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Le discours et la langue
Revue de linguistique française et d’analyse du discours
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« Le discours et la langue »
Revue de linguistique française et d’analyse du discours
Rédactrice en chef :
Laurence Rosier (Université libre de Bruxelles).
Coordinatrice
Secrétaire éditoriale: :
de rédaction
Laura
LauraCalabrese
Calabrese(Université
(UniversitéLibre
librededeBruxelles).
Bruxelles).
Comité de
Comité derédaction
rédaction: :
Catherine Détrie (Université
Marion Colas-Blaise Paul du
(Université Valéry Montpellier
Luxembourg) 3) ; Hugues
; Catherine Constantin
Détrie de
(Université
Chanay (Université
Paul Valéry Lumière-Lyon
Montpellier 3) ; Hugues2)Constantin
; Anne-Rosine Delbart
de Chanay (Université
(Université libre
Lumière-
Lyon
de 2) ; Anne-Rosine
Bruxelles) ; Cédrick Delbart (Université catholique
Fairon (Université libre de Bruxelles) ; Françoise
de Louvain) Dufour
; Jean-Marie
(Université Paul Valéry, Montpellier III) ; Cédrick Fairon (Université
Klinkenberg (Université de Liège) ; Juan Manuel Lopez Munoz (Université de catholique
de Louvain) ; Jean-Marie Klinkenberg (Université de Liège) ; Juan Manuel Lopez
Cadix) ; Dominique Maingueneau (Université Paris XII) ; Sophie Marnette (Uni-
Munoz (Université de Cadix) ; Dominique Maingueneau (Université Paris IV) ;
versité d’Oxford) ; Alain Rabatel (Université Lumière-Lyon 2) ; Anne-Catherine
Sophie Marnette (Université d’Oxford) ; Alain Rabatel (Université Lumière-Lyon
Simon (Université catholique de Louvain).
2) ; Anne-Catherine Simon (Université catholique de Louvain).
La revue privilégie les numéros thématiques tout en laissant dans chaque livraison
une place disponible pour des articles isolés de même que pour des recensions ou
des annonces.
La revue paraît deux fois par an, en principe en mars et en octobre. Cha-
que numéro est d’environ 200 pages. L’abonnement se souscrit par année, il
s’élève à 50.00 €. Les numéros isolés se vendent à des prix variant en fonction
de leur importance. Les frais d’expédition par fascicule se montent à 4.50 €
pour la Belgique, 10.50 € pour l’Europe et 12.00 € pour le reste du monde.
Laurence Rosier
50 Avenue F.D. Roosevelt, ULB CP 175
B – 1050 Bruxelles
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Pour la Belgique :
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ES -27004 Lugo (España)
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Fax : +34 696 761 233
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INTRODUCTION
Isabelle Laborde-Milaa, Sylvie Plane, Fanny Rinck &
Frédérique Sitri ................................................................................................. 7
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TABLE RONDE
QUELLES FORMATIONS UNIVERSITAIRES AUX ÉCRITS
PROFESSIONNELS ? ............................................................................... 179
Patrick Emourgeon ............................................................................ 181
Jean-Marc Leblanc ........................................................................... 185
Fanny Rinck & Frédérique Sitri ....................................................... 187
Marie-Christine Lala & Denis Mazzuchetti ..................................... 191
Sylvie Plane ........................................................................................ 295
POSTFACE
Céline Beaudet ............................................................................................... 199
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INTRODUCTION
Isabelle LABORDE-MILAA, Sylvie PLANE,
Fanny RINCK & Frédérique SITRI
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Didactique du Français Langue Maternelle, puis Association Internationale pour la
Recherche en Didactique du Français
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Littératie/ littéracie/litéracie. Le terme anglais Literaty a reçu plusieurs transcriptions
en français. Dans le champ de l’anthropologie, sa francisation s’est accompagnée d’une
réfection orthographique qui signale son appartenance à la famille du mot « lettre » en
lui affectant une consonne double. L’emploi du suffixe -tie le rattache à une série de
noms d’abstraits comme argutie, minutie etc. Dans le champ de la didactique, certains
auteurs, redoutant la confusion qu’entraînerait un rapprochement inopportun avec
« littéraire », préfèrent l’orthographe litératie qui a l’avantage de renvoyer directement
au concept anglais et de respecter les recommandations en matière de néologie (il est
prescrit d’éviter les consonnes géminées). La graphie avec un seul T peut également
être conjointe avec l’emploi du suffixe -cie qui ouvre une possibilité de dérivation en
-cié. L’usage orthographique est donc flottant et, dans la mesure où il procède de choix
théoriques, nous avons préféré respecter la graphie adoptée par chaque auteur.
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Laurent Heurley ainsi que Sabine Pétillon et Franck Ganier consacrent, quant à
eux, leurs articles aux documents procéduraux dont ils proposent une approche
relevant de la psychologie cognitive ou faisant appel largement à celle-ci.
Plus précisément, l’article de L. Heurley, résolument situé dans le champ de la
psychologie, constitue une mise au point de la notion de texte ou de document
procédural. Pour cela, l’article prend comme point d’appui une définition de la
notion de procédure, ce qui lui permet de justifier les dénominations de « texte
procédural » et de « document procédural », face aux autres dénominations
très diverses circulant à propos de ces objets langagiers, et d’en proposer une
définition claire. Celle-ci met en évidence un certain nombre de caractéristiques
qui ont été dégagées par des travaux dont L. Heurley fait une revue portant
sur une période d’une quarantaine d’années. Il montre également que les
recherches se sont désormais focalisées sur la production de textes procéduraux
et que celles-ci peuvent être regroupées en différentes familles en fonction de
leurs finalités et de leurs principes.
L’article de S. Pétillon et F. Ganier prolonge et illustre en quelque sorte l’article
de L. Heurley. Il porte en effet sur l’analyse d’un texte procédural particulier,
le mode d’emploi d’un programmateur, dont il examine quatre versions
différentes. La méthode proposée conjugue deux approches, l’une relevant de
la psychologie cognitive, l’autre de la linguistique. L’analyse comparative des
notices ainsi menée met en évidence des dysfonctionnements pragmatiques et
repère les éléments du substrat linguistique qui en sont la cause. Cette analyse
se prolonge par une mise au point sur l’écriture de documents procéduraux
débouchant sur des préconisations pour la formation à l’écriture de documents
de ce type.
Dans la deuxième partie, des chercheurs engagés dans une formation à l’écrit
et se situant dans des cadres théoriques divers (anthropologie, didactique du
français, analyse des genres) s’interrogent sur les méthodes, les enjeux et les
difficultés d’une telle formation.
Marie-Hélène Lachaud inscrit sa démarche de formation dans la lignée des
travaux du réseau Langage et Travail, et en particulier ceux de Josiane Boutet
et Béatrice Fraenkel : dans le cadre de la mise en place d’une formation à
l’écrit pour des salariés peu qualifiés du secteur de la propreté, elle propose une
approche de type anthropologique permettant de repérer les formes de littéracie
en contexte professionnel, en lien avec les compétences techniques des salariés.
Elle examine ainsi, d’une part, le rapport différencié de ces derniers aux différents
types d’écrits présents sur le lieu de travail et, d’autre part, les « astuces et tours
de main », manifestations de compétences empiriques ignorées ou clandestines
qui émergent par l’observation des gestes et des déplacements des employés
ou au cours d’entretiens avec eux. La thèse défendue par l’auteur est que la
formation doit s’appuyer sur ces compétences, telles qu’elles se manifestent en
particulier à l’oral, pour faciliter l’entrée dans l’écrit.
A travers l’analyse des pratiques scripturales en formation dans quatre secteurs
de la santé - des ambulanciers aux infirmières -, Maryvette Balcou-Debussche
montre comment se construisent des positionnements socioprofessionnels
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Bibliographie
Apprentissages et réussite. Premiers résultats de l’enquête sur la littératie et les
compétences des adultes (2005) : Paris, Éditions de l’OCDE.
Bertrand, O. & Schaffner, I. (éds) (2009) : Quel français enseigner ? La question de
la norme dans l’enseignement / apprentissage, Palaiseau, Les Éditions de l’École
Polytechnique, Diffusion Ellipses.
Borzeix, A. & Fraenkel, B. (éds) (2001) : Langage et travail. Communication,
cognition et action, Paris, Éditions du CNRS.
Dabène, M. (1987) : L’adulte et l’écriture : contribution à une didactique de l’écrit en
langue maternelle, Bruxelles, De Boeck-Université.
Dabène, M. (1991) : « La notion d'écrit ou le continuum scriptural », Le Français
aujourd'hui 93 : 25-35.
Defays, J.-M., Maréchal, M. & Mélon, S. (éds) (2000) : La maîtrise du français. Du
niveau secondaire au niveau supérieur, Bruxelles, De Boeck-Université.
Fintz, C. (1998) : La didactique du français dans l’enseignement supérieur : bricolage
ou rénovation ?, Paris, L’Harmattan.
Hess, B. (1997) : L’entreprise face à l’illettrisme. Les enjeux de la formation, Paris,
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Guérin-Pace, F. (2009) : « Illettrisme et parcours individuels », Économie et
statistiques 424-425 : 49-62.
Mourlhon-Dallies, F. (2008) : Enseigner une langue à des fins professionnelles, Paris,
Didier.
Reuter, Y. (1996/2000) : Enseigner et apprendre à écrire, Paris, ESF.
Education permanente 120, 1994, Écriture, travail, formation ; 162, 2005, La (re)
présentation de soi ; 188, 2011, Formation et professionnalisation.
Etudes de communication 34, 2010, Normes et écriture de l’organisation.
Le Français aujourd'hui 93, 1991, Concevoir-écrire.
Le Français aujourd'hui 159, 2007, Les genres : corpus, usages, pratiques.
Langage et Société 125, 2008, Le risque du langage en situation de travail.
Langage et société 87, 1999, Types, modes et genres de discours.
Langages 153, 2004, Les genres de la parole.
Pratiques 153-154, 2013, Littéracies universitaires : nouvelles perspectives.
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Introduction
En France, la problématique des écrits au travail a été initiée, développée
et portée à partir de 1985 par le Réseau Langage et Travail. Au sein de ce
collectif de recherche pluridisciplinaire, nous nous sommes attachés à décrire
et analyser ce que le travail humain comporte de langagier, aussi bien au plan
des verbalisations orales et des interactions de travail qu’à celui des traces
graphiques diverses et hétérogènes que les salariés sont amenés à produire dans
l’exercice de leurs activités de travail. Ces traces dans toute leur extrême variété
vont des post it aux comptes rendus de réunions en passant par toutes sortes de
représentations symboliques du monde comme les graphiques, les plans ou les
tableaux à double entrée. C’est dire que d’entrée de jeu nous n’avons en aucune
façon privilégié des types d’écrits qu’on pourrait qualifier de traditionnels dans
l’univers de la littératie : correspondances, rapports, comptes rendus, etc., dont
les formes linguistiques, le format et les réquisits sont dérivés des exigences
littéraires et qui supposent en amont une formation dite à l’écriture. Sans
nous priver pour autant de les analyser quand nous les rencontrions au fil de
nos différentes enquêtes (pas si souvent au demeurant), nous nous sommes
attachés à montrer et à faire émerger ce que l’activité d’écriture au travail dans
de multiples métiers pouvait avoir de singulier et de spécifique : à la fois ses
formats et surtout sa dépendance au contexte d’action.
La problématique des écrits au travail telle que nous l’avons construite et
défendue est donc en partie différente et disjointe de celle qui se développe
dans les milieux de la formation sous l’appellation des écrits professionnels.
Dans notre conception, les écrits au travail sont l’un des composants de ce que
j’ai proposé de nommer la part langagière du travail. Ils contribuent selon leur
régime propre à l’action et à l’activité de travail : ils sont toujours fortement
contextualisés et ne peuvent pendre sens et pertinence que dans leur lien fort
au contexte de l’activité de travail. En ce sens, notre démarche se situe aux
antipodes d’une analyse de corpus d’écrits professionnels qu’on soumettrait
aux descriptions classiques d’analyse de discours. Les écrits comme les
verbalisations produites en situation de travail ne se laissent pas ramener à
de simples corpus de textes ou d’interactions, sauf à perdre leur spécificité, à
savoir qu’ils participent toujours à l’effectuation d’une activité de travail.
Je présenterai d’abord la notion de part langagière du travail dont les écrits au
travail constituent l’un des composants, plus ou moins important et central selon
les métiers et les secteurs d’activité concernés. J’exposerai les conséquences
dans le monde du travail de la généralisation contemporaine d’exigences en
littératie. Dans une deuxième partie je décrirai quelques-uns des déterminants
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Voici les principales enquêtes : usines de la métallurgie ; industries de process
(cimenterie, nucléaire, hydraulique) ; secteur de la santé, hôpitaux, dispensaires ;
BTP ; conduite des trains (SNCF) ; services publics : France Télécom, EDF, RATP, La
Poste ; accueil en Mairie ; services de rédaction : courrier présidentiel, société HLM ;
contrôle aérien ; métier des huissiers ; hôpitaux à Taïwan ; situations plurilingues ;
commerce ethnique et bilingue : la restauration grecque à Paris ; les langues de travail
à la Sonatrach (Algérie), etc.
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un rapport étroit des unes aux autres. » (cité par Todorov 1981 : 129). Bakhtine
avait avant tout une ambition de théoricien de l’œuvre littéraire. Reconnaissant
la stratification des discours au sein d’une même langue nationale, il parle d’un
langage « propre aux genres, aux professions et autres strates du langage »
(1975/1997 : 123). Dans une approche de nature communicationnelle, il organise
la diversité des discours en deux grandes catégories : les genres premiers et les
genres seconds. Il distingue entre « les genres premiers qui se sont constitués
dans les circonstances d’un échange verbal spontané », et les « genres seconds
qui apparaissent dans les circonstances d’un échange culturel (principalement
écrit) – artistique, scientifique, socio-politique – plus complexe et relativement
plus évolué » (1979/1984 : 267).
Dans les textes de Bakhtine9, il ne semble pas que les genres premiers aient
été son centre d’intérêt. Dans certains textes il propose de combiner, à la
stratification du langage en genres, une « stratification professionnelle » :
À cette stratification du langage en genres s’en mêle de surcroît une autre,
tantôt coïncidant avec lui, tantôt s’en écartant, la stratification professionnelle
du langage (au sens large) : langage de l’avocat, du médecin, du commerçant,
de l’homme politique, de l’instituteur, etc. Ces langages ne se différencient
pas, naturellement, par leur seul vocabulaire ; ils impliquent des formes
d’orientation intentionnelle, des formes d’interprétation et d’appréciation
concrètes. (1975/1997 : 111)
Les genres, les usages professionnels sont autant de « forces stratificatoires »
travaillant le langage, selon l’expression de Bakhtine :
Comme résultat de toutes ces forces stratificatoires, le langage ne conserve plus
de formes et de mots neutres, « n’appartenant à personne » : il est éparpillé,
sous-tendu d’intentions, accentué de bout en bout (…) Tous les mots évoquent
une profession, un genre, une tendance, un parti, une œuvre précise, un homme
précis, une génération, un âge, un jour, une heure. Chaque mot renvoie à un
contexte ou à plusieurs, dans lesquels il a vécu son existence socialement sous-
tendue. Tous les mots, toutes les formes sont peuplées d’intentions. Le mot
a inévitablement les harmoniques du contexte, harmoniques des genres, des
orientations, des individus. (1975/1997 : 114)
Bakhtine nous a invités à penser la combinatoire variable entre les forces
stratificatoires du genre et les forces stratificatoires de la profession, mais, du
moins à ma connaissance, c’est là un programme de travail que lui-même n’a
pas engagé. Pas plus qu’il ne s’est engagé dans une étude des genres premiers.
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3.3 La plurisémioticité
L’activité verbale est le plus souvent liée à des univers techniques, à de
l’outillage plus ou moins sophistiqué. Les activités verbales écrites (comme
orales) sont rarement indépendantes des activités non verbales : activités sur
des objets techniques, des matériaux. Elles sont en interaction constante avec
les techniques intellectuelles, ce qu’on nomme aussi les artefacts cognitifs. Les
écrits se réalisent dans une intrication étroite avec d’autres modes sémiotiques
de représentation de la réalité : des modes iconiques avec les graphiques et les
maquettes ; des modes numériques avec la représentation chiffrée du réel.
Le travail des techniciens et ingénieurs dans les salles de contrôle des industries
de process, comme le nucléaire, est à cet égard tout à fait caractéristique : ils
surveillent et lisent des écrans informatiques faits de graphiques, de textes écrits
syntaxiques ou non. La représentation informatique du process construit un
univers de travail plurisémiotique où s’intriquent chiffres, écrits syntaxiques,
écrits non syntaxiques, graphiques divers.
Le travail en centres d’appels est aussi représentatif de ces activités
plurisémiotiques : les opérateurs réalisent de façon simultanée :
L’interaction orale médiée par le téléphone avec le client ;
La lecture de l’écran d’ordinateur ;
La lecture de différents documents-papiers sur la table de travail ;
L’écriture d’informations dans le dossier-client informatique.
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Conclusion
J’ai cherché à décrire ici quelques-unes des propriétés organisatrices des genres
professionnels ainsi que certaines formes linguistiques récurrentes. J’ai proposé
de considérer que la dépendance au contexte d’action ainsi que des formats
linguistiques contraints définissent les écrits au travail en tant que genres
professionnels. Mais j’ai conscience qu’on pourrait adopter une démarche
inverse : on pourrait chercher ce qui serait commun à d’autres écrits et à d’autres
situations de production d’écrits ; on pourrait tenter d’interpréter les faits dans
un cadre théorique unifiant, par exemple celui d’une linguistique textuelle ou
de l’analyse de discours. La pertinence scientifique d’une telle démarche est
certainement indéniable. Ce n’est cependant pas la position que j’ai construite
face aux écrits du travail et, plus largement, face à la part langagière du travail.
La description des écrits du travail n’a pas pour seule finalité la connaissance
ou l’exhibition d’usages particuliers du langage, un peu plus exotiques ou
techniques que des romans ou des poésies. Je tente d’assumer, avec d’autres
chercheurs, un objectif plus ambitieux, résolument interdisciplinaire et qui
consiste à contribuer, au moyen d’observations et de descriptions du langage, à
la connaissance et à la compréhension du travail humain.
Références bibliographiques
Bakhtine, M. (1994) [1978] : Esthétique et théorie du roman, D. Olivier (trad.), Paris,
Gallimard.
— (1984) [1979] : Esthétique de la création verbale, A. Aucouturier (trad.), Paris,
Gallimard.
