dans
l’environnement méditerranéen. Sa thèse de sciences, Cueillette,
interactions mycorhiziennes et chémotypes de Thym, devrait
permettre d’améliorer les méthodes de prélèvement et les
processus de revégétalisation en zone méditerranéenne.
Le thym en effet est une des plantes aromatiques et
médicinales les plus utilisées et les plus étudiées, avec des milliers
de recherches.
La première étude scientifique qui a démontré le
polymorphisme chimique du thym date de 1963, il y a juste
cinquante ans, et a été publiée par des chercheurs de la Faculté
de Pharmacie de Montpellier. Elle a été relayée au début des
années soixante-dix par le laboratoire du CEFE, qui ne cesse de
chercher et de publier les articles fondamentaux qui permettent
de mieux connaître cette plante exceptionnelle.
À un moment où la santé est devenue le souci numéro un des
familles, où la phytothérapie est remise à l’honneur face aux abus
des laboratoires pharmaceutiques, le thym, « les thyms » du
Languedoc-Roussillon ont toute leur place dans les thérapeutiques
à la fois les plus écologiques et les plus économiques.
Ce livre à quatre mains est une ode à la biodiversité et à la
santé que peuvent nous procurer toutes les vertus médicinales
des thyms de chez nous.

Professeur Henri Joyeux


Montpellier, le 2 mai 2013

7
PRÉFACE

SAVOIR-FAIRE
ET CONNAISSANCE SCIENTIFIQUE

L
’homme et la plante, quelle histoire ! En région
méditerranéenne c’est une histoire vieille comme les
civilisations humaines qui se sont sédentarisées pour
cultiver et domestiquer les plantes céréalières, les arbres fruitiers,
les légumes et les fleurs. C’est une histoire rythmée par les
transformations des plantes pour l’usage ; les roseaux ou d’autres
cannes en armes pendant les guerres des civilisations anciennes
en sont une illustration parmi tant d’autres. C’est aussi une
histoire de savoir-faire associé aux propriétés chimiques des
plantes. C’est cette histoire de plantes aromatiques que Henri
Joyeux et Guillaume Bouguet nous reconstituent avec l’œil pour le
plus petit des détails. Parmi la grande diversité de plantes
aromatiques qui ont enrichi notre savoir-faire, les auteurs en ont
choisi une en particulier, le thym, qui n’a jamais cessé d’être au
cœur des usages.
C’est d’abord cette histoire associée aux plantes aromatiques
qu’ils nous décrivent. Pour les auteurs, la présence des garrigues
odoriférantes et l’implantation d’une École de médecine ont
permis, dès le XIIIe siècle, l’émergence d’un savoir-faire dans le
domaine des préparations médicinales dans la ville de Montpellier.
Mais aussi, dès cette époque, autour de l’ambitieux Jacques Cœur
qui a installé son comptoir dans la ville, un certain nombre de
gens commencent à regarder vers l’Est en vue de développer un
commerce qui intègre des usages des plantes venant de partout
en Méditerranée. Odeurs et épices commencent ainsi à parfumer
la ville. La médecine, la cuisine, la parfumerie… entre santé et
commerce la ville de Montpellier était déjà en plein essor. Ainsi on
apprend dans ce livre que les plantes aromatiques auraient
largement contribuées au développement de la renommée de

8
Montpellier en matière de santé. La richesse des plantes
conditionnait une diversité impressionnante d’usages et de savoir-
faire.
L’étonnante diversité de plantes aromatiques qui caractérise la
région méditerranéenne est en effet au cœur du récit. Parmi cette
richesse, une plante, le thym, espèce typique des garrigues du
Midi, est prise pour cible par les auteurs. Non sans raison. Au sein
de cette espèce il existe une diversité surprenante de fragrances
qui a fait du thym une plante très utile pour l’homme. On apprend
que chez cette seule espèce il existe des types chimiques, ou
chémotypes, très distincts. Chaque chémotype possède sa propre
odeur et fragrance, et peut avoir alors des usages différents.
L’odeur vient de l’huile essentielle produite par les plantes et
gardée dans des toutes petites structures qui émaillent les
feuilles. Cette huile remplit de nombreuses fonctions
indispensables à la survie des plantes. Dans la nature, les
molécules qui permettent de distinguer les chémotypes ont aussi
des fonctions différentes, par exemple, vis-à-vis la tolérance aux
gels, amis aussi pour l’attraction de pollinisateurs, la résistance
aux herbivores divers et variés (escargots, chenilles, …) et dans la
protection contre des petites mouches, des bactéries, des
champignons. Certains chémotypes résistent bien aux attaques
des mouches, d’autres aux escargots et encore d’autres aux
champignons. Autrement dit, ce n’est pas toujours le même
chémotype qui résiste le mieux partout, c’est la diversité qui
compte ! La biodiversité est faite de telles interactions, qui
inspirent parfois l’homme dans ses usages des plantes.
Ce livre nous fait découvrir cette fascinante diversité de
fonctions, d’interactions et d’usages, qui vont même jusque dans
nos assiettes lors de grands repas. Les auteurs prolongent
l’histoire à nos jours pour nous faire découvrir comment les
chercheurs en écologie, qui en étudiant les changements de
l’abondance des différents chémotypes autour du Pic Saint-Loup
depuis les années 1970, ont adopté le thym en tant que bio-
indicateur des changements climatiques en cours.

Espèce toujours présente chez l’apothicaire de l’époque et


dans la parfumerie, le thym et sa diversité d’essences ont

9
longtemps été aussi un modèle parfait pour l’étude des
adaptations des plantes au milieu méditerranéen. Tout au long de
l’histoire, c’est la connaissance des plantes qui détermine notre
savoirfaire. On se gardera bien de ne pas l’oublier.

John D. Thompson
Directeur de recherches, CNRS
Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive
Montpellier, mars 2013

10
Première partie

Plus de mille ans


en Languedoc

11
La Nature se suffit.
Hegel

12
1

LE THYM N ° 1 PARMI LES PLANTES


AROMATIQUES

I
l y a un millénaire, évidemment, la médecine n’était pas
très évoluée. On soignait avec les moyens du bord. Déjà
nos aïeux avaient remarqué les vertus de ce que la nature
mettait à leur disposition. Dans le Midi, sur les coteaux arides des
garrigues méditerranéennes on ramassait, stockait, déterrait et
plantait dans les plus petits jardins ces petits arbrisseaux
odoriférants aux fleurs finement teintées, de blanchâtres à
pourpre pâle : le thym.
Dans le langage des fleurs, il signifie « rester pré-sent dans les
souvenirs » ou « émouvoir ».
Les Sumériens l’auraient utilisé à des fins thérapeutiques il y a
plus de cinq mille ans. Les Égyptiens et les Étrusques
embaumaient leurs morts avec la propolis qui tapissait les ruches
des abeilles, laquelle était parfumée de thym.
Les Grecs parfumaient les temples et l’eau des bains en
brûlant les rameaux. Dans la mythologie grecque, le thym serait
né d’une larme versée par Hélène lors de la Guerre de Troie, et
transformée par les Dieux en plante bénie. Voilà pourquoi il
symbolisait le courage. La déesse Hécate en profitait pour son
culte1 et le médecin et botaniste Dioscoride, dès le premier siècle,
le conseillait à ses patients2.

Pour lui cette plante était « magique ». Avec Théophraste, ils


distinguaient le thymos blanc, très mellifère et ayant des vertus
médicinales, de celui de couleur noire, qui « corrompait
l’organisme et suscitait la bile ».
Avec des vapeurs de thym, les Romains purifiaient l’air pour
éloigner les nuisances de leurs appartements. Parce qu’il était
associé à la force et au courage, avant d’aller au combat les

13
militaires prenaient un bain au thym. Pour mieux dormir ils en
emplissaient leurs couches. Dans la Rome antique, les dames
brodaient une branche de thym entourée d’abeilles sur les
écharpes des guerriers.

Au Moyen-Âge, les « demoiselles » brodaient encore du thym


sur les emblèmes de leurs chevaliers. Elles l’employaient aussi en
eau de toilette et dans les onguents pour entretenir leur beauté.

Au Moyen-Âge, le thym servait aussi souvent à masquer les


mauvaises odeurs, notamment celles de la viande ou du poisson
avariés.
C’est au XIe siècle que des moines auraient commencé à
implanter le thym hors de la région méditerranéenne.

1. Hécate est souvent représentée comme une déesse tri


céphale : une tête de lion, une de chien et une de cheval ou de
jument sur un corps de femme. Ces trois têtes sont le symbole
des trois phases de l’évolution humaine (croissance, décroissance,
disparition) et des trois phases correspondantes de l’évolution
vitale puisqu’elle est liée aux cultes de la fertilité.
2. Les commentaires sur les six livres de Pedacius Dioscoride de la
matière médicinale, Pietro Andrea Mattioli, 1605.

14
2

DES GARRIGUES LANGUEDOCIENNES À LA PLUS


ANCIENNE ÉCOLE DE MÉDECINE1

Montpellier est un lieu très favorable au commerce où viennent


trafiquer en foule Chrétiens et Sarrasins, où affluent des Arabes
du Garb, des marchands de la Lombardie, du royaume de la
Grande Rome, de toutes les parties de l’Égypte, de la terre
d’Israël, de la Grèce, de la Gaule, de l’Espagne, de l’Angleterre, de
Gênes, de Pise, et qui y parlent toutes les langues.
Rabbin Benjamin de Tudèle, 1173

La dicte ville [Montpellier] est proprement lieu fundé de


marchandises ; et plus des deux parties des habitants d’icelle sont
d’estranges parties, les uns Cathelains, les autres Espaignols,
Jennevois, Iombars, Venessiens, Chiprois, Provensals, Alamans et
d’autres plusieurs estranges nations.
Requête adressée par les Consuls au roi Jean Le Bon, 1356

C’est en 985 qu’un domaine agricole fut donné aux Guilhem


par le comte de Melgueil, qui a donné son nom à la jolie
ville de Mauguio, signant en même temps l’acte de naissance de
la capitale du Languedoc, Montpellier2. Les gens du pays
utilisaient les plantes des garrigues aux vertus aromatiques et
médicinales, ce qui conforta son nom comme nous le verrons plus
tard.
Située sur les chemins de Rome et de Saint-Jacques de
Compostelle, Montpellier devint rapidement un lieu de passage
pour de nombreux pèlerins qui faisaient leurs dévotions à Notre-
Dame des Tables, sanctuaire entouré de tables de changeurs et
de marchands. Dans un joyeux vacarme, on implorait la Bonne
Mère pour guérir les incurables et les pauvres. On testait les

15
dernières trouvailles de la médecine qui accueillait des patients de
partout.
Les Guilhem, avisés et entreprenants, profitèrent de cet atout
pour développer la puissance commerciale de la ville en obtenant
des privilèges royaux.
La présence toute proche de garrigues odoriférantes,
abondamment parsemées de plantes aromatiques et médicinales
d’une qualité exceptionnelle constitua également un atout majeur
pour le développement de la ville. Le thym, le romarin et la
lavande formaient le trio emblématique gagnant parmi toutes les
plantes naturellement disponibles.
Au XIIe siècle, Montpellier est une ville cosmo-polite, où le
commerce prospère. On y trouve une grande diversité de matières
premières provenant aussi bien des garrigues que d’Orient. La
ville devenue un lieu favorable aux échanges matériels et
intellectuels accueille en son sein le premier noyau d’un centre
médical composé d’un certain nombre d’écoles particulières.
Attestée dès 1150 par un édit du Seigneur Guilhem VIII,
l’École de Médecine renforce le partage des connaissances et
permet l’émergence de savoir-faire uniques notamment dans le
domaine des préparations : parfums et eaux de senteur,
cosmétiques et médicaments.
Le Cardinal Conrad, légat du pape Honorius III reconnaît en
1220 l’École de Médecine de Montpellier qui rend raduc l’Edit de
Guilhem VIII. Elle obtient dès lors le monopole de l’enseignement
de la pratique de la Médecine. La Cour pontificale d’Avignon
proche de Montpellier augmente évidemment le rayonnement de
l’École de Médecine et en 1229 le Languedoc est enfin rattaché au
Royaume de France.
L’Évêque de Maguelone devient Chancelier des Écoles en 1242
et l’Université de Montpellier est créée le 26 octobre 1289 par la
Bulle Papale « Quia Sapientia » de Nicolas IV (189e Pape (1288 –
1292) qui en fait un Studium generale pour toutes les études de
médecine, lettres et théologie.
L’université est relativement indépendante du pape et du roi.
Celui-ci ne crée qu’un Collège royal, doté de quatre maîtres de
médecine seulement. Elle jouit d’un grand prestige, notamment
pour la médecine, réputée pour accueillir en très bonne entente

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les médecins des trois religions monothéistes, elle reste très
attachée au père de la médecine Hippocrate, s’opposant à toutes
les autres écoles de médecine à l’état embryonnaire3.
Considéré comme un des plus fameux médecin de son siècle,
Arnaud de Villeneuve ou Arnau de Vilanova (1238-1311 ou
1313) fut non seulement médecin mais aussi alchimiste,
théologien et même astrologue, trilingue avec le latin, l’hébreu et
même l’arabe. À Montpellier où il se fixe, toute l’Europe vient
entendre ses enseignements en médecine et chirurgie.
Il est considéré comme le plus éminent médecin de son siècle.
À Montpellier où il se fixe, toute l’Europe vient entendre ses
enseignements en médecine et chirurgie. Parmi ses patients, on
compte trois papes et trois rois.
Il se consacre notamment à l’étude de la distillation. Les effets
excitants de l’alcool lui inspirent le nom « d’eau de vie » pour
désigner le produit obtenu par la distillation du vin. Puis en y
mêlant des plantes aromatiques, il obtient diverses eaux
spiritueuses ou de senteur employées en médecine et en
cosmétique.

Entre le XIIe et le XVe siècle, de puissantes corporations


constituées de marchands et de pileurs d’épices voient le jour à
Montpellier : les « especiayres »4, les « pebriers sobeyrans »
(poivriers en gros) et les « pebriers de mercat et candeliers de
cera » (poivriers détaillants et chandeliers de cire).
La corporation des « especiayres » a alors pour tâche de
vendre et de transformer les épices, telles que le poivre, le girofle,
le gingembre, la cannelle, différents baumes ou résines, la
myrrhe, l’encens, l’essence de violette, le tournesol, l’indigo, le
safran ou encore le henné, ainsi que les fruits exotiques comme
les oranges, les citrons, les figues, les raisins secs, les pignons, les
dattes. Tous les fruits du pourtour de la Méditerranée sont là sur
des étalages aux multiples couleurs.
Même si les produits végétaux dominent largement la
pharmacopée médiévale, des produits d’origine animale et
minérale étaient également utilisés. C’est au sein de cette
corporation qu’émerge progressivement une spécialité :
l’élaboration de médicaments.

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Les « especiayres » confectionnent collyres et pilules, des
tablettes, des poudres, huiles et onguents, emplâtres et opiats,
cérats et mellites des ruches sauvages et artisanales, des
électuaires5, des trochisques6, des loochs7.

Autrefois le nom de la ville s’écrivait ainsi :


« Montpelier » mais plus couramment Montpellier,
l’orthographe actuelle. L’étymologie à cette époque la plus
acceptable est celle établie par Chabaneau : Monspitillarius, c’est-
à-dire « mont des épices ». Il dériverait à la fois de la philologie et
de l’histoire de la colline sur laquelle s’établirent les marchands
d’épices qui firent la renommée et la gloire de la ville.

1. Avant Montpellier fut Salerne, d’abord dispensaire fondé au IXe


siècle par des moines. Cette ville « Santé » rayonna surtout entre
les XIe et XIIIe siècle. En 1077 Constantin l’Africain en s’associant
avec l’ArchÉvêque joua un rôle important à Salerne, donnant à la
ville un surnom fameux « Ville d’Hippocrate » (Hippocratica Civitas
ou Hippocratica Urbs). Du monde entier arrivaient des voyageurs
à la Schola Salerni, tant pour apprendre la médecine que pour se
faire soigner.
Selon la légende quatre maîtres très complémentaires
appartiennent à cette école : Helinus le grec, le Pontus le juif,
Adela l’arabe et le latin Salernus le latin. Dans cette école les
femmes étaient admises, étudiantes et même comme
enseignantes…En plus de la médecine étaient enseignés la
philosophie, la théologie et le droit. Dès le XIIIe siècle l’Université
de Naples pris le dessus sur Salerne. C’est Joachim Murat en 1811
qui ferma l’école de Salerne.
Montpellier prit chronologiquement la suite de Salerne, devenant
école de médecine hippocratique et reste ainsi la plus ancienne
école de médecine du Monde gardant un fort rayonnement
international.
2. Montpellier naît au Xe siècle. Son nom « Monspessulanus », le
Mont pelé, ou encore « le Mont de la colline » est l’objet de
discussion car certains voudraient l’appeler « Monspelliensis », le

18
« Mont des Pucelles » ou des « Trois vierges » ou encore le
« mont du Pastel ».
3. Paris n’aura son école de Médecine que bien plus tard en 1460
par une Bulle du pape suivant Nicolas V datée du 23 mars. Ce
pape était lui même fils de médecin, diplômé de l’Université de
Bologne, il fonda la Bibliothèque Vaticane.
4. Le nom d’« especiayres » provient de la langue d’Oc. Ce terme
ne possède pas de traduction littérale en français, il désigne un
mélange entre le métier d’épicier et celui d’apothicaire.
5. Préparation pharmaceutique de consistance molle, composée
de poudres et de substances diverses incorporées à du miel ou à
un sirop.
6. En vieux français une « forme de remède, faite pour être tenue
dans la bouche et s’y dissoudre peu à peu ». L’équivalent actuel
de la dragée ou tablette ou pastille.
7. Nom d’origine arabe donné autrefois à des médicaments dont
on enduisait des bâtons de réglisse effilés en pinceau pour qu’ils
fussent sucés lentement, utiles pour « exciter l’expectoration »,
adoucissant des maladies de poitrine…

19
3

DES « ESPECIAYRES » AUX APOTHICAIRES ET


BARBIERS CHIRURGIENS

De tout côté, dans les boutiques, on pilait des épices. La rue était
au loin embaumée de ces aromates, dont la vertu suave eût pu
rappeler à la vie un mourant.

Extrait du Fabliau du Vilain Asnier, XIVe siècle

Les premières préparations


pharmaceutiques : la Thériaque de
Montpellier1

T
outes ces compositions minutieuses nécessitent de
nombreuses et savantes manipulations ainsi qu’une
importante surveillance ; c’est pourquoi certains
« especiayres » ne souhaitent pas pratiquer ces transformations,
se contentant de la fonction d’épicier.
À défaut d’école spécialisée, les savoirs et savoirfaire sont
transmis de génération en génération dans les familles
d’« especiayres ». Cette corporation montpelliéraine, dont
quarante-cinq membres furent recensés au XIIIe et au XIVe siècle,
jouissent alors d’une grande renommée, dépassant de loin les
frontières de la région.
En témoigne la promotion de Robert de Montpellier, qui acquit
à Londres une maison et divers magasins en 1246 et même une
officine située entre la cathédrale Saint-Paul et l’église Sainte-
Marie-le-Bow. En 1262, il fut nommé un des deux sheriffs (préfets
de Londres). Il mourut en 1278. Un autre Montpelliérain, Pierre de

20
Montpellier, devint « apothicaire » du roi d’Angleterre Édouard III,
qui régna entre 1327 et 1377…

Préparation de la Thériaque (Illustration du Tacuinum sanitatis)


D.R.

Les « especiayres » emploient les drogues à des fins


thérapeutiques, mais aussi pour confectionner des parfums. Dans
ce cas on les nomme aromatarii. Ces derniers ont le monopole
dans ce domaine, car seuls à disposer du savoir-faire pour
transformer les plantes. Ils jouissent d’ailleurs dans cette

21
discipline d’une très grande renommée : Marguerite de Provence,
alors épouse du roi saint Louis, se parfumait avec l’eau de rose de
Montpellier.

Les préparations médicinales : le métier


d’apothicaire

À partir de la fin du XVe siècle, en raison des guerres de


religion, des problèmes d’insécurité en Méditerranée, de la
découverte de nouvelles routes maritimes2, de l’abandon des
ports de Lattes et d’Aigues-Mortes pour des ports en eau profonde
ou encore de l’annexion de Marseille au Royaume de France, le
commerce des épices s’essouffle à Montpellier.
Affaiblis par cette nouvelle situation, les corporations de
poivriers laissent place à de simples droguistes, tandis que les
« especiayres » se spécialisent dans l’apothicairerie, privilégiant
ainsi la confection des médicaments à la vente des épices.
Les « especiayres » cherchent également à transformer leur
profession pour la faire évoluer d’un métier « libre » vers un
métier « contrôlé ».

Les apothicaires deviennent médecins et


même chirurgiens3 des campagnes

Leurs premiers statuts4 en 1572 sont placés sous le


contrôle de l’École de Médecine : les apothicaires les reçoivent,
complétés par les règlements de 1598 sous l’approbation du roi
Henri IV. La mise en place de ces statuts représente une étape
importante, car il hisse les apothicaires au même rang que les
médecins.
Ainsi, tout en restant ancrés dans le commerce, les
apothicaires gagnent peu à peu en scientificité.
Les docteurs de l’École de Médecine de Montpellier se
chargent donc de la formation des apothicaires, ces derniers
devenant ainsi « maîtres apothicaires » par le biais
d’enseignements en pharmacie et en botanique.

22
En retour, la Compagnie des Maîtres apothicaires fait
démonstration des drogues aux « écoliers » en médecine.
Les maîtres apothicaires, plus cultivés et mieux instruits,
constituent rapidement une corporation bien organisée et d’une
impressionnante renommée, si bien qu’entre 1574 et 1736, pas
moins de 2 282 compagnons apothicaires, de toutes origines, sont
inscrits à Montpellier. Ils y suivent des enseignements uniques,
aussi bien théoriques, comme la chimie, que pratiques, comme la
préparation de la célèbre Thériaque.
Soulignons enfin que la corporations des apothicaires a mis en
place divers rituels (costume, cérémonie de remise de diplôme…)
pour bien montrer son appartenance à l’École de Médecine et se
placer au-dessus des simples marchands.

La création du Jardin des Plantes de


Montpellier5
D’une extraordinaire richesse exotique et languedocienne, va
soutenir cette démarche de formation, en tant que véritable outil
d’étude botanique pour l’enseignement des plantes médicinales
aux futurs médecins et apothicaires.
L’apothicairerie montpelliéraine est donc réputée pour son
savoir-faire et la qualité de ses produits, dont certains nécessitent
l’acquisition de nombreuses et diverses matières premières. Il
existe divers inventaires d’officines qui sont tous aussi
impressionnants les uns que les autres, tant par la diversité que
par la quantité de produits qui y ont été recensés. Parmi tous ces
inventaires, celui réalisé par Guibert chez un apothicaire alésien
du XVIIIe siècle, peut être considéré comme représentatif d’une
officine moyenne.
Une officine contient à cette époque plus de trois cents
produits différents. Les drogues simples (matières premières) y
sont majoritaires, et exotiques pour plus de la moitié d’entre elles.
Les autres drogues, dites galéniques, sont des huiles, pilules,
emplâtres devenus des produits finis tels que la thériaque,
l’orviétan6 ou destinées à la préparation d’autres remèdes. Tous

23
ne contiennent pas du thym, mais cette plante est toujours
présente chez l’apothicaire de l’époque.
Il est à noter que la quantité de produits contenue dans une
boutique d’apothicaire différait nettement entre la ville et la
campagne : les apothicaires citadins disposent de beaucoup plus
de produits que les apothicaires des campagnes7.

