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N° 142 (2013/II)
NOUVELLES ŒCUMÉNIQUES
Dialogue international pentecôtiste-catholique
(Baltimore, MD, États-Unis, 13-19 juillet 2013) ................................................................................ . 15
DOCUMENTATION SUPPLÉMENTAIRE
La Parole de Dieu dans la vie de l’Église
Rapport sur le Dialogue international entre l’Église Catholique
et l’Alliance Baptiste Mondiale (2006-2010) ....................................................................................... 21
Commentaire sur « La Parole de Dieu dans la vie de l’Église »
Une réflexion catholique sur le Rapport du Dialogue international entre l’Église Catholique
et l’Alliance Baptiste Mondiale 2006-2010 par Thomas A. Baima................................................... 68
ADRESSE POSTALE
Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens
VA – 00120 Cité du Vatican
La reproduction totale ou partielle des textes publiés dans Service d’information est autorisée.
Néanmoins, nous prions ceux qui utilisent ces textes de bien vouloir nous envoyer un exemplaire de leur publication.
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LE PAPE FRANÇOIS ET L’ŒCUMÉNISME
ENTRETIEN DU PAPE FRANÇOIS nière de faire du Synode, car celle qui est pratiquée ac-
AVEC LES JOURNALISTES À BORD DE L’AVION tuellement me paraît statique. Cela pourra aussi avoir
AU RETOUR DE RIO une valeur œcuménique, tout particulièrement avec nos
28 juillet 2013 frères orthodoxes. À partir de leur expérience, nous
pouvons apprendre davantage sur le sens de la collégia-
lité épiscopale et sur la tradition de la synodalité.
Question (Alexey Bukalov): L’effort de réflexion commune, qui prend en considé-
[…] Bonsoir Saint-Père. Saint-Père, revenant à ration la manière dont l’Église était gouvernée dans les
l’œcuménisme : les orthodoxes fêtent aujourd’hui le 1025e anni- premiers siècle, avant la rupture entre l’Orient et
versaire du christianisme, il y a de grandes festivités dans de l’Occident, portera du fruit en son temps. Ceci est im-
nombreuses capitales. Si vous voulez faire un commentaire sur cet portant pour les relations œcuméniques : non seule-
événement, j’en serai heureux. Merci. ment mieux se connaître, mais aussi reconnaître ce que
l’Esprit a semé dans l’autre comme un don qui nous est
Pape François : destiné. Je veux poursuivre la réflexion sur la manière
d’exercer le primat de Pierre, déjà initiée en 2007 par la
Dans les Églises orthodoxes, on a conservé cette Commission mixte, ce qui a conduit à la signature du
antique liturgie si belle. Nous, nous avons perdu un peu
Document de Ravenne. Il faut continuer dans cette voie ».
le sens de l’adoration. Eux le conservent, ils louent
Dieu, ils adorent Dieu, ils chantent, le temps ne compte Je cherche à comprendre comment le Pape voit
pas. Le centre c’est Dieu, et cela est une richesse que je l’avenir de l’unité de l’Église. Il me répond : « Nous de-
veux souligner à l’occasion de la demande que vous me vons cheminer unis dans les différences : il n’y a pas
faites. Une fois, en parlant de l’Église occidentale, de d’autre chemin pour nous unir. C’est le chemin de
l’Europe occidentale, surtout l’Église qui s’est le plus Jésus » […]
développée, on m’a dit cette phrase : « Lux ex oriente, ex
occidente luxus ». L’esprit de consommation, le bien-être, ORF, 26.09.2013
nous ont fait beaucoup de mal. En revanche, vous,
vous conservez cette beauté de mettre Dieu au centre,
comme référence. Quand on lit Dostoïevski – je crois MESSAGE DU PAPE AU PRÉSIDENT DU CONSEIL
que pour nous tous il doit être un auteur à lire et à re- PONTIFICAL POUR LA PROMOTION DE L’UNITÉ
DES CHRÉTIENS À L’OCCASION DU XIIIE SYMPOSIUM
lire, parce qu’il a une sagesse – on perçoit quelle est
INTERCHRÉTIEN
l’âme russe, l’âme orientale. C’est une chose qui nous
fera beaucoup de bien. Nous avons besoin de ce re- Milan (Italie), 28-30 août 2013
nouvellement, de cet air frais de l’Orient, de cette lu-
mière de l’Orient. Jean-Paul II l’avait écrit dans sa
À mon vénéré frère le Cardinal Kurt Koch,
Lettre. Mais souvent le luxus de l’Occident nous fait
Président du Conseil Pontifical
perdre l’horizon. Je ne sais pas, il m’est venu de dire
pour la promotion de l’unité des chrétiens
cela. Merci. [...]
ORF, 08-15.08.2013 C’est avec une joie particulière que j’ai appris l’ini-
tiative des symposiums interchrétiens, organisés tous
les deux ans par l’Institut franciscain de spiritualité de
INTERVIEW AU PAPE FRANÇOIS DU PÈRE ANTONIO l’Université Pontificale Antonianum et par le
SPADARO, DIRECTEUR DE LA REVUE CIVILTÀ département de théologie de la faculté de théologie
CATTOLICA orthodoxe de l’Université Aristoteles de Thessalonique,
19 août 2013 dans le but d’approfondir la connaissance des traditions
théologiques et spirituelles de l’Orient et de l’Occident
et de cultiver des relations fraternelles d’amitié et
Question : d’étude entre les membres des deux institutions
[…] Comment concilier harmonieusement le primat de Pierre académiques.
et la synodalité ? Quels chemins peuvent être pratiqués, et ce dans Je désire donc adresser une salutation cordiale aux
une perspective œcuménique ? organisateurs, aux intervenants et à tous les participants
à la XIIIe édition de cette initiative de grand mérite, qui
Pape François : se déroule cette année à Milan, avec la collaboration de
« On doit marcher ensemble : Les personnes (la l’université catholique du Sacré-Cœur, sur le thème :
« La vie des chrétiens et le pouvoir civil. Questions
gente), les évêques et le Pape. La synodalité se vit à diffé-
historiques et perspectives actuelles en Orient et en
rents niveaux. Il est peut-être temps de changer la ma-
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Occident ». Ce thème s’inscrit bien dans le cadre des triste de trouver une Église « privatisée » par cet
multiples initiatives qui visent à commémorer le XVIIe égoïsme et ce manque de foi. […]
centenaire de la promulgation de l’Édit de Constantin,
Il est important de regarder en dehors de son
des initiatives qui, à Milan, ont eu des moments d’une
propre enclos, de se sentir Église, unique famille de
importance particulière, comme la visite du Patriarche
Dieu !
œcuménique Bartholomaios Ier à l’Église ambrosienne
et à la ville. Accomplissons un autre pas et demandons-nous :
La décision historique, par laquelle fut décrétée la cette unité a-t-elle des blessures ? Pouvons-nous blesser
liberté religieuse pour les chrétiens, ouvrit de nouvelles cette unité ? Malheureusement, nous voyons que sur le
voies à la diffusion de l’Évangile et contribua de façon chemin de l’histoire, même maintenant, nous ne vivons
déterminante à la naissance de la civilisation euro- pas toujours l’unité Parfois apparaissent des incompré-
péenne. La mémoire de cet événement offre l’opportu- hensions, des conflits, des tensions, des divisions, qui la
nité, pour le présent symposium, de réfléchir sur l’évo- blessent, et alors l’Église n’a pas le visage que nous
lution des modalités à travers lesquelles le monde chré- voudrions, elle ne manifeste pas la charité, ce que veut
tien est en relation avec la société civile et avec l’auto- Dieu. C’est nous qui créons des déchirements ! Et si
rité qui la préside. Ces modalités se sont développées nous regardons les divisions qui existent encore parmi
au cours de l’histoire dans des contextes très différents, les chrétiens, les catholiques, les orthodoxes, les pro-
et ont connu des diversifications significatives en testants… nous ressentons la difficulté de rendre plei-
Orient et en Occident. Dans le même temps, elles ont nement visible cette unité. Dieu nous donne l’unité,
conservé certains traits fondamentaux communs, mais nous avons souvent du mal à la vivre. Il faut cher-
comme la conviction selon laquelle le pouvoir civil cher, construire la communion, éduquer à la commu-
trouve sa limite face à la loi de Dieu, la revendication nion, à surmonter les incompréhensions et les divi-
du juste espace d’autonomie pour la conscience, la sions, en commençant par la famille, par les réalités ec-
conscience que l’autorité ecclésiastique et le pouvoir clésiales, également dans le dialogue œcuménique.
civil sont appelés à collaborer en vue du bien intégral Notre monde a besoin d’unité, c’est une époque où
de la communauté humaine. nous avons tous besoin d’unité, nous avons besoin de
réconciliation, de communion et l’Église est la Maison
En souhaitant que les travaux du symposium de la communion. […]
portent des fruits abondants pour le progrès de la re-
cherche historique et de la connaissance réciproque Est-ce que j’ai l’humilité de recoudre avec patience,
entre les diverses traditions, je vous assure de mon avec sacrifice, les blessures faites à la communion ?
souvenir dans la prière et j’invoque de tout cœur la Bé- Enfin, le dernier passage de manière plus approfon-
nédiction apostolique sur ceux qui ont contribué à die. Et c’est une belle question : qui est le moteur de
l’organisation du Congrès et sur tous ceux qui y pren- cette unité de l’Église ? C’est le Saint-Esprit que nous
dront part. avons tous reçu dans le Baptême et aussi dans le sa-
Du Vatican, le 19 août 2013 crement de la confirmation. C’est le Saint-Esprit. Notre
unité n’est pas avant tout le fruit de notre assentiment
ou de la démocratie dans l’Église, ou de notre effort
News.va 30.08.2013
pour nous entendre, mais elle vient de Lui qui fait
l’unité dans la diversité, car le Saint-Esprit est harmo-
AUDIENCE GÉNÉRALE nie, il crée toujours l’harmonie dans l’Église. Il est une
25 septembre 2013 unité harmonique dans une aussi grande diversité de
cultures, de langues et de pensée. C’est le Saint-Esprit
qui est le moteur. C’est pourquoi la prière est impor-
Chers frères et sœurs, tante, elle qui est l’âme de notre engagement d’hommes
et de femmes de communion, d’unité. La prière à
Dans le « Credo », nous disons « Je crois en l’Église
l’Esprit Saint, afin qu’il vienne et qu’il fasse l’unité dans
une », c’est-à-dire que nous professons que l’Église est
l’Église.
unique et cette Église est en soi unité. […]
Demandons au Seigneur : Seigneur, donne-nous
Unité dans la foi, dans l’espérance, dans la charité,
d’être toujours plus unis, de n’être jamais des instru-
unité dans les sacrements, dans le ministère : ce sont
ments de division ; fais que nous nous engagions,
comme des piliers qui soutiennent et maintiennent
comme le dit une belle prière franciscaine, à apporter
l’unique grand édifice de l’Église. […]
l’amour là où existe la haine, à apporter le pardon là où
Demandons-nous tous : moi, comme catholique, se trouve l’offense, à apporter l’union là où règne la
est-ce que je sens cette unité ? Ou bien ne m’intéresse- discorde. […]
t-elle pas, parce que je suis replié sur mon petit groupe
ou sur moi-même ? Suis-je au nombre de ceux qui
« privatisent » l’Église pour leur propre groupe, pour ORF, 26.09.2013
leur propre nation, pour leurs propres amis ? Il est
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ANGELUS peuvent demander pardon pour le mal causé les uns
29 septembre 2013 aux autres et pour les fautes commises devant Dieu, et
se réjouir ensemble pour la nostalgie d’unité que le
Seigneur a réveillée dans nos cœurs, et qui nous fait
[…] J’adresse un salut particulier à mon frère Sa nous tourner vers l’avenir avec un regard d’espérance.
Béatitude Youhanna X, Patriarche grec-orthodoxe
d’Antioche et de tout l’Orient. Sa présence nous invite À la lumière du chemin de ces décennies, et des
à prier encore une fois pour la Syrie et le Moyen- nombreux exemples de communion fraternelle entre
Orient. […] luthériens et catholiques dont nous sommes témoins,
réconfortés par la confiance dans la grâce qui nous est
ORF, 03.10.2013 donnée dans le Seigneur Jésus Christ, je suis certain que
nous saurons poursuivre notre chemin de dialogue et
DISCOURS DU PAPE FRANÇOIS À UNE DÉLÉGATION de communion, en affrontant également les questions
DE LA FÉDÉRATION LUTHÉRIENNE MONDIALE ET fondamentales, ainsi que les divergences qui
AUX REPRÉSENTANTS DE LA COMMISSION POUR apparaissent dans le domaine anthropologique et
L’UNITÉ LUTHÉRIENNE-CATHOLIQUE éthique. Certes, les difficultés ne manquent pas et ne
21 octobre 2013 manqueront pas, elles exigeront encore patience, dia-
logue et compréhension réciproque, mais n’ayons pas
peur ! Nous savons bien — comme nous l’a rappelé à
Chers frères et sœurs luthériens, et chers frères ca- plusieurs reprises Benoît XVI — que l’unité n’est pas
tholiques, avant tout le fruit de notre effort, mais de l’action de
l’Esprit Saint auquel il faut ouvrir nos cœurs avec con-
Je souhaite volontiers la bienvenue à vous tous, dé- fiance afin qu’il nous conduise sur les voies de la ré-
légation de la Fédération luthérienne mondiale et repré- conciliation et de la communion.
sentants de la Commission pour l’unité luthérienne-
catholique. Cette rencontre fait suite à celle, très cor- Le bienheureux Jean-Paul II se demandait : « Com-
diale et appréciée, que j’ai eue avec vous, éminent ment annoncer l’Évangile de la réconciliation sans
Évêque Younan, et avec le Secrétaire de la Fédération s’engager en même temps à travailler pour la réconci-
luthérienne mondiale, le Révérend Junge, à l’occasion liation des chrétiens ? » (Ut unum sint, 98). Que la prière
de la célébration du début de mon ministère comme fidèle et constante dans nos communautés puisse sou-
Évêque de Rome. tenir le dialogue théologique, le renouveau de la vie et
la conversion des cœurs, afin que, avec l’aide de Dieu
Je constate avec un sentiment de profonde gratitude Un et Trine, nous puissions marcher vers
pour le Seigneur Jésus Christ les nombreux pas que les l’accomplissement du désir du Fils, Jésus Christ, afin
relations entre luthériens et catholiques ont accomplis que nous soyons tous un. Merci.
au cours des dernières décennies, et non seulement à
travers le dialogue théologique, mais également à tra-
ORF, 31.10.2013
vers la collaboration fraternelle dans de multiples do-
maines pastoraux, et surtout, dans l’engagement en vue
de progresser dans l’œcuménisme spirituel. Ce dernier LE CHŒUR SYNODAL DU PATRIARCAT DE MOSCOU
constitue, dans un certain sens, l’âme de notre chemin AU VATICAN
vers la pleine communion, et nous permet d’en goûter 3 novembre 2013
déjà certains fruits, même imparfaits. Dans la mesure
où nous nous approchons avec humilité d’esprit de
Notre Seigneur Jésus Christ, nous sommes certains de Le 3 novembre 2013, avec la bénédiction du Métropolite
nous rapprocher également les uns des autres, et dans Hilarion de Volokolamsk, Président du Département pour les
la mesure où nous invoquerons du Seigneur le don de relations ecclésiales extérieures du Patriarcat de Moscou, le
l’unité, nous sommes certains qu’Il nous prendra par la Chœur synodal de Moscou a donné un concert avec le Chœur de
main et que ce sera Lui notre guide. Il faut laisser le la Chapelle Sixtine à la Basilique Sainte-Marie-Majeure de
Seigneur Jésus Christ nous prendre par la main. Rome.
Cette année, comme résultat du dialogue théolo- En cette circonstance, un message de salutations du Pape
gique, qui célèbre désormais cinquante ans, et en vue François a été lu par le Cardinal Leonardo Sandri, Préfet de la
de la commémoration du cinquième centenaire de la Congrégation pour les Églises orientales.
Réforme, a été publié le texte de la Commission pour Nous publions, ci-dessous, le texte de ce message.
l’unité luthérienne-catholique, qui porte un titre signifi- Vivre un moment d’élévation spirituelle en la
catif : « Du conflit à la communion. L’interprétation Basilique Sainte-Marie-Majeure, à travers l’art musical
luthérienne-catholique de la Réforme en 2017 ». de l’Église latine et de l’Église orthodoxe russe, est une
L’effort de se confronter dans le dialogue sur la réalité intéressante et profonde expérience. De fait, cette
historique de la Réforme, sur ses conséquences et sur basilique fut édifiée pour célébrer en Occident le
les réponses qui y furent apportées, me semble vérita- Concile œcuménique d’Éphèse qui reconnut Marie
blement important pour tous. Catholiques et luthériens comme Théotokos, c’est-à-dire comme Mère de Dieu.
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Aussi cette basilique unit-elle deux traditions ecclésiales Jean-Paul II avait parlé de manière encore plus
qui se reconnaissent dans la même foi et s’enrichissent explicite d’une forme d’exercice du primat qui s’ouvre à
mutuellement de par leurs diversités culturelles. une situation nouvelle. Mais non seulement du point de
En évaluant l’histoire du christianisme dans sa vue des relations œcuméniques, également dans les re-
portée millénaire, nous pouvons observer que ce qui a lations avec la Curie et avec les Églises locales. Au
été séparé à la suite des événements historiques et des cours de ces neuf premiers mois, j’ai reçu la visite de
diverses manières de comprendre la révélation, a au beaucoup de frères orthodoxes. Bartholomaios,
fond conservé une unité profonde dans l’art. Hilarion, le théologien Zizioulas, le copte Tawadros : ce
Aujourd’hui, cette unité artistique fournit de fréquentes dernier est un mystique, en entrant dans une chapelle, il
occasions de rencontres fécondes permettant d’étudier enlevait ses chaussures et allait prier. Je me suis senti
et réfléchir ensemble sur les sources communes, ce qui leur frère. Ils ont une succession apostolique, je les ai
fait naître une compréhension mutuelle véritable, reçus comme des frères évêques. C’est une douleur de
respect et enrichissement de part et d’autre. ne pas pouvoir célébrer l’Eucharistie ensemble, mais
l’amitié existe. Je crois que la route est celle-ci : amitié,
Dans l’Église, l’art sous toutes ses formes n’existe travail commun, et prier pour l’unité. Nous nous
pas seulement en raison d’une simple utilité esthétique, sommes bénis l’un l’autre, un frère bénit l’autre, un
mais parce qu’à travers celui-ci, l’Église à chaque frère s’appelle Pierre et l’autre s’appelle André, Marc,
moment historique et dans chaque culture explique et Thomas …
interprète plastiquement la révélation pour le bien du
peuple de Dieu. L’art dans l’Église existe Question :
fondamentalement pour évangéliser et dans cette
L’unité des chrétiens est-elle pour vous une priorité ?
perspective, nous pouvons affirmer avec Dostoïevsky :
« La beauté sauvera le monde ». Oui, pour moi l’œcuménisme est prioritaire. Au-
jourd’hui il y a l’œcuménisme du sang. Dans certains
Aujourd’hui, l’Église peut et doit respirer de ses
pays, on tue les chrétiens parce qu’ils portent une croix
deux poumons : celui de l’Orient et celui de l’Occident.
ou ont une Bible, et avant de les tuer, on ne demande
Là où nous ne réussissons pas encore à le faire
pas s’ils sont anglicans, luthériens, catholiques ou or-
pleinement, selon la mesure de l’unité demandée par
thodoxes. Le sang est mêlé. Pour ceux qui tuent nous
Jésus dans sa prière au Père, nous pouvons le faire de
sommes chrétiens. Nous sommes unis dans le sang,
tant d’autres manières, l’une d’entre elles étant
même si entre nous, nous ne parvenons pas encore à
précisément l’immense patrimoine artistique et culturel
faire les pas nécessaires vers l’unité, et peut-être n’est-il
que les diverses traditions ont produit « pour la vie en
pas encore temps. L’unité est une grâce, que l’on doit
abondance » du Peuple de Dieu.
demander. Je connaissais, à Hambourg, un curé qui
La musique, la peinture, la sculpture, suivait la cause de béatification d’un prêtre catholique
l’architecture : en un mot, la beauté unit et fait grandir guillotiné par les nazis parce qu’il enseignait le
la foi, dans l’espérance prophétique et la charité catéchisme aux enfants. Après lui, dans la file des
témoignée, anticipant ainsi à travers les âges cette unité condamnés, il y avait un pasteur luthérien, tué pour le
voulue que tous nous recherchons et qu’un jour, par la même motif. Leur sang s’est mêlé. Ce curé me racontait
grâce de Dieu, nous atteindrons. être allé chez l’évêque et lui avoir dit : « Je continue à
suivre la cause, mais de tous les deux, pas uniquement
Traduction de l’anglais SI du catholique » . C’est cela l’œcuménisme du sang. Il
existe encore aujourd’hui, il suffit de lire les journaux.
ENTRETIEN DU PAPE FRANÇOIS ACCORDÉ Ceux qui tuent les chrétiens ne te demandent pas ta
AU QUOTIDIEN « LA STAMPA » carte d’identité pour savoir dans quelle Église tu as été
baptisé. Nous devons prendre cette réalité en compte.
10 décembre 2013
[…]
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VISITE A ROME
DE SA SAINTETÉ MORAN BASELIOS MARTHOMA PAULOSE II
NOUVEAU CATHOLICOS DE L’ORIENT
ET MÉTROPOLITE DE L’ÉGLISE ORTHODOXE SYRO-MALANKARE
Œuvrer ensemble pour surmonter la « culture de l’affrontement » et faire place à une « culture de la rencontre » qui nous permette
d’envisager avec confiance la pleine communion. Ce sont les expressions employées par le Pape François lors de l’audience où il a reçu Sa
Sainteté Moran Baselios Marthoma Paulose II, dans la matinée du jeudi 5 septembre 2013.
La venue à Rome du Catholicos avait lieu dans le cadre d’une visite pastorale aux fidèles orthodoxes d’Europe. Outre l’audience avec le
Saint-Père, le Catholicos s’est rendu sur la tombe de l’Apôtre Pierre et a été reçu par le Président du Conseil Pontifical pour la promotion de
l’unité des chrétiens, le Cardinal Kurt Koch.
Nous publions, ci-après, les discours du Catholicos ainsi que celui du Saint-Père.
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XE ASSEMBLÉE GÉNÉRALE
DU CONSEIL ŒCUMÉNIQUE DES ÉGLISES
Le Conseil œcuménique des Églises de Genève (COE) – World Council of Churches (WCC) – a tenu sa dixième Assemblée générale
du 30 octobre au 8 novembre 2013, à Busan, en Corée du Sud, sur le thème : « Dieu de la vie, guide-nous vers la justice et vers la paix ».
L’Assemblée, qui est le plus important organe de gestion du COE, est convoquée tous les sept ans. La réunion de cette année était accueillie
par le Conseil des Églises de Corée, dans le diocèse de Busan. Les participants à l’Assemblée étaient plus de trois mille et comprenaient des
délégués officiels représentant les 345 Églises et Communautés ecclésiales affiliées au COE, des délégations d’Églises non membres et des
envoyés de diverses organisations associées. Bien que l’Église catholique ne soit pas membre du COE, elle entretient une collaboration
multiforme avec cet organisme, en participant à la recherche théologique de la Commission Foi et Constitution sur les principales questions
qui divisent encore les chrétiens dans le domaine de l’ecclésiologie et surtout à travers un Groupe mixte de travail qui coordonne les diverses
activités et initiatives conjointes.
C’est pour cette raison qu’une délégation catholique officielle était présente à Busan, dont les membres participaient en tant
qu’observateurs. Le Cardinal Kurt Koch, Président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, a assisté à la séance
inaugurale de l’Assemblée pour transmettre aux participants le message de vœu du Pape François que nous publions, ci-dessous, dans une
traduction de l’anglais.
MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS À L’ASSEMBLÉE être humain et la promotion efficace des conditions
GÉNÉRALE DU COE culturelles, sociales et juridiques qui permettent aux in-
dividus et aux communautés de croître dans la liberté,
et qui soutiennent la mission de la famille comme
À mon vénérable frère le Cardinal Kurt Koch pierre fondamentale de la société, assurent une éduca-
Président du Conseil pontifical tion solide et intégrale des jeunes et garantissent à tous
pour la promotion de l’unité des chrétiens l’exercice inconditionné de la liberté religieuse. Dans la
À l’occasion de la Xe assemblée générale du Conseil fidélité à l’Évangile, et en réponse aux besoins urgents
œcuménique des Églises, je vous demande de trans- du présent, nous sommes appelés à aller au-devant de
mettre mes salutations cordiales et mes meilleurs vœux ceux qui se trouvent dans les périphéries existentielles
à tous ceux qui sont réunis à Busan, et en particulier au de nos sociétés et à montrer une solidarité particulière
Secrétaire général, M. Olav Fykse Tveit, et aux repré- avec nos frères et sœurs les plus vulnérables : les
sentants des communautés chrétiennes présentes. Je pauvres, les porteurs de handicaps, les enfants à naître
vous assure de mon grand intérêt pastoral pour les dé- et les malades, les migrants et les réfugiés, les personnes
libérations de l’Assemblée et je réaffirme bien volon- âgées et les jeunes privés de travail.
tiers l’engagement de l’Église catholique à poursuivre sa Conscient que la conversion authentique, la sainteté
longue coopération avec le Conseil œcuménique des et la prière continuent d’être l’âme de l’œcuménisme
Églises. (cf. Unitatis redintegratio, 8), je prie afin que l’Assemblée
Le thème de l’Assemblée, « Dieu de la vie, guide- générale puisse contribuer à donner un nouvel élan de
nous vers la justice et vers la paix », est surtout une vitalité et une nouvelle vision à tous ceux qui sont
invocation orante au Dieu Un et Trine, qui attire toute engagés dans la sainte cause de l’unité des chrétiens, en
la création vers son accomplissement au moyen de la fidélité à la volonté du Seigneur pour son Église (cf. Jn
force rédemptrice de la Croix de Jésus Christ et 17, 21) et dans l’ouverture aux suggestions du Saint-
l’effusion des multiples dons de l’Esprit Saint. Là où Esprit. Sur tous ceux qui sont réunis à Busan, j’invoque
l’on protège le don de la vie et prévalent la justice et la les abondantes bénédictions de Dieu tout-puissant,
paix, le Royaume de Dieu est véritablement présent et source de toute joie et de tout don spirituel.
sa puissance souveraine est déjà à l’œuvre. Du Vatican, le 4 octobre 2013, fête de saint
Pour cette raison, je suis certain que la présente As- François d’Assise
semblée aidera à consolider l’engagement de tous les
disciples du Christ en faveur d’une prière et d’une col-
laboration plus intense au service de l’Évangile et du FRANÇOIS
bien intégral de notre famille humaine. L’univers mon-
dialisé dans lequel nous vivons exige de nous un témoi- ORF, 07.11.2013
gnage commun de la dignité donnée par Dieu à tout
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VISITE D’UNE DÉLÉGATION DU SAINT-SIÈGE
AU PATRIARCAT ŒCUMÉNIQUE
POUR LA FÊTE DE SAINT ANDRÉ
Dans le cadre de l’échange traditionnel de délégations pour les fêtes respectives des saints patrons – le 29 juin à Rome pour la célébration
des saints Pierre et Paul et le 30 novembre à Istanbul pour la célébration de saint André –, le Cardinal Kurt Koch, Président du Conseil
pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, a guidé cette année encore la délégation du Saint-Siège pour la fête du Patriarcat
œcuménique. Le Cardinal Koch était accompagné par S. Exc. Mgr Brian Farrell et par Mgr Andrea Palmieri, respectivement Secrétaire et
Sous-secrétaire du dicastère. À Istanbul s’est uni à la délégation le Nonce apostolique en Turquie, S. Exc. Mgr Antonio Lucibello.