Borzeix, A. & Fraenkel, B. (éds) (2001) : Langage et travail. Communication,
cognition et action, Paris, Éditions du CNRS.
Boutet, J. (2008) : La vie verbale au travail. Des manufactures aux centres d’appels,
Toulouse, Octares.
— (2001) : « La part langagière du travail. Bilan et évolution ». Langage et Société,
98 : 17-42.
Bronckart, J.-P. (1997) : Activité langagière, textes et discours. Pour un
interactionnisme socio-discursif. Paris, Delachaux et Niestlé.
Bronckart, J.-P. & Bota, C. (2011) : Bakhtine démasqué. Histoire d’un menteur, d’une
escroquerie et d’un délire collectif, Genève, Droz.
Cohen, M. (1956) : Pour une sociologie du langage, Paris, Albin Michel.
Fraenkel, B. (2001) : «La résistible ascension de l’écrit au travail », in A. Borzeix
& B. Fraenkel (éds), L,angage et travail. Communication, cognition et action,
Paris, Éditions du CNRS : 113-142.
Fraenkel, B., Pontille, D., Collard, D. & Deharo, G. (2010) : Le travail des huissiers :
transformations d’un métier de l’écrit, Toulouse, Octares.
François, F. (2012) : Bakhtine tout nu. Dialogisme, les malheurs d’un concept quand
il devient trop gros, Limoges, Lambert Lucas.
Goody, J. (1977) : La raison graphique, Paris, Éditions de Minuit.
Grosjean, M. & Lacoste, M. (1999) : Communication et intelligence collective, Paris, PUF.
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L’ENTREPRISE ET LA NORME
LINGUISTIQUE INTERNE
Dardo de VECCHI
Kedge Business School, Marseille
Introduction
Les entreprises et les organisations sont des lieux où des connaissances
sont mises en œuvre, partagées et transmises quotidiennement entre les
différents acteurs. En même temps, l’entreprise peut être conçue comme un
portefeuille de ressources fondé sur des savoirs qui accordent des avantages
concurrentiels (Tarondeau 1998). L’observation de la langue occupe un
rôle central dans ces activités en tant qu’elle est un élément formalisateur,
porteur des significations permettant de passer d’un espace mental à un autre
et de partager des connaissances. Elle permet de connaître non seulement la
dynamique linguistique mais aussi la dynamique des savoirs, d’une part, parce
que le langage permet de formaliser les savoirs, d’autre part, parce que, dans
cette formalisation, les concepts qui construisent ces savoirs sont appelés à
être partagés, notamment pour éviter les mauvaises interprétations. En effet, il
serait préjudiciable au bon fonctionnement d’une organisation que le langage
véhiculant ses propres savoirs puisse être interprété différemment et que les
mêmes notions subissent des altérations interprétatives selon les acteurs ou les
langues. La manière selon laquelle les concepts importants pour le groupe sont
formalisés est donc importante ; elle invite à regarder de plus près les termes
qui les expriment, ce qui est le but de la terminologie.
Nous proposons ainsi une lecture différente de la terminologie - dite classique
- du matériel terminologique des entreprises où les concepts à l’œuvre dans
l’activité nécessitent des références homogènes entre les acteurs tant en
situation monolingue que multilingue. Autrement dit, c’est non seulement
de l’identification des unités terminologiques qu’il s’agit mais aussi d’une
normalisation interne de l’interprétation et de l’usage des termes dans leur
aspect véhiculaire parmi les utilisateurs, d’autant plus que les terminologies
font partie des écrits professionnels. Cette approche implique de regarder de
près où pourrait s’appliquer une normalisation interne.
Comprendre la nature terminologique d’un parler d’entreprise exige de
la regarder, de manière concomitante, sous trois angles. D’abord celui du
domaine où les termes sont utilisés. Ensuite, celui des situations multilingues
auxquelles les termes peuvent être confrontés. Enfin, celui de leur place dans
un seul système linguistique.
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connotation souvent péjorative, mais aussi par le fait qu’un jargon n’est que
rarement valorisé bien que, paradoxalement, il soit incontournable dans une
activité parce qu’il supporte les connaissances qui permettent de la réaliser. Par
ailleurs et sur le plan syntaxique, le lexique composant un jargon est constitué
d’unités souvent simples, moins souvent complexes, tandis qu’en terminologie
il n’est pas rare de trouver des termes aux syntagmes longs. Finalement, c’est
souvent à l’oral que l’on identifie un jargon, contrairement à une terminologie
fixée essentiellement dans la langue spécialisée écrite. En revanche, lorsque les
parlers d’entreprise concernent le domaine d’activité, ils sont à rapprocher des
technolectes (Messaoudi 2000).
Les parlers d’entreprise invitent à observer la masse des contenus à l’œuvre au
sein des entreprises dans l’ensemble de leurs formes sémiotiques. Ces parlers
vont de la parole dite, rarement écrite et dont on ne peut évacuer la valeur
sémantique, jusqu’aux formes conceptualisées par les acteurs et identifiées
avec des signes de natures très différentes tels que les gestes montrés mais pas
toujours énoncés en langue (cf. signaux des agents qui aident le pilote à placer
l’avion à l’arrivée du point de stationnement) en passant par les écrits. Pour
cette raison et dans notre perspective, lorsque la communauté de l’entreprise
(ou organisation) est concernée, la définition du terme doit être formulée
autrement que dans sa forme classique qui énonce que le terme est l’expression
linguistique d’un concept. Nous définissons ainsi le terme comme l’aboutissant
sémiotique d’un processus de conceptualisation.
Le langage, en formalisant des concepts, est considéré autrement lorsqu’il
s’agit de créer une référence commune aux acteurs dans la mesure où il
enregistre ce qu’ils mobilisent sémiotiquement pour formaliser leur savoir. Les
contenus ainsi véhiculés par les parlers d’entreprise pour dire les connaissances
peuvent apparaître sous la forme de signes divers, être énoncés en langue
puis être appelés à être traduits. Un regard différent sur la place de la langue
en entreprise émerge alors. De la même manière, émerge aussi une manière
différente de regarder la place de la terminologie en entreprise qui concerne
autant la situation multilingue que la situation monolingue.
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3 966 689 entreprises en France10. Ce chiffre est intéressant parce que, d’une
part, si toutes ces entreprises n’ont pas des besoins multilingues, toutes mettent
en œuvre des connaissances exprimées en au moins une langue, et parce que
d’autre part, cela oriente vers le nombre d’entreprises qui, par leur taille, sont
susceptibles d’avoir des besoins multilingues.
À l’instar des langues spécialisées dans des domaines de connaissance, les
langues se spécialisent aussi pour dire la réalité des entreprises. Les textes
écrits s’accompagnent de signes qui contribuent à les identifier comme
appartenant à un émetteur en particulier : entreprise ou organisation. Les chartes
graphiques, les logos, les noms de produits ou de services, les nomenclatures
ou codifications permettent d’identifier et de situer le lecteur dans un univers
précis de compréhension – ce même univers étant imité dans les contrefaçons
et les tentatives de phishing. Autrement dit, on interprète un texte d’une
entreprise de manière adéquate si on le situe comme appartenant à un domaine
d’exploitation et si on a les moyens de comprendre la langue mais aussi ce que
l’entreprise a fait avec la langue et les signes qui l’accompagnent.
Par exemple l’opérateur de téléphonie mobile français SFR (Société française
de radiotéléphonie) propose en janvier 2013 des forfaits nommés « SÉRIE
red 3Go » (les contrastes typographiques et la couleur d’un rouge très vif sont
importants, une autre couleur à la place nuirait à la compréhension) subdivisés
en « SÉRIE RED SMS », « SÉRIE RED 24h/24 » et « SÉRIE RED 3Go ». Du
point de vue de l’entreprise et du client, il s’instaure une relation référentielle
(Kleiber, 1984) entre le signe et le produit. Cette relation ne s’établit que
si l’entreprise porte le signe à la connaissance du client et que si ce dernier
identifie le produit comme appartenant à l’entreprise. Ce qui veut dire que les
formes graphiques et linguistiques du signe (aspect linguistico-sémiotique) ne
sont porteuses de significations (aspect cognitif) que si les deux parties client
et prestataire (aspect social) peuvent les mobiliser à un moment donné de
l’histoire de l’entreprise (aspect temporel) pour proposer et vendre le produit
– côté entreprise –, l’acheter et le payer – côté client (aspect pragmatique).
Cette entreprise ne vend pas les mêmes produits depuis sa création en 1987 et
les modifiera sans doute à l’avenir. Ces dénominations datent l’entreprise et le
produit, mais aussi le client qui est susceptible de changer d’offre en fonction
de l’évolution des produits (c’est ce qu’on appelle « faire évoluer une offre »)
vers une autre offre, dénommée forcement d’une autre manière, ce qui instaure
un nouveau lien référentiel. Les écrits ou de manière plus large tout document
écrit constituent un témoignage de cette évolution dans le temps.
À regarder de plus près le point de vue sémiotique, ces formes dénominatives
sont polymorphes. Sémiotiquement, elles font coexister des systèmes
(graphiques, chromatiques, linguistiques). La typographie et la couleur ont une
valeur identitaire. L’expression « SÉRIE RED 3Go » fait coexister à elle seule
deux langues, un chiffre et un symbole d’unité de mesure informatique. Les
10
INSEE : activités marchandes hors agriculture. À titre indicatif, 3.703.991
entreprises (93.38%) comptaient entre 0 et 9 salariés, et seulement 125 comptaient 2000
employés ou plus (0.003%). http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_
id=natnon09221&id=629, 29 janvier 2013.
34
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exemples en sont nombreux autour de nous. Ces unités font partie du parler
d’entreprise. À l’instar des noms de marques, véritables hybrides (Petit, 2000),
les considérer comme des marques est inapproprié car elles ne répondent pas
toutes aux critères légaux ; elles ne portent pas toutes une mention TM ou ®.
Tantôt noms communs, tantôt noms propres, elles occupent une place floue dans
les discours commerciaux. Du point de vue terminologique en revanche, elles
ont une place certaine dans la structuration des connaissances de l’entreprise
et des besoins du consommateur. Ces connaissances sont à énoncer de manière
monolingue, puis traduites. Par ailleurs, la démarche onomasiologique en
terminologie permet de les identifier : quel est le nom du forfait proposé
par SFR qui en janvier 2013 permet deux heures d’appel, des SMS et MMS
illimités pour la somme de 4,99€ ? Une seule réponse est possible : « SÉRIE
RED SMS ». Le lien référentiel est là en même temps que la conceptualisation
est à l’œuvre. Finalement, l’expression occupe une place dans la structuration
notionnelle – et terminologique – de l’entreprise et du client et il est impossible
de l’évacuer si l’on doit rendre compte de ce que l’on sait à propos de l’offre
commerciale de SFR. Les considérer comme des termes semble la stratégie la
plus adaptée. De plus, une terminologie est toujours d’abord monolingue. C’est
pour cette raison qu’un parler d’entreprise est à regarder d’abord en situation
monolingue, ensuite en situation multilingue.
Les unités de ce type font-elles partie de la langue française ? La réponse
peut relever d’un débat qui n’a pas sa place ici. En tout état de cause, il est
impossible de nier qu’elles font partie du français spécialisé par l’entreprise
dans son domaine d’exploitation et que, sans ce parler, toute connaissance
disparaît, et l’activité économique aussi. Ces unités qui apparaissent à l’écrit
pour des raisons commerciales et contractuelles sont de nature terminologique
et exigent une gestion particulière échappant à la lexicologie et aux théories
terminologiques classiques.
Le volume des écrits en entreprise exigerait-il une normalisation interne de
toutes ces unités ? Oui, sans aucun doute. Les besoins de comprendre des acteurs
confrontés à des terminologies qui n’apparaissent ni dans les dictionnaires de
langue ou de domaine mono ou multilingue invitent à gérer ces terminologies.
Les acteurs sont non seulement les employés mais aussi les parties prenantes.
Cette gestion terminologique d’un parler d’entreprise ou organisationnel
implique donc de tracer non seulement la nature mais aussi la signification de
l’unité « SÉRIE RED SMS » à l’adresse des publics internes et externes, à un
moment donné de l’histoire de l’entreprise, pour que des pratiques (culturelles
de l’entreprise) et des actions concrètes techniques ou de vente puissent être
effectuées.
Conclusion
Les écrits des entreprises et organisations montrent que les sens que ces
communautés véhiculent sont le résultat de la coexistence de plusieurs
systèmes. La langue n’est pas tout, mais c’est bien elle qui les prend en charge :
si ce n’est lors de l’énonciation, ce sera au moment de la définition de l’unité
terminologique considérée. Aujourd’hui, si la connaissance de l’entreprise ou
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d’une organisation a une valeur indéniable, ce qui sert à la dire ne peut être
écarté. L’entreprise ne peut être considérée seulement comme monolingue mais
comme multilingue en puissance, car de nouveaux marchés émergent là où
on ne les attendait pas. Lorsque le petit producteur unique dans son savoir-
faire qui constitue son avantage concurrentiel se lance à vendre ses produits à
l’étranger, les besoins de traduction apparaissent. Les termes qui servent son
savoir, qui le mettent en œuvre, qui servent à le partager et à le transmettre
quotidiennement entre les différents acteurs deviennent alors une partie de son
savoir, à la frontière du matériel et de l’immatériel.
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Introduction
À une époque où le nombre d’objets techniques n’a jamais été aussi élevé, ni
la procéduralisation de l’activité de travail aussi poussée, de plus en plus de
documents professionnels ont pour objectif de communiquer des procédures.
C’est le cas, par exemple, des modes d’emploi, des consignes de sécurité,
des guides d’utilisation, des règlements, des aides au travail, des recettes de
fabrication ou de cuisine, des notices de médicaments, etc. Le fonctionnement
de ces documents, qui peuvent être qualifiés de « documents procéduraux »,
constitue un enjeu important trop souvent sous-estimé. En effet, si dans de
nombreux cas un défaut d’explication se traduit simplement par l’exécution
d’actions inadaptées sans conséquences graves, des instructions défaillantes
peuvent avoir des effets désastreux pour l’utilisateur ou l’utilisatrice et son
environnement (André 1989)11.
Au cours des quarante dernières années, l’étude du fonctionnement des
documents procéduraux a donné lieu à une recherche très active dans les
champs de la psychologie cognitive et de l’ergonomie cognitive. Les études
réalisées ont : (a) décrit les processus impliqués dans l’utilisation et la rédaction/
conception des documents procéduraux, (b) collecté une masse importante
de données empiriques, (c) conduit à l’élaboration de modèles théoriques
spécifiques, (d) débouché sur la formulation de préconisations de rédaction
destinées aux rédacteurs techniques (Ganier 2013, Heurley 2001abc, 2002,
Heurley & Ganier 2002, 2006).
Cet article, qui comporte trois parties, a deux objectifs. Le premier est de
présenter la manière dont la psychologie cognitive et l’ergonomie cognitive ont
contribué à définir le document procédural et à préciser son fonctionnement. Le
second est de situer les approches de ces deux disciplines par rapport à d’autres,
tout en proposant un mode d’articulation avec ces dernières qui permette de
parvenir à une véritable ingénierie de la formation et de la conception/rédaction
des documents procéduraux.
11
Par commodité, le terme « utilisateur » désignera tout au long de cet article une
personne de sexe masculin ou féminin exécutant des instructions à l’aide d’un document
procédural.
39
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Les procédures
Une procédure est une réponse à la question « comment faire pour … ? ». Elle se
définit comme un ensemble organisé d’opérations mentales et/ou d’actions qu’il
convient soit d’exécuter (e.g., « EMPRUNTER LE PASSAGE SOUTERRAIN »),
soit de s’abstenir d’exécuter (e.g., « NE PAS TRAVERSER LES VOIES ») en
vue d’atteindre un but donné (e.g., « COMMENT SE RENDRE SUR LE QUAI
N°2 EN TOUTE SECURITÉ SANS ÊTRE VERBALISÉ »).
Classiquement on considère qu’une procédure est censée permettre à celui qui
l’exécute de : transformer un état initial (i.e., la situation de départ) en un état
final souhaité (i.e., le but recherché) (Heurley 2001a, Hoc 1988). Dans certains
cas, notamment lorsqu’elle est communiquée par une seule instruction négative
en « Ne pas … » ou « Défense de … », elle vise au contraire à :
- empêcher la transformation d’un état initial en un état final non désiré
(e.g., « NE PAS UTILISER D’ALCOOL LIQUIDE OU D’ESSENCE
POUR ALLUMER OU RÉACTIVER LE FEU ») ;
- maintenir un état initial inchangé (e.g., « DÉFENSE D’URINER »,
« DÉFENSE D’AFFICHER »).
Même s’il arrive qu’elle ne communique qu’une seule action à exécuter (ou
à s’abstenir d’exécuter), une procédure se présente généralement comme un
système complexe qui peut être à son tour décomposé en sous-procédures
plus élémentaires. Sa structure est donc à la fois séquentielle et hiérarchique
(Heurley 1997).
Contrairement à ce que l’on peut lire dans certaines publications (e.g., van der
Meij & Gellevij 2004, Wieringa, Moore & Barnes 1993), une procédure ne doit
pas être confondue avec le document chargé de la communiquer. La procédure
correspond au « programme d’actions que le lecteur va devoir réaliser » (Vigner
1990 : 109) ; le document n’est qu’une réification particulière, le plus souvent
perfectible, d’une procédure.
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que, malgré une apparente hétérogénéité, tous les textes procéduraux ont une
caractéristique en commun : « l’exécutabilité » (Cellier 2005 : 163). D’autres
caractéristiques ont été identifiées ; les principales sont listées dans le Tableau 1.
41
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d’incitation à l’action » serait plus adaptée pour désigner des genres, allant du
mode d’emploi à l’horoscope, qui auraient tous en commun de « faire-faire
quelque chose à quelqu’un, de l’y inciter plus ou moins fortement et surtout
de lui garantir la vérité des informations fournies » (Adam 2001 : 21). Cette
dernière nous semble pourtant moins appropriée que celle de texte procédural
pour au moins deux raisons. La première est que les modes d’emploi, les
recettes de cuisine, etc., n’incitent pas à l’action : dans la majorité des cas le
« besoin d’action » est premier et motivé par le fait que l’utilisateur, avant
de les consulter, est déjà engagé (ou anticipe de l’être) dans un processus de
résolution de problème (Ganier 2013). Le recours au texte procédural constitue
donc un moyen parmi d’autres (e.g., apprentissage par essais et erreurs, par
l’observation, par l’imitation, etc.) censé l’aider à accomplir des actions
adaptées. La composante langagière étant inféodée dans la composante de
résolution de problème, et non l’inverse, ces textes sont davantage des « aides
à l’action » (Hoc 1988) que des incitations à l’action. La seconde raison est que
de très nombreux textes procéduraux comprennent des instructions négatives
destinées à éviter, à bloquer ou à interdire la réalisation d’actions ; ils incitent
l’utilisateur à l’inaction.