1. La Thériaque est un traitement médical qui fut très largement


utilisé pendant des siècles en Europe et bien au-delà. C’était le
grand remède que l’on appliquait dans bien des cas : catarrhes,
douleurs de jointures, maladies contagieuses, états fébriles, fièvre
quarte, troubles digestifs, hydropisie, troubles circulatoires,
atteintes du système nerveux, épilepsie, apoplexie ou encore
morsures de bêtes venimeuses. Il existait une grande diversité de
façon de préparer la Thériaque.
Une des plus renommées était la « Thériaque de
Montpellier », aussi appelée « Thériaque fine ». Elle était
composée de 83 produits différents, qui provenaient aussi bien
des garrigues proches que de pays lointains. La réputation de la
Thériaque de Montpellier tenait premièrement à sa qualité, aves
une sélection de matières premières parfaites ; deuxièmement au
soin apporté à sa préparation : le fait qu’elle soit préparée sous le
contrôle des professeurs de l’École de Médecine était une garantie
aux yeux de l’étranger. Le miel utilisé pour la préparation était du
miel « de la Corbière butiné sur les fleurs de thym ».
2. Nous évoquons ici les routes maritimes découvertes par Vasco
de Gama, Christophe Colomb, Magellan…
3. La Chirurgie mit du temps à être acceptée par l’Eglise. Au
Concile de Tours en 1163, Ecclesia abhorret a sanguine, l’Église
hait le sang. En 1215, au quatrième Concile du Latran les prêtres
sont interdits de chirurgie. Cette interdiction orientera
logiquement les actes chirurgicaux vers les arracheurs de dents,
les barbiers et marchands forains qui ne se privèrent pas d’exercer
les actes de petite chirurgie.
C’est Jean Pitard, le premier chirurgien de Saint Louis qui crée la
confrérie Saint Côme et Saint Damien. Elle distinge les chirurgiens
dits de robe longue, qui acquièrent une compétence et passent

24
devant leurs pairs qui accordent le diplôme, des chirurgiens dits à
robe courte ou barbiers, auxquelles restent les interventions
minimes.
4. Le statut d’apothicaire s’obtenait après deux stages
successifs : l’apprentissage (initiation) et le compagnonnage
(perfectionnement). À Montpellier, on exigeait une période
d’apprentissage de sept ans à la fin du XVIe siècle, puis de
trois ans à partir de 1731. La durée du compagnonnage était
du même ordre, mis à part que les compagnons allaient de ville
en ville pour apprendre dans chacune d’elles les diverses
méthodes de ce que l’on appelait déjà au XVIe
siècle « l’art de la pharmacie » Les statuts d’apothicaire ont joué
un grand rôle dans l’évolution de la profession, faisant passer le
métier de « mécanique » à métier d’« art ».
5. Souhaitant développer la santé par les plantes, le roi Henri IV
confia à Pierre Richer de Belleval la création d’« un jardin pour y
mettre les simples et toutes sortes de plantes que l’on pourra
recouvrer, tant estrangères que domestiques » (Lettre patente du
8 décembre 1593, rédigée par Henri IV).
6. Au XVIIe et XVIIIe siècle, l’Orviétan est l’antidote le plus utilisé. Il
serait du à un certain natif d’Orviéto Jérôme Ferrante et d’un
autre natif du même lieu qui se fit appeler d’abord Lorvietano,
puis Lorviétan ou l’Orviétan. Vingt-sept ingrédients composaient la
substance dont le fameux Miel de Thym des Corbières. Molière
le cite comme une panacée dont il se moque : « Holà ! Monsieur,
je vous prie de me donner une boîte de votre orviétan, que je
m’en vais vous payer », dit Sganarelle dans L’amour médecin
(acte II).
7. Bourdiol (voir bibliographie) nous apprend que les apothicaires
des campagnes disposaient souvent d’une deuxième
compétence : celle de chirurgien. Il faut imaginer les transports à
cette époque ! En 1390 existaient à Beaucaire quatre barbiers,
tandis qu’aucun médecin n’était répertorié.

25
4

SOIGNER À MONTPELLIER ET COMMERCER À LA


FOIRE DE BEAUCAIRE

Vers le charlatanisme : une leçon pour


aujourd’hui

M
alheureusement, la prospérité de l’apothicairerie attise
la convoitise des coquins. Les fraudeurs ne tardent pas
à se multiplier, comme le dénonce le témoignage
suivant en 1626 : « Ces simples charlatans qui ne font point de
difficulté de rançonner pour quelques petits remèdes… et qui
dressent de petites tasnières, je veux dire des boutiques, à tout
bout de champ et de petits villages et lieux puants. »1
Le cas de la foire de Beaucaire2, qui se tint chaque année
durant six jours à la fin du mois de juillet entre le XIIIe et le XIXe
siècle, est à ce sujet tout à fait intéressant.
Bénéficiant de la franchise douanière ainsi que de la liberté
d’accès et de trafic, la foire de Beaucaire devient rapidement un
haut lieu de commerce en France et en Europe. Elle est
fréquentée par de très nombreux visiteurs (souvent près de deux
cent mille) venant de tous les pays d’Europe et des bords de la
Méditerranée.
Pour Jean-Marie Mercier, conservateur du musée de Beaucaire,
« au début du XVIIIe siècle, Beaucaire grâce à sa foire est
considérée comme l’une des plus importantes places financières
du royaume et de l’Europe, aux cotés de Francfort et de Leipzig ».
Un Beaucairois écrit : « Il nous vient des marchands de l’autre
hémisphère et il ne nous manque certainement plus que d’y voir
quelques habitants de la lune. » « Elle tint un des premiers rangs
dans la république des lettres » et « la célébration fraternelle des
mânes de Bacchus » n’était pas oubliée avec « le repas de la

26
grappe donné par le prieur de Beaucaire ». « On buvait la razade
en chanson. » Les drogues dites « médicinales » y sont à foison,
aves les épices, les aromates et même des diamants. Le thym des
garrigues languedociennes est présent partout. Il embaume les
espaces mélangés à toutes les senteurs de l’Orient.
Rabelais dans ses vies de Gargantua et de Pantagruel cite la
foire de Beaucaire « vers laquelle y convenoyent les plus riches et
fameux marchands d’Africque et d’Asie ». De passage à Istanbul,
un pasteur nîmois décrit le grand bazar de cette ville comme
« une sorte de Beaucaire en permanence ».
Dans cet immense bazar de l’Occident se mélangent les Juifs
du Comtat Venaissin (dits Comtadins), les Grecs, les Turcs et les
Arméniens3, jusque dans les années 1830, où elle commence à
décliner. Stendhal en 1837 dans Mémoires d’un touriste, ou
Mistral, dans le Poème du Rhône, en parlent désormais avec
nostalgie et fierté.
Au milieu du XVIIIe siècle, le montant des affaires traitées à
la foire de Beaucaire est considérable, puisque d’après J. Caillé il
s’élève à « 40 ou 41 millions de livres, soit plus de 160 millions de
nos francs de 1970 ». Les apothicaires montpelliérains y tiennent
boutique jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, où ils proposent quelques
compositions en nombre limité (le Thériaque).
Leurs produits sont grandement appréciés des acheteurs, car
« garantis » par l’École de Médecine de Montpellier, dont plusieurs
représentants surveillent la phase de préparation et délivrent
ensuite des certificats pour attester de la régularité des
opérations.
Toutefois lieu d’exportation renommé, cette foire devient
également le foyer d’une importante fraude : « C’est là que les
principaux droguistes de tout les pays achètent à des prix qui
démontrent la fraude la plus criminelle, toute sorte de
préparations de pharmacie et de chimie ; et nous nous voyons
forcés par la vérité, de dénoncer ici beaucoup de maîtres
apothicaires des environs, qui se rendent annuellement
coupables, en portant à cette foire des préparations dont le plus
grand mérite, après le prix très avantageux à l’acheteur, consiste à
réunir souvent toutes les apparences du meilleur médicament ; et
cela quelquefois à un tel degré de perfection, qu’il serait

27
impossible de les soupçonner de falsification, sans la considération
du vil prix auquel elles sont livrées. »
Conscients et soucieux de leur réputation, les apothicaires de
Montpellier tentent d’agir pour que leur profession ne soit pas
déshonorée par les charlatans, notamment en déléguant des
collègues pour assurer le contrôle des préparations et en
dénonçant les falsificateurs. Mais ces mesures n’empêchent pas le
commerce parallèle de se développer, puisqu’il était depuis
toujours toléré, sans le moindre contrôle, au sein de la foire de
Beaucaire.
Fraude et dumping sont encore aujourd’hui bien connus. Le
plus ancien est le dumping fiscal qui consiste à réduire l’imposition
de ceux qui se débrouillent pour être proches du pouvoir ou qui
ont le pouvoir. Il fonctionnait à Beaucaire pour les protégés du roi.
Les liens entre Beaucaire et Barcelone furent étroits. Entre
1730 et 1789, l’accroissement général du mouvement des affaires
est de près de 400 %. La foire devient « le thermomètre du
commerce intérieur ». Beaucaire attire « dans ses murs et sur les
rives du Rhône des dizaines de milliers de marchands, visiteurs,
curieux, drainant dans leur sillage tout un monde interlope, formé
de gens sans aveu, mendiants, voleurs, aventuriers et filles
faciles »…
En 1793 sous la Terreur, le capitaine Napoléon Bonaparte4 est
envoyé dans le Midi, et notamment à Toulon, par le
gouvernement pour réprimer les révoltes locales. Son passage à
Beaucaire laisse des traces. Conversant avec quatre marchands de
la région, il dit être parvenu à dissiper toutes leurs craintes. Cette
conversation fut ensuite éditée sous forme d’une conversation en
un petit pamphlet, appelant à la fin de l’insurrection.

28
1. Témoignage de Jean de Renou qui fut conseiller et médecin du
roi Henri IV. Nous remarquons l’utilisation du terme
« pharmaceutique » dans le titre de son ouvrage œuvres
pharmaceutiques, en 1626.
2. Du nom de Belcaire, « beau château », sur les rives du Rhône
– magnifique voie de distribution des marchandises. Beaucaire est
la première sénéchaussée royale du Midi en 1226, relevant du
seul roi de France.
3. On les distingue à la couleur de leur turban : jaune safrané
pour les Juifs, bleu bigarré de blanc et de rouge pour les
Arméniens, blanc pour les Musulmans, bleu pour les Grecs.
4. Un certain souper, servi dans une de ces auberges de fortune le
dernier soir de la foire de 1793, sera l’occasion inespérée pour le
jeune capitaine Bonaparte de proclamer ses convictions
montagnardes, en réponse à l’agitation fédéraliste, et d’entrer
ainsi dans l’histoire.

29
5

LE MÉTIER DE PARFUMEUR « À LA MODE DE


MONTPELLIER »

L
es apothicaires conservent depuis le temps des
« especiayres » des savoir-faire en matière de confection
de parfums, comme nous le rapportait M. Leblanc en
1669 : « Les boutiques des apothicaires sont tout à fait belles et
parfumées, remplys de sirops, particulièrement celuy de Capillaire,
d’Eaux de Reyne dongrie […], poudre de Chypre, des liqueurs et
parfums de toutes sortes de toilette, sachets de senteur et de
mille autres sortes de choses. »
Au fil des siècles les marchands d’eaux et de poudres
odoriférantes deviennent fort nombreux à Montpellier :
distillateurs, droguistes, gantiers, limonadiers, liquoristes,
barbiers-perruquiers, baigneurs-étuvistes, merciers, vendeurs
d’étoffes et de rubans.
À partir de la deuxième moitié du XVIIe siècle, les apothicaires
s’éloignent de la préparation des parfums pour se concentrer
pleinement à celle des médicaments.
La parfumerie se délivre alors doucement de la « tutelle
hiérarchique » imposée par les apothicaires pour devenir une
discipline à part entière, si bien qu’entre 1669 et 1723, quatorze
titres de « Maître Gantier-Parfumeur » sont officiellement
attribués à des Montpelliérains.
Dès la fin du XVIIe et au XVIIIe siècle, les échoppes de
parfumeur fleurissent un peu partout dans les rues du quartier
Ouest de Montpellier. À partir de 1738, la présence d’une centaine
de parfumeurs (en comptant le père, la veuve qui prend la relève
au décès de celui-ci, puis le fils) sont ainsi recensés dans la ville.
Parmi eux, notons la présence de véritables dynasties connues
au-delà des frontières languedociennes et dont la réputation est

30
parvenue jusqu’à nous. Par exemple, la famille Fargeon, dont le
plus illustre membre est très certainement Jean-Louis Fargeon,
qui devint parfumeur officiel de Marie-Antoinette.
Les marchandises proposées par les parfumeurs sont très
diverses : « Eau de la Maréchale, de rose, de coriandre, de
tubéreuse, de girofle, de fleurs d’oranger, de noyer, de lavande, de
bergamote, de jasmin… Huile de cédrat, d’aspic, de girofle,
d’anis… Esprit de menthe, de noyau, de citron, d’angélique,
d’orange, de marasquin, de framboise, de genièvre… Essence de
thym, de citron, de lavande… Infusion de citron, de vanille, d’iris
de Florence… Vinaigre de toilette, pommade à la frangipane,
graines d’ambrette… Poudre de millefleurs, d’ange, de Chypre, à
la violette, à la frangipane… Crème de rose, de cédrat, de
cannelle, aux ” herbes fortes ”, de menthe… »
Enfin, rappelons, même si elle ne contient que du romarin,
l’une des plus anciennes et célèbres spécialités de Montpellier :
l’eau de la Reine de Hongrie, le plus ancien parfum connu à base
d’alcool.

Le savoir-faire et la réputation de la parfumerie


montpelliéraine sont devenus tels qu’ils valent, à un nombre
important de formules traditionnelles de parfums et de
cosmétiques, d’être rebaptisés à la mode de Montpellier. Cette
mention portée devient une preuve attestant de la qualité des
produits. On trouve ainsi dans diverses boutiques du royaume du
véritable lilium de Montpellier, de la petite sauge de Montpellier,
des fines herbes de senteur de Montpellier, des sachets d’odeur
de Montpellier, de l’essence de savon de Montpellier. Tous
pourraient être réinventés dans le cadre ultramoderne des
stimulations olfactives comme nous le verrons au chapitre sur la
santé.

Le déclin de la parfumerie à Montpellier


Après qu’elle ait rayonné bien au-delà des frontières françaises
durant plusieurs siècles, le XVIIIe siècle marque le déclin de la
parfumerie montpelliéraine. Manquant de clarté, les statuts de
Gantier-Parfumeur ne permettent pas de protéger la profession de

31
la concurrence déloyale. De nombreux marchands se
revendiquent sciemment ou inconsciemment parfumeurs sans
disposer de la maîtrise, engendrant des soucis de fraude. La mise
en place d’arrêtés royaux qui taxent excessivement les produits1
suscite de vives réactions de la part des corporations locales.
En effet, les parfumeurs montpelliérains, sûrs de leur bon
droit, se mobilisent pour défendre leur activité et en particulier
pour éviter la taxation des produits à base de thym, de
lavande et de romarin, qui ont largement participé à leur
prospérité. Toutefois, malgré leurs nombreuses tentatives, les
parfumeurs n’ont pas gain de cause auprès du Roi et l’arrêté royal
du 30 décembre 1755 porte en quelque sorte le coup de grâce à
la parfumerie montpelliéraine. Bon nombre de dépôts de bilan et
de faillites touchent alors la profession, tandis que certains
parfumeurs préfèrent quant à eux déserter la ville.

1. En 1753, l’Inspecteur des eaux de vie du Languedoc rapporte


que le droit sur les compositions aromatisées et les eaux de
senteur à l’entrée de Paris s’élevait à 50 livres pour une caisse
d’Eau de la Reine de Hongrie ou de senteur, dont la valeur n’était
que de 44 livres dans la ville de Montpellier.

32
6

MONTPELLIER S’ÉTEINT, LA VILLE DE GRASSE


S’ALLUME…

L
es produits montpelliérains sont de plus en plus taxés,
tandis que les parfumeurs grassois bénéficient de la
faveur royale, du fait du rattachement de la Provence à la
France au XVIe siècle, ce qui leur permet de vendre aisément leurs
produits sur Paris.
Le joli livre publié en juin 2008 par la maison Fragonard, du
nom du fameux peintre Jean-Honoré Fragonard (1732-1806)
d’origine grassoise, précise : « La demande croissante de produits
parfumés, stimulée par l’importante Faculté de pharmacie de
Montpellier, et pour lesquels la France dépendait de son voisin
transalpin, est à la base du développement de la production de
matières premières de parfumerie à Grasse. »
Il est à noter que la famille Fargeon joue très certainement un
rôle important dans le développement de la ville de Grasse. En
effet, au moment où le commerce des parfums ralentit à
Montpellier, Jean-Louis Fargeon part s’installer à Paris, tandis que
son frère Joseph-Mathieu part s’allier avec les grands négociants
et parfumeurs grassois.
La distillation d’essence parfumée perdure tout de même
autour de Montpellier, où l’on dénombre encore six distilleries
sédentaires dans la deuxième moitié du XIXe siècle. À côté de ces
installations à l’appareillage élaboré, il existe également de
nombreuses petites unités nomades, précaires, installées dans un
coin abrité à proximité d’un point d’eau. Elles appartiennent
presque toutes aux négociants ou fabricants de la ville, qui les
louent aux paysans.
Mais ces installations vagabondes au matériel facile à déplacer
font l’objet de toutes sortes de plaintes : elles dégagent de la

33
fumée, des odeurs et des risques d’incendie. Force est donc aux
distillateurs/fabricants d’installer des distilleries sédentaires. La
moitié d’entre eux vendent leurs produits à Montpellier qui se
charge aussi des expéditions. Les autres vendent aux grands
fabricants du Var et des Alpes-Maritimes, participant ainsi à la
prospérité de Grasse.
La parfumerie montpelliéraine perdure jusqu’au milieu du XXe
siècle, notamment grâce à la famille Monternier, dernier grand
représentant de cette industrie jadis florissante.
Il est à noter que l’effondrement de l’industrie de la parfumerie
montpelliéraine engendre logiquement de grandes difficultés dans
d’autres secteurs d’activité, notamment la verrerie, car les
parfumeurs de Montpellier consommaient de grandes quantités de
flacons, qui provenaient des verreries situées en garrigues.

La cueillette des plantes en garrigue tombe


en désuétude

Dans un mémoire du XVIIIe siècle présenté par l’Inspecteur des


eaux de vie de la Province du Languedoc à M. l’Intendant, celui-ci
rapporte que des produits de qualité inférieure sont de plus en
plus utilisés et que la cueillette des herbes aroma-tiques est
abandonnée par les paysans, frustrés du produit de cette
cueillette.

34
7

L’ESSOR DE LA PHARMACIE FAIT LE DÉCLIN DE


L’HERBORISTERIE

C
ontrairement au terme pharmacie dont les premières
utilisations remontent au MoyenÂge, la création du
terme pharmacien est beaucoup plus tardive.
Elle est révélée clairement grâce à un cahier appartenant à un
étudiant de l’École de Médecine de Montpellier. Les notes prises
par cet étudiant sont datées d’avril 1615 et concernent des cours
donnés par le professeur Catelan.
On apprend là une théorie des « menstrues » et de la
« copulation charnelle », l’explication du bâillement et de la
rotondité de la tête, mais le plus intéressant c’est que le tout est
placé dans une rubrique intitulée Questions pharmatiènes. Cet
adjectif forgé à partir du mot « pharmacie » est ensuite
substantivé lorsqu’il concerne les personnes. Le pharmacien est
alors celui qui a une compétence en pharmacie, l’apothicaire est le
diplômé.
À la fin du XVIIIe siècle, à la demande du Comité de salubrité
publique, institué au sein de l’Assemblée Constituante, les
apothicaires montpelliérains remettent un cahier de doléances
dans lequel ils dressent le constat suivant à propos de leur
profession : « personnages sans titre qui tiennent les bureaux de
remèdes ; droguistes exécutant des ordonnances et vendant à
petits prix ; gestion des apothicaireries hospitalières par des
sœurs non qualifiées dans ce domaine ; abus par les veuves de
pharmaciens confiant la gestion de leur officine à des élèves non
confirmés ; abus de vente de remèdes comme les grandes
compositions (Thériaque, confection d’Alkermès…) souvent
adultérés et donc à bas prix à la foire de Beaucaire. »
Dans leur cahier de doléances, les maîtres font les propositions
de réformes salutaires suivantes : « (a) Proscription de l’exercice

35
de la pharmacie par toute personnes étrangère à la profession ;
(b) Abolition des privilèges touchant les remèdes secrets ; (c)
Prohibition de vente à petits poids de toute drogue médicinale par
les droguistes ; (d) Obligations pour les médecins de dater et de
signer leur ordonnance qui doit être écrite en latin ; (e) Obligation
de prépa-ration publique de toute composition afin d’éviter les
falsifications ; (f) Vente par les pharmaciens des eaux minérales ;
(g) Gestion gratuite des apothicaireries des hôpitaux et des
œuvres de charité par les pharmaciens ; (h) Nécessité d’une
réglementation pour les cas particuliers des veuves de
pharmaciens ; (i) Nécessité d’uniformiser les poids et mesures sur
tout le territoire ; (j) Ainsi que la formation des futurs
pharmaciens. »
Pour aller plus loin dans leurs propositions et assurer la mise
en place des réformes, les apothicaires proposent l’établissement
d’une école ou d’un collège pour l’éducation uniforme des élèves.
S’en suit une restructuration de la profession, avec en 1791
l’abolition des maîtrises d’apothicairerie pour toute la France, puis
via la loi du 21 Germinal de l’an XI (11 avril 1803), la création
d’écoles de pharmacie à Paris, Strasbourg et Montpellier, ainsi que
la mise en place de diplômes de pharmaciens. Le projet des
apothicaires montpelliérains se voit ainsi en partie réalisé.
La loi de 1803 est d’une importance majeure, car elle permet à
l’apothicairerie de se différencier définitivement de toutes les
autres professions qui vendaient des drogues et lui faisaient
jusque-là concurrence.

Parmi ces professions, le cas des herboristes est


particulièrement intéressant. En effet, depuis le Moyen-Âge, les
herboristes jouent un rôle important dans le commerce des
drogues et représentent des concurrents sérieux pour les
apothicaires et les médecins, qui leur reprochent d’exercer
illégalement la médecine.
La loi du 21 Germinal de l’an XI (article 37) détermine les
droits des herboristes et soumet l’exercice de cette profession à
l’obtention d’un certificat d’examen délivré par une école de
pharmacie ou un jury de médecine.