La délégation du Saint-Siège a pris part à la Divine Liturgie solennelle présidée par Sa Sainteté Bartholomaios Ier dans l’église
patriarcale du Phanar, puis elle a rencontré le Patriarche et a eu des entretiens avec la commission synodale chargée des relations avec l’Église
catholique. Le Cardinal Koch a remis au Patriarche œcuménique un message autographe du Pape François – qui a lui-même célébré, dans la
matinée du samedi 30 novembre à Sainte Marthe, une Messe dédiée à Bartholomaios Ier –, message dont il a donné lecture en conclusion de
la divine liturgie et qui était accompagné d’un don. La délégation a en outre rendu visite au siège de l’École de théologie du Patriarcat
œcuménique à Halchi, fermée par les autorités turques en 1971 et dont on attend l’autorisation de réouverture.
MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS À SA SAINTETÉ Athénagoras, dont nous célébrerons dans peu de temps
BARTHOLOMAIOS IER le cinquantième anniversaire. Dieu, source de toute
paix et amour, nous a enseigné en ces années à nous
considérer les uns les autres comme membres de la
À Sa Sainteté Bartholomaios Ier
même famille. En effet, nous avons un seul Seigneur et
Archevêque de Constantinople, Patriarche œcuménique
un seul Sauveur. Nous lui appartenons à travers le don
de la bonne nouvelle du salut transmise par les apôtres,
« Que Dieu le Père et le Seigneur Jésus Christ à travers l’unique baptême au nom de la sainte Trinité
accordent paix aux frères, ainsi que charité et foi » et à travers le ministère sacré. Unis dans le Christ donc,
(Ep 6, 23). nous faisons déjà l’expérience de la joie de frères au-
thentiques dans le Christ, bien qu’étant pleinement
Après avoir accueilli avec joie la délégation que
conscients de ne pas avoir atteint l’objectif de la pleine
Votre Sainteté a envoyée à Rome pour la solennité des
communion. Dans l’anticipation du jour où nous parti-
saints Pierre et Paul, c’est avec la même joie que je
ciperons enfin ensemble au banquet eucharistique, les
transmets, à travers ce message confié au Cardinal Kurt
chrétiens ont le devoir de se préparer à recevoir ce don
Koch, Président du Conseil pontifical pour la promo-
de Dieu à travers la prière, la conversion intérieure, le
tion de l’unité des chrétiens, ma proximité spirituelle en
renouveau de vie et le dialogue fraternel.
la fête de saint André, frère de Pierre et saint patron du
patriarcat œcuménique. Avec la profonde affection ré- Notre joie à célébrer la fête de l’apôtre André ne
servée aux frères bien-aimés, je présente à Votre Sain- doit pas détourner notre regard de la situation drama-
teté mes meilleurs vœux dans la prière, ainsi qu’aux tique des nombreuses personnes qui souffrent à cause
membres du Saint-synode, au clergé, aux moines et à de la violence et de la guerre, de la faim, de la pauvreté
tous les fidèles et — avec mes frères et mes sœurs ca- et de graves catastrophes naturelles. Je suis conscient
tholiques — je m’unis à votre prière en cette occasion de votre profonde préoccupation pour la situation des
de fête. chrétiens au Moyen-Orient et pour leur droit à demeu-
rer dans leur patrie. Le dialogue, le pardon et la récon-
Sainteté, bien-aimé frère dans le Christ, c’est la
ciliation sont les uniques instruments possibles pour
première fois que je m’adresse à vous à l’occasion de la
obtenir la résolution du conflit. Nous sommes cons-
fête de l’apôtre André, le premier appelé. Je saisis cette
tants dans notre prière à Dieu tout-puissant et miséri-
occasion pour vous assurer de mon intention de pour-
cordieux pour la paix dans cette région, et nous conti-
suivre les relations fraternelles entre l’Église de Rome
nuons d’œuvrer en vue de la réconciliation et de la juste
et le Patriarcat œcuménique. C’est pour moi une source
reconnaissance des droits des personnes !
de grand réconfort de réfléchir sur la profondeur et sur
l’authenticité des liens existant entre nous, fruit d’un Votre Sainteté, la mémoire du martyre de l’apôtre
chemin empli de grâce le long duquel le Seigneur a saint André nous rappelle également les nombreux
guidé nos Églises depuis la rencontre historique à chrétiens de toutes les Églises et Communautés ecclé-
Jérusalem entre le Pape Paul VI et le Patriarche siales qui, dans de nombreuses parties du monde, sont
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victimes de discriminations et paient parfois de leur Dans cette atmosphère joyeuse et de gratitude,
sang le prix de leur profession de foi. Nous célébrons Éminence, nous ressentons vivement l’amour fraternel
actuellement le 1700e anniversaire de l’Édit de de celui qui vous envoie, Sa Sainteté notre frère bien-
Constantin, qui a mis fin à la persécution religieuse aimé François, Pape de Rome, et nous vous remercions
dans l’Empire romain, tant en Orient qu’en Occident, très chaleureusement d’être venu prendre part avec
et a ouvert de nouvelles voies pour la diffusion de nous tous à ces célébrations.
l’Évangile. Aujourd’hui comme alors, les chrétiens En particulier, nous tenons à vous exprimer notre
d’Orient et d’Occident doivent apporter un témoignage joie et notre plaisir ainsi que notre attente pleine d’es-
commun afin que, renforcés par l’Esprit du Christ res- poir favorable, la nôtre et celle du Patriarcat œcumé-
suscité, ils puissent diffuser le message de salut dans le nique, quant à l’élection et l’installation sur le siège de
monde entier. Il existe en outre un besoin urgent de l’Ancienne Rome de Sa Sainteté le Pape François, suc-
coopération concrète et engagée entre les chrétiens afin cesseur du Pape Benoît XVI, sage et prudent mystique,
de sauvegarder partout le droit d’exprimer publique- grand connaisseur de la théologie et des lettres. Elle
ment leur foi et d’être traités de façon équitable sera une nouvelle source d’inspiration pour le chemi-
lorsqu’ils promeuvent la contribution que le christia- nement commun de nos deux Églises dans le monde
nisme continue d’offrir à la société et à la culture con- afin que nous sachions prendre des initiatives sociales
temporaine. et morales pour réconforter les êtres humains victimes
C’est avec des sentiments de profonde estime et de diverses crises au niveau mondial. Nous avons déjà
d’amitié cordiale dans le Christ que j’invoque eu l’occasion d’exprimer à Sa Sainteté ces espérances et
d’abondantes bénédictions sur Votre Sainteté, et sur ces sentiments qui sont les nôtres, le jour de Son intro-
tous les fidèles du Patriarcat œcuménique, en deman- nisation, en déclarant notre volonté et notre disposition
dant l’intercession de la Vierge Mère de Dieu et des à coopérer dans tous les domaines.
saints apôtres et martyrs Pierre et André. Avec ces La fête des saints Apôtres, dont la Grâce du Dieu
mêmes sentiments, je renouvelle mes meilleurs vœux et Miséricordieux nous a faits les successeurs, constitue
j’échange avec vous un baiser fraternel de paix. par ailleurs une source de consolation face aux dé-
tresses et aux épreuves de la vie, mais aussi l’occasion
Du Vatican, le 25 novembre 2013 d’une réflexion approfondie afin de discerner plus clai-
rement et d’évaluer sereinement tout ce qui concerne la
FRANÇOIS
responsabilité pastorale et ecclésiale nous incombant
dans le devenir mondial de l’Église.
ORF, 05.12.2013 Face à cette responsabilité, nos sentiments
fraternels sont imprégnés de tristesse car nous ne
ALLOCUTION DU PATRIARCHE ŒCUMÉNIQUE partageons pas encore le même Pain ni ne sommes en
BARTHOLOMAIOS IER À LA DÉLÉGATION mesure de boire le Vin de la même coupe, afin de ne
former plus qu’un seul corps, conformément aux
paroles de l’Apôtre (cf. 1 Co 10, 17). Sincèrement, du
Éminence et bien-aimé frère en Christ, Monsieur le point de vue ontologique et existentiel, nous vivons le
Cardinal Kurt Koch, Président du Conseil pontifical chagrin de cette division spirituelle comme la plus
pour la promotion de l’unité des chrétiens, et vous douloureuse des séparations.
tous, autres membres de la délégation de l’Église de
Rome et honorables représentants de Sa Sainteté notre En vue de surmonter les difficultés à cet égard et de
frère François, Pape de Rome. parvenir à l’unité désirée de tous en Christ, d’une part,
nous prions Dieu du fond du cœur, et de l’autre nous
Voici cette année encore la grande fête du saint menons dans une franchise réciproque un dialogue
apôtre André le premier-appelé, frère de l’apôtre Pierre, d’amour et de vérité, à savoir le Dialogue théologique
que depuis des décennies nous célébrons ensemble dans lequel nous sommes engagés. À ce sujet, nous
grâce à la participation de délégués de Rome bien-ai- considérons d’une importance décisive à maints égards
més. En célébrant aujourd’hui la mémoire de notre la nouvelle période de dialogue que nous venons d’en-
saint patron, nous exprimons notre joie dans l’action de tamer. Nous sommes appelés à mettre celle-ci à profit
grâce au Seigneur car c’est à travers les prières et l’inter- dans la charité et « en obéissant à la vérité, pour prati-
cession de saint André que la Grande Église de quer un amour fraternel sans hypocrisie » (1 P l, 22).
Constantinople a grandi et s’est fortifiée, fut persécutée C’est pourquoi, nous estimons absolument nécessaire
et survécut, et demeure à ce jour un témoin vivant de la d’éviter toute action ou décision susceptible d’être per-
vérité. Le petit levain que constituaient les quelques çue comme une embûche. En revanche, nous considé-
croyants des premiers temps, par l’énergie incréée du rons utile d’avoir des activités parallèles à divers ni-
Saint-Esprit, transforma une multitude de peuples et de veaux, susceptibles de soutenir le Dialogue théologique
cultures, faisant croître, tant en nombre qu’en profon- et la mission sociale, au sens large, de l’Église.
deur, au nord comme au sud, en Orient et en Occident,
la pâte du témoignage, de la vérité et de la tradition de Sa Sainteté notre frère le Pape François et mon
l’Église. humble personne avons déjà eu le loisir d’échanger nos
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points de vue et idées sur ces questions, lors de notre lique et apostolique. Ils essayèrent de maintenir l’indé-
rencontre à Rome. De fait, comme première étape de pendance des groupes auxquels ils appartenaient
sensibilisation vers le monde, pour attester de notre moyennant des arguments variés. Ainsi, sur la base des
volonté d’intensifier nos efforts en vue d’une réconci- nombreuses thèses accumulées, ils tentèrent de justifier
liation chrétienne et pacifique, nous avons l’intention la perpétuation de la division, malgré la volonté du
de nous rencontrer à Jérusalem afin de prouver notre Seigneur « que soient un » tous ceux qui croient en Lui.
volonté commune d’avancer sur la route tracée par nos Dans un lointain passé, les discussions entre les déléga-
prédécesseurs. Cette initiative aura lieu l’année pro- tions des divers groupes chrétiens qui se considéraient
chaine et marquera également le cinquantième anniver- comme de véritables Églises possédant la vérité du
saire de la rencontre sur le même sol que le Seigneur Christ, étaient, pourrait-on dire, des monologues dans
foula de ses pieds durant sa vie sur terre, de deux lesquels chaque partie exposait ses propres thèses et
grands hommes d’Église, le Patriarche Athénagoras et son argumentation les concernant. Aujourd’hui, les po-
le Pape Paul VI. Ainsi faisant, ils ont ouvert dans l’his- sitions de chaque groupe sont clarifiées, mais les avis
toire une nouvelle voie à laquelle nous nous devons de sur la pertinence de celles-ci ne coïncident pas et, de ce
rendre hommage en esprit et en vérité et dont la suite fait, la division perdure. Nous avons par conséquent le
dépendra de la volonté du Seigneur. devoir de poursuivre le dialogue et d’approfondir notre
Par ailleurs, en tant que chefs spirituels de nos recherche jusqu’à ce que nous soyons en mesure d’éta-
Églises, nous nous rencontrerons pour appeler et invi- blir avec clarté quel fut l’enseignement du Seigneur et
ter au dialogue tous les êtres humains, indépendam- de ses Apôtres, tel que la théologie patristique de
ment de leur foi et de leurs vertus, un dialogue qui n’a, l’Église indivise l’a vécu et en a témoigné.
en définitive, d’autre but que de faire connaître la vérité Le dialogue s’est révélé le seul moyen d’échange ap-
qui est en Christ et la joie immense qui attend qui- proprié et sûr. C’est la conviction que Sa Sainteté le
conque va à sa découverte. Ceci ne peut être obtenu Pape et nous-même aurons pour devoir d’affirmer lors
qu’en substituant à la division des cœurs l’unité de tous de notre prochaine rencontre en Terre Sainte, en invi-
dans le Christ qui est plénitude d’amour et de joie. tant chacun au dialogue que Dieu lui-même a choisi et
Notre Père céleste pourvoit aux besoins de tous les continue d’utiliser pour transmettre aux humains sa vé-
hommes. C’est ce que nous a assuré notre Seigneur rité.
Jésus Christ et en tant que chrétiens, nous avons foi en Éminence, Monsieur le Cardinal Kurt Koch,
cette annonce. Nous en concluons que la crise actuelle Notre effort pour développer le dialogue, comme il
est le résultat de l’éloignement des êtres humains de la ressort de ce qui précède, a pour but ultime de con-
foi en Dieu et du respect des commandements divins. naître l’amour du Christ et de Sa personne. Il passe ce-
Dès lors, il est absolument urgent d’engager toutes pendant par des étapes intermédiaires, celles qui con-
nos forces pour attirer l’attention des sociétés sur la né- sistent à connaître et à aimer nos semblables, à trouver
cessité, pour faire face à cette crise, d’introduire une des points communs pouvant permettre le contact et la
dimension morale dans nos relations, conformément communication avec eux, comme en témoigne l’Apôtre
aux impératifs de l’Évangile. Un des principes moraux qui s’est fait tout à tous pour en sauver sûrement
les plus importants dans l’Évangile est d’éviter la cupi- quelques-uns. (Cf. 1 Co 9, 22-23.)
dité « qui est une idolâtrie » (Col 3,6). La cupidité, c’est- En pensant et en réfléchissant de la sorte, nous
à-dire le désir de possession immodéré, lorsqu’elle se trouvons conseil auprès de saint Jean Climaque, qui
manifeste de surcroît dans un mépris constant des li- nous exhorte à ne jamais abandonner le dialogue avec
mites éthiques, devient la cause et l’origine des crises tous ceux qui, de bonne foi, nous demandent de parler
sociales, telle celle à laquelle nous sommes aujourd’hui de l’espérance qui est en nous (discours 26, 2, 21). De
confrontés. Quoi qu’il en soit, notre Seigneur Jésus fait, nous avons pour modèles le saint apôtre André
Christ, par la célèbre parabole de l’homme riche, nous que nous fêtons aujourd’hui, Pierre le Premier
rappelle ce que l’hymnographe exprime avec poésie : coryphée et tous les saints apôtres car ils osèrent entrer
« La richesse ne demeure pas éternellement, la gloire de en dialogue avec les idolâtres et tous ceux qui pensaient
ce monde nous abandonne tôt ou tard. Car lorsque autrement, et allèrent jusqu’au sacrifice de leur vie pour
survient la mort, tout cela disparaît ». avoir la possibilité de leur faire connaître le Christ.
Aussi, au-delà de l’aspect purement théologique, le Nous déclarons encore une fois en ce moment
dialogue et les échanges sont nécessaires pour trouver solennel que le Patriarcat œcuménique souhaite pour-
et établir des règles plus efficaces pour une vie saine et suivre le dialogue avec tous, qu’ils soient orthodoxes ou
utile pour tous. En particulier, il est opportun de si- non-orthodoxes, chrétiens ou non-chrétiens, afin de
gnaler la nécessité d’engager des dialogues pour amélio- mieux nous connaître tout d’abord, de développer des
rer les relations entre chrétiens. Car durant les siècles relations pacifiques et de parvenir à la coexistence paci-
passés, incités par le diable qui est envieux, les chrétiens fique entre tous les êtres humains.
se divisèrent et certains d’entre eux formèrent des
groupes qu’ils appelèrent Églises, mettant à mal la foi Quant au Dialogue théologique avec la vénérable et
que nous proclamons dans le credo de Nicée- bien-aimée Église de l’Ancienne Rome, nous souhai-
Constantinople en l’Église du Christ une, sainte, catho- tons qu’il se poursuive et nous nous employons du
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mieux que nous pouvons en ce sens, en cherchant à ré- ses responsabilités lors de notre prochaine rencontre,
duire les obstacles qui naissent de part et d’autre, par- pour continuer d’aller de l’avant, en faisant de toutes les
fois même de manière exogène, grâce aussi à l’inter- nations des disciples, en leur apprenant à garder tout ce
vention de son nouveau Primat, notre vénérable et que le Seigneur leur a prescrit (cf. Mt 28, 19-20).
bien-aimé frère le Pape François, qui est certainement En conclusion, nous remercions encore une fois
désireux de cultiver de bonnes relations avec nous et de cordialement notre frère le Pape François de Rome de
promouvoir la coopération et, le temps venu, l’unité de participer par l’intermédiaire de cette honorable déléga-
nos Églises. Nous attendons avec joie et serons hono- tion à la joie de notre fête patronale. Nous lui adres-
rés qu’il nous rende visite ici, lorsque ses fonctions le sons notre fraternel baiser de paix et l’invitons à la
lui permettront, par exemple et comme nous l’espérons coopération afin d’aider l’humanité à sortir de ses im-
pour notre fête patronale l’année prochaine. passes et de protéger les chrétiens de la division en de
Nous sommes particulièrement heureux que la ren- nombreux groupes, afin que le monde croie que Jésus
contre historique de nos deux prédécesseurs, il y a cin- Christ est l’envoyé de Dieu pour le salut des hommes
quante ans, ait apporté un changement de climat dans (Cf. Jn 17, 21-26). Amen.
les relations entre nos deux Églises, et ait permis de
rétablir la paix et d’entreprendre notre pèlerinage
commun dans le dialogue de la charité et de la vérité.
Pour finir, notre Patriarcat œcuménique entend réaf- Traduction de l’anglais Patriarcat œcuménique, révision SI
firmer sa détermination à respecter ses obligations et
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NOUVELLES ŒCUMÉNIQUES
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COMMISSION POUR LES RELATIONS RELIGIEUSES
AVEC LE JUDAÏSME
DISCOURS DU PAPE FRANÇOIS À LA DÉLÉGATION DE peu juives. Un chrétien ne peut pas être antisémite !
LA COMMUNAUTÉ JUIVE DE ROME Que l’antisémitisme soit banni du cœur et de la vie de
Salle des Papes, 11 octobre 2013 chaque homme et de chaque femme !
Cet anniversaire nous permettra aussi de rappeler
qu’à l’heure des ténèbres la communauté chrétienne de
Chers amis de la communauté juive de Rome,
cette ville a su tendre la main à son frère en difficulté.
Shalom ! Je suis heureux de vous accueillir et d’avoir Nous savons que de nombreux instituts religieux, mo-
ainsi la possibilité d’approfondir et d’élargir la première nastères et les basiliques papales elles-mêmes, inter-
rencontre que j’ai eue avec plusieurs de vos représen- prétant la volonté du Pape, ont ouvert leurs portes
tants le 20 mars dernier. Je vous salue tous avec affec- pour un accueil fraternel, et que nombre de simples
tion, en particulier le Grand Rabbin, M. Riccardo Di chrétiens ont offert l’aide qu’ils pouvaient donner,
Segni, que je remercie des paroles qu’il m’a adressées, qu’elle soit petite ou grande.
de même que je lui suis reconnaissant d’avoir rappelé le
En grande majorité, ils n’étaient certainement pas au
courage de notre père Abraham quand il luttait avec le
courant de la nécessité de mettre à jour la compréhen-
Seigneur pour sauver Sodome et Gomorrhe : « Et s’ils
sion chrétienne du judaïsme et peut-être connaissaient-
étaient trente, et s’ils étaient vingt-cinq et s’ils étaient
ils même bien peu la vie de la communauté juive. Ils
vingt... ». C’est vraiment une prière courageuse devant
eurent cependant le courage de faire ce qui à ce mo-
le Seigneur. Merci. Je salue aussi le Président de la
ment-là était juste : protéger leur frère qui était en dan-
communauté juive de Rome, M. Riccardo Pacifici, et le
ger. J’aime à souligner cet aspect, car s’il est vrai qu’il
Président de l’Union des communautés juives
est important d’approfondir, des deux côtés, la ré-
italiennes, M. Renzo Gattegna.
flexion théologique à travers le dialogue, il est égale-
En tant qu’Évêque de Rome, je me sens particuliè- ment vrai qu’il existe un dialogue vital, celui de
rement proche de la vie de la communauté juive de l’expérience quotidienne, qui n’est pas moins fonda-
l’Urbs : je sais que celle-ci, avec plus de deux mille ans mental. Au contraire, sans celui-ci, sans une véritable
de présence ininterrompue, peut se vanter d’être la plus culture concrète de la rencontre, qui conduit à des rela-
ancienne de l’Europe occidentale. Depuis de nombreux tions authentiques, sans préjugés ni soupçons,
siècles, la communauté juive et l’Église de Rome coha- l’engagement dans le domaine intellectuel servirait bien
bitent donc dans notre ville, avec une histoire — nous peu. Ici aussi, comme j’aime souvent le souligner, le
le savons bien — qui a souvent été traversée par des Peuple de Dieu a du flair et a l’intuition du sentier que
incompréhensions et aussi par d’authentiques injus- Dieu lui demande de parcourir. Dans le cas présent, le
tices. Mais c’est une histoire qui, avec l’aide de Dieu, sentier de l’amitié, de la proximité, de la fraternité.
connaît désormais depuis de nombreuses décennies le
J’espère contribuer ici à Rome, en tant qu’Évêque, à
développement de relations amicales et fraternelles.
cette proximité et à cette amitié, comme j’ai eu la grâce
À ce changement de mentalité a certainement con- — car cela a été une grâce — de le faire avec la com-
tribué, pour la partie catholique, la réflexion du Concile munauté juive de Buenos Aires. Parmi les nombreuses
Vatican II, mais un apport tout aussi important est choses qui peuvent nous rassembler, il y a le témoi-
venu de la vie et de l’action, des deux côtés, d’hommes gnage à la vérité des dix paroles ; au Décalogue, comme
sages et généreux, capables de reconnaître l’appel du fondement solide et source de vie également pour
Seigneur et de s’acheminer avec courage sur de nou- notre société, si désorientée par un pluralisme extrême
veaux sentiers de rencontre et de dialogue. des choix et des orientations, et marquée par un relati-
Paradoxalement, la tragédie commune de la guerre visme qui conduit à ne plus avoir de point de référence
nous a enseigné à marcher ensemble. Nous rappelle- solides et sûrs (cf. Benoît XVI, Discours à la syna-
rons dans quelques jours le 70e anniversaire de la dé- gogue de Rome, 17 janvier 2010 ; 5-6).
portation des juifs de Rome. Nous commémorerons et Chers amis, je vous remercie de votre visite et
nous prierons pour les nombreuses victimes innocentes j’invoque avec vous la protection et la bénédiction du
de la barbarie humaine, pour leurs familles. Ce sera Très-Haut pour notre chemin commun d’amitié et de
aussi l’occasion de garder notre attention toujours en confiance. Puisse-t-Il, dans sa bienveillance, accorder sa
éveil afin que ne reprennent pas vie, sous aucun pré- paix à nos jours. Merci.
texte, des formes d’intolérance et d’antisémitisme, à
Rome et dans le reste du monde. Je l’ai dit d’autres fois
et j’ai plaisir à le répéter à présent : c’est une contradic-
tion qu’un chrétien soit antisémite. Ses racines sont un
ORF, 24.10.2013
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MESSAGE DU SAINT-PÈRE DÉCLARATION CONJOINTE DU COMITÉ DE LIAISON
POUR LE 70E ANNIVERSAIRE DE LA DÉPORTATION CATHOLIQUE-JUIF INTERNATIONAL LORS DE SA 22E
DES JUIFS DE ROME, LE 16 OCTOBRE 1943 RÉUNION
Madrid, 13-16 octobre 2013
llustre Grand rabbin, éminents membres de la com-
munauté juive de Rome,
Le Comité de liaison catholique-juif international
Je désire m’unir, à travers la proximité spirituelle et (ILC) est l’instance officielle au sein de laquelle se dé-
la prière, à la commémoration du soixante-dixième an- roule le dialogue entre la Commission du Saint-Siège
niversaire de la déportation des juifs de Rome. Alors pour les relations religieuses avec le Judaïsme et le Co-
que je reviens par la mémoire à ces heures tragiques mité juif international pour les consultations interreli-
d’octobre 1943, il est de notre devoir de garder présent gieuses (IJCIC). La 22e rencontre de l’ILC s’est tenue à
devant nos yeux le destin de ces déportés, de percevoir Madrid (Espagne) du 13 au 16 octobre 2013. Les parti-
leur peur, leur douleur, leur désespoir, pour ne pas les cipants, qui provenaient des cinq continents, ont été
oublier, pour les garder vivants, dans notre souvenir et accueillis par la Conférence épiscopale espagnole et la
dans notre prière, avec leurs proches, leurs parents et Fédération des communautés juives d’Espagne. Mme
leurs amis, qui en ont pleuré la perte et ont été horrifiés Betty Ehrenber, Présidente de l’IJCIC, et le Cardinal
face à la barbarie à laquelle peut parvenir l’être humain. Kurt Koch, Président de la Commission du Saint-Siège
Mais faire mémoire d’un événement ne signifie pas pour les relations religieuses avec le Judaïsme, assu-
simplement en avoir un souvenir ; cela signifie aussi et raient la coprésidence de la réunion.
surtout nous efforcer de comprendre quel est le mes-
La rencontre avait pour thème : « Les défis de la foi
sage que celui-ci représente aujourd’hui, de manière à
dans la société contemporaine ». Ces questions ont été
ce que la mémoire du passé puisse enseigner au présent
abordées au cours d’une série d’exposés, de débats et
à devenir la lumière qui éclaire la route de l’avenir. Le
d’ateliers portant sur les circonstances sociales, poli-
bienheureux Jean-Paul II écrivait que la mémoire est
tiques, culturelles, éthiques et religieuses dans lesquelles
appelée à jouer un rôle nécessaire « dans l’édification
hommes et femmes cherchent aujourd’hui à exprimer
d’un avenir où jamais plus l’indicible injustice de la
leurs convictions religieuses et à suivre les enseigne-
Shoah ne sera possible » (Lettre d’introduction au do-
ments de leurs traditions.
cument : Commission pour les relations religieuses avec
le judaïsme, Nous nous souvenons. Une réflexion sur la Shoah,
16 mars 1998) et Benoît XVI, dans le camp de con-
Un héritage commun
centration d’Auschwitz, affirmait que « le passé n’est
jamais seulement le passé. Il nous concerne et nous in- Juifs et chrétiens sont les héritiers du récit biblique
dique les voies à ne pas prendre et celles à prendre » qui décrit à travers les âges la relation entre Dieu et la
(Discours, 28 mai 2006). famille humaine. Ces Écritures que nous avons en
commun rendent témoignage de tous ceux qui, à la fois
La commémoration d’aujourd’hui pourrait donc
individuellement et en tant que peuple, furent appelés,
être définie comme une memoria futuri, un appel aux
instruits, guidés et protégés par la Divine Providence.
nouvelles générations à ne pas aplatir leur existence, à
C’est donc toujours à la lumière des Saintes Écritures
ne pas se laisser entraîner par des idéologies, à ne ja-
que les participants catholiques et juifs ont exprimé
mais justifier le mal que nous rencontrons, à ne pas
leurs réactions face aux opportunités et difficultés qui
baisser la garde contre l’antisémitisme et contre le ra-
cisme, quelle que soit leur provenance. Je souhaite qu’à apparaissent dans le monde d’aujourd’hui en ce qui
concerne la foi et la pratique religieuse.
partir d’initiatives comme celles-ci puissent se tisser et
se nourrir des réseaux d’amitié et de fraternité entre Il y a près de cinquante ans, le Concile Vatican II
juifs et catholiques dans notre bien-aimée ville de promulguait la Déclaration Nostra Aetate, inaugurant
Rome. ainsi une nouvelle ère dans les relations entre l’Église
Le Seigneur dit par la bouche du prophète Jérémie : catholique et le Judaïsme. La création d’un outil, l’ILC,
« Car je sais, moi, les desseins que je forme pour vous visant à fournir un cadre aux relations officielles entre
— oracle du Seigneur — desseins de paix et non de le Saint-Siège et la Communauté juive internationale,
malheur, pour vous donner un avenir et une espérance» est l’un des plus importants accomplissements de
(Jr 29, 11). Que le souvenir des tragédies du passé de- Nostra Aetate. Les débats qui se sont déroulés à Madrid
vienne pour tous un engagement à adhérer de toutes dans une atmosphère de confiance et de respect réci-
nos forces à l’avenir que Dieu veut préparer et cons- proques prolongent les progrès accomplis dans
truire pour nous et avec nous. l’enseignement et la mise en œuvre des principes énon-
cés dans cette mémorable Déclaration. Cette 22e ren-
Shalom ! contre est pour nous l’occasion de réaffirmer la relation
unique existant entre catholiques et juifs, basée sur
Du Vatican, 11 octobre 2013 l’héritage spirituel que nous partageons, et notre res-
FRANÇOIS ponsabilité commune dans la défense de la dignité hu-
ORF, 24.10.2013 maine.