Par conséquent, même si l’expression « texte procédural » n’est pas parfaite,
elle constitue, selon nous, la dénomination la plus adaptée. L’utilisation
grandissante de dispositifs et de supports numériques (i.e., ordinateurs,
smartphones, tablettes multimédia, DVD, fichiers téléchargeables, etc.) pour
communiquer des procédures impose toutefois, qu’elle soit élargie à celle, plus
générale, de « document procédural » (Arguel 2009, Ganier et Heurley 2003).
L’utilisation du terme « instruction » pour qualifier l’unité de base des textes
procéduraux était, quant à elle, motivée par le fait que ce terme constituait
(et constitue toujours) le meilleur compromis entre la terminologie utilisée
en linguistique (i.e., séquences injonctives-instructionnelles, Adam 1987), en
psychologie (Heurley & Ganier 2006) et en rédaction technique (Lannon &
Gurak 2011). Nous continuerons donc de l’utiliser de la même manière que
précédemment.
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L’atomisation de l’activité
L’utilisateur procède habituellement en alternant de courtes séquences
d’action avec de courtes séquences de prise d’information sur la situation ou le
document, ce qui confère au processus d’utilisation ce caractère cyclique très
caractéristique :
Prise d’information → action → Prise d’information → action → etc.
Cette fragmentation de l’activité, qui a été qualifiée d’« atomisation de
l’action » (Vermersch 1985) ou d’« atomisation de la lecture » (Heurley 1994),
a été intégrée dans la plupart des modèles comme le résultat de l’intervention
du processus de contrôle de l’activité – la composante langagière étant « au
service » d’un processus de résolution de problème plus général, le « besoin de
prise d’information » se trouve régulé par les difficultés de compréhension et
d’exécution rencontrées – ou comme une stratégie adoptée par l’utilisateur pour
compenser ses capacités de traitement (attentionnelles et mémorielles) limitées.
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1. Introduction
Comparativement à d’autres types de textes, tels les textes descriptifs,
explicatifs, argumentatifs ou narratifs, le texte procédural se caractérise par
sa visée pragmatique. Pour le lecteur, qualifié dans ce cas d’ « utilisateur »,
l’utilisation de ce type de texte relève de « lire pour faire » (Ganier et Heurley
2003, Sticht 1985). Elle se traduit la plupart du temps par la traduction
d’informations symboliques en actions motrices exécutées dans le monde
réel. L’un des rôles du texte procédural que nous retiendrons dans cet article
est de guider un utilisateur dans la réalisation d’une tâche inhabituelle (voir
Cellier 2005). Conjointement à cette visée pragmatique, le texte procédural
présente une garantie d’accomplissement des buts visés, généralement énoncés
dans les instructions (Cellier 2005, Fayol 2002). Il est par là même soumis à
une contrainte d’efficacité : il doit permettre une réalisation efficace et sans
erreur d’une procédure. Ainsi, suivre les instructions de programmation d’un
lecteur-enregistreur DVD de salon doit permettre d’aboutir à l’enregistrement
correct du programme choisi ; suivre une consigne de résolution d’incident
doit permettre au conducteur d’un train de rétablir la situation pour revenir à
une situation « normale ». Toutefois, malgré cette contrainte d’efficacité, les
textes procéduraux ont la réputation d’être souvent de qualité médiocre, et leur
utilisation s’avère dans certains cas inefficace (Carroll et Mack 1985, Weil-
Fassina 1979/1980). L’inefficacité de ces documents peut être due à des causes
multiples. Pour Gunnarsson (1989), ils sont souvent abstraits, comportent une
grande part d’implicite et reprennent des expressions, un vocabulaire et des
structures syntaxiques peu adaptés aux utilisateurs, souvent non spécialistes du
domaine. Ganier et Barcenilla (2007) ajoutent à ces défauts une mise en forme
matérielle inadéquate, une incomplétude du texte (qui se traduit par l’absence
d’une ou de plusieurs instructions nécessaires), un ordonnancement incorrect
des instructions, un nombre important d’informations non mentionnées, un
niveau d’abstraction des instructions trop élevé ou au contraire un niveau de
granularité trop fin, des écarts entre la terminologie utilisée par les rédacteurs
et celle des utilisateurs, etc. Une grande partie de ces défauts est sans doute
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2. Analyse de corpus
2.1 Méthode
Le corpus retenu pour cette étude était composé de quatre notices proposées pour
un programmateur électronique (Figure 1) commercialisé en grandes surfaces
ou en magasins de bricolage sous les marques Castorama, EverFlourish,
Gefolec et PT. Cet appareil jour le rôle d’un « interrupteur programmable » qui
s’intercale entre une prise de courant et un appareil électrique afin de déclencher
la mise en marche et l’arrêt de celui-ci à des périodes prédéterminées (par
exemple, du lundi au vendredi, de 7h à 8h ; les samedis et dimanches, de 17h
à 18h, etc.). Les appareils pouvant être utilisés avec ce programmateur sont
multiples : des systèmes d’éclairage (par exemple, pour simuler une présence à
son domicile), des appareils électroménagers (cafetière, bouilloire…) ou autres
(radiateur électrique, système d’alarme …), ce qui le rend susceptible d’être
utilisé par un large public. Le nom des touches des quatre programmateurs
était directement imprimé sur les appareils. Alors que ce marquage était en
langue anglaise pour trois programmateurs (EverFlourish, Gefolec et PT), il
était en français pour le programmateur Castorama. Tous les programmateurs
présentaient des indications en anglais au niveau de l’affichage électronique
des jours de la semaine (respectivement, du lundi au dimanche : Mo, Tu, We,
Th, Fr, Sa, Su) et du mode d’affichage de l’heure sur 12 ou 24h (AM / PM).
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2.2 Résultats
Parmi les quatre notices examinées, une notice (EverFlourish) ne délivre pas
l’information concernant la transition d’un mode d’affichage de l’heure à
l’autre. Ce manque d’information sur cette fonctionnalité de l’appareil peut
être gênant pour l’utilisateur qui peut se retrouver tout à fait fortuitement dans
l’un ou l’autre mode (12h ou 24h) et ne pas comprendre – par exemple – les
informations fournies par les indications AM ou PM sur l’écran de l’appareil.
Sur les autres notices (Castorama, Gefolec, PT), préalablement aux instructions,
on trouve des informations de type déclaratif. Par exemple, dans la notice
Castorama, l’information déclarative est formulée ainsi :
« 2 options de lecture sont possibles :
• 12 heures : affichage de l’heure de 12:00 à 11:59 avec affichage de
AM et PM (AM : Matin, PM : Après-midi)
• 24 heures : affichage de l’heure de 00:00 à 23:59. »
La fonction de ce type d’information est de rendre plus facile l’utilisation de
l’appareil en donnant à l’utilisateur des éléments clarifiant le processus et
l’environnement des tâches à venir. Toutefois, cette information est inexacte
dans deux des notices étudiées (Gefolec et PT) qui mentionnent « Affichage
sur 12 heures : de 1.00 à 12.59 », alors que l’affichage qui apparaît sur
l’appareil court de 00:00 à 11:59. Ce type d’erreur laisse supposer que le
rédacteur n’a pas manipulé l’appareil en rédigeant la notice (voir Ganier &
Pétillon 2011).
L’analyse de l’information procédurale présentée dans les notices Castorama,
Gefolec et PT (Tableau 1) montre que l’expression du but apparaît d’abord,
énoncée sous la forme : pour + infinitif (« Pour passer d’un mode à l’autre »
ou « Pour changer de mode »), suivie du verbe d’action (« appuyer » ou
« maintenir enfoncé »). Intervient ensuite la localisation (ou l’objet) de
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Réglage du jour
Du fait de l’affichage en anglais de l’abréviation du nom des jours de la semaine
sur l’écran du programmateur, on trouve une information de type déclaratif
dans les différentes notices. Il s’agit de la traduction des noms abrégés des
jours de la semaine en français – traduction qui peut être associée à l’ordre de
défilement des jours à l’écran (ou non, pour le cas de la notice EverFlourish).
Comparativement à l’opération simple décrite plus haut (passage du mode
12h au mode 24h), la particularité de cette opération est qu’il faut manipuler
deux boutons simultanément : on voit apparaître le connecteur «et», soit entre
deux verbes d’action, soit entre deux noms de touches. En ce qui concerne
l’information procédurale, on peut distinguer deux cas : soit on trouve un seul
verbe pour exprimer les actions à effectuer sur les deux touches (« Appuyer »,
notices PT et Gefolec), soit on trouve un verbe pour chaque touche
(« maintenir » et « appuyer », notices EverFlourish et Castorama). Comme
l’illustre le Tableau 2, on note des variations dans l’ordre de succession But
– Verbe d’action. Le but est exprimé de différentes façons : soit dans le titre
(« Réglage du jour », notice Castorama), soit au niveau des instructions elles-
mêmes, introduit par afin de + infinitif ou pour + infinitif. Pour ce qui est de
la localisation de l’action, on peut distinguer les cas où il y a correspondance
entre les termes utilisés dans la notice et le marquage sur l’appareil des cas
où l’on ne retrouve pas cette correspondance. La notice Castorama est livrée
avec un appareil marqué en français. Les notices Gefolec et PT sont livrées
avec un appareil marqué en anglais, et les termes désignant les touches sont
exprimés en anglais dans ces notices. En revanche, la notice EverFlourish
est livrée avec un appareil marqué en anglais, mais les termes désignant les
différentes touches apparaissent en français dans la notice. Ce dernier cas peut
induire des difficultés chez l’utilisateur non anglophone (voir Ganier 2013). Par
ailleurs, on remarque l’utilisation de typographies différentes (nom des touches
en majuscule ou non), avec éventuellement l’utilisation des guillemets. Enfin,
la condition de réussite (« jusqu’au jour souhaité ») n’est exprimée que dans un
seul cas (notice Castorama, où cette information est d’ailleurs paraphrasée par
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une nouvelle instruction : « Relâcher les deux boutons lorsque le jour souhaité
s’affiche »). Or, ce type d’information est nécessaire à l’utilisateur qui doit
autoévaluer la réussite de ses actions (Ganier 2004).
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(« si l’écran n’affiche pas ce mode appuyer sur Horloge »). On constate que
ces deux informations concernant d’une part l’état normal et d’autre part la
résolution de problème en cas de dysfonctionnement sont présentées dans la
même phrase alors qu’il eût été plus clair de les distinguer graphiquement et de
mettre un point entre ces deux propositions qui correspondent chacune à une
situation différente.
3. Conclusion
À partir de l’analyse comparative de différentes notices destinées à accompagner
un même appareil domestique commercialisé sous différentes marques, cet
article a permis de montrer qu’il existe des différences importantes quant à la
qualité des textes accompagnant les produits de consommation. En guise de
conclusion, nous insisterons sur plusieurs points mis au jour par cette étude
et permettant d’apporter un certain nombre d’éléments de contenu pour la
formation des rédacteurs techniques. Nous présenterons d’abord un certain
nombre de particularités identifiées par l’analyse comparative puis nous
reviendrons de façon plus large, sur le genre textuel que constitue le texte
procédural et sur ses marques linguistiques spécifiques.
L’analyse comparative des quatre notices d’utilisation a permis d’extraire six
règles de rédaction qu’il nous semble nécessaire de respecter afin d’améliorer
l’efficacité des documents procéduraux. La première de ces règles concerne
la présentation d’une information déclarative lorsque cela s’avère nécessaire.
Une telle information est en effet susceptible d’apporter des éléments de
compréhension sur les fonctionnalités de l’appareil, clarifiant ainsi le but des
opérations à réaliser (« 2 options de lecture sont possibles : 12h ou 24h. Pour
passer d’un mode à l’autre,… »). Une deuxième règle à respecter concerne la
nécessité de délivrer une information complète et précise. Manipuler l’appareil
à documenter permettrait notamment d’éviter que des informations soient
manquantes, incomplètes ou inexactes (voir Ganier et Pétillon 2011), comme
l’illustre le cas de la non-correspondance entre le nom des touches indiquées
dans la notice et le marquage sur l’appareil. Une troisième règle est liée au
respect du principe de parallélisme (Heurley 1997), tant au plan de la mise
en forme textuelle (différentes sections d’un document devraient présenter la
même forme et la même organisation) qu’au plan de la structure grammaticale
des instructions. En effet, dans certaines des notices étudiées, nous avons pu
remarquer que certaines informations de même niveau hiérarchique n’étaient
pas toujours présentées sur le même plan, ou encore que certaines instructions
présentaient un verbe à l’impératif suivi du pronom de la deuxième personne
du pluriel « vous ». Une quatrième règle à respecter tiendrait à la formulation
des titres, qui doivent correspondre à la fois aux buts de l’utilisateur et aux
informations mentionnées dans les instructions (« Réglage du jour et de
l’heure »). Une cinquième règle concernerait la mise en saillance de certaines
informations par un usage plus ou moins marqué de la typographie et de la
ponctuation liée (« Pour passer d’un mode à l’autre, appuyer sur le bouton
CLOCK »). Enfin, une sixième règle viserait l’ajout d’informations concernant
les conditions de réussite des actions réalisées par l’utilisateur («… jusqu’au
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changement sur l’écran »). Certains travaux montrent en effet que cette
information (souvent absente des notices examinées dans cette étude) apparaît
comme un élément clé pour l’utilisateur, puisqu’elle lui permet d’auto-évaluer
la réussite de ses actions (Ganier, Gombert et Fayol 2000, Ganier 2004).
En ce qui concerne le genre textuel du texte procédural, il fait partie de ce
que Maingueneau (2004) appelle les « genres institués de mode 1 ». Les
genres institués de mode 1 (le terme « institué » désigne les genres discursifs
disponibles dans les familles discursives) sont définis comme respectant
strictement une scène générique et une scénographie à contraintes. « Ce sont
des genres institués qui ne sont pas ou peu sujets à variation. Les participants
se conforment strictement à leurs contraintes : courrier commercial, acte
notarié, fiches administratives. [Ils sont régis par] des schèmes compositionnels
préétablis sur lesquels s’exerce un contrôle fort pour lesquels les participants
sont interchangeables. Il est impossible de parler d’ « auteur » pour de tels
genres. » (Maingueneau 2004 : 112 ; c’est nous qui soulignons, via l’italique).
Pour chacun de ces textes, la scénographie est inchangée : un nous administratif
pour les actes notariés, des phrases impersonnelles pour les formulaires
administratifs, une accumulation d’infinitifs (effacement de la source
énonciative) pour les textes procéduraux à style objectif.
Le texte procédural se situerait donc dans la catégorie de genre 1, c’est-
à-dire un genre qui épouse un scénario (dispositif énonciatif) et un plan
assez rigoureusement pré-déterminés. C’est ce que nous nous proposons
de voir dans cette seconde étape de notre conclusion. Le texte procédural,
en effet, obéit aux finalités du domaine dans lequel il intervient : c’est un
texte prescriptif, qui vise à faire faire. « Ces énoncés reflètent les conditions
spécifiques et les finalités de chacun de ces domaines, non seulement par
leur contenu (thématique) et leur style de langue, c’est-à-dire par le choix
des moyens linguistiques lexicaux, phraséologiques et grammaticaux [types
relativement stables d’énoncés] –, mais avant tout par leur construction
compositionnelle » (Bakhtine 1984). C’est en effet dans la structure
compositionnelle des notices que l’on peut observer qu’un même plan est
suivi. Il est structuré par les tâches à accomplir : 1) Réglage de l’heure, et
du jour 2) Réglage de(s) programmation(s), section dans laquelle peut
intervenir la mise en fonctionnement de l’appareil (notice EverFlourish),
3) Branchement, 4) Informations particulières (type de piles, et précautions
à suivre). Les notices Gefolec et PT suivent ce même processus mais sans
aucune structuration du texte en étapes successives et en plan : les actions
à effectuer sont indiquées sous forme de liste, avec juste une mise en gras
et une police supérieure pour « Réglage de l’heure » et « Mise en place
des programmes » (pour Gefolec) la notice EverFlourish fait sensiblement
de même en distinguant toutefois le fonctionnement de l’horloge (en gras
« Horloge », puis « Programmation de l’heure (marche/arrêt) » et
« Programmation du jour (marche/arrêt) ». Pour ces deux dernières notices,
il n’y a aucune numérotation de paragraphe, correspondant aux actions et
sous-actions, ni même de trait démarcatif – seulement le gras avec police
légèrement supérieure. Les notices Castorama et EverFlourish utilisent, quant
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à elles, tous les outils typographiques permettant de suivre les actions et donc
le plan du texte. Elles sont donc, de ce point de vue, plus performantes que les
notices Gefolec et PT : « Les textes d’incitation à l’action ont pour propriété
une très forte segmentation et une large exploitation des possibilités de mise
en forme typographique. Une très grande vi-lisibilité découle des indications
alphanumériques, des alinéas souvent sur-marqués par des « puces » [ou
tiret], de la présence de composantes iconiques (photographies, schémas),
qui vont de la simple illustration à l’information majeure » (Adam 2011b :
247). On notera ici que seule la notice Castorama offre une présentation du
programmateur (à quoi correspond chaque touche) et un tableau récapitulatif
et numéroté des actions à réaliser. La représentation d’action et la force
illocutoire forte (incitation à faire) sont prises en charge, dans nos notices,
par d’abondants prédicats actionnels à forte valeur illocutoire. Celle-ci est
plus importante si l’on a des impératifs plutôt que des infinitifs ce qui est
le cas dans toutes nos notices : « appuyer », « brancher », « choisir » etc.