36
Les herboristes sont également contraints de ne vendre que
des plantes médicinales indigènes, le commerce des plantes
exotiques et/ou vénéneuses leur est dorénavant interdit par
l’Arrêté du 25 Thermidor de l’an XI (13 août 1803).
Malheureusement, malgré ces mesures, de nouveaux conflits
opposent pharmaciens et herboristes. La raison de ces conflits : la
délimitation des prérogatives des herboristes.
Au début du XXe siècle, le commerce de l’herboristerie est
presque nul à Montpellier, alors qu’il est prospère à Nîmes. Cette
prospérité s’explique par la présence de la voie ferrée reliant
Clermont-Ferrand à Nîmes, qui dévie le courant d’affaires
qu’entretenait Montpellier avec la région montagneuse des
Cévennes (Aveyron, Lozère…).
Mais aussi, parce que les coutumes locales héraultaises et
gardoises sont différentes. En effet, les Héraultais s’adressent plus
volontiers aux pharmaciens qu’aux herboristes, alors qu’à
l’inverse, comme observait L. Planchon en 1896 : « Les habitants
de la ville [Nîmes] et surtout de la campagne [gardoise] viennent,
de longue date, chercher les drogues du pays dans les boutiques
d’herboristerie dont quelques-unes sont fort anciennes. »
Pourtant, malgré l’attachement des populations à leurs
coutumes locales, diverses tentatives pour fixer le statut des
herboristes, ainsi que la mise en place d’un encadrement et d’un
enseignement scientifique de la profession, le diplôme
d’herboriste est supprimé par la loi du 11 septembre 1941 sous la
pression certainement d’un pré-ordre des médecins. L’Ordre de
pharmaciens ne sera créé que quatre ans plus tard.
Cette décision condamne dès lors la profession d’herboristes à
disparaître au fur et à mesure du décès de ses représentants.
Enfin, face au renforcement de la concurrence espagnole
produisant des produits à meilleur marché et au développement
de la chimie de synthèse, le commerce de l’herboristerie
s’effondre encore un peu plus.

37
CONCLUSION

C’est la présence des garrigues odoriférantes et l’implantation


d’une École de médecine qui ont permis l’émergence dès le
e
XIII siècle de précieux savoir-faire dans le domaine des
préparations médicinales. Elles ont largement contribué au
développement de la renommée de Montpellier en matière de
santé, et cela continue au XXIe siècle.
L’apothicairerie et la parfumerie montpelliéraines ont bénéficié
pendant plusieurs siècles d’un grand prestige lié à l’exceptionnelle
qualité de leurs produits, thérapeutiques comme cosmétiques.
L’apothicairerie demeure l’ancêtre de la pharmacie, discipline pour
laquelle Montpellier jouit, encore de nos jours, d’une excellente
réputation. Quant aux parfumeurs montpelliérains, ils créèrent de
riches senteurs réputées jusqu’au XVIIIe siècle, et qui peuvent être
considérées comme les ancêtres des grands parfums français.
D’ailleurs, Jean-Baptiste Grenouille, personnage central du
fameux ouvrage de Süskind, Le parfum, passera au cours de son
périple par Montpellier afin d’y confectionner son parfum.
Grenouille qui passait inaperçu à cause de son absence d’odeur,
se fabrique à Montpellier une odeur qui lui permet dès lors
d’exister pour les autres. Il comprit alors que « qui maîtrisait les
odeurs, maîtrisait le cœur des hommes ».

38
Deuxième partie

Biologie
et Écologie du thym

39
1

DU GENRE THYMUS À L‘ESPÈCE


THYMUS VULGARIS L.1

La famille des lamiacées2 comprend 260 genres pour un


nombre d’espèces compris entre 6 500 et 7 000. Fortement
représentée dans la flore méditerranéenne, cette famille
comprend une remarquable diversité de plantes aromatiques :
thym, romarin, lavande, menthe, sauge, origan, sarriette…
Avec 215 espèces, le genre Thymus est un des plus importants
genres de la famille des Lamiacées. Bien que largement répandu
sur le « vieux continent », la plus forte concentration d’espèces se
trouve dans le bassin méditerranéen qui représente le centre de
diversité du genre Thymus.
Les espèces de thym sont largement intégrées dans les
traditions culinaires et médicinales des populations locales des
pays méditerranéens. En France, parmi la dizaine d’espèces
présentes naturellement sur le territoire, on peut citer le serpolet
(Thymus serpyllum), le thym de Corse (Thymus herba-baronna)
et bien sûr le thym commun (Thymus vulgaris). Ce dernier a
même été transporté dans les départements et territoires d’Outre-
Mer, où il est traditionnellement utilisé3 !
Parmi toutes les espèces du genre Thymus, Thymus vulgaris
est sans conteste celle qui a fait l’objet du plus grand nombre
d’études scientifiques. En témoigne une simple recherche sur les
moteurs de recherche scientifiques Web of Science et Google
Scholar, où le nombre de résultats concernant Thymus vulgaris
est respectivement de 945 et 14 000. Pour comparaison lorsque
l’on fait la même recherche pour une autre espèce très étudiée,
Thymus serpyllum, le nombre de résultats sur Web of Science est
de 111 et de 4 910 sur Google Scholar.

Description botanique

40
Thymus vulgaris L., aussi appelé farigoule (de l’occitan
farigola), frigoule ou encore pote, est un petit ligneux buissonnant
(5-60 cm), possédant un feuillage variant d’un vert blanchâtre à
grisâtre. La section de ses jeunes tiges est quadrangulaire, puis
circulaire lorsqu’elles sont plus âgées. Portées par des pétioles
courts, les feuilles sont petites, de forme lancéolée à ovale (3-
8mm de long et 0,5-2,5mm de large) et présentent une nervure
centrale marquée et des bords enroulés. Les feuilles, les calices et
les jeunes tiges sont recouverts de poils. Les fleurs peuvent être
de couleur blanchâtre à pourpre pâle. Elles sont regroupées en
inflorescence sur la partie terminale des axes longs. Les fruits,
groupés par quatre, sont secs et indéhiscents (c’est-à-dire qu’ils
ne s’ouvrent pas).
Chaque espèce se caractérise par une architecture
particulière, c’est-à-dire la façon dont le tronc et les branches se
répartissent dans le temps et dans l’espace. Thymus vulgaris
possède trois catégories de branches (aussi appelés axes) : le
tronc (A1), les branches (A2) et les rameaux courts (A3). Le
nombre et les propriétés (morphologiques et fonctionnelles) de
ces catégories de branches sont caractéristiques à l’espèce (cf.
tableau 1). L’ensemble de ces axes et leurs propriétés constituent
ce que l’on appelle l’unité architecturale (figure 2, schéma A).

Figure 1 : dessin d’une fleur, d’un calice et d’un rameau de


Thymus vulgaris en fleur (source : Flore de Coste – Abbé H. Coste
1937)

La morphologie de la vie d’un individu a été décomposée en


trois grandes étapes correspondant à des stades de
développement particuliers marqués par des événements
caractéristiques (Figure 2) :

41
– Premier stade (A) : l’unité architecturale
Cette étape correspond au moment où le thym a mis en place
son unité architecturale. Il possède donc toutes ses catégories
d’axes.
– Second stade (B) : l’individu mature

Tableau 1 : Unité architecturale de Thymus vulgaris.

42
Durant cette partie de son développement le thym a entamé
un processus de réitération totale4. C’est ainsi qu’apparaissent
les branches maîtresses de l’individu. Ces dernières sont pérennes
à long terme et constituent les axes structurants de l’individu.
– Troisième stade (C) : l’individu âgé
À ce stade, les branches maîtresses du thym s’individualisent
par le biais d’une scission longitudinale au niveau du tronc. Une
fois séparées de la plante mère, ces branches, appelées des
torons, forment des individus complètement autonomes. À ce
stade, la plante présente une structure plus ou moins « éclatée »,
formée par l’ensemble des torons séparés.

Figure 2 : stades de développement de Thymus vulgaris.

Source : Schémas et dessin par M. Millan ; d’après Cassagnaud et Facon,


1999.

1. Le nom scientifique donné à une plante est un binôme


comprenant le nom de genre auquel la plante appartient et une

43
épithète désignant l’espèce à l’intérieur du genre. Dans le cas du
thym commun le nom de genre est Thymus et l’épithète est
vulgaris. Le nom scientifique d’une plante est validé via une
publication comprenant le binôme choisi, une description de la
plante en latin et la citation d’un échantillon conservé dans un
grand herbier officiellement répertorié. Une fois qu’il a été validé
qu’aucun autre nom déjà existant ne peut s’appliquer à la plante
décrite, l’espèce est alors désignée par le binôme suivi du nom de
l’auteur de la publication. Dans le cas du Thym vulgaire, l’auteur
de la première publication à son sujet fut le célèbre Linné, dont le
nom est abrégé par la lettre L.
2. Les lamiacées sont des plantes herbacées ou arbustives (très
rarement des arbres) dont les jeunes tiges sont à section
quadrangulaire. Elles sont caractérisées par la présence de
glandes épidermiques aromatiques.
3. Souvent cultivé dans les jardins, Thymus vulgaris fait partie de
la pharmacopée caribéenne et c’est un ingrédient nécessaire pour
la préparation de certains plats traditionnels.
4. La réitération totale est le mécanisme par lequel la plante
étoffe sa forme en mettant en place des axes ou en différenciant
d’anciennes branches, qui reprennent l’intégralité de l’unité
architecturale sur une unité antérieure (partie plus ancienne de la
plante).

44
2

HABITAT ET RÉPARTITION

L
e thym apprécie généralement les milieux ouverts,
rocailleux, secs et ensoleillés. Il dispose de multiples
atouts grâce auxquels il peut constituer des populations
assez denses. L’espèce Thymus vulgaris se rencontre
fréquemment dans la moitié est de l’Espagne, le sud de la France
et la partie ouest de l’Italie.

45
3

L’HUILE ESSENTIELLE DANS LA PLANTE ET SES


RÔLES ÉCOLOGIQUES

Je laisse faire la nature et présuppose qu’elle soit pourvue de


dents et de griffes pour se défendre des assauts qui lui viennent.

Michel de Montaigne

Fabrication

L
es plantes aromatiques et médicinales sont caractérisées
par la production d’huiles essentielles. Les huiles
essentielles sont des composés secondaires1, c’est-à-
dire des molécules qui ne participent pas directement au
développement de la plante. Elles sont sécrétées et concentrées
dans de petites glandes appelées trichomes (cf. figure 3). Ces
glandes sont situées sur les parties vertes de la plante et
ressemblent à des petites bulles de couleur ambrée. Elles sont
très facilement observables à la surface des feuilles de thym à
l’aide d’une loupe binoculaire (cf. photo 1 et 2).

L’huile essentielle se compose généralement de quelques


composés majoritaires, souvent accompagnés par divers
composés dérivés et composés mineurs. Chez l’ensemble des
espèces de thym qui ont été analysées chimiquement, environ
360 composés ont été identifiés. Parmi tous ces composés, près
de 75 % appartiennent à la famille des terpènes, dont le principal
groupe est représenté par les monoterpènes (43 %). Les terpènes
que l’on trouve le plus souvent dans l’huile essentielle des espèces
de thym sont le Thymol et le Carvacrol.

46
Figure 3 : Anatomie d’un trichome de thym

Source : G. Bouguet ; d’après Stahl-Biskup et Saez, 2002

Photo 1 : Feuille de thym. (grossissement × 40)


D.R.

Source : G. Bouguet, 2013

47
Photo 2 : Trichomes de thym. (grossissement × 160)
D.R.

Source : G. Bouguet, 2013

La composition de l’huile essentielle varie tout au long de


l’année au point de vue quantitatif, mais c’est généralement au
printemps qu’elle est la plus riche en monoterpènes et que son
rendement est le plus important.

Principaux rôles écologiques


Les huiles essentielles sont connues et utilisées par les
hommes depuis des millénaires. Cependant les plantes ne les
produisent pas pour le seul bien-être ou plaisir des hommes.
D’abord considérés comme des déchets du métabolisme des
plantes, c’est vers la fin du XIXe siècle que certains scientifiques
commencèrent à émettre l’hypothèse que les composés
secondaires pouvaient avoir des fonctions. Mais c’est seulement à
partir du milieu du XXe siècle que l’attention des scientifiques se
porta véritablement sur leurs rôles. Il s’ensuivit la réalisation de
nombreuses études et l’élaboration de diverses théories pour
expliquer à quoi peuvent bien servir ces molécules et pourquoi il
en existe une telle diversité.
L’importance des composés secondaires pour la survie des
plantes est aujourd’hui certaine. Les plantes sont des organismes
sédentaires et donc incapables de se déplacer pour éviter une
agression ou fuir des conditions de milieu trop défavorables. Elles
sont aussi caractérisées par l’absence de système immunitaire.

48
Ainsi, en plus de structures physiques (épines, aiguilles…), les
plantes ont développé tout un arsenal d’armes chimiques pour se
protéger.
Intervenant dans les relations entre la plante et son
environnement biotique (organismes vivants) et abiotique (climat,
sol…), les composés secondaires ont une importance cruciale pour
les plantes qui les fabriquent.
Voici leurs principaux rôles :
– Les interactions entre plantes : compétition et facilitation
Au sein d’une communauté végétale2, il existe de nombreuses
interactions entre les plantes. Ces interactions sont complexes, car
entre des plantes voi-sines il peut exister des phénomènes à
effets négatifs sur la persistance d’une espèce (compétition) et
des phénomènes à effets positifs sur l’installation d’une espèce
(facilitation).
– La compétition et l’allélopathie
La compétition entre plantes, de même espèce ou non,
consiste pour une plante à surpasser ses voi-sines, c’est-à-dire à
réaliser une meilleure croissance, disposer d’un meilleur accès aux
ressources (nutriments, lumière…) ou faire une meilleure
utilisation de celles-ci. La compétition implique donc un effet
négatif sur la croissance, la survie et la reproduction des plantes
qui sont voisines.
D’autre part, par le biais des molécules qu’elles fabriquent, les
plantes peuvent avoir une influence négative sur leurs voisines,
ainsi que sur la flore microbienne du sol. Cette influence s’exerce
sou-vent suite à la dégradation des feuilles mortes de la plante,
mais aussi par le biais des racines. Ce mécanisme, appelé
allélopathie, a une influence sur la formation et le maintien des
communautés végétales, la germination et la croissance d’autres
espèces, ou encore sur les processus d’infection par les
pathogènes. Toutefois, il est important de remarquer que même si
les résultats des études réalisées en conditions contrôlées peuvent
être assez nets, ce phénomène reste difficile à quantifier en milieu
naturel.
Cas du thym : l’allélopathie est un mécanisme utilisé par le
thym. Lors de la dégradation des feuilles de thym, celles-ci
libèreraient leurs composés chimiques qui réduiraient le

49
développement des espèces végétales concurrentes et
inhiberaient le développement de diverses espèces micro-biennes
du sol. En effet, la présence du thym aurait un impact sur
l’établissement et le développement des autres plantes poussant
dans le même milieu que lui. Pour se développer, ces dernières
devraient s’adapter aux sols modifiés par le thym. L’allélopathie
permettrait au thym de coloniser rapidement certains milieux
jusqu’à former des populations quasiment pures, assurant ainsi à
son espèce une forte dominance territoriale sur le long terme.
Il est intéressant de noter que les huiles essentielles du thym
pourraient aussi inhiber la germination de ses propres graines.
Cette inhibition serait levée par les pluies automnales et
hivernales, permettant ainsi au thym de ne pas germer avant ou
pendant les sécheresses estivales.
– La facilitation : plantes « nurses »
La compétition entre les plantes d’une communauté végétale
est forte, mais il existe aussi des phénomènes appelés
facilitation. La facilitation décrit des situations où la présence
d’une espèce bénéficie à l’installation, la vie ou la survie d’autres
espèces. Ce phénomène joue un rôle particulièrement important
dans les environnements difficiles (stressants) et les plantes qui
jouent ce rôle sont appelées des plantes nurses.
Par le biais de la création de ce que l’on appelle des « îlots de
fertilité », les plantes nurses offrent de multiples avantages aux
autres plantes moins adaptées qu’elles : enrichissement de la
composition du sol, création de « taches de végétation » où les
conditions hydriques sont plus favorables, transferts de nutriments
entre plantes par le biais des mycorhizes et des réseaux
mycéliens3, favorisation de la multiplication des champignons
mycorhiziens dans le sol ou encore limitation de la présence de
certains pathogènes grâce aux composés secondaires. Toutefois,
comme toutes les bonnes choses ont une fin, les plantes qui ont
bénéficié d’un coup de pouce finissent par remplacer celles qui les
ont aidé. C’est ce que l’on appelle le processus de succession
végé-tale.
Cas du thym : le thym est une espèce pionnière, c’est-à-dire
qu’elle fait partie des premières espèces capables de coloniser des
milieux de garrigue perturbés (feu, sangliers…) où les conditions

50
sont particulièrement stressantes et où il y a peu de concurrence.
La présence du thym permet la formation d’îlots de fertilité, au
sein desquels les conditions peuvent être favorables au
développement de certaines espèces.
Au sein de ces îlots, les huiles essentielles peuvent jouer un
rôle tout à fait intéressant. En effet, une microflore spécifique
capable de dégrader le carbone contenu dans les huiles
essentielles est sélectionnée dans le sol proche du thym. Parmi
ces espèces : des bactéries. Ces dernières peuvent favoriser
l’établissement d’une symbiose entre plantes et champignons.
Ceci peut se faire par le biais d’une dégradation des huiles
essentielles aux propriétés antifongiques, en améliorant la
nutrition des champignons ou en améliorant l’extension du
mycélium par la production de facteurs de croissance.
On trouve ainsi, dans le sol prélevé sous un pied de thym, une
plus grande quantité de champignons mycorhiziens que dans un
sol nu. La plus forte abondance dans le sol de ces derniers permet
de favoriser l’association entre des jeunes plantules d’arbres (par
exemple de cyprès) et leurs partenaires mycorhiziens. Cette
association améliore les chances de survie des jeunes arbres, leur
permettant de s’établir et de se développer plus facilement.
Sans la présence de plantes pionnières, d’autres espèces
végétales comme les arbres éprouveraient de plus grandes
difficultés lors de leurs premiers stades de développement. Les
îlots de fertilité formés par les plantes nurses offrent donc de
belles perspectives à une époque où de nombreux écosystèmes
ont subi des dégradations majeures. En effet, ces plantes sont un
élément clé pouvant être intégré dans les processus de
revégétalisation, par exemple dans le cadre de la lutte contre la
désertification ou la prévention de l’érosion des sols.
– La défense contre les herbivores, les parasites et les
pathogènes
Les plantes capables de fabriquer des composés secondaires
disposent d’un moyen de défense efficace contre leurs agresseurs.
Il existe deux modes de défense : directe et indirecte.
La défense directe correspond à l’utilisation de composés
chimiques ayant des propriétés toxiques ou répulsives.
L’apparition de ces composés au cours de l’évolution aurait lancé

51
un processus où les organismes en interaction seraient engagés
dans un combat coévolutif sans fin, où chacun serait confronté
aux inventions de l’autre. Une sorte de « course aux
armements », aussi appelée hypothèse de la reine rouge.
L’environnement concurrentiel d’un groupe d’organismes se
modifierait donc en permanence : l’apparition d’une nouvelle
molécule de défense chez une plante provoquerait la sélection
d’herbivores, de compétiteurs, de parasites ou de pathogènes
résistants, qui en retour favoriseraient la sélection de nouveaux
composés de défense chez la plante, et ainsi de suite.
La défense indirecte pourrait être définie par le célèbre
adage « les ennemis de mes ennemis sont mes amis ». En effet,
elle correspond à l’utilisation des composés secondaires pour
attirer les prédateurs ou parasites des herbivores.
Cas du thym : de part son abondance, le thym est une plante
incontournable dans certains milieux. Bon nombre d’espèces
pourraient donc en tirer profit pour se nourrir ou pour effectuer
leur cycle de vie. Mais le thym n’est pas facilement accessible. En
effet, grâce à son huile essentielle, le thym dispose d’une
arme chimique efficace pour repousser ou intoxiquer les
agresseurs. En conséquence, certains herbivores ou parasites
préfèrent s’orienter vers d’autres espèces végétales moins
contraignantes, quant aux autres il leur faut s’adapter au thym.
Toutefois, malgré sa production d’huile essen-tielle, les
espèces capables de profiter du thym sont assez nombreuses.
Durant certaines périodes de l’année, lorsque la disponibilité
en plantes à fort intérêt nutritif est réduite, les ruminants comme
les moutons ou les chèvres peuvent consommer des plantes
aroma-tiques. En effet, ces animaux herbivores disposent d’un
système digestif complexe dans lequel est contenu une flore
microbienne (dans le rumen). Cette particularité leur permet de
digérer une large variété de plantes, y compris des espèces
toxiques. En conséquence, même s’il n’est pas des plus agréables
à manger, le thym permet aux moutons et aux chèvres de
bénéficier d’apports nutritionnels intéressants.
Diverses espèces d’insectes sont également capables de
s’attaquer au thym : chenilles, pucerons, coléoptères, cicadelles,
cochenilles, escargots, limaces… Pour certaines l’objectif est

52
d’effectuer leur cycle de vie, pour les autres c’est de se nourrir.
Comme nous le verrons plus tard, certaines espèces comme
Janetiella thymifolia sont même de véritables spécialistes du
thym.
Le cas des pucerons est tout à fait intéressant. Ces insectes
sont équipés de pièces buccales conçues pour percer les végétaux
et en sucer la sève. L’espèce (Aphis serpylli) est spécifique du
thym. Les pucerons de cette espèce peuvent être présents en
grandes quantités sur le thym, provoquant une diminution de sa
croissance et de sa floraison. La production d’huile essentielle est
inefficace face à ces parasites envahissants. Mais le thym dispose
d’alliés de choix : les araignées et les coccinelles. En effet, en
réduisant les populations de pucerons, ces prédateurs favorisent
la croissance et la floraison du thym. Un bel exemple de défense
indirecte.
– L’amélioration de l’efficacité de reproduction
Les huiles essentielles servent à protéger les plantes contre les
espèces qui leur sont néfastes. Mais ces mêmes huiles essentielles
peuvent aussi leur permettre d’attirer des espèces qui leurs sont
bénéfiques. Par exemple, lors d’une belle et chaude journée de
printemps, les plantes en fleur exhalent abondamment leurs
arômes. Ceux-ci attirent irrésistiblement certains insectes, qui
recevront une récompense en échange de leur travail de
pollinisation.
Cas du thym : le thym est une plante à fleur, il a donc besoin
d’être pollinisé pour se reproduire. Son huile essentielle puissante
et volatile lui permet d’être facilement détecté et d’attirer les
insectes pollinisateurs. Cet aspect sera développé plus en détail
dans le paragraphe consacré à la pollinisation du thym.
– La réponse aux contraintes de l’environnement
Les huiles essentielles constituent également une adaptation
des plantes face aux conditions climatiques sévères. Le climat
méditerranéen est caractérisé par des étés très chauds où l’eau se
fait rare. Les stratagèmes permettant aux plantes d’économiser
l’eau sont donc précieux. Disposer de feuilles à la surface réduite
est une première façon de s’adapter à la sécheresse. Mais les
plantes aromatiques ont une seconde adaptation : l’évaporation
des composés secondaires volatils contenus dans les glandes. En

53
effet, elle permettrait d’abaisser de quelques degrés la
température à la surface de la plante, limitant ainsi le phénomène
d’évapotranspiration (perte d’eau).
Cas du thym : disposant de toutes petites feuilles aux bords
enroulés, dont la surface est couverte de poils et de glandes
gorgées d’huile essentielle volatile, le thym semble être
particulièrement bien adapté aux conditions extrêmes de
sécheresse.