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En tant que catholiques et juifs, nous nous effor- Persécution des chrétiens
çons de construire un monde où les droits de l’homme L’ILC recommande que la Commission du Saint-
soient reconnus et respectés et où tous les peuples et Siège pour les relations religieuses avec le Judaïsme et
toutes les nations puissent s’épanouir en paix libre- l’IJCIC travaillent ensemble sur tous les cas de persé-
ment. Nous nous engageons à renforcer notre collabo- cutions de minorités chrétiennes, dès qu’ils
ration pour une distribution toujours plus juste et apparaissent et où que ce soit. De même, elle les invite
équitable des ressources, afin que tous puissent bénéfi- à attirer l’attention sur ces problèmes et à soutenir les
cier des progrès de la science, de la médecine, de efforts réalisés en vue de garantir, au Moyen-Orient
l’éducation et du développement économique. Nous mais aussi dans tous les autres pays, la pleine citoyen-
nous considérons comme des partenaires dans la sau- neté à toutes les personnes, quelles que soient leur
vegarde de la création pour qu’elle soit le reflet toujours identité religieuse et leur ethnie. Par ailleurs, nous en-
plus vif de la vision biblique des origines : « Dieu vit courageons tous les efforts accomplis dans le but de
tout ce qu’il avait fait. Voilà, c’était très bon » (Gn 1, promouvoir le bien-être des minorités chrétiennes et
31). juives au Moyen-Orient.
La discussion en groupes restreints a permis aux
délégués de réfléchir à la montée actuelle de Montée de l’antisémitisme
l’antisémitisme, au phénomène croissant de la persécu- Comme le Pape François l’a affirmé à plusieurs re-
tion des chrétiens dans diverses parties du monde et prises, « un chrétien ne peut être antisémite ». Nous en-
aux menaces qui pèsent sur la liberté religieuse dans de courageons tous les responsables religieux à continuer
nombreux pays. Guidés par nos idéaux religieux com- de s’élever avec force contre ce péché. La célébration
muns, nous nous sommes penchés sur les réelles diffi- du 50e anniversaire de Nostra Aetate en 2015 sera un
cultés que doivent affronter de nos jours nos traditions moment privilégié pour réaffirmer sa condamnation de
religieuses, à savoir la violence, le terrorisme, les extré- l’antisémitisme. Nous insistons pour que soit éliminée,
mismes, les discriminations et la pauvreté. Nous partout dans le monde, toute expression antisémite se
sommes profondément attristés de voir le nom de Dieu trouvant dans les livres de prière et les texte de réfé-
profané par le mal sous le couvert de la religion. rence. Pareillement, toute expression de sentiments an-
tichrétiens est inacceptable.
Liberté religieuse
Éducation
Encouragés dans notre tâche par le souci du Pape
François quant au bien-être de tous dans le monde, en Nous recommandons que toutes les écoles reli-
particulier les pauvres et les opprimés, nous croyons à gieuses juives et les séminaires catholiques incluent
la dignité que Dieu donne à chaque être humain. Cela dans leur programme d’études Nostra Aetate et les do-
signifie que chaque personne a droit à la liberté de cuments du Saint-Siège qui l’ont suivie et ont pour ob-
conscience et à la liberté religieuse, que ce soit de ma- jectif la mise en application de la Déclaration conci-
nière individuelle ou institutionnelle, dans la vie privée liaire. Face à l’émergence d’une nouvelle génération de
ou publiquement. Nous déplorons les abus perpétrés responsables juifs et catholiques, nous tenons à souli-
dans le domaine de la religion, l’usage qui en est fait à gner combien Nostra Aetate a profondément modifié les
des fins politiques. Juifs et catholiques condamnent la relations entre juifs et catholiques. Cette nouvelle géné-
persécution pour des raisons religieuses. ration doit impérativement faire siens ces enseigne-
ments et s’assurer qu’ils soient diffusés aux quatre coins
Nous appelons les responsables politiques et les du monde.
gouvernements, les personnes, les responsables et or-
ganisations religieux à agir de manière à assurer la sécu- Face à ces défis, nous, catholiques et juifs, nous re-
rité physique et la protection juridique de tous ceux qui nouvelons notre engagement à éduquer nos commu-
exercent le droit fondamental de la liberté religieuse ; à nautés respectives dans la connaissance et le respect ré-
faire en sorte que soit respecté le droit d’abandonner sa ciproques. Nous nous engageons à coopérer pour amé-
propre religion ou d’en changer ; à protéger le droit liorer l’existence de ceux qui vivent en marge de la so-
d’exprimer ses propres convictions religieuses ; à élever ciété – les pauvres, les malades, les réfugiés, les victimes
ses enfants dans le respect de sa foi personnelle. Parmi de la traite d’êtres humains – et à protéger la divine
les revendications religieuses aujourd’hui prises pour création des dangers qu’entraînent les changements
cible et faisant partie des droits à protéger, figurent climatiques. Nous ne pouvons agir seuls. Nous appe-
l’abattage des animaux, la circoncision des hommes et lons toutes les autorités et réseaux d’influence à se ras-
l’usage et l’exposition en public de symboles religieux. sembler pour se mettre au service du bien commun,
afin que tous puissent vivre dans la dignité et la sécu-
rité, et pour la victoire de la justice et de la paix.
Traduction de l’anglais SI
19
DISCOURS DU PAPE FRANÇOIS À UNE DÉLÉGATION avec une douleur particulière aux souffrances, à la mar-
DU CENTRE SIMON WIESENTHAL ginalisation et aux authentiques persécutions que de
Salle Clémentine, 24 octobre 2013 nombreux chrétiens subissent dans différents pays du
monde. Unissons nos forces pour favoriser une culture
de la rencontre, du respect, de la compréhension et du
Chers amis, pardon réciproques.
Je souhaite la bienvenue à la délégation du Simon Pour la construction d’une telle culture, je voudrais
Wiesenthal Center, organisation internationale juive souligner en particulier l’importance de la formation :
pour la défense des droits humains. Je sais que ce ren- une formation qui ne soit pas seulement une transmis-
dez-vous avait déjà été fixé depuis longtemps, par mon sion de connaissances, mais le passage d’un témoignage
bien-aimé prédécesseur Benoît XVI, à qui vous aviez vécu, qui suppose l’établissement d’une communion de
demandé de pouvoir rendre visite et à qui va toujours vie, d’une « alliance » avec les jeunes générations, tou-
notre pensée affectueuse et notre prière. jours ouverte à la vérité. Nous devons en effet savoir
Ces rencontres sont de votre part un signe de res- transmettre à celles-ci non seulement des connaissances
pect et d’estime pour les Évêques de Rome, dont je sur l’histoire du dialogue judéo-catholique, sur les diffi-
suis reconnaissant et auquel correspond la considéra- cultés traversées et sur les progrès accomplis dans les
tion du Pape pour l’œuvre à laquelle vous vous consa- dernières décennies : nous devons surtout être en me-
crez : combattre toute forme de racisme, d’intolérance sure de transmettre la passion pour la rencontre et la
et d’antisémitisme, en préservant la mémoire de la connaissance de l’autre, en promouvant une participa-
Shoah et en promouvant la compréhension réciproque tion active et responsable de nos jeunes. En cela,
à travers la formation et l’engagement social. l’engagement partagé au service de la société et des plus
faibles revêt une grande importance. Je vous encourage
J’ai eu l’occasion de répéter à plusieurs reprises, ces
à continuer de transmettre aux jeunes la valeur de
dernières semaines, que l’Église condamne toute forme
l’effort commun pour rejeter les murs et construire des
d’antisémitisme. Aujourd’hui, je voudrais souligner
ponts entre nos cultures et traditions de foi. Allons de
combien le problème de l’intolérance doit être affronté
l’avant avec confiance, courage et espérance. Shalom !
dans son ensemble : là où une minorité est persécutée
et marginalisée en raison de ses convictions religieuses
ou ethniques, le bien de toute une société est en danger
et nous devons tous nous sentir interpellés. Je pense ORF, 31.10.2013
20
DOCUMENTATION SUPPLÉMENTAIRE
PRÉFACE
C’est avec gratitude envers Dieu et avec une pro- dicieux, non seulement parce qu’il nous a incités à ré-
fonde appréciation de l’amitié qui a grandi entre les fléchir continuellement sur le rapport entre Écriture et
participants catholiques et baptistes à ces conversations Tradition, mais aussi parce qu’il a orienté notre atten-
que nous arrivons au terme de ce travail de cinq ans. tion vers Celui qui est le Verbe de Dieu vivant et le Sei-
Lors de notre dernière réunion à Oxford, en Grande- gneur de l’Église. C’est ainsi que nous avons cherché à
Bretagne, nous avons tous ressenti une certaine tris- atteindre l’objectif fixé au moment où ces conversa-
tesse à l’idée que nous n’allions plus nous rencontrer et tions ont été programmées, qui était de promouvoir
partager la prière comme nous en avions pris une vie partagée de disciples.
l’habitude, mitigée seulement par notre engagement à Nous avons jugé utile d’indiquer dans les notes en
maintenir des contacts entre nous, afin de continuer à bas de page les références aux conciles catholiques et
former une communauté au moins « virtuelle ». aux enseignements du Magistère, pour donner la possi-
C’est pourquoi nous recommandons vivement ce bilité aux catholiques comme aux baptistes
rapport aux lecteurs baptistes et catholiques et à tous d’approfondir ultérieurement ces questions. Nous don-
ceux qui sont intéressés aux rapports entre eux. nons également les références des confessions de foi
Comme nous le disons dans notre conclusion, nous ne baptistes historiques, qui remontent pour la plupart aux
pensons pas qu’une tentative aussi poussée ait jamais débuts du mouvement baptiste en Angleterre au XVIIe
été réalisée pour identifier avec la plus grande précision siècle, en vue d’une étude plus approfondie. Nous te-
possible les convergences et les divergences entre les nons cependant à souligner (comme nous le précisons
chrétiens catholiques et baptistes. Les lecteurs intéres- dans une note en bas de page) que les références ca-
sés y trouveront un éclairage non seulement sur les tholiques et baptistes ne relèvent pas du même type
croyances d’une autre communion chrétienne, mais d’autorité, les confessions baptistes n’étant pas aussi
aussi sur leurs propres convictions. En mettant nos contraignantes pour les Églises locales que ne l’est le
croyances côte à côte, nous les avons mieux comprises, Magistère pour les fidèles catholiques. Les baptistes
nous nous sommes mieux compris mutuellement, et apprécieront sans aucun doute ce rappel de leur héri-
nous avons été en mesure de progresser ensemble vers tage de foi, et les autres trouveront ici un témoignage
le but que nous a indiqué notre Seigneur et Maître Jésus significatif sur ce que les baptistes croient.
Christ : « Qu’ils soient un ». Alors que nos lecteurs ne Nous espérons qu’il apparaît clairement dans tout
seront probablement pas surpris en voyant que des dif- ce rapport combien les dialogues que nous avions eu
férences subsistent entre nous, ils le seront assurément précédemment avec d’autres communions chrétiennes
par l’ampleur de la pensée commune ainsi mise en lu- ont aidé et informé nos conversations. Tout cela il-
mière. Nous espérons qu’ils apprécieront le système ty- lustre bien, pensons-nous, l’engagement des catho-
pographique que nous avons adopté, consistant à pré- liques et des baptistes, qui se sont efforcés de découvrir
senter un résumé de nos convergences dans les para- la pensée du Christ pour son Église en notre temps.
graphes en caractères gras. Nous y énonçons simple- C’est avec joie que nous avons ajouté une nouvelle
ment ce que nous pouvons déclarer ensemble sans pré- étape à ce chemin d’espérance parcouru ensemble. En
ciser chaque fois explicitement que nous sommes nous rencontrant comme nous l’avons fait tous les ans,
d’accord. Les paragraphes en caractères ordinaires sont juste avant Noël, nous étions prêts à dire avec l’Église
une sorte de commentaire de ces déclarations en ca- primitive Maranatha! « Viens, Seigneur Jésus ! ».
ractères gras, soit pour approfondir notre accord, soit
pour expliquer les divergences qui subsistent.
Nous avons découvert, en nous rencontrant ainsi +Arthur Serratelli
d’année en année, que le choix du thème général « La Paul S. Fiddes
Parole de Dieu dans la vie de l’Église » avait été très ju- Co-présidents du Dialogue international
21
Statut de ce rapport
Le rapport publié ici est le fruit des conversations internationales entre l’Église Catholique et l’Alliance Baptiste
Mondiale. C’est un document d’étude produit par les participants à ces conversations. Les autorités qui ont nommé
les participants en ont autorisé la publication pour qu’il puisse faire l’objet de plus amples discussions. C’est une
déclaration qui ne fait autorité ni pour l’Église Catholique, ni pour l’Alliance Baptiste Mondiale, lesquelles évalueront
aussi ce document de leur côté.
5. Richard de Saint-Victor, De Trinitate, 3.11, 19. ayant une autorité comparable à celle qu’ont pour les catholiques les
6. Walther Zimmerli, « Promise and Fulfilment », dans C. références faites dans ce rapport aux conciles ou aux enseignements
Westermann (éd.), Essays on Old Testament Interpretation, transl. J. L. des papes. Chez les baptistes, les confessions de foi ne sont pas
Mays (Londres, SCM Press, 1963), 107. considérées comme contraignantes pour les Églises locales ; elles
7. Unitatis Redintegratio 6. Cf. An Orthodox Creed, or a Protestant fournissent une orientation pour l’enseignement, expriment l’accord
Confession of Faith [General Baptist] (Londres, 1679), XXX, dans trouvé au moment de leur rédaction, et expliquent les croyances à
William L. Lumpkin, Baptist Confessions of Faith (Philadelphia, Judson ceux qui sont extérieurs à la communauté baptiste. Ces citations des
Press, 1959), pp. 297-334. Les références faites dans ce rapport aux confessions baptistes, tant historiques que contemporaines, ne
confessions baptistes historiques sont empruntées tantôt au courant représentent donc que ce qu’un certain nombre de baptistes ont cru
« particulier » (calviniste), tantôt au courant « général » (arminien) de ou croient. La première citation d’un document particulier est suivie
la vie baptiste. Elles sont citées uniquement pour illustrer les de l’indication du livre moderne dans lequel elle peut être consultée.
explications données et ne doivent pas être considérées comme 8. Dominus Iesus 12, citant Redemptoris missio 28-29.
25
nissent l’Église locale (qui correspond généralement à dominical et de l’initiation chrétienne, où le peuple de
une « Église particulière » ou diocèse)9 comme : Dieu vit l’Église de la façon la plus immédiate. C’est
dans la paroisse que les catholiques se rassemblent pour
une portion du Peuple de Dieu confiée à un évêque
entendre la proclamation de l’Évangile du Christ et
pour qu’avec l’aide de son presbyterium, il en soit le
pour s’unir au Christ et les uns aux autres dans la célé-
pasteur : ainsi le diocèse, lié à son pasteur et par lui
bration de l’Eucharistie.
rassemblé dans le Saint-Esprit grâce à l’Évangile et à
l’Eucharistie, constitue une Église particulière10. 14. Malgré l’accord sur la base d’une « ecclésiologie
de communion » dans la communion de Dieu Trinité,
Pour les catholiques, le ministère de l’évêque est es- on peut discerner des différences entre baptistes et ca-
sentiel pour l’identité de l’Église locale puisque son of- tholiques. Pour les catholiques, chaque paroisse est
fice témoigne de la continuité de l’Église avec ses ori- dans un rapport de communion avec son évêque, et
gines apostoliques. C’est dans l’Église locale que les fi- chaque diocèse est dans un rapport de communion
dèles sont rassemblés par la prédication de l’Évangile avec l’Église universelle à travers l’union avec l’Évêque
du Christ et que le mystère de l’Eucharistie est célé- de Rome. Étant en communion entre eux et avec
bré11. Donc pour les catholiques, l’Église « locale » est l’Évêque de Rome, les évêques assurent la continuité
définie et identifiée par la parole, les sacrements et le des Églises avec l’Église apostolique. Les Églises locales
ministère apostolique. sont en communion entre elles, et cette communion est
La conception baptiste de l’Église « locale » est as- exprimée visiblement et personnellement par la collé-
sez semblable en principe pour ce qui est des trois élé- gialité des évêques, chaque évêque représentant sa
ments mentionnés ci-dessus, mais elle se traduit par propre Église « particulière » au sein du collège épisco-
l’identification de l’Église locale avec une congrégation pal – c’est-à-dire dans l’assemblée de tous les évêques
plutôt qu’avec un diocèse. Les baptistes définissent en communion avec l’Évêque de Rome. Ce rapport de
l’Église locale comme une congrégation de croyants communion s’exprime concrètement par leur sollici-
réunis par la foi et par le baptême, où la Parole de Dieu tude pour l’Église tout entière, notamment à travers
est prêchée et où la Sainte Cène est célébrée12. Pour les leurs efforts communs en matière d’évangélisation,
baptistes, le troisième élément, celui du ministère d’assistance aux autres Églises, et de collaboration aux
apostolique, n’est pas absent, mais il est représenté par actions communes15. Cette coopération est organisée le
le ou les ministres choisis par les membres de la con- plus souvent par les « conférences épiscopales » régio-
grégation locale pour servir parmi eux. Considéré du nales qui expriment concrètement cette communion,
point de vue théologique, l’office de ces ministres est bien qu’elles ne puissent pas exprimer la plénitude de la
« épiscopal » puisqu’ils exercent la « surveillance » communion, ni la plénitude de la collégialité de tout le
(episkopè) ; les premiers baptistes appelaient leurs mi- collège épiscopal au niveau mondial représentant toutes
nistres « anciens » (presbuteroi) ou « évêques » sans dis- les Églises particulières (diocèses) dans la communion
tinguer entre ces deux termes13. (Le sens et la pratique de l’unique Église.
de l’episkopè seront examinés plus loin dans ce rapport). L’Église Catholique se considère donc comme une
Ce ministère est aussi considéré comme apostolique, en unique Église qui se manifeste concrètement dans
ce sens qu’il continue le témoignage des apôtres au chaque Église locale. Comme l’a dit Jean-Paul II,
Christ et qu’il introduit la congrégation dans la tradition « l’Église Catholique subsiste dans chaque Église parti-
de la foi apostolique. Cette conception du « ministère culière, qui ne peut être complète que par une réelle
apostolique », à défaut duquel les premiers baptistes communion dans la foi, les sacrements et l’unité avec le
croyaient que l’Église locale n’était pas « complètement corps du Christ tout entier »16. L’Église particulière re-
organisée selon la pensée du Christ »14, se traduit donc présente l’Église universelle comme le lieu spécifique
pour eux par l’équivalence entre Église locale et con- où l’Église universelle est manifestée et rencontrée,
grégation locale. mais elle ne peut manifester cette universalité que par
Il faut ajouter que même si les catholiques sa communion avec les autres Églises particulières.
n’identifient pas l’Église locale à la paroisse, cette der- 15. Pour les baptistes, par le fait que le Christ gou-
nière n’en est pas moins le lieu du culte eucharistique verne au milieu de l’assemblée locale (voir le n. 9 sur le
gouvernement du Christ comme Verbe), chaque as-
9. On peut trouver ici des différences dans les documents semblée des croyants jouit de certaines prérogatives :
catholiques, où « l’Église locale » n’est pas toujours l’équivalent de les premiers baptistes les appelaient « signes (ou sceaux)
« l’Église particulière », mais peut représenter aussi l’Église nationale
plutôt qu’un diocèse.
de l’Alliance ». Comme la congrégation prend part au
10. Christus Dominus 11. triple office du Christ, prophète, prêtre et roi, il lui ap-
11. Lumen Gentium 26. partient de choisir son ministre, de célébrer les sacre-
12. Confession de foi des Églises appelées communément (quoique erronément)
anabaptistes [baptistes particuliers] (Londres, 1644), XXXIII-
XXXIV, dans Lumpkin, Baptist Confessions, pp. 153-71; Orthodox 15. Lumen Gentium 23.
Creed (Londres, 1679), XXX. 16. Jean-Paul II, Discours prononcé le 12 septembre 1987, dans
13. Seconde Confession de foi de Londres [Baptistes particuliers] (1677), Origins 17,16 (1er octobre 1987), p. 258. À la suite de Lumen Gentium
XXVI.8-9, dans Lumpkin, Baptist Confessions, pp. 241-95. 8 qui dit que l’Église du Christ subsiste dans l’Église Catholique,
14. Seconde confession de foi de Londres [Baptistes particuliers] (1677) ; Jean-Paul II affirme par analogie que tous les éléments de l’Église
cf. Orthodox Creed (Londres, 1678), XXXI. Catholique sont présents dans l’Église particulière ou locale.
26
ments ou ordonnances de l’Évangile, et d’organiser sa Comme les congrégations locales sont les membres
vie sous la conduite du Christ17. Cette autorité ne lui de l’« unique corps… dont le Christ est l’unique tête »,
appartient pas en propre ; elle appartient au Christ avec l’Église universelle n’est pas une simple accumulation
qui elle la partage. La congrégation est gouvernée par le d’Églises locales ; elle a ue réalité en tant que corps du
Verbe parce que le Christ ressuscité est présent au mi- Christ ressuscité. Et comme le Christ gouverne l’Église
lieu d’elle et que ses membres s’efforcent de discerner locale, les baptistes peuvent dire avec les catholiques
sa volonté dans les paroles de l’Écriture et cherchent que cette dernière représente et manifeste l’Église uni-
ensemble à découvrir sa pensée dans leurs réunions ec- verselle19.
clésiales. Les baptistes croient qu’aucune autorité exté- 16. La koinonia de l’Église peut être entendue
rieure, humaine ou ecclésiale, ne peut être imposée aux aussi comme une « communauté d’Alliance », bien
congrégations locales, qui doivent être libres que cette expression soit plus familière aux bap-
d’organiser leur propre vie. Il ne s’agit pas d’une « au- tistes qu’aux catholiques. Le mot « Alliance » ex-
tonomie » – un concept moderne qui signifie « auto- prime immédiatement à la fois l’initiative de Dieu
gouvernement » et que les baptistes n’ont appliqué à qui a d’abord établi un rapport avec son peuple à
l’Église locale qu’à la fin du XIXe siècle. La liberté des travers le Christ, et le libre engagement des
congrégations locales n’est pas la liberté individualiste croyants les uns envers les autres et envers Dieu.
des Lumières, mais une liberté « sous la règle du L’Église est un « don » au sens où elle est « ras-
Christ ». semblée » par le Christ et où elle « se rassemble »
Chaque Église locale est cependant « en commu- en réponse à l’appel du Christ. Le terme ekklesia
nion » avec les autres, non pas à travers ses ministres désigne une « assemblée » qui est « appelée » par
ou ses évêques, mais directement à travers le Christ qui Dieu. Dire que l’Église est une « communauté de
gouverne aussi les autres expressions de l’Église. Il croyants » ne signifie pas que l’Église est consti-
gouverne les assemblées d’Églises réunies en « associa- tuée uniquement par la foi : la foi est toujours une
tions », et il gouverne les conseils et les conventions réponse à la grâce initiale de Dieu. La communion
d’Églises au niveau national. Dans toutes ces assem- ou koinonia de l’Église est à la fois un don et un
blées, les Églises doivent se mettre à l’écoute de sa pa- appel, de même que l’unité de l’Église est à la fois
role, chercher à connaître sa pensée, à discerner son un don de l’Esprit et une tâche à réaliser.
dessein pour elles. Mais comme le Christ gouverne 17. L’« Alliance » ne doit pas être confondue avec
aussi les associations d’Églises, les Églises locales un contrat juridique ou avec un simple « accord de gré
doivent prendre très sérieusement en considération à gré ». Elle ne naît pas d’une décision humaine en vue
leurs résolutions, comme moyen pour découvrir le des- de conclure une alliance stratégique avec d’autres per-
sein du Christ pour leur vie et leur mission dans le sonnes pour atteindre un certain but, ou même pour
monde, tout en conservant la liberté de leurs décisions rendre à Dieu le culte qui convient le mieux aux choix
finales. En outre, en s’associant et en se regroupant, personnels de chacun. L’Alliance est fondée sur un ap-
elles ont l’occasion de s’entraider et de partager leurs pel de Dieu à travers le Christ, et depuis leur origine,
ressources et leurs initiatives sociales et évangélisatrices les baptistes proclament que l’« Alliance de grâce éter-
au niveau trans-local. Les Églises locales sont interdé- nelle » entre Dieu et l’humanité, initiée par Dieu, est
pendantes, mais les baptistes n’ont pas cherché à codi- actualisée en un temps et en un lieu particuliers quand
fier les rapports entre elles en structures d’autorité ou les croyants se rassemblent dans une Église locale20.
en questions de droit canonique, laissant l’autorité au Plus récemment, certains baptistes ont élargi la notion
Christ dont la volonté doit être discernée dans chaque d’Alliance pour donner des bases théologiques plus so-
situation. Comme le dit la Confession de foi de lides au rassemblement des Églises en associations, puis
Londres de 1644 : en conventions et en unions régionales et nationales.
Quoique les assemblées particulières constituent Ainsi, on peut dire que l’« ecclésiologie de l’Alliance »
des corps distincts et séparés, chacune est en elle- est parallèle à l’« ecclésiologie de communion », et que
même une cité unie et cohérente ; mais il faut ce langage est plus familier pour les baptistes.
qu’elles vivent selon une seule et même Règle, et
que par tous les moyens appropriés elles s’ap-
portent réciproquement conseil et secours chaque
fois que le besoin s’en manifeste dans l’Église, en 19. Confession de foi (Londres, 1677), XXVI.1-2.
tant que membres d’un seul et même corps 20. « Une communion des saints visible est formée de deux, trois ou
plusieurs saints liés ensemble par l’Alliance avec Dieu et entre eux »,
partageant une même foi, et soumis à Christ, leur a dit Jean Smyth, Principles and Inferences concerning the Visible
unique Chef18. Church (1607), dans W.T. Whitley (éd.), The Works of Jean Smyth
(2 volumes; Cambridge, Cambridge University Press, 1915), I, p.
252. L’Alliance peut être définie aussi comme la volonté de
« marcher ensemble », voir la Confession of Faith (Londres 1677),
17. Confession de foi (Londres 1644), XXXIV-XXXVI; Confession de foi XXVI.5-6. Pour un approfondissement de la notion baptiste
(Londres 1677), XXVI.7. d’Alliance, voir Paul S. Fiddes, « Walking Together », the Place of
18. Confession de foi (Londres 1644), XLVII. Cet article est Covenant Theology in Baptist Life Yesterday and Today, dans
pratiquement identique à l’article 38 des séparatistes, voir A True Fiddes, Tracks and Traces. Baptist Identity in Church and Theology (Milton
Confession (1596), dans Lumpkin, Baptist Confessions, p. 94. Keynes, Paternoster, 2003), pp. 21-47.