Parallèlement à ces prédicats actionnels noyaux de propositions relevant du
faire faire, on peut souligner l’importance des informations de type déclaratif :
il s’agit là de donner des informations souvent préalables et indispensables
à la bonne exécution de l’action : par exemple, « Il vous est possible de
faire 7 programmations » (EverFlourish), « A chaque pression sur la touche
Prog, les programmes défilent du n° 1 au n° 7 […] » (Castorama). Enfin, les
caractéristiques énonciatives répondent aux critères du texte procédural : un
énonciateur effacé et un allocutaire présent sous la forme du pronom « vous »
ou « votre [programmateur] ». C’est en effet sous la seule marque du pronom
de seconde personne du pluriel que le destinataire apparaît : « Un paradoxe
apparent régit énonciativement les textes d’incitations à l’action. Ils émanent
d’un expert dont la présence énonciative est effacée » (Adam 2011 : 244). En
revanche, si le locuteur (le rédacteur, ici) s’efface, les marques commerciales
sont bien présentes : Castorama, EverFlourish, Gefolec et PT. Quant au
destinataire, nous avons souligné sa présence sous forme du pronom ou
possessif « votre [programmateur] » : « La place du sujet-agent (destinataire)
est, quant à elle, laissée pronominalement ouverte : elle peut ainsi être
occupée par chaque lecteur-utilisateur » (Adam 2011 : 245). On pourra
finalement s’arrêter sur un élément essentiel du texte : son titre, qui constitue
un élément majeur de la compréhension du texte. Dans ce sens, les notices
Gefolec et EverFlourish sont relativement synthétiques puisqu’elles titrent :
« Notice d’utilisation ». La notice PT indique, quant à elle, « Programmateur
digital notice ». Enfin, la notice Castorama est plus précise puisqu’elle
présente d’abord l’objet, puis le type de texte dont il est question. Le titre
est donc composé en deux temps : « Programmateur digital hebdomadaire
Réf. 29 12 87. » d’une part, puis en majuscules « NOTICE DE MONTAGE
ET CONSEILS D’UTILISATION ». Ces précisions sont importantes parce
qu’ « un texte n’est pas qu’une suite linéaire de parties […], c’est, en même
temps, un tout de sens sémantico-pragmatique, un ensemble réticulaire et
une unité configurationnelle presque toujours résumable par un titre. C’est sa
première façon de faire sens pour quelqu’un […] » (Adam 2011 : 267).
62
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Bibliographie
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63
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Note
La très mauvaise qualité de rédaction de la notice PT 1007 F, sans doute rédigée
d’abord en chinois, puis traduite en anglais, puis de nouveau traduite en français
a été étudiée dans Ganier & Pétillon (2011).
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La recherche présentée dans cet article porte sur la formation à l’écrit des
adultes peu ou pas qualifiés ni diplômés. Nous avons mené cette recherche
dans le cadre de notre thèse de doctorat (Chinours-Lachaud 2011). Cette étude
trouve son origine dans notre expérience de formatrice auprès d’employés
dits en difficulté avec l’écrit. En nous rendant sur les postes de travail pour
déterminer leurs besoins de formation, nous avons constaté que ces employés
mobilisent des compétences techniques. Nous nous sommes alors interrogée
sur le lien éventuel que l’on pourrait établir entre ces compétences et celles
que l’on cherche à leur faire acquérir concernant l’écrit. Cette question se situe
au départ de notre recherche. Ainsi, nos objectifs étaient de repérer les traces
de littéracie sur les lieux de travail ainsi que les compétences des employés,
relatives à l’usage de l’écrit en milieu professionnel.
Après avoir exposé l’arrière-plan théorique, nous présentons notre méthodologie
de recherche puis les principaux résultats relatifs aux compétences de
ces employés, sous l’angle du langage et plus particulièrement des écrits
professionnels.
12
Laboratoire de linguistique et didactique des langues étrangères et maternelles.
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rapprochés des capacités présentes dans l’usage personnel des écrits notamment
pour la structuration du temps, comme l’anticipation et la planification que l’on
retrouve dans la rédaction des aide-mémoire (Lahire 1993). B. Lahire montre
également qu’il existe des compétences sur les plans de la gestion du temps et
de l’espace (Lahire 1995). Il décrit ces compétences dans des familles de milieu
populaire et montre que la gestion du temps et de l’espace pourrait rendre
compte de l’entrée dans le monde scriptural des enfants, ce qui contribuerait à
leur réussite dans leur scolarité. D’autres savoirs et savoir-faire qui ne relèvent
pas de l’écrit sont mis en lumière dans les pratiques du quotidien, ce sont les
« tours de main », « astuces » et « manières de faire » évoqués par M. de
Certeau (1990).
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13
Durée moyenne d’intervention des agents employés par une société privée de
nettoyage.
14
Contrat à durée indéterminée à temps partiel subi, contrat dans le cadre d’une
insertion professionnelle ou contrat à durée indéterminée à temps partiel.
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15
Nous indiquons entre guillemets la transcription des propos des témoins.
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De même que pour les écrits du travail réel, nous constatons avec ceux de
l’environnement de travail un engagement plus marqué des employés dans les
pratiques de littéracie. Les écrits de cette catégorie donnent lieu à davantage de
passages spontanés à l’écrit, notamment en lecture. Ces écrits sont variés et les
tâches de lecture peuvent être complexes comme celles des plannings.
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ici que moins les employés sont qualifiés, moins on leur donne la possibilité
d’utiliser l’écrit et que, lorsqu’ils le font, leurs pratiques ne sont pas reconnues
ni valorisées sur le poste de travail.
Nous avons noté que les passages à l’écrit sont plus nombreux dans le travail
réel que dans le travail prescrit avec davantage de situations de réception
écrite qui peuvent être complexes. L’étude de la littéracie sur le lieu de travail
permet ainsi de mettre au jour des écrits mais aussi des pratiques, et donc des
compétences relatives à la lecture et à l’écriture.
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Des pistes didactiques pourraient être envisagées, d’une part, pour la formation
des formateurs et, d’autre part, pour l’élaboration des programmes de formation
à l’écrit des adultes, notamment peu lecteurs-scripteurs. Dans le cadre d’une
approche formative individualisée, les formateurs pourraient déterminer les
besoins de formation à partir des compétences existantes des apprenants.
Celles-ci seraient interrogées dès l’entrée en formation. Dans le cadre de la
formation professionnelle, on pourrait envisager de compléter les informations
déclaratives recueillies auprès des apprenants par un recueil des besoins réalisé
sur le poste de travail, lequel permettrait de repérer et de mettre en relief les
compétences de littéracie mobilisées sur les postes de travail par les apprenants,
comme la rédaction d’aide-mémoire et de messages destinés aux usagers.
Ainsi, les formateurs pourraient envisager l’apprentissage de l’écrit à partir
de l’oral mais aussi des compétences ignorées qui existent à l’écrit. Dans le
prolongement des travaux de Dolz & Schneuwly (1998), des situations orales
pourraient être catégorisées à partir des genres formels en relation avec les
situations de la vie quotidienne : se présenter au téléphone, présenter son travail,
ses activités. Élaborer des programmes de formation basés sur les compétences
existantes pourrait être réalisé à partir des représentations qu’ont les apprenants
de la langue et de son apprentissage. L’apprentissage de l’écrit pourrait ainsi
être réalisé à partir de la production écrite de l’apprenant (Ferrand 2002) et
s’effectuerait à partir des compétences de la personne et des représentations
qu’elle a de l’écrit.
Dans le cadre d’une démarche de formation basée sur les écrits professionnels,
une production écrite libre réalisée par l’apprenant pourrait constituer un fil
rouge permettant de s’approprier l’écrit au delà de ses fonctions sociales et
professionnelles. Ce type d’écrit permettrait de mobiliser les compétences
existantes et les nouveaux savoirs acquis pendant la formation.
La présence de ces compétences conforte également l’hypothèse d’un possible
continuum entre « ordre de l’oral et ordre de l’écrit », plutôt que celui d’une
rupture radicale entre les deux ordres (Peytard 1970). Les témoins en situation
de travail parlent spontanément, manifestant alors ces compétences langagières
« ignorées ». Ainsi, dans le sillage des travaux de Dolz et Schneuwly (1998)
qui montrent également qu’il existe un continuum et non pas une rupture
entre l’oral et l’écrit, on peut considérer que l’action est propice à la parole
spontanée. De plus, le recueil in situ permet de déterminer des formes
discursives qui pourraient être exploitées pendant les formations, dans le cadre
de l’enseignement de l’écrit.
Ces pistes didactiques basées sur la raison orale et les compétences existantes
mériteraient d’être approfondies. Elles pourraient être envisagées en
relation avec la dimension réflexive de la langue dans l’apprentissage (ou le
ré-apprentissage) linguistique chez les adultes (Rivière 2012). La réflexivité
s’entend ici comme « processus cognitif et communicationnel de retour sur ou
de mise à distance d’une expérience » (p. 169).
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Introduction
À partir d’une recherche effectuée auprès de quatre espaces de formation
professionnelle dans le monde de la santé, nous questionnons ici la construction
des différenciations au niveau des positionnements socioprofessionnels et des
hiérarchies sociales à travers les pratiques scripturales. La réflexion s’engage
sur ce qui se joue dans et à travers les pratiques scripturales mises en place
avec des étudiants qui, dans l’espace de formation professionnelle, sont
amenés à vivre un passage entre le monde scolaire d’où ils sont issus et le
monde du travail qui va les accueillir. Les pratiques scripturales sont pensées
comme le reflet des organisations, des valeurs et des cultures mises en place
dans différents lieux, mais aussi comme l’espace dans lequel ces dernières
s’élaborent, se construisent et se négocient. Cette perspective interroge
l’inscription sociale des énoncés et la complexité de l’activité langagière en
situation en étudiant notamment la pratique discursive, les contenus et leurs
codages lexico-syntaxiques, les procédures énonciatives et les conduites
sociocognitives mobilisées. Les pratiques scripturales contribuent à construire
des discours, des pensées et des rapports sociaux spécifiques (Vygotski 1934),
de même que des mises à distance et des accroissements du savoir et de l’action
sociale qui autorisent des phénomènes de contextualisation et d’objectivation
(Goody 1977 , Bautier 1995). L’ensemble de la construction théorique permet
ainsi d’aller au-delà de l’idée que les pratiques scripturales seraient le seul
reflet des socialisations et des hiérarchies professionnelles, pour les envisager
comme un puissant organisateur de ces dernières.
Les réflexions présentées ici prennent appui sur un recueil de données qui a
été réalisé il y a plus d’une dizaine d’années auprès d’ambulanciers, d’aides-
soignants, d’infirmiers et de sages-femmes en formation professionnelle à
l’île de La Réunion. Les questionnements, toujours d’actualité, permettent
de rappeler qu’il est possible d’identifier des formes spécifiques d’écrit et des
usages particuliers des pratiques en analysant la participation de l’écriture à
l’organisation de l’institution et à son système hiérarchique, aux conflits, aux
exclusions et à la reconnaissance ou non de la place de l’être humain dans
l’organisation.
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Nombre de pages
Fortes exigences ou non sur la construction d’un cadre théorique / cadre d’analyse
Mode de recueil des données (questionnaire, entretiens…) et adéquation avec le
questionnement
Mise en lien des outils théoriques et des données recueillies
Croisement de données encouragé ou non (ex : questionnaire et entretien semi-
directif, entretiens et observations…)
Ampleur de l’investigation menée par rapport à la complexité des réalités sociales
Nature des propositions d’action. Énoncés généraux ? Actions concrètes et
réalisables ?
Présence d’une bibliographie et nombre de références
Type d’appréciations portées par les formateurs sur les MP : notes, commentaires,
corrections, ouvertures ?
Accès au MP en bibliothèque : aisé, compliqué, impossible ?
Participation encouragée ou non à des concours / à des publications dans des revues
professionnelles
Le MP constitue ou non une rupture / transition structurante avec les socialisations
antérieures
Le MP est pensé ou non dans une perspective professionnalisante
Objectiver l’action
Dans le discours des étudiants en formation professionnelle, l’association entre
l’écriture et la prise de distance par rapport aux savoirs est rarement effectuée
et ce, quelle que soit la formation. L’analyse des discours permet néanmoins
de montrer que les principales différences entre les étudiants peuvent se définir
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selon trois niveaux distincts qui correspondent à des places et rôles différenciés
de l’objectivation des savoirs dans le parcours de formation :
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Les réécritures
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Chez les ambulanciers et les AS/AP, la logique de l’action conduit les étudiants
à travailler les savoirs indispensables à un bon exercice de la profession
ultérieure et les pratiques d’écriture ne constituent qu’un outil pour y parvenir.
Dominante à l'école des sages-femmes, la logique de l’acteur structure pour
partie les pratiques des futurs infirmiers. Dans un Institut de Formation en
Soins Infirmiers (IFSI) qui se cherche entre les deux modèles, les rapports
sociaux effectifs se construisent à la fois en conformité (les acteurs font ce
que les directives disent de faire), mais aussi en décalage (le MP n’en est pas
un, et les résultats sont plus cachés qu’exhibés). L’écriture n’y est donc pas
pleinement mobilisée puisqu’elle ne sert pas vraiment à apprendre de son
action, ni à donner du sens à cette action en la situant dans l’espace des rôles
sociaux (Wittorski 2003). Les analyses montrent ainsi que plus les niveaux
de recrutement et de formation sont faibles, plus les étudiants sont confrontés
à des tâches d’écriture qui correspondent à des situations de soumission et
qui les préparent à être exécutants : « transcription » des cours, rédaction de
plans synthétiques des cours en vue de la préparation des examens, pas ou peu
d’écrits dont ils sont les auteurs, au sens de la production et de la création. Là
où les activités d’écriture sont fortement normées et cadrées, elles ne laissent
qu’une très faible marge de manœuvre aux scripteurs.
Les pratiques scripturales questionnent enfin la construction identitaire des
scripteurs en formation professionnelle, ainsi que les rapports qui s’élaborent
aux autres (les collègues, les formateurs, les professionnels en poste) et au
monde dans lequel les étudiants sont amenés à s’inscrire. Les façons dont
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Thématiques Indicateurs
Emploi du je, nous, on
Expression de la Tonalité des productions écrites
subjectivité et de la Gestion conjointe du cadrage institutionnel et de la
créativité personnalisation des écrits
Ouverture sur les réseaux extérieurs
Traitement des difficultés d’écriture
Organisation spatiale des écrits, respect des lignes
Exercice du doute et Ponctuation mobilisée dans les écrits, type, fréquence
de l’insécurité Présence ou non d’injonctions (il faut que…)
Présence de ratures, traces diverses, gommages
Souffrance des étudiants en difficultés
Adoption de nouvelles abréviations, lexique, structures
Apprentissages / Longueur des textes et tonalité d’ensemble
désapprentissages Apports de savoirs scripturaux pendant la formation
Abandon de pratiques antérieures
Conclusion
Les analyses présentées à travers cette contribution soulignent l’intérêt d’un
regard ethnosociologique sur les pratiques scripturales mises en place dans
les instances de formation professionnelle, enrichissant ainsi la nécessaire
approche pluridisciplinaire d’un objet fort complexe (Plane et al. 2010). Cet
élargissement du regard permet notamment de ne pas toujours faire porter
aux individus la responsabilité de certains problèmes qui relèvent souvent
de profonds paradoxes qui dépassent les individus eux-mêmes, puisqu’ils
impactent l’ensemble de la construction sociale dans laquelle les étudiants
s’intègrent. La distance entre ce qui est travaillé au cours de la formation et ce
qui relève des pratiques professionnelles effectives est pertinente à analyser,
de même que la nature, la fréquence et la diversité des pratiques scripturales
proposées dans les différents niveaux de formation. Les rituels qui permettent
de passer du statut d’étudiant à celui de professionnel sont aussi à étudier,
de même que les dimensions communicationnelle, sociale et symbolique
des mémoires lorsqu’ils sont pensés pour accompagner le parcours du futur
professionnel. Les pratiques scripturales apparaissent ainsi comme un véritable
espace de travail et de construction qui engage les scripteurs et permet aussi de
réinterpréter les rôles et positionnements des différents acteurs de la formation.
On voit alors comment se traversent (et non se transfèrent) les pratiques
langagières en formation, en engageant de fait les formateurs et les futurs
professionnels formés (Daunay & Treignier 2004).
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Former aux écrits professionnels consiste bien souvent à définir des principes
d’écriture (clarté, lisibilité, etc.) et à systématiser des techniques d’élimination
afin d’y parvenir. Pour ces auteurs, il y aurait un lien étroit entre simplicité
syntaxique et clarté sémantique : il suffit d’être bref pour être compris. On
retrouve ici quelques principes idéologiques qui reposent sur la conviction
qu’ordre syntaxique égale ordre de la pensée.
Ces injonctions reposent le plus souvent sur des préconisations subjectives, qui
deviennent dès lors les normes du « bien écrire » en contexte professionnel.
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de ces lettres est clairement affiché : être lu, compris, déclencher l’action
désirée, mais surtout réguler l’interaction. Elle se distingue d’un écrit littéraire
par le fait qu’elle est entièrement au service de l’information émise et non au
service de son auteur. Son ancrage dans la vie sociale la rend difficilement
transmissible en dehors des règles qui la codifient et qui lui donnent une
validité institutionnelle et en dehors de leur situation singulière d’interaction.
Nous évoquerons ci-après quelques propriétés de ce sous-genre professionnel.
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y a ce qui est autorisé et ce qui est prescrit. Soares (2002) évoque trois grandes
catégorisations : l’intégrateur qui intègre les règles de civilité comme le sourire
(métier commercial etc.), le dissimulateur qui cherche à neutraliser l’émotion
(métiers de la santé, etc.), le différenciateur qui cherche à exprimer du malaise
en vue de provoquer des effets (métiers de la justice et de la police, etc.).
La relation sociale et interlocutive engagée dans la situation réclamante
interroge cette maîtrise des affects. Agressivité, agacement, impatience, etc.
ne peuvent s’exprimer ouvertement dans une relation clientèle (Grosjean,
Ribert & Van de Weeerdt 2010 : 104) : la relation est de fait asymétrique. Dès
lors, le recours aux implicites et aux sous-entendus permet au professionnel
d’exprimer d’une certaine façon des affects mais avec retenue : « je m'étonne
que vous n’ayez pas reçu… ; je vous l’avais déjà signalé… ».
En guise de conclusion
L’analyse de cet écrit « La réponse à une lettre de réclamation » en contexte,
montre les limites d’un apprentissage qui se réduirait à des approches technicistes,
subjectives et décontextualisées. Dans de nombreuses formations, les principes
formatifs reposent principalement sur des préconisations normatives, limitant
l’activité d’écriture à des savoir-faire formels, à des ressentis subjectifs, sans
se fonder sur le fonctionnement social de la langue et sur la situation de
communication. Dans les formations à la relation clientèle, les apprenants sont
particulièrement invités à se conformer à des modèles discursifs enfermants,
souvent non négociables17, à des implications contraintes (Durand 2004)
prenant le risque ainsi de l’épuisement professionnel (Oudart 2001).