En résumé, l’huile essentielle de thym remplit de nombreuses


fonctions indispensables à sa survie. Mais comme nous allons le
voir, cette plante dispose en plus d’une particularité chimique tout
à fait surprenante, qui lui permet d’accroître sa capacité
d’adaptation face aux éléments biotiques et abiotiques de son
environnement.

1. L’étude des composés secondaires aurait commencé en


1806 lorsque Friedrich Wilhelm Serturner isola la morphine
(principium somniferum) à partir du pavot (Papaver somniferum).
Puis pendant près de cent cinquante ans, l’attention des
scientifiques se concentra sur la découverte de nouvelles
molécules, favorisant ainsi le développement de la chimie
organique et en particulier de la chimie synthétique, analytique et
pharmaceutique. Le terme de composés secondaires fut d’ailleurs
attribué à ce type de composés chimiques en opposition aux
composés primaires, c’est-à-dire aux molécules ayant un rôle
essentiel pour le développement des plantes. Les composés
chimiques dits secondaires, comme les huiles essentielles, furent
ainsi longtemps considérés comme des déchets du métabolisme
des plantes, non essentiels à leur vie. À l’heure actuelle, plus de
200 000 composés secondaires ont été identifiés (des alcaloïdes,
des flavonoïdes, des terpénoïdes, des stéroïdes, des polykétides,
des coumarines…).
2. Le terme de communauté végétale désigne un groupement
végétal plus ou moins stable, en équilibre avec le milieu ambiant
et caractérisé par une composition floristique déterminée.

54
3. Une mycorhize est un organe symbiotique formé par un
champignon et une racine, permettant des échanges entre les
deux organismes. Le champignon, appelé champignon
mycorhizien (c’est le cas des cèpes, des lactaires ou des truffes,
pour les plus connus), procure de l’eau et des sels minéraux à la
plante, qui fournit en retour des sucres issus de la photosynthèse.
La majorité des plantes des écosystèmes terrestres ont besoin des
champignons mycorhiziens pour survivre et cette association est
particulièrement essentielle dans les milieux difficiles comme
l’écosystème méditerranéen. Il est à noter qu’une plante peut être
associée à plusieurs dizaines d’espèces de champignons
mycorhiziens, euxmêmes reliés à d’autres plantes. Un formidable
réseau d’échanges formé de racines et de mycélium existe donc
dans le sol.

55
4

LES SIX PRINCIPAUX CHÉMOTYPES DU


LANGUEDOC-ROUSSILLON, ET UN SEPTIÈME
DÉCOUVERT DANS LES ANNÉES 2000

Qu’est-ce qu’un chémotype ?

A
u sein de certaines espèces de plantes aromatiques, la
composition de l’huile essen-tielle peut varier d’un
individu à l’autre. Quand une telle variation est due à
une variation génétique elle est appelée polymorphisme
chimique. Parmi les nombreux composés chimiques présents
dans l’huile essentielle du thym, six d’entre eux (qui sont des
monoterpènes) déterminent l’expression de la variabilité de la
composition de l’huile dans les populations sauvages de la région
Languedoc-Roussillon.
Un individu de thym contient, dans la quasi-totalité des cas,
l’un ou l’autre des ces six composés comme constituant
majoritaire de l’huile essentielle. Le composé majoritaire permet
de différencier les différents types chimiques appelés
chémotypes.
L’observation de plantes à essence (l’odeur qui émane de
l’huile) différentes, et donc la possibilité d’un polymorphisme
chimique, fut mentionnée pour la première fois chez le thym dans
un ouvrage publié en 1963 par des chercheurs de la Faculté de
Pharmacie à Montpellier. Il y a très exactement cinquante ans !

Description des chémotypes


Les six chémotypes de thym sont répartis en deux catégories
basées sur la structure moléculaire du composé chimique
majoritaire :

56
- Les chémotypes phénoliques (avec une structure moléculaire
comprenant un cycle benzénique) : le Thymol et le
Carvacrol.
- Les chémotypes non phénoliques (avec une structure
moléculaire sans cycle benzénique) : le Linalol, le Thuyanol,
l’Alpha-terpinéol et le Géraniol.

Chacun des six chémotypes possède un goût et une odeur


typés, assez facilement reconnaissables avec de l’entraînement :
- Le thym à Thymol : odeur classique du « thym », puissante et
fleurie.
- Le thym à Carvacrol : odeur plus douce et plus poivrée que le
thym à thymol.
- Le thym à Linalol : odeur rappelant la lavande, légèrement
épicée, avec des notes de bergamotes et d’agrumes.
- Le thym à Thuyanol : odeur mentholée, résineuse, avec des
notes d’eucalyptus.
- Le thym à Alpha-terpinéol : odeur « fugace » d’agrumes
poivrés.
- Le thym à Géraniol : odeur forte de citronnelle ou de citron
complétée par de la mandarine.

Le type d’huile essentielle produite par un individu n’est pas


affecté qualitativement par les conditions environnementales, car
les chémotypes de thym sont différents au point de vue
génétique. En d’autres termes le chémotype d’un individu de thym
est déterminé génétiquement et conservé tout au long de sa vie1,
peu importe l’endroit où il poussera.
Dans les années 2000, un septième chémotype fut détecté
dans les garrigues du Languedoc-Roussillon : le Cinéol
(caractérisé par une odeur très marquée d’eucalyptus). La
présence de ce chémotype était connue en Espagne, mais il
n’avait jamais été observé en France jusqu’alors. Ceci est
surprenant puisqu’il fut découvert dans une zone d’étude où près
de 350 populations de thym avaient été analysées dans les
années 1970 (le bassin de Saint-Martin-de-Londres). L’apparition
du chémotype Cinéol (très probablement un mutant naturel)

57
soulève la question de la nature adaptative de la variabilité
chimique chez le thym.
Quel intérêt pour le thym de disposer d’une telle diversité de
chémotypes ?
Comprendre pourquoi il existe une telle diver-sité de
chémotypes chez le thym n’est pas chose facile et visiblement
cette plante n’a pas fini de nous surprendre. Toutefois, même si la
compréhension des mécanismes responsables de cette diversité
chimique est difficile, celle-ci offre des avantages certains au
thym.

S’adapter aux conditions environnementales


Les chémotypes de thym ne sont pas répartis au hasard dans
le sud de la France.
Deux facteurs permettent d’expliquer cette répartition :
- le premier facteur concerne la variation de sol. Les chémotypes
phénoliques se rencontrent généralement dans les garrigues
proches de la mer Méditerranée, sur les sols calcaires très
rocailleux, peu profonds et donc très secs. Les thyms non
phénoliques quant à eux sont plutôt situés vers l’intérieur des
terres, sur des sols marneux relativement profonds et plus
humides.
- le second facteur est d’ordre climatique. Les chémotypes
phénoliques sont localisés dans des sites à basse altitude où
les hivers sont relativement doux et les étés sont chauds. Les
chémotypes non phénoliques se trouvent préférentiellement
dans des sites localisés à une altitude supérieure à 400 mètres,
où les hivers sont rudes et les étés assez doux. Plusieurs
expériences ont ainsi permis de montrer que les chémotypes
phénoliques sont mieux adaptés que les chémotypes non
phénoliques aux sécheresses estivales. A contrario, les
chémotypes non phénoliques sont mieux adaptés que les
chémotypes phénoliques aux gelées sévères du début de
l’hiver2. D’une part on résiste aux extrêmes de températures
hivernales, de l’autre, à l’extrême sécheresse de l’été
méditerranéen, mais pas les deux.

58
« The thymes they are changin’ »
Mais il semble que tout cela soit en train de changer. L’étude
récente de l’équipe du CEFE qui a repris les anciennes données
sur la distribution des chémotypes de 1974 pour les comparer
avec des échantillons de 2010 montre une modification de la
répartition des chémotypes de thym autour du Pic Saint-Loup
(Hérault). Ce phénomène s’est produit en l’espace d’une
quarantaine d’années seulement.
Le réchauffement climatique observé ces dernières décennies
se traduit notamment par une diminution de la fréquence et de la
sévérité des gelées hivernales. Comme nous l’avons vu, ce facteur
a une influence majeure dans la distribution des chémotypes de
thym dans la nature. En conséquence, les chémotypes
phénoliques qui sont plus compétitifs que les chémotypes non
phénoliques, mais qui étaient jusque-là limités par leur sensibilité
aux gelées, ont pu coloniser des zones où ils étaient jusqu’alors
faiblement présents ou absents.
Cette modification de la répartition des chémo-types de thym
s’est clairement opérée en réponse au réchauffement climatique.
Il y a donc une évolution conjointe entre les variations du climat
et la répartition des chémotypes. Cette observation suggère que
le thym pourrait être considéré comme un indicateur
biologique du changement climatique.

Améliorer son système défensif


Diverses espèces d’herbivores, de parasites, de pathogènes ou
de compétiteurs exercent une « pression » sur le thym. Pour se
défendre, ce dernier produit de l’huile essentielle. Cependant,
celle-ci n’est pas toujours suffisante car des espèces arrivent à
s’adapter. C’est donc en développant de nouvelles molécules
chimiques que le thym peut accroître sa capacité défensive. En
effet, il est difficile pour une même espèce de s’adapter à une
multitude de composés chimiques différents. Comme le montre le
tableau 2, cette stratégie est payante chez le thym : la présence
de chémotypes rend l’accès à cette espèce plus complexe.

59
Un exemple tout à fait remarquable de la capacité d’adaptation
du thym concerne le chémotype Linalol. Certains prédateurs
apprécient particulièrement ce chémotype (cf. tableau 2). Lors des
premiers mois de leur développement, les plantules de linalol
seraient donc un met de choix pour les escargots et le coléoptère
Arima marginata. Pour se protéger de l’appétit de ces derniers, les
jeunes individus de ce chémotype passeraient d’abord par une
composition chimique de type Thymol ou Carvacrol. Ce n’est
qu’après quelques mois que leur composition chimique évoluerait
définitivement en Linalol. En adoptant une composition chimique
plus répulsive, la prédation sur les plantules serait donc limitée,
améliorant ainsi les chances de survie de ce chémotype.
Nous noterons également que les chémotypes jouent un rôle
majeur dans la structuration des communautés végétales. En
effet, par le biais de son huile essentielle, le thym peut modifier la
composition du sol. Pour survivre près du thym les espèces
végétales doivent donc s’adapter à sa présence. Cette adaptation
est visible au niveau des chémotypes. On peut ainsi observer des
communautés végétales aux compositions floristiques différentes
en fonction du chémotype auxquelles elles sont associées.

Ordre de préférence (du


Espèces moins répulsif au plus
répulsif)
Escargot (Helix aspersa) L>A>U>G>T>C
Limace (Deroceras reticulatum) G>A>L>U=C=T
Sauterelle (Leptophyes
T>C>A>G=U>L
punctitatissimum)
Coléoptère (Arima marginata) L>A=U>G>C>T
Chèvre (Capra hirtus) A>C>L>T>G>U
Mouton (Ovis aries) U>T>A>G>C>L
Brachypode (Brachypodium
L>U>G>A>T>C
phoenicoides)
Champignons U>L>C>A>T>G
Bactéries U>A>G>L>T>C

60
Tableau 2 : Effet des chémotypes sur différentes espèces
d’herbivores, compétiteurs et microorganismes (Thymol (T),
Carvacrol (C), Linalol (L), Thuyanol (U), Alpha-terpiénol (A) et
Géraniol (G).

Source : Linhart et Thompson, 1999.

En résumé, le polymorphisme chimique permet au thym de se


développer depuis les plaines chaudes proches du littoral jusque
dans les zones montagneuses fraîches. Il a également permit au
thym d’accroître son système défensif. Le maintien de cette
diversité chimique est donc étroitement lié aux avantages qu’elle
procure à l’espèce pour s’adapter à son environnement biotique et
abiotique. En conséquence, l’apparition d’un nouveau chémotype
qui n’apporterait rien à l’espèce ne serait pas maintenu au sein de
l’espèce et disparaîtrait. En revanche, si un nouveau chémotype
procure un avantage adaptatif intéressant, celui-ci serait maintenu
et sa fréquence augmenterait au sein de l’espèce. Aucun
chémotype n’étant systématiquement le mieux défendu contre
tous les attaquants possibles, le maintien du polymorphisme
chimique chez le thym est donc possible.

1. Toute règle a son exception : au stade de plantule le


chémotype linalol présente une composition chimique de type
Thymol ou Carvacrol. Ce n’est qu’après un à trois mois que sa
chimie évolue pour devenir définitivement celle du Linalol.
2. La meilleure résistance aux gelées précoces des chémo types
non phénoliques pourrait s’expliquer par des différences au niveau
de l’anatomie des trichomes (cf. figure 1). Les cellules de garde
des trichomes des chémotypes non phénoliques seraient plus
fragiles que celles des trichomes des chémotypes phénoliques. En
conséquence, alors que l’huile essentielle serait libérée dans
l’atmosphère chez les chémotypes non phénoliques, l’huile
essentielle serait libérée à l’intérieur des tissus des chémotypes
phénoliques. Les monoterpènes étant toxiques, leur libération
dans les tissus de la plante causerait des nécroses.

61
5

LA « SEXUALITÉ » DU THYM : LA GYNODIOÉCIE

C
hez le thym toutes les fleurs ne sont pas de la même
taille. Il existe des individus avec de grandes fleurs et
des individus avec de petites fleurs.
- Les pieds de thym avec de grandes fleurs sont les individus
hermaphrodites (aussi appelés mâles fertiles). Leurs fleurs, qui
possèdent à la fois des organes mâles (anthères1) et des
organes femelles (ovules), peuvent produire du pollen et des
graines.
- Les pieds de thym avec de petites fleurs sont les individus
femelles (aussi appelés mâles stériles). Leurs fleurs, qui ne
possèdent que les organes femelles (pas d’anthères), ne
produisent donc pas de pollen, mais sont capables de produire
des graines.
Cette coexistence au sein de l’espèce d’individus femelles et
d’individus hermaphrodites est appelée gynodioécie. Celle-ci
repose sur une variabilité génétique au sein de l’espèce. En
d’autres termes, chaque individu ne porte qu’un seul type de fleur,
qui ne change ni avec la localisation ni avec l’âge.
En plus de limiter les risques potentiels de consanguinité liés à
l’autofécondation2, la gynodioécie procure un avantage non
négligeable au thym lors de la colonisation d’un milieu après une
perturbation (par exemple après un incendie). En effet,
contrairement aux hermaphrodites, les individus femelles peuvent
concentrer leur énergie sur la production de graines. Les femelles
produisent ainsi en moyenne deux à cinq fois plus de graines que
les hermaphrodites. Elles ne produiront quasiment que des
femelles dans leur descendance, favorisent ainsi la colonisation du
milieu par l’espèce. Alors qu’en moyenne les populations de thym
comportent environ 60 % d’individus femelles, les jeunes

62
populations de thym peuvent comporter jusqu’à 90 % de
femelles.

1. Les anthères sont les parties terminales des étamines. Ce sont


les organes mâles des fleurs qui produisent et renferment le
pollen.
2. L’autofécondation est la fécondation d’un ovule par du pollen
issu de la même plante. Même s’il peut sembler pratique, ce type
de reproduction présente des risques d’appauvrissement du
patrimoine génétique de l’espèce, ayant pour conséquence de
limiter sa capacité d’adaptation.

63
6

LA POLLINISATION : LE RÔLE DES ABEILLES

L
es plantes de la famille des Lamiacées ont un rôle vital
dans les milieux ouverts méditerranéens comme les
garrigues. En effet, les plantes de cette famille sont de
loin les plus importantes productrices de nectar, tant au niveau du
volume que de la teneur en sucre, un élément essentiel pour la
survie de diverses espèces d’insectes pollinisateurs. Le thym
n’échappe pas à cette règle, bien au contraire, lui qui peut
coloniser de manière très dense de grandes étendues. Sa floraison
étant plutôt tardive (avant l’été), il constitue aussi une source non
négligeable d’apports en eau face à la longue période de
sécheresse estivale dans l’écosystème méditerranéen.
Même si des espèces de papillons ou de diptères (mouches)
participent à la pollinisation du thym, celle-ci est essentiellement
assurée par les abeilles. Elles peuvent représenter de 60 % à
90 % de l’ensemble des pollinisateurs du thym. Ce dernier étant
une excellente plante mellifère, il constitue une importante source
d’énergie pour les abeilles.
Chaque visite dure en moyenne un peu moins de deux
secondes. Une abeille peut ainsi visiter plusieurs centaines de
fleurs lors d’une sortie.
Le miel de thym produit par les abeilles est d’une grande
qualité1, il est réputé et très recherché. Il était d’ailleurs privilégié
par les apothicaires comme ingrédient pour confectionner
certaines préparations comme la célèbre Thériaque de Montpellier.
Toutefois, en conséquence de la fermeture du milieu2, ce miel
typique des garrigues devient de plus en plus rare.

Abeilles et chémotypes

64
Les abeilles sont capables de distinguer, d’apprendre et de
choisir des odeurs. Elles peuvent ainsi distinguer l’odeur émise par
les feuilles de celle émise par les fleurs. Cette différenciation leur
permet de détecter à distance les plantes qui leur fourniront une
récompense. Cette communication olfactive a un rôle clé dans la
relation entre les plantes et les insectes pollinisateurs, puisqu’elle
leur permet de se synchroniser (pollinisation contre nectar).
Les chémotypes de thym proposent une gamme variée d’huiles
essentielles aux compositions chimiques distinctes. Cependant,
dans la nature les abeilles visitent de manière indifférente les
fleurs des différents chémotypes, leur choix étant plutôt guidé par
des facteurs géographiques (proximité de la ruche). Néanmoins,
lors de tests réalisés en jardin, où les abeilles avaient le choix
entre plusieurs chémotypes, elles ont montré qu’elles avaient une
préférence pour le chémotype Géraniol (suivi par le Thymol, le
Carvacrol et enfin l’Alpha-terpinéol). La préférence pour le
Géraniol pourrait s’expliquer par le fait que ce composé chimique
soit le composant majeur de la phéromone de Nasonov. La
phéromone de Nasonov est sécrétée par les abeilles ouvrières et a
plusieurs rôles : marquer l’entrée de la ruche, repérer une source
d’eau ou de nourriture, guider les abeilles lors de l’essaimage.

Abeilles et gynodioécie
Diverses études ont montré que la taille des fleurs améliore
l’attraction des pollinisateurs. Dans le cas du thym, les fleurs
hermaphrodites ont particulièrement besoin d’être visitées par des
pollinisateurs pour que leur pollen soit dispersé sur d’autres fleurs.
En revanche, le besoin de visite pour la fécondation des ovules est
moins important. Ainsi, en produisant des fleurs plus grandes et
donc plus visibles, les individus hermaphrodites augmenteraient
leur taux de visite par les abeilles. En outre, les hermaphrodites
produiraient plus de nectar afin d’attirer les pollinisateurs qui
recevraient une récompense plus importante et donc plus
intéressante.

65
1. Pour plus d’informations, voir Les abeilles et le chirurgien,
édition du Rocher, 2012.
2. Depuis les années 1950, suite à l’exode rural, la diminution du
pastoralisme ou encore le changement d’utilisation des terres, les
milieux se ferment : les garrigues disparaissant au profit de la
forêt à chêne vert.

66
7

LA DISSÉMINATION DES GRAINES

A
près la fécondation des ovules, les fleurs produisent les
graines. C’est au début de l’été que les graines arrivent à
maturité et qu’elles sont donc prêtent à être disséminées
pour assurer la survie de l’espèce.
La dissémination des graines de thym se fait sur de
relativement courtes distances (de quelques mètres à quelques
dizaines de mètres). Après être tombées sur le sol au pied des
plantes mères, la dissémination des graines se fait essentiellement
par le biais des eaux de ruissellement (lors de pluies) et des
fourmis. En effet, durant l’été les graines de thym représentent
une ressource alimentaire non négligeable pour les fourmis. Ces
dernières récupèrent les graines tombées sur le sol, pour les
ramener et les stocker dans leurs fourmilières. Cependant, lors du
transport des graines sont égarées par les fourmis, qui participent
ainsi à la dissémination de l’espèce sur de petites distances.
Malgré la quantité produite1, le nombre de graines de thym qui
donneront des individus adultes est relativement faible. Ceci
s’explique du fait de la prédation par les récolteurs de graines
comme les four-mis, de mortalité de graines suite à des attaques
de pathogènes ou encore du sol trop dur qui empêche certaines
plantules de s’établir.

1. Un pied de thym produit en moyenne un peu plus de 350


graines viables par an.

67
8

LES AMOUREUX DU THYM

La cuscute du thym

C
omme son nom le suggère, la cuscute du thym (Cuscuta
epithymum) est un parasite végétal du thym. Cette
plante ne dispose pas de feuilles et est non
chlorophyllienne (c’est-à-dire qu’elle ne réalise pas la
photosynthèse). Composée de tiges de couleur orange rougeâtre
qui s’enlacent autour des branches du thym, la cuscute se nourrit
à l’aide de suçoirs grâce auxquels elle prélève de la sève
directement dans son hôte.

Le moucheron des galles


Le moucheron des galles (Janetiella thymicola) est un diptère
de petite taille (environ un millimètre) qui pond ses œufs dans les
tiges en croissance du thym. En réaction, la plante produit une
galle, dans laquelle de petites larves de couleur orange vont se
développer. Peu avant leur dernière métamorphose, les larves
sortent de la galle et se laissent tomber sur le sol, dans lequel
elles s’enterrent. Dès que les conditions environnementales sont
favorables, les larves se métamorphosent et des adultes ailés
sortent du sol. Ne vivant qu’un seul jour, les moucherons
cherchent rapidement à s’accoupler et pondre leurs œufs.
Même s’il est intimement lié au thym pour réaliser son cycle de
vie, le moucheron des galles a tout de même des préférences. En
effet, lorsqu’il a le choix (et le temps pour choisir), il préfère
pondre ses œufs sur les thyms non phénoliques (et en particulier
le Géraniol) plutôt que sur les thyms phénoliques. Cette différence
proviendrait de la toxicité plus forte que les huiles essentielles de

68
Thymol et de Carvacrol exerceraient vis-à-vis du moucheron des
galles.

Le lapin
Bien entendu, nous ne manquons pas de mentionner le lapin.
Celui-ci adapte son régime alimentaire en fonction de la qualité et
de la quantité des ressources disponibles autour de lui. Le lapin
consomme une grande diversité d’espèces végétales tout au long
de l’année. Parmi toutes ces espèces, le thym tient une place
particulièrement importante l’été et peut constituer jusqu’à 30 %
de son alimentation. La chair du lapin prend d’ailleurs un goût
particulier après avoir mangé du thym.

L’humain
Il est incontestable que les hommes font partie des amoureux
du thym. Les nombreuses vertus que nous offre cette plante l’ont
depuis longtemps placée au cœur de nos traditions. Cependant,
cet amour est parfois tellement fort qu’il nous fait oublier que le
thym est une ressource naturelle épuisable. Ses nombreux atouts
sont alors bien peu de choses face à nos techniques de
prélèvement qui peuvent engendrer des phénomènes de
surexploitation jusqu’à la disparition des populations sauvages de
thym. Bien plus qu’une nécessité, gérer durablement cette
ressource naturelle, comme toutes les autres d’ailleurs, est un
devoir.