27
18. La base des actes d’alliance aujourd’hui, dans la pour pouvoir participer pleinement à l’Église, les
« Nouvelle Alliance » établie grâce à la mort rédemp- croyants doivent être en mesure de professer person-
trice et à la résurrection du Christ, met l’accent sur le nellement leur foi. Mais aux yeux des baptistes, attri-
rapport étroit que catholiques et baptistes buer la « foi infuse » aux petits enfants n’a pas de sens,
reconnaissent entre les sacrements (ou « ordon- même s’ils les accueillent parmi eux car ils
nances ») et l’Église. Pour les uns comme pour les « appartiennent à la communauté de foi » et sont en-
autres, l’Église est constituée par la présence et l’action tourés de son amour et de ses soins.
salvatrices du Christ par l’Esprit, et pour les uns 20. La communion avec Dieu Trinité et avec
comme pour les autres, cette constitution est insépa- toute l’Église du Christ est actualisée continuelle-
rable du baptême. Le baptême sera traité à part plus ment dans l’Eucharistie/Sainte Cène. Dans cette
loin dans ce rapport, mais nous devons le mettre en célébration, ceux qui y participent sont en com-
relation ici avec la koinonia de l’Église, en notant une munion non seulement les uns avec les autres dans
importante divergence et convergence entre catho- la congrégation locale, mais avec toute l’Église du
liques et baptistes. Les catholiques croient que tous les Christ en tout temps et en tout lieu. « Puisqu’il y a
baptisés sont incorporés au corps du Christ par le un seul pain, nous sommes tous un seul corps » (1
baptême, y compris les petits enfants. Pour les bap- Co 10, 17). Puisque nous écoutons la Parole de
tistes, le baptême est l’entrée des croyants repentants Dieu dans l’Eucharistie/Sainte Cène, nous parta-
dans l’Alliance, le « sceau » de l’alliance, ce qui com- geons à la fois la Parole et le sacrement (ou ordon-
porte pour les baptisés l’obligation d’assumer leurs res- nance).
ponsabilités de disciples. Comme on le verra mieux
plus avant, cela ne veut pas dire que les baptistes ne 21. Alors qu’ensemble, catholiques et baptistes
peuvent pas reconnaître un parcours d’initiation au peuvent affirmer tout ce qui précède, convaincus que,
Christ et à son Église dans les rites catholiques du ce faisant, ils sont fidèles à la tradition transmise par les
baptême et de la confirmation. En outre, la notion apôtres (1 Co 11, 23), ils divergent sur un certain
même d’Alliance fait que certains baptistes peuvent nombre de conditions relatives au ministre qui célèbre
parler avec les catholiques de « l’Église dans le Christ l’Eucharistie/Sainte Cène, ainsi que sur son rôle de re-
comme sacrement… de l’union intime avec Dieu et de présentation et de promotion de l’unité de la commu-
l’unité de tout le genre humain »21. nauté dans un sacrement/ordonnance d’unité. Pour les
catholiques, la célébration de l’Eucharistie doit être né-
19. Les baptistes sont bien familiarisés avec le lan- cessairement présidée par un évêque, ou par un prêtre
gage de « communion » qui désigne l’Église comme une ordonné par un évêque dans la succession apostolique
« communauté de croyants », entendant par là qu’une qui représente l’évêque dans l’assemblée eucharistique.
Église particulière est fondée par le baptême des dis- L’« ecclésiologie de communion » requiert un évêque
ciples croyants. À noter que pour les catholiques aussi, qui représente le Christ et l’Église – locale et universelle
le baptême est un événement de foi, puisqu’il impartit – comme signe visible de communion. Pour que
la foi et requiert la foi. Les catholiques voient eux aussi l’Eucharistie puisse être célébrée en communion avec
dans l’Église une communauté de croyants, car « ce l’Église apostolique, il faut qu’un évêque assure et pré-
n’est que dans la foi de l’Église que chacun des fidèles serve la succession apostolique de l’Évangile en « au-
peut croire »22. C’est cette foi commune qui opère dans thentique maître de la foi ». L’évêque, en sa personne et
le paradigme du baptême des petits enfants. L’enfant par son appartenance au collège des évêques, est en
est baptisé dans la foi de l’Église ; le rite baptismal communion avec l’Église tout entière, y compris avec
comporte un acte de foi professé par les parents, le par- l’Évêque de Rome et son ministère d’unité. Les catho-
rain et la marraine, et l’Église rassemblée. L’enfant est liques peuvent reconnaître que les actes liturgiques tels
accueilli dans la foi de la communauté où il sera éduqué que l’Eucharistie/Sainte Cène, dans les « communautés
à la foi personnelle à travers l’écoute de l’Évangile, pro- ecclésiales » (par exemple baptistes) qui son en-dehors
clamé en parole et par le témoignage. Dans le baptême de l’Église Catholique, « peuvent certainement produire
des petits enfants, la communauté de foi précède le effectivement la vie de grâce », et « donnent accès à la
croyant individuel (ceci est vrai aussi, bien entendu, communion du salut », mais qu’il ne peut y avoir une
pour les baptistes dans le cas du baptême d’un croyant plénitude de communion car il manque l’élément de la
qui professe sa foi). Les catholiques acceptent que les communion ecclésiale23.
très jeunes enfants soient considérés comme des
croyants s’ils font partie de la communauté de foi, en 22. Les baptistes sont d’accord pour dire que le mi-
sorte qu’ils reçoivent la foi « infuse ». Mais pour une nistre qui préside à la table de la Sainte Cène représente
pleine initiation, il faut avoir reçu les trois sacrements l’Église universelle dans la congrégation locale (voir n.
de l’initiation : baptême, confirmation et eucharistie. 171 et 178), et qu’il est donc approprié qu’il la préside
Dans la mesure où elle comporte une profession de foi normalement. Le « bon ordonnancement » du Christ
individuelle de la part du croyant, cette séquence n’est veut que la personne qui préside soit aussi celle qui pré-
pas éloignée de la conviction baptiste selon laquelle, serve la tradition apostolique et qui a la charge de
l’enseigner. Mais il n’est pas essentiel pour la pleine
21. Lumen Gentium 1.
22. CEC 1253. 23. Cf. Unitatis Redintegratio 3.
28
communion avec Dieu et avec l’Église qu’un ministre sions différemment (cf. n. 25 ci-dessous). Pour les ca-
ordonné préside. Il peut y avoir pleine communion si le tholiques, les saints qui ont quitté ce monde dans la foi
pain est rompu et le vin versé dans le cadre d’une re- ne sont pas la partie visible de l’Église, même si en
mémoration fidèle du Christ dans une congrégation elle-même l’Église est toujours visible. L’Église Catho-
rassemblée en Église. La raison en est pour les baptistes lique croit que l’Église universelle doit être à la fois une
que l’Église est assurée de la présence du Christ (« Là et visible, et elle distingue en elle-même ces deux carac-
où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au téristiques. L’Église universelle est visible dans la célé-
milieu d’eux »), de telle sorte qu’une congrégation lo- bration de la liturgie, puisque la nature de l’Église
cale est en communion avec toutes les autres Églises où s’exprime pleinement dans la célébration : « La princi-
le Christ est présent dans la communion de l’Esprit24. pale manifestation de l’Église réside dans la participa-
Le signe essentiel de communion – qui est un don de tion plénière et active de tout le saint Peuple de Dieu,
Dieu – n’est pas la personne qui préside, mais la visibi- aux mêmes célébrations liturgiques, surtout à la même
lité du corps du Christ dans l’Église rassemblée qui Eucharistie, dans une seule prière, auprès de l’autel
confesse la foi apostolique. unique où préside l’évêque entouré de son presbyte-
25
Il peut y avoir aussi des pratiques différentes chez rium et de ses ministres » . Elle est visible en tant que
les catholiques et chez les baptistes en ce qui concerne société constituée hiérarchiquement26 où la communion
la fréquence avec laquelle ils célèbrent l’Eucha- et l’unité de l’Église sont représentées par les évêques,
ristie/Sainte Cène. Les catholiques observent le Jour du dans les rapports collégiaux entre eux et avec l’Évêque
Seigneur en célébrant l’Eucharistie au moins chaque de Rome. Enfin, elle est visible chaque fois que le
dimanche. Certains baptistes célèbrent la Sainte Cène peuple de Dieu professe sa foi commune dans les sa-
toutes les semaines ou tous les quinze jours, mais crements et suit ses pasteurs légitimes27. Le concile
beaucoup d’autres la célèbrent moins fréquemment, Vatican II parle de la visibilité de l’Église quand il la
quoique régulièrement. Les baptistes croient que dans définit comme « un sacrement, c’est-à-dire à la fois le
les cultes où l’Écriture est lue et prêchée et où une ac- signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de
tion de grâce (eucharistia) est offerte à Dieu dans la
prière, ils peuvent être aussi en pleine communion avec l’unité de tout le genre humain »28, puisque les signes
Dieu Trinité, les uns avec les autres, et avec toute sont visibles par nature.
l’Église du Christ. D’autres documents récents ont affirmé, dans le
sillage de Vatican II, que « l’unique Église du Christ…
23. Les Églises locales doivent être en commu- subsiste dans l’Église Catholique, gouvernée par le Suc-
nion visible – et pas seulement spirituelle – car si- cesseur de Pierre et les évêques qui sont en commu-
non il n’y a pas pleine communion. 29
nion avec lui » . Cette formulation entend concilier
24. Pour les catholiques, la communion visible entre deux affirmations doctrinales : d’une part, que l’Église
les Églises est centrée sur la personne de l’évêque, qui du Christ n’existe dans sa plénitude que dans l’Église
la représente essentiellement, puisque l’unité et la Catholique, et d’autre part, qu’il existe en dehors d’elle
communion de l’Église Catholique sont rendues vi- des éléments nombreux de sanctification et de vérité
sibles dans le collège épiscopal. Il existe différents ni- (elementa Ecclesiae), dont la force « dérive de la plénitude
veaux et degrés de collégialité dans les diverses ins- de grâce et de vérité qui a été confiée à l’Église Catho-
tances qui regroupent les évêques – conférences épis- 30
lique » . Le document Dominus Iesus entend clarifier les
copales nationales, synodes et conciles œcuméniques,
implications de cette approche. Les communautés
ces derniers étant l’expression la plus complète de la
chrétiennes non catholiques d’Occident issues de la Ré-
collégialité épiscopale. Pour les catholiques, la réalité de
forme « ne sont pas Églises au sens propre, mais des
l’« ecclésiologie de communion » ne se limite pas au
Communautés ecclésiales ». Elles possèdent sans aucun
signe visible de l’épiscopat. La communion s’exprime
doute des aspects ou éléments de l’unique Église, et les
aussi sacramentellement, en particulier dans l’Eucha-
baptisés de ces communautés, qui sont incorporés au
ristie et nombre d’autres occasions où les Églises
Christ par le baptême, ont « une certaine communion,
locales et les fidèles qui la composent se rencontrent et
bien qu’imparfaite, avec l’Église ». Pour les catholiques,
s’entraident en dehors des structures ecclésiales
le baptême est le premier lien sacramentel de commu-
officielles. Il y a aussi dans l’Église les « nouveaux
mouvements » qui transcendent les limites formelles
des Églises locales. 25. Sacrosanctum Concilium 41.
26. Lumen Gentium 20.
Ensemble, baptistes et catholiques croient qu’ils 27. Voir la définition de l’Église de Robert Bellarmin : « L’Église est
sont en communion avec les élus au ciel dans la com- une, non pas double, et cette unique vraie Église est l’assemblée
munion des saints, et que l’Église a à la fois une dimen- d’hommes unis dans la profession de la même foi chrétienne et
dans la communion des mêmes sacrements, sous la règle de leurs
sion visible et une dimension invisible, bien que, dans pasteurs légitimes et en particulier celle du Vicaire du Christ sur la
une certaine mesure, ils conçoivent ces deux dimen- terre, le Pontife romain » saint Robert Bellarmin, De Controversiis
Christianae Fidei (Naples, 1857), vol. II, p. 74.
28. Lumen Gentium 1.
24. Voir Confession de foi de certains Anglais vivant en exil dans les Pays- 29. Lumen Gentium 8 ; cf. Unitatis Redintegratio 4 ; Ut Unum Sint, 10,
Bas [Baptistes Généraux] (Amsterdam, 1611), 11, dans Lumpkin 86 ; Dominus Iesus 6.
(éd.) Baptist Confessions, pp. 116-123. 30. Dominus Iesus 17 ; Unitatis Redintegratio 3.
29
nion avec les autres chrétiens. Et puisque toutes les koinonia » – une légitime diversité plutôt qu’une unifor-
Communautés ecclésiales ou Églises prennent part à la mité33.
koinonia de la Trinité, elles ne peuvent pas être « hors de
la communion », malgré la séparation, et partagent « un Aux yeux des baptistes, les autres communions
chrétiennes doivent être considérées comme des
certain degré de communion »31. « Églises » pour peu qu’elles possèdent les caractéris-
25. Au siècle dernier, certains baptistes ont affirmé tiques de l’Église de Jésus Christ, à savoir, une vie
que l’Église du Christ ne devient visible que dans commune qui laisse transparaître la présence du Christ,
l’Église locale, et que l’Église universelle doit demeurer une prédication authentique de la Parole, et la célébra-
« invisible » jusqu’à l’avènement du Règne de Dieu, ne tion des sacrements/ordonnances. C’est en premier lieu
pouvant être jusque là qu’une réalité « spirituelle ». Mais sur la base de ce genre de discernement de l’Église
cette affirmation ne correspond pas à la conception comme corps, et sur ce qui leur apparaît comme une
historique des baptistes, et elle a été contestée à di- preuve de l’action de l’Esprit Saint dans la vie d’une
verses reprises dans des documents baptistes récents. personne appartenant à une autre Église, que les bap-
Dans les premières confessions de foi et dans d’autres tistes reconnaissent leur unité avec les autres chrétiens.
écrits baptistes, on trouve une classification qui com- La recherche d’accords doctrinaux ou d’une compré-
prend l’Église locale visible (« les saints visibles »), hension commune des sacrements (ou ordonnances) et
l’Église universelle invisible (comprenant tous ceux qui de l’ecclésiologie, vient généralement dans un second
ont été régénérés par l’Esprit de Dieu, qu’ils fassent temps, après ce discernement initial et cette reconnais-
partie ou non des institutions de l’Église), et l’Église sance de l’autre.
universelle visible (comprenant tous ceux qui ont été ré- 26. Les Églises locales et congrégations doivent
générés et qui professent leur foi en Christ, ainsi que être en communion entre elles pour entendre la
l’Église à laquelle ils appartiennent)32. La communion Parole de Dieu et découvrir ensemble la « pensée
entre les Églises est visible dans les associations et du Christ ».
unions d’Églises qui réunissent les représentants ou 27. Pour les catholiques, le pape et le collège épis-
« messagers » des Églises locales, choisis non seulement copal remplissent un rôle essentiel en tant que gardiens
parmi les ministres ordonnés, mais aussi parmi les de l’unité et de la vérité dans l’Église. Ils discernent la
membres de la congrégation. Car conformément à la pensée du Christ en méditant sur l’Écriture, en consul-
conviction baptiste que l’episkopè est à la fois commune, tant la sagesse de la Tradition, en observant le témoi-
personnelle et collégiale, tant les pasteurs que les autres gnage des saints et des saintes. Ils écoutent la voix des
membres peuvent exercer l’episkopè selon des modalités prêtres, des diacres, des laïcs, des ordres religieux mas-
appropriées, en « veillant les uns sur les autres » (selon culins et féminins, des théologiens et de leurs parte-
l’expression des premiers covenantaires). La plupart des naires œcuméniques. Ils discernent les « signes des
baptistes préfèrent ne pas appeler « Église » ces struc- temps » dans le monde actuel34. Pour les catholiques,
tures de communion translocales, tout en les considé- vivre en accord avec le dessein du Christ, dans une
rant comme ecclésiales ou proches de l’Église. Église ou une assemblée locale, signifie sentire cum ecclesia
Il s’ensuit que les baptistes peuvent affirmer la visi- (« sentir et vivre avec l’Église »). Cette « réception » in-
bilité de l’Église universelle, même lorsqu’elle est divi- clut non seulement l’acceptation des conclusions des
sée et pécheresse. Les baptistes n’associent donc pas les conciles œcuméniques, des décrets dogmatiques du
termes « visible » et « une » comme le font les catho- pape et des formulations du credo, mais aussi une fré-
liques. Bien que l’unité de la koinonia divine doive se re- quentation assidue des saintes Écritures, le désir de se
fléter idéalement dans l’Église, c’est par humilité que laisser former par la liturgie et la vie de prière de
Dieu a consenti à venir habiter une Église déchirée, en l’Église, une bonne connaissance de la tradition de
proie aux tensions et aux conflits. En outre, les bap- l’Église, des enseignements du catéchisme de l’Église
tistes considèrent que la « pleine communion » à la- Catholique, et des encycliques et autres documents
quelle nous oeuvrons et que nous espérons est une promulgués de temps à autres par le pape ou par les
« diversité réconciliée ». De même que Dieu vit dans évêques. Le sensus fidei (« la sensibilité instinctive et le
l’unité et dans une vraie diversité en étant un seul Dieu discernement » des fidèles) joue également un rôle dans
en trois personnes, ainsi l’Église, à l’image de Dieu, la réception et peut contribuer à la compréhension des
peut et doit manifester – comme le dit le document du enseignements de l’Église sans les contredire.
Conseil œcuménique des Églises intitulé « Vers la 28. Chez les baptistes, les Églises locales cherchent
à découvrir ensemble la pensée du Christ en se réunis-
85. Rituel Romain, Rite de la Confirmation (OC), Introduction 1. 91. Believing and Being Baptized. Baptism, So-called Re-baptism, and
86. Lumen Gentium 11. Children in the Church. A Discussion Document by the Doctrine and Worship
87. Ibid. Committee of the Baptist Union of Great Britain (Londres, Baptist Union,
88. Ibid. Voir aussi Ad Gentes 11. 1996), pp. 9-10. Traduction française du traducteur.
89. Paul VI, Constitution apostolique sur le sacrement de la 92. Il existe cependant une variante dans les paroles de la liturgie
confirmation, Divinae consortium naturae, 15 août 1972, se référant à des Églises orientales : le catéchumène se tourne vers l’Est et le
Presbyterorum ordinis 5. prêtre dit : « Le serviteur de Dieu N. est baptisé au nom du Père, et
90. Par exemple, dans les Églises catholiques orientales, la du Fils, et du Saint-Esprit ».
confirmation a lieu en même temps que le baptême ; voir CEC 93. Le baptême par effusion fut pratiqué chez les Baptistes
1290. Généraux de 1609 à 1630 environ.
44
point de savoir si le baptême des petits enfants est un tisé son identité ecclésiale catholique. La foi de la
vrai baptême. La majorité des baptistes ne croient pas communauté qui le baptise, l’accueille, l’instruit dans la
que le baptême des petits enfants soit un vrai bap- foi, et dont il professe la foi, détermine l’identité ecclé-
tême94, et estiment donc que le baptême d’un croyant siale du nouveau baptisé. Aucun rite de baptême ne
déjà baptisé dans sa petite enfance n’est pas une répéti- spécifie le nom de l’Église ou de la dénomination dans
tion du baptême. Certains d’entre eux considèrent laquelle il est baptisé, car on présuppose qu’il a été
néanmoins le baptême des petits enfants comme fai- baptisé dans l’Église du Christ. L’identité ecclésiale du
sant partie du parcours d’initiation chrétienne, en y dé- baptisé découle donc non pas du rite du baptême en
celant des aspects de la grâce de Dieu et de la foi hu- lui-même, mais de la communauté où le baptême a eu
maine (voir plus loin les n. 101-103). lieu.
109. Par le baptême, nous sommes unis aux 112. Il est difficile pour les baptistes de reconnaître
autres croyants de l’Église du Christ, « car nous avec les catholiques que les jeunes enfants sont des
avons tous été baptisés dans un seul Esprit en un membres du corps du Christ en vertu de leur baptême.
seul corps » (1 Co 12, 13). Ils hésitent en effet à appeler « membre » un petit en-
110. Il existe chez les baptistes différents points de fant avant qu’il ait pu exercer la moindre foi personnelle,
vue sur le rapport entre le baptême et l’Église. Un pre- pas même la foi simple du jeune âge, car ils pensent
mier groupe considère qu’on peut être initié au Christ qu’un membre doit contribuer activement à faire en
et à son Église même sans avoir reçu le baptême. Ce sorte que la présence du Christ dans la communauté de
groupe voit donc dans les Églises pédobaptistes l’Église devienne matérielle, tangible et visible dans le
d’authentiques Églises de Jésus Christ sans reconnaître monde. Cependant les jeunes enfants sont considérés
leur baptême, car pour ses représentants c’est la foi qui chez eux comme appartenant à leur manière au « corps
constitue l’Église, et non le baptême. Certains d’entre du Christ » : ils sont accueillis et entourés par l’Église,
eux, qui appartiennent aux Églises dites « inclusives », plongés dans sa prière et objets de sa sollicitude pasto-
sont prêts à accueillir parmi eux les croyants baptisés en rale constante. Comme dans le cas du catéchuménat de
bas âge sans leur imposer un second baptême. S’ils le l’Église Catholique, les enfants qui ont vraiment la foi
font, ce n’est pas parce qu’ils acceptent le baptême des et qui se préparent au baptême sont considérés comme
petits enfants, mais parce qu’ils pensent que ce qui des membres du corps du Christ. Par leur baptême, ils
compte avant tout, pour devenir membre de l’Église, deviennent des membres aptes au service, en commu-
c’est la profession de foi personnelle. nion avec les autres disciples, et sont accueillis formel-
lement comme membres d’une Église locale particu-
Un second groupe croit que le baptême ne peut être lière.
séparé de l’appartenance à une Église. Pour ce groupe,
le baptême et la foi sont requis. La plupart de ceux qui 113. Le baptême signifie le pardon des péchés
ont cette conviction appartiennent aux Églises baptistes et une nouvelle naissance.
dites « exclusives », qui exigent le baptême des croyants 114. Pour les catholiques, les deux principaux effets
pour être admis comme membres de ces Églises. Enfin, du baptême sont la purification des péchés et une nou-
il y a toujours eu également chez les baptistes un troi- velle naissance dans l’Esprit Saint96. Par son baptême,
sième groupe qui associe la croyance en un lien indis- le baptisé devient une « nouvelle créature », une fille ou
soluble entre le baptême et l’appartenance à l’Église un fils adoptif de Dieu qui « participe de sa nature di-
avec l’approche « inclusive ». Autrefois, ce groupe in- vine », membre du corps du Christ et cohéritier avec
voquait la liberté de conscience devant Dieu pour ac- lui, temple de l’Esprit Saint (2 Co 5, 17 ; 2 P 1, 4 ; cf. Ga
cepter comme membres ceux qui eux-mêmes croyaient 4, 5-7 ; 1 Co 6, 15, 12, 27 ; Rm 8, 17). Le baptême est un
avoir été baptisés de façon valable en bas âge, et dont la « signe efficace » qui confère une grâce sanctifiante.
conviction, en conscience, ne pouvait être déniée. Ré- Pour les catholiques, la grâce de la justification est un
cemment un petit groupe est apparu chez les baptistes, don du baptême : elle comporte la rémission des pé-
dont le nombre ne cesse de croître, qui reconnaît le chés, la sanctification et le renouvellement de l’homme
baptême des petits enfants comme une forme secon- intérieur97. La Déclaration conjointe sur la Doctrine de
daire de baptême « dérivée » des normes du baptême la Justification (1999) approuvée par les luthériens et les
des croyants, tout en continuant à pratiquer unique- catholiques dit : « Le pécheur est justifié au moyen de la
ment la forme prescrite pour eux-mêmes. foi en l’œuvre salvatrice de Dieu en Christ ; ce salut lui
111. Les catholiques croient que par son baptême, est offert par l’Esprit Saint dans le baptême en tant que
le baptisé est incorporé à l’Église. Animé par l’Esprit et fondement de toute sa vie chrétienne »98. Plus loin, ce
désirant explicitement être incorporé à l’Église, le caté- document précise le point de vue catholique : « Audi-
chumène, c’est-à-dire celui qui se prépare au baptême, trice de la parole et croyante, la personne humaine est
est déjà considéré comme faisant partie de l’Église95. Le justifiée par son baptême. La justification du pécheur
baptême dans une communauté locale donne au bap- est pardon des péchés et réalisation de la justice par la
94. Pour les autres points de vue soutenus par les baptistes, voir le 96. CEC 1262.
n. 110. 97. CEC 1265, 2019-2020.
95. Lumen Gentium 14. 98. Déclaration conjointe sur la Doctrine de la Justification (1999) 25.
45
grâce justifiante qui fait de nous des enfants de Dieu. et la vie communautaire »103. C’est pourquoi la commu-
Dans la justification, les justifiés reçoivent du Christ la nion eucharistique est liée indissolublement à la pleine
foi, l’espérance et l’amour et sont ainsi reçus dans la communion ecclésiale et à son expression visible.
communion avec lui »99. L’Église Catholique enseigne en outre que « par le
115. Si les baptistes croient que le baptême signifie baptême les membres d’autres Églises et Communautés
une nouvelle naissance (régénération) et le pardon des ecclésiales se trouvent dans une réelle communion,
péchés, ainsi que d’autres images scripturales du sa- bien qu’imparfaite, avec l’Église Catholique et que le
lut100, ils ne sont pas tous d’accord sur le fait que ce baptême est le lien sacramentel d’unité existant entre
riche symbolisme est efficace dans le baptême. Comme ceux qui ont été régénérés par lui [...], il tend tout entier
nous l’avons vu plus haut (n. 95-96, 106), certains con- à l’acquisition de la plénitude de la vie du Christ »104. À
sidèrent que le baptême est essentiellement le signe la lumière de ces deux principes de base, « l’Église Ca-
d’un salut qui a déjà été reçu. D’autres reconnaissent tholique de façon générale donne accès à la commu-
qu’il y a régénération et rémission des péchés, tout en nion eucharistique et aux sacrements de pénitence et
affirmant que le don du salut ne se limite pas à un mo- d’onction des malades, uniquement à ceux qui sont
ment de conversion particulier et qu’il est accordé aussi dans son unité de foi, de culte et de vie ecclésiale. Pour
bien avant que pendant et après le baptême. les mêmes raisons, elle reconnaît aussi que, dans cer-
taines circonstances, de façon exceptionnelle et à cer-
taines conditions, l’admission à ces sacrements peut
L’Eucharistie/Sainte Cène être autorisée ou même recommandée à des chrétiens
116. L’Eucharistie/Sainte Cène101 est essentielle d’autres Églises et Communautés ecclésiales »105.
pour l’Église. Nous célébrons l’Eucharistie/Sainte Les baptistes reconnaissent avec les catholiques que
Cène en obéissance au commandement de Jésus le partage de la Sainte Cène renforce la communion
qui a dit : « Vous ferez cela en mémoire de moi » (1 entre les croyants dans l’Église, et ils ont généralement
Co 11, 24 ; Lc 22, 19). une « table ouverte » à laquelle sont invités les croyants
117. Baptistes et catholiques s’accordent à dire que de toutes les communions chrétiennes106. Ils disent que
sans l’Eucharistie/Sainte Cène, l’Église ne serait pas « cette table est celle du Seigneur, pas la nôtre ». Bien
l’Église. De même, il ne peut y avoir que la nature de cette invitation diffère d’une Église à
d’Eucharistie/Sainte Cène sans l’Église puisque cet acte l’autre, d’une façon générale, « tous ceux qui aiment
est toujours accompli au sein d’une communauté et vraiment et sincèrement Notre Seigneur Jésus Christ »
n’est jamais privé ou individuel. Les catholiques croient sont les bienvenus.
que d’une certain façon « l’Eucharistie fait l’Église »102. 119. La Bible joue un rôle de formation dans la
Même si cette expression peut leur paraître étrange, la liturgie eucharistique et dans l’ordre du culte de la
plupart des baptistes sont d’accord pour dire que dans Sainte Cène.
la Sainte Cène, le Christ unit ceux qui reçoivent le pain
et le vin à tous les fidèles en un seul corps, qui est 120. Ensemble, catholiques et baptistes affirment
l’Église (1 Co 10, 16-17). La communion dans que l’Écriture nous informe sur la manière de célébrer
l’Eucharistie/Sainte Cène renouvelle, renforce et ap- l’Eucharistie/Sainte Cène, structurée d’après les gestes
profondit l’incorporation à l’Église déjà accomplie par de Jésus tels qu’il y sont rapportés : il prit le pain, le
la conversion et par le baptême. rompit, le bénit et le donna à ses disciples ; il prit une
coupe de vin, la bénit et la partagea avec eux. Les bap-
118. La célébration de l’Eucharistie/Sainte Cène est tistes croient que prendre ce récit scriptural comme
à la fois le signe et la source de l’unité (1 Co 10, 16s). modèle signifie partager le pain et le vin avec toute la
Nous aspirons tous à pouvoir un jour la célébrer en- congrégation. Depuis le Concile Vatican II, les fidèles
semble. C’est pourquoi nous attendons l’unité visible catholiques peuvent recevoir la communion sous les
de l’Église sur la terre et la venue finale du Règne de deux espèces du pain et du vin107, mais concrètement
Dieu. Et nous nous désolons de ne pas pouvoir parta- les pratiques varient selon les directives locales et les
ger actuellement la pleine communion de la table du circonstances. Les catholiques croient que le Christ est
Seigneur.
pleinement présent dans chacun des éléments108.