Comme on vient de le montrer, apprendre à « répondre à une lettre de
réclamation » nécessite de développer des compétences d’ajustement : prendre
en compte, s’adapter, écouter, reformuler, comprendre, affiner, etc. Ces
compétences sont d’autant plus importantes à développer que c’est, comme le
montre Mayen (cité par Pastré 2011 : 205), le concept pragmatique « ressenti
client » qui organise souvent l’activité dans les métiers de service. Cette
complexité interlocutive est peu abordée dans les formations et les ouvrages
spécifiques, ou du moins peu mise en perspective avec le travail réel et les
outils linguistiques mobilisables pour en rendre compte.
Comment prendre en compte cette réalité communicationnelle ? Quelle place
accorder à la situation de travail et aux compétences linguistiques spécifiques
aux situations ? Dans leur article, Rinck & Sitri (2012 : 79) proposent de
permettre aux apprenants de se familiariser avec la diversité des genres
professionnels en s’appropriant les contraintes énonciatives et pragmatiques à
partir d’observations de terrain. Cette piste fait partie de celles que nous avons
privilégiées au cours de notre formation-action recherche. Dans un premier
temps, nous avons cherché à comprendre comment et à partir de quoi les
professionnels construisaient leur courrier. Par l’autoconfrontation à la trace,
17
On va notamment établir des grilles d’évaluation en lien avec les séquençages
imposés (accueillir, écouter, reformuler, traiter l’information saluer) et les mots utilisés
(positifs, vendeurs, empathiques, etc.).
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les entretiens sur les situations de travail, l’analyse de leurs écrits, nous avons
pu repérer les stratégies discursives, souvent intuitives, que les professionnels
mobilisaient dans leur activité d’écriture.
A partir de ces données, nous avons construit des situations didactiques (étude
de cas, outils linguistiques, etc.) et les avons soumises aux apprenants en
formation. Notre intention didactique était de permettre à ces derniers de prendre
conscience des indices objectifs et subjectifs qu’ils mobilisent dans l’activité
d’écriture, d’identifier leurs postures énonciatives, de repérer les affects qui
guident leurs conduites d’actions, de faire émerger les normes implicites
auxquelles ils se réfèrent pour agir et pour écrire. L’instauration d’attitudes de
révision dans les activités d’écriture a favorisé leur mise à distance à l’égard
de leurs représentations du « bien écrire », de leurs croyances et valeurs. Nous
avons ainsi cherché à mettre le sujet face à l’objet de son travail en tant que
sujet « agissant » en situation, sujet « réfléchissant » sur son activité d’écriture
(Pastré 2011) mais aussi en tant que sujet « auteur » impliqué dans la situation
de communication.
Les lacunes actuelles constatées en matière d’apprentissage des écrits
professionnels proviennent, de notre point de vue, d’une absence persistante
des apports que pourraient amener l’étude de la langue et l’analyse des activités
d’écriture en contexte de travail.
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Voir à ce propos l’article de Durietz & Jérôme (2009), « Perspective actionnelle et
approche basée sur scénario. Un compte rendu d’expérience aux Nations unies », Le
Français dans le monde, recherches et applications, n°45 (pp. 62-70), dont le public
cible de toutes les tâches et dispositifs décrits est constitué d’étudiants. Les tâches sont «
réalistes » dans la mesure où elles sont ancrées dans le contexte réel de ces apprenants : il
s’agit de travaux que doit effectuer habituellement un étudiant (un exposé, une synthèse,
un mémoire).
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Réalisation de macro -
Macro-compétences Productions attendues
tâches langagières
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Le profil du poste constitue ici l’écrit professionnel à produire. Il repose sur des
règles précises d’écriture et nécessite que l’étudiant se mette à la place d’un
dirigeant de l’association.
La construction de l’étude de cas nécessite de relier les faits décrits dans l’énoncé
entre eux, avec des connaissances issues du cours (la théorie néoclassique
du don, la théorie des clubs…) et avec des faits d’actualité (la montée de la
précarité…). L’étudiant devra donc réaliser les opérations suivantes pour
préparer sa production (Mangiante & Parpette 2011 : 152) :
• identifier la nature des problèmes,
• analyser l’importance des problèmes,
• mobiliser les connaissances acquises,
• justifier les décisions,
• émettre une stratégie et proposer une hypothèse de travail,
• restituer les connaissances vues en cours mais contextualisées,
• s’appuyer sur les informations données et sur des informations
extérieures au cas.
A partir d’un cadre contraint d’écriture dirigée, l’étudiant doit faire preuve de
créativité et de cohérence dans son argumentation. L’expression de l’opinion et
l’argumentation nécessitent la maîtrise de termes axiologiques (bien, précieux,
agréable, ennuyeux…), les comparatifs et superlatifs, les modalisations
d’intensité, de manière…
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Nous touchons ici au cœur de ce que tout étudiant doit pouvoir maîtriser,
quelles que soient les productions écrites à réaliser, dans l’acte d’écrire : le
positionnement correct dans un genre textuel, la compréhension de l’enjeu de
communication écrite (but et fonction de l’écrit attendu), l’ordonnancement des
énoncés (la logique de la progression et la cohésion). Il est donc essentiel de
partir de la compréhension écrite des productions attendues des étudiants pour
un travail de repérage de ces caractéristiques et règles d’écriture.
Comme le souligne Moirand (1990 : 145), l’écrit « possède certains avantages
sur l’oral dans l’approche de certains faits grammaticaux » comme les
relations temporelles ou logiques, les procédés anaphoriques, etc., phénomènes
linguistiques présents à l’oral mais davantage repérables à l’écrit par la forme
matérialisée du texte. La difficulté réside dans le passage de ce travail de
repérage et d’identification des structures récurrentes et caractéristiques de la
cohérence et de la cohésion textuelle au réemploi dans une production écrite.
Or les textes en langue étrangère des étudiants se caractérisent généralement, par
rapport aux textes en langue maternelle, par une syntaxe moins complexe avec moins
d’enchâssements au moyen de conjonctions de subordination (Woodley 1985 : 62),
avec une volonté de se mettre « à l’abri des risques » (Scarcella 1984 : 676).
Le passage à la production écrite suppose un processus de conceptualisation
des structures syntaxiques et des formes discursives repérées dans les
activités de compréhension écrite avec deux principes didactiques à appliquer
(Moirand 1990 : 147) : le recours aux documents authentiques (les corrigés)
pour un travail d’analyse et de réflexion collective des mécanismes discursifs et
l’analyse des productions des étudiants, non pour les évaluer mais pour en étudier
les erreurs et les faire rectifier.
De plus, un travail de mise en évidence des « relations existant entre les
fonctions du texte et les formulations de l’énoncé » s’avère nécessaire pour
faciliter l’expression des idées et opinions : repérer, par exemple, qu’un énoncé
explicatif exprime les causes d’un état de fait et recèle donc des articulations
logiques de causalité que l’on va lister et comparer, qu’un énoncé prescriptif,
injonctif comportera des formes impératives, de conseil…
D’une façon générale, cette approche par les fonctions des textes se concentrera
sur les caractéristiques linguistiques suivantes (Moirand 1990 : 147) :
–– les relations anaphoriques,
–– les articulateurs logiques (dont les liens de causalité)
–– les relations temporelles,
–– les énoncés définitoires (avec les différentes formes de définitions
en sciences),
–– la nominalisation – verbalisation,
–– le passif et ses différentes formes,
–– les discours rapportés.
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Conclusion (provisoire)
Comme nous avons tenté de le montrer, dans l’étude de cas, le genre
professionnel et le genre universitaire se confondent dans la production d’écrits.
Il s’agit ici d’un écrit réflexif (Bautier 2005 : 60) nécessitant « l’appropriation
d’un genre discursif, la mobilisation de différentes ressources pour penser et
écrire, le tissage des voix mobilisées ». Pour le maîtriser, l’étudiant étranger doit
puiser au sein de plusieurs systèmes de données à mettre en relation, rappelés
par Cavalla (2007 : 38) : le savoir disciplinaire, la méthodologie universitaire,
le système linguistique et terminologique.
A l’université, l’écrit professionnel se situe à la convergence d’opérations
langagières différentes et complexes : il est à l’origine d’un réseau d’échanges
prévisibles d’écrits convenus et il constitue un espace de positionnement des
locuteurs au sein du réseau professionnel concerné.
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de l’analyse du discours car ils interrogent la capacité à penser le lien entre les
discours professionnels, les acteurs et les domaines. En effet, afin d’être décrits,
les genres discursifs (au sens de l’analyse du discours post-bakhtinienne)
sont couramment rapportés à leurs conditions de production et de circulation
les plus évidentes et immédiates, alors qu’ils s’insèrent souvent, au travail,
dans plusieurs circuits de communication dont on peut supposer qu’ils sont
simultanément présents à l’esprit du rédacteur expérimenté. Des disciplines
comme l’analyse des discours médiée (Scollon 2005) ainsi que différents
courants d’analyse des discours (Gunnarson 2009, Mourlhon-Dallies 2009)
montrent à quel point les écrits professionnels traversent différents espaces
de lecture et concentrent en leur sein plusieurs sortes de préoccupations. Ce
polyadressage (même à l’état potentiel) est accru par l’informatisation, qui
donne à l’écrit19 un caractère reproductible, transférable dans l’instant (par
fichier joint) et convocable bien des années après. Nous faisons donc l’hypothèse
que le poids de la « pluricontextualisation » des écrits professionnels pèse très
fortement sur leur rédaction et que la prise en compte de cet état de faits, opérée
depuis peu en analyse du discours, n’est que très partiellement réalisée en
didactique. Ce décalage entre la modélisation simplifiée de la communication
professionnelle mobilisée durant les formations et la réalité actuelle de cette
même communication expliquerait une partie des difficultés rencontrées par les
étudiants amenés à produire des écrits professionnels.
19
Cela serait vrai aussi de l’oral, qui est de plus en plus souvent enregistré. On pense
ici aux cours à l’université qui sont enregistrés par les étudiants sur autorisation. La
parole immédiate du face à face pédagogique est ainsi appelée à être transportée, voire
retranscrite, commentée, réutilisée, et même convoquée en cas de réclamation ultérieure
à propos des notes d’un partiel, par exemple.
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Nous en voulons pour preuve la publication à succès français.com (2007), CLE
international. On peut citer pour l’anglais : Email English (2010), paru chez Macmillan.
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1.4 Le monolinguisme
Confié à un enseignant de français (ou à un formateur en langue), l’entrainement
à la rédaction professionnelle passe le plus souvent par une exposition
monolingue au genre discursif visé, dès lors que la formation ou le cours est
étiqueté(e) comme un enseignement de français (langue étrangère, seconde ou
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Comme le montre la thèse (soutenue en mai 2013) d’Eve Lejot sur les pratiques
langagières en milieu professionnel international à Hambourg.
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L’intitulé de la journée organisée par le CEDITEC le 30 novembre 2012 était très
exactement : « L’écriture professionnelle dans l’accompagnement éducatif : pratiques
professionnelles et routines discursives.».
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Introduction
La recherche sur la formation aux écrits professionnels en Amérique du
Nord atteste de ressemblances intéressantes avec la recherche et la théorie
francophones sur la question. Des deux côtés de l’Atlantique, apparaissent
des difficultés similaires lorsqu’on essaye de concilier le besoin d’analyser le
langage et les textes (tâche du linguiste) et le besoin d’analyser le fonctionnement
des organisations (ce qui relève des disciplines telles que l’ergonomie), ainsi
que la problématique de l’analyse didactique (France) et de la pédagogie
(USA). La tradition de recherche dans laquelle notre article trouve son origine,
les « Workplace Studies » aux USA, comme le souligne Boutet (ce numéro)
permet de « concevoir les écrits du travail non comme de simples traces que le
linguiste constituerait en corpus, mais comme des actions de nature sémiotique
qui participent de plein droit à l’effectuation d’une action qui les englobe :
« l’action laborieuse ». Il ne s’agit donc pas simplement, comme Mangiante (ce
numéro) le dit, d’une analyse des « besoins langagiers » des étudiants natifs ou
allophones pour telle formation linguistique (similaire au cadre de la recherche
sur les English for Specific Purposes [ou FOS] ).
Zaid (ce numéro) formule bien cette problématique: « En quoi ces formes
d’écrits contribuent-elles à articuler les activités de formation des deux
séquences de formation entre l’université et l’entreprise ? ». Son article, comme
plusieurs dans ce numéro, souligne le lien entre les activités de formation à
l’université et dans l’entreprise. Nous définirons d’abord la tradition théorique
qui conçoit le genre en tant qu’action sociale, en référence à la tradition
française de recherche ergonomique basée également sur la théorie du genre de
Bakhtine, celle de Clot (Clot & Faïta 2000). Je décrirai ensuite une intervention
dans la dernière année de formation d’une filière d’ingénierie qui utilise une
simulation multimédia pour préparer les étudiants à la communication et aux
pratiques auxquelles ils seront confrontés lors de leur premier stage ou durant
leur première insertion professionnelle. Ce faisant, nous rendrons compte de
certaines conclusions d’une analyse de cette intervention qui suggère des lignes
de connexion théorique potentielle entre les traditions.
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La théorie du genre d'Yves Clot (1999, 2002), parmi plusieurs autres théories
francophones du genre, offre une approche de la notion qui ressemble sur
certains points à celle de genre en tant qu'action sociale. La théorie de Clot est
une théorie des genres techniques qui est inspirée et est en lien avec une théorie
du genre textuel-discursif, celle de Bakhtine. Clot et Faïta (2000) ont étendu
la théorie du genre de Bakhtine de façon à englober l’activité technique, plus
largement, et en particulier, au niveau professionnel, en relation avec la théorie
du développement de Vygotski, y compris la zone proximale de développement.
Ils voient les genres comme des « formes communes de la vie professionnelle »
(p. 9). On pourrait dire qu'ils sont « l'âme sociale de l'activité » (p. 11). « Celui
ou ceux qui travaillent agissent au travers des genres tant qu'ils répondent aux
exigences de l'action » (p. 15).
Clot et Faïta (2000 : 12) ont proposé de regarder également comme un genre de
techniques le régime d’utilisation des techniques dans un milieu professionnel
donné. En toute rigueur, le geste professionnel d’un sujet est une arène de
significations. Ceci est une réminiscence du genre comme action sociale qui
analyse aussi « les présupposés sociaux de l’activité en cours, une mémoire
impersonnelle et collective qui donne sa contenance à l’activité personnelle
en situation : manières de se tenir, manières de s’adresser, manières de
commencer une activité et de la finir, manières de la conduire efficacement à
son objet ».
Du point de vue de Clot et Faïta (2000 : 13), et de la théorie du genre nord-
américaine, les genres sont « à la fois des contraintes et des ressources », une
norme et un instrument. Une division complexe du travail est élaborée et
maintenue à travers un langage spécialisé, appris principalement in situ.
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Méthodes
Des données ont été recueillies à partir d’interviews d’instructeurs, d’entretiens
de groupe semi-structurés, d’observations en classe, d’une analyse de
documents, et d’une analyse du nombre de manipulation des documents en
ligne par les étudiants. Pour un compte rendu complet des méthodes spécifiques
de collecte de données et d’analyse, voir Fisher (2006, chapitre 4).
Résultats
L’équipe de recherche a étudié une start-up en biotechnologie réelle. Elle a
recueilli des documents, interrogé des professionnels de différentes sphères et
observé les processus, ainsi que la littérature sur les controverses relatives à
cette industrie. Pour représenter les activités professionnelles communicatives
en ligne, il faut choisir (ou construire) des textes statiques et les animer dans
un réseau humain de pratiques scripturales. Selon la perspective de Clot
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L’espace d’évocation
L'environnement d'apprentissage virtuel est conçu pour permettre la
représentation spatiale de genres à la fois en termes d’ampleur et en termes
de profondeur des genres (Russell 2002). Par exemple, le Document Server
(Figure 3) est un espace organisé en fiches qui contient des documents de divers
genres.
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Figure 4 : Le partage de documents Omega : les étudiants postent des projets et des
devoirs dans ces dossiers et peuvent y accéder depuis n’importe où.
23
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Le temps d’évocation
Le système de gestion du contenu (CHS) permet aussi la représentation du
genre sur le paramètre temps. Il y a d’abord un calendrier (Figure 5). Mais les
dates limites sont conçues comme un accroissement de l’écologie de genres
de l’entreprise fictive. Les dates sont placées sur le calendrier dans le temps
fictif de l’entreprise et peuvent changer selon de « nouvelles » informations
ajoutées au serveur de documents, à la bibliothèque vidéo, etc.… Comme
cela a été démontré par Yates & Orlikowski (2002), le temps est perçu au sein
d’une écologie de genres non pas en termes de temps calendrier mais, en terme
de kairos ou « capacité à saisir le moment opportun » (Brichaux 2003). La
conscience et l’usage stratégique des écologies de genre et la forme active
des moments kairotiques (plutôt que l’acceptation passive de la chronologie)
sont mis en avant dans la communication électronique complexe et les
étudiants utilisent le temps dans l’environnement d’apprentissage virtuel pour
comprendre quelles actions sont disponibles et formuler des réponses à temps.
Le calendrier élabore les dates du personnel fictif de l’entreprise, élabore les
dates des étudiants et vice versa.
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Figure 8 : Réponse d’un étudiant qui formule des questions éthiques spécifiques.
L’étudiant fait valoir son droit à signaler les violations éthiques. Il demande que
le temps de probation soit raccourci à six mois au lieu de deux ans, et il précise
qu’Omega devrait livrer une liste des organisations qu’elle juge concurrentes.
Par conséquent, cet étudiant est engagé à la fois dans le temps (durée de non-
concurrence) et dans l’espace métaphorique (la position d’Omega par rapport à
d’autres concurrents et le paysage juridique et éthique du champ).
Discussion
Nos résultats montrent qu’il est possible de manière significative de représenter
en ligne une entreprise professionnelle et une écologie des genres professionnels
en prenant en compte les dimensions chronotopiques du travail professionnel
et des genres professionnels. Plusieurs espaces contenant des documents et des
vidéos à partir d’un grand nombre de participants dans des rôles et des métiers
différents ont dû être construits. Par ailleurs, ces artéfacts ont dû être placés
dans une relation temporelle, non seulement en termes de chronologie de leur
construction ou de leur accessibilité, mais aussi en fonction de leur utilisation
potentielle. Même ainsi, le chronotope de l’organisation fictive n’était que
l’esquisse d’une véritable organisation, et son chronotope était en conflit
avec le chronotope de la classe et de son programme. Néanmoins, il semble
que les media électroniques le rendent possible afin de créer une écologie de
genres qui représente l'activité à la fois de façon spatiale et temporelle. Comme
nous avons essayé de le montrer, ces simulations électroniques permettent la
reconnaissance du genre en relation avec le temps et l’espace.