69
9

LA CUEILLETTE ET LA TRANSFORMATION DU
THYM

Les forêts précèdent les hommes, les déserts les suivent.


François-René de Châteaubriand

C’est là que je vis pour la première fois des touffes d’un vert
sombre qui émergeaient de cette baouco et qui figuraient des
oliviers en miniature. Je quittais le chemin, je courus toucher les
petites feuilles.
Un parfum puissant s’éleva comme un nuage, et m’enveloppa tout
entier. C’était une odeur inconnue, une odeur sombre et
soutenue, qui s’épanouit dans ma tête et pénétra jusqu’à mon
cœur.
C’était le thym, qui pousse au gravier des garrigues : ces quelques
plantes étaient descendues à ma rencontre, pour annoncer au
petit écolier le parfum futur de Virgile. 1

La cueillette traditionnelle du thym dans les


garrigues
La cueillette était généralement pratiquée par des personnes
pauvres ou ne possédant pas ou peu de terres. Elle permettait à
certains de tirer un revenu complémentaire, mais pour d’autres
c’était un revenu complet. Les cueilleurs apprenaient la cueillette
à travers la tradition locale, familiale. Ils travaillaient généralement
en équipe d’une dizaine de personnes, appartenant à la même
famille ou issues d’un même village. Des équipes plus petites
existaient également. Elles étaient généralement reliées à des

70
équipes plus importantes qui leurs rachetaient le fruit de leur
travail.
Les cueilleurs récoltaient dix à quinze espèces de plantes, à
une distance de quelques dizaines de kilomètres maximum de leur
lieu d’habitation. De part leur abondance naturelle et la forte
demande en provenance des apothicaires, parfumeurs eu autres
marchands montpelliérains, le thym, le romarin et la lavande
constituaient les plantes socles de l’activité de cueillette en
garrigue.
La récolte se faisait manuellement à l’aide d’une faucille et
d’un sac en toile, que l’on remplissait de plantes au fur et à
mesure de la cueillette. Après leur récolte, les plantes étaient soit
séchées, battues, puis triées afin d’obtenir de la feuille mondée
(utilisée par les herboristes ou comme condiments), soit distillées
pour obtenir de l’huile essentielle.
Entre le XIIIe et le début du XXe siècle, l’essentiel du commerce
des plantes était concentré vers la ville de Montpellier. En 1768, le
témoignage d’un observateur anonyme nous résume la situation
en ces mots : « Nos campagnes sont remplies de thym, serpolet,
lavande… qu’on n’a que la peine de cueillir et envoyer. Les
essences de ces choses ne manquent pas et ceux qui font ce
commerce gagnent beaucoup, puisqu’avec rien, ils peuvent
remplir un magasin, qui, par la débite, donne des gains
immenses. »
N’étant pas propriétaires terriens, des autorisations devaient
être délivrées aux cueilleurs. Les auto-risations de ramassage
étaient bien souvent délivrées à titre gratuit, mais sous certaines
conditions fixées par le service forestier : « Les plantes
aromatiques ne devront pas être arrachées ; elles devront être
coupées à la faucille ou au moyen de ciseaux », « les produits
seront portés à dos d’hommes jusqu’aux chemins ordinaires »,
« l’extraction et l’enlèvement des produits concédés ne pourront
avoir lieu que du lever au coucher du soleil ». La cueillette était
surveillée par les gardes forestiers communaux, qui faisaient
régulièrement des comptes rendus.
Malgré le déclin de la parfumerie montpelliéraine, au début
du XXe siècle la cueillette du thym était encore bien
présente en garrigue, trouvant des débouchés notamment du

71
coté de Nîmes pour l’herboristerie ou de Grasse pour la
parfumerie. Pour l’année 1910, la production d’huile essentielle
dans les garrigues héraultaises s’élevait à dix tonnes pour le
thym. La production d’un kilo d’huile essentielle de thym
nécessitant 250 kg de plante fraîche, environ 2 500 tonnes de
thym frais furent récoltées cette année-là pour produire ces dix
tonnes d’huile essentielle de thym !
Mais après la Première guerre mondiale, cette activité connut
une importante phase de récession. En 1919 la production dans
l’Hérault n’était plus que de 300 kilos d’huile essentielle pour le
thym et le romarin confondus. Cette diminution fut la
conséquence du renforcement de la concurrence espagnole
produisant à meilleur marché, de la plantation de vignes (alors
plus rentables que les plantes aromatiques et médicinales) ou
encore du développement de la chimie de synthèse.
Malgré la forte diminution de l’industrie des plantes
aromatiques et médicinales en garrigue, des groupes de cueilleurs
étaient toujours en activité au début des années cinquante. Une
étude de 2010 permit d’identifier qu’entre 1950 et jusqu’au milieu
des années 1960, en moyenne une trentaine de cueilleurs
professionnels récoltaient le thym dans les garrigues.
Suite à l’exode rural, à la mise en place de règlementations
contraignantes, à la disparition du diplôme d’herboriste en 1941, à
la pénibilité du métier et au manque de jeunes pour reprendre les
activités, le nombre de cueilleurs s’est effondré en l’espace de
quelques années.
Au début des années soixante-dix, les garrigues héraultaises
ne comptaient plus qu’une petite poignée de cueilleurs
professionnels de thym.

Les effets de Tchernobyl : dits et non-dits


Pour des raisons sanitaires liées à l’accident de Tchernobyl de
1986, un arrêt de la consommation de thym stoppa nette l’activité
des derniers cueilleurs professionnels, signant la fin de la longue
tradition de cueillette du thym dans les garrigues.
En effet le thym est considéré comme un bio-indicateur de
radioactivité par l’Institut de Radioprotection de Sûreté Nucléaire

72
et l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).
Le CRIIRAD (Commission de Recherche et d’Information
Indépendantes sur la Radioactivité) a contesté un communiqué de
l’Agence France Presse du 25 juillet 1986, affirmant que pour le
thym, en basant le calcul sur une radioactivité de césium de 3000
becquerels par kilo, il faudrait qu’une personne consomme 100
kilos de thym par an pour atteindre un risque.
Les risques potentiels pour la santé associés à la
consommation de thym installèrent le doute dans les esprits.
Après cinq ans, la consommation et la production de thym
reprirent, mais sans les cueilleurs traditionnels des garrigues qui
avaient pour la plu-part changé d’activité.

Les effets de Fukushima


L’accident de Fukushima en 2011 réveilla le spectre de la
radioactivité et de son accumulation dans le thym, avec son lot
d’interrogations à propos de la consommation de cette plante.
Mais le rapport d’analyse de l’ACRO (Association pour le Contrôle
de la Radioactivité dans l’Ouest) réalisé à la demande du syndicat
SIMPLE (Syndicat Inter-Massifs pour la Production et L’Économie
des simples) est rassurant. En effet, des échantillons de plantes
prélevés dans différents endroits de France entre le 20 avril et le
11 juillet 2011 ont été analysés en septembre 2011. Parmi les
différentes espèces de plantes analysées se trouvaient des
échantillons de thym en provenance des massifs des Cévennes,
des Grands Causses et des Alpes. Les recherches de l’ACRO2 ont
conclu : pas de détection de Césium 134 et de Césium 137.
Le thym peut donc être consommé sans risques.

Quand et comment récolter le thym ?


Tout d’abord, il est préférable de récolter le thym par beau
temps, car il sera plus aromatique (riche en huile essentielle).
Lorsque l’on souhaite cueillir du thym, il est primordial d’avoir
à l’esprit qu’après la récolte la plante doit pouvoir survivre et se
régénérer. Pour cela, la règle est simple : il convient de ne

73
prélever que les 2/3 de la partie feuillue3, en évitant de
couper la partie ligneuse (bois) et surtout sans arracher
les racines ! De plus, selon la qualité du milieu dans lequel le
thym pousse, sa capacité de régénération peut être plus ou moins
importante. Ainsi, selon la qualité du milieu, il est préférable
d’effectuer un prélèvement par an ou tous les deux ou trois ans.
La récolte peut être réalisée à l’aide d’une faucille, d’un
sécateur ou d’un couteau le cas échéant, afin de réaliser une
coupe nette.

La transformation du thym
Après récolte, le thym peut être soit consommé frais, soit
transformé sous forme d’huile essentielle ou sous forme mondée.
Pour obtenir de l’huile essentielle de thym, la récolte se fait au
printemps, lorsque la plante est en fleur. Les sommités fleuries
fraîches sont placées directement dans un alambic dans les trois
jours suivant la récolte. Le processus de distillation dure plusieurs
heures. Pour obtenir un kilo d’huile essentielle, il faut dis-
tiller en moyenne 250 kg de thym frais !
Pour obtenir du thym mondé, c’est-à-dire débarrassé des
branches, tiges et des impuretés comme les poussières, le thym
se récolte après les épisodes pluvieux d’automne, de novembre à
mars (feuilles mondées) ou au printemps (feuilles et fleurs
mondées). Après récolte, le thym doit être séché en couche mince
d’une dizaine de centimètres d’épaisseur (plus la couche est
mince, plus le séchage sera rapide), dans un endroit aéré, chaud
et sec, afin d’éviter le développement de moisissures. Attention, la
température de séchage ne doit pas être trop élevée, car cela
ferait évaporer l’huile essentielle du thym. Il faut compter entre
trois et sept jours de séchage par beau temps.
Une fois séché, soit le thym est conservé en l’état, soit le
processus de transformation se poursuit. Dans ce cas le thym doit
être battu, pour séparer les feuilles des branches, puis tamisé afin
d’obtenir un produit débarrassé des impuretés (herbes, tiges,
poussières…). De nombreux facteurs, comme la teneur en eau du
produit frais, le chémotype ou encore la période de récolte,
influencent le rapport de transformation. Celui-ci peut ainsi varier

74
de un pour cinq (5 kg de thym frais pour obtenir 1 kg de feuilles
mondées) à un pour huit.

Comment conserver le thym ?


Le thym frais peut être stocké au réfrigérateur enveloppé dans
du papier journal ou papier kraft, jamais dans un sac plastique.
Humidifié, il peut être mis dans des pots en verre teinté foncé, et
pourra ainsi être conservé plusieurs mois loin de la lumière.
Concernant la conservation au congélateur, comme nous
l’avons vu les gelées sévères (comparable à la température d’un
congélateur, à -18°C) engendrent une dégradation des glandes
contenant l’huile essentielle. Si l’on souhaite préserver les arômes
du thym frais, ce mode de conservation ne semble donc pas
vraiment approprié.
Le mode de conservation le plus intéressant du thym est sous
forme sèche. En effet, s’il est bien séché et conservé dans de
bonnes conditions, dans un endroit à l’abri de l’humidité et d’une
exposition prolongée à la lumière directe, le thym pourra être
conservé plusieurs années. Cette solution est très intéressante au
point de vue de la préservation des arômes et de la durée de
conservation.

Les différents chémotypes de thym se


récoltentils tous de la même manière ?
Lors d’une étude réalisée en 2010, portant sur le recensement
des savoirs traditionnels associés à la cueillette du thym, des
cueilleurs professionnels ont indiqué qu’ils ne cueillaient pas les
chémotypes de la même manière. De ces observations et sur la
base de données fournies par le CEFE-CNRS sur les chémotypes,
une étude scientifique fut menée en 2011 via une collaboration
entre Flore en Thym et le laboratoire AMAP (botAnique et
Bioinfor-Matique de l’Architecture des Plantes). Les premiers
résultats ont permis de confirmer que des différences
morphologiques existaient entre les différents chémotypes de
thym. L’étude de la morphologie des chémotypes se poursuit

75
actuellement et devrait à terme permettre de fournir des éléments
précis pour la compréhension du mode de développement des
différents chémotypes, ainsi que leur régénération après récolte.
Une démarche complexe mais nécessaire pour assurer une
gestion la plus respectueuse possible du thym dans toute sa
diversité. Affaire à suivre…

1. Marcel Pagnol, La Gloire de mon Père, 1957, chapitre 22.


2. www.acro.eu.org
3. La partie feuillue dont nous parlons correspond à la repousse
de l’année, c’est-à-dire les branches (A2) + les rameaux courts
(A3). Cf. figure 2, dessin A.

76
Troisième par tie

La santé par le thym

77
L
es passionnés d’écologie savent bien que la santé passe
d’abord par l’alimentation. Ils ont retrouvé le célèbre
aphorisme d’Hippocrate, que ton aliment soit ta
médecine. Ils ont redécouvert, face aux excès de la grande
bouffe, les vertus, les finesses de l’alimentation méditerranéenne1
et ses merveilleuses conséquences pour la santé. Ils ont même
rejoint la célèbre phrase du grand biologiste Jean Rostand : « Il
vaut mieux un bon menu qu’une ordonnance » !
Au-delà de ces qualités nutritionnelles reconnues et
retrouvées, les chercheurs ont isolé d’authentiques vertus médico-
chirurgicales à de nombreux trésors que la nature du pourtour de
Mare Nostrum nous procure.
Je les livre une par une à mes collègues les plus éloignés de
l’écologie, enfermés dans les certitudes des laboratoires
pharmaceutiques, lesquelles, si justes soient-elles, ne doivent pas
nous détourner de l’héritage de siècles d’expérience, qui
appartient aussi à la science et à la santé.
Le thym est passé de son état d’herbe tradition-nelle à une
utilisation médico-chirurgicale avec des indications précises,
surtout comme médication familiale. La grande Hildegarde de
Bingen (1098-1179) – devenue Docteur de l’Église en 2012 – le
préconisait déjà.
De nombreux effets pharmacologiques ont ainsi pu être
identifiés, avec l’huile essentielle de thym et à partir d’extraits
divers. Ainsi le thym appartient-il à la phytothérapie
moderne, car ses effets empiriques sont entrés dans le vaste
champ des découvertes des grands laboratoires de recherche.
Ses avantages hors de la médecine ne sont pas moindres, vu
son utilisation dans l’alimentation et dans l’industrie des arômes,
la parfumerie (où il n’est plus utilisé actuellement) et la
cosmétique.

1. Changez d’Alimentation, Henri Joyeux, 7e éd. aux Éditions du


Rocher, 2013.

78
1

LE THYM ET LA SANTÉ DANS L’HISTOIRE

Au XIIe siècle Sainte Hildegard1 se servait du thym pour soigner


la lèpre, les paralysies et l’infection par les poux dite pédiculose
qui entraînait du prurit par les minimes morsures de poux jusque
dans le cuir chevelu.
Au XVIe siècle, les « herbalistes » traitent avec du thym les
crampes abdominales, le hoquet, et jusqu’aux morsures de
n’importe quelle bête venimeuse ; ils l’utilisent également pour
chasser les cauchemars, car ils ont remarqué ses effets positifs
sur le sommeil.
Le camphre de thym, nommé thymol est découvert en 1719
par Caspar Neumann.
En 1867, les propriétés du thym utilisé dans le bain
démontrent leur pouvoir révulsif puissant et permettent de le
prescrire contre les rhumatismes.
Les propriétés sur la circulation et les centres nerveux, sont
diffusées par le Dr Campardon, se manifestant par une plus
grande amplitude du pouls, une augmentation des forces
physiques, une meilleure digestion et le relèvement moral.
En 1894 Miquel démontre le pouvoir bactéricide des vapeurs
de thym.
L’action bactéricide du thym est rapportée en 1897, en
particulier contre le bacille du charbon.
Plusieurs médecins dont H. Leclerc, Tonio Gordonoff,
toxicologue et pharmacologue suisse d’origine russe vont prescrire
le thym en tisane pour stimuler la circulation périphérique, réduire
la fatigue. Il sera même généralisé en 1935 par Flamm et Kroeber
dans toutes les maladies infectieuses, du système respiratoire,
jusqu’au système gastrointestinal et urinaire pour traiter les
cystites à répétition.

79
L’essence de thym avec le thymol, sera même utilisée par
Meyer et Gottlieb comme antiseptique mieux que le phénol, l’eau
oxygénée, ou le permanganate de potassium.
Novi en Italie aurait démontré, d’après notre collègue Jean
Valnet, l’action activatrice sur les globules blancs. Elle serait donc
intéressante dans les suites des chimiothérapies « aplasiantes »
(qui détruisent les globules blancs qui ont une durée de vie
normalement d’une semaine).
Au XXIe siècle, donc récemment, le thym rejoint ce qu’on
appelle pompeusement Evidence Based Medicine. En effet des
chercheurs grecs du Technological Educational Institute des Îles
Ioniennes, lors de la réunion de printemps 2010 de la Society for
General Microbiology à Edimbourg, affirment que « l’huile
essentielle de thym serait la plus efficace qui soit contre les
staphylocoques, capable de détruire presque 100 % d’un
inoculum de ces bactéries en moins d’une heure, et ce pour de
nombreuses espèces du genre ».
Ainsi les huiles essentielles, ou certains de leurs composants,
devraient être largement incorporés à des crèmes et autres gels
destinés au traitement d’infections cutanées et autres, quand elles
sont facilement accessibles.
Ces chercheurs vont encore plus loin, évoquant évidemment
des indications dans l’industrie alimentaire, en packaging ou pour
remplacer des composés chimiques utilisés comme conservateurs.
On sait maintenant que le thym est un allié du système
immunitaire, que notre alimentation entretient ou perturbe selon
les cas. Il peut être intégré partout où il nous semble
appétissant… Tarte aux oignons et thym, muffins au thym, sauce
tomate au thym, huile assaisonnée au thym, omelette au thym…

1. Voir notre livre Le Chirurgien et le Pasteur en quête du premier


thérapeute, éditions du Rocher, à paraître. Hildegarde de Bingen
affirmait dans Scivias : « L’âme dans le corps est comme la sève
dans l’arbre, et ses facultés sont comme les rameaux de l’arbre. »

80
2

COMPOSITION DU THYM

O
n retrouve dans la plante du thym, issu de la terre des
zones sauvages du pourtour méditerranéen, une forte
proportion (pour 100 g) de vitamine K et de calcium,
tous deux indispensables à la coagulation du sang. Ainsi les
écorchures des ronces et autres piquants des garrigues peuvent
être traitées aisément avec quelques feuilles de thym.

Sont aussi présents :


– trois oligo-éléments essentiels, le fer (nécessaire au
fonctionnement normal des globules rouges), le manganèse1
et le zinc utiles à la cicatrisation ;
– l’acide aminé tryptophane (0,01 g pour 100 g), précurseur
de la sérotonine2, neurotransmetteur indispensable au repos
du sommeil. Le tryptophane est un acide aminé essentiel qui
doit être apporté par l’alimentation, car le corps ne peut pas le
synthétiser. Dans le thym il représente 3,1 % des besoins
quotidiens.

Le thym brûlé le soir apporte un sommeil paisible,


régénérateur et sans cauchemars.

Le tableau suivant présente les constituants dans 100 g de


thym sec, avec les Apports Journaliers Recommandés (AJR) pour
les trois grands nutriments : protéines, glucides et lipides, avec la
présence des acides gras. Les lipides sont constitués à la fois
d’acide gras monoinsaturé (l’acide oléique identique à celui de
l’huile d’olive) et d’une quantité intéressante d’acides gras
essentiels, polyinsaturés utiles à notre système nerveux central.
L’apport glucidique est net, lui donnant un subtil goût sucré
quand on suce quelques feuilles de thym, assez longtemps après

81
les premières sensations de picotement et d’amertume.

Nutriments du thym sec, valeurs moyennes


et pourcentage des besoins quotidiens pour
100 g
% de la dose
Composition Quantité
journalière
Calories 291 kcal 15 %
Protéines 6,07 g 12 %
Lipides 4,94 g 7%
Acides gras saturés 2,73 g
Acides gras mono-insaturés 0,47 g
Acides gras poly-insaturés 1,19 g
Sodium 36,7 mg 2%

Trois vitamines liposolubles sont présentes en quantités


relativement importantes : la vitamine A, nécessaire à notre
rétine et à notre vision quand le jour tombe ; la vitamine E, celle
de la fécondité, à consommer en grande quantité quand on ne
parvient pas à avoir des enfants ; et la vitamine K, ainsi que
cinq vitamines hydrosolubles du groupe B dont nous avons
besoin pour le fonctionnement adéquat de notre système nerveux
central, encéphale et moelle épinière.
La vitamine B9, ou acide folique, est très importante et
même essentielle dans l’alimentation de la femme enceinte pour
prévenir l’anomalie congéni-tale dite spina bifida. On sait même
aujourd’hui que le père doit en consommer dans les mois
précédant la conception de son enfant pour que ses
spermatozoïdes soient prêts à la meilleure fécondation de l’ovule.

MINÉRAUX
Magnésium 110 mg 29 %
Phosphore 134 mg 19 %
Potassium 541 mg 27 %
Calcium 1260 mg 158 %

82
OLIGO-ÉLEMENTS
Fer 82 mg 19.2 %
Manganèse 7,87 mg 11 %
Cuivre 0,86 mg 86 %
Zinc 6,19 mg

VITAMINES
A (Béta-carotène) 2270 microgr 284 %
E 9.15 mg 76%
K 0.48 mg 60 %
C 16.7 mg
B1 0.34 mg
B2 0.26 mg
B3 3.28 mg
B6 0.31 mg 22 %
B9 Acide Folique 91.3 microgr

Table de composition nutritionnelle des aliments. Ciqual 2012.

Le thym contient en plus des molécules antioxydantes


comparables à celles que l’on trouve dans les vins sous forme de
tanins ou même dans les thés longuement infusés, des
flavonoïdes et polyphénols.

Les flavonoïdes
La feuille de thym contient des flavonoïdes (pigments jaunes)
aux propriétés anti-inflammatoires, antioxydantes et
antispasmodiques. Ce sont des dérivés de la quercétine, de
l’apigénine, la naringenine, la thymonine et de la lutéoline. On les
retrouve dans beaucoup d’autres plantes mais ici, dans la feuille
de thym, ils ne sont associés ni à des alcaloïdes ni à d’autres
composés plus ou moins toxiques (toxiques pour le foie ou à
risque de créer des mutations cancérigènes).

Les polyphénols

83
Ils sont présents dans la feuille de thym : caféique,
chlorogénique, lithospermique, rosmarinique, et leurs dérivés sont
d’importants antioxydants. Ils possèdent aussi d’autres
potentialités intéressantes : ce sont des inhibiteurs enzymatiques
(ex : anti-inflammatoire ou antiallergique), également antiviraux
et cytostatiques (protection des cellules qui peuvent mener une
vie normale et ne pas se multiplier à l’infini comme les cellules
cancéreuses).

1. Le manganèse est nécessaire à l’activité de nombreux enzymes


du métabolisme des sucres. Comme oligo-élément il a un rôle
anti-oxydant et antiveillissement au niveau cellulaire. Il est
nécessaire au fonctionnement des vitamines E et B1 (thiamine) et
peut aussi remplacer le zinc pour d’autres enzymes.
2. Le système nerveux central a besoin d’un neurotranmetteur la
sérotonine, nommée 5-hydroxytryptamine (5HIA). Cette"hormone
locale” joue le rôle de neurotransmetteur impliquée dans la
régulation du cycle jour/nuit. On observe des carences dans les
désordres psychiatriques chroniques même banaux : stress,
anxiété, phobies, dépression. La drogue très dangereuse l’ecstasy
(désigne un produit comprenant une molécule de la famille des
amphétamines, la MDMA – méthylènedioxymétamphétamine –,
responsable des effets psychoactifs qui combinent certains effets
des stimulants et ceux des hallucinogènes. Après une euphorie
passagère, sensation de bien-être, survient vite une sensation
d’angoisse, une incapacité totale à communiquer. En général, les
effets durent entre deux et quatre heures avant « la descente »,
qui s’apparente à une forme de dépression plus ou moins
intense.) ou même une boisson comme le Redbul ont des effets
anti-sérotonine dont les jeunes se servent lors des fêtes nocturnes
et les automobilistes lors des conduites de nuit.