Pour les catholiques, puisque le sacrement est à la
fois un acte du Christ et un acte de l’Église par l’Esprit
Saint, « sa célébration dans une communauté concrète
est le signe de la réalité de son unité dans la foi, le culte 103. Conseil Pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens,
Directoire pour l’application des Principes et des normes sur l’œcuménisme
1993, 129. Ci-après, Directoire œcuménique.
104. Directoire œcuménique, 1993, 129. Voir CEC 1399-1401.
99. Déclaration conjointe sur la Doctrine de la Justification 27. 105. Directoire œcuménique 129.
100. Voir la citation de Believing and Being Baptized, Baptist Union of 106. Dans le monde entier, la « table ouverte » est beaucoup plus
Great Britain au n. 106 ci-dessus. commune chez les baptistes que l’entrée ouverte à tous dans
101. Le terme « Eucharistie » signifie « action de grâce ». Ce terme l’Église ; dans certains pays comme le Brésil et le Mexique, la table
n’est pas utilisé habituellement par les baptistes, mais il l’est est réservée uniquement aux baptistes.
couramment par les catholiques pour parler de la Sainte Cène. 107. Sacrosanctum Concilium 55.
102. CEC 1396. 108. CEC 1390.
46
Dans l’Eucharistie/Sainte Cène, nous proclamons participe à l’offrande de sa Tête113. En re-présentant (et
les Écritures qui expriment la foi de l’Église, et nous non en répétant) ce sacrifice au moyen de l’anamnèse,
cherchons à vivre selon la Parole de Dieu. L’ordre du l’Église s’unit au sacrifice du Christ par le Christ lui-
culte baptiste se concentre habituellement sur la lecture même agissant par l’intermédiaire d’un ministre or-
des « paroles d’institution » telles qu’elles sont rappor- donné. L’Église invoque l’Esprit Saint (épiclèse) pour
tées par saint Paul (1 Co 11, 23-26), et fait appel au qu’il change le pain et le vin dans le corps et le sang sa-
genre scriptural du récit pour transmettre la « tradi- cramentel de son Seigneur, Jésus Christ, et pour qu’il
tion » (v. 11), en racontant l’histoire à la congrégation rassemble tous les présents dans le corps ecclésial du
rassemblée. La liturgie catholique de la Messe reprend Christ.
les paroles pauliniennes dans la prière d’action de 124. Les baptistes ne sont pas d’accord à tous
grâces au Père et dans la prière de consécration des points de vue avec les catholiques sur la dimension sa-
éléments. Alors que les pratiques baptistes mettent crificielle du rite, bien qu’ils y trouvent des résonances
l’accent sur l’élément scriptural de l’histoire, les pra- avec leur propre récit. Ils reconnaissent que la catégorie
tiques catholiques tendent à souligner plutôt l’élément d’anamnèse, au sens scriptural du terme, leur permet de
scriptural des gestes (présents aussi dans la forme bap- mieux comprendre les catholiques quand ils disent que
tiste, mais exprimés plus discrètement), en rompant le l’Eucharistie n’est pas une répétition du sacrifice du
pain et en élevant la coupe. Christ. Dans leur acte de remémoration (anamnèse), les
121. L’ordre du culte de l’Eucharistie/Sainte baptistes croient qu’ils participent réellement aux évé-
Cène suit un modèle trinitaire. L’Église adresse au nements de la mort et de la résurrection de Jésus et
Père une action de grâce (eucharistie) comme qu’ils partagent « tous les bénéfices » du sacrifice salvi-
Jésus le fit, en rappelant les actes de Dieu dans fique du Christ114. Mais ils font une distinction entre
l’histoire du salut ; elle fait mémoire, célèbre et « partager » le don de soi du Christ et « présenter » le
participe (anamnèse) à la mort et à la résurrection sacrifice du Christ au Père, considérant que seul le
du Fils ; enfin, elle invoque l’Esprit Saint (épiclèse) Christ peut se présenter lui-même. Dans leur prière à
pour qu’il rende le Christ réellement présent à ses Dieu Esprit Saint (épiclèse), ils invoquent son assistance
disciples. pour leur acte de remémoration et le prient pour que, à
122. L’anamnèse ou mémorial est une clé essentielle travers les signes du pain et du vin, il les fasse participer
pour expliquer les dimensions du sacrifice et de la tem- plus intimement à la communion avec le Christ et entre
poralité dans le sacrement/ordonnance. Tant les bap- eux. Ils ne demandent pas à l’Esprit Saint de changer la
tistes que les catholiques ont tenu compte des études substance du pain et du vin et préfèrent définir la
bibliques récentes qui soulignent que dans l’Ancien et Sainte Cène, de même que tous les autres actes du
le Nouveau Testament, la « remémoration » (anamnèse) culte, comme un « sacrifice d’action de grâce (eucharistie)
n’est pas une simple réminiscence historique, mais in- (Ps 50, 14 ; He 13, 15 ; cf. 1 P 2, 5), ou une « oblation
dique la participation, dans le présent, aux merveilles spirituelle à Dieu de toute louange possible »115.
que Dieu a accomplies autrefois. 125. Le Christ se rend « réellement présent » à
123. Les catholiques entendent le mémorial (anam- ses disciples dans la célébration de
nèse) et l’invocation de l’Esprit (épiclèse) au sens fort. l’Eucharistie/Sainte Cène.
Dans l’Eucharistie, l’Église ne fait pas seulement mé- 126. Les catholiques croient que dans l’Eucharistie,
moire de la Passion et de la Résurrection du Christ la substance du pain et du vin se change dans le corps
Jésus, elle « présente aussi au Père l’offrande de son Fils et le sang du Christ par l’efficacité de la Parole du
qui nous réconcilie avec Lui »109. Les catholiques disent Christ et par l’action de l’Esprit Saint. Ils croient que le
que l’Eucharistie est un sacrifice parce qu’elle re-pré- Christ est « vraiment, réellement et substantiellement
sente (rend présent) le sacrifice du Christ accompli une présent »116, au sens le plus plein du terme, dans
fois pour toutes sur la croix. C’est un mémorial de ce l’Eucharistie même si, dans leur apparence extérieure,
sacrifice et une application des fruits de ce sacrifice leur toucher, leur odeur et leur goût, les éléments de-
pour le pardon des péchés (cf. 1 Co 11, 23 ; He 7, 24, meurent du pain et du vin. Cette présence commence
27)110. Dans la célébration liturgique des événements au moment de la consécration et dure aussi longtemps
de la Passion du Christ, ceux-ci « deviennent d’une que subsiste l’apparence du pain et du vin. Pour les
certaine façon présents et réels »111. Pour les catho- catholiques, ce changement substantiel est « justement
liques, le sacrifice du Christ sur la croix et le sacrifice de et proprement appelé transsubstantiation »117.
l’Eucharistie sont un unique sacrifice, et « non la répé- 127. Les baptistes croient que le Christ – qui est
tition et la multiplication du sacrifice sacramentel »112. toujours présent auprès de son peuple – est certaine-
Dans l’Eucharistie, le sacrifice du Christ devient le sa-
crifice de toute l’Église qui, comme corps du Christ,
113. CEC 1368.
114. Confession de foi (Londres 1677), XXX.1, 7 ; Orthodox Creed
109. CEC 1354, 1362-1372. (Londres 1679), XXXIII.
110. Concile de Trente (1562), DS 1740. 115. Confession de foi (Londres 1677), XXX.2.
111. CEC 1363. 116. Concile de Trente, Session 13, canon 1.
112. Cf. CEC 1367. 117. Concile de Trente, Session 13, canons 2 et 4.
47
ment présent aussi à sa table. Certains baptistes pensent de l’Église dans l’offrande de la prière sacerdotale de
que le partage du pain et du vin les rend plus conscients l’Église au Père. D’après la théologie catholique, le
de la présence du Christ ; d’autres, qu’il se rend lui-même Christ est l’acteur principal de tous les sacrements et la
présent à ses disciples de façon plus profonde et in- Tête de l’Église. C’est le Christ qui, par la puissance de
tense au moment de la présentation des éléments (mais l’Esprit Saint, change les éléments en son corps et son
sans être présent en eux). Une confession de foi bap- sang. Et puisque le sacerdoce ministériel représente le
tiste récente affirme que « dans l’observance de la Christ sacramentellement, le prêtre récite efficacement
Sainte Cène, nous vivons la proximité et l’amour sal- les paroles d’institution du Christ à la première per-
vateurs de Jésus Christ, en nous remémorant ses souf- sonne du singulier (« Ceci est mon corps… Ceci est la
frances et sa mort pour nous »118. C’est pourquoi les coupe de mon sang »). C’est pourquoi, « dans le service
baptistes ont toujours été contraires aux doctrines qui ecclésial du ministre ordonné, c’est le Christ lui-même
parlent d’un changement de « substance » dans le pain qui est présent à son Église en tant que Tête de son
et le vin, et ont rejeté historiquement la « transsubstan- corps »123. Le prêtre, qui « est assimilé au Souverain
tiation »119 ; certains d’entre eux parlent de « nourriture Prêtre, à cause de la consécration sacerdotale qu’il a re-
et boisson spirituelles », ou de se « nourrir spirituelle- çue… jouit du pouvoir d’agir par la puissance du Christ
ment » du Christ120. Tous mettent autant l’accent sur la lui-même qu’il représente »124. Et parce que le sacre-
présence du Christ dans le « corps » des croyants ras- ment rend présent ce qu’il signifie au moyen d’un signe,
semblés qui partagent le pain et le vin que sur les élé- le sacerdoce sacramentel rend présent le Christ, Tête de
ments eux-mêmes, en citant les paroles de saint Paul : l’Église, de façon visible au milieu de la communauté
« Puisqu’il y a un seul pain, nous sommes tous un seul des croyants125. La représentation sacerdotale
corps : car nous partageons tous le même pain » (1 Co sacramentelle du Christ, et la présence et l’intervention
10, 17). Les baptistes ont découvert ainsi certaines affi- personnelles du Christ dans la liturgie, ont entre elles
nités entre leur ecclésiologie d’une communauté de un rapport dynamique et permanent de participation
l’Alliance et la célébration de la Sainte Cène. Les catho- réciproque à l’événement sacramentel.
liques reconnaissent qu’il y a aussi une présence du Tout en appréciant l’accent mis par les catholiques
Christ en-dehors des éléments, notamment dans la pa- sur la présence et l’action personnelles du Christ, les
role lue et annoncée à l’assemblé des fidèles et dans le baptistes trouvent que la nécessité de l’office sacramentel
ministre qui préside l’assemblée. Mais ils soulignent que d’un ministre dans la célébration de la Sainte Cène n’est
le Christ est pleinement présent dans les éléments eu- pas compatible avec la croyance que l’Église est formée
charistiques121, comme le dit la doctrine de la par la présence du Christ ressuscité – dans la lecture et
transsubstantiation. la prédication de la parole, dans les sacre-
128. La façon différente qu’ont les baptistes et les ments/ordonnances et dans les assemblées de l’Église.
catholiques de traiter les éléments du pain et du vin Le Christ ressuscité est présent dans la congrégation
après la célébration montre que des divergences sub- qui vit sous sa loi ; la congrégation est son corps, mais
sistent encore entre eux dans la compréhension de la lui seul en est la Tête. En tant que corps du Christ,
présence du Christ dans l’Eucharistie/Sainte Cène. Les l’assemblée de toute la congrégation rend le Christ vi-
baptistes disposent du pain et du vin restants avec res- sible. Depuis leur origine, les baptistes considèrent que
pect, en se souvenant qu’ils ont été « réservés » à le ministère ordonné est un don du Christ à son Église,
l’usage du culte, comme signe de la vie et de la mort du et que l’administration des sacrements/ordonnances est
Christ122, mais ils ne croient pas qu’ils doivent être con- normalement une responsabilité et un privilège confiés
sommés, et la réserve du pain consacré n’a pas de sens par le Christ aux ministres126. Le ministre représente
pour eux. toute l’Église de Dieu à la table du Seigneur (voir ci-
129. Baptistes et catholiques sont également en dé- dessous n. 171), en faisant bien comprendre à tous que
saccord en ce qui concerne la personne qui préside ou la table du Seigneur n’est pas la table privée d’une con-
officie dans l’Eucharistie/Sainte Cène. Chez les catho- grégation locale. Considérer son office comme assurant
liques, pour que le Christ soit présent dans le sacre- d’une certaine manière la présence du Christ dans son
ment, il faut qu’un prêtre consacre toujours les élé- Église à travers les sacrements/ordonnances apparaît
ments. Dans la liturgie de l’Eucharistie, le prêtre agit aux yeux des baptistes comme une limite imposée à la
« en la personne du Christ-Tête » (in persona Christi capi- loi du Christ, y compris pour ceux qui croient (comme
tis) vis-à-vis de son Corps qu’est l’Église. Il agit aussi les baptistes) que cet office a été donné en premier lieu
« en la personne de l’Église » (in persona ecclesiae) vis-à-vis par le Christ. Chez les baptistes, un ministre ordonné
appelé par l’assemblée à être son pasteur préside nor-
malement à la table, lorsqu’il ou elle est disponible ; de
118. Confession of Faith of the Union of Evangelical Free Churches in
Germany, dans Parker, Baptists in Europe, pp. 57-76, II.1.4.
Traduction française du traducteur.
119. Confession de foi (Londres 1677), XXX.6. 123. CEC 1548.
120. Confession de foi (Amsterdam, 1610), 32 ; Confession de foi 124. Pie XII, Lettre Encyclique Mediator Dei, 20 novembre 1947,
(Londres 1677), XXX.1,7 69 : AAS, 39 (1947) 548.
121. Sacrosanctum Concilium 7. 125. Lumen Gentium 21.
122. Confession de foi (Londres 1677), XXX.5 : « réservé pour les 126. Confession de foi (Amsterdam, 1610), 24 ; Confession de foi
usages ordonnés par le Christ ». (Londres 1677), XXVI.8 ; Orthodox Creed (Londres 1679), XXXIII.
48
nos jours, ceci est davantage une question de bonne d’être honorée et appelée « bienheureuse » (Lc 1,
pratique qu’une condition absolue, et dans certaines 42, 48) par les chrétiens de tous les temps et de
circonstances un laïc peut présider avec l’assentiment tous les lieux. Les croyances sur Marie doivent se
des membres de l’Église locale127. Alors qu’il subsiste fonder sur l’Écriture, être attestées par l’Écriture,
ici une divergence par rapport aux croyances et aux et ne pas être en contradiction avec l’Écriture.
pratiques catholiques, il y a une certaine convergence 134. Baptistes et catholiques ne sont pas d’accord
sur la conviction que le Christ a donné à l’Église un of- sur ce qui peut être considéré comme étant attesté par
fice de la parole et des sacrements/ordonnances. l’Écriture à propos de Marie. Leurs divergences doctri-
130. L’Eucharistie/Sainte Cène a une dimen- nales découlent des implications pratiques de leur con-
sion fortement éthique et eschatologique. ception différente du rapport entre Écriture et Tradi-
131. Parmi les dimensions de l’Église reconnues tion. Comme les catholiques, les baptistes croient que
tant par les baptistes que par les catholiques, il y a non la conception virginale a une base scripturale explicite
seulement la koinonia (fraternité, communion), le (Mt 1, 22-23). Croyant à la déité de Jésus Christ, ils
kerygma (proclamation) et la leiturgia (service de Dieu peuvent confesser avec les catholiques que Marie est
comportant une action de grâce ou « eucharistie »), theotokos, ou « Mère de Dieu » (Lc 1, 43)128. En re-
mais aussi la diakonia ou service des autres. Toutes ces vanche, ils disent qu’ils ne trouvent aucune confirma-
dimensions se retrouvent dans l’Eucharistie/Sainte tion dans l’Écriture des croyances catholiques concer-
Cène. Ce repas spécial nous appelle à partager le pain nant sa virginité perpétuelle (n. 141), son Immaculée
avec d’autres (surtout avec ceux qui sont dans le be- Conception (n. 147), et sa montée au ciel avec son
soin) comme acte de justice et de compassion. Tant corps (n. 149). Pour les catholiques, ces croyances sont
chez les catholiques que chez les baptistes, la confes- des doctrines révélées par Dieu et fondées sur
sion des péchés est nécessaire pour que l’Écriture telle qu’elle a été interprétée dans la vie de
l’Eucharistie/Sainte Cène puisse être célébrée valable- l’Église au cours des siècles.
ment (1 Co 11, 27-31). Et d’après les paroles de saint 135. Marie fait partie du peuple juif. Elle est is-
Paul, cette confession comporte en particulier le re- sue de la longue lignée de ceux qui attendent le
pentir pour n’avoir pas pris suffisamment soin des Messie, au point de rencontre entre l’Ancien et le
autres (1 Co 11, 33-34). Ensemble, catholiques et bap- Nouveau Testament (Ga 4, 4 ; Lc 2, 25-32). Marie
tistes mettent l’accent sur l’orientation eschatologique a sa place dans la généalogie du Messie (Mt 1, 16)
de l’Eucharistie, et célèbrent la Sainte Cène « en atten- et parmi les femmes d’exception qui ont gardé en
dant la venue du Christ ». Alors que nous voyons dans vie l’espérance de salut du peuple d’Israël. Marie
l’Eucharistie/Sainte Cène un « festin messianique » peut être appelée « Fille d’Israël », en sa qualité de
dans lequel le futur est déjà présent en un certain sens, mère de Celui qui est appelé Fils de David, parce
notre espérance dans l’avènement du Règne de Dieu qu’elle a accueilli le Sauveur avec joie, et parce
est pour nous une motivation à travailler pour changer qu’il établit sa demeure en elle (So 3, 14-17 ; Jl 2,
la société humaine dès à présent. 21-27 ; Za 2, 15, 9, 9-10 ; Lc 1, 28-33 ; Lc 3, 31).
136. Dans leurs confessions de foi, les baptistes ont
V. MARIE, MODELE DU DISCIPLE DANS LA COMMUNION
souvent mis l’accent sur le fait que Marie est une Juive
DE L’ÉGLISE
« de la tribu de Juda, descendante d’Abraham et de
David »129. De même, les catholiques voient en Marie
132. « Quand est venu l’accomplissement du temps, une « Fille de Sion » (So 3, 14 ; Za 2, 10), la personnifi-
Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme et assujetti à la cation d’Israël et la demeure du Seigneur ; elle est donc
loi, pour payer la libération de ceux qui sont assujettis à l’image et le modèle de l’Église, nouvelle demeure de
la loi, pour qu’il nous soit donné d’être fils adoptifs » Dieu130.
(Ga 4,4-5). Cette confession de foi néotestamentaire,
qui nous rappelle le rôle crucial de Marie dans le mys- 137. Plusieurs passages de l’Ancien Testament
tère de l’Incarnation et dans la communion de l’Église, peuvent être interprétés comme se référant à
invite tous les chrétiens à prêter attention à la façon Marie. Isaïe 7, 14 peut être reconnu comme un
dont elle est présentée dans la Bible. En même temps, texte prophétique qui s’est avéré au moment où
le rôle de Marie est un point sur lequel il subsiste de Marie a conçu le Christ (Mt 1, 22-23). Nombre de
fortes divergences entre baptistes et catholiques. lecteurs chrétiens de l’Ancien Testament trouvent
une référence implicite à Marie dans « la Femme »
133. Marie occupe une place de premier plan de Genèse 3, 15 dont le fils, le Messie promis,
dans le Nouveau Testament. Elle a été témoin de triomphe du Malin.
l’œuvre salvifique du Christ depuis sa conception
et sa naissance jusqu’à sa mort et à l’effusion de
128. Comme le font, par exemple, les baptistes français dans Marie,
l’Esprit Saint après sa résurrection. Choisie par Comité mixte baptiste-catholique en France. Documents Episcopat, 10
Dieu pour être la mère du Sauveur, Marie mérite (Secrétariat général de la Conférence des Évêques de France, 2009),
n. 15.
129. Voir Confession de foi (Londres 1644), IX; Confession de foi
127. Cette pratique existait déjà dans la congrégation de Thomas (Londres 1677), VIII.2 ; cf. Confession courte (Londres 1660), III.
Helwys à Amsterdam : voir Déclaration de foi (Amsterdam, 1611), 11. 130. CEC 489.
49
138. Une lecture christologique de l’Écriture nous 141. L’Église Catholique enseigne que Marie était
permet de découvrir dans l’Ancien Testament des fi- vierge non seulement lorsqu’elle a conçu le Seigneur
gures annonciatrices du Christ. De la même façon, les par l’œuvre de l’Esprit Saint, mais aussi quand elle lui a
catholiques découvrent dans l’Ancien Testament des donné naissance et pour tout le reste de sa vie132. Alors
figures annonciatrices de Marie. Par exemple, suivant que le Nouveau Testament n’atteste expressément que
une ancienne tradition patristique, ils comparent Marie le premier aspect de sa virginité, le deuxième et le troi-
à Ève131 : d’une part, Ève, qui a participé à la Chute, est sième aspect appartiennent à une tradition très an-
opposée à Marie (la « nouvelle Ève »), qui a participé à cienne. Même si ces deux derniers aspects ont été con-
l’avènement de la Rédemption ; de l’autre, Ève, la testés au début, les catholiques disent qu’ils ont été
« mère de tous les vivants », est vue comme le proto- étayés ensuite par des arguments fondés sur l’Écriture
type de Marie. Les baptistes ne sont pas tous du même dans la période comprise entre le concile de Nicée et
avis quant à la pertinence de ces lectures typologiques celui d’Éphèse133. Le passage biblique cité générale-
sur Marie dans l’Ancien Testament. ment à l’appui de la virginité perpétuelle de Marie est
139. Les Évangiles nous présentent Marie Jean 19, 25-27, où Jésus confie sa mère aux soins de
comme celle qui a écouté la Parole et qui a ré- son Disciple bien-aimé car elle n’a pas d’autre enfant.
pondu à l’initiative gratuite de Dieu, en devenant Marie est appelée communément « aeiparthenos », c’est-
la disciple active et fidèle de son divin Fils. Marie a à-dire « toujours vierge », depuis la fin du IVe siècle134.
entendu la Parole et elle a obéi (Lc 1, 38). Elle l’a 142. Bien que la virginité perpétuelle de Marie ait
méditée et « gardée dans son cœur » (Lc 1, 29 ; 2, été affirmée par plusieurs réformateurs protestants (par
19. 51). Comme disciple, Marie a été une vraie ex, Luther et Zwingli), les baptistes ne trouvent aucun
croyante. Elle a répondu à l’appel de Dieu avec foi fondement à cette croyance dans les Écritures ; en li-
(Lc 1, 45 ; 11, 28) et elle a fait entièrement don sant le texte dans son sens littéral, ils affirment généra-
d’elle-même à Dieu en disant : « Qu’il m’advienne lement que Marie a accouché de Jésus de façon nor-
selon ta parole » (Lc 1, 38). Marie a grandi dans la male, qu’elle a mené avec Joseph une vie normale de
foi et dans la compréhension. Elle n’a pas été un femme mariée, et que les frères et sœurs de Jésus dont
instrument passif entre les mains de Dieu, mais il est question dans les Évangiles et dans les Lettres du
s’est engagée activement, en consentant librement Nouveau Testament (Mc 3, 31 ; 6, 3 ; Mt 1, 24-25 ; 12,
au choix de Dieu et en participant à son dessein 46 ; 13, 55 ; Lc 8, 19-21 ; Jn 2, 12 ; 7, 3,5,10 ; Ac 1, 14 ;
éternel. La réponse de Marie à Dieu est en soi un 1 Co 9, 5 ; Ga 1, 19) étaient sa vraie fratrie, fruit de leur
fruit de la grâce. mariage. Mais si les baptistes considèrent généralement
140. Jésus a été conçu du Saint-Esprit et est né que la doctrine de la virginité perpétuelle de Marie n’est
de la Vierge Marie. La conception virginale de pas fondée sur l’Écriture, certains d’entre eux pensent
Jésus est clairement attestée dans les évangiles de néanmoins qu’elle n’est pas directement en contradic-
Matthieu (1, 18-25) et de Luc (1, 26-38). Matthieu tion avec l’Écriture dans la mesure où les textes men-
(1, 22-23) voit dans la conception virginale tionnés ci-dessus se prêtent aussi à des explications dif-
l’accomplissement d’une prophétie (Es 7, 14). La férentes135.
doctrine selon laquelle Jésus a été « conçu du Saint 143. C’est très justement que Marie est appelée
Esprit » et est « né de la Vierge Marie » est affir- theotokos ou « Mère de Dieu ». Ce terme indique
mée dans le credo des Apôtres et a été ajoutée au qu’elle est la mère du Fils éternel de Dieu fait
credo de Nicée par le concile de Constantinople homme. Ce titre, qui a un fondement dans
(381). l’Écriture (« la mère de mon Seigneur », Lc 1, 43),
En tant que signe de l’origine à la fois divine et vise à sauvegarder l’identité du Christ : tout ce qui
vraiment humaine de Jésus, la maternité virginale est dit sur Marie, y compris qu’elle est theotokos,
de Marie sauvegarde l’orthodoxie christologique. découle de ce qui est dit sur le Christ. Marie est la
Cette doctrine concerne d’abord la personne et
l’identité de Jésus Christ, le Fils unique de Dieu
132. CEC 499-500, 510.
qui s’est incarné dans le sein de la Vierge Marie 133. Par exemple, certains auteurs patristiques affirmaient la
par l’œuvre de l’Esprit Saint. C’est un signe de virginité de Marie dans l’accouchement (virginitas in partu) par
l’origine divine de Jésus, puisque la Vierge Marie analogie avec les lieux et les choses consacrées à Dieu qui ne
l’a conçu par l’œuvre de l’Esprit Saint, sans peuvent pas servir à d’autres usages, qu’ils soutenaient en
l’intervention d’un père humain. En même temps, s’appuyant sur divers passages bibliques tels que Isaïe 7,14, Ezéchiel
44,2, ou Jean 20,19.
la naissance de Jésus de la Vierge Marie est la 134. Après le Concile de Chalcédoine, ce titre a été inclus dans les
preuve de son humanité véritable, puisqu’il est né prières de la liturgie eucharistique. On le trouve dans
d’une mère humaine. La naissance virginale est un l’enseignement du second Concile de Constantinople (553), et il est
signe eschatologique, un signe que Dieu est avec enseigné explicitement par le synode du Latran (649), un concile
dont les enseignements ont été confirmés ensuite au troisième
nous (Mt 1, 23 ; 28, 20), que le Messie est venu, et Concile de Constantinople (681), qui était un concile œcuménique.
qu’une nouvelle ère a commencé. 135. Par ex. Timothy George, « The Blessed Virgin Mary in
Evangelical Perspective »,dans Carl E. Braaten and Robert W.