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LE « MÉMOIRE D’APPLICATION » :
UNE SITUATION DISCURSIVE PARADOXALE
Carole GLORIEUX
Université libre de Bruxelles
Centre de méthodologie universitaire et de didactique du français
Introduction
Je me pencherai sur un genre de discours universitaire (DU) particulier,
le « mémoire d’application » (MAP), au sein de la filière Information et
communication - dite Infocom - à l’Université libre de Bruxelles : il s’agit
d’un genre encore méconnu, voire inconnu. Je tâche ici de montrer en quoi
le statut du MAP peut apparaître comme paradoxal, d’une part, au sein de
l’université, et, d’autre part, au sein de la filière. Il s’avère que cette situation
discursive paradoxale du MAP est notamment liée à des représentations, tant
étudiantes qu’enseignantes, quant aux genres attendus à l’université ; cette
dimension éclaire la question de la légitimation du genre, qui interroge la place,
à l’université, d’écrits professionnalisants.
Cette réflexion débouche sur une première proposition didactique qui concerne
le début du parcours du mémorant24 : un questionnaire en guise d’outil réflexif.
Champ de recherche
Cette recherche s’inscrit dans le champ de la didactique du français à
l’université ou plutôt, selon la proposition de Reuter, dans le champ - encore
en construction - des didactiques des disciplines universitaires (2012 : 171), en
lien avec le concept de littératie universitaire25 défini comme l’acculturation
aux DU par les étudiants tout au long de leur parcours scriptural et lectural. La
notion de genre de discours, essentielle pour les didactiques, est adoptée ici pour
cerner un genre spécifique à une discipline universitaire et aux apprentissages
disciplinaires visés (d’après Reuter 2010 : 119).
En effet, le focus est dirigé vers un genre créé pour répondre à un besoin
particulier : le mémoire d’application, qui implique une dimension
professionnalisante et compte trois parties distinctes. Cependant, s’il existe
depuis près de vingt ans, il reste non décrit et illégitimé. Il s’inscrit dans le
contexte de la filière Infocom, principalement pour la finalité qui forme des
journalistes, à l’ULB, université francophone de Belgique, qui « […] s’affirme
24
« Mémorant », vocable calqué sur « doctorant », désigne en Belgique l’étudiant de
Master en situation de production d’un mémoire.
25
Voir notamment les travaux récents de Pollet (2012), Delcambre (2012 ; 2010),
Rinck (2012) pour le monde francophone, et ceux de Donahue (2012) pour le monde
anglo-saxon.
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Définitions en contexte
Le VM définit le MA comme un :
« mémoire universitaire classique : vous choisissez un sujet et une ou plusieurs
questions de recherche et vous entreprenez des recherches, tant bibliographiques
que de terrain (entretiens, analyses, etc.) pour y apporter des éléments de
réponses à travers un éclairage rigoureux et innovant, en commençant par un
état de l’art ». (VM : 3) ».
26
Cependant, cette acception est loin d’être une évidence et la question du statut
disciplinaire du champ reste pendante (voir Nordenstreng 2011 ; Heinderynck 2007).
27
Voir le détail des questions en annexe.
28
Mais je ne reviendrai pas sur le détail des hypothèses ou le traitement des données
(voir Glorieux 2012 à par.).
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Quant au MAP, il doit comporter deux volets : d’une part, une brochure qui
comprend une synthèse documentaire et un exposé méthodologique, d’autre
part, une réalisation pratique. La synthèse documentaire consiste en réalité
en un MA succinct, mais en lien avec la réalisation pratique ; l’exposé
méthodologique, quant à lui, doit expliciter la démarche suivie pour la réalisation
pratique et comprendre la méthode adoptée pour l'exploitation des sources, la
genèse de la réalisation pratique, la description des techniques professionnelles
utilisées et le "journal de bord" du travail. Quant à la réalisation pratique, il
s’agit d’un reportage ou d’une enquête sous forme radiophonique, télévisuelle
ou imprimée, pour la finalité "journalisme" (VM : 3).
Premier paradoxe: un mémoire d’application revêt une dimension
essentiellement pratique ; or, l’université forme avant tout aux discours
de recherche.
Du mémoire de recherche…
L’université a pour vocation de former aux discours scientifiques, et le mémoire
« traditionnel » en est une illustration aboutie. Cependant, ce mémoire « académique »
trahit une ambiguïté car il suppose à la fois la fin et le début de quelque chose : il
symbolise, selon le VM, le « couronnement de la carrière de l’étudiant » (VM : 1)
et marque ainsi la fin de son parcours mais, dans un même temps, il produit un
discours de recherche qui le fait entrer dans le monde des chercheurs : l’injonction
institutionnelle peut être considérée comme paradoxale car il s’agit de « se poser
en tant que chercheur tout en sachant qu’un des enjeux essentiels de l’écrit produit
est justement la certification de chercheur » (Reuter 1998 : 17) ; d’ailleurs, cette
« tension […] rend difficile le travail d’écriture des étudiants » (Delcambre,
Lahanier-Reuter 2010 : 19) et on peut s’interroger, avec Penloup (2000 : 154), sur
le degré d’acculturation de l’étudiant de master au monde de la recherche. Or, la
plupart des étudiants ne vont pas entrer dans le monde de la recherche mais dans
un monde professionnel autre ; les compétences mises en œuvre pour produire un
mémoire ne sont a priori pas directement transférables dans leur futur métier (sauf
s’ils deviennent chercheurs) et on verra comment le mémoire d’application apporte
une dimension nouvelle à cette question.
… Au mémoire d’application
On peut s’interroger : le MAP, puisqu’il se focalise sur le « pratique », ne constitue-
t-il pas une sorte de « détournement » de la vocation du mémoire universitaire ?
Cependant, la situation ne s’avère pas si paradoxale, parce que le MAP constitue
un genre hybride, parce que son éventualité apparaît dans d’autres filières et parce
qu’Infocom s’affirme comme une filière professionnalisante.
Le MAP est un genre hybride : malgré ses dimensions pratiques, il comporte
aussi une synthèse documentaire présentée comme un MA succinct et implique
un travail sur l’écriture scientifique. Ainsi, le MAP est, pour la partie synthèse
documentaire, à ranger parmi les écrits de recherche en formation et relève
donc des discours scientifiques29.
29
Voir infra p.7.
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Les DU sont les discours produits dans le cadre d’une institution universitaire
par les membres de cette institution dans l’exercice de leurs fonctions
(d’après Defays et al. cités par Galatanu 2009 : 70). Au sein des DU, j’ai pu
distinguer, mais ils peuvent s’inter-pénétrer : les discours (d.) institutionnels,
les discours scientifiques et les discours professionnalisés. Dans les discours
scientifiques, j’ai pu isoler les discours de recherche, les discours de diffusion
(d’un chercheur vers un public non spécialiste mais averti) et les discours
didactiques (de l’enseignant-chercheur vers ses étudiants) (Pollet 2001 : 30).
Les discours de recherche correspondent à la production de différents types d’écrits
d’étudiants et de chercheurs qui ont pour but la production de savoir (Reuter
1998 : 11). Au sein des discours de recherche, j’ai établi trois catégories sur la
base d’une typologie dégagée par Delcambre & Lahanier-Reuter (2010 : 24-25) :
écrits de recherche en formation (mémoire, thèse) écrits académiques au sens strict
(examens, travaux d’étudiants autres que la thèse ou le mémoire) et écrits des
chercheurs (ouvrage et article scientifiques, projet et rapport de recherche…).
Le MA ne peut être assimilé à l’article scientifique, ni à une thèse. Il doit être
considéré, enseigné et évalué, comme un discours de recherche particulier : un
écrit de recherche en formation, tout comme le MAP, du moins dans son aspect
de synthèse documentaire.
J’avais envisagé dans un premier temps l’assimilation du MAP au mémoire
professionnel (MP), tel qu’il est défini en France, ou au TFE (travail de fin
d’études) belge. Or, au vu de la littérature sur le sujet (par ex. Guigue-Durning
1995), le MAP compte de nombreux points communs avec le MP mais il
offre des caractéristiques typiques. De façon schématique, le MAP se situe à
l’intersection entre MA et MP.
Le MP n’existe pas sous cette désignation en Belgique ; néanmoins, quand il
est appelé « portfolio », « rapport de stage » ou encore « TFE » (voir Scheepers
2012), il apparaît à l’université (en Infocom, par exemple, les étudiants doivent
remettre un rapport de stage) ou en « Haute Ecole32 ». Cependant, toutes ces
formes de MP présentent la même particularité : « […] il s’agit avant tout
d’apprendre à expliciter et analyser des situations et pratiques professionnelles »
(Barré-de Miniac 2011 : 21), dans le cadre d’une formation professionnelle :
l’apprenant est considéré comme professionnel ou stagiaire. Dans le MA,
« […] il s’agit de produire des connaissances nouvelles et d’apprendre à écrire
selon les normes du métier de chercheur » (Ibidem).
Par ailleurs, si le MP apparaît comme un écrit académique sans lien direct
avec les écrits à produire dans sa profession, le MAP semble davantage lié aux
discours des professions car la réalisation pratique et l’exposé méthodologique
- en tant qu’il expose une technique professionnelle utilisée (exemple :
un conducteur de reportage) - présentent un lien direct avec ces discours.
Cependant, la réalisation pratique du MAP n’appartient pas aux discours des
professions, même si la forme linguistique semble identique. En effet, ce n’est
32
En Belgique, cette catégorie désigne l’enseignement supérieur non universitaire,
traditionnellement tourné vers la professionnalisation.
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pas la forme mais la fonction qui différencie le genre (Russell 2012 : 25) : la
réalisation pratique sert à apprendre en contexte universitaire. Dans la suite
de ma recherche, l’analyse de cette partie des MAP permettra peut-être de
cerner les (représentations des) genres caractéristiques de la discipline ou de la
profession afin de donner à voir des aspects de l’épistémologie fondamentale et
de la méthode du champ et d’étudier comment comparer des genres homologues
éducatifs et professionnels (Russell 2012 : 27).
Ainsi, les fonctions du MAP et du MP diffèrent : le MP est envisagé dans
une optique de formation mais peut aussi servir à transformer des pratiques
professionnelles. La complexité de la situation énonciative du MP peut être liée
à la pluralité des destinataires et des contextes de référence (Guigue-Durning
1995 : 85). Le MAP, quant à lui, vise avant tout à former. L’attention, dans la
suite de ma recherche, sera portée sur ce qui est évalué : l’apprentissage ou
l’écriture ? (Russell 2012 : 26).
Les rapports de stage, MP, TFE et MAP apparaissent comme des genres de
textes composites ; certaines caractéristiques semblent comparables, comme la
présence d’îlots narratifs (Scheepers 2012 : 120) - par exemple dans le journal
de bord - ; les dimensions réflexive33 et méta-discursive ; la question du rôle
des savoirs académiques dans la construction des savoirs professionnels (Clerc
2011 : 63). Cependant, c’est surtout l’équilibre entre les discours à l’œuvre
ainsi que leur construction, pour chacun d’eux et l’un par rapport à l’autre, qui
diffèrent. Par exemple, selon F. Merhan, les rapports de stage comprennent
en permanence deux dimensions, l’une dédiée à l’expérience vécue, l’autre à
son analyse, avec des aspects réflexifs et théoriques très présents (2011 : 48) :
il semble que doit s’opérer une intrication constante de deux types de discours
pour problématiser l’expérience dans le MP, même si Scheepers distingue dans
les TFE qu’elle analyse une « partie théorique » et une « partie pratique » (2012 :
123). Pour cerner le MAP, il s’agira de mesurer cette éventuelle intrication et
ses lieux, en lien avec la posture de l’étudiant.
Une différence fondamentale devrait séparer le MP du MAP et rapprocher
ce dernier du MA. Pour le MP, l’expérience professionnelle précède
le processus scriptural ou se situe dans la même temporalité (d’après
Leclercq 2006) : le MP tout entier consiste en un retour sur la pratique,
à l’intérieur duquel l’écrit progresse de la narration vers l’argumentation
réflexive, progression nourrie par des lectures théoriques pour affiner la
problématique. Quant au MAP, il implique un chemin d’écriture différent,
non pas spiralaire mais itératif, avec le même point de départ que le MA : un
état de l’art. Seulement ensuite devrait être produite la réalisation pratique.
Dans un troisième temps, l’exposé méthodologique doit être rédigé
complètement, même si certaines parties de celui-ci, comme le journal
de bord, auront dû être écrites tout au long du processus. Or, l’expérience
33
Cependant, dans l’exposé méthodologique du MAP, l’étudiant ne revient pas sur sa
pratique professionnelle mais sur l’objet discursif produit - la réalisation pratique - et
sa construction.
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Légitimation du genre
Bien entendu, le MA a tout son sens à l’université. Il ne s’agit pas de développer
un plaidoyer pour la tradition (le MA) ou pour la nouveauté (MAP) mais plutôt
d’envisager le statut du MAP, un genre existant et mis en œuvre mais qui
souffre de son caractère hybride et de ses paradoxes.
Ainsi, un statut doit être accordé au MAP afin de le légitimer, d’abord dans
son identité : le MAP est bien un genre à part entière et non un sous-
genre, son statut est validé par l’institution et les enseignants de la filière,
il est inscrit au programme et certificatif au même titre que le MA. Le VM,
notamment, parce qu’il relaye officiellement les voix de l’institution et
des autorités de la filière, permet cette reconnaissance du MAP en tant que
genre à part entière : par la définition et les caractéristiques qu’il fournit
pour guider l’étudiant, il donne à voir la - relative - stabilité de l’écrit.
Néanmoins, si le VM s’avère un outil qui permet de fonder le genre, ce
dernier n’en est pas pour autant encore reconnu par tous. Il s’agit aussi de
légitimer le MAP dans sa spécificité, en tant que genre hétéro-doxe, en
regard de sa fonction propre, spécifique par rapport au MA et au sein de la
filière car le MAP s’accorde à une exigence de professionnalisation et dans
son affiliation en tant que genre orthodoxe, car le MAP appartient bien aux
DU et, pour partie, aux discours scientifiques.
Cette triple légitimation implique notamment la description fine du genre,
une formalisation plus assumée de celui-ci et le remaniement des actions
didactiques menées auprès des étudiants.
Propositions didactiques
Ces propositions didactiques visent, de manière générale, à remplacer la
politique actuelle d'information par un processus de formation, amorcé dès
le début du master. C’est au tout début de son parcours de mémorant, alors que
les représentations de l’étudiant sont floues ou déjà figées que s’opère le choix
(irréversible ?) du type de mémoire – et particulièrement du MA au détriment
du MAP : d’après le questionnaire, il appert que deux tiers des étudiants ont
déjà choisi le genre de leur mémoire avant le début de la séance.
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Conclusion
Le MAP apparaît donc comme un genre discursif hybride paradoxal et
émergent. L’affinement de ces propositions didactiques sera opéré ultérieure-
ment grâce à l’analyse d’autres discours. En effet, un questionnaire avec des
questions identiques a été soumis à la même cohorte d’étudiants, en début
de deuxième année de Master. Je veux voir comment le même outil réflexif
pourrait trouver un sens à mi-parcours, en permettant aux étudiants un retour
réflexif sur les stratégies déjà mises en œuvre. Il s’agira ensuite, et c’est
là un pan essentiel de ma recherche, d’analyser dix MA et dix MAP afin de
décrire et formaliser davantage le genre et de développer les propositions
didactiques annoncées ici.
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accompagnement adapté aux objectifs de formation », in M. Morisse, L. Lafortune
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Lafortune, L.& F. Cros (éds), Se professionnaliser par l’écriture. Quels
accompagnements ?, Presses de l’Université du Québec : 61-82.
35
Celui-là même qui a servi à recueillir les déclarations étudiantes dans le cadre de
cette recherche.
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Cros, F., Lafortune, L. & Morisse, M. (éds) (2009), Les écrits en situations
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des disciplines et du niveau d’étude dans les pratiques de l’écrit », Diptyque 18 :
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élaborés par de futurs instituteurs en Communauté française de Belgique, des
pratiques langagières différenciées », Diptyque 24 : 109-130.
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Source
Vade-mecum du mémoire de master en Information et communication,
Département des sciences de l’information et de la communication, ULB,
2010-2012.
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Introduction
La présente contribution s’appuie sur l’analyse de discours provenant d’un corpus
de recherche de quinze portfolios de développement professionnel, rédigés par
des étudiants engagés dans une formation universitaire fondée sur le principe
de l’alternance, qui les prépare à exercer dans le domaine de la formation des
adultes.
Dans ce cursus, le portfolio s’inscrit de façon centrale dans le dispositif de
professionnalisation où l’étudiant en (trans)formation développe son identité
professionnelle et révèle un discours en propre dans lequel il se positionne.
Présenté aux étudiants comme une démarche de reconnaissance personnelle et
professionnelle de la construction de leur identité de formateur/trice d’adultes,
cet écrit a pour objectif de permettre de restituer de manière organisée les actions
et réflexions menées durant leur stage pour répondre aux demandes de missions
confiées par les institutions d’accueil ainsi que les apprentissages qui en résultent.
Cet écrit nous a paru intéressant à étudier du point de vue de la problématique
de l’écriture performative, à savoir celle qui serait susceptible de faire advenir de
nouveaux cadres interprétatifs et/ou de nouvelles actions grâce à la mobilisation
d’une activité langagière (Merhan 2009) permettant d’actualiser par le discours,
dans l’ici et maintenant d’une situation de formation universitaire, une
expérience vécue avant et ailleurs, dans un milieu de travail. Plus précisément,
notre préoccupation de recherche concerne les indicateurs de la construction de
l’identité professionnelle des étudiants concernés, telle qu’on peut l’inférer à
partir de l’analyse des portfolios.
Pour apporter un éclairage à cette problématique de l’écriture performative et
de ses rapports avec la construction de l’identité professionnelle en contexte
d’alternance, nous proposerons une conceptualisation de ce que les portfolios
fournissent comme base d’analyse, en mettant en évidence quelques constatations
relatives au genre des écrits professionnalisants dans le contexte des formations
par alternance. Nous décrirons ensuite brièvement le cadre universitaire de
production des portfolios rédigés par des étudiants, afin de tenter de définir les
particularités de cet écrit. En nous basant sur nos travaux antérieurs et en cours,
nous partirons de l’hypothèse que l’impact formateur de cet écrit pour la personne
repose sur une conceptualisation permettant une reprise de l’expérience de stage
réalisée. L’alternance universitaire correspond ainsi à deux déplacements ou
ruptures par rapport à l’histoire de l’étudiant et à ses repères : le stage en lui-
même puis la confrontation aux savoirs formalisés, permise par le portfolio.