84
3

LE RÔLE ANTIOXYDANT, PROTECTEUR DES


MEMBRANES CELLULAIRES

L
e thymol est le premier constituant volatile du thym. Ses
effets ont été très documentés expérimentalement chez
les petits animaux, rats et souris. Chez des rats âgés,
supplémentés en thym par voie orale, on observe une protection
et une augmentation significative du pourcentage de graisses
dans la membrane des cellules, en particulier la quantité de DHA,
c’est à dire d’acides gras oméga 3, dans les tissus du cerveau, des
reins et des membranes des cellules du cœur. Ces effets sont
augmentés quand le thym est apporté précocement dans la vie de
l’animal.
Il ne s’agit pas d’en tirer des conclusions outrancières pour
l’humain, simplement de comprendre les vertus expérimentales
des extraits de thym.

85
4

LES RÔLES : ANTIBACTÉRIEN, ANTIFUNGIQUE ET


CONSERVATEUR

L
es composés volatils ont aussi des effets dits
« bactéricides » capables de neutraliser des bactéries
telles que Staphylococcus aureus, Bacillus subtilis,
Escherichia coli et Shigella sonnei.
Depuis des milliers d’années, le thym est utilisé avec d’autres
épices pour préserver et conserver les aliments périssables des
contaminations micro-biennes.
En février 2004, des chercheurs ont publié dans la revue Food
Microbiology que l’huile essentielle de thym est capable de
décontaminer de la bactérie Shigella les salades (laitue)
responsables de diarrhées aiguës, toxiques pour la muqueuse
intestinale.
Ces recherches ont amené à démontrer que le thym peut être
considéré comme un excellent conservateur naturel des aliments
frais qui ne passent pas par la phase de cuisson. En plus du goût
donné à l’aliment consommé frais, s’ajoute l’effet protecteur pour
la santé. Les marchands de légumes devraient « arroser » de
poudre de thym leurs salades sur les étalages. Ils en vendraient
davantage.

Le thym n’est pas reconnu parmi les aliments responsables


d’allergie. Il ne contient ni oxalates, ni purines, qui sont des
molécules allergisantes. Au contraire, il est considéré comme
protecteur d’allergies alimentaires.

En cosmétique, par contre, des allergies en particulier aux


chémotypes géraniol et linalol sont possibles, qui peuvent
occasionner des réactions érythémateuses (rougeurs). On

86
conseille dans les quarante-huit heures précédant l’utilisation une
application au pli du coude.

87
5

LE THYM EN PHYTOTHÉRAPIE : LA MÉDECINE


ANCESTRALE

À
la place d’une tasse de café l’infusion de thym, de bon
matin, réveille l’esprit, libère l’estomac en facilitant la
digestion du petit-déjeuner, supprime les toux et
expectorations matinales, donne le tonus pour la matinée.
Le thym a des effets antimicrobiens : antiviral, antibactérien et
même antifongique (contre les champignons), il est utile pour
traiter les attaques de rhume, grippe, bronchite. Il faut donc le
considérer comme un élément de prévention, pour stopper le tout
début de ces affections. Point besoin de médecin à ce stade
évidemment.
On le retrouve pour stimuler l’appétit, il fait partie de la poudre
lénifiante de Nicolas de Salerne1 pour adoucir, apaiser, destinée à
traiter l’abattement mélancolique pour réjouir et recréer les sens.
Le vin aromatique, en plus du romarin, de la sauge, de la
lavande et de l’origan, contient du thym et des feuilles de laurier.
L’usage de ce vin est « extérieur » et s’applique avec des
compresses pour fortifier les muscles. On l’applique chaud pour
résoudre les contusions.
On utilise de la même façon la teinture ou eau vulnéraire
rouge composée des sommités sèches de sauge, d’absinthe, de
fenouil, de sarriette, de lavande, de mélisse, de thym et de
romarin… mélangées à de l’eau de vie à 22°C.
Le thym est présent dans l’eau vulnéraire spiritueuse qui
s’emploie extérieurement ou dans l’eau de Cologne de Jean-
Antoine Féminis ou Farina, et dans les alcoolats d’herbes
odorantes, de même que dans l’eau impériale, associée à la
cannelle, aux girofles, aux écorces d’orange et de citrons…

88
1. Les médecins et les chirurgiens, qui rédigeaient des
ordonnances de préparations que l’on qualifie aujourd’hui de
magistrales, se devaient par ailleurs d’avoir des connaissances
approfondies sur la manière de préparer les médicaments. Ces
connaissances étaient présentées dans des livres de recettes
qualifiés d’antidotaires puis de pharmacopées au milieu du XVIe
siècle.
La principale pharmacopée médiévale, l’antidotaire de Nicolas de
Salerne (XIIe siècle) est un ensemble de cent quarante recettes
classées par ordre alphabétique avec les indications résumées de
leur utilisation.

89
6

L’HUILE ESSENTIELLE DE THYM : INTÉRÊT ET


PRÉCAUTIONS D‘UTILISATION POUR
L’AROMATHÉRAPEUTE

« Produit odorant, généralement de composition complexe,


obtenu à partir d’une matière première végétale
botaniquement définie, soit par entraînement à la vapeur d’eau,
soit par distillation sèche, soit par un procédé mécanique
approprié sans chauffage. L’huile essentielle est le plus souvent
séparée de la phase aqueuse par un procédé physique
n’entraînant pas de changement significatif de sa composition. »1
Selon la monographie de la Pharmacopée européenne, la
matière première végétale peut être fraîche, flétrie, sèche,
entière, contusée ou pulvérisée, à l’exception des fruits du genre
Citrus qui sont toujours traités à l’état frais.
Les huiles essentielles peuvent subir un traitement ultérieur
approprié. Les fabricants distillent parfois plusieurs tonnes de
plantes pour obtenir un seul litre d’huile essentielle, ce qui
explique le prix de certaines huiles.
L’huile essentielle de thym comme les autres huiles essentielles
ne doit pas être utilisée pure en l’état, du fait de potentiels effets
toxiques. Seul un médecin aromathérapeute qualifié peut en
prescrire à raison d’une à deux gouttes. Un flacon de dix millilitres
(environ deux cents gouttes) vous suffit pour une année
d’utilisation.

Pour le professeur Michel Paris de l’Académie de


Pharmacie, à dose trop élevée (15 ml), l’huile essentielle
pourrait être mortelle chez l’adulte.
Il est donc absolument nécessaire de savoir quel est le
chémotype de thym utilisé dans l’huile essentielle, car certains

90
chémotypes à phénols sont caustiques, irritants de la peau et a
fortiori des muqueuses.
Notre ami Dominique Baudoux, passionné d’aromathérapie, a
publié en 2002 toute une collection pour se soigner avec les huiles
essentielles, sous le titre Douce alternative2.
Il y consacre six pages au thym :
– Deux pages au Thujanol ou Thuyanol, aux propriétés anti-
infectieuses importantes, qui a une action stimulante et
régénératrice des cellules hépatiques, dépourvue d’effets
secondaires, elle peut être utilisée pour stimuler la régénération
du foie après chirurgie hépatique ou dans la phase de
reconstruction d’une hépatite virale.
Au quotidien, dès que l’angine s’annonce ou menace,
deux gouttes sur un quart de morceau de sucre à sucer
balaient l’infection virale ou bactérienne en trois ou
quatre prises par jour. L’odeur de la garrigue envahit le
palais des saveurs et favo-rise à la fois l’expectoration et
la respiration.

– Deux pages au Thymol, huile essentielle presque trop


puissante, écrit Baudoux, très antibactérienne, mais aussi toxique
pour la peau et même le foie à doses élevées et prolongées. Elle
doit donc être utilisée diluée et par voie interne, essentiellement
digestive, autant dans les infections respiratoires que dans les
infections digestives ou les inflammations rhumatismales.

– Deux pages au Carvacrol, indiqué surtout pour les massages


dans le cadre des douleurs articulaires arthrosiques et
rhumatismales.

La biodisponibilité des huiles essentielles


dans l’organisme
Les données qui suivent sont dues à l’excellent travail
bibliographique réalisé par Jean-François Lesgards, docteur en
chimie et biochimie, spécialiste du statut antioxydant chez
l’humain (thèse en 2000 à Aix-Marseille III), qui nous a été confié

91
par notre consœur le docteur Anne-Marie Giraud, excellente
aromathérapeute d’Aix-en-Provence.
Les terpénoïdes, constituants majeurs des huiles essentielles,
peuvent pénétrer facilement dans l’organisme soit par absorption
orale, soit par diffusion à travers la peau, soit par inhalation.
Différentes enzymes présentes dans tous les organes, mais en
particulier dans le foie, vont les rendre plus solubles dans l’eau
pour en éliminer une part importante dans les urines. Ce sont les
enzymes de phase I (cytochrome P450) et de phase II qui sont
responsables de ces réactions et transforment ces composés, en
particulier, en sulfates et en glucuronides qui seront éliminés par
la bile dans le tube digestif.
Dans des modèles animaux comme chez l’homme de
nombreux produits de la métabolisation active des terpènes ont
été identifiés et retrouvés dans le sang et les urines (jusqu’à 75 à
95 %) mais le temps de métabolisation peut s’étaler sur un à trois
jours, ce qui donne le temps d’agir.

L’aromathérapie : l’utilisation des huiles


essentielles en thérapie
Le terme d’« aromathérapie » a été inventé dans les années
1920 par le biochimiste français René-Maurice Gattefossé3. Il
démontra les activités anti-septiques et la perméabilité de la peau
aux huiles essentielles.
En 1910, alors qu’il faisait des recherches en parfumerie, il se
brûla grièvement les mains, lors d’une explosion de laboratoire. Sa
blessure s’infecta et il fut rapidement atteint de gangrène
gazeuse, un mal qui à cette époque ne pardonnait pas. Dans un
geste désespéré, René-Maurice retira ses bandages et appliqua
sur ses plaies de l’huile essentielle de lavande, dont il se servait
pour ses parfums et qu’il soupçonnait être puissamment
antiseptique et cicatrisante. On raconte que les résultats furent
stupéfiants. René-Maurice Gattefossé, en tout cas, en réchappa.
Dès lors, il orienta ses recherches sur les propriétés des huiles
essentielles.

92
En 1937, il écrivait : « De cet immense domaine encore vierge,
nous avons commencé le défrichement. En dehors de leurs
propriétés antiseptiques et microbicides largement utilisées à
l’heure actuelle, les huiles essentielles possèdent des propriétés
anti-toxiques, antivirus, une action énergétique puissante, un
pouvoir cicatrisant incontestable, des propriétés thérapeutiques
étendues… »
L’autre grand maître de l’aromathérapie est le docteur Jean
Valnet avec ses nombreux livres, dont Docteur Nature aux éditions
Fayard, en 1980, et son Aromathérapie en poche (1964 à 1990).
Pour éviter toute causticité, les huiles essentielles doivent
impérativement être diluées dans une huile végétale (noisette,
amande douce, olive), en particulier pour leur utilisation chez
l’enfant, en friction, massage, bain, crème ou onguent. On peut
même les utiliser en association avec d’autres huiles, per os (à
avaler), ou pour inhalation, gargarisme ou dans la composition
d’un dentifrice.

1. Définition classique.
2. Éditions Amyris (2002).
3. René-Maurice Gattefossé (1881-1950) est l’un des pères
fondateurs de l’aromathérapie contemporaine : chercheur fécond
et compilateur minutieux, il est également l’inventeur du mot
« aromathérapie ». Ingénieur chimiste de formation, il a dirigé les
Établissements Gattefossé pendant la première moitié du XXe
siècle. Délaissant progressivement la parfumerie, son métier
d’origine, il a réorienté l’entreprise vers les secteurs de la
dermatologie et de la cosmétologie. Croyant profondément en la
science, au progrès et à la modernité, il s’est aussi passionné pour
ce qu’il appelait les « techniques oubliées » : les traditions
« archi-millénaires », les para-sciences. Son ambition, tout au
long de sa vie, a été de parvenir à concilier ces deux pôles. Il a
publié en 1906 le Guide pratique et formulaire du parfumeur
moderne, de nombreuses fois réédité.

93
7

LE THYM EN RECHERCHE

J
ean-François Lesgards apporte des données fort
intéressantes qui ouvrent des perspectives thérapeutiques
parfois originales, en particulier en cancérologie.

En pharmacologie expérimentale
Chez des rats, l’extrait éthanolique à 95 % de la plante
entière, administré dans l’estomac, à la dose de 500 mg/kg réduit
l’hyperthermie expérimentale.
Chez le cobaye, l’extrait alcoolique à 30 % de feuille et de
fleur a réduit in vivo le spasme expérimentalement induit sur une
anse intestinale isolée.
Chez le chat, l’extrait à 30 % de feuille se montre antitussif
administré par voie orale à la dose de 1 ml/kg, et favorise les
expectorations à la dose de 0,25 ml/kg.
Chez des lapines et des rates en gestation, on n’a pas
trouvé d’effets embryotoxique ou tératogénique sur la
descendance avec un extrait éthanolique à 40 % de parties
aériennes séchées, administré par voie orale à la dose de 1,6
ml/kg.
Chez des souris l’extrait de thym au thymol, in vitro, a un
effet anticoagulant en empêchant l’agrégation des plaquettes.
C’est l’effet pharmacologique qui s’inverse à fortes doses, ce que
tous les pharmacologues savent.

Dans une autre étude expérimentale in vitro, les extraits de


thym augmentent la production d’oxyde nitrique. Ce composé est
utile à la dilatation des vaisseaux sanguins, et jouerait ainsi un
rôle pour réduire l’incidence des maladies cardiovasculaires. Les

94
composés phénoliques seraient à l’origine de ces effets, dont le
thymol.

En recherche cancérologique in vitro


Jean-François Lesgards a poursuivi son étude bibliographique
sur le thème des huiles essentielles et de leur intérêt en
cancérologie. Bien que ce soit surtout les études in vitro qui sont
rapportées, elles doivent être signalées car elles ne sont pas sans
intérêt.
Le thymol est associé in vitro à la mort de cellules
cancéreuses : mélanome (B16-F10), (CI 50 atteinte pour 400
μM), (Satooka H et coll., 2012), (He L et coll. 1997),
ostéosarcome (Chang HT et coll., 2011), glioblastome (Hsu SS et
coll. 2011), poumons (lignée V79), (Slamenová D et coll., 2007),
mammaire (El Babili F et coll., 2011), leucémies (Deb DD et coll.
2011), hépatome (lignée HepG2), (Slamenová D et coll., 2007),
colon (Caco-2), (Slamenová D et coll., 2007).

La thymoquinone est un composé très prometteur qui


s’est révélé efficace sur des modèles cellulaires
(fibroblastes L929) mais également sur des tumeurs chez l’animal
(modèles de fibrosarcome (FsaR) et de carcinome (SCC VII)) avec
une inhibition de 52 % de la croissance tumorale (injections de 1-
4 doses de 5mg/kg). Les résultats sont dose-dépendants et
l’activité in vivo est supérieure à l’activité in vitro. La
thymoquinone active aussi l’apoptose (la mort naturelle de la
cellule) de cellules de cancer du colon (HCT116), (Gali-Muhtasib H
et coll., 2008).

L’huile essentielle de thym a montré la plus forte


cytotoxicité par rapport à trois lignées de cellules
cancéreuses humaines. Sa concentration inhibitrice médiane
(CI 50) sur les lignées PC-3 (prostate), A549 (poumon) et MCF-
7(cancer mammaire humain) sont respectivement de 0,010 %,
0,011% et 0,030% (Zu Y et coll., 2010).

95
8

LES EFFETS SECONDAIRES DE LA


CONSOMMATION DE THYM

Les allergies croisées


Elles sont indispensables à connaître pour mieux utiliser le
thym dans ses meilleures indications. Même s’il n’est pas
allergisant, il faut être prudent si le patient est allergique à
d’autres plantes labiées, type menthe. Il en est de même pour les
allergiques au bouleau ou au céleri du fait de sensibilité croisée
avec le thym. Le thymol à doses de 0,3 à 0,6 g, maximum 1 g
peut déclencher des maux de ventre et légère hypotension.

Les personnes sous traitements


anticoagulants : anti-vitamines K
Chez les patients traités par des anticoagulants en comprimés,
suite à des maladies cardiaques ou à des accidents vasculaires
cérébraux de type obstruction-thrombose, le thym par son apport
en vitamine K (coagulante) peut neutraliser l’efficacité des
antivitamines K. Il est alors contre-indiqué de le consommer en
grande quantité. Les fines herbes avec du thym peuvent être
utilisés sans danger en assaisonnement.

L’action phyto-œstrogénique ou
progestéronique du thymol
À la ménopause le thymol éviterait de consommer les
traitements hormonaux substitutifs (THS). Il s’ajouterait

96
positivement au soja, au trèfle des prés, plantes bien connues
pour leur richesse en phyto-hormones.
Quant à son action de réduction du traitement substitutif
thyroïdien elle est improbable, car le thym ne contient ni hormone
thyroïdienne ni iode, indispensable à sa formation par la thyroïde.

97
9

LE THYM AU JOUR LE JOUR ET EN MÉDECINE


QUOTIDIENNE

N
ous ne résistons pas à citer le petit livre de notre amie
Nelly Grosjean, L’aromathérapie naturellement1, où elle
raconte à la Pagnol : « Chaque soir, petits et grands
avaient droit, dans notre bar à thym, à la dégustation d’un
savoureux grog aroma-tique que nous préparait amoureusement
maman et qu’elle m’apprit vite à faire. »

Le thym en dermatologie
Contre la séborrhée2, le thym peut être prescrit pour
neutraliser les peaux grasses, ralentir la calvitie et faciliter la
repousse après les alopécies de la chimiothérapie. Il peut aussi
être à petites doses antiprurigineux.

98
Position des glandes sudoripares (11, couleur orange) dans la
peau. (selon wikipedia)

A. Épiderme
B. Derme
C. Hypoderme
D. Vaisseaux sanguins et lymphatiques
E. Stratum germinativum (couche basale)

1. Poil
2. Stratum corneum (couche cornée)

99
3. Couche pigmentée
4. Stratum spinosum (cellules cubiques)
5. Stratum basale (couche basale)
6. Muscle érecteur du poil
7. Glande sébacée
8. Follicule pileux
9. Papille du poil
10. Fibre nerveuse
11. Glande sudoripare 12. Corpuscule de Pacini (récepteur
sensoriel)
13. Artère
14. Veine
15. Terminaison nerveuse libre (récepteur sensoriel)
16. Papille dermale
17. Pore

Contre la gale, le thym peut aider à guérir en huit jours,


avec une once (32 g) en friction d’un liniment savonneux
hydrosulfuré de couleur verdâtre, comprenant : 200 g de sulfure
de potasse + 1 kg de savon blanc rapé + 2 kg d’huile de pavot +
8 g d’huile volatile de thym.
Contre les alopécies et/ou la pelade (alopécie en
plaques)
Pour traiter l’alopécie en plaques nommée pelade une mixture
d’huiles essentielles de romarin, de lavande, de thym et de noix
de cèdre a été testée pendant 7 mois en double aveugle (contre
placebo). « Les 86 sujets atteints devaient chaque jour appliquer
la lotion durant deux minutes en massant leur cuir chevelu, puis
appliquer une serviette chaude pour augmenter l’absorption. Les
chercheurs ont constaté une repousse de cheveux chez 44 % des
sujets utilisant la lotion active et seulement 15 % de ceux utilisant
la lotion placebo. »
L’étude a été faussée par le fait que la lotion utilisée comme
placebo ne dégageait pas la même odeur que la lotion active et
32 % des sujets du groupe placebo ont abandonné le traitement
avant la fin de l’étude, ce qui peut biaiser les résultats.

100
Contre les brûlures, l’huile essentielle de thym à thujanol ou
thuyanol avec du miel pour adoucir, est un excellent antibiotique,
y compris pour des brû-lures assez importantes. L’application de
quelques gouttes d’infusion de thym soulage des piqûres de taon.

Le thym en pathologie buccale, ORL et


pneumologie

Dans les pathologies dentaires et l’herpès labial3, le thym peut


être utilisé en macération dans l’alcool ; il fait une excellente eau
dentifrice en prévention des gingivites : 30 g de fleurs dans 20 cl
de rhum, vodka ou eau de vie. Laissez macérer huit jours. Filtrez
puis conservez bien bouché à l’abri de la lumière. Déposez
quelques gouttes sur votre brosse à dents.
Le thym est un désinfectant naturel, c’est donc le remède par
excellence des bronches et de la sphère ORL. Un remède d’hiver
qui requinque est la décoction ou tisane de thym, avec un ou
deux petits morceaux de gingembre ; on y ajoute du jus de citron.
Le thym est un excellent dynamisant à éviter le soir ; par contre il
remplace largement le café le matin.
pas
Le thym fait partie du grog aromatique (thym + origan +
cannelle + girofle + géranium) et peut être utilisé en inhalation
(thym + lavande + eucalyptus).
La présence de thymol dans le thym est un excellent
eupnéisant en inhalation, réduisant les inflammations et infections
des sinus, réduisant les écoulements nasopharyngés et facilitant
les expecto-rations bronchiques.

Le thym en gastro-entérologie
Le thym aide à la digestion en réduisant les dyspepsies, les
fermentations, flatulences et participe à la cicatrisation des
inflammations et ulcérations gastriques. Il doit être utilisé en
premier avant toute consultation gastro-entérologique et devrait
réduire les symptômes, en étant associé à la propolis mâchée en

101
gomme, qui se mélange à la salive et neutralise les brûlures de
reflux gastrique vers l’œsophage.
Une étude menée in vitro par des chercheurs iraniens de
l’Université de Yazd a démontré en 2006 que le Gastrolic drop,
contenant 4,1 mg/ml d’extrait de thymol, avait des effets
bactéricides sur l’Helicobacter pylori, considéré comme
responsable de gastrites et d’ulcères de l’estomac, capables de
dégénérer en cancer. Le thymol a également de forts effets
bactéricides contre les bactéries salmonelles et klebsielles.
Face à des troubles digestifs hauts, type « gastro », ou bas du
type « diarrhée », une infusion de thym joue un rôle antiseptique,
ouvre le pylore pour aider à la vidange gastrique et peut réguler
le transit intestinal en participant à l’équilibre de la flore digestive.
Il a pu être proposé comme un excellent vermifuge, pris en
infusion, mais aussi en lavement chez l’enfant : les vers partent
avec…
Dans le cas d’une détérioration de l’intestin grêle installée,
notre collègue le Dr Bruno Donatini, gastro-entérologue spécialisé
en immunologie et cancérologue, recommande : un traitement
antiviral ou anti-Helicobacter pylori dont l’objectif est de diminuer
la flore du côlon ou de l’estomac grâce à des mycélia de
champignons (le Coriolus versicolor, le Ganoderma lucidum ou le
Hericium erinaceus). On prendra également des huiles essentielles
pendant les repas (Thym vulgaire riche en linalol, menthe
poivrée, Origan, Cannelle de Ceylan, Clou de Girofle ou encore
Citrus officinalis, Gingembre, Tea tree) contre les clostridium
ou les acinetobacters surabondants. Ces huiles sont fixées
sur des fibres d’écorces et sur un mycélium de Laetiporus
sulfureus qui inhibent la lipase pancréatique des huiles
essentielles et empêchent qu’elles soient absorbées dans
l’estomac ou les anses jéjuno-iléales. Ces huiles essentielles se
libèrent dans le côlon où elles auront toute leur efficacité pour
lutter contre la pullulation bactérienne. Ce mycélium est aussi un
bon immunostimulant. Ce traitement désinfecte peu à peu
l’intestin, surtout sa partie basse, et stimule l’immunité antivirale
et antitumorale du grêle.