Jenson (éd.), Mary, the Mother of God (Grand Rapids, Wm. B.
131. CEC 411. Eerdmans Pub. Co. , 2004), pp.100-121.
50
« Mère du Seigneur » en ce sens qu’elle est la mère rédemption singulier qui a consisté à la « préserver » du
humaine du Fils de Dieu incarné. Appeler Marie péché originel, plutôt que d’effacer ce péché en elle
« Mère de Dieu » n’implique pas que Marie soit après qu’elle en ait hérité. Ils croient que depuis le pre-
divine ou qu’elle soit la source de la nature divine mier instant de sa vie, en vertu d’une grâce singulière de
du Christ, et moins encore qu’elle soit la Mère de Dieu, Marie a été préservée de toute atteinte du péché
Dieu le Père ou de Dieu la Sainte Trinité. originel par l’anticipation des mérites de Jésus Christ, le
144. Toute tentative pour comprendre le Christ in- Sauveur du genre humain. Tel est le dogme de
dépendamment du mystère de l’incarnation dans le sein l’Immaculée Conception. D’après une interprétation
de Marie débouche sur une christologie tronquée. Le erronée de l’enseignement catholique soutenue par de
seul et unique Seigneur Jésus Christ, qui est « de la nombreux non-catholiques, l’Immaculée Conception
même substance » que le Père dans sa divinité, est aussi garantirait l’absence de péché de Jésus ou sa libération
« de la même substance » que nous dans son humanité subséquente du péché originel lors de sa naissance de
136 de par sa naissance de la Vierge Marie theotokos. Marie. Comprise correctement, cette doctrine enseigne
Parce que l’enfant auquel Marie a donné naissance est l’absence de péché de Marie : en ayant été conçue im-
vraiment le Fils de Dieu fait homme, Marie est vrai- maculée, Marie a été préparée par la grâce à donner sa
ment la « Mère de Dieu ». Cet enseignement a été af- réponse, son « oui » à Dieu, dans une liberté parfaite au
firmé au concile d’Éphèse en 431, et confirmé ensuite moment de l’Annonciation.
par le concile de Chalcédoine en 451. La doctrine selon laquelle Marie a été préservée du
145. Alors qu’aux yeux des baptistes, les credo des péché originel, la doctrine de l’Immaculée Conception,
quatre premiers conciles œcuméniques sont des résu- a été définie solennellement par Pie IX en 1854 comme
més fiables de ce qu’enseigne l’Écriture, il n’en va pas vérité révélée après plusieurs siècles de controverses138.
de même pour d’autres déclarations post-bibliques qui, Cette définition papale, loin d’imposer une nouvelle
selon eux, n’ont pas la même autorité que l’Écriture doctrine, entendait seulement confirmer que la
pour tous les croyants et pour les périodes postérieures croyance en Marie « toute sainte » appartient à la tradi-
de la vie de l’Église. C’est pourquoi ils ne se sentent pas tion apostolique et a été révélée par Dieu. Les catho-
obligés d’utiliser le titre de theotokos. En fait, ils utilisent liques affirment que cette doctrine a un fondement
rarement l’expression « Mère de Dieu » dans leurs pré- néotestamentaire en Luc 1, 28-30 où l’Ange s’adresse à
dications et dans leurs prières, estimant qu’elle peut Marie en l’appelant kecharitomene, « comblée de grâce »,
prêter à des malentendus. C’est pour cette raison que une expression qui se réfère à une condition existante
bon nombre de baptistes expriment des réserves sur et qui peut être entendue comme « pleine de grâce ». Ils
cette expression, mais pas sur la doctrine qu’elle re- trouvent une autre confirmation dans le salut
couvre. Les catholiques, quant à eux, appellent com- d’Élisabeth en Luc 1, 42, qui dit que Marie est « bénie
munément Marie « Mère de Dieu », notamment dans la entre toutes les femmes ». La préservation de Marie du
prière du « Je vous salue Marie ». Les théologiens ca- péché originel est attribuée entièrement aux mérites du
tholiques considèrent généralement l’identification de Christ (Lc 1, 47) qui partage avec elle sa victoire sur le
Marie comme theotokos comme le « principe fonda- péché en empêchant que la « souillure » du péché
mental » d’où découlent les autres doctrines mariales. d’Adam ne l’atteigne. Elle est considérée comme
Ainsi, la doctrine de sa virginité perpétuelle signifie sa « l’élue » de Dieu en vertu d’une grâce prédestinante
consécration totale, corps et âme, au rôle de theotokos, (Rm 8, 29 et Ep 1, 4) accordée en vue de sa vocation de
l’Immaculée Conception est sa préparation à ce rôle, et theotokos. Cette doctrine a un caractère doxologique :
son Assomption glorieuse en est la conséquence lo- elle loue le don gratuit de Dieu en vertu duquel Marie a
gique et juste. pu coopérer librement à son plan de salut139.
146. Parmi toutes les femmes de la Bible, Marie Les catholiques affirment que la sainteté de Marie
a été appelée à remplir un rôle spécial dans le plan comporte non seulement sa libération du péché origi-
de salut, mais comme tout chrétien, elle a été élue, nel, mais aussi sa libération du péché personnel. La li-
justifiée et sanctifiée par la grâce de Dieu (Rm 8,
29-30). Comme le dit l’Écriture : « Il n’y a qu’un 138. Quelques grands théologiens de l’Église latine (saint Augustin,
seul Dieu, un seul médiateur aussi entre Dieu et saint Bernard et saint Thomas d’Aquin) ont objecté que la notion
les hommes, un homme : Christ Jésus qui s’est d’Immaculée Conception n’était pas conciliable avec la foi au Christ
donné en rançon pour tous » (1 Tm 2,5-6). Tous comme Médiateur universel. Saint Thomas d’Aquin, par exemple,
ont besoin d’être rachetés par le Christ. Marie a été pensait que Marie avait dû été touchée par le péché originel avant
d’être sanctifiée. Le bienheureux Jean Duns Scot répondit à cette
rachetée, elle aussi, par le Christ, son Sauveur (Lc objection en avançant l’idée de sa rédemption par « préservation ».
1, 47). Il disait que le Christ, Médiateur parfait, était capable d’un acte de
médiation parfait, c’est-à-dire d’éviter qu’une âme soit touchée par
147. Ensemble, catholiques et baptistes croient que le péché originel dès le premier instant. Cette intuition spéculative
Marie a été rachetée par le Christ137 selon un mode de ouvrit la voie à la reconnaissance formelle de la croyance en
l’Immaculée Conception de Marie, une croyance fermement
soutenue par les catholiques, entretenue par la célébration annuelle
136. Concile de Chalcédoine (451), « Définition de la foi », cité dans de la fête liturgique de la Conception de Marie et par la piété des
Tanner, Decrees, p. 86. fidèles catholiques (sensus fidelium).
137. CEC 491-2. 139. CEC 511.
51
bération de Marie du péché personnel en vertu de sa personne de la vie ressuscitée promise à ceux qui se
coopération librement consentie avec la grâce divine sont endormis dans le Seigneur (Rm 8, 30 ; 1 Co 15, 51-
fut affirmée d’abord contre ceux qui soutenaient qu’elle 57). Les catholiques citent Genèse 3, 15 qui dit que le
devait avoir quelque péché pour lequel Jésus était mort. Messie vaincra le péché et la mort, confiants que le
À partir de la fin du IVe siècle, alors que la dévotion Christ a partagé avec sa mère sa victoire sur la mort.
mariale se répandait, elle fut appelée communément Les baptistes, pour leur part, ne trouvent aucun fon-
Mère « toute sainte » de Dieu, et un consensus se fit sur dement biblique ou historique à la croyance en
sa préservation du péché personnel140. l’Assomption de Marie dans son corps, qui implique
148. Les baptistes ne voient aucune raison de croire que Marie ferait exception parmi les disciples du Christ
que Marie a été sans péché, c’est-à-dire préservée du en étant glorifiée avant la fin des temps. Comme pour
péché personnel et du péché originel. Citant les paroles l’enseignement sur l’Immaculée Conception, la défini-
de l’apôtre Paul : « Tous ont péché, sont privés de la tion dogmatique de l’Assomption de Marie dans son
gloire de Dieu » (Rm 3, 23), ils ne voient pas pourquoi corps souligne que nos deux communautés ont des
elle devrait être considérée comme une exception. La points de vue différents sur le rapport entre Écriture et
seule personne dont il est dit dans l’Écriture qu’elle est Tradition.
sans péché est Jésus (He 4, 15). Lui seul est parfaite- 150. Par son écoute confiante et son obéissance
ment saint, innocent, sans tache, séparé des pécheurs. à la Parole de Dieu, Marie est un modèle pour
D’après la Bible, aucun autre être humain ne peut se chaque disciple. Les chrétiens ordinaires voient en
dire tel (Jn 8, 46 ; Rm 5, 12 ; 1 Co 15, 22 ; 2 Co 5,21 ; Ep elle la première disciple du Nouveau Testament.
2, 3). Les baptistes ne trouvent aucun fondement bi- 151. Baptistes et catholiques s’accordent à dire que
blique à la croyance dans l’Immaculée Conception de Marie est un membre de l’Église et un modèle pour
Marie, et ils se demandent comment elle aurait pu être chaque disciple142. Marie a écouté la Parole de Dieu ;
pardonnée et rachetée, tout en n’ayant jamais péché. elle a dit « oui » à l’Annonciation ; elle a grandi dans la
Pour eux, Marie a été l’objet de l’élection gratuite de foi au cours de sa vie de disciple itinérant ; elle a été
Dieu en Christ, et elle a été préparée de façon spéciale à présente avec d’autres au pied de la croix ; l’Esprit Saint
devenir la mère du Seigneur. Ils disent que Luc 1, 28 ne l’a couverte de son ombre avant la naissance du Christ,
parle pas de la conception de Marie, et que le participe et elle a reçu le don de l’Esprit au Cénacle à la
parfait passif kecharitomene est mieux rendu par Pentecôte. L’image de Marie Mère des douleurs (Lc 2,
l’expression « hautement favorisée », indiquant la grâce 35 ; Jn 19, 25-27) inspire les disciples baptistes et ca-
et la faveur de Dieu envers Marie. Cette faveur est une tholiques qui vivent la souffrance et le deuil.
« condition préexistante », en ce sens qu’elle a été choi-
sie par Dieu, un choix qui s’est manifesté par la venue 152. La doctrine catholique fait de Marie un modèle
de l’Esprit Saint qui l’a couverte de son ombre (Lc 1, pour tous les disciples, en voyant en elle en particulier –
35). C’est ainsi que Marie, uniquement par la grâce di- en tant que vierge, servante et mère – l’archétype de la
vine, a conçu et porté le Fils de Dieu. Les baptistes re- dignité personnelle de la femme143. Marie de Nazareth
connaissent que l’enseignement catholique sur est « bénie entre toutes les femmes », parce que Dieu
l’Immaculée Conception a été controversé au cours des lui a confié son Fils, en inaugurant la Nouvelle Alliance
siècles et qu’il n’a été défini comme dogme qu’en 1854. par son consentement libre et actif144. Par la grâce de
Ils reconnaissent aussi que cet enseignement a été mal l’Esprit Saint, Marie s’est livrée à Dieu sans réserve,
interprété par les non-catholiques (voir n. 147), et que dans la foi, en coopérant généreusement à la mission
les malentendus doivent être dissipés. Mais comme rédemptrice de son Fils. Et parce que « toutes les géné-
beaucoup d’autres chrétiens, ils pensent que cet ensei- rations » la diront « bienheureuse », Marie est un mo-
gnement rend plus difficile pour les disciples chrétiens dèle pour les femmes de notre temps qui vivent dans
de voir en Marie un modèle dont la foi et la confiance des circonstances nouvelles145.
ont grandi dans des conditions humaines normales. 153. Que ce soit chez les baptistes ou chez les ca-
149. Les catholiques croient que la rédemption de tholiques, certains contestent cependant la façon dont
Marie a déjà eu lieu. Le dogme de l’Assomption, solen- Marie est présentée aux femmes comme modèle de la
nellement défini par le pape Pie XII en 1950, dit que disciple. Ils s’élèvent contre ce qu’ils perçoivent comme
Christ le Seigneur a pris sa mère avec lui, corps et âme, une insistance trop marquée sur sa virginité et sa ma-
dans la gloire céleste, à la fin de sa vie terrestre141. Cette ternité, à l’exclusion des autres aspects de sa vie de dis-
croyance, commémorée dans la liturgie de l’Église de- ciple. Ils craignent que l’accent mis sur la virginité per-
puis la fin du VIe siècle, ne se fonde pas sur des faits pétuelle de Marie puisse conduire (souvent de façon
attestés par les Écritures. Elle naît plutôt du sensus non intentionnelle) à une dévalorisation de la sexualité
fidelium et célèbre la croyance confiante que, par la grâce
de Dieu, la Theotokos, dont la chair a donné au Fils de 142. Voir Marie, Comité mixte baptiste-catholique en France, n. 63.
Dieu son humanité, jouit dès maintenant dans toute sa 143. Jean-Paul II, Lettre Apostolique, Mulieris Dignitatem, 15 août
1988, 5.
144. Jean-Paul II, Lettre Encyclique, Redemptoris Mater, 25 mars
1987, 46 ; Mulieris Dignitatem 11.
140. CEC 493. 145. Paul VI, Exhortation Apostolique, Marialis Cultus, 2 février
141. CEC 966. 1974, 37.
52
et des passions humaines vues comme intrinsèquement des saints. Le « Magnificat », cantique prophé-
coupables, et que l’insistance sur la vocation de mère tique de Marie (Lc 1,46-55), exprime le chant de
des femmes ait pour effet d’écarter les femmes des louange et d’action de grâce de l’Église à son
rôles exercés par les hommes dans l’Église et dans la Sauveur, son amour préférentiel pour les pauvres
société. D’autres images empruntées à l’Écriture et les démunis, et sa mission d’établir le règne de
peuvent être citées pour réfuter cette tendance, comme justice de Dieu.
celle de Marie prophète et libératrice dépeinte dans le 157. Les catholiques ne prient pas seulement « avec
« Magnificat », qui prend toute sa signification dans les Marie et tous les saints », ils prient aussi Marie en lui
situations d’oppression. Récemment, les évêques ca- demandant d’intercéder pour eux. Ils reconnaissent que
tholiques d’Océanie ont proclamé Marie « Notre-Dame Marie occupe une place prééminente dans la commu-
de la Paix », car « en Jésus, qu’elle a porté dans son sein, nion des saints. Ils voient en elle leur Mère dans l’ordre
est né un monde nouveau où la justice rejoint la miséri- de la grâce (Jn 19, 26-27), qui intercède pour eux auprès
corde, un monde de liberté et de paix »146. de son Fils comme elle a un jour intercédé auprès de lui
154. Marie n’est pas seulement un membre de aux Noces de Cana (Jn 2, 3-5)151. Toutefois la dévotion
l’Église du Christ, elle en est aussi une figure re- spéciale qu’ils lui vouent « diffère essentiellement » du
présentative, ayant été choisie spécialement pour culte qu’ils rendent à Dieu, Père, Fils et Esprit Saint152.
rendre témoignage au Seigneur. Sa présence fidèle Lorsqu’ils invoquent Marie dans la prière, d’après une
au pied de la croix, avec d’autres disciples, repré- très ancienne tradition de l’Église, c’est pour demander
sente la fidélité de l’Église. son intercession maternelle auprès de son Fils en leur
155. Les catholiques voient en Marie « la Mère des faveur.
membres du Christ, ayant coopéré par sa charité à la 158. Les baptistes n’attribuent pas cette préémi-
naissance de l’Église des fidèles ». Elle est pour eux un nence à Marie, pour éviter qu’elle ne fasse de l’ombre à
modèle « dans l’ordre de la foi, de la charité et de la l’unique gloire et intercession du Christ. Ils
parfaite union au Christ »147. En tant que « vierge », reconnaissent que Marie est présente avec Jésus et tous
l’Église garde entière et pure la fidélité qu’elle a promise les saints dans la gloire, et peuvent donc prier « avec »
à son Époux. En tant que « mère », l’Église coopère à la elle, mais ils ne demandent pas son intercession (ni
nouvelle naissance et à la formation spirituelle de ses celle d’aucun autre saint)153, étant convaincus qu’ils
fils et ses filles. Marie est appelée aussi « Mère de peuvent s’avancer directement « avec pleine assurance
l’Église » parce que son rapport maternel avec le Christ, vers le trône de la grâce, afin d’obtenir miséricorde et
sa Tête, s’étend à ses frères et ses sœurs (Rm 8, 29), de trouver grâce, pour être aidés en temps voulu » (He
membres de son corps148. Les baptistes reconnaissent 4, 16).
le rôle exceptionnel de Marie dans l’Église du Christ, 159. Parce que Marie a toujours témoigné le
car elle seule a été appelée à participer au plan de Dieu Christ, les représentations de Marie vénérées dans
en tant que Mère du « Verbe fait chair », ce qui lui les cultures particulières doivent être conformes à
donne une place unique dans la venue du Rédempteur l’Évangile, comme la norme centrée sur le Christ
dans le monde149. Toutefois, ils préfèrent dire que dont atteste l’Écriture.
Marie, modèle des disciples, est une figure représentative
de l’Église, plutôt que la « mère de l’Église »150. 160. L’Évangile étant toujours reçu dans un lieu et
un temps déterminés, il prend nécessairement forme
156. La prière des chrétiens participe toujours dans une variété de cultures, de langues et de pratiques
de l’intercession du Christ comme Fils au Père (1 spirituelles. Comme d’autres éléments de l’Évangile,
Jn 2,1) dont toute sa vie est l’exemple et qui conti- Marie est reçue dans des contextes culturels différents.
nue dans son exaltation (He 7, 25). Pour l’Apôtre C’est déjà évident dans les Évangiles où Marie est dé-
Paul, nous disons « Amen » à Dieu par le Christ (2 crite comme une « Fille de Sion », une image tirée de
Co 1,20) et nous prions le Père par le Fils dans l’Ancien Testament. Pour les catholiques, les diverses
l’Esprit Saint ; nous le faisons en compagnie de « lectures » de Marie, fondées sur l’Écriture et élaborées
tous les saints qui prient avec le Christ, ceux qui par des cultures particulières, peuvent aider les disciples
sont vivants et ceux qui ont quitté ce monde avant chrétiens à grandir dans la sainteté, à condition qu’elles
nous. Ainsi, l’Église prie avec Marie (Ac 1, 14) et soient conformes à la norme de la Révélation telle
apprend à prier comme Marie dans la communion qu’elle est reconnue dans toute l’Église. La dévotion à
Marie dans la piété populaire est souvent concentrée
146. Jean-Paul II, Exhortation Apostolique, Ecclesia in Oceania, 22 sur une apparition, une icône ou une statue, conçues
novembre 2001. comme une expression de la sollicitude providentielle
147. Lumen Gentium 63. de Dieu pour le peuple d’un lieu particulier, avec un
148. CEC 963-70.
149. Cf. Propositions and Conclusions Concerning True Christian Religion, titre qui reflète l’expérience de ce peuple (comme la
Containing a Confession of Faith of Certain English People, Living at
Amsterdam [Baptistes Généraux] (1612), 31, dans Lumpkin (éd.),
Baptist Confessions, pp. 124-142 ; Confession of Faith (Londres 1677),
VIII.1-2. 151. CEC 2618.
150. Ainsi les baptistes français dans Marie, Comité mixte baptiste- 152. Lumen Gentium 66 ; CEC 971.
catholique en France, n. 59. 153. Orthodox Creed (Londres 1679), XLI.
53
« Vierge de Guadalupe » ou la « Vierge Noire » de blées par la volonté du Christ et vivent de son Esprit
Czestochowa). qui les habite. Leur origine ne dépend pas en premier
L’Église Catholique enseigne que Marie est toujours lieu de la volonté humaine »156. Pour les baptistes, le
un témoin du Christ ; elle reconnaît qu’une dévotion Christ crée ainsi la koinonia dans l’Église sur laquelle il a
exagérée à Marie peut faire passer au second plan la autorité. Cette autorité est discernée dans les réunions
centralité du Christ, surtout lorsque cette piété popu- ecclésiales où les croyants cherchent ensemble la pen-
laire est séparée de la liturgie154. Elle dispose de normes sée du Christ. L’episkopè découle de la koinonia : en-
pour déterminer l’authenticité des apparitions et pour semble, le Christ et la communauté – le Christ appe-
établir si les pratiques locales et les attitudes associées à lant, la communauté se mettant à l’écoute de son appel
la dévotion mariale sont conformes ou non à la doc- – désignent celui qui doit exercer la surveillance per-
trine et au culte catholiques. Aucune apparition de sonnelle (episkopè). Ce sont « les dirigeants nommés par
Marie à un individu ne peut être considérée par elle- le Christ… pour l’administration des ordonnances et la
même comme garantissant une communication de mise en exécution du pouvoir ou du devoir qu’il leur
l’Évangile. confie »157, un office « qui doit être continué jusqu’à la
fin du monde »158.
161. Lorsqu’ils soumettent les représentations de
Marie à la critique de l’Évangile, les baptistes contestent 164. Pour les catholiques, tout ministère ecclésial est
généralement l’utilité pour la foi des apparitions mariales, appelé à continuer le ministère du Christ dans son
craignant qu’elles ne renforcent ce qu’ils perçoivent Église. Par la proclamation de l’Évangile et par la célé-
comme des tendances culturelles oppressives, voire bration des sacrements, les ministres ordonnés, agissant
même idolâtres. Certains baptistes pensent cependant au nom du Christ, nourrissent et soutiennent le peuple
qu’utilisées avec discernement, les images de Marie, et de Dieu. Fondée sur l’unique Évangile et sur l’unique
l’art religieux en général sur d’autres sujets, peuvent Eucharistie, l’Église du Christ est gardée dans l’unité
être un soutien pour la dévotion à Dieu. D’autres pré- dans un unique corps. La doctrine catholique enseigne
fèrent éviter toute représentation de Marie en raison de que le « ministère épiscopal » est exercé par les évêques,
ce qu’ils perçoivent comme le risque de rendre à Marie ordonnés dans la succession apostolique. Leur minis-
un culte dû uniquement au Christ. Ce qui précède tère découle de la mission confiée par le Christ aux
montre toutefois que les baptistes reconnaissent que Apôtres : « La mission divine confiée par le Christ aux
Marie, telle qu’elle apparaît dans la Bible, doit être ho- Apôtres est destinée à durer jusqu’à la fin des siècles
norée par tous les chrétiens qui trouvent un modèle (cf. Mt 28, 20), étant donné que l’Évangile qu’ils
dans sa vie de disciple. doivent transmettre est pour l’Église principe de toute
sa vie, pour toute la durée du temps. C’est pourquoi les
Apôtres prirent soin d’instituer, dans cette société hié-
VI. LE MINISTÈRE DE SURVEILLANCE (EPISKOPÈ) ET rarchiquement ordonnée, des successeurs »159.
D’UNITÉ DANS LA VIE DE L’ÉGLISE
165. L’episkopè (surveillance) est un don du
162. Le Christ est la Tête de l’Église, son fon- Christ à l’Église en vue du ministère de tout le
dateur, son créateur et sa pierre d’angle. L’Église peuple de Dieu. Le Christ appelle tout le peuple de
doit au Christ son existence même, et il demeure Dieu à partager son ministère de prophète, de
son « berger et son gardien (episkopos) » (1 P 2, prêtre et de roi. L’episkopè attribuée à certains est
25). Il nourrit et soutient son Église dans la pro- un don du Christ, pour permettre au corps du
clamation de l’Évangile et dans la célébration des Christ tout entier d’accomplir les tâches du mi-
sacrements/ordonnances. Par ces moyens, par la nistère (Ep 4, 11-13).
puissance de l’Esprit Saint, la communauté ecclé- 166. Dans la doctrine catholique, l’expression « ins-
siale grandit dans sa communion avec Dieu le titution divine » a été utilisée pour indiquer que le
Père, le Fils et le Saint-Esprit. Christ a donné à son Église, en la personne des apôtres
163. Les baptistes parlent du « gouvernement du qu’il s’est choisis, un ministère sacramentel ordonné au
Christ » dans la communauté locale de l’Église. Cette moyen duquel il veut continuer de guider le troupeau
dernière se considère comme née du Christ et vivant dont il est l’unique Pasteur (cf. Jn 10, 11,16). Cette
dans l’alliance avec Dieu et entre ses membres. D’après doctrine a été réaffirmée par Vatican II : « Les évêques,
la seconde Confession de Londres de 1677 (Baptistes en vertu de l’institution divine, succèdent aux Apôtres,
particuliers), les membres de l’Église sont ceux à qui le comme pasteurs de l’Église »160. Leur ministère est un
Christ « commande de marcher ensemble dans des don essentiel du Christ à l’Église. Les catholiques disent
groupements particuliers ou églises », et qui que la plénitude du sacrement de l’Ordre est conférée
« consentent librement à marcher ensemble selon
l’ordre du Christ »155. Une déclaration plus récente des
156. Dans The Baptist Doctrine of the Church (1948),dansHayden (Ed),
baptistes sur l’Église dit que « ces Églises sont rassem- Baptist Union Documents 1948-1977 (Londres, Baptist Historical
Society, 1980), p. 6. Traduction française du traducteur.
157. Confession de foi (Londres 1644), XXXVI.
154. Voir Lumen Gentium 60, 66, 67 ; Paul VI, Marialis Cultus, 23-26, 158. Confession de foi (Londres 1677), XXVI.8.
31. 159. Lumen Gentium 20.
155. Confession de foi (Londres 1677), XXVI.5-6. 160. Lumen Gentium 20.
54
aux évêques par la consécration épiscopale161. Le de disciples (les « Douze »), chargés par le Christ de
ministère ordonné a été voulu par le Christ pour servir continuer son ministère (Mt 28, 16-20 ; Mc 16, 14-20 ;
tout le peuple sacerdotal de Dieu (cf. 1 P 2, 9). Ainsi, Lc 24, 36-51 ; Jn 20, 21). Plus tard, nous trouvons un
pour les catholiques, même s’il existe « une différence groupe plus nombreux d’« Apôtres » appelés par le
essentielle et non seulement de degré » entre le sacer- Christ ressuscité durant ses apparitions. Enfin, ces der-
doce ministériel et le sacerdoce commun des fidèles, niers s’efforcent d’assurer la continuité du ministère
« l’un et l’autre, chacun selon son mode propre, avec d’autres, qui ont été « séparés » par eux. Dans le
participent de l’unique sacerdoce du Christ »162. Nouveau Testament nous assistons à la nomination
167. Les baptistes affirment que, par leur union au d’episkopoi (évêques) et de presbyteroi (anciens), ces deux
Christ, ils partagent le « sacerdoce de tous les termes étant utilisés de façon quasiment interchan-
croyants », ce qui signifie que l’Église tout entière est geable (Ph 1, 1 ; Ac 20, 17, 28 ; Tt 1, 5,7 ; 1 P 5, 1-5),
un sacerdoce qui offre à Dieu des sacrifices d’action de qui exercent leur ministère dans l’Église aux côtés des
grâce et de service163. Cette croyance est assez proche diakonoi (diacres ou serviteurs pastoraux). Ces « of-
de la notion de « sacerdoce commun » des catholiques. fices » ou ministères ont été établis pour guider et servir
Pour les baptistes, le sacerdoce de l’Église tout entière la communauté, et surtout pour la garder et lui trans-
inclut explicitement la tâche confiée à toute la commu- mettre le « dépôt » de la foi (1 Tm 1, 14).
nauté de « veiller les uns sur les autres dans l’amour », 170. Les catholiques voient dans ces textes néotes-
une forme d’e164 communautaire. Cependant les tamentaires une confirmation de leur conception des
Confessions des premiers baptistes parlaient aussi d’un origines et du développement du ministère ordonné
episkopè personnelle, créée par le Christ sous la forme sous sa triple forme : évêques, presbytres et diacres.
d’« offices » dans son Église pour ceux qui sont appelés Dans les descriptions postérieures, nous voyons que les
et désignés afin de « surveiller » la communauté ou de Apôtres établissent des presbytres ou episkopoi dans les
« veiller sur les âmes »165. L’une des caractéristiques de Églises au moyen de l’imposition des mains (Ac 14, 23,
l’ecclésiologie congrégationaliste baptiste est de ne pas Tt 1, 5-7) et confient la tradition des enseignements de
chercher à donner une définition juridique ou cano- l’Évangile à des hommes dignes de confiance (1 Tm 1,
nique des pouvoirs respectifs des ministres et de toute 3-7, 2 Tm 4, 1-5). Selon le point de vue catholique,
l’assemblée, mais de considérer leur rapport comme après la mort des premiers Apôtres, confrontées aux
une question de confiance et d’obéissance mutuelle au risques d’hérésies et de schismes, les communautés
gouvernement du Christ. Voici comment l’une des chrétiennes ont considéré ces hommes dignes de con-
toutes premières Confessions baptistes définissait ces fiance comme les gardiens de la tradition apostolique,
deux formes d’episkopè : en leur reconnaissant l’autorité de prendre des déci-
sions.