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Dans le dispositif de formation que nous étudions, les étudiants reçoivent des
instruments destinés à textualiser leurs observations et actions de stage. Ces
instruments sont dans la mesure du possible négociés avec eux. Au-delà du type
de partenariat qui peut exister entre les terrains professionnels et l’université,
c’est cependant aux étudiants qu’il incombe d’intégrer les différents savoirs
avec lesquels ils sont en contact. Ces savoirs sont à la fois des savoirs de
référence, issus de la recherche et des organisations (ici, l’université et les
institutions de formation) ; des savoirs disciplinaires transformés en savoirs
enseignables et indexés aux savoir-faire qu’ils nécessitent ; des savoirs issus de
spécialistes du champ de la formation des adultes. Les étudiants sont en outre
en position d’acteurs sur le terrain ; ils sont ainsi en contact avec des savoirs
expérientiels acquis dans les contingences et les régularités des situations de
travail. Ces savoirs de nature différente sont susceptibles de se transformer en
significations utiles pour réélaborer l’expérience de formation des étudiants et
leur image d’eux-mêmes dans leur agir lorsqu’ils sont sollicités par l’université
pour parler de ce qu’ils font.
La question de l’image de soi et de son évolution chez les étudiants conduit
à préciser notre usage de la notion d’identité professionnelle. Celle-ci nous
apparaît comme inséparable du travail par lequel le futur praticien se forge,
par la description, la mise en récit, l’interprétation ou l’analyse de cet agir,
un sentiment de cohérence interne lui permettant de se saisir comme individu
singulier – en recourant à des étayages langagiers qui ont en particulier
la propriété de « désimpliciter » les savoirs inscrits dans les pratiques
professionnelles et de faire porter l’attention sur ce qui pourrait passer inaperçu
pour l’apprenti-praticien.
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au champ de la formation des adultes. Il n’y a pas d’identité sans altérité, et cette
altérité est ici celle du langage qui oblige le sujet, en l’occurrence l’étudiant,
à expliciter sa pensée afin de faciliter la tâche interprétative des formateurs
auxquels sont adressés ses discours.
Ainsi, dans notre contexte, les discours écrits des étudiants peuvent apparaître
non seulement comme des outils d’objectivation de l’expérience, mais aussi
comme un mode de pensée où il s’agit de se définir en prenant en compte
les horizons d’attente supposés des formateurs universitaires. Selon cette
perspective, on peut penser que c’est en prenant part à une communauté de
discours et en mobilisant des représentations qui marquent son appartenance
à plusieurs communautés, en l’occurrence l’université et le monde du travail,
que l’étudiant de l’alternance est en mesure d’acquérir les savoirs et les savoir-
faire qui contribuent à son développement identitaire. Il importe donc que le
dispositif de formation soit en mesure d’offrir les conditions nécessaires pour
que chaque étudiant dispose des ressources qui fassent sens pour alimenter sa
construction identitaire professionnelle.
Selon cette orientation, pour l’élaboration du portfolio, chaque enseignant-
référent négocie avec chaque étudiant des pistes de réflexion ou des consignes
qui, au-delà de celles présentées plus haut, prennent en compte les situations
professionnelles singulières rencontrées en cours de formation.
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Formes de réflexivité
Il est frappant de remarquer que ces portfolios, qui ont tous en commun de
témoigner des actions et réflexions conduites par les étudiants durant leurs stages,
adoptent sensiblement la même macrostructure : la description du lieu et de la
mission de stage, les modalités d’apprentissage en lien avec la spécificité d’un
contexte, les difficultés rencontrées dans la réalisation de la mission, les ressources
mobilisées, la posture du stagiaire, ses réflexions sur la formation des adultes
et sur la profession de formateur. Ainsi, les formes de réflexivité développées
par les étudiants sont socialement marquées : elles dépendent des interactions
sociales et des médiations formatives à partir desquelles chaque étudiant se forme
au contact des savoirs, des valeurs, des normes et des rôles issus des différents
contextes de l’alternance. En ce sens, les portfolios apparaissent globalement
moins comme des produits que comme des pratiques, c’est-à-dire qu’ils reposent
sur des échanges et une coopération entre étudiants, dans le cadre des séminaires
d’intégration, entre étudiants, référents universitaires et tuteurs professionnels,
dans le contexte de l’accompagnement individualisé, des cours universitaires et
des entretiens tripartites.
Cependant, en même temps, nous remarquons que la rédaction de ce texte fait
apparaître des formes de réflexivité différentes d’un étudiant à l’autre, en fonction
de son histoire personnelle et sociale, de ses ressources, de sa dynamique
biographique et identitaire, de ses motifs d’engagement dans le dispositif et des
types de tensions éprouvées dans le contexte de la formation ou du travail.
Pour la plupart des portfolios que nous avons étudiés, l’écriture semble favoriser
chez les étudiants le développement d’une posture épistémologique critique qui
contribue à influer sur leur dynamique identitaire tout en générant une intensité
du processus motivationnel. Pour ces étudiants, la rédaction du portfolio leur
permet de se (re)présenter en tant que futurs professionnels de la formation,
capables d’appartenir à une communauté de pratique et à une culture d’action
spécifique, celle des formateurs d’adultes. Le portfolio comme construction
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est visible : le travail réel, c’est aussi le travail pensé, empêché, possible, etc.
du sujet, ainsi que le montre la clinique de l’activité mise en œuvre par Clot
(2009).
Dès lors, un des rôles essentiels de l’accompagnement à l’écriture est de donner
toute leur importance aux situations de travail tout en accordant une place
importante à la dimension collective de l’apprentissage permettant la confrontation
des points de vue entre les différents acteurs de l’alternance, tout en fournissant
des outils métathéoriques et méthodologiques appropriés pour mener à bien cette
confrontation. L’écriture du portfolio permet ainsi la formulation d’un point de
vue propre et la pensée personnelle de l’apprenant par le biais de la coopération
comme moteur de construction des savoirs et de l’identité professionnelle.
Dans cette perspective, il importe, entre autres, que le dispositif accorde une
place importante à une évaluation fondée à la fois sur des critères bien définis
en fonction de chaque situation singulière et sur un dialogue formatif dans
lequel la prise en compte de l’expérience professionnelle du sujet joue un
rôle essentiel. In fine, il s’agit d’accompagner un sujet faisant l’expérience de
processus de changements dans son rapport à lui-même, à autrui, au monde, à
partir de l’hypothèse selon laquelle l’écriture du portfolio permet que ce rapport
gagne en profondeur et en élargissement, aussi bien au plan des significations
que du point de vue de l’activité de ce sujet.
Bibliographie
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Winicott, D.-W. (1971) : Jeu et réalité ; l’espace potentiel, Paris, Gallimard.
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Introduction
Ce texte se réfère à une recherche en cours sur les temporalités dans une
formation d’ingénieurs en alternance38. La problématique générale développée
est celle de la confrontation alternée d’apprentis ingénieurs à des lieux
sociaux différents (entreprise et université). Ces espaces-temps sont a priori
distincts, par leurs organisations, leurs acteurs et leurs fonctions, mais ils sont à
reconstruire comme des lieux de formations et d’apprentissages cohérents. La
préoccupation centrale porte ainsi sur l’articulation d’une part des temporalités
de formation et de production en situation de travail et d’autre part la temporalité
de la formation à l’université ou à l’école d’ingénieurs. L’étude privilégie
l’entrée par l’analyse des rapports d’alternance des apprentis ingénieurs et se
focalise sur les temporalités caractéristiques d’une situation de formation en
alternance. En prenant les écrits produits par les apprentis ingénieurs comme
entrée pour documenter la temporalité de l’apprentissage en alternance, une
première question s’impose : en quoi les écrits et les modes d’écriture sont-ils
de bons révélateurs de la conscience du temps?
165
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39
Dans ces travaux, la chronogenèse est un concept central mobilisé pour penser ce
temps particulier. Il désigne l’ensemble des opérations qui organisent le déroulement
chronologique des objets de savoir. Certaines décisions de l’enseignant sont considérées
alors comme des opérations de chronogénèse.
40
Une revue des recherches a porté sur les publications suivantes : Engineering
Studies, Design Studies et European Journal of Engineering Education.
41
Trevelyan 2010 ; Anderson, Courter, McGlamery, Nathans-Kelly & Nicometo
(2010) ; Pahl, Badke-Schaub & Frankenberger (1999).
42
Badke-Schaub & Frankenberger (1999) ; Gainsburg, Rodriguez-Lluesma & Bailey
(2010) ; Kolari, Savander-Ranne & Viskari (2008) ; Swarta, Lombard & de Jager (2010).
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2. Méthode
La temporalité des formations du CFA est progressive, c’est-à-dire que les
séquences de formation en entreprise s’allongent depuis la première année à la
troisième, et les écrits qui en rendent compte sont de trois types :
• En première année, le rapport d’alternance est intitulé « rapport
de situation professionnelle » et consiste à présenter le secteur
d’activité de l’entreprise d’accueil, de son organisation, du service
d’accueil ; à esquisser une première réflexion sur la culture de
l’entreprise ; et à rendre compte de l’évolution de l’activité de
l’entreprise.
• En deuxième année, le rapport est intitulé « Rapport de mission
technique » et consiste à présenter l’entreprise et les activités
menées par l’apprenti ; à situer l’apprenti dans le projet que lui
a affecté le tuteur ingénieur ; à mener un retour critique sur la
séquence industrielle (difficultés rencontrées, organisation adoptée
pour mener à bien la mission et description des compétences
acquises).
• En troisième année, il s’agit de produire un « rapport d’alternance »
où l’apprenti rend compte de son projet d’ingénieur et met en
perspective les compétences professionnelles acquises.
Nous avons constitué un corpus de convenance43 de 27 écrits (trois rapports par
filière et par niveau). Nous avons focalisé une partie obligée de chaque rapport :
la conclusion. Nous avons procédé à une double analyse : thématique et lexicale.
L’analyse thématique (Mucchielli 1994 ; Blanchet & Gotman 2007) a consisté
en un travail progressif et itératif à la recherche des thèmes principaux qui
43
Le corpus d’analyse est constitué des rapports d’alternance disponibles dans les
archives de la formation d’ingénieurs sollicitée et ne s’appuie pas sur un échantillonnage
statistique. Cependant, nous avons cherché à ce que ce corpus soit représentatif des
différentes filières et des différents niveaux de formation d’apprentis ingénieurs, d’où le
choix de trois rapports par filière et par niveau.
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structurent la temporalité racontée44 dans les rapports d’alternance ainsi que des
éléments de tension entre différentes temporalités. En vue de vérifier l’existence,
ou non, d’un construit significatif par rapport au thème de la temporalité, nous
avons procédé par une analyse lexicale selon la méthode Alceste (Reinert 2001 ;
Marpsat 2010) en utilisant le logiciel Iramuteq45. L’analyse lexicale cherche
moins à compter la fréquence des mots (ou formes) qu’à mettre en évidence la
régularité de l’usage de certains mots et la conjonction de leurs apparitions dans
des portions similaires de textes (Reinert Ibid. ; Bart 2011). Ainsi, l’analyse
lexicale des conclusions des rapports d’alternance consiste d’une part en une
classification hiérarchique descendante (CHD) et, d’autre part, en une analyse
factorielle de correspondance (AFC). Cette analyse porte sur un corpus textuel
découpé en 198 Unités de Contexte Élémentaires (UCE46) dont 64,65% seront
effectivement analysées, soit 128 UCE.
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actions spécifiques (de maintenance par exemple), etc. Nous avons relevé dans
les conclusions des rapports analysés différentes mentions de la temporalité
de l’entreprise. Il y a d’abord les contraintes temporelles de la réalisation d’un
projet :
–– GMU1 « il nous faut respecter les devis, au mieux afin d’avoir des
bénéfices sur les projets. En effet, cela est lié au respect des devis,
et notamment aux heures prévues sur le projet. Faire moins d’heure
que prévu permet un gain supplémentaire alors qu’en faire plus
provoque des pertes ».
Il y a aussi la description du régime d’occurrence d’une action telle que la
maintenance conditionnée par l’état du matériel ou les rencontres régulières
avec un service de l’entreprise :
–– MFPI2 « La première séquence était orientée vers la maintenance
conditionnelle, donc axée sur le court terme ».
La faible présence de la temporalité de l’entreprise dans les rapports pose
la question de la contribution réelle de cet écrit à la formation de l’apprenti
au métier d’ingénieur. Il nous semble en effet que l’un des objectifs de cette
formation est l’appropriation de cette temporalité, au travers notamment de
l’anticipation des tâches qui incombent au stagiaire ainsi que la perception de
quelques-unes des spécificités de ce temps.
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La forme « projet » est fortement corrélée aux formes « étude » et « direction »47.
Cette dernière forme renvoie aux sens de direction générale, technique,
des opérations, commerciale ou d’infrastructure, etc. Elle fixe la tâche de
l’apprenti dans et par rapport au projet de différentes manières : affecter sa
mission et définir son périmètre d’étude (services, directions concernés), faire
le suivi régulier du projet (solliciter des présentations des études réalisées
par l’apprenti), évaluer et autoriser (ou pas) la réalisation d’un projet étudié
(en s’appuyant sur des études présentées), négocier la réalisation d’un projet,
lancer l’étude, définir la temporalité, etc. Par ailleurs, que ce soit pour agir sur le
projet-objet ou pour être dans le projet-situation, en vue de communiquer avec
les différents acteurs, notamment la direction, différents écrits techniques sont
mobilisés, constituant ainsi un genre écrit technique, qui peut être spécifique à
chaque entreprise ou générique (ex.: écrire un cahier des charges fonctionnel
vs utiliser un formalisme graphique spécifique). Ecrire dans cette profession
voudrait dire produire et intégrer ce genre écrit spécifique.
La classe C1 identifie donc le projet comme forme d’organisation prépondérante
du travail en entreprise, porté par une équipe, étudié et négocié avec une
direction. La temporalité du projet est centrale et elle est en même temps
temporalité de production et de formation. C’est ce que montre l’extrait d’UEC
significatif de la classe C1 suivant :
–– « Ce projet s’est inscrit dans la continuité et la finalité de mes trois
années de formation d’ingénieur maintenance. Tout d’abord, les
deux séquences professionnelles où la direction technique m’avait
confié la réalisation des études de fiabilité annuelles concernant
l’exploitation de la flotte B737_300 Europe Airpost … »
Une analyse similaire de la classe C2 met en évidence deux espaces lexicaux :
l’un centré sur la forme « permettre » et l’autre sur la forme « entreprise ». Les
formes significatives de cette classe expriment les acquis permis par la formation
en apprentissage dans sa globalité et par chacune de ses deux séquences. Quant
à la classe C3, elle correspond à un discours centré sur le travail acquis ou
visé, en particulier en situation professionnelle de formation, en en spécifiant
les temporalités, les objectifs, la nature, et les logiques de réalisation, tous
composants marqués par la tension formation/travail. L’analyse lexicale des
conclusions des rapports d’alternance met ainsi en évidence trois espaces
sémantiques dans les écrits des apprentis :
• Le premier espace, représenté par la classe C1, désigne le projet
comme mode d’organisation du travail prépondérant en entreprise.
La temporalité des tâches prescrites à l’apprenti, dans une visée de
formation ou de production, est spécifiquement une temporalité du
projet.
47
Respectivement : khi2 : 22,51 (test statistique de la corrélation entre deux formes
ou entre une forme et une classe lexicale) – p<0,00001 (indique la signification du lien
statistique entre deux formes ou entre une forme et une classe lexicale) et khi2 : 20,99
– p<0,00001.
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Conclusion
Dans les rapports d’alternance analysés, c’est la temporalité organisationnelle
de l’alternance, reconstruite du point de vue de l’apprenti, qui nous semble
dominante. En référence à cette temporalité, l’apprenti ingénieur en tant
que professionnel en devenir raconte son trajet individuel (même s’il est
accompagné) à l’intérieur de l’entreprise, bien plus que ses acquis cognitifs, en
termes de compétences et de savoirs, même s’il y a des apprentissages réalisés.
Notre analyse met en évidence que la question de la temporalité ne relève pas
uniquement d’une préoccupation d’organisation, elle participe du contenu de
la formation. Choisir une temporalité n’affecte pas seulement la temporalité
« objective », représentée par le calendrier de l’alternance par exemple, mais
elle influence également la perception de l’apprenti ingénieur des temporalités
de la tâche, des savoirs, des rapports entre acteurs, de son propre trajet et de son
identité d’ingénieur conçue comme temporalité du trajet professionnel.
Bibliographie
Anderson, K.J.B., Courter, S.S., McGlamery, T., Nathans-Kelly, T.M. & Nicometo,
C.G. (2010) : « Understanding engineering work and identity : a cross-case
analysis of engineers within six firms », Engineering Studies 2-3 : 153-174.
Badke-Schaub, P. & Frankenberger, E. (1999) : « Analysis of design projects »,
Design Studies 20 : 465-480.
Bart, D. (2011) : « L’analyse de données textuelles avec le logiciel Alceste »,
Recherches en didactique – Les Cahiers Théodile, 12 : 173-184.
Blanchet A. & Gotman A. (2007) : L’enquête et ses méthodes. L’entretien, Paris,
Armand Colin.
Carlino, P. (2005) : Escribir, leer, y aprender en la universidad. Buenos Aires, Fondo
de Cultura Económica de Argentina.
Cartonnet, Y. (2000) : Proposition d’actualisation de la technologie structurale pour
créer et utiliser des documentations technologiques, Rapport d’habilitation à
diriger des recherches, ENS de Cachan.
Delcambre, I. & Laborde-Milaa, I. (2002) : « Diversité des modes d’investissement
du scripteur dans l’introduction du mémoire professionnel », Enjeux 53 : 11-22.
Delcambre, I. & Lahanier-Reuter, D. (2010) : « Les littéracies universitaires. Influence
des disciplines et du niveau d’étude dans les pratiques de l’écrit », Diptyque 18 :
11-42.
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TABLE RONDE
QUELLES FORMATIONS UNIVERSITAIRES
AUX ÉCRITS PROFESSIONNELS ?
Présentation
Comment mettre en place à l’université une formation aux écrits professionnels ?