Le thym en urologie

102
Le thym joue un rôle diurétique et anti-infectieux, dans la
mesure où il est associé à des boissons abondantes (trois grands
bols par jour, soit au moins un litre et demi par jour). Il
n’empêche pas de consommer en fin de repas un verre de bon vin
rouge qui ajoutera son effet antiseptique urinaire, très utile dans
les cystites à répétition.

Le thym en cardiologie et pathologie


vasculaire
Il faciliterait la circulation et réduirait le taux de mauvais
cholestérol (LDL).

Le thym en rhumatologie
Le docteur J. Valnet recommande, contre les algies
rhumatismales, de hacher le thym, de le faire chauffer dans un
récipient, de le mettre dans une gaze et de l’appliquer chaud sur
l’articulation douloureuse.

Le thym en homéopathie
L’homéopathie a été initiée par Samuel Hahneman (1755-
1843) qui enseignait à Leipzig. Le thym ne semble pas
recommandé dans ce type de médecine depuis 1989, date à
laquelle la pharmacopée homéopathique germanique n’a pas
trouvé de substances issues du thym qui puisse être efficace en
homéopathie.

Le thym pour le bien-être


Par les massages, en pommade, laits et crèmes
cosmétologiques, eau de toilette, appliquée sur la zone du corps
la plus douloureuse mais jamais sur une zone trop étendue, par
l’intermédiaire d’une huile végétale (dilution à 20 %, soit 2
gouttes d’huile essentielle pour 10 gouttes d’huile végétale). Le

103
massage est nécessaire car il va permettre au principe actif de
pénétrer directement dans la peau et d’aller ensuite dans la
circulation sanguine pour produire son effet. L’action est moindre
quand l’huile est utilisée dans le bain.

Dans le bain, c’est le « bain aromatique » : 500 g de thym


bouillis dans 4 litres d’eau, ajoutés à l’eau du bain. Le bain peut
contenir : essence de thym 2 g + essence d’origan 0,50 g +
essence de romarin 1 g + essence de lavande 1 g + sous-
carbonate de soude 350 g. C’est pour Jean Valnet le grand bain
tonifiant, utile aux arthritiques.
Pour les soins du visage, des peaux grasses, comme parfum,
contre la mauvaise haleine, après le hammam (massage avec
huile d’olive et quelques gouttes d’huile essentielle de thym).

Par diffusion, il s’agit de faire s’évaporiser l’huile dans les


pièces de la maison grâce à un diffuseur qui mettra en suspension
des micro-gouttelettes. Il ne faut pas utiliser de diffuseur
chauffant, car la chaleur peut dénaturer les huiles.
Par la voûte plantaire, en massant la plante des pieds avec
deux gouttes d’huile essentielle de thym, une haleine de la
garrigue, au thym, se manifeste en dix minutes !

1. Éditions La Table Ronde, 2000.


2. Il s’agit de l’inflammation des glandes sébacées qui se
caractérise par une peau grasse, rouge et squameuse. La
séborrhée se développe fréquemment sur la zone T du visage
(front, sourcils et commissures du nez), idem à la racine des
cheveux et sur le cuir chevelu.
Les glandes sébacées qui fabriquent du sébum sont différentes
des glandes sudoripares ou sudorales toujours rattachées à un
follicule pileux donc à un poil. Elles fabriquent et évacuent la
sueur et, pour certaines, des hormones ou phéromones qui
peuvent donner l’odeur particulière de la peau dite sui generis, qui
varie d’une personne à l’autre.
3. L’herpès labial est une infection au niveau de la lèvre inférieure,
qui correspond au classique bouton de fièvre, transmis

104
essentiellement par contact buccal.

105
10

LE THYM COMME STIMULANT DE L’OLFACTION


POUR PRÉVENIR OU FREINER LES MALADIES
D’ALZHEIMER ET DE PARKINSON

Thyme Olfactive Stimulation (TOS)


Les déficits plus ou moins accentués des fonctions olfactives
au cours de la maladie de Parkinson (MP) et de la maladie
d’Alzheimer (MA) sont scientifiquement bien établis. L’atteinte
olfactive représente même un marqueur précoce de ces deux
maladies neuro-dégénératives dans la mesure où des déficits sont
observés dès les premiers stades de la maladie.

Les troubles de l’odorat dans les maladies


neurodégénératives
Peu de spécialistes savent que la perte de l’odorat est un des
premiers signes de la maladie d’Alzheimer, comme de Parkinson,
par dégénérescence de neurones situés au niveau du bulbe
olfactif. Ce symptôme s’appelle l’anosmie. Ce signe est rarement
signalé par les malades. Ils ne le connaissent pas, d’autant plus
que les médecins ne posent pas la question à leurs patients plus
ou moins âgés. Pourtant il s’agit bien d’un des premiers signes de
ces redoutables maladies, même s’il reste inconstant.
À un stade plus évolué de la maladie, la spécificité du déficit
olfactif n’est pas nette. L’exploration des fonctions olfactives à
l’aide des tests de sensibilité et d’identification montre la présence
d’un dysfonctionnement semblable dans les deux pathologies.
Ceci suggère que le déficit olfactif relève de l’atteinte du même
processus, que la pathologie implique une démence corticale, du

106
cortex cerébral (MA) et/ou une démence sous-corticale, au niveau
des noyaux gris centraux (MP).
D’une manière générale, les patients atteints de la maladie de
Parkinson ont plus de difficulté à percevoir les odeurs, alors que
ceux qui souffrent de la maladie d’Alzheimer les perçoivent mieux
mais en oublient les caractéristiques.
L’absence de différence entre MA et MP pourrait être la
conséquence d’une atteinte précoce des structures anatomiques
impliquées dans les processus de traitement de l’information
olfactive, qui rendrait impossible, à un stade plus évolué de la
maladie, de différencier l’atteinte olfactive de ces deux maladies.
L’atteinte des structures olfactives serait donc identique dans les
deux maladies. Des déficits en choline acétyltransférase et en
dopamine sont décrits dans les lobes olfactifs des deux types de
patients.
C’est donc la mauvaise reconnaissance des odeurs qui pourrait
être un symptôme de la maladie du vieillissement de la mémoire.
« Mais, ce n’est pas de la vanille que vous sentez, c’est du
chocolat ! » Si cette « faute de goût » peut dans un premier
temps faire sourire, elle permet d’établir une nouvelle hypothèse
en matière de dépistage de la maladie d’Alzheimer. En effet, si
aucun traitement n’a été à ce jour mis au point pour éradiquer la
dégénérescence des cellules cérébrales, on peut néanmoins
ralentir ses effets d’autant plus efficacement qu’elle est
diagnostiquée précocement. Selon le docteur Laurent Vazel,
spécialiste ORL, « on s’est aperçu que des patients se trompant
sur l’identification des odeurs étaient plus sujets à développer la
maladie ».
C’est donc l’un des premiers et des plus importants symptômes
à se manifester et qui affecte de 80 à 90 % des personnes
atteintes de l’une ou l’autre de ces deux maladies, affirme
Johannes Frasnelli, stagiaire postdoctoral au Centre de recherche
en neuropsychologie du Département de psychologie de
l’Université de Montréal.
Le fait est connu depuis vingt ou trente ans, mais a reçu peu
d’attention de la part des chercheurs, sans doute parce que ce
symptôme est considéré comme moins incommodant que les
autres manifestations de ces maladies. Johannes Frasnelli estime

107
toutefois que sa détection peut permettre un dépistage hâtif et
distinctif des maladies d’Alzheimer et de Parkinson.
Plusieurs causes peuvent expliquer l’atténuation de l’odorat et
l’âge en est une, explique le chercheur. Dans l’ensemble de la
population, 15 % ont un odorat réduit et 5 % n’en ont plus du
tout. Mais dans le cas des maladies d’Alzheimer et de Parkinson,
ce symptôme peut se manifester dès cinquante ans, au stade
préclinique des maladies.

Un dépistage précoce chez un très grand


nombre de personnes
Cette analogie entre certains profils et les pathologies
neurodégénératives confirme les conclusions amorcées dès 2004
par le docteur Pierre Bonfils, ORL à l’hôpital Georges Pompidou à
Paris.
À travers un test olfactif, ou « olfactométrique », nommé
Biolfa1, ce spécialiste en chirurgie cervico-faciale détermine le
seuil olfactif et quantifie les facultés de reconnaissance. Pour le
docteur Vazel, les résultats sont doublement intéressants : s’ils
peuvent révéler des cas d’anosmie, ils peuvent aussi prévenir
Alzheimer et Parkinson. Cette découverte a priori anodine prend
tout son sens dans la mesure où ces patients sont généralement
plus jeunes que ceux consultant pour des troubles de la mémoire.
« Il faut donc développer la collaboration entre le travail des
gériatres, neurologues et spécialistes en ORL », poursuit-il. La
corrélation entre les deux sciences permettrait de détecter plus tôt
Alzheimer et Parkinson et donc d’optimiser les traitements.
Aujourd’hui, on compte 860 000 malades atteints de maladies
neurodégénératives en France, ce chiffre atteindrait les deux
millions en 2040. Déclarée Grande Cause nationale de l’année
2007, cette maladie neurodégénérative touche de plus en plus de
personnes chaque année, 225 000 nouveaux cas apparaissant
chaque année. C’est parce qu’il devient urgent d’aider la
recherche qu’un plan Alzheimer a été d’ailleurs mis en place. En
2008, ont été débloqués des fonds afin de multiplier les tests pour
parvenir à un diagnostic précoce et à un traitement plus efficace.

108
La maladie d’Alzheimer se caractérise par une atteinte
neurodégénérative qui perturbe gravement mémoire, attention,
langage et jugement. Elle touche aujourd’hui environ 25 millions
de personnes dans le monde, selon l’Organisation mondiale pour
la santé (OMS), un nombre qui devrait dramatiquement s’accroître
à plus de 80 millions, d’ici 2040, d’après les spécialistes de la
santé.

La dégénérescence de l’odorat peut


commencer à la moitié de la vie et le seuil de
détection diffère pour Parkinson et
Alzheimer
81 études ont été regroupées selon la maladie étudiée, les
tests utilisés, l’âge des patients et le recours à des groupes
témoins. Il en ressort d’une part que les patients atteints de l’une
ou l’autre de ces maladies sont affectés de façon très nette par
une diminution de l’odorat, par rapport aux sujets en bonne
santé, et que l’importance de cette baisse semble égale pour les
deux maladies.
Quatre tâches ont en fait été utilisées selon les diverses
études :
– la mesure du seuil de détection d’une odeur ;
– la désignation d’une odeur parmi quatre choix de réponses ;
– la distinction d’une première odeur parmi quatre nouvelles ;
– la reconnaissance d’une odeur après un délai pouvant varier de
quelques minutes à quelques heures.

Dans le cas des patients atteints de la maladie de Parkinson, il


y a très peu de différences de performance entre les quatre
tâches : comparés aux groupes témoins, ces patients semblent
être affectés de façon égale dans chacune des tâches. Par contre,
pour ceux qui souffrent de la maladie d’Alzheimer, des différences
significatives sont observées dans les tâches visant la distinction
et la reconnaissance des odeurs, deux tâches impliquant la
mémoire.

109
En comparant les performances selon le type de maladie
dégénérative, il ressort que les patients parkinsoniens ont un seuil
de détection des odeurs plus faible que ceux souffrant de la
maladie d’Alzheimer. « Les mécanismes neurologiques touchés ne
sont donc pas les mêmes », en conclut Johannes Frasnelli. « Les
effets de la maladie d’Alzheimer se font surtout sentir dans les
tâches nécessitant la mémorisation, alors que ceux de la maladie
de Parkinson réduisent la sensibilité de la perception des odeurs,
ce qui a des conséquences sur les trois autres tâches. »
À son avis, les tests de dépistage de ces deux maladies
auraient donc avantage à inclure des tests olfactifs, puisque
l’odorat est l’un des premiers sens altéré et qu’il l’est de façon très
nette. La détermi-nation du seuil de détection permettrait en
outre d’établir de façon précoce si la perte neurodégénérative est
due à la maladie d’Alzheimer ou à celle de Parkinson.
« Plus ces maladies sont détectées de bonne heure, plus on
est en mesure de freiner leur évolution avant le stade clinique »,
souligne-t-il.
Les médecins ont testé 589 personnes, âgées de 54 ans à plus
de 90 ans, en leur demandant d’identifier douze odeurs très
communes comme celles du citron, du chocolat, du poivre noir, de
la banane, de l’essence de voiture et de savon, de thym… Pour
chacune de ces odeurs, les participants devaient choisir entre
quatre réponses : pour la cannelle, par exemple, s’agit-il de bois,
de noix de coco, de cannelle ou de fruit ?
Au début de l’étude, en 1997, aucun des sujets ne souffrait de
troubles cérébraux. Les mêmes personnes ont ensuite été testées
pour leurs capacités mentales et soumises à vingt tests cognitifs.
Elles ont fait l’objet d’examens cliniques et neurologiques réguliers
tous les ans, jusqu’en 2002. Il a été constaté, au cours de ces
cinq années écoulées que les personnes ayant fait au moins
quatre erreurs de reconnaissance lors des tests olfactifs avaient
50 % de plus de risques de souffrir de problèmes cérébraux que
les personnes n’ayant fait aucune erreur. Un tiers d’entre elles ont
développé des formes modérées de troubles de la mémoire.
Les chercheurs américains ont pondéré les résultats des tests
en fonction de l’âge, du sexe, du niveau d’éducation, des

110
antécédents médicaux (attaque cardiaque, cérébrale) et de leur
passé de fumeur ou non.

Identifier la maladie bien avant l’installation


de la démence
Les travaux confirment des liens déjà établis par les
chercheurs, entre la perte de l’odorat et la maladie : les patients
atteints d’Alzheimer présentent cliniquement des lésions
microscopiques situées dans une région du cerveau impliquée
dans l’odorat. L’intérêt de cette dernière étude réside dans le fait
que c’est la première à mesurer les fonctions olfactives de
personnes en bonne santé et à rechercher des altérations
mentales susceptibles de prédisposer à la maladie.
Si la maladie est diagnostiquée suffisamment tôt, il existe des
moyens de faire reculer le passage à la perte d’autonomie du
patient, jusqu’à son décès. Notre collègue Bruno Dubois2 est
formel : « Aujourd’hui il est possible d’identifier la maladie bien
avant l’installation de la démence, en croisant plusieurs critères :
la neuropsychologie et les tests de mémoire développés
récemment, la neuro-imagerie et des marqueurs biologiques. »

Une étude italienne3 a évalué l’olfaction chez des patients


atteints de légers troubles cognitifs mnésiques (TCM) et les liens
entre l’olfaction et l’évolution de ces troubles vers la maladie
d’Alzheimer (MA). Il s’agit d’une étude de cohorte, prospective,
sur des patients atteints de légers TCM à la première évaluation
(TO) ainsi qu’au bout d’un suivi de 18 mois (T1).
L’étude a été menée au centre de la maladie d’Alzheimer, à
l’université de l’Aquila, en Italie. Vingtneuf patients atteints de
légers TCM ont participé à l’étude.
L’olfaction a été évaluée à l’aide du test de reconnaissance des
odeurs Sniffin’ Sticks (TROSS) et du test élargi Sniffin’ Sticks
(TESS). Des liens furent ensuite établis entre l’olfaction et les
fonctions neurocognitives, évaluées à l’aide du mini examen de
l’état mental et de la batterie des tests de détérioration mentale
(BTDM).

111
En conclusion, les résultats relatifs à la discrimination et à la
reconnaissance olfactives se sont montrés en corrélation plus
étroite avec les résultats obtenus aux tests neuropsychologiques
que les seuils de détection. Pour les chercheurs, la déficience
olfactive apparaît tôt dans les légers TCM ; ils conseillent
d’appliquer systématiquement, en clinique, le test d’olfactifs fins
pour repérer précocement des patients chez qui l’évolution de la
diminution olfactive pourrait être révélatrice du passage de légers
TCM à la MA.
Dans le cas de la maladie d’Alzheimer, retarder de cinq ans
l’apparition des symptômes de la maladie réduirait de 50 % sa
prévalence4.

De la « mémoire » aux « mémoires » : la


place d’olfaction
Un travail de doctorat effectué dans le cadre d’une
collaboration entre le Laboratoire d’Électronique de l’École
Supérieure de Physique et de Chimie Industrielles de la Ville de
Paris (ESPCI), et l’équipe Neurobiologie de la mémoire olfactive de
l’Institut des Sciences Cognitives de Lyon, réalisé par François-
Benoît Vialatte, a mis au point l’enregistrement de l’activité de
populations neuronales pour des applications à l’apprentissage
olfactif chez l’animal (rat) et à la détection précoce de la maladie
d’Alzheimer.
L’instrument le plus utilisé pour le dépistage de la maladie est
le Mini Mental State Examination (MMSE, Folstein et al., 1975), qui
permet une évaluation des capacités cognitives d’un patient. Il
s’agit d’un test en onze questions d’une dizaine de minutes,
permettant de calculer le score MMSE qui varie de 0 à 30, le score
idéal étant de 30 (un score de moins de 23 indique des troubles
cognitifs). La précision de cet outil est cependant trop limitée pour
permettre de repérer les patients en état MCI (Mild Cognitive
Impairement).
Il serait donc nécessaire de développer un outil pour
discriminer, dans les populations à risque, les individus qui

112
développeront une pathologie de ceux qui resteront stables. L’état
à risque est communément appelé « troubles cognitifs légers »
On parle aujourd’hui des mémoires5 plutôt que de la mémoire.
En effet, la notion de systèmes mémoriels multiples est
globalement acceptée à l’heure actuelle. Dès le milieu du XXe
siècle, la distinction entre deux types de mémoire s’est opérée :
– la mémoire déclarative : représentationnelle, elle correspond à
la capacité à détecter et coder ce qui est unique dans chaque
événement ; chez l’homme, elle peut s’exprimer au travers du
langage ;
– la mémoire non déclarative : la capacité à extraire les
informations communes à une série d’événements. Elle
correspond globalement au savoir-faire.

Cependant, depuis le début des années 1980, la dichotomie en


mémoires déclaratives et non déclaratives a commencé à
apparaître insuffisante. En plaçant la taxonomie de la mémoire
sous le point de vue des structures biologiques sous-jacentes, on
a pu, dans les années 1990, élaborer une classification de la
mémoire plus réaliste.
Cette taxonomie révèle la diversité de ce que le terme
« mémoire » représente. On doit ajouter à cette représentation
que d’autres structures jouent un rôle fondamental dans la
formation des souvenirs : on reconnaît par exemple l’importance
de l’hippo-campe pour la consolidation (Wittenberg & Tsien 2002)
et de l’amygdale pour la modulation de l’efficacité de la
mémorisation (McGaugh 2002).

Prééminence des différentes mémoires (court, moyen et long


terme), selon la durée pendant laquelle le souvenir sera conservé
(adapté de McGaugh 2000) – Thèse de F.B. Vialatte

113
Le lobe ou bulbe olfactif (BO), donne les informations
olfactives en provenance de neurones spécialisés
chémorécepteurs olfactifs. Il y a deux bulbes olfactifs –
légèrement détachés du cerveau et très proches de la cavité
nasale.

Notre système olfactif se régénère tous les trois mois6. Les


chercheurs étudient la possibilité de transplanter des cellules
nerveuses fraîchement reconstituées sur des malades.
L’information olfactive passe de l’épithélium olfactif, structure
de réception des odeurs vers le bulbe olfactif qui effectue un
traitement et un codage de l’information. L’information est
destinée évidemment au cerveau qui analyse. C’est à travers la
fine lame criblée de petits orifices de l’os“ethmoïde” que passent
de très fins filaments nerveux qui vont s’unir pour constituer la
première paire de nerf crânien, les nerfs olfactifs7. D’un coté l’air
inspiré, de l’autre la lame criblée et la base des lobes olfactifs.
Soulignons cette notion scientifique capitale, à savoir que le
bulbe olfactif est une des deux seules structures
cérébrales à être continuellement approvisionnées en
neurones tout le long de la vie adulte (l’autre étant
l’hippocampe, la zone de la mémoire), grâce au mécanisme
appelé neurogenèse adulte. Notion fondamentale qui pemet de
comprendre comment prévenir l’Alzheimer tout autant que la
maladie de Parkinson.
En effet les chercheurs ont mis en évidence un marqueur
potentiel de la dépression ou de sa rechute : les troubles de

114
l’odorat8. Les patients dépressifs distinguent moins bien les
différents niveaux d’intensité des odeurs, identifient moins bien
celles qui sont présentes dans des mélanges et sont peu sensibles
aux odeurs agréables.
Une étude réalisée chez dix-huit patients hospitalisés pour
dépression sévère, comparés à cinquante-quatre témoins en
bonne santé conclut : « De façon surprenante, la vanille, la
cannelle ou l’amande amère étaient classées comme des odeurs
déplaisantes. »
Des zones du cerveau impliquées dans la sensation agréable
provoquée par les odeurs présentent des dysfonctionnements
dans la dépression. Ces troubles sont-ils spécifiques à la
dépression ? C’est ce que les chercheurs s’efforcent de
déterminer.

La « pyramide olfactive »
Selon les spécialistes, elle définit la structure d’un parfum,
décrivant les notes que l’on sent au fur et à mesure de l’évolution
du parfum dans le temps de perception. On distingue ainsi trois
notes :
– la note de tête qui peut durer du moment où l’on vaporise à
deux heures dans le temps, et constitue 5 % de la flagrance ;
– la note de cœur, qui va diffuser de quinze minutes à quatre
heures ;
– la note de fond, qui va diffuser d’une à vingtquatre heures, et
constitue 15 % de la fragrance.

La « Thyme Olfactive Stimulation »


Lors d’une conférence en 2013 dans le Sud de la France, j’ai
eu l’occasion suite à des questions du public d’aborder le sujet de
la détection précoce des maladies neurodégénératives, qui
inquiètent fort les personnes âgées et celles qui le deviendront.
Expliquant l’importance des troubles de l’odorat, j’ai pu
constater la grande attention du public, intéressé d’en

115
comprendre les mécanismes et passionné par la possibilité de
reculer de plusieurs années les méfaits des maladies de Parkinson
et/ou d’Alzheimer.
Le lendemain de la conférence, les organisateurs nous
faisaient savoir que nombre de personnes âgées se promenaient
dans les garrigues, penchées sur les thyms et romarins, pour en
distinguer les parfums différents. C’est cette anecdote qui nous a
décidé à mettre au point la Thyme Olfactive Stimulation, à utiliser
très simplement par les personnes concernées de plus en plus
nombreuses au-delà de la soixantaine.
L’équipe de Flore en Thym prépare un kit contenant différents
chémotypes de thym destinés à tester l’odorat et à le stimuler
régulièrement. Ces coussi-nets sollicitent mieux les lobes olfactifs,
plus que les huiles essentielles dont l’odeur est trop forte.