Afin de garantir la sainteté et l’ordre dans la
communion de l’Église, Christ place certains Les traits saillants de la succession dans le triple mi-
hommes spécialement choisis à la tête de celle-ci, nistère des évêques, presbytres et diacres ont été re-
leur confiant la charge de gouverner, de surveiller, connus par l’Église dans les premiers siècles, comme en
de visiter, et d’être vigilants de même, pour que tous témoignent les écrits des Pères de l’Église tels que
les membres, chacun à sa place, soient bien gardés, Clément de Rome, Ignace d’Antioche, Irénée de Lyon,
il confie à tous l’autorité et le devoir de veiller les Tertullien, et Cyprien de Carthage. Pour les catholiques,
uns sur les autres166. c’est une mise en application fidèle, sous la conduite de
l’Esprit Saint, de ce qui se trouvait en germe dans
168. Nos modèles différents d’episkopè se l’Écriture167. Alors que toute communauté transmet la
veulent fidèles à l’Écriture et à la tradition aposto- tradition apostolique, cette même communauté a dis-
lique. cerné que le Christ avait établi le ministère épiscopal
169. Dans le Nouveau Testament, nous pouvons
discerner une grande variété de formes et de modèles
de ministère, tantôt « charismatiques », tantôt plus « or- 167. Voici ce qu’a reconnu le dialogue entre luthériens et
donnés ». Nous trouvons d’abord le cercle rapproché catholiques : « … Le Nouveau Testament présente une grande
variété de ministères et de charismes, ainsi que des formes et des
concepts de ministères qui sont différents mais tendent à se
chevaucher entre eux. Avec la prudence qui s’impose, on peut
161. Lumen Gentium 21. distinguer des lignes de développement dans le Nouveau
162. Lumen Gentium 10. Testament. La façon dont ces développements sont discernés et
163. Voir Confession de foi (Londres 1644), XVII : « un sacerdoce évalués n’est pas indépendante de la façon dont on considère
parfait ». Pour les déclarations plus récentes, voir We Baptists, pp. l’évolution historique postérieure du ministère. La structure des
28-9. trois ministères dans l’Église primitive n’est pas attestée comme
164. Le verbe « watch over » (surveiller), que l’on trouve dans les telle dans le Nouveau New Testament. Elle est apparue à la suite du
premières confessions baptistes de Grande-Bretagne, forme développement des offices dont parle le Nouveau Testament, qui
anglaise du latin episkopèin, est synonyme du verbe « oversee ». ont été ensuite réunis selon une configuration particulière. Le
165. Confession de foi (Londres 1677), XXVI.10. développement de l’office du ministre dans l’Église primitive est
166. Confession de foi (1644), XLIV. Cette formulation est une forme spécifique de réception du témoignage du Nouveau
pratiquement identique à celle de l’article 26 de la Confessions des Testament sur les ministères et les charismes efficaces dans l’Église
séparatistes A True Confession (1596),dans Lumpkin (éd.), Baptist des Apôtres ». L’apostolicité de l’Église (2007) 169. Traduction du
Confessions, p. 90. traducteur.
55
dans la succession des apôtres comme moyen sûr pour l’episkopè pastorale invoquent généralement le fait que
garantir la fidélité à cette tradition. Les trois degrés du Jésus et ses apôtres étaient des hommes et se basent le
ministère sacerdotal ont existé dans toutes les Églises plus souvent sur une interprétation particulière des pas-
d’Orient et d’Occident jusqu’au moment de la sages du Nouveau Testament qui parlent de la place
Réforme, et ils existent encore de nos jours dans les des femmes dans l’Église (1 Co 11, 2-16, 14, 34-35 ; 1
communautés catholique, anglicane et orthodoxe. Ca- Tm 2, 8-15). Ceux qui sont favorables à l’ordination des
tholiques et orthodoxes ont également établi que, selon femmes disent que, puisqu’en Christ « il n’y a plus
le dessein de Dieu, seuls les hommes peuvent être or- l’homme et la femme car tous, vous n’êtes qu’un en
donnés à la prêtrise, en s’appuyant sur un très fort té- Jésus Christ » (Ga 3, 28), tout chrétien baptisé peut être
moignage commun de la Tradition. appelé à guider une congrégation et à veiller sur elle. Ils
La confiance des catholiques dans la fidélité absolue affirment en outre que l’Esprit Saint accorde ses dons
de l’Église à la tradition apostolique n’implique pas que gratuitement et librement aux femmes comme aux
ses dirigeants ne puissent faillir quelquefois dans leur hommes (1 Co 12, 4-11). Ils considèrent que
ministère, ni que l’Église soit toujours à l’abri de la né- l’association de ces dons avec le ministère ordonné
cessité d’un renouvellement ou d’une réforme. Car s’appuie sur les nombreuses références néotestamen-
« pour que nous puissions nous renouveler en lui sans taires à la direction spirituelle des femmes (par ex. Rm
cesse (cf. Ep 4, 23), il nous fait part de son Esprit qui, 16, 1-3,7 ; Ac 18, 24-8).
unique et présent, [est] identique à lui-même dans la Le XXe siècle a connu de grands débats, au sein de
tête et dans les membres (in capite et in membris) »168. la famille chrétienne, sur la question de l’ordination des
L’Église reconnaît que, étant formée de membres pé- femmes. L’Église Catholique n’ordonne pas les
cheurs, elle « est à la fois sainte et toujours appelée à se femmes, suivant une pratique constante de l’Église.
purifier, poursuivant constamment son effort de péni- Jean-Paul II a déclaré que « l’Église n’a en aucune ma-
tence et de renouvellement »169. nière le pouvoir de conférer l’ordination sacerdotale à
171. Les baptistes voient généralement dans ces des femmes » (Ordinatio sacerdotalis 4, 1994). L’Église
mêmes textes scripturaux (n. 169) une confirmation de Catholique enseigne que Jésus a établi la prêtrise en
leur vision du double ministère. Ils croient que le mo- choisissant douze hommes dans son groupe de dis-
dèle des anciens ou évêques (les offices de presbyteroi et ciples composé d’hommes et de femmes. Jean-Paul II
d’episkopoi étant en fait pratiquement confondus dans souligne que Jésus a choisi les Douze après avoir passé
l’Église primitive) et celui des diakonoi s’exprime dans une nuit en prière (cf. Lc 6,12) et que les Apôtres eux-
les deux offices du pasteur et du diacre170. C’est pour- mêmes ont soigneusement choisi leurs successeurs. Ces
quoi les premiers baptistes appelaient le pasteur or- hommes n’ont pas seulement reçu une fonction sus-
donné de leur congrégation soit « évêque » soit « an- ceptible d’être exercée ensuite par n’importe quel
membre de l’Église, ils ont été associés spécialement et
cien »171, et les baptistes d’aujourd’hui lui attribuent la
plupart des fonctions de l’« évêque » catholique. Pour intimement à la mission du Verbe incarné lui-même172.
les baptistes, la tradition apostolique consiste principa- 173. L’episkopè est exercée dans l’Église de fa-
lement dans la transmission par les fidèles du témoi- çon personnelle, collégiale et communautaire.
gnage originel à Jésus Christ ; cette continuité réside Loin de s’exclure l’une l’autre, ces diverses moda-
dans toute l’Église et dans ses ministres, par leur témoi- lités s’inscrivent dans un réseau de rapports dy-
gnage fidèle de l’Évangile. Néanmoins, ils voient dans namiques qui, ensemble, configurent le rôle de
les « surveillants » (episkopoi, pasteurs) de l’Église locale l’episkopè dans l’Église.
les héritiers du rôle du ministre apostolique, par leur té- 174. Chez les baptistes, l’episkopè (surveillance) est
moignage fidèle de la Parole de Dieu à travers la prédi- exercée de façon communautaire dans les réunions de
cation et les sacrements/ordonnances, et parce qu’ils l’Église locale, dont les membres nomment le pasteur
représentent l’Église universelle au niveau local. et les diacres à l’issue d’un discernement de l’appel du
172. Sur les femmes pasteurs, les baptistes n’ont pas Christ, afin qu’il « veille sur » le corps avec compétence
le même point de vue que les catholiques. Ceux qui ne et fidélité à la Parole de Dieu. Le pasteur, qui exerce
sont pas favorables à la nomination des femmes pour une episkopè personnelle, travaille collégialement avec
son conseil diaconal, et éventuellement avec d’autres
ministres ordonnés qui font partie de l’équipe des mi-
168. Lumen Gentium 7. nistres. Au-delà de l’Église locale, des structures ayant
169. Lumen Gentium 8. des caractéristiques ecclésiales mettent l’Église locale en
170. Voir Confession de foi courte (Jean Smyth, 1609), (16); Déclaration
de foi (Amsterdam: 1611), 20; Confession de foi (London: 1677), relation avec la communion de foi et de mission plus
XXVI.9. On peut trouver une exception à la structure double vaste : associations régionales, unions nationales et fé-
d’episkopè chez les Baptistes Généraux anglais (Arminiens) du milieu dérations internationales. Dans ces structures, certaines
du XVIIe siècle qui, pendant une courte période, ont eu un triple personnes sont nommées pour exercer une episkopè per-
ministère comprenant des évêques ou « messagers » (figures trans-
locales qui exerçaient leur ministère dans un groupe d’Églises, dont sonnelle qui leur confère une certaine « autorité » dans
le nom a une résonance apostolique), des anciens ou pasteurs, et
des diacres ou surveillants des pauvres. Voir Credo Orthodoxe (1679),
XXXI. 172. Cf. Ordinatio Sacerdotalis n. 2, cf. Mt 10, 1, 7-8 ; 28, 16-20 ; Mc 3,
171. Par ex. Confession de foi (Londres 1677), XXVI.9. 13-16 ; 16, 14-15.
56
leur propre sphère. Ce sont les « ministres régionaux », stable dont la structure et l’autorité se déterminent à
les « directeurs de missions », les « présidents » des partir de la Révélation »176. Les catholiques croient que
unions ou conventions, et enfin les « secrétaires géné- le « collège » des évêques a succédé au « collège » des
raux régionaux de l’Alliance Baptiste Mondiale. Dans Apôtres, une institution voulue par Jésus Christ lui-
certain pays, les baptistes utilisent le terme « évêque »173 même, qui a posé les fondements de ce ministère en
parce qu’il se trouve dans le Nouveau Testament plutôt appelant les Douze. Telle est la base de la croyance des
que pour indiquer une idée de succession aposto- catholiques dans la succession apostolique, selon la-
lique174. Ces episkopoi ne sont pas consacrés dans un quelle les évêques sont les successeurs des apôtres
« troisième ordre » de ministère ; ils sont considérés jusqu’à nos jours.
comme exerçant le même ordre de ministère que 176. L’episkopè est exercée en premier lieu
l’episkopos local (le Pasteur de la congrégation), mais dans l’Église locale ou particulière, mais toujours
avec une sphère de service plus vaste parmi les Églises. en communion avec toute l’Église.
Dans le cadre du double ordre de ministère, leur
episkopè diffère par son but, mais pas par son genre. Ils 177. Pour les catholiques, l’Église particulière est la
exercent également une surveillance commune en portion du peuple de Dieu (diocèse ou éparchie) ras-
union avec les groupements d’Églises plus vastes qui semblée autour de son évêque, qui rend visible la sou-
les ont nommés, et une surveillance collégiale avec les veraineté du Christ en proclamant la Parole, en prési-
autres ministres ordonnés. Tant au niveau local que dant à l’Eucharistie avec ses prêtres et ses diacres, et en
trans-local, leur episkopè est à la fois commune et per- veillant sur son peuple réuni en une seule communauté
sonnelle et se base sur des relations de confiance, sans dans l’Esprit Saint177. Dans chaque Église particulière,
que soit exercée aucune autorité juridique. en pleine communion avec les autres Églises particu-
lières, l’Église Catholique subsiste pleinement, comme
175. Chez les catholiques, l’évêque (episkopos) exerce l’a souligné Jean-Paul II : « Le mystère même de
une episkopè personnelle dans son Église particulière l’Église nous amène à reconnaître que l’Église une,
(c’est-à-dire dans son diocèse ou, pour les Églises sainte, catholique et apostolique est présente dans
orientales, dans son éparchie, comprenant de chaque Église particulière dans le monde entier »178.
nombreuses congrégations locales ou paroisses). En L’évêque n’est pas seulement le point de référence ou
tant que membre du « collège épiscopal » (c’est-à-dire le « principe visible » d’unité179 du diocèse auquel il est
de l’ensemble des évêques en communion avec assigné ; il est aussi un membre du collège des évêques.
l’Évêque de Rome), il veille sur l’Église universelle dans Par sa collaboration active avec les autres évêques, il est
le cadre d’une episkopè collégiale, qui trouve son au service du lien d’unité entre son Église locale et
expression la plus pleine dans les conciles toutes les autres Églises locales qui forment l’Église
œcuméniques. Dans son Église particulière (diocèse), tout entière. Dans la paroisse, le prêtre représente son
l’évêque gouverne en collaboration avec son conseil évêque, et c’est ce lien qui rend visible l’unique Église.
presbytéral, son conseil pastoral, son conseil
économique, ainsi qu’avec d’autres instances consulta- 178. Pour les baptistes comme pour les catholiques,
tives auxquelles participent des laïcs ; il y a là quelques le Christ rassemble l’Église (pour les catholiques
analogies avec la collégialité175. L’évêque exerce son l’Église « particulière », pour les baptistes la congréga-
episkopè dans la communauté plutôt que sur elle, dans tion locale) par la prédication de la Parole et par la cé-
ce qui pourrait être considéré comme une sorte lébration des sacrements/ordonnances180. Pour les
d’episkopè commune, à cette différence près qu’elle baptistes, il la rassemble aussi à travers l’episkopè per-
exerce aussi une autorité juridique. sonnelle de ceux qui ont été désignés par la commu-
nauté, qui reconnaît leur appel et confirme leurs dons
Le Concile Vatican II a beaucoup insisté sur la spirituels. La majorité des baptistes croient que le mi-
« collégialité » des évêques. On peut dire que depuis le nistre d’une Église locale est un ministre de l’Église en
début, la vie ecclésiale a été « collégiale » dans un général (c’est-à-dire un ministre de l’Église universelle
double sens : d’une part, parce que la vie interne de de Jésus Christ), et qu’il ou elle représente l’Église uni-
chaque Église locale se caractérisait par le dialogue et la verselle auprès de la congrégation locale. La congréga-
collaboration ; de l’autre, parce que dans les rapports tion locale est pleinement l’Église, mais n’est pas toute
entre les diverses Églises locales, la solidarité et le par- l’Église181. Le lien avec l’Église tout entière – que ce
tage étaient la norme. Le mot « collège » renvoie, dans soit entre les Églises baptistes ou en une communion
l’enseignement catholique sur les évêques, à « un corps
176. Concile Vatican II, Note explicative préalable 1.
173. Par ex. Russie, Géorgie, Burundi, Moldova, Lettonie 177. Christus Dominus 11 ; Lumen Gentium 21.
174. Un exemple exceptionnel est celui de la Géorgie (Europe) où 178. Jean-Paul II, Rencontre avec les Évêques des États-Unis, Los
les baptistes se font appeler « Église évangélique de Georgie », Angeles, 16 septembre, 1987. Dans ce contexte, le pape utilise aussi
plutôt que « Union », et ont adopté la structure du triple ministère. cet argument pour affirmer que le ministère du Successeur de Pierre
Le responsable baptiste national, appelé « Archevêque », a consacré appartient aussi à l’essence de chaque Église particulière.
quatre évêques pour l’assister et a mis en place un modèle 179. Voir Lumen Gentium 23.
d’« évêque » inspiré des traditions épiscopales de l’orthodoxie et de 180. Confession de foi (Londres 1644), XXXIII; Confession courte
l’anglicanisme. (Londres 1600), XI.
175. Jean-Paul II, Lettre Apostolique, Novo Millennio Ineunte, 6 181. Cf. Déclaration de foi (Amsterdam: 1611), 11-12; Confession de
janvier 2001, 45. foi (Londres 1644), XLVII.
57
avec les autres Églises chrétiennes – est une compo- l’Église. Comme le dit la Seconde Confession de foi de
sante nécessaire de l’Église locale. Les baptistes Londres des baptistes particuliers de 1677 : « Une
peuvent dire avec les catholiques que c’est la commu- Église particulière, rassemblée et complètement organi-
nion avec tout le corps du Christ qui rend l’Église lo- sée selon la pensée du Christ, comprend des officiers et
cale « complète », et de ce point de vue, le Pasteur joue des membres. Les dirigeants nommés par le Christ sont
un rôle essentiel. choisis et désignés par l’église (appelée et rassemblée)
Un rapport de l’Union baptiste de Grande-Bretagne pour l’administration des ordonnances et la mise en
sur les formes de ministère chez les baptistes dit que les exécution du pouvoir ou du devoir qu’il leur confie et
ministres ou pasteurs des Églises locales sont appelés à auxquels il les a appelés. Ceux-là doivent être continués
exercer une surveillance générale sur chaque aspect de jusqu’à la fin du monde : ces officiers sont les évêques,
la vie et du travail de la communauté ecclésiale. C’est ce ou anciens, et les diacres »184. L’Église peut toutefois
qui caractérise la figure de l’episkopos dans l’Église, et exister comme Église, quoique incomplète, sans
qui le distingue de celle des diakonoi, responsables de l’episkopè personnelle d’un ministre qui remplit cet
certains aspects particuliers de la vie de l’Église. Ainsi, office.
le pasteur ou ministre de l’Église locale 181. Les catholiques conviennent que l’episkopè per-
…a une vision d’ensemble sur tout le corps et sur sonnelle est exercée pour le bon ordre de l’Église. Mais
à ce sujet, ils ont aussi autre chose à dire. Le ministère
les dons de chacun de ses membres. Il exerce une
des évêques appartient à la structure sacramentelle (esse)
surveillance générale en aidant chaque membre à
grandir dans l’identité du Christ, Serviteur de tous de l’Église. Par leur consécration épiscopale, ils
les hommes, et à rendre visible autour de lui le reçoivent la plénitude du sacrement de l’Ordre. Ils sont
ministère de réconciliation de Dieu dans le assistés dans leur ministère par les prêtres et les diacres.
Le Christ a ordonné son Église de façon à ce que sa
monde182.
pleine communion soit maintenue par les liens de son
Cette vision d’ensemble et cette surveillance sont unique foi, par sa vie sacramentelle commune et par la
possibles à cause de la perspective apportée par la vie vie fraternelle du peuple de Dieu sous la conduite de
de l’Église universelle. Au cours de leur formation théo- ceux à qui a été confié le ministère épiscopal. Vatican II
logique, les ministres ont acquis une vision et une résume ainsi le rôle de l’évêque dans cet ordre : « Par la
compréhension de la foi de l’Église universelle, et c’est fidèle prédication de l’Évangile (par l’administration des
dans cette perspective que le ministre peut proclamer la sacrements et par le gouvernement dans l’amour), ac-
Parole de Dieu dans la situation locale particulière de complis par les apôtres et leurs successeurs, c’est-à-dire
son Église, et appeler la communauté à participer à la les évêques ayant à leur tête le successeur de Pierre,
mission de toute l’Église dans le monde actuel. En tant Jésus Christ veut que son peuple s’accroisse sous
que représentant de l’Église universelle, le ministre l’action du Saint-Esprit, et il accomplit la communion
ouvre l’horizon de la congrégation locale à une vision dans l’unité dans la profession d’une seule foi, dans la
plus large183. Ce rôle est bien mis en lumière lors de célébration commune du culte divin, dans la concorde
son ordination où, dans la plupart des Conventions et fraternelle de la famille de Dieu »185.
Unions baptistes, il reçoit l’imposition des mains de la 182. Le ministère d’episkopè ou surveillance,
part des représentants des Unions d’Églises et de qui prend racine dans le Nouveau Testament, est
l’Église locale. un service dont l’un des principaux buts est la
179. L’episkopè personnelle est établie par le promotion de l’unité de la communauté chré-
Christ pour le bien de l’Église. tienne.
180. Pour les baptistes, les ministères ordonnés as-
surent le bien et le bon ordre de l’Église. Ils savent que,
pour des raisons pratiques, certaines Églises locales ne 184. Confession de foi (Londres 1677), XXVI.8. De même le Credo
sont pas toujours en mesure d’avoir l’episkopè (surveil- orthodoxe (Londres 1679) XXXI. D’après la Confession de foi (Londres
lance) d’un pasteur ordonné. Lorsque cette surveillance 1644), XXXVI, anciens et diacres sont nommés par le Christ pour
que l’Église soit « nourrie, gouvernée, servie et édifiée ».
fait défaut, la congrégation est placée sous l’episkopè de 185. « Décret sur l’œcuménisme [Unitatis redintegratio] », 2. Ce rôle
ses réunions ecclésiales et de ses responsables locaux, est bien résumé aussi au début de chacun des trois premiers
par exemple de ses diacres. Mais même dans les Églises paragraphes de Lumen Gentium qui décrit la fonction prophétique,
baptistes où le diaconat est un office ordonné, les laïcs sacerdotale et royale du gouvernement des évêques. « Parmi les
sont toujours appelés à participer au leadership spirituel charges principales des évêques, la prédication de l’Évangile est la
première » (LG 25). « L’évêque, revêtu de la plénitude du sacrement
de l’Église locale. L’episkopè du pasteur est certainement de l’Ordre, porte la responsabilité de dispenser la grâce du suprême
essentielle et répond à la volonté du Christ pour sacerdoce, en particulier dans l’Eucharistie qu’il offre lui-même ou
dont il assure l’oblation, et d’où vient à l’Église continuellement vie
et croissance » (LG 26). « Les évêques les dirigent comme vicaires et
182. Forms of Ministry among Baptists. Towards an Understanding of légats du Christ, par leurs conseils, leurs encouragements, leurs
Spiritual Leadership. Un document de discussion du Comité de la exemples, mais aussi par leur autorité et par l’exercice du pouvoir
Doctrine et du Culte de l’Union baptiste de Grande-Bretagne sacré, dont l’usage cependant ne leur appartient qu’en vue de
(Union baptiste, Londres, 1994), p. 25. Traduction française du l’édification en vérité et en sainteté de leur troupeau, se souvenant
traducteur. que celui qui est le plus grand doit se faire le plus petit, et celui qui
183. Forms of Ministry Among Baptists, p. 30. commande, le serviteur (voir Lc 22, 26-27)’ (LG 27).
58
183. D’après ce qui précède, on peut voir que pour 21). L’Écriture atteste que l’Église est fondée sur
les baptistes comme pour les catholiques, celui qui les apôtres et sur les prophètes (Ep 2, 20, 3, 5), tout
exerce l’office de surveillance (episkopè) exerce dans en soulignant que son seul fondement est Jésus
l’Église locale (quelle que soit le sens que l’on donne à lui-même (1 Co 3, 11).
ce terme) un rôle spécial qui consiste à la relier à 187. L’unité de l’Église requiert l’unité de la foi. Cela
l’ensemble des autres Églises au niveau trans-local. vaut non seulement au niveau local ou régional, mais
Pour les catholiques, ce n’est pas seulement l’une des aussi à un niveau plus large, si l’on considère que tous
fonctions de cet office, mais une nécessité structurelle les chrétiens du monde entier font partie de l’unique
et sacramentelle en vue de l’unité de l’Église universelle. corps du Christ. L’unité de la foi est exprimée dans
Cependant, les communautés catholiques et baptistes l’Écriture par la Parole inspirée de Dieu ; elle est résu-
mettent l’accent sur des aspects différents de l’unité de mée dans les professions de foi courtes du Nouveau
l’Église. Les baptistes soulignent la liberté des congré- Testament telles que : « Jésus est le Seigneur » (Rm 10,
gations locales placées sous le gouvernement du Christ 9 ; 1 Co 12, 3 ; Ph 2, 11) ; elle est professée dans
et liées entre elles par des rapports fraternels. Les ca- l’ordonnance du baptême au nom du Père, du Fils et
tholiques soulignent l’unité et l’universalité de toute la du Saint-Esprit ; et elle se reflète dans les doctrines tri-
communauté catholique, sans les diversités paralysantes nitaire et christologique (ou « dogmes ») des premiers
légitimées et parfois même encouragées par conciles. Cette unité dans la foi a aussi ce qu’on pour-
l’ecclésiologie de communion. rait appeler une dimension « spirituelle », distincte mais
184. La prière de Jésus « Que tous soient un liée à sa dimension plus proprement doctrinale. Ceux
afin que le monde croie » (Jn 17, 21) établit la qui aiment personnellement Jésus Christ, le Seigneur et
vocation commune de tous les chrétiens à être Sauveur, qui mettent leur confiance en lui et s’efforcent
unis, en se conformant ainsi à la volonté de leur de le suivre dans leur vie de tous les jours, sont réelle-
Seigneur. Cette unité est à la fois spirituelle et ment des frères et des sœurs, même s’ils appartiennent
visible. à une autre Église et si les offices ou ministères sont
185. Les baptistes manifestent une certaine pru- différents dans leur Église.
dence quant à la nature et l’ampleur de cette visibilité, 188. Les catholiques professent régulièrement leur
et ils ne sont pas tous d’accord pour considérer les foi commune dans les credo, et en particulier dans le
structures visibles d’unité mises en place au-delà de credo des Apôtres et le credo de Nicée-Constantinople,
l’Église locale comme une réalité ecclésiale (voir n. 25). tandis que cette pratique n’est pas fréquente chez les
Cependant ils reconnaissent avec les catholiques qu’un baptistes. Ensemble, catholiques et baptistes croient
certain degré de visibilité est nécessaire, compte tenu que les paroles de ces credo sont un concentré des vé-
du motif pour lequel Jésus a demandé l’unité : « Pour rités exprimées dans les Écritures, sans leur attribuer la
que le monde croie ». Il faut donc qu’il y ait une forme même valeur qu’aux Écritures (voir n. 59). Néanmoins,
d’unité visible. Les Actes des Apôtres soulignent à à cause de leur lien avec l’office d’enseignement de
maintes reprises l’harmonie de la première commu- l’Église, les credo ont une autorité normative pour les
nauté, une harmonie que tous pouvaient voir et qui les catholiques. De leur côté, les baptistes adhèrent au
attirait. Ils nous parlent aussi d’une initiative pour sur- contenu des credo et les recommandent explicitement
monter les divisions qui menacent la communauté tout dans certaines confessions de foi comme témoignages
entière, au-delà du niveau local, à l’aide d’un discerne- fiables : ainsi, la confession d’un groupe d’Églises bap-
ment commun sous la conduite de l’Esprit Saint (Ac tistes générales anglaises déclarait en 1679 qu’il fallait
15). Les Lettres aux Éphésiens (4, 3) et aux Colossiens « recevoir » et « croire dans » le credo des Apôtres, dans
(1, 21-23) soulignent l’unité du corps du Christ dont le credo de Nicée et dans le Symbole d’Anastase, et que
Jésus est la Tête (Col 1, 18 ; Ep 1, 22-23). L’unité n’est les chrétiens devaient être « instruits par les ministres
pas une création de l’Église, mais un don donné et du Christ dans leur connaissance »186. En général, les
reçu : elle doit être trouvée et préservée. La notion credo n’ont pas la même autorité pour les baptistes que
même de « corps du Christ » renvoie à la présence du pour les catholiques ; mais catholiques et baptistes
Christ dans le monde, à sa manifestation et à sa visibi- croient que l’autorité des credo dépend de leur capacité
lité dans l’Église. En même temps, le don de l’unité ap- de refléter l’Écriture.
pelle une réponse de notre part.