Quel est le rôle respectif des universitaires et des professionnels dans une telle
formation ? Comment aborder la question de la norme et des normes, celle
de l’évaluation ? C’est autour de ces questions qu’une table ronde a réuni,
à l’issue de la journée d’études qui est à l’origine de cette publication, des
universitaires responsables de formations aux écrits professionnels et des
professionnels intervenant dans ces formations : Patrick Emourgeon (Master
1 Communication politique et publique, UPEC-Université Paris Est Créteil,
et Master 2 Science politique Action territoriale/communication publique et
concertation, Université Lille 2), Jean-Marc Leblanc (Master 2 Rédaction-
Traduction et licence 3 Lettres Rédaction Professionnelle et Communication
Multimédia, UPEC), Fanny Rinck et Frédérique Sitri (Master 2 Ecrifore,
« Ecriture, Formation, Remédiation », Université Paris Ouest Nanterre), Marie-
Christine Lala et Denis Mazzucchetti (Master 2 LATERP « Lettres appliquées
aux techniques éditoriales et à la rédaction professionnelle », Université Paris
III-Sorbonne Nouvelle) et Sylvie Plane (Master Enseignement Éducation
Médiation, ESPE de Paris).
Les relations université/monde professionnel sont fréquemment placées sous
le sceau d’une dichotomie simpliste « théorie/pratique » qu’il faut dépasser.
Certes, les exigences en matière d’écrits professionnels diffèrent d’un côté et de
l’autre en termes de finalité, de temporalité mais aussi de rapport à l’écrit. Mais,
comme le souligne l’un des intervenants, l’université - et c’est sa raison d’être
- peut aider les entreprises à mieux comprendre les mutations technologiques
rapides qui affectent le lire-écrire. Par ailleurs, le rôle de l’université est
également d’apprendre à l’étudiant à analyser ce qui se joue dans un écrit
professionnel : à rebours des formations « clefs en main » délivrant des
recettes à appliquer, elle favorise la réflexion non seulement sur les genres
en usage dans le monde professionnel, leurs caractéristiques linguistiques
et pragmatiques, leur mode de circulation, les instances énonciatives en jeu
mais aussi sur les compétences et les opérations discursives à l’œuvre de
façon transversale dans ces genres variés, en mettant en œuvre des procédures
d’analyse, d’observation et de réécriture. La tension ou l’articulation entre la
dimension réflexive privilégiée par l’université et son adaptation à la demande
de l’entreprise existe : c’est toute la question de la mise en situation, déjà
longuement évoquée dans les contributions qui précèdent. La présence et le
dialogue, au sein d’une formation, d’universitaires et de professionnels peut
constituer une réponse, de même que le principe de l’alternance, qui permet le
« retour sur expérience ». La formation à l’écrit des futurs enseignants abordée
par Plane, bien que se situant dans un univers professionnel différent, avec
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Patrick EMOURGEON
Editeur
Master 1 Communication politique et publique,
UPEC-Université Paris Est Créteil, et Master 2
Science politique Action territoriale/communication
publique et concertation, Université Lille 2
Un malentendu tenace
Les relations universités/entreprises souffrent d’un malentendu tenace, lié sans
nul doute à une méconnaissance mutuelle ancienne. Ignorance réciproque de
mondes éloignés de fait, par leurs objets mêmes, par des pratiques culturelles,
une histoire et des représentations souvent contradictoires. Beaucoup de
discours convenus ont été prononcés par les institutions ces dernières années
sur ce sujet, paroles qui tiennent bien souvent beaucoup plus de l’incantation
ou du politiquement correct que de la réalité. De ce malentendu naît un
discours autoproduit simplificateur pétri de stéréotypes et de poncifs. D’un
côté, nous aurions une université détachée du monde, théorisante voire
prétentieuse et de l’autre des entreprises cyniques, exploiteuses ou pour
certains le symbole de l’efficacité et du pragmatisme dans un discours souvent
idéalisé à partir des années 80. La réalité est toute autre. L’entreprise demeure
avant tout un mode d’organisation de production de biens ou de services et
l’université un lieu de production et de diffusion des savoirs, le tout dans un
système fortement concurrentiel. Ces deux univers, constitués de femmes et
d’hommes de leur temps, n’existent pas en dehors du monde et de sa réalité
politique, économique, sociale et technologique. De ce fait, même s’ils ne
seront jamais ni en opposition pure, ni en recherche de légitimité mutuelle,
rien ne les empêche de tisser des liens utiles et intelligents. L’université
attendrait trop souvent des entreprises qu’elles jouent uniquement le rôle de
financeur et de « placement » de ses étudiants et l’entreprise demanderait
exclusivement à l’université de produire des salariés « clefs en main ».
Ces visions caricaturales freinent la diffusion des savoirs dans une société.
Car l’entreprise et l’université produisent toutes deux des savoirs de toutes
formes. Dans l’industrie, par la recherche mais aussi dans les services, de la
plus petite structure à la grande holding, le monde économique façonne des
savoirs, des pratiques et réfléchit sur ses usages au quotidien ; l’entreprise
pourrait même, sans en avoir l’air, théoriser un peu ses pratiques…
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Jean-Marc LEBLANC
MCF
Master 2 Rédaction-Traduction
Responsable de la Licence 3 Lettres Rédaction
Professionnelle et Communication Multimédia, UPEC
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Fanny RINCK
MCF, responsable du Master Ecrifore48
Frédérique SITRI
MCF, responsable du Master Ecrifore
Master 2 Ecrifore, « Ecriture, Formation,
Remédiation », Université Paris Ouest Nanterre
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50
L’opération Phoenix défend ainsi l’intérêt de formations de haut niveau en sciences
humaines et sociales pour le monde de l’entreprise, alors qu’elles sont souvent
soupçonnées d’être coupées du monde du travail.
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L’analyse de genres et de la diversité des textes entrant dans une même catégorie
générique peut ainsi servir à structurer la formation dans le sens d’une prise de
conscience des normes du genre et de leur diversité. Cependant, les compétences
rédactionnelles attendues de la part de rédacteurs professionnels supposent aussi
de reconnaître les limites de la notion de genre dès lors que l’on s’interroge
sur l’écriture qualifiée d’experte, en référence aux modèles de l’expertise en
psychologie cognitive.
Un journaliste, un rédacteur web, un rédacteur de comptes-rendus, un chercheur
n’ont-ils pas en commun des compétences rédactionnelles transversales aux
genres qu’ils pratiquent dans leur quotidien51 ? En d’autres termes, l’expertise
développée dans les genres qu’ils pratiquent est-elle transférable, et à quelles
conditions, dans d’autres genres de la rédaction professionnelle, sinon experte ?
La question du transfert de compétences rédactionnelles est particulièrement bien
étudiée (par ex. Dias et al. 1999 ; Dias et al. 2000 ; Kellogg 2008 ; Russell 1995)
et en particulier pour ce qui a trait à la transition entre université et monde
professionnel. Elle doit également permettre de s’interroger sur le transfert
entre des situations professionnelles variées. Elle renouvelle donc l’idée que
les compétences littéraciques sont des compétences situées en postulant des
habiletés générales et des opérations rédactionnelles communes aux genres ou
qui se combinent aux spécificités des genres.
La notion de mise en situation représente un incontournable des formations
pratiques à la rédaction professionnelle : il s’agit typiquement de répondre à
une commande (par ex. Beaudet & Smart 2002 ; Beaudet & Clerc 2012 ; Equoy
Hutin 2012), authentique ou simulée. Compte-tenu de ce que nous avons
développé supra, la formation Ecrifore réinvestit ce principe de mises en situation
mais postule qu’elles ne sauraient tenir lieu de formation. Concrètement, en
classe, notre point de départ est donc la mise en situation, mais elle est relayée
par des activités à même de développer des compétences d’analyse. Nous nous
basons alors sur l’observation de corpus structurés en référence aux genres (une
diversité de textes du même genre ou attestant de sous-genres différents). Nous
nous rattachons ainsi aux principes du teaching and learning with corpora, en
postulant que l’observation de corpus peut servir d’outil de prise de conscience
des caractéristiques des textes et des opérations de lecture et d’écriture. La
compétence d’analyse ainsi visée est évidemment centrale pour la formation de
futurs formateurs ; elle l’est aussi pour produire des textes, si l’on convient qu’un
bon rédacteur sait se relire, se mettre à la place de son lecteur et réécrire pour
améliorer ses textes – ou ceux de ses collaborateurs.
Références bibliographiques
Beaudet, C. & Smart, G. (éds) (2002) : « Les compétences du rédacteur professionnel »/
« The expertise of professional writers », Technostyle 18(1), Canadian Association
for the Study of Discourse and Writing (CASDW) / l’Association canadienne de
rédactologie (ACR), University of the Fraser Valley.
51
Ne serait-ce qu’en référence à des critères spontanément utilisés de correction
linguistique, de clarté ou d’intelligibilité des textes ?
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En conclusion
Il est évident que la mise en situation constitue l’angle mort de ce type de formation.
Même accompagné de contraintes fortes, notamment en termes de délais, un
exercice de formation à la rédaction professionnelle s’inscrit nécessairement
dans un cadre universitaire qui, par définition, laisse de côté ces dimensions
essentielles de l’activité rédactionnelle en contexte professionnel : la matérialité
de l’écrit face à la mise en jeu du réel et la responsabilité de l’écrivant. Si le
Master 2 Professionnel LATERP à Paris III propose une formation en alternance,
comportant deux jours d’enseignements et trois jours de stage, c’est afin de
favoriser ces retours immédiats entre théorie et pratique pendant une période
courte qui est celle de la formation. En raison des caractéristiques du champ
d’activité et de la spécialisation de ce master dans le domaine des techniques
éditoriales, les offres de stage en dehors de ce secteur restent secondaires. La
transmission de leur expérience par les intervenants professionnels est de ce fait
irremplaçable pour les étudiants qui apprennent à en tirer profit.
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Bibliographie générale
André, A. & Cifali, M. (2007) : Ecrire l’expérience : Vers la reconnaissance des
pratiques professionnelles, Paris, PUF.
Beaudet, C. (1999) : « Les compétences linguistiques et discursives du rédacteur
professionnel : un ensemble à circonscrire », in Z. Guével & I. Clerc (éds.),
Les professions langagières à l’aube de l’an 2000 : recherches pédagogiques
et linguistiques en traduction, rédaction et terminologie, Actes du colloque de
l’ACFAS, CIRAL, Publication B-217 : 3-18.
Floch, J.-M. (2002) : Sémiotique, marketing et communication : sous les signes, les
stratégies, Paris, PUF.
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Sylvie PLANE
Professeur, responsable du
Master Enseignement Éducation Médiation,
ESPE de Paris, Université Paris Sorbonne
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les étudiants sont amenés à constater de visu que, mis à part dans les classes des
maîtres formateurs, les pratiques d’enseignement de l’écriture sont quelquefois
un peu frustes, et surtout qu’elles reposent assez rarement sur une analyse de
l’acte d’écriture aussi fine que celle à laquelle ils se sont exercés.
Il s’agit donc d’une formation réflexive, au sens propre du terme, dans la mesure
où l’attention portée à l’acte d’écriture et aux problèmes d’évaluation de l’écrit
dans une perspective d’enseignement conduit ces étudiants à s’observer eux-
mêmes en train d’écrire et parfois à infléchir leur propre manière d’écrire. Mais
la formation des professeurs des écoles est une formation à la polyvalence dont
l’ampleur oblige à faire des choix, et il est tout à fait compréhensible que certains
d’entre eux optent pour d’autres spécialisations. On peut néanmoins regretter que
la concentration de la formation professionnelle dans les deux années du master
ne permette pas d’initier plus précocement une réflexion sur l’écriture car celle-ci
aurait des effets positifs sur l’ensemble du parcours universitaire des étudiants.
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POSTFACE
Céline BEAUDET
Professeure titulaire
Université de Sherbrooke
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est convoqué pour signaler que la réalité est en adéquation avec les éléments
énumérés dans un document. Mais s’agit-il bien de rédaction professionnelle ?
Les scripteurs ne sont ni concepteurs ni producteurs de l’écrit, conditions
élémentaires pour définir la tâche d’un rédacteur professionnel (Schriver 2012,
Beaudet & Clerc 2008). Ils participent à une action langagière pour établir le
lien entre l’écrit et l’action programmée.
Pour le scripteur à qui on demande de consigner ses actions, l’écriture peut
poser problème du fait que son niveau de littératie est faible (voir grille de
l’Organisation de coopération et de développement économique-OCDE), que
la langue de travail n’est pas sa langue maternelle, que les conditions de travail
ne lui laissent pas le temps de produire l’écrit demandé, ou que le document sur
lequel doivent être consignées des informations n’est pas lisible ou n’est pas
intelligible. Dans les deux premiers cas de figure, ce n’est pas spécifiquement
l’écriture professionnelle qui pose problème, c’est l’entrée en littératie. Comme
l’écrit Boutet ici : « Selon qu’on s’intéresse à des métiers du langage comme
le journalisme ou l’enseignement, ou qu’on s’intéresse à des métiers dont le
langage ne constitue qu’une part de l’activité comme celui des grutiers ou des
conducteurs de TGV, le type d’écrits produits comme leur place dans l’activité
de travail diffèrent évidemment. Cependant, et c’est là une caractéristique du
travail contemporain, tous les métiers sont désormais concernés par l’écrit et par
voie de conséquence par les compétences des salariés en matière de littératie. »
Toutefois, il est difficile de penser des formations de base qui ne traiteraient
que de littératies spécifiques à un domaine de travail, par exemple l’hôpital. Il
serait préférable de traiter les problèmes de compétences en lecture et écriture
en amont. Cette focalisation sur un domaine apparaît plutôt comme une sur-
spécialisation. Dans le troisième cas de figure, l’organisation du travail est en
cause, ce sur quoi l’enseignant en rédaction a peu de prise. Cet état de fait
traduit néanmoins le peu de cas accordé à la lecture et l’écriture comme actions
signifiantes en milieu de travail, ce qu’observe Lachaud dans sa recherche sur
les métiers de la propreté (ici). Lire et écrire sont des activités invisibles et peu
valorisées dans la plupart des sphères du travail : l’écrit n’apparaît pas comme
le résultat d’un travail spécifique et l’expertise du scripteur ou du rédacteur
est rarement reconnue, qu’il produise un écrit stéréotypé ou un écrit moins
normé. Dans ces trois cas de figure, le scripteur dont il est question jusqu’ici se
distingue nettement du rédacteur professionnel : pour ce dernier le niveau de
littératie est nécessairement élevé, la langue dans laquelle il écrit est la langue
maternelle et le temps de travail équivaut au temps de l’écriture. Scripteur sur
les lieux de travail et rédacteur professionnel sont donc des personnes aux
compétences distinctes.
Derrière la production d’écrits à scénographie contraignante (Pétillon &
Ganier ici) se cache en fait une activité complexe. Qu’il s’agisse de rédiger le mode
d’emploi d’un autocuiseur ou encore des formulaires issus des administrations
gouvernementales (Heurley ici ; Clerc 2008 ; Clerc & Kavanagh 2006), le
rédacteur professionnel est responsable de la lisibilité et de l’intelligibilité des
écrits professionnels. À ce dernier niveau de problème, force est de constater
que les écrits simples, comme des feuilles de présence, ne sont pas les seuls à
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Etablissement d’enseignement post-secondaire au Québec et, plus largement, dans
les pays anglo-saxons.
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cursus, qu’il soit appelé à rédiger souvent des textes courts ou longs, de genres
différents, et que cette pratique s’accompagne de rétroactions fréquentes de
la part de l’enseignant (Lafortune 2011 ; Kellogg & Whiteford 2009). En
rédigeant un mémoire d’application (Glorieux ici), par exemple, ou un rapport
de stage, l’étudiant s’inscrit progressivement dans la littératie universitaire
dont il découvre les conventions, mais entre discrètement dans la littératie de la
pratique professionnelle qui sera bientôt la sienne. Cette acculturation se déroule
dans le temps, comme le démontre bien Zaid dans ce numéro, en examinant
la construction de la temporalité dans les rapports d’alternance d’apprentis-
ingénieurs produits sur trois ans.
La valorisation institutionnelle du passage de l’écrit universitaire d’apprentissage
classique aux écrits professionnalisants ou professionnels et la reconnaissance
de son importance pour la qualité de nombreux parcours de formation restent
un défi, comme en témoignent les nombreux auteurs ayant contribué à cette
publication. Il en est de même au Québec. Le constat justifie la multiplication
des collaborations et solidarités interculturelles et interdisciplinaires. À suivre, et
à relancer, avec intérêt.
Bibliographie
Alamargot, D. & Beaudet, C. (2009) : « Rédiger contre son opinion : un conflit de
valeurs est-il surmontable chez des étudiants avancés en communication ? »,
Pratiques 143-144 : 218-232.
Babcock, R.D. & Thonus, T. (2012) : Researching the Writing Center. Towards an
Evidence-Based Practice, Berne, Peter Lang.
Beaudet, C. & Rey, V. (2012) : « De l’écrit universitaire à l’écrit professionnel :
comment favoriser le passage de l’écriture heuristique et scientifique à l’écriture
professionnelle ? », Scripta 30 : 169-193.
Beaudet, C., Graves, R. & Labasse, B. (2012) : « Writing Under the Influence (of the
Writing Process) », in V. Berninger (éd.),. Past, Present, and Future Contributions
of Cognitive Writing Research to Cognitive Psychology, New York, Psychology
Press : 105-134.
Beaudet, C. & Clerc, I. (2008) : « Enseigner la rédaction au Québec: quels fondements
disciplinaires ? Quelle reconnaissance institutionnelle? », in Actes De la France
au Québec : l’écriture dans tous ses états, Université de Poitiers, [En ligne]
http://www.poitou-charentes.iufm.fr/spip.php?article1048.
Clerc, I. (2008) : « La simplification des écrits gouvernementaux au Québec : bilan des
travaux du Groupe Rédiger et réflexion sur le rôle du chercheur dans le cadre d’un
contrat de recherche », Technostyle 22(1) : 86-98. [En ligne] http://cjsdw.arts.ubc.ca/
pdf/technostyle_aug08-1.pdf
Clerc, I. & Kavanagh, É. (2006) : De la lettre à la page Web. Savoir communiquer avec le
grand public, Québec, Les publications du Québec.
Kellogg, R. & Whiteford, A. (2009) : « Training Advanced Writing Skills: The Case for
Deliberate Practice », Educational Psychologist vol. 44, n° 4 : 250-266.
Lafortune, L. (2011) : « Des fonctions de l’écriture réflexive dans l’accompagnement
d’un changement », in M. Morisse, L. Lafortune, & F. Cros (éds), Se
professionnaliser par l’écriture. Quels accompagnements ? Presses de
l’Université du Québec : 206-232.
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