1. Ce test mesure l’acuité olfactive à l’aide d’olfactomètres. Il


représente « l’espace des odeurs » en quantité variable, présenté
sur des supports liquides en flacon. L’acuité olfactive peut être
définie comme la capacité individuelle de percevoir l’odeur d’une
matière première à une certaine concentration. La mesure de
l’olfaction a pour but d’aider le milieu médical. Elle permet
d’étudier le nerf olfactif, d’évaluer la fonction olfactive, d’apprécier
l’efficacité d’un traitement et d’accréditer les plaintes des patients.
Le test Biolfa peut s’obtenir en deux kits : le test quantitatif qui
permet de déterminer le seuil de perception d’un individu, et le
test qualitatif qui permet d’identifier l’odeur.
2. Neuro-anatomie fonctionnelle du comportement et de ses
troubles, unité Inserm 610, Hôpital de la Salpêtrière, Paris.
3. Smell and Preclinical Alzheimer Disease : Study of 29 Patients
with Amnesic Mild Cognitive Impairment, in Journal of
otolaryngology-head and neck surgery, 2010, vol. 39, no 2, p.
175-181.
4. Nombre de maladies ou de malades présents à un moment
donné dans une population, que le diagnostic ait été porté
anciennement ou récemment.
5. Nous avons pu détecter ce que nous appelons la mémoire
sexuelle qui est en rapport avec tout ce que le cerveau enregistre

116
comme images (vécues, vues, entendues…) liées plus ou moins
fortement à la sexualité. Les spécialistes des médias exploitent
parfaitement ce filon mémoriel inconscient par les publicités,
scènes sexuelles dans les films ou magazines, audiovisuels.
6. Nos globules blancs au bout de 7 jours, les cellules intestinales
tous les 4 à 5 jours, les globules rouges 120 jours, celles du foie
une année.
7. Il y a 12 paires de nerfs crâniens.
8. M. Naudin et coll., Inserm UMR930, Université François
Rabelais, Tours.

117
11

RECETTES AUX THYMS

Les différents chémotypes de thym se


cuisinent-ils tous de la même manière ?

C
haque chémotype de thym possède une saveur typée.
Ils peuvent donc être utilisés de manière différente en
cuisine. Voici quelques conseils d’utilisation :
– Le thymol : à utiliser en fleurs sur des finitions, sur des
tomates, ananas en carpaccio, huile d’olive. Huile de pépin de
raisin à aromatiser. Pâté de foie de volaille.
– Le carvacrol : pour marinade crue, décoction, en
remplacement du Zatar (mélange d’épices) dans le taboulé.
– Le linalol : à utiliser pour les viandes blanches, veau, poulet,
fricassées. Dans des plats à base de légumes (ex : brocoli,
lentilles). Pour des desserts.
– le thuyanol : pour sauces à base de vin rouge, braisage de
viande rouge, canard au sang. Aromatisation de baîaldi
(recette orientale d’aubergines farcies).
– Le géraniol (ou l’alpha-terpinéol) : pour la pâtisserie,
madeleine, sorbet, tuile au thym, guimauve, gaufres mais aussi
sur des poissons blancs pochés.

Recettes simples pour chaque jour9


Omelette au thym
Suggestion de chémotype : thymol ou carvacrol
2 œufs par personne, thym en feuilles, huile d’olive, sel, poivre.

118
Battre deux œufs par personne additionnés d’une cuillère à soupe
d’eau pour quatre œufs, ajouter sel et poivre et une grosse
cuillère à soupe de feuilles de thym, laisser reposer une bonne
demi-heure.
Mettre dans une poêle chauffée à feu doux une cuillère à soupe
d’huile d’olive, puis verser le mélange après l’avoir battu à
nouveau.
Retourner régulièrement dans la poêle pour répartir la cuisson, et
ne pas laisser attacher, couper le feu avant que l’ensemble ne soit
trop cuit : une omelette doit toujours être servie baveuse, c’est la
condition de sa saveur et de sa biodisponibilité.
Quiche au thym
Suggestion de chémotype : linalol ou thymol
Farine de petit épeautre ou sarrasin, 1 oignon blanc, 1 cuillère à
café de feuilles de thym, 3 yaourts de brebis ou chèvre, 3 œufs,
tomme de brebis, huile d’olive, sel, poivre.
Préparer une pâte à tarte avec la farine de petit épeautre (ou
sarrasin pour les fortes intolérances au gluten), huile d’olive, sel,
eau, et une cuillère à café de feuilles de thym. Étaler dans un
moule à tarte, puis mettre à four doux pour sécher la pâte.
Faire un mélange avec 3 yaourts de brebis ou chèvre, trois œufs,
sel, poivre, 1 c à soupe rase de feuilles de thym, battre ; ajouter
un oignon blanc coupé en dés, et une grosse poignée de tomme
de brebis râpée.
Verser dans le moule et remettre à four moyen pour cuire le tout
sans excès, il n’est pas besoin de griller le dessus : il suffit que le
mélange soit pris comme un flan, les parfums n’en seront que
plus délicats ! Mettre un plat d’eau dans le fond du four pour
adoucir la cuisson.
Soupe de thym
Suggestion de chémotype : thymol ou géraniol
1 cuillère à soupe de thym en feuilles, 2 œufs, lait d’amandes en
poudre, 1 cuillère à soupe d’huile d’olive, sel et poivre.

119
Mettre à chauffer dans une casserole un litre d’eau, quand l’eau
frémit verser une bonne cuillère à soupe de thym, sel et poivre,
baisser le feu pour faire infuser. Dans un bol, battre deux œufs,
puis laisser de côté.
Ajouter dans la casserole deux cuillères à soupe de lait d’amandes
en poudre, délayer, puis verser les œufs en remuant vivement
jusqu’à ce que le mélange épaississe, sans laisser bouillir, ajouter
l’huile d’olive, remuer et couper le feu.
Crème de courgettes au thym
Suggestion de chémotype : thymol ou carvacrol
Quatre courgettes, un gros oignon, tomme de brebis ou pecorino,
1 cuillère à soupe de thym en feuilles, 1 grosse gousse d’ail, sel et
poivre, huile d’olive.
Laver quatre courgettes et un gros oignon. Enlever la queue des
courgettes et sans les éplucher, les couper en dés. Peler et couper
l’oignon.
Mettre au cuit vapeur cinq minutes, verser dans une casserole ;
tout de suite verser dessus une bonne cuillère à soupe de thym
feuilles, une gousse d’ail écrasée, sel et poivre.
Passer au mixer en ajoutant un demi verre d’eau et quatre
cuillères à soupe d’huile d’olive, servir avec des copeaux de
tomme de brebis ou pecorino.
Purée d’ail au thym
Suggestion de chémotype : thymol ou carvacrol
Une à deux têtes d’ail, feuilles de thym, sel, poivre, huile d’olive.
Éplucher une à deux têtes d’ail, mettre les gousses à cuire à la
vapeur douce 5 minutes, les verser dans un bol un peu profond.
Verser dessus 1 cuillère à café de feuilles de thym, sel et poivre, 1
ou 2 cuillères à soupe d’eau selon volume, et quatre cuillères à
soupe d’huile d’olive.
Mixer avec un plongeur en crème, puis couvrir d’huile d’olive.
Délicieuse en condiment sur viandes ou légumes, et en apéritif
comme la tapenade avec des bâtonnets de légumes.

120
Cuit à la vapeur douce, l’ail perd ses inconvénients olfactifs.
Flan de poireaux au thym
Suggestion de chémotype : thymol ou géraniol
Deux beaux poireaux bio, 1 oignon blanc doux, 4 cuillères à soupe
de lait d’amande bio en poudre, 4 œufs ; tomme de brebis, sel,
poivre, thym, huile d’olive.
Laver les poireaux, les couper en fines rondelles ; passer au cuit
vapeur cinq minutes, verser dans un plat à soufflet ; dans une
casserole, verser un demi-litre litre d’eau filtrée, ajouter le thym,
monter en chauffe et baisser lorsque l’eau frémit ; laisser cinq
minutes puis couper le feu, ajouter sel et poivre et verser le lait
d’amandes en poudre progressivement en remuant avec un fouet.
Râper en copeaux 100 grammes de tomme de brebis.
Battre les œufs et les verser sur les poireaux cuits, mélanger puis
verser petit à petit l’eau et le thym en délayant, ajouter la moitié
des copeaux, mélanger puis déposer le plat dans le cuit vapeur
puis couvrir et laisser cuire environ 30 minutes jusqu’à ce que le
mélange soit pris.
Servir chaud avec les copeaux restants répartis sur le dessus.
Crème anglaise au thym
Suggestion de chémotypes : géraniol ou linalol ou alpha-terpinéol
1/2 litre d’eau filtrée, 5 cuillères à soupe de lait d’amandes en
poudre, 4 jaunes d’œuf, 4 cuillères à soupe de sucre complet, 1
cuillère à soupe de thym
Faire chauffer l’eau jusqu’à ce qu’elle frémisse, ajouter le thym,
remuer, couvrir et laisser infuser au moins 5 minutes. Filtrer avec
une passoire fine, ajouter le lait en poudre d’amandes, une pincée
de sel, mélanger.
Battre les jaunes d’œuf avec le sucre dans un saladier, puis
ajouter progressivement le « lait » obtenu en battant avec un
fouet, reverser le mélange dans la casserole et remettre à feu
doux, tout en remuant régulièrement ; dès que la crème
commence à épaissir, avant qu’elle ne frémisse, enlever du feu,

121
continuer à remuer doucement quelques instants puis verser
doucement dans le saladier.
Servir tiède ou frais selon vos goûts, avec strudel, tarte tatin, pain
d’épices ou biscuit.
Huile au thym
Suggestion de chémotype : tous
Dans un flacon d’huile d’olive, glisser quelques branches de thym
frais, laisser macérer une semaine ou deux au soleil, avant
d’utiliser pour agrémenter légumes vapeur ou viandes, fromages
frais ou secs, ou sur des tartines de pain de petit épeautre ou
sarrasin. Peut s’utiliser sur la peau pour traiter brûlures
superficielles ou eczéma.
Infusion de thym
Suggestion de chémotype : tous
Avec de l’eau bouillante, chauffer votre théière, puis y verser 1
cuillère à soupe de thym, verser l’eau dessus et laisser infuser
cinq à dix minutes. Sucrer avec du miel.
À boire tout au long de la journée mais pas trop après 16 ou 17h,
car le thym est très tonique.

Les recettes de Georges Rousset10, vice-


président d’honneur des Maîtres Cuisiniers
de France
Sorbet au thym, coulis d’abricot à l’huile d’olive
Suggestions de chémotypes : thymol, géraniol ou linalol

SORBET AU THYM

122
Eau pure (type
675 g Monter en température l’eau à
Volvic nature)
95°C rapidement afin d’éviter
Sucre semoule 600 g
l’évaporation. Infuser le thym à
Glucose atomisé 180 g couvert 20 minutes, ajouter le
Trimoline (sucre jus de citron. Filtrer.
75 g
inverti)
Mélanger à sec le sucre
semoule, le glucose atomisé
Fleurs de thym
20 g (faute de glucose atomisé
séchées
remplacer par de la trimoline).
Ajouter l’infusion, bien
mélanger. Porter à 85°C sans
ébullition, ajouter la trimoline.
Jus de citron
30 g Refroidir et stocker au froid.
jaune
Laisser maturer 12 heures
(facultatif) et turbiner.
COULIS D’ABRICOT Mélanger le sucre et la purée
d’abricot, porter à ébullition et
Purée d’abricot 150 g
cuire 2 mn. Laisser refroidir à
Sucre 50 g température ambiante puis
Huile d’olive CS incorporer l’huile d’olive à l’aide
d’un mixer jusqu’à obtention
Sirop à 25°B CS d’un équilibre de saveur.

Dressage et finition : marbrer le fond de l’assiette avec le coulis


d’abricot. Dresser des quenelles de sorbet au thym, décor libre,
croustillants au poivre de Kâmpôt par exemple (maturité rouge,
plus doux et mieux parfumé).
Macarons au thym, crème au thym façon chiboust, crème
glacée vanille
Suggestion chémotypes : thymol ou géraniol
Pour 10 personnes

MACARONS

123
Broyer puis tamiser la poudre
Poudre d’amande 350 g d’amande et le sucre glace.
Mélanger les blancs d’œufs et
les blancs déshydratés, les
Sucre glace 575 g monter fermement et les serrer
avec le sucre. Mélanger les
deux masses et incorporer la
Blanc d’œuf 25 cl
gelée de thym dans un peu
d’appareil et l’ajouter en
Blanc déshydraté 2g macaronnant (opération qui
consiste à retravailler l’appareil
pour le faire retomber, à le
Gelée de thym 25 g rendre presque coulant).
Coucher les macarons avec une
douille n° 10 sur 8 cm de
Sucre semoule 70 g diamètre, laisser croûter et
cuire à 180 °C

CRÈME AU THYM
Lait 20 cl Porter le lait de thym à
ébullition, laisser infuser
Fleurs de thym 20 g quelques minutes, passer au
chinois pour retirer les petites
œufs 50 g
sommités de thym. Blanchir
Sucre 50 g les œufs, le sucre et la
maïzena, verser le lait chaud,
Maïzena 25 g mélanger et cuire l’ensemble
comme une pâtissière puis
Gélatine feuille 4g
ajouter les feuilles de gélatine.
Glucose 25 g Monter les blancs en meringue
italienne et incorporer à la
Sucre 125 g pâtissière.

Finition : mouler la crème dans des petits moules individuels,


laisser prendre au frais. Démouler sur assiette, décorer avec des
macarons au thym. Servir avec une crème glacée vanille.

124
9. Christine Bouguet-Joyeux, Guide pratique de Gastronomie
familiale, L’Art et le Plaisir pour la Santé et Tout à la vapeur douce
100 nouvelles recettes, Éditions François-Xavier de Guibert.
10. Georges Rousset et Thierry Rousset, Aimer la cuisine du
Languedoc-Roussillon, éditions Ouest-France, 2013. Voir aussi
Cuisine du Languedoc-Roussillon d’hier et d’aujourd’hui, édition
Ouest-France, 2006.

125
CONCLUSION

S
i simple en apparence, mais si complexe lorsque l’on si
intéresse d’un peu plus près, le thym est une plante des
plus surprenantes. Nous retiendrons sans aucun doute sa
diversité d’odeurs. En constante évolution, elle lui permet de
s’adapter à différentes conditions environnementales ainsi qu’à
leurs variations ou de repousser les attaquants tout en attirant ses
pollinisateurs.
Nous retiendrons aussi sa capacité à former des populations
sauvages très denses. Une particularité qui, associée aux
nombreuses vertus de son huile essentielle, fit du thym une des
plantes socles du développement de la cueillette dans les
garrigues. Cette activité permit de fournir, pendant plusieurs
siècles, des volumes considérables de plantes réputées pour leur
grande qualité, participant ainsi à l’essor de Montpellier.
Pour de multiples raisons, la production de plantes
aromatiques et médicinales régressa fortement au XXe siècle. Mais
aujourd’hui, face à une demande en constante augmentation
depuis plusieurs décennies, le (re)développement de filières
locales de production est à l’ordre du jour. Ce développement
autour des plantes aromatiques et médicinales doit se faire de
manière être cohérente et durable. La recherche d’un équilibre
entre cueillette et culture, la mise en place de méthodes de
gestion et de préservation des ressources naturelles ou encore la
connaissance scientifique fine des plantes et de leur écologie, sont
quelques-unes des clés qui permettront de favoriser un
développement socio-économique local intégré harmonieusement
dans son environnement.
L’histoire nous a montré combien les spécialistes
montpelliérains de la santé furent liés aux ressources naturelles
locales. Ils impliquèrent des herboristes, des apothicaires, des

126
pharmaciens, des médecins à renommé internationale, jusqu’aux
chirurgiens, qui avec de solides connaissances en pharmacopée,
firent les bases et l’essor de la Faculté de Médecine de Montpellier.
Avec ses chémotypes, le thym appartient à la phytothérapie et
à l’aromathérapie qui prennent aujourd’hui une place respectable
dans les alternatives thérapeutiques considérées comme
médecines douces.
Dans les pathologies bénignes, tous les organes peuvent en
profiter à la fois pour les soulager lorsqu’ils sont malades et même
pour prévenir leurs atteintes. Les thérapies utilisant le thym
méritent d’être mieux connues des médecins et du grand public
pour leur efficacité. Ils peuvent se substituer alors à des
médications coûteuses aux effets secondaires souvent
indésirables.
Au delà de ces effets thérapeutiques re-découverts, le thym
nous livre sa vertu princeps, capable de stimuler énergiquement
et agréablement nos lobes olfactifs. On sait aujourd’hui combien,
dans les maladies neurodégénératives les plus fréquentes,
Alzheimer et Parkinson, la stimulation de l’odorat va devenir un
des exercices les plus recherchés pour tous ceux qui veulent
prévenir ou retarder ces handicaps qui en 2020 en France
atteindraient 2 millions de personnes.
La thyme-therapy en médecine quotidienne, la thyme olfactive
stimulation pour la rééducation et la prévention dépendent de la
qualité naturelle et de la bonne gestion du patrimoine
exceptionnel que représentent nos garrigues méditerranéennes.

127
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132
TABLE DES MATIÈRES

REMERCIEMENTS

AVANT-PROPOS

Première partie
Plus de mille ans en Languedoc

1. LE THYM N° 1 PARMI LES PLANTES AROMATIQUES

2. DES GARRIGUES LANGUEDOCIENNES À LA PLUS ANCIENNE ÉCOLE DE MÉDECINE.

3. DES « ESPECIAYRES » AUX APOTHICAIRES ET BARBIERS CHIRURGIENS


Les premières préparations pharmaceutiques : la Thériaque de
Montpellier..
Les préparations médicinales : le métier d’apothicaire
Les apothicaires deviennent médecins et même chirurgiens des
campagnes
La création du Jardin des Plantes de Montpellier

4. SOIGNER À MONTPELLIER ET COMMERCER À LA FOIRE DE BEAUCAIRE.


Vers le charlatanisme : une leçon pour aujourd’hui

5. LE MÉTIER DE PARFUMEUR « À LA MODE DE MONTPELLIER ».


Le déclin de la parfumerie à Montpellier

6. MONTPELLIER S’ÉTEINT, LA VILLE DE GRASSE S’ALLUME


La cueillette des plantes en garrigue tombe en désuétude

7. L’ESSOR DE LA PHARMACIE FAIT LE DÉCLIN DE L’HERBORISTERIE

CONCLUSION

133
Deuxième partie
Biologie et Écologie du thym

1. DU GENRE THYMUS À L’ESPÈCE THYMUS VULGARIS L.

2. HABITAT ET RÉPARTITION.

3. L’HUILE ESSENTIELLE DANS LA PLANTE ET SES RÔLES ÉCOLOGIQUES.


Fabrication.
Principaux rôles écologiques.

4. LES SIX PRINCIPAUX CHÉMOTYPES DU LANGUEDOC-ROUSSILLON, ET UN


SEPTIÈME DÉCOUVERT DANS LES ANNÉES 2000.
Qu’est-ce qu’un chémotype ?
Description des chémotypes
S’adapter aux conditions environnementales.
« The thymes they are changin’ ».
Améliorer son système défensif.

5. LA « SEXUALITÉ » DU THYM : LA GYNODIOÉCIE

6. LA POLLINISATION : LE RÔLE DES ABEILLES.


Abeilles et chémotypes.
Abeilles et gynodioécie

7. LA DISSÉMINATION DES GRAINES

8. LES AMOUREUX DU THYM.


La cuscute du thym.
Le moucheron des galles.
Le lapin
L’humain.

9. LA CUEILLETTE ET LA TRANSFORMATION DU THYM


La cueillette traditionnelle du thym dans les garrigues.
Les effets de Tchernobyl : dits et non-dits.
Les effets de Fukushima.

134
Quand et comment récolter le thym ?
La transformation du thym.
Comment conserver le thym ?
Les différents chémotypes de thym se récoltent-ils tous de la
même manière ?.

Troisième partie
La santé par le thym

1. LE THYM ET LA SANTÉ DANS L’HISTOIRE

2. COMPOSITION DU THYM
Nutriments du thym sec, valeurs moyennes et pourcentage des
besoins quotidiens pour 100 g
Les flavonoïdes.
Les polyphénols.

3. LE RÔLE ANTIOXYDANT, PROTECTEUR DES MEMBRANES CELLULAIRES.

4. LES RÔLES : ANTIBACTÉRIEN, ANTIFUNGIQUE ET CONSERVATEUR

5. LE THYM EN PHYTOTHÉRAPIE : LA MÉDECINE ANCESTRALE

6. L’HUILE ESSENTIELLE DE THYM : INTÉRÊT ET PRÉCAUTIONS D’UTILISATION POUR


L’AROMATHÉRAPEUTE

La biodisponibilité des huiles essentielles dans l’organisme


L’aromathérapie : l’utilisation des huiles essentielles en thérapie

7. LE THYM EN RECHERCHE
En pharmacologie expérimentale
En recherche cancérologique in vitro.

8. LES EFFETS SECONDAIRES DE LA CONSOMMATION DE THYM.


Les allergies croisées
Les personnes sous traitements anticoagulants : anti-vitamines
K
L’action phyto-œstrogénique ou progestéronique du thymol

135
9. LE THYM AU JOUR LE JOUR ET EN MÉDECINE QUOTIDIENNE
Le thym en dermatologie
Le thym en pathologie buccale, ORL et pneumologie
Le thym en gastro-entérologie
Le thym en urologie.
Le thym en cardiologie et pathologie vasculaire
Le thym en rhumatologie
Le thym en homéopathie
Le thym pour le bien-être

10. LE THYM COMME STIMULANT DE L’OLFACTION POUR PRÉVENIR OU FREINER LES


MALADIES D’ALZHEIMER ET DE PARKINSON

Thyme Olfactive Stimulation (TOS)


Les troubles de l’odorat dans les maladies neurodégénératives
Un dépistage précoce chez un très grand nombre de personnes
La dégénérescence de l’odorat peut commencer à la moitié de
la vie et le seuil de détection diffère pour Parkinson et
Alzheimer.
Identifier la maladie bien avant l’installation de la démence
De la « mémoire » aux « mémoires » : la place d’olfaction
La « pyramide olfactive »
La « Thyme Olfactive Stimulation »

11. RECETTES AUX THYMS


Les différents chémotypes de thym se cuisinent-ils tous de la
même manière ?
Recettes simples pour chaque jour
Les recettes de Georges Rousset, vice-président d’honneur des
Maîtres Cuisiniers de France..

CONCLUSIONS

PRINCIPALES SOURCES BIBLIOGRAPHIQUES

136
Achevé d’imprimer par XXX
en avril 2015
N° d’imprimeur : XXX

Dépôt légal : juin 2013


Imprimé en France

137

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