186. L’unité de l’Église, à tous les niveaux, est
le reflet de son apostolicité, qui s’exprime à la fois
186. Credo orthodoxe XXXVIII ; les credo sont alors imprimés en
par la foi et par le ministère. La foi de l’Église est entier. Au XXe la confession baptiste en langue allemande utilisée
apostolique parce qu’elle est fidèle à la Révélation, en Allemagne, en Autriche et en Suisse déclare qu’« elle tient le
consignée dans l’Écriture et transmise au cours Credo des Apôtres pour la confession commune des chrétiens »
des siècles. Son ministère est apostolique parce (Parker, Baptists in Europe, p. 57) ; les baptistes de Norvège et de
Finlande reconnaissent le « contenu » du Credo des Apôtres et du
qu’il transmet la foi apostolique (2 Tm 2, 2 ; 1 Co Credo de Nicée (Parker, Baptists in Europe, p. 111). Le Credo des
11, 23, 15, 3-5) et qu’il s’efforce de remplir le man- Apôtres a été affirmé et récité par les délégués rassemblés à
dat missionnaire contenu dans les quatre évangiles l’occasion de la fondation de l’Alliance Baptiste Mondiale (Londres
(Mt 28, 16-20 ; Mc 16, 14-18 ; Lc 24, 44-49 ; Jn 20, 1905) et lors de la célébration de son centenaire (Birmingham,
Grande-Bretagne, 2005).
59
189. Outre que les credo, baptistes et catholiques de la Parole dans la communauté188. Toute l’Église
reconnaissent d’autres modalités où l’enseignement et prend part au ministère du Christ, qui est le Verbe de
l’évaluation de l’enseignement jouent un rôle important Dieu, mais le pasteur a la responsabilité principale d’en
dans l’établissement et le maintien de l’unité dans la foi témoigner par sa proclamation et son enseignement, en
apostolique. Les deux communautés utilisent aussi interprétant les paroles écrites de l’Écriture dans les
d’autres moyens pour transmettre et conserver les vé- temps actuels. D’autres membres de l’Église à qui le
rités de la foi, tels que le culte, la prédication, la caté- don d’enseigner a été donné peuvent prendre part au
chèse et les partages de foi auxquels participe tout le ministère de la Parole ; mais c’est le pasteur qui a la
peuple de Dieu. Les écrits des théologiens et le témoi- responsabilité de former, de surveiller et de coordonner
gnage des saints sont aussi des moyens pour trans- tous les enseignements et les prédications dans la con-
mettre la foi. grégation. Ainsi, toute l’Église est appelée à être
190. Un rôle important du ministère d’episkopè « apostolique » en témoignant la bonne nouvelle du
(surveillance) est celui de conserver et de promou- Christ et le pardon des péchés comme le faisaient les
voir la vraie doctrine, en coopération avec la grâce apôtres, mais quelques-uns seulement sont appelés à
de Dieu. être les gardiens de la tradition apostolique. Il peut arri-
ver que le pasteur stimule la congrégation par des pa-
191. Les catholiques croient que la promesse du roles de défi prophétique. L’Église accepte de bon gré
Christ d’envoyer l’Esprit Saint guider la communauté sa surveillance, car elle reconnaît l’appel de son pasteur
dans la vérité (Jn 16, 13 ; cf. 14, 16-17) comporte à exercer son ministère. Mais tout en respectant son
l’assurance que Dieu préserve la communauté de autorité, elle ne renonce pas à sa propre responsabilité
l’erreur quand elle professe les doctrines fondamentales d’interpréter la Parole dans la congrégation, ayant auto-
et normatives de la foi et de la morale. Tel est le sens rité, dans le cadre de l’episkopè commune (voir n. 167),
que la pensée catholique donne au terme « infaillibi- pour discerner qu’un pasteur n’est plus appelé par le
lité ». En ce sens, les catholiques attribuent une telle Christ à exercer son ministère auprès d’elle189. Une telle
autorité au pape et aux évêques. En appliquant ce décision est prise par des personnes faillibles, en toute
terme à certains enseignements du pape, le premier conscience devant le Christ.
concile du Vatican affirma que, dans des circonstances
bien précises et dans certaines limites, le pape, dans son Les associations ou unions baptistes d’Églises (con-
ministère pétrinien, peut exercer l’infaillibilité de ventions) peuvent exercer l’episkopè commune pour ex-
l’Église tout entière. Le Concile Vatican II a précisé que clure une congrégation de l’union, soit pour des motifs
la faculté d’enseigner infailliblement appartient égale- doctrinaux, soit parce que, par ses pratiques, cette
ment au collège des évêques en communion avec le Église n’apparaît plus comme une Église baptiste. Mais
pape, surtout lorsqu’ils sont réunis en concile œcumé- actuellement les baptistes ne croient pas qu’une telle
nique187. Les catholiques croient que l’une des décision puisse être prise au niveau universel. De
responsabilités essentielles du ministère ordonné de même, il n’y a pas accord entre les baptistes et les ca-
surveillance, conférée à chaque nouvel évêque par la tholiques sur le fait que le rôle d’enseigner au niveau
consécration sacramentelle, est de transmettre la doc- universel de la vie de l’Église ait une base dans le Nou-
trine chrétienne en matière de foi et de morale. Et que, veau Testament. Les baptistes rejettent l’idée que
tant individuellement dans leur diocèse qu’en groupe l’Église a le charisme d’enseigner de façon infaillible,
aux différents niveaux de la vie ecclésiale, les évêques attribuant l’infaillibilité uniquement au Christ, le Verbe
enseignent avec une autorité spéciale sous la conduite de Dieu.
de l’Eprit Saint. L’« office » ou « tâche » de 193. Le ministère d’unité, tel qu’il est exercé par
l’enseignement officiel est souvent appelé Magistère, un les « surveillants » (episkopoi), est nécessaire dans
terme appliqué quelquefois aussi à ceux qui exercent l’Église locale et aux différents niveaux où les
cet office ou à l’enseignement lui-même. Églises locales sont regroupées.
192. Les baptistes croient que la communauté, gui- 194. Chez les baptistes, l’episkopos du Nouveau Tes-
dée par l’Esprit Saint, est soumise à l’ordonnancement tament est d’abord le pasteur d’une congrégation locale,
de la Parole de Dieu, qui s’exprime à travers le minis- tandis que chez les catholiques c’est l’évêque, qui veille
tère donné par Dieu. Ainsi le pasteur, en qui la tâche de sur une communauté comprenant un certain nombre
l’episkopè est concentrée, est celui qui a principalement de paroisses. Baptistes et catholiques interprètent diffé-
(mais pas exclusivement) la responsabilité du ministère remment l’exercice de l’episkopè. Alors que les deux
communautés sont d’accord pour dire que ce ministère
est exercé de façon à la fois personnelle, commune et
collégiale (voir n. 173-175), les catholiques insistent
187. Par ex., en proposant un enseignement de la foi révélée plutôt sur la surveillance individuelle, en mettant
divinement. Voir CEC 891 ; cf. Lumen Gentium 25, Dei Verbum 10,2. l’accent sur le caractère personnel du ministère des
Ils peuvent aussi proposer, dans l’exercice du magistère ordinaire,
un enseignement qui conduise à une meilleure intelligence de la évêques. Ce ministère individuel est exercé aussi collé-
Révélation en matière de foi et de mœurs. À cet enseignement
ordinaire « les fidèles doivent donner l’assentiment religieux de leur
esprit » (Lumen Gentium 25) qui, s’il se distingue de l’assentiment de 188. Confession de foi (Londres 1644), XLV.
la foi, le prolonge cependant. Cf. CEC 892. 189. Voir Confession de foi courte (1609), (13)
60
gialement au sein du collège des évêques qui peuvent blées de responsables d’Églises sont plutôt des ins-
faire appel, au besoin, à d’autres structures communes. tances œcuméniques que des instances ecclésiales, tan-
Les baptistes, en revanche, mettent plutôt l’accent sur dis que pour les baptistes elles sont une caractéristique
l’exercice commun de l’episkopè (dans le cadre de de l’Église.
l’Église rassemblée, soit au niveau de l’Église locale, 197. Le Christ est la Tête de l’Église. Sous son
soit au niveau régional ou national) et ne conçoivent autorité suprême, le Nouveau Testament montre
l’episkopè personnelle et collégiale que dans ce cadre, une certaine primauté de leadership exercée par
comme le veut la « surveillance » mutuelle dans la l’apôtre Pierre parmi les Douze, un rôle qui cor-
koinonia de toute l’Église. Ces accentuations différentes respond aux intentions de Jésus.
demeureraient même si les baptistes reconnaissaient
une forme de ministère au service de l’unité de tous les 198. Baptistes et catholiques donnent des interpré-
chrétiens au-delà de la sphère nationale, au niveau uni- tations différentes des textes bibliques qui parlent de
versel. Pierre. S’il est vrai que les trois passages clé de Matthieu
16, 18-19, Luc 22, 31-32 et Jean 21, 15-19 montrent un
195. Les catholiques croient que, outre les instances certain intérêt pour le leadership de Pierre dans la
collégiales chargées de maintenir l’unité, un ministère communauté de l’Église primitive, les baptistes n’y
individuel d’episkopè a été attribué tout spécialement à voient pas une base suffisante pour affirmer le principe
Pierre par le Christ ressuscité, au service de l’unité de d’un « office pétrinien » ou d’un « ministère pétrinien »
toute la communauté. Au premier Concile du Vatican, stable destiné à se prolonger au-delà de la situation de
l’enseignement catholique sur le pape n’avait parlé que la première communauté ecclésiale192.
d’un « primat de juridiction », mais par la suite, ce pri-
mat fut interprété parfois d’une façon qui dépassait les En outre, les baptistes ont soutenu traditionnelle-
intentions de ce concile. Ce serait une erreur de croire ment qu’un passage tel que celui de Jean 21, 15-19 peut
que le « primat de juridiction » peut remplacer ou sup- s’appliquer à n’importe quel pasteur, comme exhorta-
planter le rôle des évêques et des autres ministres dans tion à veiller sur le troupeau du Christ ; il peut être in-
les Églises locales. L’une des contributions de Vatican terprété aussi comme l’assurance donnée à tout chré-
II a été d’insister sur le fait que le primat du pape ne tien qu’il peut être pardonné et qu’il pourra ensuite re-
peut pas être isolé de l’Église tout entière ; il ne peut partir du bon pied. Les baptistes pensent que le « roc »
être vraiment compris que dans le cadre d’une ecclé- dont il est question en Matthieu 16, 18-19 peut se réfé-
siologie de communion. Son but est d’édifier l’Église, et rer à tout disciple qui confesse le Christ, outre qu’à
ce but détermine aussi ses limites. Pierre dans ce contexte précis. Les textes où Pierre est
mentionné ne doivent pas être isolés de ceux où sont
196. Pour le moment, baptistes et catholiques n’ont mentionnés aussi les autres apôtres des premières
pas pu trouver un accord sur la question de savoir si le communautés. Car s’il est vrai que Pierre est cité dans
désir d’unité du Christ pour toute l’Église inclut un mi- beaucoup de versets, il en va de même pour Paul qui
nistère individuel tel que celui de la papauté au service exerçait un ministère d’unité transrégional ; et de
de l’unité universelle, ni sur la façon dont un tel minis- Jacques, qui semble avoir été le chef de la communauté
tère devrait être exercé. La plupart des baptistes de Jérusalem.
pensent qu’un ministère personnel de surveillance uni-
verselle n’est pas nécessaire. S’ils devaient envisager L’évaluation du poids à accorder à ces divers témoi-
une éventuelle participation à un ministère chargé de gnages est une tâche complexe, et cette complexité doit
promouvoir l’unité et la coopération entre les Églises à être prise en compte dans la recherche des preuves bi-
l’échelle mondiale, les baptistes pencheraient plutôt bliques d’un éventuel ministère de primat. En considé-
pour un ministère partagé entre un groupe de per- rant ces données bibliques, les baptistes font une dis-
sonnes, ou exercé à tour de rôle par des représentants tinction entre les différentes strates de la question : a) le
de l’Église appelés par Dieu190. Une telle solution serait rôle de leadership joué historiquement (mais pas exclu-
comparable à celle appliquée pour les instances dans sivement) par Pierre auprès des autres apôtres ; b) la
lesquelles les responsables baptistes participent aux croyance que ce rôle de leadership continue dans un
côtés des responsables catholiques et d’autres dénomi- « ministère pétrinien » après la mort de Pierre ; c) la
nations à un leadership collégial au niveau national, par croyance que le Nouveau Testament confirme la néces-
exemple quand un baptiste a été désigné comme l’un sité d’un ministère universel d’unité personnifié par un
des quatre présidents du conseil œcuménique national episkopos individuel ; d) la croyance, fondée sur la pré-
Together in England191. Pour les catholiques, ces assem- sence et le témoignage de Pierre à Rome, que le « mi-
nistère pétrinien » exerce ce ministère universel de fa-
çon continue et qu’il est représenté par l’Évêque de
190. Voir la réponse à Ut unum sint de l’Union baptiste de Grande- Rome.
Bretagne sur laquelle la Conférence des évêques de Grande-
Bretagne et d’Irlande a réfléchi : One in Christ. Ecumenical Notes and
Documentation No. 4 (1999), pp. 360-65.
191. Il existe un système de rotation selon lequel deux des quatre
présidents sont toujours les primats anglican et catholique romain 192. Par exemple, ces trois textes sont rappelés par Jean-Paul II
en Angleterre, les deux autres places sont réservées à un dans Ut unum sint, 91, et plus récemment par la Congrégation pour
responsable d’une Église libre et un responsable d’une autre Église la Doctrine de la Foi du Vatican dans « Le primat du Successeur de
pour une période de temps limitée. Pierre dans le mystère de l’Église », 3.
61
Pour les catholiques, ces quatre strates sont intime- 202. Les baptistes pensent que l’histoire et la répu-
ment liées entre elles, et l’expression « ministère pétri- tation de la papauté comporte à la fois des aspects po-
nien » les embrasse toutes. Les discussions avec les sitifs et négatifs qui demandent à être réévalués au-
autres communions rendent nécessaire une évaluation jourd’hui. La place importante de Rome dans la com-
mutuelle de ces strates, de leurs implications, et des munauté chrétienne est due à son lien avec le ministère
rapports qui existent entre elles. Nombre de baptistes et le martyre des apôtres Pierre et Paul. Le ministère
reconnaissent le premier point, qui est historique, et d’unité de certains évêques de Rome demeurés cé-
quelques-uns d’entre eux sont prêts à se laisser con- lèbres, tels Léon Ier au temps du concile de Chalcé-
vaincre du troisième, tout en considérant l’institution doine, est reconnu par beaucoup de communautés
d’un ministère universel d’episkopè comme un dévelop- chrétiennes. Dans les premiers siècles de notre ère,
pement post-biblique. Les deux autres points sont en- nombreux étaient ceux qui venaient demander le sou-
core plus controversés. De leur côté, les catholiques tien du pape ou qui s’adressaient à lui en cas de conflit,
affirment que le développement post-biblique d’un mi- ce qui montre bien la valeur attribuée généralement à
nistère au service de l’unité universelle de l’Église son ministère. Mais en même temps, les baptistes
trouve son fondement dans l’Écriture. pensent que cette histoire comporte aussi des événe-
199. La question du rapport entre ministère prima- ments et des décisions qui n’ont pas eu un effet unifi-
tial et Église locale de Rome est également controver- cateur. Baptistes et catholiques tirent donc des conclu-
sée. Alors que l’Écriture ne parle pas de leur mort, la sions différentes de l’usage qui a été fait de l’autorité
tradition historique selon laquelle Pierre et Paul au- papale dans l’histoire, même lorsqu’ils sont d’accord
raient été martyrisés à Rome, en rendant ainsi leur der- pour reconnaître les faits en question.
nier témoignage au Christ dans cette ville, est largement 203. Le témoignage rendu par les papes dans les
acceptée par les baptistes, par les catholiques et par de dernières décennies sur des vérités et des valeurs évan-
nombreux autres chrétiens193. Nous reconnaissons géliques chères à la communauté baptiste a amené
qu’en dépit des autres questions soulevées dans le cadre nombre de responsables et de théologiens des Églises
de la lutte de pouvoir entre l’Empire romain baptistes à réviser leurs anciennes positions sur la pa-
d’Occident et celui d’Orient, le lien historique avec les pauté. En particulier, le pontificat long et dynamique de
martyres de Pierre et Paul est un facteur qui joue en fa- Jean-Paul II, avec sa forte présence dans les médias, a
veur du rôle particulier de l’Église de Rome et de ses parlé à l’imagination des baptistes. Nombreux sont les
évêques en vue de maintenir la fidélité au témoignage baptistes qui voient désormais des avantages concrets
des apôtres. au fait d’avoir une voix qui parle au nom de toute la
À ce stade encore précoce des conversations entre communauté chrétienne. Cette voix a une fonction
baptistes et catholiques, aucun accord sur le ministère prophétique lorsqu’elle se base sur l’Écriture et pro-
de primat n’a pu être enregistré. Toutefois la clarifica- clame les vérités éternelles de la foi chrétienne en notre
tion de ces questions pertinentes est déjà en elle-même temps. L’utilité de ces enseignements pour la catéchèse
un début prometteur en vue d’un travail plus appro- et pour la solidarité sociale s’étend bien au-delà de la
fondi dans l’avenir. seule Église Catholique, en assumant les caractéris-
tiques d’un ministère d’unité.
200. Les erreurs historiques commises dans le
passé tant par les baptistes que par les catholiques 204. S’il n’y a pas d’accord substantiel sur un mi-
doivent être affrontées dans un esprit de repen- nistère d’unité universel, il existe en revanche au-
tance, par des actions appropriées dans le présent. jourd’hui des instances où catholiques et baptistes par-
tagent des ministères qui ont un effet unificateur à
201. La nouvelle situation créée par l’esprit l’échelle mondiale. En tant que figure reconnue dans le
d’œcuménisme appelle tous les frères et les soeurs en monde entier, le pape est en mesure de promouvoir
Christ à réexaminer le passé et, si nécessaire, à réviser avec d’autres responsables chrétiens et leurs commu-
certaines attitudes prises autrefois par les membres de nautés des actions communes dans les domaines cultu-
nos communautés. Dans nos deux communions chré- rel, scientifique, éthique et théologique. La participation
tiennes, nombreux sont ceux qui entendent se dissocier plus nombreuse des laïcs et des ministres d’autres
des jugements négatifs portés autrefois les uns sur les Églises aux synodes des évêques de l’Église Catholique,
autres. Du côté catholique, les erreurs historiques ont et la participation des catholiques aux divers conseils et
été reconnues, notamment par Jean Paul II dans son assemblées des Églises baptistes, sont des moyens pour
encyclique sur l’œcuménisme Ut unum sint (« Qu’ils promouvoir l’unité qui ne requièrent pas l’union entre
soient un »), et dans les liturgies de réconciliation telles les Églises. Une initiative utile, de la part des baptistes,
que celle du premier Dimanche de Carême du Jubilé de pourrait être de donner une réponse formelle à
l’an 2000. De leur côté, nombre de baptistes souhaitent l’invitation lancée par Jean-Paul II dans Ut unum sint de
oublier les termes peu flatteurs appliqués à la papauté réfléchir ensemble à un ministère d’unité à tous les ni-
par leurs ancêtres dans des circonstances bien diffé- veaux où il peut être exercé, et qui soit acceptable pour
rentes. les autres chrétiens dans la nouvelle situation œcumé-
nique. Par ailleurs, tous les responsables qui guident
193. La tradition selon laquelle Pierre et Paul furent martyrisés à nos communautés aux niveaux local, régional, national
Rome est rappelée par Jean-Paul II dansUt unum sint, 90.
62
et universel doivent être encouragés à formuler et à contemporain196. Ce fut réellement une expérience
mettre en œuvre des actions communes réalisables dès d’« échange de dons », pour citer une phrase mémo-
à présent194. rable de Jean-Paul II197. Et tout comme les participants
aux premières conversations de 1984-88, nous remer-
cions le Seigneur pour le don d’être ensemble.
VII. RÉFLEXIONS CONCLUSIVES
Élaborer une pensée commune Progresser ensemble
205. Dans nos conversations, nous avons examiné 206. L’une des principales avancées que nous avons
ensemble, attentivement et patiemment, les principales réalisée ensemble a trait à notre compréhension du
questions qui nous séparent, et qui avaient été identi- rapport entre Écriture et Tradition. À une exception
fiées au préalable comme étant particulièrement diffi- près (l’expression « avec un égal sentiment d’amour et
ciles (voir n. 4). On trouvera donc dans ce rapport une de respect » appliquée à l’Écriture et à la Tradition, voir
quantité de détails, mais nous sommes convaincus que n. 65), nous avons découvert que nous partageons la
jamais une tentative aussi poussée n’avait été réalisée croyance qu’Écriture et Tradition se fondent sur une
jusqu’à présent pour définir aussi précisément que pos- unique source, à savoir la Révélation de Dieu en Jésus
sible les convergences et les divergences entre les chré- Christ. Quelques différences subsistent quant aux im-
tiens catholiques et baptistes. Nous espérons que ceux plications pratiques de ce principe théologique, que ce
qui liront ce rapport avec sympathie y trouveront une soit sur les poids respectifs de l’Écriture et de la Tradi-
quantité surprenante de convergences et de pensée tion ou sur les différentes exégèses de l’Écriture dans
commune, non seulement dans les résumés en carac- l’enseignement de l’Église : on peut en trouver
tères gras, mais aussi dans les comparaisons entre les quelques exemples dans les paragraphes sur Marie et
points de vue des catholiques et des baptistes. sur la surveillance (episkopè) dans l’Église. Mais ayant
Il apparaît qu’une grande partie de la théologie reconnu que nous travaillons sur une base en grande
sous-jacente à ces conversations nous est commune. partie commune, nous pourrons désormais parler de
Nous avons commencé par le thème de la Parole de ces différences de façon constructive au lieu de nous
Dieu dans la vie de l’Église : « La Parole de Dieu dans limiter à constater qu’il y a impasse, et travailler à nous
l’Église, au sens le plus plein du terme, est le Christ lui- rapprocher encore davantage.
même, qui règne en Seigneur par la puissance et la 207. De même, nous avons proposé une certaine
grâce de l’Esprit » (n. 7). Notre point de départ com- convergence théologique sur la question du baptême :
mun a donc été que le Verbe fait chair nous introduit nous sommes d’accord en principe sur le fait que le
dans la communion trinitaire de Dieu, laquelle crée la baptême n’est pas un acte isolé, mais qu’il s’inscrit dans
communion de l’Église, en sorte que la koinonia de un parcours d’initiation chrétienne. C’est là une pers-
l’Église participe de la koinonia de la Trinité (n. 8-10).195 pective commune, en ligne avec celle réalisée entre
Partant de là, nous avons découvert qu’il existe de baptistes et anglicans. Même si quelques divergences
nombreux points communs dans nos principes théolo- subsistent sur le baptême (voir n. 103, 112), nous dis-
giques sur l’Écriture, la Tradition, les sacre- posons maintenant d’une base solide pour avancer vers
ments/ordonnances, la place de Marie dans la vie de une reconnaissance mutuelle du parcours d’initiation
l’Église, l’ordre ecclésial et le ministère de surveillance chrétienne. Nous ne sommes plus bloqués par ce qui
(episkopè). Dans ce rapport, nous avons voulu attirer apparaissait comme un fossé infranchissable entre la
l’attention sur ces points communs. Les divergences, pratique du baptême des petits enfants et celle du bap-
toujours regardées avec respect, sont dues bien souvent tême des disciples « professants ».
à la façon dont nos communions respectives se sont
développées, par rapport à des conflits historiques et
Reconsidérer les anciennes questions
dans des contextes sociaux différents. Cette réflexion
menée ensemble a beaucoup favorisé la compréhension 208. Avec la création d’un espace théologique
mutuelle et la sympathie entre nous, tout en dissipant commun dans lequel dialoguer, chaque délégation a été
des malentendus tenaces. Travailler ensemble nous a amenée à reconsidérer quelques-unes de ses prises de
permis non seulement de réaffirmer plus clairement position traditionnelles. Notre réexamen du riche ba-
nos convictions, mais aussi de les repenser dans une gage de témoignages bibliques sur Marie, la Mère de
perspective nouvelle, par un exercice d’« œcuménisme Jésus, nous a conduits à une compréhension commune
réceptif » selon l’expression d’un courant de pensée de Marie comme modèle des disciples dans la koinonia
de l’Église. Les participants baptistes à ces conversa-
tions ont eu ainsi l’occasion d’entamer une réflexion
sur la façon dont ils l’honorent et d’affirmer la place
66
3e Rencontre : Marie dans la communion de « A Baptist Reflection on the Virgin Mary » (Une ré-
l’Église flexion baptiste sur la Vierge Marie), par la Dr Nora
Lozano
Duke Divinity School, 14-20 décembre 2008
« Mary in the Light of Scripture and the Early Church:
4e Rencontre : Surveillance et Primat dans le mi-
A Catholic View » (Marie à la lumière de l’Écriture et
nistère de l’Église
de l’Église primitive : le point de vue d’un catholique),
Rome, 13-19 décembre 2009
par le Dr Krzysztof Mielcarek
« Catholic Ecclesiology » (Ecclésiologie catholique) par
« Mary in the Light of Scripture and the Early Church:
Sr Susan K. Wood, SCL
A Baptist View » (Marie à la lumière de l’Écriture et de
l’Église primitive : le point de vue d’un baptiste), par la « Baptist Ecclesiology » (Ecclésiologie baptiste), par le
Dr Elizabeth Newman Dr Curtis Freeman
« Mary in the Light of Ongoing Tradition: A Baptist « The Idea of Episkopè, Local and Universal, in Baptist
View » (Marie à la lumière de la Tradition : le point de Tradition » (L’idée d’episkopè locale et universelle dans
vue d’un baptiste), par le Dr Timothy George la tradition baptiste) par le Rév. Tony Peck
« Mary in the Light of Ongoing Tradition: A Catholic « The Idea of Episkopè in Relation to Scripture and
View » (Marie à la lumière de la Tradition : le point de Tradition: A Catholic View » (L’idée d’episkopè par
vue d’une catholique), par Sr Sara Butler, MSBT rapport à l’Écriture et à la tradition : le point de vue
d’un catholique), par le P. Jorge Scampini, OP
« Mary and Contemporary Issues of Inculturation and
Spirituality: The Sanctity of Life » (Marie et les ques- « The Petrine Office: A Baptist Approach » (L’office
tions actuelles d’inculturation et de spiritualité : la sain- pétrinien : une approche baptiste), par le Dr Tadeusz
teté de vie), par le Dr Peter Casarella Zelinski
« Mary and Contemporary Issues of Inculturation and « Contemporary Developments of the Petrine Office,
Spirituality: Mary Challenges the Debate on Women » including the Ministry of Unity as Outlined in Ut unum
(Marie et les questions actuelles d’inculturation et de sint » (Développements contemporains sur l’office
spiritualité : Marie, un défi dans le débat sur les pétrinien, et en particulier sur le ministère d’unité, tel
femmes), par la Dr Teresa Francesca Rossi qu’il est esquissé dans Ut inum sint), par le P. William
Henn, OFM Cap.
67
COMMENTAIRE SUR « LA PAROLE DE DIEU DANS LA VIE DE L’ÉGLISE »
Une réflexion catholique sur le Rapport du dialogue international
entre l’Église Catholique et l’Alliance Baptiste Mondiale 2006-2010
Thomas A. Baima*
Avril 2013
I. Introduction
55. Voir Jean Paul II, Catéchèse sur le Credo, Vol. IV: L’Église, mystère,
54. Ibid. sacrement et communauté (Paris: Cerf, juillet 1990).
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